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Discussion générale

  • Catherine Lemorton (29 janvier)

    30 janvier 2013

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la présentation et la discussion de ce projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe marque l’aboutissement d’un long combat destiné à faire reculer les préjugés et parfois les violences à l’encontre des homosexuels, donc d’un combat qui n’est pas sans lien avec la lutte en faveur du respect des libertés, de l’égalité des droits et de la fraternité, ces trois mots gravés dans la pierre des frontons de nos mairies.

    M. Jacques Myard. Ça, c’est du pathos !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Alors que ce débat ne fait que commencer, je souhaite qu’il se déroule de manière digne et que tous et toutes, ici, nous fassions preuve d’écoute et de respect, surtout de respect de ceux et celles qui attendent cette loi pour obtenir les mêmes droits que les autres. Comme moi, vous avez dû recevoir la charte pour un débat parlementaire respectueux que l’association SOS Homophobie a envoyé à chacun et chacune d’entre nous. Je vous lis les six engagements que comporte cette charte.

    M. Marc Le Fur. Police de la pensée !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Premièrement, « je considère que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité, les homosexuel-le-s, bisexuel-le-s et trans ne faisant pas exception à cette règle ».
     
    Deuxièmement, « je sais que les relations homosexuelles entre personnes majeures et consentantes sont légales. Je sais que l’homosexualité n’est ni une pathologie, ni une déviance, ni un trouble psychique, ni une affection : c’est une orientation sexuelle respectable, comme l’est l’hétérosexualité ».

    M. Éric Woerth. Ça n’a rien à voir avec le sujet !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Troisièmement, « compte tenu du principe de laïcité qui tient compte de la pluralité des religions et des convictions au sein de notre société, je sais que les règles d’une religion ne peuvent être invoquées pour s’opposer ou se soustraire aux règles de la République. Étant élu-e pour représenter et voter les lois d’une République laïque, je ne ferai pas primer un dogme religieux sur l’action politique ».
     
    Quatrièmement, « je condamnerai fermement toute dévalorisation des personnes LGBT et de leur entourage, tout propos insultant, dégradant, blessant et tout amalgame entre homosexualité et pédophilie, zoophilie, polygamie, inceste ou tout autre crime ou délit ».
     
    Cinquièmement, « quelle que soit ma position envers le projet de loi et le débat, j’affirme respecter les personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, et je soutiens les personnes victimes d’homophobie ou de discriminations ».

    M. Éric Woerth. Nous aussi ! Tout le monde !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Sixièmement, « j’ai conscience que les injures et diffamations sont violentes et blessantes pour les personnes LGBT et je m’engage à tenir des propos mesurés et respectueux de toutes les citoyennes et tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle ».
     
    En rappelant ces engagements, je souhaite insister sur la forme que doivent prendre nos débats et ne pas revivre ce qui s’est passé lors des débats au sein de la commission des affaires sociales, que je préside. Je veux parler de la sortie théâtrale d’un de nos collègues, jusqu’ici fort discret en commission, qui a entraîné derrière lui ses quelques collègues de groupe.
     
    J’en profite pour saluer à nouveau l’attitude de notre collègue Arnaud Richard, membre du groupe UDI, qui, seul de l’opposition, est resté jusqu’à la fin du débat pour défendre ses amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)
     
    J’espère que le député que je n’ai pas nommé comprendra vite qu’il a été élu, comme nous tous et nous toutes, pour siéger aussi en commission, et que ce n’est pas parce qu’il voit ses deux premiers amendements repoussés qu’il doit quitter la salle. Le fait majoritaire est une réalité, mon cher collègue, et il faudra bien que vous vous en accommodiez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) S’ils avaient eu la même attitude, les membres du groupe socialiste n’auraient pas siégé souvent en commission au cours de la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Surtout, le procès en illégitimité du Parlement, qu’il a instruit dans cette commission, n’est pas acceptable. Le Président de la République avait inscrit cette réforme parmi ses soixante propositions – c’était la trente-et-unième – et nous, députés de la majorité, avons été élus pour mettre en œuvre cet engagement. Alors, au-delà de la querelle des chiffres sur les participants aux manifestations, il y a un chiffre qui est officiel, c’est celui des 18 millions de nos concitoyens qui ont voté François Hollande le 6 mai dernier et qui l’ont conforté en lui donnant une majorité parlementaire dans cet hémicycle, et, pendant quatre ans et demi, vous n’y pourrez rien ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Claude Goasguen. Laignel ! Reviens, Laignel !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    J’en viens maintenant au fond du débat pour répondre à certains des arguments avancés par les adversaires de ce projet. En surplomb de ces arguments, on entend l’invocation de la nature humaine et de ses exigences. L’on appelle à la rescousse l’anthropologie, alors que, s’il y a bien une réalité que cette science nous enseigne, c’est la pluralité, dans le temps et dans l’espace, des modèles familiaux. J’avoue ma perplexité et mes réticences à invoquer, dans ce débat comme dans d’autres, l’idée de nature. Je partage tout à fait ce qu’a écrit Mme Martine Chantecaille, enseignante en philosophie : « Quand bien même la nature serait l’origine de certaines situations, cela n’en fait pas pour autant le fondement que le droit devrait suivre […]. Le fondement du droit ne peut être la nature, au demeurant plus souvent fantasmée que réelle, mais bien plutôt l’idéal moral de l’égalité des êtres humains. »
     
    Un autre des arguments avancés par les opposants à ce projet de loi est que nous ne ferions que légiférer pour une infime minorité de la population.

    M. Claude Goasguen. C’est vrai !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Or, ce qui importe, c’est que ce texte ne porte pas atteinte aux droits et aux intérêts de la majorité. L’ouverture du mariage homosexuel, cela a été dit, ne porte aucun préjudice aux couples déjà constitués ni aux futurs couples hétérosexuels.

    M. Claude Goasguen. Vous avez mal lu Carbonnier !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Autre argument fallacieux, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe saperait les fondements du mariage et de la famille. Penser cela, c’est nier les évolutions à l’œuvre depuis des décennies, qui ont profondément modifié ces fondements. Aujourd’hui, le mariage n’est qu’une des façons de faire couple – il y en a plein d’autres – et cette façon de faire couple s’appuie avant tout sur la sincérité du sentiment entre deux êtres.
     
    Certains prétendent que le but du mariage est d’abord et avant tout la fondation d’une famille. Pourtant, il n’est plus le seul instrument juridique pour fonder une famille. D’ailleurs, plus de la moitié des naissances dans notre pays – cela a été dit par Mme la ministre des familles – adviennent hors mariage.
     
    Dernier argument que les adversaires du projet de loi espèrent imparable, en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, nous porterions atteinte aux droits des enfants. C’est tout le contraire ! Ce projet de loi ne va pas créer des familles homoparentales ; tout le monde sait qu’elles existent déjà, depuis longtemps.

    M. Jacques Myard. C’est pas une raison !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Cela porte-t-il préjudice à ces enfants ou les met-il en danger ? Bien sûr que non, du moment qu’ils sont élevés dans l’amour par ces couples. Les enfants de ces familles ne sont ni plus ni moins épanouis ou équilibrés que les autres. Ce qui se révèle difficile à vivre pour ces familles, c’est quelque chose qui ne leur est pas imputable, c’est le regard que la société porte sur elle.
     
    Sartre écrivait dans Huis clos : l’enfer, c’est les autres, c’est le regard que posent les autres. Alors, évitons d’être ces autres. Je crois profondément que le vote de ce projet de loi contribuera à faire évoluer dans le bon sens ce regard et à combattre les préjugés véhiculés par ses adversaires. En réfléchissant ces derniers jours à ce débat, je me demande si la société ne s’est pas profondément trompée dans son approche de l’homosexualité, je me demande si, lorsque celle-ci a été retirée de la liste des maladies mentales, il n’aurait pas fallu lui substituer l’homophobie.

    Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    Je rappelle à ce sujet que bien avant l’OMS, la France avait retiré l’homosexualité de la catégorie des maladies psychiatriques. Cela a été fait par une majorité de gauche, et par la voix de Robert Badinter. Naturellement, personne ne se revendiquera homophobe dans cet hémicycle : je pars du principe que personne ici ne l’est. Mais il y en a à l’extérieur, nous le savons tous. Or si l’on s’interroge sur le sens du mot « phobie », quelles définitions en trouve-t-on ? En voici quelques-unes : en psychopathologie, le terme phobie – du grec ancien phobos – désigne un ensemble de souffrances psychiques et de troubles psychologiques axés sur un acte ou une entité extérieure capable de susciter une peur morbide et irrationnelle, hors de proportion par rapport au danger réel, une peur ou une aversion persistante et irrationnelle d’un objet ou d’une situation.

    M. Jacques Myard. Ça, c’est votre définition !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

    D’un objet ou d’une situation : ces mots sont importants. On peut avoir peur d’un objet ou d’un animal, comme les araignées ou les serpents, ou d’une situation, comme la foule ou, à l’inverse, les espaces confinés – c’est la claustrophobie. Quel sens cette peur a-t-elle quand elle porte sur des hommes ou des femmes que l’on croise chaque jour dans la rue, sans que rien ne permette de les distinguer de leurs semblables ? Être homophobe, c’est quelque part être un peu malade.
     
    Il faut donc espérer que le vote de ce projet de loi, outre qu’il fera progresser l’égalité des droits et sécurisera ces couples, ces familles, aura quelques effets thérapeutiques sur un certain nombre de nos concitoyens frappés par cette homophobie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
  • JJ Urvoas (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Monsieur le président, madame et monsieur le ministre, madame et monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, je ne vais pas intervenir sur le fond de ce projet de loi,...

    M. Jacques Myard. Il n’y a pas de fond !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    …tout simplement parce que je le dirais moins bien que l’excellent rapporteur Erwann Binet et que Marie-Françoise Clergeau.
     
    Je veux consacrer quelques minutes à l’étonnant, l’inquiétant procès en illégitimité intenté à ce Parlement, qui ne serait donc pas apte à voter un texte de cette importance.

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    J’ai entendu que, au regard de l’importance de l’enjeu, c’était au peuple souverain et à lui seul de débattre et de se prononcer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il m’a semblé que cet après-midi était le bon moment pour essayer de démontrer l’inconsistance de cette argumentation et évoquer ce qu’elle révèle d’inquiétant sur notre modèle institutionnel, en tout cas sur la manière dont certains l’appréhendent.
     
    Comme beaucoup d’entre nous ici, j’ai reçu beaucoup de courriers sur ce texte appelant à l’organisation d’un grand débat. À chaque fois, j’ai répondu que ce débat avait lieu et qu’il fallait être d’une extraordinaire mauvaise foi ou d’une stupéfiante cécité pour ne pas s’en rendre compte.
     
    Depuis sa présentation à la presse en septembre et son dépôt devant notre assemblée en novembre, quel autre sujet a été autant discuté par nos concitoyens,…

    M. Claude Goasguen et M. Pierre Lequiller. Le chômage !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    …, disséqué par les médias, traité par les sociologues, les psychologues, et même par les représentants du culte ? Débats, tribunes, confrontations, cela fait des mois que la société parle de ce sujet. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Même dans cette assemblée, grâce au président Bartolone que je remercie, nous avons décidé que les auditions seraient ouvertes à la presse et retransmises sur le site de l’Assemblée nationale – ce qui n’avait jamais été l’usage sous la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Mais si, cela s’est fait avant !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    S’il s’agit d’un débat escamoté, je ne sais pas ce qu’est un vrai débat ! Qu’aurions-nous pu faire de plus ? Votre modèle était-il le débat sur l’identité nationale ? (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’attendions pas grand-chose de ces grands-messes préfectorales dont il ne sortait que ce que ses instigateurs avaient décidé qu’il devait en sortir.
     
    Je crois que le problème tient finalement à ce que certains n’admettent la pertinence d’un échange de vues que s’il aboutit à l’alignement de tout contradicteur sur leurs propres positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas notre conception.

    M. Claude Goasguen. Mais c’est votre pratique !

    M. Philippe Meunier. Et les consignes de vote données aux députés socialistes ?

    M. Pierre Lequiller. Pas un seul amendement de l’opposition n’a été accepté !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Concernant l’appel au peuple, le Gouvernement, par la voix de la garde des sceaux et de la ministre de la famille en commission des lois, a eu l’occasion de démontrer l’inapplicabilité constitutionnelle d’une telle requête. Je n’y reviens pas, d’autant que nous aurons, je crois, l’occasion d’en reparler dans la soirée.
     
    Ce problème juridique mis à part, il ne semble pas que l’usage du référendum sur cette question aurait été pertinent. La nature même de la procédure référendaire, binaire, ne permet pas d’apporter une réponse nuancée à une question complexe.

    M. Philippe Gosselin. La vôtre n’est pas nuancée non plus !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Attendez donc ma démonstration, vous la contesterez ensuite… Pas d’a priori !

    M. le président. Monsieur Gosselin, vous répondrez tout à l’heure. En attendant, écoutez !

    M. Philippe Gosselin. J’écoute avec attention.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    La question qui a donné lieu au dépôt de ce projet de loi se signale par sa complexité, chacun le reconnaît. Il suffit de regarder l’indéniable diversité des réactions qu’il suscite.
     
    Certains de nos concitoyens sont favorables au mariage pour tous, mais hostiles à l’adoption par des couples homosexuels. D’autres sont totalement opposés au principe même du droit au mariage pour les homosexuels. D’autres encore estiment le texte incomplet au point de vouloir y intégrer d’autres dispositions.
     
    Une telle disparité des opinions exclut de fait le recours à un mécanisme de consultation qui interdit toute prise en considération d’un éventail très large de positions.

    M. Yves Fromion. Cela n’interdit pas le débat !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    C’est, me semble-t-il, une question de bon sens mais aussi un problème politique.
     
    Nous avons un rapport étrange au référendum. Régulièrement, les citoyens, en tout cas les sondés, plébiscitent l’outil, mais, lorsque l’occasion leur est donnée, ils sont moins nombreux à se déplacer. Du moins ne le font-ils pas en masse.
     
    Faut-il rappeler les taux d’abstention enregistrés lors du référendum de 1988 et de celui, pourtant très populaire, de 2000 sur le quinquennat ? Pourquoi donc, par quelle bizarrerie donc devrait-on considérer que le législateur est – par essence – disqualifié ? Sommes-nous certains qu’en 1975, si un référendum avait été organisé sur l’IVG, son résultat aurait été positif ? Le résultat d’un référendum sur la peine de mort, en 1981, aurait-il été positif ? En 1999, le résultat d’un référendum sur le PACS aurait-il été positif ?
     
    Pourtant, qui, aujourd’hui, conteste ces trois décisions, ces trois votes du Parlement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
     
    Oui, la légitimité du référendum est incontestable sur les questions d’ordre institutionnel, mais, pour le reste, je crois sincèrement que c’est au pouvoir politique, exécutif et législatif, de prendre ses responsabilités.

    M. Alain Tourret. Très bien !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    J’ajoute qu’il est pour le moins surprenant de voir ceux-là même qui reprochent à la majorité d’instrumentaliser le thème du mariage pour tous pour faire diversion par rapport à la crise économique réclamer à présent un référendum sur le sujet alors même qu’il monopoliserait inévitablement l’attention et les débats pendant plusieurs mois.
     
    J’en viens à mon dernier argument.
     
    Les revendications incessamment ressassées de « grand débat » et de référendum révèlent incidemment une volonté plus ou moins consciente de contourner le Parlement.
     
    Certains éminents collègues, dont certains viennent d’arriver dans cette assemblée, y sont allés de leur couplet, louant avec ferveur les inestimables mérites de la démocratie directe. Étonnante déclaration que celle d’un de nos collègues, lors de la manifestation du 13 janvier : « En tant qu’élu de la Nation, je n’ai pas reçu le mandat de voter sur des réformes aussi essentielles » ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
     
    Nous voilà donc prévenus : le Parlement n’a pas vocation à traiter les « réformes essentielles », sans doute est-il seulement là pour gérer les affaires courantes…

    M. Jean Glavany. Incroyable !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Singulière conception de ce qu’est une démocratie représentative !
     
    Nous, législateur, ne serions donc que des comparses, pour ne pas dire des parasites, sur une scène politique où les deux sources exclusives de légitimité seraient le chef d’État et le peuple. C’est à croire que les vieilles recettes éculées du bonapartisme ont encore des adeptes zélés ! Ce n’est pas notre modèle institutionnel, cela ne le sera jamais.

    M. Claude Goasguen. Vous rêvez, monsieur Urvoas, vous rêvez !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Nous voulons un pouvoir législatif respecté, pleinement responsable, qui ne se défausse pas à la moindre contestation.
     
    Nous ne croyons pas que la rue et le référendum soient les deux seules ni même les deux principales formes d’expression d’une démocratie moderne.

    M. Claude Goasguen. C’est incroyable d’entendre ça !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Nous rejetons cet inconcevable jésuitisme qui consiste, d’une part, à en appeler constamment à la revalorisation du Parlement et, de l’autre, à exiger, dès qu’une réforme essentielle serait examinée, que le Parlement ne s’en occupe pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
     
    J’invite dès lors chacun à retrouver le sens de la mesure.
     
    Chers collègues, nous n’imposons rien contre la volonté du peuple, nous n’avons trompé personne, nous nous contentons de mettre en œuvre ce sur quoi nous avons été élus. François Hollande a été élu président de la République sur un programme.

    M. Claude Goasguen. Et vous obéissez !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Nous avons été élus dans nos circonscriptions sur cette réforme.
     
    Un projet de loi a été déposé dont l’objectif est d’en autoriser l’application. Il est discuté, à partir d’aujourd’hui en séance publique comme il l’a été en commission des lois pendant près de vingt-quatre heures.
     
    Nos débats ne seront pas contraints par le temps-guillotine que vous nous avez imposé pendant plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Vous refusez le débat !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    L’opposition, et c’est normal, aura le droit de défendre ses amendements comme elle l’a fait en commission. Puis le vote aura lieu, dans l’apaisement. En fin de compte, c’est la démocratie, toute la démocratie, rien que la démocratie.
     
    Le scandale, en vérité, eût été que nous baissions les bras, que nous nous résignions à défendre un texte tronqué, expurgé de ses principales dispositions.
     
    Que ne nous auriez-vous pas dit, chers collègues de l’opposition ! Qu’aurait dit l’opinion sur l’incapacité des politiques à tenir leurs promesses, sur l’imprévoyance de l’exécutif et de sa majorité parlementaire, sur leur patente inconsistance, sur leur navrante inconséquence ?
     
    Ces critiques-là eussent été justifiées. Celles dont l’opposition nous abreuve nous honorent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
  • MG Buffet (29 janvier)

    30 janvier 2013

    Mme Marie-George Buffet.

    Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis ce soir nous propose de franchir une étape très importante dans l’égalité d’accès de toutes et tous aux droits garantis par notre République. L’examen de ce projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe témoigne de notre capacité à nous saisir d’aspirations nouvelles dans la société et à leur donner légitimité par la loi. Ce projet de loi touche au choix personnel de chaque individu, il donne aussi à voir une réalité sociale, la société gagnera en humanité en les reconnaissant.
     
    J’espère que notre assemblée montrera sa volonté d’accompagner les avancées nécessaires à une société ouverte et donc apaisée. Elle a su le faire pour l’abolition de la peine de mort, avec la loi de M. Badinter, comme pour les droits des femmes avec la loi de Mme Veil.
     
    Que nous dit ce projet de loi ? Il nous dit que le mariage est un droit, le droit à un projet de vie partagé entre deux êtres humains, à un engagement fondé sur l’amour et le respect de l’autre. Il nous dit qu’il n’est pas acceptable que des hommes et des femmes soient écartés de ce droit car ils vivent ce projet, cet engagement entre personnes de même sexe.
     
    Il a pour objectif de mettre fin à une discrimination, une discrimination qui s’appuie sur un ordre, la domination patriarcale, et sur un code aujourd’hui dépassé qui réduit le mariage à un modèle familial unique où l’amour et la sexualité sont liés à la procréation.
     
    Aujourd’hui, les femmes disposent de leur corps et maîtrisent leur fécondité. La liberté sexuelle est reconnue. Elle se conjugue avec l’exigence de la non marchandisation du corps, une exigence qui est synonyme du refus de la gestation pour autrui, une exigence qui appelle aussi l’abolition de la prostitution.
     
    La famille se construit sous différents visages : famille monoparentale, famille recomposée, couples homosexuels… L’amour, le projet de vie commun se sont libérés d’un modèle unique et c’est bien car, en en finissant avec l’hypocrisie, bien des frustrations, bien des souffrances sont levées.
     
    En ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ce projet de loi fait tout simplement entrer la réalité dans le code civil. Il faut vraiment avoir de très vieilles lunettes pour ne pas le voir.
     
    J’ai parlé du droit au mariage pour les personnes du même sexe, parlons de leur droit à fonder une famille. Le projet de loi ouvre le droit à l’adoption pour tous les couples et traite de la filiation. Contrairement à ce qui est parfois dit, il ne s’agit pas d’un droit à l’enfant, mais au contraire d’ouvrir les mêmes droits à tous les enfants, quel que soit le foyer au sein duquel ils vivent.

    M. Bernard Accoyer. Non !

    Mme Marie-George Buffet.

    Les nombreuses études portant sur les enfants de couples de même sexe effectuées dans des pays où ces droits sont ouverts depuis de nombreuses années indiquent que ces enfants ne sont ni plus ni moins heureux, ni plus ni moins équilibrés que des enfants de couples hétérosexuels.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Marie-George Buffet.

    Car ce qui importe le plus pour l’enfant, c’est bien l’amour qui l’entoure, la démarche éducative et la protection accordée par ses parents. Permettez-moi de penser que tout cela ne dépend pas de l’identité sexuelle de ces derniers.
     
    Permettre l’adoption aux couples homosexuels appelle la France à agir au plan international contre l’homophobie d’État, et à aborder ce problème et celui de l’adoption au moment de signer des conventions bilatérales.
     
    Ce projet de loi est une avancée pour les droits des enfants. Il s’agit de lever toute instabilité pour leur avenir en permettant que la responsabilité de leurs parents soit reconnue à part entière. Car si ces enfants souffrent parfois du regard extérieur, n’est-ce pas justement parce que la loi ne leur permet pas de vivre à égalité avec les autres enfants ? Les enfants ont besoin d’avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit.
     
    Ce dont nous traitons ici, en fait, c’est de notre capacité à vivre ensemble, à gagner en humanité par la pleine égalité et la liberté de chaque individu. C’est dans cet objectif que je défendrai plusieurs amendements concernant l’identité de genre, le nom d’usage et la procréation médicalement assistée. Il ne s’agit pas ici de légiférer sur la PMA. La loi, après de grands débats dans la société comme dans notre assemblée, l’a autorisée depuis plusieurs années. Ce que propose cet amendement est d’étendre le droit à la procréation médicalement assistée à d’autres femmes, dans les conditions prévues par la loi.
     
    Certains s’interrogent, au motif que cela conduirait à transformer une solution thérapeutique à la stérilité en ouverture d’un droit. Mais nous sommes passés de l’avortement thérapeutique au droit des femmes à avorter, et nous avons été nombreux à nous féliciter de la décision prise cette année de rembourser l’IVG à 100 % !
     
    Je n’ignore pas que le Gouvernement dit vouloir renvoyer le débat sur la PMA à une future loi sur la famille. La dernière raison invoquée pour justifier ce report est la nécessité de consulter le Comité consultatif national d’éthique. Je regrette que cette consultation n’ait pas eu lieu au moment où nous commencions à débattre de cette loi, et où le groupe majoritaire avançait cette proposition.

    Mme Catherine Vautrin. Nous aussi, nous le regrettons !

    Mme Marie-George Buffet.

    Cet ajournement n’éteindra pas les flammes du débat. Le débat existe : menons-le sereinement, ouvrons-le sans attendre à partir du travail déjà effectué par les associations.
     
    Il y a des rendez-vous à ne pas manquer. Ce projet de loi, s’il s’ouvre à de nouvelles avancées, peut permettre à des hommes, des femmes et des enfants de vivre un plein bonheur. Permettons-leur ! La grande anthropologue Françoise Héritier disait : « il faut du temps pour passer du possible au pensable ». Pensons vite et bien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)
  • Alain Tourret (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. Alain Tourret.

    Madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, il est des moments où l’histoire bafouille, rejette des libertés durement conquises, s’éloigne de l’esprit des Lumières pour s’enfermer dans l’obscurantisme. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Pensons aux lois interdisant le divorce, aux lois refusant le vote des femmes,…

    M. Gérald Darmanin. Vive de Gaulle !

    M. Alain Tourret.

    …aux lois pénalisant l’adultère, aux lois incriminant l’homosexualité, à toutes ces lois qui refusent la différence de l’autre, qui font de la discrimination une référence, parfois un modèle, souvent un dogme.
     
    La longue histoire de la République montre qu’il faut se méfier des simplifications. La droite n’a pas toujours été obscurantiste, la gauche n’a pas toujours soutenu le mouvement des Lumières.

    M. Gérald Darmanin. Très bien !

    M. Alain Tourret.

    Qui a interdit le divorce en 1804 ? Bonaparte, dont on connaît les affinités jacobines. Qui a permis le recours à la pilule ? Lucien Neuwirth, un gaulliste. Qui a permis la légalisation de l’avortement ? Simone Veil, une grande dame,…

    M. Hervé Mariton. Elle était à la manif du 13 janvier !

    M. Alain Tourret.

    …et Valéry Giscard d’Estaing, un libéral indépendant.
     
    Mais, plus fondamentalement, la droite a toujours soutenu un modèle traditionnel de notre société, influencé par l’Église catholique (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI), faisant de la famille traditionnelle l’alpha et l’oméga de notre société. C’est pourquoi il fallait, selon elle, empêcher le divorce par consentement mutuel. Il fallait s’opposer à la reconnaissance des droits des enfants adultérins. II fallait mener un combat acharné contre le PACS, se mettre en rangs serrés, il y a quinze années, derrière Mme Boutin qui, la Bible à la main, allait jusqu’à excommunier tous ceux qui voulaient reconnaître certains droits, en dehors du mariage, aux couples homosexuels et hétérosexuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.) Voilà la vérité !
     
    La société évolue, elle évolue vite. Certes, le législateur n’a pas à courir derrière les évolutions ; vouloir à tout prix être à la page peut amener de sévères désillusions. Mais faut-il ignorer les changements de société, faut-il ignorer ce qui se passe à l’étranger, faut-il pousser jusqu’à la caricature le refus des évolutions ?
     
    Notre société, notre modèle familial, a implosé. Un enfant sur deux naît hors mariage. Un enfant sur quatre ne vit pas avec ses deux parents. La majorité des couples s’établissent en dehors de toute règle préalable. S’il existe encore 250 000 mariages, il faut bien admettre que les 210 000 PACS se rapprochent très vite de ce nombre et que bientôt, demain ou après-demain, il y aura plus de PACS que de mariages.

    M. Hervé Mariton. Le rêve !

    M. Alain Tourret.

    Les Françaises et les Français ont rejeté le modèle familial unique. Ils revendiquent, ils exigent la reconnaissance de la diversité des modèles familiaux tout en étant attachés à l’égalité des droits et des devoirs de toutes les formes de famille.
     
    Le Français, plus que quiconque, invoque le principe républicain d’égalité transcrit dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme. C’est pourquoi le statut à part des homosexuels est devenu avec le temps de plus en plus insupportable, pour ne pas dire irrespirable. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Prenez-en de la graine !

    M. Yves Nicolin. Calmez-le !

    M. Alain Tourret.

    Avec cette loi, qui n’enlève rien à personne, qui ne détruit rien, bien au contraire, nous écrivons de nouveaux droits fondamentaux et c’est en cela, madame la garde des sceaux, que vous avez eu raison de parler de nouvelle société.
     
    Il ne s’agit pas de créer, d’instituer un mariage homosexuel ; c’est le mariage tel qu’il résulte des articles du code civil qui s’ouvre aux couples de même sexe. Encore faut-il admettre que nous touchons à une institution vieille et ancrée dans notre société puisque remontant aux premiers temps de la République. L’ancienneté de l’institution lui donne-t-elle une valeur constitutionnelle ? C’est la grande revendication de la droite.
     
    Je reprendrai ce qui a été dit de manière très brillante par notre président de la commission des lois. Permettez-moi tout d’abord d’être stupéfait de voir, sur des réformes de société, des parlementaires revendiquer l’abandon de leurs droits pour les confier prétendument au peuple. C’est en soi-même l’abandon du régime de la représentation nationale et rationnelle pour ce qu’il faut bien appeler le règne de la démocratie de l’émotion.
     
    Encore faudrait-il que le recours au référendum, si recours il y avait, soit conforme – et vous vous en êtes bien expliquée, madame la garde des sceaux – à l’article 11 de la Constitution. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) La révision du 4 août 1995 a permis l’élargissement du domaine du référendum aux questions relatives à la politique économique ou sociale.

    M. Hervé Mariton. Oui, sociale !

    M. Alain Tourret.

    Aucune consultation n’a eu lieu depuis 1995 sur ce fondement.
     
    Notons que le thème des libertés publiques ne figure pas à l’article 11 de la Constitution, à l’évidence pour éviter des référendums sur des libertés constitutionnellement garanties.

    M. Marc Dolez. Absolument !

    M. Alain Tourret.

    Il serait par ailleurs paradoxal que le président engage sa légitimité sur un tel référendum, étant entendu que sa responsabilité personnelle, dans le style gaullien que vous aimez tellement, doit être engagée sur le résultat de la révision de la Constitution. Cela serait d’autant plus paradoxal que le peuple français vient de lui donner satisfaction en ratifiant, par son élection, sa proposition n° 31.

    M. Philippe Gosselin. « Le peuple ratifie » : bravo !

    M. Alain Tourret.

    Relevons enfin qu’il a été proposé d’instituer une consultation préalable du Conseil constitutionnel, qui serait amené à donner son avis sur la constitutionnalité d’un texte soumis à référendum. Or cette proposition n’a pas été suivie d’effet. Il appartient donc au Président de la République de se montrer particulièrement vigilant sur le respect de l’article 11, alors même que le Conseil constitutionnel ne se reconnaît pas compétent pour approuver la conformité à la Constitution des lois adoptées à la suite d’une procédure référendaire.
     
    Un Président de la République qui consulterait le peuple par référendum en extrapolant irrégulièrement les termes de l’article 11 de la Constitution commettrait nécessairement une forfaiture. C’est bien en ce sens, que vous le vouliez ou non, que s’est prononcé M. Jacques Toubon ; je cite ce qu’il disait en 1995 : « le référendum n’étant pas et ne devant pas être un instrument de démagogie », il ne peut intervenir sur les questions de société.

    M. Stéphane Saint-André. Très bien !

    M. Alain Tourret.

    En continuant, sous la pression des lobbies,…

    M. Xavier Breton. Ils sont où, les lobbies ?

    M. Alain Tourret.

    …à réclamer un référendum, la droite ne propose ni plus ni moins que de violer la Constitution. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
     
    En parlant de démagogie, Jacques Toubon faisait référence aux démagogues, à ceux dont les propos sont proférés dans le but d’obtenir le soutien d’un groupe en flattant les passions et en exacerbant les frustrations et les préjugés populaires.

    M. Philippe Gosselin. Qui les exacerbe ?

    M. Alain Tourret.

    Il est bien certain que nos collègues de droite sont dans leur immense majorité des démocrates.

    M. Julien Aubert. Merci !

    M. Philippe Gosselin. Monseigneur est trop bon !

    M. Alain Tourret.

    C’est pourquoi je ne doute pas qu’ils renonceront à invoquer le référendum et que, voulant se dégager de la démagogie et du populisme, ils reviendront au sens commun, c’est-à-dire à la démocratie représentative.

    M. Philippe Meunier. Vous avez peur du peuple !

    M. Alain Tourret.

    Encore faut-il que la représentation nationale puisse s’exprimer en connaissance de cause, après de nombreux débats de qualité, dans la normalité de la procédure et non dans l’urgence.

    M. François Sauvadet. Voilà un vrai sujet !

    M. Alain Tourret.

    Nous avons écouté, pendant plus de cinquante heures, individus et associations. J’ai encore en tête la douceur démonstrative de Mme Françoise Héritier, la passion d’Élisabeth Badinter, la culture du grand rabbin Gilles Bernheim, la souffrance contenue d’Estelle Aubriot, qui a tenu à nous remercier pour notre volonté d’écoute et de compréhension, et qui, en tant que citoyenne de la République, est venue expliquer son expérience de vie, de mère, de parent homoparental. Que nous dit-elle ? « Je suis séparée de mon ex-compagne depuis huit ans. Nous avons trois enfants en garde alternée, une de treize ans et des jumelles de onze ans. Hélas, nous sommes dans une situation dont la banalité est contemporaine : un couple avec enfant sur trois se sépare. Par contre, nous autres, nous sommes dans l’impossibilité de gérer cette situation, étant légalement face à un vide juridique. »

    M. Philippe Meunier. Qui est le père ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Bernard Roman. Vous êtes indigne de siéger ici !

    M. Jean-Claude Perez. C’est ça, la droite !

    M. Alain Tourret.

    Vous avez, messieurs de la droite, déposé d’innombrables amendements de suppression de tel ou tel article, avec la même motivation à la virgule près. Vos arguments sont évidemment les mêmes. Certes, en politique, il est d’usage de dire que l’on se répète ou que l’on se contredit ; en l’espèce, la droite donne l’impression d’utiliser un tourne-disque usagé sur lequel un microsillon éraillé reprend la même cacophonie, amendement après amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
     
    D’innombrables procès nous ont été faits et d’abord celui de vouloir, à la sauvette, au mieux par amendement, introduire la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Rappelons donc avec force la vérité : le projet de loi ne comporte pas le recours à la PMA.

    M. Hervé Mariton. Il l’annonce !

    M. Philippe Gosselin. Pour le mois de mars !

    M. Alain Tourret.

    Nous autres, radicaux et membres du RRDP, voulons faire savoir que nous sommes totalement opposés à la marchandisation du corps, et que notre opposition à la GPA est totale, et d’abord pour des raisons d’éthique.

    M. Hervé Mariton. Alors soyez cohérents !

    M. Alain Tourret.

    L’utilisation du ventre d’une femme, dans le cadre de la GPA, se traduit pratiquement toujours par un acte commercial.

    M. Philippe Gosselin. Pierre Bergé trouve cela très bien !

    M. Alain Tourret.

    On loue donc le ventre d’une femme comme on pourrait acheter un rein, un œil ou un litre de sang. Cela nous révulse. Dans les pays où la misère est effrayante, on pratique de tels actes. En France, ils sont contraires à la loi de la République.

    M. Hervé Mariton. Jusqu’à quand ?

    M. Alain Tourret.

    Ils doivent être rejetés et poursuivis avec la rigueur de la loi, qu’ils se soient produits en France ou à l’étranger.
     
    Madame la garde des sceaux, je voudrais vous faire une proposition : que la France prenne des initiatives sur le plan européen, sur le plan international, pour qu’une convention interdise le recours à la GPA.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. Alain Tourret.

    La France républicaine s’honorerait d’une telle action, d’une telle volonté, rendant impossible, et pour le présent et pour l’avenir, le recours à la GPA. Ce serait un geste fort, une réponse forte à tous ceux qui veulent faire du corps de la femme un objet de commerce, un acte de commerce. (Applaudissements sur divers bancs.)
     
    Quant à la PMA, elle n’est pas l’alternative pour les femmes de la GPA. Certains soutiennent la PMA car celle-ci se réalise de manière courante à l’étranger, notamment en Belgique ; que la réaliser en France répondrait à des impératifs de coût et de sécurité sanitaire ; que le recours à la PMA pour tous, qui en vingt années a permis à 200 000 enfants de naître, serait une garantie en termes de stabilité de la filiation. Or il est dans l’intérêt de l’enfant d’avoir une filiation stable et incontestable.

    Mme Marie-George Buffet. Alors, qu’on interdise la PMA pour tout le monde !

    M. Alain Tourret.

    Il est vrai que l’évolution de la société et le développement de la PMA ont permis la constitution de familles homoparentales. Il est vrai aussi que la PMA existe dans de nombreux pays. Ce n’est pas pour autant que nous voterons, dans notre groupe, les amendements relatifs à la PMA.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. Alain Tourret.

    Le texte de loi en effet ne prévoit pas la PMA. De ce fait, un amendement, juridiquement recevable, ne bénéficierait pas de l’avis du Conseil d’État, pas plus que de la consultation du Comité national d’éthique.

    M. Hervé Mariton. Il est temps d’y penser !

    M. Alain Tourret.

    Il ne serait pas soumis à une étude d’impact. Nous ne voterons pas un tel amendement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. Alain Tourret.

    L’adoption de cet amendement diviserait profondément les Français de tous bords politiques.

    M. Hervé Mariton. Et s’il vient dans un mois ?

    M. Alain Tourret.

    Nous devons rassembler les Français autour du texte du Gouvernement, en adoptant les dispositions relatives au mariage et à l’adoption. Nous disposons pour ce faire de la sympathie de l’opinion, de l’accord de la majorité des Français, et d’abord des plus jeunes d’entre eux – interrogez les jeunes de vos mouvements, messieurs de la droite, pour savoir ce qu’ils pensent et vous serez étonnés de ce qu’ils vous diront.
     
    Aussi est-il inutile d’aller au-delà du texte du Gouvernement : il faut aller à l’essentiel, le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe.
     
    José Luis Zapatero,…

    M. Philippe Gosselin. La référence qui manquait !

    M. Alain Tourret.

    … Voyez aussi ce que dit M. Cameron, il est de votre bord ! L’ancien Premier ministre espagnol a parfaitement résumé notre position : « Grâce au mariage pour tous, la République française sera plus républicaine. » La France n’a pas à s’inquiéter, car elle n’innovera pas – je ne citerai pas tous les pays où une telle loi est en vigueur. « En Espagne, rappelle M. Zapatero, sept ans après l’adoption de la loi, la normalité du mariage homosexuel s’est imposée. Des milliers de couples du même sexe se sont mariés et leurs projets de vie, de bonheur et d’amour sont totalement respectés. Et il est logique qu’il en soit ainsi. Quel mal peut-il y avoir à octroyer les mêmes droits à ceux qui n’en ont pas profité à cause de préjugés invétérés ? […] En sept ans seulement, la rationalité démocratique s’est consolidée. La grande majorité de la société espagnole ne remet plus en cause, et ne le fera sans doute plus jamais, l’égalité civile de tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle. »
     
    Messieurs de la droite française, ne soyez pas plus bêtes que la droite espagnole ! (Rires sur quelques bancs du groupe SRC.)Le relativisme est souvent invoqué afin d’expliquer cette nouvelle vision du mariage. Il ne s’agit pas de relativisme, mais de l’égalité de ceux qui, bien qu’étant une minorité, ne sont pas des étrangers dans leur propre patrie. Ils travaillent, ils rêvent, ils souffrent, ils aiment, tout comme leurs compatriotes. Grâce à cette loi, de nombreux Français sentiront le bonheur d’être reconnus et la société, plus digne, n’en sera que plus sûre.
     
    Il est, à ce sujet, désolant de voir l’ensemble des religions du Livre soutenir un combat d’arrière-garde, même si leurs arguments sont de qualité. Le grand rabbin, Gilles Bernheim, a produit un argumentaire de 25 pages.

    M. Philippe Gosselin. Remarquable !

    M. Alain Tourret.

    Il explique que sa vision du monde est guidée par la Bible, ce qui ne surprendra personne.

    M. François Rochebloine. Et alors ?

    M. Philippe Gosselin. Pour un rabbin, cela peut aider.

    M. Alain Tourret.

    Il se réfère au livre de la Genèse et passe rapidement sur les interdits homosexuels inscrits dans le Lévitique. Je me suis donc reporté à la Genèse et au Lévitique : voyez ce à quoi j’ai passé mes week-ends.

    M. Hervé Mariton. Mais c’est bien !

    M. Alain Tourret.

    J’ai ainsi compris que le grand rabbin s’oppose radicalement à ce qu’il appelle le brouillage des généalogies, des statuts et des identités. Ce brouillage est préjudiciable, selon lui, à l’ensemble de la société, car il fait perdre de vue l’intérêt général au profit d’une infime minorité. Pour Gilles Bernheim, le mariage n’est pas la reconnaissance d’un amour, c’est un acte fondamental dans la construction et la stabilité tant des individus que de la société.

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai.

    M. Hervé Mariton. Il a raison !

    M. Alain Tourret.

    Notre opposition à cette thèse est de principe. Notre but n’est pas de consolider la société afin de la rendre éternelle et immuable ; il est au contraire de donner une réponse à tous ceux qui ne voient un modèle strict et absolu dans le couple père-mère, Adam et Ève. Cette terreur vis-à-vis de tout ce qui bouge, de tout ce qui ne s’inscrit pas dans les généalogies séculaires, ne manque pas de nous interloquer.

    M. Hervé Mariton. Il n’y a rien de tel ! C’est une analyse abusive.

    M. Alain Tourret.

    Mme Danielle Hervieu-Léger a répondu dans un article du Monde au discours hostile de l’Église sur le mariage pour tous, qui confirme selon elle son inadaptation aux nouvelles voies de la famille. L’Église évoque en effet, pour faire entendre sa voix auprès de tous et non seulement des catholiques, une anthropologie dont la validité serait invariante : la cellule familiale serait constituée d’un père, d’une mère et des enfants qu’ils procréent ensemble.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas absurde !

    M. Alain Tourret.

    Les argumentaires mobilisés par l’Église – fin de la civilisation, perte des repères fondateurs de l’être humain, menace de dissolution de la cellule familiale – sont les mêmes que ceux qui ont été mobilisés, en leurs temps, pour critiquer l’engagement professionnel des femmes hors du foyer domestique ou pour combattre l’instauration du divorce par consentement mutuel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Avec le mariage pour le couple de même sexe, la France écrira une nouvelle page de libertés.

    M. François Sauvadet. Oh la la !

    M. Alain Tourret.

    Il en va de même pour l’adoption.

    M. Hervé Mariton. Il n’y aura pas d’adoptions !

    M. Alain Tourret.

    Comment ne pas rappeler que l’adoption est actuellement ouverte aux personnes célibataires de plus de 28 ans ? Certains veulent revenir sur cette disposition – j’ai lu des amendements en ce sens : nous avons de quoi être terrifiés.

    M. Jean-Claude Perez. Il a raison, c’est terrifiant !

    M. Alain Tourret.

    Nous sommes en revanche interpellés par une réalité : l’adoption en France se trouve dans une impasse. Elle concerne environ 3 000 enfants adoptés, dont 800 viennent de France et 2 200 de l’étranger.
     
    Les opposants à l’adoption font dès lors remarquer que l’adoption…

    M. Hervé Mariton. Il n’y aura pas d’adoptions !

    M. Alain Tourret.

    … par les couples homosexuels imposera la création de quotas, ce qui réduira les possibilités d’adoption ouvertes aux couples hétérosexuels. Cette thèse des quotas relève du fantasme.

    M. Yves Nicolin. Renseignez-vous, quand même !

    M. Alain Tourret.

    Le projet de loi va en réalité permettre : d’une part, l’adoption conjointe par un couple homosexuel marié et, d’autre part, l’adoption de l’enfant du conjoint dans les familles homoparentales.

    M. Hervé Mariton. Ils arrivent d’où, ces enfants ?

    M. Alain Tourret.

    Comme l’a fort bien remarqué Mme Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales : « un grand nombre de parents sociaux vont enfin se voir reconnaître un lien de filiation…

    M. Hervé Mariton. Vous validez donc la PMA ?

    M. le président. S’il vous plaît, monsieur Mariton : vous avez eu largement la parole.

    M. Alain Tourret.

    …avec les enfants qu’ils élèvent ».
     
    Comme cela a pu être écrit, l’adoption était le parent pauvre de la filiation : elle pourra devenir le paradigme de toute parentalité…

    M. Philippe Gosselin. Belle société !

    M. Alain Tourret.

    … dans une société où le choix d’adopter son enfant, et donc de s’engager à son endroit, constitue le seul rempart contre les perversions possibles du « droit à avoir un enfant ».

    M. Hervé Mariton. Le retour à Rome !

    M. Alain Tourret.

    Rome était une belle civilisation !

    M. le président. Monsieur Mariton, s’il vous plaît ! Vous avez eu largement la parole, écoutez désormais l’orateur.

    M. Alain Tourret.

    La décision d’adopter est mûrement réfléchie, quand elle est prise. Pour y parvenir, il faut franchir de nombreux obstacles, monsieur Mariton, et les couples homosexuels auront par ailleurs à affronter les difficultés que ne manqueront pas de créer tous les pays où l’homosexualité continue d’être condamnée. Telle est la réalité.
     
    Nous avons cependant souhaité amender cette loi, relativement à quelques points qui ont été rejetés en commission : je n’y reviendrai pas. Toutefois, deux amendements nouveaux, non étudiés en commission, pourront être adoptés, je le pense.
     
    Nous avons souhaité amender cette loi de liberté sur deux points. L’un renforce le caractère cérémonial et républicain du mariage : qui peut s’y opposer ? L’autre rappelle les pouvoirs du procureur de la République, qui exerce le contrôle et la surveillance des officiers d’état-civil.
     
    Madame la Garde des sceaux, madame la ministre déléguée, au terme de ces explications que j’ai voulu passionnées, les députés de notre groupe, dans leur grande majorité, (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) soutiendront ce projet novateur, ce nouvel élan vers une France plus républicaine, qui diffusera en Europe, comme jadis, et dans le monde les principes républicains : la liberté, l’égalité et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)
  • François Sauvadet (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. François Sauvadet.

    J’espère que ces explications sur l’absence de la garde des sceaux permettront d’éclairer la représentation nationale. Pour avoir été moi-même membre d’un gouvernement, je pense que sur un sujet aussi essentiel, la présence des ministres dans le débat doit témoigner de la considération portée à chaque position. Il est nécessaire que le Gouvernement porte une égale attention à tous ceux qui représentent la nation et qui sont chacun porteurs de la même légitimité, ce qui ne change rien à l’existence d’un fait majoritaire. J’espère, monsieur le président, que vous nous fournirez des explications, comme vous vous y êtes engagé.

    M. Philippe Martin. Et vous aurez honte !

    M. François Sauvadet.

    Je suis là dans mon rôle de parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Martin. Nous en parlerons plus tard. C’est honteux !

    M. le président. Monsieur Martin, je fournirai des explications aux présidents de groupes à l’issue de la séance. Je vous demande de laisser la parole à l’orateur.

    M. François Sauvadet.

    Je respecte la position de chacun et vous demande d’en faire de même pour celle que j’exprime en tant que membre de la représentation nationale.
     
    Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les présidents de commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je trouve profondément regrettable que sur des sujets d’une telle importance sociétale, vous ayez choisi une méthode qui s’apparente au passage en force pour imposer au pays une réforme qui fait légitimement débat. Le fait majoritaire rappelé par la présidente de la commission des affaires sociales ne suffit pas à justifier le refus d’un véritable débat.

    M. Nicolas Bays. Vingt jours de débat !

    M. François Sauvadet.

    J’observe que plus le débat se développe dans l’opinion, éclairé par les différentes prises de position, plus les Français s’approprient l’idée qu’il faut permettre aux couples homosexuels de vivre librement leur différence et d’être accompagnés pour trouver une réponse aux problèmes qu’ils rencontrent. Mais dans le même temps, je constate que le fossé se creuse sur la question de l’adoption, qui pose d’autres types de problèmes. J’attire votre attention sur le différentiel qui se creuse entre ces deux questions.
     
    Je regrette d’autant plus cette méthode que ce sujet touche à la vie des familles, cela a été rappelé, et à celle de tous ces hommes et ces femmes qui veulent vivre sereinement leur différence. Vous avez fait le choix de fracturer le pays là où il fallait chercher les voies du vivre ensemble.

    M. Thierry Benoit. Très bien !

    M. François Sauvadet.

    Je le regrette aussi parce que sur d’autres sujets qui concernent la vie, je pense notamment à la bioéthique et à l’accompagnement de la fin de vie, la majorité précédente avait pris le temps du débat pour parvenir à une convergence qui n’est certes pas évidente mais qui aurait pu être retrouvée.

    M. François Rochebloine. Le consensus est nécessaire !

    M. François Sauvadet.

    Et ce n’est pas faire honneur au Parlement – je le dis à Bruno Le Roux, pour qui j’ai beaucoup de respect – que de stigmatiser les arguments de l’opposition en brandissant le spectre de l’homophobie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

    M. François Sauvadet.

    Cette approche, je vous le dis, monsieur le président Le Roux, est particulièrement méprisante pour la conception de la représentation nationale que nous avons en partage. La légitimité, monsieur Le Roux, nous l’avons aussi. J’ai aussi été élu, comme chacun de ceux qui sont ici, en prenant des engagements clairs vis-à-vis de nos compatriotes, et cela mérite tout simplement le respect. En tout cas, évitons la caricature à laquelle vous vous êtes livrée, monsieur Le Roux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
     
    Je n’apprécie pas non plus la tonalité que Mme la garde des sceaux – j’aurais préféré le dire à elle-même – a donnée à son intervention. Ce n’est pas, comme vous, à gauche, essayez de le présenter, une querelle d’anciens et de modernes. Ce n’est pas non plus une nouvelle conquête de l’égalité des droits, à laquelle nous sommes d’ailleurs tous attachés et dont vous tentez de vous faire les hérauts. Le débat que nous portons, dans l’opposition, l’attachement au mariage comme structure sociale, le respect des droits de l’enfant, que l’amour ne peut à lui seul forger, ce débat que nous portons est légitime, et nous le sommes tout autant, je l’ai dit, car nous avons été élus par le peuple pour le porter.
     
    Puisque M. Urvoas nous a rappelé des règles constitutionnelles, je voulais en rappeler une autre : même si une direction est fixée par le Gouvernement, il n’y a pas de mandat impératif en droit.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Effectivement, c’est dans la Constitution !

    M. François Sauvadet.

    Je souhaite donc rappeler la chance que j’ai d’appartenir à un groupe, l’UDI, où la liberté de vote sur des sujets de conscience est absolument assurée. Je sais que c’est aussi le cas sur un certain nombre d’autres bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et plusieurs bancs du groupe UMP.)
     
    Votre texte fait débat, un débat passionné, parce qu’il touche à l’essence même de la vie en société : à la famille, au droit à l’enfant mais aussi aux droits et aux devoirs vis-à-vis de l’enfant.
     
    S’il s’agit simplement, monsieur le rapporteur, de liberté, s’il s’agit, comme vous l’avez dit, de la liberté de vivre sa vie, alors rejoignez-nous sur la création d’une union civile. Elle nous permettrait de nous rassembler autour d’un projet qui répond aux attentes de tous, car il apporterait à l’union de couples homosexuels la reconnaissance sociale attendue dans un cadre juridique plus protecteur que le PACS, et le débat sur cette sécurisation ne serait pas lié à celui sur l’adoption et cette question sous-jacente du droit à l’enfant.
     
    Personne ne remet en cause la capacité d’un couple homosexuel à aimer un enfant, mais je crois au besoin et au droit fondamental de tout être humain à bénéficier de la richesse de l’amour maternel et de l’amour paternel, qui sont nécessairement différents. Je veux vraiment appeler votre attention sur le fait que tous les enfants que j’ai pu côtoyer, y compris dans mes responsabilités au conseil général, où l’on croise des enfants vraiment fracturés – tous les enfants donc réclament une histoire familiale, celle qui trouve son origine dans la rencontre d’un homme et d’une femme. Tous ceux qui ont été privés de cette filiation sont en quête de cette histoire qui est la leur.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Très bien !

    M. François Sauvadet.

    Cette conviction n’exclut pas de prendre en compte des réalités qui appellent une solution humaine : celle de l’enfant – vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur Le Roux – qui subit une rupture de vie, causée par la séparation ou le décès de l’un de ceux qui a partagé sa vie et a tissé des liens affectifs forts avec lui, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel.
     
    Sur ce point encore, il y aurait une solution. Rejoignez-nous pour créer un véritable statut du beau-parent qui permettrait de répondre à des situations difficiles sans dénaturer le socle de notre politique familiale.
     
    Il faut, on le voit bien, avoir une conscience aiguë au moment de légiférer. Derrière l’idée de mariage, il n’y a pas qu’un symbole : il y a la question de l’aide médicale à la procréation et de la gestation pour autrui, qui sera inévitablement posée.
     
    Vous appelez, monsieur Le Roux, l’opposition à plus de clarté. À mon tour, je vous demande d’éclairer la représentation nationale sur vos intentions quant à la PMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Dès lors qu’elle sera autorisée, je ne vois pas comment, au nom de l’égalité, on pourra refuser la gestation pour autrui à des couples homosexuels composés de deux hommes qui aspireront, au nom de la loi que vous voulez faire voter, aux mêmes droits.
     
    D’ailleurs, si j’ai bien entendu les leçons que vous avez données, j’aurais aimé entendre des réactions du Gouvernement et de la majorité lorsque M. Bergé a osé dire que louer ses bras dans une usine c’est la même chose que, demain, louer son ventre. Ce n’est pas conforme à l’idée que je me fais de la vie, et j’aurais aimé que vous dénonciez celui-là même qui est le héraut du mariage pour tous. Ses propos, qui touchent à l’essentiel, m’ont personnellement révolté.

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. François Sauvadet.

    Du PS, j’attends des clarifications. J’attends un engagement formel de votre part, l’engagement que l’on ne touchera pas à la PMA sans l’avis du Comité consultatif national d’éthique, que l’on ne s’engagera pas sur la voie de la GPA. À défaut, je crains une forme de judiciarisation qui aboutirait à ce que le droit soit forgé par voie jurisprudentielle. Notre responsabilité n’est pas de laisser le droit de l’égalité forgé par une jurisprudence dont nous ne maîtriserions pas les contours.
     
    S’agissant de l’adoption, je suis vraiment très attentif à la situation des personnes, des situations de vie parfois extrêmement difficiles comme les a décrites M. Roman. J’invite cependant chacun à mesurer la responsabilité que nous aurons. Je suis président d’un conseil général.

    M. Christian Assaf. Ça ne va pas durer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Laissez M. Sauvadet conclure !

    M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Alors, là, bravo !

    M. Bernard Accoyer. C’est pitoyable !

    M. François Sauvadet.

    Nous côtoyons chaque jour des enfants confiés à la République, soit par voie judiciaire soit par voie administrative – des enfants fracturés. Je me demande quel regard ils porteront sur moi, demain, lorsqu’il s’agira de les confier à un couple de deux hommes ou de deux femmes.

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est misérable !

    M. François Sauvadet.

    Je voulais vous faire part de cette réflexion que je vis au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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