Le Mariage Pour Tous
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mercredi 30 janvier 2013

Marc Dolez (29 janvier)

M. Marc Dolez.

Monsieur le Président, madame la Garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat pose également la question de la tolérance, cette vertu de la démocratie, qui conduit à accepter ce que spontanément on pourrait rejeter. Elle représente à la fois une conquête de l’esprit des Lumières sur l’obscurantisme religieux et un progrès lié à la démocratie. Notre histoire en témoigne : toute nouvelle liberté, tout nouveau droit, implique nécessairement, pour s’exercer pleinement, un devoir de tolérance.
 
C’est pourquoi, pour notre groupe, le débat sur le mariage pour tous, dont l’objectif est la recherche de l’effectivité du principe d’égalité, doit se mener dans un esprit de tolérance et de respect.
 
Ce débat est en effet trop important pour être mené à coup d’invectives. Il ne convient pas de tomber dans la caricature ou de nourrir des confusions. Les députés du Front de gauche souhaitent ainsi, depuis le début, que la discussion parlementaire soit à la fois approfondie et respectueuse, et qu’elle se déroule dans la sérénité dont doit se montrer digne une démocratie moderne.

M. Hervé Mariton. Évitez l’obscurantisme à propos de religion !

M. Marc Dolez.

Sur le fond, notre engagement nous a toujours conduits à soutenir le combat contre toutes les discriminations et pour l’égalité des droits. C’est pourquoi nous soutenons un projet de loi qui s’inscrit précisément dans le mouvement général qui s’est exprimé ces dernières années en faveur de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, appelant notamment au renforcement des droits des personnes homosexuelles.
 
L’objectif central du projet de loi est d’assurer l’égalité des droits, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Dans la continuité de la dépénalisation de l’homosexualité, en 1982, puis de l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe et, en 1999, de la reconnaissance du couple homosexuel via l’instauration du pacte civil de solidarité, une nouvelle étape est ainsi proposée avec la reconnaissance républicaine du libre choix matrimonial des individus.
 
Aujourd’hui, le code civil consacre trois modes d’organisation juridique du couple : le mariage, le PACS et le concubinage. Seul le mariage est réservé aux couples hétérosexuels. Or, au regard de l’évolution du couple et de la famille dans notre société, à laquelle le PACS ne permet pas de répondre, il apparaît désormais nécessaire d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe afin de reconnaître la diversité des modèles familiaux tout en assurant l’égalité des droits et des devoirs de toutes les formes de famille. Il s’agit en fin de compte d’assurer l’égalité de choix entre les différentes formes d’union possibles.
 
Le mariage pour tous, ce n’est que de l’amour, celui de deux personnes qui décident de s’unir pour la vie : cet amour est aussi légitime que l’amour hétérosexuel.
 
Il est temps de permettre aux couples de personnes de même sexe, qui le souhaitent, de se marier et, par voie de conséquence, d’adopter.
 
Sans remettre en cause les droits des hétérosexuels, ni porter une quelconque atteinte au mariage qui demeure en l’état, cette réforme permettra de satisfaire la revendication d’égalité portée par une majorité de nos concitoyens et d’assurer une sécurité juridique aux dizaines de milliers d’enfants qui vivent déjà au sein de familles homoparentales.
 
Il s’agit d’une avancée démocratique de notre société, que de respecter ce principe d’égalité, car le mariage homosexuel ne menace ni le couple traditionnel, ni les fondements de la société.
 
Élargir le droit au mariage à tous les couples qui s’aiment ne revient pas à nier la différence sexuelle. Chacun sait bien – cela a été démontré – que le bonheur des enfants ne dépend pas de l’orientation sexuelle de leurs parents, mais leur équilibre exige d’abord de l’amour et une éducation.
 
Il nous semble particulièrement important d’insister dans ce débat sur la philosophie du projet de loi, tant circulent de contrevérités sur le sujet. Il ne s’agit pas en effet de réformer l’institution du mariage, mais seulement de lever une discrimination en ouvrant aux homosexuels le droit de se marier.
 
En étendant l’application des dispositions du mariage aux couples constitués par des personnes du même sexe, le projet de loi ne modifie pas le droit existant, applicable aux couples de sexe différent, et n’apporte aucune modification aux dispositions relatives à la filiation établie par l’effet de la loi.

M. Hervé Mariton. C’est inexact !

M. Marc Dolez.

L’institution du mariage ne sera pas altérée mais simplement, dans un objectif d’égalité, ouverte aux personnes de même sexe vivant en couple. Celles-ci auront ainsi le droit de se marier au même titre que les personnes hétérosexuelles et dans les mêmes conditions, qui sont inchangées : les modalités du mariage demeurent, les obligations et les droits nés du mariage sont identiques, les règles relatives à la filiation inchangées puisque les textes relatifs à la filiation légalement établie, spécifique de la parentalité hétérosexuelle, ne sont pas modifiés, les règles de la filiation adoptive sont inchangées, celle-ci étant désormais accessible directement à tous les couples mariés, quel que soit le sexe des conjoints.
 
Il s’agit donc bel et bien de permettre à deux personnes de même sexe de s’unir avec toutes les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales qui en découlent ; il s’agit d’apporter la protection du droit à ceux qui en étaient exclus jusque-là !

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Marc Dolez.

S’agissant plus spécifiquement de l’adoption, les couples homosexuels mariés pourront adopter un enfant ou l’un des deux époux l’enfant de son conjoint, dans les conditions déjà fixées actuellement par la loi pour les couples hétérosexuels. La possibilité pour un couple de même sexe de se marier a pour conséquence automatique de lui permettre d’adopter, et le mariage conserve ainsi sa vocation principale : fonder un foyer. Il n’y a là ni désagrégation de la famille ni risque pour l’équilibre psychologique des enfants. Alors que le nombre d’enfants vivant dans des familles homoparentales est estimé à environ 250 000, le dispositif proposé par le projet de loi permettra de légitimer l’existant, de régulariser la situation d’un grand nombre de familles et de sécuriser sur le plan juridique la situation de ces enfants. Le Défenseur des droits l’a clairement souligné lors de son audition : le projet de loi est à l’évidence conforme à l’intérêt supérieur des enfants qui vivent aujourd’hui au sein de couples homosexuels.
 
Le groupe GDR approuve également la volonté du Gouvernement de ne pas modifier le droit commun de la filiation. Dans le titre du code civil relatif à la filiation, les parents demeurent père et mère, les modes d’établissement des liens de filiation paternelle ou maternelle restent le plus souvent distincts et l’action en contestation du lien de filiation implique des preuves dont l’objet est différent selon qu’elle porte sur la maternité ou sur la paternité. Il existe donc toujours, contrairement à ce qui est parfois affirmé, une filiation sexuée et des conséquences du mariage sur la filiation propres aux couples de sexe différent : la présomption de paternité ne bénéficie pas aux couples de personnes de même sexe.

M. Xavier Breton. C’est une inégalité !

M. Marc Dolez.

En l’état actuel du texte, c’est donc l’adoption qui permettra d’établir la filiation pour les couples homosexuels.
 
Pour la clarté du débat, je veux ici préciser que pour la majorité de notre groupe, les questions de l’extension de la procréation médicalement assistée ou de l’accès aux origines sont plus éthiques et philosophiques que strictement juridiques, et que c’est, par voie de conséquence, dans le cadre de la révision des lois bioéthiques qu’elles devraient être abordées.

M. Bernard Accoyer. Ah !

M. Xavier Breton. Dans six ans !

M. Marc Dolez.

Je conclus en soulignant que pour les députés du Front de gauche, le droit reconnu aux couples de même sexe de se marier est un élément indispensable pour la reconnaissance sociale et juridique de ces couples et de ces familles. Le projet de loi qui nous est soumis est un texte équilibré qui n’altère pas l’institution du mariage, un texte qui oppose l’intelligence et le progrès aux préjugés et au refus des différences, un texte qui, en adaptant notre droit aux évolutions de notre société, s’inscrit logiquement dans la lignée des grandes réformes du droit de la famille depuis les années 70, tels l’assouplissement des règles du divorce, la suppression de la distinction entre enfant légitime et enfant naturel ou encore la reconnaissance à égalité aux deux parents de l’autorité parentale. Avec cette loi, et ce sera bien sûr le sens de notre vote, les familles, toutes les familles, ne seront en rien déstructurées mais, au contraire, renforcées et protégées. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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