Le Mariage Pour Tous
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jeudi 31 janvier 2013

B. Lesterlin (30 janvier)

M. Bernard Lesterlin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, deux couples homosexuels d’un petit village de ma circonscription, Louroux-de-Beaune, 184 habitants, sont allés frapper à la porte de chaque maison et de chaque ferme. Ils ont demandé aux habitants de ce village où tout le monde se connaît : « Soutenez-vous le projet de loi de mariage pour tous ? » Si 15 personnes ont refusé de signer, 101 ont signé pour.

M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Et le vote à bulletin secret ?

M. Bernard Lesterlin.

Cela n’est pas une enquête scientifique, j’en conviens. Mais peut-être mieux qu’un sondage, cela donne une idée de l’état d’esprit des Français sur cette question.

M. Laurent Furst. Le ridicule ne tue pas !

M. Bernard Lesterlin.

Chacune de ces 101 personnes a écrit elle-même son nom, son adresse et a signé.
 
Je souhaite, dans le calme et la sérénité, m’adresser plus particulièrement à mes collègues de l’opposition en me référant aux propos de M. Guaino – que j’ai trouvés hier plus lyriques et beaucoup moins arrogants que ceux de Laurent Wauquiez aujourd’hui.
 
Il nous a été dit hier que le projet de loi organisait une société qui n’est pas celle dans laquelle vous voulez vivre.

M. Hervé Mariton. C’est vrai !

M. Bernard Lesterlin.

Je respecte votre préférence.

M. Hervé Mariton. Merci !

M. Bernard Lesterlin.

Vous souhaitez vivre dans une société où l’on se marie pour faire des enfants et, ce faisant, reproduire l’espèce humaine. Pour procréer il faut un homme et une femme, c’est vrai. À cela, vous ajoutez la volonté du couple de faire des enfants dans le mariage.
 
Cependant, vous êtes obligés de constater que pour faire des enfants, il faut ne pas être stériles. Dans ce cas, vous admettez que l’on puisse avoir recours à la médecine, donc à la PMA – une disposition qui ne figure d’ailleurs pas dans ce texte. Il n’y a là rien que de très normal : la société dans laquelle vous voulez vivre peut, vous en convenez, compter des personnes que vous aimeriez savoir toutes fécondes.
 
Vous avez donc raison de regarder la société non comme vous la souhaitez idéale mais comme elle est : personne ne songerait à stigmatiser ici les personnes stériles, pas plus que la femme qui n’a plus l’âge d’être féconde mais qui aime son compagnon et qui veut l’épouser. Alors vous admettez qu’il puisse ne pas y avoir de corrélation automatique entre le mariage et la reproduction naturelle.
 
La loi ne doit pas organiser l’exclusion de telle ou telle catégorie de nos concitoyens. Au contraire, elle doit être inclusive et répondre à toutes les situations humaines. Vous voyez bien que notre fonction de législateur n’est pas de faire valoir nos préférences personnelles, mais de toujours être en quête de l’intérêt général, celui de tous nos concitoyens, sans exclusive.
 
Même si dans nos campagnes électorales nous avons fait valoir nos préférences pour tel programme ou tel candidat, dès lors que nous sommes élus, nous sommes porteurs d’un mandat du peuple que nous exerçons non pas à sa place mais pour lui, dans la recherche de l’intérêt général dont je parlais. Cette interprétation de la démocratie, nous la partageons sur tous les bancs de cet hémicycle, à droite comme à gauche.
 
La société dans laquelle vous voulez vivre, dans laquelle nous vivons, n’est pas idéale. Encore une fois, elle est comme elle est. Vous devez constater qu’elle comporte des hétérosexuels et des homosexuels, que ces derniers ont aussi le droit de s’aimer et de vivre en couple. Je ne fais à personne le procès d’être homophobe – par définition, il n’y a aucun homophobe dans cet hémicycle.
 
Alors, la question qui se pose est la suivante : les couples homosexuels ont-ils le droit d’élever des enfants ? Si vous pensez que non, il ne faut pas leur interdire le mariage mais l’adoption. Y êtes-vous prêts ?
 
Les formulaires CERFA des dossiers des départements consacrés aux candidatures à l’adoption qui comporteraient la question « Êtes-vous homosexuel ? » tomberaient sous le coup de la loi, vous le savez bien. Faudrait-il alors demander oralement aux candidats à l’adoption s’ils sont ou non homosexuels ? Et s’ils ne répondent pas, doit-on instituer une présomption d’homosexualité ? Je suis sûr que vous pensez que non. Nous devons donc en déduire ensemble que la préférence sexuelle ne peut pas en France constituer un critère d’éligibilité à l’adoption.
 
De toutes ces évidences, il en ressort une : des enfants de couples homosexuels, il y en a. Ils sont même nombreux. Et si vous n’en connaissez pas, vous auriez dû assister aux auditions du 20 décembre de la commission des lois.

M. Erwann Binet, rapporteur. Exactement !

M. Bernard Lesterlin.

Vous auriez pu échanger avec eux. Eh bien, c’est pour ces enfants-là que j’ai envie de me battre. Ces enfants-là nous demandent d’être considérés comme des citoyens comme les autres. Ils nous demandent de ne pas pouvoir être confiés à un tiers ou à une institution si l’un de leurs deux parents meurt ou si les parents se séparent. Ils nous demandent d’avoir un livret de famille dans lequel figurent les noms de leurs deux parents sur la page de gauche et sur la page de droite. Quand les enfants ont deux parents, il ne faut pas leur mentir. La République ne peut pas mentir à ses citoyens par omission sur les livrets de famille qu’elle délivre. Ils nous demandent que leurs deux parents aient l’autorité parentale sur eux et puissent décider immédiatement s’ils doivent être hospitalisés ou opérés en urgence. Ils nous demandent que, nous qui votons la loi, les considérions comme des enfants tout simplement comme tous les autres enfants de France, c’est-à-dire comme des citoyens à part entière et non comme les enfants de parents entièrement à part.
 
Mesdames les ministres, les deux couples homosexuels de Louroux-de-Beaune m’ont dit attendre avec impatience le vote de votre projet de loi et la promulgation de la loi telle qu’elle ressortira des débats du Parlement. Ce sont des citoyens comme chacun d’entre nous. Alors je veux dire avec force que je voterai ce texte avec fierté, pour eux comme pour tous nos compatriotes qui l’attendent. Je voterai cette loi d’égalité avec le sentiment d’avoir été utile à mon pays, à mes concitoyens et d’avoir respecté le mandat que m’ont confié les électeurs de l’Allier.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Bernard Lesterlin.

Et puis, il est si rare de parler d’amour dans cet hémicycle : ne gâchons pas notre plaisir ! (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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