Mme Sophie Dion.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons traite d’une question qui touche à l’intime de chacun d’entre nous – l’émotion qu’il suscite montre d’ailleurs à quel point il concerne tous les Français.Vous vous souvenez tous ici, j’imagine, de la parole de l’un des premiers législateurs : « Il faut légiférer d’une main tremblante ». Vous n’avez pas suffisamment pris la mesure, ni en amont, ni en aval, des conséquences de ce texte. Compte tenu des enjeux en cause – statut du mariage, du couple, place de l’enfant, filiation, procréation, marchandisation du corps humain –, nous avons pu voir que beaucoup de nos concitoyens souhaitaient pouvoir s’exprimer directement. Ce que ne comprennent pas les Français, c’est le manque de préparation et de concertation. (« Allons ! » sur les bancs du groupe SRC.)Les travaux préparatoires ont été menés bien trop vite et de manière sélective. Vous avez ignoré l’expression directe et spontanée des Français qui se sont mobilisés massivement. Vous n’avez pas voulu entendre les Français qui réclamaient plus de débats, plus d’explications, plus de temps sur un sujet qui touche au cœur de leur vie d’homme et de femme. Vous n’avez pas voulu les entendre. Vous divisez plus que vous ne rassemblez. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous manquez ainsi une occasion d’envisager d’autres solutions, qui auraient permis d’aboutir à un consensus national.
Mme Audrey Linkenheld. Oh, ça suffit !
Mme Sophie Dion.
Ce n’est pas faute, pour nous, d’avoir présenté un projet d’alliance civile, conçue comme un renforcement du PACS. Mais vous n’avez pas voulu entendre cela non plus : vous préférez privilégier un texte qui repose sur une argumentation pour le moins contestable. En effet, comme on le sait, il est inexact, il est faux de présenter ce débat comme une opposition entre « anciens » et « modernes », entre « conservateurs » et « progressistes ».De la même manière, votre argumentation sur la filiation ne repose sur aucun fondement.
M. François de Rugy. Ah bon ?
Mme Sophie Dion.
Aujourd’hui, vous évoquez le mariage et la filiation, demain, dans un autre texte, ce sera la PMA et la GPA.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Arrêtez de mentir !
Mme Sophie Dion.
C’est annoncé, c’est programmé, ce sera dans quelques semaines ! La PMA entraînera, à terme, la légalisation de la gestation pour autrui, autrement dit des mères porteuses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)Au-delà de ces principes, vous passez à côté de l’essentiel : vous ignorez complètement la place et le devenir de l’enfant. Avec vous, l’enfant n’est plus sujet, il devient objet. Le droit de l’enfant est devenu le droit à l’enfant… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Catherine Coutelle. Vous l’avez déjà dit, ça manque d’originalité !
Mme Sophie Dion.
…cet enfant qui, devenu adulte, se posera bien légitimement la question de la connaissance de ses origines – un sujet pour le moins sensible, qui n’est traité que partiellement dans notre code civil, et dont nous ne pourrons mesurer les conséquences que dans trente ans.Vous l’avez bien compris, il est faux de présenter votre texte comme traitant uniquement de la question du mariage pour les couples homosexuels. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste, vous allez bien au-delà : vous ouvrez en fait la voie à la marchandisation du corps humain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Assaf. C’est une obsession !
Mme Sophie Dion.
La circulaire de Mme la garde des sceaux vient d’en apporter la preuve flagrante, frappée d’une double hypocrisie : hypocrisie sur vos intentions vis-à-vis de la loi, hypocrisie aussi vis-à-vis des femmes que vous prétendez défendre !
M. Bernard Roman. À qui parlez-vous ?
M. le président. Allons, monsieur Roman !
Mme Sophie Dion.
Vous osez dénoncer la gestation pour autrui sur le territoire national mais vous organisez la location du corps des femmes à l’étranger.
Mme Pascale Crozon. C’est scandaleux de dire ça !
Mme Sophie Dion.
En conclusion, vous comprendrez aisément que sur un sujet aussi lourd de conséquences, il faille du recul, de la sagesse et de la sérénité. C’est pourquoi je demande le report de l’examen de ce texte, dont les implications pour l’avenir de nos enfants dépassent largement la présentation que vous nous en avez faite.
M. Christian Assaf. Rien que cela !
Mme Sophie Dion.
En conséquence, mesdames et messieurs de la majorité, je vous demande une seule chose : de vous appliquer à vous-même la fameuse maxime de François Mitterrand, « laissons le temps au temps ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)