Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • P. Cordery (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Philip Cordery.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, ça y est, nous y sommes ! Il est une heure quarante-cinq, nous achevons notre discussion générale. Ça y est, nous y sommes, la France va enfin devenir un pays normal ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Un pays normal, c’est quoi ?

    M. Philip Cordery.

    Elle va rejoindre le concert des nations qui ont déjà légiféré pour offrir l’égalité à tous les couples quelle que soit leur orientation sexuelle : Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Danemark, Suède, Afrique du Sud, Argentine, Canada, Uruguay et de nombreux États du Brésil, du Mexique et des États-Unis.

    M. Hervé Mariton. Et tous les autres ?

    M. Bernard Roman. L’Inde, la Chine, le Pakistan, c’est cela qui vous intéresse ?

    M. Philip Cordery.

    Dans tous ces pays, le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe sont devenus banals. Et, n’en déplaise à certains, leurs sociétés n’ont en rien été déstabilisées.
     
    En juin dernier, les Français ont choisi le changement, c’est maintenant à notre tour de prendre nos responsabilités, conformément aux engagements du Président de la République.
     
    Ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe est une question de justice, une question d’égalité, une question de progrès.

    M. Hervé Mariton. Non !

    M. Philip Cordery.

    L’égalité, c’est qu’aucune discrimination ne puisse être faite entre les couples en fonction de leur orientation sexuelle. Le progrès, c’est qu’un enfant puisse être élevé dans une famille aimante, quel que soit le sexe de ses parents. La justice, c’est de mettre un terme à l’insécurité juridique actuelle qui existe pour des milliers de familles. En revanche, ce qui est injuste, inégalitaire et rétrograde, c’est de vouloir dénier le droit au mariage aux couples gays et lesbiens. C’est pourtant bien la position défendue par une grande partie de la droite de ce pays et avec quelle violence idéologique ! L’opposition donne une image déplorable des débats et je m’en désole ! Les propositions fallacieuses d’union civile,…

    M. Hervé Mariton. Pourquoi fallacieuses ?

    M. Philip Cordery.

    …d’alliance civile, de super-PACS ou d’autres inventions du même type qui seraient réservées aux seuls couples homosexuels institueraient une loi d’exception qui stigmatiserait encore un peu plus les homosexuels. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Il faut être inventif ! L’invention au pouvoir !

    M. Philip Cordery.

    Sans parler des mensonges propagés sur le parent 1 et le parent 2 ou de votre fâcheuse habitude de jouer sur les peurs en faisant croire que la GPA est à l’ordre du jour…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Philip Cordery.

    …alors qu’il n’en a jamais été question ! Dans aucun pays du monde, des lois d’exception n’ont été votées, dans aucun pays du monde nous n’avons eu affaire à un tel déferlement de violences verbales, dans aucun pays du monde nous n’avons entendu tant de mensonges !

    M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. Allons ! Allons !

    M. Philip Cordery.

    Chers collègues de l’opposition, ouvrez-vous au monde et rendez-vous compte de la réalité en dehors de nos frontières ! Dans la plupart des États ayant ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, c’est l’ensemble de la classe politique qui a voté pour ; dans aucun État la loi n’a été remise en cause. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Pourquoi ? Parce que c’est le sens de l’histoire de faire évoluer la société vers plus d’égalité. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Philip Cordery.

    Même le très conservateur David Cameron, un de vos amis, a proposé l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. C’est en regardant parfois ce qui se passe ailleurs que la France pourra avancer.
     
    Je tiens à saluer le rapporteur qui a décidé, suivant mon invitation, de se rendre à Bruxelles avec une délégation de parlementaires de la commission des lois et qui a organisé une table ronde européenne pour s’inspirer des exemples de nos voisins.

    M. Philippe Gosselin. C’était assez édifiant !

    M. Philip Cordery.

    Ces initiatives ont permis de comparer les législations, de comprendre les difficultés auxquelles s’étaient heurtés d’autres législateurs et d’apprendre des solutions qu’ils y avaient apportées. L’amendement « balai » d’Erwan Binet doit par exemple beaucoup à cette ouverture.
     
    Ce déplacement a également permis de se rendre compte à quel point la question est considérée comme banale dans les pays qui ont légiféré, mais aussi d’appréhender la situation de nombreux Français obligés de s’installer à l’étranger simplement pour se marier ou obligés d’effectuer de nombreux aller-retour simplement pour pouvoir avoir un enfant.
     
    Et je pense aujourd’hui avec émotion aux centaines de Françaises et de Français de Belgique, des Pays-Bas ou d’ailleurs dont les couples et les familles y sont reconnues mais sont encore illégitimes en France.

    M. Hervé Mariton. Et les enfants issus d’une GPA ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. Philip Cordery.

    Ils pourront dans quelques jours, dans quelques mois, rentrer avec fierté dans leur pays en disant : « voici ma femme », « voici mon mari », « voici mon enfant », « voici ma famille ». Ils pourront enfin vivre leur amour et élever leurs enfants là où ils le souhaitent !
     
    Nous avons pu voir aussi à quel point nos voisins nous regardent avec étonnement et stupéfaction. La France des droits de l’homme hésiterait-elle à faire avancer l’égalité ? Il est de notre devoir de dissiper ces doutes en adoptant cette loi rapidement.
     
    Nous nous inscrivons dans une dynamique d’égalité et continuerons à aller de l’avant, comme l’ont fait tous les pays qui ont introduit le mariage et l’adoption pour tous.
     
    Nous aurons l’occasion plus tard dans l’année de débattre, dans le cadre d’une loi sur la famille, de l’ouverture de la PMA à tous les couples de femmes et de la présomption de parentalité.

    M. Philippe Gosselin. Ah, vous voyez bien qu’elle est là, avec la circulaire sur la GPA !

    M. Philip Cordery.

    Mes chers collègues, chacun a pu s’exprimer ces derniers mois, en commission, en séance publique, au cours de nombreuses auditions, de missions, dans les médias ou même lors des manifestations. Personne ne peut honnêtement affirmer que le débat n’a pas eu lieu.
     
    Tentons maintenant d’offrir au monde une image apaisée et grandie de la France. Votons tous ensemble ce texte qui représente un véritable progrès social pour notre République, une amélioration de la vie quotidienne de nombreux concitoyens.
     
    L’honneur de la France, c’est la conquête de l’égalité. Soyons aujourd’hui à la hauteur de cette ambition et votons cette loi pour faire avancer l’égalité, le progrès et la justice. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
  • ☛ Conclusion par D. Bertinotti (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

    Monsieur le président, mesdames, messieurs, je voudrais tout d’abord me tourner vers les bancs de la majorité pour remercier chaleureusement les orateurs des mots justes, forts, émouvants qu’ils ont prononcés afin de faire en sorte que soit votée cette loi qui représente une belle avancée pour l’égalité.
     
    Je voudrais aussi me tourner vers les députés de l’opposition et leur demander de faire le compte du temps qu’ils ont passé à mener un débat sur le débat, un débat sur l’opportunité d’un référendum alors qu’ils en connaissaient l’issue, un débat sur la PMA et la GPA, qui ne font pas partie du projet de loi qui leur est soumis.

    M. Hervé Mariton. Elles le seront bientôt !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je vous le demande : pourquoi passez-vous si peu de temps à l’examen du texte lui-même ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Auriez-vous si peu d’arguments à nous opposer contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ? Auriez-vous si peu d’arguments à nous opposer sur l’adoption que pour seul viatique vous ayez usé de l’instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant en suscitant les peurs afférentes ?

    M. Hervé Mariton. Cela n’a rien d’instrumental !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Je vous ferai deux remarques.
     
    La première concerne le mariage : pourriez-vous souffrir qu’il n’y ait plus une vision unique du mariage ? Le mariage peut être aujourd’hui autre chose qu’une institution faite uniquement pour l’encadrement social de la procréation. Peut-on reconnaître que le mariage et le sentiment puissent aller de pair ?
     
    Vous invoquez souvent l’histoire pour plonger l’institution du mariage dans les siècles. Justement, plongeons dans l’histoire : pouvez-vous songer un seul instant que le mariage ait été avant tout un moyen contractuel de pérenniser et de transmettre un patrimoine dans les milieux les plus fortunés, c’est-à-dire la noblesse ?

    M. Hervé Mariton. Dans tous les milieux !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    C’est pourtant faux : nos aïeux – des paysans, pour l’essentiel – invoquaient déjà le fait que le mariage puisse être aussi et surtout la reconnaissance de l’amour, car ils n’avaient, eux, rien d’autre à transmettre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Nicolas Dhuicq. Quelle vision de l’histoire !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Cessez donc d’avoir cette vision unique du mariage, ou assumez-la clairement.
     
    Ma seconde remarque concerne l’enfant ; nous aurons très certainement l’occasion d’y revenir lors de l’examen de certains amendements. Vous soutenez qu’un enfant aurait impérativement besoin d’un père et d’une mère ; avec vous, il ne fait vraiment pas bon appartenir à une famille monoparentale ! Or celles-ci représentent aujourd’hui 20 % des familles. Je veux dire aux enfants qui vivent dans de telles familles de ne pas écouter vos arguments, car ce ne sont que souffrances, blessures et un sombre avenir que vous leur prédisez.

    M. Nicolas Dhuicq. Vous interdisez déjà la lecture de Lacan !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    J’en veux pour preuve le livre d’Henri Guaino, dans lequel l’auteur développe une vision très apocalyptique.

    M. Hervé Mariton. C’est souvent vrai, madame, hélas !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    S’il suffisait d’un père et d’une mère pour faire le bonheur d’un enfant, cela se saurait depuis fort longtemps. Je vous citerai à ce propos Élizabeth Badinter : « […] ce n’est pas parce qu’on devient mère ou père que l’on est bon parent […]. Ce n’est pas parce que l’on a porté et mis au monde un enfant et que l’on est doté des hormones du maternage que l’on saura aimer cet enfant. […] Combien de pères fouettards, lointains, voire carrément absents se sont-ils succédé depuis l’origine des temps ? […] la parenté hétérosexuelle n’est pas la panacée universelle. Pourtant, nul ne songe à demander des comptes aux futurs parents hétérosexuels. »

    M. Hervé Mariton. Ce n’est en aucun cas une démonstration !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Permettez-moi également d’ajouter un mot sur l’adoption. Il faut que cesse le faux débat que vous alimentez sur la contradiction qui existerait entre l’intérêt de l’enfant et celui de l’adulte.
     
    Vous définissez l’adoption comme une famille que l’on attribuerait à l’enfant adopté ; ce serait toutefois méconnaître que pendant très longtemps les familles adoptives cachaient à leur enfant qu’il était adopté, ce qui correspondait à la volonté d’avoir un enfant substitut. Nous savons les dégâts que de telles pratiques ont causés parmi ces enfants qui longtemps ont cru à une histoire biologique sans lien avec la réalité.
     
    Alors que l’adoption internationale se raréfie – pour le mieux, car souvent c’est la conséquence du développement économique des pays concernés et de l’adoption des enfants par des nationaux –, alors que la France, contrairement à l’Italie ou à l’Espagne, a beaucoup de réticence à adopter des enfants déjà âgés et parfois en fratrie, ou même avec des problèmes de santé, il faut faire preuve de prudence quand on parle au nom de l’intérêt de l’enfant.
     
    Enfin, j’entends sur les bancs du groupe UMP que personne n’est homophobe et que l’on pourrait même « sacraliser » – j’emprunte ce terme à M. Patrick Ollier car, étant naturellement laïque, ce n’est pas celui que j’aurais employé – l’union des homosexuels en mairie. Je tiens à rappeler que, il y a peu de temps encore, j’étais maire d’un arrondissement parisien et que dans toutes les mairies de gauche nous avons célébré les PACS en mairie, précisément parce que nous trouvions très discriminatoire le fait que les couples signant des contrats de ce type ne puissent pas avoir accès à la mairie.

    M. Hervé Mariton. Et que faites-vous de la loi ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Je n’ai pourtant jamais vu un seul élu de droite célébrer un PACS en mairie.

    M. Hervé Mariton. Alors changeons la loi !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    La position de ces élus évolue aujourd’hui ; tant mieux ! Car il faut aussi avoir un peu de courage et savoir anticiper la législation.

    M. Hervé Mariton. Anticiper la loi ?

    M. Philippe Gosselin. Être dans l’illégalité pour anticiper la loi, bravo !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    À ce titre, je tiens à rendre hommage à Franck Riester pour les propos qu’il a tenus : il évoquait justement sa fonction de maire et expliquait en des termes très forts et très justes combien le fait de pouvoir offrir à un couple homosexuel accompagné de sa famille la reconnaissance de la République et, par là même, de l’ensemble de la société c’était aider les homosexuels et leur famille et affirmer ce droit à l’indifférence, ce droit égalitaire que vous avez du mal à voter.
     
    Pour conclure mon propos, je souhaite revenir sur les discours de MM. Copé et Fillon, les deux présidents du groupe UMP.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Non, il n’y en a qu’un !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Je n’irai pas jusqu’à dire « les deux pères »…
     
    L’un se veut, je le cite, l’homme des « accommodements raisonnables ». (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Quel mépris pour nos concitoyens homosexuels dans cette expression ! Quelle politique discriminatoire profondément antirépublicaine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je lui laisse volontiers la responsabilité de ce type de propos !
     
    Lorsque j’entends François Fillon en appeler au rassemblement, les bras m’en tombent ! Il a été Premier ministre pendant cinq ans d’une France où le Président de la République et lui-même n’ont cessé d’aggraver les fractures de la société française, de monter les Français les uns contre les autres.

    M. Hervé Mariton. Avez-vous des choses neuves à nous dire ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Il y avait les chômeurs d’un côté, les travailleurs de l’autre ; ceux qui se levaient tôt et ceux qui se levaient tard ; ceux qui profitaient des allocations et ceux qui travaillaient. C’était insupportable !

    M. Hervé Mariton. La campagne est terminée !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Quelle indécence aujourd’hui d’appeler au rassemblement et de s’en faire le chantre !
     
    Je dois cependant admettre l’évolution de M. Fillon : il reconnaît aujourd’hui les couples homosexuels ; c’est formidable ! Il peut remercier la gauche d’avoir voté le PACS, d’avoir fait évoluer les esprits, lui qui, en 1982, avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité ! Encore un effort, messieurs les députés de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
  • ☛ Conclusion par C. Taubira (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

    Monsieur le président, je tiens d’abord à saluer le professionnalisme avec lequel vous avez conduit ces débats.

    M. Bernard Roman. C’est vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Cette présidence a très largement contribué au climat d’échange de nos discussions. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Gosselin. Nous n’en sommes pas encore aux remerciements après le vote de la loi ! N’anticipons pas trop vite !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, il est tout à fait réconfortant qu’à cette heure tardive l’hémicycle soit encore occupé par tant de députés de très grande qualité.
     
    Je tiens à saluer de manière générale la qualité des interventions ; il y a eu venant de l’opposition quelques interventions répétitives,…

    M. Hervé Mariton. Enseigner, c’est répéter !

    M. Philippe Gosselin. C’est l’art de la pédagogie, madame la ministre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    …mais c’est certainement une façon de solliciter de notre part des explications renouvelées, réitérées, « récidivées », et nous le faisons très volontiers.
     
    Je veux remercier les députés de la majorité pour leurs contributions à ce débat, pour la passion et la rigueur qu’ils y ont mises. C’est cette alchimie qui produit les plus belles et les plus grandes lois.
     
    Je tiens à saluer le président du groupe SRC, M. Bruno Le Roux, pour la qualité de son intervention et pour la part qu’il prend personnellement dans la conduite de ces débats, ce qui va bien l’occuper – comme nous tous ! – pendant ces deux semaines.
     
    Mes remerciements vont aussi aux présidents ou aux porte-parole des groupes GDR, écologiste et RRDP, M. Marc Dolez, Mme Barbara Pompili, M. de Rugy et M. Schwartzenberg, pour leur contribution à la cohésion de la majorité et à l’enrichissement de nos réflexions sur ce sujet majeur.
     
    Je veux remercier en particulier MM. Patrick Bloche et Bernard Roman, qui ont joué un rôle pionnier en la matière depuis de nombreuses années et qui ont eu raison de ne pas désespérer, de ne pas déchanter, de s’obstiner, jusqu’à faire semblant parfois de se fâcher avec quelques amis. Ils doivent savourer pleinement l’étape que nous sommes sur le point de franchir, si le Parlement y consent.
     
    Je salue Mme Élisabeth Guigou, qui, avec le courage qui la caractérise, a conduit il y a près de quinze ans, ce débat lourd, difficile, sur le PACS, qui a marqué l’ouverture de quelques droits pour les couples homosexuels.
     
    Hier, entendant dire que le Gouvernement satisfaisait à des revendications minoritaires, j’ai répondu que dans l’histoire de la France et de nombreux pays, c’est souvent la mobilisation de groupes minoritaires qui a fait progresser le droit général, notamment sur les questions de droit et d’égalité.

    M. Hervé Mariton. C’est dire nos espérances !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    De demeurer durablement minoritaires ? Ce sont les nôtres aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Je ne retiens que votre hommage aux groupes minoritaires, madame la ministre.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    S’il y a bien un sujet qui illustre particulièrement cette mobilisation, c’est le PACS. Ce contrat, qui visait à reconnaître quelques droits aux couples homosexuels, est aujourd’hui une façon, à 94 %, de composer un couple pour des hétérosexuels. C’est ainsi que des combats menés par ceux que vous appelez parfois des minoritaires, ou en considération de revendications de groupes minoritaires, ont pu faire progresser le droit.
     
    Je ne saluerai pas chacune et chacun d’entre vous – nous y serions encore demain soir. Je m’adresserai particulièrement à M. Olivier Dussopt, pour le remercier de mettre autant de force et de tranquillité dans l’affirmation de très grands et très beaux principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il nous a rappelé le désarroi de nombreux adolescents, à un âge où ils s’interrogent, où ils sont troublés par de nombreuses questions, en particulier par celle qui nous occupe.
     
    Je voudrais saluer à cette occasion le travail extraordinaire que fournissent les associations, telles Le Refuge, qui accueille ces jeunes et leur permet de se poser, de se retrouver, de ne pas sombrer dans la désespérance, dont nous savons qu’elle peut, loin d’être factice ou passagère, aboutir au suicide.
     
    Permettez que je salue, sur les bancs de l’opposition, MM. Riester, Jégo et Apparu, qui affichent clairement et avec courage mais tranquillement leur position sur ce texte, tout en allant au fond du sujet.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et M. Azerot ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    J’y viendrai.
     
    Pour avoir vécu les débats de 1999 et vu Roselyne Bachelot monter à cette tribune dans une ambiance lourde et pesante, je me dis que les femmes, avec un courage immense, peuvent, avec l’affirmation de convictions profondes, ouvrir un chemin et en affronter toutes sortes de conséquences. J’ai vu Roselyne Bachelot vivre quelques minutes particulièrement difficiles, et je me dis, à l’écoute de M. Riester et de M. Jégo, que c’est bien qu’elle ait eu ce courage-là.

    M. Hervé Mariton. Observez que ces députés ont pu s’exprimer paisiblement et dans une ambiance respectueuse. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Laissez parler la ministre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Sans doute ce précédent a-t-il contribué, et c’est tant mieux, à dédramatiser des prises de position courageuses, parce qu’extrêmement minoritaires.
     
    Je voudrais m’arrêter rapidement, pour ne pas prolonger inconsidérément les débats cette nuit, sur les interventions de MM. Fillon, Ollier et Goasguen.
     
    M. Fillon, Premier ministre pendant cinq ans, nous a parlé du droit à l’enfant. Il s’agit là d’un slogan terrible, car ceux qui l’emploient entretiennent la confusion. Il n’y a jamais eu de droit à l’enfant dans ce pays. Et pourtant, parmi les innovations qui ont surgi dans les mois qui ont précédé ce débat, il y a eu ce droit à l’enfant, que personne ne réclame, qui n’est reconnu nulle part.
     
    De l’avis général, la procédure d’adoption est extrêmement rigoureuse, trop rigoureuse diront certains, au point d’être restrictive. Il n’y a pas de droit fantaisie à l’enfant, d’enfant-jouet ou, comme je l’ai entendu, d’enfant-cobaye. Il y a d’abord des enfants qui peuvent être accueillis dans une famille ou par un célibataire, homme ou femme. Il y a aussi, et surtout, une puissance publique – l’État et les collectivités – qui veille à l’intérêt de l’enfant. Ce n’est pas propre à la gauche, c’est un élément stable du droit français.

    M. Hervé Mariton. Ce sera plus compliqué demain ! (« Assez ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Il serait donc bien que ce débat finisse par dissoudre cette expression infondée.
     
    M. Fillon a évoqué, comme presque vous tous, la circulaire adressée aux greffiers.

    M. Hervé Mariton. Et aux présidents des tribunaux. (« Qu’il se taise ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Non, monsieur Mariton, et je vous expliquerai pourquoi lorsque je répondrai à M. Goasguen.

    M. le président. Monsieur Mariton, laissez la garde des sceaux s’exprimer.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    M. Fillon nous a dit que cette circulaire faciliterait l’acquisition de la nationalité. Alors qu’il a été Premier ministre pendant cinq ans, voilà qu’il vient ici, à l’Assemblée nationale, dans une institution de la République, nous expliquer qu’une circulaire facilitera l’acquisition de la nationalité… par des enfants français – parce qu’il s’agit bien d’enfants français ! Le sujet, en effet, ce n’est pas la nationalité de ces enfants, mais la transcription de l’état civil étranger établissant leur filiation paternelle. En réalité, cela fait des heures que vous soulevez un non-sujet : c’est une véritable prouesse !
     
    Il faut le savoir : entre 2008 et 2011, il y a eu quarante-quatre cas litigieux et l’on en dénombre onze en 2012. Onze cas litigieux ! Mais vous avez, bien entendu, le droit de débattre des heures durant d’un non-sujet…
     
    Dois-je par ailleurs rappeler que le garde des sceaux s’adresse au Parquet, et certainement pas aux présidents, qui sont des magistrats du siège ? Aussi la circulaire est-elle adressée aux procureurs généraux, aux procureurs et aux greffiers, qui exécuteront cet acte administratif, lequel, je le répète, ne consiste pas à attribuer la nationalité, mais à délivrer un certificat.
     
    MM. Fillon et Goasguen demandent pourquoi l’on ne poursuit pas les pères des enfants qui seraient issus d’une GPA. Dans ces conditions, pourquoi, en 2012, lorsque des procureurs ont, après examen des dossiers, approuvé la non-transcription du fait de la présomption de GPA, les pères n’ont-ils pas été poursuivis ?
     
    Au cours du précédent quinquennat, sur les quarante-quatre cas présentés, dont 38 ont été confirmés par décisions de justice, votre majorité n’a pas poursuivi les pères. Il est vrai que le code civil indique très clairement, en son article 25, que, dans les cas de déchéance de nationalité, il faut veiller à ne pas faire de la personne déchue une personne apatride.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Vous avez donc eu raison de ne pas poursuivre les pères en 2102, même si, pendant deux semaines, vous allez au contraire nous demander de poursuivre toutes les personnes concernées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    J’en viens à M. Azerot, qui a défendu à la tribune la position de plusieurs parlementaires d’outremer – pas de tous –, déjà exposée à plusieurs reprises dans la presse ces derniers mois.
     
    J’ai eu l’occasion de répondre sur ce sujet à une question posée par des députés de l’opposition sur les outremers sinon sur le ton de la tolérance – car le mot a pour moi un sens précis, et nous ne sommes pas ici dans la tolérance, mais dans la reconnaissance de droits –, du moins avec une tonalité particulière fondée sur le fait qu’étant moi-même originaire des outremers je devais être consciente qu’il s’agissait là d’une question sensible, ce qui est doublement exact. Sans le formuler exactement de cette façon, on m’interrogeait en fait sur le bien-fondé d’une telle loi dans nos sociétés ultramarines.
     
    Il est vrai que le sujet est difficile pour les outremers, comme l’avait été le PACS. Mais c’est tout l’honneur des parlementaires et des élus locaux qui soutiennent ce projet de loi de le faire courageusement, par conviction et par éthique.
     
    Ceux qui ne le soutiennent pas ont des raisons tout à fait recevables. Mais lorsque M. Azerot argue, comme beaucoup d’entre vous, qu’il y aurait – tout en nous demandant d’organiser un référendum –d’autres priorités, économiques et sociales, je m’étonne. En effet, en quoi le fait que nous fassions notre travail empêche ceux qui ont en charge les questions économiques et sociales de faire le leur ?

    M. Hervé Mariton. Vous m’avez obligé à changer de commission – je plaisante !

    M. Yann Galut. M. Mariton plaisante, c’est une bonne nouvelle !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Nous sommes responsables de notre sort, monsieur Mariton !
     
    M. Azerot évoque par ailleurs un risque de rupture du pacte républicain. Au regard de l’histoire des outremers, ce serait à n’y rien comprendre si le pacte républicain pouvait être rompu à propos d’une question concernant les libertés individuelles !
     
    M. Azerot nous rappelle qu’au temps de l’esclavage les couples n’avaient pas le droit de se marier, car chacun, selon le code noir, était un bien meuble et appartenait, en cette qualité, au patrimoine de son maître. Il est certain qu’on ne reconnaît pas aux meubles le droit de se marier. Mais si le mariage était interdit au temps de l’esclavage, c’est que les esclaves n’étaient pas reconnus en tant que personnes humaines. Et c’est précisément parce que nous portons la mémoire vive de cette histoire que nous supporterions moins encore que le mariage fut aujourd’hui refusé à des personnes dont on douterait peut-être !
     
    Il ne peut y avoir de rupture du pacte républicain entre la France et les outremers sur la question des libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les esclaves ont détruit le système esclavagiste au nom des libertés individuelles ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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