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mercredi 1er mai 2013

Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, sans trop m’attarder, je voudrais insister sur les éléments de forme et de fond qui motivent notre opposition ferme et résolue au projet de mariage pour tous.
 
Sur la forme, je m’associe à l’étonnement très grand, non seulement de mes collègues, mais aussi de l’opinion publique, devant l’empressement du Gouvernement à faire revenir le texte devant l’Assemblée nationale. Pourquoi une telle précipitation ? Nous voilà avec un TGV, un texte à grande vitesse. Après un vote à main levée au Sénat vendredi, vote qui a dérouté beaucoup de personnes, le Gouvernement, sous la houlette de M. Vidalies, le ministre chargé des relations avec le Parlement, a annoncé que le texte reviendrait à l’Assemblée le mercredi 17 avril, soit aujourd’hui.
 
La conférence des présidents est convoquée pour le lundi matin ; les membres de la commission des lois apprennent dans le courant du vendredi après-midi qu’ils seront convoqués le lundi à seize heures. Il ne leur restait donc que le week-end pour travailler tant bien que mal sur un texte qui n’est pas encore officiellement sur le site de l’Assemblée nationale à ce moment-là. Une telle précipitation doit être dénoncée.
 
Sans doute le Gouvernement a-t-il la légitimité, de par la Constitution, pour décider d’accélérer l’examen d’un texte. Nous verrons le moment venu ce qu’en pense le Conseil constitutionnel. Dans les faits, cette procédure accélérée s’apparente à un véritable coup de force. Quelle nécessité y avait-il d’aller aussi vite ?

M. Rémi Delatte. La peur !

M. Philippe Gosselin. Peut-être, ou alors pour reprendre la main dans l’opinion et sauver une réforme dont les Français ne veulent plus ? Mais l’ont-ils jamais voulue ? Permettez-moi de citer, non sans un certain plaisir, le sondage BVA de vendredi dernier qui révèle que 55 % des sondés récusent ce texte et ne se retrouvent plus dans le projet du Gouvernement. S’agit-il de masquer l’affaire Cahuzac ou les incompétences économiques alors que la récession est annoncée par le FMI ? Je ne sais. Toujours est-il que les droits du Parlement et de l’opposition sont amoindris et peut-être même bafoués.

M. Yves Fromion. Tout à fait !

M. Philippe Gosselin. Certes, un parlementaire doit être disponible et être présent le plus souvent possible à l’Assemblée, mais quid de la gestion des agendas ? Quid de ces programmes bouleversés et sans cesse remis en cause ? Ce n’est rien, nous dit-on, car nous avons pu déposer quelques centaines d’amendements. Sans doute et nous avons essayé de faire au mieux. Mais que représentent vingt-cinq heures seulement de débat dans le cadre d’un temps programmé ? Il faudrait plutôt parler de temps guillotine ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Bocquet. Le sang coule au pied de la tribune !

M. Philippe Gosselin. Le sable s’écoule inexorablement et la grande faucheuse des droits de l’opposition est là, qui nous attend. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je constate que ces mots vous étonnent et suscitent des commentaires. Mais au moins comprendrez-vous à quel point nous sommes scandalisés. Oui, chers collègues, la grande faucheuse des droits de l’opposition nous surveille aujourd’hui.
 
Cette deuxième lecture conduite dans la précipitation n’est pas à l’honneur du Gouvernement. Si l’on s’achemine vers l’adoption d’un texte conforme – cela transparaissait au demeurant en filigrane dans les propos tant du rapporteur que des ministres –, eh bien soit ! Mais nous porterons nos arguments jusqu’au bout. Dans ce temple de la République, si la messe est dite, nous n’en finirons pas aussi rapidement. Un sentiment de malaise règne parmi nos concitoyens. Les opposants se sentent méprisés. L’exaspération est à son comble.
 
Mes chers collègues, mesdames les ministres, je vous prends à témoin. Le Gouvernement porte une lourde responsabilité dans ce climat : le climat des affaires, avec l’affaire Cahuzac, le climat social qui se détériore. En agitant le chiffon rouge, vous jouez un jeu dangereux en divisant l’opinion publique. Je dénonce par avance toute violence, toute atteinte aux personnes et aux biens, y compris le harcèlement des ministres à leur domicile – ce n’est pas acceptable, il faut une distinction claire et nette entre la vie publique et la vie personnelle. Il n’empêche que par l’attitude de ses membres, le Gouvernement, dans son ensemble, excite – je dis bien : excite – la population (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et porte une lourde responsabilité.

Mme Elisabeth Pochon. Un peu de modération !

M. Philippe Gosselin. Je dirai même qu’il y a deux poids, deux mesures. Quand des syndicalistes cassent leur outil de travail, on fait voter une loi d’amnistie par le Sénat.

M. Yves Fromion. Hélas !

M. Philippe Gosselin. Pourquoi des gens manifestant pacifiquement, revêtus du tee-shirt ou du sweater rose de la Manif pour tous, seraient-ils inquiétés au jardin du Luxembourg ?

M. Rémi Delatte. Absolument !

M. Philippe Gosselin. Pourquoi soixante-sept personnes ont-elles été gardées à vue il y a quelques jours ? La nuit dernière, c’est notre collègue Damien Meslot qui a été empêché de regagner l’Assemblée.

M. Alain Bocquet. Ah bon ?

M. Philippe Gosselin. Moi-même, j’ai été, avec Dominique Tian et Jean-Frédéric Poisson, pris à partie par les forces de l’ordre alors que nous allions saluer une démonstration sereine et pacifique d’étudiants qui faisaient un sit-in. Ils n’avaient ni barres de fer, ni canettes, ni clous, ni écrous, ni je ne sais quoi à jeter sur les forces de l’ordre. Trente-cinq d’entre eux ont été conduits au commissariat et relâchés à deux heures du matin. Ne trouvez-vous pas que cela revient à instrumentaliser les choses ?

M. Jean-Pierre Maggi. Ce n’est pas ce que vous faites ?

M. Philippe Gosselin. Ne pensez-vous pas que le Gouvernement porte une responsabilité dans cette radicalisation ?
 
Les hauts gradés à qui nous demandions quelques comptes de ces agissements nous ont fait la réponse suivante : « Nous nous en excusons ; demandez à la Préfecture de Paris, au ministre de l’intérieur. » Telle est la situation de provocation dans laquelle nous nous trouvons.
 
Vous feriez mieux d’écouter ce mouvement qui prend de l’ampleur. Ne restez pas sourds aux grondements du peuple qui montent dans nos campagnes, dans nos villes, dans nos cités, dans nos banlieues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
 
Au plan strictement parlementaire, notre combat peut paraître vain en raison de ce temps guillotine qui muselle l’opposition. Nous continuerons néanmoins à donner de l’espoir à ceux qui sont à nos côtés. Oui, l’opinion publique se retourne, mesdames les ministres. À votre place, je serais attentif à cette situation. Depuis la parution du manifeste de Stéphane Hessel, notre capacité d’indignation à nous aussi a crû et s’est développée.
 
L’article 5 de la Constitution confie au Président de la République un rôle d’arbitre, sans doute pour qu’il veille au fonctionnement régulier de nos institutions. Alors qu’il joue ce rôle : qu’il suspende le projet, qu’il le retire même ! Il se grandirait en le faisant. Monsieur le Président, chiche ! Assurez la paix sociale, concentrez vos efforts sur la seule guerre qui vaille en ce moment : la guerre économique. C’est la bataille de l’emploi qu’il faut gagner et pas une autre !

M. Bernard Lesterlin. C’est pour cela qu’il faut aller vite !

M. Philippe Gosselin. Unissons-nous ! Tout ce qui nous unit nous grandit. En ce moment, j’ai l’impression que le Président cherche à nous rapetisser en nous séparant et en clivant davantage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Ce n’est pas de bonne politique !

M. Philippe Gosselin. Après la forme, j’en viens au fond. Le texte est loin d’être parfait. C’est du bricolage, un grand bricolage dont le Gouvernement fait aveu en ayant recours aux ordonnances. Je crains, mes chers collègues, que la boîte à outils du Président de la République ne suffise pas à rafistoler ce texte bancal.
 
Nous avons rappelé notre opposition à ce texte ; celle-ci s’est même renforcée ces dernières semaines. Je passe rapidement sur notre opposition initiale : l’effet dominos que nous redoutons, l’équation : mariage + adoption = PMA + GPA. Inéluctablement, disent certains, nous y aurons droit. Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, nous lutterons. Il n’y a pas un sens de l’histoire qui serait définitivement inscrit ; je n’ai pas cette vision marxiste des choses.

M. Alain Bocquet. On le savait !

M. Philippe Gosselin. Merci, cher collègue, de reconnaître nos convictions.

M. le président. Ne rassurez pas vos collègues, monsieur Bocquet. (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Oui, nous sommes contre la marchandisation des corps. Oui, nous sommes contre la réification, la chosification, tant des enfants que de l’utérus des femmes.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ça va !

M. Yves Fromion. C’est la vérité !

M. Philippe Gosselin. Oui, nous sommes contre cette révolution anthropologique, cette révolution culturelle. Nous ne voulons pas de ce « changement de civilisation » tel qu’il a été proposé par la garde des sceaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
 
Au-delà de ces arguments, je rappelle avec force qu’il faut mettre en perspective les éléments du débat. Il ne s’agit pas d’un élément isolé, d’une petite pièce d’un puzzle. C’est la réforme du droit de la famille qui se profile. C’est la recherche sur l’embryon. C’est l’euthanasie. C’est le gender. C’est l’ensemble de l’attaque contre les familles que nous devons dénoncer. Au final, c’est une vaste offensive ultralibérale pour ne pas dire libertaire, sans doute la plus importante depuis 1968, que je tiens à dénoncer aujourd’hui.

M. Alain Tourret. C’était un bon moment, mai 1968 !

M. Yves Fromion. La France vous en remercie encore !

M. Philippe Gosselin. Un bon moment pour notre collègue Tourret, je n’en doute pas, mais les bons moments peuvent avoir une fin.
 
Après avoir rappelé notre opposition initiale, j’en viens aux nouveautés introduites par le Sénat. Le texte est bancal et n’est pas une simple application du projet politique que nous récusons. Déjà, en première lecture, nous avions patiemment démontré les incohérences du texte, avec l’article 4 et la suppression dans 160 occurrences des termes « père et mère » remplacés par le mot « parent ».
 
Le rapporteur avait tenté de bricoler un amendement visant à affubler le texte d’un article-balai, pratique quasiment sans précédent, du moins pour tel sujet de société.
 
Mais le Sénat a eu si peu confiance dans cet article-balai qu’il a décidé de le réécrire. Le recours aux ordonnances par le Gouvernement sonne comme la confirmation et l’aveu de la faiblesse du meccano dans son ensemble.
 
Encore un petit peu de temps nous dit-on, d’une certaine façon, dessaisissons le Parlement et demandons une loi d’habilitation très large, trop large, pour modifier – excusez du peu – quatorze codes en plus de code civil.

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Philippe Gosselin. Nous sommes bien loin d’articles techniques. C’est l’ensemble du droit qui va se trouver détricoté. Mais rien d’anormal puisqu’il s’agit d’une réforme de civilisation !
 
Le recours aux ordonnances, conformément à l’article 38 de la Constitution, ne grandit pas le Gouvernement. Bien sûr, cette technique héritée des décrets-lois de la IIIe République rappelle de funestes souvenirs.
 
Qu’ajouter à la démonstration de mon collègue Hervé Mariton sur cet article 16 bis ? Oui, pour pouvoir être protégé, un salarié devra faire son coming-out. Ceux qui ne l’auront pas fait se trouveront discriminés. C’est ça le texte d’égalité que l’on nous promet ?
 
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous demandons avec force le retrait de ce texte bancal, bricolé et inachevé. Nous ne pouvons pas le voter en l’état.
 
Je terminerai par une citation, citation d’un homme sans doute important, qui déclarait en 2006 : « Quand il y a des milliers et des milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes, qui sont aussi mobilisés, à quoi sert d’attendre la prochaine manifestation », « il suffirait d’un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l’abrogation » – je dirai : le « retrait » – « c’est un gros mot pour la droite » – je dirai : « pour la gauche ». Et il terminait, plein de bon sens : « Quand on a fait une erreur, il faut savoir l’effacer ». Cet homme, c’est François Hollande. Il s’exprimait à propos du contrat premier embauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Gosselin, je tiens à rappeler, par égard pour la vérité historique, que cette guillotine doit son existence aux Guillotin du groupe UMP qui, lors de la dernière révision constitutionnelle, ont mis au point le temps législatif programmé.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, puisque vous m’interpellez, permettez-moi de préciser que ce que nous contestons n’est pas tant la technique en elle-même – je ne nie pas que le temps programmé a été mis au point sous la législature précédente – que le recours qui y est fait aujourd’hui. Autrement dit, n’incriminons pas la technique, incriminons plutôt la volonté du Gouvernement de faire taire le Parlement et de guillotiner les droits de l’opposition.

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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