Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • Bernard Perrut

    1er mai 2013
    M. Bernard Perrut. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit appelle à mon sens à la gravité et au respect. À peine le Sénat a-t-il voté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe…

    Mme Claude Greff. En catimini !

    M. Bernard Perrut. …que le Gouvernement le met déjà à l’ordre du jour de l’Assemblée. Comme si vous aviez peur des Français de tous âges et de toutes conditions qui sont de plus en plus nombreux à exprimer leur opposition à ce texte, ce texte qui divise alors que nous aurions tant besoin de nous rassembler. Faut-il en effet ajouter à la crise économique et à la crise sociale une crise de société ? Certainement pas !
     
    Pas de commission spéciale, pas de débat public, pas de référendum, pas d’avis du Conseil économique, social et environnemental ; aujourd’hui, un débat limité par le temps programmé : la méthode n’est pas la meilleure – c’est le moins que l’on puisse dire ! –…

    M. Jean-Marc Germain. C’est vous qui l’avez inventée !

    M. Bernard Perrut. …sur un sujet aussi important, puisqu’il s’agit, vous l’avez dit vous-même, madame la garde des sceaux, d’une réforme de civilisation – d’une rupture de civilisation, devrais-je dire : le mot serait plus juste.
     
    Si ce projet de loi est adopté, le mariage ne sera plus une référence commune. La cellule de base de notre société, la famille, s’en trouvera malmenée, et notre pacte républicain mis en cause. Père, mère, mari, femme, autant de mots, pourtant pleins de force, qui vont disparaître de nos textes, puisque, par voie d’ordonnance, ce ne sont pas moins de dix codes qui vont être modifiés !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quatorze !

    M. Bernard Perrut. Ces mots de père et mère vont disparaître, remplacés par le mot parent. C’est du bricolage juridique, auquel vous vous gardez d’ailleurs d’associer les parlementaires !
     
    Si ce projet est adopté, ce texte engagera gravement la responsabilité de la société à l’égard des enfants ; il va priver définitivement certains d’entre eux, ainsi que l’a d’ailleurs mis en évidence le Conseil d’État dans son avis, de la possibilité de connaître leur père et leur mère, en faisant comme s’ils étaient nés de deux hommes ou de deux femmes.
     
    Si ce projet de loi est adopté, il entraînera inévitablement un certain nombre de transformations de notre droit, auxquelles les Français sont opposés. Je songe en particulier au recours à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes. Si ces sujets sont aujourd’hui reportés à d’autres échéances, il s’agit bien d’évolutions qui finiront par s’imposer à leur tour.
     
    Si cette loi est adoptée…

    M. Carlos Da Silva. Mais elle va l’être !

    M. Bernard Perrut. …c’est malgré l’opposition des Français, qui, s’ils sont hostiles aux discriminations personnelles, refusent néanmoins de sacrifier le droit de la naissance et le droit de la famille.
     
    Alors que nous aurions tous pu nous retrouver autour d’une solution équilibrée, qui réponde aux attentes des couples homosexuels, que nous respectons, sans heurter les convictions de ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme. C’est dans cette perspective que les députés de l’UMP avaient proposé l’instauration d’une alliance ou d’une union civiles, qui auraient donné aux couples de même sexe un cadre juridique, une sécurité accrue, la reconnaissance sociale et des obligations extrapatrimoniales, comme l’obligation de fidélité, de secours et d’assistance. Comme le mariage, elles auraient été assorties d’une célébration officielle devant le maire, et auraient entraîné un certain nombre de conséquences, à l’exception de la filiation et de l’adoption.
     
    Vous avez refusé cette voie, madame la garde des sceaux, alors que nous aurions pu en débattre et progresser ensemble, car nous avons à cœur, comme vous, d’apporter des réponses aux problèmes de société.
     
    Mais notre désaccord est profond, puisqu’il porte, semble-t-il, sur la définition même du mariage, qui n’est pas seulement la reconnaissance de l’amour, même entre personnes de sexe différent, mais bien une institution incluant la perspective de la procréation. Comment d’ailleurs ne pas admettre que les couples de personnes de sexe différent et ceux des personnes de même sexe ne sont pas dans la même situation au regard de la procréation ?
     
    Et les enfants ? Ils sont, bien évidemment, au cœur du débat. En prétendant établir une égalité entre adultes au regard du mariage, votre projet de loi crée une inégalité entre les enfants adoptés. N’oublions jamais que l’adoption n’est pas faite pour donner un enfant à un couple mais pour donner une famille à un enfant ! Or l’évolution de notre droit que va entraîner votre projet de loi va priver, de manière délibérée, certains enfants d’un père ou d’une mère.
     
    Ce qui est plus grave, madame la garde des sceaux, c’est l’apparition de ce concept de genre, inspiré du gender anglo-saxon.

    Mme Ségolène Neuville. Pas du tout ! C’est Simone de Beauvoir !

    M. Bernard Perrut. Ce concept du genre semble inspirer votre législation, l’inscrivant dans un système de pensée où ce n’est plus la différence des sexes qui importe mais la perception subjective que chacun a de son identité, lui permettant de déterminer librement son orientation sexuelle.
     
    Le concept du genre, c’est l’instrument d’une révolution anthropologique et culturelle, c’est la remise en cause de l’altérité sexuelle, c’est le révélateur d’une société qui récuse le réel comme limite à ses désirs ! Dans cette société, l’individu ne se définit plus comme homme ou femme mais comme hétérosexuel ou homosexuel ; on invente de nouveaux concepts : couples homosexuels et couples hétérosexuels en quête d’égalité des droits.
     
    Pour toutes ces raisons, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis inquiet. Je respecte les opinions et la sensibilité de chacun ; je suis, comme vous, attaché à la liberté et à l’égalité ; je suis, comme vous, attaché à la lutte contre l’homophobie.

    M. Olivier Dussopt. Ça ne s’entend pas !

    M. Bernard Perrut. Comme vous, je suis respectueux de la vie personnelle et des sentiments que chacun porte à l’être humain qu’il aime et aux enfants qu’il conduit vers l’avenir ; je suis, comme vous, contre tous ces débordements, qui pourraient porter atteinte au respect de chacun, à la liberté et à la sécurité.

    M. Michel Issindou. Dans ce cas, il ne faut pas aller crier avec eux !

    M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, quels repères donnons-nous aujourd’hui à notre jeunesse ? Quel avenir voulons-nous pour la France ?
     
    La grandeur du Président de la République et du Gouvernement aurait sans doute été de rassembler les Français autour de ce grand projet de société plutôt que de les diviser. C’est la raison pour laquelle ni moi ni mes collègues ne pourront vous suivre sur cette loi, qui ne répond pas à notre vision de l’union, de la famille, de l’enfant et de l’avenir de la société française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • Dominique Tian

    1er mai 2013
    M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois – je ne vois pas la présidente de la commission des affaires sociales – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est petit !

    M. Dominique Tian. …monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons terminé hier la séance de nuit sur l’intervention de Bernard Roman, premier questeur de l’Assemblée, qui a tenu des propos particulièrement scandaleux, imputant aux députés de l’UMP la responsabilité de deux événements dans lesquels on reconnaîtra pourtant que nous ne sommes pour rien.

    M. Philippe Gosselin. Ni responsables, ni coupables !

    M. Dominique Tian. Le premier concerne une bagarre provoquée par des skinheads dans un bar de Lille. Nous sommes loin de Lille et je ne vois pas quels sont nos liens avec ces skinheads qui s’en sont pris à des homosexuels. C’est un fait divers regrettable et que nous dénonçons, mais l’UMP n’en est pas responsable, pas plus qu’elle n’est responsable des incidents qui se sont produits à la fin de la manifestation contre le mariage pour tous.

    Mme Claude Greff. Vous avez mis le pays à feu !

    M. Dominique Tian. Il y a en effet eu des incidents, mais très en deçà de la violence et du climat de guerre civile que vous avez dénoncés avec des trémolos dans la voix, maquillant la vérité.

    M. Bernard Roman. Tu parles !

    M. Dominique Tian. C’est scandaleux, car les élus UMP sont des gens responsables, qui défendent leurs convictions et n’ont pas à subir les amalgames de personnes qui, malheureusement n’ont plus grand-chose à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Avec notre président Christian Jacob et plusieurs parlementaires du groupe, nous sommes allés à la rencontre des manifestants. Nous avons rencontré des genres responsables, des pères et des mères de famille, le gang des landaus, cher monsieur Roman, pas des casseurs !
     
    Alors pourquoi cette urgence, pourquoi cette précipitation, madame la garde des sceaux ? Pourquoi cette angoisse qu’expriment M. Roman et certains députés socialistes ? Tout simplement parce que vous avez peur du peuple ! Vous avez peur de la manifestation du 26 mai, qui sera probablement gigantesque.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Quinze millions de personnes, au moins !

    Mme Ségolène Neuville. Le résultat de votre démagogie !

    M. Dominique Tian. Cette mobilisation, vous y contribuez d’ailleurs largement en vous attaquant aux allocations familiales et en prenant d’autres mesures détestables.

    Mme Claude Greff. On n’a jamais vu ça !

    M. Dominique Tian. Déjà, le 24 mars, alors que nos concitoyens manifestaient leur opposition de manière pacifique, vous avez nié jusqu’à l’absurde la présence dans les rues d’un million de nos concitoyens, fournissant sciemment, avec l’aide du ministre de l’intérieur, des chiffres totalement sous-estimés, ce qui est inadmissible dans une démocratie. Mais vous allez être servis, car vous ne pourrez pas, le 26 mai, nier à nouveau la réalité des chiffres et contester ce qu’auront vu l’ensemble de la presse et les observateurs étrangers.

    M. Philippe Meunier. Très bien !

    M. Dominique Tian. En niant ces chiffres, en les sous-estimant, vous avez provoqué une crise.
     
    Hier soir, avec Christian Jacob et plusieurs de nos collègues parmi lesquels Frédéric Poisson, Philippe Gosselin, Hervé Mariton ou Philippe Meunier, particulièrement actifs dans ce débat, nous avons, comme je le disais, rencontré ces manifestants : ce ne sont pas les casseurs que vous décrivez.
     
    Nous avons également rencontré les policiers et les gendarmes, gradés et hommes de rang, qui nous ont indiqué en privé que ce déploiement de force était totalement inédit, absurde et disproportionné. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tant et si bien que nous avons fini par nous demander s’il s’agissait vraiment d’une manifestation des opposants au mariage pour tous ou d’une manifestation de la police nationale, puisque les policiers – surarmés – étaient au départ visiblement deux ou trois fois plus nombreux que les manifestants !

    M. Philippe Gosselin. Récupération ! Instrumentalisation !

    M. Dominique Tian. Ne pensez-vous pas, madame la garde des sceaux, que ces policiers auraient été plus utiles dans les banlieues parisiennes voire marseillaises, ou aux abords des prisons, dont on s’échappe à l’aide d’armes et d’explosifs ?
     
    Non seulement vous tentez de faire passer ce texte en force, mais vous vous en prenez aux manifestants. C’est d’autant plus choquant que, jeudi prochain, nous allons examiner un texte d’amnistie pour les faits de violence et d’escroquerie commis par des syndicalistes. Or, hier et avant-hier, vous avez fait embarquer plus de soixante jeunes que vous avez placés en garde à vue, tout simplement parce qu’ils étaient assis dans l’herbe à côté de l’Assemblée nationale. C’est scandaleux !

    Mme Frédérique Massat. Ils jetaient des pierres !

    M. Dominique Tian. Ce texte est dangereux pour la société. Les députés de l’UMP ne cessent de dénoncer les dérives probables auxquelles il va conduire, d’alerter les Français sur les conséquences de ce projet qui, en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, va bouleverser le droit de la famille, changer les règles de filiation et gommer l’altérité sexuelle dans le code civil. Surtout, il mènerait à l’institutionnalisation du droit à l’enfant, avec l’ouverture à tous de la procréation médicalement assistée et presque mécaniquement de la gestation pour autrui. En effet, dans le cas d’un couple d’hommes, la procréation médicalement assistée est impossible puisqu’il ne vous aura pas échappé que les hommes ne peuvent pas porter d’enfant. Nous serions ainsi placés dans une situation paradoxale où, au nom de l’égalité, le principe de la procréation médicalement assistée pour tous serait discriminatoire à l’égard des couples d’hommes, discrimination qui ne pourrait être dépassée qu’en légalisant la gestation pour autrui, interdite en France au nom de l’indisponibilité du corps humain. Nous passerions donc du mariage pour tous à l’enfant pour tous, et je sais que plus de 120 députés socialistes sont déjà favorables à la GPA. Ce n’est pas un fantasme de l’UMP, c’est tout simplement une déclaration politique d’un certain nombre de membres du parti socialiste !
     
    À l’UMP, nous croyons au contraire que les principes de la dignité humaine et de l’indisponibilité du corps humain sont universels. La grandeur de la France est de porter partout dans le monde l’exigence de la dignité humaine, pas de s’aligner sur les pays qui acceptent les pires transgressions. C’est pour cette raison que nous voterons résolument contre ce texte…

    M. Patrick Ollier. Très bien !

    M. Dominique Tian. …et que nous participerons en grand nombre à la manifestation de ceux qui défendent les valeurs essentielles de la famille dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • Christian Assaf

    1er mai 2013
    M. Christian Assaf. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur et cher ami, Erwann Binet, mes chers collègues, il nous revient la responsabilité de débattre, une nouvelle fois, du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.
     
    Responsabilité, voilà un mot qui prend tout sens au moment où une minorité a choisi la radicalisation et va jusqu’à promettre le sang. Il nous appartient donc de ne pas donner de crédit à ceux qui se positionnent délibérément aux frontières du champ républicain.
     
    S’il est indispensable de défendre son opinion, à aucun moment nous ne pouvons tolérer, ou encourager, des agissements extrémistes. Face à eux, notre responsabilité est d’assumer notre fonction de parlementaire : celle de légiférer, donc de nous prononcer sur le statut juridique de femmes, d’hommes, d’enfants qui, jusqu’à aujourd’hui, sont des fantômes de notre République !
     
    Notre responsabilité prend également tout son sens au moment où l’homophobie connaît un triste regain. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. C’est vous qui en êtes responsables !

    M. Christian Assaf. Gardons à l’esprit que nos débats concernent le quotidien de couples, de familles et d’enfants qui peuvent être heurtés par les caricatures ou les stigmatisations. N’oublions jamais les souffrances de celles et ceux pour qui vivre pleinement leur amour est un combat de chaque jour. Ne nions pas les ravages de l’homophobie et ayons, face à elle, une réponse forte.
     
    Cette réponse doit être à la hauteur des appels lancés par l’association le Refuge ou par le Collectif contre l’homophobie qui s’inquiètent de la recrudescence des actes homophobes dans notre pays !
     
    Mais notre responsabilité est surtout de poursuivre le cheminement républicain, et donc parlementaire, qui a fait progresser les libertés et l’égalité dans notre pays. Oui, c’est sur ces mêmes bancs que nos pairs ont autorisé l’IVG, dépénalisé l’homosexualité, aboli la peine de mort et créé le pacte civil de solidarité. Et c’est dans les pas de nos illustres prédécesseurs que nous pouvons désormais marcher pour, à notre tour, faire avancer la tolérance et la justice. Car de quoi s’agit-il dans ce projet de loi ?
     
    S’agit-il de retirer des droits à une partie de la population ? Non ! Il s’agit simplement d’en donner à une partie de nos concitoyens !
     
    S’agit-il d’opposer une partie des Français à une autre ? Non ! Il s’agit simplement de faire progresser l’égalité républicaine car ce sont les inégalités et les discriminations qui mettent à mal l’apaisement de notre société.
     
    Avec ce projet de loi, nous répondons de manière juste aux attentes d’une partie de nos concitoyens !
     
    Répondre de manière juste, c’est donner des droits à des citoyens à part entière mais qui n’ont pas, dans les mêmes situations, les mêmes droits que d’autres citoyens à part entière.
     
    Répondre de manière juste, c’est ne pas maintenir des enfants, des couples et des familles dans l’insécurité.
     
    Répondre de manière juste c’est accepter les nouvelles formes familiales qui forment aujourd’hui la société française.
     
    Répondre de manière juste c’est reconnaître la force et le rôle du mariage civil, laïc et républicain.
     
    Mes chers collègues, notre responsabilité est d’affronter de manière juste les réalités qui traversent notre pays pour faire avancer l’idéal républicain. Voilà le sens et le rôle de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • Christiane Taubira

    1er mai 2013
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci aux députés de la majorité pour la détermination avec laquelle depuis hier ils exposent leurs arguments, pour la clarté avec laquelle ils ont expliqué pourquoi ils ont massivement voté ce texte en première lecture et restent fortement mobilisés en deuxième lecture.
     
    Merci aux députés de l’opposition qui ont pris le temps d’exposer à nouveau les raisons pour lesquelles ils s’opposent à ce texte.

    M. Philippe Gosselin. Exact !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parle de ceux qui ont développé des arguments, ce qui n’a pas été le cas de tout le monde, même si nous avons bien remarqué que les arguments n’avaient pas vraiment été renouvelés. Vous avez à nouveau dressé le procès de la PMA, de la GPA. Vous avez encore soulevé cet argument paradoxal selon lequel nous donnerions satisfaction à une infime minorité tout en faisant – préfiguration de l’apocalypse, antichambre d’un avenir dantesque – s’effondrer la famille. Comprenez que nous ayons du mal à saisir la cohérence de vos propos !
     
    À nouveau, vous avez opposé le droit à l’enfant aux droits de l’enfant.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Exact.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sauf qu’il ressort de vos propos que ce droit à l’enfant renvoie à un enfant icône, immatériel, immobile. Nous défendons pour notre part les droits des enfants qui existent, qui sont là, qui vivent, qui crient, qui jouent, ces enfants qui nous contrarient, qui sont réels et qui subissent le regard de la société.

    M. Christian Jacob. Vous connaîtriez des enfants réels et pas nous ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vos explications, en tout cas, ne font pas référence à ces enfants réels.

    M. Dominique Tian. Non, ce sont des enfants marchandisés.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces enfants qui subissent le regard réprobateur d’une société dans laquelle les préjugés sont consolidés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. Mais c’est n’importe quoi !

    M. le président. Madame Greff, laissez parler la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et des arguments du même acabit, nous en avons entendu ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Xavier Breton et M. Christian Jacob. Une chanson ! Une chanson !

    M. Nicolas Bays. Malotrus !

    Mme Brigitte Bourguignon. Grossiers personnages !

    M. le président. Monsieur Jacob, vous savez très bien que votre groupe aura du temps pour répondre : écoutez les arguments de la garde des sceaux. Elle seule a la parole.

    M. Philippe Gosselin. Elle chantait très bien toute seule hier.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur le président, encore que je regrette que vous interrompiez ce concert fort harmonieux.
     
    Un certain nombre d’arguments…

    Mme Claude Greff. Moi, j’en ai quatre, des enfants !

    M. le président. Madame Greff, personne ne vous demande votre carte de famille nombreuse ; écoutez la garde des sceaux.

    Mme Claude Greff. Mais de quel droit parle-t-elle ainsi ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît, rasseyez-vous.

    Mme Claude Greff. Non je n’arrêterai pas ! C’est scandaleux ! (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Laurence Dumont. C’est ridicule.

    Mme Claude Greff. Les enfants sont tous différents !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Contrôlez vos nerfs.

    M. le président. Madame Greff, je vous en prie.

    Mme Claude Greff. Mais c’est impossible de laisser dire des choses pareilles !

    M. Jean Glavany. Faites-la donc taire, monsieur le président !

    M. le président. Madame Greff, nous avons tous bien compris votre opposition aux propos de la garde des sceaux. Voulez-vous bien vous asseoir, s’il vous plaît ? Vous le savez, tout ce temps sera décompté de celui de votre groupe.

    Mme Claude Greff. Je me rassois, mais que Mme Taubira fasse bien attention !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis absolument effrayée par les menaces de Mme Greff.

    Mme Claude Greff. Ne recommencez pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais contrôlez-vous donc, madame.

    Mme Claude Greff. Ça suffit ! (« Assez ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

    Mme Claude Greff. C’est insupportable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons l’habitude de ces tactiques : quand on est peu nombreux, on fait beaucoup de bruit.
     
    Je poursuis. M. Fromion a concentré dans son exposé un certain nombre d’affirmations très étonnantes selon lesquelles nous allions porter, par ordonnances, dans le secret de nos cabinets, un coup fatal à la société française.

    Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qu’un parlementaire parle, en matière d’ordonnances, de secret de cabinet alors qu’elles sont adossées à l’article 38 de la Constitution, qu’elles sont soumises au Conseil d’État et qu’elles deviennent caduques si, dans les trois mois de leur promulgation, un projet de loi n’a pas été déposé à l’Assemblée nationale ou au Sénat, est aberrant. Toute cette procédure se transforme pour vous en secret de cabinet ! Je comprends mieux, à voir des parlementaires asséner des contre vérités aussi énormes à la société française, les malentendus qui peuvent naître et les inquiétudes de nos concitoyens, mais ce n’est pas suffisant pour convaincre. Si je cite M. le député Fromion, c’est parce qu’il a concentré en une seule intervention tous ces arguments qui ont été évoqués par d’autres parlementaires.
     
    Déclarer que l’adoption serait le cadeau dans la corbeille de mariage, c’est ignorer l’article 343 de notre code civil selon lequel le mariage emporte l’adoption.

    M. Xavier Breton. Et le titre du projet de loi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a tout simplement été honnête depuis le début en évoquant ensemble le mariage et l’adoption. Il aurait tout aussi bien pu citer le seul mariage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Xavier Breton. Vous nous cachez des choses !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …parce que le mariage emporte l’adoption et qu’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe leur ouvre par conséquent, aussi, l’adoption.

    Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’adoption qui pose problème, donc le mariage.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans un souci d’information des Français, le Gouvernement a choisi, durant ces mois de débat, de préciser que le mariage ouvrait à l’adoption.
     
    Que des parlementaires viennent affirmer que l’adoption est accordée en plus prouve bien, soit qu’ils manipulent l’opinion, soit qu’ils ignorent des dispositions essentielles de notre code civil.
     
    C’est sur ces bases que l’information est transmise à la société, qui s’en inquiète. C’est le plus dommageable. Pour le reste, vous pouvez pousser de hauts cris, mais vos démonstrations ressemblent assez à un scénario de western spaghetti des années 1970 (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),...

    M. Hervé Mariton. Lamentable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et encore pas ceux d’Ennio Morricone qui, eux, étaient bons. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Vous pouvez nous accuser de tous les crimes, vous pouvez porter contre nous les accusations les plus contradictoires, c’est ainsi que vous concevez l’opposition, c’est votre droit.

    M. Hervé Mariton. Vous êtes de plus en plus lamentable.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux simplement redire aux députés de la majorité que je suis extrêmement heureuse de voir que leur mobilisation ne faiblit pas.

    Mme Marie-Christine Dalloz. La rue non plus ne faiblit pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous arriverons au terme de cette belle loi qui sera notre fierté sur tout le quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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