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Discussion générale

  • MA Chapdelaine (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les présidents, chers collègues, à ce stade de nos débats, il importe de mettre de côté les descriptions caricaturales des conséquences de ce projet de loi. Elles tomberont très vite aux oubliettes ! Revenons à l’essence même de notre réforme : l’égalité et la fraternité.
     
    Mes chers collègues, pourquoi devons-nous légiférer ? Sans doute parce qu’il y a un besoin d’égalité entre les familles. Cette future loi mettra fin à des situations que nous refusons d’ignorer. Des dizaines de milliers d’enfants et de familles n’ont, dans notre République, ni statut ni protection. Elles n’ont pas de protection en cas de décès, ni en cas de séparation. Qui parmi nous accepterait cela pour lui-même et ses proches ? La souffrance de ces familles et des couples, à qui la société reconnaît une place sans que la loi le fasse, nous oblige à mener à bien ce projet. Nous voulons sortir de l’apesanteur juridique en protégeant ces familles sans statut.
     
    Au nom de l’égalité, au nom de nos valeurs, nous voulons le bien-être et la protection des enfants et de leurs parents. Demain, nous permettrons à un enfant de porter le nom de ceux qui l’élèvent et qui l’accompagnent dans la construction de son histoire. Qu’apportons-nous donc de nouveau, de révolutionnaire, à la question du nom et de l’identité ? Rien, sinon la lumière sur cette évidence : c’est un devoir pour nous, pour l’État, de permettre à un enfant de faire de son parent social son parent réel.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Le législateur l’avait anticipé, en 1972, par l’introduction dans la loi de la filiation par possession d’état. Il n’y a donc ici ni danger, ni révolution, mais simplement la continuité d’une lutte pour la justice et pour l’égalité. C’est un combat pour protéger ceux et celles qui sont aujourd’hui fragilisés.
     
    Mes chers collègues, notre volonté de justice et ce besoin d’égalité seraient, paraît-il, anxiogènes. J’entends, études et recherches à l’appui, qu’un enfant qui serait élevé hors d’un couple hétérosexuel serait en danger. Il s’agit là d’une contrevérité ! Aucune étude ne le prouve, sans qu’une autre étude, aux résultats contraires, ne la contredise. Par exemple, sur quatre études menées au Canada en 2005, utilisant le même questionnaire et mesurant le bien-être des enfants à l’école, l’une en tire la conclusion que davantage de problèmes d’attention existent chez les enfants de mères lesbiennes, tandis que les trois autres, utilisant les mêmes ressources, prétendent le contraire. Le seul danger pour les familles et notre société, le risque premier dont nous devons nous préoccuper, c’est l’ignorance et la stigmatisation, la discrimination et l’inégalité dans l’accès aux droits.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois. Bravo !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    La possibilité d’entamer une procédure d’adoption, qu’elle soit simple, plénière ou conjointe, fait partie de ce combat pour l’égalité. J’y suis bien évidemment sensible, et je m’oppose à ceux qui prétendent qu’une telle possibilité serait dangereuse. Je m’oppose à ceux qui font semblant d’ignorer le processus long, contrôlé et sécurisé d’une demande d’adoption et qui alimentent les peurs et la division de notre société.
     
    Oui, mes chers collègues, l’égalité ne saurait trouver sa place dans une société divisée. Nous construisons, ici, la fraternité d’aujourd’hui, en pensant que la reconnaissance en droit de chacun dans ses choix de vie est la meilleure garantie de l’épanouissement individuel et de l’épanouissement de la société. Personne n’a l’autorité suffisante pour confisquer une valeur aussi fondamentale que la famille. Personne ne peut prétendre avoir le monopole du cœur.
     
    Nous construisons également la fraternité de demain, parce que la seule certitude, la seule garantie qui s’offre à chaque citoyen de sa naissance à sa mort, c’est que notre République s’engage à ses côtés pour sa protection, sa sécurité et son épanouissement. Si notre République manque à ce devoir, si nous laissons les liens parentaux se construire en dehors du cadre de la loi, alors nous rendrons des parents, des enfants et des familles vulnérables. Nous créerons, en conscience, de l’injustice.
     
    Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avons une responsabilité : celle de ne pas batailler pour obtenir, demain, la société à laquelle chacun de nous aspire individuellement, mais celle à laquelle chacun de nous aspire collectivement. Par collectivement, j’entends celle que nous avons à définir ensemble. Ce doit être une construction solide pour résister aux égoïsmes et aux passions individuelles. À ce titre, les enfants méritent que la société les protège et les accompagne dans leur construction physique et morale. Cela vaut quelle que soit leur naissance et quels que soient les choix personnels de leurs parents.
     
    Le bon sens, la raison et l’intelligence nous conduisent à cette loi. C’est une loi protectrice, animée par notre aspiration à l’égalité, et nourrie par nos valeurs républicaines. C’est une loi juste, fraternelle et protectrice. Soyons dignes de ce pays, un pays qui a choisi le changement, un pays qui attend le souffle du printemps pour se réinventer, le printemps des droits, comme l’a dit si justement Bruno Le Roux, président du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
  • C. Vautrin (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Catherine Vautrin.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous entamons la discussion fait l’objet de nombreuses confusions qui en rendent l’approche particulièrement difficile. La force de conviction de notre ancienne garde des sceaux, devenue aujourd’hui présidente de commission, son art de la volte-face, ne contribuent pas à simplifier les choses, surtout si l’on songe à ses engagements antérieurs, dont se souviennent les plus anciens dans cet hémicycle.

    M. François André. Et vous, sur le PACS ?

    Mme Catherine Vautrin.

    Sans même attendre l’avis du comité national d’éthique, saisi il y a seulement trois jours par pure bonne conscience, vous envisagez un véritable bouleversement du code civil, dont les conséquences iront bien évidemment bien au-delà.
     
    Le Président de la République, garant de l’unité de la nation, et sans doute conscient des interrogations – pour ne pas dire plus – de nombreux élus, a voulu les ménager lors de son intervention au congrès des maires en invoquant la fameuse clause de conscience. Mais dès le lendemain, il se ravisait : l’obstacle était quelque part franchi…
     
    Le texte dont nous allons débattre ouvre, au-delà du droit au mariage, le droit à l’adoption. La question de l’ouverture de la filiation induit une remise en cause de la présomption de paternité. Cette remise en cause se traduit par une reconnaissance de la parenté sociale aux dépens de la parenté biologique.
     
    Voilà qui est pour nous source d’interrogations, car la dévolution de la parenté au conjoint pourrait engendrer dans certains cas une pluriparentalité ou faire de la parenté le tribut d’une volonté et non plus un fait biologique
     
    Le Gouvernement affirme que la question de l’ouverture au droit à la PMA et à la GPA, corollaire égalitaire obligatoire, a pour l’instant été écartée. Le débat nous était annoncé pour le printemps. C’était sans compter la circulaire du 25 janvier dernier, qui fait tomber les masques. Soyons clairs : la GPA, c’est maintenant !

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ah non !

    Mme Elisabeth Pochon. Ça suffit avec ça ! Arrêtez !

    Mme Catherine Vautrin.

    La circulaire, qui facilite l’acquisition de la nationalité et crée un véritable malaise, est clairement une incitation à aller à l’étranger. Et si, comme vous le prétendez, madame la garde des sceaux, ce n’est pas le cas, pour la clarté de nos débats et pour les femmes du monde qui sont menacées, retirez cette circulaire ! Les choses alors seront claires, vous n’entendrez pas généraliser la GPA.

    M. Thomas Thévenoud. Décidément, ils sont sourds !

    Mme Julie Sommaruga. Cela fait dix fois qu’on vous l’explique !

    M. Bernard Roman. Décidément, qu’est-ce que vous auriez fait s’il n’y avait pas eu cette circulaire ! Vous n’auriez plus rien à dire !

    Mme Catherine Vautrin.

    En maintenant cette circulaire, vous laissez planer le doute, et c’est cela le sujet : généraliser la procréation médicalement assistée, c’est créer juridiquement un droit à l’enfant. Le droit à l’enfant, n’est-ce pas, d’une certaine manière, la négation du droit de l’enfant ?

    M. Thomas Thévenoud. Vous ne parlez pas du texte ! Hors sujet !

    M. Bernard Roman. Et le mariage ?

    Mme Catherine Vautrin.

    Madame la garde des sceaux, votre texte tend à faire de l’enfant, non plus un sujet de droit, mais un objet de ce droit.
     
    Que faites-vous de l’intérêt supérieur de l’enfant ?

    Mme Julie Sommaruga. On le protège !

    Mme Catherine Vautrin.

    Le défenseur des droits n’a d’ailleurs pas manqué de souligner l’absence de référence, dans l’étude d’impact, à la convention internationale des droits de l’enfant qui lie pourtant notre pays et lui impose de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’ensemble de sa législation.
     
    Au-delà de l’amendement du rapporteur, ce texte tend à substituer, au père et à la mère de l’enfant, les parents. La parentalité, ce n’est pas la parenté, chacun le sait. Le droit à l’égalité, c’est le droit à la différence. Il n’y a pas d’un côté le camp des modernes ouverts au mariage pour tous et de l’autre celui des ringards…

    M. Nicolas Bays. Justement si !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ils sont tous étalés là !

    Mme Catherine Vautrin.

    Restez calme, madame Lemorton, ne vous énervez pas !
     
    …pour lesquels le mariage symboliserait encore un engagement, une responsabilité de structurer notre société en fixant les différences entre les sexes et les générations.
     
    Qui peut affirmer ici que le mariage serait la seule expression de l’amour entre deux êtres ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous, vous commencez à dire des bêtises !

    Mme Catherine Vautrin.

    Nous avons tous dans cet hémicycle la même légitimité, nous avons le droit de nous poser les mêmes questions et nous avons le droit d’aboutir à des conclusions différentes.
     
    Votre projet de loi va transformer en profondeur le droit français du mariage et de la filiation. La volonté des couples de même sexe de mieux organiser leur vie commune impose aux couples hétérosexuels une transformation de leurs droits. Cela ne sert à rien de le nier.
     
    Les revendications légitimes sur les lacunes du PACS sont compréhensibles. Elles méritent une vraie réponse pour les couples de même sexe, tel est le sens du texte sur l’alliance civile que nous avons déposé et qui répond aux attentes des homosexuels et de ceux qui sont attachés au mariage.
     
    Comme le mariage, elle fera l’objet d’une célébration solennelle d’union devant le maire qui, par elle-même, entraînera des conséquences proches du mariage, excepté la filiation. C’est là une avancée.
     
    Nombreux sont d’ailleurs les Français qui demandent un vrai débat. Le référendum aurait permis à chacun de s’exprimer en conscience. Votre gouvernement est resté sourd à cette demande. Vous avez préféré le confort de votre majorité parlementaire à la légitimité du peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Thomas Thévenoud. À quoi sert le Parlement alors ?

    M. François André. Vous représentez le peuple, madame ! Vous êtes le peuple !

    Mme Catherine Vautrin.

    Drôle de conception de la démocratie ! C’est plutôt une menace pour notre pacte républicain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • N. Bays (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Nicolas Bays.

    « On ne peut pas dire qu’on est le pays des droits de l’homme et des libertés et continuer à exclure des gens de l’adoption en fonction de leur orientation sexuelle ».
     
    Cette phrase n’est pas de moi mais je l’approuve totalement. Elle a été prononcée il y a quelques années par Damien Abad, député de l’opposition, qui semble aujourd’hui avoir changé d’avis, ou plutôt changé de posture, comme beaucoup de ses collègues.

    M. Bernard Roman. Hé oui !

    Plusieurs députés UMP. Comme Mme Guigou !

    M. Nicolas Bays.

    Le débat qui envahit la société française depuis plusieurs semaines a, je le crains, libéré la parole homophobe.
     
    Je donne volontiers crédit aux organisateurs de la manifestation du 13 janvier de leur bonne foi, mais force est de constater que ce débat a réveillé tous les conservatismes, tous les obscurantismes.

    M. Patrick Balkany. Cela faisait beaucoup d’obscurs dans la rue !

    M. Nicolas Bays.

    Les mêmes obscurantismes que l’on rencontre à chaque avancée de la société, du droit de vote des femmes jusqu’au PACS en passant par le droit à l’IVG.
     
    Notre République est laïque, notre mariage républicain est civil et laïque. Ce débat ne peut que l’être aussi.
     
    « Aucun homme n’est l’instrument de Dieu, aucun homme n’est l’instrument d’un autre homme. Il n’y a pas de maître au-dessus de l’humanité, il n’y a pas de maître dans l’humanité » disait Jaurès.
     
    Il est des votes et des lois qui nous élèvent plus que d’autres, les débats touchant à l’égalité et à la liberté sont de ceux-là.
     
    Rares sont les moments où le législateur peut se confronter d’aussi près à la devise de son pays, se confronter à elle pour lui témoigner un attachement immense par-delà les siècles et les générations, se confronter à elle pour faire en sorte de lui être encore plus fidèle.
     
    C’est tout le sens de ce projet de loi : une loi pour l’égalité des droits entre tous les citoyens.
     
    Les lois de la République ne peuvent engendrer de demi-citoyen. Cette égalité n’est pas qu’affaire de symboles. L’égalité ne se négocie pas. L’égalité ne s’ajuste pas.
     
    L’égalité des droits est la condition première aujourd’hui de la lutte contre l’homophobie.
     
    C’est le droit de vivre dans la dignité que nous donnons aujourd’hui à des centaines de milliers d’homosexuels, maintenant et pour les prochaines générations, ici et au regard du monde entier où tant d’homosexuels sont encore emprisonnés, torturés, tués.
     
    Je vous le dis, le temps n’est plus à l’hésitation – ni à la mystification, mesdames et messieurs de l’opposition. La procréation médicalement assistée n’est pas le sujet de cette loi…

    M. Hervé Mariton. Dans un mois !

    M. Nicolas Bays.

    …et la gauche se battra toujours contre la gestation pour autrui.
     
    Savez-vous ce que doivent vivre aujourd’hui les lesbiennes et les gays qui entendent à longueur de journée qu’ils ne sont pas normaux,…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Qui a dit cela ?

    M. Nicolas Bays.

    …qu’ils sont contre nature ? Qu’ils vont faire le plus grand mal aux enfants, allant jusqu’à les marchander ? Qu’ils vont détruire les institutions de la société ? Que leur amour va amener à l’inceste, à la polygamie, à la pédophilie ?

    Mme Catherine Vautrin. Mais c’est vous qui le dites !

    M. Nicolas Bays.

    Mesurez un seul instant l’effet destructeur que cela peut avoir chez un jeune en pleine construction !

    Mme Catherine Vautrin. Du calme !

    M. Nicolas Bays.

    Les conséquences de l’homophobie sont dévastatrices. Certains jeunes sont jetés à la rue, d’autres tombent dans des spirales d’isolement et de comportements à risques, qui peuvent les pousser parfois, malheureusement, au suicide.
     
    Faut-il rappeler que les tentatives de suicide chez les jeunes entre quinze et vingt-cinq ans victimes d’homophobie sont de sept à treize fois plus élevées que dans les mêmes classes d’âge non concernées ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Nicolas Bays.

    Honte à tous ceux qui ont tenu des propos indignes sans aucune considération pour nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Nicolin. Honte à vous !

    M. Laurent Wauquiez. Calmez-vous !

    M. Nicolas Bays.

    Sortez un peu de vos tours d’ivoire et venez sur le terrain avec les associations qui sont au contact des victimes, vous n’en sortirez pas indemnes.
     
    Il est des moments qui nous dépassent et nous obligent. Des moments où l’on choisit d’entrer dans l’Histoire, celle avec un grand H. Le train de l’Histoire, n’en déplaise à M. Wauquiez, ne passe qu’une fois.

    M. Hervé Mariton. Baissez donc votre doigt !

    M. Nicolas Bays.

    Demain, mesdames et messieurs les parlementaires, vous irez peut-être au mariage de votre fils ou de votre fille homosexuelle. Demain, vous offrirez peut-être à vos petits-enfants les mêmes cadeaux avec la même affection, quel que soit le couple formé par leurs parents.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bien sûr !

    M. Nicolas Bays.

    Vous ne vous permettrez sûrement plus de juger la famille qu’ils forment.
     
    Cela n’aura plus aucune importance à vos yeux, si tant est que cela en ait aujourd’hui, ce dont je doute fort pour certains d’entre vous.
     
    Pourrez-vous regarder vos petits-enfants dans les yeux pour leur dire que vous auriez préféré qu’ils n’existent pas ? Que leurs parents sont un danger pour leur bonheur ? Que vous avez marché sur l’Élysée contre leurs droits ? Il est encore temps de changer d’avis.
     
    Oui, vous pouvez choisir que ce fils n’ait pas honte de votre vote, que ce petit-fils n’ait aucun doute sur votre affection.
     
    Vous n’échapperez pas au regard de ceux qui, nécessairement, un jour ou l’autre, croiseront votre route, frère ou sœur, fils ou fille, ami ou amie, petit-fils ou petite-fille.
     
    Nul besoin de le nier : dans les dix, quinze ou trente prochaines années, la crédibilité de ceux qui refusent aujourd’hui l’égalité à grand renfort de discours d’arrière-garde en souffrira. Personne ne l’oubliera, personne ne pardonnera.
     
    L’Histoire, la marche en avant inéluctable de l’égalité, elle, ne tolère pas les échecs et ne retiendra que celles et ceux qui eurent le courage de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • S. Dion

    31 janvier 2013

    Mme Sophie Dion.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons traite d’une question qui touche à l’intime de chacun d’entre nous – l’émotion qu’il suscite montre d’ailleurs à quel point il concerne tous les Français.
     
    Vous vous souvenez tous ici, j’imagine, de la parole de l’un des premiers législateurs : « Il faut légiférer d’une main tremblante ». Vous n’avez pas suffisamment pris la mesure, ni en amont, ni en aval, des conséquences de ce texte. Compte tenu des enjeux en cause – statut du mariage, du couple, place de l’enfant, filiation, procréation, marchandisation du corps humain –, nous avons pu voir que beaucoup de nos concitoyens souhaitaient pouvoir s’exprimer directement. Ce que ne comprennent pas les Français, c’est le manque de préparation et de concertation. (« Allons ! » sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Les travaux préparatoires ont été menés bien trop vite et de manière sélective. Vous avez ignoré l’expression directe et spontanée des Français qui se sont mobilisés massivement. Vous n’avez pas voulu entendre les Français qui réclamaient plus de débats, plus d’explications, plus de temps sur un sujet qui touche au cœur de leur vie d’homme et de femme. Vous n’avez pas voulu les entendre. Vous divisez plus que vous ne rassemblez. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous manquez ainsi une occasion d’envisager d’autres solutions, qui auraient permis d’aboutir à un consensus national.

    Mme Audrey Linkenheld. Oh, ça suffit !

    Mme Sophie Dion.

    Ce n’est pas faute, pour nous, d’avoir présenté un projet d’alliance civile, conçue comme un renforcement du PACS. Mais vous n’avez pas voulu entendre cela non plus : vous préférez privilégier un texte qui repose sur une argumentation pour le moins contestable. En effet, comme on le sait, il est inexact, il est faux de présenter ce débat comme une opposition entre « anciens » et « modernes », entre « conservateurs » et « progressistes ».
     
    De la même manière, votre argumentation sur la filiation ne repose sur aucun fondement.

    M. François de Rugy. Ah bon ?

    Mme Sophie Dion.

    Aujourd’hui, vous évoquez le mariage et la filiation, demain, dans un autre texte, ce sera la PMA et la GPA.

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Arrêtez de mentir !

    Mme Sophie Dion.

    C’est annoncé, c’est programmé, ce sera dans quelques semaines ! La PMA entraînera, à terme, la légalisation de la gestation pour autrui, autrement dit des mères porteuses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Au-delà de ces principes, vous passez à côté de l’essentiel : vous ignorez complètement la place et le devenir de l’enfant. Avec vous, l’enfant n’est plus sujet, il devient objet. Le droit de l’enfant est devenu le droit à l’enfant… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Coutelle. Vous l’avez déjà dit, ça manque d’originalité !

    Mme Sophie Dion.

    …cet enfant qui, devenu adulte, se posera bien légitimement la question de la connaissance de ses origines – un sujet pour le moins sensible, qui n’est traité que partiellement dans notre code civil, et dont nous ne pourrons mesurer les conséquences que dans trente ans.
     
    Vous l’avez bien compris, il est faux de présenter votre texte comme traitant uniquement de la question du mariage pour les couples homosexuels. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste, vous allez bien au-delà : vous ouvrez en fait la voie à la marchandisation du corps humain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Assaf. C’est une obsession !

    Mme Sophie Dion.

    La circulaire de Mme la garde des sceaux vient d’en apporter la preuve flagrante, frappée d’une double hypocrisie : hypocrisie sur vos intentions vis-à-vis de la loi, hypocrisie aussi vis-à-vis des femmes que vous prétendez défendre !

    M. Bernard Roman. À qui parlez-vous ?

    M. le président. Allons, monsieur Roman !

    Mme Sophie Dion.

    Vous osez dénoncer la gestation pour autrui sur le territoire national mais vous organisez la location du corps des femmes à l’étranger.

    Mme Pascale Crozon. C’est scandaleux de dire ça !

    Mme Sophie Dion.

    En conclusion, vous comprendrez aisément que sur un sujet aussi lourd de conséquences, il faille du recul, de la sagesse et de la sérénité. C’est pourquoi je demande le report de l’examen de ce texte, dont les implications pour l’avenir de nos enfants dépassent largement la présentation que vous nous en avez faite.

    M. Christian Assaf. Rien que cela !

    Mme Sophie Dion.

    En conséquence, mesdames et messieurs de la majorité, je vous demande une seule chose : de vous appliquer à vous-même la fameuse maxime de François Mitterrand, « laissons le temps au temps ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • P. Houillon (30 janvier)

    31 janvier 2013
    M. Philippe Houillon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ne voterai pas ce texte pour les raisons que j’ai pu développer – en un peu plus de cinq minutes alors – devant la commission des lois, car il me paraît poser infiniment plus de problèmes en droit qu’il ne pense en résoudre.
     
    Ce soir, au fil des discussions, on voit bien à droite et à gauche que la question cardinale, ce qui n’est d’ailleurs pas surprenant, c’est le caractère indissociable du mariage et de la filiation.
     
    Vous nous dites, madame la garde des sceaux, et peut-être avez-vous raison, que la majorité des Français sont favorables à ce mariage pour tous, mais vous ne nous dites pas une autre vérité, c’est qu’ils sont en majorité hostiles à la filiation que vous voulez instaurer et, concrètement, au fait d’inscrire dans un livret de famille qu’un enfant est issu de deux hommes ou de deux femmes ou a pour parents deux hommes ou deux femmes.
     
    Face à cette difficulté, vous refusez naturellement le référendum, parce que vous avez deux peurs.

    M. Patrick Hetzel. Eh oui ! Bien sûr !

    M. Philippe Houillon. Il y a la peur inhérente à tout référendum, c’est que l’on réponde à une autre question que celle qui est posée.

    M. Marcel Rogemont. C’est toujours le cas !

    M. Philippe Houillon. Je peux comprendre cette peur. La cote de défiance du Président de la République et du Gouvernement oscillant régulièrement entre 55 et 60 %, on peut légitimement craindre que les Français ne désavouent votre politique !
     
    Il y a ensuite une peur spécifique liée au sujet. Le débat référendaire mettra encore plus en évidence, s’il en était besoin, que la filiation et le mariage sont consubstantiels. Or les Français sont majoritairement hostiles à une telle filiation.
     
    En même temps, votre majorité voudrait aller plus loin. Pour les raisons que je viens de donner, vous l’avez dissuadée de maintenir ses amendements sur la PMA, juste à la veille de la manifestation du 13 janvier. Cela a marché, parce que vous avez promis une loi sur la famille en mars prochain.
     
    Madame la garde des sceaux, je vous ai souvent entendu employer le terme de progrès. Le progrès, pour moi, c’est la vérité. Ce qui est ringard, puisque j’ai aussi entendu ce mot à plusieurs reprises, c’est le flou. Aussi, dites-nous une bonne fois pour toutes vos intentions. Vous avez le devoir d’indiquer clairement à la représentation nationale si, oui ou non, vous allez instaurer la PMA pour les couples de femmes homosexuelles.
     
    Si vous répondez oui, vous nous direz aussi comment. Mais toute l’argumentation de ce texte reposant sur l’égalité, vous expliquerez en même temps aux couples homosexuels masculins au nom de quoi vous leur refuserez les mêmes droits ! En tout cas, le peuple français a besoin de savoir.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. Michel Ménard. Vous avez déjà eu la réponse dix fois !

    M. Philippe Houillon. Si vous répondez non, vous favoriserez évidemment le développement du recours à des réseaux de procréation, comme cela se passe dans tous les pays ayant adopté ce genre de disposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
     
    Ne vous demandez-vous pas pour quelle raison l’Inde, pays qui connaît de tels contrats, vient, au moment où nous discutons de ce texte, d’interdire le recours à la GPA pour les couples homosexuels ?

    M. Christian Paul. Tant mieux !

    Mme Pascale Crozon. Quel rapport ?

    M. Philippe Houillon. Le rapport, c’est que, dans le même temps et de manière absolument incompréhensible pour nous, cette circulaire du 25 janvier (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…

    M. Christian Paul. Pas vous !

    M. Philippe Houillon. …vient en quelque sorte légitimer le recours à ces réseaux, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, sur laquelle elle s’assoit. Il suffisait d’entendre ce matin sur les radios la réaction de tous les groupes concernés, qui se félicitaient de la mesure prise par le biais de cette circulaire.
     
    Si c’est votre conception du progrès, ce n’est pas la mienne, et je ne voterai certainement pas ce texte. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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