Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • ☛ E. Pochon (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Elisabeth Pochon.

    Chers collègues, avoir un enfant n’est pas un droit, nous répétez-vous à longueur d’interventions. Vous vous faites ainsi les seuls défenseurs des droits des enfants, en nous renvoyant, nous qui sommes favorables au mariage entre personnes du même sexe – et à ses conséquences sur la filiation et l’adoption –, au rôle d’irresponsables, d’égoïstes ou d’apprentis sorciers.
     
    Est-ce à dire que nous, la gauche, aimerions moins les enfants que vous, au point de pouvoir nous imaginer dénués du souci de leur épanouissement ? Nous serions suspects de n’avoir en tête que la satisfaction d’une minorité homosexuelle, sans mesurer les conséquences de notre engagement à les faire accéder à l’égalité des droits en matière de mariage et d’adoption.
     
    Mais de quels enfants parlons-nous ?
     
    Parlons de ceux qui sont déjà nés, enfants biologiques ou adoptés, qui vivent déjà au sein d’un couple homosexuel et qui reconnaissent comme parents ceux qui s’occupent d’eux et qui les aiment au quotidien, mais dont l’un d’entre eux au moins n’a aucun droit reconnu sur lui, notamment en cas de séparation ou de décès du parent officiel.
     
    Au nom de quel principe pourrait-on refuser l’adoption de cet enfant chéri par ce parent-là ? Le parent officiel n’aurait donc pas le droit de souhaiter pour son enfant l’adoption par le conjoint qu’il a choisi ?
     
    Le premier des droits de l’enfant auxquels vous êtes, j’en suis sûre, autant attachés que nous, c’est le droit de ne pas être séparé de ceux qui l’ont élevé. Le voilà, indiscutablement, l’intérêt de l’enfant !
     
    Nos tribunaux prononcent à juste titre, chaque jour, l’adoption des enfants par leur famille d’accueil après des années de soin et d’amour, alors que cela serait refusé à un conjoint sous le seul prétexte qu’il est du même sexe que son compagnon ou sa compagne ?
     
    Nous valons tous mieux – et nous voulons tous mieux – que cette discrimination avérée, pour ne pas l’appeler un ostracisme, que nous légitimerions en refusant cette faculté d’adoption-là. J’emploie à dessein ce terme d’ostracisme, en vous rappelant sa définition – « hostilité d’une communauté qui rejette l’un de ses membres » – parce que, au-delà du droit à l’égalité, c’est la reconnaissance de cet autre qui est en jeu, la reconnaissance de la capacité d’un conjoint de même sexe à être le deuxième parent d’un enfant.

    M. Hervé Mariton. Ça, c’est votre définition !

    Mme Elisabeth Pochon.

    Parlons des enfants désirés qui ne sont pas encore nés. Vous n’avez eu de cesse de brandir les lois de la nature pour expliquer en son nom pourquoi les homosexuels devaient être privés d’enfants : Dame Nature est reine ! Pourquoi alors l’État permet-il à des couples hétérosexuels, mariés ou non, d’accéder à des pratiques d’aide à la procréation ? L’État ne donne pas un droit à l’enfant mais il reconnaît le droit d’essayer d’en avoir,…

    M. Philippe Gosselin. Prônez-vous l’infidélité ?

    Mme Elisabeth Pochon.

    et si la Sécurité sociale prend en charge ces techniques médicales, c’est que la société considère que le fait d’avoir un enfant relève d’une condition nécessaire à l’épanouissement d’un couple.
     
    Il est donc admis un droit hypothétique à l’enfant en dehors de toute procréation naturelle. L’absence d’enfant est généralement une grande souffrance, et en commission, mes chers collègues de l’opposition, je vous ai trouvé des juges assez ignorants et particulièrement sévères à l’encontre des personnes concernées par cette quête d’enfant. Y renoncer est aussi dur pour les hétérosexuels que pour les homosexuels ; le désir ou le besoin d’enfant n’est pas particulièrement sexué. La position de juge est facile quand on est devenu parent sans difficulté ! Un enfant serait-il le prix d’un quelconque mérite et son absence celui d’une punition pour mauvaise conduite ? Par une telle attitude, vous parez le biologique de toutes les qualités et vertus qui permettent de devenir parents sans devoir justifier de son projet parental.

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Dhuicq. Vous niez la biologie !

    Mme Elisabeth Pochon.

    Les hétérosexuels font-ils des enfants pour des raisons qui ne seraient que nobles, pour le bien de la société ? N’y a-t-il jamais derrière ce désir-là aussi des raisons égoïstes, narcissiques ? Il y a au sein des couples hétérosexuels des enfants nés sans être désirés et qui traîneront toute leur vie le poids d’une conception non voulue. Leurs droits seront-ils respectés ? Le désir d’enfant n’épargne personne, pas même ceux qui y renoncent, et il mérite d’être regardé chez chacun avec la même légitimité.
     
    Être parent, est-ce faire un enfant ou bien l’élever ? Notre société montre de plus en plus qu’il n’y a pas un seul schéma familial possible ! N’y en a-t-il jamais eu qu’un seul d’ailleurs, bien affiché quand tous les autres étaient enfermés dans les tiroirs des secrets de famille ?
     
    Vous avez relancé ces dernières semaines, dans le débat public, la supériorité du biologique, avec parfois peu de conscience de choquer les adoptés et les adoptants. Pourtant, vous savez que l’adoption est un parcours du combattant pour tous les couples qui y recourent, et encore davantage pour les célibataires qui y ont droit aussi.

    M. Hervé Mariton. Avez-vous conscience, madame la députée, que vous remettez en cause l’adoption car il sera plus difficile d’adopter demain ?

    Mme Elisabeth Pochon.

    Vous savez aussi, mes chers collègues, qu’il n’a jamais été question d’en changer les règles dans le cadre du mariage des personnes de sexe différent. Vous n’aviez que les mots « échecs de l’adoption » à la bouche en commission. Connaissez-vous des histoires humaines écrites d’avance ? Parle-t-on d’échec du lien biologique dans les dysfonctionnements familiaux dont regorgent les faits divers ? Il faut une telle détermination pour un projet d’adoption qu’on peut penser que tous ces couples hétérosexuels ou homosexuels ont de grandes ressources pour accompagner les enfants vers l’âge adulte.
     
    L’adoption n’est pas une affaire de marché d’offre et de la demande mettant en compétition des couples en fonction de leur orientation sexuelle, mais une affaire de parents sur un pied d’égalité. Jamais les couples de même sexe souhaitant adopter n’ont eu l’intention malsaine de faire croire à un enfant qu’on pouvait naître biologiquement de deux mamans ou de deux papas, mais seulement qu’on pouvait grandir entre deux papas et deux mamans.
     
    Craignez-vous que l’orientation sexuelle des enfants soit orientée ? Mais les homosexuels sont tous enfants d’hétérosexuels. Certes, il est normal de craindre de rajouter à l’histoire personnelle d’un enfant adopté par un couple homosexuel une différence supplémentaire à assumer ; mais les différences sont légion dans les familles adoptives : couleur, handicap, religion, niveau social, et l’enfant s’adapte, règle ces questions avec l’affection et l’éducation qu’il reçoit.
     
    Avant de suspecter les homosexuels de dissimulation, balayons devant notre porte ! La révélation de l’adoption est une pratique relativement récente chez les familles hétérosexuelles ; la rédaction des livrets de famille témoigne encore d’un mensonge d’État en déclarant les enfants adoptés nés de leurs parents adoptifs, et 70 % des PMA sont secrètes.
     
    Notre arsenal législatif autour de la famille a besoin d’un sérieux toilettage pour s’adapter à des conceptions de la famille qui ont changé. Il est temps de rappeler aux autodéclarés gardiens d’un supposé ordre naturel que c’est aux élus de la nation qu’il convient de dire la loi au nom du peuple français. Soyons fiers de siéger ici aujourd’hui !
  • C. Untermaier (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Cécile Untermaier.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, destiné à mettre en œuvre l’engagement n° 31 du Président de la République, le projet de loi sur lequel notre assemblée va se prononcer en son âme et conscience n’est pas un texte comme les autres. C’est un texte majeur, intégrant enfin dans la société française ceux que les préjugés ont longtemps exclu et empêché de devenir des citoyens comme les autres : toutes les personnes qui aiment une personne du même sexe qu’elles.
     
    S’il est majeur, il est aussi audacieux. C’est d’ailleurs un signe que la loi que nous nous apprêtons à voter est bonne. Une loi timide est ordinairement une mauvaise loi.
     
    Cela rappelé, encore faut-il préciser quelque chose de fondamental : le projet du Gouvernement est un texte qui, en accompagnant les évolutions de la société française, se propose d’aider au bonheur des gens en leur permettant de vivre selon leur volonté, sans subir de discrimination. Nous, législateur, devons écouter ces aspirations de nos concitoyens et modifier le droit existant en conséquence.
     
    Que veut-elle, cette société ? Elle l’a dit en élisant François Hollande à la Présidence de la République, en lui donnant une majorité pour concrétiser ses engagements.

    M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. Ce n’est pas dans la profession de foi de François Hollande !

    Mme Cécile Untermaier.

    Elle veut que, désormais, toute personne aimant une personne du même sexe puisse avoir le droit de se marier, ce qui suppose que le mariage civil soit ouvert à tous, indépendamment de l’orientation sexuelle des candidats à la vie commune réglée par ce type de contrat.
     
    On observera à ce propos que l’opposition était bien muette sur ces questions pendant les campagnes électorales dernières,...

    M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. La profession de foi était aussi muette !

    Mme Colette Capdevielle. C’est votre nouvelle bible !

    Mme Cécile Untermaier.

    …qu’elle n’avait pas, chevillée au corps, cette lutte qui, bien sûr, lui aurait été plus encore fatale. Drôle de courage que celui de l’après-campagne qui l’anime ici !
     
    Le projet du Gouvernement a bien fait d’ouvrir également la possibilité d’adopter des enfants aux personnes de même sexe. Derrière le mariage, mes chers collègues, il peut y avoir le désir, fort, de créer une famille. La loi ne pouvait se dispenser d’aborder la question de l’adoption. Et c’est en pensant prioritairement à l’intérêt de l’enfant que le Gouvernement a lié la question de l’adoption à celle du mariage des personnes de même sexe. Pourquoi ? Parce qu’indépendamment du désir d’enfant, de nombreux enfants grandissent élevés par deux parents de même sexe, soit parce que le couple élève les enfants que l’un des partenaires a eus d’une précédente union hétérosexuelle, soit parce que l’un des membres du couple a adopté un enfant, l’adoption par une personne seule étant possible en droit français. Enfin, parce qu’il n’y a plus de raison de refuser aux personnes de même sexe ce que l’on accorde déjà aux célibataires.
     
    En revanche, le projet n’aborde pas la question de l’assistance médicale à la procréation, ce qu’avait un temps envisagé le législateur. Cette question, il faut le dire, est une question complexe. Son évocation lors de ces dernières semaines a permis une première réflexion permettant de mesurer l’importance d’une loi qui lui soit dédiée, impliquant étude d’impact et large débat.
     
    Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi élaboré par la garde des sceaux, Christiane Taubira, est un très beau texte – merci à elle –, un de ces textes qui, à l’instar de l’abolition de la peine de mort en 1981, plus récemment du PACS, est une grande loi de société, comme la gauche a le courage de les porter jusqu’à leur terme, un texte qui, s’il avait été appliqué en Grande-Bretagne au dix-neuvième siècle, aurait peut-être évité qu’Oscar Wilde, écrivain homosexuel persécuté, ne ressente le besoin d’écrire ces mots déchirants dans Le Portrait de Dorian Gray : « Mieux vaut ne pas différer de ses compagnons. »
     
    C’est un texte d’extension des droits dont je peux vous dire que je suis émue et fière de bientôt pouvoir le voter sans réserve, contrairement à l’opposition, dont la démarche d’obstruction me paraît insensée, mais, comme le disait Charles de Gaulle, « ce qui est excessif est insignifiant ».

    M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. Ce n’est pas du général de Gaulle !

    Mme Cécile Untermaier.

    Seule compte aujourd’hui pour nous l’adoption de cette loi proposée à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • A. Le Houerou (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Annie Le Houerou.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mesdames et messieurs les députés, le mariage civil est un acte social et juridique. Il n’y a pas de définition du mariage, il y a des engagements mutuels pris en public par deux personnes avec solennité, amour et émotion, des droits et des devoirs destinés à favoriser la stabilité et la sécurité de la famille.
     
    Conformément à la loi, l’officier d’état civil recueille les consentements des futurs époux et donne lecture des articles du code civil. Que disent-ils ? « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

    M. Hervé Mariton. Mme Mécary veut supprimer le devoir de fidélité !

    Mme Annie Le Houerou.

    « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »
     
    « Les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives. »
     
    « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. »
     
    « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. »
     
    Lorsque nous reprenons ces textes, nous ne comprenons pas pourquoi ce droit au mariage n’est pas ouvert à tous les couples sans discrimination, quelle que soit leur orientation sexuelle. Nous ne comprenons pas pourquoi un tel tollé chez certains, ceux qui refusent cet engagement devant la société à certains couples. En quoi l’application de ces articles, l’ouverture de ces droits pour tous doit-elle susciter l’indignation ?
     
    Si nous reconnaissons que l’homosexualité est une sexualité autre, mais normale,…

    M. Nicolas Dhuicq. Ah ! Qu’est-ce qui est normal ?

    M. Marcel Rogemont. Laissez parler l’oratrice !

    Mme Annie Le Houerou.

    …tout comme l’hétérosexualité, une orientation sexuelle qui ne se choisit pas mais qui est tout simplement – ce n’est ni une maladie ni une perversion ni un péché comme certains voudraient le laisser penser car ils ne reconnaissent pas nos différences et cachent ainsi leur homophobie –, si nous sommes d’accord pour que tous les Français soient égaux devant la loi, si nous considérons que l’intérêt des enfants doit être notre seul guide et que nous leur devons protection, alors nous devons admettre que le mariage pour tous est une évidence et nous devons ouvrir ce droit à tous quelle que soit l’orientation sexuelle du couple.
     
    Rien n’est à changer dans les articles de ce texte, il est parfaitement adapté à la protection de la famille, de toutes les familles, dans leur diversité. Nous devons juste permettre à tous les couples de disposer de cette liberté. Quel engagement serait plus fort pour contribuer à la cohésion sociale ? Il s’agit de l’égalité et de la reconnaissance par notre société des couples homosexuels comme familles à part entière. Il s’agit de leur permettre de se construire en toute sécurité dans un projet de vie durable et solidaire.
     
    Les homosexuels comme les hétérosexuels assument leurs devoirs de citoyens. Pourtant, la société ne leur accorde pas la même protection. Aujourd’hui, le mariage n’est plus le modèle unique, la vie en couple et les histoires familiales sont diverses : union libre, pacsés, familles recomposées, avec ou sans enfants, monoparentales, homoparentales. Cette liberté de choix, qui inclut la liberté du mariage, doit être ouverte à tous.
     
    L’enjeu du texte n’est pas d’accorder aux homosexuels le droit d’avoir des enfants : ils en ont. L’enjeu est de leur donner une protection juridique…

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Annie Le Houerou.

    …s’ils souhaitent être protégés par l’institution du mariage.
     
    Des dizaines de milliers d’enfants vivent déjà avec des parents homosexuels. Le législateur doit permettre à ces enfants de jouir légalement de leur filiation en bénéficiant de la même protection, des mêmes droits et des mêmes devoirs que les enfants issus de couples hétérosexuels. L’agrément pour une adoption doit être accordé en fonction de la qualité du projet parental, dans le seul et strict intérêt de l’enfant. Pourquoi un parent célibataire pourrait-il l’obtenir, mais pas un couple homosexuel qui se serait engagé sur un projet parental partagé ?
     
    Concernant la procréation médicalement assistée, de nombreux enfants naissent de cette volonté et de nombreuses femmes ont recours à la PMA dans des conditions précaires ou à l’étranger : c’est aujourd’hui un état de fait. Je plaide pour que ces femmes puissent mener leur projet à bien, et pour que cela se fasse dans un cadre médical plus sûr pour la mère et pour l’enfant. Trop de femmes subissent aujourd’hui cette clandestinité d’un autre âge.
     
    Qui oserait condamner les familles homoparentales dans leur rôle de parents ? Nous les côtoyons au travail, à l’école : ce sont des familles comme les autres. Pourtant, ces familles sont confrontées à des difficultés quotidiennes, car elles n’ont tout simplement pas les mêmes droits : jouer un rôle en tant que parent d’élève, signer le cahier de devoirs, conduire les enfants à une consultation chez le médecin, répondre à une urgence médicale… La plus grande difficulté que les enfants de couples homosexuels doivent affronter, c’est cette discrimination. Levons donc cette inégalité et assumons collectivement cette réalité sociétale !
     
    Toutes ces petites histoires vécues doivent faire évoluer la grande histoire du couple et du mariage en France. Pour ma part, je suis fière et honorée de voter cette loi ouvrant le mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, et je souhaite au plus tôt voter un texte ouvrant la possibilité à toutes les femmes, et plus particulièrement aux couples ayant un projet parental, d’avoir accès à l’assistance médicale à la procréation.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Hervé Mariton. Au moins nous sommes prévenus !

    Mme Annie Le Houerou.

    Notre République doit rassembler et protéger. Liberté, égalité et fraternité pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
  • M.L Fort

    31 janvier 2013

    Mme Marie-Louise Fort.

    Mesdames les ministres, monsieur et madame les rapporteurs, chers collègues, durant la campagne présidentielle, le Président Hollande avait défini son mode de gouvernance : « Pour réussir, il y a une condition à remplir,…

    M. Marcel Rogemont. Faire confiance au Parlement !

    Mme Marie-Louise Fort.

    …l’esprit de rassemblement autour du pacte républicain ; le Président a le devoir de cohésion sociale…

    M. Yann Galut. Et de respect de son programme !

    Mme Marie-Louise Fort.

    …et d’unité nationale, je m’y engage ».
     
    On sait que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, mais aujourd’hui notre pays en but à des difficultés de chômage, de pauvreté, en situation de guerre au Mali, se trouve déchiré par ce que Mme la garde des sceaux appelle une réforme de civilisation, avec la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    M. Marcel Rogemont. 63 % des Français sont d’accord.

    Mme Marie-Louise Fort.

    Je fais partie de ceux qui pensent que le mariage est une institution qui articule vie conjugale et vie parentale.

    M. Yann Galut. Nous aussi : nous allons l’étendre !

    Mme Marie-Louise Fort.

    Dans cette sécheresse institutionnelle, s’est invité au fil du temps l’amour mis en avant pour contracter mariage et fonder famille.
     
    Je crois à l’amour, ce lien magique entre deux êtres…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

    Mme Marie-Louise Fort.

    …pourvu qu’il soit sincère et heureux. Je récuse dans cette enceinte l’existence d’amours honteuses.
     
    Non seulement je reconnais mais je me réjouis qu’on puisse réussir sa vie dans une relation homosexuelle. J’adhère au désir de reconnaissance sociale pleine et entière de ces couples et à leur désir d’exister dans la durée en toute sécurité.

    M. Patrick Bloche. Merci pour eux !

    M. Yann Galut. Vous êtes trop bonne !

    M. Marcel Rogemont. Quelle condescendance !

    Mme Marie-Louise Fort.

    La société se doit de le reconnaître non pas au nom de la modernité ni même de l’égalité, mais au nom de l’humanité.
     
    Il est vrai que neuf pays ont adopté le mariage homosexuel, mais avec des restrictions pour la filiation. Aux États-Unis, neuf états l’ont approuvé par référendum mais dans 31 états, la définition du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme a été inscrite dans la Constitution par référendum. C’est exactement ce que nous préconisons avec l’alliance civile que nous appelons de nos vœux.
     
    Vous n’avez pas ce souci de précaution. En dépit du million de manifestants dans la rue, peut-être moins si vous voulez, qualifié de « défilé consistant » par le Président de la République, le projet de mariage pour tous touche à la filiation.
     
    La philosophe Sylviane Agacinski s’est insurgée et a fait part de son scepticisme sur le projet. Dénonçant un manque de courage, elle considère que vous vous êtes fourvoyés en unissant mariage et adoption.

    M. Philippe Gosselin. Excellente philosophe !

    Mme Marie-Louise Fort.

    Enfin, au nom de je ne sais quelle égalité supposée, vous oubliez la loi naturelle.

    M. Patrick Bloche. Qu’est ce que la loi naturelle ?

    Mme Marie-Louise Fort.

    Vous tournez en dérision l’église catholique en oubliant ou en négligeant que les représentants de toutes les grandes religions monothéistes s’élèvent contre ce projet de loi. On peut respecter cette opinion comme on peut respecter ceux qui parlent.

    M. Patrick Bloche. Et la séparation de l’église et de l’État ?

    Mme Marie-Louise Fort.

    Vous oubliez l’éthique de la médecine. Vous ouvrez la boîte de Pandore que représentent la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, sans précaution et sans même en mesurer toutes les conséquences.

    M. Bernard Roman. Arrêtez !

    Mme Marie-Louise Fort.

    Je citerai également le sociologue Jean-Pierre le Goff : « Cette grande bataille idéologique est menée au nom de l’égalité. Mais a-t-on le droit de bricoler l’anthropologie au nom de l’égalité ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Au nom de cette même égalité, a-t-on le droit de violer les consciences ? Je pense à la conscience de vos députés, à qui on a fait savoir qu’on ne voulait voir qu’une seule tête. Cela a conduit très démocratiquement – cela m’a choqué – le Premier Ministre à dire dès dimanche soir : « Le texte sera voté ». Pourtant, l’un des vôtres, Jérôme Lambert, écrit : « le texte m’a conforté dans mon opposition. Je refuse qu’on parle d’égalité à tort et à travers sur des sujets où c’est la diversité qui crée la vie. »
     
    Quant à la conscience des maires, je ne veux pas croire aux paroles de circonstance de la part du Président de la République qui promettait aux maires de France, lors de leur dernier congrès, l’introduction d’une clause de conscience. On connaît la suite…
     
    À défaut de conscience, reste-t-il un brin de raison à certains ? Je pense à votre richissime soutien, M. Bergé,…

    M. Yann Galut. Vous attaquez les riches maintenant ? C’est une honte !

    Mme Marie-Louise Fort.

    …qui déclarait : « Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? »

    Mme Cécile Untermaier. C’est hors sujet.

    Mme Marie-Louise Fort.

    J’espère, madame la garde des sceaux, que vous dénoncerez ici cette assertion dans votre réponse. Je ne suis ni réactionnaire, ni homophobe, ni même ringarde, du moins j’essaie.

    M. Yann Galut. On vous laisse libre de vos propos.

    Mme Marie-Louise Fort.

    Votre loi m’inquiète car il me semble qu’elle dérive tel un bateau ivre jusqu’aux rivages incertains de la loi de la famille. Votre circulaire en est certainement un élément précurseur.
     
    Je veux une société apaisée où chacun trouve sa place,...

    M. Yann Galut. On ne dirait pas.

    Mme Marie-Louise Fort.

    …une société respectueuse des différents choix de vie, des orientations sexuelles, une société consensuelle, bref une société fraternelle. Pour moi, c’est cela l’égalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • B. Lesterlin (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Bernard Lesterlin.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, deux couples homosexuels d’un petit village de ma circonscription, Louroux-de-Beaune, 184 habitants, sont allés frapper à la porte de chaque maison et de chaque ferme. Ils ont demandé aux habitants de ce village où tout le monde se connaît : « Soutenez-vous le projet de loi de mariage pour tous ? » Si 15 personnes ont refusé de signer, 101 ont signé pour.

    M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Et le vote à bulletin secret ?

    M. Bernard Lesterlin.

    Cela n’est pas une enquête scientifique, j’en conviens. Mais peut-être mieux qu’un sondage, cela donne une idée de l’état d’esprit des Français sur cette question.

    M. Laurent Furst. Le ridicule ne tue pas !

    M. Bernard Lesterlin.

    Chacune de ces 101 personnes a écrit elle-même son nom, son adresse et a signé.
     
    Je souhaite, dans le calme et la sérénité, m’adresser plus particulièrement à mes collègues de l’opposition en me référant aux propos de M. Guaino – que j’ai trouvés hier plus lyriques et beaucoup moins arrogants que ceux de Laurent Wauquiez aujourd’hui.
     
    Il nous a été dit hier que le projet de loi organisait une société qui n’est pas celle dans laquelle vous voulez vivre.

    M. Hervé Mariton. C’est vrai !

    M. Bernard Lesterlin.

    Je respecte votre préférence.

    M. Hervé Mariton. Merci !

    M. Bernard Lesterlin.

    Vous souhaitez vivre dans une société où l’on se marie pour faire des enfants et, ce faisant, reproduire l’espèce humaine. Pour procréer il faut un homme et une femme, c’est vrai. À cela, vous ajoutez la volonté du couple de faire des enfants dans le mariage.
     
    Cependant, vous êtes obligés de constater que pour faire des enfants, il faut ne pas être stériles. Dans ce cas, vous admettez que l’on puisse avoir recours à la médecine, donc à la PMA – une disposition qui ne figure d’ailleurs pas dans ce texte. Il n’y a là rien que de très normal : la société dans laquelle vous voulez vivre peut, vous en convenez, compter des personnes que vous aimeriez savoir toutes fécondes.
     
    Vous avez donc raison de regarder la société non comme vous la souhaitez idéale mais comme elle est : personne ne songerait à stigmatiser ici les personnes stériles, pas plus que la femme qui n’a plus l’âge d’être féconde mais qui aime son compagnon et qui veut l’épouser. Alors vous admettez qu’il puisse ne pas y avoir de corrélation automatique entre le mariage et la reproduction naturelle.
     
    La loi ne doit pas organiser l’exclusion de telle ou telle catégorie de nos concitoyens. Au contraire, elle doit être inclusive et répondre à toutes les situations humaines. Vous voyez bien que notre fonction de législateur n’est pas de faire valoir nos préférences personnelles, mais de toujours être en quête de l’intérêt général, celui de tous nos concitoyens, sans exclusive.
     
    Même si dans nos campagnes électorales nous avons fait valoir nos préférences pour tel programme ou tel candidat, dès lors que nous sommes élus, nous sommes porteurs d’un mandat du peuple que nous exerçons non pas à sa place mais pour lui, dans la recherche de l’intérêt général dont je parlais. Cette interprétation de la démocratie, nous la partageons sur tous les bancs de cet hémicycle, à droite comme à gauche.
     
    La société dans laquelle vous voulez vivre, dans laquelle nous vivons, n’est pas idéale. Encore une fois, elle est comme elle est. Vous devez constater qu’elle comporte des hétérosexuels et des homosexuels, que ces derniers ont aussi le droit de s’aimer et de vivre en couple. Je ne fais à personne le procès d’être homophobe – par définition, il n’y a aucun homophobe dans cet hémicycle.
     
    Alors, la question qui se pose est la suivante : les couples homosexuels ont-ils le droit d’élever des enfants ? Si vous pensez que non, il ne faut pas leur interdire le mariage mais l’adoption. Y êtes-vous prêts ?
     
    Les formulaires CERFA des dossiers des départements consacrés aux candidatures à l’adoption qui comporteraient la question « Êtes-vous homosexuel ? » tomberaient sous le coup de la loi, vous le savez bien. Faudrait-il alors demander oralement aux candidats à l’adoption s’ils sont ou non homosexuels ? Et s’ils ne répondent pas, doit-on instituer une présomption d’homosexualité ? Je suis sûr que vous pensez que non. Nous devons donc en déduire ensemble que la préférence sexuelle ne peut pas en France constituer un critère d’éligibilité à l’adoption.
     
    De toutes ces évidences, il en ressort une : des enfants de couples homosexuels, il y en a. Ils sont même nombreux. Et si vous n’en connaissez pas, vous auriez dû assister aux auditions du 20 décembre de la commission des lois.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Exactement !

    M. Bernard Lesterlin.

    Vous auriez pu échanger avec eux. Eh bien, c’est pour ces enfants-là que j’ai envie de me battre. Ces enfants-là nous demandent d’être considérés comme des citoyens comme les autres. Ils nous demandent de ne pas pouvoir être confiés à un tiers ou à une institution si l’un de leurs deux parents meurt ou si les parents se séparent. Ils nous demandent d’avoir un livret de famille dans lequel figurent les noms de leurs deux parents sur la page de gauche et sur la page de droite. Quand les enfants ont deux parents, il ne faut pas leur mentir. La République ne peut pas mentir à ses citoyens par omission sur les livrets de famille qu’elle délivre. Ils nous demandent que leurs deux parents aient l’autorité parentale sur eux et puissent décider immédiatement s’ils doivent être hospitalisés ou opérés en urgence. Ils nous demandent que, nous qui votons la loi, les considérions comme des enfants tout simplement comme tous les autres enfants de France, c’est-à-dire comme des citoyens à part entière et non comme les enfants de parents entièrement à part.
     
    Mesdames les ministres, les deux couples homosexuels de Louroux-de-Beaune m’ont dit attendre avec impatience le vote de votre projet de loi et la promulgation de la loi telle qu’elle ressortira des débats du Parlement. Ce sont des citoyens comme chacun d’entre nous. Alors je veux dire avec force que je voterai ce texte avec fierté, pour eux comme pour tous nos compatriotes qui l’attendent. Je voterai cette loi d’égalité avec le sentiment d’avoir été utile à mon pays, à mes concitoyens et d’avoir respecté le mandat que m’ont confié les électeurs de l’Allier.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Bernard Lesterlin.

    Et puis, il est si rare de parler d’amour dans cet hémicycle : ne gâchons pas notre plaisir ! (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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