Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • Marc Dolez (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. Marc Dolez.

    Monsieur le Président, madame la Garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat pose également la question de la tolérance, cette vertu de la démocratie, qui conduit à accepter ce que spontanément on pourrait rejeter. Elle représente à la fois une conquête de l’esprit des Lumières sur l’obscurantisme religieux et un progrès lié à la démocratie. Notre histoire en témoigne : toute nouvelle liberté, tout nouveau droit, implique nécessairement, pour s’exercer pleinement, un devoir de tolérance.
     
    C’est pourquoi, pour notre groupe, le débat sur le mariage pour tous, dont l’objectif est la recherche de l’effectivité du principe d’égalité, doit se mener dans un esprit de tolérance et de respect.
     
    Ce débat est en effet trop important pour être mené à coup d’invectives. Il ne convient pas de tomber dans la caricature ou de nourrir des confusions. Les députés du Front de gauche souhaitent ainsi, depuis le début, que la discussion parlementaire soit à la fois approfondie et respectueuse, et qu’elle se déroule dans la sérénité dont doit se montrer digne une démocratie moderne.

    M. Hervé Mariton. Évitez l’obscurantisme à propos de religion !

    M. Marc Dolez.

    Sur le fond, notre engagement nous a toujours conduits à soutenir le combat contre toutes les discriminations et pour l’égalité des droits. C’est pourquoi nous soutenons un projet de loi qui s’inscrit précisément dans le mouvement général qui s’est exprimé ces dernières années en faveur de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, appelant notamment au renforcement des droits des personnes homosexuelles.
     
    L’objectif central du projet de loi est d’assurer l’égalité des droits, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Dans la continuité de la dépénalisation de l’homosexualité, en 1982, puis de l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe et, en 1999, de la reconnaissance du couple homosexuel via l’instauration du pacte civil de solidarité, une nouvelle étape est ainsi proposée avec la reconnaissance républicaine du libre choix matrimonial des individus.
     
    Aujourd’hui, le code civil consacre trois modes d’organisation juridique du couple : le mariage, le PACS et le concubinage. Seul le mariage est réservé aux couples hétérosexuels. Or, au regard de l’évolution du couple et de la famille dans notre société, à laquelle le PACS ne permet pas de répondre, il apparaît désormais nécessaire d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe afin de reconnaître la diversité des modèles familiaux tout en assurant l’égalité des droits et des devoirs de toutes les formes de famille. Il s’agit en fin de compte d’assurer l’égalité de choix entre les différentes formes d’union possibles.
     
    Le mariage pour tous, ce n’est que de l’amour, celui de deux personnes qui décident de s’unir pour la vie : cet amour est aussi légitime que l’amour hétérosexuel.
     
    Il est temps de permettre aux couples de personnes de même sexe, qui le souhaitent, de se marier et, par voie de conséquence, d’adopter.
     
    Sans remettre en cause les droits des hétérosexuels, ni porter une quelconque atteinte au mariage qui demeure en l’état, cette réforme permettra de satisfaire la revendication d’égalité portée par une majorité de nos concitoyens et d’assurer une sécurité juridique aux dizaines de milliers d’enfants qui vivent déjà au sein de familles homoparentales.
     
    Il s’agit d’une avancée démocratique de notre société, que de respecter ce principe d’égalité, car le mariage homosexuel ne menace ni le couple traditionnel, ni les fondements de la société.
     
    Élargir le droit au mariage à tous les couples qui s’aiment ne revient pas à nier la différence sexuelle. Chacun sait bien – cela a été démontré – que le bonheur des enfants ne dépend pas de l’orientation sexuelle de leurs parents, mais leur équilibre exige d’abord de l’amour et une éducation.
     
    Il nous semble particulièrement important d’insister dans ce débat sur la philosophie du projet de loi, tant circulent de contrevérités sur le sujet. Il ne s’agit pas en effet de réformer l’institution du mariage, mais seulement de lever une discrimination en ouvrant aux homosexuels le droit de se marier.
     
    En étendant l’application des dispositions du mariage aux couples constitués par des personnes du même sexe, le projet de loi ne modifie pas le droit existant, applicable aux couples de sexe différent, et n’apporte aucune modification aux dispositions relatives à la filiation établie par l’effet de la loi.

    M. Hervé Mariton. C’est inexact !

    M. Marc Dolez.

    L’institution du mariage ne sera pas altérée mais simplement, dans un objectif d’égalité, ouverte aux personnes de même sexe vivant en couple. Celles-ci auront ainsi le droit de se marier au même titre que les personnes hétérosexuelles et dans les mêmes conditions, qui sont inchangées : les modalités du mariage demeurent, les obligations et les droits nés du mariage sont identiques, les règles relatives à la filiation inchangées puisque les textes relatifs à la filiation légalement établie, spécifique de la parentalité hétérosexuelle, ne sont pas modifiés, les règles de la filiation adoptive sont inchangées, celle-ci étant désormais accessible directement à tous les couples mariés, quel que soit le sexe des conjoints.
     
    Il s’agit donc bel et bien de permettre à deux personnes de même sexe de s’unir avec toutes les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales qui en découlent ; il s’agit d’apporter la protection du droit à ceux qui en étaient exclus jusque-là !

    M. Pascal Cherki. Très bien !

    M. Marc Dolez.

    S’agissant plus spécifiquement de l’adoption, les couples homosexuels mariés pourront adopter un enfant ou l’un des deux époux l’enfant de son conjoint, dans les conditions déjà fixées actuellement par la loi pour les couples hétérosexuels. La possibilité pour un couple de même sexe de se marier a pour conséquence automatique de lui permettre d’adopter, et le mariage conserve ainsi sa vocation principale : fonder un foyer. Il n’y a là ni désagrégation de la famille ni risque pour l’équilibre psychologique des enfants. Alors que le nombre d’enfants vivant dans des familles homoparentales est estimé à environ 250 000, le dispositif proposé par le projet de loi permettra de légitimer l’existant, de régulariser la situation d’un grand nombre de familles et de sécuriser sur le plan juridique la situation de ces enfants. Le Défenseur des droits l’a clairement souligné lors de son audition : le projet de loi est à l’évidence conforme à l’intérêt supérieur des enfants qui vivent aujourd’hui au sein de couples homosexuels.
     
    Le groupe GDR approuve également la volonté du Gouvernement de ne pas modifier le droit commun de la filiation. Dans le titre du code civil relatif à la filiation, les parents demeurent père et mère, les modes d’établissement des liens de filiation paternelle ou maternelle restent le plus souvent distincts et l’action en contestation du lien de filiation implique des preuves dont l’objet est différent selon qu’elle porte sur la maternité ou sur la paternité. Il existe donc toujours, contrairement à ce qui est parfois affirmé, une filiation sexuée et des conséquences du mariage sur la filiation propres aux couples de sexe différent : la présomption de paternité ne bénéficie pas aux couples de personnes de même sexe.

    M. Xavier Breton. C’est une inégalité !

    M. Marc Dolez.

    En l’état actuel du texte, c’est donc l’adoption qui permettra d’établir la filiation pour les couples homosexuels.
     
    Pour la clarté du débat, je veux ici préciser que pour la majorité de notre groupe, les questions de l’extension de la procréation médicalement assistée ou de l’accès aux origines sont plus éthiques et philosophiques que strictement juridiques, et que c’est, par voie de conséquence, dans le cadre de la révision des lois bioéthiques qu’elles devraient être abordées.

    M. Bernard Accoyer. Ah !

    M. Xavier Breton. Dans six ans !

    M. Marc Dolez.

    Je conclus en soulignant que pour les députés du Front de gauche, le droit reconnu aux couples de même sexe de se marier est un élément indispensable pour la reconnaissance sociale et juridique de ces couples et de ces familles. Le projet de loi qui nous est soumis est un texte équilibré qui n’altère pas l’institution du mariage, un texte qui oppose l’intelligence et le progrès aux préjugés et au refus des différences, un texte qui, en adaptant notre droit aux évolutions de notre société, s’inscrit logiquement dans la lignée des grandes réformes du droit de la famille depuis les années 70, tels l’assouplissement des règles du divorce, la suppression de la distinction entre enfant légitime et enfant naturel ou encore la reconnaissance à égalité aux deux parents de l’autorité parentale. Avec cette loi, et ce sera bien sûr le sens de notre vote, les familles, toutes les familles, ne seront en rien déstructurées mais, au contraire, renforcées et protégées. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)
  • Corinne Narassiguin (29 janvier)

    30 janvier 2013

    Mme Corinne Narassiguin.

    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, c’est avec une grande fierté que je viens défendre, devant vous, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes du même sexe.
     
    Rencontre, couple, amour, projets, désirs d’enfants, confrontations, réconciliations, disputes, histoire et souvenirs communs... Le vocabulaire amoureux épouse à merveille ce projet de loi.
     
    Et puisque l’amour est de loin la plus complexe des relations humaines, il est nécessaire que l’État encadre juridiquement ces relations spéciales, tumultueuses et passionnées.
     
    Il l’a toujours fait, en établissant le mariage civil et en le modernisant, puis en codifiant le droit de la famille, pour qu’il reflète encore mieux les réalités de la société française.
     
    Ouvrir le mariage aux couples homosexuels, c’est leur reconnaître la pleine citoyenneté. Se marier, c’est avoir la possibilité d’officialiser l’intensité du sentiment amoureux par le contrat du mariage, par l’adhésion aux valeurs de soutien réciproque, d’engagement et de fidélité. Le mariage institue un lien juridique fort entre les conjoints, tant au chapitre des droits conférés que sur le plan des obligations contractées. Il est une forme de reconnaissance juridique et sociale du couple.
     
    La question est donc la suivante : les personnes homosexuelles ont-elles le droit de choisir librement le cadre dans lequel elles veulent engager leur relation ? La réponse est oui, elles doivent avoir le choix.
     
    Ouvrir l’adoption aux couples homosexuels, c’est reconnaître l’existence de ces nombreuses familles homoparentales. C’est offrir le même cadre protecteur à tous ces enfants qui ont grandi, grandissent et grandiront avec deux papas ou deux mamans. C’est dire à ces mêmes enfants que non, leurs parents ne sont pas hors norme et qu’ils ont toute leur place dans notre société. C’est dire aux familles homoparentales et aux enfants qui en sont issus que la République leur accordera sécurité et garantie, qu’elle leur doit, parce qu’elle ne distingue pas entre les familles ni entre les orientations sexuelles.
     
    En ne liant pas la question des droits parentaux à l’orientation sexuelle, nous en terminons avec ces discriminations qui persistent dans la loi.
     
    Ce projet de loi constituera un changement concret dans la vie de nombreuses familles. L’existence de ces familles ne sera plus passée sous silence. Elles auront, tout simplement, la liberté d’exister au grand jour.
     
    Parce qu’en tant que députée, je n’oublie pas que nous nous battons pour toutes les familles de France aujourd’hui ; parce que nos débats ne sont pas théoriques mais bien ancrés dans la réalité ; parce qu’il existe des réalités familiales sous nos mots, nous devons agir.
     
    Nous avons entendu les témoignages de ces enfants devenus adultes venus nous parler de leurs parents, de leur enfance, de leur famille. Leur vie est tout à fait banale et leur quotidien est des plus normaux, pour autant que l’on puisse définir une normalité.
     
    Leur famille est reconnue par les voisins, l’école et les amis. Leur famille est, pour eux, une évidence.
     
    Pourtant, d’un point de vue juridique, ces familles vivent dans une zone de non droit, dans la précarité et la menace des aléas de la vie, qui risquent à tout moment de les bouleverser. La loi ne les connaît pas.
     
    Les parents, les enfants ont témoigné devant nous des difficultés et des craintes liées à l’absence de reconnaissance. Comment leur refuser l’égalité ? Comment cautionner que, sur la base de l’orientation sexuelle, le père ou la mère puisse rester, aux yeux de la loi, un étranger vis-à-vis de ses propres enfants ? Comment expliquer à un couple formant un cadre stable et aimant, prêt à démarrer des démarches que nous savons longues et complexes, qu’il n’a pas le droit de fonder une famille parce qu’il est un couple homosexuel ? Comment peut-on hiérarchiser les désirs d’enfant ? Comment décider que le désir d’enfant n’est pas légitime pour toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle ? Comment préjuger de la capacité à élever et éduquer un enfant sur le seul critère de l’orientation sexuelle ?
     
    Alors, non, mesdames et messieurs les députés, donner le droit aux personnes homosexuelles de se marier ne constitue pas une menace pour l’institution du mariage ou pour la famille, ou pour notre société. Bien au contraire. Qu’elle soit hétéroparentale ou homoparentale, la famille est diverse et plurielle. Elle est la richesse de notre pays et le socle de notre société.
     
    Mesdames et messieurs les députés, il est grand temps de refuser l’indifférence. La France a été pionnière dans la reconnaissance des droits des homosexuels en votant le PACS en 1999. Cela a été une avancée majeure et indispensable pour le progrès des droits et pour la dignité des personnes homosexuelles.
     
    Cependant, en refusant d’aller plus loin et de reconnaître tous les citoyens à part entière, la France a pris du retard. Oui, du retard. Elle est désormais dépassée par nombre de pays, qui ont consacré les unions homosexuelles et l’homoparentalité.
     
    Mais aujourd’hui, la France, forte de son modèle démocratique et de sa devise républicaine, s’engage vers la consécration de l’égalité des droits pour tous ses citoyens.
     
    La France, terre des libertés fondamentales, doit être à la hauteur de son rang et envoyer un message de tolérance à tous les homosexuels qui se battent encore dans certains pays du monde pour avoir le droit de vivre leur amour sans être arrêtés, brimés ou même exécutés.
     
    Cette loi est un beau texte, un texte sur lequel les socialistes resteront fermes et engagés. Cette loi n’est qu’une première pierre apportée à l’égalité totale des droits. Mais quelle avancée, quel progrès !
     
    C’est l’aboutissement d’une longue lutte qui a commencé il y a plusieurs décennies. C’est un pas de plus vers la lente acceptation par tous de l’homosexualité comme une façon légitime et naturelle de vivre son amour.
     
    Avec ce projet de loi, nous faisons le choix pour l’avenir d’une société plus égalitaire, plus apaisée, tranquillisée, où la liberté de chacun est respectée, où l’avenir de tous les enfants peut être assuré, sans discrimination. C’est un choix de société que le Gouvernement et la majorité assument pleinement.
     
    Je me plais à croire que cette loi pourrait dépasser les clivages politiques, que nous pourrions voter ensemble un texte emblématique. À tous nos détracteurs, j’affirme que cette loi n’est pas porteuse de division. Cette loi permet le rassemblement autour des valeurs qui fondent notre République. Elle est essentielle à l’amélioration continue de notre « vivre ensemble ». Parce qu’à chaque fois que des droits nouveaux sont accordés à une catégorie de la population, c’est la société tout entière qui s’en trouve renforcée.
     
    Mes chers collègues, je vous invite à poursuivre un travail que nous avons commencé depuis plusieurs mois, au sein des commissions saisies et à travers les auditions organisées par les rapporteurs. Car c’est par notre travail que nous jouons pleinement notre rôle de parlementaire.
     
    Ainsi, je me félicite de la décision du Gouvernement de présenter dans les prochains mois un projet de loi traitant des questions de filiation pour toutes les familles, pour que nous puissions en débattre le moment venu.
     
    Depuis le mois de novembre, nous avons entendu des sociologues, des psychanalystes, des juristes, des associations, les représentants des cultes, et la liste est encore longue. Mais, surtout, nous avons écouté ces familles, venues nous rappeler que c’est bien d’elles dont nous parlons aujourd’hui.
     
    Ce sont ces familles, ces pères et ces mères, ces filles et ces fils de la République qui incarnent le débat.
     
    Et je ne peux que regretter, à cet égard, la faible implication des parlementaires de l’opposition dans les différentes auditions. Et je souhaite vous rappeler, mesdames et messieurs, le devoir qui est le nôtre.
     
    L’ensemble des Français attend un débat parlementaire de haute tenue. Les Français méritent que nous puissions débattre et échanger en toute sérénité.
     
    Alors, ne manquons pas cette occasion, ayons le courage de mener jusqu’au bout cette politique du cœur.
     
    C’est en reconnaissant que toutes les familles sont légitimes, que toutes les familles sont égales, que la France sortira grandie de ce débat. Il est temps d’en terminer avec ces préjugés anachroniques insupportables. La loi doit être un vecteur par lequel la société évolue.
     
    C’est notre responsabilité, en tant que parlementaires, de débattre pour que cette loi soit le symbole d’une belle évolution sociétale. Ayons le courage de construire la société tolérante et bienveillante que nous voulons pour nos enfants.
     
    Je le répète, je suis extrêmement fière et honorée de porter, aux côtés du Gouvernement et de mes collègues députés, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
  • JC Fromentin (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. Jean-Christophe Fromantin.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, les mots ne sont pas faciles à trouver, sur ce texte. Nous voyons, depuis le début de ce débat, combien beaucoup d’entre nous sont soucieux de dire des choses vraies, sincères, en étant de bonne foi. Nous sommes conscients que beaucoup attendent ce texte. Pour ma part, comme beaucoup de mes collègues du groupe UDI, je suis également soucieux de ne blesser personne. Et c’est certainement l’un des enjeux de ce texte. L’enjeu est autant dans la qualité du débat que nous aurons, que dans les conséquences ou l’impact que pourrait avoir ce texte dans les mois ou les années à venir. Permettez-moi, donc, de respecter la sincérité des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
     
    Au groupe UDI, nous nous sommes posé la question suivante : en fin de compte, quel est le cœur de ce texte ? À nos yeux, la loi doit être au service du bien commun. Et dans ce texte, le cœur de ce bien commun, c’est l’enfant. Il s’agit d’articuler le sens, le droit, ainsi que le principe d’égalité autour de ce bien commun que constitue l’enfant et auquel, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous sommes tous extrêmement sensibles.
     
    Nous nous sommes posé cette question du sens. Quel est le sens initial du mariage ? Nous pensons – et ce n’est pas nous qui l’inventons, bien entendu – que le sens initial du mariage est quand même dans cette présomption de paternité, dans cette présomption de filiation dont l’objectif est de fixer le cadre de la famille. On peut contester cette présomption de filiation, on peut contester cette présomption de paternité,…

    M. Matthias Fekl. Ne vous excusez pas, assumez !

    M. Jean-Christophe Fromantin.

    …on peut aussi la respecter et la comprendre, dans la mesure où l’idée initiale du mariage était de vérifier, de valider, d’institutionnaliser la présence d’un père dans une famille, et donc d’un cadre familial équilibré.
     
    La deuxième question que nous nous sommes posée concerne l’interprétation du droit. Il est naturel de se demander quels sont les droits d’un couple hétérosexuel. Y a-t-il un droit à l’enfant, pour le couple hétérosexuel ? Je pense – et ce point de vue est majoritaire au sein de notre groupe – qu’il n’y a jamais eu de droit à l’enfant pour un couple hétérosexuel. Ce couple donne la vie, et le droit est là pour faciliter, respecter, organiser cette vie. Y a-t-il un droit à l’adoption ? Non, chers collègues, il n’y a pas de droit à l’adoption. Il y a un droit à la famille, pour des enfants qui n’ont pas de famille, mais pas de droit à l’adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
     
    Y a-t-il un droit à la PMA ? Non, chers collègues, il n’y a pas de droit à la PMA. La procréation médicalement assistée est un acte médical qui vient compenser un problème de stérilité au sein d’un couple hétérosexuel.
     
    Il y a un droit à la famille, il n’y a pas de droit à l’enfant, ni de droit à la PMA. C’est pourquoi il y a une méprise dans l’usage que l’on fait de la notion de droit en abordant ce texte. Si l’on fait de l’enfant l’objet d’un droit, alors, au titre de ce droit, la PMA et la GPA viendront tout naturellement s’intégrer à ce texte, comme vous l’avez fait pour l’adoption. Nous sommes donc extrêmement critiques sur le texte dans la mesure où, c’est incontestable, on ouvre un droit à l’enfant.
     
    Nous sommes tous attachés au principe d’égalité, mais, en fin de compte, ne prend-on pas le problème du mauvais côté ? Il y a dans un couple hétérosexuel et c’est la vie, une différence. Est-ce un handicap ou un atout ? Vous la voyez peut-être comme un handicap, nous la considérons comme un atout, l’altérité sexuelle donnant les conditions de l’équilibre, de l’épanouissement, de l’éducation, du rayonnement, de la progression, qui sont pour nous fondamentales.
     
    Nous sommes donc opposés à ce texte dans la mesure où, sur le principe même du sens, sur le principe du droit, sur le principe de l’égalité, il nous semble se détourner de ce que nous partageons pourtant, ce qui nous paraît être le cœur du bien commun, l’enfant, son épanouissement, son éducation, son avenir et, quelque part, c’est aussi notre avenir. (Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)
  • MJ Zimmerman (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Marie-Jo Zimmermann.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, madame la ministre déléguée chargée de la famille, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le mariage pour tous serait donc le fruit normal de l’évolution des mœurs, un accroissement des libertés, l’occasion pour la France de rejoindre un standard européen. C’est sur de tels arguments que vous vous êtes appuyés depuis des mois pour soutenir une réforme que la majorité des pays européens n’a pas adoptée et dont la majorité des Français est inquiète.
     
    Pour vous, la France est en retard par rapport à ses voisins européens. Vous savez bien que ces affirmations sont loin de correspondre à la réalité européenne. Cette réalité, la voici : moins d’un quart des vingt-sept pays de l’Union ont autorisé le mariage et l’adoption par des personnes de même sexe, et encore, selon des règles beaucoup plus restrictives que celles que vous nous présentez. Il en va de même pour la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.
     
    En revanche, ce sont seize pays – ce qui représente la majorité des pays européens – qui ont introduit l’union civile pour les personnes de même sexe. C’est donc cette voie qui est privilégiée en Europe. C’est cette voie-là que nous vous proposons de suivre depuis des mois ; et, puisque vous êtes soucieux de l’harmonie européenne, c’est cette voie que vous auriez choisie si vous aviez fait preuve de cohérence.
     
    Nous aurions pu facilement améliorer le PACS dans un esprit consensuel qui n’aurait pas suscité le clivage que crée le présent projet de loi au sein de la société française. Nous aurions pu faire de l’union civile un véritable cadre protecteur, tant pour le couple que pour les enfants. Au lieu de cela, vous allez ouvrir une véritable boîte de Pandore.
     
    Puisque vous choisissez de construire le couple homoparental sur la base de l’adoption, pouvez-vous vraiment nier que ce texte ouvrira logiquement la possibilité de la PMA puis de la GPA ? D’ailleurs, si les députés de votre majorité ont renoncé à déposer un amendement en faveur de la PMA, c’est uniquement contre l’assurance de débattre de ce sujet lors du projet de loi sur la famille que vous nous présenterez dans deux mois.
     
    Et que dire de la circulaire que vous venez de prendre, madame la garde des sceaux ? Certes, vous avez voulu sécuriser la situation des enfants concernés ; cependant, cette décision suscite chez nous beaucoup d’interrogations quant à ce qui se passera par la suite, et j’aurais souhaité obtenir une réponse à ce sujet.
     
    Vous qui êtes très respectueuse du droit des femmes – je sais, madame la garde des sceaux, que vous avez été très combative sur le sujet –, la marchandisation du corps de la femme, de l’utilisation de sa vie même, ne vous pose-t-elle pas problème ? Quelles femmes peuvent accepter de porter un enfant pour le confier à un autre après l’avoir mis au monde, sinon des femmes en grande détresse matérielle et sociale ?
     
    Au travers de ce projet de loi de mariage pour tous, vous remettez totalement en cause les lois de la filiation.
     
    Encore une fois, il ne s’agit pas de la capacité d’un couple homosexuel à élever ou à aimer un enfant ; je respecte l’amour que les uns et les autres peuvent donner à un enfant.
     
    La vie prive parfois un enfant de père ou de mère par accident, mais la loi ne doit pas organiser une telle privation.

    Mme Catherine Quéré. Ce n’est pas la même chose !

    Mme Marie-Jo Zimmermann.

    À travers ce texte, vous organisez légalement des arrangements qui priveraient a priori certains enfants d’un père ou d’une mère, des enfants qui doivent déjà porter toute leur vie le fait d’avoir été abandonnés. Faut-il en rajouter ? Je vous pose la question.
     
    Quand on mesure la différence des rôles de père et de mère et leur importance dans la construction d’un enfant, quand on connaît les traumatismes que l’absence de l’un ou de l’autre peut entraîner dans la vie d’un enfant et dans sa vie d’adulte ensuite, comment peut-on organiser par la loi l’éviction d’un des deux piliers indispensables à la construction de l’enfant ?
     
    Notre droit s’appuie sur une réalité naturelle : un enfant est issu de la différence sexuelle de ses géniteurs. Le priver par anticipation du bénéfice de l’altérité sexuelle de ses parents n’est conforme ni à sa nature, ni à son intérêt. Cela revient à l’exposer volontairement à des difficultés d’identification et de structuration de sa personnalité.

    M. Michel Issindou. Qu’est-ce que vous en savez ?

    Mme Marie-Jo Zimmermann.

    Pourquoi les enfants adoptés ne pourraient-ils pas avoir les mêmes chances que ceux qui sont élevés par leurs parents biologiques ?
     
    Vous choisissez de privilégier l’intérêt de quelques-uns, aussi respectables fussent-ils, madame la ministre, et je respecte les couples homosexuels,…

    Mme Catherine Quéré. Et heureusement !

    Mme Marie-Jo Zimmermann.

    …mais vous le faites au détriment des droits de l’enfant. Vous n’ignorez pourtant pas à quel point la loi peut être un instrument dangereux lorsqu’elle perd de vue ce qui la fonde, à savoir l’intérêt général. Dans la mesure où il n’existe pas d’études sérieuses sur le devenir des enfants des familles homoparentales, vous transformez ces enfants en véritables cobayes.
     
    En droit français, la distinction entre les personnes est fondamentale. Dans une naissance, les rôles masculins et féminins ne sont pas identiques. Être père ou être mère est relatif au sexe de la personne, et non à sa sexualité ou à son orientation sexuelle. On pourra retourner les choses comme on le voudra, on n’arrivera pas à faire que ces deux rôles soient interchangeables.
     
    Madame la ministre, j’attends vos réponses pour me décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • C. Capdevielle (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Colette Capdevielle.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce texte politique s’inscrit dans la lignée des grandes avancées républicaines. Il marquera l’histoire du droit de la famille.
     
    Le mariage est une institution républicaine ; grâce à ce texte il le deviendra encore davantage. Mais le mariage n’est pas sacré, à moins de considérer que le principe de laïcité est devenu caduc.
     
    Le modèle que prône aujourd’hui l’opposition est obsolète ; ouvrons les yeux, chers collègues ! La nuptialité est en baisse. Les familles se décomposent et se recomposent, les couples maintiennent la coparentalité, plus de 56 % des enfants nés en 2012 l’ont été hors mariage.
     
    La famille est devenue polymorphe, fragile, exigeante ; mais on s’aime toujours, on s’aimera toujours et la famille existera toujours.
     
    Aujourd’hui nous légiférons pour encadrer une situation de fait : la terre tourne, elle a même bien tourné.
     
    Pour être en phase avec les prétendues lois de la nature brandies par l’opposition, faudrait-il restaurer le couple dans lequel la vocation du mâle serait d’apporter les fruits de la chasse et de la cueillette à la maison pendant que la femelle s’occupe de la portée ? Nous avons quitté l’état de nature et nous n’en sommes plus là depuis longtemps, heureusement ! Et c’est la force du droit justement que de combattre la nature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. N’applaudissez pas !

    Mme Colette Capdevielle.

    Nous devons encadrer par la loi les évolutions sociétales qui sont des réalités objectives. Nous devons sécuriser, protéger les adultes et les enfants de la République, sans distinction et sans stigmatisation.
     
    Pour trouver une avancée significative de l’égalité, il faut remonter à la loi du 4 mars 2012 relative à l’autorité parentale, défendue par Ségolène Royale et qui octroyait enfin une protection aux pères,…

    M. Hervé Mariton. C’était en 2002, pas en 2012 !

    Mme Colette Capdevielle.

    En mars 2002, pardon. Cela fait déjà dix ans…

    M. Hervé Mariton. C’était déjà la priorité des Français !

    M. le président. Allons, monsieur Mariton !

    Mme Colette Capdevielle.

    Peu de progrès ont été accomplis depuis dans le domaine de l’égalité des droits. À l’époque, monsieur Mariton, cette loi a permis aux pères d’exercer l’autorité parentale à parité avec les mères et même prévu la possibilité de déléguer l’autorité parentale à un tiers. Cette dernière disposition, grâce à l’intervention du juge, a récemment permis à des femmes d’obtenir la reconnaissance de leur rôle affectif et éducatif auprès des enfants de leur compagne sans que ne soit toutefois établi un lien de filiation.
     
    Ce progrès s’est avéré totalement insuffisant, inefficace et inadapté.
     
    L’intérêt supérieur de l’enfant impose en effet que toutes les familles soient reconnues et protégées. Comment admettre qu’au XXIe siècle, en France, des familles vivent dans la clandestinité, que des hommes et des femmes élèvent, éduquent, soignent, aiment leurs enfants sans être reconnus, sans exister légalement auprès de ces derniers ?
     
    Chaque enfant de la République a le droit de grandir en sécurité dans la famille qu’il aime, qu’il connaît et qui l’aime.
     
    Quelle hypocrisie que d’exiger des familles homoparentales le respect de devoirs non assortis de droit : en effet, d’un côté, la loi ne leur reconnaît aucune existence légale, aucun droit, tandis que, de l’autre, on n’hésite pas à les menacer de sanctions pénales en cas de fausses déclarations aux caisses d’allocations familiales pour le versement des prestations familiales !
     
    Personne n’osera affirmer ici que grandir dans une famille homoparentale est néfaste pour un enfant, sauf à être de mauvaise foi. D’ailleurs, si tel était le cas, les juges des enfants interviendraient systématiquement pour procéder à des placements ou à des assistances éducatives.
     
    Ce texte va faire progresser l’égalité car il rompt avec les réflexes patriarcaux traditionnels et force l’évolution du droit de la famille ; je dirai même qu’il va secouer le droit de la famille. Le couple sera considéré comme l’union de deux adultes sans référence à leur genre, de deux êtres qui s’aiment dans un projet de vie commun.
     
    En conséquence, toutes les questions relatives aux biens, au devoir de secours et d’assistance, à la prestation compensatoire seront nécessairement revues sur des critères plus égalitaires et moins conventionnels.
     
    S’agissant des jeunes enfants, lorsque les parents ne se seront pas mis d’accord à leur sujet, nous sortirons enfin de l’empire tacite de la préférence maternelle. Toutes les familles, dans leurs différences, vont tirer profit de ce grand texte qui, finalement, favorisera le respect de chacun.
     
    Quelle chance avons-nous aujourd’hui de légiférer pour nous réunir toutes et tous, afin de mieux vivre ensemble ! Cette occasion est d’ailleurs assez rare pour que nous ne manquions pas ce rendez-vous républicain avec l’égalité.
     
    Pour conclure, madame la garde des sceaux, permettez-moi de rappeler les propose que vous avez tenus hier devant la France entière : « Nous sommes fiers de ce que nous faisons. » Vous avez prononcé ces mots au terme d’un discours particulièrement solennel et lumineux. J’ai reçu depuis quantité de messages de celles et ceux qui m’ont élue dans ma circonscription pour les représenter ici, et qui veulent vous remercier, car ces propos ont fait énormément de bien à ceux qui attendaient ce texte depuis des années.
     
    Madame la ministre, nous serons nous aussi très fiers de voter dans quelques jours cette très belle loi. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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