Le Mariage Pour Tous
le site de référence pour tout comprendre des enjeux sur le #mariagepourtous

Discussion du texte de loi

  • 3e séance du samedi 2 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 53 portant article additionnel après l’article 1er.

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 53.

    M. Julien Aubert. Nous avons abordé à plusieurs reprises la question de la clause de conscience. Je constate avec regret que Mme la ministre et M. le rapporteur n’ont jamais apporté de réponses juridiques aux arguments que j’ai développés.

    Je les rappelle brièvement. Il n’y a pas de contrainte juridique imposée par l’Europe, que ce soit par la convention européenne des droits de l’homme ou la jurisprudence. Le refus de célébrer un mariage de personnes de même sexe n’est pas considéré comme une discrimination ou une atteinte à la convention européenne des droits de l’homme.

    Vous avez décidé, et c’est votre droit, d’étendre la définition du mariage, mais c’est au prix d’une atteinte aux garanties constitutionnelles qui sont attachées à la liberté de conscience. Ces garanties sont inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais aussi dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ma question est la suivante : quel argument juridique justifie cette restriction de la liberté individuelle ?

    Une autre question, pourtant simple, vous a été posée plusieurs fois au sujet des propos tenus par le Président de la République au congrès des maires : pourquoi refusez-vous d’introduire cette clause accordant la liberté de conscience ? Faut-il considérer que l’ensemble des maires de France ont été victimes d’une hallucination collective lorsque le Président de la République les a assurés qu’ils auraient la liberté de conscience ? S’est-il passé la même chose qu’à Fatima, ont-ils vu des choses dans le ciel ? (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Y a t-il une divergence entre la majorité présidentielle et la majorité législative ? Si vous êtes en désaccord avec le Président de la République, dites-le nous ! Expliquez-nous ! C’est votre dernière possibilité de le faire.

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Même avis que pour la discussion précédente, donc rejet par la commission.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis identique, pour les mêmes raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. C’est la dernière occasion de vous exprimer !

    M. Julien Aubert. Je suis heureux de savoir que c’est le même avis… mais quel avis ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Défavorable !

    M. Julien Aubert. Est-il possible de se faire entendre ?

    M. le président. Mes chers collègues, pourquoi chaque début de séance devrait-il être agité ?

    M. Julien Aubert. N’essayez pas de me museler. Ce n’est pas ainsi que vous ferez avancer le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pouvez pas reprocher à M. Guaino ou M. Wauquiez, lorsqu’ils défendent une motion référendaire, de ne pas avoir d’arguments juridiques et ne répondre à aucun moment à ceux que je vous présente. Ce n’est pas beaucoup vous demander. Vos services, madame la ministre, doivent vous avoir donné une fiche qui fournit les explications nécessaires.

    Pour ce qui est du congrès des maires, ce n’est pas trop vous demander que d’expliquer pourquoi le Président de la République dit blanc et vous noir.

    M. Henri Jibrayel. Ça suffit !

    M. Julien Aubert. Vous pouvez vous contenter de dire « même avis ». Il me semble que ce n’est pas vraiment une manière de débattre.

    Mme Marie-George Buffet. La ministre vous a répondu sur le fond !

    M. Julien Aubert. J’essaie de vous respecter, de vous apporter la contradiction. Si vous répondez « circulez, y a rien à voir » je ne sais pas à quoi sert ce débat.

    (L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

    M. le président. À la demande de la commission, l’amendement n° 5039 et le sous-amendement n° 5369 sont réservés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Pour quelle raison ?

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’y a pas à le justifier.

    M. le président. J’ai l’impression qu’il y a eu des discussions entre des représentants des deux groupes, afin peut-être de parvenir à un travail plus abouti.

    La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Si, enfin, sur un sujet, l’opposition arrive à se faire entendre et si, enfin, un travail constructif peut être fait, nous en sommes ravis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Plutôt que de vociférer, prenez le micro, exprimez-vous ! La parole est libre dans cet hémicycle. Intervenez si vous avez quelque chose à dire.

    Je voulais rappeler que la tradition veut qu’on justifie la réserve lorsqu’on la demande.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai.

    M. le président. Mes chers collègues, monsieur Jacob, si j’avais été plus strict, j’aurais pu dire : « dans le cadre de l’article 95, alinéa 5, la réserve est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le président décide. »

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. J’espère ne commettre aucune maladresse, mais il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté sur le fond. J’entends que certains essaient d’améliorer cet article mais sur le fond, il demeure très loin d’être compatible avec notre vision des choses. Les améliorations techniques que certains pourraient avoir en tête, pour des raisons locales que je peux comprendre, n’engagent pas nécessairement le groupe. Nous ne sommes pas favorables au mariage des personnes de même sexe en France, nous n’y sommes pas non plus favorables pour les Français de l’étranger.

    M. le président. Soit. Mais la commission a demandé la réserve et nous la lui accordons.

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2701.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne les liens entre le mariage civil et le mariage religieux. De tels liens ne devraient par définition pas exister dans une République laïque. Pourtant, ils existent. Pour quelle raison ?

    Avant la révolution, le mariage civil n’existait pas et le mariage religieux faisait office d’état civil.

    M. Bernard Roman. Ah ! la nostalgie…

    M. Marc Le Fur. Avec la révolution, ceci a évidemment disparu.

    M. Serge Bardy. Il regrette !

    M. Marc Le Fur. D’un point de vue juridique, seul existe dorénavant le mariage civil. Une disposition concordataire – nous sommes en 1802, c’est le Concordat – posait comme condition au mariage religieux la célébration préalable d’un mariage civil. Curieusement, en 1905, la situation concordataire disparaît mais le lien entre les deux mariages subsiste : le mariage religieux continue à devoir être précédé d’un mariage civil. C’est tout à fait curieux dans une république laïque, laquelle repose sur « l’ignorance » entre les deux mondes. Ce lien est d’autant moins compréhensible aujourd’hui que les notions mêmes de mariage religieux et de mariage civil se sont éloignées, et vont l’être encore un peu plus dès lors que le mariage civil permettra le mariage homosexuel.

    La solution que je propose – je suis convaincu que les plus laïques d’entre vous y adhéreront ; moi j’y adhère peut-être pour d’autres raisons, mais peu importe – entraîne une distinction totale : l’affaire religieuse devient totalement privée et n’a pas à être nécessairement précédée d’un mariage civil. Cela suppose la disparition de la disposition pénale qui interdit aux ministres du culte de procéder à un mariage religieux s’il n’y a pas préalablement de mariage civil. Vous comprenez que, dans un monde laïque, cette disposition n’a aucun sens, aucun intérêt. C’est une survivance que je me propose de faire disparaître.

    M. Bernard Roman. Nous sommes déjà dans un monde laïque.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement identique n° 4953.

    M. Julien Aubert. La garde meurt mais ne se rend pas !

    Cet amendement est très important. Mme la ministre a souvent cité des pays dans lesquels a été instauré le mariage civil pour les couples de même sexe. Je suis convaincu que si, en Espagne par exemple, cela n’a pas posé problème, c’est parce que le mariage religieux et le mariage civil y sont deux choses totalement séparées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre pays, le débat sur le mariage est passionné car des liens subsistent entre eux, malgré la loi de séparation des églises et de l’État. Distinguer le mariage civil, qui peut concerner des couples de même sexe, et le sacrement religieux serait de nature à apaiser le débat. (Interruptions persistantes sur les mêmes bancs.) Cet amendement permet aux gens qui veulent conserver une image sacrée du mariage de séparer les deux. Il permet de clarifier les choses ainsi que l’a démontré M. Le Fur.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission n’a pas donné un avis favorable à ces deux amendements pour plusieurs raisons. La première, vous l’avez dit, tient à ce que cette infraction est tombée en désuétude, non parce que le problème ne se pose plus mais parce que les éléments constitutifs sont difficiles à réunir. Je les rappelle : la célébration du mariage religieux, la circonstance d’habitude car aucune poursuite n’est possible pour un acte isolé, l’absence de mariage civil préalable évidemment et enfin l’intention délictueuse. Ce délit de célébration d’un mariage religieux sans mariage civil existe dans notre droit, dans le code pénal, depuis 1810. Une tentative d’abrogation a eu lieu à l’occasion d’une proposition de loi de M. Madelin en 1981, mais il a été jugé alors préférable de maintenir cette incrimination qui garantit l’ordre public et assure au mariage civil la plénitude de sa valeur en tant qu’institution du droit de la famille.

    Deuxième raison, importante : le mariage religieux ne crée pas de droits alors que le mariage civil en crée. Il ne faudrait pas envoyer un message à la population qui brouillerait la différence de valeur entre les deux. Ce serait source de confusion, en laissant croire à nos concitoyens que la célébration religieuse pourrait suffire à créer des liens de droit dans le mariage.

    Dernier argument, le sujet n’est pas dans le champ de notre texte.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs de cet amendement, les dispositions du code pénal qui sanctionnent les célébrations de mariage religieux sans vérification de l’existence du mariage civil ne s’opposent pas à la liberté de pensée, de conscience ou de religion. Mais nous sommes en république, nous statuons selon le code civil. Il serait dommageable de laisser croire à des couples, probablement aux plus vulnérables, à ceux qui sont plus exposés que d’autres, qu’un mariage religieux pourrait suffire. C’est bien le mariage civil qui emporte des règles d’ordre public et entraîne des conséquences à caractère social, fiscal et autre.

    Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à la suppression de cette disposition pénale – particulièrement en ce moment : il ne s’agit pas de créer des espèces de voies de dérivation avec le mariage religieux ou la liberté de conscience. C’est bien du mariage civil que nous traitons aujourd’hui, c’est bien le mariage civil qui est institué par la République, c’est bien lui qui crée des droits. Faire, en plus, célébrer un mariage religieux ressort de la liberté de chaque couple.

    Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

    M. le président. Vous êtes trop nombreux à vouloir vous exprimer. Je donne donc la parole à M. Aubert, mais je ne la donnerai pas, ensuite, à trois autres orateurs sur un amendement comme celui-ci ; ce n’est pas possible.

    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert. Le premier argument avancé par le rapporteur, si j’ai bien compris, est que, dans les faits, cet article du code pénal ne s’applique pas. Mais alors, s’il n’est pas appliqué, pourquoi ne pas l’abroger ?

    M. Bernard Roman. Il n’a pas dit ça !

    M. Julien Aubert. Le deuxième argument me paraît assez spécieux : les gens risqueraient d’être troublés. Mettons de côté le fait que je préfère croire à l’intelligence de nos concitoyens. Je vous rappelle madame la garde des sceaux, puisque vous avez cité le code civil, que son article 1er dispose que « nul n’est censé ignorer la loi » ! On ne peut donc pas partir du principe que les gens ignorent la loi pour justifier le maintien de dispositions qui n’ont plus lieu d’être au motif qu’il risquerait d’y avoir une confusion. L’argument ne tient pas, et me paraît relativement spécieux.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. J’ai beaucoup de mal à comprendre le sens de cet amendement, qui me semble aller totalement à l’encontre de l’éthique laïque de notre République.

    Mme Anne-Yvonne Le Dain. Très bien !

    M. Bernard Roman. S’il y a une prééminence à affirmer par la loi républicaine, c’est bien celle du code civil et du mariage civil. Si l’on peut marier les gens n’importe comment dans un cadre religieux – et quelle que soit la religion, comment protégez-vous les personnes qui le sont dans le code civil, eu égard à leur âge ou à leur consentement par exemple ? Comment empêchez-vous que l’on marie des gamines de seize ans ? Comment empêchez-vous des mariages forcés, dont on fera croire qu’ils correspondent aux mariages de la République ? Non, vraiment, ça n’est pas sérieux. Vive la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Se sont exprimés un orateur en faveur de l’amendement et un orateur qui s’y oppose. Nous en restons là.

    (Les amendements identiques nos 2701 et 4953 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4365.

    M. Alain Tourret. J’espère que cet amendement va permettre de trouver une solution. À mon avis, la célébration d’un mariage religieux sans mariage civil préalable est non seulement l’objet d’un interdit mais, en outre, elle doit être passible d’une sanction.

    Rappelons cependant les sanctions prévues. Les articles 199 et 200 de l’ancien code pénal prévoyaient, à titre de première sanction, une amende de 3 000 ou 6 000 francs, en cas de récidive, cinq ans d’emprisonnement et, en cas de nouvelle infraction, les galères. Bien évidemment, tout cela ne veut plus rien dire. C’est pourquoi l’article 433-21 du code pénal prévoit dorénavant, à titre de première sanction, à la fois une peine d’amende de 7 500 euros et une peine d’emprisonnement de six mois.

    Est-il bien nécessaire de prévoir, pour sanctionner une première infraction, une peine d’emprisonnement ? Je maintiens le principe d’une sanction, je maintiens l’interdit, mais je pense qu’il est inutile, pour la première infraction, d’envoyer un curé en prison – et c’est un laïc qui vous parle, cela ne souffre aucune contestation. Cette peine d’emprisonnement me paraît d’autant plus inutile que l’article 433-22 prévoit des peines complémentaires extrêmement sévères : l’interdiction des droits civiques et civils et l’interdiction d’exercer un ministère.

    C’est pourquoi une peine d’amende en cas de première infraction, puis, en cas de récidive, l’amende et la prison, me paraît très largement suffisant.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Alain Tourret. Je suis moi-même très peu sensible aux peines de prison : je pense que c’est la menace de la sanction qui compte avant tout. Cet amendement me paraît donc susceptible d’être retenu. Je pense que notre excellent rapporteur, dont j’ai écouté les arguments, a intérêt à suivre mon argumentation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. Intérêt !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement, monsieur Tourret, est plus raisonnable que celui de M. Aubert, dans la mesure où il ne supprime pas complètement le caractère d’infraction des faits en cause : il en réduit les conséquences.

    Vous avez parlé de première infraction. Soyons clairs : pour constituer une infraction, il faut plusieurs actes. C’est une infraction d’habitude. L’infraction n’est donc pas constituée au premier acte et la sanction intervient à la première infraction, pas au premier acte.

    M. Alain Tourret. Effectivement.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous sommes d’accord. Vous proposez donc que la peine d’emprisonnement ne soit plus encourue qu’en cas de récidive. Dans la mesure où cette peine, pour les raisons que j’ai données tout à l’heure, n’est quasiment jamais prononcée, il n’y a pas d’objection à sa suppression. La commission a donc émis un avis favorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, par rapport à l’amendement précédent et aux dispositions en vigueur, cet amendement représente une position médiane. À titre personnel, je ne crois pas opportun d’alléger les sanctions pénales prévues. Cela étant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je pense que le premier mouvement de la garde des sceaux était le meilleur… Cet amendement et ces discussions sont très révélateurs du trouble dans lequel nous jette la perspective du mariage de personnes de même sexe.

    L’une des conséquences est la démolition de l’équilibre qui s’est fait dans la laïcité à la française – la démolition de l’articulation entre le mariage civil et, lorsqu’il existe, le mariage religieux. Le mariage civil revêt, en France, une dimension extrêmement forte, contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays en Europe et dans le monde. Il a acquis une forme de solennité, il a été en quelque sorte sacralisé. Vous allez casser la sacralisation du mariage civil. Vous ouvrez un débat entre religieux et laïcards, on n’est pas sortis de cette affaire-là ! C’est extrêmement grave, et c’est une conséquence concrète du projet pour l’ensemble des couples, de même sexe ou de sexes différents.

    Je formule, au passage, une remarque technique. Comment allez-vous gérer la revendication par un couple de personnes de même sexe d’un mariage religieux, alors même que vous n’envisagez pas de dispositions protectrices des religions telles que celles que le gouvernement britannique envisage pour l’Angleterre ? Vous ouvrez des risques de contentieux sur ce terrain. Vous dites qu’il n’y en a pas eu mais, au titre de la non discrimination, il y aura des contentieux judiciaires ! C’est pour cette raison que le gouvernement du Royaume-Uni par exemple, alors qu’il n’envisage le mariage que pour la seule Angleterre, prend bien des précautions législatives pour protéger ce qui est, au Royaume-Uni, le mariage principal : celui de l’église anglicane. Il prend des précautions pour que les couples de personnes de même sexe ne puissent, en aucune manière, demander un mariage anglican.

    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. C’est, monsieur le président, pour contester le terme très péjoratif de « laïcard »…

    M. Patrick Hetzel. Il est dans le dictionnaire !

    M. Serge Janquin. …et demander à celui qui l’a prononcé de le retirer.

    M. Hervé Mariton. Il n’en est pas question !

    M. le président. Soit, mais faisons attention, les uns et les autres, aux expressions que nous employons…

    (L’amendement n° 4365 n’est pas adopté.)

    Avant l’article 1er bis

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n° 5256, relatif à l’intitulé du chapitre Ier bis.

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de cohérence, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. L’amendement du rapporteur nous permet de parler de l’adoption et de la filiation, puisque c’est l’objet de l’article suivant du projet de loi, et de répondre à M. Roman qui nous disait tout à l’heure que ce que nous refusions c’était d’abord le mariage. Oui, monsieur Roman, nous refusons le mariage des couples de même sexe, et nous refusons encore plus le fait que les couples de même sexe puissent avoir, par le biais de l’adoption mais aussi, bien sûr, par celui de la PMA et par celui de la GPA, des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Meunier. Très bien !

    M. Gérald Darmanin. La lecture assidue du journal Le Monde m’a permis de découvrir un excellent texte, que je vous recommande, de Mme Jospin – Mme Agacinski – intitulé « Deux mères = un père ? ». Je me permets de vous en lire un petit passage, vers la fin : « La crainte qu’on peut ici exprimer, c’est précisément que deux parents de même sexe ne symbolisent, à leurs yeux comme à ceux de leurs enfants adoptifs, et plus encore… » – ce n’est pas le fantasme de l’UMP, hein ! – « …de ceux qui seraient procréés à l’aide de matériaux biologiques, une dénégation de la limite que chacun des deux sexes est pour l’autre, limite que l’amour ne peut effacer ». M. Bergé a dû s’étouffer à la lecture de la prose, dans les propres colonnes du Monde, de la femme de l’ancien Premier ministre.

    Nous refuserons donc même l’amendement de cohérence du rapporteur, puisque nous sommes contre l’adoption, contre la PMA, contre la GPA pour les couples de même sexe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de cohérence.

    (L’amendement n° 5256 est adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n°4374, qui tend à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

    Mme Sophie Dion. Nous défendons ici quelque chose qui est évidemment central dans toutes nos discussions : l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans toutes ces discussions, nous avons senti la menace que l’enfant puisse devenir objet de droit alors qu’en réalité, il est sujet de droit. C’est une personne humaine, il est protégé par le principe de dignité de la personne humaine.

    Cet amendement vise à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que de droit fondamental, que l’on pourra décliner dans toutes ses composantes. La première d’entre elles, en particulier, c’est que, a priori, l’enfant doit pouvoir être élevé par ses père et mère.

    M. Luc Belot. Oui, c’est vrai, par ses pères !

    Mme Sophie Dion. La deuxième composante, c’est quelque chose dont nous avons peu parlé, du moins sur quoi nous avons eu peu de réponses, même si nous avons posé beaucoup de questions : c’est la question de la connaissance des origines. C’est très important. Cela ressort des droits de la personne, de la dignité de la personne humaine.

    L’enfant qui naîtra aura donc le droit, à l’âge de trente ans, de savoir d’où il vient, non seulement parce qu’il aura besoin de se construire, en tant qu’individu responsable, mais aussi surtout, parfois, en raison de problèmes génétiques. Voilà qui touche au cœur de l’ensemble de nos discussions. Nous regrettons de ne pas avoir eu les réponses, madame la garde des sceaux, aux questions que nous avons posées, et nous soutenons, je le répète, ce principe : l’enfant est bien sujet de droit, avec toutes les implications que cela implique.

    M. Bernard Accoyer. Très bien !

    M. Jacques Myard. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 7.

    M. Julien Aubert. Effectivement, nous touchons là au cœur du problème juridique. La Déclaration des droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1959, proclame entre autres deux principes, dont l’un est retranscrit par l’amendement qui vous est soumis. Selon le principe n° 2 de cette déclaration, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante » de la construction de la famille. Selon le principe n° 6, « l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère ». En d’autres termes, si l’on permet qu’un enfant ait deux pères, on contrevient au principe n° 6 de la Déclaration des droits de l’enfant de novembre 1959.

    Toujours au plan juridique – puisque vous nous avez reproché de ne pas faire de droit – j’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Fretté contre France, relatif au rejet d’une demande d’agrément préalable à l’adoption d’un enfant par une personne homosexuelle, a estimé que les autorités nationales ont légitimement et raisonnablement pu considérer que le droit d’adopter trouve sa limite dans l’intérêt de l’enfant, nonobstant les aspirations légitimes du requérant, sans que soient remis en cause ses choix et sans violation des articles 14 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, c’est-à-dire ceux relatifs à la discrimination.

    Ces éléments juridiques complètent les arguments qui vous sont fournis. La Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, et notamment son article 3, nous conduisent à poser la question suivante : ce projet de loi ne viole-t-il pas le droit international ? Vous savez que la Constitution assure la supériorité du droit international sur la loi. Par conséquent, tout citoyen pourra attaquer cette loi au motif qu’elle ne respecte pas le droit international. La seule possibilité pour y échapper serait de modifier la Constitution – mais pour cela, madame la garde des sceaux, il faudrait peut-être un référendum.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien ! Bravo !

    M. le président. Sur les amendements n° 4374 et 7, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Bernard Roman. Cela ne fera que rendre plus évident le rapport de force !

    M. le président. Sur ces amendements, quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements, pour deux raisons principales. La première, c’est qu’ils n’apportent rien de nouveau au droit français. Vous avez cité, monsieur Aubert, la Convention internationale des droits de l’enfant, qui est supérieure à la loi et s’applique pleinement. Notre droit de la famille, tel qu’il est prévu par le code civil, est déjà entièrement guidé par la notion d’intérêt de l’enfant. Cette notion est très présente dans le code civil : les termes « intérêt de l’enfant » y figurent à trente et une reprises, et si vous adoptez un amendement que je soutiendrai plus tard dans la discussion, il y figurera une trente-deuxième fois.

    La deuxième raison – la plus importante à mes yeux – est que nous ne partageons pas la même vision de l’intérêt de l’enfant. Vous en conservez une vision très formelle, fermée, normative : pour vous, il relève de l’intérêt de l’enfant d’être accueilli par une famille au schéma traditionnel. De ce fait, vous n’incluez pas dans l’intérêt de l’enfant toutes les autres formes de famille, monoparentales, homoparentales, recomposées. Cette vision normative de la famille, qui induit votre conception de l’intérêt de l’enfant, me semble trop restrictive. C’est pour cette raison que la commission a donné un avis défavorable sur ces amendements.

    M. Frédéric Reiss. C’est complètement tiré par les cheveux !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est bien évidemment très attentif à l’intérêt des enfants. Simplement, ces amendements n’apportent rien à la protection des enfants. Le code civil est déjà protecteur à l’égard des enfants. Qu’il s’agisse du titre IX du livre premier, qui porte sur l’autorité parentale, ou du titre X du même livre, qui porte sur la minorité et l’émancipation, le code civil contient de nombreuses dispositions veillant à l’intérêt de l’enfant. Les procédures d’adoptions, notamment, sont soumises à l’intérêt de l’enfant. Les procédures administratives en la matière sont ainsi couvertes par une procédure judiciaire.

    Par conséquent, le Gouvernement se serait montré favorable à ces amendements s’ils avaient contenu des dispositions protectrices supplémentaires pour les enfants. Ce n’est absolument pas le cas. Ces amendements, en réalité, plaident en faveur du droit des enfants à un père et une mère.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, autant que possible, les enfants doivent avoir un père et une mère, mais ce n’est pas une garantie de bonheur, ni de réussite dans la vie, ni de bonne éducation. Il y a des familles monoparentales dans ce pays, dont les enfants réussissent parfaitement.

    M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a aussi des familles nucléaires très classiques, économiquement et socialement très installées, dont les enfants connaissent des problèmes qui nous désolent tout autant que s’ils avaient appartenu à d’autres milieux sociaux.

    Par conséquent, ces amendements n’apportent aucune protection supplémentaire aux enfants. Ils ne contiennent qu’une profession de foi, selon laquelle les enfants ont besoin de – et droit à – un père et une mère. C’est le slogan de la campagne menée depuis plusieurs mois contre le projet du Gouvernement. Vous avez le droit de le défendre jusqu’au bout, mais ce n’est pas un élément de droit qui permettrait de protéger davantage les enfants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

    Mme Sophie Dion. Pardonnez-moi d’insister sur cette question. J’entends bien Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur nous expliquer que plusieurs dispositions du code civil visent l’intérêt de l’enfant. Certes, mais là n’est pas la question. Mme la garde des sceaux parle très fréquemment de la hiérarchie des normes : je serais très contente de l’entendre dire qu’une chose est de trouver dans certains textes spécifiques une référence à l’intérêt de l’enfant, et une autre chose de l’ériger au rang de droit fondamental. Nous ne parlons pas du même sujet.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    M. Philippe Gosselin. Mme Dion a raison, ce n’est pas la même chose.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert. Je suis désolé d’insister, madame le garde des sceaux : il ne s’agit pas d’une question idéologique, mais juridique ! Nous avons signé en 1989 une convention, ainsi que différents autres instruments juridiques internationaux, qui reconnaissent le droit de l’enfant à avoir une mère, et définissent la famille comme réunissant un père et une mère, indépendamment du sujet de savoir s’il est bon ou mauvais qu’il y ait des familles monoparentales. À partir du moment où vous modifiez le code civil, il n’y a plus de corrélation juridique entre le droit français et les instruments internationaux qui ont, dans la hiérarchie des normes, une valeur supérieure à la loi. Vous ouvrez donc une brèche très importante dans la sécurité juridique.

    M. Bernard Roman. On transpose !

    M. Julien Aubert. Si, demain, vous accordez le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, et qu’au bout de quelques années un jugement international estime non conforme au droit international la loi que nous allons voter, nous nous retrouverons dans une situation de grande insécurité juridique.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison ! C’est évident !

    M. Julien Aubert. Je vous demande simplement, madame le ministre, des éléments juridiques que vos services vous ont sans doute déjà fournis, car je suis bien certain que vous ne vous risquez pas sur un tel sujet sans avoir analysé tous les textes portant sur la protection de l’enfance.

    M. Patrick Hetzel. Encore que… Pas sûr !

    M. Julien Aubert. Le problème réside donc dans l’inadéquation prévisible du code civil avec le droit international. Comment résoudrez-vous ce problème de non-compatibilité et de hiérarchie des normes ?

    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

    Mme Elisabeth Pochon. On en revient toujours à la même histoire, celle de la gauche irresponsable qui n’a pas réfléchi à tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui ! C’est bien cela !

    M. Philippe Gosselin. C’est déjà bien de le reconnaître !

    Mme Elisabeth Pochon. Pour ce qui concerne les droits fondamentaux et la protection de l’enfant, ces amendements n’apportent pas grand-chose. Mais ils dissimulent un point relatif au droit des enfants à connaître leurs origines. Vous serez tous d’accord avec moi pour dire que l’on ne peut se décider ainsi, au détour d’un amendement, sur un tel sujet. Ce débat mérite d’être posé dans un autre cadre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et voilà ! Un débat national !

    Mme Elisabeth Pochon. Je vous invite à réfléchir à ce que vous pouvez faire… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez parler l’oratrice !

    Mme Elisabeth Pochon. Vous nous accusez d’envisager la PMA et la GPA, alors que ce projet de loi n’en parle pas. En revanche, ce que vous proposez reviendrait à modifier des choses fondamentales. Cela mérite largement une discussion.

    M. Philippe Cochet. Enfin ils avouent !

    M. Philippe Gosselin. S’il y avait eu des états généraux, on n’en serait pas là !

    Mme Elisabeth Pochon. Bref, ces amendements n’apportent pas grand-chose hormis, comme toujours, la consécration du lien biologique et la remise en cause des adoptants célibataires et des liens qui peuvent être créés entre un enfant et les personnes qui l’élèvent. Il ne suffit pas, pour protéger ces liens, de dire qu’un enfant ne peut être élevé que par un père et une mère.

    M. Philippe Gosselin. C’est pourtant ce qui ressort de la convention de New York sur les droits de l’enfant.

    Mme Elisabeth Pochon. Là encore, vous déniez aux familles homosexuelles le droit de pouvoir élever et éduquer un enfant.

    M. Philippe Cochet. Nous l’assumons !

    Mme Elisabeth Pochon. Il n’y a rien d’autre que cela derrière vos propositions.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4374.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 284

    Nombre de suffrages exprimés 284

    Majorité absolue 143

    Pour l’adoption 79

    contre 205

    (L’amendement n° 4374 n’est pas adopté.)

    M. Thomas Thévenoud. Un rapport de un à trois !

    M. Nicolas Bays. Elles sont où, vos troupes ? Parties avec François Fillon ?

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 7.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 283

    Nombre de suffrages exprimés 283

    Majorité absolue 142

    Pour l’adoption 81

    contre 202

    (L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce rappel au règlement est basé sur l’article 58 de notre règlement, monsieur le président. Il vise à apporter plus de clarté à nos débats. J’ai écouté très attentivement l’intervention de Mme Pochon il y a quelques instants. J’invite nos collègues de la majorité, lorsqu’ils prennent position sur les amendements que nos présentons, qu’ils lisent au nom du groupe socialiste la position que leur communique M. Roman, soigneusement dactylographiée… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    C’est la réalité, mes chers collègues ! On l’a vu tout au long de cet après-midi ! Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année, moi moins que les autres ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe UMP encouragent l’orateur.)

    Je souhaite vous interroger à propos de deux choses que vous avez dites – je l’ai déjà fait à deux reprises, et vous ne m’avez pas répondu. Vous avez dit que cet amendement dissimulait quelque chose, je vous ai demandé quoi, sans que vous me répondiez. Vous avez dit que nous souhaitons modifier des choses fondamentales, je vous ai demandé lesquelles, sans que vous me répondiez. Je souhaite donc, afin que nous soyons éclairés sur le sens de nos propres amendements, qu’à l’avenir la majorité s’exprime plus précisément sur nos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je suis sûr que la majorité a entendu vos propos. En revanche, je ne peux pas vous dire ce qu’elle en pense !

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements en discussion commune.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1983.

    M. Hervé Mariton. Le préambule de la Constitution de 1946 consacre la place de la mère. La Convention des droits de l’enfant, en son article 21, souligne le rapport de l’enfant à ses père et mère. Il nous paraît important d’en tirer pleine conséquence en soulignant l’intérêt supérieur de l’enfant de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né.

    Je précise « prioritairement », ceci a été évoqué tout à l’heure, pour ne pas entrer sur le terrain du droit à l’origine, et en particulier ne pas interdire l’accouchement sous X, qui est me semble-t-il un droit très important. Mais « prioritairement » aussi parce que toutes les études, toutes les évaluations, font bien apparaître que vivre auprès du père et de la mère confère les meilleures chances de développement. Il est important à l’occasion de ce texte de le rappeler. Le préambule de la Constitution de 1946, et cela fera partie de notre recours devant le Conseil constitutionnel, insiste explicitement sur le rôle de la mère.

    M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2977.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Même s’il n’est pas formulé de la même façon, cet amendement est très proche de celui de M. Mariton, qui vient d’en exposer les objectifs avec précision. Notre sujet de ce soir, depuis l’ouverture de cette séance, est l’intérêt de l’enfant. Il s’agit de réaffirmer qu’il est préférable, dans toute la mesure du possible, que les enfants vivent prioritairement auprès des parents dont ils sont nés, comme le précisait M. Mariton.

    Vous avez mon amendement sous les yeux, je n’entrerai donc pas dans le détail.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3056.

    M. Patrick Hetzel. Par cet amendement, je défends évidemment l’intérêt supérieur de l’enfant. L’enfant doit pouvoir « s’originer » dans la différence des sexes. Si nous ne maintenons pas la vérité sur la naissance des enfants, à savoir l’inscription filiative dans un couple composé d’un homme et d’une femme, des enfants se retrouveront dans des impasses filiatives, privés du sens de leur histoire, confrontés à de l’indicible. Aller dire à un enfant qu’il n’est pas grave de ne pas connaître sa véritable origine est, d’ailleurs, très clairement en contradiction avec ce que nous disent toutes les personnes nées sous X, qui manifestent, à cet égard, une véritable souffrance.

    Cet amendement n’est rien d’autre qu’une protection élémentaire due à l’enfant, sujet de droit. C’est la raison pour laquelle je pense que vous l’accepterez.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3554.

    M. Xavier Breton. Ce que nous souhaitons, par cet amendement, c’est échanger avec vous sur votre conception de la filiation. Vous confondez parentalité et parenté. La parentalité, c’est la fonction d’être parent. On ne préjugera alors pas de la capacité d’une personne d’élever un enfant. Il en va différemment de la parenté. Notre conception de la filiation ne se résume pas simplement à l’aspect éducatif et affectif. Il y a également un pilier biologique ou corporel. Il est certain que le pilier éducatif et affectif est, sans aucun doute, le plus important. Mais nous savons que ce pilier biologique ou corporel, quand il manque, crée une souffrance, pour les parents qui ne peuvent pas avoir physiquement d’enfant et pour les enfants qui ne connaissent pas leurs parents biologiques et qui les recherchent. Ce qui est souhaitable pour notre société, pour chaque enfant, c’est d’avoir ces deux piliers : le pilier biologique ou corporel et le pilier affectif et éducatif.

    Il y a, bien sûr, des accidents de la vie : dans ces cas-là, il s’agit de réparer la situation. Mais, en inscrivant la filiation dans ce texte via l’adoption, en attendant l’assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui…

    M. Bernard Roman. Et le clonage !

    M. Xavier Breton. …vous créez volontairement une situation où il manque un pilier.

    Quelle est votre conception de la parenté ? Ce pilier biologique ou corporel a une réalité. Quelle importance lui donnez-vous ? Notre échange doit aller au-delà des réponses insuffisantes que nous avons eues en commission des lois.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4258.

    M. Marc Le Fur. Il s’agit du même amendement. La filiation n’est pas une abstraction, mais, d’abord, une réalité de la nature. C’est ce que nous tenons à rappeler. Nous voulons également redire on ne peut plus clairement qu’il existe de grandes conventions internationales et, en particulier, la Convention sur les droits de l’enfant que notre pays s’est engagé à respecter. Cela devrait rassembler sans ambiguïté 100 % des membres de cette assemblée. Je serais, pour ma part, surpris que notre rapporteur, que le Gouvernement et que d’autres trouvent quelque argutie pour refuser ce qui est une évidence et qui est la démonstration que nous sommes très attachés aux droits « de » l’enfant ! (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Allons-y pour les « arguties ».

    Monsieur Le Fur, la nature n’est pas toujours dans l’intérêt de l’enfant. Je rappelle le texte de vos amendements, qui sont très courts : « L’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né » – c’est le premier amendement – ou, dans les amendements identiques, « auprès de son père et de sa mère biologiques ».

    Quel message donnez-vous ce soir, par ces amendements, à toutes les autres formes de familles ?

    M. Xavier Breton. Il n’y en a pas !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants battus par leurs parents biologiques ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Quel message donnez-vous aux enfants adoptés ?

    Mme Barbara Pompili. Très bien !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants de familles monoparentales ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Très bien !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants de parents divorcés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel message donnez-vous aux enfants nés de PMA ? Avis défavorable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Ce sont, en effet, des arguties !

    M. le président. S’il vous plaît !

    La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler, tout d’abord, que la France est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Point n’est besoin de l’écrire dans le code civil. Le texte auquel M. Aubert a fait référence, s’agissant du droit de l’enfant de ne pas être séparé de sa mère, est une déclaration de l’Assemblée générale des Nations-unies de 1959, donc un texte qui n’a pas la portée juridique d’une convention internationale. En outre, le préambule de la Constitution de 1946 garantit la protection de l’enfant.

    M. Hervé Mariton. Le mot « mère » est cité !

    M. le président. Monsieur Mariton !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Le projet de loi que nous vous présentons aujourd’hui va bien dans l’intérêt de l’enfant. Il n’est certainement pas dans l’intérêt de l’enfant qu’un de ses parents n’ait aucune légitimité…

    Un député du groupe UMP. Quel parent ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …ni qu’un de ses parents ne soit pas reconnu par la société. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est pourtant ce qui est le cas, aujourd’hui, dans les familles homoparentales et c’est pourquoi le projet de loi participera à la sécurisation de ces situations.

    Enfin, le seul problème pour les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales, ce sont les discriminations dont ils peuvent être victimes du fait de leur situation familiale. C’est la norme que véhicule la société qui distingue, ainsi, les « normaux » des « anormaux ». (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Or la loi, en reconnaissant le mariage entre personnes de même sexe, ne fera plus de distinction entre les citoyens de notre pays (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP) puisqu’elle prévoira les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous. L’intérêt de l’enfant, c’est d’avoir une famille où il trouve l’affection et l’accès à l’éducation, à la santé, à un logement décent et à une sécurité matérielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Bertinotti, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. La ministre « des » familles !

    M. le président. S’il vous plaît ! Il y a des limites !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. J’aimerais faire deux ou trois observations.

    Vous posez la question du droit de l’enfant à son histoire originelle. C’est une vraie question.

    M. Bernard Roman. À laquelle vous n’avez jamais répondu, messieurs !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une vraie et importante question.

    M. Céleste Lett. Mais encore ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Ce que je trouve paradoxal, c’est que cette question, qui n’a pas reçu pleinement réponse, et ce quelles que soient les législatures, n’a rien à voir avec l’homosexualité.

    M. Jacques Myard. Et la PMA ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Myard !

    M. Philippe Gosselin. M. Myard a raison !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Que je sache, la procréation médicale assistée existe. Elle est ouverte aux couples hétérosexuels. Chaque année, 1 500 enfants naissent par insémination artificielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Laissez les ministres répondre ! Si vous voulez que je donne la parole à plus d’un orateur pour et un orateur contre, vous devez au moins vous écouter !

    M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il est tout de même assez stupéfiant de réagir comme vous le faites, lorsqu’on aborde une question aussi fondamentale que celle du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle. En effet, je le répète, cette question n’a rien à voir avec l’homosexualité ou l’hétérosexualité.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait. Nous sommes d’accord !

    M. Bernard Accoyer. L’homosexualité n’a rien à voir avec le mariage, c’est bien cela le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est insupportable ! Vous défendez l’intérêt supérieur de l’enfant, mais lorsque l’on soulève une question de fond, vous vous bornez à dire qu’il faut qu’il y ait un père et une mère et que vous êtes contre le fait que des enfants puissent être élevés par deux pères ou deux mères !(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Dites-le simplement comme cela ! Ainsi, nous ne discuterons pas de la question, pourtant fondamentale, du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle.

    Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, parce que vous liez ce problème à la question de l’homosexualité. Or ça n’a rien à voir !

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vais reprendre des exemples plus anciens. Pendant toute une époque, on taisait à l’enfant qu’il avait été adopté. Puis, certaines études ont amené à considérer que la famille adoptante devait révéler à l’enfant les conditions de son adoption.

    S’agissant l’accouchement sous X, la création du CNAOP – Conseil national pour l’accès aux origines – a été une première étape permettant à l’enfant d’avoir accès à un certain nombre d’informations. Et il y a, aujourd’hui, des revendications qui vont jusqu’à la levée de l’anonymat de l’accouchement.

    La situation des enfants de couples hétérosexuels nés de PMA mérite également de faire l’objet d’une véritable réflexion.

    Voilà les véritables sujets de réflexion. Mais le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ne crée aucune situation nouvelle par rapport à ces questions, qui concernent absolument indifféremment les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cette façon d’appréhender les choses et de porter toujours la suspicion sur l’intensité, la valeur, la solidité de l’engagement des familles homoparentales est insupportable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Un député du groupe UMP. Là n’est pas la question !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mme la ministre chargée de la famille a très clairement expliqué la problématique de l’accès aux origines, question récurrente et extrêmement importante. Elle se pose, en effet, assez régulièrement, sous forme tant de demandes d’accès aux origines que de supplications de ne pas ouvrir l’accès aux origines compte tenu d’un certain nombre de difficultés qui pourraient en découler.

    Ce sujet de fond mérite d’être traité correctement, et certainement pas par le biais d’un amendement qui n’est qu’une pétition de principe. En effet, préciser que « l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et la mère dont il est né » est une pétition de principe qui n’est pas fondée scientifiquement.

    La conception du Gouvernement et la vôtre sont effectivement différentes. Nous avons, pour notre part, le souci de chaque enfant, quand vous établissez des généralités sur les enfants (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)…

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qui vous amènent à nier des réalités sociologiques vieilles de centaines d’années dans ce pays !

    M. Hervé Mariton. On veut leur proposer les meilleures conditions !

    M. le président. Monsieur Mariton !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous refusez ces réalités sociologiques que sont les familles monoparentales, les familles homoparentales, les familles divorcées, composées, recomposée ! Vous refusez de voir les conséquences d’un décès dans une famille.

    Pour sa part, le Gouvernement considère que le droit de chaque enfant est essentiel. Notre droit est organisé sur cette logique. Vous vous préoccupez de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant, mais elle est déjà inscrite dans le droit ! À telle enseigne que la Cour de cassation, elle-même, a considéré que l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant était d’application immédiate.

    Cet article prévoit en substance que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées ou qu’il s’agisse de mesures judiciaires, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. C’est traduit dans le droit par l’article 353 du code civil, par exemple, selon lequel l’adoption n’est prononcée par un juge que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, même si, au préalable, un agrément avait été attribué à l’adoptant, agrément dont nous avons déjà vu qu’il n’était attribué qu’au terme d’une investigation extrêmement rigoureuse que certains considèrent même comme intrusive.

    Par conséquent, la convention internationale des droits de l’enfant est déjà transcrite dans notre droit et, ce qui est étonnant, c’est que vous ne sembliez vous préoccuper de son application qu’aujourd’hui. Vous êtes tout d’un coup saisis d’un doute qui vous taraude sur la valeur de notre droit en matière de protection de l’enfant. Je vous rassure – mais nous ne sommes pas les seuls à en avoir le mérite parce que c’est dans notre droit depuis très longtemps : le droit français protège l’enfant ! Mais il le fait dans chaque circonstance, en tenant compte de sa situation. Il ne parle pas d’un enfant virtuel pour lequel on fait des pétitions de principe comme celles qui figurent dans vos amendements.

    Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Parler en deux minutes d’un sujet aussi vaste est évidemment difficile mais, comme nous présenterons un grand nombre d’amendements pour vous permettre de compléter vos réponses, nous aurons le temps d’apporter des précisions.

    Mesdames les ministres, il faut lire précisément les mots qui sont écrits. Il y a dans cet amendement l’adverbe « prioritairement ». Vous pouvez me répondre, madame la garde des sceaux, que c’est déclaratif, que cela n’emporte rien sur le plan du droit, que cela ne crée aucune obligation parce que la formulation est générale. Soit, mais, premièrement, ce n’est pas le premier sujet sur lequel il y aurait des intentions déclaratives, deuxièmement, nous ne serions pas les seuls à écrire le droit de cette façon, et, troisièmement, nous attendrions du pouvoir exécutif qu’il décline cette déclaration en un certain nombre de choses concrètes. Je crois que c’est une façon assez habituelle d’écrire le droit.

    M. Philippe Cochet. Vous pourriez faire une circulaire !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons comme vous le souci de tous les enfants. Nos expériences, personnelles et d’élus locaux, nous ont permis de rencontrer autant de familles diverses que n’importe lequel des élus des bancs de la majorité. Si quelques-uns d’entre vous en doutent, j’en suis désolé, mais faites-moi le crédit de croire que notre expérience est comparable à la vôtre. Elle n’est ni meilleure ni pire, c’est la même. Nous n’ignorons rien des situations que vous décrivez. Je regrette d’avoir à rappeler après trois jours de débat que nous connaissons nous aussi la diversité des familles. En principe, cela devrait aller de soi.

    Je vais parler avec beaucoup de précaution, parce que toutes les histoires personnelles sont différentes, mais d’après le peu d’expérience que j’ai, j’ai évoqué le sujet à plusieurs reprises avec Mme Pochon ou Mme Buffet par exemple, les enfants battus, monsieur le rapporteur, sont sans doute ceux qui sont les plus attachés à leurs parents.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous attendez quoi, l’arrivée de Zorro ? On n’est pas à la télé ! Laissez-moi dérouler mes arguments.

    Même dans les cas de détresse profonde, même dans les cas de violence familiale les plus difficiles, l’attachement aux parents, qu’ils soient biologiques ou pas d’ailleurs, est incontestable.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ce n’est pas sujet.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si, c’est justement le sujet de l’amendement, monsieur le rapporteur.

    Au fond, quand nous écrivons cet amendement, nous ne disons pas autre chose. Il s’agit prioritairement de permettre à l’enfant de vivre auprès des parents dont il est né. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1983, d’une part, et sur les amendements identiques n°s 2977, 3056, 3554 et 4258, d’autre part, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. En réduisant l’intérêt supérieur de l’enfant au fait qu’il vive prioritairement auprès de son père et de sa mère, je ne sais pas si l’on pense vraiment à son intérêt.

    Qu’un enfant n’ait pour seul repère que des adultes qui le battent, monsieur Poisson, ce n’est pas la garantie de son bonheur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mieux vaut au contraire qu’il soit placé et trouve dans une famille d’accueil le bien-être nécessaire. Ce n’est pas la simple vision du père et de la mère qui crée automatiquement le bien-être de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas ce qu’il a dit, vous êtes de mauvaise foi !

    Mme Marie-George Buffet. Lorsqu’un couple hétérosexuel a un enfant par PMA – parce que je vous rappelle que la PMA existe – le père, c’est celui qui élève cet enfant avec la mère qui l’a porté, ce n’est pas celui qui a fait un don de gamètes. La notion de père et de mère est donc bousculée. Lors d’une adoption plénière, le père et la mère, ce sont l’homme et la femme, les hommes ou les femmes qui accueillent l’enfant et lui donnent l’amour, la protection, l’éducation nécessaires.

    Dans les familles monoparentales, ou dont les parents ont divorcé, le problème, souvent, n’est pas qu’il n’y a pas de père ou de mère, c’est qu’elles sont confrontées à de très grandes difficultés sociales ! Ce n’est pas un manque d’amour ou d’éducation !

    L’air de rien, vous êtes en train de vouloir nous faire lever rapidement, ce soir, un certain nombre d’anonymats alors que cette question mérite un grand débat que nous aurons, j’espère, dans la future loi sur la famille. Oui ou non, sommes-nous d’accord pour préserver l’anonymat de la femme qui accouche sous X ou le remet-on en cause ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

    M. Philippe Gosselin. C’est un débat !

    Mme Marie-George Buffet. Sommes-nous oui ou non d’accord pour préserver l’anonymat de celui qui fait un don de gamètes ? Tout cela doit se discuter, pas être voté au coin d’un amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle. Monsieur Poisson, les députés de la majorité n’ont absolument pas besoin de notes. Nous sommes des femmes et des hommes totalement libres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Hervé Mariton. Non !

    Mme Colette Capdevielle. …et nous savons parfaitement formuler notre pensée, n’ayez aucun doute à ce sujet.

    Vous faites une lecture totalement erronée et tronquée de la Convention internationale des droits de l’enfant.

    M. Philippe Gosselin. On verra ce que fera le cas échéant le Conseil constitutionnel !

    Mme Colette Capdevielle. J’aurais aimé que, pendant dix ans, vous l’appliquiez un peu plus. Vous avez enlevé des enfants au sein de leur mère pour les mettre dans des centres de rétention ! Il fallait leur amener du lait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous qu’on l’ait oublié ? Nous avons été condamnés pour traitement inhumain et dégradant, notre pays a été la honte de l’Europe. Croyez-vous qu’on l’ait oublié ?

    Comme la garde des sceaux l’a souligné très justement, l’article 3-1 de la Convention européenne des droits de l’enfant prévoit que l’intérêt supérieur est fonction de chaque enfant. Parfois, il est de ne pas vivre avec ses deux parents, ou l’un de ses deux parents. Interrogez les juges des enfants, ils vous diront si c’est vraiment la norme familiale pour un grand nombre d’enfants que de vivre avec leur père et leur mère.

    La Convention internationale des droits de l’enfant, et heureusement d’ailleurs, ne donne pas de définition juridique de l’intérêt supérieur de l’enfant puisqu’il s’apprécie en fonction de l’âge et de la situation de l’enfant. Par contre, elle fixe un socle minimal, c’est-à-dire que l’enfant a des droits : le droit à son identité, à la santé, à la protection, à l’éducation et à la participation.

    M. Philippe Cochet. Le droit d’avoir un papa et une maman !

    Mme Colette Capdevielle. La vérité, c’est que vous vous abritez derrière l’intérêt supérieur de l’enfant pour empêcher encore aux personnes homosexuelles d’élever des enfants. C’est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Il y a deux mots dans l’amendement, que je voudrais souligner : « vivre » et « prioritairement ». Quand nous parlons du fait de vivre avec son père et sa mère, nous n’abordons pas la question de l’accès aux origines, qui est effectivement plus compliquée. Personnellement, je ne suis pas pour la levée de l’anonymat du don de gamètes ou lors de l’accouchement sous X. J’ai voté en ce sens lors de l’examen de la loi de bioéthique. Il y a d’ailleurs des divergences à ce sujet au sein de mon groupe, même si nous avons beaucoup de points communs.

    Il nous paraît souhaitable qu’un enfant ait ses deux piliers, un pilier biologique, corporel, et un pilier éducatif, affectif. Nous savons bien que tel n’est pas toujours le cas. Nous disons simplement que c’est une priorité, même s’il y a parfois des cas exceptionnels.

    N’oublions pas que, dans notre pays, plus de 75 % des enfants vivent avec leur père et leur mère.

    M. Bernard Roman. Non ! Ce n’est plus vrai.

    M. Xavier Breton. On nous parle toujours des autres cas mais trois enfants sur quatre vivent tout de même dans ce schéma, qui nous paraît préférable.

    Il y a bien sûr des accidents de la vie, il peut y avoir des circonstances qui rendent les situations plus difficiles, l’État est parfois même obligé de suppléer la défaillance des parents en cas de violence, mais ce sont des cas exceptionnels. Ce que nous affirmons, c’est simplement une priorité. L’exception ne peut pas devenir la règle.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1983.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 298

    Nombre de suffrages exprimés 298

    Majorité absolue 150

    Pour l’adoption 88

    contre 210

    (L’amendement n° 1983 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 2977, 3056, 3554 et 4258.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 286

    Nombre de suffrages exprimés 284

    Majorité absolue 143

    Pour l’adoption 86

    contre 198

    (Les amendements n°s 2977, 3056, 3554 et 4258 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Sur la base de l’article 58, monsieur le président.

    Pour la bonne compréhension de nos débats et pour la bonne tenue de la vie de notre assemblée, mais cela vous appartient, il me paraît préférable de ne pas considérer dans nos échanges qu’il y aurait les députés qui connaissent la France et la vie, plutôt ceux de la majorité tant qu’à faire, et d’autres, ceux de l’opposition, qui ignoreraient ce que sont la France et la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Il me paraît également important que nos débats portent sur le texte de nos amendements. Lisez nos amendements, s’il vous plaît, lisez les verbes et les adverbes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand nous écrivons « prioritairement », cela veut dire quelque chose.

    Je souhaite enfin que chacun accepte que certains mots du vocabulaire existent encore. Quand nous pensons important d’écrire dans un amendement les mots de père et de mère, c’est parce que c’est essentiel à nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en venons à des amendements pouvant être soumis à une discussion commune, l’amendement n° 1905 et une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1905.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement souligne l’importance de la politique familiale et de la politique sociale, et l’importance du rôle des parents dont l’enfant est né, sauf lorsque les circonstances de la vie en décident autrement.

    Nous sommes sensibles à la fois à ce qui nous paraît être la meilleure configuration possible et à ce que peuvent être les circonstances de la vie.

    Au moment où le Gouvernement envisage d’abîmer et de sacrifier la politique familiale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), après la lettre de mission envoyée par le Premier ministre au président du Haut conseil de la famille, M. Fragonard, pour lui demander, si j’ai bien compris, de mettre à bas cette politique, il est plus que jamais important de dire le prix que nous y attachons. Elle fait depuis longtemps l’objet d’un consensus dans notre pays. La CGT elle-même s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur de l’universalité des allocations familiales. Et c’est une lourde responsabilité que prennent aujourd’hui le Gouvernement et la majorité d’abîmer ce qui a longtemps été dans notre pays un consensus fort.

    À côté de la politique familiale, il y a aussi une importante dimension sociale, tout aussi centrale dans notre raisonnement, et qui justifie d’ailleurs notre appel au référendum.

    Oui, l’État, par ses politiques familiale et sociale, doit permettre à l’enfant de vivre auprès des parents dont il est né, sauf lorsque c’est contraire à l’intérêt de l’enfant, tout en respectant, bien sûr, la diversité et la variété des circonstances de la vie.

    M. le président. J’appelle à présent une série d’amendements identiques.

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2085.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais vous lire les réflexions d’une maître de conférence en droit privé à l’université d’Ivry. Le titre de son article, Les dommages pour tous du mariage de quelques-uns, dérangera forcément la majorité, ainsi que ce qu’elle écrit : « La filiation se définit en référence à la biologie et à ses exigences pour l’engendrement d’un enfant, à savoir que les parents soient un homme et une femme. »

    M. Bernard Roman. Qui est l’auteur ?

    Mme Marie-Christine Dalloz. « Le droit français garantit ainsi à l’enfant une filiation vraisemblable, en ce qu’il ne peut être rattaché qu’à un seul père et une seule mère. Ce principe est posé à l’article 320 du code civil, selon lequel la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait, tant qu’elle n’a pas été contestée en justice. Par exemple, si un homme veut reconnaître un enfant qui a déjà un père légal, il doit d’abord contester la paternité existante avant de pouvoir établir la sienne, tout simplement parce qu’un enfant ne peut avoir deux pères. »

    Ainsi, votre projet de loi sur le mariage et l’adoption ne peut pas se contenter d’ouvrir de nouveaux droits aux parents sans proclamer parallèlement que les enfants ont des droits auxquels les désirs des adultes ne peuvent faire échec. Je pense que c’est la réalité : il faut vraiment rétablir le droit de l’enfant parce que, sinon, nous ne ferons prévaloir qu’une vision adulte et nous détruirons la génération de ces enfants-là pour l’avenir.

    M. Xavier Breton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2338.

    M. Nicolas Dhuicq. Plus nous avançons, plus je m’interroge, car nous sommes de plus en plus dans la négation et le déni. Vous ne pensez jamais, chers collègues de la majorité, à la dyade primitive entre la mère et l’enfant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Quelle sera cette dyade, dans votre conception de l’avenir ? Qui fera le travail de séparation entre la mère et l’enfant ? Qui tiendra le rôle des noms-du-père pour permettre à l’enfant de progresser ? C’est une question fondamentale. (Mêmes mouvements.)

    J’entends les réflexions de personnes qui n’ont jamais eu à s’occuper de mères psychotiques enceintes. Vous ne connaissez pas la difficulté, dans une équipe souvent constituée de jeunes femmes pour qui la séparation avec un enfant est la chose la plus traumatisante qui soit, de faire entendre que c’est de l’intérêt de l’enfant de partir dans une famille d’accueil, ce que notre droit ne permet d’ailleurs pas. Vous ne connaissez pas ces réalités cliniques. Vous allez compliquer le travail des équipes ainsi que la vie des enfants. Vous n’entendez pas ces soignants qui n’osent pas s’exprimer trop ouvertement et qui disent que vous êtes totalement en dehors de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Thomas Thévenoud. C’est combien, la consultation ?

    M. Nicolas Dhuicq. Oui, il y a une double dimension dans l’être humain : biologique et psychique. L’une ne va pas sans l’autre.

    Enfin, n’oubliez pas que l’adoption est réussie non quand les parents adoptent un enfant, mais quand l’enfant a lui-même adopté ses parents adoptifs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne l’oubliez que trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Elisabeth Pochon. Vous enfoncez les portes ouvertes !

    M. le président. Mes chers collègues, le sujet est techniquement complexe, tâchons de nous calmer un peu.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2954.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement met l’accent sur les politiques sociale et familiale de l’État. Je souhaite relayer les interrogations de mes collègues, en vous posant, madame la ministre, quelques questions simples, sur lesquelles j’espère que vous pourrez nous répondre.

    Nous entendons parler depuis quelques semaines d’un grand projet sur la famille, prévu pour le printemps. Pouvez-vous nous donner quelques indications sur son contenu ? De même, nous avons entendu parler de l’intention, même si je crois savoir que c’est discuté au sein de la majorité, de revenir sur l’universalité des allocations familiales, peut-être de les mettre sous condition de ressources, d’en diminuer le montant, d’ajuster les politiques de quotient familial (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR), donc de toucher à des choses très importantes qui participent des politiques familiale et sociale de l’État et sont susceptibles d’aider les familles.

    M. Philippe Meunier. Les Français vont trinquer !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous considérons, pour notre part, que les outils existants doivent être maintenus dans leur philosophie, quitte à les ajuster sur tel ou tel point. Nous voudrions connaître les intentions du Gouvernement sur une éventuelle modification de l’économie générale de ces politiques.

    M. Pascal Deguilhem. Quel rapport avec le texte ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Deguilhem, j’en profite pour interroger le Gouvernement sur ce qui se prépare car nous ne savons rien et nous aimerions savoir.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3049.

    M. Patrick Hetzel. « Le domaine dans lequel la différence entre homme et femme est fondatrice, et d’ailleurs constitutive de l’humanité, c’est celui de la filiation. Un enfant a droit à un père et à une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit à toute personne d’avoir une vie sexuelle de son choix, mais ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. » C’est ainsi que s’exprimait à la tribune de l’Assemblée nationale, en s’appuyant sur l’alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946, Mme la garde des sceaux Élisabeth Guigou. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Madame la garde des sceaux, quels sont les arguments auxquels vous pouvez recourir pour contredire les propos de Mme Guigou ? Pour nous, ils sont toujours pertinents et nous ne comprenons pas pourquoi ce que Mme Guigou avait solennellement déclaré à la tribune de l’Assemblée nationale n’aurait plus force de vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3792.

    M. Philippe Gosselin. Je ne ferai pas l’exégèse des propos de mes collègues sur l’intérêt de l’enfant. J’évoquerai plutôt des éléments de politique familiale et sociale. Nous avons en France, depuis le Conseil national de la Résistance et la Libération, un pacte républicain qui lie toutes les sensibilités de ce pays. Au-delà des divergences, nous nous retrouvions pour établir une distinction forte entre la politique familiale et la politique redistributive, l’une et l’autre ayant leur légitimité et leur intérêt.

    Aujourd’hui, nous risquons de glisser vers une confusion des genres, en remettant en cause l’universalité de la politique et des allocations familiales qui forment le moteur de notre pays depuis soixante-dix ans, et qui assurent aussi, pour les femmes, la conciliation d’une vie de famille et d’une vie professionnelle. À l’heure où le Gouvernement annonce une réforme d’importance de la politique familiale, qui devrait être présentée en conseil des ministres d’ici à quelques semaines, et dans laquelle pourrait figurer la PMA – nous y reviendrons – nous souhaiterions des éclaircissements. Et puisque nous sommes tous attachés ici aux politiques familiale et sociale, joignez le geste à la parole et votez pour ces amendements ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements demandent que le législateur fixe les politiques familiale et sociale de l’État avec pour principal objectif de permettre à l’enfant de vivre auprès de ses parents d’origine.

    L’état actuel de notre droit répond déjà très largement à vos préoccupations. Vous avez souvent évoqué la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France et applicable dans notre pays. Je veux en citer deux articles. Selon l’article 7, l’enfant a dès sa naissance, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Selon l’article 9, « les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ». Ces deux articles vont dans votre sens et ont une force normative supérieure à un texte qui sortirait de notre assemblée.

    Notre droit respecte ces exigences conventionnelles. L’adoption n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un enfant est orphelin ou abandonné. Il n’est pas question aujourd’hui de remettre en cause notre droit de l’adoption, sa philosophie, qui tourne exclusivement autour de l’intérêt de l’enfant.

    Sur le plan juridique, l’article 375-2 du code civil dispose que, chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu familial. Dans les collectivités locales, nous sommes confrontés à ce genre de situations. Nous savons tous que les travailleurs sociaux et les magistrats ont en permanence à l’esprit, dans leur pratique professionnelle, le maintien prioritaire des liens de l’enfant avec ses parents. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé ces amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne savais pas que nous étions dans une séance de questions au Gouvernement ! Je croyais que nous débattions du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

    M. Julien Aubert. Quel humour !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est peut-être une nouvelle phase du débat, ou bien s’agit-il de faire en sorte qu’il se prolonge indéfiniment, en dérivant vers les politiques familiale et sociale du Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je suis désolée mais je ne vois pas en quoi parler de la politique familiale et sociale éclaire le projet de loi ! (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Gosselin. C’est le fond du problème !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous me direz comment vous faites un lien entre une interrogation sur la mission qui a été confiée à Bertrand Fragonard, président du Haut conseil de la famille, et l’objet du présent projet !

    M. Hervé Mariton. Il y aura plus d’enfants !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je pense que vous êtes en train d’instrumentaliser les couples homosexuels et les familles homoparentales pour des questions qui n’ont rien à voir avec le sujet ! (Interruptions sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. Bernard Accoyer. C’est insupportable !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous voulez dire que nous considérons ces familles comme des familles à part entière, comme tout autre type de famille, classique, monoparentale ou recomposée, alors oui, j’assume totalement d’être la ministre de toutes les familles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Alors répondez !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je répondrai à des questions portant sur le projet de loi ! Si vous voulez m’interroger sur la politique familiale, faites-le dans une séance de questions au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le lien des politiques familiale et sociale avec cette loi est tout de même ténu. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Quand j’entends parler d’enfants battus, de mères psychotiques, de pauvreté des enfants, je trouve absolument insupportable de lier toutes ces questions ensemble. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne sommes pas en train de débattre de la politique familiale, …

    M. le président. S’il vous plaît, calmez-vous. Plus vite nous aurons voté, plus vite il y aura une suspension.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …nous ne sommes pas en train de débattre sur la protection de l’enfance. Revenez à l’essentiel et donnez vos positions précises sur le mariage et l’adoption. La seule chose que j’entende, de façon répétitive, c’est que pour vous un enfant ne peut avoir qu’un père et une mère.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Mais oui !

    M. Philippe Meunier. C’est comme ça qu’ils sont faits !

    M. le président. Mes chers collègues, je vais donner la parole à un certain nombre d’entre vous, d’autant que je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 1905 et sur les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792 – il y aura donc deux votes. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Patrick Bloche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. Là, c’est un grand moment !

    M. Patrick Bloche. Je vous remercie, monsieur le président de me donner la parole. Je suis effaré…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !

    M. Patrick Bloche. …par ce que ces amendements, les précédents comme ceux-là, révèlent de dérives et de régression. Régression – j’insiste – ne serait-ce que par rapport aux travaux qui ont occupé pendant un an, en 2005, au sein même de cette assemblée, un certain nombre d’entre nous, qui nous étions retrouvés à l’initiative du président Jean-Louis Debré dans une mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant.

    À cette occasion, les députés de l’opposition, alors majoritaires, n’avaient jamais émis de telles assertions, faisant explicitement référence à ce lien naturel, ô combien ambigu,…

    M. Philippe Gosselin. « Père » et « mère », ambigu ! En quoi est-ce ambigu ?

    M. Patrick Bloche. …cette primauté donnée au biologique. Nous avions su, à cette époque, travailler de manière intelligente et collective sur la Convention internationale des droits de l’enfant et la façon dont la France pourrait mieux l’appliquer.

    Nous étions convenus que notre système de protection de l’enfance donnait trop souvent la priorité à la famille biologique par rapport à la famille d’accueil, alors que c’était parfois contraire à l’intérêt de l’enfant.

    Mais qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? Nous l’exprimons parfaitement dans notre cérémonie de parrainage civil : c’est le protéger, relativement à sa santé, à sa sécurité et à sa moralité. La vérité, chers collègues de l’opposition, c’est que vous n’aimez pas l’égalité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. Mais ce n’est pas possible !

    M. Patrick Bloche. Vous refusez de lever les discriminations actuelles dans l’accès au mariage et à l’adoption.

    M. Philippe Meunier. C’est vous qui en créez !

    M. Patrick Bloche. Qui plus est, vous voulez créer de nouvelles discriminations dans notre droit, en visant cette fois-ci les enfants, selon les familles dans lesquelles ils sont élevés. Cela serait tout à votre honneur de retirer ces amendements indignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert. C’est tout de même incroyable de voir les vierges effarouchées… (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Ah ! Je savais bien qu’elles étaient là, les vierges effarouchées.

    Vous avez organisé des auditions partisanes ; vous avez refusé le référendum ; leprésident de la commission des lois écrit sur Twitter « Nous allons fixer le rapport des forces » – nous voyons bien à quel point vous êtes désireux de coopérer au Parlement ; et vous avez l’outrecuidance de nous donner des leçons d’égalité et de République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous n’avons pas à recevoir de leçons de tempérance de votre part ! (Mêmes mouvements.)

    Voilà le problème qui nous préoccupe : l’article 7 de la Convention de 1989 dispose que…

    M. Jean-Jacques Urvoas. Respire !

    M. Julien Aubert. Si vous me laissez parler, vous verrez que je respirerai mieux : l’oxygène fait parfois défaut dans ce Parlement ! Il dispose, donc, que l’enfant a droit à un père et à une mère : il ne s’agit donc pas de notre vision étriquée, mesdames et messieurs de la majorité, mais de la conception internationale.

    Le problème juridique qui se pose pour vous, c’est de savoir si votre texte est applicable dans le cadre de cette conception internationale de la famille. Et le second problème de fond, c’est que, s’il existe effectivement toutes sortes de familles, je préfère toutefois qu’un enfant ait un père et une mère car je considère que cette configuration est la meilleure pour son épanouissement. Si vous pensez le contraire, mesdames et messieurs, si vous pensez qu’il est préférable de n’avoir qu’un père, de n’avoir qu’une mère, d’avoir deux pères ou deux mères, alors dites-le.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

    M. Jean-Jacques Urvoas. Coupez-le, il faut qu’il respire !

    M. Julien Aubert. Il y a là une fracture profonde. Nous pensons tous, sur nos bancs, qu’il vaut mieux, pour l’épanouissement de l’enfant, un père et une mère. Et figurez-vous qu’à votre seule exception, le monde entier le pense aussi : c’est inscrit dans les textes de droit international ! Il est bon de savoir lire – ou alors, il est vraiment grand temps de refonder l’école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1905.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 279

    Nombre de suffrages exprimés 279

    Majorité absolue 140

    Pour l’adoption 77

    contre 202

    (L’amendement n° 1905 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 284

    Nombre de suffrages exprimés 284

    Majorité absolue 143

    Pour l’adoption 77

    contre 207

    (Les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Le groupe UMP ayant demandé une suspension de séance, la séance est suspendue pour cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en arrivons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1887.

    M. Hervé Mariton. Nul n’a de droit à l’enfant. Les droits de créance, quand il s’agit d’objets, sont déjà une manière assez périlleuse de procéder. Ils engagent des créances bien davantage qu’une responsabilité et sont causes de déséquilibres et de désillusions. Le droit au logement, d’autres types de « droits à » en témoignent.

    Quand il s’agit du droit à l’enfant, la situation est encore plus périlleuse. L’une des auditions les plus passionnantes que le rapporteur ait organisé fut celle du professeur Hefez qui souligna l’intensité du désir d’enfant chez les couples de personnes du même sexe qu’il recevait dans son cabinet. La description qu’il fit de ce désir d’enfant, profond, sincère, laissait paraître qu’il n’y avait aucune limite à ce désir. Mme la garde des sceaux nous a parfois raillés : on lui parlait de PMA, de GPA, pourquoi pas demain du clonage et du mouvement raëlien ?

    Parce que des papiers sont parus dans la littérature scientifique, j’ai évoqué la possibilité d’engendrer un animal à partir de deux animaux du même sexe. L’expérience a été réalisée à plusieurs reprises à partir de 2011 et a fait l’objet d’études très documentées. Des scientifiques ont pu prélever des cellules et les pousser à se reproduire pour obtenir des lignées mâles. Suite à des accidents, une proportion significative de ces lignées mâles se sont développées en perdant le chromosome sexuel Y de leur paire XY. Ces lignées, notées XO, ont pu, avec des chromosomes XY, permettre une nouvelle reproduction.

    Ce sont des réalités physiologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Bernard Accoyer. Mais c’est compliqué !

    M. Hervé Mariton. Entre le désir d’enfant qu’évoque le professeur Hefez et le droit à l’enfant que propose le Gouvernement, je voudrais juste savoir où se situe la limite.

    Vous pouvez sourire, en considérant que ces hypothèses sont improbables, impossibles, qu’elles relèvent du raëlisme. Mais non, madame la garde des sceaux. Elles sont possibles, même si, pour le moment, elles ne concernent que le règne animal. L’homme ou la femme, ce n’est pas la même chose…

    Mme Karine Berger. Ah bon ?

    M. Hervé Mariton. …mais s’il est possible aujourd’hui d’obtenir une reproduction dans une lignée mâle, que répondrez-vous demain lorsque deux hommes vous réclameront un enfant sur leur propre patrimoine génétique ?

    C’est pour cette raison qu’il me semble essentiel de rappeler que nul n’a de droit à l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2089.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Avant de défendre mon amendement, je voudrais juste rappeler à Mme la ministre des familles…

    Mme Sandrine Mazetier. De la famille !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je dis bien : des familles. Je voudrais donc lui rappeler que si un amendement arrive en séance, c’est justement qu’il a été validé par le service de la séance, ce qui signifie qu’il correspond au texte et que nous pouvons nous attendre à ce qu’on nous réponde.

    M. Bernard Roman. Encore faut-il que vos amendements concernent le fond du texte : relisez le règlement !

    Mme Marie-Christine Dalloz. La modification profonde de la filiation est bel et bien inscrite dans ce texte, même si le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’elle fera l’objet d’un autre texte, d’un autre débat – peut-être aurons-nous d’ailleurs réellement un débat au moment du projet de loi sur la famille. En effet, comme le mariage, la filiation est une notion essentielle du droit de la famille tel que nous le connaissons. Juridiquement, le mariage ouvre droit à l’adoption et demain, au nom de la même égalité qu’aujourd’hui, puisque nous sommes sur ce registre, à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes.

    À quand une société imaginée sur le modèle du Meilleur des mondes de Huxley, où un tabou aurait été posé sur les sujets de la viviparité, de la maternité et de la famille ?

    Les désirs des individus ne sont pas constitutifs de droits ou de créances sur la société. Toute la partie du code civil relative à la filiation adoptive doit être lue au travers de ce principe d’interprétation et d’application. C’est pour cette raison que je souhaite, par cet amendement, faire inscrire dans un article 342-9 du code civil que nul n’a de droit à l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2335.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous voici parvenus au moment de la toute puissance, la toute puissance des adultes qui ne peuvent accepter de se construire avec le manque alors que le manque est constitutif de la nature humaine depuis qu’Éros et Thanatos cheminent de conserve grâce à l’invention de la sexualité, qui a pour but un renouvellement plus rapide des générations et la création d’individus dans chaque espèce. Nous voici donc au moment que mes prédécesseurs évoquaient. Mon inquiétude est peut-être extrêmement lointaine. Pour le moment, l’humain ne sait pas fabriquer du sang artificiel. Mais viendra un jour où nous saurons créer des utérus artificiels ! (« Oh là là ! sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Il y a des recherches sur ce sujet ! Ce n’est pas un fantasme !

    M. Nicolas Dhuicq. Et là, tous les barrages sauteront, à commencer par celui de l’anonymat du don de sperme et d’ovocyte. Nous ne le verrons peut-être pas de notre vivant mais à terme, vous aurez créé deux humanités.

    Dans cette logique infernale il est essentiel qu’ici et maintenant, la représentation nationale de ce pays prenne conscience que le verbe est créateur, que la loi est là non pas pour suivre le réel tel qu’il est, mais pour le façonner, l’accompagner, donner un cadre et des limites. Penser le contraire reviendrait à nier ceux qui sont représentés sur cette tapisserie qui orne l’hémicycle et à qui nous devons d’être ici, nous aussi, en tant que législateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    J’ai peur de cet avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque l’on franchit les portes de l’éthique, que l’on n’est plus fasciné que par la seule technique, lorsque l’on se laisse dominer par la toute puissance des adultes qui ne supportent pas le manque, c’est un monde orwellien que l’on crée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2942.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Des députés de la majorité se sont étonnés des perspectives scientifiques qu’évoquait M. Dhuicq. Je les renvoie au livre du professeur Atlan sur l’utérus artificiel, qui date de quelques années. C’est un livre connu…

    M. Christophe Borgel. Quel est le rapport avec le débat ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Suivez attentivement et vous le verrez. J’ai deux minutes pour m’exprimer, permettez-moi de les utiliser !

    Nous voici arrivés à un moment où les progrès scientifiques rendent possible ce qui était encore inimaginable il y a quelques années. Bientôt, si ce n’est pas déjà le cas, nous pourrons créer artificiellement des enfants. De ce fait, ces êtres créés par des processus industriels ou artificiels pourront être disponibles à toute volonté ou à toute forme de désir.

    Plusieurs députés SRC. Et le texte ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais j’y arrive, mes chers collègues, ne soyez donc pas si impatients.

    Puisque la situation évolue et que nous avons aussi la responsabilité d’y adapter notre droit – c’est ce que nous entendons régulièrement depuis hier matin – il est devenu parfaitement nécessaire de déclarer solennellement que nul ne peut être considéré comme ayant un droit à l’enfant. Tel est le sens de cet amendement.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. On atteint le fond.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3046.

    M. Patrick Hetzel. Pour qu’une société perdure, les citoyens doivent accepter de contenir leurs désirs. C’est à la loi de poser les limites à ce que chacun veut.

    Il est clair que le droit à l’enfant nie le droit de l’enfant. Un certain nombre d’entre vous, notamment les plus raisonnables, s’accordent pour accorder la primauté au droit de l’enfant. Si vous êtes d’accord avec cette idée fondamentale, vous devez accepter d’inscrire dans la loi qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura pas, de droit à l’enfant.

    Or, c’est précisément ce que propose cet amendement de raison, qui permet de clarifier les choses. Vous prétendez que nous nous trompons, vous nous accusez de vous faire un procès d’intention en considérant, à tort, que vous voudriez créer un droit à l’enfant. Dans ce cas, soyons explicites et inscrivons dans le texte qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura pas, de droit à l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3364.

    M. Bernard Accoyer. Cet amendement tend à préciser que nul n’a de droit à l’enfant. Or, nous venons de le rappeler, les couples de personnes de même sexe ont très souvent un désir très fort d’enfant, parfaitement compréhensible et respectable. Il appartient à la société, au législateur, d’accorder la priorité au droit de l’enfant et de ne pas céder à ce fantasme, cette attente, ce désir, même s’il est compréhensible.

    Et c’est bien là toute la problématique dont nous débattons et qui, madame la ministre chargée de la famille, a toute sa place au cœur de ce débat.

    Ce projet de loi ne parle jamais de l’enfant. C’est à l’opposition que l’on doit d’avoir ouvert la question centrale des droits sacrés de l’enfant, à l’opposition seule, sous les quolibets et les critiques incompréhensibles du Gouvernement, et pas de n’importe quel membre du Gouvernement, du ministre de la famille ! Cela est extrêmement surprenant.

    Je constate, madame la ministre chargée de la famille, que vous êtes plus occupée à consulter votre portable qu’à écouter le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est votre choix. Mais je me souviens d’une ministre qui vous a précédée il y a plusieurs législatures et qui, elle, lisait un roman policier sur ses genoux. Cela s’est mal terminé pour elle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Revenons au sujet qui nous occupe, car il est d’une gravité majeure.

    Vous-même, madame la ministre déléguée, vous avez dit que ce texte ne créait pas de situation nouvelle. Bien sûr que si ! Dès lors que le mariage sera autorisé pour deux personnes de même sexe, nous serons dans une situation nouvelle parce qu’il y aura évidemment des enfants qui vivront deux mères ou deux pères. C’est une situation totalement nouvelle qui sera légalisée. Elle existe aujourd’hui, mais elle n’est pas la règle, alors que vous voulez en faire la règle pour demain.

    Dans ces conditions, nous devons accorder la priorité absolue au droit à l’enfant. C’est pour cette raison que nous ne devons en aucun cas omettre de rappeler dans le texte cette spécificité : « Nul n’a de droit à l’enfant. » (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°3444.

    M. Philippe Gosselin. Pour nous mettre en jambes, je voudrais revenir sur les propos de Patrick Bloche. Je le cite : « Les termes de « père » et « mère » sont des termes désormais ambigus ». Il est intéressant de le souligner ! C’est sans doute la même ambiguïté qui pousse notre collègue Mazetier à demander la suppression…

    M. Patrick Bloche. Quand ai-je dit cela ?

    M. Philippe Gosselin. Tout à l’heure dans votre intervention, mon cher collègue !

    M. Patrick Bloche. Non !

    M. Philippe Gosselin. Si ! Vous pourrez vérifier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Gosselin, parlez-nous de votre amendement !

    M. Philippe Gosselin. C’est sans doute de la même veine que notre collègue Mazetier sur les écoles maternelles ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Un peu de calme, chers collègues !

    M. Philippe Gosselin. Petit rappel à l’ordre sur les rangs de la majorité…Merci, monsieur le président, d’être le défenseur acharné des droits de l’opposition ! Nous vous en sommes reconnaissants. Vous pouvez l’applaudir, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Vous voulez me griller ? (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. La voie de la rédemption est proche, monsieur le président ! (Même mouvement.)

    Le Préambule de la Constitution de 1946 reconnaît aux citoyens des droits et des créances sur la société. Cela ne prote pas sur l’enfant. Nous sommes en train de nous lancer dans une politique de l’enfant à tout prix, en confondant droits de l’enfant et droit à l’enfant. Pour essayer de vous donner une formule brève, qui peut éventuellement faire réagir, autant je comprends qu’il y ait un DALO – un droit au logement – autant je récuse particulièrement le DALE – le droit à l’enfant !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°3524.

    M. Xavier Breton. Cet amendement devrait aller de soi. Qui, parmi nous, va voter contre un tel amendement : « Nul n’a de droit à l’enfant » ?

    La vraie question est : pourquoi est-on obligé de l’inscrire dans la loi ?

    D’abord, il y a des avancées technologiques qui nous obligent à anticiper et à dire expressément, face au délire technologique, qu’il n’y a pas de droit à l’enfant.

    Puis, le texte propose l’ouverture d’un droit à la filiation via l’adoption, qui va, au titre de ce principe d’égalité qui vous aveugle, conduire à la procréation médicalement assistée pour convenance – et non plus pour raison médicale – et qui, toujours en raison du principe d’égalité, conduira à la gestation pour autrui, laquelle est contraire à la dignité de la femme.

    Il est donc indispensable que nous ayons ce mot d’ordre très fort, que nous adressons à toute la société : « Nul n’a de droit à l’enfant ». Encore une fois, qui va voter contre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons beaucoup entendu les opposants à ce texte parler du droit à l’enfant. Mais c’est un slogan, pas une réalité sociale ni juridique.

    Parlons d’abord de l’adoption, puis j’évoquerai les risques scientifiques, ou plutôt les progrès qui pourraient venir et que vous avez évoqués.

    Vous connaissez, pour beaucoup d’entre vous, les procédures extrêmement longues qui constituent un véritable parcours du combattant, expression souvent reprise par les parents qui engagent une démarche d’adoption. Il faut d’abord un agrément, puis il faut passer par une phase d’apparentement. Il y a ensuite un jugement du tribunal de grande instance. À chaque étape, il y a une véritable analyse de la situation de l’enfant, bien sûr, mais surtout de celle des familles qui demandent l’agrément. Au final, le dossier de l’enfant, dans une démarche d’apparentement, est mis, par le conseil de famille, en regard des dossiers de plusieurs familles. L’apparentement se fait à ce moment-là. Un enfant en face de plusieurs familles.

    Donc, le droit à l’enfant n’existe pas dans notre droit et il n’y a aucune crainte de le voir se développer.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Bien sûr que non.

    Quant au progrès scientifique, j’ai découvert beaucoup de choses avec vous sur les possibilités de notre science.

    M. Philippe Gosselin. C’est que vous êtes mal informé !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Sans doute…Mais je veux vous rassurer s’agissant de la parthénogenèse et des utérus artificiels auxquels a fait allusion M. Mariton. Le jour où il y aura effectivement un risque de voir ce processus entrer en application n’est pas encore arrivé. Il ne s’agit que d’expériences.

    M. Philippe Gosselin. Légiférer, c’est anticiper !

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article L 211-1 du code de la santé publique obligera à faire des états généraux de la bioéthique, car il oblige, lorsqu’une évolution scientifique touche à une question sociale, à l’organisation d’états généraux de la bioéthique. Cela me permet aussi de répondre sur le fait que l’ouverture de la PMA aux couples de personnes de même sexe ne relève pas d’états généraux de la bioéthique parce que la PMA est une technique scientifique éprouvée qui existe dans notre pays.

    En l’occurrence, lorsque les utérus artificiels et la parthénogenèse entreront dans le domaine du possible, cela justifiera de réunir des états généraux de la bioéthique. Peut-être déciderez-vous alors si, oui ou non, il est possible de donner un accord au développement de ces techniques, comme vous l’avez fait sur le clonage après que les expériences sur les animaux ont été probantes dans notre pays – vous vous rappelez sans doute Dolly.

    Parce que le droit de l’enfant n’existe pas dans notre droit, la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements.

    M. le président. Sur les amendements identiques n°s1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3444, 3524, je suis saisi par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous rassure, monsieur Accoyer, les femmes peuvent faire deux choses en même temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    J’insiste sur ce qu’a indiqué Erwann Binet. « Nul n’a de droit à l’enfant » : c’est déjà vrai en droit français en raison de la primauté de l’intérêt de l’enfant.

    M. Patrick Hetzel. Vous avez dit le contraire tout à l’heure !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous êtes dans cette logique, il faut aller jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’il faut aussi déposer un amendement qui vise à supprimer purement et simplement la procréation médicalement assistée.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !

    Mme Marie-George Buffet. Absolument !

    M. Bernard Accoyer. Et les couples stériles ?

    M. le président. Monsieur Accoyer, laissez parler Mme la ministre !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Reconnaissez-le, selon les cas, vous parlez de désir d’enfant ou de droit à l’enfant ! Vous voudrez bien m’expliquer la différence ! C’est pourquoi je vous le dis, si vous allez dans cette logique, allez jusqu’au bout et supprimez la procréation médicalement assistée !

    Vous rendez un très mauvais service aux familles qui ont eu recours à la procréation médicalement assistée. Si elles vous entendent, elles doivent se sentir profondément atteintes dans la mesure où vous semblez ne pas respecter leur désir d’enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Bernard Accoyer et M. Philippe Gosselin. Mais non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est la même chose pour les familles qui ont adopté.

    Vous ne voulez pas vous interroger sur la signification du désir d’enfant, c’est-à-dire le désir de transmettre des valeurs, un héritage familial, culturel et intellectuel. Je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué ces questions au moment où nous travaillions sur les lois bioéthiques et que vous en parliez précisément au moment où nous débattons de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Les masques sont en train de tomber ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Monsieur Mariton, vous avez déclaré en février 2011, lors des états généraux de la bioéthique – vous voyez, j’ai de bonnes lectures : « La première de ces questions est celle de la parentalité ; est-elle biologique ou sociale ? Le politiquement correct conduit à affirmer qu’elle n’est que sociale. Pour ma part, je ne dirai pas qu’elle n’est que biologique. Je pense qu’elle est les deux à la fois. »

    M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Quelle conclusion en tirez-vous ?

    M. le président. la parole est à Mme la garde des sceaux

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je trouve l’exercice assez déconcertant. Vous inventez un droit à l’enfant à partir de rien et vous demandez maintenant que soit inscrite dans le droit l’interdiction du droit à l’enfant.

    Sur quoi est fondé ce droit à l’enfant ? Aucun d’entre vous ne sera en mesure de l’illustrer, de l’argumenter, d’en donner des références juridiques, administratives ou réglementaires. Vous n’avez aucun élément ni de droit interne ni de droit international qui illustre le droit à l’enfant. Vous inventez un droit à l’enfant et vous demandez qu’on inscrive dans le droit l’interdiction de votre invention…C’est plutôt singulier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gosselin, l’opposition ne cesse de se poser en chantre de la défense de l’enfant. Vous savez l’estime que j’ai pour vous, car nous avons eu l’opportunité de travailler sur divers sujets durant la dernière législature et j’ai pu apprécier la qualité du travail que vous fournissiez et votre implication dans les rapports dont vous vous êtes chargé.

    Si je précise cela…

    M. Philippe Gosselin. Pour mieux me flinguer !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour vous dire que j’ai été extrêmement surprise de l’analogie hasardeuse et regrettable que vous avez faite entre l’enfant et le logement. Vous avez voulu faire un mot d’esprit, mais franchement, depuis trois jours que vous prétendez être les chantres, les défenseurs des enfants, vous permettre des plaisanteries de ce niveau…Je pense que vous aurez l’élégance de le regretter.

    M. Philippe Gosselin. En effet.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président Accoyer, vous nous expliquez que c’est l’opposition qui a fait prendre l’enfant en considération. Le Gouvernement ne se préoccupe pas de considérations générales, il se soucie des droits de l’enfant, spécifiques, singuliers, particuliers, des intérêts de l’enfant, spécifiques, singuliers, particuliers. En effet, le Gouvernement ne fait pas de grands développements philosophiques sur l’enfant, il s’appuie sur le droit ! Ce texte ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe fait accéder l’enfant à l’adoption en lui offrant en droit un deuxième parent. Ce texte défend donc très concrètement les droits de l’enfant singulier, celui qui est dans les familles monoparentales et qui, en cas de difficulté, se retrouve sans parent. C’est cet enfant-là que protège le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste)

    Je suis par ailleurs assez étonnée de votre exaltation pour des règles et des lois que l’on croyait révolues. J’ai l’impression que vous faites revenir avec vénération et fascination les lois naturelles, revenant au temps de Lamarck et de l’évolutionnisme, de Mendel et de ses fameuses lois. Vous avez la fascination du naturel, du biologique et de la génétique ! Il y a longtemps qu’on n’avait plus entendu cela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Il y a longtemps que les Lumières ont imprégné la réflexion philosophique et scientifique ! Il y a longtemps que l’on sait ce qu’est l’environnement social et culturel ! Et vous, vous en êtes encore à la révérence et à la vénération des lois de Mendel, qui travaillait sur les pois ! (Les députés des groupes SRC, GDR et écologiste se lèvent et applaudissent longuement)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Quel talent, madame le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel talent mal employé ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

    M. Philippe Gosselin. Le soulagement est de courte durée !

    M. Hervé Mariton. Vous nous dites que l’expression « droit à l’enfant » n’a aucun sens. Votre collègue et le rapporteur nous ont dit tout à l’heure qu’il n’y a pas de différence entre le droit à l’enfant et le désir d’enfant. Il faudrait savoir si ça ne veut rien dire ou si ça veut dire quelque chose, synonyme à l’appui !

    M. Bernard Roman. Elle n’a pas dit que ça ne voulait rien dire !

    M. Hervé Mariton. J’ai écouté le rapporteur avec beaucoup d’attention. Il nous a dit qu’au fond il n’y a pas de problème, le droit à l’enfant étant satisfait. Est-ce donc une ineptie ? Une invention ? est-il satisfait ? On ne sait plus très bien. Il nous a dit qu’il n’y a pas de problème car les tribunaux protègent l’enfant et règlent un certain nombre de situations. Voilà qui est fort intéressant ! Les enfants dont nous parlons de manière très opérationnelle, comme vous le dites très justement, madame la ministre, ceux-là mêmes qui vivent aujourd’hui dans des couples de même sexe, peuvent faire l’objet d’une délégation ou d’un partage de l’autorité parentale ou encore d’une adoption testamentaire. Quel est l’objet du projet ?

    M. Bernard Roman. L’égalité !

    M. Hervé Mariton. C’est d’introduire une démarche systématique plutôt que prendre le risque de l’intervention du juge.

    M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

    M. Hervé Mariton. Et pourquoi ? Parce qu’il arrive en effet, en matière de partage, de délégation et d’adoption testamentaire, que le juge n’aille pas exactement dans le sens du partenaire. Mais peut-être y a-t-il une raison à cela, liée à la protection de l’enfant ? Si le rapporteur a raison, il faut alors considérer que nul n’a le droit à l’enfant et que votre projet est totalement inutile et même dangereux, car il va à l’encontre de la protection de l’enfant que le juge accorde parfois utilement et nécessairement aujourd’hui.

    Enfin, nous ne méconnaissons pas la science, madame le ministre. Nous savons qu’elle peut conduire à l’assistance médicale à la procréation et à la GPA, qui ne sortent pas de mon imagination – j’en ai très peu. Acceptez s’il vous plaît que nous posions ces questions, tout en reconnaissant votre immense talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

    Mme Sandrine Mazetier. Merci, monsieur le président. Je voudrais dire à ceux de nos collègues de l’opposition qui croient à l’enfer qu’il est souvent pavé de bonnes intentions. Il n’y a pas, dans ce pays, de droit à l’enfant. Les seuls qui se battent pour le droit à l’enfant, ce sont les commandos anti-IVG qui s’enchaînent régulièrement devant les cliniques et les hôpitaux, faisant obstacle à un droit qui existe vraiment dans ce pays !

    M. Hervé Mariton. L’enfer fait-il partie du code civil ?

    Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais aussi vous dire que les débats que nous menons vous emportent bien loin. Je voudrais vous alerter, mes chers collègues de l’opposition, sur la portée des amendements que certains vous font défendre et que vous ne mesurez pas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Et la suppression d’« école maternelle » ?

    Mme Sandrine Mazetier. Dire que l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né, ce sont des choses qu’on ne dit plus dans notre pays depuis plus d’un siècle ! La priorité biologique, cela fait bien longtemps que c’est fini !

    M. Hervé Mariton. Arrêtez de faire la police du vocabulaire !

    Mme Sandrine Mazetier. L’intérêt supérieur de l’enfant est ailleurs. Il aurait dû vous amener à dénoncer Civitas et les amis du professeur Lejeune, qui faisaient prier des petits enfants l’autre soir à 22 heures dans la rue, sous la pluie. Des photos en témoignent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Puisqu’on en est à dénoncer, nous avons ici une collègue qui cherche à lutter contre tous les stéréotypes de genre et veut nous voir supprimer du vocabulaire le terme d’« école maternelle », au motif qu’il serait infantilisant et trop proche de la garderie. Excusez-moi, mais chacun ses valeurs et je préfère encore les miennes aux vôtres ! Ça commence à bien faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas leçons à recevoir ! Nous ne sommes pas ici dans une enceinte religieuse avec Civitas ou je ne sais qui, nous sommes des élus de la République et nous nous exprimons dans une enceinte républicaine ! Nous le sommes tous ici ! Occupez-vous de vos troupes, nous nous occuperons des nôtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Pour revenir au sujet qui nous occupe, le rapporteur nous dit qu’il n’y a aucune difficulté. Très bien, monsieur le rapporteur !

    M. Philippe Meunier. Il n’est pas là !

    M. Philippe Gosselin. Si, il a pris place pour aller voter. Il est juste en face de moi, je l’ai dans le collimateur ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Provocation !

    M. Philippe Gosselin. Ça n’a rien d’infamant ! Quand j’aurai besoin de m’adresser à vous, monsieur Galut, je le ferai en toute simplicité. Le rapporteur, donc, pas même nommé en commission des lois, publiait avec une collègue une tribune dans Libération dans laquelle il disait que le projet de loi est évidemment lié à la PMA. Nous ne l’avons pas inventé ! Mme Marisol Touraine a dit la même chose ! Trois autres ministres, dont certains sont venus faire de la figuration cet après-midi, nous ont affirmé la même chose ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)Et vous…

    M. le président. Merci. La parole est à M. Olivier Dussopt.

    M. Olivier Dussopt. Merci, monsieur le président. Nous voterons bien sûr contre ces amendements. Je vais reprendre ce que disait tout à l’heure la garde des sceaux, avec moins de talent, ainsi que ma collègue Sandrine Mazetier.

    M. Pierre Lequiller. Fayot !

    M. Olivier Dussopt. Vous devez avoir conscience qu’avec les amendements que vous nous avez présentés tout à l’heure, vous avez remis au goût du jour et voulu inscrire dans notre droit la supériorité de la filiation biologique, que plus personne ne revendique depuis des décennies, sans même vous rendre compte de la récession que vous vouliez imposer par là à la société et au droit de la famille.

    M. Patrick Ollier. La régression !

    M. Patrick Hetzel. Belle maîtrise du français !

    M. Olivier Dussopt. Avec l’amendement que vous nous présentez à l’instant, nul n’a de droit à l’enfant. Vous voulez intégrer cette phrase en tête du chapitre du code civil consacré à la filiation adoptive. Personne n’avait jamais imaginé que ce chapitre puisse débuter par un tel carcan ! Mais derrière la volonté d’ouvrir ainsi le chapitre sur la filiation adoptive et de rendre à la filiation biologique une supériorité sur les autres, il y a autre chose. Nous avons voté l’article 1er sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et vous savez pertinemment que l’adoption est autorisée aux couples mariés. Le vote de l’article 1er a donc pour conséquence l’accès de ces couples à l’adoption.

    M. Philippe Gosselin. C’est bien le problème !

    M. Olivier Dussopt. Vous livrez depuis une bataille de procédure, guérilla dont l’unique objectif est de faire entrer dans notre droit positif des phrases, des alinéas et des ajouts limitant l’accès à la parentalité et à la filiation du plus grand nombre de couples, en particulier des couples homo parentaux. Et ce pour une seule raison : votre incapacité chronique à ne pas voir ces familles et ces enfants en vous cachant derrière la protection et le droit de l’enfant. En réalité, en empêchant la reconnaissance de ces filiations et de cette parentalité, en répétant à l’envi que la filiation biologique est supérieure, vous faites en sorte que ces enfants soient en réalité bien moins protégés que les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3 444 et 3 524.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 284

    Nombre de suffrages exprimés 280

    Majorité absolue 141

    Pour l’adoption 72

    contre 208

    (Les amendements n° 1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3444, 3 524 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Bloche. Merci, monsieur le président, de m’accorder ce rappel au règlement sur le fondement de l’article 58.1. Il concerne très précisément le bon déroulement de nos travaux. Celui-ci suppose que des orateurs ne se prêtent pas entre eux des propos qu’ils n’ont pas tenus.

    M. Hervé Mariton. C’est un fait personnel, ça !

    M. Philippe Gosselin. Et c’est normalement en fin de séance !

    M. Patrick Bloche. Vous m’avez prêté tout à l’heure, monsieur Gosselin, des propos que je n’ai tenus à aucun moment. Je comprends que ce que nous disons vous dérange et que la dénonciation de ces amendements que nous jugeons mauvais vous gêne, mais ce n’est pas une raison pour me prêter des propos que je n’ai pas tenus ! Je n’ai dit à aucun moment que les mots « père » et « mère » sont ambigus. Sur les bancs de la gauche, nous aimons les termes « père » et « mère », et même doublement puisque nous voulons que des enfants élevés par deux pères ou deux mères soient sécurisés par ce projet de loi au nom même de l’intérêt supérieur de l’enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4506.

    Mme Annie Genevard. Merci, monsieur le président. Vous avez dit à plusieurs reprises, mesdames les ministres, que nous activons des peurs. Nous ne les activons pas, nous exprimons les peurs que ressent aujourd’hui la population. Les Français ne sont pas stupides. Ils savent qu’il y a moins d’enfants adoptables que de couples désireux d’en adopter. Ils craignent confusément qu’on ne joue aux apprentis sorciers avec la nature.

    C’est pourquoi je propose d’insérer, avant l’article 1er bis, un article visant à insérer, après l’avant-dernier alinéa de l’article 16-4 du code civil, un alinéa ainsi rédigé : « Est pareillement interdite toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe ».

    Cet alinéa est destiné à renforcer l’interdiction de remettre en cause le caractère sexué de la reproduction humaine. Un enfant est nécessairement issu d’un homme et d’une femme, et la loi doit garantir que cette nécessité ne sera jamais remise en cause. Cette disposition renforcera ainsi l’interdit exprimé par l’alinéa 3 sur le clonage, en l’étendant à toute autre forme de technique de reproduction.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai été assez surpris par une phrase de votre exposé des motifs, madame Genevard, celle selon laquelle « ce projet porte en germe une atteinte irréversible à l’intégrité de l’espèce humaine ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Je ne comprends pas vraiment, ou je n’ose comprendre ce que vous sous-entendez ainsi. Vous proposez d’introduire la phrase suivante : « Est pareillement interdite toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe. » Mais la seule façon de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe, ou issu d’une seule personne, c’est le clonage, une technique aujourd’hui interdite par le droit français et réprimée en tant que crime contre l’espèce humaine en vertu des articles 214-1 et 215-4 du code pénal. Autrement dit, votre amendement est inutile, c’est pourquoi la commission y est défavorable.

    M. le président. Sur l’amendement n° 4506, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vais être brève, monsieur le président…

    M. Charles de La Verpillière. Quel dommage !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous souhaitez interdire toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe. Si vous voulez parler d’un enfant issu biologiquement, c’est-à-dire de gamètes de personnes de même sexe, vous évoquez une possibilité qui n’existe pas encore techniquement. Si elle existe un jour, nous verrons s’il convient d’appliquer l’article L14-12-1-1 du code de la santé publique, qui prévoit un débat public sous forme d’états généraux pour « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ». Nous sommes, pour le moment, tout à fait hors du champ prévu par cet article. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 4506.

    M. Marc Le Fur. Faire la loi, ça ne consiste pas à dire : « on verra » !

    M. Pierre Lequiller. Cela aurait été bien de les faire, ces états généraux !

    M. Bernard Roman. C’est ridicule, c’est vous-mêmes qui avez voté cette disposition !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors que nous débattons d’un texte sur le mariage et l’adoption, l’opposition ne cesse de parler, depuis trois jours, de la PMA et la GPA. Le clonage, annoncé par M. Fenech ce matin, vient désormais lui aussi enrichir nos débats. Cela étant, le clonage étant déjà interdit en droit français, je ne vois pas l’intérêt de l’amendement n° 4506.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, j’aimerais vous exprimer ce que j’ai ressenti lorsque, présente en commission des lois, j’ai entendu que l’on débattait de la question de la double empreinte génétique féminine d’un enfant – un concept dont j’ai d’abord cherché à comprendre le sens. Le simple fait que cette question se trouve posée en commission des lois indique que l’on n’est plus dans une projection surréaliste : les questions de ce type se posent déjà, et je ne vois pas pourquoi il ne serait pas légitime de les anticiper en cherchant à protéger l’espèce humaine de possibilités technologiques qui, même si elles n’existent pas encore, pourront peut-être exister un jour.

    La formulation très générale de l’alinéa que je propose permet de prendre en compte les recherches qui pourraient être menées dans le but d’explorer toutes les possibilités techniques de concevoir un enfant en s’affranchissant des lois naturelles.

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. La politique-fiction appliquée à la science-fiction donne sans doute lieu à de très intéressantes séries télévisées, mais je ne suis pas sûre que notre hémicycle soit le lieu qui convient pour discuter de ces choses. Comme les ministres et le rapporteur l’ont déjà souligné, nous disposons déjà de lois de bioéthique prévoyant la tenue d’états généraux dans le cas où de futures évolutions de la science le nécessiteraient. Je vous suggère par conséquent de vous appliquer vos propres conseils en la matière.

    Pour ce qui est des techniques existant déjà, je répète que, pour nous, si la procréation médicalement assistée a effectivement un lien direct avec ce texte, elle sera mieux traitée dans le cadre d’un prochain projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

    M. Charles de La Verpillière. Ben voyons !

    Mme Corinne Narassiguin. Comme le rapport Leonetti l’indique lui-même, c’est dans le cadre d’un projet de loi sur la famille que l’on traitera le mieux de la question de l’accès à la procréation médicalement assistée.

    Enfin, pour ce qui est de la gestation pour autrui, je veux essayer de mettre fin à la discussion qui s’est engagée, même si je doute un peu de ma capacité à vous convaincre.

    M. Philippe Gosselin. Effectivement, ce n’est pas gagné !

    Mme Corinne Narassiguin. Je ne parviens pas à comprendre comment, alors que vous vous érigez en porte-parole féministes des éventuelles mères porteuses du monde entier, vous vous permettez de mettre à égalité la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

    M. Philippe Gosselin. Nous ne les mettons pas à égalité ! Nous avons toujours bien distingué les deux !

    Mme Corinne Narassiguin. Comment pouvez-vous prétendre qu’être un donneur de sperme anonyme et porter un enfant pendant neuf mois pour quelqu’un d’autre revienne au même ? (« Nous n’avons jamais dit ça ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est bien vous qui mettez ces deux techniques sur un pied d’égalité, tandis que nous ne cessons de répéter qu’il n’y a aucune équivalence éthique et morale entre les deux.

    M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

    Mme Corinne Narassiguin. C’est bien pour cela que la gestation pour autrui est interdite en France et que, si nous voulions un jour y réfléchir, comme le propose par exemple le sénateur Milon, nous devrions passer par la tenue d’états généraux.

    M. Philippe Cochet. Ce projet de loi, c’est une fusée à étages !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4506.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 263

    Nombre de suffrages exprimés 263

    Majorité absolue 132

    Pour l’adoption 69

    contre 194

    (L’amendement n° 4506 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1594.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je voudrais d’abord revenir un instant sur l’excellent rappel au règlement fait par M. Bloche tout à l’heure. Nous estimons également qu’il ne sied pas, dans cet hémicycle, de prêter aux orateurs du groupe d’en face des propos qu’ils n’ont pas tenus. Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Narassiguin, nous n’avons jamais considéré qu’il convenait d’établir une stricte équivalence entre l’assistance médicale à la procréation et les mères porteuses.

    Mme Annick Lepetit. Vous n’arrêtez pas !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce que nous disons, c’est qu’en déclinant comme vous le faites le principe d’égalité, sans tenir compte des limites qui lui ont été apportées par la jurisprudence constitutionnelle, votre texte conduira mécaniquement à ce que la gestation pour autrui soit prochainement possible. Si c’est votre droit de ne pas être d’accord avec la perspective de cet enchaînement, c’est également notre droit, et même notre devoir, que de vous alerter sur ce sujet.

    C’est pourquoi l’amendement n° 1594, que j’ai l’honneur de vous présenter, vise à poser une sécurité supplémentaire dans l’hypothèse où des couples homosexuels composés de deux hommes voudraient recourir à la gestation pour autrui pour accueillir un enfant. Il précise ainsi que la GPA est impossible « aux couples de personnes de sexe différent et aux couples de personnes de même sexe. »

    M. Bernard Roman. C’est déjà dans le droit !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°2715.

    M. Philippe Gosselin. Je tiens à redire, moi aussi, qu’à aucun moment, nous n’avons mis sur le même plan la PMA et la GPA. Le premier cas correspond à la possibilité, pour des couples stériles, de recourir à une assistance médicale à la procréation – une possibilité tout à fait légitime. Le débat n’a pas été rouvert aujourd’hui et il n’y a, de notre point de vue, aucune stigmatisation des 50 000 enfants dont Mme Buffet a parlé hier, en des termes auxquels je m’associe pleinement.

    Il y a en revanche, en ce qui concerne la gestation pour autrui, une ambiguïté qui, du reste, ne concerne pas uniquement les couples homosexuels – sans doute, d’ailleurs, les premiers couples demandeurs de GPA seraient-ils des couples hétérosexuels. Si nous n’avons jamais dit le contraire, le débat que nous avons ouvert aujourd’hui avec le mariage et la filiation pose à nouveau l’ensemble des questions relatives à la filiation. On voudrait nous convaincre que le projet de loi qui nous est présenté peut être totalement séparé de ses implications. La GPA est peut-être un fantasme, mais la circulaire dont nous parlons existe bien. De même, le sénateur Alain Milon a rédigé un rapport relatif à la maternité pour autrui – dont nous ne sommes pas solidaires, je le précise, ses propos n’engageant que lui.

    Si vous voulez nous montrer que vous êtes, vous aussi, totalement opposés à la GPA, il vous suffit de voter les amendements que nous vous proposons ; l’ambiguïté est bien là : vous vous arc-boutez sur une dénégation, sans donner aucune preuve de la fermeté de votre conviction. Or, votre position est loin d’être claire, puisque des responsables importants, voire des membres du Gouvernement, ainsi que M. le rapporteur, ont fait des déclarations publiques constituant un faisceau d’indices qui nous conduit à douter sérieusement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3405, pour soutenir l’amendement n°3405.

    M. Hervé Mariton. Depuis plusieurs jours, le Gouvernement multiplie les dénégations au sujet de la GPA. Eh bien, prenons le Gouvernement au mot ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    J’ai entendu parler tout à l’heure d’amendements qui sentaient mauvais. À côté de cela, vous conviendrez que proposer un amendement visant à prendre le Gouvernement au mot et le Président de la République à la lettre – je pense au courrier qu’il a adressé au président Jacob – n’a rien de déplacé.

    M. Charles de La Verpillière. Précisons qu’il s’agit de la lettre du jour, puisque cela change sans arrêt !

    M. Hervé Mariton. Quand vous dites ne pas vouloir de la GPA, nous voulons vous croire, mais c’est en votant notre amendement que vous seriez vraiment crédibles. À l’inverse, si vous n’acceptez pas cet amendement, c’est qu’il y a un loup !

    Les choses sont assez simples : si, aujourd’hui, l’article 16-7 du code civil interdit la gestation pour autrui, il existe cependant un risque de sollicitations nouvelles, de pressions, dans l’avenir. Pour marquer sa fermeté au-delà des positions prises par certains membres du Gouvernement – je pense à M. Vidalies, M. Valls, Mme Filippetti, Mme Vallaud-Belkacem –, le Gouvernement, encouragé par le Président de la République, pourrait accepter cet amendement qui a le mérite de mettre les points sur les « i ».

    Madame la ministre, si vous voulez vraiment couper court à ce que vous considérez être une suspicion infondée de notre part, vous avez là une très bonne occasion de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission émet évidemment un avis défavorable, puisque contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Mariton, il n’est pas nécessaire, de marquer une fermeté. La gestation pour autrui est déjà très clairement entravée dans notre droit.

    M. Philippe Gosselin. Elle n’est pas entravée !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Elle est entravée par le code civil, par le code pénal et par la Cour de cassation, qui refuse la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui. Il est inutile de prévoir une nouvelle entrave au travers de ce texte, dont l’objet, me semble-t-il – mais peut-être n’est-ce pas votre opinion – n’est pas lié de manière évidente avec ce sujet.

    M. Christian Jacob. Deux précautions valent mieux qu’une !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans doute que dans la sagesse quotidienne, deux précautions valent mieux qu’une, monsieur Jacob. Mais en droit, s’agissant des règles d’ordre public, une précaution suffit parce qu’elle est absolue.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi avez-vous ajouté le terme « exclusif » tout à l’heure, dans ce cas ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’une disposition non pas particulière mais d’ordre public : l’article 16-7 du code civil s’applique à tous, il ne peut y être prévu aucune dérogation, aucune !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tournez-la page du code, monsieur Mariton ! C’est inscrit à l’article 16-9 du code civil !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En indiquant qu’une telle règle s’applique à tous les couples, on introduirait une tautologie, une précision superfétatoire. Le droit répond déjà à votre demande.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je veux bien écouter les explications de Mme la ministre ou de M. le rapporteur. Toutefois, madame la ministre, convenez qu’avec votre circulaire autorisant la transcription à l’état civil, une brèche a été ouverte !

    Mme Annick Lepetit. Mais non !

    M. Christian Jacob. De fait, pour transcrire un acte de naissance étranger à l’état civil français, on cherche à connaître la manière dont la filiation a été établie ; dès lors que l’on autorise la transcription pour les enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui, on reconnaît implicitement celle-ci. C’est la raison pour laquelle cet amendement est nécessaire : il permet de sécuriser le droit français sur un point qui, du moins je le croyais, faisait consensus. Je constate toutefois que l’accord est loin d’être unanime, sinon pour quelle raison refuseriez-vous cet amendement ?

    M. Bernard Roman. Parce que c’est déjà interdit !

    M. Christian Jacob. Si nous sommes d’accord sur le fond, soyons-le sur la lettre et acceptez cet amendement.

    M. le président. Sur les amendements nos 1594, 2715 et 3405, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Jacob, je vous remercie de m’interroger à nouveau sur la circulaire ; j’ai déjà expliqué son contenu douze fois, mais je le fais à nouveau de bonne grâce.

    Permettez-moi simplement de vous faire observer ceci : alors que je l’avais déjà expliqué six fois dans cet hémicycle, vous m’avez à nouveau interrogée et vous avez postulé qu’un certificat de nationalité française octroyait la nationalité. Il se trouve que non, monsieur le ministre Jacob : le certificat atteste de la nationalité, laquelle est établie en amont, auparavant.

    M. Christian Jacob. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Répondez à ma question !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous passez votre temps à nous dire que le Gouvernement ne répond pas. Il m’a paru utile de vous rappeler que, après avoir répondu six fois, vous m’objectez que le certificat de nationalité française octroie la nationalité. J’explique donc une fois encore.

    M. Christian Jacob. Écoutez la question !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Écoutez la réponse : puisque le certificat de nationalité française n’octroie pas la nationalité, cela signifie qu’une circulaire demandant la délivrance sur une nationalité établie de certificats qui sont dus dans tous les cas…

    M. Christian Jacob. Il y a une recherche de la filiation ! Il y a un constat de filiation ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …où la filiation paternelle est constatée ou vérifiée ne le fait pas. Et c’est elle… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, vous pouvez être en désaccord avec les ministres qui vous répondent, mais laissez-les au moins aller au bout de leur raisonnement.

    Vous avez la parole, Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La filiation paternelle est établie et le consulat effectue les vérifications énoncées dans l’article 47 du code civil pour en attester la validité. Une fois celle-ci confirmée, l’enfant se voit octroyer la nationalité française au titre de l’article 18 du même code. Dans ces cas précis, le consulat transcrit l’acte d’état civil étranger.

    M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il arrive qu’il ait un doute. Entre 2008 et 2011,…

    M. Christian Jacob. Mais comment la filiation est-elle établie ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …l’ensemble des consulats ont eu des doutes sur 44 dossiers. Après que le parquet a été saisi, le procureur a confirmé les doutes sur 38 dossiers.

    M. Christian Jacob. Des enfants nés par GPA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a eu refus de transcription dans le registre d’état civil. Quant à ma circulaire, monsieur Jacob, elle ne dit pas qu’il faut transcrire mais simplement qu’il faut délivrer le certificat de nationalité puisque l’enfant est français. Ne prétendez donc pas que nous reconnaissons la GPA !

    M. Christian Jacob. Mais si !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais comment on appelle ce comportement dans les classes maternelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    Mme Anne-Yvonne Le Dain. Nous sommes dans une situation assez incroyable. L’article 16-7 interdit fermement la GPA : « Toute convention portant sur la création ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. »

    M. Christian Jacob. Pour l’instant !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain. En France, un vieil adage dit : « Qui trop embrasse mal étreint. » Vos fantasmes attestent de leur stérilité. Vous êtes pathétiques dans votre façon de vouloir toujours en rajouter. Quand on précise trop, on affaiblit la force de la loi, qui est universelle, et cette universalité est au fondement de notre droit. Cette prescription interdit clairement la procréation et la gestation pour autrui, alors n’en rajoutez pas ! Vous voulez faire parler de vous ? Nous allons une fois de plus vous empêcher de dire des bêtises ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1594, 2715 et 3405.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 260

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 72

    contre 188

    (Les amendements nos 1594, 2715 et 3405 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. À la demande du président du groupe UMP, je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à zéro heure vingt-cinq, le dimanche 3 février, est reprise à zéro heure trente-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements identiques. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1545.

    M. Nicolas Dhuicq. La certitude, dans un monde ouvert où la connaissance va bien plus vite que les lois, que les barrages juridiques nationaux seront suffisants pour arrêter les progrès de la connaissance m’étonne quelque peu.

    J’appartiens à une génération qui a lu et écouté des auteurs, dont la structure était d’ailleurs probablement psychotique, comme Philip K. Dick, dont Ridley Scott a tiré son excellent Blade Runner.

    M. Olivier Faure. Vous regardez trop la télévision !

    M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas la télévision, lisez de bons romans, vous verrez. Cette œuvre, sans doute prémonitoire, poétique, peut être lointaine, doit nous amener à réfléchir sur ce qu’est la définition de l’humain.

    Vous ne nous ôterez pas l’idée que, dans ce qui fonde l’humain, il y a cette altérité, cette différence des sexes, cette question du manque que vous cherchez absolument à nier en faisant des adultes parfaits, que vous voulez toujours priver de toute possibilité de travail sur eux-mêmes, de progrès et d’évolution en répondant à l’avance à leurs demandes.

    Dans une société où nos adolescents, justement, souffrent de l’absence de repères identificatoires, de l’absence, souvent, de cadre parental, de l’absence de repères adultiques et de l’incapacité, précisément, à transgresser des interdits – raisonnables –, vous n’offrez aux gens que des portes ouvertes et des solutions faciles.

    L’humain, c’est le progrès, c’est le travail, un travail personnel long et difficile, avec nos imperfections. Alors souffrez…

    M. le président. Merci. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1654.

    M. Marc Le Fur. Mesdames les ministres, je reviens sur la question de la GPA. La circulaire existe, je n’en parlerai pas. Il y a aussi un certain nombre de décisions de justice. Celle-ci par exemple : Suite à la naissance de jumeaux, en Inde, par convention avec une mère porteuse, le père biologique a demandé la transcription sur les registres consulaires de cette naissance. Le tribunal de grande instance de Nantes a accueilli favorablement cette demande. Le ministère public, bien naturellement, a interjeté appel sur le fondement de l’interdiction de la procréation pour le compte d’autrui – article 16-7 du code civil. Or la cour d’appel de Rennes confirme la décision des premiers juges et admet la retranscription sur les registres d’état civil de la naissance d’un enfant issu d’une convention passée à l’étranger avec une mère porteuse. Cette affaire est désormais pendante devant la Cour de cassation.

    Cela signifie que cette affaire est passée devant nos organisations consulaires, devant le TGI de Nantes – saisi puisqu’il s’agissait d’une affaire relevant de l’un de nos consulats – et devant la cour d’appel de Rennes. Tous ces obstacles ont été franchis. Cela veut dire que nous devons agir vite si nous voulons endiguer cette montée massive du risque de gestation pour autrui.

    Non seulement votre circulaire, madame la garde des sceaux, permet l’octroi de certificats de nationalité, mais le juge admet aussi de plus en plus que les actes d’état civil puissent confirmer la GPA.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1780.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement, qui vise à préciser que la présente loi est sans conséquence sur la nullité de toute convention portant sur la procréation médicalement assistée ou sur la gestation pour le compte d’autrui énoncée à l’article 16-7 du code civil, ouvre le débat sur les conséquences inévitables auxquelles conduirait l’adoption du présent texte.

    Il convient de garantir explicitement l’application de l’article 16-7 du code civil, qui prohibe la GPA. En effet, ce projet de loi, qui n’a pas fait l’objet du débat national que nous avions demandé, a malgré tout soulevé de très grandes interrogations dans l’opinion publique – on le voit aujourd’hui encore avec les mobilisations sur le terrain – concernant la conception qu’a le Gouvernement français de la famille.

    Aujourd’hui, vous avez la majorité politique pour agir et pour légiférer, mais jusqu’où voulez-vous aller dans les modifications législatives en matière de PMA et de GPA ?

    Des membres du Gouvernement ont déjà ouvert des pistes. Cet amendement vise à créer le débat et à préciser à nouveau le devoir des autorités gouvernementales, qui est de défendre l’intérêt de l’enfant. Il est aussi de leur devoir de créer un climat de confiance, ce qui n’est pas le cas puisque ce projet instaure une véritable fracture au sein de la société française.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1856.

    M. Patrick Ollier. L’article 16-7 du code civil prohibe la GPA, cela est indiscutable. Mais nul ne peut contester aussi que ce texte, qui sera certainement adopté, créera un environnement nouveau.

    On a le droit de penser à l’avenir lorsqu’on légifère. Vous parlez d’égalité, c’est légitime. Vous créez un régime d’égalité, c’est compréhensible. Il s’agit d’une égalité par effacement de la différence entre les sexes, mais c’est votre affaire. Par respect du principe d’égalité, il est inévitable que les couples de même sexe demanderont l’accès à la GPA. En effet, comment expliquer à un couple d’hommes qu’il ne pourra pas avoir d’enfants alors qu’un couple de femmes pourra en avoir en accédant à la PMA, ce que le rapporteur souhaite et que vous avez prévu d’inscrire dans un texte futur.

    Vous ne pourrez pas résister à la demande. D’ailleurs, M. Coronado a ouvert le débat en commission des lois, comme il en a parfaitement le droit. Devant ces nouvelles pressions, la loi devra changer. Vous ouvrez une vanne que vous ne parviendrez pas à contrôler. Cela implique des précisions. Nous avons déposé cet amendement de précaution, afin que l’on comprenne bien qu’il n’est pas question, malgré ce nouvel environnement que vous créez, de faire évoluer la loi dans l’avenir.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2595.

    M. Hervé Mariton. L’AMP et la GPA ne figurent pas dans le texte mais la majorité, en toute transparence, a souligné le lien qui existait entre leur ouverture aux couples de même sexe et le projet de loi – le rapporteur l’a écrit dans son rapport, nombre de ministres se sont exprimés en ce sens, et chacun sait que le groupe SRC avait fait le choix de déposer un amendement en faveur de ce que vous appelez la procréation médicalement assistée.

    Il est donc normal que nous proposions un amendement de « précaution », comme l’a très bien dit Patrick Ollier, En effet, si nous devons vous croire lorsque vous affirmez que l’accès à la GPA ne sera pas ouvert, alors il vaut mieux l’écrire dès maintenant. Vous nous dites que la GPA est interdite aujourd’hui ; c’est vrai. Mais vous savez bien que certains membres du Gouvernement ont pris position en sa faveur, qu’un débat s’est installé, qu’un trouble s’est fait jour dans l’opinion.

    Il serait utile de dire très clairement que vous ne voulez ni PMA ni GPA, y compris pour borner, si vous êtes sincères, les conséquences de votre projet de loi. Si vous agissiez ainsi, vous feriez alors tomber un argument important dont nous usons contre vous.

    S’agissant de la PMA, puis-je souligner que le rapporteur oublie systématiquement de rappeler que, dans la très grande majorité des cas, les gamètes sont issues des deux membres du couple ? Cela ne retire rien à la légitimité des autres configurations de la PMA, mais c’est une affaire de proportions, qu’il n’est pas inutile de rappeler s’agissant des couples de même sexe. Il nous paraît essentiel d’affirmer, si par malheur votre projet devait être voté, que nous ne souhaitons pas son extension à la PMA et à la GPA. Si vousd acceptez cet amendement…

    M. le président. Merci. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2914.

    M. Philippe Meunier. Nous souhaitons, avec cet amendement, ouvrir le débat sur la GPA, pour éclairer nos compatriotes.

    Nous avons tous entendu ici rappeler les propos de Mme Guigou à l’époque du PACS, quand la gauche assurait devant la représentation nationale et le peuple français que le PACS devait permettre de rééquilibrer les droits entre les différents couples mais qu’il n’était pas question d’aller plus loin.

    Aujourd’hui, la gauche va plus loin, puisque nous en sommes au mariage entre personnes du même sexe. Nous voulons que les choses soient claires, et il s’agit donc maintenant d’assumer vos positions et d’éclairer les Français sans ambiguïté.

    Mme Pascale Crozon. Nos positions sont claires !

    M. Philippe Meunier. Aujourd’hui le mariage, demain la PMA, et nous savons qu’au sein de la majorité certains souhaitent la GPA. Il faut donc arrêter d’avancer masqués et dire aux Français ce que vous voulez pour la France et notre société.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3248.

    M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement et sa majorité se cachent la réalité qui découle de ce texte, à moins qu’ils ne veuillent l’un et l’autre la cacher au pays. Tout ceci crée de la confusion.

    M. Patrick Hetzel. Très juste !

    M. Bernard Accoyer. Le problème de ce texte est que le mariage vaut droit à l’adoption, ce qui n’aurait pas été le cas si vous aviez opté, après un débat dans le pays, pour ce qui existe dans de nombreux pays, une forme d’union qui n’entraîne pas automatiquement le droit à l’adoption.

    À partir du moment en effet où votre mariage ouvre le droit à l’adoption, il autorisera immanquablement la PMA pour les couples stériles de femmes, puisque les couples stériles hétérosexuels y ont droit, puis, selon le principe de l’égalité des droits, il permettra la gestation pour autrui pour les couples stériles d’hommes.

    Monsieur le président, si vous me le permettez, afin de gagner du temps (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je voudrais compléter mon intervention par une forme de rappel au règlement. Nous sommes aujourd’hui dimanche, il est zéro heure quarante-cinq, et voilà bientôt treize ans maintenant que l’Assemblée n’a jamais siégé un dimanche, jamais ! La dernière fois, je pense que c’était à l’occasion du débat sur les trente-cinq heures, et l’on connaît les conséquences de ce funeste texte. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Thévenoud. Entendre ça de la part d’un ancien président !

    M. Bernard Accoyer. Et comme on ne cesse de l’entendre dans nos circonscriptions, c’est le signe d’une autre confusion sur les priorités qu’exige notre pays. Car les priorités, pour nos compatriotes, c’est le chômage, c’est le pouvoir d’achat, c’est la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En réalité…

    M. le président. Merci. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3375.

    M. Bernard Accoyer. Je souhaite la parole pour un rappel au règlement !

    M. le président. Non, monsieur Accoyer. Nous sommes dans une série d’amendements identiques. Ce que vous me demandez ne sera pas un rappel au règlement, alors que sur le temps de parole, depuis tout à l’heure, j’accorde largement plus que ce que prévoit le règlement. Il faut savoir le reconnaître.

    Monsieur Bernard Perrut, vous avez la parole.

    M. Bernard Perrut. Madame la garde des sceaux, je suis particulièrement inquiet à propos de la GPA lorsque je songe aux propos de M. Bergé, selon qui louer son ventre pour faire un enfant n’est pas différent du fait de louer ses bras pour travailler à l’usine. Je vous ai déjà interrogé pour connaître votre position sur ce point qui nous inquiète.

    M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

    M. Bernard Perrut. Après la PMA, le pas sera facile à franchir au nom de l’égalité. Les couples d’hommes ne manqueront pas d’exiger le droit à la gestation pour autrui ; beaucoup le réclament déjà, et certains n’ont pas hésité à y recourir à l’étranger. Ce jour-là, quel argument le Gouvernement leur opposera-t-il ? Celui de l’inégalité ? Sûrement pas, puisqu’il fait de l’égalité des droits le fil directeur de son projet. Celui de l’interdiction de marchander son corps ? Naturellement, cet argument sera avancé, mais il sera rapidement démonté par ceux qui vous convaincront que le recours à une mère porteuse est aussi estimable que le recours à la science et à un tiers donneur anonyme. Ils évoqueront alors les quelques exemples de pays étrangers où la PMA est ouverte à tous, et certains dénonceront même le vide juridique qui entoure leur enfant né hors de nos frontières.

    Sur ce point, madame la ministre, votre circulaire est loin de nous rassurer, puisqu’elle facilite l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de mère porteuse. Les partisans de la GPA s’engouffreront dans la brèche que vous avez ouverte, et ils ne manqueront pas de reprocher à la France d’être à la traîne du progrès.

    Que n’a-t-on dit et exigé au nom du progrès, sans se poser la seule question qui vaille : vers quel monde courons-nous et pour quel humanisme ? Nous souhaiterions une réponse très claire de votre part, madame la ministre.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3418.

    M. Jacques Myard. L’article 16-7 du code civil sur la non marchandisation du corps humain est d’ordre public, ce qui n’a pas empêché le TGI de Nantes et la cour d’appel de Rennes de prendre les décisions que Marc Le Fur vient de nous rappeler.

    M. Bernard Roman. Et la Cour de cassation ?

    M. Jacques Myard. Madame la ministre, concernant votre circulaire, vous avez raison de dire que le certificat ne fait que constater la nationalité d’un enfant né d’une mère ou d’un père français. Il n’en demeure pas moins que cet enfant n’est pas né du Saint-Esprit – et ce n’est pas moi qui défendrai le Saint-Esprit ! Il est né d’une méthode que l’on nomme la GPA. Implicitement donc – et c’est là que votre circulaire est extrêmement maladroite, dans les termes –, vous reconnaissez la GPA. Certes, cet enfant est de filiation française, soit par le père, soit par la mère, mais, en tout état de cause, il est né de la GPA. D’où la nécessité de rappeler fermement que l’article 16-7 est véritablement d’ordre public, et que rien dans cette loi ne peut y ouvrir de brèche.

    Il est grand temps aujourd’hui que la France prenne l’initiative d’une convention internationale qui interdise la GPA en Europe et ailleurs.

    Je vais maintenant donner la parole à M. Xavier Breton.

    Rappel au règlement

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, nous demandons la parole pour des rappels au règlement !

    M. le président. Monsieur Le Fur, vous êtes en train de dévoyer la procédure et vous perturbez le bon déroulement de la séance. Cela étant, si vous le souhaitez, je vais vous accorder votre rappel au règlement, mais, puisque c’est ainsi, les orateurs n’auront plus désormais pour s’exprimer que deux minutes, à la seconde près. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Le président de la commission des lois a proféré hier à mon endroit une sorte de menace, fondée sur une interprétation pour le moins étrange de notre règlement intérieur, car je ne crois pas m’être laissé aller à des insultes.

    Le président Accoyer a rappelé qu’à cette heure il n’est pas sûr que notre travail législatif se déroule dans les meilleures conditions.

    Je voudrais également revenir sur les propos de Mme Taubira. J’avais demandé à faire un rappel au règlement, que vous n’avez pas accepté, lorsqu’elle a considéré tout à l’heure que le travail de l’opposition dans cette assemblée était digne d’une école maternelle ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Elle n’a pas dit ça !

    M. Jean-Marc Germain. Mais elle aurait eu raison !

    M. Hervé Mariton. Il n’est pas convenable que le Gouvernement s’adresse de cette manière à l’opposition.

    M. le président. À propos de nos conditions de travail, je voudrais rappeler que l’Assemblée a siégé le dimanche à plusieurs reprises : le 11 juillet 2004, sur la réforme de l’assurance maladie ; le 8 novembre 1998, sur le pacte civil de solidarité ; le 14 décembre 1997, sur l’entrée et le séjour des étrangers ; le 10 décembre 1995, sur le projet de loi d’habilitation sur la réforme de la protection sociale ; le 12 novembre 1995, sur le projet de loi de finances pour 1996 ; le 11 décembre 1994, sur diverses dispositions d’ordre social ; le 10 juillet 1994, sur le développement territorial… j’en resterai là.

    Je voulais éviter que l’on rentre dans ce débat sur le travail de l’Assemblée le dimanche, parce que c’était une erreur de dire que nous n’avions pas siégé un dimanche depuis bien longtemps.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3440.

    M. Xavier Breton. Pourquoi parler de la gestation pour autrui ? À cause de cette circulaire, bien sûr. Au-delà des questions que Christian Jacob a posées et qui n’ont pas reçu de réponses claires et précises, cette circulaire va inciter ceux qui hésitaient encore à franchir le pas, créant des difficultés dont on ne pourra sortir qu’en légalisant purement et simplement la GPA. Avec cette circulaire, le Gouvernement a donc posé un jalon sur la route de la légalisation de la pratique des mères porteuses.

    Nous parlons également de la GPA, car, au nom de l’égalité, une mécanique implacable va nous conduire du mariage à l’adoption, de l’adoption à l’assistance médicale à la procréation pour convenances personnelles, puis à la gestation pour autrui. L’exposé des motifs de la loi indique d’ailleurs clairement que cette loi n’est qu’une étape : « Une nouvelle étape doit donc être franchie. » Il y aura donc d’autres étapes, qui sont annoncées.

    Ensuite, c’est également la logique de l’ouverture du droit à la filiation qui est inscrite dans ce projet de loi et qui, dans les faits, va conduire à l’assistance à la procréation pour convenances personnelles, puis à la gestation pour autrui. On sait en effet que l’adoption ne permettra pas de répondre au désir d’enfant des couples de même sexe. Ces couples, logiquement, se tourneront donc vers l’assistance à la procréation et vers la gestation pour autrui, dans un premier temps à l’étranger, avant que vous soyez, comme d’habitude sous la pression, conduits à légaliser la gestation pour autrui.

    J’ajoute que l’unanimité de la gauche et du Gouvernement contre la gestation pour autrui n’est qu’une unanimité de façade. Les Verts avaient eu le courage, au moment des lois de bioéthique, de proposer un amendement en faveur de la GPA que certains députés socialistes avaient soutenu ; aujourd’hui, des ministres, au sein du Gouvernement, militent pour la GPA. Vopus pourriez donc dire…

    M. le président. Merci. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 4077.

    Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement vise à ouvrir le débat – un débat avec les Français, celui-là – sur les conséquences inévitables auxquelles conduirait l’adoption de ce texte.

    À vous écouter attentivement, à vous lire abondamment, nous ne pouvons nous empêcher de douter de votre sincérité lorsque vous affirmez qu’il n’y aura ni PMA ni GPA pour les couples de même sexe.

    M. Thomas Thévenoud. C’est un procès d’intention !

    Mme Isabelle Le Callennec. Le million de manifestants du 13 janvier (« Le million ! le million ! » sur les bancs du groupe SRC.) et les dizaines de milliers de manifestants de ce jour – cinq à six mille à Rennes –, témoignent, s’il en était encore besoin, que nous craignions que vous ne vous arrêtiez pas à ce texte sur le mariage.

    Adopter cet amendement serait tout simplement la preuve que votre majorité ne franchira pas la ligne jaune, puis la ligne rouge, que certains d’entre vous – nous l’avons encore entendu ce soir – voudraient vous voir franchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4544.

    Mme Annie Genevard. Mesdames les ministres, vous avez, à plusieurs reprises, affirmé que cette question de la GPA n’était pas pertinente et que nous n’avions pas à en débattre. Dans ce cas, pourquoi la presse s’en est-elle saisie à longueur de colonnes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi les juristes se sont-ils emparés de cette question ? Pourquoi des ministres se sont-ils prononcés en faveur de la GPA ? Pourquoi des témoignages nous sont-ils rapportés dans la presse, relatant d’invraisemblables et effrayantes histoires familiales, de père donneur, de mère donneuse, de mère porteuse, tout ça pour un même enfant ?

    La GPA est une pratique encore minoritaire, mais la pression monte ! Je vous ai dit hier qu’un récent sondage démontrait que la majorité des sympathisants de gauche y étaient favorables. J’ai évoqué la facilité avec laquelle on peut y recourir, grâce à l’existence de véritables marchés à l’étranger. Sept pays sur vingt-sept l’autorisent aujourd’hui en Europe, ou du moins ne l’interdisent pas : la Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie.

    Une majorité des Français sondés considèrent d’ailleurs qu’il y a dans notre pays un agenda caché de la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4803.

    M. Alain Leboeuf. Je fais partie des Français normaux, et ils sont aujourd’hui très inquiets. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Normal ? CA veut dire quoi ?

    M. Thomas Thévenoud et M. Bernard Roman. Scandaleux !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Rappel au règlement !

    M. le président. Laissez poursuivre l’orateur. Je donnerai la parole ensuite pour un rappel au règlement. (Vives protestations et brouhaha sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. Monsieur le président ! Cela suffit !

    M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, avez-vous vu son geste ? Un geste inacceptable !

    M. le président. Monsieur Leboeuf, je vous redonnerai la parole après les rappels au règlement.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, je veux indiquer à M. Roman que nous nous trouvons ici dans l’enceinte de la représentation nationale et qu’à ce titre, nous avons tous un devoir d’exemplarité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le signe que vous venez de faire, monsieur Roman, est inacceptable, il insulte notre collègue. Il est essentiel que vous présentiez vos excuses. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Roman. J’ai sans doute fait un signe que j’aurais pu éviter de faire (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP) si je n’avais pas réagi avec les tripes à la manière dont notre collègue a introduit son intervention. Lorsqu’on se présente comme un citoyen ou un homme normal dans un débat tel que celui-ci, cela signifie-t-il qu’il y en a un certain nombre qui sont anormaux ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP : « Et le président normal ? ») Si c’est le cas, vous savez que nous sommes suivis attentivement par des dizaines de milliers de familles qui attendent beaucoup de la République aujourd’hui : tout simplement des droits ! Ils attendent l’égalité par rapport à tous les autres ! Ils attendent qu’on les reconnaisse,…

    M. Hervé Mariton. On n’a pas leçons à recevoir de vous ! Excusez-vous !

    M. Bernard Roman. …et leurs enfants espèrent pouvoir bientôt dire à l’école : « Oui, j’ai deux parents comme mes copains. » Mais vous, vous sous-entendez qu’ils pourraient ne pas être normaux, c’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je fais ce rappel au règlement parce que je suis choqué de l’attitude M. Roman et de vos réactions, chers collègues du groupe SRC. Vous qui avez soutenu un candidat dont l’essentiel, pour ne pas dire le seul, élément probant de sa campagne a été de se présenter en permanence comme le président normal, voulant ainsi établir un contraste avec Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), vous pourriez vous en souvenir, et plus encore vous, monsieur Roman, dans les responsabilités qui sont les vôtres … au lieu de vous précipiter pour faire un tweet de plus.

    Un député du groupe UMP. Comme d’habitude !

    M. Christian Jacob. Cessez ces provocations : vous êtes questeur, vous avez des responsabilités. Vous rendez-vous compte des provocations que vous en train de faire en permanence ?

    Monsieur le président de l’Assemblée, je rejoins la remarque de notre collègue Bernard Accoyer tout à l’heure : il est une heure du matin et je ne pense pas qu’il soit utile de siéger encore pendant une heure. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) L’attitude de M. Roman et de plusieurs de ses collègues montrent qu’ils perdent leurs nerfs, peut-être par fatigue ou aussi par manque d’arguments, il serait de bon ton de lever la séance et de reprendre sérieusement nos travaux demain matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Assaf et M. Nicolas Bays. Non, on siégera !

    M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre cinq minutes, puis nous poursuivrons nos travaux, comme je l’ai indiqué, jusqu’à deux heures du matin, avant de reprendre à dix heures du matin, puis l’après-midi et le soir.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à une heure cinq, est reprise à une heure dix.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est de nouveau à M. Alain Leboeuf.

    M. Alain Leboeuf. Je suis un député classique si cela vous convient mieux, mon cher collègue, c’est-à-dire un député normal, et, comme nombre d’autres Français, je fais partie de ceux qui sont inquiets aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai souhaité déposer cet amendement. La majorité a désormais voté un mariage des homosexuels identique à tous les autres. Nous aurons donc des mariés comme tous autres, et qui auront vocation à prétendre aux mêmes droits.

    M. Olivier Faure. Exactement !

    M. Alain Leboeuf. À partir de ce moment-là, comment les forces progressistes que vous êtes…

    M. Yann Galut. Merci de le reconnaître !

    M. Alain Leboeuf. …pourront-elles refuser que des couples de femmes mariés en France aillent profiter de la PMA à l’étranger ? Nous, nous sommes très inquiets d’une telle évolution possible et c’est pourquoi je souhaite le vote de mon amendement pour que l’affaire de la PMA et de la GPA soit définitivement classée en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. J’en reviens à l’incident de séance. Il semble que le geste de M. Roman était beaucoup plus déplacé que je ne l’imaginais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Par conséquent, je vous informe, monsieur le président, que je vais vous écrire pour que vous-même et le bureau visionniez les bandes et qu’une sanction soit, le cas échant, prise à son encontre. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Cochet et Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

    M. le président. Nous examinerons cela, monsieur le président Jacob.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5113.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je propose, mes chers collègues, que nous essayons de reprendre le cours de nos débats. Cet amendement est, comme les précédents, motivés par l’inquiétude devant la PMA. Plusieurs raisons l’expliquent : tout d’abord, l’accès au mariage et à l’adoption ouvre, non pas juridiquement mais légitimement, la possibilité du recours à la PMA, et c’est clairement annoncé dans l’engagement n° 31 du futur Président de la République : « Ouvrir à tous les couples, de même sexe ou de sexe différent, l’assistance médicale à la procréation par insémination avec don anonyme. ».

    Les motifs d’inquiétude par rapport à la PMA sont donc fondés eu égard aux conséquences du texte dont nous discutons et à l’engagement pris par le Président de la République. Or je rappelle que la PMA, vraiment une de nos préoccupations fondamentales, conduirait à un changement radical de société en ce sens qu’elle prive les enfants de l’accès à leurs origines et qu’elle introduit un artifice fondamental dans la structuration et l’organisation de notre société et de la famille.

    Deux éléments pour finir.

    L’un est lié aux travaux du professeur Friedman, l’inventeur de la PMA : il a mis récemment en garde, dans les colonnes du Monde, sur l’extension de la PMA aux couples homosexuels en disant qu’on détournait ainsi complètement l’acte médical et l’objectif de la PMA qu’il a inventée.

    Je suis convaincu que c’est le meilleur rempart que d’introduire une telle réserve à la fois sur la PMA et sur la GPA puisque, au nom d’un principe d’égalité, la GPA deviendrait de fait complètement intégrée dans l’évolution du dispositif. Nos amendements rendraient inconstitutionnelles le recours à la PMA… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 5321.

    M. Pierre Lequiller. Puisque l’on a droit à des vociférations et des protestations lorsque l’on intervient, alors je vais simplement lire – et je pense que je pourrai le faire dans le silence – ce que Mme Agacinski (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) a écrit aujourd’hui dans Le Monde…

    M. Jérôme Guedj. Elle représente quelle circonscription ?

    Mme Audrey Linkenheld. Et Mme Michu qu’a-t-elle dit ?

    M. Pierre Lequiller. « Il est inquiétant et incohérent que Dominique Bertinotti, la ministre déléguée chargée de la famille, s’obstine à annoncer qu’on continuera à examiner la question des mères porteuses ou que la ministre de la justice, dans une circulaire pour le moins inopportune, accorde un certificat de nationalité aux enfants nés de mères porteuses », écrit-elle. Ce n’est pas Christian Jacob qui le dit, ce n’est pas la classe maternelle.

    M. François Rochebloine. Ce n’est pas Mme Michu !

    M. Pierre Lequiller. Mme Agacinski ajoute : « On ne pourrait comprendre que, par des voies détournées, on donne finalement raison à ceux qui contournent délibérément la législation en vigueur. » Moi, je ne dis pas « qui contournent » mais « qui violent » la législation en vigueur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’êtes-vous pas d’accord avec moi pour dire que la GPA est quelque chose de monstrueux, d’ignominieux, d’inacceptable ?

    Mme Marie-Anne Chapdelaine et Mme Sophie Dessus. Vous mélangez tout !

    M. Pierre Lequiller. On donne finalement raison à ceux qui violent la législation en vigueur. Dans cette affaire, nous devons donc être extrêmement fermes à la fois sur la PMA et sur la GPA. Nous avons des raisons de nous inquiéter du lien que vous faites et qui a été fait par le groupe socialiste qui voulait associer un amendement sur la PMA au texte d’aujourd’hui avant d’y renoncer parce que le groupe était divisé, mais il reste que…

    M. le président. Merci. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements parce qu’ils sont satisfaits par le code civil et le code pénal, notamment concernant la GPA. La PMA n’étant pas possible pour deux femmes, inutile de prévoir son interdiction, mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard dans le débat.

    L’article 16-7 du code civil rend nulle toute convention qui aurait pour objet la gestation pour autrui et Mme la garde des sceaux a rappelé que l’article 16-9 rajoutait à cette disposition une valeur d’ordre public.

    Vous ne faites que fermer une porte déjà close avec cet amendement qui est dès lors inutile.

    Comment pourrez-vous résister à l’ouverture de la GPA pour les couples d’hommes ? demandez-vous, monsieur Ollier, suggérant qu’il y aurait une inégalité par rapport aux couples de femmes. Je l’ai dit souvent en commission et je le répète parce que le message est peut-être mal passé : il n’y a pas de discrimination entre les couples d’hommes et les couples de femmes, seulement une différence évidente, physique.

    En revanche, entre deux couples hétérosexuels, il n’y a pas de différence. Il pourrait y avoir discrimination face au recours à la PMA pour satisfaire un désir d’enfant. Puisque vous êtes député depuis 1988, vous avez participé aux discussions sur les lois de bioéthique, monsieur Ollier. En 1994, la loi de bioéthique a instauré l’autorisation de la PMA et l’interdiction de la GPA. Ces dispositions ont été réaffirmées en 2004 puis en 2011. À chaque fois, vous avez résisté à une pression, celle des couples hétérosexuels qui avaient besoin de la GPA, alors que, dans le même temps, vous accordiez la PMA aux couples hétérosexuels qui pouvaient en bénéficier.

    Vous avez résisté sans aucun problème alors qu’il y a objectivement deux situations tout à fait identiques : deux couples hétérosexuels. La situation que vous nous renvoyez – discrimination entre les couples d’hommes et les couples de femmes – ne tient pas debout.

    Évidemment, la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, à la fin d’un rappel au règlement, vous me reprochez d’avoir accusé l’opposition d’employer des méthodes de maternelle.

    Le Journal officiel fera foi. Alors que je tentais depuis plusieurs minutes de répondre à l’une de ses questions, le président Jacob a utilisé une pratique qu’il est seul à employer : l’interruption systématique toutes les quatre secondes. En général, vous écoutez les réponses aux questions que vous posez, même s’il vous arrive de protester ou de faire un geste. Au bout de plusieurs minutes, le président de l’Assemblée lui a demandé d’écouter la réponse. Je lui ai moi-même demandé d’écouter la réponse puisqu’il nous reproche sans arrêt de ne pas répondre. Le président Jacob a continué à m’interrompre toutes les quatre secondes.

    Au terme de cet échange, j’ai dit : on sait comment on nomme ce genre de comportement à la maternelle. Ne prenez pas des airs offusqués pour prétendre que j’ai accusé l’ensemble de l’opposition d’employer des méthodes de maternelle. C’est sous les yeux de tout le monde, ici dans l’hémicycle et au-delà, que M. Jacob interrompt toutes les quatre secondes et qu’il empêche de répondre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Au bout d’un moment, j’ai dit : on sait comment on nomme ce type de comportement à la maternelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Cela ressemble à une réponse en classe de maternelle !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant à cette circulaire que vous aviez lâchée quelques heures et sur laquelle vous revenez…

    M. Philippe Cochet. C’est confus !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout le silence est confus pour vous, vous avez remarqué ?

    M. Hervé Mariton. Ça n’a pas démarré !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur Mariton. Parce que, après l’avoir expliqué treize fois, je me demande en quelle langue reprendre. Je répète donc que la circulaire demande que pour onze enfants en 2012, comme votre Gouvernement l’a fait pour quarante-quatre enfants entre 2008 et 2011, il faut non pas transcrire dans l’état civil mais délivrer le certificat puisque la nationalité française est établie.

    M. Marc Le Fur. Le certificat, ils l’ont par leur père !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La circulaire aurait pu demander une transcription dans le registre d’état civil. Dans ce cas, vous auriez été fondés à dire – indépendamment du fait qu’il s’agit d’une douzaine d’enfants qui risquent de devenir apatrides – que je donne un signe pour la GPA. Or la circulaire ne demande pas la transcription dans l’état civil mais de délivrer le certificat puisque la nationalité est établie.

    M. Pierre Lequiller. C’est un encouragement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’encouragement, je vais vous dire d’où il vient.

    Lors d’une séance à l’Assemblée nationale le 10 février 2011, M. Xavier Bertrand s’est exprimé sur la GPA à partir du même genre de situation, c’est-à-dire des consulats ayant signalé d’éventuels cas. M. Bertrand dit : « La validité des actes d’état civil étrangers et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L’acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n’imposant qu’il ait été transcrit sur les registres du service central de l’état civil, que ce soit pour l’inscription à l’école, l’accès de ces enfants, etc. » On en est exactement au même point.

    M. Hervé Mariton. On avait tort !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. On avait tort mais maintenant on a raison !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pourquoi tous les journaux en parlent-ils, madame la députée Genevard ? Parce que vous avez réussi un super coup de communication en répandant la confusion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je dois dire qu’un journal régional, dès le lendemain du jour où l’opposition s’est emparée du sujet et a fait croire que la circulaire octroyait la nationalité – faux juridiquement – et encourageait la GPA – faux absolument –, a publié un article qui ne reprenait pas ces affirmations. Ce journal a écrit que la circulaire ne change pas la loi, qu’elle se contente de dire qu’il faut délivrer le certificat de nationalité à des enfants qui sont français, etc.

    M. Philippe Meunier. De quel journal s’agit-il ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais une autre presse s’est emparée du sujet autrement. Quant à Mme Agacinski, elle a le droit de faire les analyses qu’elle veut. C’est une éminente philosophe mais il est certain que sur les questions de droit, il lui faut probablement procéder à quelques vérifications puisque, comme vous, elle prétend que la circulaire octroie la nationalité.

    M. Hervé Mariton. Elle la facilite !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Le Fur, vous nous parlez d’un cas pendant à la cour d’appel de Rennes et, à partir de là, vous nous invitez à endiguer l’afflux massif – pour reprendre vos termes – de GPA.

    Tout le monde appréciera qu’un cas en instance, c’est un afflux massif qu’il faut endiguer. Vous parlez d’une affaire pendante qui n’est pas jugée. Je vais vous rappeler trois arrêts clairs de la Cour de cassation, du 6 avril 2011, qui indiquent bien qu’en cas de suspicion de GPA, il n’y pas de transcription dans l’état civil. Cependant, les droits de l’enfant qui a la nationalité française sont reconnus en droit français.

    M. Christophe Bouillon. Exactement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout cela est le fondement même de la circulaire. Mais je ne rêve pas que vous cessiez d’instrumentaliser cette circulaire, je vous fais totalement confiance sur ce point. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

    M. Christian Jacob. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il est fondé sur l’article 58, alinéa 1. Ce n’est pas la première fois, madame la ministre, que vous confondez les rôles – votre rôle de représentante de l’exécutif et notre rôle de législateur – notamment en ce qui concerne l’ordonnancement de la séance.

    L’ordonnancement et la police de la séance relèvent d’une seule personne : le président. Vous n’avez en aucun cas à intervenir en ces matières, en aucun cas à porter des jugements de valeur sur les parlementaires (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous êtes là – et je vous l’ai dit à plusieurs reprises – à notre disposition pour répondre à nos questions et pas pour porter des jugements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la réalité du règlement.

    En ce qui concerne Mme Agacinski, je me doute que vous avez un petit passif avec la famille Jospin depuis 2002, mais laissons cela de côté. (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. Lamentable !

    M. Christian Jacob. C’est une réalité électorale.

    Pour le reste, il faut bien établir la filiation pour délivrer les certificats de nationalité. Quand on établit la filiation, on sait comment l’enfant a été conçu et c’est ainsi que l’on reconnaît les enfants conçus par GPA. À partir de là, votre circulaire reconnaît de fait la GPA faite à l’étranger. Vous avez bien ouvert une brèche qui présente certains risques. C’est pourquoi nous avons défendu nos amendements visant à interdire formellement la GPA en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1545 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Mesdames les ministres, je trouve que cela commence à bien faire : on nous dit qu’il n’y a pas de sujet alors qu’il y en a un, de sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous invite à aller sur le site co-parents. fr, et vous verrez de véritables annonces de demandes de GPA. Tout cela est public, tout cela n’est pas sanctionné, tout cela ne donne même pas lieu à des investigations.

    Cela commence à bien faire, parce que trois ministres de notre Gouvernement réclament explicitement la mise en place de la GPA. Tout cela commence à bien faire, parce que Terra Nova, dont on sait que c’est le laboratoire qui vous inspire, où sont vos intellectuels, prône la GPA. Tout cela commence à bien faire, parce que le sénateur Michel, qui est rapporteur du texte au Sénat, dit que la GPA, ce n’est pas si mal, que l’on peut imaginer sinon une rémunération, du moins une indemnisation. Après tout, la publicité, c’est la vente du corps des femmes, ajoute-t-il. Voilà plusieurs éléments inquiétants.

    Ce qui commence à bien faire également, c’est de voir M. Bergé qui est votre inspirateur et – certains le disent – votre financier, prôner la gestation pour autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela commence à bien faire aussi d’entendre cette grande dame qu’est Mme Agacinski comparée à Mme Michu sur les bancs de la gauche.

    M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Dans le calme et la sérénité retrouvés en ce qui me concerne, je veux, en toute clarté, dire quelle est la position du groupe socialiste sur cette question.

    M. Hervé Mariton. Et présenter des excuses ?

    M. Bernard Roman. Je les ai présentées, monsieur Mariton. J’ai dit que je n’aurais pas dû faire ce geste qui n’était, contrairement à ce que je lis sur les tweets, ni un bras d’honneur, ni un doigt d’honneur. C’était entre les deux, si vous voyez ce que je veux dire (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. François de Mazières. Bravo pour la subtilité !

    M. le président. Je prends acte des excuses de M. Roman.

    M. Bernard Roman. Pouvez-vous décompter ce temps d’excuse de mon temps de parole, monsieur le président ?

    M. le président. Vous allez faire court.

    M. Bernard Roman. Très brièvement. Je veux rappeler d’abord que nous examinons un texte qui ne traite ni de la gestation pour autrui, ni de la procréation médicalement assistée. C’est l’opposition qui introduit ce débat par le biais d’amendements dans un texte qui n’en traite pas. Ensuite, nous pouvons nous lancer des noms d’auteurs qui défendent les positions les plus diverses. Je ne pense que la position de M. Milon et de vingt autres sénateurs UMP soit partagée sur les bancs de l’opposition. Je ne vous l’attribue donc pas. De la même manière, je vous demande de penser que ni Mme Agacinski ni M. Bergé ne sont les maîtres à penser du groupe socialiste de l’Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous nous interrogez clairement sur notre position sur la gestation pour autrui et sur la procréation médicalement assistée.

    M. Gérald Darmanin. Il y a déjà la circulaire.

    M. Bernard Roman. Nous aurons à revenir au moins sur l’une de ces questions. Sur la gestation pour autrui, on nous lit de nombreux documents. J’ai appris à vingt heures en écoutant les informations à la télévision que dans une lettre qui n’a pas été lue ici mais qui a été adressée à M. Jacob par le Président de la République, celui-ci lui confirme – je suppose, face à la reprise permanente de cet argument – qu’il est résolument opposé à l’introduction de la gestation pour autrui dans la loi. J’aurais aimé que cette information ne nous vienne pas par un journal télévisé. Comme je l’ai entendu, je m’autorise à la donner ici.

    M. Céleste Lett. Si c’est comme au congrès des maires…

    M. Bernard Roman. De ce point de vue, la position du parti socialiste et du groupe socialiste est connue puisque nous l’avons exprimée, notamment il y a moins de deux ans maintenant, à l’occasion de la révision des lois de bioéthique. Nous avons pris position de manière unanime contre la gestation pour autrui. Tant le Premier ministre que le Président de la République ont réitéré leur opposition à la gestation pour autrui. Reprendre en permanence cet argument est un non sens au regard de l’enjeu du texte sur le mariage.

    M. Philippe Meunier. LGBT va vous appeler et vous allez changer de position.

    M. Bernard Roman. Enfin, sur la procréation médicalement assistée, notre position est tout aussi claire. Le groupe socialiste et le parti socialiste, les socialistes ont déposé, lors de la révision des lois de bioéthique, des amendements, avec comme premier signataire le président de la commission spéciale, M. Alain Claeys, visant à ouvrir la procréation médicalement assistée à tous les couples. Notre position n’a pas varié. Nous pensons que ce n’est dans ce texte que nous devons le faire ; il y a un débat à organiser ; il faut prendre l’avis du comité consultatif national d’éthique. Nous reprendrons cette question dans le cadre de la loi famille d’une manière posée, argumentée, avec les études d’impact. Nous l’élargirons à l’organisation de la procréation médicalement assistée en France aujourd’hui. Je vous rappelle que des dizaines de milliers d’enfants nés de procréation médicalement assistée chaque année sont attentifs à ce que nous disons.

    Notre position est claire : non à la gestation pour autrui, oui à la procréation médicalement assistée dans des conditions que nous déterminerons dans un prochain texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Dans le cadre du bon ordonnancement de nos travaux, je réponds à M. Roman qui me dit avoir été informé de la lettre que m’a envoyée le Président de la République par le journal télévisé. Monsieur Roman, vous auriez dû être présent en séance, je l’ai lue. J’en ai donné lecture car j’étais conscient des difficultés de communication entre le Président de la République et sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.).Vous auriez dû être attentif ou lire le Journal officiel, vous auriez eu un compte rendu précis. Vous auriez simplement assisté à nos travaux, vous auriez connaissance de cette lettre.

    M. Bernard Roman. Pas à moi !

    M. Christian Jacob. Je suis toujours attentif à vous répercuter les informations que nous donne le Président de la République et je le serai toujours.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1545,1654, 1780, 1856, 2595, 2914, 3248, 3375, 3418, 3440, 4077, 4544, 4803, 5113 et 5321.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 245

    Nombre de suffrages exprimés 245

    Majorité absolue 123

    Pour l’adoption 73

    contre 172

    (Les amendements nos 1545, 1654, 1780, 1856, 2595, 2914, 3248, 3375, 3418, 3440, 4077, 4544, 4803, 5113 et 5321 ne sont pas adoptés)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. J’ai eu l’honneur lors d’un précédent mandat de participer à la commission spéciale sur la bioéthique, créée à l’initiative du président Accoyer et qui était tout à fait intéressante et pertinente. Nous avions deux responsables socialistes très engagés dans cette commission, MM. Claeys et Bapt. Autant nous étions en désaccord sur la procréation médicalement assistée, autant sur la gestation pour autrui, je suis parfaitement en confiance, je suis convaincu qu’ils partagent notre analyse. Comment se fait-il qu’on ne les entende pas dans ce débat ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Comment se fait-il qu’ils ne parlent pas ? Comment se fait-il qu’ils ne s’associent pas à vos propos ? J’ai le sentiment qu’ils sont mal à l’aise.

    M. le président. Pour avoir présidé vos travaux, je peux témoigner que M. Claeys était présent tout à l’heure et qu’il a pris la parole sur cette question notamment.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2147.

    M. Sergio Coronado. Je veux d’abord féliciter la garde des sceaux – cela fera peut-être hurler nos collègues de l’opposition mais nous commençons après de longues heures à en prendre l’habitude. Nous avions évoqué en commission ce que nous appelons les enfants de la République, les enfants nés d’un contrat de gestation pour autrui à l’étranger. Je vous avais interrogée sur vos intentions pour vous attaquer aux difficultés que ces enfants rencontrent alors qu’ils ne peuvent pas être tenus pour responsables d’un choix fait par leurs parents. Je me suis réjoui, comme l’ensemble de mon groupe, de voir que la circulaire permettait, non pas de délivrer la nationalité française, mais de constater une situation et de ne pas s’opposer à la délivrance d’un certificat de nationalité. Il s’agit en effet d’enfants nés d’un père français.

    Cela dit – vous le savez, madame la ministre, parce que nous avions eu en commission des lois un débat très argumenté et solide, avec des membres de l’opposition d’ailleurs – cela ne règle pas l’ensemble des problèmes que nous avions évoqués. Sur la question de la transcription de l’état civil sur les registres français, il reste un flou voire des contradictions dans les décisions de justice. Je vous rappelle qu’en octobre 2007, la cour d’appel de Paris a validé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance américains de jumelles nées en Californie. La Cour de cassation a refusé cette transcription en 2011. Dans la dernière décision en date, en février 2012, la cour d’appel de Rennes estime qu’il n’y a pas à s’opposer à la transcription de l’état civil de ces enfants-là.

    M. Marc Le Fur. Voilà ! Cela se confirme.

    M. Sergio Coronado. Leur état civil n’est pas frauduleux car il a été établi dans des termes légaux conformément la législation des pays où le contrat de gestation pour autrui a été conclu. Je voudrais savoir – c’est le sens de cet amendement qui ne vise pas à ouvrir la gestation pour autrui – ce que compte faire le Gouvernement, après avoir pris la circulaire sur la délivrance de certificat de nationalité, sur la transcription de l’état civil dans les registres français. Cela me paraît une question extrêmement importante, nous l’avions évoquée en commission. J’espère que vous m’apporterez une réponse claire.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission n’a pas donné un avis favorable à cet amendement car elle n’a pas souhaité revenir sur l’impossibilité, pour les enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger, de retranscription de leur état civil étranger en France.

    Un député du groupe UMP. Un sursaut de bon sens !

    M. Christian Jacob. Un éclair de lucidité !

    M. Charles de La Verpillière. Merci les écolos !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez parlé de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes. Il faut néanmoins préciser que la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 avril 2011, a très clairement rappelé dans des termes que je vais citer qu’il est « contraire au principe de l’état d’indisponibilité des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet au regard de la filiation à une convention portant sur la gestation pour autrui qui, fut-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public ». Je veux préciser – nous avons eu cette discussion en commission – que, dans leur intérêt, les enfants nés de gestation pour autrui ont un état civil. Certes, il s’agit d’un état civil étranger mais il a une valeur probante dans notre pays. Il ne pénalise pas les enfants dans leur vie quotidienne. Sur la nationalité, la garde des sceaux l’a dit, la circulaire du 25 janvier répond à ce souci. Néanmoins, votre amendement, monsieur Coronado, tombe à pic après les discussions que nous avons eues. Derrière les termes de gestation pour autrui, quoi qu’on en pense, il y a des enfants. On peut tout imaginer, on peut imaginer de détruire, de supprimer leur acte d’état civil, de leur refuser la nationalité française, cela concerne tout de même des enfants ! Il faudra regarder leur situation au regard de leur intérêt supérieur. Avis défavorable.

    M. Pierre Lequiller. Il faut surtout pénaliser les parents !

    M. le président. Sur les amendements nos 2147 et 2757, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2147 ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme vient de le rappeler le rapporteur, nous avons eu cette discussion au sein de la commission des lois le 16 janvier. Je me souviens de l’ambiance de travail de cette réunion…

    M. Philippe Gosselin. Comme toujours à la commission des lois.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’expérience, j’en suis tout à fait convaincue. C’est pour cela que je suis surprise du tollé des membres de l’opposition ayant siégé et participé aux travaux puisque la discussion portait sur l’amendement présenté par Sergio Coronado. J’avais apporté une réponse très détaillée en rappelant, d’une part, le principe intangible de l’indisponibilité du corps qui ne peut souffrir, selon moi, la moindre éraflure. C’est la première réponse que j’ai donnée. La deuxième a été de dire que ces enfants existent néanmoins. J’ai précisé alors, qu’indépendamment de la formule des fantômes de la République, ces enfants ont un état civil.

    M. Hervé Mariton. Et un passeport.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non justement, c’est là la difficulté. Je rappelais que cet état civil est producteur de droits : ces enfants peuvent être inscrits à l’école par leurs parents ; l’autorité parentale est reconnue ; ces enfants sont de nationalité française ; ils bénéficient de toutes les dispositions liées à la filiation, notamment les droits successoraux ; ils ont droit au certificat de nationalité française.

    M. Pierre Lequiller. Alors que leurs parents ont violé la loi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je précisais que j’avais effectivement été alertée.

    En tout cas, nous avions constaté, en étudiant ce dossier, qu’il n’y avait pas de problème d’inscription à l’école, qu’il n’y avait pas de problème non plus pour les autres droits. Des difficultés ont, en revanche, été constatées, de façon inégale sur le territoire, en matière d’attribution des certificats de nationalité française.

    J’ai donc déclaré le 16 janvier dernier que j’avais demandé que l’on prépare une circulaire. Je vous l’ai montrée physiquement, et j’ai dit qu’elle serait publiée de façon imminente. Quand le Gouvernement annonce quelque chose et le fait, cela provoque un tollé qui dure quatre jours, une semaine même !

    Nous en sommes là.

    J’ai ajouté, monsieur le député, que ce certificat de nationalité française pouvait faciliter l’acquisition d’un passeport mais que les difficultés se rencontraient, d’une part, au quotidien et, d’autre part, lorsqu’il s’agit de transcrire, un jour ou l’autre, l’état civil de ces enfants dans le registre français d’état civil.

    La circulaire a pour objet de permettre à ces enfants d’avoir ce certificat de nationalité. Cela ne supprime pas les difficultés rencontrées au quotidien lorsqu’un document d’état civil récent est demandé, ce qui arrive souvent. Toute personne inscrite au registre d’état civil français, à qui l’on demande un document d’état civil récent, l’obtient rapidement ; pour ces enfants, il faut s’adresser à nouveau au consulat. Il y a là une vraie difficulté pratique, dans la vie quotidienne, qui ne sera pas levée, parce que, contrairement à ce que propage l’opposition depuis une semaine, je ne vais pas donner la consigne de transcrire dans le registre d’état civil français l’état civil de ces enfants, qui, je le rappelle, sont néanmoins français.

    Ce que je vous ai dit, qui est inscrit au procès-verbal des travaux de la commission, et qui figure sur la vidéo consultable, c’est que je veux faire étudier les conditions dans lesquelles la transcription pourrait intervenir un jour ou l’autre, peut-être à partir de l’âge de seize ans, peut-être à la majorité. Il s’agirait en tout cas de faire en sorte que ces enfants, qui sont français, apparaissent bien, à un moment ou un autre, sur le registre d’état civil français.

    Pour ces raisons, je vous propose, monsieur le député, de retirer votre amendement.

    M. le président. Monsieur Coronado, je vous donne la parole tout de suite s’il s’agit de retirer l’amendement. Si ce n’est pas le cas, je dois la donner à ceux qui me l’ont demandée.

    M. Sergio Coronado. Si je vous demande la parole, c’est peut-être, effectivement, pour annoncer le retrait de l’amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. « Peut-être » !

    M. Sergio Coronado. On a parlé de la PMA, on a parlé de la GPA, il nous reste un peu de temps, on pourrait parler de téléportation, chers collègues, si vous le voulez. Cela me paraît un thème intéressant, à deux heures du matin, même si j’ai l’impression que nous y avons déjà droit depuis quelques heures, puisque l’on aborde des thèmes qui étaient très vivaces il y a plusieurs siècles. Nous pourrons avoir un débat très intéressant sur ces questions-là, mais laissez-moi m’exprimer, et répondre au rapporteur.

    Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, les arrêts de la Cour de cassation, mais il y a aussi ceux de la Cour d’appel de Rennes. Il est intéressant de prendre connaissance de son argumentation : « Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil, sans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. » Comme vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, vous n’avez pas, par votre circulaire, octroyé la nationalité française, vous avez simplement pris acte de la nationalité d’un enfant né d’un père français.

    En l’occurrence, il ne s’agit pas non plus d’établir un état civil. L’état civil existe, il a été établi dans le pays, conformément, d’ailleurs, aux exigences de l’article 47 du code civil. Vous pouvez donc souffrir que je voie une petite contradiction dans le fait que vous prenez cette circulaire sur la délivrance des certificats de nationalité sans faire le pas de la transcription, d’autant que vous n’attaquez pas, que la France n’a jamais attaqué l’état civil établi à l’étranger, dès lors qu’il respecte les prescriptions de l’article 47, et ce même lorsqu’il s’agit d’un contrat de gestation pour autrui.

    Nous retirons donc l’amendement n° 2147, mais nous reviendrons sur cette question, sans doute, dans le débat parlementaire. Si le Gouvernement aborde ces questions dans la discussion de la loi sur la famille, nous serons également présents, et très vigilants. Nous souhaitons pouvoir avancer sur cette question. Je retiens les mots que vous m’avez dits l’autre jour : « On avance, on avance. » Je tiens donc compte des petits pas que nous faisons.

    (L’amendement n° 2147 est retiré.)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 2757.

    Mme Véronique Massonneau. Il s’agit de la possession d’état.

    La possession d’état permet de reconnaître la filiation dès lors que la personne a été traitée par celui ou ceux dont elle est issue comme son enfant et qu’elle-même l’a traité ou les a traités comme son parent ou ses parents. Cette possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. On l’appelle souvent la paix des familles.

    Il s’agit, par cet amendement, de s’assurer que la possession d’état soit bien reconnue pour les parents homosexuels ayant eu un enfant à la suite d’un projet parental commun, afin que l’enfant puisse voir les droits de ses deux parents reconnus. Elle s’établirait quand l’enfant n’aurait pas de double filiation.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons parlé de cette possibilité, lors des auditions et lors des réunions de la commission, comme d’une possible solution réglant les difficultés des couples de personnes de même sexe ayant des enfants et séparés avant la publication de la loi dont nous débattons. Mais la possession d’état ne peut être une solution.

    Elle est satisfaisante dans la mesure où elle crée un lien de filiation. Moi-même, j’ai commencé – M. Coronado en est témoin – à travailler sur cette piste avec ceux et celles qui ont été présents assez régulièrement lors des auditions, mais établir une filiation via la possession d’état est extrêmement long. Dans le cadre d’un couple en conflit, ce qui peut arriver, surtout dans le cas d’un couple séparé, on peut imaginer que la possession d’état ne serait établie, dans le meilleur des cas, qu’après de nombreuses années de procédure. En outre, la possession d’état crée le lien de filiation mais ne donne pas de droit ni d’autorité parentale ni de droit de visite au parent social ou intentionnel.

    Je vous proposerai donc, dans les prochaines heures de la discussion de ce projet de loi, un dispositif plus intéressant, qui ne créera pas de lien de filiation mais qui pourra, en revanche, permettre au juge de donner au tiers une autorité parentale et, en tout cas, des droits, dans l’intérêt de l’enfant, évidemment.

    C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la députée, nous savons à quel point le problème que vous-même et les autres signataires de l’amendement soulevez est important et difficile, puisque nous avons passé plusieurs jours à chercher comment le régler de la façon la plus efficace. L’hypothèse de recourir à la possession d’état pour faire établir la filiation a été envisagée, puisque tel est le rôle de la possession d’état dans notre droit. Je rappelle que la possession d’état établit la filiation essentiellement par la voie de la réputation.

    Le Gouvernement a choisi d’en rester, avec ce projet de loi, à la filiation adoptive. Par conséquent, la possession d’état ne peut pas régler le problème qui vous préoccupe, notamment la situation de ces familles où il y a séparation et où des difficultés surviennent entre les parents en matière de garde des enfants, de relations, d’autorité parentale. Il a été convenu avec le rapporteur et la commission que nous continuions à travailler de façon à trouver la solution de droit la plus efficace pour répondre à cette situation réelle sans introduire de la confusion puisque, je le répète, ce texte ne retient que la filiation adoptive pour les couples de même sexe, alors que la possession d’état est un mode d’établissement de la filiation.

    Pour cette raison, le Gouvernement vous propose de retirer votre amendement. Vous savez que son engagement à trouver une rédaction satisfaisante est sérieux et que des séances de travail ont déjà eu lieu.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

    Mme Véronique Massonneau. Nous retirons l’amendement.

    (L’amendement n° 2757 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il y a vingt-quatre heures, je suggérais, monsieur le président, que nous prolongions nos travaux. Je vous propose cette fois de suspendre nos travaux, puisque les amendements dont l’examen suit sont assez cohérents entre eux. Nous pourrions d’ailleurs, si vous l’acceptiez, commencer demain matin par l’amendement n° 5039 de Mme Narassiguin, objet d’un sous-amendement de Mme Schmid, amendement sur lequel la commission avait demandé la réserve.

    M. le président. Je pense plus sage de garder tous les amendements qui suivent, cohérents, pour la prochaine séance. Cela permettra aux uns et aux autres de repenser aux gestes et aux paroles.

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, dimanche 3 février à dix heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le dimanche 3 février 2013, à une heure cinquante-cinq.)

  • 1ère séance du dimanche 3 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Rappel au règlement

    M. le président. J’espère, mes chers collègues, que la nuit a été réparatrice. Elle semble en tout cas l’avoir été pour M. Le Fur, qui souhaite déjà faire un rappel au règlement – un vrai, je n’en doute pas. (Sourires.)

    Vous avez la parole, monsieur Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, ce vrai rappel au règlement a deux objets. En effet, je voudrais, d’une part, vous exprimer de manière très républicaine mes respects du matin et, d’autre part, m’interroger sur les conséquences financières du prolongement de nos travaux le soir, le samedi et le dimanche. Nous avons la chance de compter parmi nous le premier questeur, qui pourra très clairement nous dire ce qu’il en est. Je vous rappelle que nous avons tout notre temps, le vote étant prévu le 12 février et pouvant être reporté ; je sais que le mois de février est un peu court, néanmoins on peut l’utiliser complètement.

    Je souhaiterais donc, en tout état de cause, que nous disposions d’une manière précise et concrète d’une information sur les conséquences financières pour l’Assemblée nationale, et en dernier ressort pour le contribuable, du prolongement de nos travaux tard dans la nuit ainsi que le samedi et le dimanche.

    Pardonnez-moi pour ce véritable rappel au règlement !

    Mme Marie-George Buffet. C’est ça, le travail du dimanche !

    M. Olivier Dussopt. Vous avez voté pour le travail du dimanche !

    M. le président. Monsieur Le Fur, pour que les choses soient bien claires, et comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire en Conférence des présidents et devant le Bureau, l’Assemblée nationale ne demandera pas un euro supplémentaire pour son fonctionnement au budget de l’État dans les cinq prochaines années.

    À nous, ensuite, de bien veiller à la répartition de ces crédits ; mais croyez bien que votre effort dominical n’aura pas de conséquence sur le budget de l’Assemblée.

    Discussion des articles (suite)

    Après l’article 1er (suite)
    (Amendement précédemment réservé)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour soutenir l’amendement n° 5039, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5369 rectifié.

    Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, j’ai déposé cet amendement au nom de tous les députés socialistes représentant les Français de l’étranger, avec bien sûr le soutien du groupe SRC.

    L’objectif, nous en avons déjà parlé auparavant, est de permettre à tous les Français d’avoir accès à ce droit fondamental qu’est le droit de se marier, quel que soit l’endroit où ils vivent – et donc également à l’étranger.

    Je tiens à saluer le fait que cette préoccupation dépasse les clivages politiques, puisque des amendements ayant le même objet avaient été déposés par Sergio Coronado et Claudine Schmid. Cette dernière a d’ailleurs déposé un sous-amendement au présent amendement.

    Il s’agit de permettre aux Français vivant à l’étranger dans des pays où le mariage entre homosexuels n’est pas autorisé et où les consulats ne peuvent pas célébrer ces mariages, et qui n’ont donc aucune possibilité de se marier là où ils habitent, de venir en France pour se marier dans une commune de rattachement, qui pourrait être leur dernière commune de résidence ou, à défaut, pour ceux n’ayant jamais vécu en France, une commune de leur choix.

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir le sous-amendement n° 5369 rectifié.

    Mme Claudine Schmid. Ce sous-amendement, dans le même esprit que l’amendement que j’avais précédemment déposé, vise à élargir le champ de l’amendement n° 5039, car l’expression : « dernière résidence de l’un d’eux » est très restrictive. Cette dernière résidence peut en effet être celle des parents. Par ailleurs, beaucoup de Français de l’étranger n’ont jamais vécu en France.

    Je propose donc que soit prise en compte la « commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de ses parents ou de ses grands-parents ». Au reste, cette précision correspond à l’esprit du code électoral s’agissant de l’inscription sur les listes électorales.

    M. le président. Sur le sous-amendement n° 5369 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 5369 rectifié et l’amendement n° 5039.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ainsi que l’a indiqué Mme Narassiguin, cet amendement très utile a pour objet de permettre de se marier aux couples français qui ne vivent pas dans notre pays.

    Je souligne en outre l’intérêt du sous-amendement déposé par Mme Schmid, dont le souci était partagé par Sergio Coronado qui, vous l’avez rappelé, a retiré son amendement au début de nos travaux au profit de celui Mme Narassiguin.

    L’objet de votre sous-amendement, madame Schmid, s’inspire des conditions d’inscription des expatriés sur les listes électorales françaises, prévues à l’article L.12 du code électoral. Il fait également écho – ce n’était pas forcément le but initial – à l’adoption de l’amendement de M. Pélissard sur la possibilité de se marier dans la commune de résidence de ses parents. Cette précision extrêmement utile apporte un éclairage nouveau et s’avère beaucoup plus profitable pour les Français vivant à l’étranger.

    Pour ces raisons, la commission donne un avis favorable au sous-amendement ainsi qu’à l’amendement.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avions commencé cette discussion lors de l’examen d’un amendement déposé par Mme Schmid, à qui nous avions demandé de le retirer au bénéfice du présent amendement, que nous souhaitions justement voir précisé.

    Ce travail est tout à fait intéressant, car il a été effectué à la suite de l’alerte lancée par Mme Narassiguin dès le mois de juillet sur ce sujet, puis par M. Coronado peu de temps après. Enfin, Mme Schmid nous a fait part de l’importance qu’elle attachait à la réponse en droit qui serait apportée à la situation de ces Français résidant dans des pays ne reconnaissant pas le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels qui souhaiteraient pouvoir contracter mariage ; grâce à cet amendement et à ce sous-amendement, ils pourront le faire.

    La question se posait du maintien de leur lien avec le lieu de célébration possible. L’institution du mariage suppose en effet la possibilité de vérification des interdits ; c’est pourquoi un ancrage géographique est prévu pour la célébration du mariage et la publication des bans.

    Pour cette raison, il était important de trouver la formule appropriée, tout en étant conscient du fait que certains de ces Français pouvaient avoir été éloignés de la France pendant un certain temps et qu’ils n’avaient peut-être pas eu récemment de commune de résidence.

    Cet amendement, s’il est complété par les dispositions proposées par Mme Schmid, permettra de répondre de façon optimale à cette préoccupation. Le Gouvernement émet donc un favorable.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Vous voyez que nous sommes de bonne composition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît, on ne va pas recommencer !

    M. Philippe Gosselin. Vous noterez, monsieur le président, que mon ton est très calme et serein – c’est la torpeur dominicale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sergio Coronado. Les cloches vont vous réveiller !

    M. Philippe Gosselin. J’ai cru un instant, cher collègue, que vous nous traitiez de cloches ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Seul M. Gosselin a la parole !

    M. Philippe Gosselin. Vous voyez bien que notre ton est badin. Cela me donne une excellente occasion d’éclairer notre collègue Coronado : chacun pourra en effet apprécier la qualité « made in France » et saluer l’arrivée hier à Notre-Dame des cloches qui ont été fabriquées dans la Manche, dans la belle cité de Villedieu-les-Poêles. (Applaudissements sur divers bancs.) Je vous remercie, monsieur Coronado, de m’avoir permis cette page, non de publicité, mais de reconnaissance.

    M. Jean-Pierre Dufau. Bienvenue aux cloches !

    M. Philippe Gosselin. Cela étant, j’en reviens à la bonne volonté manifestée par l’opposition. Reconnaissez tout de même que nous améliorons substantiellement un projet que nous combattons, cet amendement et ce sous-amendement accordant en effet une sécurité juridique aux couples de même sexe à l’étranger lorsque le mariage ne peut pas être célébré dans les conditions évoquées dans l’amendement.

    Pour ces raisons, et parce que nous aimons la mécanique juridique et les situations régulièrement agencées, nous ne voterons évidemment pas contre, mais, à titre personnel, je m’abstiendrai.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Quel courage !

    M. Philippe Gosselin. Telle est ma position, qui sera vraisemblablement celle du groupe UMP.

    M. le président. Vous avez donc exprimé à la fois la position du groupe et votre position personnelle.

    M. Philippe Gosselin. Le groupe soutient les auteurs du sous-amendement et de l’amendement, mais il se pourrait que mon abstention personnelle en entraînât d’autres, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. Nous ne pouvons, sur une question comme celle-là, nous contenter de composer : nous devons tendre vers l’égalité des droits et la sécurité de nos concitoyens et de leurs conjoints.

    Je me suis rendu l’an dernier en Ouganda, dans le cadre de l’Union interparlementaire. Notre délégation était conduite par Mme Michèle André, sénatrice socialiste, et par M. Robert Del Picchia, sénateur de l’UMP. Nous avons eu, avec les délégations occidentales, à croiser le fer avec la présidente de l’Assemblée nationale de l’Ouganda, qui veut délibérément, obstinément, infliger la peine de mort aux homosexuels.

    M. Philippe Cochet. Quel est le rapport avec la discussion ?

    M. le président. Écoutez donc, monsieur Cochet !

    M. Serge Janquin. Ainsi nos concitoyens qui résideraient en Ouganda et qui formeraient le projet d’un mariage avec un citoyen ougandais seraient exposés dans leur sécurité, dans leur vie aux règles que la présidente de l’Assemblée nationale ougandaise veut faire établir.

    Il est par conséquent de l’impérieuse nécessité collective d’assurer la protection de nos concitoyens au regard de l’égalité des droits. C’est pourquoi je voterai résolument en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Nous avions en effet voté l’amendement proposé initialement par Mme Schmid, car nous partagions son souci de garantir cette liberté fondamentale qu’est l’accès au mariage pour l’ensemble des Français, et en l’occurrence ceux établis hors de France désirant convoler avec quelqu’un qui n’a pas la nationalité française.

    Je me félicite qu’en dépit de notre réserve sur la formulation de cet amendement, notre travail ait permis d’aboutir à un consensus, si j’en crois les paroles de notre collègue Gosselin. Le groupe socialiste s’est en effet montré, sur cette question – il ne l’est pas toujours sur les autres –, très ouvert à un travail commun. Lorsque l’Assemblée nationale travaille sans sectarisme et dans un état d’esprit constructif, nous arrivons parfois à voter ensemble au bénéfice et dans l’intérêt de nos concitoyens.

    Nous voterons donc cet amendement.

    M. le président. Je vous remercie. Il m’a semblé que vous alliez dire que l’Assemblée nationale était traversée par de bonnes ondes… (Sourires.)

    Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 5369 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 208

    Nombre de suffrages exprimés 190

    Majorité absolue 96

    Pour l’adoption 184

    Contre 6

    (Le sous-amendement n° 5369 rectifié est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    (L’amendement n° 5039, sous-amendé, est adopté.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en revenons à la suite de la discussion de l’examen des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er bis.

    Je suis saisi de trois amendements, nos 2714, 1596 et 2986, pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2714.

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vais essayer d’émettre des ondes positives, en tout cas le plus neutres possible, pour ne pas charger d’électricité notre assemblée, qui semble entamer ses débats dans un climat favorable et serein, ce dont nous nous en réjouissons tous.

    Je rappelle que le projet de loi doit être envisagé dans un cadre beaucoup plus large que celui de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et à l’adoption – mot qui, du reste, ne figure pas dans le titre du projet, ce qui est assez curieux –, puisque le Gouvernement a annoncé qu’il présenterait en Conseil des ministres, au mois de mars prochain, un projet relatif au droit de la famille qui intégrerait la PMA. Nous considérons qu’on ne peut pas examiner les pièces les unes après les autres et qu’il convient d’avoir une vision très globale. Voilà pourquoi nous lions ces deux questions.

    L’amendement n° 2714 vise ainsi à préciser que seuls les couples de personnes de sexe différent, mariés ou vivant en concubinage, peuvent recourir à une assistance médicale à la procréation.

    La formule employée pour désigner cette technique résume parfaitement les choses : il s’agit de lutter contre l’infertilité des couples homme-femme. Si nous devions aller au-delà, il y aurait évidemment une modification des règles de filiation. Les états généraux que nous avions déjà demandés sur ce texte n’ayant pas été réunis, nous serions en contradiction notamment avec la loi de révision des lois sur la bioéthique.

    Pour lever toute ambiguïté, nous souhaitons que cet amendement soit adopté.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1596.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je compléterai le propos de M. Gosselin, en rappelant que personne ne conteste la possibilité pour les couples infertiles de recourir à l’assistance médicale à la procréation. Cette possibilité est du reste inscrite dans le code de la santé publique et fait l’objet d’un consensus, auquel les différentes majorités sont parvenues : nous faisons de l’infertilité la raison de l’accès à l’assistance médicale à la procréation.

    Sur un sujet d’une telle gravité, nous assumons parfaitement les positions qui sont les nôtres – nous avons voté contre l’article 1er hier matin. Cet amendement vise donc à renforcer les dispositions actuelles afin qu’il soit plus difficile d’étendre l’assistance médicale à la procréation à d’autres motifs que ceux pour lesquels elle est ouverte aujourd’hui, c’est-à-dire l’infertilité.

    J’ajoute que le nouveau président du Comité consultatif national d’éthique a déclaré hier, dans le journal Le Monde, que, sur cette question, la tenue d’états généraux était très nécessaire. J’en profite donc pour rappeler au Gouvernement de veiller à ce que ces états généraux soient organisés.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2986.

    M. Gérald Darmanin. Cet amendement vise à interdire aux couples de même sexe, liés ou non par un contrat, de recourir à la PMA.

    Hier soir, nous nous sommes quittés sur un dialogue entre la majorité et le Gouvernement, sans que l’opposition ait pu s’exprimer.

    M. Sergio Coronado. Ce débat était intéressant !

    M. Gérald Darmanin. Certes, monsieur Coronado, mais ce n’était pas vraiment un débat : vous avez présenté un amendement, Mme la garde des sceaux vous a répondu, fort intelligemment, comme elle le fait toujours, et vous l’avez retiré.

    Monsieur le président, hier soir, à deux heures du matin, je n’ai pas eu l’outrecuidance de vous demander la parole pour un rappel au règlement afin de préciser que ce n’était pas l’opposition qui introduisait le sujet de la GPA dans le débat, mais bien les membres du groupe écologiste, lesquels, jusqu’à présent, font bien partie de la majorité parlementaire.

    M. Sergio Coronado. Tout à fait. Ça dépend des dossiers : la majorité n’est pas une caserne !

    M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas non plus l’opposition qui a publié la circulaire, madame la garde des sceaux.

    Un certain nombre de voix, y compris au sein du Gouvernement, se sont élevées pour s’opposer à la PMA – c’est le cas, par exemple, de Mme Fourneyron, ministre de la jeunesse et par ailleurs médecin – tandis que d’autres membres du Gouvernement s’y sont, au contraire, déclarés favorables.

    Nous pourrions adopter cet amendement, ne serait-ce que pour répondre à l’interrogation de M. Roman. Selon lui, ce qui nous gêne, c’est le mariage homosexuel. Oui, personnellement, je n’y suis pas favorable. Mme Bertinotti nous a fait part, de manière un peu étonnante, de sondages qui font apparaître que l’on est pour ou contre le mariage homosexuel selon son âge. Il faudrait être du côté du progrès : comme dans les bons westerns, il y aurait les bons et les méchants.

    Mais ce qui gêne encore plus nos concitoyens, c’est l’adoption, la PMA et la GPA. Or, l’adoption de cet amendement permettrait de montrer que ce texte n’a rien à voir avec la PMA et la GPA – c’est ce que le Gouvernement ne cesse de nous répéter depuis le début – et que l’enfant don ne serait plus un enfant dû.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission y est défavorable. Comme toute une série d’amendements sont consacrés à l’assistance médicale à la procréation, nous aurons certainement l’occasion, dans les minutes et dans les heures qui viennent, de développer ce sujet.

    Monsieur Poisson, les états généraux ne seront pas nécessaires…

    M. Gérald Darmanin. Ils sont indispensables !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …pour ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, dans la mesure où, comme je l’ai rappelé hier, ces états généraux doivent se tenir lorsque de nouvelles techniques apparaissent dans le champ scientifique. En l’espèce, l’AMP n’est pas une nouvelle technique. Nous sommes, ici, en train de réfléchir à la possibilité, non pas de mettre à la disposition de nos concitoyens de nouvelles techniques de procréation, mais de permettre à une partie de la population d’accéder aux techniques aujourd’hui ouvertes à la majorité de la population.

    L’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes est intimement lié à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. C’est en observant ce qui se passe dans les pays où le mariage aux couples de même sexe a été ouvert que cette idée s’est imposée. C’est aussi un enjeu de cohérence, un enjeu sanitaire, de santé publique.

    La PMA ne peut pas être réservée aux seuls couples hétérosexuels et nécessitera un changement de notre droit dans les mois à venir.

    M. Xavier Breton. Voilà ! C’est mieux de le dire !

    M. Erwann Binet, rapporteur. On l’a toujours dit. Ce n’est pas une surprise, monsieur Breton.

    Pour cette raison, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.

    M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Il est vrai que nous n’avons pas pu avoir de longs échanges sur la PMA en commission des affaires sociales, puisque les députés de l’opposition ont préféré quitter rapidement la séance, au motif que ce n’était pas au Parlement de légiférer, mais au peuple de décider. C’est bien regrettable.

    Bien entendu, le sujet de la PMA est abordé dans le rapport de la commission des affaires sociales et, bien qu’il ne concerne pas directement le texte de loi dont nous discutons aujourd’hui, il faut sortir de l’hypocrisie actuelle. C’est pourquoi je souhaite, comme le groupe socialiste, que l’assistance médicale à la procréation soit ouverte aux couples de femmes, au nom de l’égalité des droits entre couples homosexuels et hétérosexuels.

    Il faut sortir de l’hypocrisie actuelle, disais-je. En effet, nous connaissons des couples de femmes qui partent à l’étranger pour pouvoir accomplir leur projet parental.

    M. Philippe Gosselin. Voilà, nous abordons le fond du débat !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Or, c’est injuste socialement. Dans la mesure où elles doivent parfois se rendre à l’étranger à plusieurs reprises, cela représente un coût très important.

    Par ailleurs, le médecin qui a procédé à une insémination artificielle en Belgique ou en Espagne, par exemple, est souvent en contact régulier avec le médecin en France et c’est en France que la femme accouche.

    M. Xavier Breton. C’est la même hypocrisie !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous voyez bien qu’il nous faut sortir de cette situation.

    M. Philippe Gosselin. Vous le dites clairement !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Quand les femmes n’en ont pas les moyens financiers, elles ont recours à des rencontres occasionnelles ou à l’achat de sperme sur internet, comme vous l’avez vous-mêmes indiqué hier, chers collègues de l’opposition, en défendant certains de vos amendements. Il faut donc trouver d’autres solutions que celles-ci, qui présentent des risques sanitaires et impliquent des pratiques dangereuses – pratiques que nous avons connues, je vous le rappelle, lorsque l’avortement était interdit.

    Nous souhaitons donc que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, mariées ou non, soit discutée dans le cadre du futur projet de loi relatif à la filiation annoncé par le Gouvernement.

    M. Philippe Meunier. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Cette question n’est pas directement liée à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Je précise que certains pays, notamment l’Espagne, ont ouvert l’accès à la PMA aux couples de femmes bien avant de leur permettre de se marier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Sur l’article 2714, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Nous vivons une situation assez cocasse. En effet, que je sache, la PMA est déjà réservée aux couples hétérosexuels. On peut donc se demander ce que vous voulez de plus, mesdames, messieurs les députés du groupe UMP. Souhaitez-vous que ces couples qui ont déjà accès à la PMA soient tenus de fournir la preuve de leur hétérosexualité ?

    M. Philippe Gosselin. C’est un raisonnement spécieux !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Non, c’est bien de cela qu’il s’agit, dans vos amendements.

    M. Philippe Gosselin. En tout cas, vous nous annoncez très clairement que la PMA sera autorisée !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous pose la question : voulez-vous que le médecin qui accompagne ces couples souffrant d’infertilité ou d’un risque de maladie génétique grave leur demande solennellement si, par hasard, ils ne seraient pas homosexuels ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Meunier. Vos arguments sont de plus en plus mauvais !

    M. le président. Mes chers collègues, il est inutile d’interrompre les orateurs : cela ne rend pas le débat très agréable. Compte tenu du nombre d’amendements déposés sur le texte, vous vous aurez l’occasion d’intervenir.

    La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation sont contenues dans le code de la santé publique et leurs conséquences en matière de filiation sont inscrites dans le Code civil.

    Le projet de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe n’a aucun impact, aucune influence, ni sur les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation indiquées dans le code de la santé publique, ni sur les conséquences en matière de filiation énoncées dans le code civil. Par conséquent, ces amendements seraient des cavaliers législatifs. En outre, nous introduirions la PMA dans le texte, ce que, depuis maintenant quatre jours, vous prétendez que nous faisons. La PMA est totalement hors sujet.

    M. Philippe Gosselin. Mais il en sera question au mois de mars !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous aurez l’opportunité d’en débattre à ce moment-là. Connaissant votre ténacité, je ne doute pas que votre assiduité sera aussi constante qu’elle l’est sur ce texte.

    M. Philippe Gosselin. Les deux sujets sont liés !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, qui n’ont vraiment pas leur place dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

    M. Noël Mamère. Monsieur le président, mes chers collègues, ce sujet est effectivement très intéressant, puisqu’il pose des problèmes philosophiques, éthiques et juridiques.

    Le groupe auquel j’appartiens ne partage pas les arguments qui viennent d’être utilisés par Mme la garde des sceaux. Nous serons d’ailleurs amenés, avec notre collègue Marie-George Buffet, à défendre un amendement ouvrant la procréation médicalement assistée à des couples homosexuels. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Ils ne sont même pas d’accord entre eux !

    M. Noël Mamère. Notre discussion mérite mieux que ces interruptions. Nous pourrions profiter de ce dimanche pour essayer de débattre sereinement, en échangeant des arguments sérieux, d’un sujet qui concerne le modèle de la famille et la question de la filiation.

    On peut approuver les arguments employés notamment – elle n’est pas la seule – par Mme Agacinski concernant l’asymétrie des sexes et le point de savoir si le donneur est simplement un outil biologique ou une personne. On peut partager les théories développées par Hans Jonas, un philosophe dont nous sommes beaucoup plus proches que de Mme Agacinski, qui a défini le « principe responsabilité », notamment en réfléchissant à la responsabilité des êtes humains vis-à-vis de leur progéniture. On peut acquiescer aux théories développées par les héritiers de Jacques Ellul sur la question de l’autonomie de la technique et sur la question de savoir si le droit doit suivre le progrès technique, en particulier le progrès médical. Ces problèmes philosophiques, nous ne sommes pas obligés de les évacuer.

    Mme Catherine Vautrin. Très juste !

    M. Noël Mamère. Nous pouvons très bien en discuter ici sereinement, en sachant quel objectif nous poursuivons.

    La tâche du législateur – puisque nous ne sommes que cela, il faut avoir conscience de nos limites – consiste à fixer un cadre, mais aussi – pardonnez-moi – à sortir de l’hypocrisie. Aujourd’hui – et mon collègue Alain Claeys, qui fut président de la mission d’information parlementaire sur la révision des lois bioéthiques, ne me démentira pas –, un enfant né par PMA n’a pas le droit de connaître ses origines. Or, tous autant que nous sommes, quelles que soient nos options confessionnelles ou politiques, nous sommes animés par cette question qui est essentielle : à qui dois-je d’être né ? La mission d’information sur la révision des lois bioéthiques – je faisais partie de ceux qui le proposaient – a refusé à ces enfants, qui ont des pères et des mères sociaux, de connaître leurs origines biologiques. Nous sommes donc déjà dans une hypocrisie. En Suède, ce droit existe. Non seulement il n’a pas nui à la procréation médicalement assistée, mais il a sans doute permis à un certain nombre d’enfants de se libérer d’une certaine souffrance.

    La question est donc la suivante : où, jusqu’à quelle limite, doit-on pousser l’égalité des droits ? Nous, nous faisons partie de ceux qui pensent que la procréation médicalement assistée ne doit plus être limitée à l’exception thérapeutique, c’est-à-dire la lutte contre la stérilité, et permettre à un couple d’hommes ou de femmes qui veulent fonder une famille de le faire.

    Certes, les exemples que je vais citer ne valent pas modèle, mais je dois rappeler que, si la Belgique a accepté l’adoption dix ans après avoir autorisé le mariage des couples de personnes de même sexe, elle accepte la procréation médicalement assistée depuis trente ans. Nous devons réfléchir à cette question. Nous, nous n’avons pas résolu le problème, mais nous apportons notre contribution en nous prononçant pour la procréation médicalement assistée. J’ajoute que nous ne considérons pas que l’amendement que nous proposons soit un cavalier : il fait pleinement partie de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en ouvrant le mariage aux couples homosexuels, nous posons bien évidemment la question du droit à fonder une famille et la question de la filiation.

    Actuellement, le droit à la procréation médicalement assistée est assorti de conditions : un projet commun, un engagement des deux membres du couple par rapport à l’enfant à naître. Au regard de ces conditions, définies par les lois bioéthiques, je ne vois ce qui ferait obstacle à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles.

    On nous oppose souvent l’argument selon lequel il s’agit d’un outil thérapeutique. Or, prenons l’exemple de l’avortement. À l’origine, celui-ci est autorisé pour raisons médicales. Puis, petit à petit, cet instrument thérapeutique a permis l’affirmation du droit pour les femmes à la maîtrise de leur corps. Nous sommes aujourd’hui satisfaits de voir que l’IVG est remboursée à 100 %. Je ne vois pas pourquoi la PMA ne pourrait pas suivre une telle évolution.

    Par ailleurs, chers collègues de l’opposition, vous ne cessez de vouloir lier la PMA et la GPA, au nom de l’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous parlez également très souvent de l’altérité des sexes. Or, il existe une grande différence entre ces deux pratiques : dans la GPA, on utilise le corps d’une femme – souvent comme une marchandise –, alors que si l’on ouvre la PMA à toutes les femmes qui le souhaitent, la femme portera son enfant. Vous ne pouvez pas donc mettre le signe « égale » entre la GPA et la PMA. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    Enfin, vous ne pouvez pas, d’un côté, nous dire qu’il faut faire des états généraux, réunir le comité consultatif d’éthique, et, de l’autre, déposer plein d’amendements qui a priori interdisent l’ouverture de la PMA à tous les couples. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert. Tout d’abord, une question de principe : on ne peut pas reprocher à l’opposition d’être toujours conservatrice, accrochée au passé, et, lorsqu’elle essaie d’aborder des questions d’avenir, lui dire que ce n’est ni le sujet ni le moment. Manifestement, nous ne sommes jamais dans le bon cadre spatio-temporel ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Je ne partage pas les théories équestres de Mme la garde des sceaux : si j’ai bien compris, quand les députés du groupe SRC proposent d’autoriser la PMA par amendement, ce n’est pas du tout un cavalier, mais, quand l’opposition voudrait s’y opposer, il faudrait limiter le droit d’amendement.

    M. Philippe Gosselin. Deux poids, deux mesures !

    M. Julien Aubert. Par ailleurs, il ne faut pas tout mélanger. J’entends parfois l’argument selon lequel, actuellement, des personnes se rendent à l’étranger pour avoir recours à la PMA.

    M. Dominique Baert. C’est vrai.

    M. Julien Aubert. Certes : ils sont donc dans l’illégalité. (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.) Ce n’est pas autorisé en France ; ils contournent donc le droit national.

    Chers collègues de l’opposition, vous avez le droit de prendre la défense de personnes qui sont dans l’illégalité, comme vous le faites pour les clandestins, par exemple. Néanmoins, tant qu’on ne l’a pas changée – et cela prendra peut-être quelques jours –, il me semble que la loi devrait tout de même être respectée.

    Pourquoi sommes-nous opposés à la PMA ? Parce que la définition de la notion de droit vient de notre héritage philosophique, culturel et historique judéo-chrétien (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), qui fait de l’Homme la nature consciente de la société. Faire de l’Homme un objet, c’est donc nier fondamentalement les bases de la civilisation dans laquelle nous vivons. Pour qu’un homme puisse avoir des droits, comme vous le souhaitez, il doit être un sujet de droit, et non pas un objet de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Ensuite, j’ai entendu Mme le ministre de la famille nous expliquer que nos amendements impliqueraient de demander aux gens s’ils sont homosexuels ou pas. Mais, dès lors que la PMA est actuellement autorisée pour les femmes stériles, si, demain, vous l’ouvrez aux couples lesbiens, il faudra bien que ces femmes qui ne sont pas stériles disent : « Je suis lesbienne, donc j’ai droit à la PMA. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !

    M. Julien Aubert. Il y aura une inégalité juridique entre les couples hétérosexuels, qui n’auront droit à la PMA que pour des raisons de stérilité, et les couples homosexuels, qui auront un droit plein. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous sommes là où les Athéniens s’atteignirent : nous verrons si les députés socialistes qui étaient contre la PMA dans ce texte voteront pour cet amendement et donc s’il leur reste un peu de liberté de conscience. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes totalement opposés à tous les amendements qui visent soit à restreindre la PMA, soit à l’étendre. Nous y sommes opposés parce que nous estimons que ce sont des amendements déposés à la sauvette, qui ne s’accompagnent d’aucune étude d’impact, n’ont fait l’objet d’aucun avis du Conseil d’État et d’aucune analyse véritable du Comité national d’éthique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Par ailleurs, nous avons reçu, devant notre groupe, le professeur Frydman, qui nous a rappelé que 200 000 enfants étaient nés par PMA et qu’environ 20 000 enfants par an naissaient actuellement par PMA. Or, aujourd’hui, les femmes qui ont besoin, pour des raisons médicales, d’avoir recours à la PMA doivent attendre dix-huit mois à deux ans. Voilà le véritable problème. Ma pensée va d’abord vers ces femmes, c’est pourquoi nous refusons tous ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door. M. le rapporteur a affirmé tout à l’heure que des états généraux sur la PMA n’étaient pas nécessaires. Le professeur Frydman, que notre collègue M. Tourret vient d’évoquer, vient d’écrire un livre très intéressant, Le Secret des mères. Il demande officiellement au Gouvernement d’ouvrir un plan national de la PMA, au même titre que le Président Chirac avait lancé un plan national du cancer et le Président Sarkozy un plan national contre la maladie d’Alzheimer. Je demande donc au Gouvernement d’apporter une réponse au professeur Frydman, qui est quand même le père de la PMA et du bébé-éprouvette, de satisfaire sa demande en ouvrant un plan national sur la PMA.

    M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier. Ainsi que l’a dit le Gouvernement, la PMA n’est pas le sujet du projet de loi, dont les contours sont clairs : le mariage et l’adoption.

    La PMA n’est pas la conséquence directe et certaine d’un mariage, comme la procréation n’est pas la conséquence directe, certaine et exclusive du mariage. D’ailleurs, c’est le code de la santé publique qui traite de la PMA, et non le Code civil ou le code de la famille. C’est donc d’abord une question médicale, sanitaire. C’est également, bien sûr, une question sociétale que nous avons évoquée, dans le cadre du projet de loi sur le mariage pour tous. Mais nous l’avons exclue du champ de cette loi, car nous considérions que ce n’était pas le sujet.

    Le comité d’éthique va se réunir et nous aurons un large débat. Épargnez-nous pour le moment vos interventions sur ces questions ; nous tournons en rond.

    M. Philippe Gosselin. Nous n’allons pas vous l’épargner : ce point nous paraît fondamental !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    Mme Cécile Untermaier. L’accès à la PMA, c’est certainement l’égalité, mais, ainsi que le disait Mme Buffet, il doit être ouvert aux femmes, en dehors du couple. Du reste, actuellement, il est réservé au couple hétérosexuel, qu’il s’agisse de personnes mariées, pacsées ou de concubins. C’est dans ce cadre-là que nous porterons le débat lorsque le Gouvernement nous y invitera dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2714.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 296

    Nombre de suffrages exprimés 296

    Majorité absolue 149

    Pour l’adoption 99

    Contre 197

    (L’amendement n° 2714 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    (L’amendement n° 1596 n’est pas adopté, non plus que l’amendement n° 2986.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. Je veux vous remercier, monsieur le président, d’avoir accordé du temps à notre collègue Noël Mamère pour exprimer sa position. Vous avez bien fait. Cela a eu le mérite de poser le débat.

    Je veux vous dire une chose très simple : le sujet dont nous parlons est complexe, il exige de la nuance. En deux minutes, ce n’est pas possible. En deux minutes, nous limitons ce débat à des slogans. Sur des sujets de cette nature, il faut que nous puissions disposer de séquences de parole un peu plus longues. Sans cela, nous serons caricaturaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Monsieur Le Fur, au risque de m’attirer le courroux du président de la commission des lois, j’ai essayé de laisser aux orateurs – tout en signalant le moment où les deux minutes étaient écoulées – un temps de parole plus important, afin que, sur une question comme celle-là, chacun puisse s’exprimer.

    Cela étant, sur d’autres sujets, qui sont répétitifs, ceux qui interviennent peuvent ne pas forcément utiliser leurs deux minutes. Cela arrangerait tout le monde.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2090.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis hier, sur le sujet de la PMA, je constate que les prises de position ou les réponses des ministres ne sont pas vraiment claires. On sait par ailleurs qu’un certain nombre de ministres se sont déclarés, dans la presse, favorables à l’ouverture de la PMA pour les couples homosexuels. Hier, dans la salle des Quatre Colonnes, j’ai entendu une députée de votre majorité dire que le mariage pour tous était bien évidemment un premier pas, mais qu’il n’était pas concevable de ne pas aller au-delà et de ne pas ouvrir la PMA aux couples homosexuels.

    M. Henri Jibrayel. Et alors ?

    Mme Marie-Christine Dalloz. Alors admettez que nous puissions débattre et que nous puissions être légitimement inquiets de toutes vos déclarations.

    Le Président de la République a arbitré. Il a dit, par la voix du Premier ministre : pas d’amendement sur la PMA lors de la discussion de ce texte. Mais vous comprendrez aussi que, quand on sait la déclaration qu’il a faite devant l’Association des maires de France sur la liberté de conscience, on puisse être inquiet, parce que, des reniements, on en a déjà connu, on risque d’en connaître encore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marcel Rogemont. Elle est atteinte de psittacisme !

    M. le président. Monsieur Rogemont, s’il vous plaît !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Ne vous énervez pas, monsieur Rogemont, laissez-moi terminer calmement.

    M. Philippe Gosselin. Quelle intolérance, en face !

    Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai écouté attentivement Noël Mamère. Sur la PMA, il pose trois questions : l’éthique, le juridique et le philosophique. Et nous sommes d’accord pour dire que ces trois questions se posent. Mais il y a un sujet que vous oubliez, mes chers collègues : c’est l’aspect financier. Moi, j’aimerais bien, madame la ministre, que vous puissiez me dire, dans le cadre de l’étude d’impact, au cas où l’ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles serait décidée, quel en serait l’impact financier sur les comptes de la sécurité sociale. C’est important.

    M. Antoine Herth. Voilà une bonne question !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement est quasiment identique au précédent. Avis défavorable, donc.

    M. Antoine Herth. Le rapporteur balaie l’amendement d’un revers de main !

    M. Philippe Gosselin. Merci, monsieur le rapporteur. Voilà une réponse complète, étayée, nourrie. Cela fait progresser le débat !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les questions qui sont évoquées depuis hier, notamment celle de la possibilité pour tout enfant de connaître l’histoire de ses origines, sont des questions importantes. Il ne s’agit pas – et je donne en cela raison à M. Le Fur – de les traiter en deux minutes. Les questions soulevées par M. Noël Mamère sont, elles aussi, tout à fait légitimes.

    Mais, après avoir écouté vos questions, mesdames, messieurs de l’opposition, j’ai envie de dire que vous aimeriez bien nous affecter du syndrome du lampadaire, c’est-à-dire mettre le projecteur sur des sujets qui ne concernent pas la loi, pour mieux éviter de parler de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le projet de loi qui est aujourd’hui soumise à votre examen, elle porte sur le mariage et sur l’adoption, et non pas sur l’assistance médicale à la procréation.

    M. Philippe Gosselin. La présente loi est une première pierre !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Par ailleurs, la question que vous posez sur la possibilité de l’enfant d’avoir accès aux éléments lui permettant de connaître son histoire personnelle n’a rien à voir avec l’homosexualité. Elle se pose indifféremment pour des enfants de couples hétérosexuels ou homosexuels.

    Il est un temps pour tout. Nous sommes aujourd’hui dans le débat sur le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe. Il sera un temps où les questions que vous pouvez évoquer sur différents bancs seront abordées.

    M. Dominique Baert. Voilà ! Chaque chose en son temps !

    M. le président. Sur l’amendement n° 2090, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet est effectivement important. Sauf qu’il est hors sujet, ici, dans l’examen de ce projet de loi. Mais prenons un peu de temps.

    Vous me ferez crédit, quand même, qu’en septembre dernier, lorsque le sujet de la PMA a surgi dans le débat public à la faveur de ce projet de loi, j’ai aussitôt indiqué que l’assistance médicale à la procréation relevait du code de la santé publique, alors que ce texte, lui, allait traiter de l’état des personnes en modifiant le Code civil. J’ai également dit que le sujet de la PMA était un sujet en soi, que tous les pays qui ont ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe et qui ont ouvert la PMA l’ont fait dans deux textes différents. Ils ne « saucissonnent » rien. Simplement, ils ont comme nous un droit rationnel, avec, d’une part, un code civil qui comprend des dispositions relatives à l’état des personnes, aux libertés, aux obligations, aux contrats, aux sécurités, et, d’autre part, un code de la santé publique. Ils ont donc traité les sujets séparément.

    M. Philippe Gosselin. Mais ce sont les députés de la majorité eux-mêmes qui nous ont dit que ces sujets étaient liés !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous me ferez crédit que depuis septembre, je n’ai pas varié. Je n’ai pas cessé de dire que, s’agissant de la PMA, le régime actuel, pour les couples hétérosexuels, est un régime médical, et que son ouverture aux couples homosexuels pose la question de savoir si l’on adopte un régime parallèle, lui aussi médical, ou si l’on considère que, étant donné son ouverture aux couples de femmes, il convient de répondre à la question de la différence de traitement et de la différence dans les conséquences sociales. Je n’ai pas cessé de dire qu’il nous faut une étude d’impact pour savoir, si nous adoptons un régime parallèle, quelle en sera la conséquence sur le budget de la sécurité sociale. Et si nous ne le faisons pas, nous devons savoir comment nous argumentons vis-à-vis du Conseil constitutionnel pour expliquer pourquoi nous faisons cette distinction. Nous devons également poser la question de l’accès à cette technologie pour les femmes célibataires. Vous me ferez crédit que, depuis septembre, je n’ai pas varié d’une virgule sur cet argumentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    En vous attachant obstinément à ce que nous débattions aujourd’hui de la PMA, vous êtes dans votre rôle d’opposition Vous passez votre temps à nous dire que les Français ont d’autres priorités, que c’est le chômage et l’économie qui les intéressent, que le fait de siéger le dimanche…

    M. Philippe Meunier. C’est vous qui en êtes responsable ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …va grever le budget de nos institutions, que le contribuable va devoir en supporter le poids. Mais si nous siégeons le dimanche, c’est parce que vous déposez – ce qui est votre liberté – des masses d’amendements, que vous défendez un par un. Voilà pourquoi nous siégeons !

    M. Philippe Gosselin. Vous voudriez que nous soyons des parlementaires à mi-temps ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et le Gouvernement est respectueux du Parlement. Vous l’avez bien vu, Mme Bertinotti et moi-même n’effectuons aucun relais. Nous sommes là, présentes toutes les deux, sans cesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est normal !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’autres membres du Gouvernement viennent aussi. Le Gouvernement montre son respect envers le Parlement. Le Parlement fonctionne selon ses règles, et selon les règles de la République : l’opposition a choisi de déposer des milliers d’amendements, nous les examinons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais donner la parole à un orateur pour l’amendement et à un orateur contre l’amendement.

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends bien Mme la garde des sceaux quand elle nous dit qu’elle est cohérente dans ses arguments. Très bien ! Moi, j’aimerais que vous entendiez les nôtres. Nous allons faire un peu de pédagogie. Nous sommes dimanche matin, nous avons du temps.

    Vous avez ouvert le mariage pour tous au nom d’un principe : le principe d’égalité, en l’occurrence l’égalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. C’est sur ce principe-là que se fonde notre inquiétude, puisque vous ouvrez l’adoption aux couples homosexuels et que, ensuite, nous sommes sûrs que vous allez, discrètement, au détour d’un texte sur la filiation, ouvrir la PMA à tous les couples. C’est cela qui nous inquiète profondément. Et c’est la raison de tous ces amendements et de toutes les questions que nous posons.

    Je n’ai pas eu de réponse à celle que j’ai posée à l’instant : j’aimerais avoir une mesure de l’impact financier qu’auront l’ensemble de ces dispositifs.

    M. Dominique Baert. Au prochain texte, vous aurez votre réponse !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Parce que, sincèrement, le budget de la sécurité sociale va dériver, étant donné votre conception de l’AME et maintenant, éventuellement, de la PMA pour tout le monde. Les Français, dans le contexte de crise qu’ils connaissent aujourd’hui, ont effectivement d’autres préoccupations, mais ce sujet-là ne peut pas être traité à la légère.

    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Nieson.

    Mme Nathalie Nieson. Hier, chers collègues de l’opposition, vous disiez que vous aviez le droit de vous exprimer, le droit d’avoir vos opinions. Mais vous savez que quand on a des droits, on a aussi des devoirs. Et vous avez le devoir de faire en sorte que vos arguments soient constructifs, et fassent avancer le débat.

    Aujourd’hui, on a l’impression que vous savez que la société française a évolué, qu’elle bouge, qu’elle est en phase avec ce projet de loi. Et vous avez de la peine à trouver des arguments. C’est pour cela que vous tournez en rond, avec des arguments qui sont certes intéressants, importants, mais hors sujet, puisqu’ils portent sur la PMA et la GPA. Vous tournez également en rond en nous parlant de l’intérêt supérieur de l’enfant – dont nous avons largement parlé hier –, de la Convention internationale des droits de l’enfant. Des pays comme l’Australie, le Canada, l’Espagne, le Danemark, la Belgique, le Royaume-Uni, les États-Unis s’intéressent-ils moins que nous aux droits de leurs enfants ? Non, vraiment, vous montrez du doigt les familles homoparentales qui ont eu des enfants en ayant recours à la PMA. Vous les stigmatisez. Vous êtes en train de dire que leurs enfants ne sont pas des enfants comme les autres. Et nous, nous voulons l’égalité des droits pour ces enfants, qui sont des enfants comme les autres.

    Vous dites vouloir défendre l’intérêt supérieur des enfants, l’intérêt supérieur des familles, mais avec vos arguments, vous tournez en rond et vous êtes tirés vers le bas.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2090.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 298

    Nombre de suffrages exprimés 298

    Majorité absolue 150

    Pour l’adoption 95

    Contre 203

    (L’amendement n° 2090 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je rappellerai à Mme Taubira le fonctionnement de nos institutions et plus particulièrement le règlement de l’Assemblée. Si vous êtes ici, madame la ministre, ce n’est pas parce que vous avez envie de nous faire plaisir et de nous faire un cadeau extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est parce que nos institutions vous y obligent et, comme je vous l’ai déjà dit à plusieurs reprises, vous êtes à la disposition du Parlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Par ailleurs, nous ne discutons pas de notre texte mais bien de votre projet de loi. C’est pourquoi votre présence est obligatoire ; ce n’est pas pour nous faire un cadeau. Si nous avions envie d’un cadeau, nous penserions à autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marcel Rogemont. Soyez respectueux !

    M. Philippe Gosselin. Cela dit, nous apprécions la présence permanente des deux ministres qui souligne l’intermittence de leurs collègues !

    M. le président. Puisque nous accueillons les membres du Gouvernement, tâchons d’écouter ce qu’ils ont à nous dire.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série de cinquante-trois amendements identiques.

    La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 882.

    M. Patrice Martin-Lalande. Les cinquante-trois amendements identiques visent à insérer, avant l’article 1er bis, l’article suivant : « L’assistance médicale à la procréation est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme souffrant d’une infertilité à caractère pathologique dans les conditions prévues par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique. »

    Les lois récentes sur l’assistance médicale à la procréation ont tracé les limites du droit à l’enfant en indiquant que la PMA avait pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple formé d’un homme et d’une femme. Elle n’a pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant, donnant priorité au désir des adultes sur l’intérêt de l’enfant. Accorder aux couples de même sexe cette possibilité reviendrait non seulement à priver délibérément un enfant d’un père ou d’une mère par une filiation artificielle, mais elle introduirait un mensonge d’État – il faut bien l’appeler ainsi – en faisant croire à des enfants qu’ils peuvent juridiquement avoir deux pères ou deux mères.

    Nous refusons de créer par la loi la plus lourde des inégalités, à savoir créer deux catégories d’enfants : ceux qui ont un père et une mère et ceux qui ont deux parents masculins ou deux parents féminins.

    Enfin, comme l’a rappelé Mme Dalloz, étendre la PMA aux femmes homosexuelles aurait un coût financier que, malheureusement, l’étude d’impact n’a pas permis d’évaluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n° 938.

    M. Jacques Alain Bénisti. Comme l’a très justement dit notre collègue Noël Mamère, il faut que nous sortions de l’hypocrisie. Tout le monde sait, aujourd’hui, sur l’ensemble de ces bancs, que si nous votons cet article sur la PMA, on ira au bout de la logique et on légalisera, à terme, la GPA. Puisque l’on ne cesse d’invoquer le principe d’égalité, on voudra établir l’égalité entre les femmes lesbiennes et les homosexuels hommes. Et, pour bon nombre de parlementaires, c’est une vision de la société que nous récusons.

    On ne peut en effet réduire la femme à son ventre et nous ne nous résolvons pas à ce qu’un utérus soit loué, prêté ou négocié. Ensuite, une fois de plus, si l’on vous suit, l’enfant perdra son statut d’être humain pour être rabaissé à celui d’objet.

    Mes chers collègues, les droits de l’enfant sont ici encore bafoués : 80 % des pédopsychiatres et le dernier rapport de l’INSERM nous appellent à réfléchir sans hypocrisie sur les conséquences dramatiques que subiront toute leur vie ces enfants qui seront issus soit de la PMA soit de la GPA. Méditons ensemble, puisque c’est le jour du Seigneur, monsieur le président (Murmures sur quelques bancs des groupes SRC et GDR), sur les conséquences des décisions que nous allons prendre aujourd’hui. Nous ne souhaitons pas plus créer des « femmes-objet » que des « enfants-Playmobil » !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 1472.

    M. Philippe Gosselin. Je ne reviendrai pas sur l’effet domino que nous ne cessons de dénoncer, sur le fait qu’on nous présente deux textes comme une sorte de vente à la découpe. Force est de constater que, depuis le début, les ambiguïtés du Gouvernement – ou tout au moins d’une partie du Gouvernement – et du Président de la République ne facilitent pas nos débats. Voilà la vraie difficulté : si, d’emblée, le Gouvernement s’était montré clair dans ses choix, dans ses priorités, peut-être, aujourd’hui, le débat serait-il différent. En effet, c’est la question du modèle de la famille, la question de la filiation qui sont posées. Notre collègue Noël Mamère l’a bien rappelé tout à l’heure.

    Le législateur est-il un greffier de l’état de l’opinion, un greffier de l’évolution des techniques médicales de procréation ? Voilà la question essentielle. Et, sur ce point, nous avons de la société une vision différente. Reste que, quand on est pragmatique, on observe ce qui se passe à l’étranger. J’ai accompagné le rapporteur, avec un groupe de députés, lors d’un déplacement très courtois et intéressant. Les députés européens que nous avons rencontrés, qui venaient du Portugal, de Suède, du Danemark et d’ailleurs, nous ont tous dit – j’ai été le seul à m’opposer à l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe – : « Allez-y, c’est une première étape car elles sont toutes liées. » Eh oui, elles sont toutes liées et c’est cela que nous voulons mettre en avant ici.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1543.

    M. Nicolas Dhuicq. Que de non-dits, que de forclusion sur les bancs du Gouvernement. La véritable question qui est posée est la suivante : soit nous avons une conception de la construction de l’humanité suffisamment plastique pour considérer qu’on peut lui faire subir tous les avatars possibles, que la technique n’empêchera pas cette construction – si l’on suit M. Mamère il y a en effet un lien direct entre votre texte et les questions de technique et d’éthique qui suivent – ; soit nous considérons, comme c’est le cas sur les bancs de l’opposition, que, dans la construction humaine, il y a des invariants structurants, lesquels sont nécessaires pour le plus grand nombre car, parmi les enfants issus de ces nouvelles techniques, certains seront parfaitement capables, par leur volonté, leur élan vital, d’affronter toutes les difficultés, mais, pour d’autres, vous allez largement compliquer les choses.

    M. Yves Fromion. Voilà !

    M. Jean-Pierre Dufau. Vous êtes hors sujet !

    M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas parce que l’humain est si plastique qu’il peut affronter toutes les difficultés, qu’il faut mépriser ces invariants, qu’il faut mépriser ces millénaires d’évolution dont nous avons particulièrement besoin, quel que soit l’état de notre conscience aujourd’hui.

    M. Pascal Popelin. Mais de quoi parlez-vous ?

    M. Jean-Pierre Dufau. Paroles verbales !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1632.

    M. Marc Le Fur. Je limiterai mon propos à la PMA. Il faut rappeler – nombreux sont ceux qui l’ignorent – que la PMA se passe pour l’essentiel, actuellement, à l’intérieur du couple. Elle pose déjà des problèmes, on le sait bien, puisqu’un minimum de stabilité est nécessaire pour les couples concernés. Elle pose aussi des problèmes quant à la conservation des embryons, qui est un autre sujet déjà compliqué. Les choses se compliquent davantage encore quand, dans certains cas – qui ne représentent que 8 % des cas de PMA –, on fait appel à un donneur extérieur. On touche là à un problème majeur, qui est celui des origines. Il est en effet légitime de demander à connaître ses origines, et je ne suis pas le seul à l’affirmer.

    M. Pascal Popelin. Revenons-en au sujet !

    M. Marc Le Fur. Ensuite, vous voulez étendre la PMA aux couples lesbiens. Or, vous comprenez bien que si la clause médicale saute pour les couples lesbiens, elle sautera tout autant pour les couples hétérosexuels, c’est-à-dire que nous n’aurons plus aucune raison de refuser la PMA pour des raisons d’âge. Puisque la condition médicale ne sera plus exigée pour les uns, pourquoi l’exiger pour les autres ? Nous n’aurons pas davantage de motifs d’interdire la conservation des ovocytes. Vous comprenez par conséquent que si vous faites sauter la condition médicale au nom d’un droit donné aux couples lesbiens, cette condition médicale sautera pour tous les autres…

    M. Jérôme Guedj. C’est inexact !

    M. Marc Le Fur. …et la PMA deviendra une pratique de convenance.

    Les couples lesbiens ne sont donc pas les seuls concernés, puisque la disposition dont il est question affecterait l’ensemble de la législation sur la PMA. C’est pourquoi il faut agir avec la plus grande prudence – qualité majeure du législateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Arnaud Robinet. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1778.

    M. Guillaume Chevrollier. Les lois récentes sur l’assistance médicale à la procréation ont fixé les limites du droit à l’enfant en indiquant que la PMA avait pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple formé d’un homme et d’une femme. Ces dispositions ont été votées lors de la révision de la loi de bioéthique promulguée le 7 juillet 2011. Cette loi a été le fruit d’une grande concertation, d’états généraux, de longs débats, ce qui nous paraissait normal lorsque nous étions dans la majorité concernant des sujets de cette importance.

    Or vous, vous nous réunissez un dimanche, avec le coût pour la collectivité nationale que cela implique.

    M. Marc Le Fur. Il est vrai qu’on aurait pu utiliser cet argent à d’autres fins !

    M. Guillaume Chevrollier. Même si cette dépense supplémentaire sera assurée dans le respect du budget de l’Assemblée, comme vous l’avez précisé, monsieur le président, il faut diminuer la dépense publique et ne pas rester à budget constant. Bref,…

    M. Arnaud Leroy. Bref ?

    M. Guillaume Chevrollier. …nous aurions, pour notre part, organisé des états généraux, lancé un grand débat national, décidé un référendum. Bref,…

    M. Arnaud Leroy. Bref !

    M. Guillaume Chevrollier. …cette loi relative à la bioéthique n’a pas permis les procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant, donnant priorité au désir des adultes sur l’intérêt de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant doit continuer à être le fondement de notre droit en la matière. Accorder aux couples de personnes homosexuelles cette possibilité reviendrait non seulement à priver délibérément un enfant d’un père ou d’une mère par une filiation artificielle, mais ce serait introduire un mensonge d’État en faisant croire à des enfants qu’ils peuvent juridiquement avoir deux pères ou deux mères

    Alors que notre droit affirme que tous les hommes naissent libres et égaux, cette disposition contreviendrait à ce principe. En effet, vous créeriez plusieurs catégories d’enfants : ceux qui connaissent leurs parents biologiques et ceux à qui la société va refuser ce droit ; ceux qui vont pouvoir être élevés par un père et une mère et ceux qui auront deux mamans.

    De plus, ce droit offert aux femmes homosexuelles conduirait à une nouvelle discrimination entre les adultes, puisque les hommes homosexuels ne pourraient trouver, quant à eux, une réponse à leur désir d’enfant. La notion d’égalité qui vous est si chère…

    M. le président. Je vous remercie.

    La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2277.

    M. Pierre Lequiller. Je suis d’accord avec M. Noël Mamère, non sur le but, mais sur l’importance éthique, philosophique grave de ce débat. Il s’agit de la place de l’homme, de la femme, de l’enfant face à l’évolution de la science, face à l’évolution des techniques médicales, qui ne doivent pas primer sur les questions éthiques, philosophiques.

    Il y a une certaine hypocrisie, madame Bertinotti, à soutenir que nous n’avons pas le droit d’aborder cette question parce qu’elle serait hors sujet, alors que le groupe SRC voulait la mettre à l’ordre du jour et que de nombreux ministres ou personnalités socialistes, comme M. Rebsamen – qui, hier encore, s’est prononcé contre la PMA –, prennent clairement position dans la presse. Pourquoi avez-vous reporté le débat à plus tard ? Tout simplement parce que le groupe SRC est divisé sur la question. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Je suis sûr que, sur ce sujet, si l’on met de côté les controverses politiques et si l’on réfléchit en conscience, sur tous les bancs, les députés se posent des questions, sont troublés et partagés. Paradoxalement, nous sommes au cœur du sujet. La vérité est, encore une fois, que vous avez tout fait à l’envers. Il fallait d’abord consulter le Comité consultatif national d’éthique, organiser des états généraux et aborder l’ensemble du problème – mariage, adoption, PMA et…

    M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

    La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2762.

    M. Georges Fenech. Madame la garde des sceaux, ce matin, je me sens plus à l’aise qu’hier.

    M. Gwendal Rouillard. Ça ne va pas durer !

    M. Georges Fenech. Hier, je vous ai vue vous réjouir, ce qui est votre droit le plus légitime, de l’adoption de l’article 1er du texte qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. Nous n’avons pas les mêmes réjouissances de notre côté, mais, au moins, ce matin, nous sentons-nous plus à l’aise, en tout cas en ce qui me concerne, puisque si vous-même vous ne vous prononcez pas aujourd’hui sur la PMA, M. le rapporteur a clairement dit – j’allais dire que les masques étaient tombés, mais ce n’est pas le cas puisque nous, nous avons compris depuis le début – quel était votre objectif final : passer d’une procréation médicalement assistée à une procréation socialement assistée. Vous parliez de changement de civilisation ; on peut même évoquer un changement de la conception philosophique de l’Homme.

    Souffrez que l’on puisse en souffrir et que l’on formule des objections graves et profondes à un tel dispositif.

    Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, je me sens vraiment plus à l’aise aujourd’hui, disais-je, car si, jusqu’à présent, les Français pouvaient, comme nous, avoir des doutes, désormais, grâce à l’examen de cet amendement portant article additionnel, ils savent quel est le projet de société et de civilisation que vous nous préparez.

    Bien sûr, nous sommes en démocratie et vous êtes majoritaires ; bien sûr, le texte a toute chance d’être adopté ici – on verra ce qu’il en sera au Sénat –, mais au moins, les Français qui nous écoutent aujourd’hui savent quelle est la finalité de votre projet.

    Sans nier notre rôle de représentants de la nation, nous réclamons un référendum sur des questions de cette importance : j’appelle les Français à se mobiliser et je suis sûr qu’ils vont le faire. Nous allons entrer dans une seconde phase, où la France va enfin se faire entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2903.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par cet amendement, nous rappelons qu’un enfant a le droit d’avoir un père et une mère. Notre devoir est de le protéger des caprices des adultes.

    Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !

    M. Philippe Meunier. C’est la raison pour laquelle nous voulons réserver la PMA aux couples hétérosexuels. Avec ce projet de loi, vous avancez masqués, pour entraîner les Français vers la GPA, à leur insu,…

    Mme Marie-George Buffet. Oh !

    M. Pascal Popelin. Ça suffit !

    M. Philippe Meunier. …mais vous ne pourrez pas longtemps cacher au peuple votre volonté de détruire la famille. Vous êtes aux ordres de minorités agissantes…

    M. Pascal Popelin. Devra-t-on souffrir de tels mensonges encore longtemps ?

    M. Philippe Meunier. …au détriment de la cohésion sociale et de notre pacte républicain. Nous vous demandons de vous ressaisir !

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 3088.

    Mme Valérie Lacroute. Il s’agit d’un amendement de précaution. Il a en effet pour objet d’insérer dans le présent projet de loi l’assistance médicale à la procréation, en rappelant qu’elle est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme.

    Vous nous avez fait passer pour des ringards, voire des homophobes, au grand désespoir de mes enfants ; vous avez vociféré parce que l’un de nos collègues avait eu le malheur de se considérer comme normal ! Hier, je vous ai parlé en tant que maire ; aujourd’hui, c’est la mère qui s’adresse à vous… (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Pierre Dufau. Quel esprit !

    Mme Valérie Lacroute. En tant que mère, je m’inquiète, dans l’intérêt de l’enfant, des conséquences de votre loi. Un enfant se construit à partir d’un homme et d’une femme.

    M. le président. La parole est à M. le président Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3241.

    M. Bernard Accoyer. Cet amendement est essentiel, madame la garde des sceaux, car il nous permettrait, si vous l’acceptiez, de retrouver un peu de la sérénité et de la sécurité qui devraient dominer tous nos débats.

    À la page 93 du tome I de son rapport, le rapporteur est très clair sur l’accès à la PMA pour les couples formés de deux femmes : il s’agit là d’une première évolution qui pourrait conduire à un changement majeur de notre société puisque, de fil en aiguille, étape par étape, cela nous mènera évidemment au débat sur la gestation pour autrui et sur le clonage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous en avons parlé hier.

    Le mariage vaut l’adoption, nous l’avons vu, et le mariage de deux femmes vaut accès à la PMA, éventuellement par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. La seule manière de mettre un frein à cette évolution, et si vous êtes sincère, madame la garde des sceaux, je vous invite à y prêter attention, ce serait de préciser dans le texte que l’assistance médicale à la procréation est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme souffrant d’une infertilité à caractère pathologique. Ces deux derniers mots, « caractère pathologique », permettraient de verrouiller la possibilité d’une évolution, qui nous sépare profondément.

    Vous pourriez au moins, madame la garde des sceaux, accepter cet amendement pour laisser au Comité consultatif national d’éthique le temps de travailler à fond sur ce sujet, sans céder à la précipitation qui caractérise notre discussion. Il faudrait au moins que nous trouvions ensemble les moyens d’atténuer les effets de ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3400.

    Mme Catherine Vautrin. Depuis maintenant près de huit mois, le Gouvernement et plusieurs membres de la majorité nous ont habitués aux reniements – Mme Guigou n’est pas là ce matin : c’est dommage.

    Dans ce contexte, quel crédit pouvons-nous accorder à votre affirmation selon laquelle la PMA n’est pas à l’ordre du jour ? Plusieurs ministres se sont déjà exprimés en sa faveur ; Mme Touraine est passée dans cet hémicycle, mais je dois dire que son silence fut absolument étourdissant…

    M. Jean-Pierre Dufau. Vous voulez sans doute dire assourdissant ?

    Mme Catherine Vautrin. …puisqu’elle n’a pas daigné répondre à nos questions.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Parce que ce n’est pas le sujet !

    Mme Corinne Narassiguin. Ce texte porte sur le mariage !

    Mme Catherine Vautrin. À ce stade, la ministre de la santé n’a toujours pas exposé sa position devant la représentation nationale.

    Quant au fond de l’amendement, il a pour objet de rappeler que la PMA a pour fondement de lutter contre la stérilité, dans un contexte très encadré. Alors que ce sujet interpelle nos consciences, nous n’avons reçu aucun avis du Comité consultatif national d’éthique. D’une certaine manière, ce que vous avez en vue, en ouvrant précipitamment la PMA – parce que vous le ferez, madame la ministre, au printemps –, c’est bien la création d’un droit à l’enfant ; voilà le fond du sujet.

    Ce qui nous guide depuis toujours, et c’est la grande différence entre nous, c’est le droit de l’enfant, et non le droit à l’enfant : la différence est importante. Par ailleurs, au plan constitutionnel, vous prenez un véritable risque de rupture d’égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3412.

    M. Jacques Myard. Par cet amendement, nous faisons la lumière sur les conséquences inéluctables de l’adoption de l’article 1er, que vous avez voté hier. À partir du moment où vous avez mis sur un strict plan d’égalité le mariage hétérosexuel et le mariage homosexuel, la question de la PMA se pose.

    Je voudrais vous rappeler une chose que je vous ai déjà dite : j’ai rencontré, il y a quelques semaines, une enfant de sept ans qui est née dans ces conditions, parce que les deux personnes homosexuelles avec lesquelles elle vit avaient sans doute fait un voyage en Belgique. Cette enfant m’a dit, et cela m’a glacé : « Je n’ai pas de papa, et il va falloir que je m’y fasse. » Eh bien, elle ne s’y fera jamais !

    M. Arnaud Leroy. Qu’en savez-vous ?

    M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez déjà raconté cela !

    M. Jacques Myard. Toute sa vie, cette enfant subira cette stigmatisation. Vous jouez aux apprentis sorciers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3425.

    M. Xavier Breton. La question de l’assistance médicale à la procréation est inscrite dans la logique du texte. Pourquoi ? Parce que ce texte, avec l’adoption, crée un droit à la filiation pour les couples de personnes de même sexe. Or, il n’y a pas assez d’enfants adoptables, ni dans notre pays, ni dans le monde, si bien que ce droit à la filiation va être satisfait par d’autres techniques, qui seront l’assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui, d’abord à l’étranger, puis en France.

    Je voudrais revenir sur les propos qu’a tenus tout à l’heure le rapporteur : il a indiqué qu’il y aurait bien l’assistance médicale à la procréation, et sans états généraux. Or, que dit la loi de bioéthique que nous avons révisée en 2011 ? Que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. »

    Premièrement, sommes-nous confrontés aujourd’hui à des progrès de la connaissance qui justifient ces états généraux ? Oui ! La vitrification d’ovocytes, cette nouvelle technique, qui est autorisée – je parle sous le contrôle d’Alain Claeys, qui fut le président de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques – va avoir des conséquences qu’il convient de mesurer. Aujourd’hui, le syndicat des gynécologues obstétriciens demande de pouvoir pratiquer la vitrification d’ovocytes de convenance, alors que cette intervention était jusqu’ici très limitée. Nous sommes donc bien confrontés à des progrès de la connaissance.

    Deuxièmement, je trouve, monsieur le rapporteur, que vous faites une lecture un peu restrictive de la loi de bioéthique, au sujet des états généraux : selon vous, c’est seulement l’impact de nouvelles techniques qui devrait être étudié, mais on peut également, en toute logique, organiser des états généraux pour mesurer l’impact de techniques existantes qui font l’objet de nouvelles utilisations, sinon ce serait trop facile…

    M. le président. Merci, monsieur Breton.

    La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 3955.

    Mme Annie Genevard. Nous pensons que la PMA constitue, avec la GPA, le véritable objectif des partisans du projet de loi.

    M. Pascal Popelin. Eh bien, vous pensez mal !

    Mme Annie Genevard. Elle est pour eux la suite logique, voire la conséquence, de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe.

    Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir aux reformulations successives de l’article qui encadre la procréation médicalement assistée. Depuis la loi du 7 juillet 2011, le code de la santé publique dispose que « l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. » Avant cette date, il était fait référence à la « demande parentale », mais si cette notion a disparu en juillet 2011, c’est parce que le législateur, dans sa grande sagesse, a voulu donner la priorité à la dimension médicale de l’assistance à la procréation, en faisant reculer la prééminence du désir d’enfant des parents.

    Nous souhaitons en rester à ces dispositions et continuer à faire prévaloir la dimension médicale contre la demande parentale. C’est tout l’objet de cet amendement.

    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 4061.

    Mme Isabelle Le Callennec. Avec cet amendement, nous vous offrons une énième chance d’apporter la preuve aux Français, qui nous écoutent et qui suivent nos débats, que l’assistance médicale à la procréation restera, dans notre pays, réservée exclusivement aux couples hétérosexuels infertiles.

    Vous nous accusez d’hypocrisie, mais où est l’hypocrisie, si ce n’est du côté de votre majorité ? Votre intention est claire et aura une traduction dans la loi sur la famille et la filiation que vous nous annoncez. À ce propos, pourquoi le projet de loi sur le mariage est-il débattu maintenant, avant le projet de loi sur la famille ? Cette manière d’enchaîner les lois de façon incohérente, qui est devenue la marque de fabrique du Gouvernement, ne contribue pas à rendre le travail législatif serein et sincère.

    Ne prenez pas les Français pour ce qu’ils ne sont pas : ils sont majeurs et lucides. Dans quelques mois, la PMA sera ouverte aux couples homosexuels dans notre pays. Vous y êtes majoritairement favorables, mais vous ne l’êtes pas tous. Il reste encore parmi vous quelques irréductibles : ce sont eux que nous invitons, parce qu’ils partagent nos convictions, comme celles d’une grande majorité de Français, à voter notre amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 4274.

    M. Paul Salen. Madame la garde des sceaux, depuis le début de ce débat, vous refusez de répondre à une question, dont la réponse tient pourtant en un seul mot : le mariage des personnes de même sexe donnera-t-il, oui ou non, les mêmes droits que le mariage hétérosexuel, y compris la PMA ?

    Si vous ne voulez pas répondre aux membres de l’opposition…

    M. Pascal Popelin. Ceci ne figure pas dans le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer !

    M. Paul Salen. …ni aux Français qui nous regardent, répondez au moins à notre collègue, le député socialiste Jean-Louis Gagnaire qui, hier au soir, a écrit sur son blog qu’il était heureux que l’article 1er ait été voté, et qu’il l’avait voté parce que la PMA et la GPA ne verraient jamais le jour en France. Répondez au moins à ce député qui fait partie de votre famille politique ! Si vous ne répondez pas, madame la ministre, votre silence indiquera à tous les Français que vous mentez et que vous les trompez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4769.

    M. François de Mazières. Depuis maintenant des jours, nous vous demandons, madame la garde des sceaux, des éclaircissements quant à votre position sur la PMA. Nous vous avons même demandé de répondre par oui ou par non et jamais vous n’avez répondu. Nous voyons bien que c’est une tactique de votre part.

    Cet amendement vous donne la possibilité, enfin, d’éclaircir les choses. Mais malheureusement, nous savons que vous ne répondrez pas clairement.

    Nous en revenons toujours à deux visions différentes de la société. Vous mettez sans cesse l’égalité au devant de la scène, mais c’est l’égalité des désirs de l’adulte, tandis que nous mettons l’égalité des enfants au premier plan. Les enfants adoptés doivent pouvoir avoir un père et une mère. C’est une inégalité fondamentale de dire qu’un enfant n’aura pas, au moment de l’adoption, un père et une mère, et vous savez que la PMA est le moyen de contourner ce problème.

    Puisque vous repoussez le débat sur la PMA, nous vous demandons de tenir des états généraux sur cette question, et non simplement de prendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique, même si cet avis est certes important. C’est également la demande que nous vous faisons depuis des mois sur ce projet de loi essentiel que nous discutons, mais nous n’avons malheureusement pas pu obtenir satisfaction. Si ces états généraux s’étaient tenus, les Français auraient pu mieux s’exprimer.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 4824.

    Mme Laure de La Raudière. Cet amendement souligne qu’il existe un lien évident entre le texte que nous discutons aujourd’hui sur le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe et la question de l’ouverture de la PMA à ces mêmes couples.

    Refuser de le reconnaître et d’en discuter est de l’hypocrisie de votre part. Nous ouvrons donc le débat sur ce sujet. Nous vous avons demandé un grand débat avec les Français sur ces questions de l’ouverture du mariage et de l’adoption, mais vous l’avez refusé. Nous vous avons demandé des états généraux sur la famille, vous répondez que ce n’est pas le moment. Quand allez-vous réunir ces états généraux ? Avez-vous peur des familles ?

    Nous vous avons demandé de consulter le Conseil consultatif national d’éthique, ce n’est toujours pas le cas. Vous avancez en force. Si vous n’étiez pas prêts, il fallait attendre un peu et proposer un projet de loi portant sur le mariage et la famille. Ainsi, les Français auraient eu une vision complète et claire de votre politique sur ces sujets majeurs de notre société.

    Madame la rapporteure pour avis, vous nous appelez à cesser l’hypocrisie qui consiste à ne pas voir que des femmes lesbiennes vont à l’étranger pratiquer la PMA. Comme s’il était anodin d’autoriser la PMA pour des motifs autres que l’infertilité médicale ! Que nous direz-vous ensuite ? Vous nous expliquerez qu’il faut cesser l’hypocrisie parce que des femmes vont pratiquer des GPA à l’étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Des femmes qui pratiquent la GPA à l’étranger, il n’y en a pas beaucoup…

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5512.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement est au cœur de nos débats. C’est tout le sens de ce projet que de débattre des conséquences de ce droit à l’enfant que nous sommes en train de créer.

    Je m’interroge sur le sens de la loi. Le sénateur Jean-Pierre Michel écrit qu’il va falloir « suivre la science ». Notre rôle dans cet hémicycle est-il de suivre la science ? Je vous entends dire que puisque cela se fait à l’étranger, il faut le faire ici. Est-ce que le sens de ce que nous faisons dans cet hémicycle est de suivre ce qui se passe à l’étranger ? N’avons-nous pas, en France, à l’Assemblée nationale, la capacité de proclamer nos propres valeurs ? La France se grandit quand elle fait rayonner ses valeurs, pas quand elle essaie de suivre, bon an mal an, celles des autres pays.

    Quel est le sens de la loi lorsqu’elle se contente de suivre les usages ? Faut-il suivre les usages et permettre la PMA, ou se poser fondamentalement la question du sens de cet acte qui, à la base, est un acte médical ?

    Telles sont les raisons pour lesquelles cet amendement est indispensable à nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 5218.

    M. Yves Nicolin. Nous connaissions la boîte de Pandore, nous connaîtrons désormais la boîte Taubira. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Petit à petit, nous découvrons que le Gouvernement a d’autres desseins que d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe.

    Nous avons déjà découvert qu’ils pourraient adopter. Mais pourquoi s’arrêter là ? Si adopter est le moyen d’offrir un enfant à ces couples, il faudra leur permettre dans ce cas d’avoir un enfant par PMA, par GPA et après-demain, par clonage. Vous leur donnerez tous les moyens.

    C’est cette raison qui nous pousse à déposer cet amendement. Nous aurons une réponse claire : il y aura un vote, et vous allez voter contre cet amendement. Nous saurons ainsi quels sont ceux qui veulent réserver la PMA aux couples hétérosexuels, et quels sont ceux qui sont prêts à l’ouvrir aux couples homosexuels.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. S’agissant des états généraux, vous avez cité le texte qui justifie la position que j’ai exprimée tout à l’heure et sur lequel la commission s’est fondée pour estimer qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir des états généraux afin de permettre la PMA aux couples de femmes.

    Permettez-moi de citer le rapport de Jean Leonetti sur la modification des lois bioéthiques de 2011 : « cette question dépasse largement le cadre d’une loi de bioéthique. (…) Même si la demande d’une meilleure reconnaissance de l’homoparentalité s’accroît et si la question de l’accès des couples de femmes à l’AMP est posée, son émergence à l’occasion du réexamen des lois de bioéthique ne doit pas faire oublier que cette question relève fondamentalement du droit de la famille. » C’est donc par le droit de la famille que nous pourrons traiter cette question dans cet hémicycle.

    M. Céleste Lett. En quoi cela empêche-t-il d’ouvrir des états généraux ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. M. Aubert a dit – peut-être était-ce un mot malheureux de sa part – que les couples qui allaient à l’étranger concevoir un enfant avec le recours à l’AMP étaient dans l’illégalité.

    Non, ils ne sont pas dans l’illégalité. Ils prennent le Thalys, il n’y a rien de plus simple, ou ils vont en Espagne, rien n’est moins compliqué. Ils ne sont pas en situation d’illégalité, c’est important de le dire.

    J’en profite pour préciser qu’ils sont très nombreux à traverser la frontière, au sud comme au nord, pour concevoir ces enfants. Je crois qu’ils sont près de 2 000 par an en Belgique. Lorsque nous sommes allés, avec Philippe Gosselin, visiter l’hôpital Érasme à Bruxelles, nous avons appris que l’accès en est limité pour les Françaises, parce qu’elles seraient beaucoup plus nombreuses si les hôpitaux ou les cliniques de fertilité leur ouvraient davantage leurs portes.

    Mais ces enfants existent. Il en naît, aujourd’hui et tous les jours. En dénonçant notre volonté d’ouvrir la PMA aux couples de même sexe, en tout cas aux couples de femmes, en disant que nous allons délibérément les priver d’un père et d’une mère, entendez-vous que vous préféreriez finalement que ces enfants ne naissent pas ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce ce que vous êtes en train de dire à ces enfants qui naissent tous les jours, conçus en Belgique par des couples de femmes ?

    M. Philippe Meunier. Vos arguments sont honteux !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Allez-vous leur dire qu’il aurait été préférable, dans leur intérêt, qu’ils ne naissent pas ? (Mêmes mouvements.)

    M. Jacques Myard, M. Céleste Lett et M. Philippe Gosselin, C’est une honte !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pourtant ce que vous dites ! Et pire encore, deux de vos collègues ont employé les termes d’« enfants-objets ».

    Monsieur Bénisti, vous nous avez rappelé qu’aujourd’hui était le jour du seigneur, faites en sorte qu’il vous inspire mieux ! Dire à ces enfants qu’ils sont des objets ! Quand même, ayez un peu de dignité !

    M. Philippe Gosselin. La citation n’est pas la bonne !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vos amendements restreignent l’accès à l’assistance médicale à la procréation davantage que ce qui est aujourd’hui possible pour les couples hétérosexuels. Vous la réservez aux couples souffrant d’une infertilité à caractère pathologique. Ce faisant, vous oubliez les situations dans lesquelles il y a un risque de transmission de maladie, qui existent dans notre droit.

    Vous êtes donc en retrait, pour les couples hétérosexuels, sur les droits dont ils disposent aujourd’hui.

    M. Bernard Accoyer. Cet argument est spécieux !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission a rendu un avis défavorable à l’ensemble de ces cinquante-trois amendements.

    M. le président. Sur l’amendement n° 882 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En tant que ministre chargée de la famille, j’ai pour mission la protection de l’enfance. Vous qui brandissez le droit de l’enfant comme une bannière, évitez de parler d’« enfants-Playmobil » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est profondément insultant ! Nous n’avons rien de commun, jamais nous n’aurions chosifié l’enfant comme vous le faites. Évitez ces expressions, de grâce ! (Mêmes mouvements.)

    Nous convenons tous que les questions de filiation sont importantes, mais il est insupportable de les lier à celle de l’homosexualité. Les questions de filiation dépassent très largement celle de l’homosexualité et doivent trouver des réponses aussi bien dans les milieux hétérosexuels qu’homosexuels. Recentrons-nous donc sur la loi qui vous est soumise aujourd’hui, et qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    Troisièmement, vous faites référence à une « philosophie judéo-chrétienne »…

    M. Bernard Accoyer. Ça, ça vous fait mal, n’est-ce pas ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pas du tout !

    Cette référence, allez l’expliquer à nos amis Islandais, Norvégiens, Suédois, Finlandais, Néerlandais, Belges, Anglais, Espagnols ou Australiens… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Alain Bénisti. On est en France madame !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Tous ont aujourd’hui ouvert la PMA aux couples de même sexe.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux à mon tour dire à quel point j’ai été choquée d’entendre parler d’« enfants-Playmobil ».

    Vous parlez constamment des droits de l’enfant, René Char disait que les mots savent de nous des choses que nous ignorons d’eux. Les mots que vous utilisez révèlent des choses. Vous n’en avez pas toujours la maîtrise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    Vous reprochez au Gouvernement de ne pas avoir saisi le Conseil national d’éthique sur un texte de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    Vous reprochez au Gouvernement de ne pas avoir effectué d’étude d’impact sur l’assistance médicale à la procréation, pour un texte qui concerne le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe.

    Il serait également possible de reprocher au Gouvernement de ne pas avoir réfléchi à la GPA pour ce texte qui concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

    Vous pourriez encore lui reprocher de ne pas avoir effectué d’étude d’impact sur le clonage, dans ce texte qui concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. D’ailleurs il n’est pas certain que vous n’y veniez pas tôt ou tard…

    Monsieur le président Accoyer, vous proposez, avec d’autres, d’insérer dans le Code civil : « L’assistance médicale à la procréation est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme souffrant d’une infertilité à caractère pathologique dans les conditions prévues par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique. »

    Le Code civil a tiré les conséquences de l’assistance médicale à la procréation en matière de filiation.

    Vous nous demandez d’inscrire dans le code civil que l’assistance médicale à la procréation sera expressément – pardon d’avouer que je ne sais pas ce que signifie juridiquement « expressément », dont nous conviendrons qu’il n’est pas synonyme d’« exclusivement », – réservée à des couples souffrant d’une infertilité à caractère pathologique. Je donne lecture de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. »

    Ou bien vous voulez modifier le code de la santé publique par le biais d’un amendement imprécis, donc moins bien rédigé que les dispositions actuelles, ou bien vous voulez introduire dans le code civil une disposition du code de la santé publique avec des imprécisions.

    M. Jacques Alain Bénisti. C’est un nouvel amendement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le préciserez peut-être tout à l’heure.

    L’assistance médicale à la procréation est un sujet sérieux,…

    M. Céleste Lett et M. Patrice Martin-Lalande. Là, on est d’accord !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que le Gouvernement approche de façon extrêmement sérieuse. Elle mérite beaucoup mieux qu’un amendement qui, même s’il était adopté – ce qui est évidemment un risque extrêmement peu probable – exposerait ce sujet aussi sérieux à une censure totalement inutile du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

    M. Charles de La Verpillière. Le débat qui vient d’avoir lieu et les réponses des ministres montrent bien, s’il en était besoin, la justesse de notre raisonnement. Il y a en effet un enchaînement logique dans ce texte. Vous avez décidé d’autoriser le mariage des couples homosexuels.

    M. Jacques Myard. Au nom de l’égalité !

    M. Charles de La Verpillière. Tout à fait logiquement, vous êtes conduits à autoriser également ces couples homosexuels mariés à adopter. Or vous savez très bien que cela ne pourra pas suffire ! Mme la garde des sceaux nous a expliqué tout à fait justement que la procédure d’adoption est longue et très exigeante. Par ailleurs, nous savons tous que peu d’enfants sont adoptables, en France comme à l’étranger. Par conséquent, il faudra trouver d’autres solutions pour satisfaire le désir d’enfant légitime des couples homosexuels.

    Qu’arrivera-t-il alors ? Pour les couples homosexuels de femmes, on autorisera l’assistance médicale à la procréation. Pour les couples homosexuels d’hommes, on autorisera la gestation pour autrui. C’est inévitable ! Mme Bertinotti l’a presque reconnu, Mme Taubira est plus prudente, mais le porte-voix de la majorité sur ce sujet, celui qui dit ce que le Gouvernement n’ose pas révéler, est le groupe écologiste, dont les députés comme M. Mamère ont au moins l’honnêteté de dire qu’ils sont favorables à la gestation pour autrui…

    Mme Barbara Pompili. Non ! Non ! Non !

    M. Charles de La Verpillière. …et à l’assistance médicale à la procréation.

    M. Noël Mamère et Mme Barbara Pompili. Ce sont deux choses différentes !

    M. Charles de La Verpillière. Madame Taubira, encore un effort ! Reconnaissez l’objectif qui est le vôtre, et auquel vous aboutirez nécessairement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy.

    M. Arnaud Leroy. Depuis presque une semaine, nous parlons de GPA et de PMA. Monsieur le président, pourriez-vous offrir des sonotones aux membres de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.), afin de nous assurer que, la semaine prochaine, nous puissions discuter du texte ?

    Deuxième point : j’entends parler « d’enfants Playmobil ». Et vous vous faites les défenseurs de la famille ! Arrêtez de considérer les enfants comme des boucliers humains ! Je parle en tant que père : vous n’avez pas le monopole de la famille et des enfants (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC),…

    M. Jacques Myard. Vous non plus !

    M. Arnaud Leroy. …surtout quand je les vois prier à quatre ans, sous la pluie, avec vos amis de Civitas ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. C’est indigne !

    M. Marc Le Fur. On ne peut accepter ces propos !

    M. Arnaud Leroy. Troisième point : j’aurais aimé disposer d’une étude d’impact sur le coût de l’effacement de la valeur d’égalité sur les frontons des bâtiments de la République. (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues… Calmez-vous, seul M. Leroy a la parole.

    M. Arnaud Leroy. C’est pourquoi le groupe SRC rejettera en bloc cet amendement. (Les députés du groupe UMP continuent de protester vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Vous défendez la PMA. Dans l’un des passages clairs de son rapport, à partir de la page 91,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est déjà trop long !

    M. Hervé Mariton. …le rapporteur parle explicitement – entendez que l’on travaille autour du texte du rapporteur ! –…

    M. Philippe Gosselin et M. Charles de La Verpillière. Souffrez ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. …d’un enjeu d’égalité et de liberté, d’un enjeu de cohérence et d’un enjeu de santé publique. Cela mérite que l’on s’y arrête !

    Nous refusons la banalisation de la PMA. Monsieur le rapporteur, nous ne contestons pas l’existence d’enfants, mais nous cherchons à apporter les meilleures réponses pour tous les enfants.

    En réalité, ce qui nous inquiète, c’est que pendant la campagne électorale, votre majorité et le Président de la République ont coché toutes les cases des débats de société : le mariage des personnes de même sexe, la PMA, la GPA à laquelle nombre de membres du Gouvernement et de la majorité sont favorables, l’euthanasie au sujet de laquelle des débats sont engagés et des propositions formulées, ainsi que l’évolution de la législation relative à la recherche sur l’embryon.

    Pendant de nombreuses décennies, nous avons su vivre ensemble avec un certain consensus sur ces questions à la fois importantes et délicates, sur lesquelles il faut réunir plutôt que de diviser. Or, monsieur le rapporteur, vous faites le choix de banaliser la PMA dans votre propre proposition. Nous confirmons que la PMA est utile quand il s’agit de résoudre une infertilité pathologique. Ces questions ont longtemps fait l’objet d’un consensus…

    M. André Schneider. Eh oui !

    M. Hervé Mariton. …que des travaux réunissant des acteurs compétents – je pense au Comité consultatif national d’éthique et aux états généraux de la bioéthique – ont permis de former.

    Avec ce texte qui considère davantage le mariage comme un instrument que comme un objectif, c’est une grave responsabilité que vous prenez en ouvrant la voie de la banalisation de la PMA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard. Monsieur le président, il faudrait offrir des lunettes aux membres de la majorité, car ils ne savent pas lire le rapport ! (Sourires.)

    M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

    M. Yann Galut. Mes chers collègues, nous sommes nombreux à être présents en séance depuis mardi, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons.

    M. Jacques Myard. C’est bien de le reconnaître !

    M. Yann Galut. On sent quelque part que vous savez, au fond de vous, que vous avez perdu la bataille idéologique et la bataille politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    M. Jacques Myard. C’est vous qui les avez perdues !

    M. Yann Galut. Dès lors, vous ne faites plus que détourner le débat en parlant de tout autre chose. Pourquoi êtes-vous arrivés à cette conclusion ? Parce que nous sommes plusieurs, dans cet hémicycle, à avoir vécu la même chose il y a une quinzaine d’années, dans un débat d’ailleurs peut-être beaucoup plus violemment qu’aujourd’hui, je tiens à le dire.

    M. André Schneider. On a tort parce qu’on est minoritaires ? On l’a déjà entendue, celle-là !

    M. Yann Galut. Le PACS a été adopté, et quelques années plus tard vous l’avez amélioré. La même chose arrivera avec le mariage pour tous.

    Aujourd’hui, vous détournez le débat. Dans un premier temps, vous avez déploré qu’il n’y ait pas de débat ; or nous voyons bien qu’il y en a un. Dans un deuxième temps, vous avez demandé un référendum. Il y a deux jours, vous avez insisté sur la GPA. Ce matin, vous parlez de la PMA. Hier, c’était la clause de conscience pour les maires.

    M. André Schneider. C’est notre droit, non ?

    M. Yann Galut. Recentrons-nous sur notre débat !

    M. Jacques Myard. Dictature !

    M. Yann Galut. Je fais partie des parlementaires qui sont un peu choqués quand vous instrumentalisez de cette manière les enfants. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. C’est vous qui les instrumentalisez !

    M. Yann Galut. Vous avez employé des mots extrêmement durs. Vous avez parlé « d’enfants objets ». Vous avez parlé « d’enfants Playmobil ». Comment peut-on qualifier des enfants de Playmobil ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Arnaud Leroy. C’est honteux !

    M. Yann Galut. Il est nécessaire que vous repreniez vos esprits.

    Mme Catherine Vautrin et M. Philippe Gosselin. Vous demandez une suspension de séance pour que nous reprenions nos esprits, pour la sérénité du débat ? (Sourires.)

    M. Yann Galut. Nous sommes dimanche. Le débat est beaucoup plus calme, et j’espère qu’il va continuer sur ce ton. Mes chers collègues, il nous reste 4 100 amendements à examiner.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ?

    M. Yann Galut. Vous nous accusez de ne pas nous attaquer aux vraies questions que sont le chômage et les problèmes économiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Merci, mon cher collègue.

    M. Yann Galut. Faisons en sorte de terminer ce débat ! Faisons en sorte d’avancer ! Faisons en sorte de donner les mêmes droits…

    M. le président. Merci, monsieur Galut. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 882 et les amendements identiques nos 938, 1472, 1543, 1632, 1778, 2277, 2762, 2903, 3088, 3241, 3400, 3412, 3425, 3955, 4061, 4274, 4769, 4824, 5112 et 5218.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 333

    Nombre de suffrages exprimés 331

    Majorité absolue 166

    Pour l’adoption 111

    Contre 220

    (L’amendement n° 882 et les amendements identiques nos 938, 1472, 1543, 1632, 1778, 2277, 2762, 2903, 3088, 3241, 3400, 3412, 3425, 3955, 4061, 4274, 4769, 4824, 5112 et 5218 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un – vrai – rappel au règlement.

    M. Gérald Darmanin. Monsieur le président, il s’agit bien sûr d’un vrai rappel au règlement, sur la base de l’article 58, alinéa 1, pour répondre à M. Leroy et à M. Galut. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est donc pas un rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Darmanin, ne répondez pas aux orateurs, intervenez sur le déroulement de la séance !

    M. Gérald Darmanin. Tout à fait, monsieur le président. C’est le coup des sonotones : j’ai sans doute mal entendu ! (Mêmes mouvements.)

    Nous ne sommes pas dans un western, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Nous n’avons aucune leçon de morale à recevoir de la part de personnes qui ont majoritairement voulu mettre M. Strauss-Kahn à la présidence de la République ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Bruit.)

    Gardez vos leçons de moralité ! Faites la loi de la République, et arrêtez avec votre bienséance bien pensante ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Monsieur Darmanin, faites attention ! Si certains d’entre nous ont des sonotones, vous venez de les faire sauter ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. Très bonne réponse, monsieur le président ! C’est gentil de penser à nous ! (Sourires.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1610 et 2157, pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 1610. (Bruit persistant.)

    Mme Marie-George Buffet. Calmez-vous, chers collègues, et reprenons tranquillement l’examen des amendements !

    Mon amendement vise à insérer un article additionnel qui prévoit l’établissement de la filiation pour les deux membres du couple ayant recours à l’assistance médicale à la procréation, lorsqu’il s’agit d’un couple de deux femmes, que l’AMP ait eu lieu ou non sur le territoire français. Il complète le dispositif d’extension de l’AMP à ces couples prévu dans notre amendement n° 1613.

    À mes yeux, le cœur du débat de la filiation doit être fondé sur l’engagement parental. En l’espèce, les lois de bioéthique ont consacré la valeur de l’engagement du compagnon stérile lors d’une PMA avec don de gamètes. Le compagnon de la mère a accès aux mêmes facilités pour faire reconnaître sa filiation qu’un père biologique. Cette vérité selon laquelle ce sont l’amour et l’engagement parental qui fondent la filiation doit nécessairement s’appliquer aux couples de femmes homosexuelles. Dans un couple de femmes, aussi bien celle qui a porté l’enfant que celle qui l’accompagne sont mères. Cet amendement garantit à chacune des membres de ce couple la même responsabilité et le même engagement. Il garantit la stabilité de la famille ; il constitue une assurance pour l’avenir et garantit donc les droits de l’enfant. Comme je le disais hier, quand on a des parents de plein droit, on est enfant de plein droit. Mesdames les ministres, cette situation concerne de nombreux enfants qui ont pleinement besoin que la République leur donne toutes les chances de s’épanouir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2157.

    M. Sergio Coronado. En ce début d’intervention, je me permets de citer l’un de mes collègues : « La PMA pour les couples d’homosexuelles, c’est une question dont on sait qu’elle sera sous-jacente pendant le débat sur le mariage. Autant la poser, et pourquoi ne pas essayer de la résoudre au moment du débat sur le mariage pour tous. » Il s’agit d’une déclaration de notre collègue Bruno Le Roux au mois d’octobre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Vautrin. Vous avez de bonnes lectures !

    M. Sergio Coronado. À l’époque, le groupe écologiste pensait comme Bruno Le Roux que l’on pouvait avancer d’un même élan sur la question de la PMA et sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Notre groupe a maintenu sa cohérence et a donc déposé cet amendement.

    M. Philippe Gosselin. Le sonotone n’est pas efficace en cas d’amnésie… (Sourires.)

    M. Sergio Coronado. Je ne répéterai pas les arguments que vient de présenter brillamment ma collègue Marie-George Buffet.

    Je tiens seulement à faire remarquer que sur cette question de la PMA, j’ai l’impression de revivre les débats qui ont eu lieu autour de l’avortement.

    On veut toujours se voiler la face et mettre des œillères pour ne pas voir la réalité. Aujourd’hui, des femmes se déplacent en Belgique, en Espagne ou ailleurs pour faire des « bébés Thalys ». On les condamne et on qualifie cela de tourisme procréatif. Je vous rappelle aussi qu’il existe des PMA « artisanales » qui tombent sous le coup de la loi en France et qui posent un certain nombre de questions relevant de la santé publique. C’est pourquoi nous avons décidé de mener ce débat ici et maintenant. Au demeurant, nous ne pensons pas que la question soit tranchée.

    Chers collègues de l’opposition, nous ne sommes pas socialistes et nous n’avons pas participé au dialogue entre l’exécutif et le groupe majoritaire…

    M. Jacques Myard. Ils sont vraiment sympas avec le Gouvernement, les écolos !

    M. Sergio Coronado. …et nous ne sommes pas convaincus que cette question, contrairement à vous, sera abordée dans le cadre de la loi famille. J’ai beaucoup de doutes à cet égard puisque le Président de la République a décidé de saisir le Comité consultatif national d’éthique lequel, je vous le rappelle, a déjà rendu un avis sur l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe en 2005 : il s’y était opposé.

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’était son droit, non ?

    M. Sergio Coronado. Mon collègue Alain Claeys, qui est intervenu hier au nom du groupe socialiste, n’a pas dit qu’il était favorable à l’ouverture de la PMA dans le cadre du projet de loi sur la famille annoncé pour le mois de mars. Il était plutôt d’accord avec les membres de l’opposition pour renvoyer cette question à un hypothétique débat sur la bioéthique.

    Pour ma part, je souhaiterais un débat franc, serein et clair pour obtenir des garanties sur la question de la PMA.

    Mme Catherine Vautrin. D’accord.

    M. Philippe Gosselin. C’est aussi ce que nous demandons !

    M. Sergio Coronado. S’il n’a pas lieu maintenant, vous ne pouvez le repousser à jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 2157, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je donnerai également l’avis de la commission sur les amendements suivants n°s 1613 et 2705 qui procèdent de la même logique. Les deux premiers amendements visent à compléter l’article 311-20 du code civil relatif à la filiation pour les enfants nés par PMA et les deux suivants visent à modifier l’accès à la technique de PMA dans le code de santé publique.

    Pour ces quatre amendements, l’avis de la commission est défavorable.

    Je l’ai dit à plusieurs reprises, je l’ai rappelé dans mon rapport et cela est s’est imposé assez rapidement à nous lors des auditions et divers débats qui ont débuté il y a fort longtemps : la PMA est un sujet indéfectiblement imbriqué dans la question du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Oui…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous savons fort bien que l’adoption telle qu’elle est proposée par ce texte concerne aussi l’adoption intra-familiale. Il n’est donc ni imaginable ni cohérent de permettre l’adoption intra-familiale dans les couples de femmes sans prévoir les modalités de naissance des enfants. C’est pour cette raison que tous les pays du monde qui ont ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Alain Bénisti. Ces pays ne sont pas nombreux.

    M. Philippe Gosselin. Très peu nombreux !

    M. Bernard Accoyer. Quinze !

    M. Erwann Binet, rapporteur. … autorisent la PMA pour les couples de lesbiennes. Seul le Portugal ne l’autorise pas parce que ce pays ne permet pas la filiation. Il a ouvert le mariage et se pose aujourd’hui seulement la question de la filiation.

    C’est une question de cohérence aussi pour des raisons de santé publique. Il n’est pas acceptable que des femmes françaises soient obligées d’aller en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne pour y subir des protocoles médicaux très lourds. Je me suis rendu, avec Philippe Gosselin, en Belgique pour rencontrer des médecins et leur poser la question de savoir quel était l’état psychologique de ces femmes françaises qui venaient pratiquer ces examens. Nous avons été surpris de leur réponse. Nous nous attendions à ce qu’ils nous disent que ces femmes étaient dans un état de grand stress. Or ils nous ont répondu qu’elles assumaient leur projet mais qu’elles éprouvaient un fort sentiment d’humiliation en étant obligées de quitter leur pays pour se rendre à l’étranger. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Ils n’ont pas exactement dit cela.

    M. Pierre Lequiller. On ne va tout de même faire la loi en fonction de la Belgique !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pour les femmes qui ne peuvent aller en Belgique, il y a le recours à l’insémination « artisanale », comme l’on dit, qui est pratiquée dans des conditions sanitaires très risquées pour les femmes. Inutile de faire mine de vous étonner, monsieur Accoyer, c’est la réalité. L’insémination est pratiquée avec une seringue. Le donneur, on peut le trouver sur internet. Cela n’est pas tolérable !

    M. Philippe Gosselin. Alors, on légalise ? Même chose pour la GPA ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. On ne peut pas jeter un voile pudique et prétendre que cela n’existe pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    L’ouverture de la PMA aux couples de femmes pose des questions qu’il faudra traiter dans un grand débat. Plusieurs réflexions ont été ouvertes et doivent être menées sur l’accès aux origines, par exemple, le remboursement par la sécurité sociale, l’accès de la PMA aux femmes célibataires, la plupart des pays qui ouvrent la PMA aux couples de femmes l’ouvrent également aux femmes célibataires. Certains pays ouvrent la PMA aux femmes célibataires, mais pas aux couples de femmes lesbiennes : la Grèce, la Finlande, Israël, la Roumanie entre autres.

    Toutes ces questions devront être posées et c’est pourquoi il est sans doute préférable, la commission en a du reste jugé ainsi, qu’elles le soient dans le cadre de la prochaine loi sur la famille annoncée par le Gouvernement.

    Avis défavorable donc.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Charles de La Verpillière. Ce ne sera pas facile !

    Christiane Taubira, garde des sceaux. D’abord, je tiens à saluer l’engagement de plusieurs années de Mme Marie-George Buffet sur ces questions, ainsi que celui des députés écologistes, notamment la forte implication de M. Sergio Coronado.

    Nous ne traitons pas de la PMA dans ce texte et cela vaut pour ces deux amendements.

    M. Benoist Apparu. Qu’en pense M. Le Roux ?

    M. Philippe Gosselin et M. Jean-Frédéric Poisson. Cela passe mal ! Cela lui est resté en travers de la gorge ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Charles de La Verpillière. Il faudra aussi donner la parole à M. Mamère…

    M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous abordez le sujet sur la base de la filiation. Il y a en effet lieu de considérer comment celle-ci peut être établie par le deuxième parent dans ces cas-là.

    Nous avons relevé une difficulté d’ordre juridique et technique dans vos amendements. La difficulté juridique, c’est la référence à l’article 311-20 du code civil sur le consentement, les conditions dans lesquelles la filiation est établie et les conditions d’interdit de la revendication de la filiation par le tiers donneur – c’est inscrit dans notre texte. Vous n’avez pas procédé à l’adaptation nécessaire.

    Dans votre amendement, la conjointe n’a pas le choix. La disposition est automatique comme dans la présomption de paternité. La différence, c’est que dans la présomption de paternité, en cas de contentieux il y a une possibilité de contestation fondée sur des éléments biologiques, alors que dans le cas que vous évoquez, nous n’aurions pas d’éléments pour fonder la contestation de la conjointe qui pourrait dire qu’elle ne souhaite pas assurer la deuxième filiation.

    C’est pourquoi nous pensons qu’il est nécessaire de travailler davantage sur ces dispositions. Nous admettons que le sujet est réel et important, mais nous voudrions, lorsque nous serons en mesure d’apporter une réponse de droit,…

    M. Philippe Gosselin. C’est pour bientôt !

    M. Charles de La Verpillière. La PMA, c’est pour demain !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qu’elle soit la plus efficace possible et éviter, dans le souci de stabiliser un lien de filiation, de limiter la liberté d’un membre du couple. Le Gouvernement aurait souhaité le retrait de cet amendement, à défaut, son avis sera défavorable, en sachant que nous serons appelés à approfondir le sujet.

    M. Jean-Jacques Bridey. Très bien.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Le rapporteur et les auteurs de l’amendement reconnaissent qu’il n’y aura pas beaucoup d’adoptions après le projet de loi – si par malheur il est voté… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Comme nous le disons, ce projet de loi, c’est « mariage pour tous, adoption pour personne »…

    M. Marcel Rogemont. Égalité pour tous.

    M. Hervé Mariton. …tant il aura peu d’effets pour les possibilités d’adoption pour les personnes de même sexe. Mais il tarira l’adoption et compliquera les conditions de l’adoption pour les couples hétérosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Mais bien sûr !

    M. Hervé Mariton. Que proposez-vous ?

    S’agissant de l’assistance médicale à la procréation, vous proposez une légalisation, au motif que des personnes y recourent et qu’il faut en tirer les conséquences. Nous ne pouvons évidemment pas cautionner un tel raisonnement. La PMA est l’un de vos objectifs, madame la garde des sceaux vient de le reconnaître ; ce n’est pas le nôtre !

    Monsieur Coronado, il est des pays où l’assistance médicale à la procréation est autorisée à un couple, il en est d’autres où elle est autorisée à une personne célibataire. Votre amendement prévoit la présomption de parenté étendue aux couples de même sexe.

    Mme Barbara Pompili. Oui.

    M. Hervé Mariton. Dès lors que vous étendez la présomption de parenté aux couples de même sexe, vous cassez la présomption de paternité qui existe actuellement dans le mariage et vous abîmez le mariage non seulement pour les couples de même sexe, mais également pour l’ensemble des couples. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    C’est ce que nous démontrons depuis le début de nos débats. Votre texte a un effet pour tous et il abîme la situation actuelle pour tous.

    M. Philippe Gosselin. Imparable !

    M. Hervé Mariton. Vous ouvrez une présomption de parenté à des couples de femmes. Compte tenu de la fiction que cela représente, vous tuez la présomption de paternité dans des couples hétérosexuels et faites disparaître, comme Mme Mazetier le demande, un des éléments fondamentaux, solides et stabilisateurs du mariage tel qu’il existe aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. M. Mariton ferait bien de relire l’ensemble de la liasse d’amendements qui a été distribuée car nous proposons également une présomption de parenté comme au Québec.

    Je laisse maintenant la parole à mon collègue Mamère qui souhaite intervenir sur le fond. (Rires.)

    M. le président. Jusqu’à nouvel ordre, c’est moi qui distribue la parole… (Sourires.)

    La parole est à M. Noël Mamère.

    M. Noël Mamère. Merci, monsieur le président, pour votre grande mansuétude.

    Les écologistes n’ont jamais avancé masqués dans cette affaire.

    M. Charles de La Verpillière. C’est vrai ! À la différence des socialistes et du Gouvernement !

    M. Noël Mamère. Nous avons toujours dit que ce projet de loi avait une grande influence sur la question de la filiation et que l’on ne peut délier cette question de celle du mariage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Monsieur de la Verpillière, vous avez proféré une contrevérité en prétendant que je m’étais prononcé pour la PMA et la gestation pour autrui.

    Autant nous nous prononçons en faveur de la PMA et nous considérons que ce sujet doit être traité aujourd’hui dans le cadre de ce projet de loi et ne pas être renvoyé à une loi sur la famille…

    Mme Catherine Vautrin. Cela a le mérite d’être clair !

    M. Noël Mamère. …autant sur la question de la gestation pour autrui, nous n’avons pas pris de position. La seule position que nous ayons eue et qui a été confirmée par la circulaire de Mme Taubira, c’est au sujet de l’intégration dans la nationalité française des enfants nés à l’étranger.

    M. Charles de La Verpillière. C’est un premier pas.

    M. Noël Mamère. C’est une protection juridique. Ce n’est pas le droit à l’enfant, c’est le droit de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    Sur la question de la procréation médicalement assistée, nous menons, avec Marie-George Buffet et un certain nombre de nos collègues, un combat pour sortir de l’hypocrisie.

    Notre collègue Mariton prétend qu’en dépit de ce projet de loi, il n’y a pas de possibilité pour adopter.

    M. Hervé Mariton. L’adoption pour personne !

    M. Noël Mamère. Nous savons, cher collègue, qu’il y a très peu d’enfants adoptables. La conséquence de cette loi n’est pas extra-familiale, mais infra-familiale. Nous voulons permettre à des couples homosexuels qui élèvent aujourd’hui des enfants qui ont été adoptés par l’un des deux parents, de pouvoir bénéficier des mêmes droits concernant l’enfant et le protéger.

    Et nous disons à Mme la garde des sceaux que nous ne lui faisons ici aucun procès puisqu’elle a toujours dit que la PMA ne faisait pas partie de ce projet de loi. Toutefois, il a été annoncé une loi sur la famille qui ne se prononcerait pas simplement sur la PMA mais aussi sur la question de la coparentalité et la question du droit à connaître ses origines. Et ce que nous attendons de la part du Gouvernement, c’est à la fois un calendrier et des engagements.

    Je dis ici, sans volonté de polémiquer, que nous doutons fort que le Gouvernement soit capable juridiquement, compte tenu notamment de ses obligations à l’égard du Conseil d’État, de présenter une loi sur la famille aux implications si importantes d’ici au mois de mars. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Nous pensons qu’il sera sans doute conduit à reporter sa discussion.

    À la suite de Sergio Coronado, j’estime qu’il faudrait légiférer maintenant car nous avons bien peur que, sous la pression de l’opposition, le Gouvernement recule sur cette question essentielle, qui nous permet de sortir de l’hypocrisie et de nous adapter à ce que doit être la famille aujourd’hui.

    Alors, oui, nous ne sommes pas prêts à retirer cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. Philippe Gosselin. Je salue votre cohérence !

    M. Charles de La Verpillière. Très juste !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. J’aimerais tout d’abord vous rappeler, monsieur Mamère, votre position lors de la discussion des lois sur la bioéthique. Vous aviez déposé des amendements visant à légaliser la gestation pour autrui en l’encadrant. Permettez-moi de vous citer : « Nos collègues du Sénat ont déposé une proposition de loi qui vise à légaliser la gestation pour autrui en la régulant, c’est-à-dire en supprimant le risque de la marchandisation. La mère porteuse serait indemnisée par la sécurité sociale ».

    M. Noël Mamère. Absolument !

    M. Xavier Breton. « L’amendement que j’avais initialement proposé était identique à cette proposition de loi mais il a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 ». Vous êtes donc favorable à la gestation pour autrui. Il faut le dire.

    M. Noël Mamère. À titre personnel, oui.

    Mme Barbara Pompili. Et pas pour tout le monde !

    M. Xavier Breton. Par ailleurs, j’aimerais connaître la position officielle du Gouvernement quant à la réunion d’états généraux avant l’élargissement de l’assistance médicale à la procréation. Je cite les propos de Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d’éthique, dans son entretien au Monde : « La loi encadre actuellement l’AMP de manière précise. Seuls les couples constitués d’un homme et d’une femme, que des raisons médicales empêchent de concevoir un enfant, peuvent y avoir accès. Mais d’autres demandes se font jour, notamment l’accès des couples de femmes à l’AMP. Une autre, liée aux avancées des techniques de congélation des ovocytes, concerne la possibilité pour les femmes de faire prélever et conserver leurs ovocytes afin de pouvoir envisager de recourir à l’AMP à un âge où leur fertilité sera compromise. Plutôt que de traiter ces questions au cas par cas, nous avons décidé de nous saisir de la question globale de l’AMP. Nous pensons que cette question justifie une réflexion de fond de la société, qui pourrait prendre la forme d’états généraux. »

    Oui ou non y aura-t-il des états généraux sur l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation, mesdames les ministres, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Très bonne question !

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

    M. Olivier Dussopt. Il est des sujets compliqués sur lesquels il faut veiller à avoir une expression claire et je vais m’y employer.

    Tout d’abord, je tiens à dire que la position du groupe socialiste sur l’amendement de Mme Buffet et celui de M. Coronado est exactement la même que celle du rapporteur et du Gouvernement qui ont donné un avis défavorable, indiquant que les questions relatives à la PMA pourraient être évoquées dans un texte ultérieur.

    Ensuite, s’agissant de la position du parti socialiste sur la PMA, il me semble, chers collègues de l’opposition, que – pardonnez-moi cette expression un peu triviale – vous découvrez l’eau tiède : depuis plusieurs années déjà, il a indiqué qu’il était favorable à l’accès de toutes les femmes à la PMA.

    M. Hervé Mariton. Quel que soit leur âge ?

    M. Olivier Dussopt. À l’occasion des lois relatives à la bioéthique, l’année dernière, nous avons défendu des amendements visant à ouvrir la PMA. Nous avons même été une quinzaine dans notre groupe à avoir déposé un amendement qui, sans être identique à celui de Mme Buffet ou de M. Coronado, visait à réaffirmer dans la loi le principe de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, en renvoyant à un autre texte le soin d’en fixer les modalités et de résoudre certaines difficultés liées au fonctionnement des CECOS et à l’engorgement de certains de ces centres, problème évoqué par l’un de vos collègues.

    M. Pierre Lequiller. Le sujet n’est pas là !

    M. Olivier Dussopt. Nous avons pris acte de la décision du Gouvernement et de la majorité de traiter de ces questions dans d’autres textes. Nous avons aussi pris acte du fait que notre amendement était irrecevable.

    Enfin, hier M. Roman a eu l’occasion de rappeler que nous souhaiterions avoir une idée un peu plus précise du calendrier et des modalités de l’ouverture de la PMA, à laquelle nous sommes favorables. C’est une question qui me paraît importante.

    Je conclus, monsieur le président, pour répéter que la position de notre groupe est la même que celle exprimée par le rapporteur et la garde des sceaux. Au-delà des divers positionnements – y compris dans la majorité, ce qui prouve bien qu’il y a une liberté de parole en son sein –, certains textes d’orientation et de principe ont été adoptés. Nous aurons un deuxième rendez-vous pour traiter de ces questions, à travers la loi sur la famille et la parentalité. Ce sera l’occasion de clarifier les modalités d’accès à la PMA.

    (L’amendement n° 1610 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2157.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 309

    Nombre de suffrages exprimés 297

    Majorité absolue 149

    Pour l’adoption 18

    Contre 279

    (L’amendement n° 2157 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. J’en viens à deux amendements identiques, nos 1613 et 2705, sur lesquels je suis saisi par le groupe écologiste et le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 1613.

    Mme Marie-George Buffet. Même si, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué avoir déjà donné la position de la commission sur cet amendement, je vais le présenter de manière développée. Cela me donnera l’occasion de parler de la procréation médicalement assistée de façon positive.

    En ouvrant le droit au mariage aux couples homosexuels, nous ouvrons à ces couples les droits découlant du mariage. Ainsi, le projet de loi traite à juste titre de l’adoption, ouvrant ainsi le droit à fonder une famille.

    Mon amendement vise à ouvrir l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes homosexuelles. Le droit à la PMA a fait l’objet d’un long et passionnant débat dans cet hémicycle avant d’être établi et confirmé par les lois bioéthique. Je n’ose penser que certains de nos collègues puissent vouloir le remettre en cause.

    L’accès à ce droit est conditionné à un projet de vie commun, à un engagement des deux membres du couple envers l’enfant à naître. Rien dans l’énoncé des conditions établies ne va à l’encontre de l’ouverture à tous les couples attestant du même engagement parental.

    L’ouverture de la PMA aux couples de femmes ne remet en cause ni les principes éthiques affirmés par la loi – auxquels je souscris pleinement – de non-marchandisation du corps et d’anonymat des dons de gamètes, ni la condition d’âge car, messieurs de l’opposition, une telle condition existe bel et bien, une limite étant fixée à quarante-deux ans révolus.

    Je sais, mesdames les ministres, que vous reconnaissez la validité de cette proposition puisqu’au moment même où le groupe majoritaire a retiré un amendement équivalent à celui que je présente, vous avez annoncé que l’ouverture de la PMA serait examinée lors d’une future loi sur la famille. L’avis du Comité consultatif national d’éthique a été sollicité. Nous pouvons regretter qu’il ne l’ait pas été plus tôt car cela nous aurait permis d’en bénéficier dès l’examen du présent projet de loi.

    Nos collègues de l’opposition font un lien entre la PMA, droit reconnu en France, et la GPA, qui, elle, est interdite – ce dont je me félicite. Pourtant, la différence est fondamentale, je tiens à le répéter : la GPA repose sur l’utilisation, voire le plus souvent la marchandisation, du corps de la femme, ce qui n’est en aucun cas tolérable – j’y suis fondamentalement opposée ? La PMA, elle, permet à une femme de porter son enfant grâce à un don anonyme. Comme vous le dites, chers collègues de l’opposition – mais c’est une évidence –, un homme et une femme, ce n’est pas pareil ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mesdames les ministres, pour beaucoup de couples de femmes, cet accès à la PMA, serait un formidable espoir car elle signifierait qu’une garantie en matière de droits de l’enfant est apportée par la loi française. Si cette disposition n’est pas retenue dans cette loi, j’espère que vous nous fixerez une date pour apporter une réponse à cette attente.

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour présenter l’amendement n° 2705.

    M. Sergio Coronado. J’entends nos collègues de l’opposition intervenir pour rappeler sans cesse la nécessité d’une pathologie pour bénéficier de la PMA. Je soulignerai que, sans être similaire à celle d’un couple hétérosexuel, la situation d’un couple de même sexe est un peu analogue puisqu’il y a dans les deux cas une sexualité non reproductive. Dans le cadre d’une PMA, quand il n’existe pas de traitement thérapeutique pour vaincre la stérilité du mari, il s’agit de faire bénéficier la femme, qui elle n’est pas stérile, d’un don de gamète qui lui permettra d’être mère.

    Mme Barbara Pompili. Tout à fait.

    M. Sergio Coronado. Nous pensons que la PMA doit pouvoir bénéficier aux couples de femmes. Elles y ont déjà recours de manière artisanale en France, mais à la fois en tombant sous le coup de la loi et en mettant parfois leur santé en danger. D’autre part, elles se déplacent comme à une époque les femmes se déplaçaient pour avorter alors que l’IVG était totalement interdite en France. Vous parliez alors de tourisme contraceptif, vous parlerez maintenant de tourisme procréatif. Et, comme pour l’avortement, vous commencerez à vous poser la question d’une légalisation car on ne peut pas échapper à la réalité. Aujourd’hui, lorsque nos concitoyens souhaitent bénéficier de certains droits, ils se projettent hors de l’espace national dans l’espace européen voire mondial. Les écologistes proposent donc que les couples de femmes puissent bénéficier de ce nouveau droit.

    Je voudrais maintenant m’adresser de manière assez solennelle au Gouvernement. Il n’y a pas de notre part une volonté de mettre en cause la garde des sceaux ou de lui faire un procès : elle a toujours été claire sur le fait que son projet ne concernait pas la PMA. Cela dit, il a été annoncé qu’un accord avait été passé avec le Gouvernement par le groupe majoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ni la garde des sceaux ni M. le rapporteur ne sont concernés directement par la future loi sur la famille, puisque ce ne sera pas M. Binet qui en sera le rapporteur ni Mme Taubira qui la défendra ; je souhaiterais donc que M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ou Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous donnent des précisions sur la méthode, le calendrier, le périmètre de cette loi, et nous indiquent si, oui ou non, l’ouverture de l’accès à la PMA y figurera. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et UMP.) Nous avons besoin d’être éclairés : nous ne pouvons nous contenter d’annonces, d’effets de manche ou d’accords passés entre l’exécutif et le principal parti de la majorité. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur le président, j’ai déjà indiqué en donnant l’avis de la commission sur les deux amendements précédents qu’elle était défavorable à ces deux amendements identiques.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Sur l’accord ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur ces deux amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable non pour des raisons de fond, madame Buffet, monsieur Coronado, mais pour les raisons que nous avons indiquées tout à l’heure : les modifications que vous demandez concernent un autre texte.

    M. Jacques Myard. Parlez-nous de l’accord !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez, madame Buffet, l’estime et l’amitié que je vous porte et le respect que j’ai pour votre travail : il ne fait aucun doute que vous avez étudié ces questions de manière approfondie. Mais compte tenu de la nature du présent texte et de la rigueur juridique que nous nous devons à nous-même et que nous devons, surtout, aux Français, le Gouvernement est obligé d’émettre un avis défavorable.

    M. Yves Fromion. Quel est cet accord ?

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert. J’espère que Mme le ministre acceptera de répondre à ma question. Pour une fois, je suis d’accord avec nos collègues communistes et écologistes. Eux, au moins, ont le mérite d’assumer leur position (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.), alors que je n’ai toujours pas compris quelle est celle du parti socialiste !

    Le problème de la PMA est intéressant. Vous êtes partis d’une démarche de promotion de l’égalité, pour en arriver à une situation d’inégalité. Il y a là trois types d’inégalités. Premièrement, vous nous expliquez que l’adoption et la PMA sont deux sujets différents : je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point ! Ce que je vais dire va peut-être vous surprendre : il est moins choquant d’entendre les couples homosexuels dire qu’ils veulent faire eux-mêmes un enfant, au moyen d’une insémination artificielle ou d’une autre technique, que de les voir adopter un enfant extérieur au couple ! On ne peut donc pas séparer l’adoption de la PMA.

    Vous créez une deuxième situation d’inégalité en autorisant la PMA aux femmes et pas aux hommes.

    Vous créez une troisième situation d’inégalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels : je l’ai déjà dit, les couples hétérosexuels doivent, pour recourir à la PMA, prouver leur stérilité, alors que les couples homosexuels n’auront pas à le faire ! Il faudra donc prouver sa sexualité, ce qui – à mon avis – sera assez coton à organiser ! Avec tout cela, en réalité, vous inventez une présomption de stérilité : vous vous aventurez là sur un terrain glissant. Vous nous expliquez que les couples homosexuels devront, de même que les couples hétérosexuels, prouver leur stérilité pour accéder à la PMA. Vous traitez l’impossibilité pour les homosexuels de concevoir des enfants comme un cas de stérilité, ce qui est à mon avis très dangereux du point de vue médical. M. Coronado a d’ailleurs parlé, à cet égard, de « sexualité non reproductive ».

    Dès le départ, vous considérez qu’il existe un problème de discrimination lié aux droits. Or le problème, pour une personne homosexuelle, n’est pas lié aux droits : tout le monde en France a le droit de se marier ! Simplement, ce n’est pas un problème de droit, mais un problème relatif à la forme de l’institution du mariage. À partir du moment où vous vous écartez de la réalité biologique… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton. On a compris !

    M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

    M. Julien Aubert. ...en instituant le mariage homosexuel, il devient possible d’inventer toutes sortes de droits. Tel est le problème auquel vous êtes confrontés aujourd’hui. Il faut aller maintenant jusqu’au bout de votre logique… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur le député, vous avez dépassé votre temps de parole.

    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Chers collègues de l’opposition, avec tout le respect que je vous dois, je n’ai que faire de vos applaudissements ! Je n’ai que faire des applaudissements d’hommes et de femmes qui combattent le mariage pour tous et qui s’opposent au droit des couples homosexuels à fonder une famille ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.) Je n’ai vraiment aucun point commun avec votre vision complètement dépassée de la société. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Nos mains ne sont pas moins propres que les vôtres !

    Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, je vous rends bien votre respect et votre amitié ; je vous porte une grande admiration pour la manière dont vous animez ces débats avec beaucoup de rigueur et de sens.

    J’aimerais simplement savoir comment nous travaillerons pour aboutir à cette loi sur la famille, et plus précisément aux dispositions de ce texte relatives à la PMA. J’aimerais même savoir un peu mieux quel sera le contour de cette loi sur la famille dont on nous parle.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    Mme Marie-George Buffet. Pourriez-vous nous donner les éléments qui nous permettront, même si nos amendements sont rejetés, d’espérer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et UMP.)

    M. Yves Fromion. Et nous donner les termes de l’accord avec en prime ?

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous avons l’habitude, depuis une quinzaine d’années, de nous affronter régulièrement à M. Mamère : nous avons en effet beaucoup de points de désaccords sur le fond. Cependant, dans ce cas précis, sur cette question, je lui apporte ainsi qu’à son groupe un soutien complet. (Sourires sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Depuis quatre jours, j’interroge quotidiennement, sans cesse, Mme la garde des sceaux sur sa position vis-à-vis de l’ouverture de la PMA pour convenance personnelle à tous les couples. À aucun moment elle n’a accepté de nous répondre. J’ai interrogé Mme la ministre de la famille à ce sujet : à aucun moment elle n’a accepté de nous répondre. Hier, Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, est venue dans l’hémicycle le temps d’y être photographiée ; dès que nous l’avons interrogée à ce sujet, elle a fui en rasant les murs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Dominique Baert. Oh !

    M. Christian Jacob. Oui, elle a refusé de nous répondre sur ce point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Madame la ministre, nous soutenons sur ce point le groupe écologiste, et vous demandons à nouveau, aujourd’hui, quelle est votre position sur la PMA pour convenance personnelle.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et quel est le contenu de l’accord ?

    M. Christian Jacob. Oui, donnez-nous la teneur de cet accord !

    Si vous acceptiez le principe de la PMA pour convenance personnelle, toute la présomption de paternité au sein des couples tomberait ! Cela remettrait totalement en cause notre droit de la filiation ! Il est donc extrêmement important que nous connaissions précisément la position de Mme la garde des sceaux à ce sujet.

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

    M. Noël Mamère. Il est vrai que notre collègue Christian Jacob et nous-mêmes nous affrontons régulièrement. Il tente d’instrumentaliser une demande formulée par les écologistes… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Puisque nous sommes dimanche matin, et que nous ne pouvons pas entendre le son des cloches dans cet hémicycle, nous dirons que c’est l’hommage du vice à la vertu ! (Sourires.)

    M. Philippe Meunier. C’est plutôt l’inverse !

    M. Noël Mamère. Nous n’avons jamais interrogé Mme la garde des sceaux à propos de la PMA, comme l’a très bien dit Sergio Coronado il y a quelques instants. Nous interpellons effectivement M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, ou Mme la ministre de la famille, mais pas dans le même sens que vous, ni avec le même objectif. Nous, nous défendons la PMA !

    Pardonnez-moi, mon cher collègue Jacob, de vous dire que vous utilisez une formule plutôt choquante, en parlant de PMA « pour convenance personnelle ». Vous insultez ceux qui veulent fonder une famille et qui ont une orientation sexuelle différente de celle des hétérosexuels. Doit-on parler, pour les couples infertiles, de PMA « pour convenance personnelle » ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non, justement !

    M. Noël Mamère. Non, il s’agit de la volonté de permettre à tous de pouvoir bénéficier d’une famille. Vous invoquez l’argument selon lequel nos propositions remettent en cause la présomption de paternité. Nous acceptons tout à fait cet argument. Oui : pour nous, la filiation est fondée d’abord sur la volonté. C’est ce que nous continuerons à défendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ah ! On va connaître le contenu de l’accord !

    M. le président. Cachez votre impatience, chers collègues !

    M. Bruno Le Roux. Je vous ai sentis tout à l’heure, chers collègues, quelque peu impatients d’entendre la position du groupe, qui a été fort bien exprimée par Olivier Dussopt. Mme la garde des sceaux a dit être d’accord avec un certain nombre de propositions, mais que le moment ne lui semblait pas opportun pour lancer ce débat. Le groupe socialiste a adopté cette position. Je vous dirai les choses très clairement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, dites-nous quel est le contenu de l’accord !

    M. Bruno Le Roux. Parmi les députés de notre groupe qui ont voté contre cet amendement, certains n’étaient pas favorables à poursuivre ce débat.

    M. Hervé Mariton. C’est habile.

    M. Julien Aubert. Quel est l’accord ?

    M. Bruno Le Roux. Dans le même temps, une large majorité d’entre eux – conformément à la position constante du parti socialiste – souhaite que nous avancions sur cette question. Ils pensent que la meilleure façon d’y arriver, dans les conditions les plus sûres du point de vue juridique, n’est pas de le faire par amendement dans le cadre de la discussion de ce texte. Nous estimons préférable de demander au Gouvernement d’avancer sur cette question dans le cadre d’un prochain projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. C’est une ruse !

    M. Bruno Le Roux. Telle est, aujourd’hui, la position de notre groupe. Je précise très clairement que le groupe socialiste a discuté de cette question avec le Premier ministre, lequel nous a assuré que le Gouvernement intégrera la question de la PMA à un projet de loi à venir. Nous souscrivons totalement à cette démarche. C’est pourquoi nous refusons d’aller plus loin dans ce débat aujourd’hui, pour ne pas poser de difficultés supplémentaires, pour ne pas aboutir, si nous laissions parler la majorité, à l’adoption d’un tel article qui pourrait ensuite être censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui retarderait d’autant cette avancée pour les couples de femmes homosexuelles.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et pourquoi donc serait-il censuré ? Vous reprenez nos arguments !

    M. Bruno Le Roux. Nous faisons chaque chose en son temps. Je souhaite donc que le Gouvernement confirme deux choses : d’abord, que la question de la PMA sera bien prise en compte par un projet de loi qu’il déposera prochainement ; ensuite, que le délai d’examen de ce projet de loi sera compatible à la fois avec celui des autres textes que le Gouvernement examine et avec le temps du débat parlementaire. Nous voulons, quoi qu’il en soit, que cet engagement soit tenu dans des délais les plus brefs possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est quand, « prochainement » ?

    M. Jacques Alain Bénisti. Cette position est loin d’être claire !

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

    M. Philippe Gosselin. Quels sont les termes de l’accord ?

    M. le président. Monsieur Gosselin, laissez parler le Gouvernement !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens tout d’abord à rappeler les propos de Jean-Marc Ayrault. Il a en effet expliqué qu’un projet de « loi famille »…

    M. Hervé Mariton. Écrivez-vous le mot « famille » avec un s ou sans ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …sera bientôt présenté pour mieux reconnaître la diversité des modèles familiaux actuels. J’en définirai l’esprit, ce qui me permettra de répondre à M. le président du groupe SRC : cette loi s’adressera indifféremment à toutes les familles, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. C’est bien cela le problème !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Elle aura aussi pour vocation d’assurer une plus grande sécurité juridique, compte tenu des réalités d’aujourd’hui. Cela suppose que nous nous interrogions sur les nouvelles formes de filiation et de parentalité. Nous examinerons, dans le cadre de ce projet de loi, quelles sont les réponses idoines à y apporter. Nous veillerons également à ce que les droits des parents et les droits des enfants soient en totale harmonie.

    Pour répondre très précisément aussi à la question qui a été posée à l’occasion de ces amendements : oui, l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe sera abordée dans le cadre de cette loi famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens également à dire, car cela fait partie des engagements du Gouvernement, que cette loi sera examinée à l’Assemblée nationale avant la fin de l’année 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je pense que les informations données par le Gouvernement sont suffisamment claires. La parole est à M. Christian Jacob. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Chers collègues, je pense que nous avons assez parlé de cette question aujourd’hui. Les précisions qui viennent de nous être données par le Gouvernement devraient nous permettre d’accélérer nos débats par la suite. Je souhaite donc que M. le président Jacob puisse s’exprimer.

    M. Christian Jacob. Je prends cela comme un encouragement à intervenir plus souvent…

    Nous venons de franchir un cap.

    M. Marcel Rogemont. Le cap de Bonne-Espérance !

    M. Christian Jacob. Mais cela mérite davantage de précisions. Depuis quatre jours, j’interroge Mmes les ministres afin de connaître leur position sur la PMA pour convenance personnelle, c’est-à-dire pour des raisons allant au-delà des considérations de santé.

    M. Hervé Mariton. C’est un sujet important !

    M. Christian Jacob. Nous n’avons jamais eu de réponse à ce sujet ! Les écologistes nous ont rejoints, ce matin, pour faire pression sur le Gouvernement. (Plusieurs membres du groupe écologiste font des gestes de dénégation.) Je remercie M. Le Roux de nous avoir rejoints à son tour pour faire pression sur le Gouvernement. Mme la ministre de la famille vient de nous répondre, mais je n’ai pas entendu Mme la garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Non, je n’ai pas entendu Mme la garde des sceaux sur ce sujet !

    M. le président. Le Gouvernement parle d’une seule voix, M. le président Jacob, vous le savez bien.

    M. Christian Jacob. Il ne serait pas inintéressant de connaître l’avis de Mme la garde des sceaux.

    Une autre question se pose. Le président du Comité consultatif national d’éthique a évoqué l’organisation d’états généraux. Oui ou non, acceptez-vous d’organiser des états généraux sur ce sujet ? Ou êtes-vous prêts à inscrire le texte dont vous parlez à l’ordre du jour de l’Assemblée, sans avoir organisé au préalable les états généraux demandés par le Comité consultatif national d’éthique ? Ce point est très important !

    M. Yves Fromion. Bien sûr !

    M. Christian Jacob. C’est pour cela que, depuis le début, nous demandons que le Comité consultatif national d’éthique soit saisi bien avant l’examen de ce texte ! Nous voyons bien que tous ces sujets sont liés.

    Je demande une suspension de séance afin de permettre au Gouvernement de clarifier sa position. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui ou non, attend-il l’avis du Comité consultatif national d’éthique ? Ou est-il prêt à inscrire ce texte à l’ordre du jour en s’asseyant sur l’avis de cet organisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, je pense que le Gouvernement n’a pas besoin d’une suspension de séance, puisqu’il a un point de vue ! (Exclamations sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Je demande simplement une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président !

    M. le président. Très bien.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à douze heures cinquante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 1613 et 2705.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 242

    Nombre de suffrages exprimés 237

    Majorité absolue 119

    Pour l’adoption 20

    Contre 217

    (Les amendements, n°s 1613 et 2705 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, nous sommes tous, ici, quelles que soient nos sensibilités politiques, pour servir l’intérêt général. C’est vrai dans cette assemblée, mais aussi lors des temps de dialogues et de rencontres que nous avons dans le pays. C’est ce souci de l’intérêt général qui doit motiver nos convictions et nos votes.

    Devant participer, ce matin, à une réunion à Évry – le rapporteur est témoin de mon départ matinal – je suis, en effet, arrivé en retard en séance, ce dont je prie le président et mes collègues de m’excuser. Ce retard a été imputé par M. Coronado à une affaire d’horaires de messe !

    M. Sergio Coronado. Non, pas du tout !

    M. Hervé Mariton. Puis-je me permettre de vous rappeler, cher collègue, que nous sommes ici afin de défendre les convictions qui nous paraissent utiles et heureuses pour la loi de la République. S’agissant de l’argument invoqué, je pense qu’il est aussi utile que les députés de la République sachent lire. Je les renvoie, par conséquent, à ma fiche Wikipedia ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens à apporter une précision supplémentaire à ma déclaration antérieure. Monsieur Jacob, la procédure du Comité consultatif national d’éthique et celle des états généraux ne seront, bien évidemment, pas incompatibles avec le calendrier annoncé par le Gouvernement pour cette loi « famille ».

    M. Bernard Roman. Bien sûr !

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

  • 2e séance du dimanche 3 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (nos 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2708 portant article additionnel avant l’article 1er bis.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Mon intervention se fonde sur l’article 58, relatif au déroulement de nos travaux.

    Ma remarque s’adresse tout particulièrement à Mme la ministre de la famille…

    Plusieurs députés UMP. Où est-elle ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Calmez-vous, elle va arriver ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît, du calme, le Gouvernement est représenté.

    M. Philippe Gosselin. …qui n’est pas là, mais peut-être va-t-elle nous rejoindre.

    Madame Lemorton, sachez que je ne lui fais aucun mauvais procès. Il est 15 heures 02, la séance commence à peine, d’ailleurs la voilà qui arrive. Mon propos n’était nullement agressif.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes un perfide !

    M. le président. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.

    M. Philippe Gosselin. Exactement mais Mme Lemorton est tellement sur les nerfs qu’il suffit qu’un membre de l’opposition prenne la parole pour qu’aussitôt elle se sente en difficulté. Nous pouvons être corrects. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Venons-en au fait.

    M. Philippe Gosselin. Ah, je suis heureux de voir que Mme Lemorton a le sourire à présent.

    Reprenons : je parlais donc du bon déroulement de nos travaux, Mme la ministre chargée de la famille devrait nous expliquer certains points. J’ai bien noté que M. le Premier ministre ne souhaitait pas que la PMA soit inscrite dans le projet de loi avant que le Comité national d’éthique ait rendu sa décision. La ministre de la famille a des positions différentes. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous ne sommes pas loin du couac si tant est que nous ne soyons déjà dedans. Cette cacophonie nuit au bon déroulement de nos débats.

    Pourriez-vous, oui ou non, nous donner clairement la position du Gouvernement ? Je veux bien croire le Premier ministre, mais il ne pourra pas s’en expliquer aujourd’hui puisqu’il est à l’étranger. Mme la ministre de la famille est-elle autorisée à nous donner une réponse ferme et précise ? Depuis ce matin, on louvoie dans tous les sens. Nos collègues Verts nous parlaient tout à l’heure d’un accord secret avec le parti socialiste. Va-t-on enfin expliquer à la représentation nationale ce que le Gouvernement a en tête…

    M. Philippe Meunier. Rien !

    M. Philippe Gosselin. …et compte proposer aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous allons à présent reprendre nos travaux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je respecte profondément nos institutions. Nous aurons une séance de questions d’actualité mardi et je suis certain, compte tenu de votre sagacité, que vous aurez l’occasion de poser la question au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.).

    M. Philippe Gosselin. La question se pose dans ce débat !

    M. le président. La PMA ne figure pas dans ce texte, sur lequel nous allons travailler tout l’après-midi, ce soir et une partie de la nuit. Nous aurons le temps d’aborder cette question.

    M. Philippe Gosselin. Cela veut bien dire que le Gouvernement refuse de s’expliquer.

    M. Philippe Meunier. Nous sommes dans le flou le plus total.

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2708.

    M. Marc Le Fur. Un autre point reste sans réponse, celui de l’organisation des états généraux.

    Plusieurs députés UMP. Eh oui.

    M. Marc Le Fur. Quand auront-ils lieu ? Comment seront-ils organisés ? Quel en sera le sujet ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    J’en viens à un sujet qui, objectivement, divise, y compris au sein de chacune de nos familles politiques : le droit de connaître ses origines.

    Je voudrais, à cet égard, prendre date pour les débats à venir.

    M. Philip Cordery. Ce n’est pas dans le texte !

    M. Marc Le Fur. Il n’est illégitime pour personne de connaître ses origines, quelle que soit la façon dont il est venu au monde, dès lors qu’un cadre est posé, et dans la mesure du possible.

    On nous dira que nous sommes dans le tout-génétique. Pas du tout. Le droit aux origines est aussi culturel. J’en appelle au grand rabbin Bernheim, dont les écrits sur l’homoparentalité sont remarquables : le père et la mère indiquent à l’enfant sa généalogie, bien au-delà du père et de la mère. L’enfant a besoin d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu. Ce qui fait l’humain depuis toujours et pour toujours, c’est une parole dans un corps sexué et dans une généalogie. Depuis des millénaires, le système sur lequel est fondé notre société est une généalogie, plus précisément une double généalogie, celle du père et celle de la mère, création et symbole de l’alliance. Pour cette raison ce débat sur les origines est-il fondamental. Je sais que nous l’aurons. Nous sommes un certain nombre à prendre date, peut-être à nous singulariser, y compris au sein de notre propre famille politique, mais nous devons poser le problème.

    Je regrette que nous n’ayons pas, comme lors du précédent mandat, des instances, telle la commission d’éthique, qui nous auraient permis d’aborder plus sereinement ce type de sujet.

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 4233.

    M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit avoir auditionné beaucoup de personnes. Nous aussi, et nous avons en particulier entendu le professeur Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Étienne.

    Il nous a dit que ces enfants qui vivront avec des parents de même sexe seront privés non seulement de leurs parents biologiques, mais aussi d’une filiation crédible de substitution. Ces enfants, selon lui, vont se retrouver dans une nouvelle situation, celle de SDF, sans domicile filiatif.

    M. Guy Delcourt. Alors ça !

    M. Paul Salen. Il nous prédit de surcroît que, dans vingt ans, des procès seront intentés à la puissance publique par de jeunes adultes en grande difficulté qui demanderont réparation pour n’avoir pas été confiés, de manière délibérée, à un père et à une mère.

    Ces procès seront légitimes et ils mériteront, au nom de l’égalité, qu’une compensation soit accordée.

    Plusieurs députés UMP. Très bien !

    M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, c’est vous qui en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 4686.

    M. Nicolas Dhuicq. Deux conceptions de l’humain et de l’humanité s’affrontent. Rappelons qu’il n’y a pas une vision purement sociale contre une autre qui serait purement génétique, les deux sont importantes. Marc Le Fur l’a très bien souligné : la génétique, c’est aussi la généalogie, la filiation, l’inscription dans une histoire plus que familiale, l’inscription dans une histoire qui a été déniée, par certains, au XXe siècle, à des frères humains parce qu’ils avaient le défaut d’appartenir à un peuple qui devait être exterminé. C’est un défaut majeur que de vouloir ôter à ces enfants la capacité de s’inscrire dans une histoire.

    Les digues lâcheront à un moment car, automatiquement, dans un monde ouvert sur l’extérieur, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, iront de soi, inéluctablement, et vous ne pourrez pas, au seul niveau national, construire des lignes Maginot qui seraient infranchissables. À cet égard, la position de nos camarades écologistes a le mérite d’être claire, honnête et transparente, ce qui n’est pas le cas de celle de la majorité socialiste.

    Dernière réflexion : 200 000 enfants sont nés suite à une PMA. La probabilité statistique ne sera pas nulle qu’un jour, un frère rencontre sa sœur. Elle ne sera pas égale à zéro. Les médecins et les patients doivent pouvoir connaître le nom du donateur.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4927.

    M. Julien Aubert. J’ai beaucoup hésité….

    Plusieurs députés SRC. Tant mieux !

    M. Julien Aubert. Le doute fait partie de l’intelligence. Mais j’en vois beaucoup parmi vous qui ne doutent pas beaucoup. Je me ferais, à votre place, violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    J’ai beaucoup hésité avant de signer cet amendement parce que j’ai toujours été hostile, en matière d’adoption, à ce que l’enfant puisse connaître ses parents biologiques. Dès lors que l’on se projette sur une nouvelle forme de couple, cette objection doit-elle être maintenue ? Il me semble que non, parce que l’on ne peut pas imposer à un enfant adopté le choix de ses parents adoptifs, de leur mode de vie, et l’on peut comprendre qu’un enfant qui n’a pas eu de mère veuille connaître sa véritable mère. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cet amendement, mais je peux comprendre que ce soit un sujet d’âme et de conscience, comme pour beaucoup d’autres ici.

    Par ailleurs, l’argument que la majorité développe depuis le début de ce débat, selon lequel nous aurions d’un côté la position du bien, de l’autre celle du mal, est idéologique, manichéen, et ne facilite pas nos échanges. Nous ne devons pas introduire dans un débat purement juridique, mais dont les répercussions sociales seront très fortes, une échelle de valeurs morales. Ce sont des sujets complexes qui méritent qu’on les aborde avec pragmatisme.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 5119.

    M. Philippe Gosselin. Je sais que les positions qui sont défendues ici sur ce sujet peuvent être très différentes d’un groupe à l’autre, et surtout d’un parlementaire à l’autre. Il s’agit là d’approches plus intimes, mais il nous semble important de pouvoir permettre l’accès à des données non identifiantes.

    Au-delà, nous cherchons à rouvrir ce débat qui n’est pas clos et qui reviendra avec l’extension de l’accès à la PMA. L’anonymat des donneurs est un vrai sujet sur lequel nous aurions tort de faire l’impasse.

    M. le président. Tous les députés ayant proposé des amendements à ce sujet ont eu la parole.

    Avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement, je vais donner la parole est à M. le président Jacob pour un rappel au règlement.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon intervention concerne le bon déroulement de nos travaux.

    Mme la ministre chargée de la famille, Mme Bertinotti, a affirmé ce matin – le compte rendu en fait foi – que la PMA serait abordée dans le prochain texte sur la famille.

    M. Gérald Darmanin. C’est vrai ! Elle l’a dit !

    M. Christian Jacob. Elle vient d’être, depuis l’étranger, ce qui est extrêmement rare, sévèrement recadrée par le Premier ministre, qui a dit que cette question ne serait pas nécessairement abordée dans le texte sur la famille.

    Je voudrais obtenir un éclaircissement. Cela veut-il dire qu’à la lumière de nos débats, depuis l’étranger, le Premier ministre a pris conscience des répercussions qu’il pourrait y avoir à ouvrir ainsi la PMA ? Aurait-il décidé de faire marche arrière sur ce sujet ? Ou bien y a-t-il, au sein du Gouvernement, des tensions telles que, selon les ministres, les positions sont radicalement différentes ?

    Je rappelle que, depuis cinq jours, la garde des sceaux refuse de s’exprimer sur ce sujet, que la ministre de la santé, qui a pris une position favorable, lorsqu’elle arrive ici et qu’on l’interroge, s’enfuit immédiatement et quitte l’hémicycle, que Mme Bertinotti est intervenue favorablement mais que, je le répète, elle a été – fait rarissime – sévèrement recadrée depuis l’étranger par le Premier ministre.

    Monsieur le président, je souhaite que nous ayons une explication claire de la part du Gouvernement. J’imagine que le contact a été établi directement entre le Premier ministre et la ministre de la famille. Je ne peux pas penser que le Premier ministre s’exprime uniquement par la voix de l’AFP pour recadrer ses ministres et qu’il n’ait pas eu avec Mme Bertinotti une conversation au téléphone. Nous devons savoir où nous en sommes pour continuer sereinement nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, le groupe UDI demande également que soient clarifiés les délais, les programmes et les articulations entre ce texte sur le mariage, celui à venir sur la famille et celui qui pourrait venir sur la PMA. Nous sommes dans un flou qui entrave de plus en plus la tenue objective de nos débats. C’est pourquoi nous demandons un éclaircissement rapide sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, il faut recadrer vos troupes !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de répondre le plus précisément possible à la question du calendrier telle qu’elle a été évoquée ce matin et telle que vous essayez de l’interpréter à partir des précisions données par le Premier ministre. Je vais faire en sorte que les choses soient claires et que nous puissions reprendre le débat sur le texte soumis à l’Assemblée nationale.

    Ce matin, nous avons dit clairement que le périmètre de la loi à venir sur la famille, qui a été annoncée par le Premier ministre, comporterait la question de la PMA. Nous avons aussi indiqué que, pour traiter de cette question, nous devrions prendre en compte la saisine et l’avis du Comité national d’éthique, ainsi que les conclusions des états généraux, dont je rappelle que l’organisation est à son initiative, et qu’en l’état de la loi telle que vous l’avez votée, il n’y a pas de délai précis. C’est cette institution qui fixe les délais.

    Je vous donne une précision que vous n’avez pas eue dans le débat : le président du Comité national d’éthique a lui-même rédigé une dépêche précisant qu’à partir de l’auto-saisine il sera en mesure de donner son avis au mois d’octobre.

    Nous avons indiqué ce matin que, dans ce cadre – c’est la précision qu’a donnée la ministre chargée de la famille –, nous pourrions examiner le texte dans sa globalité avant la fin de l’année, le tout à ce stade de la démonstration étant évidemment compatible avec le calendrier que le Comité national d’éthique a lui-même précisé.

    Reste une question qui n’est pas tranchée. Je vais répondre ce qui vous paraît être une contradiction, alors qu’il s’agit d’une situation tout à fait normale. Nous avions envisagé à l’origine une loi famille portant sur d’autres dispositions. Cette loi famille devait être examinée le 27 mars.

    M. Hervé Mariton. Elle est donc reportée ! Bravo !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le problème qui reste à régler et qui fait que les déclarations du Premier ministre ne sont pas contradictoires avec ce que nous avons dit ce matin (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI)…

    M. Hervé Mariton. C’est du rétropédalage !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. …c’est de savoir si l’ensemble de la loi famille sera examiné à la fin de l’année avec la PMA, ou si l’on différencie les deux.

    M. Philippe Gosselin. Vous naviguez à vue !

    M. le président. S’il vous plaît, écoutez le ministre !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si j’ai bien compris votre état d’esprit, dès qu’on parle d’un sujet, la seule chose qui vous intéresse, c’est le sujet suivant. Alors, autant l’aborder dans sa globalité ! Le Premier ministre lui-même va préciser cette démarche de manière que vous ne puissiez pas, en vous appuyant sur ces précisions qui ne sont pas contradictoires,…

    Un député du groupe UMP. Vous ne savez plus où vous en êtes !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. …nourrir votre seule activité depuis cinq jours, qui consiste vous demander comment faire, en l’absence de vos grands chefs – laquelle a été remarquée par tout le monde –…

    M. Philippe Gosselin. Christian Jacob est là !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. …pour échapper à la seule question qui vous est posée : pourquoi vous opposez-vous au mariage pour tous et au mariage entre les personnes de même sexe ? C’est d’abord sur cette question que nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, écologiste et GDR. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, il faut que nous fixions une règle. Vous souhaitez que le Gouvernement s’exprime je souhaite pour ma part que, lorsqu’il le fait, il puisse aller jusqu’au bout. Ensuite, s’il y a des éléments à éclaircir, comme cela semble être le cas…

    M. Hervé Mariton. C’est vrai !

    M. le président. …puisque tous les groupes ont demandé la parole pour un rappel au règlement, nous en aurons une série, un par groupe, afin que l’Assemblée puisse s’exprimer après la déclaration du ministre chargé des relations avec le Parlement.

    La parole est à M. François Rochebloine, pour un rappel au règlement.

    M. François Rochebloine. Monsieur le président, je voudrais encore une fois vous féliciter de la manière dont vous dirigez les débats car, sur un tel sujet, ce n’est pas évident. Malgré tout, il me semble qu’il y a un manque de communication entre Matignon et le ministre chargé des relations avec le Parlement. (« Eh oui ! sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Pourtant, celui-ci connaît parfaitement notre assemblée et, connaissant son honnêteté, je suis quelque peu surpris, ainsi que mes collègues, de sa déclaration.

    Je vais me contenter, monsieur le président, de lire une dépêche de l’AFP, car il faut que nous soyons tous informés.

    Cette dépêche est datée d’aujourd’hui, 3 février : « La question de l’ouverture aux couples d’homosexuelles » – surtout pour les Verts, comme cela a été dit – « de la procréation médicalement assistée ne sera pas forcément traitée dans la loi sur la famille annoncée pour mars…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Pas forcément !

    M. François Rochebloine. …« a indiqué dimanche Matignon, précisant vouloir attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur cette réforme. » (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Attendez la suite !

    « D’ici à mars, ça sera trop court. [le Comité national d’éthique] « n’aura pas le temps de rendre un avis et la question de la PMA peut être traitée toute seule », pas forcément dans la loi sur la famille, dont le Gouvernement a promis la présentation dès la fin mars.

    Il y a bien un problème de cohérence entre ce que dit Matignon et ce que dit le ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est l’occasion pour moi de souligner qu’on peut ne pas être d’accord avec la garde des sceaux, mais qu’elle a eu le mérite et l’honnêteté de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées. Je crains qu’il n’en soit pas de même pour la ministre chargée de la famille – ou des familles, comme elle le veut. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Le ministre chargé des relations avec le Parlement s’interroge sur nos grands chefs. Je me permets de lui faire observer que Jean-François Copé et François Fillon, si c’est à eux qu’il faisait allusion tout à l’heure, sont intervenus à plusieurs reprises dans nos travaux. En tout cas, au sein de cette assemblée, nous n’avons, pour ce qui concerne nos travaux, contrairement à vous peut-être, ni Dieu ni maître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le ministre, même si Mme Taubira, avec Léon-Gontran Damas, pense qu’il peut y avoir plusieurs français en termes de langue, en tout cas, celle que vous avez parlée, nous ne l’avons pas comprise ! Je crois que le président lui-même a considéré que cela méritait quelques explications et quelques précisions. Si quelqu’un dans cette assemblée, après vous avoir entendus, sait où nous allons,…

    M. Jacques Myard. Dans le mur !

    M. Hervé Mariton. …il mérite d’infinies félicitations.

    Cependant, ce que nous avons compris, et avouez que, pour nous, dans l’opposition, c’est une vraie satisfaction, c’est qu’il y a un recul du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jusqu’où, jusqu’à quand, de combien ? Nous ne le savons pas, mais quand on est dans l’opposition, un recul du Gouvernement, ça se prend et ça s’applaudit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    J’ajoute, monsieur le ministre, que c’est important pour nous, pour le million de manifestants du 13 janvier…

    M. Alain Fauré. Plutôt 300 000 !

    M. Hervé Mariton. …et pour toutes les Françaises et les Français qui ne considèrent pas que, du seul fait que nous sommes minoritaires dans cette assemblée, nous avons tort, que la loi serait inéluctable, et que les enchaînements et les dérapages qu’elle entraînerait sont écrits d’avance.

    Monsieur le ministre, nous avons compris que vous reculiez et, franchement, nous vous en remercions.

    M. le président. Veuillez conclure.

    M. Hervé Mariton. Je félicite le Gouvernement, monsieur le président !

    M. le président. Certes, mais cela compte tout de même dans votre temps de parole !

    M. Hervé Mariton. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, s’il est possible, dans une langue que chacun puisse comprendre ici, de savoir où vous allez. Je vous pose juste une question : puisque le Comité national d’éthique est saisi et qu’il s’exprimera librement,…

    M. le président. Il faut vraiment conclure !

    M. Hervé Mariton. …S’il exprime un avis défavorable à la PMA, le Gouvernement s’engage-t-il à respecter cet avis…

    M. Jacques Myard. Oui, que ferez-vous ?

    M. Hervé Mariton. …et à chercher le consensus sur ces sujets dans notre pays plutôt que les clivages que, hélas, il impose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour un rappel au règlement.

    Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, nous avons vécu, depuis quelques jours, de très beaux moments. Nous avons voté avec enthousiasme l’article 1er de cette loi (« Pas nous ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI)… Je ne vous parle pas à vous, je parle au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de calme !

    Mme Marie-George Buffet. Nous avons voté avec enthousiasme l’article 1er de cette loi qui permet à toutes et à tous d’accéder au mariage et à l’adoption. Cela a soulevé beaucoup d’espoir dans notre pays parmi les hommes et les femmes qui ont de l’humanité et qui ont confiance dans l’avenir et dans le progrès.

    Mesdames et messieurs du Gouvernement, ne gâchez pas cela ! Gagnez en clarté,…

    M. Hervé Mariton. Il y a de la marge !

    Mme Marie-George Buffet. …mettez-vous d’accord entre vous, faites en sorte que la gauche puisse marcher du même pas, faire avancer cette loi, et qu’elle ait confiance dans la future loi sur la famille. C’est tout ce que je vous demande ! Je vous fais confiance, mais j’en ai assez de ces retournements successifs ! (Applaudissements ironiques sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour un rappel au règlement.

    M. Sergio Coronado. Monsieur le président, nous avions évoqué ce matin, lors de l’examen de nos amendements, la question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, et le Gouvernement nous avait apporté des réponses.

    M. Hervé Mariton. Vous avez raison de dire « avait apporté ». C’est bien du passé !

    M. Sergio Coronado. Avec mon collègue Noël Mamère, nous avons dit notre crainte de voir l’ouverture de la PMA enterrée dans le futur texte du Gouvernement annoncé pour le mois de mars.

    Mme la ministre Bertinotti nous a répondu en disant que la loi annoncée en mars était désormais prévue pour la fin de l’année, mais que la PMA figurerait dans ce texte.

    Le temps d’aller déjeuner et de revenir dans l’hémicycle, nous apprenons que, depuis le Cambodge, M. le Premier ministre, qui a tout de même autorité, si j’en crois les institutions de la Ve République, sur le Gouvernement, a déclaré qu’il n’était pas acquis à ce jour(Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Sergio Coronado. Laissez-moi finir, chers collègues !

    Nous avons donné ce matin l’image d’un Parlement apaisé, capable de discuter de sujets difficiles, et les Français peuvent s’en féliciter. Laissez-moi terminer mon intervention, vous pourrez ensuite demander à nouveau.

    Mesdames les ministres, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, c’est de clarté qu’a besoin la représentation nationale, cela dit sans esprit polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sur ce point, nous avons besoin de savoir si les engagements annoncés par Mme Bertinotti ce matin seront ou non tenus et si la saisine du Comité national d’éthique est ou non une manœuvre dilatoire. En effet, pour obtenir une réponse négative, l’interlocuteur est étrangement bien choisi : le Comité national d’éthique a déjà rendu en 2005 un avis négatif sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes. À ma crainte s’ajoute désormais le trouble. J’aimerais qu’il soit levé par des explications du Gouvernement. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. On intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1. Je souhaite faire constater qu’il ne s’agit pas d’une séance de questions au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard. Si !

    M. Bruno Le Roux. Il convient d’en rester au texte portant sur le mariage et l’adoption pour tous. Quant au débat qui nous occupe, je retire des déclarations précédentes une première certitude : il y aura une loi sur la PMA qui viendra en discussion au sein de notre assemblée dans des délais brefs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Jean-Marc Ayrault dit le contraire !

    M. Bruno Le Roux. La deuxième, c’est ce que nous a dit le ministre ce matin : les délais du Gouvernement seront compatibles avec l’autosaisine du Comité national d’éthique. Très bien ! Le groupe socialiste s’en tient depuis toujours à l’engagement du Premier ministre de faire figurer la PMA dans la loi sur la famille. Si celle-ci devait arriver demain dépourvue de dispositions concernant la PMA, notre groupe prendrait ses responsabilités pour qu’elle puisse être discutée ici.

    Nous ne sommes pas opposés au débat : il doit avoir lieu, chacun prenant ses responsabilités. Nous élaborons la loi ici et quand nous discuterons de la famille, le moment venu, notre position sur la PMA sera défendue dans cet hémicycle. On ne peut être plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Mes chers collègues, je vois un certain nombre d’entre vous brandir le règlement ; permettez-moi de vous donner mon interprétation.

    Tous ces rappels au règlement n’ont évidemment rien à voir avec le règlement. Au contraire, ils mettent en cause la prérogative constitutionnelle du Gouvernement d’exercer comme il l’entend son droit d’initiative en matière législative.

    Ils ne relèvent pas davantage du déroulement de nos travaux, mais de textes à venir, c’est le moins que l’on puisse dire. De nombreuses conférences des présidents auront lieu pour déterminer le déroulement de ces travaux à venir, distincts des travaux actuels.

    Je vous demande donc de reprendre maintenant nos travaux tels qu’ils étaient prévus et je vais demander l’avis de la commission sur ces amendements.

    Mme Barbara Pompili. Je demande une suspension de séance, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. C’est tout à fait choquant !

    M. le président. Chaque groupe a eu un orateur, c’est assez. Mes chers collègues, vous avez pu constater que j’exerce la présidence de cette assemblée, nonobstant les cris des uns et des autres. Je vais maintenant donner la parole au rapporteur, puis au Gouvernement et je suspendrai la séance ensuite afin que chaque groupe puisse faire le point.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois. Il me semble que nous avons perdu de vue l’objet de ces amendements, qui est de permettre à l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation et devenu majeur d’accéder à des données identifiant le donneur des gamètes.

    M. Philippe Gosselin. Cette majorité est une pétaudière ! Elle prend l’eau de toutes parts !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un vrai problème, soulevé lors de nos auditions par de nombreuses femmes en couple, soucieuses de raconter à leur enfant son histoire personnelle. C’est aussi la préoccupation exprimée par les pédopsychiatres, qui nous ont dit la nécessité pour les parents de raconter l’histoire personnelle de l’enfant, quelle que soit d’ailleurs la famille qui accueille cet enfant, hétérosexuelle ou homosexuelle. Je crois pouvoir dire que rares sont aujourd’hui les parents qui font appel à l’IAD, l’insémination artificielle avec donneur, et cachent la vérité à leurs enfants. Un psychiatre nous a même dit que tous ces enfants finissent tôt ou tard par apprendre leur histoire personnelle, du moins la manière dont ils ont été conçus, et que plus tard ils l’apprennent, plus la situation est vécue dramatiquement.

    C’est vrai, notre droit prévoit aujourd’hui un secret absolu et total sur la façon dont les enfants sont conçus par assistance médicale à la procréation. Cette question a souvent été soulevée, notamment par les couples de femmes qui vont en Belgique ou aux Pays-Bas et qui choisissent la plupart du temps un semi anonymat. C’est donc une vraie question, qui appelle une très large réflexion dont je ne pense pas qu’elle passe par un amendement hors sujet. Ce n’est pas la meilleure manière d’aborder ce problème extrêmement vaste et qui, je le répète, concernera les couples homosexuels quand l’AMP leur sera ouverte, comme les couples hétérosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Ce débat devra avoir lieu. La question que vous posez est fondée, mais les motifs que vous donnez, notamment « préserver dès à présent l’enfant des évolutions qui découleront inévitablement de l’adoption du texte présenté par le Gouvernement », je ne les partage pas. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé tous ces amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la levée de l’anonymat du donneur de gamètes est un sujet totalement bioéthique qui ne peut entrer dans notre texte ni par la porte ni par la fenêtre. Elle est totalement hors sujet. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avec l’accord du Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),…

    M. Xavier Bertrand. Tout de suite, ça fait sérieux !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. …je vous précise qu’il y aura une seule loi sur l’ensemble des questions portant sur la famille, et que cette loi comprendra la proposition du Gouvernement sur la PMA. Le débat n’interviendra qu’une fois que nous aurons eu connaissance de l’avis du Comité national d’éthique, mais avant la fin de l’année. On ne saurait être plus clair et plus précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, pour notre part, nous nous intéressons au fond des choses – en l’occurrence, les origines de notre amendement. Si j’ai bien compris que la question que nous soulevons ne serait pas traitée dans le cadre de cette loi, je m’interroge sur le moment où elle le sera. (« Le ministre vient de le dire ! » sur les bancs du groupe SRC.) Logiquement, ce devrait être dans le cadre de la loi sur la famille, monsieur le ministre, mais c’est incertain, puisque ce qui était vrai il y a cinq minutes vient d’être remis en cause.

    Nous avons vécu en direct une véritable crise de majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) marquée par l’incertitude, le trouble et l’interrogation. Or, chacun sait – a fortiori ceux qui ont l’expérience de la vie publique – que les incertitudes de procédure sont révélatrices de difficultés de fond : ce qui vient de se passer nous en apporte une nouvelle démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Ce qui nous intéresse, je le répète, c’est le fond des choses, à savoir les familles, des familles aujourd’hui troublées. Ces familles, descendues en masse dans la rue le 13 janvier dernier, ne se sont pas déplacées pour rien, car bien des choses ont changé depuis l’annonce de l’examen de ce projet de loi : la PMA, qui devait se trouver dans le texte à la demande des députés socialistes, n’y sera pas ; elle devait ensuite se trouver dans une loi examinée au printemps, mais ce sera finalement en hiver, après l’avis du Comité national d’éthique – et j’espère que cet avis sera négatif, ce qui aura pour effet d’interrompre la funeste entreprise de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dessus.

    Mme Sophie Dessus. Mes chers collègues, dans cette enceinte où cris et chuchotements se succèdent,…

    Un député du groupe UMP. En ce moment, ce serait plutôt Scènes de la vie conjugale ! (Sourires.)

    Mme Sophie Dessus. …où les mêmes mots sont dits et redits inlassablement, je ne dérogerai pas aux usages.

    Vous nous parlez d’accès aux origines, de PMA, de GPA, d’anonymat, de liberté de conscience, qui sont de vrais sujets, qui concernent des enfants élevés au sein de familles homosexuelles comme hétérosexuelles. Cependant, ces sujets ne sont pas ceux de la loi dont nous débattons, relative au mariage et à l’adoption.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et les implications ?

    Mme Sophie Dessus. Mardi, j’ai entendu Mme la garde des sceaux, j’ai écouté ses mots ciselés comme des diamants, tranchants comme la justice, et chargés d’émotion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et je les ai compris.

    J’ai également écouté les inquiétudes de l’opposition, son mal-être, son angoisse de voir bouleverser tous ses repères judéo-chrétiens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si j’entends les propos de nos collègues de droite, je ne peux les comprendre, parce qu’ils oublient une partie de notre histoire – l’histoire des plus faibles, ceux qui, sans la loi, n’auraient aucun droit.

    N’oubliez pas qu’il a fallu un général de Gaulle pour que le deuxième sexe soit autorisé à mettre un bulletin dans l’urne. (« Laissez le général de Gaulle tranquille ! » sur les bancs du groupe UMP.) N’oubliez pas qu’il a fallu une Simone Veil pour que les femmes puissent aimer sans enfanter. N’oubliez pas qu’il a fallu un Robert Badinter pour que l’on démonte la guillotine. Aujourd’hui, il y a une Christiane Taubira pour que les homosexuels deviennent des personnes ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, ni plus ni moins, tout simplement parce que le mariage du xxie siècle ne peut être celui des siècles précédents.

    Le mariage a autrefois constitué une protection patriarcale de l’épouse, qui avait le devoir de s’occuper de son foyer. Il a également permis une reconnaissance de l’enfant naturel au détriment de l’enfant adultérin – vous nous expliquerez quelle était, alors, la définition de l’intérêt de l’enfant. Aujourd’hui, s’il veut avoir un avenir, le mariage doit s’adapter aux réalités de notre temps, notamment au fait que, de nos jours, être homosexuel n’est plus un crime ni une maladie : c’est normal. (« Cela fait déjà un moment ! sur les bancs du groupe UMP.) L’anormal, c’est notre regard quand il se permet de juger les orientations sexuelles d’autrui. Seule la loi permettra d’ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, seule la loi protégera les enfants, tous les enfants, quelle que soit la famille dans laquelle ils sont élevés.

    M. le président. Il faut conclure, madame Dessus.

    Mme Sophie Dessus. Merci, madame Taubira, pour la femme que vous êtes et pour la loi sur le mariage, à laquelle nous disons oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (Les amendements identiques nos 2708, 4233, 4686, 4927 et 5119 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 2168.

    Mme Véronique Massonneau. L’article 312 du code civil énonce que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari, établissant une filiation légitime. La présomption de paternité s’est souvent opposée à la recherche absolue de la vérité biologique car, contrairement à ce que ne cessent d’affirmer certains de nos camarades de l’opposition, le mariage n’est pas la reconnaissance de la biologie ou de la nature dans la filiation. D’une manière générale, la présomption de paternité est une question complexe, qu’il faudra examiner dans la future loi sur la famille.

    Cet amendement propose de prendre acte de la nouvelle possibilité pour deux femmes de se marier. Il y a lieu d’instaurer une présomption de parenté dans un couple de femmes, pour un enfant qui résulterait d’un projet parental commun et n’aurait pas de filiation paternelle connue.

    La notion de projet parental commun provient d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris. Elle permet de distinguer le deuxième parent, qui n’est pas qu’un simple beau-parent, dans la mesure où il a été investi à part entière du projet parental. L’objectif poursuivi est que les droits et les obligations des deux mères sur l’enfant soient bien reconnus. Cela concernerait notamment le cas des enfants nés dans le couple, dont ceux issus d’une PMA faite à l’étranger.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Lorsque l’assistance médicale à la procréation sera ouverte aux couples de femmes, il faudra envisager deux dispositifs : l’un, figurant dans le code de la santé publique, permettant l’accès aux techniques de PMA ; l’autre, figurant dans le code civil, établissant un lien de filiation.

    Votre amendement, qui vise à établir un lien de filiation via la présomption de parenté, n’a plus lieu d’être, puisque nous n’avons pas adopté les amendements ouvrant la PMA aux couples de femmes. Je suis donc au regret de vous faire part de l’avis défavorable de la commission, la disposition que vous proposez ayant plutôt vocation à être examinée dans le cadre de la loi sur la famille.

    M. le président. Sur l’amendement n° 2168, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°2168 ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement n° 2168 a en substance le même objet que ceux défendus par Mme Buffet et M. Coronado en fin de matinée. Je rappelle donc ce que j’ai dit au sujet de ces amendements, à savoir que la présomption est une affirmation juridique résultant d’un fait. Ainsi, la présomption de paternité résulte d’un fait biologique probable, ce qui signifie qu’une contestation de paternité est envisageable. On ne peut instaurer un dispositif parallèle dépourvu du fondement qui permettrait la contestation.

    Dans la mesure où, depuis ce matin, vous avez reçu des éléments d’information plus précis, le Gouvernement vous invite à retirer l’amendement n° 2168, les questions auxquelles il se rapporte ayant vocation à être prises en compte et retravaillées dans un autre cadre. Dans l’hypothèse où vous ne souhaiteriez pas retirer cet amendement, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, le rapporteur est disposé à envisager une fiction, une aberration – avec tout le respect dû à l’ensemble des couples, dans leur diversité –, à savoir la présomption de parenté dans un couple de parents de même sexe. Mais, une fois cette présomption de parenté introduite, c’est la présomption de paternité dans les couples hétérosexuels qui s’effondre.

    Telles sont les conséquences potentielles du texte à l’égard de tous les couples, c’est-à-dire pour des dizaines de millions de Français. Sans présomption de paternité, c’est un pan considérable de l’institution du mariage qui tombe pour les couples hétérosexuels. Et ce n’est en rien insulter les couples homosexuels que de rappeler une réalité de fait, à savoir que la volonté d’introduire une présomption de paternité n’a pas beaucoup de sens.

    Par ailleurs, le Gouvernement nous explique qu’il n’y aura pas de texte sur la PMA avant l’avis du Comité national d’éthique, tout en affirmant que le projet de loi sera présenté avant la fin de l’année. Il faudrait savoir ce que vous dites, monsieur le ministre : dans la mesure où le Comité d’éthique rend ses avis en fin d’année, je ne vois pas comment vous allez pouvoir présenter votre projet de loi avant la fin de l’année, comme vous le promettez à vos amis

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’est pas très clair, tout ça !

    M. Hervé Mariton. C’est très clair, au contraire, monsieur le ministre : il y a là un problème majeur en termes de constitutionnalité. (« Deux minutes ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Un projet de loi doit avoir sa cohérence, être intelligible. Or la glissade des enchaînements et l’extrême confusion dont le Gouvernement nous donne le spectacle cet après-midi démontrent, d’une façon évidente, que ce projet de loi est totalement incohérent et inintelligible, ce qui constitue un problème majeur… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. C’est terminé, monsieur Mariton.

    La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Monsieur le président, j’ai bien entendu l’avis exprimé par Mme la garde des sceaux. Comme cela a été dit en commission, la filiation s’établit dans le cadre du mariage à la fois par la présomption de paternité et par le fait que le nom de la mère figure dans l’acte de naissance.

    Dans le cadre de la réforme, plusieurs options étaient envisageables. La première était d’obéir au principe d’égalité invoqué par vous-mêmes, madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur, et d’appliquer le parallélisme des formes. C’est le choix que nous avons fait avec l’amendement n° 2168, qui vise à instaurer une présomption de parenté, comme le Québec a décidé de le faire.

    La deuxième – qui va, je le crains, affoler M. Mariton – était de proposer la suppression de la présomption de paternité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dont on peut penser qu’elle n’est plus nécessaire aux familles, puisqu’il suffit d’effectuer une déclaration anténatale ou postnatale.

    Nous avons choisi la première option, à savoir le principe d’égalité et le parallélisme des formes. Cela étant, nous prenons acte de votre engagement, madame la garde des sceaux, de prendre en compte notre préoccupation dans le cadre de la future loi sur la famille – même si son contenu, son périmètre et son calendrier restent quelque peu incertains – et, pour marquer notre bonne volonté, nous retirons l’amendement n° 2168, notre intention étant de continuer à réfléchir et à débattre avec vous.

    (L’amendement n° 2168 est retiré.)

    M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 1919, 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958, pouvant être soumis à une discussion commune.

    Les amendements nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958 sont identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1919.

    M. Hervé Mariton. L’amendement n° 1919 est inspiré par notre volonté de nous montrer conséquents : dès lors que nous ne voulons pas qu’un enfant soit conçu par GPA ou par PMA hors du cadre légal, il est important de sanctionner ceux qui faciliteraient de telles pratiques. Je propose donc que les sites internet ayant vocation à faciliter ces pratiques soient sanctionnés.

    On ne peut pas, d’un côté, dire qu’on ne veut pas de la GPA et, de l’autre, accepter sans rien faire que des sites Internet promeuvent cette pratique. À vrai dire, on pourrait aussi, contrairement à ce que disait le rapporteur ce matin, proposer de prévoir une sanction judiciaire contre les personnes qui ont recours à la GPA. Vous vous appuyez sur le fait que la GPA est pratiquée hors du territoire français, alors que dans le domaine de la lutte contre la corruption ou contre d’autres activités illicites opérées à l’étranger et gravement blâmables sur le plan moral et éthique, le droit de la République prévoit des sanctions. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il reste inerte et inactif à l’égard de personnes qui transgressent gravement les principes de l’éthique et de la morale.

    M. le président. Nous en venons, dans la discussion commune, aux amendements identiques.

    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour défendre l’amendement n° 3053.

    M. Patrick Hetzel. Nous sommes dans le droit fil de ce que vient d’indiquer M. Hervé Mariton.

    Pour la clarté des débats, je souhaite revenir sur un sujet essentiel. Depuis le Cambodge, le Premier ministre vient de recadrer les ministres présents sur le banc. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous venez de faire une démonstration extrêmement importante – la déclaration que le ministre chargé des relations avec le Parlement a faite cet après-midi le montre également – sur le lien qui existe entre les questions relatives à la famille et le texte en discussion.

    Depuis le début, nous vous disons que votre méthode n’est pas la bonne. Vous avez vous-mêmes dû être recadrés par le Premier ministre, qui indique clairement que les questions relatives à la famille seront étudiées selon un nouveau calendrier. On voit bien que le débat national que nous appelons de nos vœux depuis longtemps devrait pouvoir se dérouler en amont de la discussion de ce texte. Une nouvelle fois, je me permets de poser la question : comment comptez-vous procéder pour que nous voyions clair dans le calendrier que vous proposez ? Nous avons entendu des affirmations contradictoires : M. Le Roux a donné tout à l’heure au nom du groupe socialiste une version différente de celle de M. Vidalies. Nous n’y comprenons plus rien ! Nous avons besoin d’être éclairés avant de poursuivre la discussion.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3550.

    M. Xavier Breton. Cet amendement a pour objet de prévoir une sanction contre la promotion et la facilitation, par l’usage d’un moyen de communication, de la conception d’un enfant par un couple dans l’intention préméditée de faire grandir celui-ci auprès de personnes différentes de ses parents biologiques.

    Cet amendement est premièrement l’occasion pour moi de rappeler notre vision du pilier biologique, corporel. Si celui-ci n’est pas le seul à devoir être considéré, s’il est second par rapport à la dimension affective et éducative, nous estimons qu’il ne peut pas être mis de côté ou négligé. Il ne s’agit donc pas de tout faire reposer sur le pilier biologique, contrairement à ce que laissait croire hier Mme la garde des sceaux en faisant un peu d’ironie sur les lois de Mendel. Il s’agit simplement de dire qu’il y a deux piliers, un pilier affectif et un pilier biologique, et que le schéma préférable, celui que nous devons promouvoir, c’est celui qui permet une éducation fondée sur ces deux piliers.

    Deuxièmement, ouvrir des droits à la filiation artificielle présente des risques de marchandisation de la procréation, une dérive que l’on constate à l’étranger par l’intermédiaire de l’assistance médicale à la procréation ou la gestation pour autrui, mais vers laquelle tendent déjà, dans notre pays, certains moyens d’information, notamment des sites Internet. Il faut prendre le mal à la racine. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3788.

    M. Philippe Gosselin. Je vais tenter de démontrer que nous sommes cohérents – je devrais y arriver –, ce qui sera un bon contrepoint au caractère incompréhensible de la position du Gouvernement. Mme Buffet n’y comprenait rien, M. Coronado non plus, et Mme Pompili a dû faire quelques exercices en bas des marches pour essayer de se faire remarquer et entendre, ce qui est évidemment difficile, et je vous présente, madame, dans cette circonstance douloureuse, mes très sincères condoléances ; je sais que vous y êtes sensible. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Cela étant, j’ai cru comprendre que tous, sur ces bancs, nous voulions lutter contre le dumping éthique représenté par certaines législations étrangères et par l’action d’un certain nombre d’associations ou de sites puisque, apparemment, nous sommes tous, dans cet hémicycle, contre la GPA.

    Nous souhaitons donc mettre cette affirmation en musique, si j’ose dire, et permettre au travers de cet amendement de punir ceux qui faciliteraient la promotion de la gestation pour autrui, afin de donner un signal clair contre la marchandisation des corps. Puisque tout le monde, semble-t-il, est contre la GPA sur ces bancs, nous devrions être unanimes sur cet amendement et donner corps à cette belle affirmation du refus de la marchandisation des corps.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4246.

    M. Marc Le Fur. Ce n’est pas tout d’affirmer des positions de principe et de se prononcer contre un certain nombre de choses, il faut le traduire dans le droit. Je vous invite, les uns et les autres, à aller voir ce qui est proposé sur le net, non seulement sur les sites étrangers, mais aussi sur les sites français, car c’est terriblement inquiétant.

    On nous propose des enfants en solde : le coût normal est de 12 000 euros mais la promotion fait baisser le prix à 9 900 euros. On nous propose des enfants pour lesquels sont prévus un coût de gestation et un coût d’avortement, dans l’hypothèse où le projet parental serait interrompu ; voilà ce qui figure sur le net ! On nous propose sur le net la possibilité d’exiger un donneur aux yeux clairs et aux cheveux blonds.

    Mme Claude Greff. Et sans maladie !

    M. Marc Le Fur. On nous propose sur le net des options singulières, en particulier que la personne soit de religion islamique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Et voilà !

    M. Marc Le Fur. Des critères qui ne figurent plus dans les fichiers de police sont présents aujourd’hui sur le net ! Voilà ce que vous tolérez et que nous avons trop toléré.

    J’attends du Gouvernement qu’il prenne des sanctions et qu’il engage une politique pour éradiquer de telles dérives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4958.

    M. Julien Aubert. Nous avons déposé cet amendement car nous considérons que le mariage, l’adoption et la PMA constituent un bloc, puisque, dès lors qu’il y a égalité des individus et égalité des couples, tous les couples mariés auront les mêmes droits. C’est la conséquence logique.

    Le débat qui nous agite voit donc se confronter dans cet hémicycle trois types de positions. Une première catégorie de personnes se satisfait du système tel qu’il fonctionne aujourd’hui et ne souhaite pas modifier la définition du couple. Face à elles, d’autres personnes sont pour l’extension de cette définition et, logiquement, souhaitent aller jusqu’au bout. Et il y a la position médiane, celle du parti socialiste, qui est évidemment inconfortable. Chers collègues, vous vous croyez progressistes, mais dès que cette loi sera votée, vous serez dépassés !

    M. Philippe Gosselin. Ils le sont déjà !

    M. Julien Aubert. Vous serez réactionnaires, parce que certains d’entre vous sont hostiles à la PMA, alors que celle-ci est très logiquement et nécessairement attachée au mariage et à l’adoption.

    Vous vous trouvez donc maintenant, majorité et Gouvernement, face à un choix très simple : soit la GPA sera autorisée à la fin de l’année, et dans ce cas-là vous piétinerez ; soit la GPA est déjà décidée – le rapporteur parlait tout à l’heure au futur – et dans ce cas-là vous serez amenés à piétiner l’avis du Comité national ; soit la GPA ne sera pas autorisée, et vous piétinerez alors vos alliés électoraux.

    Vous serez de toute façon, à un moment donné, mis face à vos responsabilités : vous avez déjà mis en casernement la majorité socialiste, désormais nous avons un ministre qui est la grande muette ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vos amendements ont pour objet de réprimer la provocation à l’abandon d’enfant et la fraude à l’adoption qui, à vous entendre, sont des « pratiques indignes » ou « monstrueuses ».

    Mme Claude Greff. Elles existent !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Et vous ne punissez ces pratiques que de 5 000 euros d’amende ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Poisson a même proposé une contravention de cinquième classe ; mais ce n’est pas du niveau ! (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SRC, écologistes, GDR et RRDP.)

    Vous prévoyez d’inscrire dans le code civil, dont ce n’est ni la philosophie ni l’esprit, des contraventions contre des infractions qui sont prévues à l’article 227-12 du code pénal : la provocation à l’abandon d’enfant est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ; l’entremise lucrative entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

    M. Claude Goasguen. Vous le rejetez parce qu’il ne prévoit pas des sanctions assez fortes !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Voilà qui est sensiblement plus proche du niveau de vos peurs. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En fait, depuis quatre jours, à force de nous parler de tout, vous avez totalement oublié que nous sommes sur le code civil pour un projet de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

    Après avoir passé des heures à nous expliquer qu’il fallait modifier le code de la santé publique, et non le code civil, sur lequel nous travaillons, vous entamez une séquence qui durera probablement plusieurs heures pour nous expliquer à présent qu’il faut modifier le code pénal. Qui plus est, vous souhaitez introduire, comme vient de le rappeler le rapporteur, une contravention de cinquième classe…

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est l’amendement suivant !

    M. Claude Goasguen. Ce n’est pas assez pour vous ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …alors que vous soutenez que l’affaire est grave, qu’il y a péril en la demeure, que l’humanité est menacée, que l’apocalypse est à notre porte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR écologiste et RRDP.) Vous proposez de punir ceux qui contribuent à de tels actes de 5 000 euros d’amende ?

    M. Claude Goasguen. Mme Taubira trouve que ce n’est pas assez cher payé !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a là la confusion que vous provoquez vous-mêmes à traiter de tout sauf du texte qui vise à modifier le code civil pour ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Vous faites diversion depuis des jours sur le code de la santé publique et sur le code pénal ; avec un peu d’imagination, vous trouverez sans doute matière à aborder d’autres codes.

    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1919 et les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Pierre Lequiller pour répondre au Gouvernement.

    M. Pierre Lequiller. Nous avons proposé ces amendements parce que c’est la seule possibilité que nous avons. Je trouve toutefois scandaleux, incroyable que vous refusiez ces amendements sous prétexte qu’ils ne vont pas assez loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez tout à fait le droit de déposer un sous-amendement pour prévoir les contraventions que vous souhaitez ! Pour ma part, je suis d’accord avec vous : il faut aller beaucoup plus loin ! Faites-le, dans ce cas !

    M. Claude Goasguen. Ne te fatigue pas !

    M. Pierre Lequiller. Par ailleurs, madame la ministre, lorsqu’on vous a interrogée sur la circulaire, vous avez répondu sur les enfants. Je n’ai jamais entendu une condamnation du père qui a procédé à ces GPA à l’étranger.

    M. Claude Goasguen. Absolument !

    Mme Claude Greff. Très bien !

    M. Pierre Lequiller. Nous devrions donc réfléchir ensemble à une sanction à l’encontre de ces pères qui violent la loi française, qui la contournent pour aller exploiter des femmes en grande difficulté qui prêtent leur ventre contre leur gré à la naissance d’un enfant. Il faudrait alourdir les sanctions contre ces pères qui ont violé la morale en exploitant des femmes à l’étranger.

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Vous êtes encore hors sujet dans le seul but, comme toujours, de faire peur aux Français. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Non seulement vous choquez tous les enfants conçus par assistance médicale à la procréation et tous les enfants adoptés en parlant depuis des heures de « vrais parents » au lieu de parler de géniteurs, mais en plus vous parlez là encore d’un sujet qui n’est en rien spécifique aux couples homosexuels. C’est donc un moyen pour éviter de parler du fond du problème : votre incapacité à reconnaître l’égalité pour les couples homosexuels.

    Cessez de faire croire que la construction de la loi n’est qu’une partie de dominos. La sagesse du législateur est requise en permanence, sur chaque texte. Force est de constater, malheureusement, que depuis le début de nos travaux, la sagesse n’est pas votre préoccupation première. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1919.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 280

    Nombre de suffrages exprimés 280

    Majorité absolue 141

    Pour l’adoption 98

    Contre 182

    (L’amendement n° 1919 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 260

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 88

    Contre 172

    (Les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958 ne sont pas adoptés.)

    M. Patrick Ollier. Nos boîtiers n’ont pas fonctionné !

    M. Marc Le Fur. Rappel au règlement !

    M. le président. Non, monsieur Le Fur. Il y a eu un dévoiement des rappels au règlement, je ne les accepte plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Chers collègues de l’opposition, pour vous permettre de faire entendre votre voix sur les points les plus importants de notre discussion, le moins que l’on puisse dire est que j’ai été large. Vous avez fait 37 rappels au règlement dans la discussion générale et 99 dans la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1894.

    M. Hervé Mariton. Je défendrai cet amendement, car le fond prime. Mais le refus a priori et systématique de nos demandes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)… Puis-je poursuivre, monsieur le président ?

    M. le président. Vous avez déjà utilisé 28 secondes de votre temps de parole.

    M. Hervé Mariton. Dois-je me taire, alors ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC)

    M. le président. Depuis le début de nos travaux, vous avez fait en tout 136 rappels au règlement. Désormais, nous observerons un rythme de travail plus normal. Je propose une suspension de séance, pendant laquelle je ferai le point avec les présidents de groupes et leur indiquerai la durée de la séance de ce soir.

    Monsieur Mariton, vous aurez ensuite la parole pour défendre votre amendement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Avant l’article 1 bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1894.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement propose d’appliquer le principe de précaution. L’évolution de la filiation adoptive que le projet du Gouvernement entend autoriser pour les couples de même sexe aura nécessairement des conséquences et pose un certain nombre de questions.

    Nous avons l’honnêteté de reconnaître que les experts auditionnés, soit par la commission des lois, soit par le groupe de travail du groupe UMP, n’ont pas tous dit qu’on percevait un malaise chez les enfants adoptés dans un tel contexte, ni qu’ils vivaient mal.

    Nous avons entendu des opinions nuancées et souvent contradictoires. Manifestement, le sujet n’est pas parfaitement maîtrisé. Certains nous disent qu’il n’y a pas plus de problèmes que cela ; d’autres au contraire que cela pose, pour l’épanouissement de ces enfants et leur future vie d’adulte, des problèmes considérables. Il ne faut donc être systématique ni dans un sens ni dans l’autre, position qui justifie précisément l’application du principe de précaution. Le doute subsistant, il faut prendre des précautions face au risque d’un danger irréversible et hors de proportion avec ce que l’on doit faire subir à des enfants.

    S’il vous plaît, acceptez donc l’application du principe de précaution, et faisons en sorte que les pouvoirs publics renoncent à des décisions d’adoption tant que, en l’état actuel des connaissances, subsiste un risque.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2088.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je m’adresse à Mmes les ministres. J’ai entendu Mme la garde des sceaux nous dire tout à l’heure que l’opposition faisait diversion. Non, nous ne faisons pas diversion ; nous avons de légitimes questions, qui attendent de légitimes réponses.

    J’ai bien noté par ailleurs les propos tenus en fin de matinée par Mme Bertinotti, qui nous a parlé de nouvelles formes de filiation et de parentalité, et a annoncé que la PMA serait ouverte aux couples de même sexe, dans le cadre d’une loi sur la famille, avant la fin mars 2013. C’était ce matin ; cet après-midi, les choses ont évolué et, au bout du compte, d’annonces en reniements, nous sommes complètement perdus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vous demande donc instamment, mesdames les ministres – et c’est une femme députée qui vous parle –, de respecter le principe de précaution pour ces enfants. Pour assurer aux enfants adoptés un développement harmonieux, je vous demande que le principe de précaution puisse s’appliquer et qu’il ne soit pas en France une exception réservée aux espèces animales, que les enfants des hommes y aient également droit ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2336.

    M. Nicolas Dhuicq. Que d’exégètes pour interpréter la pensée du groupe majoritaire et du Gouvernement, qui en émane, sur un sujet qui intéresse de nombreux Français !

    Lorsque nous évoquons les questions de filiation, nous parlons des secrets de famille, et il serait utile à ce titre que la représentation nationale lise, pour se distraire, les ouvrages de Serge Tisseron, en particulier Tintin chez le psychanalyste, à propos des « cryptes », ces secrets de famille décrits par Nicolas Abraham.

    La position de la majorité est tellement prométhéenne, sa vision de l’être humain est tellement plastique, qu’elle en vient en réalité à nier l’inconscient. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous ne nous parlez que du biologique, mais il n’y a pas que le biologique : il y a aussi l’inconscient.

    Or, je le répète, une adoption n’est réussie que lorsque l’enfant adopte ses parents, et non quand les parents adoptent l’enfant ; mais vous ne vous placez qu’au plan des adultes et des parents. Il serait pourtant sage de ne pas écarter cet amendement, qui est un appel à la raison et à la prudence, et propose une vision équilibrée de l’humain. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2945.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette de n’avoir pu tout à l’heure défendre l’un de mes amendements, passé à la trappe avec fleurs et couronne, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler ultérieurement.

    Mon amendement entend insister sur le fait que, quoi qu’il arrive, la responsabilité des parents est totale à l’égard de leurs enfants. Ils ont la possibilité de déterminer, avant la majorité des enfants, les modalités selon lesquelles ces derniers seront accueillis, s’ils disparaissaient prématurément. Cette responsabilité va dans l’intérêt des enfants, et cette faculté ouverte aux parents doit donc être consignée dans nos codes. Tel est le sens de cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3530.

    M. Xavier Breton. En invoquant le principe de précaution, nous voulons montrer que l’aveuglement idéologique de nos collègues de gauche conduit à mettre en place une mécanique implacable, sans que les impacts en aient été mesurés.

    Or le principe de précaution consiste à prendre le temps, avant une décision grave et irrémédiable, de mesurer ses impacts. Certaines études prétendent qu’on ne constate aucun effet chez les enfants élevés par des couples de même sexe, mais ces études, souvent des études militantes, sont contestées, notamment à cause des méthodes qu’elles emploient. D’autres, comme celle de Regnerus, parue récemment, montrent qu’il y a peut-être des effets…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Elle est contestée !

    M. Xavier Breton. Nous ne pouvons donc en tirer aucune conclusion, d’autant que ces études s’intéressent à des enfants élevés par des couples de même sexe, mais sans évaluer l’impact qu’à sur eux l’absence de père ou de mère. C’est bien ici, au-delà des aspects affectifs et éducatifs, la notion même de parenté qui est un cause. Quelles conséquences a pour un enfant le fait de ne pas avoir de père ou de mère ? Personne ne le sait, et cela ne peut être fait impunément. Nous en appelons donc à une écologie humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4964.

    M. Julien Aubert. Je voulais tout d’abord vous remercier, monsieur le président, pour la manière impartiale et mesurée dont vous présidez nos débats.

    M. le président. Arrêtez, monsieur Aubert, ou je vais avoir des problèmes avec la majorité ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Julien Aubert. Je soutiens cet amendement, car il ne faut pas tomber dans la caricature ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mes chers collègues, vous avez des boutons dans le dos et, chaque fois que l’on appuie dessus, vous bondissez : on dirait une publicité pour Danette !

    Je ne crois pas que deux hommes ou deux femmes qui veulent élever un enfant aient systématiquement sur lui une influence négative. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je crois que l’amour et le désir d’avoir un enfant font que leur projet éducatif et leur projet de vie sont respectables.

    Cela étant, la plupart des études, y compris les plus scientifiques, portent forcément sur des périodes très courtes puisque, même dans les pays les plus avancés, nous n’avons qu’une dizaine ou une quinzaine d’années de recul, et donc pas de série longues. Or il faut parfois vingt, trente ou quarante ans pour mesurer certains effets.

    À titre d’exemple, j’étais favorable il y a quinze ans à la suppression du service militaire ; lorsque j’ai vu cependant des jeunes gens agiter des drapeaux étrangers sur la place de la Bastille, le soir de l’élection de François Hollande, je me suis dit que j’avais eu tort.

    M. Alain Fauré. N’importe quoi !

    M. Julien Aubert. Vous mettez en avant le principe de précaution pour les ondes électromagnétiques, les OGM ou d’autres éléments touchant au vivant. Honnêtement, compte tenu du fait que nous n’avons aucune certitude sur l’impact à long terme, et que nous utilisons et mettons parfois ce principe à toutes les sauces, je crois que mettre en place ce principe pour un sujet aussi important que l’équilibre de l’enfant relève tout simplement de la prudence, ne vous en déplaise.

    M. Jacques Myard. Bravo !

    M. le président. Sur les amendement identiques n° 1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’avoue mon malaise devant l’emploi, dans les mêmes phrases et les mêmes arguments, des mots « principe de précaution », « mariage », « homosexualité » et « espèce animale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Et alors ? Nous sommes des mammifères !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Les amalgames sous-entendus par l’emploi de ces termes me semblent dangereux et extrêmement décevants.

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est une image !

    M. Jacques Myard. On se reproduit comme des mammifères !

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’espère que vous avez songé à ces enfants qui, vivant dans des familles homoparentales, ont pu entendre ces mots de « principe de précaution ».

    Vous vous inquiétez de la situation des enfants élevés dans des familles homoparentales, et vous avez raison : nous nous sommes longuement posé cette question lors des auditions.

    Nous avons beaucoup travaillé sur les études auxquelles vous faites référence. L’étude Regnerus fait l’objet d’un résumé dans le tome II du rapport, ainsi que d’autres études évoquées notamment à l’occasion de l’audition des représentants de l’Académie de médecine. Nous avons donc beaucoup travaillé sur ces questions.

    Il aurait été préférable d’assister le 20 décembre aux auditions de ces familles ; or, monsieur Breton, vous n’êtes resté ce jour-là que cinq minutes, tout comme M. Mariton !

    M. Xavier Breton. Nous ne sommes pas restés parce que vous avez auditionné des militants !

    M. Patrick Ollier. Vous avez auditionné des militants socialistes !

    M. Bernard Accoyer. Ces auditions étaient partiales !

    M. le président. S’il vous plaît ! Monsieur le rapporteur, veuillez poursuivre votre réponse.

    M. Erwann Binet , rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, vous l’aurez compris.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaiterais rétablir un peu de sérénité.

    Tentons de savoir de quoi l’on parle lorsqu’on évoque l’adoption plénière. Mme Taubira a déjà eu l’occasion de rappeler que le sérieux de la procédure d’adoption ne peut, en aucune façon, souffrir le moindre doute.

    Vous le savez d’autant mieux que vous avez certainement eu l’occasion, dans le cadre de vos diverses fonctions, de voir de quelle façon cette procédure d’adoption se déroule, et de constater qu’un agrément n’est jamais accordé à la légère. Je souhaite donc rendre hommage à tous ceux qui participent à ces procédures d’agrément. Pour mémoire, je rappelle qu’en 2011, 5 887 agréments ont été accordés, 770 refusés et 881 retirés.

    Par ailleurs, et M. le rapporteur l’a souligné, nous assistons à une dérive du vocabulaire : nous avons entendu parler ce matin d’ « enfant-Playmobil », et cet après-midi d’espèces animales. Jusqu’où ce débat va-t-il sombrer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je préfère vous relire les propos d’Elisabeth Badinter : « Ce n’est pas parce que l’on devient mère ou père que l’on est bon parent. (…) Ce n’est pas parce qu’on a porté (…) un enfant que l’on est doté des hormones du maternage. (…) Combien de pères fouettards, lointains, voire carrément absents, se sont-ils succédé depuis l’origine des temps ? (…) La parentalité hétérosexuelle n’est pas la panacée universelle. Pourtant, nul ne songe à demander des comptes aux futurs parents hétérosexuels. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Respectez enfin les familles homoparentales !

    Mme Claude Greff. Et c’est la ministre de la famille qui dit cela !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Au fond, je crois que tous les Français s’interrogent sur ce devoir de précaution, car il s’agit d’un changement radical. En effet, permettre à des couples homosexuels d’adopter un enfant, leur reconnaître ce droit dans un texte de loi, constitue un changement fondamental. Le souci de précaution est donc légitime.

    Ce qui nous choque tous, c’est cette impression que le Gouvernement navigue à vue. Tout à l’heure, Bruno Le Roux nous a indiqué que la question du calendrier devrait être posée lors d’une séance de questions d’actualité.

    Permettez-moi donc de vous rappeler que ce sujet a fait l’objet d’une question d’actualité posée au Premier ministre mardi par le président du groupe UMP, puis a de nouveau été posée mercredi par le président de l’UMP, le parti le plus important de l’opposition. Or, le Premier ministre n’a pas apporté la moindre réponse !

    Par ailleurs, nous avons entendu, en provenance de l’étranger, une information qui vient contredire le calendrier qui nous a été exposé. Elle illustre de plus la contradiction régnant entre les membres du Gouvernement car, vous le savez, madame la ministre de la famille, vous n’êtes pas sur la même ligne que Mme la garde des sceaux.

    Vous nous avez dit que l’adoption avait d’ores et déjà créé la possibilité d’avoir des enfants et que finalement, pour des couples hétérosexuels, ce sera la même chose qu’aujourd’hui. Or, ce n’est pas la même chose : Mme Taubira était beaucoup plus sur la ligne qui avait été définie. Alors où est la clarté ? De même, votre rapporteur s’est montré extrêmement flou sur ces questions.

    Ainsi, le premier principe de précaution, que l’État devrait s’appliquer, c’est de définir clairement sa stratégie vis-à-vis de la nation française. Tous les Français qui ont participé à l’immense manifestation du 13 janvier l’ont appelé à indiquer quelle était réellement sa position. Voilà aussi un principe de précaution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je suis scandalisée par cet amendement, qui fait une analogie entre les couples de même sexe et les animaux afin d’interdire l’adoption aux couples homosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ceux-ci seraient-ils si dangereux qu’il faudrait leur interdire l’adoption ? Les humains qui nous regardent apprécieront. Mais comme je préfère me consacrer au règne de la démocratie plutôt qu’au règne animal, revenons-en à l’adoption.

    M. Patrick Ollier. C’est médiocre, madame !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Adopter restera toujours un processus long, codé, épuisant parfois pour les demandeurs, parce que décider d’entamer une procédure d’adoption, c’est d’abord vérifier que l’on en a la possibilité, confronter la solidité de son projet parental à la réalité.

    Ceux qui aujourd’hui agitent un drapeau rouge imaginaire méprisent l’exigence des professionnels de l’adoption. En effet, l’adoption est contrôlée par les services de l’aide sociale à l’enfance des conseils généraux : ce qu’ils font aujourd’hui avec talent et brio pour les couples hétérosexuels, ils le feront également pour les couples homosexuels.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous le savons aussi bien que vous, chère collègue !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Arrêtez donc d’agiter le chiffon rouge de la précaution !

    Il n’est ni moral ni légitime d’exclure un couple en raison de son orientation sexuelle. Il est donc temps de mettre fin à cette situation discriminatoire.

    De plus, nous avons évoqué le Conseil supérieur de l’adoption. Je veux vous lire une phrase extraite d’un de ses comptes rendus : « le Conseil supérieur de l’adoption a examiné les incidences du projet, sans faire aucun lien entre les capacités éducatives et affectives et l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption. » Ce document a été transmis aux présidents des deux assemblées.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et si vous parliez des enfants, chère collègue ?

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oui, il est possible d’être homosexuel et de bien élever ses enfants. On peut aussi mal les élever, comme pour les couples hétérosexuels.

    Vous nous parlez de la défense des enfants ; mais qui a supprimé le Défenseur des enfants ? Ce n’est pas la gauche : c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je souhaite ramener un peu de sérénité dans ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs d’entre nous ont rappelé à ce micro que l’amour que peuvent se porter deux hommes ou deux femmes est tout aussi respectable que l’amour que peuvent se porter un homme et une femme : ce sujet ne fait même pas débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une évidence, et je l’ai déjà dit à cette tribune il y a au moins deux mois.

    M. Marcel Rogemont. Le problème, c’est qu’après il y a toujours un « mais » !

    M. Christian Jacob. Ensuite, concernant les capacités d’éducation, il est évident que deux personnes du même sexe peuvent parfaitement éduquer un enfant et lui porter tout l’amour nécessaire. Ces sujets ne font évidemment pas débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    En revanche, concernant l’adoption, des questions ont été très clairement posées, non par un groupe politique ou des députés UMP, même si nous nous en faisons le relais, mais par le Conseil supérieur de l’adoption, dont je vous ai lu hier quelques citations.

    Il soulève des interrogations extrêmement graves, et souligne notamment l’absence d’étude d’impact suffisante. L’ensemble des risques potentiels n’ont pas été mesurés. De plus, le Défenseur des droits pose les mêmes questions sur ce sujet. Il est donc normal que nous nous fassions l’écho tant du Défenseur des droits que du Conseil supérieur de l’adoption.

    Sur un sujet aussi important, on ne peut pas accepter les propos du rapporteur, qui fait des amalgames faciles. Je vous le dirai sans doute un peu durement et un peu méchamment, mais ce n’est pas parce que vous avez parfois, sur ces sujets, dépassé votre seuil de compétence que vous devez tomber dans l’insulte, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Roman. Je dirai simplement à M. Jacob qu’on peut ne pas être d’accord avec les idées défendues par les autres ; on peut ne pas être d’accord avec des arguments ou des amendements ; on peut mettre en cause le fond des amendements, comme nous le faisons sur des idées qui nous semblent néfastes pour la société française – je vous le dis tel que nous le pensons.

    Mais mettre en cause, individuellement, sur ses compétences – que vous êtes le seul à ne pas voir ! – le formidable rapporteur de ce texte, est indigne d’un parlementaire, et indigne d’un président de groupe de l’opposition !

    Je demande une suspension de séance de deux minutes pour que M. Jacob se rende compte que nous ne sommes pas ici pour nous invectiver, ni pour remettre en cause les compétences d’un collègue qui siège sur ces bancs.

    M. Bernard Accoyer. Il faut une heure de suspension !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

    M. le président. Notre Assemblée ayant retrouvé sa sérénité légendaire, la séance est reprise.

    La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements révèlent une défiance extraordinaire à la fois envers les collectivités, puisque ce sont les conseils généraux qui délivrent les agréments, et envers nos institutions, puisque c’est un magistrat qui prononce l’autorisation d’adoption.

    Il y a dans ces amendements une défiance extraordinaire, mais surtout étonnamment récente, envers nos collectivités et nos institutions, sur la rigueur avec laquelle elles examinent chaque situation qui leur est présentée et sur le sérieux avec lequel elles prononcent leurs décisions.

    Nous témoignons – mais nous ne sommes pas les seuls puisque c’est aussi ce que disent les intéressés – que ce travail est fait avec la plus grande rigueur.

    Madame Dalloz, vous nous avez interpellées en nous disant : c’est une femme députée qui vous parle, à vous mesdames les ministres, et qui vous demande de faire en sorte que ce principe de précaution soit appliqué. En vous écoutant, je me suis dit que vous n’aviez peut-être pas fait attention à l’exposé sommaire de votre amendement et en tout état de cause je n’ai pas imaginé une seconde que vous iriez jusqu’à le citer. C’est pourtant ce que vous avez fait. Je cite la première phrase de l’exposé sommaire de votre amendement : « Le principe de précaution ne peut s’appliquer uniquement aux espèces animales alors qu’il ne s’appliquerait pas aux enfants des hommes ».

    Madame la députée, lorsque vous nous dites que c’est une femme députée qui nous interpelle, nous les femmes ministres, de deux choses l’une : ou bien vous n’avez pas mesuré ce qu’il y a de terrible dans cette phrase, ou bien vous le savez. Si vous ne l’avez pas mesuré, alors ce sont les femmes ministres qui vous interpellent, vous femme députée de l’UMP, pour vous demander au moins de la vigilance sur le vocabulaire (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), pour vous demander de faire en sorte que les députés ne parlent pas d’« enfants-Playmobil », de faire en sorte que les horreurs que l’on entend depuis plusieurs jours ne soient plus prononcées car elles le sont aussi en votre nom. Dans le cas contraire, cela illustre de façon irréfutable qu’il n’y a entre nous de commun que ce que la nature nous a donné, c’est-à-dire juste être femme, et que nous divergeons sur tout le reste. Nous divergeons sur les valeurs, nous divergeons sur les principes, nous divergeons sur les idéaux, nous divergeons sur le respect dû aux personnes, nous divergeons sur la protection des enfants, nous divergeons sur la conception de la citoyenneté, nous divergeons sur la liberté, nous divergeons sur l’égalité. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste et GDR se lèvent et applaudissent vivement.)

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, rappel au règlement…

    M. le président. Non !

    Je vais mettre aux voix…

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, M. Breton a demandé la parole pour répondre au Gouvernement.

    M. le président. C’est M. de Mazières qui a répondu au Gouvernement.

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 252

    Nombre de suffrages exprimés 250

    Majorité absolue 126

    Pour l’adoption 65

    Contre 185

    (Les amendements identiques nos°1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune dont certains sont identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1896, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5374.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je crois que ce qui nous réunit ici, c’est l’amour de la France (« Oh ! »sur les bancs du groupe SRC), l’amour de la République et la recherche de l’intérêt général.

    Comme la définition de l’intérêt général est un enjeu de la démocratie, nous débattons, nous confrontons nos points de vue, et nous votons.

    Madame la garde des sceaux, j’ai beaucoup de respect pour vous. Vous m’autoriserez à vous dire qu’il n’est pas bien de dénoncer tel collègue ou tel groupe de collègues (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour dire que la seule chose qui vous paraît semblable à vous dans le regard d’un député serait d’être femme, s’agissant d’une femme, quand la chose qui raisonnablement doit nous réunir au-delà de nos différences c’est un certain sens de la mission – législateur, exécutif – dans l’intérêt de la France.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Parlez-nous de votre amendement !

    M. Hervé Mariton. Nous ne contestons pas la légitimité du Gouvernement, nous ne contestons pas la légitimité de nos collègues de la majorité. Admettez que nous assumions notre mission.

    Mon amendement vise à permettre à des parents de dire qu’ils souhaitent préciser les conditions dans lesquelles ils veulent, s’ils venaient à décéder, que leurs enfants soient adoptés. C’est un prolongement de la responsabilité parentale qui paraît aller de soi et ne devrait pas faire l’objet de polémiques, et si…

    M. le président. Merci, monsieur Mariton.

    La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir le sous-amendement n° 5374.

    M. Bernard Accoyer. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, l’objet central de nos préoccupations étant l’enfant.

    Hier, Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous a dit que le texte ne changerait rien pour les enfants. Or nous constatons, article après article, à mesure que nous progressons dans nos débats, que c’est tout le contraire. Dès lors que le mariage de personnes de même sexe donne les mêmes droits que le mariage de deux personnes de sexe différent, l’adoption deviendra possible. Puis ce sera le tour de la PMA et enfin, parce que les couples d’hommes l’exigeront avec une QPC, ce sera la gestation pour autrui qui deviendra possible.

    Il est donc nécessaire de souligner que nos discussions et nos votes aboutiront à changer totalement la situation des enfants, tout simplement parce que ce texte privilégie le droit à l’enfant alors que nous devrions être totalement et uniquement centrés sur les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2087.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la garde des sceaux, effectivement nous avons une divergence de points de vue et je la revendique.

    Avec tout le respect que je vous dois, je suis heureuse d’avoir une vision de la société différente de la vôtre.

    Mes chers collègues de l’actuelle majorité, je veux vous alerter sur le risque de dérive évident en raison du fait majoritaire. On le voit bien à travers vos invectives, votre sentiment d’être surpuissants, de pouvoir voter des textes sans tenir compte de rien.

    Laissez-moi vous citer l’exemple de la Slovénie. En 2011, sur la proposition du gouvernement slovène de l’époque, le Parlement a adopté une loi sur la famille visant à mettre en application un nouveau code de la famille qui autorisait les couples homosexuels à se marier et à adopter. Or cette loi n’a jamais pu être mise en application. Des citoyens ont en effet lancé une initiative citoyenne intitulée « Pour le droit de la famille et le droit des enfants » réunissant les 40 000 signatures nécessaires à l’organisation d’une consultation populaire. Le 25 mars 2012, en dépit des sondages indiquant tous un succès pour ce texte, la loi est invalidée par voie référendaire à plus de 56 % des suffrages.

    C’est une bonne leçon. Vous devriez aussi écouter la rue, nous écouter et avoir un minimum de respect pour les parlementaires de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2337.

    M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais profiter de cette intervention pour rappeler à l’ensemble de mes collègues, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, qu’il n’y aura jamais aucune étude scientifiquement valable visant à comparer les différents couples, tout simplement parce que toute expérience humaine, tout être humain est unique. S’il fallait constituer des échantillons représentatifs des populations témoins dans ce type d’expérience, nous contreviendrions aux lois éthiques les plus élémentaires.

    M. Marcel Rogemont. Cela vaut aussi pour les couples hétérosexuels !

    M. Nicolas Dhuicq. Je constate que nos collègues de l’actuelle majorité se rendent compte petit à petit des dérives qu’ils ont rendues possibles et que cette loi posera plus d’interrogations qu’elle n’apportera de réponses. Au lieu de réunir les Françaises et les Français, au lieu de permettre à nos compatriotes, quelles que soient leurs orientations sexuelles, de vivre en paix dignement, vous recréez des tensions et vous compliquez à nouveau la vie des enfants, même si certains enfants auront toujours la capacité d’affronter les difficultés quelles qu’elles soient. Vous compliquez inutilement la vie des enfants et vous propagez des mensonges : un enfant n’aura jamais deux pères ni deux mères. Il y aura toujours, à la source de chaque vie humaine, un homme et une femme, que vous le vouliez ou non.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2947.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais rappeler que c’est à Mme Badinter que nous devons l’expression d’« élevage d’enfant » plutôt que d’« éducation d’enfant » et celle plutôt curieuse de « bilan familial ». Au fond, je peux comprendre que nos collègues de la majorité soient choqués que l’on assimile les enfants à des animaux, ce que personne ne fait ici (« Si ! sur les bancs du groupe SRC), et je les appelle à être un peu plus attentifs à la réalité des propos qui sont tenus à droite de l’hémicycle.

    Monsieur le président, cet amendement est dans la ligne de ceux qui ont été défendus tout à l’heure. Il réaffirme que la filiation biologique est importante et que, de notre point de vue, elle reste le modèle préférable de la filiation même si, c’est une évidence, elle n’est pas le seul. À ce titre, il est important que cette situation puisse être préservée autant que possible. Que ceux qui doivent décider du sort des enfants le fassent également en se référant à l’intérêt de l’enfant. À cet égard, le sous-amendement de M. Accoyer complète utilement mon amendement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3047.

    M. Patrick Hetzel. Monsieur le president, je voudrais profiter de cet amendement pour revenir sur ce qu’a dit Mme Bertinotti tout à l’heure. Elle est intervenue en nous apostrophant et en nous demandant : « Jusqu’où le débat va-t-il sombrer ? » Je voudrais dire à Mme la ministre que ce n’est pas à elle de juger le Parlement. Je crois qu’il est assez grave que le Gouvernement aille sur ce terrain. Nous avons besoin de sérénité, nous l’avons dit à plusieurs reprises : alors, je vous en prie, n’allez pas sur ce terrain. D’autant plus que, si je reprends ce qui s’est passé aujourd’hui, nous n’avons vraiment pas de leçons à recevoir : encore une fois ce matin, ici, vous avez dit quelque chose, et cet après-midi ce que avez déclaré, madame la ministre, n’était déjà plus vrai, parce que vous avez reçu un contrordre venant du Cambodge, de la part du Premier ministre. Pour nous, les choses sont claires : nous avons besoin de savoir qui nous devons écouter au banc du Gouvernement. Lorsqu’un ministre s’exprime, est-ce que ce qu’il dit est véritablement exact ? C’est vraiment important pour le débat.

    Je terminerai en revenant sur l’amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce que nous défendons, c’est évidemment le droit de l’enfant. C’est la raison pour laquelle cet amendement nous semble principiel dans le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1896 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3793.

    M. Philippe Gosselin. Nous examinons un sujet délicat : le décès des parents, des enfants qui se retrouvent orphelins, parfois sans famille immédiate susceptible de les accueillir, des grands-parents, des oncles ou des tantes… L’adoption peut être une solution.

    Bien sûr, on doit faire confiance au conseil de famille, et à l’ensemble des services qui entoureront à ce moment-là les enfants, mais il paraît essentiel que, dans un tel cas, les parents aient pu auparavant faire état d’un certain nombre de préférences.

    Quand on naît avec certaines valeurs, un certain type d’éducation, dans tel ou tel secteur géographique – chacun verra ce qu’il a de plus cher et ce qu’il souhaite transmettre à ses enfants –, tout cela peut amener à fixer les conditions dans lesquelles les enfants pourraient être adoptés.

    Bien évidemment, l’ultima ratio est aux mains de l’État, puisque c’est l’État – au sens large – qui prendra la décision finale, en veillant à ce que ces conditions soient compatibles avec l’intérêt de l’enfant. Il y a bien une raison ultime d’intérêt général, mais au moins le souhait des parents dans ce document testamentaire pourrait être pris en compte.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4963.

    M. Julien Aubert. Merci, monsieur le président. En introduction, je voudrais comme mes collègues apostropher Mme la garde des sceaux sur la manière dont elle a répondu. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Je trouve cela extrêmement choquant : il ne suffit pas de grossir les yeux et de grossir la voix. La dernière fois qu’on m’a parlé sur ce ton, c’était au CE2 ! Il serait bon maintenant que nous ayons un dialogue adulte. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je vois que la chorale du Parti socialiste s’est remise en route, il n’y a que moi qui vous réveille !

    Ce principe de liberté de conscience, je crois qu’il est extrêmement important ; j’ai déjà dit dans cet hémicycle que je ne comprenais pas pourquoi je devais argumenter pour la liberté, mais quand je me rends compte qu’on ne laisse même pas aux députés socialistes leur liberté de conscience, j’imagine qu’il est difficile de l’octroyer aux autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marcel Rogemont. On a le droit d’être d’accord avec son groupe !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Tout d’abord, monsieur le président, je vous demande, au titre de l’article 58, alinéa 4, de me donner la parole en fin de séance pour un fait personnel.

    M. le président. Elle vous sera accordée à la fin de la séance.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Sur la désignation d’un tuteur par voie testamentaire par le dernier vivant, elle est possible et s’impose au conseil de famille, sauf si le conseil de famille estime que ce n’est pas l’intérêt de l’enfant, et sachant que le tuteur désigné n’est lui-même pas tenu d’accepter.

    Il n’est donc pas acceptable de vouloir interdire a priori que tout enfant privé de famille puisse être accueilli par un couple de même sexe.

    Quant au sous-amendement de M. Mariton, il est superflu puisque la convention internationale des droits de l’enfant s’impose à notre droit de manière globale. Il est inutile de le préciser, la France ayant ratifié cette convention. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les explications du rapporteur étant extrêmement claires, le Gouvernement les approuve et émet un avis défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Merci, monsieur le président. Je ne sais pas si mes collègues de l’opposition se rendent compte qu’ils ouvrent la boîte de Pandore.

    M. Philippe Gosselin. C’est la meilleure !

    Mme Marie-George Buffet. Ils sont tellement obsédés par le désir d’interdire à un couple homosexuel d’accueillir et d’éduquer un enfant qu’en posant des conditions et en donnant un pouvoir aux parents par rapport à l’avenir de l’enfant, ils ouvrent la voie à des critères qui pourraient aussi bien être un jour racistes… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous rendez-vous compte de ce que vous faites à travers ces amendements ? Vous ne voyez même pas cela, tellement vous êtes obnubilés par les homosexuels : vous ne voyez même pas le danger que vous faites courir aux enfants et à notre société par vos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Je crois que cet amendement souligne la cohérence de nos positions. Ce que nous disons depuis le départ, c’est que la priorité pour nous c’est le droit de l’enfant. La priorité, pour un enfant qui va être adopté, c’est d’avoir un père et une mère, parce qu’autrement on choisit pour lui et on va à l’encontre du principe d’égalité. Or, tout votre raisonnement repose sur un principe d’égalité. Pardonnez-nous, nous considérons que ce principe d’égalité, vous le touchez à la racine même, à la naissance de l’enfant.

    M. Marcel Rogemont. Tout le monde n’est pas né à Versailles !

    M. François de Mazières. Nous sommes donc parfaitement cohérents.

    Le deuxième élément, c’est que nous considérons qu’il faut intégrer l’enfant dans une histoire familiale. Il est tout à fait normal, il est tout à fait logique, que nous défendions un tel amendement.

    Cette cohérence, vous nous imposez de l’avoir, parce qu’il y a tellement de flou dans tout ce que vous nous avez proposé, que ce soit dans le calendrier de la réflexion, que ce soit entre vous sur la PMA et la GPA, qu’il est nécessaire que nous revenions sans cesse avec nos amendements pour essayer de mettre un peu de cohérence dans ce raisonnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Julien Aubert. M. le rapporteur a dit que ce texte était en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant. Permettez-moi de vous en faire la lecture et vous jugerez s’il vous semble que ce texte l’est. Article 21 : « Les États parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption […] veillent à ce que l’adoption d’un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l’adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l’enfant par rapport à ses père et mère… »

    Il est dit, à l’article 7, que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Et la définition qui est donnée du mot « parents » est « père et mère ».

    Donc, je suis désolé, mais par rapport à cette convention de 1989 qui a force contraignante en droit français et qui donne une définition de la famille, comme étant un père et un mère… (Rires sur les bancs du groupe SRC.) À force de mélanger les genres ! Par rapport à ce texte qui permet à un enfant de connaître son père et sa mère, votre texte est dans l’illégalité et vous ne vous êtes à aucun moment expliqués sur la manière dont vous alliez faire fonctionner la hiérarchie des normes. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous ne sommes peut-être pas dans le même modèle. Vous, vous aimez peut-être passer trois semaines à voter une loi qui ne sera pas appliquée. Vous avez beaucoup parlé de l’effectivité du droit : mais j’aimerais que le droit soit applicable et qu’il soit effectif, ou bien tout cela ne sert à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, moi je fais partie de ces députés qui depuis six jours assistent à ces débats et je ne reviendrai pas sur la manière dont ils ont été dévoyés, galvaudés, phagocytés, embolisés par d’autres sujets. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

    Mais puisque, au gré de cette série d’amendements, vous voulez enfin vous livrer à l’exercice d’écriture du droit, je voudrais vous inviter collectivement à répondre à une double exigence. D’abord, je vous invite à le faire avec un minimum de purisme juridique. Dans cet amendement et dans l’exposé des motifs, vous faites référence à ces enfants qui seraient des « pupilles de la nation ». Mes chers collègues, les pupilles de la nation sont les enfants des victimes de la guerre de 1914 et de la guerre de 1939-1945 ! Je vous invite donc à réviser un tout petit peu le code civil et le code de l’aide sociale et de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Manifestement, les enfants dont vous voulez parler sont les pupilles de l’État. S’il vous plaît, référez-vous à l’article L 224-4 du code civil qui parle des pupilles de l’État et non pas des pupilles de la nation.

    Deuxième exigence et peut-être la plus importante : c’est de prendre la mesure de ce que vous faites. Votre obsession pathologique de limiter les possibilités d’adoption pour les homosexuels vous conduit à renverser l’équilibre, certes perfectible, de l’ensemble du droit de l’adoption. En invitant aujourd’hui à la mise en place de directives anticipées pour les parents d’éventuels orphelins, vous introduisez quelque chose d’absolument abject : une préférence, c’est le terme de M. Gosselin, des directives anticipées qui seraient faites à raison de l’orientation sexuelle, à raison pourquoi pas de la culture, à raison pourquoi pas de la religion… Vous êtes donc en train de pervertir l’équilibre de l’adoption, le travail des conseils généraux et celui des conseils de famille. Faites attention, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    (Le sous-amendement n° 5374 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1896, 2087, 2337, 2947, 3047 et 3793.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 277

    Nombre de suffrages exprimés 277

    Majorité absolue 139

    Pour l’adoption 80

    Contre 197

    (Les amendements identiques nos 1896, 2087, 2337, 2947, 3047 et 3793 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement n° 4963 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 1900, 2950, 3048 et 4227, pouvant être soumis à une discussion commune.

    Les amendements nos 2950, 3048 et 4227 sont identiques.

    L’amendement no 2950 fait l’objet d’un sous-amendement no 5377.

    La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement no 1900.

    M. Hervé Mariton. Manifestement, nous sommes en désaccord avec notre collègue Guedj et c’est en effet un débat de fond. Il ne nous paraît pas illégitime que des parents anticipent un certain nombre de conditions dans lesquelles leur enfant peut être adopté.

    Les questions d’histoire, les questions d’identité ne sont pas illégitimes. Et que des parents, dans l’hypothèse de leur décès, disent qu’ils souhaitent – sauf si c’est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, et le juge en sera garant – telle adoption plutôt que telle autre, cela me paraît pleinement légitime.

    J’ajoute que, participant récemment à une rencontre dans votre département, monsieur le président, j’ai perçu quelles pouvaient être les conséquences du projet du Gouvernement et de la majorité dans l’affaiblissement du mariage civil et dans l’affaiblissement, dès lors, des possibilités d’intégration et d’assimilation. Lorsque vous dévalorisez le mariage civil, avec le risque de disjonction entre mariage civil et mariage religieux que nous avons évoqué hier, c’est alors une chance d’assimilation, en particulier dans les mariages mixtes, que vous perdez.

    M. Jean-Pierre Blazy. Quelle confusion !

    M. Hervé Mariton. Et le processus que vous engagez, parce qu’il va inévitablement valoriser le mariage religieux et modifier la perception du mariage civil, aura des conséquences graves. Car le mariage mixte, comme élément d’intégration, ne fonctionnera plus demain comme aujourd’hui.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2950.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes toujours dans la même logique, qui vise à ce que les parents puissent manifester une volonté quant à l’adoption éventuelle de leur enfant.

    Je ne partage pas l’avis exprimé tout à l’heure par notre collègue Buffet. Nous avons déjà récusé l’idée selon laquelle nous serions mus par je ne sais quelle volonté d’instrumentalisation. Nous le répéterons, mais la question n’est pas là. Vous nous dites, au fond, qu’à partir du moment où nous essayons d’introduire certaines préférences, elles se transforment en critères de sélection, ce qui ouvre la porte à d’autres critères, que nous n’avons pas spécifiés par écrit mais qui pourraient comporter un risque. Je crois avoir bien compris votre pensée, ma chère collègue.

    Mais cet amendement ne porte pas sur n’importe quel type de situation. Notre seule volonté, ici, c’est de redire que les parents ont le droit, en raison de l’autorité que leur confère le fait d’être parents, de manifester des préférences quant à l’adoption éventuelle de leur enfant au cas où ils viendraient à disparaître.

    C’est d’ailleurs ce que font, dans leurs actes éducatifs quotidiens, tous les parents – tous, sans exception – par rapport aux enfants dont ils ont la charge. Et l’on ne voit pas très bien pourquoi cette volonté ne pourrait pas continuer à s’exprimer post mortem, d’une certaine façon. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse spécifier, de manière précise, et sans aucune espèce de discrimination, des éléments qui concernent la destinée de son enfant.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir le sous-amendement n° 5377 à l’amendement n° 2950.

    M. Bernard Accoyer. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, qui apporte également à M. Guedj des éléments pour sa réflexion. Car on voit bien que ce texte doit être centré autour de l’attention et de la prudence que nous devons manifester quant à l’avenir et aux droits des enfants.

    L’autre jour, à la tribune, j’ai rappelé qu’il n’existait aucune étude scientifique sérieuse, validée, sur les conséquences psychologiques que pouvait avoir, pour un enfant, le fait d’avoir été élevé par un couple de même sexe. Aucune.

    M. Bernard Roman. Il y en a beaucoup, au contraire !

    M. Bernard Accoyer. Ce sont des études militantes qui ont été publiées.

    Il se trouve qu’après avoir tenu ces propos, j’ai reçu de plusieurs internautes toute une série de références qui m’ont permis de consulter des études qui ont effectivement été menées aux États-Unis, sur des enfants qui avaient été éduqués par des couples de même sexe. Je ne vais pas vous dire les conclusions qu’elles comportaient, parce qu’elles ne sont pas scientifiquement validées. J’estime – et tout le monde devrait faire de même – que, quand des études ne sont pas scientifiquement validées, on ne peut pas en faire état. Et telle est la réalité, aujourd’hui, pour les enfants élevés par des parents de même sexe. On ne sait même pas si, au bout d’une, deux ou trois générations, n’apparaîtront pas des troubles psychologiques, voire, selon certains, des troubles plus sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je voudrais terminer, monsieur le président,…

    M. le président. Chers collègues, seul M. Accoyer a la parole.

    M. Bernard Accoyer. …en disant que la disposition proposée par ce sous-amendement est une mesure de simple prudence, qui s’impose et qui devrait s’imposer à nous tous.

    Monsieur Roman, pourquoi invectivez-vous toujours tout le monde, avec des gestes menaçants ? Nous avons aussi le droit de parler. Vous n’avez pas raison simplement parce que vous êtes majoritaires. On connaît la musique, à gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3048.

    M. Patrick Hetzel. Oui, nous constatons depuis plusieurs jours que M. Roman a manifestement du mal à accepter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    M. le président. Monsieur Hetzel, défendez votre amendement, s’il vous plaît.

    M. Patrick Hetzel. Toucher au mariage, c’est évidemment toucher au droit de la famille. Or je suis désolé d’avoir à répéter que la méthode n’est pas la bonne. Nous voyons bien que nous avons besoin d’états généraux sur la famille. C’est de ces états généraux qu’il faudrait pouvoir déduire un certain nombre de choses. Le texte que nous examinons aujourd’hui devrait succéder à ces états généraux. Cela étant dit, je vais me concentrer sur mon amendement, puisque, hélas, le Gouvernement reste sourd à nos demandes.

    Le présent amendement focalise sur l’intérêt de l’enfant tel qu’il est manifesté par ses parents. Il nous semble essentiel d’inscrire dans la loi que les parents peuvent indiquer dans quel type de cellule familiale leur enfant pourrait s’épanouir par la suite, s’ils venaient à décéder.

    Mme Marie-George Buffet. Mais dans cet amendement, vous ne parlez pas de « cellule familiale ». Vous parlez des « origines ».

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4227.

    M. Marc Le Fur. Moi, je ne doute pas de la bonne foi de notre collègue Guedj. Mais je voudrais qu’il m’accorde quelques moments d’attention. Je ne doute pas qu’il le fera.

    Un enfant, ce n’est pas une page blanche, lorsqu’il naît. Et encore moins lorsque ses parents disparaissent. Je ne voudrais pas que mon propos revête une connotation exagérément personnelle, mais chacun vient ici avec son expérience. Prenons l’hypothèse d’un père ou d’une mère qui vit seul, qui est veuf ou veuve, et a de jeunes enfants. Son angoisse, c’est le devenir de ses enfants s’il venait à disparaître. Il peut être organisé, et procéder par testament, de manière écrite, comme le prévoyait l’amendement précédent. Mais il peut l’être un peu moins. Il a donné à ses enfants une éducation, certains principes et certaines valeurs. Il souhaite bien évidemment que, dans tout la mesure du possible – et on sait que c’est compliqué –, l’éducation de ses enfants puisse se poursuivre de la même façon, ou en tout cas que la rupture ne soit pas excessive. C’est cela, le but de notre amendement. Et je vous prie, mes chers collègues, de veiller à ce que cette évidence soit prise en compte. Pardonnez-moi.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1900 d’une part, et sur les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227 d’autre part, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de demandes de scrutin public.

    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces quatre amendements et sur le sous-amendement n° 5377 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pour qu’un enfant mineur puisse être adopté en la forme plénière – hormis les cas où ses deux parents décèdent –, il faut qu’il ait été abandonné. L’abandon, c’est une rupture irrévocable du lien de filiation.

    Dès lors, il est aberrant d’imaginer que l’on puisse tenir compte des volontés, réelles ou supposées, des parents dont l’enfant a vu ses liens de filiation irrévocablement rompus. Ce n’est pas logique. C’est aberrant. La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements, de même, évidemment, qu’au sous-amendement de M. Accoyer.

    Je voudrais vous lire une phrase de quelqu’un à qui vous vous référez souvent, puisqu’il s’agit de Pierre Lévy-Soussan. Dans l’un de ses articles, il écrit : « Considérer l’origine biologique comme la seule origine valable de l’enfant fait partie des facteurs les plus déstabilisants pour les enfants adoptés. » Ce que vous proposez ici, chers collègues de l’opposition, va à rebours de ce que Pierre Lévy-Soussan – que nous avons auditionné, et vous étiez d’ailleurs présent, monsieur Breton – préconise. Et l’on connaît son expertise sur les cas d’enfants abandonnés.

    M. Marc Le Fur. Il ne s’agit pas d’abandon. Nous avons évoqué le cas d’un décès !

    M. Hervé Mariton. On vous parle de décès !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales, saisie pour avis ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. On entend beaucoup parler de l’intérêt de l’enfant. Vous n’avez cessé de le faire, chers collègues. Mais je ne vois pas pourquoi, en cas de décès des parents, l’on distinguerait l’intérêt des enfants selon que leurs parents étaient hétérosexuels ou homosexuels.

    M. Hervé Mariton. Mais ce n’est pas du tout le sujet !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. S’agissant de l’intérêt de l’enfant, ce qui prévaut, c’est la procédure d’agrément, qui en est la garantie. Et les conditions d’adoption restent les mêmes pour tous les couples mariés, si bien qu’il n’est question, ni de privilégier le fait d’avoir un père et une mère – ce qui n’est pas, en soi, une garantie de bonheur –,…

    M. Hervé Mariton. Hors sujet !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …ni de privilégier les adoptants de même sexe, qui doivent passer à travers les mêmes critères de sélection. En définitive, la seule chose qui importe, ce sont les conditions affectives, éducatives, matérielles, d’accueil de l’enfant.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le sujet ! Vous ne lisez pas la bonne fiche.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais si, c’est le sujet !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il faut parler clair. Tous ces amendements n’ont qu’un seul but : permettre de refuser l’adoption par un couple homosexuel. Il faut appeler un chat un chat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela n’a plus rien à voir avec l’intérêt de l’enfant. Et je tiens à souligner qu’une telle clause discriminatoire, dans un testament, serait nulle.

    Mais ce que je trouve encore plus grave, c’est que les auteurs de ces amendements supposent que telle serait l’intention de parents « en raison de leurs origines, de leur culture ou de leurs croyances religieuses ». Cela revient à institutionnaliser des préjugés.

    M. Philippe Gosselin. Des croyances philosophiques, ce sont des préjugés ? Une religion, c’est un préjugé ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je partage tout à fait l’avis de Mme Taubira : effectivement, nous n’avons pas du tous les mêmes valeurs. Les nôtres sont les valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements visent à modifier le régime de l’adoption. Or ce n’est pas l’objet du texte qui ouvre le mariage et l’adoption à droit constant aux couples de personnes de même sexe. Par ailleurs, vous qui, depuis plusieurs jours, nous demandez de consulter des autorités indépendantes, des institutions consultatives sur des matières qui n’ont strictement rien à voir avec l’objet du texte – ainsi nous reprochiez-vous de ne pas avoir consulté le Conseil consultatif national d’éthique au sujet de la PMA qui, j’y insiste, ne figure pas dans le projet de loi –,…

    M. Christian Jacob. Nous l’avons demandé pour le mariage !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vous voulez faire adopter un amendement sans vous être souciés de consulter le Conseil supérieur de l’adoption.

    M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas le Gouvernement, faites votre boulot !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais le Gouvernement ne saurait le consulter puisque le texte ne traite pas de cette question !

    M. Hervé Mariton. Faites-le pendant la navette !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est que nous sommes soucieux de cohérence et de rationalité quand nous élaborons un texte.

    Au moins le sous-amendement du président Accoyer a-t-il le mérite de la clarté puisqu’il précise : « La perspective de l’adoption par un couple marié de personnes de même sexe peut être écartée. » C’est cela que vous essayez de faire et comment le faites-vous ? Avec les arguments les plus contestables.

    M. Claude Goasguen. Lesquels ?

    M. Patrick Balkany. Et les vôtres, d’arguments ?

    M. le président. Monsieur Balkany, je vous en prie.

    M. Patrick Balkany. Tout est contestable, monsieur le président, même la parole de la garde des sceaux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous évoquez « la volonté réelle ou présumée » des parents biologiques. La volonté présumée sur le partage de l’héritage, peut-être, mais, sur le sort des enfants, qui est assez savant pour savoir quelle est la volonté présumée des parents ?

    Vous estimez qu’il faut tenir compte des origines, de la culture et des croyances religieuses des parents biologiques.

    M. Bernard Roman. Ah bravo, chers collègues de l’opposition !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qu’est-ce que cela signifie clairement ? Vous évoquez des risques de troubles psychologiques.

    Cet amendement vient après celui invoquant le principe de précaution, principe dont je rappelle qu’il n’est pas un concept creux, qu’il figure dans la Constitution,…

    M. Bernard Accoyer. Il ne s’applique pas qu’à l’environnement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qu’il a été bâti sur l’histoire organisée de la lutte contre les pollutions.

    Ce matin, je citais René Char selon lequel « les mots savent de nous des choses que nous ignorons d’eux ». L’utilisation des concepts n’est pas neutre.

    Poussez votre logique jusqu’au bout et mettez donc un terme à l’adoption internationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    MM. Claude Goasguen et Bernard Accoyer. C’est vous qui allez l’interrompre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vos amendements illustrent en tout cas, une fois encore, nos divergences sur notre conception de la société, sur notre vision du monde et de la personne. Nous, nous avons conscience – et nous y tenons – d’être dans une société laïque qui organise l’éducation publique et l’accès égal de tous les enfants de ce pays à l’éducation, c’est-à-dire aux connaissances, au savoir, à l’esprit critique.

    M. André Schneider. Qu’est-ce que c’est que cette démonstration ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette éducation fabrique des citoyens, elle les arrache par le savoir, par la connaissance et par l’esprit critique aux déterminismes des origines, au déterminisme de la religion, au déterminisme de la condition sociale et économique. Donc, oui, nous avons des divergences de fond sur la conception de la société et de l’individu et, plus encore, sur la destinée de chaque enfant de ce pays. (Très vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – De nombreux députés de ces groupes se lèvent.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Les parents auraient le droit d’exprimer des volontés testamentaires concernant leurs biens, et ils ne pourraient prendre des dispositions quant à l’avenir éducatif et familial de ce qui constitue d’ordinaire leur bien le plus précieux : leurs enfants ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ils doivent pouvoir le faire pour des raisons morales, philosophiques, religieuses qui leur appartiennent. (Brouhaha.)

    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

    M. André Schneider. Oui, nous avons aussi le droit d’avoir des convictions !

    Mme Annie Genevard. Qui plus est, la transmission n’est pas seulement juridique, elle est aussi symbolique. On sait combien, dans ces affaires profondément humaines, le poids du symbolique est important. Le relais donné par des parents biologiques à des parents adoptifs est de nature à aider un enfant dans son travail de deuil à l’occasion de l’expérience probablement la plus traumatisante qu’il peut connaître : celle de perdre ses parents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Pierre Blazy. Quel prêchi-prêcha !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Mme Bertinotti disait tout à l’heure que le point de vue défendu par l’opposition, par le biais de ses amendements, c’était le refus d’ouvrir l’adoption aux couples de personnes de même sexe. C’est un point important mais pas le seul. Je me suis demandé pourquoi notre collègue Mme Maréchal-Le Pen n’était pas présente pour défendre ses amendements.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Elle fait bien.

    M. Sergio Coronado. Elle n’en a nul besoin car, sur le fond, ce que vous proposez, c’est l’application de la préférence nationale au droit de l’adoption. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. Mais vous êtes malade !

    M. Sergio Coronado. À aucun moment on ne perçoit le souci de l’accueil de l’enfant dans une cellule familiale, ainsi que l’a relevé notre collègue Buffet, mais on trouve bien la volonté d’appliquer de façon stricte et précise ce principe que nous condamnons. C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements en étant fiers de refuser encore et toujours la préférence nationale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

    M. Claude Goasguen. Je reprendrai les propos de Mme Buffet : la boîte de Pandore est ouverte, c’est vrai.

    M. Jacques Myard. Qui l’a ouverte ?

    M. Claude Goasguen. Le Gouvernement l’a ouverte et j’aimerais qu’il l’assume. Tout à l’heure, M. Guedj a déclaré que nous étions contre l’adoption. Je vous ferai remarquer que la proposition que vous êtes en train de voter va à l’encontre de toutes les conventions internationales : certains pays n’accepteront pas l’adoption dans le cadre de mariages homosexuels, alors qu’ils l’acceptent selon le droit en vigueur. Vérifiez donc : c’est le cas de la plupart des pays. Nous devrons donc renégocier toutes les conventions internationales, non sans difficultés.

    Quant à Mme Taubira, elle nous explique avec beaucoup de lyrisme – mais est-ce bien nécessaire ? – que nous n’avons pas la même morale. Non, en effet, madame Taubira, nous n’avons pas la même morale que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Et nous en sommes fiers !

    M. Claude Goasguen. Rassurez-vous et ne vous fatiguez pas à le répéter, je vais vous expliquer pourquoi. Madame Taubira, vous resterez dans l’histoire comme le garde des sceaux à l’origine d’une circulaire publiée il y a deux jours qui préconise la pratique d’un nouveau tourisme sexuel (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…

    M. André Schneider. Eh oui !

    M. Claude Goasguen. …celui de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.

    Madame Taubira… (Bruit.)

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Vos propos sont honteux !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Claude Goasguen. Laissez-moi donc parler : j’évoque des questions juridiques. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. Mes chers collègues de la majorité, laissez l’orateur s’exprimer.

    M. Bernard Roman. Scandaleux !

    M. Claude Goasguen. Monsieur Roman, vous qui vous prétendez juriste, savez-vous qu’il existe un droit pénal international ? Savez-vous que le droit pénal international permet à la France de poursuivre des délits et des crimes qui ne sont pas commis sur le territoire français ? Savez-vous, monsieur Roman, que nous avons voté, à l’occasion de la réforme du code pénal, l’internationalisation des crimes relatifs au tourisme sexuel ? Savez-vous, monsieur Roman, que le garde des sceaux a la possibilité de poursuivre… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Ça suffit !

    M. Claude Goasguen. Monsieur Roman, vous avez été président de la commission des lois, écoutez mes arguments juridiques : le garde des sceaux a la possibilité, demain, de prendre une circulaire à l’attention des procureurs généraux pour leur demander de poursuivre ceux qui se sont mis en infraction par rapport à la gestation pour autrui.

    Mme Claude Greff. Ça, c’est du bon !

    M. Bernard Roman. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?

    M. Claude Goasguen. Cela sera un corollaire de cette circulaire ignoble récemment signée par le garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

    Madame Taubira, rassurez-vous, vous resterez dans l’histoire mais votre morale n’est pas la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Minable ! », « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

    Mme Annick Lepetit. L’amendement que vous nous présentez a au moins le mérite d’être en cohérence avec les précédents. Je pense à tous ceux qui portaient sur le principe de précaution. À travers cet amendement, si je vous ai bien lus, car, à vous écouter, on se rend compte que vous ne dites pas toujours la même chose (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

    M. Benoist Apparu. Vous non plus !

    Mme Annick Lepetit. …vous introduisez une suspicion vis-à-vis de certaines familles.

    M. Jacques Myard. On ne veut pas de l’adoption pour les couples d’homosexuels, c’est tout !

    Mme Annick Lepetit. Allons plus loin. Le texte que nous examinons depuis six jours porte sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Or vous trouvez qu’il s’agit du bon véhicule législatif pour introduire des amendements portant sur l’adoption…

    M. Philippe Gosselin. Bien sûr !

    Mme Annick Lepetit. …et qui jettent la suspicion sur certaines familles. Certains d’entre vous se contentent d’être suspicieux, d’autres se font plus catégoriques, tel notre collègue Accoyer.

    Vous avez passé beaucoup de temps à citer des personnalités dont certaines ne sont pas parlementaires, je pense à Pierre Bergé, Sylviane Agacinski. Pour ma part je vais citer…

    M. Georges Fenech. René Char ?

    Mme Annick Lepetit. …un député qui, sur certaines dispositions, sur certaines familles, sur l’éducation, se montre très affirmatif. Il s’agit de Nicolas Dhuicq qui, il y a quelques semaines, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme disait : « Vous me permettrez de considérer que, souvent, le terroriste a un défaut : il n’a jamais rencontré l’autorité paternelle. Le plus souvent, il n’a jamais eu de rapport avec les limites et avec le cadre parental. »

    M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

    Mme Annick Lepetit. « Il n’a jamais eu cette possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal. N’y a-t-il pas une certaine contradiction – poursuivait M. Dhuicq, interrogeant les ministres alors au banc du Gouvernement – à soutenir un projet de loi qui va jusqu’à rayer le mot de "père" du code civil ? » Pourtant, le Gouvernement a passé du temps à expliquer que ce ne serait pas le cas.

    M. le président. Il faudrait conclure.

    Mme Annick Lepetit. Je poursuis ma citation : « Vous provoquerez – dit-il en s’adressant au Gouvernement et à la majorité – dans les années à venir la confusion des genres, le déni de la différence des sexes et la psychose. »

    M. Jacques Myard. Eh oui !

    Mme Annick Lepetit. Ne s’agit-il pas d’emblée une affirmation sur les familles homoparentales ?

    M. Patrick Ollier. Mais qu’est-ce que M. Dhuicq aurait dit de mal ? Ce qu’il affirme est vrai !

    Mme Annick Lepetit. Vous avez comparé d’emblée, du haut de la tribune de l’Assemblée, des enfants qui deviendraient des terroristes avec des enfants élevés par des couples homosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Goldberg. C’est chez eux une obsession !

    Mme Annick Lepetit. Je veux bien que vous teniez des propos très violents à notre encontre, chers collègues de l’opposition, mais il serait intéressant que vous balayiez devant votre porte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Nicolas Dhuicq. Je demande la parole !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1900.

    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, M. Dhuicq a demandé la parole !

    M. le président. Monsieur Accoyer, vous savez bien que je ne peux pas interrompre un scrutin public une fois lancé. Du reste, les faits personnels sont évoqués en fin de séance.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 292

    Nombre de suffrages exprimés 292

    Majorité absolue 147

    Pour l’adoption 87

    Contre 205

    (L’amendement n° 1900 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    (Le sous-amendement n° 5377 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 280

    Nombre de suffrages exprimés 280

    Majorité absolue 141

    Pour l’adoption 79

    Contre 201

    (Les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1907.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement est assez simple : il dit que dans les décisions d’adoption plénière ou simple d’un enfant, c’est d’abord l’intérêt de l’enfant qui doit être pris en compte, pour réparer le fait qu’il ne peut grandir en relation avec ses parents.

    Il s’agit, au fond, de réaffirmer le droit de l’enfant et de le faire passer avant le désir des adoptants : ce dernier ne doit être pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant.

    Je voudrais également revenir un instant sur l’amendement précédent, qui a bien illustré les deux visions différentes qui s’affrontent ici…

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est hors sujet ! Il a été voté !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Hervé Mariton. Nos concitoyens, quoi qu’ils pensent de ce projet de loi, seront effarés de ce qui s’est dit : des députés ne comprennent pas que des parents choisissent, dans l’hypothèse où ils décéderaient, d’indiquer eux-mêmes des orientations quant aux conditions dans lesquelles ils souhaiteraient que leurs enfants soient adoptés !

    Nous pensons que ce ne devrait pas être une affaire d’État. Cela vous paraît absolument extraordinaire ? Eh bien, je suis désolé, les enfants sont les enfants de leurs parents, avant d’être les enfants de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et peut-être qu’au-delà de vos discussions politiciennes, il faudrait simplement songer au vœu des parents.

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    M. le président. Nous en venons à des amendements identiques.

    La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2339. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais profiter de cette intervention pour revenir sur les amalgames réducteurs odieux que propagent certains de mes collègues, qui passent leur temps à tweeter, au lieu d’écouter et d’essayer de comprendre ce qui se dit sur ces bancs, et par exemple ce que Jacques Lacan appelait les « Noms-du-Père ».

    M. Alexis Bachelay et M. Philip Cordery. L’amendement ! L’amendement !

    M. Nicolas Dhuicq. Quand on considère le parcours de certains garçons, on peut s’interroger et essayer de comprendre pourquoi ils n’ont pas eu la chance, lorsqu’ils étaient enfants, de voir leurs parents s’occuper d’eux, comme la majorité de vos enfants, mesdames et messieurs, mes chers collègues.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais pour qui se prend-il ?

    M. Nicolas Dhuicq. Vous faites preuve d’intolérance vis-à-vis des collègues qui s’expriment à la tribune et qui ont le droit de réfléchir et de s’interroger sur ce qui pousse des enfants de ce pays à le rejeter et à commettre le meurtre et l’assassinat.

    Les « Noms-du-Père » ! Si seulement vous aviez un minimum de connaissance en matière de psychiatrie et de psychologie, vous comprendriez ce à quoi je fais référence. Mais non, vous êtes tellement dans la toute-puissance ! Vous êtes tellement persuadés d’avoir le droit pour vous, à tout moment et en tout lieu de ce pays, que vous devenez totalement intolérants !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais où est-on ? C’est insupportable !

    M. Nicolas Dhuicq. Nous ne devons pas oublier, pendant que nous débattons, qu’aucune étude ne pourra jamais suffire à répondre aux questions que vous vous posez, car chaque expérience est unique ! Chaque homme a droit au respect, y compris ceux qui ne sont pas d’accord avec vous.

    M. Nicolas Bays. Ça fait deux minutes !

    M. Nicolas Dhuicq. Je veux également rappeler que ces propos ont été prononcés dans un tout autre cadre. Jamais, au grand jamais, je ne laisserai quiconque me faire la leçon !

    Pendant que je vous parle, je me souviens de mon premier patient, mon premier patient mort du sida, que j’étais le seul à toucher, le seul à respecter… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. Olivier Dussopt. C’est incroyable !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis Quelle horreur !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Nicolas Dhuicq. …et j’ai reçu des remerciements de la part de sa famille…

    M. le président. Merci.

    M. Nicolas Dhuicq. Je n’ai pas fini !

    M. le président. Vous avez eu deux minutes pour vous exprimer. S’agissant du fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance, comme pour le rapporteur.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2956.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis tout de même étonné de ce que j’entends. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si cela ne vous plaît pas, mes chers collègues, allez prendre l’air ! (Mêmes mouvements – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ça suffit, maintenant ! Allez prendre l’air !

    M. Marcel Rogemont. On ne va pas vous laisser tous seuls !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez le temps : il y a quelques amendements…

    M. Nicolas Bays. Parlez de l’amendement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Bays, prenez connaissance de son contenu, avant de me rappeler à l’amendement ! Allez faire un tour pour vous détendre, vous en avez besoin !

    M. le président. Soyez sages, dans ce secteur !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ça suffit, maintenant. Monsieur le président, si vous vouliez bien inviter nos collègues à un peu plus de calme…

    M. le président. Je viens de le faire. Monsieur Poisson, vous êtes le seul à avoir la parole.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Maintenant, ça suffit ! Je regrette, madame Lepetit…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’amendement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous aussi, madame Lemorton, vous pouvez aller vous détendre dehors. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Poisson, s’il vous plaît ! Et vous, cessez d’interrompre l’orateur : je suis obligé de lui accorder plus de temps de parole.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je vais faire court et je m’expliquerai avec Mme Lepetit à la buvette tout à l’heure.

    M. Marcel Rogemont. L’amendement !

    M. le président. Monsieur Rogemont, s’il vous plaît.

    M. Jean-Pierre Dufau. Il ne sait plus où il en est. On a noyé le Poisson !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je vais y arriver.

    M. le président. On se calme, et M. Poisson a la parole.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je regrette beaucoup ce qu’a dit tout à l’heure Mme Lepetit au sujet de notre collègue Dhuicq, parce qu’il mérite davantage de considération… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ou je suspends la séance !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis habituellement assez prudent face aux propos qui sont rapportés par les spécialistes en psychiatrie. Je n’ai pas de connaissances particulières en la matière, mais les propos de M. Dhuicq me semblent être suffisamment étayés et nourris par son expérience personnelle pour qu’on les prenne un peu au sérieux.

    Quant à M. Coronado, qui nous entend sûrement de là où il est, l’amalgame qu’il a fait tout à l’heure avec des positions qui ne sont pas les nôtres est pour le moins simpliste. Cela me surprend de la part de notre collègue, qui est pourtant un homme fin et intelligent, et il est regrettable qu’il se soit exprimé ainsi.

    M. Nicolas Bays et M. Gérard Sebaoun. Et l’amendement ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je dis ce que je veux, mes chers collègues, et si cela ne vous plaît pas, sortez, un point c’est tout. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ça suffit, à la fin.

    M. le président. Monsieur Bays !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il en faut plus que ça pour m’intimider, mes amis, rassurez-vous. Je fais ce que je veux.

    M. Gwendal Rouillard. Il n’a rien à dire !

    M. Guillaume Bachelay. Que c’est laborieux !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je termine, monsieur le président, en essayant d’être bref, si toutefois il est permis d’exprimer des propos libres.

    J’ai également été surpris par les propos qu’a tenus tout à l’heure madame la garde des sceaux sur le sens de l’éducation, propos qui m’ont rappelé ceux du ministre de l’éducation nationale. C’est aussi l’occasion de rappeler que, de notre point de vue, les premiers éducateurs, ce sont les parents ; ce ne sont ni l’État, ni l’école, ni les services sociaux, ni qui que ce soit d’autre. Si l’on est d’accord avec cette hypothèse, c’est la volonté des parents qui prime dans toutes les décisions qui concernent les enfants.

    M. le président. Il faut conclure…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, monsieur le président, je vous promets que je le fais. Je ne comprends pas ce que vous entendez par « arracher les enfants à leurs déterminismes et à leurs préjugés ».

    M. Bernard Roman. C’est bien le problème !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très franchement, si c’est cela, la conception qui nous est proposée…

    M. le président. Merci. Vous avez pu parler pendant plus de trois minutes !

    M. Nicolas Bays. Nous perdons notre temps.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3050.

    M. Patrick Hetzel. Tout à l’heure, Mme la garde des sceaux a exposé son système de valeurs. Ce qui est très frappant, dans le texte qui nous est proposé, et je crois effectivement que c’est un point de divergence entre nous, c’est que le Gouvernement est animé d’une tentation démiurgique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui nous sépare de vous, madame, c’est que nous pensons que cela est extrêmement dangereux. Je parle de tentation démiurgique, car votre circulaire récente reviendra à légaliser la GPA.

    Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire : l’association « Osez le féminisme », dont vous vous réclamez souvent, ou que du moins vous citez souvent, vient de publier un communiqué de presse, dans lequel elle indique clairement que tout cela est extrêmement dangereux. Mesdames et messieurs de la majorité, ce qui est en train de se passer est extrêmement grave : vous donnez l’impression de prendre cela à la légère et vous ne devriez pas. Ce n’est pas parce que vous êtes politiquement majoritaires que vous avez juridiquement et socialement raison. Les questions qui se posent sont des questions de société : il faut les traiter de manière apaisée, or ce n’est pas le cas.

    Par cet amendement, je demande qu’il soit clairement indiqué que l’intérêt de l’enfant prime sur celui des adoptants.

    M. Jacques Myard. Bravo !

    M. Patrick Hetzel. Je ne vois d’ailleurs pas ce qui, là-dedans, peut vous poser un problème, à moins que vous ne considériez que les libertés collectives sont plus importantes que les libertés individuelles. Ce serait une autre différence entre nous, dont je serais extrêmement fier.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3791

    M. Philippe Gosselin. Évidemment, le fait de ne pas avoir d’enfant est une situation douloureuse. Le désir d’enfant est tout à fait légitime et chacun peut le comprendre. Nos situations sont diverses et il convient, quand on aborde ces questions, de prendre des précautions.

    Aussi grande que puisse être cette douleur, et aussi complexes que puissent être les histoires personnelles de chacun, il faut rappeler avec force que c’est d’abord des parents que l’on donne à un enfant, et non l’inverse. Il est important de placer l’enfant au cœur du dispositif et de ne pas se tromper, en inversant les rôles. Je ne parle pas ici d’enfant-objet, ni de marchandisation : ce n’est pas du tout l’objet de cet amendement. Je veux seulement rappeler que celui qui justifie nos interventions et notre attention, c’est l’enfant, à qui l’on donne de nouveaux parents qui vont l’aimer, et pas l’inverse.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3538.

    M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur les débats que nous avons eus lors de la discussion des amendements précédents. Je vais peut-être le dire avec moins de lyrisme que vous, madame la garde des sceaux, mais je crois effectivement que nous n’avons pas la même morale.

    Pour nous, l’humanité ne se réduit pas à l’État ou à la République. Pour nous, ce qu’un homme vit dans son corps, dans sa famille…

    M. Bernard Roman. Toujours le droit naturel !

    M. Xavier Breton. …dans sa commune, dans les associations auxquelles il appartient ou dans son métier, ce ne sont pas des déterminismes dont il doit se libérer : c’est ce qui fait l’unité de sa personne. Et nous la respectons complètement. Un adage que j’aime beaucoup dit que « l’homme est plus vieux que l’État ». Pour vous, l’État, c’est l’alpha et l’oméga ; nous ne partageons pas ce point de vue. La famille est plus vieille que l’État.

    Je voudrais maintenant revenir à mon amendement, qui entend affirmer que le désir des adoptants ne doit être pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant. Par là, nous cherchons à repousser le droit à l’enfant, que vous voulez imposer.

    Vous confondez le désir et le droit – nous l’avons constaté en entendant Mme la ministre hier. Lors de son audition, le rabbin Korsia a dit que « pour qu’une société perdure, les citoyens doivent accepter de contenir leurs désirs ; c’est à la loi de poser des limites à ce que chacun veut. » C’est ce que nous voulons traduire, au travers de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4237.

    M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, je dois vous avouer que les propos que vous avez tenus tout à l’heure m’ont beaucoup choqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Ménard. Ce sont vos amendements qui nous choquent !

    M. Marc Le Fur. Quels étaient ces propos et quelles en sont les conséquences ?

    Prenons l’exemple très concret d’un enfant qui a perdu son père et sa mère ; vous voulez lui faire subir un autre traumatisme, en l’éloignant au maximum de son milieu le sien, de la religion qui avait bercé son enfant, du cadre régional et local qui était le sien ? Au nom de quoi ? Au nom de quoi allez-vous ajouter un traumatisme ? Au nom de quoi allez-vous étatiser ou nationaliser l’enfant ? Vous n’êtes plus en mesure de nationaliser des biens, et vous nationalisez des enfants ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Il faut au contraire les protéger !

    M. Jérôme Guedj. Une nationalisation d’enfants ?

    M. Marc Le Fur. Vous niez la famille. Vous ne voulez pas entendre l’avis des parents défunts, mais aujourd’hui, dans le cadre du conseil de famille, ce sont les cousins et les parents un peu plus éloignés qui sont entendus. Alors, eux non plus, vous n’allez pas les entendre, puisqu’ils sont l’émanation de ce milieu !

    Vous faites erreur, vous faites fausse route ! L’État ne peut pas tout, sa volonté doit être bornée, en particulier par la défense du rôle des familles.

    M. Jérôme Guedj. Monsieur le Fur, vous ne croyez pas ce que vous dites ? Ce n’est pas possible !

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour défendre l’amendement n° 4962

    M. Julien Aubert. Cet amendement s’inspire de cette belle phrase de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Vous êtes obsédés par l’égalité, or l’enfant est un humain comme les autres, il faut donc équilibrer les droits que vous souhaitez donner au couple avec le sien. Cet amendement permettra de respecter les droits de l’enfant.

    S’agissant toujours du respect des droits, vos méthodes d’intimidation, les amalgames particulièrement douteux auxquels vous vous livrez et votre propension, lorsque vous engagez des réformes, à vous concerter avec tout le monde, sauf avec l’opposition, qui représente la moitié du pays, tout cela ne me semble pas propice à la sérénité de nos débats.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’opposition est minoritaire ! C’est sa définition…

    M. Julien Aubert. Je sais que vous voulez des états généraux, mais ne nous traitez pas comme le tiers état !

    Je ne sais pas si nous avons les mêmes valeurs ou si nous avons la même morale, mais que vous le vouliez ou non, nous nous battons pour la liberté, le respect des droits, la sérénité des débats, et nous n’oublierons jamais que le premier mot que nous ayons prononcé, c’est : « papa » ou « maman ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Chers collègues, aucun élément dans la rédaction de votre amendement précédent ne laissait supposer que vous réserviez la prise en compte de la volonté des parents, réelle ou supposée, aux cas de décès. Il s’appliquait donc à tous les enfants adoptés, et c’est pourquoi il était aberrant. Rédigez mieux vos amendements.

    Vous placez l’intérêt de l’enfant au-dessus de tout. Mais c’est déjà le droit existant ! Toute la procédure d’adoption et tout notre droit de l’adoption sont tournés vers l’intérêt de l’enfant. C’est le cas pour la procédure d’agrément, c’est le cas de l’apparentement, c’est-à-dire lorsque l’on unit une famille et un enfant, c’est aussi le cas pour le jugement. Tout notre droit est tourné vers l’intérêt de l’enfant.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le préciser, ce serait l’amoindrir.

    La commission a donc rendu un avis défavorable sur cette série d’amendements.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1907, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Sur les amendements identiques n° 2339 et suivants, je suis également saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Sur ces amendements, quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans le droit actuel, en cas de décès des parents, le conseil de famille est saisi et donne un avis, et éventuellement un accord, sur une demande d’adoption. Bien entendu, le droit exige que le conseil de famille le fasse conformément à l’intérêt de l’enfant.

    Par conséquent, cet amendement contient une disposition totalement superfétatoire. Non seulement le droit rappelle qu’il faut tenir compte de l’intérêt de l’enfant, mais de plus, le conseil de famille est peut-être le mieux placé pour savoir où placer l’enfant car il connaît l’enfant, son milieu, sa personnalité et son tempérament, ainsi que son besoin de résilience, qui sont autant d’éléments d’appréciation du milieu qui lui serait le plus propice pour grandir.

    À l’occasion de la défense des amendements, plusieurs députés m’ont interpellée sur l’amendement précédent pour le défendre à nouveau, bien qu’il ait été rejeté. M. Poisson demande ce que j’entends par l’expression : « arracher les enfants aux déterminismes ». Je ne parle pas de les arracher à leurs origines, à leur milieu social ou à leurs conditions économiques, mais aux déterminismes induit par ces paramètres. Il est étonnant que vous vouliez inscrire dans la loi qu’un enfant, en cas d’adoption, doit être adopté dans un milieu conforme à ses origines. Vous avez parlé jusqu’à plus soif d’une communauté homosexuelle dont personne ici ne connaît l’existence…

    M. Hervé Mariton. Nous ne parlons pas de communauté !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous non plus, et nous n’avons pas cessé de le rappeler. Mais vous voulez inscrire dans la loi que l’enfant doit rester dans le milieu qui correspond à ses origines. C’est ainsi que l’on contribue au communautarisme.

    Monsieur Goasguen, je ne sais pas si nous avons la même morale, pour ma part, je me réclame d’une éthique, pas de morale.

    M. Claude Goasguen. Quelle est la différence ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a plusieurs définitions de l’éthique, je vous parlerai de la mienne à l’occasion, mais je doute que cela puisse vous intéresser.

    M. Claude Goasguen. Si, si, ça me passionne !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis persuadé que vous avez une éthique personnelle, comme j’en ai une, c’est-à-dire que nous construisons notre vie, nos comportements, nos agissements et nos décisions sur la base de valeurs générales, ainsi que sur la façon dont nous avons donné consistance à ces valeurs générales.

    Vous avez une éthique personnelle, et moi aussi, mais il n’est pas question de cela ici. Concernant notre texte, et s’agissant d’éthique, je rappelle la définition de Paul Ricœur : c’est le souci de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes. C’est ce que nous prétendons faire, et ce que nous sommes en train de faire.

    M. Claude Goasguen. Mais nous aussi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Durant la première nuit de nos débats, vous avez affirmé que la circulaire qui demande aux greffiers…

    M. Claude Goasguen. Aux procureurs !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, monsieur Goasguen, bien entendu. En qualité de garde des sceaux, je m’adresse au parquet, donc au ministère public. Dans le respect de la hiérarchie, la circulaire s’adresse aux parquets généraux pour attribution, aux parquets pour information, et aux greffiers pour exécution. Nous sommes d’accord ?

    Je faisais donc référence aux greffiers car ce sont eux qui accomplissent ces actes, mais la circulaire s’adresse aux procureurs généraux. Cette circulaire demande que les greffiers délivrent les certificats de nationalité française à des enfants dont l’acte d’état civil est probant.

    M. Claude Goasguen. C’est très bien.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet acte d’état civil atteste de leur filiation et donc de leur nationalité française.

    M. Claude Goasguen. Très bien.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes d’accord qu’il ne s’agit que d’enfants français ?

    M. Claude Goasguen. Oui.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous dites donc qu’il est ignoble que des enfants qui ont la nationalité française… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit que la circulaire était ignoble !

    MM. Claude Goasguen et Pierre Lequiller. Il faut poursuivre les pères !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’y viens, j’y viens.

    La circulaire que vous dite ignoble prévoit très précisément qu’il faut délivrer ce document administratif, qui n’octroie pas la nationalité mais atteste simplement d’une nationalité existante.

    M. Claude Goasguen. Ça ne pose pas de problèmes !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà la circulaire ignoble concernant des enfants français.

    M. Claude Goasguen. Et le père ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant ces cas, je rappelle que sous le précédent quinquennat…

    M. Claude Goasguen. Mais oui, nous savons tout cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous savez tout cela, pourquoi tenez-vous de tels propos ? Vous ne nous avez pas habitués à une telle impatience, monsieur Goasguen.

    M. Claude Goasguen. Mais répondez-moi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’essaie de m’adresser à vous, cela paraît difficile.

    M. Claude Goasguen. Moi je vous réponds !

    M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle donc que lors de l’ancien quinquennat, entre 2008 et 2011, il y eut quarante-quatre cas signalés par les consulats susceptibles de relever de gestation pour autrui.

    M. Claude Goasguen. C’est vrai.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces cas ont été soumis au procureur, qui a confirmé que dans trente-huit dossiers, il était probable qu’il y ait une gestation pour autrui.

    M. Claude Goasguen. Et alors ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les décisions confirment que cela ne fait pas obstacle au droit de ces enfants, qui sont français.

    M. Claude Goasguen. Nous sommes d’accord.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est ce que prévoit la circulaire.

    Je ne dis pas, moi, que les propos que je vais citer sont ignobles. Je dis simplement que les dispositions de la circulaire, que vous qualifiez d’ignoble, sont exactement conformes à ce que disait M. le ministre Xavier Bertrand en février 2011…

    M. Claude Goasguen. Il n’était pas garde des sceaux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.… à l’occasion de la discussion d’un amendement sur la GPA. Il déclarait alors : « D’autre part, la validité des actes d’état civil étranger et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L’acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n’imposant qu’il ait été transcrit sur les registres du service central de l’état civil. »

    M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le ministre Bertrand avait parfaitement raison avant même la décision de la Cour de cassation, puisqu’il prononçait ces paroles en février 2011 et que les trois arrêts de la Cour de cassation ont confirmé ses propos en avril 2011.

    M. Claude Goasguen. Et la responsabilité des pères ? Et les poursuites pénales ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sous ce quinquennat, sur ces quarante-quatre dossiers, vous nous expliquerez pourquoi le gouvernement que vous souteniez n’a pas poursuivi pénalement.

    M. Claude Goasguen. Ce n’est pas mon problème !

    M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous allez nous expliquer pourquoi vous n’avez pas demandé au précédent garde des sceaux de poursuivre.

    M. Claude Goasguen. C’est votre problème à présent !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous finirez peut-être par nous le dire.

    M. Claude Goasguen. Mais je vous le dis !

    M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît, laissez la garde des sceaux s’exprimer.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi, j’ose vous dire que le gouvernement précédent a eu parfaitement raison de ne pas poursuivre.

    Ces enfants sont de nationalité française, cette nationalité produit des droits sur le territoire. Ces enfants sont parfois confrontés, pour une dizaine d’entre eux par an, à des difficultés pour disposer d’un certificat de nationalité française.

    Si le gouvernement précédent avait poursuivi, comme vous le demandez avec acharnement dorénavant, il aurait pris le risque de fabriquer des apatrides. Or l’article 25 du Code civil postule clairement que dans les cas de déchéance de nationalité, on doit éviter de créer des apatrides.

    M. Pierre Lequiller. Donc vous ne poursuivez pas le père ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Évidemment, vous pouvez poursuivre et continuer à refuser d’entendre ces explications. Il m’a paru extrêmement important de les renouveler. Je dis bien renouveler, car j’ai déjà eu l’occasion de les donner trois fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Il faut poursuivre les pères !

    M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

    M. Dominique Raimbourg. Beaucoup de nos opposants font état d’un ordre naturel. On peut comprendre que cet ordre naturel paraisse perturbé par l’irruption d’un mariage « contre naturel. »

    M. Jacques Myard. C’est un oxymore !

    M. Dominique Raimbourg. C’est un oxymore, justement.

    Je voudrais faire un rappel historique relativement court…

    M. Nicolas Dhuicq. Adam et Ève !

    M. Dominique Raimbourg. Non, pas Adam et Ève.

    En 1978 est née en Angleterre une petite fille appelée Louise Brown. C’est le premier « bébé-éprouvette ». Cela a ému dans le monde entier, jusqu’à des dignitaires religieux.

    Je voulais vous lire la réaction d’un dignitaire religieux qui s’appelait M. Albino Luciani. Il a déclaré : « À l’instar de Dieu, qui désire et aime la vie humaine, moi aussi j’envoie mes meilleurs vœux au bébé. Quant aux parents, je n’ai aucun droit de les juger. Subjectivement, s’ils ont agi avec de bonnes intentions et de bonne foi, ils peuvent même avoir un grand mérite devant Dieu pour ce qu’ils ont décidé, et demandé aux médecins de faire. »

    M. Jacques Myard. Ça n’a rien à voir !

    M. Dominique Raimbourg. Albino Luciani est peu connu sous ce nom-là. Il était plus connu sous le nom de Jean-Paul Ier. Je crois qu’il y a là l’exemple d’une ouverture aux autres, d’une compassion, et que cette ouverture et cette compassion sont le sens même de l’éthique.

    Je ne partage pas les convictions de Jean-Paul Ier, mais quand on invoque un ordre naturel ou un ordre divin, je crois que l’on trouve dans ces lignes le vrai sens de l’ouverture à l’autre et de l’ouverture aux changements du monde, et que c’est de cette expérience que nos opposants devraient s’inspirer, ainsi que tous ceux qui ont peur, car il n’y a aucune raison d’avoir peur. Dans six mois, ce changement sera fait, il sera accepté, et notre société sera d’autant plus apaisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

    M. Xavier Bertrand. Je voudrais répondre à la garde des sceaux qui, hier soir, a fait état de propos que j’aurais tenu dans cet hémicycle en février 2011. Ils sont en effet authentiques. Mais, madame la garde des sceaux, si vous me citez, faites-le intégralement. Dites bien qu’il s’agissait de la discussion d’un amendement du regretté M. Blisko qui n’a pu se représenter, évincé par la gauche parisienne.

    Il avait déposé à l’époque un amendement qui avait trois fondements, mais qui visait aussi à permettre la reconnaissance de la GPA en France.

    J’ai sous les yeux le texte de mon intervention en réponse à l’amendement de M. Blisko dans le cadre de la loi bioéthique dont vous parliez tout à l’heure. Il eût fallu que vous soyez exhaustive, en précisant que j’y rappelais que la GPA était prohibée en France et qu’il ne convenait en aucune façon de la permettre, d’une façon ou d’une autre, sous prétexte d’une sécurisation juridique pour les familles.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

    M. Xavier Bertrand. De plus, la jurisprudence était incertaine à l’époque, et la Cour de cassation devait se prononcer. Pour ma part, je ne voulais pas d’une sanctuarisation de la GPA, ni par la loi, ni par un texte réglementaire. Je n’aurais pas signé une circulaire comme la vôtre, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    D’autre part, vous auriez dû aller jusqu’au bout de mon intervention – elle figure au compte rendu de la séance du 10 février 2011 – et préciser qu’à mes yeux, il fallait aussi s’assurer que rien n’était incompatible avec l’ordre public français.

    M. Claude Goasguen. Voilà !

    M. Xavier Bertrand. Or, pour moi, cette proposition est incompatible avec l’ordre public français. Et si vous voulez me citer, lisez bien les derniers mots de mon intervention en réponse à M. Blisko : « En définitive, s’il était adopté, votre amendement serait de nature à vider complètement de sa substance la prohibition de la GPA en France. Autant de raisons qui justifient que je n’y sois pas favorable. »

    M. Alexis Bachelay. Monsieur Bertrand, il fallait être garde des sceaux !

    M. Xavier Bertrand. Je n’y étais pas favorable en tant que ministre, je n’y suis pas favorable non plus en tant que parlementaire. Voilà aussi pourquoi je suis opposé à votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Bertrand vient de dire avec vigueur qu’il avait affirmé son opposition à la GPA. Quant à moi, j’ai le plaisir de vous informer que lors de la séance de la commission des lois du 16 janvier – séance au cours de laquelle j’ai annoncé l’imminence de la publication de cette circulaire –, j’ai commencé mon propos en affirmant formellement, solennellement et impérieusement que j’étais hostile à la GPA.

    M. Claude Goasguen. En France !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bertrand, vous dites que vous n’auriez pas écrit cette circulaire. Vous avez eu raison de prolonger la lecture de votre discours de 2011 – j’aurais pu le lire, mais il est long ; j’aurais même pu commencer quelques paragraphes plus haut…

    M. Xavier Bertrand. C’eût été bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai fait exactement la même chose que vous : je me suis déclarée opposée à la GPA,…

    M. Claude Goasguen. En France !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et justement à l’occasion de l’examen d’un amendement. Nous sommes donc dans la même situation.

    M. Hervé Mariton. Mais vous n’en tirez pas les mêmes conséquences !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout en développant exactement les mêmes arguments et en tenant les mêmes positions que moi, vous dites que vous n’auriez pas signé la circulaire. Moi, je suis simplement…

    M. Hervé Mariton. Incohérente !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, rationnelle !

    M. Hervé Mariton. Oh !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui ! Nous avons exactement les mêmes positions, nous réaffirmons de la même façon le principe d’interdiction,…

    M. Hervé Mariton. Mais les conséquences que vous en tirez ne sont pas les mêmes !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …nous rejetons le même amendement et, pour le reste, nous soutenons exactement les mêmes arguments. Mais vous choisissez de fermer les yeux, alors que j’ai le courage politique de dire qu’il faut protéger les enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Claude Goasguen. Il faut poursuivre ! Il y a un parquet dans notre pays !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. L’amendement dont nous discutons dispose que « les décisions prononçant adoption plénière ou simple d’un enfant sont prises dans l’intérêt de l’enfant » et que « le désir des adoptants n’est pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant ». À la lecture de cet amendement, on se demande à quoi il sert !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

    Mme Marie-George Buffet. Aujourd’hui, tous les acteurs qui interviennent dans le processus de l’adoption ont comme fil rouge l’intérêt de l’enfant.

    M. Hervé Mariton. Votez-le, alors !

    Mme Marie-George Buffet. Qu’apporte cet amendement ? Il faut peut-être chercher sa signification dans l’adjectif « compatible ». Qu’est-ce qui peut rendre compatibles ou incompatibles le désir des adoptants et l’intérêt des enfants ? Peut-être faut-il chercher la réponse dans l’amendement précédent, qui évoquait les questions d’origine, de religion ou de culture. Ou peut-être faut-il chercher cette incompatibilité dans le fait que les couples adoptants soient hétérosexuels ou homosexuels !

    Mme Annick Lepetit. Eh bien voilà !

    Mme Marie-George Buffet. Parlez clairement, au lieu de déposer des amendements qui réaffirment simplement que l’intérêt de l’enfant doit être pris en compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

    Mme Sophie Dion. Je soutiens cet amendement qui traite – il faut le rappeler – de l’adoption. Comme nous nous y attendions, nous avons vu resurgir depuis plusieurs jours, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur le mariage et l’adoption, la question de la procréation médicalement assistée, car très peu d’enfants sont adoptables, en France ou à l’étranger. Nous avons assisté tout à l’heure à un énorme cafouillage de la part du Gouvernement. Comme le dit l’adage, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! Au Cambodge, ce ne serait pas comme à Paris ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Cet amendement est très simple. Il évoque l’intérêt de l’enfant. Comme on l’a souvent rappelé dans cet hémicycle depuis de nombreuses heures, l’intérêt de l’enfant figure dans un grand nombre d’articles du code civil, mais il est aussi un principe cardinal du droit européen et du droit international. Surtout – cela n’a peut-être pas suffisamment été dit –, il est visé dans le préambule de la Constitution de 1946.

    Le désir ou le souhait des adoptants est sans doute très important. Mais face à ce désir, il faut proclamer l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Il est très important de le dire et de le redire. En effet, dans notre droit actuel de l’adoption, il existe…

    M. le président. Merci, ma chère collègue.

    Mme Sophie Dion. Pardon, monsieur le président, mais il est très important de le rappeler. Cinq secondes me suffiront largement. (« 5… 4… 3… » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

    Mme Sophie Dion. Depuis toujours, l’adoption n’a pas pour objet de donner un enfant à des parents, mais de donner des parents à un enfant. Ce principe mérite d’être rappelé et proclamé ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1907.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 280

    Nombre de suffrages exprimés 280

    Majorité absolue 141

    Pour l’adoption 89

    Contre 191

    (L’amendement n° 1907 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2339, 2956, 3050, 3538, 3791, 4237 et 4962.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 279

    Nombre de suffrages exprimés 278

    Majorité absolue 140

    Pour l’adoption 87

    Contre 191

    (L’amendement n° 2339 et les amendements identiques nos 2956, 3050, 3538, 3791, 4237 et 4962 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n°1912.

    M. Hervé Mariton. L’amendement rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant commande que celui-ci, lorsqu’il est adopté par un couple et qu’il a moins de six ans, ait une mère adoptive.

    Cette rédaction s’inspire du Préambule de la Constitution de 1946, qui consacre le rôle de la mère. Dans un texte qui traite de l’adoption, il est important de préciser ce point. Il est préférable, en particulier pour de jeunes enfants, qu’il y ait une mère adoptive. C’est, mes chers collègues, le préambule de la Constitution de 1946 !

    M. Bernard Roman. Vous vous êtes trompé d’amendement, mon cher collègue. Vous avez défendu l’amendement n° 1914 !

    M. le président. En effet, monsieur Mariton. Mais poursuivez, je vous en prie.

    M. Hervé Mariton. Merci de votre obligeance, monsieur le président. Je vous prie de m’excuser.

    Les enfants adoptés par un couple doivent l’être en priorité par un couple de personnes de sexe différent. Nous pensons en effet que l’altérité est bonne pour l’enfant. Les circonstances de la vie d’un couple peuvent conduire à ce que l’enfant vive avec deux personnes de même sexe. Il convient alors de trouver les bonnes réponses. Cela peut être le partage ou la délégation de l’autorité parentale, ou encore l’adoption testamentaire.

    M. Bernard Roman. Ou le mariage !

    M. Hervé Mariton. Les solutions existent ; elles peuvent être améliorées et nous ferons des propositions. Mais j’appelle l’attention sur le fait que l’automatisme voulu dans votre projet pose le problème suivant : si cela ne marche pas aujourd’hui, c’est parce que le juge considère qu’il y a des obstacles. Or, si le juge considère qu’il y a un obstacle à la délégation ou au partage de l’autorité parentale, il y a peut-être de bonnes raisons à cela. Mépriser ces raisons n’est pas une bonne chose pour l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin pour soutenir le sous-amendement n° 5380.

    M. Gérald Darmanin. Vous noterez, chers collègues, que ce sous-amendement est d’une importance capitale. Comme il se justifie par son texte même, j’en profite pour répondre à M. Guedj, qui n’est pas parmi nous – mais je suppose que, là où il se trouve, il nous écoute… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je souhaite rectifier les propos qu’il a tenus sur les pupilles de la Nation. Il a voulu nous donner une leçon de droit avec la suffisance qui peut le caractériser parfois. (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Il se trouve, chers collègues, que M. Guedj a dit des bêtises. Les pupilles de la Nation ne sont pas seulement les enfants des morts de la guerre de 1914 et de celle de 1940. Ce sont aussi les enfants de magistrats, de fonctionnaires de police, de membres de la gendarmerie nationale, de l’administration pénitentiaire, des personnels de santé blessés ou tués dans leurs missions de service public. Cela concerne beaucoup de monde.

    M. André Schneider. Tout à fait !

    M. Gérald Darmanin. M. Guedj nous a fait croire qu’il suivait avec assiduité nos travaux, alors qu’il n’a guère été présent. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si tel avait été le cas, il aurait su que nous avions créé une nouvelle catégorie de pupilles de la Nation, les enfants de victimes du terrorisme sur le territoire français ou étranger. M. Guedj aurait donc mieux fait de se taire, comme il l’a fait depuis le début de nos travaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour défendre l’amendement n° 2341.

    M. Nicolas Dhuicq. Le courage d’aujourd’hui consiste à envoyer des tweets depuis les tribunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je l’ai dit et je le répète, nous ne disposerons jamais d’aucune étude sérieuse sur la qualité – ou non – d’un couple en fonction de son orientation sexuelle. Il faut souvent plusieurs générations avant que n’apparaissent les difficultés liées à un traumatisme. Or, l’adoption est liée à un traumatisme, qu’il s’agisse de la mort des parents ou de l’abandon de l’enfant par ses parents.

    Votre projet de loi conduit à une nouvelle humanité ou à une nouvelle conception de l’humain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Par rapport aux perspectives nouvelles que le texte autorisera inéluctablement, quelles que soient les barrières que vous pensez pouvoir maintenir, il est tout à fait logique que nous prenions en considération l’ensemble du bagage d’origine que l’enfant porte en lui.

    Lorsqu’un enfant est adopté, il n’est pas sans passé. Il a derrière lui une lignée qu’il faut prendre en considération, et qui comporte une culture et des croyances spécifiques. Tel est le sens de nos amendements.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2964.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Le sous-amendement de Gérald Darmanin a l’intérêt de focaliser l’attention sur le texte de nos amendements, alors que nous avons parfois l’impression que la lecture qui en est faite ne correspond pas à leur contenu. Le rapporteur a toutefois eu raison de rappeler hier que la coquille initiale n’avait pas été corrigée, et c’est à porter à son crédit.

    Nous souhaitons qu’une priorité soit établie, car nous considérons que le maintien de l’altérité sexuelle est le fondement de la famille et la référence prioritaire de la filiation. Cette position, nous l’assumons pleinement, contrairement à ce que nos collègues de l’opposition feignent de croire, et le regard de M. Roman semble montrer qu’il en est désolé. C’est toutefois la position que nous défendons très calmement, très clairement, et de façon constante depuis le début de ce débat. Je la rappelle car cela dissipera les doutes de certains d’entre vous, s’ils en avaient encore.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 3789.

    M. Philippe Gosselin. Nous retrouvons les difficultés liées à l’adoption que nous avons commencé d’évoquer tout à l’heure. Il n’est pas question ici de contester l’amour que des individus pourraient donner, quel que soit leur sexe. Il s’agit de rappeler que nous accordons une place centrale à l’intérêt de l’enfant. Beaucoup de psychologues cliniciens insistent sur un point : l’enfant doit être au clair sur sa filiation afin de pouvoir « s’originer » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – je sais, c’est un affreux néologisme – dans une histoire crédible qui ne peut qu’être la rencontre entre un homme et une femme, même s’il y a dans l’adoption, par principe, substitution d’une filiation à une autre, nul ne le conteste.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 4240.

    M. Marc Le Fur. L’altérité sexuelle des parents est une nécessité pour les enfants, c’est ce que nous réaffirmons à travers ces amendements. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, les psychanalystes l’affirment également. Une fois de plus, je suis surpris que la gauche, si marquée par le mouvement psychanalytique, oublie totalement les règles élémentaires qu’il a contribué à établir.

    Je voudrais citer une dame qui a consacré sa vie à l’enfance en travaillant à l’Aide sociale à l’enfance. Elle évoque « le petit garçon qui, autour de trois ans, tombe éperdument amoureux de sa mère et qui aspire à maintenir à bonne distance son père. Il lui faut bien constater qu’il ne saurait évincer ce rival. Il va alors tenter de ressembler à cet homme, de s’approprier son savoir, ses goûts, ses compétences, son comportement. Ce faisant, il va développer ses connaissances, les plus diverses, s’approprier son identité sexuée et sexuelle : être comme papa pour approcher maman. Voilà qu’au travers de l’épopée libidinale œdipienne sont jetées les bases de l’être de l’enfant et du futur adulte ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Revenez donc à ces théories qui furent vos fondamentaux il y a encore quelques années, ne les oubliez pas. Ce texte devrait vous permettre de vous les rappeler.

    M. Bernard Roman. Allongez-vous donc !

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 1912, 2341, 2964, 3789 et 4240, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur les amendements et le sous-amendement ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

    M. Joaquim Pueyo. Je me pose la question de savoir sur quels fondements juridiques et sociaux l’UMP s’appuie pour affirmer avec tant de certitude que les couples de même sexe donneraient une moins bonne éducation à leurs enfants que les couples de sexe différent.

    Vous avez fait allusion à un service social, je pourrais vous donner l’exemple des quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Nous avons mené des études : la plupart de ces mineurs ont été élevés par des couples hétérosexuels. C’est une certitude. On a pu aussi constater que certains mineurs criminels avaient plutôt reçu une bonne éducation.

    Par ailleurs, dans les pays où l’adoption est ouverte aux couples de même sexe – la Belgique depuis 2001, les Pays-Bas depuis 2003 ou encore l’Allemagne –, aucune étude ne démontre ce que vous affirmez.

    Vos amendements me paraissent particulièrement discriminatoires. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

    M. Pierre Lequiller. Heureusement que l’opposition s’est montrée aussi insistante : nous pouvons maintenant aborder les sujets de fond que le Gouvernement et la majorité voulaient éviter. Ces amendements renvoient à la nécessité évidente de l’altérité.

    Madame la garde des sceaux, je voudrais revenir à la circulaire que vous venez de publier en plein milieu de nos débats : elle constitue un encouragement pour les pères à continuer de commettre ces actes inqualifiables que constitue le recours à la GPA, à l’étranger comme en France. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Malgré les interventions de Christian Jacob, de Claude Goasguen et les miennes, vous vous en tenez à la situation des enfants sans évoquer la responsabilité des pères. Maintenant que le mal est fait, maintenant que vous encouragez ces pratiques, faites donc une circulaire aux procureurs pour leur demander de poursuivre les pères qui se prêtent à cette marchandisation des corps. (« Bravo ! »sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Sur M6, j’ai vu un reportage sur une jeune femme russe de pauvre condition : elle déclarait détester l’enfant qu’elle portait dans son ventre, lequel lui était immédiatement retiré après la naissance.

    Ces pratiques soulèvent une question de morale. Il est absolument nécessaire que vous agissiez pour produire une nouvelle circulaire. Je comprends tout à fait votre souci de régler les problèmes qui se posent aux enfants mais je crois qu’il faut insister sur la responsabilité des pères qui se prêtent à cette marchandisation. Pouvez-vous répondre à cette question précise ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. L’intervention de mon collègue ne porte absolument pas sur l’amendement en discussion, comme tout le monde le constatera à la lecture de son texte – « Les enfants adoptés par un couple doivent l’être en priorité par un couple de personnes de sexes différents » – et de son exposé sommaire – « Lorsqu’un enfant est adopté par un couple, et ne peut donc plus grandir auprès d’aucun de ses parents biologiques, il est dans son intérêt de pouvoir identifier ses parents adoptifs aux parents dont il est né ».

    Amendement après amendement, vous voulez tout simplement nier le droit à l’adoption des parents homosexuels.

    M. Jacques Myard. Oui !

    Mme Marie-George Buffet. Mais, renversons la logique de votre amendement : qu’en est-il lorsque les parents décédés sont homosexuels ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    (Le sous-amendement n° 5380 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 254

    Nombre de suffrages exprimés 253

    Majorité absolue 127

    Pour l’adoption 84

    Contre 169

    (Les amendements identiques nos 1912, 2341, 2964, 3789 et 4240 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n°1914, qui fait l’objet des sous-amendements, nos 5372, 5376 et 5379.

    M. Hervé Mariton. Je crois l’avoir déjà défendu. Je ne voudrais aucunement ralentir les travaux de notre assemblée : le rôle de la mère est important, spécialement pour les enfants de moins de six ans.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les sous-amendements, nos 5372, 5376 et 5379.

    M. Marc Le Fur. Les sous-amendements ont cet avantage qu’ils permettent de préciser la pensée des uns et des autres.

    Sur l’amendement de mon collègue Mariton, je suis pour l’essentiel d’accord, mais je souhaite aller un peu plus loin.

    Dans le sous-amendement n° 5372, j’indique que la présence de la mère s’impose jusqu’à au moins treize ans, âge auquel on atteint un certain niveau de maturité : c’est l’âge du discernement.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Toute la vie, pendant que vous y êtes !

    M. Marc Le Fur. Quant au sous-amendement n° 5376, je le retirerai dès lors que le sous-amendement n° 5372 aura été adopté, ce qui ne fait aucun doute. Il fixe la limite à onze ans, âge auquel l’enfant entre au collège : auparavant, la présence de la mère est nécessaire. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) La nature peut la lui retirer, mais la nécessité sociale l’exige.

    Si d’aventure vous ne votiez pas ce sous-amendement, ce que personne ne comprendrait, tout au moins en dehors des arrondissements du centre de Paris (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),...

    Mme Julie Sommaruga. Quelle démagogie !

    M. Marc Le Fur. …vous pourrez au moins adopter celui qui porte le numéro 5379, et aux termes duquel la présence de la mère est exigée jusqu’à l’âge de sept ans. Je pense que nous pourrions nous entendre là-dessus.

    Pour l’essentiel, je le rappelle, je suis d’accord avec l’amendement de mon collègue Mariton. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Luc Belot. Ridicule !

    Mme Marie-George Buffet. Quel machisme !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2966.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un sujet que nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’étudier : je ne vais pas prolonger inutilement cette démonstration. Je me contenterai de dire que j’apporte mon complet soutien aux sous-amendements extrêmement pertinents de Marc Le Fur, qui méritent une attention toute particulière de la part de notre assemblée.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3052.

    M. Patrick Hetzel. On va encore nous dire que nous énonçons des évidences : eh bien, oui, ce sont les femmes qui donnent naissance aux enfants ! Il y a bien une primauté de la relation mère-enfant. Et parce qu’il existe une telle primauté, nous souhaitons qu’elle puisse être inscrite dans le texte de la loi.

    Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour vous faire part de l’information suivante.

    À 18 heures 40, le président du groupe socialiste, M. Le Roux, qui a manifestement une vision très totalitaire des choses, a écrit un tweet – montrant par là même qu’il accorde plus d’importance aux réseaux qu’à sa présence dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On y lit que la PMA pour les couples de femmes sera votée car telle est la position du parti socialiste depuis des années ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous le disions depuis longtemps, mais les choses sont enfin claires et les masques tombent !

    Alors que nous souhaitons débattre dans la sérénité, que fait M. Le Roux ? Loin d’apaiser les tensions, il rajoute de l’huile sur le feu. C’est incroyable, scandaleux, indigne d’un président de groupe qui, plutôt que de siéger dans l’hémicycle, préfère twitter et aggraver les clivages…

    M. Luc Belot. Hors sujet !

    M. Patrick Hetzel. …à un moment où nous aurions justement besoin de concorde et d’harmonie. Nos concitoyens apprécieront ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3377.

    M. Bernard Accoyer. La situation est de plus en plus surréaliste. Le président du groupe majoritaire est absent, mais il a pris le temps d’expliquer ce matin que l’extension de la PMA, ce serait pour plus tard, après l’avoir voulue pour tout de suite il n’y a pas si longtemps ! Et pas plus tard que cet après-midi, il affirme sur un réseau social qu’elle serait bel et bien votée !

    Quand déposera-t-il donc un amendement ? Que feront les Verts qui font partie de la majorité et voudraient tout de suite voter la GPA ?

    M. Luc Belot. Hors sujet !

    M. Bernard Accoyer. La confusion devient préoccupante, mais il y a pire. Nous venons de passer un dimanche surréaliste à débattre de questions certes graves, mais portant sur un sujet qui ne fait par partie des priorités des Français, car ce qui les préoccupe aujourd’hui, ce n’est pas le mariage de deux personnes de même sexe, non plus que l’adoption : c’est le chômage, le pouvoir d’achat,...

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et si vous nous parliez de l’amendement ?

    M. Bernard Accoyer. …la sécurité, la dette de la France, Florange, Renault. Les voilà, leurs priorités ! Et nous, nous nous réunissons un dimanche, alors que cela ne nous arrive jamais, pour débattre d’une question qui ne les intéresse même pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Dominique Baert. La faute à qui ?

    M. le président. Du calme, voyons ! À 19 heures 15, il devrait être encore possible de poursuivre dans de bonnes conditions.

    Avant de donner la parole à la commission, je vous informe que, sur le vote des amendements identiques nos 1914 et suivants, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. À lire les amendements d’un certain nombre d’orateurs, j’ai le sentiment d’être transportée très longtemps en arrière,…

    M. Claude Goasguen. Pour ça, c’est vrai !

    Mme Marie-George Buffet. …à une époque où l’on considérait que la place de la femme était au foyer et celle des hommes dans la cité.

    M. Claude Goasguen. Quel rapport ?

    Mme Marie-George Buffet. La femme avait en charge le travail domestique et les enfants, surtout les petits.

    M. Jacques Myard. Elle avait en charge de les faire !

    Mme Marie-George Buffet. Bien sûr, lorsqu’ils étaient plus grands, l’homme prenait la relève, car il s’agissait alors de leur donner une bonne éducation, notamment sur le plan scolaire. La maman, elle, était là pour les materner, jusqu’à leurs treize ans du moins car, après, elle n’en aurait plus été vraiment capable, n’est-ce pas ?

    Je me rappelle les débats qui se tinrent au Sénat entre 1925 et 1935. À chaque fois qu’une loi était déposée pour accorder le droit de vote aux femmes, le clan conservateur s’écriait que les femmes allaient devenir stériles si elles commençaient à se mêler de politique (Rires sur les bancs du groupe SRC), qu’elles allaient apporter de la déraison… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Quel est le rapport ?

    Mme Marie-George Buffet. Allez donc lire les comptes rendus si vous ne me croyez pas ! Les femmes allaient apporter de la déraison à la politique ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mais quelle vision avez-vous donc du rapport de la femme à l’enfant ? La femme d’aujourd’hui travaille et l’enfant va à l’école maternelle ! La femme est l’égale de l’homme et nous n’avons pas à faire une telle distinction dans l’éducation des enfants ! (« Bravo ! »sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. Et les mères porteuses, c’est quoi ?

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

    M. Olivier Dussopt. J’ai cru un instant, en lisant les amendements de nos collègues de l’opposition, qu’ils avaient fait des progrès en laissant ouverte la possibilité pour deux femmes d’élever un enfant. En effet, s’il faut au moins une femme pour assurer l’éducation d’un enfant, pourquoi pas deux ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous arrivons au terme d’une longue série d’amendements dont le seul objectif était d’empêcher les couples homosexuels de fonder une famille. Des mots parfois violents ont été prononcés, pour ne pas dire injurieux, ou ressentis comme tels – je pense en particulier à la référence au principe de précaution.

    Bien évidemment nous ne voterons pas ces amendements mais je pense aux familles homoparentales et à ceux qui voudraient en fonder une : les échanges de cet après-midi ont pu les blesser.

    Madame la garde des sceaux, vous avez eu plaisir à nous citer à plusieurs reprises René Char. Il disait aussi « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. C’est bon pour les jeux télévisés, tout ça !

    (Les sous-amendements nos 5372, 5376 et 5379, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1914, 2966, 3052 et 3377.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 238

    Nombre de suffrages exprimés 238

    Majorité absolue 120

    Pour l’adoption 71

    Contre 167

    (Les amendements identiques nos 1914, 2966, 3052 et 3377 ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob. Je profite de ce rappel au règlement pour signaler au service de la séance que je viens de me tromper lors du scrutin public : j’ai voté contre alors que je voulais voter pour ! Mais ce sera corrigé ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Que voulez-vous, c’est la fatigue ! Le travail du dimanche !

    Plus sérieusement, je voudrais revenir sur l’intervention de M. Patrick Hetzel. Nous sommes en pleine cacophonie gouvernementale et majoritaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guy Delcourt. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Christian Jacob. Si, car c’est directement lié au bon déroulement de notre séance. En l’espace d’un après-midi, nous venons d’assister, sur la PMA, au refus par la garde des sceaux de répondre à nos questions, à l’annonce par la ministre de la famille qu’elle ferait l’objet d’un prochain texte sur la famille, à son sévère rappel à l’ordre par le Premier ministre depuis Phnom Penh, et, à l’instant, à un tweet du président du groupe socialiste qui, défiant le Premier ministre, affirme que l’extension de la PMA sera, de toutes façons, dans le texte déposé par le Gouvernement, quel que soit l’avis du Comité national d’éthique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Que faire face à un tel imbroglio, face à une crise politique aussi grave entre les membres de la majorité, mais surtout entre le président du groupe socialiste et le Premier ministre ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. Incroyable !

    M. Christian Jacob. Nous ne pouvons pas continuer à débattre sereinement avec une majorité qui avance comme un canard sans tête ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    On ne sait plus aujourd’hui quelle est la position de la majorité, celle du Premier ministre, celle du Gouvernement. Les ministres affichent des positions différentes les uns après les autres, le Premier ministre communique depuis l’Asie parce qu’il n’a personne, ici, pour porter correctement sa parole, et le président du groupe socialiste le défie en permanence sur les plateaux et dans la presse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Il devient indispensable que Mme la garde des sceaux ou M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous explique la position du Gouvernement.

    Je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance afin que le Gouvernement puisse se mettre enfin d’accord avec son groupe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Le Gouvernement et le président du groupe socialiste pourraient, d’une manière très simple, calmer le débat : en nous disant si, oui ou non, ils tiendront compte de l’avis du Comité national d’éthique ! S’agit-il seulement d’une fantaisie pour occulter le débat, ou tiendront-ils compte de son avis ? Dès lors, comme nous faisons confiance au Comité national d’éthique, nous serions beaucoup plus sereins sur l’issue de nos travaux.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes dans cet hémicycle depuis mardi et, aux membres de l’opposition qui contestent, qui critiquent, qui débattent…

    M. Patrick Ollier. C’est notre rôle !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …qui, parfois, font de l’obstruction, en toute légitimité d’ailleurs – nous l’avons nous-mêmes souvent fait –,…

    M. André Schneider. Ça, oui !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …nous disons que cela s’appelle la démocratie parlementaire. À la fin, c’est la majorité qui emporte le scrutin, et cela s’appelle aussi la démocratie parlementaire.

    Par ailleurs, nous sommes ici, et nous serons ici tout le temps que ce sera nécessaire, pour soutenir le Gouvernement qui nous propose d’adopter un texte sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe.

    M. Claude Goasguen. Mais il ne sait pas ce qu’il veut, le Gouvernement !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je puis vous assurer que la majorité est déterminée à faire adopter ce texte, quitte à faire preuve de toute la patience nécessaire pour que se tienne un débat parlementaire digne de ce nom. Oui, je vous affirme qu’au terme de ce débat le texte sera adopté car nous l’aurons voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Jacob, je comprends votre sollicitude à l’égard du Gouvernement, mais j’ai l’impression qu’il est assez rassemblé. Je vous accorde donc une minute de suspension. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-sept.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Je suis saisi d’une série de cent neuf amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 71.

    M. Marc Le Fur. Nous sommes, là encore, au cœur du sujet. Chacun le sait, le nombre d’enfants susceptibles d’être adoptés diminue, qu’il s’agisse de pupilles de l’État, de pupilles de la nation, qui existent toujours, comme l’a rappelé M. Darmanin, ou qu’il s’agisse d’adoption internationale puisqu’un certain nombre de pays s’y ferment aujourd’hui.

    Beaucoup de couples hétérosexuels craignent aujourd’hui que des enfants soient confiés à des couples homosexuels et que leur attente, qui dure depuis des mois ou des années, ne soit pas satisfaite. C’est cela, le sujet qui nous oppose.

    Cette crainte est d’autant plus manifeste que les agréments seront gérés par les conseils généraux. Sans mettre en cause les élus locaux, il est à craindre qu’un petit nombre de conseillers généraux fassent preuve de militantisme et accordent systématiquement les agréments à des familles homosexuelles.

    M. Claude Goasguen. Bien sûr !

    M. Jean-Pierre Dufau. Quelle étrange conception !

    M. Marc Le Fur. Nous voulons éviter les dérives et faire en sorte que les couples hétérosexuels candidats à l’adoption puissent accueillir des enfants.

    Enfin, nous considérons que c’est la meilleure chance que l’on puisse donner à un petit garçon, à une petite fille, quelle que soit son origine, quel que soit le pays qui est le sien, d’avoir une enfance et une adolescence dans un cadre satisfaisant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 127.

    M. Patrice Martin-Lalande. Comme mes cent huit autres collègues, je propose que tout quota visant à favoriser l’égal accès des couples de même sexe et des couples de sexe différent à l’adoption soit prohibé.

    Cet amendement, en effet, prévoit expressément qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

    L’adoption, comme cela a été rappelé maintes fois au cours de cette séance, a pour objet de donner des parents à un enfant et non l’inverse. Seul compte – nous en sommes tous convaincus, je l’espère – l’intérêt de l’enfant, que le juge, et lui seul, est chargé de définir.

    M. Marc Le Fur. J’ai un sous-amendement, monsieur le président !

    M. le président. Oui, monsieur Le Fur, mais il faut d’abord défendre tous les amendements.

    La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 350.

    M. Christian Jacob. Cet excellent amendement, déposé par notre collègue Decool et que j’ai signé moi aussi, vise à prévoir expressément qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

    La démonstration a déjà été faite par plusieurs de nos collègues et va être relayée par beaucoup d’autres. Nous comptons beaucoup sur notre assemblée, car si l’on pouvait, au détour de cet amendement, trouver un point d’accord général, ce serait une très bonne chose.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 384.

    M. Hervé Mariton. Il faut éviter toute logique de quota et toute logique communautaire. Je pense que nous pouvons être d’accord sur ce point.

    Que les couples soient hétérosexuels ou homosexuels, l’adoption à l’international va se tarir. Il y a peu d’enfants à adopter en France et, dans ce contexte, ce sera particulièrement difficile pour les couples homosexuels qui, privés d’adoption à l’étranger, vont être très regardants vis-à-vis des adoptions possibles en France même. Nous le savons, les auditions l’ont démontré.

    Pour satisfaire les demandes, la tentation sera grande d’instaurer des quotas. Nous avons sans doute, les uns et les autres, discuté avec des personnes qui ont à traiter des dossiers d’adoption dans les services sociaux et dans les conseils généraux et ce risque semble évident à la plupart d’entre eux.

    Alors, comment faire ?

    Il est important de préserver la responsabilité de personnels très compétents sur ces questions, et qui mesurent que l’adoption par des couples de même sexe – si le texte est adopté – rendra leur décision extrêmement difficile. Au nom de quoi priver un enfant d’avoir un père et une mère ? Reste que l’on doit à tout prix éviter une pratique de quotas dans cette politique.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 465.

    M. François de Mazières. On sait qu’il y a aujourd’hui 30 000 demandes d’adoption non satisfaites. Or, si votre loi malheureuse est adoptée, nous allons encore réduire le nombre de possibilités d’adoption. C’est simplement une question de logique : vous ne pourrez faire autrement que d’établir un quota pour les couples homosexuels si vous n’acceptez pas la PMA et la GPA.

    Vous nous dites aujourd’hui que ce sera pour plus tard. Mais comprenez que, pour les Français, c’est maintenant que la vraie question se pose. Elle se pose aujourd’hui, au moment où nous examinons cette loi. Tout à l’heure, Patrick Hetzel a parlé d’un tweet qu’il avait lu, et j’ai vu, monsieur le rapporteur, que vous marquiez votre approbation. Il y a là un problème fondamental. Permettez-moi de vous dire que votre attitude m’a vraiment choqué ! Vous devez tenir la position que Mme la garde des sceaux essaie de tenir avec constance, même si, intellectuellement, on sent qu’elle ne tient pas la route. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Dominique Baert. Vous, vous êtes en plein dérapage depuis cinq jours !

    M. François de Mazières. L’amendement que nous proposons insiste sur la nécessité de prendre des précautions, dès lors que votre position n’est pas claire. Pour un gouvernement qui fait une loi aussi importante, avec tant de conséquences sur la société, partir sur des bases aussi peu claires, faire de tels allers-retours, vraiment, ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour soutenir l’amendement n° 396.

    M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Cet amendement vise à prévoir expressément dans la loi qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

    Pour ma part, j’ajouterai que l’intégrité psychologique de l’enfant ne pourra être assurée que par l’adoption par un couple hétérosexuel.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier pour soutenir l’amendement n° 524.

    M. Patrick Ollier. Nous ne pouvons pas accepter votre conception de l’égalité.

    Madame la garde des sceaux, tout à l’heure, j’ai été meurtri dans mes valeurs par votre raisonnement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez beaucoup de talent, c’est incontestable, mais le talent ne permet pas de changer la société comme vous voulez le faire, avec des arguments qui ne sont ni des explications ni des démonstrations.

    Vous êtes obsédée par l’égalité, on peut le comprendre. Nous aussi, nous souhaitons l’égalité. Mais pour vous, l’égalité, c’est l’égalité par l’effacement de la différence des sexes, c’est la déconstruction de la parenté fondée sur l’engendrement. Pour vous, la filiation, c’est l’envie, l’intention, le projet parental ; cela peut se concevoir. Cela s’apparente à la théorie du genre. Et l’on voit la théorie du genre apparaître au fur et à mesure des débats : vous voulez faire évoluer la société vers une société asexuée où l’altérité n’incarne pas la majorité des cas. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Seuls 25 % des cas que vous évoquez existent dans la société. Aujourd’hui, 75 % des enfants vivent dans l’altérité.

    Madame la garde des sceaux, je m’étonne de ce débat qui nous conduit, via une démonstration juridique, non seulement vers une modification du code civil, mais aussi beaucoup plus loin, comme vous l’avez dit, vers un changement de civilisation. C’est pour cette raison que nous demandons un référendum, car de tels changements ne peuvent pas se faire sans le peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 601.

    M. Philippe Gosselin. D’une certaine façon, on peut se réjouir qu’il y ait de moins en moins d’enfants à adopter, car cela signifie qu’il y a moins de situations y conduisant. Je vois que Mme la ministre a compris ce que je voulais dire, et qui est très clair et sans aucune ambiguïté.

    Mais, si le nombre d’enfants adoptables diminue, c’est aussi à cause des procédures, parfois à cause de blocages juridiques ou administratifs, parfois à cause de difficultés soulevées par les travailleurs sociaux pour des raisons internes. Sur le plan international, par ailleurs, le nombre d’adoptions va diminuant, pour des raisons internes à ces pays. Il y a davantage de familles de la classe moyenne qui veulent adopter des enfants dans leur propre pays. Il y en a donc moins à adopter à l’extérieur.

    Puis, il y a les risques liés à votre texte qui, s’il était adopté – sans jeu de mots –, pourrait mettre un frein à la possibilité d’adopter des enfants venant de l’étranger.

    Enfin – je ne dis pas que ce soit le cas aujourd’hui, mais mieux vaut prévenir que guérir, et donner un cadre clair et ferme –, la tentation pourrait être, à terme, de fixer un quota, compte tenu du nombre très important d’agréments – il y en a en effet plusieurs dizaines de milliers en France pour les couples hétérosexuels. J’avoue ne pas aimer ce terme de « quota » s’appliquant à des enfants. Il nous faut prévenir ce risque de dérapage, qui est peut-être inenvisageable pour certains aujourd’hui, mais qui n’en est pas moins réel.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n°702.

    M. Frédéric Reiss. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe apporte de la confusion dans la symbolique sociale en mettant à mal la structuration de la famille.

    Pour satisfaire M. Roman, je répète que nous sommes contre ce projet de loi qui conduira inévitablement à priver légalement certains enfants d’un père ou d’une mère.

    Le mariage pour tous n’est finalement qu’un leurre et les débats sont éclairants à ce sujet, car la question principale est celle de la filiation. Avec l’adoption et le recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation, nous sommes dans le vif du sujet, et l’on a bien senti depuis ce matin que la majorité était embarrassée et fébrile dès que l’on évoquait la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Concernant mon amendement, je rappelle que, début décembre 2012, la Fédération nationale des associations départementales d’entraide des pupilles et anciens pupilles de l’État, qui représente les usagers au sein des conseils de famille des pupilles de l’État, a informé Mme la ministre chargée de la famille qu’elle se retirait de tous les groupes de travail que le Conseil supérieur de l’adoption avait constitués sur ce projet de loi, considérant que le débat était largement manipulé par des lobbies défendant leurs intérêts propres plus que ceux des enfants issus de l’abandon, du délaissement et de la maltraitance parentale active. C’est très grave. C’est pourquoi cet amendement, qui prévoit qu’aucun quota ne pourra favoriser les adoptions par les couples de même sexe, prend tout son sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel pour soutenir l’amendement n°964.

    M. Philippe Vitel. Mes chers collègues, si cette loi est adoptée, vous aurez fait naître un espoir que, malheureusement, vous ne pourrez pas satisfaire.

    L’ancienne présidente d’Enfance et familles d’adoption disait : « Si l’on doit autoriser l’adoption par des couples homosexuels, soyons honnêtes jusqu’au bout, il faut les prévenir qu’ils n’auront que très peu de chances de voir leur dossier aboutir. » Aujourd’hui déjà, en France, 700 enfants sont adoptables pour 25 000 candidats. La source va se tarir automatiquement puisque la plupart des pays étrangers n’autoriseront pas l’adoption par les couples homosexuels.

    La question du choix va se poser et je voudrais savoir sur quel argument, si ce n’est sur la mise en place d’un quota – que je dénonce – on pourra décemment se fonder, dans le cadre d’une commission qui aura deux enfants à attribuer à deux familles. Comment choisir entre une famille hétérosexuelle et une famille homosexuelle ? À laquelle va-t-on donner tel ou tel autre enfant ? Comment va-t-on faire ? À pile ou face ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Aujourd’hui, le choix de l’attribution est un choix majeur et nous devons y réfléchir longuement.

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1200.

    Mme Sophie Dion. Pour une fois, nous devrions être tous d’accord, car nous avons entendu proclamer à maintes et maintes reprises la notion d’égalité. Cet amendement devrait donc rassembler tous les membres de notre assemblée puisque le contraire de l’égalité, c’est la discrimination et cet amendement vise à ce que le peu d’enfants adoptables ne soient pas réservés à certaines catégories de personnes. Peu importe d’ailleurs leur différenciation.

    J’ai bien compris que l’égalité doit être complète. Je regrette que Mme Buffet nous ait quittés, car elle a parlé tout à l’heure de la marchandisation du corps de la femme. Je ne doute pas qu’elle ait eu beaucoup de talent pour défendre le droit des femmes, mais c’est justement vous qui serez responsable de la marchandisation du corps de la femme. Pourquoi ? Parce qu’on sait très bien qu’une fois acquise la procréation médicalement assistée, il faudra autoriser les mères porteuses par souci d’égalité entre hommes et femmes !

    M. Bernard Roman. Pourquoi n’est-ce pas le cas ailleurs ?

    M. Patrick Ollier. Parce qu’ailleurs il n’y a pas de QPC !

    M. Claude Goasguen. La situation hollandaise n’est pas la meilleure !

    Mme Sophie Dion. Vous le savez bien. Voilà les conséquences de l’égalité absolue. En tout cas, je suis certaine que les farouches partisans de l’égalité que vous êtes vont naturellement approuver notre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Philip Cordery. Extraordinaire !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door pour soutenir l’amendement n° 1247.

    M. Jean-Pierre Door. Merci, monsieur le président. Nous connaissons tous des couples qui ont à cœur d’adopter des enfants, et nous avons même tous de touchantes histoires personnelles qui n’ont pas à être dites ici. Nous connaissons les difficultés à adopter qu’ont certaines familles dans notre pays. Je voudrais d’ailleurs rappeler la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 21 stipule que « les États qui admettent et/ou autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière ». Ce qui compte, c’est l’évolution et la construction psychique de l’enfant.

    Les pédopsychiatres ont de nombreux avis contradictoires, nous les avons entendus. Les collectifs d’homosexuels, hommes et femmes, prennent également des positions. La Coordination lesbienne de France, issue du Collectif national pour les droits de la femme, se pose la question de l’adoption. Un psychanalyste disait récemment que l’enfant se pose en permanence la question sans trouver de réponse, ce qui lui crée de graves difficultés lorsqu’il veut fonder sa propre famille une fois adulte. Tous les bricolages généalogiques sont sources de perturbations. L’enfant devra démêler une question difficile. Comment arrivera-t-il à définir lui-même qui il est ? C’est pourquoi l’adoption par des couples hétérosexuels doit selon nous rester privilégiée et prioritaire. C’est le sens de cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1418.

    M. Nicolas Dhuicq. Merci, monsieur le président. Cet amendement est profondément républicain. Vous parlez sans cesse d’égalité ; il s’agit ici de respecter l’égalité et d’éviter toute dérive. Nous ne jugeons ni ne rejetons personne, nous prenons simplement en considération le principe de réalité. Celui-ci dit que quatre enfants adoptés sur cinq dans notre pays viennent de l’étranger. Un grand pays allié, qui fête ce soir le soixante-dixième anniversaire d’une grande victoire pour la liberté, ne partage pas certaines de nos vues et demandera inéluctablement à revoir toutes les conventions qui le lient avec la République française.

    Automatiquement, la loi engendrera donc des difficultés supplémentaires pour l’adoption d’enfants venus de l’étranger. D’où les inquiétudes de certains de mes collègues, consécutives à des propos que nous entendons ici ou là, aux « gazouillis » - pour parler en français correct – de personnes dans les tribunes, ou de collègues qui ne sont plus là, qui font des raccourcis et interprètent les propos de tel ou tel parlementaire aujourd’hui dans l’opposition. Cet amendement est un amendement profondément républicain, c’est pourquoi je crois que tous les patriotes sauront l’adopter.

    M. Jean-Pierre Dufau. Çà, c’est de l’argumentation !

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau pour soutenir l’amendement n° 1479.

    M. Christophe Guilloteau. Merci, monsieur le président. Je ne parlerai pas du fond, déjà abordé, mais de la forme, si vous le voulez bien. Ce débat dure depuis mardi et je le trouve assez surréaliste.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et nous donc !

    M. Christophe Guilloteau. Je suis plus ancien que d’autres dans cet hémicycle.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Trop !

    M. Christophe Guilloteau. Je trouve assez surprenante l’attitude de nos jeunes collègues socialistes fraîchement arrivés. L’attitude des membres du Gouvernement, qui passent le plus clair de leur temps au téléphone dans les couloirs, est également surprenante. Certains vont chercher leurs ordres dans un télégramme du Premier ministre envoyé du Cambodge. Et voir, comme hier, certains collègues en arriver à faire des doigts d’honneur est assez surprenant aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Quel est votre amendement ?

    M. Christophe Guilloteau. Je pensais que nous étions ici pour légiférer sur quelque chose qui est au fondement de la société ; je me trompais. Si nous pouvions, chers collègues, garder un peu de sérénité dans un débat aussi important, ce serait une bonne chose. Mais il n’y a pas ici d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas, ceux qui détiennent la vérité et ceux qui ne la détiennent pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP,.)

    M. Bernard Roman. Et sur le fond ? Quel est votre amendement ?

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie pour soutenir l’amendement n° 1674.

    Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le président. Je voudrais évoquer deux aspects de cet amendement. Le premier, c’est le long et difficile parcours pour aboutir à l’adoption. Il s’agit en effet d’un véritable parcours du combattant. Il me semble impératif de respecter les personnes qui décident de recourir à l’adoption. Nous devons aussi retenir des principes que vous avez largement convoqués depuis le début de ce débat, en particulier l’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’absence de discrimination devant les procédures. Pour ces raisons, il me semble impératif de donner une assurance à tous les Français qui décident d’adopter ou viendraient à le décider. Il me semble très important que l’étude des demandes d’adoption reste impartiale.

    Le second, c’est la nécessité de faire prévaloir, en matière d’adoption, le droit de l’enfant sur le droit à l’enfant qui, s’il devait être retenu, serait alors un droit de l’adulte. C’est une manière de rappeler l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement qui prévoit qu’aucun quota ne puisse être retenu. Voter cet amendement aurait finalement trois avantages : valider le principe que l’adoption consiste fondamentalement à donner des parents à des enfants qui en sont dépourvus et non l’inverse, valider le fait que la famille se doit d’être constituée dans l’intérêt et au service de l’enfant, et enfin maintenir le cap de l’intérêt général, quel que soit le vent des revendications particulières et minoritaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1741.

    M. Guillaume Chevrollier. Merci, monsieur le président. Cet amendement vise à prévoir expressément dans la loi l’absence de quota favorisant les adoptions par les couples de même sexe, même si l’on constatait peu ou pas d’adoptions de leur part. Pourquoi être obligé de prévoir pareil amendement, dont le terme « quota » n’est certes pas très heureux ? Tout simplement parce que le nombre d’enfants adoptables ne cesse de décroître, alors que les couples mariés en attente restent beaucoup plus nombreux. C’est ainsi qu’en 2013, il est probable qu’à peine 2 000 enfants pourront être adoptés, alors que 25 000 couples mariés ont obtenu l’agrément.

    Cette situation va s’aggraver, car la plupart des pays qui confient des enfants à l’adoption sont extrêmement sensibles aux législations sur le mariage et se font plus exigeants en cas de légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Il est donc évident que fort peu de couples homosexuels pourront adopter. Ce projet de loi conduira donc à rendre la réalité de l’adoption plus difficile pour les couples hétérosexuels, bien piètre résultat d’un projet de loi qui se veut progressiste, comme vous le dites si souvent !

    C’est pourquoi ce texte est également hypocrite, car il ne peut que vous conduire à demander la PMA pour les homosexuelles femmes et la GPA pour les homosexuels hommes.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est reparti !

    M. Guillaume Chevrollier. Pour revenir à l’adoption par les couples homosexuels, je la considère discutable par principe. Elle répond en effet à un droit à l’enfant, c’est-à-dire aux désirs et aux égoïsmes des adultes, négligeant l’intérêt de l’enfant.

    M. Thomas Thévenoud. Le disque est rayé !

    M. Guillaume Bachelay. Ça radote !

    M. Guillaume Chevrollier. Or l’enfant adopté a, plus qu’un autre, besoin d’un père et d’une mère. L’enfant abandonné cherche ses repères et aspire à retrouver ce qu’il a perdu. Plus qu’un autre, il a besoin d’une filiation biologique évidente et expliquée. Ce texte va à l’encontre de ses besoins. Il méconnaît donc les membres les plus vulnérables de notre société, que l’on doit au contraire protéger.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller pour soutenir l’amendement n° 2041.

    M. Pierre Lequiller. Merci, monsieur le président. Afin de ne pas me faire traiter d’homophobe par M. Baupin, comme cela vient de m’arriver, je vais à nouveau lire un texte de Mme Agacinski (« Ah ! » sur plusieurs bancs) – dans le silence, j’espère.

    M. Nicolas Bays. Merci d’être abonné au Monde !

    M. Pierre Lequiller. « Un enfant est rattaché à un parent au moins, généralement la mère qui l’a mis au monde, et si possible à deux, père et mère. Y compris dans l’adoption, la filiation légale reproduit analogiquement le couple procréateur, asymétrique et hétérogène. Elle en garde la structure, ou le schéma, à savoir celui de l’engendrement biologique bisexué. » L’auteur cite ensuite Claude Lévi-Strauss selon qui « les liens biologiques sont le modèle sur lequel sont conçues les relations de parenté ».

    Quant à l’adoption, comme l’a dit notre collègue Nicolin qui connaît bien ces problèmes, l’ouvrir aux couples de même sexe créera une nouvelle catégorie d’orphelins, ceux que votre loi va priver, sans qu’ils puissent y consentir, de ce qu’il y a de plus beau au monde et qu’ils attendaient au fin fond de leur orphelinat, c’est-à-dire un père et une mère. Je soutiens tout à fait cet amendement qui consiste évidemment à éviter tout quota dans l’attribution de famille aux enfants à adopter.

    M. le président. La parole est à M. André Schneider pour soutenir l’amendement n° 2201.

    M. André Schneider. Merci, monsieur le président. Mes chers collègues, voilà trois jours que nous discutons ici d’un problème extrêmement sérieux. Nous devrions donc nous respecter les uns les autres.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et réciproquement !

    M. André Schneider. Bien sûr ! J’ai bien dit que nous devrions nous respecter les uns les autres. Eh bien ! Cela n’a pas vraiment été le cas pendant ces trois jours ! Nous devrions, sous l’autorité du président, poursuivre nos débats dans la sérénité afin de nous respecter mutuellement et de donner une bonne image de notre assemblée.

    M. Nicolas Bays. Et sur le fond ?

    M. André Schneider. Mes convictions personnelles font de moi un opposant à la loi que vous proposez. Nous vous avons suggéré une alliance civile, sur laquelle nous aurions certainement pu trouver des terrains d’entente ; vous l’avez rejetée.

    M. Nicolas Bays. C’était il y a deux jours !

    M. André Schneider. C’est votre droit, le nôtre est de nous opposer. Nous sommes bien sûr défavorables à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels, mais comme vous avez la majorité, vous êtes évidemment les décideurs.

    Si tant est que la loi soit adoptée prochainement, ainsi que l’adoption qui en est le corollaire, permettez que dans cet amendement nous vous proposions une non-discrimination. Voilà ce dont il s’agit. Pas de quota, cela veut dire que tous les couples candidats à l’adoption seront traités à égalité. C’est pourquoi je pense que vous pouvez approuver cet amendement et je vous en remercie d’avance.

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    Faits personnels

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour fait personnel.

    M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, il y a quelques semaines, je me suis interrogé sur le rapport à l’autorité que pose le terrorisme, en ayant en mémoire le parcours de terroristes d’origine française et de nationalité française. J’avais, en particulier, constaté la distance affective et géographique majeure qui avait séparé un jeune, qui avait tué, et son père. À mon sens, il y a trois endroits où l’autorité doit s’exercer et être respectée : la prison, sujet que je connais bien, sur lequel le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, m’a répondu ; la famille, sur laquelle je vais revenir ; enfin, l’école – je pense notamment à l’enseignement de l’histoire.

    Pour ce qui est de la famille, quand j’ai évoqué l’absence de cadre parental, de repères identificatoires, de limites transmises à l’enfant afin qu’il sache ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, certains de nos collègues de la majorité se sont un peu énervés, n’entendant sans doute pas ce que je voulais leur faire comprendre. Mon propos visait à les avertir du fait qu’ils allaient créer de la confusion : quand le ministre de l’intérieur fait son travail en demandant une loi coercitive – par essence, le terrorisme pousse la démocratie à prendre des lois antidémocratiques –, il y a forcément une contradiction, sur le plan intellectuel, avec un projet de loi visant à supprimer les mots de « père » et « mère » de certains textes. Sachant le rôle symbolique que peuvent jouer les parents, en particulier le père, il y avait de quoi s’interroger sur la cohérence globale du projet politique de la majorité. Ce que je disais n’avait donc rien à voir avec le rejet de qui que ce soit, et ne constituait absolument pas un jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. Nicolas Dhuicq. Je terminerai en évoquant l’un de mes patients, auquel je pense beaucoup depuis qu’il est mort du sida, il y a quelques semaines. Sa famille m’a remercié sincèrement d’avoir été le seul à le saluer, à le toucher, à l’embrasser avant qu’il ne parte. Comme vous le voyez, je n’ai de leçons à recevoir de personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. L’homosexualité, ce n’est pas le sida !

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour fait personnel.

    M. Erwann Binet. Monsieur le président, je tiens à dire qu’aucun d’entre nous ne doit sa présence ici à ses capacités. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes tous ici par la volonté du peuple, à égale légitimité les uns et les autres.

    À titre personnel, je veux vous dire, monsieur Jacob, que je n’ai jamais cherché à jauger, à deviner, à évaluer les compétences et les capacités de quoi que ce soit. J’estime que les propos que vous avez tenus sont insultants pour la représentation nationale et pour le travail de la commission sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Par ailleurs, je tiens à remercier les membres de votre groupe qui ont tenu à me soutenir.

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

  • 3e séance du dimanche 3 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je voulais seulement faire observer que l’opposition est à cet instant majoritaire dans l’hémicycle.

    M. le président. Telle est la générosité de la majorité, qui essaie de vous faire partager ce doux sentiment lié au fait d’être majoritaire.(Sourires.)

    M. Christian Jacob. C’est une illusion !

    M. Bernard Debré. Une illusion éphémère !

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et a commencé la discussion de l’amendement n° 71 et des amendements identiques portant article additionnel avant l’article 1er bis.

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2554.

    M. François Scellier. Monsieur le président, quand on a été, comme vous-même et plusieurs de nos collègues, président d’un conseil général, avec la charge d’accorder les agréments à l’adoption, on a pu mesurer la lourde responsabilité que représentait cette partie de nos attributions.

    On a pu aussi mesurer combien les possibilités étaient réduites par rapport à la demande des couples, des hommes et des femmes, qui souhaitaient accueillir dans leur foyer un enfant.

    On peut donc craindre, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, que pour faire appliquer la loi que vous souhaitez faire adopter, ceux qui ont l’obsession d’établir des équilibres égalitaires en tout domaine ne souhaitent fixer des quotas s’il apparaissait, comme cela est possible et même probable, que seul un très faible nombre de couples de personnes de même sexe puisse bénéficier d’une adoption.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3002.

    M. Gérald Darmanin. Nous sommes toujours majoritaires ; c’est la force des convictions !

    M. Philippe Martin. C’est une pure illusion d’optique !

    M. Hervé Mariton. Je suis daltonien, mais je ne louche pas !

    M. Gérald Darmanin. Chers collègues, permettez-moi avant de défendre mon amendement de préciser un petit point de droit. Pour être rigoureux, il faut dire « la loi dispose » ou, éventuellement, « le contrat stipule », et non pas « la loi stipule », car pour employer le terme « stipuler », comme dans un contrat ou comme pour le mariage, il faut qu’il y ait au moins deux parties.

    Je ne doute pas, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que vous votiez cet amendement ; si vous ne le faisiez pas, vous persévéreriez dans votre erreur : alors tout le monde ici est très attaché à l’égalité, cet amendement vise justement à la consacrer dans le texte.

    Je conclurai ma présentation par une remarque. Un certain nombre de petits garçons et de petites filles lisent Alice au pays des merveilles – je cite le titre de ce livre avant que Mme Mazetier, avec sa police de la pensée, ne veuille le changer –. Il serait bon que dans la suite de cet ouvrage, François au pays des promesses, M. le Président de la République parle enfin des vrais problèmes des Français – la sécurité, le chômage, la vie quotidienne dans les quartiers populaires – et que soient inscrits à l’ordre du jour des textes qui sont la priorité non pas du Gouvernement mais des Français.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3015.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous voyons ces jours-ci dans différents domaines de la vie de notre pays une certaine énergie être dépensée pour faire en sorte que les différents « types de personnes » – je m’expliquerai sur ce terme – soient représentés de manière équivalente.

    Le dernier avatar en la matière est le projet de loi dont notre commission des lois sera saisie la semaine prochaine relative à l’instauration du binôme paritaire pour l’élection des conseils généraux. Petit à petit, l’idée se fait jour que, pour être sûr que les principes républicains fussent respectés, il faudrait que tout le monde fût traité à la toise, d’une manière arithmétique, au prix de l’abandon de la prise en compte de la diversité dans les différents aspects de la vie personnelle ou collective.

    M. Philippe Gosselin. C’est un scrutin unique au monde !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Contre cette forme assez subtile de pensée égalitaire – je vous épargnerai les mots en « -isme », pour plus tard dans la nuit – et afin d’éviter que cette frénésie ne gagnât également les instances qui décident de la sélection de familles désireuses d’accueillir des enfants,…

    M. Sébastien Pietrasanta. C’est confus !

    M. Philippe Gosselin. …nous souhaitons que toute forme de quota soit absolument impossible dans les circonstances que précise l’amendement.

    M. Sébastien Pietrasanta. C’est laborieux !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3140.

    M. Bernard Accoyer. La question des quotas est évidemment omniprésente dans l’action que conduit le Gouvernement, dont le souci et la préoccupation égalitaristes n’épargnent aucun domaine. Il est donc important de prendre quelques précautions pour éviter que l’attribution des enfants, si elle devait un jour avoir lieu dans le cadre défini par le projet de loi, ne réponde à ce type d’obligation, qui méconnaîtrait évidemment la priorité de l’intérêt et des droits de l’enfant.

    Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à contenir les effets négatifs, dangereux de ce texte, qui évite soigneusement de parler de l’enfant, mais qui en réalité décide de tout sur l’avenir de ce dernier.

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3147.

    M. Céleste Lett. La majorité se plaint souvent que l’opposition répète inlassablement les mêmes mots, ce qui génère chez elle les mêmes maux. Mais repetitio mater studiorum est (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), l’art de la pédagogie, c’est la répétition. À l’époque reculée où j’étais enseignant, il m’arrivait de répéter plus souvent à certains élèves. Permettez– d’autres auraient dit « souffrez » – qu’à propos de cet amendement je répète que ce projet de loi, non seulement irresponsable mais aussi funeste, organise – je reprendrai les mots du chauffeur de taxi qui m’emmenait hier à l’Assemblée – « la décadence de notre société » au prétexte de mener une révolution sociétale et de faire respecter le principe d’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Gwendal Rouillard. La décadence, c’est vous !

    M. Céleste Lett. Mais ce n’est pas une révolution copernicienne ; Mme Taubira n’est ni Copernic, ni Galilée. Alors que cette révolution-là nous a ouvert la voie de la vérité, vous, députés de la majorité, faites à nouveau tourner le soleil autour de la Terre ! Quelle révolution que celle d’emmener notre société dans les sens interdits de notre civilisation !

    Quant à votre argument de l’égalité, je vous rappelle qu’égalité n’est pas justice et que l’égalité a pu créer dans notre société de nombreuses situations contraires au bon sens, voire injustes. Dans le cas qui nous occupe, en raison de l’insuffisance du nombre d’enfants à adopter, je crains qu’on ne brandisse demain l’argument – ou le « sous-argument » – de l’égalité d’accès pour tous les couples, qu’ils soient formés de personnes de même sexe ou de personnes de sexe différent, pour appliquer des quotas, ce que nous ne souhaitons pas.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3219.

    M. Jacques Myard. Parce que dans le protocole d’adoption, seul l’intérêt de l’enfant doit primer, cet amendement met en place un nécessaire garde-fou.

    Madame la ministre, je souhaite revenir sur votre intervention musclée de cet après-midi, qui m’a profondément choqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il ne suffit pas d’avoir de la faconde et de manier avec talent notre langue – j’ai toujours plaisir à vous entendre, et cela ne date pas d’aujourd’hui – pour asséner des accusations mensongères contre l’opposition.

    Vous n’avez ni le monopole du cœur, ni celui de l’éthique républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez donc vos envolées et vos attaques fallacieuses ! En réalité, votre problème, madame la ministre – cela vous concerne également, mesdames, messieurs les députés de la majorité –, c’est que depuis le 13 janvier dernier, vous avez perdu la légitimité démocratique sur ce sujet, ce qui explique votre colère, qui était inadmissible.

    M. Michel Pouzol. Il n’y a qu’une légitimité : celles des urnes !

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3954.

    M. Éric Woerth. Depuis le début de la discussion, nous, les députés de l’opposition, ne poursuivons qu’un seul objectif, ne défendons qu’une seule idée : les droits de l’enfant passent avant ceux des adultes. La question en effet n’est pas celle de savoir si un enfant peut vivre heureux avec un couple d’homosexuels, ce que nous ne nions pas ; la question est, réellement, celle de la filiation.

    Ce texte tend davantage à créer des discriminations qu’il ne favorise l’égalité. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à faire preuve de prudence et à limiter les risques.

    Je souhaite enfin poser une question qui l’a déjà été : le Gouvernement prend-il l’engagement de suivre l’avis du Comité consultatif national d’éthique ?

    M. Nicolas Bays. Woerth et l’éthique !

    M. Éric Woerth. Vous n’avez en effet pas donné de réponse sur le sujet, madame la ministre ; j’aimerais en avoir une.

    M. Bernard Roman. Un avis c’est un avis !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l’amendement n° 4089.

    M. Bernard Debré. L’un de nos collègues a affirmé que les enfants séjournant dans des établissements pénitentiaires pour mineurs avaient été élevés par des familles hétérosexuelles. Cette constatation est d’évidence. Mais il semblait en conclure que les enfants élevés par des familles homosexuelles seraient peut-être plus calmes et risqueraient moins de devenir des délinquants.

    M. Gérard Sebaoun. Vous extrapolez !

    M. Bernard Debré. Une telle conclusion, absurde, pourrait entraîner l’établissement de quotas, pour que les familles qui puissent adopter soient des familles plus sûres que les autres, donc des familles homosexuelles.

    Nous l’avons répété et vous le savez bien, il est de plus en plus difficile d’adopter des enfants. Près de 80 % des enfants adoptés sont issus de pays étrangers, qui pour beaucoup vont fermer l’adoption aux Français, précisément à cause du présent projet de loi – cela a été évoqué en commission. Il restera donc peu d’enfants français à adopter.

    M. Michel Pouzol. Tant mieux !

    M. Bernard Debré. Un tel constat mène droit au quota, ce qui serait absurde et dangereux. Un enfant – nous n’avons cessé de le répéter – a besoin d’un père et d’une mère ; c’est tout à fait fondamental pour son équilibre. C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4658.

    Mme Annie Genevard. Le législateur a eu la sagesse en 2011 d’effacer la prééminence du désir d’enfant au profit de ce qui doit demeurer notre boussole, et qui peut se réduire à une question simple et essentielle : ce qui est bon pour l’enfant et conséquemment, pour l’homme ou la femme qu’il deviendra.

    En ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, vous leur donnez accès au droit d’adopter. Nous, nous croyons qu’il est bon, qu’il est mieux pour un enfant d’être élevé par un père et par une mère, qu’ils soient biologiques ou adoptifs.

    Vous nous objectez que ce modèle n’est pas le seul en vigueur, et vous avez raison, puisque les célibataires peuvent également adopter. Je me permettrai de vous rappeler que si l’adoption est ouverte aux célibataires, cela résulte d’un fait d’histoire : au lendemain de la guerre, il y avait beaucoup d’orphelins et beaucoup de veuves.

    La donne est aujourd’hui complètement différente. Les enfants adoptables sont très peu nombreux, vous le savez ; ils le seront encore moins demain puisque l’adoption se fermera à l’international. Or les homosexuels, si la loi est adoptée, exigeront son application, ce qui paraît tout à fait normal.

    Dans ce contexte de rareté, et pour la paix des ménages, il y a un risque que des quotas soient instaurés. C’est alors l’intérêt des candidats à l’adoption qui primera sur celui de l’enfant. Et de cela, nous ne voulons pas. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4279.

    M. Claude Sturni. Je serai peut-être un peu redondant (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), mais il me paraît essentiel, chers collègues, que vous écoutiez l’ensemble de nos contributions, puisque débat il doit y avoir dans cet hémicycle.

    Nous le savons, le nombre d’enfants adoptables est très inférieur à celui des candidats à l’adoption. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’écouter ces nombreux couples – nous en connaissons tous – déçus par une trop longue attente, inquiets ou impatients de pouvoir concrétiser leur projet de couple. C’est une réalité aujourd’hui.

    Le présent texte a pour objet notamment d’ouvrir l’adoption à des couples de personnes de même sexe. Cela n’augmentera pas le nombre d’enfants adoptables, bien au contraire, mais le nombre d’adoptants potentiels croîtra. Pour toutes les raisons déjà développées par mes collègues, il est important que soit voté cet amendement, qui vise expressément à prohiber toute instauration, au nom de ce principe d’égalité souvent mis en avant, de quotas visant à favoriser l’adoption par des couples de personnes de même sexe.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir le sous-amendement n° 5383 à l’amendement n° 71 que M. Marc Le Fur a précédemment présenté.

    M. Guillaume Larrivé. Mme la garde des sceaux s’est montrée tout à l’heure peu sensible à l’interrogation que nous avons formulée s’agissant du Comité consultatif national d’éthique. Peut-être sera-t-elle plus sensible à l’avis d’une autre autorité, l’Académie des sciences morales et politiques, où il est indiqué qu’« admettre qu’un couple unissant des personnes de même sexe puisse se substituer au père et à la mère biologiques soulève des problèmes sérieux en ce qui concerne le destin de l’enfant adopté ».

    Nous tenons à ce que ces « problèmes sérieux » ne soient pas aggravés. C’est pourquoi nous présentons ces amendements, qui prévoient d’empêcher toute logique de quota visant à « faciliter » – la nuance est sémantique – l’égal accès à l’adoption des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent. Nous souhaitons ainsi marquer notre opposition à cette dérive.

    M. le président. Sur les amendements identiques n° 71 à 5046, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et cette série d’amendements identiques.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Dans la même logique que celle qui consistait à prohiber dans la loi le droit à l’enfant, qui n’existe pas, l’opposition nous propose d’interdire des quotas, qui n’existent pas. Le Gouvernement reste rationnel et lucide malgré l’heure ; il émet donc un avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément. Je me félicite qu’il y ait peu d’enfants à adopter à l’international car cela signifie que les pays dont ils étaient originaires peuvent aujourd’hui leur offrir des possibilités d’accueil, dans le milieu qui est le leur.

    M. Christian Assaf. Tout à fait.

    M. Jean-Michel Clément. Au-delà cependant du texte de l’amendement et de son exposé des motifs, il y a surtout ce que vous n’osez pas écrire, et que vous n’avez pas manqué de dire et de répéter.

    M. Bernard Accoyer. Oh, ça va !

    M. Jean-Michel Clément. Plusieurs interprétations de cet amendement sont effectivement possibles.

    La première suggère que l’adoption sollicitée par des couples de personnes de même sexe ne saurait excéder les demandes formulées par des couples hétérosexuels.

    L’exposé des motifs fournit la seconde interprétation : au cas où il n’y aurait pas de demande d’adoption formulée par des couples hétérosexuels, il faudrait, par voie de conséquence, en priver les couples homosexuels– certains propos douteux l’ont confirmé.

    M. Bernard Accoyer. Nous pouvons ne pas être d’accord !

    M. Jean-Michel Clément. La démonstration est claire et ce que craignait Mme Marie-George Buffet tout à l’heure se vérifie : vous niez le droit à l’adoption des couples de personnes de même sexe.

    M. Patrick Ollier. Nos conceptions sont différentes.

    M. Jean-Michel Clément. Depuis le début de ces débats, nous sommes en plein obscurantisme moyenâgeux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cet amendement ne fait que le confirmer.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Notre amendement ne sera sans doute pas adopté et subira le même sort que les précédents, mais, mes chers collègues, ne vous bercez pas d’illusions.

    Un député SRC. Vive les Lumières !

    M. Éric Woerth. Ce n’est pas parce que vous êtes majoritaires dans cet hémicycle que vous avez raison. Vous avez au contraire grandement tort sur ce texte, et nous l’avons démontré.

    Madame la garde des sceaux, vous nous avez dit que le Gouvernement était rationnel et lucide. Pourriez-vous donc, avec rationalité et lucidité, répondre aux deux questions majeures qui ont été posées : comment l’aide sociale à l’enfance va-t-elle attribuer les enfants adoptables aux parents candidats à l’adoption ? Vous n’avez donné, pour l’heure, aucune réponse. S’agissant de la PMA, il y a eu beaucoup de couacs cet après-midi au sein du Gouvernement, entre le Premier ministre et ses ministres, et avec le président du groupe SRC. Nous voyons bien que les hésitations persistent. Le Gouvernement s’engage-t-il donc à respecter l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur la PMA lorsqu’il sera rendu ?

    M. Olivier Dussopt. Quel est le rapport ?

    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5383.

    (Le sous-amendement n° 5383 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 71, 127, 350, 384, 396, 465, 524, 601, 702, 964, 1200, 1247, 1418, 1479, 1674, 1741, 2041, 2201, 2554, 3002, 3015, 3140, 3147, 3219, 3954, 4089, 4279, 4658 et 5046.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 213

    Nombre de suffrages exprimés 213

    Majorité absolue 107

    Pour l’adoption 73

    contre 140

    (Les amendements identiques nos 71, 127, 350, 384, 396, 465, 524, 601, 702, 964, 1200, 1247, 1418, 1479, 1674, 1741, 2041, 2201, 2554, 3002, 3015, 3140, 3147, 3219, 3954, 4089, 4279, 4658 et 5046 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Nous en venons maintenant à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1922, qui fait l’objet de deux sous-amendements nos 5378 et 5385.

    M. Hervé Mariton. Nul ne peut avoir plus de deux parents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a pas de quoi ricaner, si l’on en juge les décisions qui ont été prises dans certains pays ! Comme une partie de ce qui justifie pour vous le mariage des personnes de même sexe – la filiation, l’adoption, et au-delà avec le projet de loi de Mme Bertinotti –, c’est la comparaison à l’international afin d’être dans le sens de l’histoire et surtout de ne pas rater le coche, il faut être attentif aux mécanismes que d’autres pays ont pu enclencher, mes chers collègues !

    Dans certains pays, des décisions de justice récentes ont dûment constaté la présence de plus de deux parents – trois parents en particulier. L’un des risques de ce projet de loi est donc bien que la multiparenté soit reconnue. Nous préférons dans ces conditions mettre les points sur les « i ». Aussi complexes soient les schémas familiaux que vous pouvez imaginer, il faut absolument éviter qu’un enfant ait plus de deux parents. Sinon, vous créerez vite des situations où les parents choisiront l’enfant et l’enfant, ses parents.

    On a connu cela sous Rome, avec des systèmes de répudiation. Vous nous expliquez que le schéma familial dans lequel nous sommes n’existe pas de toute éternité : nous ne souhaitons pas qu’un parent puisse répudier son enfant car celui-ci aurait d’autres parents, ou qu’un enfant puisse répudier ses parents.

    Enfin, monsieur le président, je remarque que la majorité a fini par être majoritaire dans l’hémicycle. Mais quel malaise pouvait bien être le vôtre, chers collègues, après les péripéties de cet après-midi concernant la PMA et son inscription dans la loi sur la famille, pour que vous ayez mis tant de temps à regagner vos bancs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les sous-amendements nos 5385 et 5378.

    M. Marc Le Fur. Je note, madame la garde des sceaux, que vous siégez sur les bancs du Gouvernement en l’absence de Mme la ministre de la famille ce qui est bien dommage s’agissant de sujets touchant à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Justement, elle arrive ! (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.)

    M. Marc Le Fur. Le Parlement est écouté ! Je ne peux que m’en réjouir !

    Le sous-amendement n° 5385 vise à préciser que l’enfant ne peut avoir plus de deux parents, qu’ils disposent ou non de l’autorité parentale. Un certain nombre de groupes, souvent inspirés par des théories d’extrême-gauche, voudraient collectiviser la fonction parentale. Cela est très inquiétant et rappelle de redoutables utopies, remontant notamment à l’époque maoïste.

    Mon sous-amendement n° 5378 fixe pour principe que l’amendement défendu par Hervé Mariton insère dans le code civil une disposition d’ordre public. C’est-à-dire que le juge pourra s’emparer de ce moyen, même s’il n’est soulevé par personne. Il s’agira donc d’un élément de protection pour les enfants. Cela devrait nous permettre d’éviter les dérives, certes sympathiques si l’on ne veut voir que ces immeubles collectifs où tout le monde vit ensemble, mais redoutables pour les enfants.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2971.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais appeler l’attention de notre assemblée, et la vôtre en particulier, monsieur le président, sur le fait que le rapporteur a fait savoir par le biais des moyens de communications électroniques que la position du Gouvernement sur la PMA ne lui convenait pas. Peut-il nous le confirmer ou va-t-on assister, ce soir encore, à une sorte de fracture entre la commission des lois, la majorité de l’Assemblée et le Gouvernement sur ce sujet ? J’aimerais avoir quelques précisions utiles, et mon amendement est ainsi défendu, mes collègues l’ayant fait excellemment juste avant moi.

    M. Bruno Le Roux. Ils n’ont plus rien à dire ! Ils sont à sec !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3054.

    M. Patrick Hetzel. Cet amendement prévoit que nul ne peut avoir plus de deux parents vivants. Nous privilégions le recours au dispositif de la délégation d’autorité parentale, car, de manière cohérente, nous considérons qu’il faut privilégier la cellule familiale, qui est le creuset de l’éducation des enfants, et la protéger chaque fois que cela est possible, car il en va de l’intérêt de l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3406.

    M. Bernard Accoyer. Cet amendement vise à limiter les conséquences du projet de loi, qui occulte soigneusement celui qui en supportera les effets : l’enfant. Il apporte un certain nombre de garanties, en soulevant la question de la multiparentalité, défendue par plusieurs de nos collègues de la majorité, comme par notre rapporteur – cela ressort bien d’une lecture attentive de son rapport.

    Nous ne nions pas les difficultés que rencontrent les familles où deux parents de même sexe élèvent un enfant, qu’ils ont eu ou dont ils ont obtenu la garde, mais il existe dans ces cas-là des délégations d’autorité parentale ou la tutelle testamentaire.

    Il s’agit pour nous de pointer les problèmes innombrables que ce texte va engendrer avec le mariage donc l’adoption, l’adoption donc la PMA, la PMA donc la gestation pour autrui. Encore qu’il règne depuis le début de la journée la plus grande confusion sur ces sujets, confusion à laquelle n’a pas mis fin le tweet du président Le Roux, qui essayait de faire croire, sur un plateau de télévision, que la majorité était attentive au chômage, alors qu’elle est entièrement mobilisée ici pendant quinze jours pour parler du mariage pour tous.

    M. Dominique Baert. À cause de qui ?

    M. Bernard Accoyer. Il s’agit pour nous de prévenir d’innombrables complications psychologiques, juridiques et successorales.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1922 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements et ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ils mettent un terme à l’existence de l’adoption simple, qui permet d’avoir plus de deux parents vivants. L’avis est donc défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable pour exactement la même raison.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Ce n’est pas avec des pirouettes, monsieur le rapporteur ou mesdames les ministres, que vous allez pouvoir vous en sortir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La question que nous vous posons, nous vous l’avons déjà posée : pourquoi se limiter à deux personnes dans un mariage, quand on nie l’altérité sexuelle ? Vous n’avez jamais répondu, et je vous le demande donc de nouveau : si vous ne fondez pas le mariage sur l’altérité sexuelle, qu’est-ce qui empêche trois personnes qui s’aiment, trois hommes, deux hommes et une femme, deux femmes et un homme ou bien trois femmes, de se marier ? Comment refuserez-vous ces demandes, qui existent dans la société ? Et n’agitez pas comme toujours la question de la polygamie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux. Décadent !

    M. Xavier Breton. C’est vous qui êtes décadents, car c’est vous qui finirez par autoriser le mariage entre trois personnes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons, nous, nos raisons pour le refuser, car nous croyons en l’altérité sexuelle, alors que vous n’avez aucune limite !

    Nous vous posons donc la question à propos des parents : pourquoi allez-vous empêcher qu’il y ait trois parents. Je cite Mme Agacinski, en m’excusant de remuer le couteau dans la plaie : « La différence sexuelle reste fondamentale dans la construction de la filiation, sinon pourquoi deux plutôt que trois ou plus ? » Répondez à la question ! Et pas avec des pirouettes,…

    M. Nicolas Bays. Ringard !

    M. Xavier Breton. …mais en donnant votre avis personnel, votre conception du mariage et de la filiation, au-delà de l’idéologie.

    M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

    M. Mathieu Hanotin. Hier, j’avais l’impression que nous avions découvert dans cette enceinte un nouveau mot, celui d’altérité ; aujourd’hui, c’est plutôt celui d’amalgame, et nous ne pouvons que le regretter.

    Chers collègues de l’opposition, depuis le début de nos débats, une question ne cesse de revenir dans nos échanges, celle du droit de l’enfant. Vous vous appuyez à cet égard sur des témoignages très précis, qu’ils émanent de maîtres de conférence à Paris XII, de spécialistes autoproclamés ou autres experts, mais il y a une catégorie de personnes que vous ne citez jamais, ce sont celles qui sont directement concernées :…

    M. Xavier Breton. Les militants !

    M. Mathieu Hanotin. …les enfants qui vivent aujourd’hui dans des familles homoparentales. Il est terrible que vous n’ayez pas réussi à trouver un seul témoignage d’enfant martyrisé ou qui réprouve l’éducation qu’il aurait reçue dans une famille homoparentale.

    Je vous invite à écouter les témoignages de ces enfants, élevés dans des familles homoparentales. Ce qu’ils nous ont dit et ce que disent leurs associations, c’est que leur problème tient à la sécurité juridique et non au fait d’avoir deux mères ou deux pères. Tout au long de leur vie, dès l’école, cela a été un problème. Ils ont vécu avec la peur que leur parent légal décède, et que s’ajoute à ce deuil la séparation d’avec l’autre parent réel. Voilà la réalité à laquelle vous refusez de vous confronter. Écoutez donc ces enfants, et arrêtez de vous servir d’eux comme de faire-valoir !

    M. Xavier Breton. Ces enfants vivent avec deux hommes, pas avec deux pères, ne confondez pas !

    M. Mathieu Hanotin. L’ouverture du mariage concerne les adultes, mais, avec l’adoption, on ne s’occupe pas des parents ou des homosexuels qui veulent se marier. C’est le droit de l’enfant qui est au cœur de notre projet sur l’adoption, projet qui défend les intérêts supérieurs de l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Il faut faire attention à certains arguments avancés avec passion. On ne peut en même temps convenir qu’il faut se pencher sur le statut du tiers parent et s’enflammer en affirmant que la loi de la nature n’admet qu’un papa et une maman. Ce n’est pas vrai et, dans la loi de la nature, il y avait souvent beaucoup de papas sur la même maman !

    M. Bernard Accoyer. Ça dérape ! Voilà une réponse strauss-kahnienne !

    M. Bernard Roman. Heureusement donc que le droit est venu réguler tout cela. J’ajoute que vous devriez remercier le Gouvernement, et notamment la ministre de la famille et la garde des sceaux, d’avoir inscrit dans le code civil une définition du mariage, jusqu’alors implicite, en insérant un article 143 qui précise que « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Voilà qui devrait vous rassurer.

    M. Xavier Breton. Pourquoi pas entre trois personnes ?

    M. Bernard Roman. Parce que nous avons écrit que c’était entre deux personnes, ce qui ne figurait pas auparavant dans le code. Vous ne pourrez donc plus donner cours à vos penchants fantasmagoriques !

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Je voudrais évoquer un article que vous avez sans doute lu concernant deux hommes, dont l’un s’appelle Jérôme et l’autre François. Ils ont quarante ans, mènent en couple une vie stable et décident d’avoir un enfant. Ils contactent une agence dans le Wisconsin, à Madison, pour trouver une donneuse d’ovocytes. Je cite : « Le couple la veut non anonyme pour que leur enfant puisse un jour la contacter. Arrive un fichier avec deux cents profils agrémentés de photos. C’est un peu effrayant, dit l’un d’eux, de se dire que l’on va choisir dans un catalogue la personne qui va donner son patrimoine génétique à ses enfants. […] La donneuse trouvée, il faut ensuite chercher une mère porteuse. »

    M. Xavier Breton. Cela fait rire nos collègues !

    Mme Annie Genevard. « Pourquoi deux femmes ? Cela permet d’installer une distance émotionnelle. […] On a monté un dossier avec nos photos, nos voyages, nos goûts […]. Six mois plus tard, l’agence, comme une marieuse, dit l’un des deux hommes, nous “matchait” avec une famille qui nous correspondait. […] Jérôme et François, qui veulent tout partager harmonieusement, ont une requête particulière : ils souhaitent concevoir chacun un embryon. Deux embryons seront donc transférés… et tous deux s’implanteront ! »

    Un député du groupe SRC. Il n’est pas minuit, ce n’est pas la messe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Xavier Breton. Quelle intolérance

    Mme Annie Genevard. C’est n’importe quoi ! Vous pouvez rire monsieur Le Roux, mais tout ça s’est fait au prix d’un crédit à la consommation…

    M. Bernard Roman. Quel est le rapport avec le texte ?

    Mme Annie Genevard. …et, au final, ces enfants auront quatre parents : un père biologique, un père social, une mère donneuse d’ovocytes et une mère porteuse ! Vous trouvez ça normal ?

    (Les sous-amendements nos 5385 et 5378, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1922, 2971, 3054 et 3406.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 220

    Nombre de suffrages exprimés 220

    Majorité absolue 111

    Pour l’adoption 69

    contre 151

    (Les amendements identiques, nos 1922, 2971, 3054 et 3406 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Ce matin, M. le ministre en charge des relations avec le Parlement est intervenu pour rappeler la position du Premier ministre, telle qu’elle lui a été communiquée depuis l’étranger.

    Cette position, assez claire, nous a permis de constater que le Gouvernement souhaitait surseoir au texte relatif à la famille, considérant qu’il était important d’obtenir tout d’abord l’avis du Comité consultatif national d’éthique.

    Si nous sommes troublés, c’est parce que M. le rapporteur utilise les réseaux sociaux parallèlement à notre activité dans l’hémicycle : il vient ainsi de tweeter : « soumettre la décision du Parlement à l’avis du Comité national d’éthique est un déni de démocratie ».

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est faux !

    M. Patrick Hetzel. J’aimerais, pour que nous puissions éclairer de manière satisfaisante nos travaux, qu’il précise dans quelle direction la majorité souhaite véritablement aller.

    Le rapporteur dit une chose, le Gouvernement une autre ; tout cela crée évidemment un trouble, qui ne permet pas de mener un débat serein.

    En tout état de cause, peut-être conviendrait-il que nous interrogions sur la pertinence à permettre l’envoi de tweets depuis l’hémicycle. C’est même une question de fond, parce que le vrai déni de démocratie est de privilégier les réseaux sociaux par rapport au travail effectué dans l’enceinte de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Il n’est pas normal que le rapporteur tweete !

    M. le président. Monsieur Hetzel, la question des tweets est plus facile à poser qu’à résoudre, sachez-le !

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n° 2179.

    Mme Barbara Pompili. Permettez-moi d’abord, monsieur le président, de m’adresser à M. Mariton. Vous avez parlé, cher collègue, à propos de l’amendement précédent sur lequel nous venons de nous prononcer, de deux parents, sans plus faire mention de « père » et de « mère » : cela m’a vraiment étonnée.

    Le présent amendement vise à ouvrir le droit à l’adoption aux couples liés par un pacte civil de solidarité. Nous essayons, avec ce projet de loi, de rétablir l’égalité des droits. Or, l’un des arguments avancés pour refuser l’ouverture de l’adoption aux couples pacsés reposait sur le refus de l’adoption par les couples de même sexe.

    Dans la mesure où, aujourd’hui, ce droit est ouvert aux couples de même sexe mariés, il n’y a plus lieu de l’interdire aux couples pacsés, d’autant plus que les personnes célibataires disposent du droit d’adopter.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements et sur les amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons souvent abordé ce sujet lors des auditions. Il n’y a effectivement plus de raison aujourd’hui de refuser l’adoption aux couples pacsés.

    Néanmoins, la commission a jugé préférable de renvoyer cette disposition à la prochaine loi relative à la famille, dans laquelle elle trouverait tout son sens.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Jean-François Lamour. C’est une loi fourre-tout !

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a donc donné un avis défavorable à l’adoption de cet amendement dans le cadre d’un projet de loi qui concerne exclusivement des personnes de même sexe.

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. La question soulevée par Mme Pompili est intéressante. Cependant, je reprendrai le même argument que celui avancé par le rapporteur, en lui demandant de bien vouloir retirer ce dernier amendement, qui pourrait être examiné lors de l’élaboration de la loi relative à la famille.

    À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement serait défavorable, comme il l’est sur les autres.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

    M. Bernard Accoyer. Nous constatons, avec cet amendement, que tout converge à faire tomber les masques. En effet, le rapporteur vient de dire très clairement – et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de ne pas cacher autant que d’autres l’objectif poursuivi – que ce texte ne vise qu’à répondre au désir d’enfant des couples mariés – à l’avenir, si ce texte est adopté – formés par deux personnes de même sexe.

    M. Bernard Roman. Parce que selon vous, ils n’en ont pas le droit ?

    M. Bernard Accoyer. C’est véritablement créer un droit à l’enfant. Avec cet amendement, avec la réponse du rapporteur, et avec ce qu’a ajouté la ministre de la famille – pourtant recadrée cet après-midi par le Premier ministre –, on comprend bien que vous avancez en cachant aux Français ce que recèle ce texte.

    Vous affirmez qu’il ne traite que de mariage ; or, le mariage, c’est l’adoption laquelle, pour un couple hétérosexuel stérile, vaut accès au droit à la PMA ! Tout cela, évidemment, au nom de l’égalité, puisque vous n’avez que ce mot-là à la bouche !

    M. Dominique Baert. Ce n’est pas à vous que cela arriverait !

    M. Bernard Accoyer. Immanquablement, le projet de loi donnera accès à la GPA pour les couples formés par deux hommes. Telle est la réalité que démasque enfin cet amendement, que nous ne pouvons évidemment pas adopter !

    M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

    Mme Barbara Pompili. Dois-je rappeler à notre collègue que l’égalité fait partie de la devise de notre République ?

    Madame la ministre, en effet, les couples pacsés ne sont pas seulement des couples homosexuels ; beaucoup sont formés d’hétérosexuels. Dans la mesure où vous nous assurez que cela fera partie de la future loi sur la famille, que nous espérons fortement pour la fin de l’année, nous retirons notre amendement.

    M. Jacques Myard. Ce sont des écolos élastiques !

    (L’amendement n° 2179 est retiré.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un « vrai » rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Il va bientôt me falloir envoyer au président le texte de mes rappels au règlement pour avoir la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le président, nous sommes confrontés à une difficulté concernant le déroulement même de la séance : alors que nous souhaitons déposer des sous-amendements, lesquels, en application de l’article 99, alinéa 3, de notre règlement, ne sont soumis à aucun délai, il nous est imposé de les enregistrer via le logiciel ELOI. Je comprends bien que la raison en est technique, mais elle conduit à introduire des délais, ce qui est parfaitement contradictoire avec le règlement.

    Il n’y a pas, monsieur le président, de rappel au règlement plus « rappel au règlement » !

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai : cela ne peut pas être plus technique.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous admettez donc que vos précédents rappels au règlement n’en étaient pas !

    M. le président. Je reconnais bien volontiers qu’il s’agit d’un vrai rappel au règlement.

    Cela étant, pour pouvoir traiter convenablement un sous-amendement, encore faut-il un certain délai entre le moment où il est déposé et celui où il est examiné.

    C’est pourquoi tous les sous-amendements qui arriveraient en dernière minute, comme cela s’est produit ces derniers temps, ne pourront pas être examinés faute de pouvoir les intégrer dans le texte.

    M. Marc Le Fur. Le droit d’amendement est un droit sacré !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je peux comprendre que des délais de distribution soient nécessaires ; mais il appartient à la présidence de s’assurer qu’ils ont été déposés.

    La transmission sur support papier d’un sous-amendement reste-elle d’ailleurs possible ?

    M. Marc Le Fur. Bien sûr ! Cela a toujours été le cas !

    M. Bernard Accoyer. Évidemment !

    M. Hervé Mariton. Quelle disposition du règlement de l’Assemblée l’interdirait ?

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, vous aurez constaté que les vrais rappels au règlement prennent beaucoup plus de temps et perturbent bien davantage le déroulement de la séance que les autres ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Dominique Baert. Il y en a d’autres qui perturbent la séance !

    M. Hervé Mariton. Je vois que mes collègues n’ont pas beaucoup le sens de l’humour à ce moment de nos débats !

    Nous avons déposé vingt-deux sous-amendements et j’ai compris que quelques amendements du rapporteur l’avaient été également.

    Nous pensons, et aucune règle ne semble devoir nous être opposée, qu’il n’y a pas de délai pour déposer un sous-amendement. Le règlement de notre Assemblée est clair. Nos sous-amendements doivent donc pouvoir être traités.

    Je comprends qu’il faille un peu de temps aux services de l’Assemblée, mais les contraintes applicables aux amendements ne s’appliquent pas aux sous-amendements. La présidence ne peut pas refuser nos sous-amendements pour autant qu’ils lui soient effectivement parvenus matériellement.

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. La discussion en séance publique de ce texte a été précédée par un examen long et attentif en commission. Il reviendra ici après avoir été examiné par le Sénat, et compte tenu des délais, son adoption définitive devrait intervenir au mois de juin ou juillet.

    Vous avez déposé, chers députés de l’opposition, plus de 5 000 amendements, et c’est votre responsabilité. Alors que nous siégeons depuis plusieurs jours, tout à coup vous nous annoncez toute une série de sous-amendements. Dans la mesure où ils n’ont pas été examinés par la commission, je vais donc demander, au nom du Gouvernement, l’application d’un droit que vous avez appliqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le président, conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement s’oppose à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Rappel au règlement !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ce que vous faisiez sous la précédente législature, quand nous présentions des propositions de loi !

    M. le président. Mes chers collègues, le Gouvernement oppose les dispositions de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution aux sous-amendements nos 5391, 5392, 5373, 5384. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Je consulte la commission pour savoir si les sous-amendements lui ont été soumis.

    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Bernard Accoyer et M. Patrick Ollier. Rappel au règlement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un déni de démocratie !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, je vais me permettre de rappeler quelques éléments, de façon que chacun sache dans quel cadre le droit d’amendement est organisé dans cet hémicycle.

    M. Michel Herbillon. Respectez les droits de l’opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Le projet de loi dont nous discutons a été déposé le 7 novembre 2012.

    À la demande de la commission des lois, ce texte a bénéficié d’un délai particulièrement long avant son passage en séance puisqu’il a été déposé douze semaines avant l’examen du texte, soit le double du délai de six semaines mentionné à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

    M. Hervé Mariton. Mais ensuite vous avez modifié le texte !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission. Le délai de dépôt des amendements en commission avait été fixé au 11 janvier 2013…

    M. Marc Le Fur. Mais là nous parlons de sous-amendements, pas d’amendements !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …à dix-sept heures, ce qui fait près de dix semaines pour préparer les amendements.

    M. Bernard Accoyer. On vous a connu plus exigeants quand vous étiez dans l’opposition !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous avons enregistré en commission plus de 600 amendements. C’est la preuve que l’opposition a parfaitement pu exercer son droit d’amendement.

    M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement n’a pas arrêté de valser !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. L’examen des 600 amendements déposés devant la commission a eu lieu le mardi 15 et le mercredi 16 janvier 2013, après près de vingt-deux heures de débat.

    Le texte de la commission a été mis en ligne le jeudi 17 janvier à dix-neuf heures dix. L’alinéa 4 de l’article 86 a été parfaitement respecté puisque douze jours et non sept jours se sont écoulés entre la mise à disposition du texte de la commission et le début de l’examen du projet de loi en séance publique.

    L’opposition a largement pu déposer ses amendements puisque nous en avons enregistré 5 370 pour quatorze articles soit en tout 110 alinéas. Cela représente donc 500 amendements par alinéa.

    M. Céleste Lett. Prenez les baïonnettes !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Tous ces amendements ont été examinés…

    M. Hervé Mariton. De manière expéditive !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …soit au titre de l’article 88, soit de l’article 91, les 29 et 30 janvier.

    Mes chers collègues, vous aviez donc tout le temps nécessaire pour déposer vos amendements et donc de pouvoir exercer votre droit d’amendement.

    M. Patrick Ollier. On le sait !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Même si vous me coupez la parole, cela n’interrompra pas la logique de ma démonstration.

    Le 16 janvier 2009, à l’occasion de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, l’Assemblée étant alors présidée par Bernard Accoyer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), l’opposition avait déposé des sous-amendements. Le président Accoyer avait alors demandé au Gouvernement d’utiliser l’article 44, alinéa 2, comme vient de le faire Alain Vidalies. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. M. Accoyer fait moins le malin aujourd’hui !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je me souviens très nettement de ce moment puisque nous avions saisi le Conseil constitutionnel pour lui demander de déclarer non conforme à la pratique constitutionnelle l’usage de l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements.

    Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 2009, a déclaré l’application de l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements, conforme à la pratique constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Mais il n’y avait pas eu d’amendement-balai !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, je suis donc au regret de vous confirmer que la demande du Gouvernement d’opposer l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements est valide si tant est que la commission n’ait pas examiné les sous-amendements. À compter de cet instant, la commission n’a examiné aucun sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Les sous-amendements n’ayant pas été soumis à la commission, la présidence, conformément à l’article 100, alinéa 3, du règlement constate qu’il n’y a pas lieu d’en délibérer.

    La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement, et ce sera le seul !

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous sommes dans un cas typique où le président des lois et le Gouvernement cherchent à bâillonner l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Thomas Thévenoud. Cela fait six jours que vous parlez !

    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Nous sommes à un moment de la discussion qui demande un peu de clarté !

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, il faut calmer les rangs de la majorité !

    M. Christian Jacob. Vous le savez, nos débats peuvent durer douze jours ou un mois, si vous le souhaitez !

    L’article 99 de notre règlement prévoit bien qu’un traitement particulier est réservé aux sous-amendements.

    M. Philippe Gosselin. Eh oui !

    M. Christian Jacob. J’invite le président de la commission des lois à relire cet article. Si on y parle des amendements, ce n’est qu’à l’alinéa 3 qu’il est fait référence aux sous-amendements. Ces derniers ont donc bien un statut particulier.

    Quant à l’article 44 de la Constitution, il dispose en son deuxième alinéa qu’après l’ouverture du débat, « le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission ».

    Si vous faites bien référence, monsieur le ministre, à cet article, il ne s’agit en l’occurrence que d’amendements. En aucun cas il n’y est fait allusion aux sous-amendements. Cet article 44 ne peut donc leur être appliqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à le M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. « Bâillonner l’opposition » ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il est vraiment risible qu’après deux heures d’absence, M. Jacob revienne pour faire le clown, comme cela, dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Clown, c’est un métier et quand c’est fait avec talent, c’est plutôt pas mal, n’est-ce pas monsieur Jacob ? (Mêmes mouvements.)

    Dans cet hémicycle, quand on sème quelque chose, on le récolte toujours. Quand on veut bâillonner l’opposition, comme vous l’avez fait ces dernières années, on institue le temps législatif programmé. Or nous n’avons pas voulu recourir à cette invention de M. Accoyer, qui aurait bâillonné l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La réalité, je la dirai simplement : c’est parce que vous êtes faiblement mobilisés que vous cherchez à déposer des sous-amendements pour essayer de continuer à faire durer les choses.

    Sachez mieux gérer aujourd’hui votre manque de conviction que d’aller chercher des choses que n’existent pas dans ce texte pour mobiliser les députés qui sont ici et surtout, monsieur Jacob, ne revenez pas toutes les deux heures pour nous faire ce numéro qui est grotesque s’agissant des droits de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je veux avoir la correction de répondre au président Jacob.

    J’ai essayé dans ce débat de ne pas être trop bavard, de façon à me limiter à ce qui me paraît relever des prérogatives du président de la commission des lois, profitant du fait que je bénéficie d’un rapporteur particulièrement compétent, disponible et dont personne ne peut mettre en cause la qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous avez, monsieur le président Jacob, évoqué l’article 99, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale, qui mentionne effectivement qu’il n’y a pas de délai pour les sous-amendements. Personne ne conteste ce point.

    Mais cela n’obère pas la capacité du Gouvernement à utiliser l’article 44, alinéa 2, opposable aux sous-amendements.

    M. Christian Jacob. Aux amendements !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Est-ce que les sous-amendements sont assimilables aux amendements au titre de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution ? Dans le débat de 2009 sur la loi organique, le Gouvernement avait utilisé ce même argument : vous aviez alors opposé l’article 44, alinéa 2, à des sous-amendements que nous avions déposés. J’avais, au nom de mon groupe, fait la même remarque que celle que vous venez de faire à l’instant – c’est pourquoi j’ai les idées assez claires en l’espèce.

    J’étais tellement sûr de moi que dans les arguments que nous avions envoyés au Conseil constitutionnel, puisqu’il s’agissait en l’occurrence d’une transmission automatique, j’avais justement développé deux paragraphes dans lesquels j’essayais de démontrer que sous-amendement ne valait pas amendement. Je dois vous dire ma souffrance quand le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 2009, m’a renvoyé à mes études de droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, je demande aux uns et aux autres de se préparer au fait que la séance durera plus longtemps que ce que j’avais annoncé, compte tenu des différentes procédures engagées depuis une heure.

    La parole est à M. Bernard Accoyer.

    M. Bernard Accoyer. Je voudrais dire au président Le Roux que si une autre procédure avait été choisie par la majorité pour ce débat, ce dernier serait apaisé. Si les tensions que l’on sent sont particulièrement pénibles pour tout le monde, elles sont dues au fait que nos interventions sont sans cesse interrompues, ce qui est insupportable. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Un vrai débat tel que celui que nous avions eu sur la loi bioéthique – et vous nous en aviez remerciés à l’époque, quand vous étiez dans l’opposition –, n’aurait pu avoir lieu qu’avec le temps législatif programmé.

    M. Bruno Le Roux. Pourquoi ne l’avez-vous pas demandé alors ?

    M. Bernard Accoyer. Avec un temps programmé de cinquante heures, le débat aurait duré deux semaines, et nous n’aurions pas passé un dimanche entier ici alors que les Français ont d’autres préoccupations !

    Quant à M. le président de la commission des lois, il vient de nous dire qu’il s’était fait l’avocat des droits de l’opposition. Je dis à l’homme qu’il est, au parlementaire qu’il est, qu’il pourrait comprendre notre état d’esprit en un moment où nous venons d’apprendre qu’une partie de la majorité souhaitait le droit adoption pour les couples pacsés, ce qui va bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer : je lui demande de comprendre que les droits de l’opposition doivent aussi se décliner quand on est dans la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je rappellerai d’abord à mon collègue M. Le Roux que la séance ayant commencé à 21 heures 30, je n’ai pu être absent deux heures puisqu’il n’est que vingt-deux heures quarante-cinq et que le compte rendu intégral montrera que j’étais là jusqu’à vingt-deux heures. Ne confondez pas, monsieur Le Roux, deux heures et une demi-heure, vous qui avez été absent tout l’après-midi !

    Par ailleurs, il ne serait pas idiot que de temps en temps on nous réponde en droit quand une question est posée en droit, plutôt que de vociférer !

    Monsieur le président de la commission des lois, permettez-moi de le répéter, l’article de la Constitution ne fait aucunement référence aux sous-amendements. Qui plus est, vous savez comme moi, pour avoir une longue pratique de notre Assemblée, que les sous-amendements ne sont jamais déposés en commission, puisqu’ils naissent du débat dans l’hémicycle : par définition, ils ne peuvent être déposés avant en commission. Cet article 44 ne peut donc pas s’imposer aujourd’hui pour nous empêcher de déposer les sous-amendements.

    On peut passer la nuit sur ce point de droit, mais que les choses soient claires : soit nous nous mettons d’accord sur le dépôt des sous-amendements – et quand on en est à 5 200 amendements, peu importe qu’il y ait une vingtaine ou une trentaine de sous-amendements débattus en plus –, soit nous n’accepterons pas une interprétation du règlement qui n’est pas conforme à la lettre de notre règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous le savez, monsieur le président Accoyer, nous avons bien travaillé sur les droits du Parlement sous la précédente législature.

    M. Bernard Accoyer. Merci.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est ainsi que vous avez déclaré en septembre 2010 : « Je suis un politique atypique et je me battrai toujours contre l’obstruction. » Je regrette que vous en fassiez aujourd’hui.

    J’en viens avec précision à ma réponse à la question du président Jacob, parce que j’essaie toujours d’être précis : selon les décisions n° 6349 DC du 17 mai 1973 et n° 86206 DC du 3 juin 1986 du Conseil constitutionnel, les sous-amendements doivent être regardés comme les amendements au titre de l’article 42 de la Constitution.

    M. Gérald Darmanin. L’article 42, pas l’article 44 !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce sont deux décisions du Conseil, l’une de 1973, l’autre de 1986.

    M. le président. Je propose cinq minutes de suspension de séance pour que chacun retrouve son calme. Peut-être existe-t-il, monsieur le président de la commission des lois, une possibilité de discuter avec les représentants de l’opposition en vue de trouver un accord ? En l’état en tout cas, le Gouvernement a fait valoir de bon droit le dispositif constitutionnel.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour un dernier rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Le dernier de l’heure ! (Sourires.)

    Le Gouvernement et la majorité mettent la pression. On pourrait appeler cela un coup de force. Pour autant, nous sommes attachés à la poursuite du débat, et à l’exercice de notre droit d’amendement et de sous-amendement.

    J’ajoute, monsieur le président de la commission des lois, que le tour de passe-passe que représente l’amendement balai, qui a changé une grande partie du texte, rend plus que jamais nécessaire l’exercice de notre droit d’amendement et de sous-amendement. Car vous avez beau expliquer que le texte a été déposé le 7 novembre, il a changé du tout au tout à la mi-janvier – malheureusement pas sur le fond, mais sur la forme, et plutôt pour le rendre plus mauvais.

    Bref, nous avions déposé vingt-deux sous-amendements. Parce que nous voulons faire avancer le débat, nous sommes d’accord pour limiter à cinq le nombre de ceux que nous défendrons. Et je comprends qu’avec cette contrainte – car nous le vivons comme une contrainte –, on puisse continuer de faire avancer le débat.

    Mais que l’on mesure bien la situation : un nombre de sous-amendements qui n’est pas extraordinaire ; un Gouvernement et sa majorité qui se raidissent et nous disent en substance : « C’est ça ou l’article 44, alinéa 2 ». Cependant, nous jouerons le jeu. Nous défendrons simplement ces cinq sous-amendements. Mais cela en dit long sur la rudesse avec laquelle le Gouvernement entend gérer ce débat, sans omettre la manière particulièrement expéditive dont un certain nombre d’amendements avaient été examinés en commission.

    M. le président. Mes chers collègues, j’ai été très sensible aux arguments de mon prédécesseur, M. Accoyer, qui m’a vraiment convaincu sur le temps législatif programmé, pour éviter la brutalité que vous venez d’évoquer, monsieur Mariton.

    Alors que j’ai fait l’erreur de demander, en Conférence des présidents, que le temps législatif programmé ne soit pas appliqué, c’est bien la dernière fois que je tiendrai ce genre de propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. J’espère que dans les autres débats, nous serons tous unanimes pour demander le temps législatif programmé afin que les uns et les autres puissent mieux s’organiser.

    M. Marc Le Fur. Vous l’aviez combattu à tort !

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en venons à présent à l’examen d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Il s’agit, d’une part, de l’amendement n° 5, et d’autre part, d’amendements identiques.

    La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 5.

    M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

    M. Sergio Coronado. Très bien, monsieur Martin-Lalande ! (Sourires.)

    M. le président. Nous en venons à la série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 70.

    M. Marc Le Fur. Je vais lire l’amendement, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté :

    « Avant l’article 1er bis, insérer l’article suivant :

    « À l’article 343 du code civil, les mots : "deux époux" sont remplacés par les mots : "un mari et une femme". »

    Cet amendement vise à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents.

    Examinons un instant le traumatisme subi par un enfant qui a perdu ses parents d’origine, ses parents naturels, ses parents biologiques, et pour qui on aboutirait à un bouleversement de l’organisation de son existence familiale. Nous devons avoir la sagesse d’admettre que, dans cette hypothèse, il faut bien évidemment qu’il y ait un mari et une femme pour accompagner cet enfant. Il faut bien évidemment une mère et un père. Nous sommes des partisans de l’altérité, c’est-à-dire de la logique même du mariage.

    Notre collègue Breton l’avait dit : en refusant l’altérité, vous cassez le couple. S’il n’y a plus d’altérité, il n’y a plus de couple. Et puisqu’il n’y a plus de couple, pourquoi pas trois personnes, pourquoi pas quatre ? La logique est absolument imparable, chers collègues de la majorité. Ouvrez les yeux ! Ne vous cantonnez pas dans des arguments de procédure pour nous empêcher de nous exprimer ! Allez au fond des choses ! Et c’est ce que vous propose en particulier cet amendement.

    M. Michel Pouzol. Arrêtez avec vos fantasmes !

    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 126.

    M. Patrice Martin-Lalande. Défendu.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 339.

    M. Christian Jacob. Cet amendement vise effectivement à limiter les cas d’adoption par des personnes mariées aux seuls couples hétérosexuels. Nous revenons, en fait, à ce qui est à nos yeux le sujet de fond. Nous sommes opposés au mariage et à l’adoption par des couples homosexuels. Et si nous sommes opposés au mariage, c’est parce que, de fait, il génère l’adoption.

    Nous avions proposé, avec l’alliance civile, une solution alternative, qui permettait de répondre à de nombreuses attentes – puisque les couples de même sexe demandaient à voir leur union reconnue devant un officier d’état civil, à jouir de la protection des droits juridiques –, mais de ne pas s’engager dans la filiation.

    En effet, la difficulté qui se posera, c’est que, à partir du moment où l’on accepte d’aller vers l’adoption par les couples homosexuels, on ouvre, de fait, le débat sur la procréation médicalement assistée, ainsi que sur la gestation pour autrui. Dès lors, on met en cause notre système de filiation, qui est fondé sur la présomption de paternité. C’est pour cela que nous restons depuis le début sur cette ligne de force.

    J’ajoute un élément supplémentaire, s’il en fallait un : nous pensons que la double référence, paternelle et maternelle, est nécessaire. Même si, par ailleurs, et j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, il y a des cas où deux personnes de même sexe peuvent éduquer très correctement un enfant et lui donner tout l’amour qui convient, cela ne peut pas être la règle. C’est la raison pour laquelle nous restons très opposés à l’adoption par les couples homosexuels.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 381.

    M. Hervé Mariton. La réaction d’une partie de l’opinion, lorsque la proposition a initialement été faite que des couples de même sexe puissent adopter, était sur le thème : « Au fond, s’il y a des enfants qui peuvent être adoptés et qui ne le sont pas, il est bon qu’ils le soient. » Mais la réalité est différente. Il y a moins d’enfants à adopter que de couples demandeurs de l’adoption. Dès lors, il est préférable que les enfants soient adoptés par un couple composé d’un père et d’une mère. Ce sont des visions qui nous opposent, mais celle-là nous paraît importante.

    Nous ne méconnaissons pas les autres circonstances de la vie. Mais une chose est la diversité des circonstances, les accidents de la vie – il faut y répondre en étant particulièrement solidaires, parce que ces situations peuvent justifier d’autant de solidarité de la collectivité –, autre chose est le modèle ordinaire autour duquel les choses peuvent s’organiser. Et il n’y a pas tant d’enfants qui sont à adopter. Il est donc préférable qu’ils soient adoptés par un couple composé d’un mari et d’une femme.

    M. Jacques Myard. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 464.

    M. François de Mazières. La question fondamentale est évidemment celle de l’altérité. Et, au fond, ce que l’on peut regretter, c’est que l’on n’ait pas mené jusqu’au bout ce débat essentiel, passionnant.

    Tout à l’heure, M. Le Roux disait : « On n’a pas du tout bâillonné l’opposition. » Eh bien, d’une certaine façon, si. Parce que votre article balai, chers collègues, permet d’éviter les occurrences qui suppriment les mots de « père » et « mère ». Dans votre premier projet de loi, il y avait plus de 150 suppressions de ces mots. Et malheureusement, à cause de cela, on évite, ce soir, ce débat fondamental – ce qui rend nécessaires tous nos amendements.

    Et puis, je pense surtout que ceux que vous avez bâillonnés, ce sont les Français. Parce que, depuis le début, nous avons demandé un débat public sur cette question.

    M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

    M. François de Mazières. Et les Français sont très concernés. Vous l’avez vu, d’ailleurs. C’est pour cela que vous avez réagi avec l’article balai. Parce que, quand les Français ont compris que l’on supprimait les mots de « père » et « mère » plusieurs fois dans le code civil, ils ont été pétrifiés.

    Avoir ainsi bridé le débat public, c’est véritablement une erreur fondamentale par rapport à la démocratie.

    M. Bernard Roman. C’est quoi, votre amendement ?

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 523.

    M. Patrick Ollier. Mes collègues de Mazières et Mariton ont exposé les raisons de cet amendement qui sont liées au fait qu’il y ait moins d’enfants à adopter qu’on ne pourrait l’espérer.

    Mais il y a une autre raison, madame la garde des sceaux. Vous avez expliqué cet après-midi que ce texte ne concernait que le mariage et l’adoption. Nous y sommes. Et vous avez cité il y a quelques jours, au début de ce débat, l’exemple de pays qui s’étaient engagés dans cette réforme sociétale qu’est l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Or il se trouve qu’à treize heures, en revenant ici, j’ai entendu sur une radio nationale une journaliste portugaise, du journal Visão, qui expliquait qu’au Portugal, ils avaient fait voter une loi sur le mariage, mais en séparant le mariage de l’adoption. La loi portait exclusivement sur le mariage. Ils n’ont eu aucun problème de société, et aucune réaction.

    Si vous aviez eu la prudence d’ouvrir le débat sur ce thème-là, nous n’aurions probablement pas les réactions que nous avons depuis cinq jours.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous étiez déjà contre l’ouverture du mariage !

    M. Patrick Ollier. Si nous avons ces réactions, c’est parce que nous sommes sincèrement convaincus – même si cela peut vous froisser, madame –…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas froissée. C’est une question de logique, c’est tout. Si le mariage ne posait pas de problème à vos yeux, vous auriez voté l’article 1er !

    M. Patrick Ollier. …que l’altérité est le fondement de la famille. Vous pouvez dire le contraire, mais nous en sommes convaincus.

    Et ce que vous proposez, c’est la déconstruction de la parenté fondée sur l’engendrement. Pour vous, la filiation, c’est l’intention, le projet parental. Vous avez le droit de le penser. Ce n’est pas notre avis. Voilà pourquoi nous voulons revenir à l’adoption par les seuls couples hétérosexuels.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n° 574.

    M. Jacques Alain Bénisti. Encore une fois, il est indispensable de limiter les cas d’adoption aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, et plus encore, justement, s’il a subi la perte de ses propres parents. Car vous ne voulez toujours pas admettre que vous allez augmenter le nombre d’enfants en souffrance, qui, déjà aujourd’hui, subissent les aléas des couples hétéros qui se séparent et laissent souvent les enfants sur le pavé.

    En offrant désormais aux couples homosexuels la possibilité d’adopter, vous allez multiplier les souffrances de ces enfants, qui seront une fois de plus déchirés par des situations perturbées et ambiguës, et qui, souvent, prêteront le flanc à l’opprobre et aux invectives le plus fréquemment des autres enfants. Vous allez ajouter à la souffrance le désarroi et le mal-être d’enfants qui n’ont rien demandé à personne, et que vous n’avez jamais invités, je le rappelle, aux débats préliminaires.

    Pourtant, 85 % des pédopsychiatres ont essayé d’attirer votre attention sur ce sujet. L’INSERM, le Conseil supérieur de l’adoption, vous ont invité à réfléchir à deux fois aux conséquences de votre texte. Dans son avis du 23 octobre dernier, le Conseil supérieur de l’adoption fait état de « son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas de l’adoption. » Vous les avez repoussés, car votre sectarisme et votre égoïsme sont plus forts, aujourd’hui, que la reconnaissance de ces réalités.

    M. Bernard Roman. Voilà qui est nuancé !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 600.

    M. Philippe Gosselin. Nous avons évoqué tout à l’heure, avec des mots choisis, les difficultés liées à l’adoption, au drame qu’ont pu vivre un certain nombre d’enfants abandonnés ou rejetés, placés, « blackboulés »… Il semble important de leur permettre de retrouver des origines, même si la filiation de substitution n’est pas la filiation biologique, et pour cause. Ils doivent pouvoir trouver des origines dans la filiation crédible d’un père et d’une mère, d’un homme et d’une femme, d’un mari et d’une épouse.

    Nous souhaitons donc, à l’article 343 du code civil, que les mots « deux époux », évidemment vagues et qui peuvent désigner deux personnes de même sexe, soient remplacés par les mots « un mari et une femme », pour crédibiliser cette nouvelle filiation et permettre à l’enfant de trouver ses origines dans l’altérité.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, on a avancé !

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 699 rectifié.

    M. Frédéric Reiss. Mes chers collègues de la majorité, vous soutenez que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe sera un progrès pour toute la société. Eh bien, nous pensons le contraire, car ce projet est fondé sur la déraison et sur l’injustice. Ce texte divise profondément la France et les Français. L’adoption de cette réforme marquerait bien la victoire d’un camp sur un autre et plus jamais le Gouvernement ne pourra se présenter comme rassembleur.

    Le projet de loi prévoit que les occurrences « père » et « mère » vont être supprimées à de multiples reprises dans le code civil.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !

    M. Frédéric Reiss. Même si ces mots ne disparaîtront pas totalement dudit code, nous le regrettons profondément.

    Cet amendement propose donc de remplacer les mots : « deux époux » par les mots : « un mari et une femme » dans l’article 343 du code civil.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 960.

    M. Philippe Vitel. Mes chers collègues de la majorité, vous invoquez la modernité et l’égalité, qui seraient de votre côté, alors que du nôtre, il n’y aurait que des rétrogrades et des discriminateurs.

    M. Dominique Baert. Ce n’est pas faux !

    M. François André. C’est bien de l’admettre !

    M. Philippe Vitel. Il faut voir les choses avec un peu plus de discernement si cela vous est possible.

    Il y a treize ans, le PACS était mis en place.

    M. Dominique Baert. Et vous avez voté contre !

    M. Philippe Vitel. À l’écoute du terrain, nous nous rendons compte que ce que demandent les couples homosexuels, c’est avant tout beaucoup plus de droits ; et ces droits, de façon vraiment claire et honnête, nous les proposions avec l’union civile, laquelle, évidemment, ne donnait pas droit à l’adoption. Mais ce n’est pas parce que nous sommes totalement bornés, aveugles et autistes sur ce point…

    M. Daniel Goldberg. N’en rajoutez pas !

    M. Philippe Vitel. C’est parce que, aujourd’hui, c’est une promesse que vous ne pourrez pas tenir vis-à-vis de ces personnes : vous leur mentez, vous leur donnez un faux espoir.

    Je rappelle qu’en France, on compte 700 enfants à adopter pour 25 000 demandes. Les portes de l’adoption internationale vont se fermer. Prenez l’exemple de la Belgique qui a autorisé l’adoption pour les couples homosexuels en 2006 : plus aucune adoption d’origine internationale n’y a été validée depuis.

    Les pédiatres ont été interrogés. Quelque 3 000 d’entre eux parlent de risque. Ils ne sont pas totalement opposés au projet mais considèrent qu’il y a un risque à l’adoption. Or dans un pays qui a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution, ce risque, nous ne voulons pas le prendre.

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1199.

    Mme Sophie Dion. L’adoption, on l’a assez répété aujourd’hui,…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, à peine !

    Mme Sophie Dion. …ce n’est pas donner un enfant à des parents mais des parents à un enfant.

    M. Jacques Myard. Eh oui !

    Mme Sophie Dion. L’adoption, c’est protéger un enfant déjà très fragilisé.

    M. Jacques Myard. Bien sûr !

    Mme Sophie Dion. L’adoption, c’est offrir un cadre, une sécurité juridique à un enfant qui a déjà beaucoup souffert.

    L’adoption, c’est, je le répète, une procédure judiciaire qui permet d’offrir des parents à un enfant qui n’en a plus. L’intérêt de l’enfant doit donc rester la seule préoccupation ; et cet intérêt, c’est de pouvoir s’identifier à un modèle : père et mère. C’est visé par l’ensemble des textes : l’enfant doit être élevé par ses père et mère. En outre, l’enfant doit, dans une certaine mesure, dans le cadre de l’adoption, connaître ses origines.

    Nous avons interrogé là-dessus Mmes les ministres, et ce point a provoqué de nombreuses polémiques. Je regrette que nous n’ayons pas examiné la question des éléments identifiants, du rapport de l’enfant avec le père et la mère, car on touche là à l’essentiel, à l’enfant. L’enfant est sujet de droit, doit être protégé et identifié par rapport au modèle de ses père et mère. C’est pourquoi cet amendement suppose qu’il puisse avoir ce modèle de référence.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1223.

    M. Daniel Gibbes. Je tiens, en tant que jeune parlementaire, nouvellement élu, indiquer que j’ai été quelque peu choqué qu’on nous accuse de faire de l’obstruction. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Vous riez en connaissance de cause !

    M. Daniel Gibbes. En 2006, bien que n’étant pas élu mais suivant les débats sur le projet de fusion entre EDF et GDF, l’opposition de l’époque avait déposé 138 000 amendements ! Et vous osez nous reprocher de pratiquer l’obstruction avec quelque 5 000 amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je me souviens qu’on avait même été jusqu’à parler d’une recette de homard pour faire durer la discussion !

    M. Marc Le Fur. Exactement !

    M. Daniel Gibbes. Et c’est vous qui parlez d’obstruction ? Soyons sérieux, chers amis, et revenons-en à l’amendement n° 1223.

    Bien qu’il ait été parfaitement défendu par mes collègues de l’opposition, je tiens à en rappeler le principe. Il vise à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier lorsqu’il s’agit d’un orphelin. Il n’y a pas de droit à l’enfant, mais le droit de l’enfant.

    M. Dominique Baert. Laborieux !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 1239.

    M. Jean-Pierre Door. Nous tenons particulièrement à cet amendement majeur. Chacun a pu écouter des praticiens, en particulier des pédiatres, des psychologues. Je me souviens que l’un d’entre eux expliquait que l’effacement des noms « père » et « mère » ferait de l’enfant un « sans domicile filiatif ».

    M. Jacques Myard. Très juste !

    M. Jean-Pierre Door. C’est vraiment quelque chose de grave. Dire à un enfant qu’il est né de la relation amoureuse de deux adultes de même sexe, soit, mais c’est peut-être aussi plaquer un mensonge sur son origine ; or chaque enfant, chaque jeune, est à la recherche de son origine. C’est un droit que l’on ne peut pas lui refuser.

    D’ailleurs, mesdames les ministres, l’Académie de médecine elle-même s’interroge, je l’ai déjà dit. Pourtant vous ne l’avez pas consultée. Pourquoi n’écouter que certains collèges et ignorer son expertise ?

    Nous devons en tout cas garder les mots de « père » et « mère » qui constituent le repère d’un enfant. C’est tout l’intérêt de mon amendement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour soutenir l’amendement n° 1344.

    M. François André. Houlà !

    M. Patrick Balkany. Nous aurions gagné beaucoup de temps si vous aviez écouté les élus de l’UMP qui vous réclamaient simplement un référendum.

    M. Bruno Le Roux. Et pourquoi pas des paris en ligne, pendant qu’on y était !

    M. Patrick Balkany. Et pourquoi ? Il suffit d’abord d’observer ce que pensent les Français. Nous sommes les représentants du peuple ; alors votons tous comme le peuple le souhaite. Le peuple n’est pas contre le mariage des homosexuels, ils se divisent en deux sur la question. En revanche, la grande majorité des Français est contre l’adoption par les couples homosexuels.

    M. François André. Qui a dit cela ?

    M. Patrick Balkany. Il serait bon, mesdames et messieurs de la majorité, que vous observiez un peu ce que pensent les électeurs. Vous êtes en train de commettre une grave erreur au moment où les Français attendent de vous que vous vous occupiez des problèmes importants à leurs yeux : le chômage, l’économie.

    M. Jean-Claude Fruteau. C’est l’héritage que vous nous avez laissé !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. S’il y a urgence, alors dépêchez-vous !

    M. Patrick Balkany. Au lieu de quoi vous faites voter de force un texte qui va à l’encontre du souhait des Français. Demandez donc au Président de la République de soumettre ce projet de loi à l’ensemble des Français.

    Nous sommes très attachés, pour ce qui nous concerne, à ce que les enfants aient un père et une mère et vous ne nous ferez pas dévier de cette position. Il est dommage que vous ne l’ayez pas compris ; les Français, eux, l’ont compris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n° 1348.

    M. Antoine Herth. Comme mes collègues, je me place du point de vue de l’enfant adopté.

    M. Marcel Rogemont. Placez-vous plutôt du point de vue du député !

    M. Antoine Herth. Cet amendement a pour vocation de sécuriser les procédures d’adoption, en particulier dans le cas de l’adoption internationale. Madame la garde des sceaux, la majorité a le droit de voter une loi créant le mariage pour tous et donnant la possibilité à des couples homosexuels d’adopter. En revanche, nous n’avons pas la possibilité d’imposer notre point de vue à d’autres pays. Je fais le pari que, très rapidement, leur réglementation va évoluer et que les demandes émanant de la France seront examinées avec beaucoup de méfiance, voire éliminées d’office.

    D’un point de vue pratique, vous êtes en train de créer un espoir pour les futures familles homosexuelles, et cet espoir sera déçu. Mais en même temps, vous allez ruiner les espoirs de toutes ces familles françaises hétérosexuelles…

    M. Patrick Hetzel. Eh oui !

    M. Antoine Herth. …qui ont accompli de lourdes démarches, obtenu l’agrément et qui, brutalement, découvriront que les portes de l’adoption vont leur être fermées.

    M. Sapin, le 13 janvier dernier, à l’issue de la grande manifestation, a déclaré à la télévision qu’il ne se passera rien une fois la loi votée. En effet, il ne se passera rien pour les futures familles homosexuelles ; pour les autres familles en revanche, ce sera un drame. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard. Très juste !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1382.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage les arguments développés par les collègues qui m’ont précédé. Je me concentrerai ici sur le travail du rapporteur. Il a fait le choix – comment s’en étonner ? – d’examiner s’il pouvait y avoir une « différence significative dans le développement des enfants élevés dans une famille homoparentale ». Dans les pages 59 à 61 de son rapport, M. Binet fait le point sur le fait de savoir si cette question a déjà été étudiée, comment et quelles sont les conclusions des études éventuellement publiées. Il remarque que de nombreuses études ont été menées et qu’elles présentent, pour beaucoup, de nombreux biais méthodologiques. Et d’en conclure, de façon assez surprenante, que, sans pour autant nier ces biais, un faisceau de conclusions convergentes permet d’affirmer qu’il n’y a pas de différence de développement !

    J’appelle l’attention de l’Assemblée sur ce point. Nous sommes d’accord pour considérer que la question se pose. Seulement, la manière dont vous y répondez, monsieur le rapporteur, n’est pas satisfaisante sur le plan de la rigueur épistémologique, si je puis dire. Pour compléter utilement ce travail, encore faudrait-il trouver des études qui concluent à l’inverse de celles que vous avez présentées afin que nous disposions de conclusions équilibrées.

    Pour l’heure, en l’absence d’un travail complet sur ce sujet, l’examen du texte s’en trouve déséquilibré. Je trouverais utile et même précieux de pouvoir disposer d’études plus complètes concluant à l’inverse de celle présentées dans le rapport et qui feraient valoir qu’il peut y avoir des différences de développement pour les enfants élevés dans les familles homoparentales.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1417.

    M. Nicolas Dhuicq. Mes aînés m’ont appris que la qualité d’une majorité se mesurait à la façon dont elle traitait son opposition.

    M. Marcel Rogemont. Vous avez été très mauvais pendant dix ans !

    M. Nicolas Dhuicq. J’ai retenu la leçon et je constate avec plaisir combien l’humain est labile et combien, quand ils changent de position, les défenseurs du droit, du moins certains d’entre eux, se transforment immédiatement en totalitaires absolus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous parlons à présent d’enfants nés de la rencontre d’un homme et d’une femme – peu importe la durée de cette rencontre et les difficultés qui ont pu se présenter : la question semble donc plus simple. Néanmoins, je pense et je tiens à répéter que jamais aucune étude fiable ne nous permettra de trancher la question. Je pense donc que cet argument ne devrait plus être utilisé, ni dans un sens ni dans l’autre, car raisonner à partir d’échantillons représentatifs et de populations témoins, ce serait contrevenir à l’éthique la plus élémentaire.

    Il se pose ensuite, selon moi, des questions d’âge, qui sont complexes. À quel stade en est l’enfant ? Est-il dans sa phase de latence ou l’a-t-il passée ? S’agit-il d’un pré-adolescent ou d’un adolescent ? De quelle culture vient-il ?

    Dans ces conditions, la question appelle une réponse qui pourra paraître simple, voire simpliste : c’est le rappel, une fois encore, de la notion d’altérité. Les évolutions de la société devraient pousser l’humanité à répondre au cas par cas, et non par une loi systématique.

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1562.

    M. Yves Fromion. On nous a rappelé il y a un instant les propos de M. Sapin qui a déclaré que lorsque ce texte serait adopté, on n’en parlerait plus.

    Moi, je n’ai jamais connu mon père. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vais pas m’attarder sur ma situation personnelle, mais je veux dire à ceux qui pensent qu’un enfant peut vivre sans son père ou sans sa mère et ne pas en subir les conséquences dans sa vie, qu’ils se trompent lourdement.

    Ceux qui pensent que, par la loi, on peut inventer un dispositif qui fasse qu’un enfant n’ait pas son père et sa mère et qu’il n’en souffre pas, se trompent.

    M. Jacques Alain Bénisti. Ils le savent !

    M. Yves Fromion. On a évoqué les nombreuses études qui existent ici ou là, dont on dit qu’elles sont peu concluantes. Moi, ce que je veux vous dire, c’est qu’un enfant qui n’a jamais connu son père ou sa mère ne peut pas passer sa vie comme s’il ne s’était rien passé. Il y aura toujours en lui une souffrance profonde, quel que soit son âge ; il y aura toujours une meurtrissure profonde.

    Pourquoi ai-je pris la parole ce soir ? Parce que je pense que la vie offre déjà trop d’occasions qui font que des enfants se retrouvent dans ces situations de souffrance, avec un seul parent, voire pas de parent du tout. Pourquoi donc vouloir à toute force les multiplier par la loi ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je crois que nous nous trompons lourdement !

    Ce qu’il faut garder à l’esprit, ce ne sont pas les paroles de M. Sapin disant que lorsque le texte sera voté, il ne se passera plus rien. Non ! Il faut penser aux enfants qui, à cause du texte que nous aurons voté, connaîtront les souffrances que vous pouvez imaginer. Croyez-moi : pour eux, il se passera quelque chose ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1670.

    Mme Véronique Louwagie. Je vais vous donner lecture de propos émanant de l’Association des adoptés, qui ne réunit que des personnes adoptées.

    « Nous, les personnes adoptées, sommes des êtres avec une blessure, née de notre abandon au moment même où nous avions le plus grand besoin d’amour. Notre construction en tant qu’adulte est plus longue et plus douloureuse que pour les autres enfants. À quoi se raccrocher, lorsqu’on ne sait pas de quoi nous sommes faits ? Quelle est notre identité profonde, et que transmettre à nos enfants ? Nous avons un besoin d’enracinement beaucoup plus fort que les autres enfants, car nous savons ce que c’est que de ne pas en avoir.

    « Alors, cette nouvelle filiation qui est proposée au vote de l’Assemblée nationale nous semble rajouter de la complexité pour des enfants qui en avons déjà plus à gérer que d’autres. La clé d’une adoption réussie ne repose pas uniquement sur l’amour que reçoivent les enfants adoptés, mais elle repose sur l’identification des enfants à leurs parents. Ce sont nos parents, pleinement et entièrement, justement car ils représentent de manière crédible le père et la mère que nous n’avons pas eus. C’est en regardant vivre notre père, notre mère, que nous, les enfants adoptés, arrivons à nous construire en tant qu’adultes, à trouver notre place en tant que mère, femme, père et mari. »

    Ces propos assez troublants devraient nous conduire à bien vouloir retenir l’amendement n° 1670. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1740.

    M. Nicolas Bays. Copé n’est pas là pour soutenir son amendement n° 1713 ?

    M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement très important vise à limiter strictement aux seuls couples hétérosexuels les cas d’adoption des couples mariés. L’adoption a vocation à donner une famille à un enfant, et non l’inverse. L’enfant adopté a, plus qu’un autre, besoin d’un père et d’une mère ; l’enfant abandonné cherche ses repères et aspire à retrouver ce qu’il a perdu. Or l’enfant adopté doit déjà assumer les traumatismes simultanés de l’abandon et de la double identité familiale. Plus qu’un autre, il a besoin d’une filiation biologique évidente. Il importe donc qu’il puisse s’identifier à deux parents de sexe différent.

    De ce fait, l’adoption par un couple homosexuel risque d’aggraver le traumatisme de l’enfant abandonné, car la chaîne de filiation serait doublement rompue : dans la réalité, du fait de son abandon, et dans la symbolique, du fait de l’homosexualité de ses parents adoptifs. À un enfant déjà blessé par son passé, a-t-on le droit d’imposer de s’adapter à la situation affective de ses parents, différente à la fois de celle de la très grande majorité des autres enfants, et de celle qu’il aspire à retrouver ? Incombe-t-il à l’enfant adopté de s’adapter aux choix de vie affectifs de ses parents ?

    Ces propos émanent de l’analyse pertinente du Grand Rabbin de France, qui a été auditionné par votre commission, monsieur le rapporteur. Comme les autres représentants des grandes religions de France, il n’a pu vous présenter son analyse que partiellement, compte tenu du temps limité qui lui a été accordé – quatre minutes ! Cela montre bien le peu de cas que vous faites de l’avis de ceux qui ne sont pas partisans de votre texte.

    M. Bernard Roman. C’est nul !

    M. Guillaume Chevrollier. Pour moi, tout enfant a droit à un père et à une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents. Ce droit répond à un besoin de repère pour les enfants. Il convient de ne pas créer de discriminations entre les enfants adoptés.

    M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2555.

    M. François Scellier. Cet amendement n’étonnera personne, surtout pas ceux qui, comme nous, et comme la majorité des Français – Patrick Balkany l’a rappelé tout à l’heure– pensent qu’il faut autant que possible à l’enfant, et en particulier à l’enfant adopté, un père et une mère. Dans la mesure où le nombre d’enfants adoptables est limité, il est évident que quand on se place au niveau de l’intérêt de l’enfant, tout doit être fait pour lui donner à la fois un père et une mère. C’est pourquoi il y a lieu, à l’article 343 du code civil, de remplacer les mots « deux époux » par les mots « un père et une mère ».

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3001. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. L’excellent Gérald Darmanin !

    M. Gérald Darmanin. Merci, chers collègues. Votre sollicitude me va droit au cœur, à cette heure tardive.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et ce n’est que le début !

    M. Gérald Darmanin. Je voudrais d’abord défendre l’amendement sur le fond. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, les arguments que vous avez développés au sujet du mariage peuvent se retourner contre vous sitôt que l’on parle de l’adoption par les couples homosexuels. Ainsi, les sondages seraient les sondages étaient favorables au mariage ; Mme la ministre chargée de la famille y a insisté et M. Roman s’en est souvent fait l’écho. Mais lorsqu’il s’agit de l’adoption, vous vous gardez bien de sortir cet argument, car les sondages deviennent alors très défavorables. À l’évidence, si le souci des sondages vous guide, vous devriez adopter cet amendement.

    Sur la forme, je voudrais lire deux déclarations tout à fait intéressantes. La première, mineure, nous la devons à François Brottes, malheureusement absent de l’hémicycle – on me pardonnera de le citer. À propos des 137 000 amendements déposés sur la loi relative à la privatisation de GDF, M. Brottes déclarait : « Nous ne faisons pas d’obstruction, mais nous ne pouvons pas délibérer sur le fond du sujet, sans disposer des éléments précis, et ce n’est qu’un vous interrogeant, amendement après amendement, que nous y parviendrons. » Il y en a eu 137 000 !

    Un autre orateur a dit, de façon extrêmement sérieuse : « Sur le fond, de très nombreux amendements ont été déposés…

    Mme Corinne Narassiguin. Et vous, vous parlez de tout, sauf du fond !

    M. Gérald Darmanin. …Cela nous a permis de maintenir un lien, pour montrer qu’une autre option existait. Nous pensons, nous, à gauche, que l’intérêt national était de s’opposer, amendement par amendement, à votre projet, parce que nous pensions qu’il ne fallait pas mettre la France dans cette aventure. » Cet orateur n’était autre que Jean-Marc Ayrault ! Il est dommage que vous n’appliquiez pas les préceptes de celui qui est aujourd’hui aux commandes de votre gouvernement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3044.

    M. Patrick Hetzel. Un certain nombre d’arguments ayant déjà été avancés ; je voudrais que nous nous placions à présent dans la perspective du principe de réalité. Les amendements que nous portons peuvent aussi se situer dans cette perspective, et entendent répondre à deux problèmes que pose votre texte.

    Le premier, on l’a dit, c’est que de très nombreux couples hétérosexuels sont candidats à l’adoption. Or il y a déjà un écart extrêmement important entre le nombre de demandes et le nombre d’enfants susceptibles d’être adoptés. Votre texte va encore aggraver ce déséquilibre par le fait que de nombreux pays vont naturellement mettre fin à la possibilité de voir sortir de chez eux un certain nombre d’enfants. Le problème que rencontrent déjà les couples hétérosexuels va donc s’aggraver. Qui plus est, vous êtes en train de leurrer de potentiels couples homosexuels quant à leurs possibilités d’adoption.

    Il s’agit véritablement d’un bel écran de fumée. À plusieurs reprises, Mme la garde des sceaux s’est placée sur le plan des principes. J’ai voulu me mettre résolument dans sa perspective et vous montrer, en me fondant sur des cas concrets, objectivement et sans a priori, que tout cela mène à une impasse. C’est la raison pour laquelle notre amendement est indispensable : au moins, il évite l’hypocrisie.

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3145.

    M. Céleste Lett. J’ai dit que cette loi déstructurait totalement notre société. J’ajouterai ici que, par la grâce de la dictature…

    M. François André. Laissez la grâce où elle est !

    M. Céleste Lett. …d’une idéologie qui se veut révolutionnaire et progressiste, cette loi emmènera nos valeurs sur l’échafaud. J’ai une terrible révolte au fond de moi, comme mes collègues de l’opposition, et comme nombre de concitoyens que nous côtoyons au quotidien, dont mon chauffeur de taxi d’hier. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui ! Les taxis, c’est une bonne caisse de résonance, vous le savez bien !

    M. Philippe Gosselin. Eh oui ! Ce n’est pas Pierre Berger !

    M. Nicolas Bays. Le mien était pour !

    M. Céleste Lett. D’ailleurs, mes chers collègues de la majorité, et je le dis avec courtoisie, prenez un petit moment de réflexion objective. Affranchissez-vous des doctrinaires qui vous embrigadent ! Écoutez la loi qui vous parle ! Platon, dans le Criton, faisait parler les lois : c’est ce qu’on appelle la prosopopée des lois, c’est-à-dire leur personnification. La loi que vous nous proposez hurle déjà son indignation, souffre dans ses articles et vous supplie de ne pas l’adopter, un peu comme un enfant supplierait d’être adopté par un papa et une maman.

    M. Alexis Bachelay. Quel poète !

    M. Céleste Lett. C’est ce que nous proposons par cet amendement, qui pose tout naturellement le principe de l’altérité pour l’adoption, comme pour le mariage.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3217. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Vous avez raison de saluer l’orateur. (Sourires)

    Monsieur le président, élever un enfant est un défi quotidien, un défi permanent et à tout âge.

    Mme Elisabeth Pochon. C’est vrai !

    M. Jacques Myard. Adopter un enfant est un défi décuplé. Que vous le vouliez ou non, un couple hétérosexuel, par son altérité, c’est-à-dire ses sensibilités complémentaires, sera toujours mieux à même de donner un équilibre psychologique à l’enfant adopté. Donnez toutes ses chances à un enfant déjà déraciné : donnez-lui une mère, un père. Vous jouez avec le feu, car ce sont des enfants que vous allez brûler.

    Mme Suzanne Tallard. N’exagérons pas, tout de même !

    M. Jacques Myard. On nous a dit tout à l’heure que nous tenions des propos moyenâgeux ; vous, vous retrouvez au niveau de Carthage ! (Sourires)

    M. Michel Pouzol. Il s’améliore d’heure en heure !

    M. Philippe Martin. Myard, on est morts de trouille !

    M. Jacques Myard. Oui, vous allez les brûler ! (Sourires)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3279.

    M. Xavier Breton. Cet amendement revient sur la question cruciale de l’altérité sexuelle. Sur les bancs du Gouvernement et de la majorité, vous niez la reconnaissance de l’altérité sexuelle dans notre droit. Vous êtes les porte-parole de l’idéologie du gender, à moins que vous n’en soyez les prisonniers.

    Que promeut cette idéologie ? Elle prétend que le seul chemin pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, que nous souhaitons toutes et tous sur ces bancs, ne vous en déplaise, c’est de supprimer les différences en les niant. En fait, vous êtes incapables de penser ensemble l’égalité et la différence.

    Le problème, c’est que les différences, notamment corporelles, subsistent. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas lutter contre les stéréotypes qui conduisent à des inégalités et à des injustices.

    M. François André. Mais il y a un mais !

    M. Xavier Breton. Mais est-ce qu’au-delà ou en deçà de ces stéréotypes, il reste une différence entre un homme et une femme ? Entre un père et une mère ? Pour un enfant, un père est-il la même personne qu’une mère ? Une mère est-elle la même personne qu’un père ? Pour vous, oui ; pour nous, non.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4526. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Attention !

    M. le président. Décidément, cette assemblée a ses chouchous !

    Mme Annie Genevard. Il faut écouter les cliniciens de l’enfant. Quand ils divergent de la pensée unique, ils s’exposent à l’accusation d’homophobie, et nous le disent. Nous sommes aussi ici pour être leur voix.

    Le docteur Marinopoulos et le docteur Flavigny sont des spécialistes qui ont dédié plus de trente ans de leur vie professionnelle à l’adoption. Ils nous disent qu’il ne faut pas, au nom d’une idéologie ou d’un lobby, inventer une provenance qui n’est pas crédible.

    Mme Catherine Coutelle. Évidemment !

    Mme Annie Genevard. L’enfant adopté sait qu’il est issu d’un homme et d’une femme, pas seulement pour des raisons biologiques, mais aussi par la complétude de l’un et de l’autre.

    Permettre aux couples homosexuels d’adopter consiste certes à établir une égalité entre adultes, mais c’est un projet profondément inégalitaire pour l’enfant.

    Limiter l’adoption aux couples stables composés d’un homme et d’une femme, c’est limiter les risques d’échec de l’adoption.

    Enfin, lorsque deux de nos collègues ont évoqué, l’un son expérience d’orphelin, l’autre le témoignage douloureux d’enfants adoptés, plusieurs d’entre vous ont tweeté, baillé, brocardé ou ricané. C’est mépriser l’opposition, mais c’est surtout mépriser la voix des enfants, et des enfants adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Brigitte Bourguignon. Oh, ça va !

    M. le président. La parole est à M. Jacques Kossowski, pour soutenir l’amendement n° 3903.

    M. Jacques Kossowski. Monsieur le président, nous avons tous des enfants, je l’espère, au moins pour ceux d’entre nous qui peuvent en avoir, et nous savons que l’enfant a besoin d’une histoire crédible de sa naissance, afin qu’il puisse raconter quelque chose, même s’il a été abandonné.

    Si un enfant n’a pas d’histoire, s’il a été adopté par un couple homosexuel, il pourrait se demander pourquoi il n’a pas mérité d’avoir un père et une mère. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Patrick Bloche. Quelle horreur !

    M. Thomas Thévenoud. C’est honteux !

    M. Jacques Kossowski. Certains enfants n’auront jamais la possibilité de dire « papa et maman ». Vous qui avez des enfants, vous savez le plaisir que l’on ressent lorsque votre enfant vous appelle ainsi. On sait que dans cette situation-là, il manquera quelque chose à l’enfant, un équilibre.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais qu’en savez-vous ?

    M. Jérôme Guedj. C’est honteux !

    M. Jacques Kossowski. C’est pourquoi il a besoin d’avoir un père et une mère.

    M. Jérôme Guedj. Dans dix ans, vous aurez honte d’avoir tenu de tels propos !

    M. Bernard Roman. Vous en rougirez !

    M. Xavier Breton. C’est ce que disent les psychiatres ! Ce n’est pas parce que ça vous dessert qu’il faut le nier !

    M. le président. Sur l’amendement n° 5, et sur l’amendement n° 70 et les autres amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de deux demandes de scrutin public.

    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5268.

    M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, je saisis l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour m’adresser au ministre des relations avec le Parlement, et revenir sur la déclaration très générale qu’il a faite précédemment.

    M. le ministre a évoqué les termes de l’article 44 de la Constitution pour s’opposer à l’examen de tous les sous-amendements présentés par les députés de l’opposition, déposés ou susceptibles d’être déposés au cours de la séance.

    M. Bernard Roman. Comme le président Accoyer il y a trois ans !

    M. Guillaume Larrivé. En se fondant sur cette interprétation de l’article 44, il s’oppose à ce que ces sous-amendements soient discutés en séance publique dès lors qu’ils n’ont pas été examinés par la commission des lois en amont.

    M. Bernard Roman. Il est intéressant votre amendement !

    M. Guillaume Larrivé. Cette décision de principe du Gouvernement nous semble contraire à la Constitution telle qu’elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2006-535 du 30 mars 2006. Le considérant n° 11 de cette décision indique de manière extrêmement claire que le Gouvernement ne peut opposer l’article 44 qu’à deux conditions : d’une part, eu égard au contenu des sous-amendements concernés, d’autre part, eu égard aux conditions générales du débat.

    Autrement dit le Gouvernement, avant de s’opposer à l’examen de sous-amendements sur le fondement de l’article 44, doit naturellement examiner le contenu de chacun de ces sous-amendements. Une opposition générale de l’article 44 ne serait pas conforme à la Constitution.

    Cette interprétation est d’ailleurs parfaitement explicitée par le Conseil lui-même en 2009 dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, qui présentent la thèse que je viens de vous exposer.

    Vous ne pouvez pas faire vôtre la célèbre phrase d’André Laignel, qui répondait à Jean Foyer en 1981 qu’il avait juridiquement tort car il était politiquement minoritaire. Nous sommes peut-être politiquement minoritaires, mais nous avons juridiquement raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 5283.

    M. Michel Herbillon. L’amendement n° 5283 vise à limiter les cas d’adoption par des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels.

    Que vous le vouliez ou non, chaque enfant naît d’un père et d’une mère, et non pas de deux parents. D’ailleurs, la philosophe Sylviane Agacinski le dit très bien. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Bien entendu, vous n’aimez pas qu’on la cite. On le lui dira ! Elle a déclaré : « Le schéma du rapport parent/enfant vient du modèle naturel biologique… Si vous créez une parentalité de parents du même sexe, vous aurez des enfants avec deux parents, un père une mère et d’autres qui auront deux parents du même sexe. C’est un principe inégal. La différence sexuelle reste fondamentale dans la filiation. »

    Mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Ceux élevés au sein d’unions homosexuelles se poseront toujours la question de savoir pourquoi eux n’ont pas un père et une mère.

    Le Gouvernement va cautionner, par cette loi, cette situation. Au-delà du principe, l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples de même sexe va se heurter à la rareté des enfants adoptables en France. Cette situation va donc pousser ces couples à avoir recours à des méthodes de procréation interdites pour le moment en France, mais accessibles à l’étranger.

    Ce sera aussi un motif pour le Gouvernement et la majorité de demander en France la légalisation de la PMA, puis de la gestation pour autrui.

    Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement visant à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels afin de refuser la fuite en avant dans laquelle vous engagez notre société, et dont nous ne voulons pas.

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir le sous-amendement n° 5390.

    Mme Claudine Schmid. Merci monsieur le président, je suis heureuse de faire partie des cinq élus qui peuvent présenter un sous-amendement. Mais j’espère que tous les sous-amendements qui seront déposés ce soir pour la séance de demain auront le temps d’être examinés en commission demain matin. Je n’en doute pas.

    M. le président. À condition que les amendements sur lesquels ils portent ne soient pas examinés au cours de la nuit qui vient.

    M. Philippe Gosselin. Ou au petit matin !

    M. Jacques Myard. Dès potron-minet !

    M. Philippe Gosselin. Dans l’odeur des croissants chauds !

    Mme Claudine Schmid. Je suis très attachée à l’égalité entre les enfants nés dans un couple hétérosexuel et conçus de façon dite naturelle et les enfants adoptés.

    Il s’agit, comme l’ont très bien dit mes collègues, de donner des parents aux enfants, et non le contraire. L’article 343 du Code civil prévoit un âge minimum pour que le couple puisse adopter, ce qui constitue déjà une inégalité avec les enfants issus de couples hétérosexuels : il n’est pas rare que les parents aient moins de vingt-huit ans à la naissance de leurs enfants.

    Il ne faudrait pas accentuer cette inégalité en les faisant adopter par des parents ayant dépassé, du moins pour la mère, l’âge considéré comme légal de procréation. C’est pourquoi je souhaite, s’il y a un âge plancher, qu’il y ait aussi un âge limite.

    Cela favoriserait aussi les couples hétérosexuels, puisqu’il y aura beaucoup moins d’enfants à adopter compte tenu de la législation internationale et le fait que certains pays nous refuserons des enfants.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements et sur le sous-amendement ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable au sous-amendement et à l’ensemble des amendements.

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je trouve vraiment choquante toute cette liste d’amendements que nous venons d’entendre…

    M. Antoine Herth. Nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Elle témoigne d’un refus de voir l’évolution actuelle des familles. C’est très grave pour ceux qui nous regardent, ou qui vont relire les débats de l’Assemblée nationale.

    Nous avons chacun notre vie personnelle, chacun pourrait raconter son vécu, mais ce n’est pas forcément le lieu.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Dites-le à la présidente de la commission des affaires sociales !

    Mme Marie-Françoise Clergeau. Rappelons que l’adoption est possible pour les célibataires : vos arguments semblent donc un peu dépassés.

    Rappelons également qu’un enfant sur quatre ne vit pas avec ses deux parents, et qu’un enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale. Tout ce qui a été dit ce soir est insultant pour toutes les formes de famille que l’on rencontre actuellement.

    Il est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’enfants adoptables, vous avez raison, et le rapporteur et moi-même l’avons dit. Mais vous savez aussi très bien que les familles homosexuelles existent, elles sont nombreuses, elles ont des enfants, et cette possibilité de mariage et d’adoption aura pour effet que la majorité des couples homosexuels mariés adopteront principalement l’enfant du conjoint. Les familles en seront sécurisées et l’enfant aura alors deux parents légitimes. Peut-être cesseront alors les discriminations homophobes dont elles souffrent de plus en plus, notamment depuis quelques mois.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. On ne peut pas tout laisser passer. Deux interventions appellent des remarques.

    Vous avez dit que l’on ne pouvait pas imposer aux enfants de s’adapter aux choix de vie de leurs parents. Je ne vois pas en quoi cela a un lien avec l’homosexualité ; que l’on vive dans un milieu hétérosexuel ou homosexuel, les enfants doivent souvent s’adapter aux choix de vie de leurs parents !

    Dans une autre intervention, l’un d’entre vous a dit que l’enfant qui est adopté va se demander pourquoi il n’a pas mérité un père et une mère. Je trouve cela très choquant. J’attire votre attention : l’homosexualité n’est ni de gauche, ni de droite, ni de la ville ni de la campagne. En disant cela, vous êtes entendus et regardés non seulement par des homosexuels, mais aussi par des familles d’homosexuels. Je ne suis pas sûre que ni les uns ni les autres soient enchantés d’entendre qu’il leur serait interdit d’adopter du fait de leur sexualité !

    M. Patrick Hetzel. Personne n’a dit cela !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je reviens enfin sur une évidence : ces amendements introduisent une discrimination entre les couples de personnes de même sexe et de sexe différent alors même que l’objet de la loi qui vous est proposée est précisément d’ouvrir le mariage, et par voie de conséquence l’adoption, aux couples de personnes de même sexe…

    M. Michel Herbillon. Que faites-vous pour l’enfant ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels mariés, avec les mêmes droits et les mêmes procédures qui garantissent l’évaluation du sérieux du projet ainsi qu’un environnement éducatif, familial et psychologique correspondant aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté. L’avis du Gouvernement ne peut évidemment qu’être défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Herbillon. Votre démonstration est un peu courte !

    M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

    M. Jean-Frédéric Poisson et M. Patrick Hetzel. Voilà le homard ! (Sourires.)

    M. Marcel Rogemont. L’article 343 du code civil dispose que « l’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».

    Vous voulez remplacer la mention des deux époux par celle d’un homme et une femme.

    M. Jacques Myard. C’est bien cela ! Parce que vous avez adopté l’article 1er !

    M. Marcel Rogemont. Je vous recommande la lecture du rapport n° 628, tome I, de notre rapporteur, à la page 72. Il y est rappelé que, par un arrêt « Mlle B. » du 22 janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour une discrimination sur le fondement de la sexualité dans le cadre d’une procédure d’adoption.

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    M. Marcel Rogemont. Cette condamnation signifie que la loi ne peut interdire à un homme ou à une femme, quelle que soit son orientation sexuelle, d’adopter un enfant. Pourquoi voudriez-vous alors qu’il soit interdit à un couple de deux hommes ou de deux femmes ce qui est permis à chacun d’entre eux séparément ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. En effet, cela n’a pas de sens !

    M. Marcel Rogemont. Vous conviendrez qu’il s’agit d’un vrai problème. Si nous adoptions votre amendement, nous serions de nouveau traduits devant la Cour européenne des droits de l’homme qui nous condamnerait une fois de plus.

    En votant pour ce projet de loi et contre vos amendements, nous souhaitons simplement que la loi soit indifférente à l’orientation sexuelle. C’est parce que la loi sera indifférente à l’orientation sexuelle que le marquage social qui existe encore contre l’homosexualité finira par disparaître et rendra encore plus vif l’aspect ringard de vos raisonnements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. C’est vous qui êtes ringard !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cela se termine bien ! Bravo !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l’amendement n° 5.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 248

    Nombre de suffrages exprimés 248

    Majorité absolue 125

    Pour l’adoption 76

    contre 172

    (L’amendement n° 5 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. La participation des députés socialistes est en baisse !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, à main levée, le sous-amendement n° 5390.

    (Le sous-amendement n° 5390 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, les amendements identiques nos 70, 126, 339, 381, 464, 523, 574, 600, 699 rectifié, 960, 1199, 1223, 1239, 1344, 1348, 1382, 1417, 1562, 1670, 1740, 2555, 3001, 3044, 3145, 3217, 3279, 3903, 4526, 5268 et 5283.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 251

    Nombre de suffrages exprimés 251

    Majorité absolue 126

    Pour l’adoption 76

    contre 175

    (Les amendements identiques nos 70, 126, 339, 381, 464, 523, 574, 600, 699 rectifié, 960, 1199, 1223, 1239, 1344, 1348, 1382, 1417, 1562, 1670, 1740, 2555, 3001, 3044, 3145, 3217, 3279, 3903, 4526, 5268 et 5283 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    M. Nicolas Bays. Pour la soupe à l’oignon ?

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5052.

    M. Hervé Mariton. À plusieurs reprises dans le débat a été évoquée la difficulté qu’il y aurait à permettre l’adoption par des personnes célibataires. La loi, heureusement, ne dispose pas de la sexualité de ces personnes.

    M. Pascal Popelin. C’est gentil de le rappeler !

    M. Hervé Mariton. Les personnes des services qui traitent les adoptions n’ont pas à savoir quelle est l’orientation sexuelle des personnes qui veulent adopter. L’État ne fait pas la police des lits. Ces personnes mènent leur vie. L’incohérence réside dans le fait d’autoriser dans la loi l’adoption par des célibataires et de refuser l’adoption par des couples de personnes de même sexe.

    L’histoire de l’adoption par des célibataires est complexe. S’y mêlent différents éléments : notamment les conséquences de conflits et, plus proches de nous dans les années soixante, des raisons assez circonstancielles liées aux besoins de telle ou telle personnalité qui a pu provoquer une évolution de la loi. Bref, il y a une incohérence et nous l’admettons. Nous proposons de la corriger.

    Notre amendement propose l’interdiction générale de l’adoption par des personnes célibataires. Nous avons ensuite déposé un amendement différent sur lequel je reviendrai tout à l’heure, qui me paraît mieux rédigé et mieux adapté car je pense que le principe de l’interdiction absolue n’est pas heureux.

    Je retire donc l’amendement n° 5052.

    (L’amendement n° 5052 est retiré.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série de 64 amendements identiques, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 66.

    M. Marc Le Fur. La question a été parfaitement posée par notre collègue Mariton. Nous considérons qu’il faut mettre un terme à l’adoption par les célibataires, sauf – exception de bon sens – existence de liens familiaux particuliers entre la personne adoptante et l’enfant concerné. Pourquoi ? Pour trois raisons.

    Premier élément, l’adoption par les célibataires est entrée dans la loi à des moments très spécifiques. Après la guerre de 1914-1918, il y avait beaucoup d’enfants à adopter et beaucoup de femmes seules.

    Deuxième élément, cette adoption pose de multiples problèmes et je souhaiterais que chacun mesure ce que nous dit le professeur Lévy-Soussan : les célibataires qui adoptent consultent six fois plus que les couples, dit-il. C’est une adoption qui peut être un risque parce que l’enfant est en demande de parents et qu’en face, il ne trouvera qu’une seule personne.

    Troisième élément, il est à craindre, et les psychologues là aussi le confirment, que l’adoption par une seule personne n’aboutisse à une logique de l’enfant-roi, à une relation exagérément fusionnelle susceptible de desservir l’enfant.

    Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il faut faire évoluer les choses. Nous introduisons ce débat à l’occasion de l’examen de ce texte, il y est lié, mais il va plus loin et cela peut aboutir à quelque chose de relativement consensuel.

    Je voudrais vous faire part d’un élément d’information que je tiens des professionnels de l’aide sociale à l’enfance. Lorsqu’ils examinent une candidature de personne seule, les services de l’ASE recherchent aussi un référent masculin. De fait, ils intègrent le souhait et la nécessité de disposer d’un référent masculin…

    M. le président. Merci !

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 378.

    M. Hervé Mariton. Dans l’esprit de ce que j’indiquais avant de retirer l’amendement précédent, il est cohérent de privilégier l’adoption par des couples. On peut cependant comprendre que des circonstances familiales ou amicales doivent aussi être privilégiées : lorsqu’en cas de décès de deux parents, dans un accident par exemple, il se peut qu’un oncle, un parent ou un membre du cercle amical de la famille célibataire soit disposé à adopter l’enfant. Dans ce contexte, on peut tout à fait comprendre la légitimité de l’adoption.

    L’idée est bien de sortir les célibataires du champ de l’adoption et de la restreindre aux membres de la famille ou du cercle amical.

    Mme Elisabeth Pochon. Incroyable !

    M. Hervé Mariton. On préserve ainsi l’intérêt de l’enfant dans les meilleures conditions.

    Quant à la définition du cercle amical, il appartiendra, sous le contrôle de la justice, de vérifier la réalité des relations préexistantes entre la famille de l’enfant, l’enfant et les personnes concernées.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 696.

    M. Frédéric Reiss. Nous exprimons les plus grandes réserves quant aux conséquences de ce projet de loi sur l’organisation de l’adoption tant sur le plan national que sur le plan international.

    Je voudrais souligner la complexité que va engendrer la question de la filiation car, aujourd’hui déjà, nous sommes confrontés à de grandes difficultés dans le cadre de la recherche des origines.

    Le droit français autorise l’adoption d’un enfant par un célibataire, ouvrant ainsi la voie à l’adoption par une personne célibataire homosexuelle. Le premier alinéa de l’article 343-1 du code civil dispose que l’adoption peut aussi être demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans. Le groupe UMP souhaite compléter cet alinéa par les mots : « à la condition que cette personne ait un lien de parenté avec l’enfant, ou bien fasse partie de ses alliés, ou de tiers proches de ses parents et alliés. »

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 957.

    M. Philippe Vitel. L’expérience a montré que ces adoptions par des célibataires étaient tout bonnement des adoptions déguisées par des couples homosexuels. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Étant opposé à l’adoption par les couples homosexuels, je suis par ricochet très circonspect sur ce type d’adoption. C’est pourquoi il est temps de s’y opposer.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n° 1020.

    M. Jean-Marie Tetart. Le débat que nous avons eu montre une volonté commune de promouvoir la famille, de mettre l’intérêt de l’enfant au premier plan. Nous avons là une occasion unique. Il faut que l’on puisse, dans le cas de difficultés familiales, de deuil, d’accidents de la vie, assurer à l’enfant le meilleur environnement que peut lui assurer la famille la plus proche et relativiser les inconvénients. Il faut que l’enfant soit dans un environnement favorable où existent déjà une parenté, des amis.

    Mesdames et messieurs de la majorité, vous avez là une occasion unique d’aller vers ce qui vous est le plus cher : la promotion de la famille et de l’enfant. Cet amendement vous permet d’atteindre le but que vous poursuivez.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1416.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous entrons dans une partie de la loi très complexe. Tant qu’il s’agissait de l’adoption par des couples déjà constitués, y compris homosexuels, nous ne pouvions trouver de réponse véritablement satisfaisante, ni pour ni contre. Pour ma part, j’ai des doutes ; voilà pourquoi, dans le doute, je n’étais pas favorable à une loi sur ce sujet.

    Mais en l’espèce, nous abordons le cas de l’adoption par une personne seule d’enfants qui ont perdu leurs parents. Dans leur repère identificatoire, ces enfants ont déjà connu le couple qui est à l’origine de leur vie. Par conséquent, il nous semble plus logique et plus responsable de proposer à ces enfants que la personne adoptante ait avec l’enfant un lien de parenté prouvé, expertisé. Tel est le sens de cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1555.

    M. Yves Fromion. Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur le sujet.

    Plusieurs députés du groupe SRC. En effet !

    M. Yves Fromion. Je partage l’avis de mes collègues. Nous connaissons tous les difficultés de la société actuelle. Nous voyons bien les effets de la déstructuration des familles, des couples. Il serait sage d’éviter de créer de nouveaux déséquilibres dont ensuite la société serait obligée d’assumer les conséquences.

    Ce n’est pas faire injure aux homosexuels. Ce n’est pas désigner tel ou tel.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

    M. François André. Mais il y a un mais !

    M. Yves Fromion. C’est simplement prendre conscience de ce qu’est la société, et non de ce que voudriez ce qu’elle devienne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi, comme mes collègues, je pense qu’il faut privilégier l’adoption par les couples hétérosexuels.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1673.

    Mme Véronique Louwagie. Je souhaite réagir aux propos de Mme la rapporteure pour avis. Dans un amendement précédent, nous souhaitions remplacer les mots « deux époux » par les mots « un mari et une femme ». Un tel amendement n’avait pas lieu d’être, a-t-elle répondue, car l’adoption était possible par les personnes célibataires.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je n’ai pas dit cela.

    Mme Véronique Louwagie. D’où l’amendement qui suit, en parfaite cohérence avec nos propos.

    Le principe essentiel à nos yeux est l’intérêt supérieur de l’enfant. À cet égard, je voudrais citer les propos de quelqu’un qui n’est pas présente dans l’hémicycle, mais qui pourrait l’être : Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux, en novembre 1998. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. En effet, elle devrait être là !

    Mme Véronique Louwagie. « Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. » Et d’ajouter : « Un enfant a droit à un père et une mère…

    M. Xavier Breton. C’est vrai !

    Mme Véronique Louwagie. …quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. »

    Ces propos sont la preuve qu’il est souhaitable qu’un enfant puisse être adopté par un père et une mère. En l’occurrence, l’adoption par une personne seule, situation par trop exclusive, ne va pas dans l’intérêt de l’enfant. Le bien de l’enfant doit primer sur le désir d’un enfant de la part de ceux qui souhaiteraient être parents. L’enfant n’est pas un objet de droit.

    M. Xavier Breton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1738.

    M. Guillaume Chevrollier. La légalisation de l’adoption par les célibataires a répondu à des conditions historiques qui n’ont plus cours aujourd’hui. Le nombre d’enfants adoptables a beaucoup régressé pour un certain nombre de raisons.

    L’amendement n° 1738 vise à limiter les cas d’adoption des célibataires aux cas où l’enfant a une relation de parenté directe ou indirecte avec la personne qui désire l’adopter ou bien a entretenu des liens étroits avec ses parents et alliés.

    M. Jérôme Guedj. La régression est en marche !

    M. Guillaume Chevrollier. Cette exception doit être la seule à un principe essentiel : donner un père et une mère à des enfants qui en ont été privés.

    La démarche d’adoption n’est pas faite pour donner un enfant à un couple mais pour donner une famille à un enfant qui a déjà subi, faut-il le rappeler, un traumatisme important en étant privé de son père et de sa mère.

    Or, en ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, un autre principe essentiel de notre société est mis à mal : au lieu du droit de l’enfant, on veut donner un droit à l’enfant, droit hautement répréhensible. Où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? Oublié, piétiné.

    L’enfant n’est pas un objet que l’on pourrait acquérir pour combler un manque – manque certainement réel pour un certain nombre de personnes. Il n’est nullement question de mettre en doute les capacités à aimer et à éduquer des couples homosexuels, bien entendu. Ce qu’il vous faut comprendre et surtout admettre, vous les porteurs du projet, c’est que les enfants ont tous besoin d’avoir des repères dans notre société, tous ont droit d’être élevés par un père et une mère, fussent-ils de substitution. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Écoutez les pédopsychiatres, les psychologues, les psychiatres, les témoignages de ces enfants qui auraient voulu grandir dans une famille hétérosexuelle, cessez de ne prêter oreille qu’aux arguments des associations partisanes. C’est l’enfant que vous devez mettre au cœur de votre projet et non les désirs des adultes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2556.

    M. François Scellier. Le but de cet amendement est de ne permettre l’adoption par une personne seule que sous certaines conditions, établies dans l’intérêt supérieur de l’enfant : l’existence de liens préexistants entre l’adoptant et l’enfant, qu’il s’agisse de liens de parenté ou de liens d’alliance. C’est tout l’intérêt de l’enfant que de pouvoir maintenir ses repères. Il s’agit là d’une disposition de sagesse qui mériterait d’être adoptée.

    M. Patrick Bloche. Une disposition honteuse, oui !

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3216.

    M. Jérôme Guedj. Je crains le pire !

    M. Jacques Myard. Inutile de revenir à l’histoire de l’adoption par les célibataires, nous la connaissons. Cela a été l’honneur de notre pays que d’adopter ces règles à la suite du premier et du deuxième conflit mondial.

    M. Jérôme Guedj. Elles datent de 1966 !

    M. Jacques Myard. En réalité, je crois que cet amendement a le grand mérite de prendre en compte les réalités de la vie. Il donne une chance à l’enfant, car il privilégie son cercle de proximité, l’adulte qui connaît déjà en partie son passé, avec lequel il a sans doute déjà eu des moments passés ensemble, des expériences et des émotions communes. Il donne à l’enfant une réelle chance pour repartir.

    M. Jérôme Guedj. Hé bé !

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3707.

    M. Yves Censi. Il est défendu, monsieur le président.

    M. le président. Le sous-amendement n° 5386 à l’amendement n° 66 est-il défendu ?

    M. Guillaume Larrivé. Oui, monsieur le président.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous voulez, une fois de plus, faire cadrer l’intérêt de l’enfant avec vos préoccupations personnelles. Or il est important de laisser les juges et les divers professionnels analyser l’enfant tel qu’il est et évaluer les familles. Le rôle du rapporteur n’est pas forcément de fixer en amont quel sera l’intérêt de l’enfant. Il n’y a aucune évidence a priori que l’adoption par des parents ou alliés aille dans le sens de son intérêt.

    Mais depuis le début d’après-midi, vous vous en tenez à une même stratégie : définir en amont l’intérêt de l’enfant. Ce n’est pas l’esprit du code civil.

    M. Sylvain Berrios. L’adoption, c’est d’abord l’intérêt de l’enfant !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton a prétendu que lors de nos auditions, certains pédopsychiatres avaient jugé néfaste l’adoption par une personne célibataire. Je tiens à vous dire que moi, je n’ai pas entendu la même chose, y compris dans la bouche de M. Flavigny. Nous pourrons avoir un échange à ce propos. Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission sur ces amendements et ce sous-amendement est défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avis défavorable !

    M. Bernard Roman. Bonne synthèse, madame la ministre !

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

    Mme Valérie Lacroute. Je ne vous apprendrai pas, chers collègues de la majorité, que ce projet de loi nous divise depuis plusieurs jours. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous tenez à notre endroit des propos parfois fort désagréables, en nous traitant de ringards et d’homophobes.

    M. Alexis Bachelay. Des propos très justes !

    Mme Valérie Lacroute. Je n’ai pas le sentiment d’avoir ce genre d’attitude. Il est normal de débattre de ce projet de loi : nous sommes en démocratie.

    M. Pascal Popelin. Débattre oui, rabâcher non !

    Mme Valérie Lacroute. Les Français vous l’ont prouvé puisqu’ils sont descendus dans la rue très nombreux le 13 janvier. Ils étaient encore nombreux hier, et ils le seront toujours le 24 mars. Je tweete très peu, mais je reçois beaucoup de mèls de gens qui nous soutiennent et qui nous soutiendront encore demain.

    Les enfants se trouvent au cœur du débat. Mais leur avez-vous laissé la parole ? Le bien de l’enfant doit primer le désir d’enfant de ceux qui souhaiteraient être parents. L’enfant n’est pas un objet de droit : il naît d’un homme et d’une femme et il a besoin pour structurer sa propre personnalité qu’interviennent auprès de lui un père et une mère. Dans l’intérêt de l’enfant, il est donc nécessaire de limiter les possibilités d’adoption pour les célibataires aux personnes ayant une relation de parenté directe ou indirecte avec l’enfant ou ayant entretenu des liens étroits avec ses parents et ses alliés.

    M. Bernard Roman. Que de répétitions !

    M. Marc Le Fur. Eh oui, répéter, répéter, répéter, toujours répéter !

    Mme Valérie Lacroute. Eh oui, je suis bien d’accord avec vous, mais il est important que nous débattions de cette question. C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter ces amendements.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous pouvons nous mettre d’accord sur l’impératif de défendre le droit de l’enfant à avoir la meilleure famille, à ceci près que, pour nous, il existe différentes formes de familles : elles peuvent être homoparentales, hétéroparentales ou encore monoparentales.

    À cet égard, j’aimerais rappeler que la mission sur la famille présidée par Patrick Bloche, dont la rapporteure était Valérie Pécresse, avait considéré en 2005 que l’intérêt de l’enfant justifiait de maintenir l’adoption pour une personne seule, …

    M. Jérôme Guedj. Tout à fait !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. …notamment pour permettre à des enfants plus grands, à besoins spécifiques, autrement dit en situation de handicap, de trouver une famille.

    M. Jacques Myard. Parmi les proches !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et qui était membre de cette mission ? M. Mariton !

    M. Hervé Mariton. Je n’ai pas approuvé ses conclusions !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. En huit ans, quelle régression ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Comment allez-vous expliquer aux enfants adoptés par des célibataires que leur famille repose sur un modèle qui n’est plus valide ? Où est l’intérêt de l’enfant dans tout cela ? Je le cherche encore.

    M. Yves Fromion. Continuez à chercher !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il me semble que vos amendements stigmatisent les familles monoparentales. Un jour, retirerez-vous leurs enfants aux veufs ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Alain Bénisti. Ridicule !

    M. Hervé Mariton. Contresens et non-sens !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Comment allez-vous faire pour expliquer à ces gens qu’ils représentent un danger pour leurs enfants ? Je vous invite à faire preuve d’un peu de bon sens. Ces amendements, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (Le sous-amendement n° 5386 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 66, 378, 696, 957, 1020, 1416, 1555, 1673, 3 216 et 3 707 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une autre série d’amendements identiques qui tendent à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1994.

    M. Hervé Mariton. Même si nous n’approuvons pas la procédure d’adoption telle que le Gouvernement la prévoit, il nous paraît important de l’entourer de précautions. L’enfant de plus de treize ans peut et doit faire valoir son point de vue : nous proposons qu’il bénéficie d’un entretien préalable avec un psychologue afin que l’on s’assure de son consentement dans un certain délai. C’est une démarche raisonnable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2978.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Dans des situations, l’avis des enfants, même de moins de treize ans, est sollicité. Je pense par exemple à la décision de vivre chez l’un ou l’autre des parents en cas de séparation.

    Cet amendement vise à ce que l’enfant soit au moins consulté…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’entretien est déjà prévu !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Dans ce cas, vous m’expliquerez en quoi ce serait superfétatoire !

    M. Hervé Mariton. L’élément nouveau est l’entretien avec le psychologue !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …et qu’il puisse consentir à cette adoption compte tenu de l’importance de l’évolution en jeu. Dès lors qu’il a treize ans ou plus, il est normal que son consentement soit sollicité.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3057.

    M. Patrick Hetzel. « On ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants comme on baisse un taux de TVA. Rien n’est pire que de légiférer dans la précipitation et sous l’influence médiatique. » Voilà ce qu’écrivait en mai 2004 un certain Jean-Marc Ayrault dans une revue parlementaire que vous vous plaisez à citer, Tribunes socialistes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ces propos de celui qui n’était pas encore notre Premier ministre me semblent plus que jamais d’actualité.

    Il poursuivait : « L’égalité des droits est un principe fondamental. Il n’est pas l’uniformité des droits ».

    J’aimerais savoir pourquoi ce qu’avait écrit Jean-Marc Ayrault en 2004 ne s’appliquerait plus aujourd’hui.

    M. Philippe Gosselin. L’électoralisme !

    M. Patrick Hetzel. Ce qui est très intéressant, c’est que le Premier ministre balaie l’argument de l’égalité des droits en montrant qu’il est susceptible d’effacer toute différence.

    M. Bernard Roman. Quel rapport avec l’amendement ?

    M. Patrick Hetzel. Nous sommes pleinement dans ce débat. De toute évidence, les arguments que vous avez avancés au cours des derniers jours ne remettent absolument pas en cause ce qu’avait écrit alors Jean-Marc Ayrault.

    Je pense qu’il y a fondamentalement aujourd’hui un problème dans le débat que nous avons.

    M. Christian Jacob. Ça s’est sûr !

    M. Patrick Hetzel. Vous-mêmes avez avancé certains arguments. Le premier d’entre vous, en l’occurrence, celui qui dirige le Gouvernement, a pris des orientations. Il semble s’en écarter ou du moins ne pas se rendre compte que le projet de loi qui nous est soumis par son Gouvernement est en train de dévier par rapport à ce qu’il affirmait lui-même dans les Tribunes socialistes.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1914 et les amendements identiques qui suivent, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3787.

    M. Philippe Gosselin. Cette brillante citation de notre Premier ministre tombe à point nommé, il est bon de la rappeler. Mais je pense que lui-même s’en est souvenu aujourd’hui : c’est sans doute ce qui explique que, depuis le Cambodge, il ait eu ce réflexe de survie d’attirer l’attention de sa majorité, sans doute pour l’aider à resserrer les rangs. Ce matin, nous avons en effet assisté à un psychodrame qui s’est confirmé à la reprise de nos travaux l’après-midi.

    M. Patrick Hetzel. Il n’y a guère que Bruno Le Roux pour n’avoir pas encore compris !

    M. Christian Jacob. Il va se faire taper sur les doigts à présent !

    M. Philippe Gosselin. M. Le Roux est resté longtemps sans voix ce matin mais il semble avoir repris quelque force depuis et il ne faudrait peut-être pas le tenter. Toutefois, si nous n’avions plus besoin de nos sonotones, nous pourrions lui passer quelques vitamines C. Nous n’en manquons pas !

    Revenons à notre sujet. Nous avons vu tout à l’heure les questions liées à l’adoption. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Gardez vos forces, mes chers collègues, je n’entends pas ce que vous dites. Nous pourrons en parler tout à l’heure si vous voulez, j’aurai aussi des pastilles pour vous.

    M. Jérôme Guedj. Sans façon !

    M. Philippe Gosselin. Je vous assure pourtant qu’elles ne sont pas empoisonnées, ce ne serait pas mon style.

    M. le président. Poursuivez, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, vous avez raison de me rappeler à l’ordre. Ma bonté pour mes collègues de la majorité pourrait m’égarer.

    Nous avons donc abordé les questions liées à l’adoption, en particulier celle, très sérieuse, du besoin de s’identifier à une scène originelle pour des enfants adoptés, ce qui suppose la reconnaissance d’un père et d’une mère, d’un homme et d’une femme. En l’espèce, compte tenu de l’âge de l’enfant, plus de treize ans, il nous semble important qu’il puisse, non seulement consentir personnellement à son adoption, ce qui, vu son âge, ne serait pas exceptionnel, mais qu’il puisse le faire après un entretien, un échange spécifique, avec un psychologue, lequel aura une vue d’ensemble de la situation.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4487, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5387.

    M. Marc Le Fur. Je voudrais tout d’abord vous exprimer ma surprise : M. Patrick Hetzel reçoit Tribunes socialistes mais moi, je ne suis pas sur la liste des destinataires et je n’ai pas pu en prendre connaissance. Peut-être en disposerai-je à l’avenir si M. Le Roux se montre obligeant. (Sourires.)

    M. Michel Pouzol. Envoyez un chèque !

    M. François André. Eh oui, c’est payant !

    M. Marc Le Fur. J’en viens à l’amendement n° 4487. Nous abordons là un sujet majeur, celui de la volonté de l’enfant mineur. Ce n’est pas un sujet anecdotique, loin de là. Nous vous proposons de progresser ensemble sur cette question, en permettant à l’enfant mineur, âgé de plus de treize ans, avec l’accompagnement d’un psychologue, d’exprimer une volonté, un souhait, de le formaliser, dans le cas très singulier d’une éventuelle adoption par des personnes de même sexe.

    La parole de l’enfant doit être entendue à un moment donné et nous devons mener une véritable réflexion sur ce point. Nous aurions d’ailleurs pu le faire si cette loi avait été mieux préparée. Ce ne fut pas le cas et je le regrette.

    Cette impréparation a du reste été manifeste tout au long de l’après-midi puisque nous avons vu la ministre chargée de la famille dire une chose, pour se faire reprendre ensuite par le Premier ministre depuis Phnom Penh. Bref, ce n’était pas satisfaisant, mais notre amendement pourrait permettre de progresser sur les droits de l’enfant, un sujet qui préoccupe beaucoup l’UMP.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 345 du code civil se suffit à lui-même, monsieur Le Fur : s’il a plus de treize ans, l’enfant adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière. Le préciser davantage pour les couples de même sexe ne serait pas un progrès mais une régression, une stigmatisation. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Et l’entretien ?

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le rapporteur l’a très bien dit, le code civil répond à votre demande. La rencontre avec un psychologue est une modalité pratique de la préparation de l’enfant à l’adoption et ne relève pas du domaine législatif mais du domaine règlementaire. En tout état de cause, dans le cadre de la procédure judiciaire, le juge peut, conformément à l’article 388-1 du code civil, ordonner l’audition de l’enfant. Cette audition est même de droit lorsque l’enfant en fait la demande. C’est le juge qui entend l’enfant ou bien une personne qui exerce, ou a exercé, une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique.

    Si je vous ai rappelé tous ces points, c’est bien pour vous montrer que des dispositifs existent déjà et que vos amendements n’aboutissent qu’à jeter la suspicion sur le travail des autorités en charge de l’adoption.

    M. Jacques Alain Bénisti. Mais non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Comme, de surcroît, votre exposé sommaire vise « la situation particulière résultant de l’adoption par des personnes de même sexe », tout porte à considérer votre proposition comme une nouvelle mesure discriminatoire à l’encontre des personnes de même sexe.

    Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin pour soutenir le sous-amendement n° 5387.

    M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Même avis.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

    M. Bernard Roman. Est-ce bien raisonnable ?

    M. Jacques Alain Bénisti. M. le rapporteur s’est plaint de ce que les députés ne lui parlaient que de leur propre expérience, de leur vie au quotidien. L’on ne vous a pas parlé que de cela. Lorsque vous avez procédé à des auditions, monsieur Binet, un certain nombre de courriers vous ont été envoyés, dont vous ne faites absolument pas état aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Le premier courrier, c’est le rapport de l’INSERM. Les professionnels vous ont interpellés sur le comportement des enfants. Vous n’en avez tenu aucun compte.

    Le conseil de l’ordre des pédopsychiatres vous a posé une série de questions. Vous n’y avez pas répondu.

    Le conseil supérieur de l’adoption vous a presque violemment interpellé sur les problématiques de l’adoption par des couples homosexuels.

    Enfin, un rapport vous a été transmis par le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, référence européenne en matière des troubles du comportement chez l’enfant.

    Que nous, les parlementaires, nous ne soyons pas des professionnels de l’adoption, des problèmes comportementaux, soit. Mais pourquoi n’avez-vous pas tenu compte des avis des professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

    Plusieurs députés SRC. Enfin !

    M. Patrick Bloche. Je serai bref tant je suis atterré, comme les députés de la majorité, par la régression manifeste à laquelle nous assistons, amendement après amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés SRC. Absolument !

    M. Bernard Roman. Régression totale !

    M. Patrick Bloche. À l’instant, c’était la remise en cause de l’adoption par une personne seule ; à présent il s’agit, dans le cas de l’adoption par un couple de personnes de même sexe, de remettre en cause ce que le code civil reconnaît déjà, à savoir le discernement d’un enfant de treize ans, dont il est dit qu’il doit consentir personnellement à son adoption plénière. Ce qui signifie qu’il ne peut consentir sous l’influence d’une tierce personne, tout psychologue que cette personne soit.

    M. Bernard Roman. Bien sûr !

    M. Patrick Bloche. Entre stigmatisation et suspicion, chers collègues, vous nous entraînez très, très loin.

    M. Bernard Roman. En effet, c’est une régression totale !

    M. Yves Fromion. C’est du délire.

    M. Patrick Bloche. En l’occurrence, puisque votre amendement tend à ce que, « Lorsqu’est envisagée son adoption par des personnes de même sexe, l’enfant de plus de treize ans doit bénéficier d’un entretien préalable avec un psychologue », j’ai très envie de vous proposer ce contre-amendement : « Lorsqu’est envisagée son intervention sur le mariage et l’adoption pour tous, le député de l’opposition doit bénéficier d’un entretien préalable avec un psychologue ». (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement ! On ne peut pas laisser passer cela !

    M. Patrick Hetzel. On ne laissera pas passer !

    M. Philippe Gosselin. C’est facile d’attiser le feu !

    M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues ! Je vous propose de tout d’abord procéder au vote, avant de vous donner la parole pour un rappel au règlement.

    (Le sous-amendement n° 5387 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1994, 2978, 3057, 3787 et 4487.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 225

    Nombre de suffrages exprimés 224

    Majorité absolue 113

    Pour l’adoption 61

    contre 163

    (Les amendements identiques nos 1994, 2978, 3057, 3787 et 4487 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, on peut estimer ou non…

    Plusieurs députés SRC. Non !

    M. Hervé Mariton. …utile, opportun, l’entretien avec un psychologue que nous proposons. C’est loisible. J’ai compris que le Gouvernement et le rapporteur pensaient que l’ajout n’était pas opportun. Mais je ne peux admettre le glissement que vous opérez à partir d’une proposition qui n’a rien de révolutionnaire d’un entretien psychologique – on en parle dans bien d’autres circonstances qui ne sont pas à ce point déterminantes pour la vie des personnes. Vous imaginez de nous soumettre à des entretiens psychologiques. Vous auriez pu dire psychiatriques, pendant que vous y étiez !

    M. Carlos Da Silva. Excellent ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. La médecine psychiatrique a aussi sa légitimité et son utilité, mais ce glissement n’est pas acceptable. Nous connaissons un certain nombre de pays où c’est ainsi que l’on s’adressait à ses opposants. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je souhaiterais que vous ne rentriez pas dans l’idée que ceux qui s’opposeraient à votre texte relèvent, de votre point de vue, davantage d’un traitement médical que d’une discussion politique.

    Nous sommes dans une discussion politique, nous l’assumons et nous ne considérons pas que vous auriez, vous, besoin d’entretiens psychologiques ou d’entretiens psychiatriques.

    M. Marcel Rogemont. L’humour est aussi possible en politique !

    M. Hervé Mariton. Ayez la gentillesse de respecter la démocratie. Il y a hélas des pays où cette conception des choses a fait des dégâts considérables. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Avant l’article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis, et qui font l’objet d’un sous-amendement n° 5375

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3281.

    M. Philippe Gosselin. Revenons une fois de plus à la gestation pour autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – je sais que cela vous manquait – et aux techniques d’assistance médicale à la procréation.

    Aujourd’hui, le code civil interdit de recourir à la gestation pour autrui et l’accès à la PMA est circonscrit. Reste à savoir ce qu’il en sera bientôt, au-delà des couacs du Gouvernement auxquels nous avons assisté hier, ce matin, cet après-midi ? On se croirait aux Galeries Lafayette il y a une certaine époque : il se passe à tout instant quelque chose au Gouvernement et dans la majorité !

    M. Jérôme Guedj. C’était à la Samaritaine, pas aux Galeries Lafayette !

    M. Philippe Gosselin. Toujours est-il qu’une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade, évidemment contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine. On le voit déjà avec la reconnaissance opérée implicitement par la circulaire du 25 janvier 2013, dont on nous dit qu’elle ne crée pas de droits. Si c’est réellement le cas, abrogez-la, annulez-la, vous verrez qu’elle en crée bien au final !

    Nous souhaitons que tout ce qui a trait la gestation pour autrui et l’accès à la PMA interdise l’adoption d’enfants qui seraient conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France et qui doivent le rester. Aucun appel ne doit être fait implicitement et il doit être posé une interdiction claire et nette du « tourisme reproductif ». Je sais que cette expression que j’avais employée voici quelques séances en avait fait bondir certains ; reste qu’au final, cela reviendrait à légaliser ces pratiques. Il faut poser l’interdiction pleine et entière de l’adoption d’enfants qui auraient été conçus dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une PMA…

    M. le président. Merci, monsieur Gosselin, cela suffira !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4223.

    M. Xavier Breton. À aucun moment, nous ne vous avons insultés. Or, pour le moment vos seules réponses se résument à des onomatopées, des vociférations, des invectives et des insultes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je le dis au président de la commission à laquelle j’appartiens, j’ai été déçu par la mise en cause qu’il a faite. Ce n’est pas à son honneur !

    Notre message est clair : nous ne souhaitons pas entrer dans la logique qui va conduire, nous l’avons montré, du mariage à l’adoption, puis à l’assistance à la procréation, enfin, à la gestation pour autrui. C’est un peu facile, pour des adultes responsables, de procéder à l’étranger à la conception d’enfants dans le cadre de pratiques interdites en France, puis de revenir demander la légitimation de telles pratiques. Certains parlementaires utilisent les enfants comme des prétextes, ils les instrumentalisent. C’est vraiment scandaleux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 4241.

    M. Yves Fromion. Nous avons bien compris, à travers ce que vous nous avez expliqué depuis plusieurs jours, qu’au fond, le groupe majoritaire était opposé à la GPA. (« Ah ! enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Sauf que, hélas, les faits contredisent cette position de principe. La circulaire dont on vient de parler encore il y a un instant démontre que vos actes sont en contradiction avec vos positions, disons-le, un peu hypocrites.

    C’est pourquoi il faut éviter que les choses puissent déraper d’une façon ou d’une autre, parfois même à votre corps défendant, car nous voulons bien admettre que ce soit votre volonté de refuser la GPA.

    Dès lors, il faut être clair. Les personnes qui iront bénéficier de la GPA à l’étranger devront, le cas échéant, être sanctionnées si l’on arrive à prouver qu’elles ont effectivement commis une infraction à la loi dans notre pays.

    C’est une attitude particulièrement claire que de dire qu’aucune adoption ne sera autorisée pour des gens qui auront pratiqué la GPA.

    M. le président. Sur l’amendement n° 3281 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4343.

    M. Hervé Mariton. Le texte du Gouvernement pour le mariage et l’adoption des personnes de même sexe n’a aucune cohérence. Le mariage est pour lui et sa majorité un instrument, pas un objectif. D’adoption, il n’y en aura pas et le texte ne trouve sa logique que dans la poursuite du chemin qui mène à la procréation médicalement assistée et à la gestion pour autrui.

    Ce problème de cohérence d’un texte qui n’a pas d’effet en lui-même mais qui n’en a que par sa transgression pose un problème de constitutionnalité. Cette transgression se fera par des PMA à l’étranger et par des gestations pour autrui. Elle pourra également se produire du fait de l’évolution du droit en France sur la PMA – plus ou moins vite, car nous ne savons pas très bien où en est le Gouvernement en la matière – et un jour, éventuellement, sur la GPA.

    Nous ne pouvons accepter un tel enchaînement. Toute la logique de cet amendement est de dire non à un texte qui n’a de sens que par sa propre transgression. Tant que vous n’avez pas légalisé la GPA, votre idée est de laisser hypocritement pratiquer la GPA à l’étranger. Cette logique n’est pas acceptable.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 4568.

    M. Philippe Vitel. Je serais très heureux que vous acceptiez tous cet amendement qui va dans le sens de notre État de droit.

    Nous sommes en effet dans un État de droit. Comment peut-on autoriser l’adoption d’un enfant conçu par des pratiques hors la loi, donc en dehors du cadre de l’État de droit qui régit notre République ?

    Aujourd’hui, GPA et PMA sont pratiquées par des personnes qui ne trouvent pas leur bonheur dans notre pays et qui vont à l’étranger pour le trouver. Nous ne pouvons tolérer encore plus longtemps que notre droit soit à ce point bafoué.

    M. le président. L’amendement n° 4606 de Mme Valérie Lacroute est défendu.

    La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 4688.

    M. Nicolas Dhuicq. Mes chers collègues, il fut un temps où l’on considérait que l’enfant était une pâte vierge, une page blanche, jusqu’à un âge fort avancé par rapport aux critères d’aujourd’hui. Dès les premières semaines de vie cependant, il se noue une relation intime entre la mère et l’enfant. Cette relation intime, nous l’appelons la dyade. La gestation pour autrui est la négation même de cette dyade, de ces liens intimes qui se nouent entre la mère et l’enfant pendant la grossesse.

    Nombre d’entre vous ont été parents et vous avez certainement suivi les travaux récents qui montrent combien les enfants savent reconnaître les voix, par exemple lorsqu’ils sont dans le ventre de la mère. Lorsqu’ils sont nés, ils n’ont pas le même réflexe par rapport à la voix du père ou à la voix de la mère.

    J’avais déjà évoqué combien le rôle du père était alors difficile. Avec la gestation pour autrui, vous allez en plus briser totalement cette notion de dyade en instrumentalisant le ventre de femmes. C’est là une rupture terrible.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Le texte de loi parle du mariage !

    M. Nicolas Dhuicq. La loi n’a pas, malgré vos dénégations répétées et votre aveuglement, à autoriser indirectement la gestation pour autrui dans des pays étrangers. Car vous ouvririez alors une vanne que vous ne pourriez jamais fermer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 5354.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je l’ai dit en commission et je l’ai répété en défendant la motion de renvoi, je pense sincèrement que vous, députés de la majorité, êtes très majoritairement opposés à l’irruption de la gestation pour autrui dans la loi.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est intéressant de parler de quelque chose qui n’est pas écrit dans la loi !

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Oui, ce n’est pas le sujet !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je parle de ce que je veux.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et moi, je répondrai sur les contrats de génération…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous voulez !

    M. Bernard Roman. Vous êtes comme un poisson dans l’eau !

    M. Jean-Frédéric Poisson. M. Roman est en pleine forme !

    Compte tenu de cette fameuse circulaire et des échanges que nous avons eus dans cet hémicycle ces derniers jours, nous avons montré à quel point le texte avait un lien direct, inéluctable, avec la GPA. Aussi souhaitons-nous que vous preniez une position claire sur ce sujet en adoptant cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 5375 à l’amendement n° 3281 de M. Philippe Gosselin.

    M. Marc Le Fur. « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Ce principe constant du droit signifie que quelqu’un qui a contrevenu à la règle élémentaire de notre droit en utilisant certaines méthodes, ne peut s’en prévaloir.

    J’ai déjà fait état de sites qui présentent des enfants en « solde », voire des possibilités de gestation pour autrui low cost en Inde – c’est il est vrai un peu plus cher en Ukraine et en encore beaucoup plus aux États-Unis. Après avoir eu recours à de telles pratiques, aurait-on le droit de devenir parents adoptifs ? À l’évidence, non ! C’est précisément ce que je vous propose.

    Vous dites, chers collègues, que vous êtes contre la gestation pour autrui, mais cela reste au niveau de la pétition de principe.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais non ! C’est dans la loi !

    M. Marc Le Fur. Vous ne sanctionnez pas les sites qui encouragent ces pratiques.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez fait, vous ?

    M. Marc Le Fur. Et demain, vous ferez droit à ceux qui auront eu préalablement recours à la gestation pour autrui.

    À chaque fois, vous affirmez un principe sans en voir les conséquences. Ce n’est pas autre chose que de la propagande ! (Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.) Nous, proposons de traduire ce principe dans les textes et de le faire de manière plus circonstanciée, d’où mon sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nos collègues veulent interdire toute adoption pour les enfants conçus dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou de la procréation médicale assistée. Une fois de plus, ils assimilent GPA et PMA, deux pratiques qui n’ont strictement rien à voir,…

    M. Marc Le Fur. Sous-amendez ! Faites votre travail de rapporteur !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …la procréation médicalement assistée étant permise dans notre pays, la gestation pour autrui y étant interdite.

    Ces enfants, dans les deux cas, ont un lien de filiation reconnu dans notre pays avec non pas deux mais une personne. Vous, vous voulez interdire l’adoption avec l’autre – en réalité, vous voulez interdire toute adoption. En cas de décès du parent légitime, vous allez donc créer des orphelins à perpétuité. Je comprends de mieux en mieux ce qu’est votre conception de l’intérêt de l’enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une singulière conception de l’intérêt supérieur de l’enfant que l’on nous brandit toutes les deux minutes !

    Alors qu’il s’agit du devenir d’enfants, vous êtes prêt à les priver de manière absolue et irrémédiable d’un lien juridique qui les sécuriserait, tout cela pour punir la méconnaissance de la loi française par les parents.

    M. Hervé Mariton. Le viol de la loi, pas la méconnaissance ! Le mot est faible !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une singulière conception que de punir l’enfant en le privant de parents !

    Je ne sais d’ailleurs pas comment vous pourriez rendre effective l’obligation de la mère à déclarer, au moment où elle va accoucher, qu’elle est allée à l’étranger bénéficier d’une assistance médicale à la procréation !

    On voit bien combien vous êtes obnubilé par l’idée de mêler la loi qui je le répète est consacrée au mariage et à l’adoption, à la PMA et la GPA ! C’est votre choix de faire cette confusion permanente. En tout cas, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas à géométrie variable !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Il ne s’agit pas de punir, mais de ne pas inciter. Il est clair que tous les signaux envoyés qui reconnaissent implicitement la GPA seront autant d’incitations qui, petit à petit, installeront cette pratique dans le droit.

    J’en veux pour preuve qu’il manque à la circulaire de Mme Taubira un paragraphe rappelant que la GPA est interdite en France. Avec un rappel explicite du caractère illégal de la GPA en France, elle aurait déjà un autre sens.

    Enfin, nous reconnaissons tous que la cohérence juridique entre la PMA et la GPA est aussi évidente qu’extrêmement risquée. Tous les amendements tendant à éviter d’avoir recours ou d’inciter à la GPA me semblent devoir être défendus et votés.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. Nous avons le sentiment, madame la ministre déléguée à la famille, de nous heurter à un mur d’incompréhension sur cette affaire de gestation pour autrui. Ce que nous nous efforçons de soutenir, amendement après amendement, c’est une idée simple et forte : la gestation pour autrui est interdite en droit international parce qu’elle est contraire à l’ordre public. Ce que nous souhaitons, c’est qu’elle ne produise strictement aucun effet dans l’ordre juridique français. Je comprends que vous n’acceptiez pas ce raisonnement, puisque cette circulaire, justement qualifiée d’ignoble par notre collègue Claude Goasguen tout à l’heure, reconnaît à la gestation pour autrui, sous le timbre du ministère de la justice, des effets de droit dans l’ordre interne.

    Avec cet amendement, nous souhaitons indiquer fermement et obstinément que la gestation pour autrui ne saurait avoir aucune espèce de début d’effet, en l’occurrence sur une procédure d’adoption. Ce faisant, nous sommes persuadés que, contrairement à vous, nous sommes fidèles à nos principes fondamentaux, notamment à une très belle décision du Conseil Constitutionnel de 1994 qui jugeait que « la primauté de la personne humaine, le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, l’inviolabilité, l’intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l’intégrité de l’espèce humaine tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».

    Oui, nous voulons défendre la dignité de la personne humaine, contrairement à vous, madame la ministre, qui persistez à défendre la gestation pour autrui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

    M. Philip Cordery. Merci, monsieur le président. Depuis six jours, l’opposition nous parle de la place et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais la réalité, chers collègues, c’est que vous n’en avez que faire, des enfants ! Vous les instrumentalisez pour conforter vos thèses et l’idéologie dans laquelle vous êtes empêtrés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Fromion. Ça commence bien !

    M. Marc Le Fur. C’est un monsieur tout en nuances !

    M. Patrick Hetzel. Subtil, même !

    M. Philip Cordery. Qu’a-t-on entendu depuis ce matin ? « Les enfants Playmobil » et le principe de précaution. À présent, vous refusez aux enfants un cadre familial, en contradiction flagrante avec la Convention internationale des droits de l’enfant !

    Un député du groupe UMP. C’est vous qui instrumentalisez les enfants !

    M. Philip Cordery. Il ne s’agit même pas ici de PMA ou de GPA.

    M. Hervé Mariton. Un peu quand même !

    M. Philip Cordery. Ces enfants existent ! Que voulez-vous en faire ? Leur refuser un cadre familial ? Leur refuser la sécurité ? Les abandonner ? Nous voterons contre cet amendement dans l’intérêt supérieur des enfants. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (Le sous-amendement n° 5375 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3281, 4241, 4343, 4568, 4606, 4 688 et 5 354.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 219

    Nombre de suffrages exprimés 219

    Majorité absolue 110

    Pour l’adoption 62

    contre 157

    (L’amendement n° 3281, 4241, 4343, 4568, 4606, 4 688 et 5 354 n’est pas adopté.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il s’agit d’un rappel au règlement au titre de l’article 50-4.

    Dans le cadre de la défense du droit et de la protection des députés, notre règlement dispose que notre assemblée se réunit l’après-midi de 15 heures à 20 heures et en soirée de 21 h 30 à une heure Or il est 1 heure 15 passée. Certes des dispositions permettent de prolonger la séance, mais cela a un certain coût. Je croyais que l’on était attentif aux coûts de fonctionnement de l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je ne suis pas sûr en outre que tous nos concitoyens sont convaincus que légiférer à sept heures du matin soit la meilleure manière de garantir la qualité de la loi. Est-ce en légiférant à l’aube que l’on garantit la qualité de la loi ? (Mêmes mouvements.)

    Si vous souhaitez prolonger la séance, nous sommes désireux de savoir jusqu’à quand. Quoi qu’il en soit, il faut pour cela un vote de l’Assemblée, une réunion de la commission des lois ou une réunion de la conférence des présidents. C’est le règlement !

    M. le président. Je vais consulter la commission et le Gouvernement puis, en application de l’article 50, alinéa 5, de notre règlement, je consulterai l’Assemblée.

    La parole est au président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, j’ai réclamé il y a maintenant deux jours que nous travaillions plus loin dans la nuit parce qu’il me paraissait cohérent d’aller jusqu’au vote de l’article 1er. Vous aviez jugé bon d’interrompre nos travaux pour permettre à l’opposition de se reposer.

    M. Hervé Mariton. Vous aviez renoncé !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Hier, également par souci de cohérence, j’ai souhaité que nous interrompions nos travaux puisque nous étions au terme d’une étape.

    Un député du groupe UMP. Un partout, balle au centre !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Aujourd’hui, en application de l’article 50, alinéa 5, je vous propose de continuer nos travaux. Nous avons un ordre du jour déterminé, ce qui fait partie des conditions figurant à l’alinéa 5.

    À ce stade, nous avons étudié 1 303 amendements et il en reste 3 712. À moins que l’opposition ne retire les 3 712 amendements qu’elle a déposés, je souhaite que nous allions jusqu’au bout de leur examen.

    Un député du groupe SRC. Retirez vos amendements !

    M. Thomas Thévenoud. Les voilà, les économies !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Nous avons, monsieur le président, un point d’accord avec l’opposition, qui nous rappelle que le souhait des Français de parler d’autres questions, par exemple de l’importante réforme sur la loi bancaire qui doit venir en discussion dans les prochains jours.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Alors retirez votre texte !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Afin que nous puissions justement traiter des questions sociales et sociétales qui préoccupent les Français, ce qui est l’intention de la majorité et du Gouvernement qui partagent un même enthousiasme en la matière, le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que nous poursuivions nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Où est la garde des sceaux ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En matière de présence des ministres à l’Assemblée, vous n’avez pas brillé pendant cinq ans !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, comme mon collègue Hervé Mariton, je vous demande de passer par les procédures prévues pour le cas où nous continuerions à siéger après une heure du matin et dans ce cas de nous dire jusqu’à quelle heure nous siégerons.

    M. Bernard Roman. Jusqu’à huit heures !

    M. Christian Jacob. Je le dis avec beaucoup de solennité : sur un texte aussi important, porté par la garde des sceaux, la moindre des choses serait que cette dernière ait, à l’égard de la représentation nationale, la décence d’être présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Voilà trois heures que nous légiférons en l’absence de la garde des sceaux ! Si vous voulez aller plus loin, qu’elle ait au moins la dignité d’être là ! C’est le moins que l’on puisse lui demander !

    Un député du groupe SRC. C’est un texte du Gouvernement !

    M. Christian Jacob. Mais c’est bien la garde des sceaux qui porte ce texte ! Si elle est fatiguée, alors nous pouvons l’être aussi. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    En outre, si, comme nous l’avons entendu dire, nous siégeons jusqu’à sept ou huit heures du matin, cela signifie que nous siégerons pendant vingt-deux heures trente sans discontinuer, alors même que la ministre qui porte ce texte n’a pas la dignité d’être présent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vous ferai remarquer, monsieur le président Jacob, que, avant que les arguments ne commencent à – comment dire ? – se répéter, la garde des sceaux a été présente au banc, avec Mme Bertinotti. J’ai même entendu des membres de l’opposition relever le fait que plusieurs ministres siégeaient avec elles sur les bancs du Gouvernement.

    S’agissant de votre remarque relative aux dépenses de l’Assemblée, nous avons pris l’engagement de ne pas réclamer un euro supplémentaire tout au long de la législature. Aussi, lorsque j’entends comme tout à l’heure dire que l’on pourrait peut-être mieux affecter ces dépenses, que n’y avez-vous songé quand a été proposé un deuxième groupe UMP, ce qui n’aurait pu qu’occasionner à la longue des dépenses importantes ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Pour ce qui est de l’heure de la levée de nos travaux, nous irons le plus loin possible. J’ai beau être un des parlementaires les plus anciens de cet hémicycle, je dois d’ailleurs faire part de ma surprise devant sa fréquentation à cette heure tardive. Je pense donc que nous pouvons légiférer dans de bonnes conditions.

    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sans revenir sur les propos parfaitement inappropriés de l’opposition en la matière, je lui confirme que Mme la garde des sceaux nous rejoindra au plus tard d’ici à une demi-heure afin de travailler jusqu’au bout de la nuit avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Dans le cadre de l’organisation des débats, monsieur le président, vous devez nous annoncer jusqu’à quelle heure vous souhaitez prolonger la séance.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Huit heures !

    M. Christian Jacob. « Le plus loin possible », ce n’est pas un horaire. Donnez-en un clairement et soumettez-le à la procédure adaptée !

    M. le président. Compte tenu du nombre d’amendements restants, je vous propose d’aller jusqu’à 8 heures du matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tous ces amendements, ce sont les vôtres !

    M. Christian Jacob. Dans ces conditions, monsieur le président, je souhaite que vous réunissiez la conférence des présidents. Vous-même et les présidents de groupe étant présents, cela est tout à fait possible. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guillaume Larrivé. C’est la procédure !

    M. le président. L’ordre du jour n’a pas changé, monsieur le président Jacob, il n’y a donc pas nécessité de réunir la conférence des présidents. Je propose néanmoins, comme vous l’avez demandé, une suspension de séance de cinq minutes afin de m’entretenir avec les présidents de groupe, que j’invite à me rejoindre.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à une heure trente, est reprise à une heure trente-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La commission demande à ce que le débat se poursuive au-delà d’une heure du matin. En application de l’article 50, alinéa 5 de notre règlement, j’ai demandé son avis au président de la commission…

    M. Hervé Mariton. Dans le règlement, il n’est pas question du président de la commission, mais de la commission elle-même !

    M. le président. …et j’ai également consulté le Gouvernement. Tous deux souhaitant que la séance se poursuive, je vais, comme le prévoit le règlement, consulter l’Assemblée sans débat.

    (Consultée, l’Assemblée décide de poursuivre le débat.)

    M. le président. L’Assemblée ayant décidé de poursuivre notre débat, nous en venons à l’article 1er bis.

    Article 1er bis

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, inscrit sur l’article.

    Je rappelle que chaque orateur dispose d’un temps de parole de deux minutes.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite revenir un instant sur le déroulement de nos travaux.

    J’avais demandé, dès le 12 octobre, à saisir le Comité national d’éthique. Quant à la commission, elle est allée jusqu’à désigner son rapporteur avant même que le texte ne soit sur le bureau de l’Assemblée, ce qui est tout à fait contraire à notre tradition et même, me semble-t-il, à notre règlement. Puis le titre du texte a été modifié, le titre initial de « mariage pour tous » ayant suscité de nombreuses réactions. Par ailleurs, j’avais demandé, à cette même tribune, la réunion d’une commission spéciale, de façon que ce texte ne soit pas vu qu’à l’aune de la commission des lois, mais que chaque parlementaire puisse, quelle que soit sa commission d’origine, participer aux travaux. Enfin, nous avons eu le débat sur la procréation médicalement assistée – une question qui devait initialement figurer dans le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Non !

    M. Marcel Rogemont. Jamais !

    M. Christian Jacob. Je vous le confirme, la PMA avait été annoncée comme devant figurer dans le texte.

    À la suite de fortes tensions, apparues entre le Gouvernement et sa majorité, le groupe socialiste avait décidé de porter un amendement sur la PMA, contre l’avis du Gouvernement. M. Le Roux – qui n’est malheureusement plus là – m’avait proposé de venir assister aux réunions du groupe socialiste,…

    M. Hervé Mariton. Je confirme !

    M. Christian Jacob. …mais je n’ai jamais reçu l’invitation qu’il m’avait promise, ce que je regrette, car j’honorerais volontiers de ma présence les réunions du groupe socialiste si j’y étais invité.

    M. Jean-Marc Germain. Parlez-nous du fond !

    M. Christian Jacob. Cependant, M. Le Roux s’est fait convoquer et, si j’ai bien compris, tancer par le Premier ministre. Il a dû courber l’échine et accepter le principe du retrait de l’amendement du groupe socialiste. La PMA a donc disparu du débat, avant…

    M. le président. C’est terminé, monsieur Jacob.

    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, nous venons d’assister à un moment que je qualifierai de clownesque : sur l’article 1er bis, le président du groupe UMP a, en fait, parlé de tout autre chose.

    Après l’article 1er de cette grande loi que nous avons adopté (Protestations sur les bancs du groupe UMP) samedi matin, et qui reconnaît le mariage entre les couples de même sexe,…

    M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas adopté la loi !

    M. Jérôme Guedj. …il nous appartient désormais de sécuriser les règles d’adoption à l’intérieur des couples.

    Vous avez, des heures durant, agité des fantasmes dans le but d’obtenir une modification des conditions de l’adoption. Nous devons maintenant revenir à un débat plus serein, débarrassé des peurs excessives et de la démagogie que vous avez tenté d’imposer, afin de sécuriser les règles de l’adoption intrafamiliale. Contrairement à ce que vous racontez depuis plusieurs jours, l’essentiel de l’adoption, qui va devenir possible, c’est la régularisation de toutes les adoptions effectuées au cours des années passées, aboutissant à la délivrance par les conseils généraux d’agréments pour des personnes seules – des personnes qui sont souvent dans le déni de la réalité de leur couple homosexuel.

    Il est tout à l’honneur de la commission et de son rapporteur d’avoir introduit une disposition ayant pour effet de sécuriser l’adoption intrafamiliale, car cela va améliorer l’ensemble du quotidien des « parents sociaux » – ceux qui accompagnent les enfants à l’école, qui se préoccupent de la nounou, qui s’occupent des voyages scolaires, des vacances, bref, tous ceux qui donnent de l’amour à ces enfants, tout simplement, et vivent l’amour au sein de leur couple. Mais manifestement, c’est cet amour-là, à l’intérieur du couple et envers les enfants, qui vous pose problème…

    M. le président. Merci, monsieur Guedj.

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mes chers collègues, avec l’article 1er bis, nous abordons un sujet qui va vous intéresser au plus haut point, celui de l’adoption. Je voudrais, dans un premier temps, le replacer dans le cadre plus général de ce projet de loi du mariage pour tous.

    Comme vous le savez, nous nous trouvons dans une période de reprise en main, notamment celle du Président de la République par quelques associations LGBT après son discours devant le congrès des maires ; reprise en main, également, du groupe socialiste qui, alors qu’il souhaitait présenter un amendement sur la PMA, n’a pas pu le faire ; enfin, reprise en main – à assortir d’un point d’interrogation – des ministres par le Premier ministre, ce matin, en direct du Cambodge. Tout cela me conduit à me demander si nous-mêmes, membres de l’opposition, nous n’allons pas finir par être repris en main. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Manifestement, c’est ce que vous souhaiteriez, et je le regrette.

    Nous avons, au sujet de la famille et de la filiation, deux conceptions qui s’affrontent. Je le répète, ce n’est pas le mariage en tant que tel qui nous pose problème. Nous avions, au demeurant, émis la proposition d’une alliance civile, répondant parfaitement aux questions posées par un certain nombre de couples. Ce qui, à nos yeux, pose difficulté, c’est la filiation et tout ce qui découle de la modification que vous voulez imposer sur ce point aux Françaises et aux Français, en particulier en ce qui concerne l’adoption.

    Reconnaître la possibilité pour des couples d’adopter, alors que des gestations pour autrui auraient été effectuées à l’étranger…

    M. le président. C’est terminé, monsieur Gosselin.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il y a matière à améliorer les conditions de l’adoption plénière par l’époux de l’enfant adopté par son conjoint en la forme plénière. N’était l’article 1er du projet de loi, et ses effets relatifs à l’adoption par les couples de même sexe, nous pourrions soutenir cet article 1er bis présenté par le Gouvernement. Nous ne disconvenons pas, en effet, qu’il y a, y compris dans la situation actuelle, une difficulté à résoudre. Toutefois, l’acceptation de l’article 1er bis pourrait se comprendre comme une acceptation implicite de l’article 1er, ce que nous ne souhaitons pas.

    À cet égard, votre volonté de transformer le mariage nous empêche de soutenir une amélioration légitime de la question de l’adoption plénière par l’époux de l’enfant adopté par son conjoint en la forme plénière.

    Monsieur Guedj, vous voulez sécuriser la situation des enfants, mais vous nous expliquez que samedi nous aurions voté une loi.

    M. Jérôme Guedj. Une grande loi !

    M. Hervé Mariton. Cher collègue, avant la loi, ce n’est pas la loi. vous avez fait le choix dans votre département monsieur le président du conseil général de l’Essonne, de proposer et de mettre en œuvre de manière illégale des prestations liées à la parenté de couples de personnes de même sexe.

    M. Jérôme Guedj. Et j’en suis fier !

    M. Hervé Mariton. Une telle décision est clairement illégale ; je ne sais pas si on peut appeler cela sécuriser la situation des enfants et des adultes qui en ont la charge !

    Enfin, je le dis avec beaucoup de respect pour…

    M. le président. merci, monsieur Mariton.

    La parole est à Mme Ericka Bareigts.

    Mme Ericka Bareigts. Chers collègues, vous avez tort lorsque vous prétendez que nous sommes pour un droit à l’enfant ; c’est un fantasme ! Nous parlons, nous, des droits de l’enfant : le droit de vivre en famille avec ceux qui l’ont élevé, le droit à bénéficier d’une vie familiale avec ceux qui l’aiment, tout simplement.

    Selon l’Institut national d’études démographiques, 40 000 enfants sont aujourd’hui élevés par un couple de personnes de même sexe. Ce sont 40 000 enfants sur lesquels les gens qui les ont élevés n’ont aucun droit et se voient même interdire de signer les documents médicaux qui les concernent ; 40 000 enfants qui, s’ils perdent demain le parent de droit, courent le risque d’être insérés dans un parcours d’adoption alors même que le parent social existe.

    M. Hervé Mariton. L’adoption testamentaire, ça existe !

    Mme Ericka Bareigts. Le drame vient ainsi s’ajouter à la tragédie. Ces enfants, en cas de séparation difficile du couple qui les a élevés, pourraient ne plus jamais pouvoir voir un de leurs parents sans que le tribunal n’y puisse rien. Ce sont 40 000 enfants, chers collègues, mais même s’il n’y en avait qu’un seul, ce serait un de trop.

    Vous avez soutenu qu’il n’y avait pas d’urgence à légiférer sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels en période de crise, que nous divisions la société française ; mais quand le faire, alors ? Quel serait le bon moment, le moment opportun pour agir en faveur de ces dizaines de milliers d’enfants ? Dans un an, deux ans, dix ans ?

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Ericka Bareigts. Au demeurant, le fait que nous siégions ce dimanche si nombreux de ce côté de l’hémicycle montre notre considération pour les enfants et pour ces familles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Nous sommes là aussi !

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Philippe Gosselin. Elle semble ne pas nous voir, monsieur le président !

    Mme Ericka Bareigts. La vérité, c’est que, pour vous, ces enfants ne méritent pas l’attention du législateur, parce qu’ils sont fautifs d’avoir des parents homosexuels. Vous les punissez en les privant de parents pour toujours. Notre conviction, monsieur Mariton, est que ce n’est pas abîmer la politique familiale que de donner à ses enfants…

    M. Hervé Mariton. De la fausse monnaie !

    Mme Ericka Bareigts. …une sécurité juridique et affective.

    Vous nous avez chanté l’incantation du droit de l’enfant ; quant à nous, nous sommes concrets : nous construisons par ce texte, par cet article 1er bis, le droit des enfants.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je voudrais vous suggérer, sur la base de l’article 57, alinéa 1er, la clôture immédiate de cette phase de notre discussion : l’ensemble des arguments ont été exposés puisqu’un orateur pour et un orateur contre se sont exprimés. Vous avez la faculté de clore cette phase de façon que nous passions à l’essentiel, c’est-à-dire la discussion des amendements déposés par l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Le couperet est en train de tomber !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas glorieux !

    M. Patrick Hetzel. C’est un simulacre scandaleux ! Vous ne respectez pas l’opposition !

    M. le président. La clôture de la discussion sur l’article 1er bis vient d’être proposée.

    La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, le Gouvernement et le président de la commission des lois continuent, par toutes les manipulations possibles, à faire en sorte de bâillonner l’opposition.

    Monsieur le président de la commission des lois, vous êtes bien faible sur le fond et sur votre argumentation pour refuser à ce point le débat !

    M. Patrick Hetzel. L’argumentation est faible !

    M. Christian Jacob. Vous pourriez nous écouter et nous répondre ensuite, ce qui vous obligerait à aller sur le fond du texte, mais vous préférez couper court au débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le président, après ce nouvel incident de séance provoqué par le président de la commission des lois, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

    (La séance, suspendue à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La clôture de la discussion de l’article 1er bis vient d’être proposée en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

    (Il est procédé au vote.)

    M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. En conséquence, la discussion sur l’article 1er bis est close.

    M. Hervé Mariton. C’est un coup de force !

    M. Marcel Rogemont. C’est votre règlement de l’Assemblée que nous appliquons !

    Article 1er bis (suite)

    M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er bis.

    La parole à M. Hetzel, pour défendre l’amendement n° 3058. (« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Dans ce cas, la parole est à Mme Genevard sur l’amendement n° 4748. (« Elle n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Tourret. Il n’y a plus de femmes, en face !

    M. le président. La parole est alors à Mme Maréchal-Le Pen sur l’amendement n° 5068. (« Elle n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5299.

    M. Jean-Christophe Fromantin. En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale, enfin lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

    L’article 1er bis vise à permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque l’enfant a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint. Les dispositions de l’article 1er bis sont liées à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. En effet, l’argumentation du rapporteur se fonde sur le fait que l’article 346 du code civil, qui dispose que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux », semble a priori ménager la possibilité pour l’époux d’adopter en la forme plénière l’enfant de son conjoint, quand bien même ce dernier a adopté seul avant le mariage cet enfant en la forme plénière.

    Cet article est donc présenté comme une simple précision pour éviter des interprétations divergentes de la loi. Or s’il peut également s’appliquer aux couples composés d’un homme et d’une femme, l’article 1er bis anticipe en réalité l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Il vise donc à permettre l’adoption non simultanée par un couple homosexuel marié et ainsi de faire de l’adoption intrafamiliale le moyen privilégier pour établir un lien de filiation entre un enfant et deux adultes de même sexe.

    Nous sommes opposés à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels et proposons donc la suppression de cet article additionnel.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.

    Mme Françoise Dumas. Depuis 1966, l’adoption simple et plénière d’un enfant est possible pour une personne seule, soit un homme ou une femme célibataire, soit un seul membre d’un couple non marié. Il est alors établi qu’une seule filiation de l’enfant est possible.

    Jamais, dans ma carrière professionnelle, je n’ai pu constater de différence tangible ou de difficultés supplémentaires dans la construction de la personnalité de ces enfants.

    Donner une famille à un enfant, ce n’est pas le limiter à un devenir au sein d’une famille nucléaire, c’est lui donner une famille élargie, diverse, avec ses grands-parents, ses oncles, ses tantes, ses amis, bref, tous ceux qui peuvent lui apporter amour et affection.

    Oui, la possibilité d’une adoption intra-familiale par le conjoint de l’adoptant est une chance et une sécurité supplémentaire pour ces enfants. C’est leur donner une double filiation, qui permettra une meilleure sécurité affective et réduira les drames souvent liés au décès et toutes les difficultés qui surviennent lorsque le père adoptant est célibataire.

    En l’état actuel du droit, l’article 343-1 du code civil ne précise pas que l’adoption conjointe par deux époux doit être effectuée simultanément. Elle peut avoir lieu à tout moment, en fonction de l’évolution du couple et de la famille de l’enfant.

    N’oubliez jamais, chers collègues, que ce qui fonde la filiation, c’est toujours un projet parental, un engagement à long terme, une inscription dans une histoire, dans un avenir, dans une lignée. Ce sont exactement la sécurité et la stabilité dont ces enfants ont besoin. Nous ne pouvons donc que saluer cette avancée significative pour les droits supérieurs de l’enfant.

    M. le président. Sur l’amendement n° 5299, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Gérald Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. Il est un peu compliqué de défendre une position sur des amendements quand nous avons été privés de discussion sur l’article. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Après avoir refusé le référendum, et donc l’appel au peuple, vous niez désormais aux parlementaires le droit de s’exprimer.

    M. Marcel Rogemont. C’est vous qui avez adopté ce règlement !

    M. Jérôme Guedj. Il fallait écouter ce qui a été dit à Jacob tout à l’heure !

    M. Gérald Darmanin. Vous avez raison de m’interpeller, monsieur Guedj. Venant d’un homme qui est contre le cumul des mandats, mais qui le pratique, je ne suis pas sûr que nous ayons beaucoup à apprendre de vos propos.

    M. Jérôme Guedj. C’est du haut niveau !

    M. Gérald Darmanin. Certes, mais je m’aligne tout simplement sur le vôtre. Vous vous êtes illustré dans ce domaine, monsieur Guedj !

    M. Jérôme Guedj. Et ce n’est qu’un début !

    M. le président. Monsieur Darmanin, je vous en prie Je ne donnerai pas la parole pour un fait personnel à huit heures du matin !

    M. Gérald Darmanin. Et pourquoi pas, monsieur le président ? Ce serait intéressant !

    M. Jérôme Guedj. Moi, je vais le demander !

    M. Gérald Darmanin. Certains étaient pour les 35 heures ; mais manifestement ils veulent travailler bien plus, et de surcroît le dimanche. Que de reniements dans votre application de la procédure parlementaire !

    Il est dommage que des questions aussi intéressantes n’aient pu être discutées au sein d’une commission spéciale. Le président Jacob vous l’a très formellement demandé plusieurs fois. Si vous aviez agi de même que pour la révision des lois de bioéthique, nous aurions eu une discussion constructive.

    M. Luc Belot. Et si vous parliez de l’amendement ?

    M. Gérald Darmanin. M. Urvoas – un grand monsieur – a dénoncé sur son blog pendant des années le comportement de la majorité. J’aurais préféré qu’il gardât ses illusions… Mais, comme à chaque fois chez les socialistes, le pouvoir transforme ! C’est bien dommage.

    Si nous terminons à huit heures, c’est pour que le Premier ministre puisse dire, depuis le Cambodge, ce que les ministres qui siègent sur les bancs du Gouvernement doivent penser. J’en profite d’ailleurs pour saluer le retour de Mme Taubira, que nous avions réclamée. (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.) Vos vociférations n’y changeront rien : vous l’avez voulu, vous l’avez voté, vous m’entendrez jusqu’à huit heures du matin !

    M. Jérôme Guedj. Pour ne rien dire !

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Gérald Darmanin. Avec mes amis de l’opposition, nous défendrons à la fois l’honneur des parlementaires et notre vision de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 5299.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 186

    Nombre de suffrages exprimés 186

    Majorité absolue 94

    Pour l’adoption 41

    contre 145

    (L’amendement n° 5299 n’est pas adopté.)

    (L’article 1er bis est adopté.)

    (Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent.)

    Après l’article 1er bis

    M. le président. Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l’article 1er bis.

    La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 3548.

    M. Sergio Coronado. Je serai bref à cette heure avancée de la nuit. Nous avons tous envie d’aller jusqu’à huit heures du matin, mais nous ne voulons pas, pour autant, nous attarder sur des débats inutiles ainsi que l’a fait l’opposition.

    M. Patrick Hetzel. Scandaleux !

    M. Sergio Coronado. Nous avons une différence de vue et de conception sur l’adoption. Les membres de la majorité pensent que l’adoption, notamment l’adoption simple, a été une grande avancée qui a renforcé la famille et les droits de l’enfant, et permis que l’enfant soit sécurisé et davantage protégé.

    C’est dans cet esprit que cet amendement vient compléter l’article 346 du code civil – qui précise que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux – en prévoyant l’alinéa suivant : « Une nouvelle adoption peut également être prononcée au profit du nouveau conjoint de l’un des deux parents lorsqu’une adoption simple de l’enfant a déjà été prononcée au profit du nouveau conjoint de l’autre parent. ».

    Cette disposition pourra s’appliquer non seulement dans le cadre des familles homoparentales, mais aussi dans celui des familles recomposées. Cela nous paraît aller dans le sens de la protection de l’enfant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement prévoit d’ajouter la possibilité pour le nouveau conjoint de l’un des deux parents d’adopter l’enfant. Dès lors que chacun des deux parents de l’enfant serait remarié, leurs conjoints respectifs pourraient adopter en la forme simple l’enfant, ce qui lui donnerait au total quatre parents.

    Mais en évoquant le « nouveau conjoint », l’amendement laisse la porte ouverte à l’adoption de l’enfant par plusieurs conjoints successifs du même parent. C’est la limite de votre amendement, que nous avions déjà relevée en commission. Multiplier le nombre de détenteurs de l’autorité parentale au-delà de quatre diluerait cette autorité parentale et poserait certainement quelques problèmes. Pour cette raison, la commission a repoussé cet amendement.

    M. Hervé Mariton. Jusqu’à quatre parents, cela vous convient ?

    M. Gérald Darmanin. C’est énorme !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que celles exposées par le rapporteur, le Gouvernement vous suggère le retrait de cet amendement. Nous avons commencé à travailler sur le problème que vous avez fort justement soulevé. Les initiatives prises par le rapporteur, soutenues par la commission, apportent un début de réponse. Nous y reviendrons dans la suite de l’examen du texte.

    M. Sergio Coronado. J’espère que nous en discuterons en même temps que de la PMA, dans le cadre de la loi sur la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme nous ne pouvons rien vous refuser ce soir (Sourires) et que nous nous réjouissons de votre présence, nous retirons cet amendement.

    (L’amendement n° 3548 est retiré.)

    M. Patrick Hetzel. Allô, le Cambodge ?

    M. le président. M. le président. Sur l’amendement n° 1453, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1453.

    M. Hervé Mariton. Le projet sur la PMA était promis pour les ides de mars ; comme l’a exprimé publiquement M. Coronado, le voilà renvoyé aux calendes grecques !

    Cela étant, je suis consterné par les propos du rapporteur : à partir de cinq parents, il considère que cela commence à être un problème, mais jusqu’à quatre, cela n’a pas l’air de l’alerter plus que cela !

    M. Sergio Coronado. Tout à fait !

    M. Hervé Mariton. Il y a donc au moins un point sur lequel vous êtes d’accord : cinq parents pour un enfant, cela commence à poser problème, quatre pas… Que chacun ici en soit témoin

    L’amendement n° 1453 prévoit que le dernier vivant des père et mère a le droit d’exprimer des directives sur l’avenir qu’il souhaite à l’enfant s’il doit être adopté, et en particulier celui de ne pas souhaiter que celui-ci puisse être adopté par un couple de personnes de même sexe. On peut, au minimum, considérer qu’un tel schéma d’adoption, si par malheur la loi était votée, n’est pas ordinaire dans notre société et que les parents puissent y faire obstacle.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez été pourtant assez assidu aux auditions, monsieur Mariton : un enfant peut parfaitement, par l’adoption simple, avoir quatre parents.

    M. Jérôme Guedj. C’est la loi !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut seulement que ses deux parents adoptants sous forme simple soient, en l’état actuel de notre droit, mariés. M. Coronado propose de lever cette obligation et qu’il puisse s’agir de deux personnes issues de deux couples différents.

    S’agissant de l’amendement n° 1453, je vous renvoie à mon appréciation sur celui qui avait trait à la tutelle testamentaire, et que la commission a rejeté. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Nous, nous sommes cohérents : nous considérons que l’altérité est un élément constitutif du couple et qu’il faut donner toutes ses chances à l’enfant. Nous considérons qu’un enfant qui a subi le double traumatisme de la perte de son père et de celle de sa mère doit être protégé et accompagné. Il ne doit pas avoir à faire face à la difficulté que représenterait la désignation comme tuteur d’un couple homosexuel. Cet amendement doit absolument être adopté : il y va de l’intérêt de l’enfant, il y va de la volonté des défunts parents, c’est tout de même la moindre des choses que de la prendre en compte !

    M. Michel Pouzol. Arrêtez !

    M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

    Mme Gisèle Biémouret. Je voudrais rappeler le fonctionnement du conseil de famille, puisque c’est cette instance qui décide de l’adoption. L’agrément est donné par les conseils généraux après des enquêtes sérieuses et approfondies. Lorsque les dossiers des familles ou des célibataires adoptants arrivent devant le conseil de famille, toutes les garanties sont réunies. Le même travail sérieux sera effectué par les services sociaux de l’aide sociale à l’enfance pour les couples de personnes de même sexe. Je ne vois pas pourquoi vous jetez la suspicion.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi les parents ne pourraient-ils pas s’exprimer ?

    Mme Gisèle Biémouret. Vous savez très bien comment fonctionne le conseil de famille actuellement !

    M. Jérôme Guedj. Ils ne savent même pas ce qu’est l’ASE, et encore moins comment cela fonctionne !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1453.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 182

    Nombre de suffrages exprimés 182

    Majorité absolue 92

    Pour l’adoption 0 (Rires.)

    contre 182

    (L’amendement n° 1453 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent en scandant : « Avec nous ! Avec nous ! »)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Vous voyez à quel point il est ridicule de continuer les débats à une heure pareille et de légiférer dans ces conditions ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes dans l’hémicycle depuis mardi et, depuis vendredi, nous finissons tous les soirs à deux heures du matin en commençant à neuf heures trente.

    M. Pascal Popelin. Qui l’a voulu ?

    M. Christian Jacob. Je comprends tout à fait qu’on le prenne avec le sourire, moi le premier : nous avons effectivement donné une mauvaise consigne de vote…

    M. Jérôme Guedj. Il faut vous réveiller !

    M. François André. Et que faites-vous de la liberté de vote ?

    M. Christian Jacob. Mais franchement, trouvez-vous vraiment sérieux de siéger vingt-deux heures trente d’affilée, comme ce sera le cas tout à l’heure ? C’est le summum du ridicule sur un sujet comme celui-là !

    M. Jean-Claude Fruteau. C’est vous !

    M. Christian Jacob. Vous avez fait le choix du ridicule : vous en porterez la responsabilité politique ! Mais pourquoi vouloir vous ridiculiser ? Le vote est prévu le 12 février ; d’ici là, plus rien n’est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

    M. Marcel Rogemont. On sera là jusqu’au 12 !

    M. Christian Jacob. Nous allons donc siéger pendant vingt-deux heures trente, avec tout ce que cela implique de coûts directs pour l’Assemblée – paiement des fonctionnaires et dépenses de fonctionnement –, pour nous retrouver sans rien d’inscrit à l’ordre du jour la semaine prochaine ! Tout cela pour un petit coup médiatique ridicule et stupide. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe SRC brandissent les liasses d’amendements déposés par le groupe UMP.)

    Article 1er ter

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, inscrit sur l’article 1er ter.

    Je rappelle que chaque orateur a deux minutes pour s’exprimer.

    M. Jérôme Guedj. L’obstruction en marche !

    M. Alexis Bachelay. Faites au moins l’économie du verre d’eau ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je profiterai de cette intervention sur l’article 1er ter, pour refaire un point sur le déroulement de nos débats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’article 1er ter y est totalement lié, et c’est bien dans ce cadre que je m’exprime.

    M. Gwendal Rouillard. Et sur le fond ?

    M. Christian Jacob. Nous sommes ridicules à débattre ainsi vingt-deux heures trente d’affilée sans que cela présente le moindre intérêt. (Mêmes mouvements.) Que le Gouvernement en effet nous dise clairement quels textes sont inscrits à l’ordre du jour jusqu’au 12 février ! Je prends les ministres à témoin : il n’y a rien absolument rien ! Pourquoi, dans ces conditions, siéger vingt-deux heures trente d’affilée et toute la nuit ? (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Fromion. Il a raison, c’est lamentable !

    M. le président. Chers collègues, je vous en prie ! Nous appliquons une procédure pour la discussion sur les articles, mais je veux qu’au moins l’orateur du groupe de l’opposition puisse s’exprimer dans le calme, pendant deux vraies minutes.

    M. Jean-Marc Germain. Rappelez-lui le règlement, monsieur le président !

    M. Christian Jacob. Merci, monsieur le président. Vous savez combien je suis sensible, et je le dis en toute sincérité, à la manière dont vous présidez notre assemblée. Je demande à nouveau que le ministre des relations avec le Parlement nous dise clairement ce qui est inscrit à l’ordre du jour jusqu’au 12 février.

    M. Razzy Hammadi. La GPA !

    M. Christian Jacob. Nous pouvons en effet rouvrir le débat sur ce sujet, mais j’aurais d’autres occasions de le faire dans la nuit. Quoi qu’il en soit, je ne vois vraiment pas pourquoi vous agissez ainsi, si ce n’est pour faire un coup médiatique… Cela se retournera contre vous, mes chers collègues, car l’opinion publique ne comprendra pas pourquoi on fait ce numéro, compte tenu du coût que cela représente pour l’Assemblée et de la médiocre qualité de nos débats lorsque nous siégeons vingt-deux heures trente d’affilée, et alors que nous pourrions respecter les horaires de séances traditionnels – de neuf heures trente à treize heures le matin, puis de quinze heures à dix-neuf heures trente, avant de reprendre de vingt et une heures trente jusqu’à une heure du matin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Fromion. C’est un coup de force !

    M. Patrick Hetzel. Le coup d’État permanent !

    M. Christian Jacob. Vous n’arrêtez pas de vociférer, en étant incapables de développer un seul argument sur le fond ! Vous jouez de votre supériorité numérique. Votre majorité est légitime, mais elle ne vous oblige pas à être à ce point ridicules et désuets.

    M. Jean-Claude Fruteau. Allez-vous enfin dire ce que vous avez à dire sur l’article ?

    M. Jérôme Guedj. Diversion et obstruction !

    M. Christian Jacob. Pour reprendre le débat sur le PMA, je souhaiterai que l’on clarifie enfin les choses…

    M. Luc Belot. Et les deux minutes ?

    M. Christian Jacob. Il y a eu ce rappel à l’ordre du Premier ministre, à la suite de ce qu’il a interprété comme un dérapage de la ministre de la famille…

    M. Marc Le Fur. Il n’y a plus de ministre de la famille au banc !

    M. Christian Jacob. Le Premier ministre a donc demandé à ce que la discussion sur la PMA soit reportée après l’avis du comité national d’éthique. Le rapporteur a, pour sa part, tweetté qu’attendre cet avis serait un déni de démocratie…

    M. Yves Censi. Et bien bravo !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

    M. le président. Merci, monsieur Jacob ! Vous avez eu vos deux vraies minutes.

    Mes chers collègues, je tiens à répondre à M. Jacob. J’entends sa remarque : ne risquons-nous pas d’avoir un creux dans l’emploi du temps de la semaine ? Mais il reste tout de même, au moment où je vous parle, 3 600 amendements en discussion. Depuis le début de nos travaux, nous avançons à la moyenne de quarante amendements à l’heure…

    M. Christian Jacob. C’est une bonne moyenne !

    M. le président. Je conseille donc que, par sécurité, nous avancions le plus possible pour pouvoir voter le 12 février. Et je ne voudrais pas que l’idée germe, dans l’esprit des uns et des autres, que nous allons bientôt être en vacances : il reste 3 600 amendements !

    La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Nous traitons depuis quelques heures d’une question qui suscite une immense attente. C’est aussi une question qui nous divise profondément.

    M. Yves Censi. Qui divise les Français ?

    M. Bernard Roman. Vous assumez votre position : vous êtes contre l’adoption par les couples homosexuels. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous sommes pour. Parce qu’il y a en France aujourd’hui des dizaines de milliers de couples homosexuels qui ont des enfants, et des dizaines de milliers d’enfants qui attendent de pouvoir être adoptés par le conjoint ou la conjointe de leur papa ou de leur maman. Vous refusez à ces enfants d’être des enfants comme les autres, avec les mêmes droits. Oui, ces enfants ont deux parents…

    M. Xavier Breton. Deux papas !

    M. Patrick Hetzel. Ou deux mamans !

    M. Bernard Roman. Vous ne voulez pas l’accepter, mais ces enfants ont deux parents sociaux !

    M. Xavier Breton et M. Patrick Hetzel. C’est un mensonge !

    M. Bernard Roman. C’est votre position. Mais le projet de fonder une famille procède du même désir, des mêmes valeurs, des mêmes repères, qu’un couple soit hétérosexuel ou homosexuel.

    M. Hervé Mariton. Ça n’a pas de sens !

    M. Bernard Roman. Vouloir un enfant, c’est vouloir transmettre un nom, des valeurs, une histoire familiale, une culture, et cette volonté est universelle.

    Comme nous voulons donner un droit universel et l’égalité à tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, non seulement nous assumons ce texte avec fierté, mais nous vous disons que vous vous trompez. Vous allez créer une immense déception, y compris parmi les vôtres et ceux qui attendent de pouvoir offrir un véritable cadre juridique aux nombreuses familles qui attendent ce texte avec impatience. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Hervé Mariton. Vous n’allez pas clore la discussion maintenant !

    M. le président. Je donne la parole au président de la commission des lois, qui me l’a demandée !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Chacun a bien compris que l’article 1er ter modifie l’article 360 du code civil, qui va donc autoriser expressément les époux à adopter en la forme simple l’enfant que l’un des deux conjoints a antérieurement adopté seul en forme simple.

    Un point de vue s’est exprimé contre, et chacun a bien compris les arguments du président Jacob contre cette nouvelle rédaction de l’article 360. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Bernard Roman vient, à l’inverse, d’appuyer la modification de l’article en question. Je vous demande donc, monsieur le président, en application de l’article 57, alinéa 1er de notre règlement, la clôture de la période. Cela permettra au président Jacob de méditer cet adage que les juristes aiment beaucoup : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

    M. le président. La clôture vient d’être proposée, en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

    (La proposition de clôture est adoptée.)

    M. le président. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton., pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Bays. C’est le Mariton législatif ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, lorsque la discussion sur l’article a commencé, le président de la commission des lois n’était pas encore intervenu, et la demande de clôture n’avait donc pas été présentée. Or, si je sais lire, il se trouve que le deuxième orateur inscrit sur le jaune, après Christian Jacob qui est intervenu, était votre serviteur. Mais vous avez donné la parole en second à M. Roman, qui n’était pas inscrit, alors même que la demande de clôture n’avait pas eu lieu. Il me semble que vous avez fait là preuve d’esprit d’anticipation… Un peu comme M. Guedj, qui voudrait appliquer la loi avant la loi ! Je ne suis pas un spécialiste du règlement, mais je ne demande qu’à apprendre… Quoi qu’il en soit, cela pose une vraie question sur l’application notre règlement.

    M. le président. Et je vais vous donner une vraie réponse : c’est le président qui fixe souverainement la liste des orateurs inscrits sur un article, en veillant à un équilibre entre les groupes.

    Vous avez pu constater que j’ai procédé de la sorte tout au long de la séance, notamment lorsqu’il s’agissait de répondre au Gouvernement et à la commission.

    Nous reprenons le cours de nos débats.

    Article 1er ter (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série de 106 amendements identiques, qui tendent à supprimer l’article 1er ter.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 74.

    M. Hervé Mariton. C’est très limite !

    M. Marc Le Fur. Si chacun me le permet, et en particulier mon collègue Mariton, je souhaiterais m’exprimer avec une certaine solennité.

    Quand des parlementaires français ont l’occasion de se rendre à l’étranger pour rencontrer des collègues, le jugement qu’ils portent sur la démocratie de ces pays tient finalement à la place que ces démocraties réservent à leur opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Croyez-moi, un observateur extérieur, européen, américain ou africain, serait certainement surpris par ce qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux : refus du référendum ; refus de la commission spéciale, pourtant demandée par l’opposition et qui s’est toujours pratiquée sur ce type de texte – comme nous l’avions fait durant le mandat précédent – ; manifestation, dès les travaux en commission, d’une attitude sectaire, comme cela s’est vu très clairement lorsqu’il s’est agi d’accueillir les représentants des cultes.

    Aujourd’hui, cette situation perdure, avec en particulier le refus d’un élément qui fait vivre notre débat : le sous-amendement. Vous avez en effet utilisé l’article 44 alinéa 2 pour refuser les sous-amendements et ainsi tronquer nos débats.

    Enfin, monsieur le président, alors que d’habitude les orateurs peuvent librement s’exprimer sur les articles,…

    M. Jérôme Guedj. Jacob n’a même pas parlé de l’article !

    M. Marc Le Fur. …ne serait-ce que pour préciser leur pensée, vous le leur interdisez ! Parfaitement ! J’étais moi-même inscrit sur cet article, et je n’ai pas pu m’exprimer ! Ceci n’est pas admissible, et je tiens à le dénoncer !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 387.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je persiste à penser que la manière dont vous avez appliqué par anticipation la demande de la commission tout à l’heure relève d’une erreur de présidence – je me permets de le dire sans insolence à votre égard.

    M. Patrick Hetzel. C’est inacceptable !

    M. Hervé Mariton. L’article 1er ter élargit les cas permettant l’adoption simple, par l’époux, de l’enfant adopté par son conjoint en la forme simple ou plénière. Nous pourrions au fond être d’accord : l’adoption simple est une approche juridique assez pertinente pour régler bien des situations. La difficulté tient en partie à son intitulé : l’adoption plénière emporte en droit des effets très puissants, tandis que les effets de l’adoption simple sont d’une autre nature, en particulier parce que celle-ci ne rompt pas la filiation existante.

    L’adoption simple est en réalité mal désignée dans notre droit, car le public tend à penser qu’adoption plénière et adoption simple sont au fond la même chose, puisqu’il y a le mot « adoption ». Or, ce sont deux réalités juridiques totalement différentes.

    Lorsque nous proposons l’amélioration du droit des tiers, notamment pour des enfants vivant dans des foyers de personnes homosexuelles, nous proposons une définition qui n’est pas extrêmement éloignée de ce qu’est aujourd’hui l’adoption simple – d’où, peut-être, la signature que j’ai apposée un peu rapidement sur une proposition de loi de notre collègue Robinet, même si je me suis ensuite ravisé du fait de l’intensité du débat et de l’insuffisance de sa rédaction.

    Mais c’est un gâchis : si plutôt que de vous en tenir aux mots tels qu’ils sont, vous aviez inventé quelque chose de neuf pour des enfants vivant dans tous types de foyers et donc aussi dans des foyers de personnes de même sexe, un concept nouveau aurait permis, dans un consensus, d’apporter une réponse juridique adaptée.

    L’expression « adoption simple » est inappropriée pour tous. Nous aurions pu proposer, pour tous, un concept différent, et en particulier une désignation différente, évitant l’ambiguïté qui pose problème aujourd’hui, et apporter ainsi aux enfants de couples hétérosexuels comme aux enfants vivant dans des foyers de personnes de même sexe, une réponse opérationnelle.

    Il est dommage que vous n’ayez pas recherché ce consensus.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 389.

    M. Christian Jacob. Au fond, nous sommes sur le mauvais véhicule législatif, car ce texte traite du mariage entre personnes de même sexe – tel est l’intitulé de votre texte.

    Or, dans le cas présent, cette disposition vise à simplifier les modalités d’adoption simple pour les conjoints qui eux-mêmes…

    M. Olivier Faure. Ce n’est pas simple de suivre votre pensée !

    M. Thomas Thévenoud. Éclairez-nous !

    M. Christian Jacob. Envisageons la situation d’un célibataire ayant adopté un enfant en adoption simple : il se marie, et son conjoint veut, à son tour, adopter cet enfant. L’accès à l’adoption simple constitue donc une mesure de simplification.

    Pourquoi, alors que le présent projet de loi ne porte que sur le mariage des couples homosexuels, ne pas avoir prévu cette disposition dans un texte relatif à la famille, puisque vous nous en annoncez pour dans un mois ou un mois et demi ? J’aimerais que le rapporteur et le Gouvernement nous précisent cela.

    À moins que ce texte sur la famille ne soit qu’un faux-semblant, uniquement voué à servir de véhicule législatif pour la PMA ou la GPA ! La vérité est certainement celle-là, puisque cette disposition n’a rien à faire dans le présent texte. Il s’agit véritablement d’un cavalier législatif, eu égard à l’intitulé du texte.

    Voilà la raison pour laquelle je vous propose la suppression de cet article qui n’a absolument rien à faire dans ce cadre-là.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 704.

    M. Frédéric Reiss. Le Conseil supérieur de l’adoption, dans son avis du 23 octobre dernier, fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe, et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas d’une adoption.

    À ce stade, je souhaite relever les réserves du Défenseur des droits sur ce sujet, exprimées lors de son audition par la commission des lois à l’Assemblée. Il a indiqué que la procédure suivie pour l’élaboration de ce projet de loi présente à cet égard une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant : pas une page, pas une ligne ne lui est consacrée.

    C’est évidemment contraire à la considération primordiale que doit constituer l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions qui le concernent, qu’elles soient le fait d’autorités administratives ou d’organes législatifs.

    L’article 1er ter modifie l’article 360 du code civil, qui traite de l’adoption simple, permise quel que soit l’âge de l’adopté ; nous pensons qu’il faut le supprimer.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 969.

    M. Philippe Vitel. Très brièvement, j’irai dans le même sens que mes collègues Mariton et Jacob. Il s’agit là à l’évidence d’un cavalier, qui n’a rien à faire dans ce texte. Nous sommes donc pour sa suppression.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 602.

    M. Philippe Gosselin. Je note, monsieur le président, que pour la troisième fois en quelques minutes, vous faites des confusions, des erreurs et des oublis : je vous ai fait signe que je voulais défendre mon amendement, mais vous ne m’avez pas vu. Mais je comprends qu’à cette heure tardive, le président puisse être fatigué ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Vous ne pouvez pas savoir ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. L’oubli n’est pas de moi, mes chers collègues, comme vous avez pu le constater vous-mêmes. Mais errare humanum est…

    M. le président. Et perseverare diabolicum !

    M. Philippe Gosselin. C’est bien ce que je pense, monsieur le président ! Il est encore possible de ne pas tomber dans les fourches de l’enfer, et de ne pas perseverare ! Vous aviez tous évidemment compris cette belle citation latine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous n’avez vraiment aucun humour ! À trois heures moins le quart du matin, on peut encore faire preuve d’humour ! (Mêmes mouvements.) Calmez-vous, chers collègues, calmez-vous ! Je voulais juste souligner qu’à cette heure, par trois fois, le président avait failli, un peu par fatigue, oublier de me donner la parole – mais qu’il s’était repris ! (Mêmes mouvements.) Il est amusant de voir comment vous réagissez ; mais vous parviendrez à mettre un peu d’huile dans les rouages, je n’en doute pas.

    M. le président. Allons, poursuivez !

    M. Philippe Gosselin. L’article 1er ter est intéressant à plusieurs égards. Il tend à modifie l’article 360 du code civil et vise, en quelques mots, à autoriser expressément l’époux à adopter en la forme simple l’enfant de son conjoint antérieurement adopté seul en la forme simple ou plénière.

    Cela paraît dans un premier temps séduisant, il est vrai. Aujourd’hui, il faut faire état de motifs graves…

    M. Luc Belot. Il ne vous reste plus qu’une minute !

    M. Philippe Gosselin. Ah non ! Je suis désolé, quand le président…

    M. le président. C’est moi qui préside ! Et je vous ai décompter le temps pris par les petites plaisanteries entre les uns et les autres.

    M. Philippe Gosselin. La plaisanterie – ou la fatigue ! – a bon dos monsieur le président ! Mais je vous sais gré de l’avoir décompté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est notre président qui préside, mes chers collègues ! Je vous le rappelle, chers collègues, car je suis républicain !

    M. le président. Allez, allez !

    M. Philippe Gosselin. Il faut un motif grave, disais-je, pour permettre cette adoption. L’évolution proposée pourrait donc être intéressante. Mais je crois, comme notre collègue Mariton l’a souligné tout à l’heure, qu’il faudrait pouvoir intégrer ces éléments dans une réflexion plus large sur le droit des tiers ; réflexion à laquelle nous avons participé, et dont vous trouverez les éléments plus loin dans le débat.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1226.

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas terminé, chers collègues ! Le président s’est repris et son chronomètre n’a pas failli ! (Sourires.)

    M. Daniel Gibbes. Au risque de paraphraser mes collègues, qui ont si brillamment défendu cet amendement, je ferai une petite piqûre de rappel.

    L’article 1er ter permet l’élargissement de l’adoption simple de l’enfant déjà adopté en la forme plénière par son conjoint. C’est en soi une mesure dont il faut se réjouir mais, car il y a toujours un mais, dont on peut regretter d’une part qu’elle ne trouve pas plutôt sa place dans le futur projet de loi relatif à la famille, et d’autre part qu’elle ne vise finalement à satisfaire que les couples homosexuels.

    Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er ter.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1419. (« Ah ! » sur divers bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Dhuicq. Il est vrai que la fatigue rend dissocié, et parfois discordant. Cela participe surtout de la dissociation et des difficultés à interconnecter les idées, même lorsqu’on est dans la majorité. je m’interroge sur la portée réelle de cet article, et sur la vision du manque, de la compensation, et finalement de la plaie supposée à réparer par un enfant contenue dans ce texte.

    Je trouve que vous avez une vision assez triste de l’homosexualité, qui peut être parfaitement assumée et joyeuse, et qui n’a pas forcément un rapport avec la question de l’enfance. Vous témoignez d’une vision des choses relativement étriquée et normative avec ce texte de loi en faveur du mariage pour tous que je trouve relativement petit-bourgeois dans son essence : il ne faut pas faire de bruit, tout le monde doit se marier, il n’y a pas de possibilité de vivre librement quand on est un homosexuel assumé – ce que sont la majorité de mes compatriotes homosexuels.

    M. Jérôme Guedj. Ça, c’est un argument !

    M. Michel Pouzol. Il s’agit seulement d’offrir le choix !

    M. Nicolas Dhuicq. Pour en revenir à cet amendement, c’est à l’évidence un cavalier destiné à permettre les adoptions d’enfants qui ont déjà fait un travail d’adoption auprès d’un premier parent. Notre collègue Coronado, lui, était assez cohérent dans sa position, car il voulait faire en sorte que des enfants puissent avoir la chaîne des adoptions successives.

    D’ailleurs, que se passera-t-il en cas de divorce ? Et cette adoption survient-elle après un divorce, un changement de partenaire ? Voilà des questions sérieuses.

    Il me semble que cet amendement est paradoxalement contradictoire avec le texte de loi de notre excellente garde des sceaux, peut-être un peu distraite ce soir – voire un peu dissociée comme chacun de nous.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1584.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage volontiers les arguments qui viennent d’être développés par mes collègues. Cela va me laisser une minute quarante-cinq pour vous interroger, monsieur le président, sur la suite de nos travaux.

    Je fais partie des orateurs à qui l’on a coupé la chique tout à l’heure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) par le biais d’une application un peu rapide de la procédure.

    M. Philippe Gosselin. C’est la réalité !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je veux revenir sur ce qui a été excellemment indiqué tout à l’heure par M. Mariton. Je vous signale, monsieur le président, vous qui présidez fort bien cette Assemblée et je vous en remercie, que neuf orateurs de l’opposition sont inscrits sur l’article 1er quater que nous allons étudier dans quelques instants. Le premier orateur de la majorité inscrit est Mme Narassiguin. En application stricte des articles du règlement, les neuf orateurs de l’opposition pourraient s’exprimer avant le premier orateur de la majorité inscrite. Alors, vous ne manqueriez pas, comme vous l’avez fait tout à l’heure, de demander l’application de cet article du règlement.

    Monsieur le président, je me permettais d’appeler votre vigilance sur ce point et je ne doute pas que vous appliquerez le règlement dans l’esprit que je viens d’indiquer.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est une lecture erronée du règlement.

    M. le président. Monsieur Poisson, je vous rappelle ce qu’est la tradition : le président fixe souverainement la liste des orateurs inscrits sur un article en veillant à un équilibre des orateurs des groupes. C’est ce que je fais régulièrement chaque fois que nous défendons des amendements : vous avez pu vous rendre compte que lorsque je donne la parole à la commission et au Gouvernement, après c’est le président – en l’occurrence moi aujourd’hui – qui fixe le nombre d’orateurs et qui équilibre afin de permettre à la majorité et à l’opposition de répondre au Gouvernement et à la commission.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Excellente explication !

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1626.

    M. Yves Fromion. Monsieur le président, je reprends à mon compte les commentaires qui ont été faits sur cet article. Ils tendent à prouver que c’est le futur projet de loi sur la famille qui serait le meilleur cadre pour le développer. Ce qui est gênant, c’est que nous ne savons toujours pas ce que contiendra cette loi. Il serait intéressant que le Gouvernement s’exprime, mais Mme Bertinotti n’est plus là.

    M. Hervé Mariton. Elle a été exfiltrée !

    M. Yves Fromion. On pourrait peut-être la faire revenir !

    Il serait intéressant de savoir pourquoi cet article est inscrit dans la présente loi alors que c’est la future loi sur la famille qui devrait en être le support. Cette future loi pourrait-elle être le bon véhicule pour que cet amendement trouve la plénitude de ses effets ?

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1743.

    M. Guillaume Chevrollier. Avant de défendre l’amendement n° 1743, permettez-moi de vous faire part de mon sentiment, en tant que nouveau député, sur cette situation un peu surréaliste qui consiste à débattre, à trois heures du matin, d’un projet qui inquiète une majorité de Français. Ce texte a mobilisé des millions de Français dans les rues…

    M. Alexis Bachelay. Des millions ?

    M. Nicolas Bays. Des dizaines de millions !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Des milliards, tant que vous y êtes !

    M. Guillaume Chevrollier. …parce que c’est un projet de civilisation, comme l’a dit la garde des sceaux.

    Nous avons vu cet après-midi des spectateurs dans les tribunes du public, et certainement de très nombreux téléspectateurs ont-ils suivi nos débats, qui s’intéressent à la vie démocratique, à l’élaboration de cette loi. Mais les Français qui vont se lever tout à l’heure, ceux qui créent la richesse de notre pays, ceux dont nous avons besoin pour le redressement national dont vous parlez beaucoup…

    M. Philippe Gosselin. C’est le désastre économique !

    M. Guillaume Chevrollier. …ne peuvent plus suivre nos débats car ils ont besoin de sommeil, tout autant que nous. Voilà pourquoi il me semblerait raisonnable de suspendre nos travaux maintenant afin qu’ils puissent les suivre en toute transparence.

    M. Nicolas Bays. Ils liront le compte rendu !

    M. Guillaume Chevrollier. J’ai remarqué qu’un certain nombre de collègues aiment qu’on parle du fond. C’est donc ce que je ferai (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) même si je me répète – mais la répétition n’est-elle pas l’art de la communication ?

    Cet article aurait mieux trouvé sa place dans le futur projet de loi sur la famille qui devait être présenté au printemps prochain. Mais les différents couacs gouvernementaux ont montré que le calendrier était en train de dériver, comme la séance d’ailleurs. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

    M. Thomas Thévenoud. Excellent !

    M. Alexis Bachelay et M. Nicolas Bays. Quel talent !

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2003.

    M. Gérald Darmanin. Il est étonnant d’entendre depuis le début de la discussion que ce projet ne traite que du mariage – c’est ce que font un certain nombre d’orateurs du groupe socialiste –…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est aussi un peu le vôtre !

    M. Gérald Darmanin. Mme Lemorton, je ne vous ai pas interrompue dans vos rires et vos ricanements !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Un peu de respect !

    M. Gérald Darmanin. Sans doute la fatigue vous rend-elle un peu nerveuse. Mais mon collègue Dhuicq est encore plus charmant, vous verrez.

    M. le président. Allons !

    M. Gérald Darmanin. Il est étonnant, disais-je, d’entendre depuis le début de la discussion que ce projet ne traite que du mariage et pas du tout de la filiation. À entendre M. Roman, ce qui nous gênerait en fait, c’est le mariage et de voir arriver à cette heure tardive des questions de filiation importantes.

    Nous pourrions nous féliciter d’une telle disposition – cela est même relevé dans l’exposé sommaire. Encore aurait-il fallu connaître le calendrier exact du texte sur la famille et son contenu – et nos collègues du groupe écologiste ont eu raison tout à l’heure de le souligner.

    Le mariage, n’en déplaise au rapporteur, c’est aussi et surtout le fondement de la famille. À cet égard, il est étonnant que Mme la ministre de la ou des familles ne soit pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Ah ! Ah !

    M. Philippe Gosselin. Le président est saisi de spasmes étranges !

    M. le président. C’est la concentration de M. Darmanin qui m’a surpris !

    M. Gérald Darmanin. Ce que disait M. Chevrollier à l’instant n’était pas dénué de fondement lorsqu’il parlait de centaines de milliers de personnes descendues dans la rue.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tiens, il y en a moins que tout à l’heure !

    M. Philippe Gosselin. Il y en avait au moins des millions !

    M. Gérald Darmanin. Parmi ces manifestants, on comptait quelques électeurs de gauche : ils seront sans doute très contents de voir comment vous les traitez !

    M. le président. Merci !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Michel Pouzol. Cela faisait longtemps !

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 relatif à l’organisation de nos travaux ;

    Je ferai deux remarques.

    La première concerne l’article 57 Invoqué par le président de la commission des lois puis par vous-même, monsieur le président, pour mettre fin à la discussion sur un article. Vous avez modifié arbitrairement l’ordre des orateurs. Cela veut dire que vous présumez la position des orateurs avant qu’ils se soient exprimés.

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

    M. Christian Jacob. À quel titre ? Pourquoi ne respectez-vous pas l’ordre dans lequel sont inscrits les orateurs ? Sinon, à quoi sert-il de s’inscrire ? Il suffit de se lever pour intervenir.

    M. Roman était inscrit en onzième position. Pourquoi l’avoir fait parler en deuxième ? Et pourquoi supposer, avant de l’avoir entendu, que le deuxième orateur inscrit sur la feuille jaune n’aurait pas un avis contraire ? Rien ne vous permettait de présumer la position des orateurs.

    M. Marc Le Fur. C’est vrai !

    M. Michel Pouzol. Il suffit de regarder le groupe !

    M. Christian Jacob. Vous auriez pu attendre que deux orateurs au moins de notre groupe s’expriment avant de donner la parole à M. Roman.

    Ma seconde remarque a trait à la façon dont nous débattons. Nous ne pouvons pas continuer ainsi avec des gens qui ricanent en permanence, qui sont pris de fous rires, qui racontent n’importe quoi,…

    M. Pierre-Alain Muet et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme vous !

    M. Christian Jacob. …qui invectivent en permanence. Quel spectacle donnons-nous, monsieur le président ? Vous portez une lourde responsabilité. Regardez la présidente de la commission des affaires sociales ricaner, exploser de rire. Mais à quoi cela ressemble-t-il ? Quelle dignité dans l’exercice de ses responsabilités et dans la mission qui est la sienne ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Peut-elle être fière de son attitude ? Regardez-la !

    Voilà pourquoi je vous demande une suspension de séance. Il faut vraiment que nous réfléchissions à la manière dont on peut poursuivre nos débats car on ne peut pas continuer à ridiculiser ainsi l’Assemblée nationale au motif que vous voulez battre le record de durée des débats, qui est de vingt-deux heures trente !

    M. le président. Monsieur Jacob, lorsque les noms des orateurs des groupes sont transmis à la présidence, nous ne les recevons pas dans un ordre donné.

    M. Marc Le Fur. Chacun s’inscrit comme il veut ! Ce n’est pas le groupe qui les classe.

    M. le président. En l’occurrence, ce sont les groupes qui transmettent les noms des orateurs.

    M. Marc Le Fur. Pas sur les articles !

    M. le président. C’est à la présidence qu’il revient, dans le cadre soit de la feuille jaune soit de l’organisation des travaux, de veiller à un équilibre entre la majorité et opposition. C’est cette règle qui prévaut à chaque fois qu’après avoir entendu la commission et le Gouvernement je distribue les différentes interventions pour équilibrer la parole de la majorité et de l’opposition.

    J’entends votre remarque sur le déroulement des travaux, mais je vous ferai observer que si nous avons décidé de prolonger la séance ce soir, c’est que, sur ce seul article, il y avait 106 amendements identiques. Alors que je n’y étais pas favorable à l’origine vous m’avez fait devenir supporter de M. Accoyer et du temps législatif programmé. Il suffit pour s’en convaincre de voir le peu de différence qu’il y a entre les arguments des orateurs qui viennent de s’exprimer.

    M. Yves Fromion. Oui, mais ils le font avec quel talent !

    M. Yves Censi. Les amendements dont identiques, pas les arguments !

    M. Jérôme Guedj. Quand il y a des arguments !

    M. le président. Quels que soient leurs talents respectifs. Tous ces nombreux amendements identiques n’apportent rien au travail parlementaire, ils permettent seulement de gagner la bataille du temps.

    Vous avez pu entendre les remarques qui m’ont été adressées, notamment par le président de la commission des lois, qui m’ont amené à accorder beaucoup plus de temps de parole, des rappels au règlement, des suspensions aux groupes de l’opposition tant que nous discutions les passages les plus fondamentaux du texte. Maintenant que les arguments des uns et des autres ont été développés dans de très bonnes conditions, et compte tenu des 3 600 amendements qui restent en discussion, il me semble que nous pouvons parvenir à un travail cohérent qui permette aux uns et aux autres de s’exprimer sans qu’il soit nécessaire de défendre tous les amendements qui sont là plus pour répéter et gagner du temps que pour éclairer les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, le caractère répétitif des amendements n’a pas pour but unique de faire durer le débat. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Et quand il fait durer le débat, il permet de pousser le Gouvernement dans ses retranchements. Si nous n’avions pas eu ces amendements répétitifs, nous ne serions pas arrivés à ce niveau de discussion sur la PMA. C’est même au point que nous avons pu assister, du fait de l’existence des différences sur la PMA au sein du Gouvernement, de la majorité et du groupe SRC, d’un recadrage depuis Phnom Penh de ses ministres par le Premier ministre !

    De même pour la GPA : c’est parce que nous avons en permanence relancé le sujet, interrogé et mis en quelque sorte démocratiquement le Gouvernement sous pression, que le débat a pu éclairer nos travaux et faire en sorte que l’opinion publique soit beaucoup mieux informée.

    Le dépôt d’amendements est un droit fondamental du député, et il est hors de question d’y toucher. Il est normal que chaque député puisse déposer un amendement et le défendre avec les convictions qui sont les siennes. Nous l’avons vu à plusieurs reprises, par exemple avec nos collègues des Verts : alors que sur le fond, nous sommes en total désaccord, le groupe écologiste et notre groupe ont pu obliger le Gouvernement à clarifier sa position sur la PMA.

    C’est la raison pour laquelle j’entends que nous puissions continuer à défendre nos amendements dans des conditions normales. Avouez que siéger comme nous allons le faire pendant 22 heures 30, ce n’est pas siéger dans des conditions normales, qui plus est un dimanche, si bien qu’un certain nombre de nos collègues ne peuvent être là. C’est une évidence.

    M. le président. Monsieur Jacob, je voudrais, avant d’accorder une suspension de séance, vous faire remarquer une nouvelle fois que la preuve de l’intérêt de cette discussion est à trouver dans le nombre de députés présents sur ces bancs, à trois heures du matin. J’ai connu de nombreux débats dans cet hémicycle qui réunissaient beaucoup moins de monde.

    Dois-je également vous faire à nouveau remarquer que c’est à chaque fois que nous examinions au fond le texte qu’il y a eu des réponses longues et précises du Gouvernement. Depuis que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de répétition, il est vrai que ces réponses sont plus lacunaires.

    En tout cas, Il conviendra de reposer la question sur les prochains textes du recours au temps législatif programmé. Plus j’y réfléchis, plus je pense que c’est la bonne manière d’avoir un débat de fond.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à trois heures cinq, est reprise à trois heures dix.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er ter (suite)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3059.

    M. Patrick Hetzel. Si vous me le permettez, monsieur le président. je voudrais d’abord m’adresser au Gouvernement pour lui faire remarquer, ainsi que les débats le montrent, qu’il eût été particulièrement utile qu’avant que nous ayons cette discussion dans l’hémicycle, il y ait eu un débat national. C’est un point de divergence entre nous : vous avez préféré saisir directement à l’Assemblée nationale.

    Or les conditions dans lesquelles ces débats ont lieu ne sont pas dignes – on le voit bien à la fatigue de part et d’autre –,…

    M. Marcel Rogemont. Pas du tout !

    M. Patrick Hetzel. …s’agissant d’un sujet de société qui implique une transformation profonde de notre fonctionnement institutionnel.

    Alors que nous siégeons depuis ce matin dix heures, vouloir poursuivre nos débats montre bien que vous voulez passer en force. Vous ne voulez absolument pas laisser le temps nécessaire à la discussion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Voyez, mes chers collègues : vous êtes constamment dans l’invective ce qui est non seulement insupportable, mais montre également que vous manquez d’arguments de fond et que vous êtes mal à l’aise avec ce débat. Si vous étiez à l’aise, vous ne seriez pas amenés à utiliser des arguties de procédure, comme vous le faites, de telle sorte que nous travaillions jusqu’au petit matin.

    M. François André. Quel était l’amendement ?

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3753.

    M. Yves Censi. Il est incroyable d’entendre nos collègues de la majorité crier : « Retirez vos amendements si vous trouvez que c’est trop long. » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) C’est incroyable dans cet hémicycle dont la raison d’être est de permettre la défense d’amendements ! Surtout que le problème ne tient pas tant aux amendements qu’à notre volonté de solliciter un débat dont nous maintenons que, sur le fond, il n’a pas eu lieu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Hetzel. Eh oui !

    M. Yves Censi. Vous avez lancé un débat sur le mariage homosexuel : nous sommes pour notre part, tellement prêts à l’assumer que nous souhaitons à ce sujet un référendum !

    Nombre de Français pensent d’ailleurs que nous légiférons uniquement sur la question du mariage homosexuel et non sur l’adoption et l’homoparentalité. Et à cet égard ; si le débat a pu avancer c’est grâce à nous dans cet hémicycle. Notre conception est qu’il s’agit avec ce texte d’un projet global. Il n’est en effet pas possible de parler de mariage sans parler de la famille. Pourtant, le Gouvernement ne veut en parler que dans le cadre d’un futur projet de loi sur la famille. Les assises de la famille auront donc lieu plus tard, ce qui est tout de même un comble. Il est particulièrement extravagant d’imaginer de parler de la famille après avoir parlé du mariage et du bouleversement de cette institution ! Et il en va de même pour la PMA et la GPA : on saucissonne la loi.

    Pour en venir à l’article 1er ter, (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) nous pourrions y adhérer, mais voilà une disposition qui, elle, devrait figurer au contraire dans le projet de loi sur la famille et non dans un texte sur le mariage homosexuel. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3320.

    M. Xavier Breton. Je voudrais à mon tour regretter les conditions dans lesquelles se déroule ce débat. Nous avons posé des questions sur la reconnaissance, dans le droit, de l’altérité sexuelle, sur la dimension corporelle, biologique, de la filiation. Nous n’avons obtenu aucune réponse. J’ai, à plusieurs reprises, posé après Sylviane Agacinski la question de savoir ce qui empêchera, un jour, de se marier à trois comme cela se fait dans certains États au Brésil. La seule réponse que j’ai eue, c’est celle de M. Roman : « C’est parce que nous avons écrit "deux" », nous a-t-il dit ! Non seulement vous n’apportez aucune réponse, mais vous nous empêchez de débattre.

    Cet amendement n° 3320 souligne un double problème de méthode.

    D’une part, un défaut de consultation. Celui-ci a été soulevé par le Défenseur des droits, Dominique Baudis, qui a bien montré que la procédure qui a été suivie pour l’élaboration de ce projet de loi présentait une grande lacune, puisque l’étude d’impact qui l’accompagne ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. Aucune page, aucune ligne ne lui est consacrée.

    D’autre part, un défaut d’articulation claire entre les différents textes, celui dont nous débattons et celui qui est annoncé sur la famille. Ce n’est pas en procédant ainsi que nous allons avoir une cohérence qui ne soit pas seulement de forme mais est également de fond. On le voit bien aux clivages qui se creusent au sein de cet hémicycle, mais aussi dans la société française. C’est grave.

    Alors que la politique familiale était un élément de consensus dans notre pays, vous êtes en train de créer une division sur un sujet important, cela dans une époque qui est difficile. La famille et la politique familiale étaient des éléments qui permettaient à notre pays de rester uni. Avec votre méthode consistant à dissocier les textes, sans aucune clarté, vous nous divisez, au sein de cet hémicycle, mais, plus gravement, vous divisez notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5302.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Notre amendement de suppression de l’article 1er ter, est motivé par les raisons qui nous ont amenés, hier, à défendre un statut d’union civile. Il est donc en cohérence avec ce que nous avions alors soutenu. Avec l’union civile, nous souhaitions dissocier le sujet de l’union de celui de l’adoption, parce qu’il nous paraît que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un débat de qualité puisse avoir lieu sur la question de l’adoption.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est étonnant d’entendre l’opposition, alors que nous légiférons sur le mariage, découvrir que nous traitons également de l’adoption. Depuis le mois de juin, nous répétons sans cesse qu’il s’agit avec ce texte de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

    M. Yves Censi. Non. Vous aviez présenté ce texte comme celui du « mariage pour tous ». C’était le slogan affiché.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous ne cessons de le répéter depuis mardi dans cet hémicycle. Et je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous ignorez que, dans notre droit, le mariage emporte l’adoption.

    Vous parlez de cohérence. Mais celle même du code civil qui nous conduit à traiter du mariage et de l’adoption !

    Il est vraiment surprenant, après votre opposition à l’article 1er ouvrant le mariage et l’adoption et après le travail de très grande qualité qu’a produit la commission des lois de l’Assemblée nationale pour enrichir le texte, notamment par le présent article, que vous présentiez un amendement dont l’exposé sommaire explique que cet article 1er ter une très bonne mesure, mais dont l’objet est de supprimer cette très bonne mesure !

    Je ne m’aventurerai pas plus loin, à cette heure de la nuit, dans les chemins tortueux d’une cohérence un peu particulière.

    Le Gouvernement émet un avis défavorable.

    M. le président. Sur l’amendement n° 387 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Sur l’article 1er ter, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour résumer rapidement la situation, ce que nous voulons, à travers la possibilité d’adoption simple par le conjoint d’une personne qui a déjà fait une adoption simple, c’est sécuriser juridiquement des situations d’enfants qui pourraient, demain, vivre des drames si nous ne changions pas le code civil. La commission a d’ailleurs auditionné directement des personnes qui sont dans cette situation.

    Ce que vous voulez, chers collègues de l’opposition, et cela apparaît au travers de vos différents arguments, c’est en réalité toujours la même chose : c’est empêcher tout ce qui vous dérange, c’est empêcher tout ce qui contredit votre vision de la supériorité des couples hétérosexuels dans leur capacité à élever des enfants. Ce que vous voulez, c’est empêcher tout ce qui contredit votre modèle unique et exclusif de la famille, tout ce qui contredit votre norme.

    Vous avez parlé, tout à l’heure, de la perte de repères des enfants. Mais je crois qu’en fait, c’est vous qui êtes en perte de repères par rapport aux évolutions de la famille et de la société. Nous voterons contre vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Beaucoup de choses ont été dites. Si l’on devait en faire la synthèse, avant les explications de vote sur l’article - à moins que nous fassions d’une pierre deux coups -, je dirais que cet article 1er ter comporte quelques avancées. Il aurait le mérite de clarifier certains éléments.

    Mais comme cela a été dit, il nous paraît important de le resituer dans un ensemble beaucoup plus général. La réforme de la politique familiale, du droit de la famille, qui s’annonce même si elle semble parfois se dérober sous nos pieds, serait sans doute un moment plus opportun pour adopter une telle disposition, qui risque d’être considérée, dans ce texte, comme un cavalier législatif.

    Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera pour les amendements de suppression et contre l’article 1er ter.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 74, 387, 389, 704, 969, 602, 1226, 1419, 1584, 1626, 1743, 3003, 3059, 3753, 3320 et 5302.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 188

    Nombre de suffrages exprimés 188

    Majorité absolue 95

    Pour l’adoption 38

    Contre 150

    (Les amendements identiques nos 74, 387, 389, 704, 969, 602, 1226, 1419, 1584, 1626, 1743, 3003, 3059, 3753, 3320 et 5302 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er ter.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 186

    Nombre de suffrages exprimés 186

    Majorité absolue 94

    Pour l’adoption 148

    Contre 38

    (L’article 1er ter est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Article 1er quater

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, inscrit sur l’article 1er quater.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir quelques instants sur les pouvoirs des présidents de l’Assemblée nationale.

    Puisque vous évoquiez tout à l’heure, monsieur le président, vos pouvoirs souverains,...

    M. Olivier Faure. Qu’est-ce que vous avez à dire ?

    M. Philippe Gosselin. ….plaise au président, dans l’exercice de son pouvoir souverain, de bien vouloir accorder la parole aux membres de l’opposition. Et que de tout cela, monsieur le président, il soit dressé procès-verbal.

    M. Olivier Faure. C’est votre règlement qui est appliqué !

    M. Philippe Gosselin. Mais non, c’est celui de l’Assemblée !

    L’article 1er quater concerne l’exercice en commun, de plein droit, de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint.

    Comme pour l’article précédent, les règles du jeu sont modifiées pour tous les époux, dans le but de répondre à une situation qui découle de l’article 1er. Autrement dit, cet article 1er quater vise la situation des couples homosexuels, et pas celle d’autres couples. C’est donc bien un droit tout à fait spécifique de la filiation, de l’adoption, qui est en train de se mettre en place. Comme nous le disions, il y a un effet domino : d’abord, le mariage ; ensuite, la filiation. Rien d’autre ne justifie que l’article 1er quater puisse modifier ainsi l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint.

    M. Olivier Faure. Où voulez-vous en venir ?

    M. Philippe Gosselin. Je veux en venir au fait que cela ne correspond pas, là non plus, à ce que nous souhaitons, à notre vision des choses.

    M. Olivier Faure. Quelle vision ?

    M. Philippe Gosselin. Que l’article 365 du code civil puisse être modifié, c’est évidemment quelque chose d’envisageable, mais qui aurait dû s’intégrer dans une réflexion plus large de la réforme du droit de la famille.

    M. Olivier Faure. Laquelle ?

    M. Philippe Gosselin. Sans doute 1’aurons-nous, encore que l’on puisse commencer à douter, puisqu’on nous l’a annoncée pour le mois de mars puis pour la fin de l’année – ce sera peut-être pour l’année prochaine ou remis, nous le verrons bien, aux calendes grecques.

    Cette réforme, disais-je, aurait dû s’intégrer dans un cadre beaucoup plus large. J’ai saisi cette occasion afin de le préciser à nouveau avant d’aborder les amendements.

    M. Olivier Faure. Quel intérêt ?

    M. le président. Puisque le début de l’intervention de M. Gosselin a été un peu persifleur, je voudrais rappeler la teneur du cartouche imprimé sur la feuille jaune : « Les indications portées sur le présent document peuvent être modifiées en cours de séance. Elles ne peuvent servir de base à une quelconque réclamation. » Il est en effet possible qu’au cours d’un débat aussi long que celui-ci, il y ait un décalage entre le contenu de la feuille jaune et celui du dossier du président – seul à être en permanence à jour. J’assume par conséquent pleinement la décision de faire alterner majorité et opposition dans la liste des inscrits.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58 du règlement.

    Monsieur le président, j’appelle votre attention sur le bon déroulement des votes par scrutin public. Je souhaite que vous puissiez le faire vérifier par le service de la séance, grâce notamment aux enregistrements vidéos. Ce n’est pas la première fois que j’ai compté quelque 60 députés de la majorité présents pour un total de 148 votes. Je voudrais qu’on reste très attentif au fait que chacun vote uniquement à partir de son propre boîtier et seulement celui-ci. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je demande à chacun des présents de n’appuyer que sur le bouton de son boîtier.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Mon intervention est fondée sur l’article 58 du règlement.

    Plaise à M. le président de faire vérifier que les indications qu’il vient de nous lire ne figurent pas sur la feuille jaune que j’ai entre les mains.

    M. le président. Le cartouche ne figure que sur la première page, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Très bien. Pourrait-on alors m’apporter cette page ?

    M. le président. Vous l’avez eue en début de séance, mon cher collègue.

    M. Philippe Gosselin. Vous considérez donc que ce cartouche vaut une fois pour l’ensemble d’une séance qui commence à vingt et une heures trente et censée se terminer dix heures et demie après. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Bien sûr !

    M. Philippe Gosselin. Il est intéressant de le noter ; j’apprends beaucoup et je vous en remercie.

    M. le président. Monsieur Gosselin, il s’agit de la page 1 de la feuille jaune de vingt et une heures trente. Et comme vous êtes un député averti et que vous êtes régulièrement présent en séance, je suis sûr que vous avez eu des centaines de ces pages jaunes entre les mains.

    M. Philippe Gosselin. Vous savez que la pédagogie est l’art de la répétition.

    Article 1er quater (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, inscrite sur l’article 1er quater.

    Mme Françoise Descamps-Crosnier. Les articles du chapitre Ier bis ont pour vertu majeure de formuler clairement l’état du droit plutôt que d’obliger le juge à en faire l’exégèse. La majorité, assumant pleinement cette réforme, il eût été surprenant de procéder autrement. Il est préférable de se situer en conformité avec le principe constitutionnel de la clarté de la loi ainsi qu’avec l’accessibilité et l’intelligibilité, objectif de valeur constitutionnelle.

    L’article 1er quater vient donc compléter les articles de ce chapitre Ier bis au bénéfice de la cohérence de la famille et, surtout, pour une meilleure protection de l’enfant. En énonçant que l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun, l’autorité parentale sera donc exercée de plein droit en commun.

    Je salue donc l’introduction – à bon escient – par le rapporteur de ce chapitre. Les articles du chapitre Ier bis permettront de simplifier la vie des familles homoparentales en donnant un vrai statut légal au parent social. Nous en finirons avec ces parents inconnus de l’administration qui parfois leur refusait certains droits à l’égard de leur enfant. Certains drames ont d’ailleurs été évoqués tout à l’heure.

    Mes chers collègues, nous serons ainsi à même, indirectement, de réhabiliter la nécessaire neutralité de l’administration et nous simplifierons, pour les agents publics confrontés à ces questions qui sont celles de la vie quotidienne, les relations avec les usagers et avec les administrés. Je tiens enfin à souligner que cette réforme grandira aussi nos services publics.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je constate que 108 amendements à l’article 1er quater ont été déposés par l opposition. Je suggère que, conformément à l’article 57, alinéa 1, du règlement, nous passions à la clôture de la discussion sur l’article, de façon à entamer immédiatement la discussion des 108 amendements répétitifs de l’opposition.

    M. Yves Censi. Ils ne sont pas répétitifs !

    M. le président. La clôture de la discussion sur l’article vient d’être proposée. Deux orateurs d’avis contraire sont intervenus. Aussi, conformément à l’article 57, alinéa 3, du règlement, je vais consulter l’Assemblée sur la clôture.

    (Il est procédé au vote.)

    M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article 1er quater.

    M. Philippe Gosselin. Dont acte.

    M. Patrick Hetzel. On muselle l’opposition !

    M. le président. Sur l’article 1er quater, je suis d’abord saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 76.

    M. Marc Le Fur. La majorité est en train, une fois de plus, de faire la démonstration qu’elle veut passer en force ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Hetzel. Eh oui !

    M. Jérôme Guedj. Et vous, vous voulez passer en farce !

    M. Marc Le Fur. Je retire de cette expérience une leçon : la démocratie directe a bien des vertus et nous devrions, sur ce type de débat comme sur d’autres, recourir, dans la tradition qui est largement la nôtre, à la démocratie directe – qui n’est pas le propre de la Suisse ou de certains États américains : c’est aussi une réalité française. Nous avons su, en particulier à l’initiative du général de Gaulle, organiser des référendums. Eh bien, c’est sur ce texte comme celui-ci qu’il fallait organiser un référendum. Voilà un sujet qui intéresse l’opinion, qui est déterminant pour nos familles, qui pouvait parfaitement donner lieu à un grand débat public, entendu de nos compatriotes. (« Et l’amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Razzy Hammadi. Hors sujet !

    M. Marc Le Fur. L’article 11 de la Constitution permet toujours au Président de la République d’avoir recours à ce référendum.

    M. Bernard Roman. Et votre amendement, il porte sur quoi ?

    M. Marc Le Fur. Monsieur Roman, le peuple, ça vous gêne, je sais ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais le peuple peut s’exprimer par la démocratie directe. Vous aviez cette possibilité.

    On nous oppose des arguties selon lesquelles ce type de référendum ne peut concerner que des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et l’on prétend que la famille ce n’est pas social. Ben voyons ! La famille appartient parfaitement au champ social. L’emploi du mot « sociétal » n’a pas de sens ici puisqu’il s’agit d’un néologisme qui n’existait pas en 1958 au moment de la rédaction de la Constitution et donc de son article 11.

    M. Luc Belot. Relisez votre Wauquiez !

    M. Marc Le Fur. Nous avions la possibilité d’organiser ce grand débat et, croyez-moi, la réponse, je la connais, elle aurait été du côté de la famille. C’est précisément cette réponse que vous anticipiez et dont vous ne vouliez pas ! (« Et votre amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 603.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur cet article rapidement présenté tout à l’heure par plusieurs collègues.

    Après que l’article 1er ter a modifié plusieurs règles du jeu, il s’agit ici de les adapter pour tous les époux mais essentiellement dans le but de répondre à la situation des couples homosexuels. Je répète que rien ne semble, en dehors de cet élément, justifier que l’article 1er quater modifie l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint. L’autorité parentale est évidemment un élément de droit très important et la modifier en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint conduit à modifier de façon substantielle le droit de la famille.

    Or il faut prendre le temps de le faire. Nous avions souhaité avoir un large débat. Il a en partie lieu, je le reconnais, dans cette enceinte depuis plusieurs dizaines d’heures mais, il faut bien en convenir, la plupart du temps nos amendements sont repoussés sans parfois même être discutés comme il conviendrait.

    Il serait donc sage de supprimer cet article et de revenir sur la question au moment de la discussion du texte qui concernera plus largement le droit de la famille et à l’occasion des états généraux de la PMA évoqués ici à plusieurs reprises.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 706.

    M. Frédéric Reiss. L’article 1er quater modifie l’article 365 du code civil qui précise que « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l’adopté (…). » L’article 1er quater supprime la suite : « (…) dans ce cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité » et la remplace par le texte suivant : « Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun. »

    Rien ne justifie l’article 1er quater nouveau si ce n’est qu’il répond à la situation des couples homosexuels. Nous sommes contre cette notion de « parent social », lui préférant la notion de « père » ou de « mère ». C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de l’article.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 972.

    M. Philippe Vitel. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1228.

    M. Daniel Gibbes. Défendu.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1420. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. La minute de M. Dhuicq !

    M. Nicolas Dhuicq. Quel honneur en effet de penser au regretté M. Cyclopède. Rassurez-vous, je ne suis pas contagieux – cela étant une demi-plaisanterie par rapport à un médecin disparu qui consultait jusqu’à des heures tardives. Je n’en dirai pas plus par décence. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Marc Germain. Pourrions-nous avoir les sous-titres, monsieur le président ?

    M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement défend nos principes et nos positions sur la question de la conception, de la construction de l’être humain et sur la dissociation que vous voulez mettre en place entre la partie biologique et la partie psychique qui le constituent. Encore une fois, vous induisez un clivage irréversible entre les deux, de par votre vision prométhéenne ou faustienne (Sourires sur les bancs du groupe SRC), alors que nous, nous situons plutôt du côté du verbe créateur. (Mêmes mouvements.)

    M. Alexis Bachelay. C’est intéressant, continuez…

    M. Philippe Gosselin. Les députés de la majorité sont en train de se dissiper, monsieur le président !

    M. Nicolas Dhuicq. C’est pourquoi nous pensons que la loi n’a pas vocation à coller à la réalité, mais elle doit aussi la façonner et dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. À l’article 2, nous aborderons d’ailleurs d’autres questions symboliques profondes au sujet du nom.

    Notre position est de considérer que cet article, dans cette logique délétère,…

    M. Alexis Bachelay. Oui, c’est cela, continuez… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Dhuicq. …poursuit la destruction de l’entité familiale telle que nous la concevons, contrairement à la novlangue et aux néologismes que vous appréciez considérablement, mes chers collègues et camarades. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

    Voilà pourquoi il nous semble nécessaire, chers compagnons, de poursuivre la défense acharnée – que nous menons malgré notre sens de l’humour – de ce que nous entendons par « famille » et de ce que nous entendons par « humanité ».

    M. Thomas Thévenoud. Merci Sigmund !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 397.

    M. Christian Jacob. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er quater. Je ferai la même remarque qu’à l’occasion de la discussion des amendements précédents : ce dispositif relève du droit de la famille et n’a rien à voir avec l’ouverture au mariage des couples de même sexe. Il s’agit en effet du partage de l’autorité parentale, notamment lors d’une adoption simple d’un enfant de son conjoint.

    Jusqu’à présent, la décision de partage de l’autorité parentale relevait d’une décision de justice. Or vous proposez de modifier considérablement les choses et l’autorité parentale, ce n’est pas rien. Vous entendez donner l’autorité parentale à partir du moment où l’on procède à cette adoption simple. Cela peut aussi porter à conséquence sur l’éducation de l’enfant de ne pas passer par une décision de justice comme c’était jusqu’à présent le cas.

    Aborder cette question dans un texte qui porte sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, et pas dans un texte sur la famille – ce qui aurait permis d’avoir des auditions et un débat spécifique sur l’autorité parentale – me paraît assez dangereux. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet article soit supprimé. Tel est le sens de mon amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1588.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je ferai deux remarques pour présenter cet amendement.

    Je veux d’abord faire part de mon incompréhension : depuis le début de ce débat, et même bien avant, nous vous avons entendue dire, madame la garde des sceaux, que ce texte ne changerait rien pour les couples qui ne sont pas concernés par l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.

    M. Nicolas Dhuicq. C’est vrai !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je crois, madame la ministre, traduire votre pensée de manière exacte, mais vous me démentirez si ce n’est pas le cas. Or ce texte introduit manifestement un changement pour l’ensemble du corps social, y compris pour les personnes qui sont déjà mariées aujourd’hui, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de la densité et de l’ambition de ce texte, que nous avons soulignées, même si nous le combattons.

    En second lieu, je rejoins les arguments qui ont été défendus par les orateurs précédents : nous attendons toujours, de la part de la ministre, un peu plus de précisions sur ce célèbre et désormais très attendu projet de loi portant sur la famille, qui comprendra, si j’ai bien compris, un volet, ou au moins certaines dispositions, sur l’autorité parentale.

    M. Christian Jacob. Et la ministre Bertinotti n’est pas là !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas nous qui avons posé la question à la ministre, mais bien des membres de sa majorité. Je ne comprends pas, dès lors, pourquoi de telles dispositions sont abordées dans ce texte et n’ont pas leur place dans le futur projet de loi qui englobera probablement des dispositions importantes sur la famille.

    C’est pour ces deux raisons que je demande la suppression de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1634.

    M. Yves Fromion. Tout à l’heure, on nous a fait le reproche d’être un peu répétitifs dans nos argumentations…

    M. Pascal Popelin. C’est vrai !

    M. Yves Fromion. …mais j’adhère et je soutiens totalement les propos qu’ont tenus les collègues qui m’ont précédé.

    Je voudrais remettre en perspective les dispositions actuelles de l’article 365 avec le texte que le Gouvernement voulait faire adopter et qu’il a présenté en commission. Ce texte envisageait de supprimer les mots « père » et « mère », alors que le texte qui nous est proposé conserve le mot « mère ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela peut vous paraître anodin, mais pour nous, qui nous sommes battus pendant des mois pour que les mots « père » et « mère » ne soient pas supprimés du code civil…

    M. Pascal Popelin. Mais ils ne le sont pas !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est un bon article !

    M. Yves Fromion. …et peut-être même du dictionnaire de la famille, c’est une formidable victoire. Cette victoire, nous la devons à ceux qui se sont battus ici, à ceux qui se sont battus en commission, mais surtout aux centaines de milliers de Français qui sont descendus dans la rue.

    M. Thomas Thévenoud et M. Razzy Hammadi. Des millions !

    M. Yves Fromion. Nous n’avons pas eu beaucoup de victoires, dans la bataille difficile qui nous oppose à une majorité écrasante, alors sachons au moins profiter de celle que nous avons remportée. Vous nous dites, madame la garde des sceaux, que l’ouverture du mariage restera dans l’histoire, mais l’histoire retiendra aussi que vous avez voulu supprimer les mots de père et de mère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Alexis Bachelay. Mensonge !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1744.

    M. Guillaume Chevrollier. On me permettra ce préambule : parce que je crois au bon sens en politique, n’en déplaise à certains, je me demande s’il est vraiment raisonnable de travailler sur un projet de loi de cette importance alors qu’il est presque quatre heures du matin.

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

    M. Guillaume Chevrollier. Il s’agit d’un amendement de suppression. Comme l’article précédent, le présent article modifie les règles du jeu pour tous les époux et les adoptés, dans le but de répondre à la situation des couples homosexuels. Ce texte ne tient pas compte de l’avis que le Conseil supérieur de l’adoption, spécialiste par définition de cette question, a publié le 23 octobre 2012 : il y a fait état de son inquiétude, devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’enfant dans le cas de l’adoption.

    Il faut noter également que pas une ligne, dans l’étude d’impact du projet de loi, n’évoque la convention internationale des droits de l’enfant. Alors, de grâce, mes chers collègues, ne bafouez pas, ne bafouons pas ensemble, un droit essentiel, le droit de l’enfant, pour répondre à la demande de quelques personnes minoritaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3004. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. Il s’est réveillé !

    M. Gérald Darmanin. Ne vous inquiétez pas, je ne m’endors pas.

    M. Gwendal Rouillard. Presque !

    M. Gérald Darmanin. Non – c’est l’avantage de la jeunesse ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n’ai pas dit cela uniquement pour Bernard Roman : je ne me le permettrais pas ! (Mêmes mouvements)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    M. Gérald Darmanin. Je savais que le réel vous gênait, mais à ce point. Ne pas voir en effet que je suis jeune est vraiment étonnant ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. Il faut mettre cela sur le compte de l’insouciance de nos benjamins ! (Sourires)

    M. Gérald Darmanin. S’agissant de mon amendement, notre collègue M. Poisson a parfaitement résumé notre interrogation et je suis sûr, madame la garde des sceaux, que vous allez nous éclairer. Vous nous avez dit à plusieurs reprises…

    M. Olivier Faure. Il s’écoute parler !

    M. Gérald Darmanin. …que ce mariage ne retirait rien aux couples hétérosexuels souhaitant se marier, adopter des enfants, et éventuellement recourir à la PMA. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous inversez les choses. Si j’ai bien compris, jusqu’à présent, il était nécessaire de faire une déclaration pour avoir une garde partagée, et désormais c’est l’inverse.

    M. Jean-Jacques Urvoas. C’est beaucoup mieux !

    M. Gérald Darmanin. Vous admettez donc que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe va changer des choses pour les couples hétérosexuels qui se marient et qui adoptent : c’est l’exposé des motifs.

    Je vous recommande la lecture d’un article très intéressant, qui a paru dans une revue juridique et qui est intitulé « Les dommages pour tous du mariage de quelques-uns ».

    M. le président. Il faut conclure…

    M. Gérald Darmanin. Je conclus monsieur le président.

    Son auteure, Mme Aude Mirkovik, que je regretterais de ne pas citer à cette heure tardive, est maître de conférences en droit privé à l’Université d’Évry,…

    M. Bernard Roman. Et présidente d’une association contre le mariage pour tous : il faut le dire !

    M. Gérald Darmanin. …considère, et elle a assez raison, que votre projet de loi est néfaste pour le mariage et l’adoption des couples hétérosexuels, car vous changez le droit pour eux. Et sur ce point, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous aimerions avoir des explications.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3321.

    M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, vous m’avez oublié.

    M. le président. Monsieur Hetzel, vous étiez sorti et vous voici revenu : je ne peux pas suivre tous vos mouvements.

    M. Philippe Gosselin. Il est de plus en plus difficile de se concentrer !

    M. le président. La parole est donc à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3060.

    M. Patrick Hetzel. Je n’étais pas sorti : vous voyez que la fatigue nous guette tous ! Mais vous êtes évidemment pardonné, monsieur le président.

    Nous demandons la suppression de l’article 1er quater, qui porte sur la filiation adoptive. En matière d’adoption, le Conseil supérieur de l’adoption, dans son avis du 23 octobre dernier, fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas d’une adoption. En effet, les textes en vigueur indiquent qu’avant de délivrer l’agrément, le président du conseil général doit s’assurer que les conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans à la fois familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté.

    Le conseil général doit donc procéder à des investigations, comportant notamment une évaluation sociale et psychologique. Le parcours de l’adoption est souvent vécu par les adoptants comme un parcours du combattant, long et intrusif, au nom justement de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or, qu’il s’agisse des services de l’aide sociale à l’enfance en charge de la délivrance des agréments à l’adoption, ou qu’il s’agisse du juge chargé, lui, de la consécration juridique de l’adoption, sur quelle base devront-ils fonder leur appréciation ? Peut-on renvoyer cette question aux pratiques très diverses, et souvent très contradictoires, entre les différents conseils généraux, et éventuellement les conseils de famille ? De toute évidence, il ne le faut pas.

    M. Marc Le Fur. C’est vrai !

    M. Patrick Hetzel. Ce texte devrait être renvoyé à une discussion portant sur la famille : c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3321.

    M. Xavier Breton. L’article 365 du code civil prévoit qu’en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, ce dernier conserve seul l’exercice de l’autorité parentale, à moins qu’une déclaration conjointe avec l’adoptant ait été adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance, aux fins de l’exercice en commun de cette autorité.

    Avec l’article 1er quater, c’est l’inverse que vous nous proposez : désormais, l’autorité parentale serait exercée de plein droit en commun, sauf si les titulaires saisissaient le juge aux affaires familiales. On voit donc, comme l’a très bien expliqué notre collègue Jean-Frédéric Poisson, que le texte que vous nous proposez, contrairement à ce que vous nous affirmez depuis le début, modifie les règles du jeu pour tous les époux et les adoptés. Rien d’autre, en effet, ne justifie que l’article 1er quater modifie l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint. Ce texte ne se contente donc pas d’ouvrir des droits nouveaux aux couples de personnes de même sexe : il modifie l’ensemble du droit pour l’ensemble des couples et des adoptés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3764.

    M. Yves Censi. Le Gouvernement a essayé de nous convaincre, ou plutôt de nous faire croire, que ce projet de loi ne visait pas à transformer l’institution – car, comme madame la garde des sceaux, je tiens à cette appellation – qu’est le mariage. Il ne s’agissait pas, disait-on, d’opérer une transformation institutionnelle – et il n’était donc pas nécessaire d’ouvrir un débat national –, mais simplement de rétablir une égalité de droits au profit de certains, sans toucher à l’institution du mariage. Or on voit, article après article, qu’il n’en est rien. L’article 1er quater introduit de profonds changements pour tous ceux qui sont entrés dans l’institution du mariage et qui ont pu bénéficier des droits qu’il ouvre à l’adoption, qu’ils soient ou non homosexuels.

    De quoi s’agit-il ici ? Nos concitoyens doivent le savoir – et notre collègue Breton a déjà bien exposé le problème. Aujourd’hui, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, celui-ci conserve seul l’exercice de l’autorité parentale. Pour bénéficier d’un exercice en commun de cette autorité, il est nécessaire d’adresser une déclaration au greffier en chef du tribunal de grande instance : il y a donc une démarche responsable. Et vous, vous renversez la charge de cette responsabilité. Je crois que l’état d’esprit, la philosophie qui sous-tend ce projet, c’est l’indifférenciation parentale. Alors qu’aujourd’hui, l’un des conjoints doit faire une démarche, à l’avenir, ce ne sera plus nécessaire, et l’autorité parentale sera exercée de plein droit en commun.

    Mon deuxième point porte sur les mots « sauf si les titulaires de l’autorité parentale saisissent le juge aux affaires familiales ». Lorsque notre collègue socialiste a participé à la discussion générale, elle a précisé qu’aujourd’hui, c’est le juge qui décide et que ce ne serait plus le cas, puisque la loi aura entériné la décision. On voit que c’est faux : dans les deux cas, il y a une alternative, et dans les deux cas, le juge peut être saisi. Tous les arguments tombent les uns après les autres, et c’est pourquoi…

    M. le président. Merci monsieur Censi.

    La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5303.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement de suppression se justifie par le caractère automatique de l’organisation du partage de l’autorité parentale.

    Les amendements à venir comportent plusieurs propositions sur l’évolution et l’organisation du statut des beaux-parents, qui nous semblent plus indiquées que la répartition automatique des rôles proposée par cet article.

    Le statut de beaux-parents pourrait également être exercé dans le cadre d’une convention de partage homologuée par le juge aux affaires familiales, ce qui nous semble une meilleure condition pour encadrer cette évolution de l’exercice de l’autorité parentale.

    M. le président. Je vous indique que sur l’article 1er quater, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Chacun aura compris qu’il s’agit de traiter de l’exercice de l’autorité parentale dans le cas d’une adoption simple de l’enfant du conjoint.

    Aujourd’hui, le principe est que l’adoptant a l’autorité parentale concurremment au conjoint. Si les deux veulent exercer l’autorité parentale de manière commune, ils doivent en faire la démarche en s’adressant au greffier en chef du tribunal de grande instance.

    Nous proposons d’inverser cette logique. Il n’y a rien de choquant à cela. Le principe serait l’exercice conjoint de l’autorité parentale, et l’exception, après intervention du juge, serait l’exercice exclusif, délégué au conjoint.

    M. Philippe Gosselin. Le rapporteur n’est pas très clair…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je vais reprendre. J’ai été sensible aux préoccupations de M. Censi de vouloir obliger à une démarche. Mais la démarche, c’est l’adoption simple. Il n’y a pas de démarche plus forte pour pouvoir exercer, enfin vouloir faire…

    M. Philippe Gosselin. C’est un peu compliqué, c’est normal !

    M. Yves Censi. Ça ne veut plus rien dire !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il est quatre heures du matin…

    Bref, la démarche devant le juge va changer, dans la mesure où l’exercice de l’autorité parentale, en règle générale, sera désormais commun ; c’est seulement par exception, lorsque les parents le demanderont de manière explicite, elle s’exercera selon la situation commune aujourd’hui…

    M. Philippe Gosselin. Je n’ai rien compris !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pourtant simple ! (Rires.)

    M. Gérald Darmanin. Écrivez-le !

    M. Erwann Binet, rapporteur. En tout cas, la commission a rendu un avis défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marcel Rogemont. La conclusion du rapporteur était en tout cas intéressante !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christian Jacob. Monsieur le président ! On ne peut pas continuer nos travaux dans ces conditions ! Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    M. Yves Fromion. Le rapporteur est KO debout !

    M. le président. Vous vous exprimerez ensuite.

    Madame la garde des sceaux, vous avez la parole.

    M. Patrick Hetzel. La garde des sceaux met des gants pour parler à l’opposition, maintenant ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai juste froid, ce n’est pas un message à destination de l’opposition.

    M. Patrick Hetzel. Ce n’était qu’un trait d’humour, madame.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et puis, si j’avais de jolies mains, j’aurais plaisir à les arborer !

    M. Yves Fromion. Elle est coquette ! (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette disposition ne figurait pas dans le texte du Gouvernement. C’est une amélioration sensible apportée par la commission des lois, à l’initiative du rapporteur. Elle consiste à clarifier les effets de l’adoption simple sur l’autorité parentale.

    Cette disposition concernera effectivement tous les couples. Non seulement le texte n’enlève rien aux hétérosexuels, je le confirme, mais il améliore le fonctionnement de ces couples et de ces familles. Il facilite une réalité pratique qui intervient dans tous les couples, hétérosexuels et homosexuels.

    Nous avons là l’illustration que des combats, parfois conduits à l’initiative de minorités qui vivent plus directement la discrimination ou l’exclusion, puis relayés par ce que l’on pourrait appeler la majorité, bien que ce terme appelle à être défini, amènent à un progrès du droit. Ce peut être de faire reculer ou supprimer une discrimination, faire reculer l’exclusion ; reste que ces progrès constituent une reconnaissance de liberté, et cette avancée profite à tous.

    Rien n’est retiré aux couples hétérosexuels, ils vont au contraire bénéficier de cette disposition qui clarifie les effets de l’adoption simple sur l’autorité parentale.

    M. le président. Monsieur Jacob, je vous propose que nous donnions la parole aux deux intervenants pour répondre à la commission et au Gouvernement, à moins que vous ne préfériez intervenir tout de suite.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je préférerais le faire immédiatement.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je veux faire deux remarques sur le fondement de l’article 58 de notre règlement.

    La première porte sur l’absence de la ministre de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que le Gouvernement est représenté, je connais parfaitement le règlement.

    Mais lorsque l’on est ministre de la famille – je l’ai été – s’agissant d’un texte auquel vous dites attacher une importance essentielle, qui correspond à un engagement du Président de la République dans son programme électoral, préférer aller dormir plutôt que de débattre avec nous alors que vous voulez passer en force, c’est invraisemblable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    À quoi sert la ministre de la famille si elle n’est pas capable d’être présente dans l’hémicycle sur un tel texte ? (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) On parle de l’aide sociale à l’enfance, de l’autorité parentale, de l’adoption, et la ministre de la famille préfère aller se coucher et dormir plutôt que d’être parmi nous ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je trouve cela choquant ! Et je me demande à quoi sert cette ministre ! (Mêmes mouvements.)

    M. Marcel Rogemont. C’est minable !

    M. Christian Jacob. Quand on est ministre, on assume ses responsabilités ! On ne les fuit pas en allant dormir parce qu’il est quatre heures du matin. On a le courage et l’honneur d’être là. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC, dont les députés se lèvent et apostrophent l’orateur.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est incroyable !

    M. le président. Je vous en prie, chers collègues, asseyez-vous ! Vous voyez bien que vous bloquez les débats, et que nous n’avançons plus

    Monsieur Jacob, poursuivez.

    M. Christian Jacob. Ma deuxième remarque porte sur l’intervention du rapporteur. Il est clair que ce ne sont pas des heures raisonnables : il a été proprement incapable d’expliquer le point de vue de la commission ! Tout le monde l’a vu, et lui le premier. Nous sommes tous fatigués, monsieur le rapporteur, cela vous arrive comme à nous, vous n’êtes ni plus ni moins résistant qu’un autre. Votre incapacité à vous exprimer et à donner l’avis de la commission montre bien qu’il serait opportun de lever la séance, et à défaut, au moins, nous accorder une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. À cette heure, certains ont la fatigue plutôt joyeuse, tandis que d’autres semblent avoir du mal à tenir les échanges et les débats.

    La façon dont Christian Jacob vient d’attaquer une ministre…

    M. Gérald Darmanin. Qui n’est pas là !

    M. Hervé Mariton. Une ministre désavouée !

    M. Bruno Le Roux. …alors que le Gouvernement est représenté et qu’il n’a jamais manqué de répondre sur chaque point, pour peu évidemment que l’opposition ait réussi à formuler quelques observations ! Le Gouvernement depuis le début des débats a toujours répondu, que ce soit par la voix de la garde des sceaux ou par celle des ministres présents au banc.

    M. Philippe Gosselin. Quand on est ministre de la République, on assume ses fonctions !

    M. Bruno Le Roux. Ces attaques sont absolument indignes, monsieur le président Jacob. Nous ne pouvons que nous féliciter de la présence des ministres, des réponses qui sont apportées à nos questions comme aux vôtres, et pour peu que vous ayez réussi à les formuler de façon intelligible depuis le début du débat, vos questions ont à chaque fois reçu une réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Gérald Darmanin. Comme le rapporteur ? Était-il intelligible ?

    M. Bruno Le Roux. Essayons d’avancer ! Je remarque que chaque fois que vous avez posé une question, vous avez eu une réponse. Mais sur les amendements dont nous venons de discuter, par exemple, quatre-vingt de vos députés n’étaient pas là pour défendre le leur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Le rapporteur n’est même plus capable de s’exprimer !

    M. Bruno Le Roux. Je le vois sur les réseaux sociaux et partout : ceux qui défendent le mariage pour tous sont très fiers de notre attitude dans l’hémicycle. On ne peut pas dire la même chose de ceux qui vous ont fait confiance et qui aujourd’hui se demandent : où sont les députés de l’opposition ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Christian Jacob. Ils sont là !

    Article 1er quater (suite)

    M. le président. Sur l’amendement n° 603 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour répondre au Gouvernement et à la commission.

    M. Hervé Mariton. À la suite des propos du président Jacob, nous aurons connu ces dernières heures des ministres inutiles ; je pense au passage décoratif de Mme Touraine… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Qui n’a rien dit samedi !

    M. Bruno Le Roux. C’est parce que c’est une femme que vous dites cela ?

    M. Hervé Mariton.… et des ministres « exfiltrés », comme Mme Bertinotti tout à l’heure. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Thévenoud. Parce que vous vous croyez décoratif, vous ?

    M. Jérôme Guedj. Un peu de respect !

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues ! Si je m’autorisais à sortir de mon rôle de président, j’aurais tendance à vous inviter à ne pas tomber dans la provocation. Laissez M. Mariton continuer !

    M. Philippe Gosselin. En effet, vous sortez quelque peu de votre rôle !

    M. Hervé Mariton. Si par malheur le Gouvernement devait, contre toute probabilité, voir aboutir son texte sur la famille et la PMA, et s’il s’agissait à nouveau de défaire la famille à votre initiative et de traiter de la PMA et de la GPA…

    M. Bernard Roman. Et du clonage, tant qu’on y est !

    M. Hervé Mariton. …j’espère que les débats ne se dérouleront pas dans de telles conditions.

    S’agissant de l’adoption simple, qui est très éloignée de l’adoption plénière, à tel point que le mot adoption est assez inadapté, est-il raisonnable d’aller jusqu’au renversement de la charge de la preuve que propose le rapporteur ? Je ne le crois pas.

    Je ne comprends pas bien, monsieur le rapporteur, comment votre idée peut fonctionner, aussi bien intellectuellement qu’opérationnellement. Si les titulaires de l’autorité parentale ne souhaitent pas l’exercer conjointement, ils pourront alors saisir le juge aux affaires familiales. S’agissant de l’adoption simple, qui est un niveau assez modeste de lien, je conçois qu’il y a une certaine cohérence, dès lors que les deux personnes sont d’accord, à « remonter » l’adoption simple pour assurer le partage de l’autorité parentale. Mais je ne vois pas dans quelles circonstances les deux parents pourraient décider conjointement de l’abandonner.

    M. le président. Monsieur Mariton, veuillez conclure.

    M. Hervé Mariton. Il y a là un schéma que je ne comprends pas. Par quel extraordinaire mécanisme l’adoptant et son conjoint décideraient de saisir le juge pour abandonner la faculté que vous leur ouvrez ?

    M. Yves Censi. C’est un peu extravagant !

    M. Hervé Mariton. L’inverse, qui consiste à partager l’autorité parentale, je peux le comprendre ; mais c’est sans doute pourquoi vous avez eu tant de difficultés à l’expliquer…

    M. le président. Merci monsieur Mariton.

    La parole est à Mme Florence Delaunay.

    Mme Florence Delaunay. Pour ma part, je voudrais remercier la ministre et la garde des sceaux de leur présence et de leur disponibilité sur les bancs du Gouvernement pour cette loi majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Je transmettrai à Mme la ministre de la famille !

    Mme Florence Delaunay. Cette loi majeure porte sur l’égalité des droits et la République laïque.

    Vous avez tout à l’heure parlé des nouveaux députés en des termes peu flatteurs. Je veux vous affirmer que les nouveaux députés se font aussi une haute idée de leur fonction…

    M. Hervé Mariton. Nous sommes tous des élus de la République française !

    Mme Florence Delaunay. …qu’ils sont prêts à exercer de la meilleure façon. Leur présence ici à cette heure le démontre.

    M. Philippe Gosselin. Les nôtres aussi sont là !

    Mme Florence Delaunay. L’article 1er quater prévoit, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, que l’autorité parentale est exercée de plein droit en commun. Il s’agit donc là de faciliter l’exercice en commun de l’autorité parentale en cas d’adoption simple par le conjoint et pour tous les couples. Si ce projet de loi vient sécuriser juridiquement les familles homoparentales, le présent article, en modifiant l’article 365 du code civil, traduit une véritable reconnaissance du rôle d’éducateur exercé par le conjoint adoptant.

    M. Yves Censi. Éducateur et parent, cela n’a rien à voir !

    Mme Florence Delaunay. Je n’ai pas entendu d’argument nouveau concernant ces amendements, sauf votre opposition à la loi elle-même. Pour nous, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe représente une avancée formidable pour une société soucieuse d’accorder les mêmes droits à tous les couples.

    Levez la tête ! Ouvrez les yeux ! Les pays européens voisins ayant déjà ouvert le mariage à tous les couples n’ont pas sombré dans l’anarchie. Nous voterons donc contre ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 76, 397, 603, 706, 972, 1228, 1420, 1588, 1634, 1744, 3004, 3060, 3321, 3764 et 5303.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 161

    Nombre de suffrages exprimés 161

    Majorité absolue 81

    Pour l’adoption 34

    contre 127

    (Les amendements identiques nos 76, 397, 603, 706, 972, 1228, 1420, 1588, 1634, 1744, 3004, 3060, 3321, 3764 et 5303 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à quatre heures quinze, est reprise à quatre heures vingt-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2190.

    M. Nicolas Dhuicq. Cela va nous réveiller !

    M. Sergio Coronado. J’interviens à regret devant un hémicycle en partie clairsemé. J’espère que nos collègues de l’opposition vont arriver en masse !

    M. Hervé Mariton. Pour le moment, nous sommes majoritaires !

    M. Sergio Coronado. Comme ils le rappellent bien souvent, ils étaient des millions dans la rue, mais ils ne sont plus qu’une dizaine dans l’hémicycle.

    M. Gérald Darmanin. Où est M. Mamère ? Et Mme Pompili ?

    M. Guillaume Larrivé. Ils sont où, les écologistes ?

    M. Sergio Coronado. Ils arrivent : ne vous inquiétez pas !

    Cet amendement a pour objet de faciliter l’adoption simple de l’enfant du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin. Selon l’article 365 du code civil, seuls les couples mariés peuvent bénéficier, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, d’un partage automatique de l’autorité parentale, propre à rétablir le parent biologique dans ses droits d’autorité parentale. En effet, la Cour de cassation fait une application très stricte de l’article 365 du code civil et refuse d’étendre le partage de l’autorité parentale aux concubins ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

    Cette impossibilité de partage de l’autorité parentale, couplée avec une réticence à prononcer une adoption simple au profit d’un tiers, a pour effet de priver de manière automatique certaines familles de la reconnaissance des liens qui unissent parfois ses membres depuis longtemps. C’est pourquoi il convient d’assouplir les conditions d’application de cet article du code civil, et de réserver la possibilité aux juges de prononcer, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commande, une adoption simple au profit du concubin ou du partenaire lié par un PACS, sans abandon automatique des droits d’autorité parentale du parent biologique.

    Mme Barbara Pompili. Très bien !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Coronado, vous avez retiré tout à l’heure votre amendement ouvrant l’adoption simple aux couples pacsés ou aux concubins. L’amendement que vous venez de soutenir n’en est qu’une conséquence en matière d’exercice de l’autorité parentale : il serait donc logique que vous le retiriez également. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Gérald Darmanin. À force de se retirer, c’est une retraite !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Dans le cas contraire, la commission donnerait un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député Sergio Coronado, vous conviendrez très volontiers que ce sujet relève parfaitement du prochain projet de loi sur la famille. Par ailleurs, votre amendement souffre d’une omission technique.

    Dans la mesure où vous avez inclus ces dispositions dans l’article 1er quater du projet de loi, vous modifiez l’article 365 du code civil, alors que c’est l’article 343 qu’il faudrait modifier pour rendre effective cette extension de la possibilité d’adoption aux couples liés par un pacte civil de solidarité. Si votre amendement était adopté en l’état, les dispositions qu’il comporte ne seraient donc en tout état de cause pas effectives dans le code civil.

    Voilà pourquoi le Gouvernement vous propose de retirer votre amendement, en sachant que nous aurons l’opportunité de travailler sur ce sujet.

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. J’entends bien vos arguments, notamment la réponse du rapporteur. En effet, c’était l’amendement que ma collègue Barbara Pompili a défendu et retiré tout à l’heure qui fondait cet amendement et le suivant.

    Il n’en reste pas moins que j’avais souligné, lors de la discussion générale, que le PACS mis en place par la gauche souffrait de deux renoncements très importants : l’accès au mariage pour les couples de personnes de même sexe et le droit à la filiation. Aujourd’hui, alors même que nous allons voter l’ouverture du mariage et donc faciliter l’adoption par les couples de personnes de même sexe, il serait tout à fait paradoxal que la gauche défende le maintien d’une vision assez conservatrice de la famille, selon laquelle on devrait nécessairement se marier pour faire bénéficier ses enfants des garanties aujourd’hui accordées dans le cadre du mariage.

    Nous souhaitons effectivement pouvoir réfléchir à ces questions, dans cet esprit, au moment du débat sur la famille. Je retire donc mon amendement.

    M. Jean-Frédéric Poisson, M. Philippe Gosselin et M. Patrick Hetzel. Très intéressant !

    (L’amendement n° 2190 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2194.

    M. Sergio Coronado. C’était un amendement de repli ; je le retire également.

    (L’amendement n° 2194 est retiré.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er quater.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 128

    Nombre de suffrages exprimés 128

    Majorité absolue 65

    Pour l’adoption 91

    contre 37

    (L’article n°1er quater est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Gérald Darmanin et M. Jean-Frédéric Poisson. Ça baisse !

    M. Philippe Gosselin. On les aura ! (Sourires.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Ce sera bref. Mon précédent rappel au règlement était tout à fait fondé…

    M. Gérald Darmanin. Tout à fait.

    M. Christian Jacob. …et vous l’aurez noté, monsieur le président : depuis que vous avez invité chacun à ne voter que sur son boîtier, les votes de la majorité ont singulièrement baissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Il a eu raison de le rappeler !

    Après l’article 1er quater

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques portant articles additionnels après l’article 1er quater.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1908.

    M. Hervé Mariton. La modification législative de la filiation adoptive est lourde de conséquences. Il n’est pas bienvenu que de telles évolutions sociétales ne soient pas précédées de débats dans notre pays. Les sujets que nous traitons ici intéressent tous nos concitoyens. Pour autant que l’on prenne la peine d’expliquer un certain nombre de dimensions techniques bien réelles, tous peuvent participer à ce débat ; encore faut-il qu’il soit organisé. Il est de la responsabilité du Gouvernement de le faire. Encore faut-il ensuite qu’il en soit tenu compte.

    S’agissant, par exemple, de la saisine du Comité consultatif national d’éthique pour la PMA, nous n’avons pas encore tout à fait bien compris si le Gouvernement entendait tenir compte de ses avis ou s’il a prévu, de toute manière, d’y aller quoi que dise le Conseil.

    Monsieur le président, il sera bien, dès lors que cela appelle des conséquences législatives, que la conclusion de ces débats et la décision législative que nous prenons se fassent dans des conditions décentes.

    Qu’au bout d’une discussion budgétaire, en fin de première partie, on finisse nuitamment du vendredi au samedi ou du jeudi au vendredi, ce sont des classiques et cela correspond à la fin d’un processus. Mais qu’au moment où nous sommes à peine à la moitié de l’examen des articles, notre Assemblée soit conduite à délibérer dans les conditions dans lesquelles nous délibérons, ce n’est pas digne.

    M. Razzy Hammadi. Dans de très bonnes conditions !

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas digne de la responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos concitoyens. Et si vous croyez réaliser une performance, je suis sûr que nos concitoyens seront indignés de voir que l’on traite des sujets sérieux dans les conditions que vous imposez et qui sont une insulte à la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2340.

    M. Jérôme Guedj. Héraclès !

    M. Thomas Thévenoud. Prométhée !

    M. Nicolas Dhuicq. Pardon ? Quelle prétention !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas drôle !

    M. Nicolas Dhuicq. Nous nous penchons sur un sujet qui n’est pas sans lien avec les demandes de M. Coronado. La logique à l’œuvre est celle d’une explosion totale des repères usuels, qui conduit à une évolution extrêmement large du concept de famille.

    M. Razzy Hammadi. Il assume totalement.

    M. Nicolas Dhuicq. Autant certains sont parfaitement cohérents, autant on sent une relative incohérence chez d’autres qui s’entêtent à refuser certaines questions, certains débats, à prétendre qu’une loi ne comporte pas de conséquences sur l’évolution des familles alors que l’on voit apparaître des articles qui, précisément, ont sur elle des effets certains.

    Ce type de contradiction et les questions fondamentales qui sont posées sur ce que nous entendons par famille – et le sens que nous donnons aux mots – nécessitent pour le moins qu’un débat national soit organisé sur ces sujets. Nul, quelles que soient ses convictions, n’a le monopole du savoir et de la connaissance dans ce domaine.

    Notre amendement est particulièrement raisonnable et sage eu égard à ce que nous entendons par « avenir de l’humanité ».

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2959.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons adopté une excellente disposition avec les lois de bioéthique : faire précéder chaque révision de la loi par un débat à caractère national et général. Je me souviens que cette proposition, issue de la mission Leonetti, a été assez largement suivie sur tous ces bancs.

    Au cours des années – nos collègues écologistes ne me démentiront pas –, nous avons renforcé peu à peu notre habitude de saisir les commissions nationales des débats publics pour faire en sorte que, sur les grands sujets infrastructurels, par exemple, nous sollicitions largement les populations concernées. Nous autres Franciliens, nous y sommes habitués avec les consultations sur les projets autoroutiers.

    Petit à petit, dans la société française, on prend l’habitude de solliciter la population sur des sujets d’importance. Personne ne peut douter que la filiation en est, même s’il n’est pas nécessairement lié à tous les sujets de bioéthique …

    M. Marcel Rogemont. Ni aux infrastructures autoroutières !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ni aux infrastructures autoroutières, nous en sommes d’accord, monsieur Rogemont.

    En tout état de cause, l’importance du sujet de la filiation adoptive pourrait justifier que nous organisions une large consultation du peuple français. Tel est l’objet de cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3051.

    M. Patrick Hetzel. Un de nos points de divergence avec le Gouvernement tient au fait que nous considérons qu’un débat national aurait dû précéder toute mesure législative. Nous nous plaçons dans une optique très constructive, car nous voulons éviter que ne se reproduise ce que nous sommes en train de vivre en ce moment avec la méthode choisie par le Gouvernement.

    C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi que toute modification de la législation concernant les questions familiales donne lieu auparavant à un large débat national. Cet amendement relève du simple bon sens et s’inscrit dans le prolongement des échanges que nous avons eus sur ces questions au cours des derniers jours.

    Je ne doute pas que la majorité saura se rallier à une telle proposition.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sûrement !

    M. Patrick Hetzel. Ne pas s’y rallier signifierait que vous avez peur de l’avis du peuple.

    M. Christian Jacob. Parfaitement !

    M. Patrick Hetzel. Je n’ose imaginer que la majorité ait peur d’avoir un échange direct avec le peuple français qui, sur des questions d’une telle importance, mérite d’être largement consulté.

    Ces débats doivent avoir lieu de manière sereine, nous le disons régulièrement. Voilà une occasion de le faire ; cela le mérite en tout cas pour des textes qui touchent à la famille.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3542.

    M. Xavier Breton. L’une des raisons majeures du mécontentement des centaines de milliers de Français qui ont manifesté le 13 janvier dernier et qui viennent encore de le faire…

    M. Jérôme Guedj. Et que vous représentez en masse !

    M. Xavier Breton. …c’est l’absence de débat.

    Le débat dans la société, il existe. Il suffit de voir le nombre d’articles de journaux et d’émissions de télévision. Sur le terrain, nous avons organisé des réunions, et rempli des salles entières. Mais il n’y a pas de grand débat public, officiel, qui aurait permis de débattre entre nous de ces grands sujets que sont le mariage et l’adoption.

    On peut déplorer que la méthode choisie au moment de l’examen des lois de bioéthique n’ait pas été reproduite. Rappelons-nous : la mission d’information d’Alain Claeys et de Jean Leonetti avait duré dix-sept mois et permis, à la suite de plus de cent dix auditions, de faire le point sur les lois de bioéthique et leur exécution. Ensuite, il y a eu les états généraux de la bioéthique organisés officiellement par le Gouvernement, avec un site internet très fréquenté, avec des réunions publiques dans les régions et des débats.

    Cela a abouti à une loi. Son examen a permis des échanges qui n’ont pas connu les clivages que nous constatons aujourd’hui.

    Nous proposons que ce débat ait lieu sur les questions de filiation adoptive. Alors que vous cherchez à cliver, à diviser les Français, il est important que sur des sujets comme la famille, qui sont au cœur de notre pacte social, nous cherchions à rester unis. C’est la raison pour laquelle nous proposons l’organisation de débats qui vont permettre aux citoyens de s’exprimer. N’ayez pas peur du peuple et protégez la famille !

    M. Philippe Gosselin. N’ayez pas peur du débat !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3790.

    M. Philippe Gosselin. Les états généraux de la bioéthique ont effectivement montré toute leur utilité. Ils ont été remarquablement menés avec des coprésidences des personnalités de votre camp comme du nôtre, sous la présidence de Jean Leonetti. Des réunions se sont tenues partout sur le territoire national. Cela parce que la volonté de travailler en commun a été affichée dès le départ. Il n’était pas question de cliver ou d’opposer les Françaises et les Français comme on est en train de le faire aujourd’hui. S’ils ont été si nombreux le 13 janvier, si nombreux encore samedi dernier dans chaque département, c’est parce qu’ils ont l’impression que l’on est en train de brader la famille. Les propos de notre collègue Coronado ont contribué à faire tomber les masques à quatre heures et demie du matin.

    M. Hervé Mariton. Oui.

    M. Philippe Gosselin. Cela ne fait que prouver sa volonté d’une déconstruction la famille traditionnelle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas à quatre heures et demie que l’on achève la famille !

    M. Philippe Gosselin. Mais c’est ce qu’on retiendra en dépit de l’heure tardive : si l’on considère l’ensemble des thèmes qui circulent comme les études sur le gender, l’euthanasie, le droit de la famille que l’on va revoir, la recherche sur l’embryon, on est face à une vaste offensive ultra-libérale que je n’hésite pas à qualifier de libertaire et on en paiera le prix.

    M. Razzy Hammadi. Anarchiste !

    M. Philippe Gosselin. Anarchiste, non, mais libertaire et centrée sur l’individualisme. Et je m’étonne de voir l’individualisme gagner les bancs de cette assemblée, notamment à gauche où l’on a toujours défendu l’intérêt général et un certain nombre de normes collectives. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est une victoire de l’individualisme, du désir égoïste (Mêmes mouvements) : cela mérite un vaste débat national. Mais ce sera pour une prochaine fois : en attendant l’heure, nous déplorons en être restés à cet épisode purement parlementaire, même s’il a son intérêt.

    M. Hervé Mariton. C’est toujours à cinq heures du matin qu’on fait les mauvais coups !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4480.

    M. Marc Le Fur. Madame la ministre, vous qui avez le courage d’être présente, à la différence de votre collègue la ministre de la famille… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Eh oui, nous sommes en plein cœur des sujets concernant la famille – la filiation – et la ministre chargée de la famille n’est pas là ! C’est tout de même extraordinaire.

    Mme Martine Martinel. Et macho, en plus !

    M. Marc Le Fur. Les ministres étaient présents cet après-midi. Et, contrairement à ce que pense notre président, j’estime qu’ils sont venus pour quelque chose : la photo de Paris Match.

    M. Hervé Mariton. Si c’est cela, ce n’est pas brillant !

    M. Philippe Gosselin. Ce sera un collector !

    M. Marc Le Fur. C’était la raison majeure de leur présence puisque nous ne les avons pas entendus.

    Monsieur le rapporteur, la fatigue vous atteint ; je la comprends parfaitement, car moi aussi je la ressens. Le problème, c’est que nos débats, et particulièrement les interventions de la commission, concourent à l’interprétation par le juge des lois que nous votons. Il est de notre devoir d’avoir un propos articulé.

    La vraie conséquence de tout cela, mes chers collègues, c’est le divorce entre nos élites et le peuple. Nous refusons la parole au peuple et nos élites ne se montrent pas dignes du débat qu’elles prétendent assumer. Voilà la vraie difficulté. Le peuple est en train de s’en rendre compte car, désormais, on ne peut plus rien lui cacher : Internet existe, nos débats sont retransmis. De fait, l’image que nous donnons n’est pas satisfaisante.

    Voilà pourquoi il nous faut revenir à des états généraux, à de vrais débats comme ceux que nous avons su organiser, il y a de cela quelques années, sur un sujet autrement plus complexe : la bioéthique. Nous avons contribué à éduquer nos compatriotes, à les faire réfléchir ; nous avons élaboré également des lois, à l’exemple de la loi Leonetti sur la fin de vie qui a fait l’admiration de l’Europe et de bien des pays du monde.

    Arrêtons cette dérive, mes chers collègues, revenons au peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre le sous-amendement n° 5393.

    M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, quelles que soient les différences qui nous séparent sur le fond, nous devrions, de manière apaisée, raisonnable, rationnelle, nous mettre au moins d’accord sur des procédures. En réalité, si vous vous donniez la peine de lire ces amendements ainsi sous-amendés, vous les voteriez. Considérer qu’une future loi sur la famille doit être précédée d’un débat national et de l’avis du Comité consultatif national d’éthique n’a rien que de très normal.

    Nous avons bien compris que vous alliez rejeter ces amendements. Sans doute est-ce parce que vous avez une arrière-pensée. Le président Le Roux l’a exprimée dimanche après-midi à la télévision lorsqu’il a dit que l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de personnes de même sexe serait votée sans l’avis du CCNE. En réalité, vous voulez passer en force. Vous voulez vous dispenser de l’avis du peuple mais aussi de celui des instances les plus éclairées. Nous le regrettons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques et sur le sous-amendement ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pour ma part, je suis fier du débat que nous avons eu ces derniers mois dans notre pays. Et je suis consterné, même s’il est cinq heures du matin, d’entendre parmi vous des parlementaires qui demandent encore un débat. Le débat, il crève les yeux dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Il n’a pas eu lieu à l’échelon national !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis d’abord fier d’avoir mené ces auditions : elles ont été longues et utiles. Je suis fier du rapport qui les retrace.

    M. Hervé Mariton. Ô combien partial !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis heureux de toutes les réunions publiques que nous avons animées les uns et les autres dans nos circonscriptions.

    M. Hervé Mariton. Heureusement !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, permettez-moi de terminer !

    Ils sont rares, les débats que nous pouvons avoir dans cet hémicycle qui ont une telle répercussion dans la société.

    M. Hervé Mariton. Pour aboutir à quoi ? À un débat à cinq heures du matin ? Est-ce digne ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ils sont rares, les débats pour lesquels nous nous sentons obligés de faire des réunions publiques, des ateliers législatifs dans nos villes, dans nos circonscriptions.

    M. Hervé Mariton. Nous ne nous sommes pas sentis obligés : nous l’avons fait avec ardeur !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous l’avons tous fait !

    Comment pouvez-vous demander aujourd’hui des débats alors que cela fait près de six mois que les débats occupent notre société, que des tribunes paraissent presque quotidiennement dans la presse, que nos concitoyens se sont appropriés ces questions chez eux, en famille, dans la rue ?

    M. Christian Jacob. Et la ministre de la famille, elle ne se les est pas appropriés ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Moi, je suis très fier que collectivement, majorité et opposition, nous ayons mené ces débats. Au moins pouvons-nous nous accorder sur ce point. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, permettez que je réagisse aux propos du président Jacob, que M. Le Fur a repris tout à l’heure.

    Monsieur Jacob, vous avez à plusieurs reprises utilisé des mots vindicatifs, comminatoires. Reconnaissez-vous qu’à l’égard de Mme la ministre de la famille, vous avez tenu des propos pour le moins inélégants ?

    M. Jérôme Guedj. Tout à fait !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez été ministre, vous savez la charge de travail que représente cette fonction.

    M. Christian Jacob. En effet !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez que notre présence au Parlement n’allège pas les dossiers que nous avons à traiter par ailleurs. Que d’autres ministres du Gouvernement aient voulu manifester leur respect à l’égard du Parlement en venant passer quelques heures dans l’hémicycle, …

    M. Christian Jacob. En fuyant les questions !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …c’est un geste auquel vous auriez pu vous montrer sensible. Au lieu de cela, vous avez eu à leur égard des propos insultants, en les traitant de godillots.

    M. Christian Jacob. J’assume !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’en doute pas : je vous ai déjà entendu assumer plus grave que cela ! C’est parfaitement votre droit. Toujours est-il que je tenais à souligner cette inélégance.

    M. Olivier Faure. Et Fillon, Copé, Le Maire, NKM, Guaino, vos patrons, où sont-ils ?

    Mme Claudine Schmid. Nous n’avons pas de chefs, nous ; nous sommes libres !

    M. Philippe Gosselin. Et M. Le Roux, où est-il ?

    M. le président. Je vous en prie !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements visent à ce que le Comité consultatif national d’éthique soit saisi sur les questions relatives à la filiation. Cela n’est pas conforme aux termes de l’article 1er de la loi bioéthique de 2004 qui établit que le CCNE doit être consulté pour des questions relatives à la biologie, à la médecine et à la santé. Par conséquent, ces amendements sont contraires à la loi et le Gouvernement y est défavorable.

    Pour finir, je rappellerai que certaines institutions sont consultées pour les questions de filiation, parfois de manière obligatoire : le Haut conseil de la famille, le Conseil supérieur de l’adoption – que le Gouvernement a bien évidemment consulté –, le Comité national de l’accès aux origines personnelles.

    Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1908 et les amendements identiques suivants, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Houlà !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est çà vous, monsieur Jacob, que je vais m’adresser, de parlementaire à parlementaire. En tant que présidente de commission, j’aimerais vous dire ce à quoi j’ai assisté : aucun des membres de votre groupe n’a participé aux auditions organisées par les rapporteurs des commissions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Censi, M. Hervé Mariton et M. Xavier Breton. Faux !

    M. Marcel Rogemont. Ça, ce n’est pas bien !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je parle de la commission des affaires sociales, saisie pour avis !

    Deuxièmement, M. Guaino a pourri une de nos réunions en refusant tout débat ce jour-là.

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas bien !

    M. Philippe Gosselin. Vous venez de dire qu’il n’y avait eu personne : il faudrait savoir !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Troisièmement, vous avez confié le soin à M. Guaino de défendre la motion de rejet : depuis, il n’est pas intervenu une seule fois dans nos débats. Il n’est pas là non plus cette nuit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Marcel Rogemont. Ça, ce n’est pas bien non plus !

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Au titre de l’article 58, monsieur le président, toujours à propos de l’organisation de nos débats. Je veux à nouveau m’étonner de l’absence de Mme la ministre de la famille. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    J’insiste, madame la garde des sceaux : nous sommes sur un texte qui la concerne directement. La ministre de la famille préfère être dans son lit plutôt que dans l’hémicycle alors que nous débattons d’un texte qui la concerne au premier chef. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il est cinq heures du matin. Depuis hier matin, neuf heures et demie, nous travaillons en séance. Mme la ministre de la famille préfère dormir plutôt d’assumer ses responsabilités et faire son travail, ce pour quoi la République la paie !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et Guaino, où est-il ?

    M. Christian Jacob. Elle est là pour être au service de nos concitoyens. C’est à elle de porter ce texte, qui n’est pas une proposition mais un projet de loi. Quand on a l’honneur d’être ministre, on assume ses responsabilités, on ne les fuit pas en préférant aller dormir. Aujourd’hui, nous sommes en droit d’exiger sa présence pour continuer à débattre.

    À ce titre, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance afin que mon groupe puisse se réunir et se concerter sur l’attitude à adopter face à une ministre qui préfère être au fond de son lit plutôt que de faire son travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme Martine Martinel. C’est indécent !

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur Jacob, à l’évidence, pour réunir votre groupe, le salon Pujol risque d’être un peu trop grand. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Soyons sérieux : vous n’avez plus rien à ajouter et vous faites une fixation sur un ministre ! Le Gouvernement est représenté, nous pouvons continuer les débats.

    Cela dit, peut-être pourriez-vous aller réveiller M. Fillon, M. Copé, M. Guaino, Mme Kosciusko-Morizet, M. Bertrand, tous ceux qui sont aux abonnés absents depuis le début de ce débat et en qui les Français ont mis une partie de leur confiance, notamment ceux qui ont manifesté il y a quelques jours !

    M. Philippe Gosselin. Ils ne sont pas ministres, eux !

    M. Bruno Le Roux. Je ne vois pas à quoi peuvent vous mener aujourd’hui ces manœuvres d’obstruction qui visent à essayer de montrer du doigt un Gouvernement qui répond à chacune des pauvres questions que vous lui posez !

    M. Christian Jacob. Non !

    M. Yves Censi. C’est la confusion des genres jusqu’au bout !

    M. Bruno Le Roux. Un Gouvernement, qui depuis le début de ces débats, démontre la force de ses convictions, sa capacité à mettre en perspective ce projet, à mobiliser la société. Un Gouvernement qui fait honneur à ce que nous sommes aujourd’hui. Au nom de toute la majorité, je le remercie. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent.)

    M. le président. Je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatre heures cinquante-huit, est reprise à cinq heures.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Après l’article 1er quater (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

    Mme Claudine Schmid. Monsieur le président, permettez-moi de dire comme je suis étonnée par l’ambiance qui règne et surtout par les propos de certains quand ils nous disent que nos chefs ne sont pas là. Moi, je n’ai pas de chefs ; ou alors mes chefs, ce sont mes électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacob est un président de groupe, pas un chef. Il ne nous a pas donné d’ordres. Nous sommes totalement libres d’être présents ou non et aucun de nous n’est là parce qu’il y aurait été obligé.

    M. Philippe Gosselin. L’article 27 de la Constitution interdit le mandat impératif pour les membres du Parlement !

    M. le président. S’il vous plaît ! Que chacun se calme ! Seule Mme Schmidt a la parole

    Mme Claudine Schmid. Je ne comprends pas pourquoi l’on accuse certains députés de ne pas être là alors que d’autres ne le sont pas non plus.

    Plusieurs députés UMP. Et Mme Guigou ? Et Mme Royal ?

    Mme Claudine Schmid. Revenons-en à l’amendement : un débat est une discussion entre des personnes dont les opinions diffèrent. Nous nous enrichirions à avoir beaucoup plus de débats en France, car ici ce ne sont pas des débats que nous avons. On apprend beaucoup à écouter les autres raconter leur situation personnelle, comme cela est arrivé ces derniers jours. Notre opinion se forge de cette façon. Ce n’est pas parce que nous sommes élus que nous avons la science infuse. Il serait bon d’avoir beaucoup plus de débats, surtout sur des sujets de société, comme celui de l’adoption.

    Voilà pourquoi nous soutiendrons cet amendement.

    M. Bruno Le Roux. Cela ne veut plus rien dire !

    M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

    Mme Barbara Pompili. Je voulais m’associer à M. Bruno Le Roux pour rendre hommage au Gouvernement. Les accusations portées sont absolument déplacées, surtout à cette heure de la nuit.

    S’agissant des absents, c’est vrai que vous n’avez pas de chef et personne n’en a d’ailleurs, mais ces personnes qui ne sont pas là aujourd’hui sont les mêmes que celles qui s’expriment dans les médias ou déposent 5 000 amendements.

    M. Philippe Gosselin. Nous sommes là !

    Mme Barbara Pompili. Ces personnes ne prennent pas le temps de venir dans l’hémicycle faire leur travail mais nous, nous sommes là,…

    M. Philippe Gosselin. Nous aussi !

    Mme Barbara Pompili. …tout comme le Gouvernement qui répond à toutes vos questions.

    M. Philippe Gosselin. En partie.

    Mme Barbara Pompili. Puisque vous parlez de débat, autant vous dire que nous aurions aimé en avoir un vrai. Entendre répéter toujours la même chose est vraiment lassant !

    M. Philippe Gosselin. Souffrez la démocratie ! Souffrez de nous écouter !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, il est faux de prétendre qu’aucun député UMP n’a assisté aux auditions : j’y étais !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je parlais des auditions de la commission des affaires sociales !

    M. Xavier Breton. J’ajoute même que deux auditions se sont déroulées en même temps : celle du rapporteur de la commission des lois et celle du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Constatez par vous-même combien l’organisation était mauvaise : nous ne pouvions être présents aux deux auditions en même temps !

    Les manœuvres d’intimidation, ça suffit à présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

    M. Daniel Goldberg. Cet amendement tend à réclamer, non pas des débats, mais un débat national sur le régime de la filiation adoptive, pour réformer le code civil.

    S’il faut en arriver là chaque fois qu’il s’agit de réformer le code civil, nous risquons de perdre la substantifique moelle de ce qui fait le travail parlementaire !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Hé oui !

    M. Yves Fromion. Allons donc ! N’importe quoi !

    M. Daniel Goldberg. Quant aux débats, chers collègues, ils ont eu lieu depuis six mois : ils ont eu lieu dans les médias, ils ont eu lieu au travers des manifestations auxquelles vous avez participé…

    M. Yves Censi. Les manifestations ont justement eu lieu parce qu’il n’y avait pas de débat !

    M. Daniel Goldberg. …et auxquelles nous avons participé. Ils ont eu lieu dans nombre de circonscriptions !

    À ce propos d’ailleurs, dans les débats que vous avez organisés dans vos circonscriptions, y avait-il, comme cela fut le cas dans la dixième circonscription de la Seine Saint Denis que j’ai l’honneur de représenter ici, un intervenant favorable au texte et un autre défavorable ? Je ne crois pas que cela ait été le cas pour la majorité des débats que vous avez organisés !

    M. Hervé Mariton. Eh bien, vous vous trompez !

    M. Daniel Goldberg. Ils étaient plutôt à sens unique !

    Vous demandez par ailleurs, avec cet amendement, que les débats puissent garantir par avance l’intérêt supérieur de l’enfant. Comment voulez-vous que les débats soient le plus ouverts possible si vous insérez une telle disposition dans la loi ?

    M. Yves Censi. Ce serait un minimum tout de même, non ?

    M. Daniel Goldberg. C’est parce que nous sommes 577 députés ici à représenter les citoyens de notre pays que nous sommes sans doute les plus en mesure de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.

    Vous avez organisé un débat national, il y a quelques années, dans ce pays, sur l’identité nationale !

    M. Bernard Roman. Quel fiasco !

    M. Daniel Goldberg. Vous nous reprochez de diviser les Français, mais qu’avez-vous fait, députés alors de cette majorité, opposant les Français ? Un fiasco terrible !

    Vous n’avez fait qu’abîmer la nation, vous qui vous targuez de représenter l’idéal gaulliste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez abîmé l’idée de ce pays.

    Pour ce qui est du débat que nous organisons dans cet hémicycle, il représente quatre mois de débats, trois commissions saisies, des centaines d’auditions, deux lectures dans cet hémicycle,…

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas trois ?

    M. Daniel Goldberg. …sans parler du non-recours au temps couperet, procédure qui vous a permis de massacrer un certain nombre de débats au cours de la législature précédente !

    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5393.

    (Le sous-amendement n° 5393 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1908, 5393, 2340, 2959, 3051, 3542, 3790 et 4480.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 166

    Nombre de suffrages exprimés 166

    Majorité absolue 84

    Pour l’adoption 35

    contre 131

    (Les amendements identiques nos 1908, 2340, 2959, 3051, 3542, 3790, 4480 ne sont pas adoptés.)

    M. Hervé Mariton. Je demande la parole ! J’insiste !

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 2214, 3283, 5327 rectifié et 5255 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune, les trois premiers étant identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2214.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il faut savoir, à un moment, si cela sert à quelque chose de présenter des amendements et de poser des questions ! J’ai posé des questions très précises, à l’amendement précédent, sur le caractère inopérant du dispositif proposé parce que je n’imaginais pas que les deux conjoints puissent saisir le juge dans les conditions décrites. Autant le processus ascendant me paraissait possible, autant, dans le sens décrit par le rapporteur, je ne comprenais pas à quelles circonstances cela fait allusion. Je n’ai reçu de personne, ni du rapporteur, ni du Gouvernement.

    Je ne sais pas à quoi servent nos débats si, quand on pose des questions sur un article, ni la commission, ni le Gouvernement ne prennent la peine de répondre.

    Au reste, monsieur le président, il serait important que notre assemblée soit informée de la composition du Gouvernement.

    Chacun sait que le Premier ministre a démenti de manière extrêmement sévère aujourd’hui la ministre de la famille…

    Plusieurs députés SRC. Non !

    M. Hervé Mariton. Mme Bertinotti étant absente, nous nous demandons si elle est encore membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux. Goujat !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ridicule !

    M. Thomas Thévenoud. Lamentable !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3283.

    M. Philippe Gosselin. Peut-être ne le sait-elle même pas encore ! Ne la réveillez pas tout de suite, le choc risquerait d’être brutal ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés SRC. Elle est peut-être souffrante.

    M. le président. Le chronomètre tourne, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Si elle a des problèmes, vous lui transmettrez alors notre bon souvenir.

    Revenons-en au sujet. Cet amendement vise à insérer un nouvel article après l’article 371-4 du code civil pour poser un statut des tiers.

    Depuis de nombreuses années, la question se pose de la place du tiers au sein des familles, je veux parler de cette personne qui a noué des liens affectifs étroits avec des enfants dont elle a partagé le quotidien. Il nous semble important qu’enfin l’on puisse accorder une place à ces tiers. Cet amendement est tout sauf anodin puisqu’il permettrait enfin de reconnaître ce lien et le maintien de relations personnelles entre l’enfant et le tiers, parent ou non du reste.

    Bien évidemment, l’intérêt de l’enfant pourrait toujours faire obstacle à ce droit.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5327 rectifié.

    M. Jean-Christophe Fromantin. L’UDI, dans l’intérêt des droits de l’enfant, a souhaité renforcer le statut de beau-parent, en particulier par une délégation d’autorité parentale améliorée. Ce serait une manière de reconnaître de leur donner un statut et d’offrir à l’enfant les conditions d’un bon épanouissement.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 5255 rectifié et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 2214, 3283 et 5327 rectifié.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement est né des nombreuses auditions que nous avons organisées au sein de la commission. Une problématique est en effet apparue en auditionnant des familles homoparentales aujourd’hui séparées. Puisque ces couples, par définition, ne se marieront donc pas, le projet de loi ne pourra donc en aucun cas permettre au parent « social » ou « intentionnel » de maintenir un lien, alors qu’il a pu vivre de nombreuses années avec l’enfant.

    Nous avons donc pendant de longues semaines travaillé sur la notion de possession d’état. J’en ai parlé à l’occasion d’un amendement il y a quelques jours, mais je n’y reviens pas car, à la réflexion, et après en avoir discuté avec le Gouvernement, cela ne semble pas la bonne solution.

    Je peux aujourd’hui proposer un système alternatif qui permettrait de maintenir les relations personnelles de l’enfant avec son parent social en cas de séparation du couple antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

    En cas de séparation du couple, la personne qui aura assumé un rôle de parent social pendant des années demeurera, malgré les liens durables et stables noués avec l’enfant, un tiers aux yeux de la loi. Si la situation est conflictuelle, son seul moyen de maintenir un lien avec l’enfant sera de demander au juge aux affaires familiales de lui accorder un droit de visite ou d’hébergement, lequel est plus ou moins accepté selon les tribunaux. C’est pour cette raison qu’il est apparu nécessaire de répondre aux situations dans lesquelles l’adoption de l’enfant, par définition, n’est pas possible, mais où un maintien des liens entre un enfant et son parent social doit être recherché dans l’intérêt de l’enfant.

    Tel est l’objet de cet amendement qui vise à compléter l’article 373-3 du code civil pour permettre expressément au juge, si tel est l’intérêt de l’enfant, de prendre les mesures garantissant le maintien des relations personnelles de l’enfant avec le tiers qui a résidé de façon stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien, ou à son installation, et avec lequel il a noué des liens affectifs durables. Il s’agit, dans l’intérêt de l’enfant, que ce dernier ait, avec les personnes qui l’élèvent au quotidien, le lien juridique le plus solide et le plus stable possible.

    En cela, cet amendement, auquel la commission a rendu un avis favorable, se distingue du statut de tiers proposé par ailleurs et qui ne répond pas à la même préoccupation.

    Le statut du tiers pose un vrai problème, tout comme celui du beau parent. Nous l’avons souvent évoqué en commission et nous sommes assez rapidement convenus qu’il serait mieux traité dans le cadre de la loi sur la famille. C’est pour cette raison que la commission a rendu un avis défavorable sur les amendements identiques.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Après que, pendant plusieurs heures, l’opposition nous a présenté des amendements en vue de modifier le code de la santé publique et le code pénal, elle défend, cette fois, des amendements visant à modifier le code civil en faisant une fixation sur la ministre de la famille. Comprenne qui peut !

    Pour ce qui concerne l’amendement présenté par le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable car il tend à la protection des enfants en maintenant, en cas de séparation, leurs relations avec l’un des parents. Le texte que nous vous présentons assurera, après son adoption par le Parlement – s’il en est ainsi – la protection des familles homoparentales et des enfants qui y grandissent.

    À l’initiative du rapporteur, mais également de Sergio Coronado pour le groupe écologiste et de Corinne Narassiguin pour le groupe SRC, nous avons travaillé pendant plusieurs semaines, en cherchant notamment à savoir si le code civil permettait, dans une quelconque de ses dispositions, d’assurer la protection des familles qui existent déjà et auxquelles la nouvelle loi ne pourra s’appliquer dans les mêmes conditions que pour les couples mariés futurs. Je précise d’ailleurs que si notre loi protégera les familles et les couples homoparentaux, notre souci du maintien des liens ne concerne pas les seules familles homoparentales, mais également les familles hétéroparentales.

    La disposition présentée par le rapporteur, à laquelle ont abouti les nombreux travaux en commun, est la meilleure et le Gouvernement donne très volontiers un avis favorable à cet amendement et défavorable aux autres amendements.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois etM. Bernard Roman. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Les amendements n° 2214 et identiques de l’opposition, ainsi que tous leurs autres amendements à suivre après l’article 1er quater, ne visent en fait qu’à prétendre qu’il serait inutile de reconnaître un statut de « parent social » à celui ou celle qui est objectivement le deuxième parent de l’enfant.

    Par ailleurs, la pseudo-solution de statut du tiers qu’ils présentent est juridiquement très faible puisqu’elle est bien inférieure à ce qui existe déjà dans le code civil.

    À l’inverse, l’amendement du rapporteur vise à offrir une solution concrète et juridiquement solide aux parents sociaux dans un couple séparé. C’est effectivement un problème très important qui a été soulevé pendant l’excellent travail préparatoire qui a été effectué, notamment, grâce aux nombreuses auditions qui ont été menées. Je suis heureuse qu’une solution ait pu être trouvée, car il était important que cette loi ne crée pas de nouveaux problèmes pour les couples séparés.

    Il serait cependant souhaitable qu’une solution plus complète pour tous les couples non mariés et séparés puisse être trouvée dans le cadre du prochain projet de loi sur la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Le débat est important et nous ferons nous-mêmes une proposition d’amendement à l’article 372-2 du code civil car nous pensons que ce débat est l’occasion d’améliorer le dispositif du droit des tiers. Cela souligne d’ailleurs l’attachement de notre groupe à faire, comme pour le contrat d’union civile, des propositions aussi consensuelles que possible.

    En l’occurrence, le rapporteur fait une proposition qui, dans le cadre de l’article 373-3, s’applique plus spécifiquement en des circonstances – une séparation – toujours difficiles et où la mise en œuvre du droit est extrêmement délicate. Nous ne pouvons pas voter cet amendement pour deux raisons.

    La première tient à l’absence, à ce stade de nos débats, d’une analyse suffisamment fine de son impact. Si les travaux de la commission ont été intéressants en amont, ce dont il faut remercier le rapporteur, des auditions et un colloque n’ont pour autant pas été suffisants pour préparer la discussion sur les articles puisque nous n’avons pas d’évaluation précise du dispositif proposé. Sur un sujet aussi délicat, nous n’avons pas l’assurance qu’il fonctionne bien.

    La seconde raison a trait, dans l’exposé des motifs, à l’apparition de l’adjectif « social » accolé au terme de « parent ». Nous sommes fondamentalement en désaccord avec cet ajout : si les personnes avec lesquelles vit l’enfant sont tout à fait respectables, on arriverait, avec le schéma évoqué tout à l’heure, à aller au-delà de quatre parents, ce qui pose problème.

    Nous voulons l’amélioration du droit des tiers et nous avons des amendements en ce sens. Mais on n’accole pas d’adjectif au terme de « parent ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jérôme Guedj. Vrai parent ou faux parent, comme vous l’avez dit !

    M. Hervé Mariton. Non !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. À cinq heures vingt du matin, nous sommes encore capables d’avoir des débats intéressants !

    Comme l’a souligné Mme la garde des sceaux, l’opposition vient de présenter des amendements qui marquent une différence entre nous en la matière. En réalité, mes chers collègues, vous refusez de reconnaître le statut de « parent social ». Pour vous, un parent est un géniteur. Pour vous, dans la filiation, il n’y a de lien que biologique. Ce n’est pas notre conception de la famille.

    Nous avons entendu, pendant les auditions, décrire des situations dramatiques. Aussi, je me félicite que le rapporteur ait déposé cet amendement qui nous permet d’aller bien au-delà du statut du tiers que vous proposez, lequel est moins protecteur que ce qui existe déjà ainsi que l’a souligné Corinne Narassiguin.

    Cette disposition permettra de répondre à des situations difficiles dans des familles existantes. C’est pourquoi nous voterons l’amendement déposé par le rapporteur.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je tiens à faire remarquer à M. Mariton que l’on ne trouve dans mon amendement aucun qualificatif après le mot « parent ».

    M. Hervé Mariton. Si, dans l’exposé des motifs ! Je l’ai précisé !

    M. Erwann Binet, rapporteur. On ne vote pas sur l’exposé des motifs mais sur le texte de l’amendement.

    M. Yves Censi. La loi, c’est l’esprit et la lettre !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, l’expression « parent social » n’a été utilisée au cours des auditions simplement pour expliquer la situation de la personne qui est reconnue comme parent par les enfants mais pas par la loi. Dès lors que la loi reconnaîtra un lien de filiation à ce parent, qu’on l’appelle aujourd’hui « social » ou « intentionnel », il n’y aura plus besoin d’adjectif derrière le mot « parent ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Je mets d’abord aux voix les amendements identiques nos 2214, 3283 et 5327 rectifié

    (Les amendements identiques nos 2214, 3283 et 5327 rectifié ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je mets maintenant aux voix l’amendement n° 5255 rectifié.

    (L’amendement n° 5255 rectifié est adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2205.

    M. Hervé Mariton. J’ai déjà évoqué cet amendement qui vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au tiers d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.

    La réalité de la vie, aujourd’hui, c’est que les choses ne sont pas toujours aussi difficiles qu’elles sont décrites. Heureusement, les choses se règlent souvent de bonne manière, mais mieux les cadrer juridiquement reste une bonne chose.

    Tel est l’objet de cet amendement qui propose d’améliorer le droit des tiers, sans chercher, monsieur le rapporteur, à faire « comme si » c’était un parent. Nous y reviendrons demain ou après-demain lorsque nous en serons à votre « article balai », mais il ne s’agit pas ici de faire comme si. Le tiers n’est pas un quasi-parent, ce n’est pas un parent social, un simili parent. C’est un tiers sur le plan politique et juridique. Il serait bon qu’il en soit ainsi dans la vie. Faute de quoi on irait vers une confusion des rôles qui ne me paraît heureuse ni pour l’enfant ni pour les adultes ni pour la société.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3282.

    M. Philippe Gosselin. Trop souvent, on nous dit que les tiers n’ont aucun pouvoir, aucune possibilité d’action et l’on reprend généralement l’exemple de l’hospitalisation d’un enfant ou de la sortie de l’école en essayant de faire pleurer dans les chaumières. Je rappelle qu’une nourrice peut parfaitement aller chercher l’enfant à l’école, sans aucune difficulté, avec une autorisation écrite de la famille,. À tout le moins, le conjoint, l’ami, le concubin peut le faire aussi dans la plupart des cas.

    Il faut cesser de caricaturer et de prendre des exemples qui sont certes tirés du quotidien et qui peuvent dans certains cas, empoisonner la vie, mais qui ne correspondent pas à la réalité vécue la plupart du temps.

    Quoi qu’il en soit, notre amendement vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant une plus grande place au tiers dans le respect de ces liens affectifs que l’on a évoqués précédemment, sans toutefois reconnaître une notion que nous récusons, celle de « parent social ».

    L’alchimie parentale est complexe. Il n’y a pas que du biologique dans ces liens : on ne peut pas réduire un père ou une mère à des gamètes et à un patrimoine génétique. Compte aussi le patrimoine culturel et affectif et c’est cela que nous voulons mettre en avant.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5320.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette que tous ces amendements qui ont vocation à mettre le droit de l’enfant au cœur de situations qui posent bien souvent des problèmes ne soient pas davantage considérés.

    Ils tendent pourtant à introduire de la souplesse en permettant occasionnellement et de manière temporaire, pendant les vacances par exemple, de reconnaître les droits du tiers sans passer devant le juge.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2205, 3282 et 5320.

    (Les amendements identiques nos 2205, 3282 et 5320 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1393.

    M. Patrick Hetzel. Cet amendement reprend l’article 1er d’une proposition de loi déposée par MM. Delatte et Decool.

    Le législateur a progressivement établi l’autorité parentale conjointe en 1987 puis en 1993, faisant une place concrète à l’idée de partage de l’autorité parentale au bénéfice des deux parents, mariés ou non, en couple ou séparés.

    Ce principe consacre la nécessité que l’enfant bénéficie de la présence de ses deux parents. De plus en plus d’enquêtes sociologiques révèlent la multiplication de mères ou de pères ayant perdu tout contact avec leur enfant à la suite d’une séparation de fait, de corps ou d’un divorce. Alors que les séparations ne cessent d’augmenter, nombre d’enfants rejettent un de leurs parents sans raison apparente et expriment des sentiments de haine à l’égard du parent perçu comme « fautif », traduisant par là même une grande souffrance. L’interruption des contacts et des relations dans un cadre familial est évidemment traumatisante, tant pour les enfants que pour les parents.

    Par ailleurs, la protection de l’intérêt de l’enfant, considérée comme une priorité par le législateur, a conduit à la promulgation de la loi du 4 mars 2002, qui déjà tentait de promouvoir la résidence en alternance pour les enfants de parents divorcés ou séparés. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, avec cet amendement, apporter un certain nombre de précisions.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. Cet amendement ne correspond pas à ce texte de loi.

    (L’amendement n° 1393 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1438.

    M. Patrick Hetzel. Cet amendement reprend l’article 4 de la même proposition de loi que précédemment, visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents. L’objectif recherché par cet amendement est, dans le droit fil de ce que je viens de dire, l’autorité partagée. Le but de la résidence alternée est simple. Il s’agit de protéger avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant en lui garantissant une construction saine et équilibrée reposant évidemment sur deux parents à même d’être présents auprès de lui.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien direct avec le projet de loi. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis également défavorable. Manifestement, l’opposition a conservé sa passion pour les automatismes, qu’on a vu opérer au civil et au pénal durant le dernier quinquennat. Il s’agit là d’une disposition automatique qui considère l’enfant non pas dans sa singularité particulière, mais comme une abstraction icônique. Ces dispositions nuisent profondément à ses intérêts. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 1438 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1405.

    M. Patrick Hetzel. Dans le droit fil des deux amendements précédents, celui-ci reprend l’article 3 de la même proposition de loi visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents. Les objectifs recherchés par cet amendement sont à nouveau l’autorité partagée et la résidence alternée. Nous pensons ainsi privilégier l’intérêt de l’enfant. Il est en effet important que l’enfant puisse, lorsque c’est possible, garder le contact avec ses deux parents.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, dans le même esprit que les avis précédents.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. Je suis tout à fait défavorable à la garde alternée, qui donne aux enfants un sentiment de toute-puissance. Nombreux sont les enfants qui se comparent entre eux dans la cour de récréation et considèrent qu’il existe de remarquables bénéfices secondaires à disposer de deux domiciles et de deux parents qui cèdent à leurs caprices. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces amendements doivent être rejetés.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

    (L’amendement n° 1405 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5324.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Dans le même esprit, cet amendement permettrait, en cas de décès ou dans des circonstances exceptionnelles, de ne pas restreindre la délégation parentale à un membre de la parentèle de l’enfant mais de l’étendre, par arbitrage du juge, au tiers qui a vécu avec l’enfant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Même esprit, même avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement ne correspond pas à ce texte. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 5324 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5323.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 5323 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2219.

    M. Hervé Mariton. Nous cherchons toujours à améliorer le droit des tiers, sans doute pas de manière spectaculaire mais de façon opérationnelle et, avec un peu de bonne volonté, consensuelle. Le père ou la mère peut donner mandat pour accomplir certains actes à un tiers qui vit avec l’enfant et un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, seule la catégorie des actes graves nécessitant l’accord des deux parents, aucun des deux ne pouvant alors être omis. Il n’y a aucune confusion sur les rôles des parents et du tiers, dont on facilite la vie, sans pour autant dire à celui-ci qu’il est un quasi-parent ni aux parents qu’ils n’en sont plus.

    Puis-je faire observer à mes collègues de la majorité, qui ont accueilli avec beaucoup de sarcasmes l’intervention de notre collègue Dhuicq, que s’il n’a pas sur le sujet précédemment évoqué les mêmes positions que moi, c’est notre liberté au sein du groupe UMP ? Vous étiez d’ailleurs plutôt d’accord avec lui sur le fait qu’il est pour le moins compliqué de couper en deux un enfant. Pourquoi diantre avez-vous eu le réflexe de critiquer ses propos alors même que vous étiez d’accord ? Quel étrange réflexe conditionné ! Quel refus du débat ! Quel refus d’écouter ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Nous n’étions pas d’accord !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3284.

    M. Philippe Gosselin. Il est des réflexes pavloviens qu’Hervé Mariton a raison de dénoncer !

    Cet amendement se propose de faire évoluer la place des tiers, dans le même esprit que le précédent.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas le même esprit, c’est le même amendement tout court !

    M. Philippe Gosselin. Il vise à préserver l’intérêt de l’enfant et assurer la protection de ses liens affectifs en permettant au tiers qui vit avec l’un des parents d’assurer certains actes relatifs à l’enfant. Pour les actes les plus importants et les plus graves, l’accord des deux parents serait nécessaire. Cela permet de préserver la place de l’un et de l’autre sans entretenir de confusion tout en assurant le maintien et l’effectivité des liens affectifs.

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5318.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Toujours dans le même esprit, l’idée est de pouvoir déléguer des actes usuels à un tiers, de façon occasionnelle ou temporaire, voire des actes graves comme des décisions médicales.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La préoccupation de nos collègues est d’autoriser par mandat un tiers à prendre des décisions relatives à des actes usuels ou graves. Le code civil dispose d’ores et déjà, dans son article 372-2, d’une présomption d’accord pour les actes usuels valant dispense de preuve de l’accord des deux parents. Il répond donc déjà à cette préoccupation pour les actes usuels.

    Quant aux actes graves, notion absente de la jurisprudence qui préfère parler d’actes importants, il n’est pas imaginable, dans la mesure où la jurisprudence prévoit que ces actes engagent l’enfant pour l’avenir ou rompent avec son passé, que l’on puisse laisser décider un tiers. Il faut dans ces cas-là l’accord systématique des deux parents.

    C’est pourquoi la commission a rendu un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons. Il s’agit de l’exercice de la co-parentalité. Le Gouvernement considère que ces amendements n’ont pas une maturité nécessaire.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. Pour qu’une loi soit efficace, il me semble qu’elle doit être comprise par celles et ceux à qui elle s’applique. Or la lecture de l’amendement de notre collègue Mariton serait parfaitement comprise par les familles françaises. Il n’introduit ni confusion ni notion nouvelle de beau parent, co-parent ou parent social, et règle de manière simple et pragmatique des situations de vie quotidienne.

    Je suis au regret de constater que sur ce sujet, l’orientation du Gouvernement n’est clairement pas progressiste. Au-delà des mots, c’est vous, mes chers collègues, qui en l’espèce vous enfermez dans le statu quo.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 137

    Nombre de suffrages exprimés 137

    Majorité absolue 69

    Pour l’adoption 31

    contre 106

    (Les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5326.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable

    (L’amendement n° 5326 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement no 451.

    M. Hervé Mariton. Nous souhaitons, avec cet amendement, améliorer des situations sans pour autant confondre les rôles. Comme l’indique l’exposé des motifs, l’enfant a besoin d’un père et d’une mère, qui sont des figures importantes. Pour autant, il est aussi important d’améliorer les droits de partenaires dans le cadre du PACS.

    Il existe déjà des solutions de droit. Elles sont peu nombreuses et parfois peu praticables. Puisqu’il y a eu des contentieux, autant aplanir ces difficultés, établir clairement quelle est la règle de droit et permettre ainsi aux partenaires d’assumer leurs responsabilités vis-à-vis de l’enfant sans pour autant démolir l’ordre juridique existant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (L’amendement n° 451 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5322.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu, monsieur le président.

    (L’amendement n° 5322, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2215.

    M. Sergio Coronado. L’amendement n° 2215 vise à compléter l’article 377-1 du code civil afin d’élargir la délégation de partage de l’autorité parentale.

    Un certain nombre d’enfants sont issus d’un « projet parental commun » – ne poussez pas de cris d’orfraie, chers collègues de l’opposition, cette expression a été utilisée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 20 octobre 2011. Il s’agit notamment des enfants issus d’un projet de coparentalité, associant un couple de femmes et un couple d’hommes. Seuls deux des parents ont des droits reconnus sur les enfants, ce qui crée de nombreux obstacles contraires aux intérêts de l’enfant.

    La délégation de partage de l’autorité parentale, fixée par le juge aux affaires familiales, et qui ne crée pas la filiation, permet de donner des droits à un tiers. Un élargissement de cette délégation permettrait de garantir les droits des enfants issus de ces couples, donc de mieux respecter l’intérêt de l’enfant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Les auditions que nous avons menées ont bien montré qu’il y avait une confusion entre les deux procédures, à savoir la délégation de partage de l’autorité parentale et la délégation simple d’autorité parentale. De plus, ces procédures restent très aléatoires, car elles sont conditionnées par l’exigence de circonstances laissées à la libre appréciation des juges – nous avons déjà évoqué cette question avec M. Coronado.

    Une réforme globale des deux procédures est aujourd’hui nécessaire, mais aurait davantage sa place dans la future loi sur la famille. La commission vous invite par conséquent à retirer votre amendement, monsieur Coronado.

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Je retire mon amendement, monsieur le président.

    M. Philippe Gosselin. C’est une manie !

    M. Sergio Coronado. Toutefois, je veux souligner qu’il concerne directement et spécifiquement ces nouvelles familles homosexuelles ou homoparentales qui sont l’aboutissement d’un projet de coparentalité. Il faudra donc faire très attention, dans le cadre de la loi sur la famille, à ne pas négliger cette question.

    (L’amendement n° 2215 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1443.

    M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 1443 traite également de l’autorité parentale.

    Madame la garde des sceaux, vous avez rejeté nos amendements, tout à l’heure, au motif qu’ils n’avaient rien à voir avec le texte, alors qu’il s’agissait bien de questions familiales. Si vous considérez que toutes les questions familiales sont à exclure du texte, dans ce cas les questions relatives à l’adoption ne devaient pas figurer dans le projet de loi. Ce n’est pas la position que vous avez adoptée, raison pour laquelle il me paraît peu légitime de nous opposer le fait que les questions d’autorité parentale ne relèvent pas du texte.

    Cela dit, notre amendement n° 1443 vise à proposer une nouvelle écriture de l’article 388-1 du code civil, en indiquant, dans l’intérêt de l’enfant, que dans toute « dans toute procédure le concernant, le mineur âgé de plus de cinq ans et capable de discernement est, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet.

    « Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

    « Le mineur est entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. »

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. L’adoption est bien régie par le code civil, n’en déplaise à M. Hetzel.

    Cet amendement, qui prévoit une audition systématique, n’a vraiment pas de sens : en vertu des dispositions du code civil, le juge est en capacité d’apprécier, selon le discernement de l’enfant, si son audition est nécessaire.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais à nouveau préciser ma pensée au sujet de la garde alternée, monsieur le président. (« Au secours ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Des parents, qui culpabilisent à la suite de leur séparation, veulent maintenir la fiction d’un couple qui vivrait encore ensemble, mais dans deux maisons. Ce fantasme est, je le répète, délétère pour l’enfant, car quand deux parents se séparent, la première question que l’enfant sa se poser, c’est de savoir s’il a été à ce point un mauvais garçon ou une mauvaise fille qu’il a provoqué la séparation de papa et maman. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais ça n’a rien à voir avec le texte !

    M. Nicolas Dhuicq. C’est là un problème très sérieux : les parents doivent absolument rassurer leurs enfants qui, à défaut, peuvent entretenir une culpabilité très lourde.

    En maintenant la fiction d’un couple qui vivrait encore ensemble grâce à la résidence alternée, on maintient l’enfant dans l’impossibilité où il se trouve de choisir entre ses deux parents, à un âge où il ne pourra pas réellement s’exprimer. Je suis donc tout à fait défavorable à ce type d’amendements.

    (L’amendement n° 1443 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement. (« Il y avait longtemps ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, on vient de me communiquer une information importante – rassurez-vous, la ministre de la famille dort toujours ! –, à savoir que les pains au chocolat sont arrivés à la buvette de l’Assemblée.

    Je vous demande donc une suspension de séance d’une demi-heure, monsieur le président, afin que nous ayons au moins le temps de prendre un petit-déjeuner. Je vous invite à venir déguster un pain au chocolat à la buvette, mes chers collègues ! (« C’est Copé qui les a apportés ? » sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à cinq heures cinquante-cinq, est reprise à six heures quinze.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 2

    M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Cet article est important. En 2002, déjà, la majorité d’aujourd’hui s’était illustrée en consacrant un de ses derniers efforts à la modification du régime de transmission du nom patronymique – sans doute était-ce là une grande priorité des Français… – avec cette innovation lumineuse pour nos concitoyens qu’était le double tiret. Nous ne savons pas très bien ce qu’il en reste aujourd’hui ; en tout cas, personne n’a tout à fait compris ce que c’était.

    Au-delà de l’apparence terminologique, cette réforme a de vraies conséquences sur la lisibilité des familles, puisque, par construction, cette règle du double tiret et sa transmission au fil des générations fait que des cousins, par exemple, ont une probabilité bien moindre de porter le même nom.

    Nous sommes là dans une affaire assez extravagante : pour répondre à la question de la transmission du nom dans la filiation adoptive et parce qu’ils estiment qu’il faut absolument rompre avec l’a priori du nom paternel, les auteurs du texte nous proposent une révolution du système actuel. Cette révolution est masquée dans le rapport, puisque – ce qui est tout de même assez original – le tableau présenté page 303 ne porte pas sur le texte présenté à notre assemblée mais, pour que cette affaire soit plus discrète, sur le texte dans sa version déposée.

    M. Philippe Gosselin. Il y a une manipulation !

    M. Hervé Mariton. Le reste du rapport est plus lisible : la suite de la présentation reste très alambiquée mais elle dit les choses pour peu qu’on veuille les lire attentivement : « […] le maintien d’une règle d’attribution patronymique du nom de famille pour les seuls cas de filiation par le sang est susceptible d’introduire une rupture d’égalité ». En réalité, vous révolutionnez les choses : là où aujourd’hui l’enfant de M. Durand et de Mme Martin s’appelle dans le cas ordinaire Durand, sauf si les parents veulent qu’il s’appelle Durand-Martin ou Martin-Durand, demain avec votre dispositif il s’appellera Durand-Martin sauf si les parents demandent qu’il s’appelle Durand.

    M. Erwann Binet, rapporteur, et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Non !

    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. Si d’aventure la mère est dans l’incapacité de demander explicitement que l’enfant s’appelle Durand, par exemple du fait de problèmes médicaux en couche, alors l’enfant s’appellera Durand-Martin.

    Monsieur le rapporteur, j’ai demandé à plusieurs reprises qu’on me confirme cette interprétation.

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Hervé Mariton. Celle-ci m’a été confirmée ainsi et il n’en existe pas d’autre, que ce soit pour le texte ou pour votre rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

    M. Christophe Bouillon. Chacun aura compris que depuis plusieurs heures, plusieurs jours et même plusieurs nuits, ce qui guide nos pas, ce qui inspire nos déclarations, ce qui forge nos convictions, ce qui nous maintient éveillés à une heure aussi avancée de la nuit, ce sont un certain nombre de principes.

    Le premier, c’est le principe de laïcité, qui nous permet d’observer une distinction très nette entre le mariage civil et le mariage religieux. Si la loi protège la foi, ce n’est pas la foi qui fait la loi !

    Le deuxième principe est le principe de réalité : la famille est plurielle. Certains ont inventé l’enfant unique ; vous voulez nous imposer une famille unique.

    C’est en troisième lieu le principe d’égalité qui nous a fait voter le mariage pour les personnes de même sexe et qui nous rend favorables à l’adoption pour les couples mariés de personnes de même sexe. Ce même principe est en outre au fondement de l’article 2, qui a pour conséquence l’ouverture de l’adoption plénière aux couples mariés de personnes de même sexe et modifie la dévolution du nom de famille.

    L’appartenance à la nouvelle famille se traduit en effet par le changement du nom de l’adopté, qui prend automatiquement le nom de la famille qui adopte. Toutefois, l’adoption étant ouverte par le projet de loi aux couples de personnes de même sexe, il est nécessaire de réécrire l’article 357 du code civil. L’article 2 prévoit donc que, en l’absence de choix du nom ou en cas de désaccord, l’adopté portera le nom de l’adoptant et de son conjoint ou les noms de chacun des deux adoptants accolés selon l’ordre alphabétique dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux.

    Vous avez employé le mot « révolution », monsieur Mariton : nous l’assumons, dans la mesure où faire en sorte que le nom du père ne soit pas prioritaire sur celui de la mère constitue une véritable révolution, un réel progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. C’est la filiation par le sang ! Vous renversez un usage ancestral ! Les Français vont tomber sur le nez !

    M. Razzy Hammadi. Non, ils vont retomber sur leurs jambes !

    M. Hervé Mariton. C’est bien une révolution, mais elle est camouflée !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. L’article 2 vise tout d’abord à adapter la législation relative au nom de famille des personnes adoptées. L’interprétation qu’a donnée M. Mariton en des termes très clairs est-elle exacte ? Nous attendons vraiment une réponse sur ce point, car ce serait alors non pas une évolution, mais une révolution, qu’il faudrait expliquer.

    Cet article me donne aussi l’occasion de reparler de l’adoption. À cet égard, je voudrais citer la contribution – le rapporteur l’évoquait voilà quelques heures – du docteur Pierre Lévy-Soussan et indiquer pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe : « ce projet de loi attaque le principe même de la réussite de l’adoption […] : le scénario d’engendrement crédible dont doit s’originer l’enfant. Car si tous les systèmes juridiques admettent des fictions, une fiction n’est pas un mensonge : une fiction juridique doit nécessairement être plausible, c’est-à-dire correspondre à une réalité possible, pensable, vraisemblable, que l’enfant peut imaginer, autant que ses parents d’ailleurs. Avec ce projet, il s’agit au contraire d’instituer juridiquement comme vrai un fait […] impossible, et d’imposer à l’enfant de souscrire à ce mensonge légal. On ne fait pas “comme si” il était l’enfant de deux hommes ou de deux femmes : on inscrira à son état civil qu’il “est” l’enfant de deux hommes ou de deux femmes par le truchement des “parents” de même sexe, acte de “naissance” avec deux hommes que l’on qualifierait d’une façon impossible de “père”, ou de deux femmes de “mère”, ou pire de “parent” unisexe, évacuant la différence des sexes et la spécificité de chacun. […] C’est donc une remise en cause radicale de la filiation adoptive par une dévaluation et une décrédibilisation de sa base, non seulement psychique mais aussi juridique : on ne parle plus de père et mère pour eux mais plus que de “parent”, filiation “unisexe” impossible et impensable. »

    C’est bien cela que nous combattons. Je crois qu’il faut écouter attentivement ce que nous disent les professionnels pédopsychiatres, car ce n’est pas une simple évolution que vous proposez, mais bien une révolution.

    M. Razzy Hammadi. C’est poussif !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article remet en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. Cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la « présomption de nom paternel » pour l’enfant ; cela vient d’être rappelé.

    En effet, à ce jour, aux termes de la dernière phrase de l’alinéa 1er de l’article 311-21 du code civil : « En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre. »

    M. Razzy Hammadi. Nous savons lire, merci !

    M. Patrick Hetzel. Concrètement, cela signifie que dorénavant un acte volontaire et écrit deviendra nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis. Il n’est plus de droit en l’absence d’indication spécifique.

    En pratique, si le père est celui qui déclare la naissance à la mairie, il devra se munir d’un document écrit de la mère par lequel elle accepte explicitement que le nom de famille de l’enfant soit celui du père.

    Par principe, ce sera l’accolement des deux noms de famille dans l’ordre alphabétique qui prévaudra, et non plus le seul nom du père.

    Nous sommes opposés à ce projet et donc, bien entendu, à cet article, et nous pensons que c’est un point extrêmement important du projet, tout simplement parce que nos concitoyens n’ont absolument pas connaissance aujourd’hui de cette évolution. Lorsqu’ils s’en rendront compte, ce sera une raison supplémentaire pour eux de s’opposer au projet du Gouvernement.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je voudrais vous demander, en application de l’article 57, alinéa 1er du règlement, la clôture de la discussion sur cet article, puisque nous avons entendu trois orateurs du groupe UMP et un orateur de la majorité, qui a donné son sentiment sur cet article. Nous pouvons donc passer à la discussion des amendements, qui sont nombreux et répétitifs.

    M. le président. La clôture de la discussion de l’article 2 vient d’être proposée en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

    (Il est procédé au vote.)

    M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article.

    Nous en venons aux amendements de suppression de l’article.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 78.

    M. Marc Le Fur. Il est six heures trente du matin, la ministre déléguée chargée de la famille n’est toujours pas en séance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous allons engager une réforme majeure qui va bouleverser les vies de nos familles, celle du nom de famille.

    Les Français s’imaginent – ils sont bienveillants – que cette loi ne concerne que les couples homosexuels ; ils se trompent. Comme dans le couple homosexuel il n’y a plus un père mais, éventuellement, deux pères, il faut résoudre le problème du nom patronymique. Et, pour éviter toute discrimination, la solution trouvée pour les homosexuels s’appliquera à l’ensemble des Français.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une solution qui existe déjà ! C’est déjà possible !

    M. Marc Le Fur. Voilà exactement l’absurdité à laquelle nous sommes confrontés. Un certain nombre de gens sont objectivement devenus fous.

    On associera les deux noms ; cela signifie que Martin-Durand sera le premier nom,…

    M. Philippe Martin. Je demande la parole pour un fait personnel, monsieur le président ! (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. …puis quand M. Martin-Durand grandira il se mariera à une jeune fille qui s’appellera Dupond-Dupuis. On obtiendra alors un nom un peu plus long : Martin-Durand-Dupond-Dupuis. Et chaque fois on compliquera l’exercice.

    Ensuite, on pose un autre problème symbolique majeur : celui de la sortie du père. Mes chers collègues, dans un certain nombre de familles, le père n’est plus présent. Il l’était encore par le nom. L’évolution proposée est donc majeure. Vous allez me traiter de sexiste,…

    M. Razzy Hammadi. C’est vous qui y avez pensé…

    M. Marc Le Fur. …mais le système fonctionne de la sorte depuis un certain nombre de décennies. Veillons à ne pas troubler exagérément le dispositif.

    Monsieur le président, je pense vraiment que nous devons travailler et échanger à nouveau en commission sur ce sujet. Nous sommes en train de créer une usine à gaz !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 394.

    M. Hervé Mariton. Comme on ne peut distinguer le père du père et la mère de la mère dans une filiation de deux personnes de même sexe, il a fallu rendre obligatoire l’accolement. Je n’émets pas une critique systématique de votre travail, monsieur le rapporteur, mais ce que vous avez fait là n’est pas convenable et ne s’est jamais vu dans cette assemblée ! Vous faites exprès de donner un tableau de ce qui a été déposé et non pas de ce qui a été discuté, afin de masquer la réalité des choses.

    Vous alignez la règle d’attribution du nom patronymique pour la filiation par le sang afin d’éviter, soi-disant, une rupture d’égalité. Mais quelle rupture d’égalité ? Aujourd’hui, les Français peuvent, s’ils le souhaitent, donner le double nom. Mais la situation ordinaire, qui n’exige aucune démarche particulière, est de donner le nom du père. Est-ce scandaleux ? Je ne le crois pas. Cela gêne-t-il nos concitoyens ? Non ! Cela perturbe-t-il l’avenir de la France ? Non ! Il s’agit d’une règle solide de l’histoire et de la tradition de notre pays. Oui, on peut faire différemment. Mais vous renversez la charge de la preuve, et cela créera des situations extrêmement difficiles, notamment si la parturiente n’est pas en situation de s’exprimer.

    Un certain nombre de personnes n’auront pas connaissance de cette disposition. Et lorsque le vaguemestre de l’hôpital viendra, lorsque les démarches initiales seront engagées, elles n’en auront pas été informées. Il y aura donc des enfants pour qui le double nom sera accolé sans que leurs parents l’aient voulu, tout simplement parce que la loi sera ainsi écrite. Aujourd’hui, un enfant porte un nom et peut en porter deux si ses parents le décident ; demain, il portera deux noms, et uniquement celui du père si ses parents le veulent.

    Madame la ministre, monsieur le ministre, vous êtes des personnes raisonnables. Certes, un député a proposé cet amendement, qui a été adopté par la commission. Il n’est pas cardinal dans votre texte et il mettra sans dessus dessous des règles de transmission du nom patronymique. Les Français se rendront compte que ce texte a un impact sur l’ensemble des familles, contrairement à ce que vous avez affirmé. Au nom de quoi et pourquoi mener cette réforme, qui a une charge idéologique évidente : l’effacement du père ?

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 403.

    M. Christian Jacob. Je veux à nouveau, comme mes collègues, regretter l’absence de la ministre de la famille sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle a en charge la généalogie et les associations généalogiques : comme les sujets abordés précédemment, cet article est dans son champ de compétences. Mais Mme Bertinotti continue de dormir pendant que nous travaillons. (Mêmes mouvements.)

    Aujourd’hui, l’accolement des deux noms est possible, mais pas automatique : c’est le nom du père qui est donné. Mais comme, du fait de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, nous allons nous retrouver avec deux pères ou deux mères, la prédominance n’est plus possible. C’est ainsi que l’on en vient à modifier le nom patronymique.

    Vous avez dit tout à l’heure que ce texte ne changerait rien à la situation des couples hétérosexuels. C’est faux, il la bouleverse ! L’organisation des successions s’en trouve modifiée. Je vous demande, pendant la navette, d’auditionner sur ce point particulier les notaires. Vous verrez quelle sera leur réaction !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous l’avons fait !

    M. Christian Jacob. Et quelle a été leur attitude ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ils n’ont rien trouvé à redire.

    M. Christian Jacob. Ce changement n’est pas anodin, il bouleverse complètement notre droit. Et, encore une fois, la ministre en charge de ce sujet ne peut nous répondre.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour présenter l’amendement n° 708.

    M. Frédéric Reiss. Le projet de loi consacre les articles 2 et 3 aux dispositions relatives au nom de famille. Cette révolution – car c’en est une – démontre que l’égalitarisme cher à la gauche pousse jusqu’à l’absurde.

    Si vous pensez, chers collègues de la majorité, que cela va réconcilier les Français avec votre projet de loi, vous vous trompez. Le candidat Hollande avait reproché au président Sarkozy de diviser les Français. Avec ce projet d’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, il est servi ! Pour diviser les Français, il ne pouvait rêver mieux.

    Si, sur les bancs de l’opposition, nous sommes pugnaces, c’est que nous avons mandat de nos électeurs de nous opposer à ce projet de loi. Nous ne voulons pas de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Nous savons d’ailleurs que la majorité ne s’arrêtera pas là. Ce n’est qu’une première étape, et nous avons déjà discuté largement des dérives que représenterait l’accès à la PMA et à la GPA.

    Nous avons des conceptions tout à fait différentes de la famille et, surtout, des valeurs de la famille. La reconnaissance de l’amour entre deux personnes de même sexe est une revendication que nous estimons légitime, tout comme l’égalité des droits entre les couples. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons proposé l’alliance civile, qui pouvait rassembler. Mais la majorité n’en a pas voulu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 604.

    M. Philippe Gosselin. Il me semble, monsieur le président, que vous auriez dû me donner la parole avant mon collègue Reiss… M’auriez-vous oublié une nouvelle fois ? C’est du harcèlement ! (Sourires.)

    M. le président. Pas du tout, c’est un simple oubli, d’autant que je vous trouve plutôt sympathique… (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. Alors, c’est de l’amour vache…

    À cette heure avancée de la nuit, Paris est déjà éveillé et je crains que les loups ne soient entrés dans la ville ! (Rires et exclamations – « Hou ! Hou ! sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Oui, il y a un vrai loup sur le nom de famille ! Nous sommes loin, très loin, d’une simple adaptation.

    À l’envi, et depuis des dizaines d’heures, vous nous dites, madame la ministre, monsieur le ministre, que ce projet ne change rien pour les autres. Si, il leur retire un élément essentiel d’identification, leur nom de famille ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce que vous retirez aux Françaises et aux Français : leur nom de famille ! C’est tout sauf un changement banal.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est parce que vous êtes un homme !

    M. Philippe Gosselin. Lisez le texte, de grâce ! Faites fonctionner au moins la navette parlementaire. Même si la commission, ce matin, ne veut pas en entendre parler, même si je dénonce avec force la manœuvre du rapporteur pour noyer le poisson…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Fait personnel, monsieur le président ! (Sourires)

    M. Marcel Rogemont. Il faut sauver le soldat Poisson !

    M. Philippe Gosselin. À cette heure, il nage en eaux troubles, je vous l’assure !

    Cet article fait que, désormais, le nom ne sera plus transmis comme il l’était jusqu’à présent. C’est un changement majeur !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 976.

    M. Philippe Vitel. Madame la ministre, il fallait effectivement faire évoluer le droit. Vous aviez la possibilité d’améliorer le PACS, vous l’avez refusée. Vous aviez la possibilité d’instituer un contrat d’union civile, vous l’avez refusée. Nous avions proposé l’alliance civile, vous n’en avez pas voulu non plus ! Vous pouviez créer quelque chose qui remplace le PACS et le mariage, sans droit à l’adoption mais, là encore, vous ne l’avez pas fait. Vous êtes arrivés à la solution extrême, celle que les Français rejettent dans leur grande majorité : l’ouverture du mariage et de l’adoption.

    M. Alexis Bachelay. Il fait du Schivardi !

    M. Philippe Vitel. Je prends cela comme d’une attaque personnelle et je vous demande de vous taire !

    À la première lecture de l’article 2, on pouvait penser que la modification de l’identité ne concernait que les adoptés des couples homosexuels. Étant opposé à cette adoption, il était logique que je défende cet amendement de suppression. Mais en le relisant, et en écoutant mes amis, je me suis rendu compte que cet article concernait la totalité de la population, que c’était les noms de toutes les familles qui allaient être modifiés. Là, vous poussez l’intolérable à son paroxysme !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout ! Monsieur Poisson, expliquez cela à vos collègues !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1231.

    M. Daniel Gibbes. Comme mes collègues l’ont souligné, cet article semble simplement procéder à l’adaptation de la législation relative aux noms de famille des personnes adoptées. Mais on le sait, l’adoption est aujourd’hui réservée aux couples mariés et l’automatisme juridique veut que le mariage ouvre à l’adoption. Comme de nombreux Français, nous sommes opposés à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels et nous ne pouvons donc qu’être opposés au mariage des personnes de même sexe. Nous lui préférons un autre type d’union, tel que l’alliance civile ou toute amélioration du PACS. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour présenter l’amendement n° 1421.

    M. Nicolas Dhuicq. Porter un nom, c’est la possibilité de s’inscrire dans une généalogie, c’est le droit d’entrer dans l’Histoire. Il fut un temps où tout le monde n’avait pas le droit de porter un patronyme et un nom. Cette histoire est relativement récente. Par cet article, vous ferez diminuer le nombre de patronymes qui, dans les grandes civilisations et les grandes sociétés, sont en disparition. Bientôt, les Britanniques s’appelleront tous Smith et les Allemands Schmidt.

    M. le président. Mme Schmid va demander la parole pour fait personnel ! (Sourires)

    M. Nicolas Dhuicq. C’est un sujet important car vous déniez ainsi le droit des uns et des autres de transmettre leur généalogie, leur histoire et de rester dans l’Histoire.

    M. Yves Censi. Écoutez chers collègues, instruisez-vous !

    M. Nicolas Dhuicq. Les prolétaires, mes chers camarades, n’avaient pas le droit autrefois de porter un patronyme. Seules les grandes familles avaient ce droit. Si vous connaissez votre histoire et que vous franchissez quelque peu les mers, vous savez qu’au Japon l’apparition du patronyme est encore plus récente. Lorsque vous touchez aux patronymes, à leur diversité, vous touchez très profondément à l’intime, et cela au nom d’un égalitarisme aveugle.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1589.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis désolé, mais je vais devoir contredire notre collègue Le Bouillonnec. Je vais lire simplement l’amendement qui a été adopté en commission, à l’initiative de notre collègue Narassiguin : « En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de chacun de ses deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. »

    Cela apporte deux changements…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est déjà le cas !

    M. Hervé Mariton. Non, il y a un renversement de la charge de la preuve !

    M. Marcel Rogemont. Ne noyez pas notre collègue Poisson !

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est gentil, monsieur Rogemont. Je salue, dans cette remarque, le spécialiste du homard…

    Mes collègues ont déjà largement traité du premier changement, je voudrais attirer l’attention sur le second, qui est la nécessité d’une déclaration spécifique. Or nous sommes tous confrontés, dans nos collectivités locales au problème de l’information de nos concitoyens. Il n’est déjà pas facile de les faire se déplacer lorsqu’ils ont à accomplir des formalités obligatoires, mais dans une situation où chacun pense que les choses se font automatiquement et qu’il n’y a rien à faire de particulier, instaurer une déclaration auprès d’un officier d’état civil pour établir une situation, considérée aujourd’hui comme normale, comporte des risques. C’est pourquoi je défends cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1643.

    M. Yves Fromion. Nos concitoyens n’ont en effet aucune idée de ce qui les attend. Il y aura d’abord des difficultés administratives, puisqu’il faudra qu’ils effectuent une démarche conjointe alors qu’ils n’y ont pas été habitués. Certains d’entre eux le découvriront d’ailleurs dans des conditions qui ne faciliteront pas les choses. Cette formalité sera donc beaucoup plus difficile à mettre en œuvre qu’on peut le penser. Il y aura sans doute beaucoup d’erreurs, beaucoup d’oublis, donc vraisemblablement beaucoup de contentieux.

    Ensuite, lorsque nos concitoyens vont prendre conscience que cette nouvelle difficulté est liée au fait que vous avez ouvert le mariage à des couples homosexuels, beaucoup d’entre eux risquent de réagir très négativement, et les homosexuels risquent fort de s’en trouver stigmatisés, ce que nous essayons précisément d’éviter. On les jugera responsables de ces embarras administratifs, et je ne suis pas certain que vous serviez ainsi la cause que vous avez envie de défendre.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1745.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet article est lourd de conséquences. Il est sept heures moins le quart ; tandis que certains de nos compatriotes dorment encore…

    M. Philip Cordery. C’est la France qui se lève tôt ?

    M. Guillaume Chevrollier. …et, avec eux, la ministre de la famille (Protestations sur les bancs du groupe SRC), l’Assemblée modifie gravement notre droit et remet en cause la transmission du nom de famille à l’enfant.

    Le réveil de nos compatriotes risque donc d’être douloureux, car cette loi sème le trouble dans la famille, avec la légalisation du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe ; dans l’état civil, avec le changement de nom ; dans la société tout entière, avec la perspective de la PMA et de la GPA.

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour défendre l’amendement n° 2221.

    M. André Schneider. Je soutiens cet amendement, car les principes qui régissent le nom de famille sont extrêmement importants et qu’il ne s’agit pas de les traiter à la légère. J’appelle ainsi, à l’aube, mes collègues à la raison, et leur dis que la sagesse voudrait que nous approuvions cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3061.

    M. Patrick Hetzel. Ce qui est en jeu, à travers cet article, c’est la modification d’une pratique pluriséculaire. Or nos concitoyens n’ont guère conscience que nous touchons ici à la transmission des noms de famille. C’est la raison pour laquelle nous demandons, depuis le début, un débat national sur cette question.

    Je crains moi aussi que le réveil ne soit extrêmement douloureux pour nos concitoyens, car nous touchons à une pratique très ancrée. Vous n’avez cessé de répéter que vous ne compreniez pas notre opposition à un texte qui n’ôtait rien aux couples hétérosexuels mais étendait les droits qu’avaient ces couples aux couples homosexuels. En réalité, avec les dispositions de cet article, ce n’est pas le cas. Il constitue en cela un mensonge par rapport à ce qu’avait affirmé le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle non seulement nous soutenons cet amendement mais nous vous demandons à nouveau de retirer ce projet et de procéder à un référendum.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3434.

    M. Xavier Breton. Madame et monsieur les ministres, cet article emporte-t-il, oui ou non, une révolution du nom patronymique ?

    M. Razzy Hammadi, M. Patrick Bloche et M. Bernard Roman. Oui !

    M. Xavier Breton. Comment en est-on arrivé à cette obsession de l’égalité, à ce refus d’inscrire dans notre droit la reconnaissance de l’altérité sexuelle ? Quelle folie, quel aveuglement idéologique de votre part ! Vous imposez cela à la société sans aucun débat, alors qu’il n’y a aucune demande sociale, sauf de la part de quelques associations ultraminoritaires et militantes dont vous êtes les prisonniers. Réveillez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3802.

    M. Yves Censi. Ce débat sur le nom mériterait à lui seul…

    M. Bernard Roman. Un référendum !

    M. Yves Censi. … des semaines de débat. Nous parlons de la structure du patronyme. Peut-être, d’ailleurs, ne faut-il plus dire patronyme, car Mme Mazetier risque de juger que c’est trop « genré ».

    M. Bernard Roman. Mme Boutin aussi !

    M. Philippe Gosselin. Parlons de nom alphanumérique !

    M. Yves Censi. Le nom, dans l’identité personnelle, est probablement ce qu’il y a de plus important. Or je vous invite au doute. Vous êtes bardés de certitudes et ne cessez de vouloir du passé faire table rase, accusant ceux qui ne vous comprennent pas d’être de gros ringards. Vous êtes donc en train de traiter la moitié des Français de gros ringards. Je vous ai même entendu dire que c’était encore pire dans le monde rural, puisqu’on y était incapable d’accepter ces évolutions. Je vous demande un peu de respect, notamment pour nos cultures méditerranéennes, fondées sur des structures patriarcales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous y voilà !

    M. Yves Censi. Rappelez-vous Paul Ricœur et son magnifique concept d’identité narrative : À la question « Qui ? », disait-il, on répond toujours par une histoire, et ce n’est jamais anodin.

    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

    M. Yves Censi. Je conclus.

    Vous contestiez tout à l’heure le fait de vouloir modifier l’ensemble de nos structures patronymiques et de nos noms de familles. Mais c’est pourtant le cas.

    M. le président. Ce n’est pas une conclusion…

    M. Yves Censi. Je regrette que nous ne puissions aller plus loin dans ce débat.

    Nous allons passer d’une société où l’on prend le nom du père,…

    M. Bruno Le Roux et M. Philippe Martin. Et la circonscription !

    M. Yves Censi. …ce qui a un sens très fort dans la structure familiale, à une société dans laquelle c’est la loterie de l’ordre alphabétique qui décidera de votre premier nom : je vous laisse méditer cette irresponsabilité !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5304.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Cet article matérialise nos débats, puisqu’il marque une rupture avec la présomption de filiation sur laquelle se fonde l’histoire de nos noms et de nos familles. Il est donc essentiel de demander sa suppression, car il est un marqueur extrêmement fort dans l’incohérence de ce texte.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut savoir raison garder, et nous allons tenter de calmer tout le monde. Lorsque les Français donnent naissance à leur premier enfant – cela s’applique ensuite automatiquement aux suivants – ils doivent remplir un formulaire conçu comme suit : « Nous soussignés [nom du père]…

    M. Bernard Roman. Du fils et du Saint-Esprit…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Roman, nous ne sommes plus dimanche !

    …[nom de la mère], attestons sur l’honneur que l’enfant [prénoms] est notre premier enfant et déclarons choisir pour lui le nom de famille suivant. »

    Viennent ensuite des lignes avec les mentions : « première partie », « deuxième partie ». Les parents peuvent choisir le nom du père seul, le nom de la mère seul, le nom du père plus le nom de la mère, ou bien le nom de la mère plus le nom du père.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et dans l’ordre qu’ils veulent !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Mais, monsieur Mariton, il arrive – extrêmement rarement – que des couples ne puissent pas se mettre d’accord. Quand cela se produit, la loi doit prévoir quel nom sera attribué à l’enfant.

    M. Hervé Mariton. C’est aussi par abstention !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Laissez-moi vous exposer mes arguments…

    M. Hervé Mariton. Vous cherchez à nous enfumer !

    M. le président. Monsieur Mariton, s’il vous plaît !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, la loi veut que, pour la filiation adoptive, simple ou plénière, le nom de la mère et le nom du père soient accolés, tandis que, pour la filiation par le sang, ne soit retenu que le nom du père.

    Or je rappelle que, depuis 2002, le père et la mère exercent en commun l’autorité parentale – article 372 du code civil…

    M. Hervé Mariton. On est d’accord !

    M. Yves Censi. Cela n’a rien à voir !

    M. Jérôme Guedj. Écoutez le rapporteur !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne vois donc pas ce qui justifie en 2013 non pas que l’on efface le nom du père, comme vous l’avez prétendu…

    M. Hervé Mariton. Vous renversez la charge de la preuve !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, ce que vous attendez, vous, c’est l’effacement du nom de la mère : ce n’est plus acceptable en 2013 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Les Français apprécieront !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous vous accrochez au fait qu’en cas de désaccord entre les parents c’est le nom du père qui domine. Or, c’est ce que nous voulons changer. L’avis de la commission est donc défavorable.

    M. Yves Censi. On est dans le confusionnisme le plus total !

    M. le président. Si vous trouvez que ce point du texte est important, alors au moins écoutez-vous ! Vous aurez ensuite l’occasion d’intervenir.

    La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Quelle que soit l’heure, il y a plus d’hommes que de femmes dans cette assemblée : c’est un fait, que l’on peut constater aujourd’hui encore.

    Parmi les arguments que vous employez pour supprimer les alinéas 1 à 5, vous écrivez textuellement que cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, et que cela sonne le glas de la présomption du nom paternel pour l’enfant.

    M. Hervé Mariton. Eh oui !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes d’accord : vous pouvez le dire ! Mais je crois que les propositions faites par le rapporteur vont bien dans le sens de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

    M. Hervé Mariton. Qui le demande sur ce sujet ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mais taisez-vous donc, enfin ! Un peu de respect !

    M. le président. S’il vous plaît ! Ce point est important, cela vaut la peine de débattre sereinement.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Dans la réalité, au risque de vous décevoir, messieurs, les parents peuvent choisir, ainsi que le rapporteur l’a expliqué, soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’un ou l’autre des sens. C’est uniquement en cas de désaccord – et c’est vraiment très rare – qu’on utilise l’ordre alphabétique.

    M. Hervé Mariton. Et les oublis, alors ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ce n’est donc pas une atteinte à votre sens du nom paternel.

    M. Yves Censi. Cela n’a rien à voir !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous tenez effectivement à empêcher l’égalité entre les femmes et les hommes ; je crois que c’est bien là le fond réel de votre pensée.

    M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Chers collègues de l’opposition, je ne reviendrai pas sur l’aspect clairsemé de vos rangs – pour des millions de personnes qui ont défilé dans la rue le 13 janvier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Censi. Et où est la ministre de la famille ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et que dire du peu de femmes – il n’en reste qu’une et je la salue ! – alors que la mixité à gauche est beaucoup plus importante. (Mêmes mouvements.)

    Je suis assez étonnée qu’en 2013, vous insistiez encore sur le côté patriarcal de notre société.

    M. Philippe Gosselin. Mais non, pas du tout !

    M. Yves Censi. Vous ne savez pas ce que cela signifie !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, je vais être brève : monsieur Mariton, vous nous dites qu’il y a inversion de la charge de la preuve. Pardonnez-moi, mais il faudrait peut-être que vous prouviez votre paternité avant de donner votre nom !

    Que peut bien signifier l’idée d’inversion de la charge de la preuve en 2013, alors qu’un homme est égal à une femme ? Voilà la question que je pose ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Nicolas Dhuicq. On ne peut pas faire la preuve de la filiation ! Votre autisme est aberrant !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les arguments présentés par l’opposition ont contribué de façon assez dense à entretenir la confusion dans le débat, en y incluant des éléments qui n’avaient pas à l’être.

    Le Gouvernement émet un avis défavorable à ces amendements de suppression, qui concernent une disposition introduite par la commission des lois lors de ses travaux, dont je rappelle qu’ils ont été extrêmement fructueux.

    Le Gouvernement n’ignore pas la dimension symbolique et également généalogique des dispositions qui étaient contenues dans le code civil pour l’attribution du nom.

    Pour ces raisons, nous considérons que le sujet mérite d’être encore discuté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Bravo !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes persuadés qu’il peut encore mûrir pendant la navette parlementaire, et nous verrons bien ce qu’il en adviendra. En tout état de cause, je pense qu’il faut prendre les choses telles qu’elles se présentent, et non pas telles que vous les projetez.

    L’option choisie par la commission des lois est totalement cohérente et logique ; elle n’éteint pas et n’assèche pas les interrogations sur l’attribution du nom en cas de désaccord ou d’omission, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

    M. Hervé Mariton. C’est une possibilité.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. N’en faites donc pas un univers en soi.

    Voilà donc la position du Gouvernement, qui s’oppose très clairement à ces amendements de suppression.

    M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 78 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Claudine Schmid.

    Mme Claudine Schmid. Je pense que le message est bien passé. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de bien vouloir réexaminer cela lors de la navette, si j’ai bien compris.

    Pouvons-nous considérer par conséquent que vous reprenez nos amendements, si je traduis bien votre pensée ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non ! Les parlementaires feront leur travail !

    Mme Claudine Schmid. Nous savons comment les parlementaires socialistes font leur travail : ils sont aux ordres du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais de vos collègues du Sénat !

    Mme Claudine Schmid. Vous pensez bien que nous ne pouvons pas accepter cette rédaction, car il y a un doute pour les familles et les couples hétérosexuels. Il aurait donc sans doute été préférable de préciser dans l’amendement que ce dispositif était réservé aux familles homoparentales, cela aurait été beaucoup plus précis. De cette façon, il n’y aurait pas de discussion sur ce sujet, et aucun doute n’aurait été créé pour les familles hétérosexuelles.

    Nous sommes dans l’obligation de demander la suppression de cet article dans sa rédaction actuelle.

    M. le président. La parole est à M. François André.

    M. François André. Le nom est constitutif de l’identité : c’est un héritage.

    M. Philippe Vitel. Nous sommes bien d’accord !

    M. François André. Pendant des siècles, le nom porté était celui de l’homme ; la femme, qu’elle soit épouse, mère ou fille, construisait sa vie dans l’ombre.

    C’est un symbole mais, en droit commun comme en cas d’adoption plénière par le conjoint, le désaccord sur le patronyme est toujours tranché au bénéfice de celui du père. Ainsi, que cela soit dans le cadre d’une filiation de sang ou dans le cadre d’une adoption, un déséquilibre entre les deux parents est maintenu.

    Notre proposition d’article est donc conçue pour que, en cas de désaccord, j’insiste sur ce terme, l’enfant ne se voit pas privé du nom de l’un de ses ascendants. Les familles homoparentales et hétéroparentales seront donc égales en ce domaine. Les deux noms, par ordre alphabétique, seront ceux de l’enfant, si un désaccord existe entre ses parents.

    Monsieur Mariton, ce n’est pas un quelconque vaguemestre qui sera chargé d’expliquer cela aux parents concernés, mais tout simplement, comme l’a indiqué le rapporteur, les officiers d’état civil à l’appui des documents administratifs existants.

    M. Hervé Mariton. Mais cela ne marche pas comme ça ! Avez-vous vu comme cela se passe dans les maternités ?

    M. François André. Mes chers collègues, il est ironique qu’il ait fallu attendre ce projet de loi pour, avec bon sens et intelligence, en finir avec cette hiérarchisation symbolique.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

    M. François André. C’est sans doute, mesdames et messieurs de l’opposition, au nom de la loi de la nature que vous réclamez la suppression de cet article. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. N’importe quoi !

    M. François André. Je crois que nous apportons ainsi la preuve que l’intérêt de l’enfant, par la reconnaissance égale de ses deux héritages, est le nôtre.

    C’est la raison pour laquelle le groupe SRC votera contre ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. En quelques mots, je voudrais démontrer que l’opposition fait preuve de reconnaissance envers Mme la garde des sceaux pour son écoute.

    Il existait en effet une vraie difficulté : le vote sera ce qu’il sera, mais ce qui est intéressant, c’est que la navette se poursuivra, permettant ainsi, en dehors de tout dogmatisme et de tout parti pris, de revoir les choses. Le travail d’opposition que nous venons d’effectuer démontre que nous essayons de le faire avec honnêteté, avec conviction, avec force, dans l’intérêt général.

    Je remercie Mme la ministre d’avoir su se montrer à l’écoute. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. La présidente de la commission des affaires sociales a fait tout à l’heure une réflexion extrêmement fine sur la présomption de paternité, qui pouvait me concerner ; je vous remercie, madame, et je transmettrai…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais non, je ne vous visais pas !

    M. Hervé Mariton. Vous avez toutefois, d’une certaine manière, illustré quelque chose d’intéressant en disant cela. En effet, la conséquence du texte que nous avons à examiner sera l’affaiblissement de la présomption de paternité ; on l’a constaté dans diverses dispositions. Or, la présomption de paternité est une dimension importante du mariage.

    Dois-je vous rappeler les positions de Mme Mazetier, pas seulement sur l’école maternelle – nous en avons déjà parlé – mais aussi sur la suppression de la présomption de paternité ?

    Concernant les couples de même sexe, les Verts ont déposé des amendements pour l’introduction d’une présomption de parenté ; combien de temps y résisterez-vous ? Combien de temps direz-vous que la présomption de paternité est maintenue dans un cas, alors que dans d’autres elle ne pourrait l’être ?

    M. Philippe Gosselin. C’est une question essentielle !

    M. Hervé Mariton. S’agissant du débat que nous venons d’avoir concernant le nom patronymique, c’est aussi, à certains égards, la présomption de paternité qui est en cause. Vous avez raison de faire ce lien, même si je n’ai guère apprécié votre compliment.

    Monsieur le rapporteur, j’ai réellement une certaine estime pour vous,…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela ne se ressent pas toujours !

    M. Hervé Mariton. …mais cette page du rapport n’est pas convenable, pas plus que les explications que vous avez données depuis à la presse, ou que le brouillard que vous avez assez talentueusement réussi à répandre.

    Il ne s’agit pas seulement ici des cas de désaccord entre les parents : cela peut être aussi en cas de réponse rapide – cela existe. Cela peut s’expliquer par une non réponse, ou encore parce que la parturiente n’est pas disponible, parce qu’elle ne peut pas s’exprimer du fait par exemple d’une couche difficile.

    Le Gouvernement est dans son rôle de courtoisie lorsqu’il vous répond comme il l’a fait, et au fond, votre réflexion n’est ni indigne, ni méprisable ; mais elle est fausse ! Elle tombe tragiquement à côté de la plaque, à côté des préoccupations du pays.

    Il est sage de nous avoir précisé que ce qui vient d’être voté ne resterait pas en l’état. En cette matière, les choses devront revenir vers davantage de raison et – ce n’est pas un gros mot – d’usage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 78 et les amendements identiques n° 394, 403, 604, 708, 976, 1231, 1421, 1589, 1643, 1745, 2221, 3061, 3434, 3802 et 5304.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 139

    Nombre de suffrages exprimés 139

    Majorité absolue 70

    Pour l’adoption 33

    contre 106

    (L’amendement n° 78 et les amendements identiques n° 394, 403, 604, 708, 976, 1231, 1421, 1589, 1643, 1745, 2221, 3061, 3434, 3802 et 5304 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 79.

    M. Marc Le Fur. Il s’agit toujours de la même affaire, mes chers collègues. Le but de cet amendement est de supprimer les alinéas 1 à 5.

    Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article remet en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. Nous l’avons bien vu, les uns et les autres, nous l’avons expliqué, et, visiblement, Mme la ministre l’a compris.

    Cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la présomption de nom paternel pour l’enfant.

    Pour l’anecdote, et pour démontrer l’absurdité de ce système, dans la mesure où l’on prendra systématiquement, lors de l’association des noms, celui qui dans l’ordre alphabétique commence par la lettre la plus proche du A, les annuaires téléphoniques vont devenir absurdes (Sourires.) : il y aura beaucoup de A, beaucoup de B, mais à partir de M, N, etc. il n’y aura plus de nom ! Vous comprenez l’absurdité de ce système ? Revenez à un peu de bon sens et de raison, chers collègues ! Ne laissez pas nos familles confrontées à cette situation !

    Autre difficulté : les cousins ne porteront plus le même nom, c’est-à-dire que les grandes familles verront leur solidarité niée ! Voilà les quelques éléments sur lesquels je voulais insister.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 413.

    M. Christian Jacob. J’ai eu tout à l’heure l’occasion de m’exprimer sur l’article, mais je vais le faire à nouveau à l’occasion de la défense de cet amendement.

    Nous faisons face à un bouleversement dont vous ne mesurez pas les conséquences.

    Au-delà de l’identité et de l’identification de chacun, la modification que vous proposez est historique, comme l’a évoqué à l’instant Marc Le Fur. L’originalité de nos noms de famille, et on peut s’en féliciter, est liée à notre histoire, aux métiers. J’aimerais savoir ce que les notaires vous ont répondu si vous les avez auditionnés sur ce sujet car cet article va bouleverser complètement les successions.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela ne change rien !

    M. Christian Jacob. Ne hurlez pas, monsieur Le Bouillonnec ! Si vous voulez vous exprimer, prenez le micro !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Expliquez-nous pourquoi cela va changer quelque chose !

    M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, laissez l’orateur s’exprimer !

    Monsieur Jacob, veuillez poursuivre.

    M. Christian Jacob. Cela posera un problème de succession. Je me souviens d’avoir auditionné les notaires lorsque Ségolène Royal avait modifié l’ordre patronymique et l’accolement de plusieurs noms. À ce moment-là, les notaires avaient réagi.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ça n’avait pas été non plus le chaos !

    M. Christian Jacob. Aujourd’hui, on va inverser les choses. Comment vont se faire les déclarations ? Dès lors que ce n’est pas une déclaration commune qui sera faite pour les raisons qui ont été évoquées par Hervé Mariton – il suffit par exemple que la mère de famille soit alitée et qu’elle ne puisse pas faire la déclaration commune – on prendra le nom par ordre alphabétique.

    Lorsque l’on doit effectuer des recherches à partir des noms patronymiques, on sera confronté à un bouleversement de l’organisation des familles. Au-delà, tout ce qui a été évoqué sur le caractère identitaire du nom est extrêmement dangereux et je ne vois pas pourquoi vous allez dans cette voie. On est vraiment dans le dogme.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 605.

    M. Philippe Gosselin. Je veux revenir quelques instants sur les modalités de déclaration prévues à l’article 2.

    Évidemment, c’est l’officier d’état civil qui enregistre la déclaration. Mais en réalité, cela fait belle lurette qu’il ne reçoit plus les parents. On ne naît plus au domicile. C’est le vaguemestre qui passe. Vous pouvez l’appeler autrement si ce terme vous gêne – par exemple agent hospitalier – mais sachez que cela fait longtemps que les familles ne vont plus déclarer elles-mêmes leur propre enfant.

    Hervé Mariton a raison : on distribue un document dans votre chambre et vous vous concertez pour le remplir. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais si ! Par moments, je me demande dans quel monde vous vivez ! Elles sont comment vos maternités ? C’est vrai, bientôt on ne pourra plus parler de « maternité », on dira que c’est le lieu ou une personne humaine – on ne pourra plus employer non plus le mot « femme – a accouché.

    En tout cas, je vous le dis, c’est le vaguemestre qui dépose la feuille sur laquelle sont notés les différents éléments. Et si on n’est pas précis, on se retrouvera avec des situations complètement ridicules où « à l’insu de leur plein gré » les gens se retrouveront avec un autre nom de famille. Voilà pourquoi il faut être vigilant.

    J’ai bien compris que vraisemblablement cet amendement ne prospérera pas, mais je sais que la navette se poursuit et c’est ce qui me paraît le plus important.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 715.

    M. Frédéric Reiss. Nous persistons à croire qu’un enfant se construit avec un père et une mère. Depuis des siècles, le système sur lequel est fondée notre société est une généalogie à double lignée, celle du père et celle de la mère. Chaque personne peut ainsi trouver sa place dans le monde où elle vit car elle sait d’où elle vient. Nous sommes sur un modèle qui fonctionne.

    Mais le Gouvernement et la majorité aiment bien les refondations. Après la refondation de l’école, vous voulez maintenant refonder le mariage et l’adoption. Mais on risque de rouiller la chaîne des générations de manière irréversible.

    Ces dispositions relatives au nom de famille sont une véritable usine à gaz. Elles vont bouleverser d’ailleurs la vie de tous les Français. J’espère que M. Peillon intégrera les mesures relatives au nom de famille dans les programmes de ses cours de morale.

    Avec cet article, ce sont encore des lobbies dont les intérêts ne sont pas ceux de l’enfant qui sont à l’œuvre. La démonstration que le rapporteur a faite tout à l’heure ne nous a absolument pas convaincus. Les notaires et les généalogistes vont certainement beaucoup s’amuser.

    M. Marc Le Fur. Les avocats aussi !

    M. Frédéric Reiss. Voilà pourquoi je propose la suppression des alinéas 1 à 5 de l’article 2.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 400.

    M. Hervé Mariton. J’ai dit à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas citer ses expériences personnelles mais au point où nous en sommes je peux bien vous faire part de la mienne.

    Nous avons eu quatre enfants qui sont nés soit à l’hôpital de Valence, soit à celui de Die, mais surtout à celui de Valence puisque c’est un établissement plus important.

    C’est une vraie bataille que de vouloir aller déclarer son enfant car tout le système de l’établissement est organisé pour qu’un vaguemestre passe rapidement. Mais les parents n’ont pas toujours tous les éléments d’information et toute la disponibilité pour être pleinement renseignés.

    M. Luc Belot. C’était il y a longtemps !

    M. Hervé Mariton. Ce n’était pas il y a soixante ans, mais je ne suis pas sûr que les choses se soient arrangées depuis !

    Comme j’ai un peu l’esprit d’objection et que cela me paraissait important ainsi qu’à mon épouse d’aller moi-même déclarer les enfants, c’est ce que j’ai fait. Mais c’est vraiment un acte militant.

    Dans les situations ordinaires, la démarche ressemble davantage à de la paperasserie administrative. Le risque que les parents ne comprennent pas que, faute de choix express, c’est le double nom qui vient, me paraît extrêmement important.

    Et au-delà du risque, c’est un principe qui est chamboulé pour des raisons que vous avez expliquées, que l’on peut entendre mais que nous ne partageons pas.

    Je pense que le combat pour l’égalité des femmes, pour la promotion des femmes que nous partageons mérite d’autres réponses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Pour les femmes, consacrez votre énergie autrement !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 981.

    M. Philippe Vitel. Ce débat ne fait que confirmer les convictions que j’exposais tout à l’heure. Je plains sincèrement les futures générations de généalogistes.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1232.

    M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, ma démarche s’inscrit dans la lignée de celle de mes collègues.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1422.

    M. Nicolas Dhuicq. Toutes les sociétés humaines ont été confrontées à la difficulté d’identifier la lignée patrilinéaire. C’est beaucoup plus difficile que la lignée matrilinéaire et nous avons trouvé un système, celui de la transmission du patronyme.

    Votre article va bouleverser totalement l’organisation et la structure de la société et vous confondez la transmission du nom du père avec une domination masculine. La position paternelle est infiniment plus fragile que la position maternelle. À terme, je redoute que vous soyez les instruments voire les idiots utiles, pour parler comme certains, qui connaissaient bien la prise du pouvoir et la politique, au service d’une idéologie délétère qui, à terme, voudra supprimer purement et simplement le principe masculin des sociétés humaines.

    Et même si certains ne comprendront pas l’allusion littéraire, je dirai que même si au crépuscule nous n’étions plus que sept cavaliers à sortir par la porte de l’ouest, nous n’aurions pas pour autant déraison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1590.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cela fait deux fois déjà que nous disons, contrairement à ce que Mme la ministre a déclaré ces derniers mois, que le texte que nous sommes en train de débattre retire quelque chose aux familles qui ne sont pas directement concernées par l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

    À l’article 16 bis qui porte sur une modification du code du travail, nous verrons qu’à nouveau parce qu’on souhaite que toutes les situations soient couvertes – c’est votre cohérence et je la comprends même si je ne la partage pas – qu’on soit dans une inégalité parfaite – et je vois Mme Narassiguin opiner du chef – on est amené à introduire des dispositions à l’aide d’un chausse-pied. À vouloir trop renforcer certaines situations minoritaires malgré tout en termes de nombre on affaiblit par contrecoup les situations qui par ailleurs concernent les personnes majoritairement.

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1653.

    M. Yves Fromion. Nous reprenons toujours les mêmes arguments car ils sont forts et de bon sens.

    Comme vient de le dire M. Poisson, les couples hétérosexuels qui, dans leur grande majorité, s’imaginaient ne pas être concernés par la loi dont nous discutons vont découvrir qu’au contraire ils seront sans doute concernés de façon plus forte qu’ils ne pouvaient l’imaginer et que vous ne l’imaginez vous-mêmes. Cela va engendrer du ressentiment dans l’opinion publique.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1746.

    M. Guillaume Chevrollier. Après l’article 1er qui constitue une réforme de civilisation, nous en venons à l’article 2 qui vise à refonder l’état civil. Cette évolution importante ne répond à aucune demande et elle trahit bien la propension de la majorité à mettre à mal le modèle de la famille qui était le nôtre depuis des générations.

    Avec cet article, vous mettez à mal la place du père et l’automatisme de la transmission de son nom. Vous le niez et tout ce projet revient à effacer les références au père et à la mère. Vous complétez la généalogie et détruisez les schémas classiques que sont les arbres généalogiques. Vous allez compliquer les déclarations de naissance et l’état civil des enfants futurs qui se retrouveront avec des noms à rallonge dont le format ne convient guère aux formalités administratives si nombreuses dans notre pays. Bref, à l’image de ce texte, cet article traduit bien le travail de casse et de sape auquel aboutira ce projet de loi. De grâce, supprimez cet article !

    M. Hervé Mariton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2223.

    M. André Schneider. Je ne comprends pas l’acharnement de mes collègues socialistes à vouloir tout détricoter. Je pourrais citer de nombreux exemples depuis le 6 mai dernier, mais restons-en à ce qui nous préoccupe aujourd’hui. Pourquoi diantre vouloir absolument tout et toujours remettre en cause ? Vous détricotez. Mais avez-vous vraiment les bonnes aiguilles pour bien retricoter ? Votre tricot risque de devenir stérile.

    S’il vous plaît, faites preuve d’un peu de raison, ne changez pas toujours tout de A à Z. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas aboutir à un accord sur ces alinéas. La nuit devrait porter conseil et vous amener à nous suivre.

    M. Hervé Mariton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3062.

    M. Patrick Hetzel. En tout état de cause, nous avons quand même au moins une bonne raison de nous réjouir : alors que, pendant très longtemps, la gauche pourfendait le mariage, aujourd’hui elle s’y accroche et c’est important car on voit un attachement à cette institution.

    Ce dont nous sommes en train de parler, ce sont des enfants nés à l’intérieur d’un mariage. Or, il y a un usage : celui de la manière dont le patronyme est transmis.

    On a pu le dire à plusieurs reprises et je me répète peut-être, mais c’est plurimillénaire : le patronyme est transmis par le père. La question qu’il faut vraiment se poser, c’est pourquoi le patronyme est-il transmis par le père à l’intérieur de l’institution du mariage ? Eh bien tout simplement parce que, pour un enfant, la mère est automatiquement connue, puisque c’est elle qui donne la vie.

    Donc, pour créer un lien indissociable et faire en sorte que les choses soient extrêmement charnelles et consubstantielles, la mère donne la vie et le père, quant à lui, donne le nom. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sergio Coronado. C’est incroyable !

    M. Patrick Hetzel. Cet usage plurimillénaire, vous voudriez le rayer d’un trait de plume. Vous ne réalisez pas que vous êtes en train de toucher à un sujet de civilisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3816.

    M. Yves Censi. Je voudrais d’abord, malgré nos désaccords, exprimer ma reconnaissance envers Mme le garde des sceaux qui est la première, dans vos rangs, à avoir évoqué la question de l’ordre symbolique. C’est un peu dans ce sens qu’elle a dit qu’il fallait faire attention.

    J’ai vu la présidente de la commission des affaires sociales, persuadée qu’elle défendait exclusivement le principe d’égalité, se précipiter sur le micro de manière extrêmement combative en disant : « Maintenant ça suffit, la domination du mâle sur la femme… » (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je le fais exprès, comme j’ai employé tout à l’heure à dessein le terme de « patriarcal ». Il n’est pas question de stigmatiser ce qui est le fruit d’une culture, quelque chose qui s’est construit peu à peu, qui se respecte, qui a des aspects positifs, qui a des revers également, mais ce n’est qu’avec une extrême prudence qu’on peut y toucher, exactement comme le disait notre collègue Dhuicq. Vous avez ri, mais j’espère que vous avez apprécié tout de même la richesse de sa réflexion.

    Quand on emploie mal le concept d’égalité, on tombe dans l’égalitarisme, dans l’uniformisation, dans l’acculturation. Ce que vous faites là, c’est une suppression de la diversité des cultures, c’est au fond une acculturation et c’est très grave.

    Ce qu’on vous demande, c’est de réfréner vos ardeurs et de réfléchir un petit peu à cette uniformisation que vous concevez comme un jeu de dominos : « Nous transformons le mariage, donc tout ce qui suit doit changer. » Ce n’est pas comme cela que cela se passe dans la réalité !

    M. le président. Sur le vote de l’amendement nos 79 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. C’est le même débat et les mêmes observations que tout à l’heure.

    M. Yves Fromion. C’est funèbre !

    M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

    M. Razzy Hammadi. C’est en effet le même débat. Moi, j’entends les arguments de prudence sur la dimension symbolique, mais ce mouvement ne date pas de ce texte-là. Déjà en 2002…

    M. Bruno Le Roux. 2002 !

    M. Razzy Hammadi. …était donné le choix, la possibilité, de mettre tant le nom paternel que le nom maternel, parce que la défense de l’un n’est pas l’ignorance de l’autre.

    Quand vous parlez de la « famille traditionnelle », on aura noté que nous ne sommes pas d’accord. J’ai aussi le sentiment, quand M. Mariton nous dit : « de grâce, pour les femmes, occupez-vous d’autre chose mais pas de cela », que nous n’avons pas le même point de vue. Nous, nous considérons que c’est quelque chose d’important. C’est un combat qui est mené depuis des années. Vous parliez de renversement de la charge de la preuve : le rapporteur a ici précisé les cas où il y aurait les deux noms, que ce soit dans la filiation biologique ou dans la filiation adoptive.

    J’entendais tout à l’heure : « Vous êtes obsédés par l’égalité. » Oui, c’est notre obsession ! Oui, nous nous battons pour cela, que ce soit pour les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, ou au sein des couples, dans cette capacité à transmettre les noms.

    Dernière chose : je ne comprends pas pourquoi vous opposez les deux, pourquoi il y aurait une primauté de l’un par rapport à l’autre. Nous donnons là un droit supplémentaire. Vous disiez que ce texte allait venir bouleverser ce pour quoi rien ne devait changer. Mais nous apportons quelque chose de supplémentaire, cette possibilité d’une transmission, à égalité, du nom du père et du nom de la mère lorsque justement il n’y a pas d’accord.

    Vous parlez à l’envi de tradition… Eh bien, dans ce domaine-là, au regard du combat féministe, la tradition par tradition est amenée à changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Sans doute du passé faut-il faire table rase… Oui, il est important de faire en sorte que les conditions salariales des femmes soient davantage égales à celles des hommes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) ; oui, il est important que les chances dans la vie, les perspectives de promotion sociale soient égales (Mêmes mouvements.) ; oui, il est important, en consacrant notre travail à d’autres sujets aussi, de faire en sorte que la situation matérielle, la situation de l’emploi dans notre pays s’améliore.

    Mais connaissez-vous un français qui revendique ce que vous êtes en train de faire ?

    Mme Corinne Narassiguin. Oui !

    M. Hervé Mariton. Peut-être vous. Simplement, autant la France est représentée dans cet hémicycle, et nous la représentons tous, je ne vous le conteste pas, autant la France ne se résume pas à cet hémicycle.

    Je me permets aussi de vous rappeler que, si vous regardez dans les autres pays du monde, la situation française est une situation d’équilibre dans ce domaine. Le président Urvoas, dans un des rares moments de courtoisie qu’il m’ait accordé, m’avait encouragé à chanter. Je connais un peu la Russie, où non seulement vous avez un prénom et un nom, mais aussi un patronyme, parce que le lien, la filiation, s’inscrivent aussi dans la transmission du prénom du père. Ce n’est pas l’usage français, qui est moins déséquilibré.

    Le cas russe n’est pas un cas unique. Mesurez combien cette présence du père est quelque chose d’important dans la transmission du nom. La France s’est sans doute honorée en permettant que, si les parents le veulent, ils fassent autrement. Mais faut-il déséquilibrer le système actuel, faut-il rompre des usages, poser aux Français des questions qu’ils ne vous demandent pas d’aborder ?

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je conteste totalement l’affirmation selon laquelle le dispositif adopté provoquerait un bouleversement dans l’affectation des patronymes. En mars 2002 – cela fait donc onze ans – le dispositif a été mis en place. Il a été corroboré en juillet 2003, après un changement de législature, et il a été enfin complété par une ordonnance de 2005 qui prescrivait notamment qu’une fois que le patronyme était donné au premier enfant, tous les autres le gardaient : c’était une ordonnance de 2005.

    La situation actuelle, mes chers collègues, est très claire et très simple : les parents font ensemble une déclaration donnant le nom de l’enfant. Le nom du père s’ils le veulent, le nom de la mère s’ils le veulent, les noms des deux parents s’ils le souhaitent et dans l’ordre qu’ils souhaitent. C’est le principe. L’exception, la situation particulière, c’est lorsqu’ils ne font pas la déclaration conjointe : à ce moment-là, le texte actuel prévoit que c’est le nom du père. Eh bien, le seul changement qui est apporté, c’est que lorsque les parents ne se sont pas exprimés, ce ne sera plus la systématisation du nom du père mais – excusez le principe – les noms des deux parents.

    Moi, je considère que ce n’est pas un bouleversement, et il serait intéressant que la chancellerie se renseigne pour savoir de quelle manière au cours de ces cinq dernières années a été utilisé le double nom. Vous allez constater, mes chers collègues, que la connaissance que vous avez de la société vous fuit entre les mains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), parce qu’actuellement, l’utilisation des deux noms devient la plus importante dans les processus de déclaration.

    Vous levez les bras, monsieur Mariton, mais moi je vous confirme que c’est le système actuel et, pour ceux qui sont mariés, c’est une précaution que suggèrent souvent des conseillers, parce que le jour où survient le divorce, les enfants ne sont pas confrontés à un problème de patronyme.

    M. Gérard Sebaoun. Très bien !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 79 et les amendements identiques nos 413, 605, 715, 400, 981, 1232, 1422, 1590, 1653, 1746, 2223, 3062 et 3816.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 127

    Nombre de suffrages exprimés 126

    Majorité absolue 64

    Pour l’adoption 32

    contre 94

    (Les amendements nos 79, 413, 605, 715, 400, 981, 1232, 1422, 1590, 1653, 1746, 2223, 3062 et 3816 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2004.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3 du dispositif. Nous nous sommes exprimés de manière extrêmement claire. Au fond, après que le sujet a été volontairement masqué, aujourd’hui chacun peut avoir des positions différentes – j’ai entendu M. Hammadi – et au moins les réalités sont assumées : cela, c’est un vrai progrès. Cela montre au passage qu’une discussion parlementaire peut servir à quelque chose : quand un sujet est volontairement embrouillé et qu’on arrive à avoir un échange, ce qui n’a pas été fréquent dans ce débat, cela sert à quelque chose !

    Nous disons simplement que l’usage est quelque chose d’important et que s’il ne porte pas préjudice, il n’y a pas de raison de le jeter par-dessus bord. Il peut arriver que des usages doivent être remis en question, nous ne le contestons pas, nous ne sommes pas statiques. Mais cet usage ne porte pas préjudice, personne ne demande à le mettre en cause, sauf dans une approche intégriste, idéologue, qui ne caractérise que trop l’ensemble du projet et les évolutions que vous voulez lui donner.

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2980.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mes collègues et moi-même avons déjà largement défendu cet amendement sur le fond.

    Je voudrais vous dire, monsieur Le Bouillonnec, que nous n’avons pas dit autre chose que ce que vous avez dit, presque au mot près, en termes d’explication du contenu du texte. La différence entre votre appréciation et la nôtre, c’est que vous considérez que cela ne change pas grand-chose, alors que nous considérons que cela change beaucoup de choses. Ce n’est pas sur le contenu de la formulation que nous sommes en désaccord, mais sur sa portée symbolique. Ce qui me conduit à redire ce que je disais tout à l’heure à Mme la garde des sceaux : ici comme dans deux autres endroits du texte, les changements débordent assez largement la matière apparente du projet de loi qui nous est soumis. C’est simplement ce que je voulais dire, à cette heure de la matinée.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4276.

    M. Marc Le Fur. Je comprends mieux que l’on ait souhaité prolonger nos débats en pleine nuit, dans la pénombre, à l’abri du regard de nos concitoyens : c’est qu’il fallait évidemment leur cacher tout cela. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je comprends mieux.

    M. Philippe Gosselin. Et nous l’avons mis en lumière !

    M. Marc Le Fur. Nous avons fait notre travail d’opposants…

    M. Philippe Gosselin. D’opposants constructifs !

    M. Marc Le Fur. …en révélant un certain nombre de choses.

    Deuxièmement, je ne sais pas si c’est votre cas, mais moi, dans ma permanence, je suis surpris d’une certaine révolte des pères. Souvent, ils contestent des jugements de divorce, ils ont le sentiment d’être mis à l’écart. C’est une réalité sociologique, qui est soulignée par bon nombre d’experts. Tenons-en compte également dans la réforme du nom de famille.

    Troisièmement, si vous supprimez la transmission culturelle – dont le fondement est le nom –, vous aboutirez à une famille qui résultera uniquement du génétique, mes chers collègues. Le vrai sujet, c’est qu’il faut donner du corps à cette transmission culturelle. Et le nom dont je parle, c’est celui de la grande famille, celle des cousins qui portent le même nom, ce qui fait naître entre eux une solidarité que vous ferez disparaître par les évolutions que vous préconisez.

    Enfin, et je ne veux absolument pas vous comparer à ceux qui ont été à l’initiative de ce que je vais décrire, mais rappelez-vous-en : à Phnom Penh, la première chose que les Khmers rouges ont cassée, ce sont les noms de famille. Ils les ont même interdits, il faut que vous le sachiez.

    M. Jérôme Guedj. C’est n’importe quoi !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

    M. Guillaume Chevrollier. Le groupe UMP est bien sûr favorable à ces amendements. Toutes nos explications ont bien mis en lumière la portée symbolique de ces modifications : réforme de la civilisation, refondation de l’état civil et perte des repères essentiels dans notre société.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 123

    Nombre de suffrages exprimés 123

    Majorité absolue 62

    Pour l’adoption 32

    contre 91

    (Les amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un – dernier – rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je crois que nous avons tous à cœur la nécessaire rénovation du travail parlementaire et son adaptation permanente. J’adore travailler, et travailler de dix heures à huit heures le lendemain, je n’y ai pas d’objection personnelle. Mais ce n’est pas comme cela que l’on peut faire au mieux la loi de la République.

    M. Jérôme Guedj. Déposez moins d’amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Non ! On ne peut pas et on ne doit pas conditionner la rénovation du travail parlementaire – et en particulier, s’il vous plaît, évitez de tenir des séances qui durent de dix heures à huit heures le lendemain, soit pendant vingt-deux heures – à l’abandon de la liberté et du droit d’amendement.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors, vous devez assumer l’exercice que vous faites de ce droit !

    M. Hervé Mariton. Indépendamment même du débat sur le temps programmé – il fut un temps où vous le considériez comme une abomination –, je pense qu’il est de bonne pratique, et de bonne législation, d’éviter absolument des séances de cette nature.

    Monsieur le président, peut-être pensons-nous que nos concitoyens sont admiratifs quand ils nous voient travailler de dix heures à huit heures le lendemain. Je n’en suis pas sûr. Je pense que beaucoup d’entre eux doivent se dire : oh là là ! dans quel état sont-ils, et quelle qualité de loi font-ils ? Et ils ont peut-être des raisons de se poser cette question. En tout cas, cela n’est pas raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Mariton, mes chers collègues, j’entends les grandes déclarations. Mais à un moment donné, il y a la réalité. Au moment où je m’exprime devant vous, je ne suis pas certain que nous ne soyons pas obligés de travailler encore samedi et dimanche prochains. Au moment où je vous parle, il reste encore 3 211 amendements à examiner !

    J’entends ce que vous dites sur le droit d’amendement, monsieur Mariton, mais comme j’ai eu l’occasion de le dire, notamment au président Jacob, il y a amendement et amendement : il y a des amendements qui sont déposés pour gagner du temps et il y a des amendements de fond.

    Durant ce week-end, ce fut très agréable de vous entendre, les uns et les autres, avec votre fougue et votre talent, mais la séance qui s’achève plaide pour le temps législatif programmé. Sur un certain nombre de sujets, il y a eu un débat de fond, mais sur certaines séries d’amendements, je connaissais presque par cœur les propos qui allaient être tenus par les uns et par les autres. Monsieur Mariton, vous m’avez dit à plusieurs reprises que nous devions repenser notre manière de travailler. Je suis sûr que cela passera – notamment si nous votons un jour la fin du cumul des mandats (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC) – par un temps beaucoup plus riche pour les parlementaires lorsqu’ils siégeront.

    M. Hervé Mariton. Quel rapport avec le sujet ? Nous cumulons les mandats et nous sommes là !

    M. le président. En tous les cas, je vous le redis, cela a été un plaisir de vous entendre, les uns et les autres.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je suis persuadé que je parle au nom de l’ensemble des collègues qui ont siégé de manière discontinue en vous remerciant pour l’autorité compréhensive dont vous avez fait preuve durant tous ces travaux. Cela a été un plaisir de travailler sous votre responsabilité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, puisque nous avons presque convolé ensemble pendant deux jours et deux nuits (Sourires.), je voulais moi aussi vous remercier pour l’excellente qualité de votre présidence, qui a beaucoup contribué à la celle de nos travaux.

    Je voulais également remercier les députés, qui ont enrichi le texte, qui ont voté avec lucidité, qui n’ont rien laissé passer, ni dans la majorité ni dans l’opposition. Je crois qu’un très bon travail parlementaire a été accompli. Je suis heureuse d’y avoir contribué. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Merci, madame la garde des sceaux. Pour bon nombre d’entre nous, cela a été un plaisir de pouvoir vous accompagner à l’occasion de votre anniversaire.

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Louis XVI, dans ses derniers instants, a demandé si l’on avait des nouvelles de M. de La Pérouse. A-t-on des nouvelles de Mme la ministre de la famille ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à seize heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à sept heures cinquante-cinq.)

  • 1ère séance du lundi 4 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n°s 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 33 à l’article 2.

    Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver depuis tout à l’heure. (Sourires.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. Je tiens tout d’abord à vous présenter mes respects de l’après-midi, monsieur le président, et à saluer l’ensemble des personnes présentes. Nous apprécions le retour de la ministre de la famille. Je constate que ceux qui sont là étaient également présents ce matin à huit heures…

    Mon rappel au règlement a trait au respect de l’article 40.

    À la suite de l’adoption d’un amendement de notre rapporteur, l’article 2 contient une disposition qui change assez fondamentalement l’état civil et va donner du travail aux services d’état civil des mairies, mais ce n’est pas comptabilisable et ce n’est pas l’objet de mon intervention.

    Par contre, vous en êtes convenus, les noms vont devenir beaucoup plus longs puisque l’on associera dans bien des cas le nom du père et celui de la mère, et il va falloir changer tous les formulaires. L’amendement du rapporteur crée donc une charge et je ne comprends pas qu’il ait pu passer le filtre de l’article 40.

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Je n’ai pas l’habitude de faire des rappels au règlement,…

    M. le président. C’est vrai !

    M. Alain Tourret. …j’ai dû en faire deux ou trois tout au plus dans ma carrière de député, mais, sur le fondement de l’article 58, qui concerne le déroulement de la séance, je voudrais dire solennellement à mes collègues de l’opposition qu’il était insupportable hier de les entendre mettre en cause des personnes de façon permanente, le rapporteur, d’abord, traité de tous les noms d’oiseau,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

    M. Alain Tourret. …et les deux ministres, avec leurs allusions à Mme la ministre de la famille.

    M. Patrick Hetzel. Elle n’était pas là !

    M. Alain Tourret. J’aimerais que cela cesse. Sur un sujet aussi important, qui met en cause un certain nombre de valeurs, je le reconnais, il est insupportable que l’on attaque ainsi les gens, y compris, pratiquement, sur leur vie privée.

    Je ne voudrais pas, monsieur le président, que cela continue comme hier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. Je vous remercie de votre intervention, monsieur Tourret. Je pense que chacun tirera les leçons du travail que nous avons effectué. Les conditions étaient peut-être un peu difficiles physiquement mais il y a eu de véritables échanges.

    Je tiens de nouveau à féliciter le rapporteur pour le travail qu’il a réalisé. Au moment où nous examinons le contrat de génération, il serait bon que ceux qui ont plus d’heures de vol aident les nouveaux parlementaires pleins de talents potentiels à occuper leur poste dans les meilleures conditions possibles. Vous avez été nombreux à souhaiter avoir des réponses précises des membres du Gouvernement. Ils sont ici chez nous et le moins que nous puissions faire, c’est d’écouter leurs réponses pour être à même de mieux réagir à leurs différentes interventions.

    Nous en resterons là pour les rappels au règlement. Vous vous êtes fait « avoir », monsieur Mariton. Vous étiez légèrement en retard, en dépit de votre présence assidue, et M. Le Fur vous a grillé la politesse. (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Je voulais simplement dire que le contrat de génération n’est pas davantage financé !

    Article 2 (suite)

    M. le président. Nous commençons par une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 81.

    M. Marc Le Fur. Le nom de l’enfant sera automatiquement l’association du nom du père et de celui de la mère. Cela concerne l’ensemble des enfants, ceux des familles homoparentales mais aussi, et ce seront les plus nombreux, ceux des familles hétérosexuelles. Cela va bouleverser la vie des familles.

    Il sera toutefois possible de déroger à cette disposition par accord conjoint des parents, qui pourront faire une démarche commune pour dire qu’ils veulent le seul nom du père, le seul nom de la mère, ou les deux noms dans un ordre différent.

    Soit, mais vous comprenez bien qu’une démarche d’état civil, c’est long et pénible. On a autre chose à faire au moment de la naissance d’un enfant, et la maman peut avoir elle-même des difficultés.

    Je vous propose donc que la démarche d’un seul parent suffise. Il s’agit en l’occurrence de personnes mariées et l’on peut considérer qu’elles se font confiance.

    Arrêtons de compliquer la vie des familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle est assez compliquée comme ça.

    M. Patrick Hetzel. Eh oui !

    M. Marc Le Fur. Il faut s’occuper des enfants, les inscrire ici ou là. Si, à chaque fois, les deux parents doivent être là, nous allons énormément compliquer la vie de nos concitoyens, qui est déjà difficile.

    Partons donc d’un principe simple. La démarche pourrait être effectuée par une seule personne, l’un des membres du couple, marié. C’est du bon sens.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 404.

    M. Hervé Mariton. L’idée, dans le fil de nos discussions de ce matin, est qu’il faut s’éloigner le moins possible du dispositif actuel et que, sauf décision explicite contraire, c’est le nom du père qui est transmis. C’est un schéma qui nous paraît juste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est tout simplement celui qui correspond à la culture de notre pays.

    Je félicite le rapporteur et la commission des lois d’avoir assez remarquablement réussi, ces dernières heures, à faire passer dans la presse l’idée que ce que nous avons voté ce matin ne concernerait que les enfants adoptés. Ce qui a été voté ce matin, avec toutefois une attention pertinente du Gouvernement à l’évolution du processus législatif, c’est bien l’inversion de la désignation patronymique pour tous les enfants. Vous avez entretenu assez remarquablement le brouillard pour faire croire que seuls les enfants adoptés étaient concernés par le dispositif. C’est faux. Plusieurs centaines de milliers d’enfants qui naissent chaque année en France sont concernés par cette inversion de logique. Désormais, on aura le nom accolé Durand-Martin si le père s’appelle Durand et la mère Martin, à moins de demander explicitement que l’enfant s’appelle Durand.

    M. Bernard Roman. Cela ne concerne que les cas de désaccord entre parents !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 470.

    M. François de Mazières. Marc Le Fur l’a extrêmement bien expliqué, et cela a été confirmé par Hervé Mariton : nous essayons logiquement de revenir à des choses simples que tout le monde comprend.

    Le nom patronymique du père permet d’intégrer l’enfant dans une généalogie, et nous sommes revenus plusieurs fois sur l’importance pour l’enfant de s’intégrer dans une histoire familiale. Lors de son audition, le professeur Flavigny nous a expliqué combien il était essentiel pour un enfant d’arriver à s’intégrer dans une histoire patronymique.

    Dans cette logique, nous essayons d’éviter toute confusion et toute complexité. Nous voyons bien dans nos mairies combien ce sont parfois les choses simples qui permettent de donner les meilleurs cadres à nos concitoyens.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. le président Patrick Ollier pour soutenir l’amendement n° 529.

    M. Patrick Ollier. Sur le fond, le texte crée des complications évidentes et cet amendement tend à simplifier les choses.

    L’inversion de la désignation patronymique est grave, et je voudrais revenir comme M. de Mazières sur le besoin pour l’enfant de se retrouver dans son histoire familiale.

    Je ne sais pas si certains d’entre vous se sont lancés dans des recherches généalogiques sur leur famille. Moi, j’ai essayé d’en faire sur le nom de mon père.

    M. Jean-Marc Germain. J’ai abandonné !

    M. Patrick Ollier. Je le comprends mais, demain, vous n’essaierez même pas, car la confusion des noms que vous prônez entraînera une perte de repères supplémentaire en plus de toutes celles qui ont été induites dans ce texte, ce qui brouillera l’histoire familiale pour l’enfant. Nous ne pouvons pas l’accepter.

    Sur la forme, c’est un amendement de simplification car les complications de la vie actuelle rendent les déclarations difficiles. Je vois les queues qu’il y a le soir dans ma mairie, à Rueil-Malmaison, quand on fait des nocturnes jusqu’à vingt-deux heures pour que des personnes travaillant dans la journée puissent faire des démarches.

    Las, vous compliquez encore les choses. Nous voulons simplement faciliter la vie de nos concitoyens en proposant qu’il ne faille qu’une simple déclaration en mairie, comme cela se faisait avant, sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre des démarches inacceptables.

    C’est donc dans un souci de simplification, un souci d’économie, parce que cela coûte de l’argent aux mairies, et, surtout, le souci de préserver l’histoire familiale à travers la généalogie que nous vous proposons cet amendement.

    Mme Marie-George Buffet. L’histoire n’est-elle donc que masculine ?

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 606.

    M. Philippe Gosselin. Je salue la présence de nos ministres, Mme la garde des sceaux, Mme la ministre de la famille, que je suis ravi de retrouver. Nous vous parlerons de nos péripéties de cette nuit. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marcel Rogemont. Ça suffit !

    M. Philippe Gosselin. Mon ton est badin et léger. Je suis content de voir que, comme pour La Pérouse, nous avons des nouvelles.

    M. le président. Monsieur Gosselin, je vous ai connu mieux inspiré !

    M. Philippe Gosselin. Nous sommes en décalage horaire, il y a un jet lag redoutable entre le 101 rue de l’Université et le 126. (Sourires sur quelques bancs.)

    L’article 2 concerne les patronymes, les noms de famille, dont nous avons longuement débattu ce matin entre sept et huit heures. Sur ce sujet d’importance, nous avons été pour une part, je le crois, entendus. Il y a une vraie difficulté dont chacun a pu juger les éléments. C’est ce qui nous amène demander la suppression, à l’alinéa 3, du mot « conjointe ».

    Afin d’éviter qu’un acte volontaire et écrit soit nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis, c’est un amendement de repli que nous avons formulé, qui permet au parent venant déclarer un enfant en mairie de dire à l’officier d’état civil s’il souhaite qu’un seul nom patronymique soit retenu pour l’enfant, alors que le principe du double nom est plutôt mis en avant dans des conditions posant un grand nombre de difficultés comme nous l’avons vu ce matin à la levée du soleil.

    Cela permettra également de ne pas augmenter le nombre de formalités administratives nécessaires ni la charge du fonctionnaire d’état civil.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss pour soutenir l’amendement n° 718.

    M. Frédéric Reiss. L’article 2 est un modèle du genre, et j’emploie le mot « genre » à dessein. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les actuelles dispositions relatives au patronyme et au nom de famille sont tout à fait suffisantes et satisfaisantes. Tous les Français sont concernés par ce dispositif, qui est, je l’ai déjà dit, une véritable usine à gaz compliquant tout. Mme la garde des sceaux l’a d’ailleurs parfaitement compris, invitant, au petit matin, la majorité à revoir sa copie. Nous pensons, quant à nous, que cette copie n’a aucune raison d’être. M. Le Bouillonnec a déployé de grands efforts pour nous expliquer que l’on pourrait choisir le nom du père, celui de la mère ou celui des deux, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés dans l’ordre de son choix. Or je lis : « accolés dans l’ordre alphabétique ». Ce n’est pas tout à fait la même chose !

    M. Christian Assaf. En cas de désaccord !

    M. Marcel Rogemont. Il ne sait pas lire !

    M. Frédéric Reiss. Cela signifie qu’à long terme tous les noms commenceront par A.

    Que veut réellement la majorité ? Une société égalitaire, égalitariste qui, sous prétexte de légaliser l’adoption pour les couples homosexuels, stigmatise l’ensemble des familles normales ou classiques ? D’ailleurs, où est la normalité dans tout cela ? En ce qui concerne la filiation, la présomption de paternité ne pouvant pas s’appliquer aux couples de même sexe, quelle place restera-t-il pour le tiers, c’est-à-dire le parent biologique, qu’il soit connu ou anonyme ? Chers collègues, si vous pensez que les Français ont élu François Hollande et vous-mêmes pour cela, vous vous trompez.

    M. André Schneider. Et comment !

    M. Frédéric Reiss. Je suis persuadé que nombre de Français qui ont voté François Hollande à l’élection présidentielle le regrettent amèrement en voyant la majorité faire passer en force ce projet qu’ils ne souhaitent pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes pour soutenir l’amendement n° 1236.

    M. Daniel Gibbes. Tout comme nous avons terminé la séance précédente, nous ouvrons celle-ci dans un esprit de simplification, et je m’inscris naturellement dans la même démarche que mes collègues. Il s’agit de simplifier une formalité administrative. Comme cela a très bien été expliqué, ces amendements identiques ont pour objet d’éviter qu’un acte écrit et volontaire soit nécessaire pour que le seul nom du père soit transmis. Ces amendements de repli permettent de ne pas alourdir les formalités administratives de déclaration d’un enfant en mairie. Je vous appelle, chers collègues de la majorité, à nous rejoindre en les votant.

    M. le président. La parole est à M. David Douillet pour soutenir l’amendement n° 1380.

    M. David Douillet. Alourdir, compliquer les choses est souvent source d’erreur. Il y a dans les actes civils beaucoup d’erreurs qui portent préjudice aux gens quand ils prennent pied dans la vie, notamment au moment de la majorité. Ces sources d’erreur alourdiront le travail des tribunaux, déjà saturés de tels dossiers. Le bon sens doit prévaloir, et c’est pourquoi il faut adopter la simplification que nous proposons, afin d’éviter que tout le monde, les tribunaux, les familles, perdent du temps, et de prévenir les risques d’erreur.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1591.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Avant de présenter cet amendement, je voudrais revenir sur le rappel au règlement de notre collègue Marc Le Fur et le filtre de l’article 40. Il serait souhaitable qu’un réexamen ait lieu. Nous serions très intéressés de connaître le cheminement de cet amendement devenu article 2 en commission.

    M. Bernard Roman. C’est le président de la commission qui décide !

    M. Marc Le Fur. Il n’a pas signé !

    M. Bernard Roman. Vous ne connaissez pas le règlement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Le président de la commission n’a pas été interrogé, monsieur Roman ! Je comprends que vous soyez un peu fébrile puisque vous avez apparemment subi un petit coup de froid, comme M. Philippe Martin, d’ailleurs, et nous vous souhaitons à tous deux un prompt rétablissement.

    Nous avons vu, entre sept et huit heures ce matin, que cet amendement adopté par la commission aurait un fort impact et nous avons compris que Mme la garde des sceaux souhaitait que sa formulation évolue au cours de la navette parlementaire. Notre collègue Jean-Marc Germain défendra quant à lui un amendement parce que le système retenu n’est pas idéal selon lui. Décidément, les critiques sont nombreuses sur cet article.

    Il nous paraît nécessaire de faire évoluer le texte, de revenir à l’essentiel, de faire en sorte que cette habitude ancienne dans notre pays et à présent en cause continue d’avoir cours et que les noms de famille continuent de se transmettre selon les modalités actuelles. Cela nous semble important pour préserver l’intégralité des communautés familiales, le sentiment d’appartenance à une famille, qui est aussi assuré par le fait que l’on porte le même nom même sans être ascendants en ligne directe.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1747.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tente de prévenir les lourdeurs que produira l’article 2. Lourdeurs pour les parents, au moment de la naissance, un moment de fatigue, d’émotion qui n’incite guère aux déclarations administratives. Lourdeurs des états civils des futurs Français, qui se verront souvent accoler deux patronymes qu’ils devront assumer toute leur vie. Pensez à ce que seront les formalités administratives des futurs époux qui auront à retranscrire quatre noms sur tous les documents. La présentation des documents administratifs devra être révisée car l’espace manquera. Pensez également à la charge des officiers d’état civil. À l’heure où chacun réclame la réduction des dépenses publiques, où tout le monde sait que la France a une fonction publique très importante, il convient de ne pas augmenter la charge de nos agents territoriaux.

    Cet amendement cherche donc à éviter tous les effets secondaires de cet article, effets que vous n’avez, semble-t-il, pas assez mesurés. Cela me permet de dénoncer une nouvelle fois l’absence d’étude d’impact sérieuse sur un projet gouvernemental. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. André Schneider pour soutenir l’amendement n° 2227.

    M. André Schneider. Cet amendement est vraiment un amendement de bon sens. J’ai entendu il y a quelques mois : « Le changement c’est maintenant. » Aujourd’hui, le changement c’est tout le temps : vous voulez tout changer ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Elle est très bonne !

    M. André Schneider. Oui, elle est très bonne, mais ce n’est pas le cas de l’interprétation que vous en faites !

    Il tombe sous le sens que nos familles, qu’elles soient célèbres ou non, se retrouvent grâce au nom patronymique, qui est jusqu’à présent celui du père, en effet. Je sais que cela peut heurter, et l’on peut en discuter, mais de grâce n’avancez pas sur ce terrain en affirmant que c’est uniquement pour les enfants adoptés, car, comme l’a excellemment souligné Hervé Mariton, ce n’est pas vrai : cela concerne tous les enfants, avec toutes les conséquences que nous avons évoquées. Laissez chacun reconnaître sa filiation et retrouver ses ancêtres. Revenez un peu au bon sens et adoptez nos amendements ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour soutenir l’amendement n° 3063.

    M. Patrick Hetzel. Nous avons eu l’occasion, au cours de la nuit, de mettre l’accent sur le fait que cet article 2 était un modèle du genre, pour ne pas dire un modèle de genre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il est clair que cet article nous amène dans une direction que nous ne souhaitons pas. Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. D’ailleurs, nos concitoyens n’ont pas conscience qu’à travers ce projet vous souhaitez modifier l’usage patronymique tel qu’il existe dans notre pays depuis plusieurs centaines d’années. La question est centrale, et j’ai noté avec beaucoup d’intérêt que Mme la garde des sceaux, au petit matin, a indiqué que le point méritait une attention particulière et serait revu au moment de la navette. Cela montre que nous avions raison d’insister sur ce point essentiel et de chercher à changer le texte. C’est pourquoi ces amendements de bon sens et de cohérence méritent de recevoir l’adhésion de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le président Bernard Accoyer pour soutenir l’amendement n° 3156.

    M. Bernard Accoyer. Ces amendements de repli sont de bon sens et de simplification. Ils n’occultent pas le fait que cet article, sans le dire, revient sur l’essentiel, sur des dispositions majeures du code civil, mais aussi sur toute l’organisation des registres d’état civil, qu’il reflète la révolution en matière de filiation qui sous-tend ce projet de loi.

    Ce point, les Français le méconnaissent. Alors qu’ils s’expriment clairement en faveur de l’union entre deux personnes de même sexe, ils refusent ce qui est derrière ce texte : que l’on révolutionne la filiation et le patronyme. Ces amendements visent à éviter de complexifier la démarche patronymique, dont il faut au passage souligner que sa réforme entraînera des changements majeurs dans tout ce qui touche à l’état civil, dans les mairies, dans les services publics, les collectivités locales et les administrations centrales.

    Nous constatons l’improvisation. Nous avons d’ailleurs pu la constater tout au long de la journée d’hier quant aux retombées du texte en matière de procréation médicalement assistée. Nous avons en effet assisté hier aux recadrages successifs de Mme la ministre de la famille, qui reste d’ailleurs toujours assez distante de ce texte puisqu’elle continue à cet instant même à twitter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. C’est la preuve qu’il y a des membres du Gouvernement branchés ! (Sourires.)

    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller pour soutenir l’amendement n° 5151.

    Mme Virginie Duby-Muller. Je reprendrai les arguments avancés par mes collègues en vous parlant de mon cas personnel. Mon nom d’usage est Duby-Muller, je suis mariée et j’ai une petite fille, qui fête d’ailleurs ses quinze mois aujourd’hui. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Elle porte le nom de son père, Duby, et je ne trouve pas que ce soit un stigmate de la société patriarcale ou un recul, au contraire. Il faut simplifier les démarches pour les actes d’état civil. L’article 2 ne va pas dans le sens de l’égalité. C’est pourquoi je soutiens cet amendement. Changer le nom d’usage n’apportera rien à l’égalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vous en êtes la démonstration !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort pour soutenir l’amendement n° 4197.

    Mme Marie-Louise Fort. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? De plus en plus, il est question de la nécessité de connaître son histoire, au sujet d’enfants qui, pour des raisons diverses, ont du mal à le faire. Je ne crois pas que ce que vous proposez aille dans ce sens. Je vous recommande donc, chers collègues de la majorité, de voter avec nous ces amendements de bon sens qui plaident pour une simplification.

    Je ne sais pas, madame la ministre de la famille, s’il faut twitter, mais je pense qu’il faut réfléchir, vu le nombre d’e-mails que nous recevons et qui nous enjoignent de faire attention à ces choses excessivement importantes. Vous avez voulu le changement, et les Français aussi, mais je crois qu’il ne faut pas faire de ce changement une révolution, qui, en l’occurrence, rime avec improvisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l’amendement n° 3881.

    M. Éric Woerth. C’est une énorme usine à gaz que vous êtes en train de monter. En essayant de répondre à une situation en proportion minoritaire – il y aura, on peut le penser, moins de mariages homosexuels qu’hétérosexuels –, vous étendez une certaine conception du nom à l’ensemble de la population française. Cette conception ne correspond à notre culture ; dans d’autres pays, on accole ainsi les noms, mais pas dans notre culture.

    Mme Sandrine Mazetier. Demandez à Mme Duby-Muller !

    M. Éric Woerth. Que l’on puisse choisir, pourquoi pas ? Mais il vaudrait mieux que ce soit par exception.

    Nos amendements, qui allaient en ce sens, étaient judicieux : cet amendement de repli nous permet de revenir au bon sens.

    À la deuxième génération, qui plus est, lorsque les parents possèdent chacun deux noms, pourquoi préférer le premier au second ? Tout cela devient bien trop compliqué. Un jour, peut-être y aura-t-il trois voire quatre noms, quand il n’y a aucune raison que cela change !

    Cette brèche que vous ouvrez (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) va considérablement compliquer l’état-civil et faire perdre une certaine profondeur historique aux familles.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vos amendements visent à supprimer le caractère conjoint de la déclaration par laquelle les parents choisissent le ou les noms qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. L’article 311-21 du code civil énonce la possibilité pour les deux parents de choisir le nom de leur famille, par une déclaration conjointe.

    Depuis la loi du 4 juin 1970, en effet, la pleine égalité des conjoints est reconnue : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. » En outre, l’article 372 réaffirme cette pleine égalité des parents : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

    Dans ces conditions, il n’est pas imaginable de laisser l’un des deux parents seul décider du ou des noms dévolus à l’enfant. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable.

    Si vous voulez que je revienne une nouvelle fois sur le fond, je peux le faire. J’entends bien vos arguments – avancés parfois avec des termes excessifs : M. Woerth a parlé de « brèche », un autre de « révolution » –, mais je n’y trouve pas de justification pour laisser persister dans notre droit une survivance qui exclut le nom de famille de la mère en cas de désaccord ou de silence, ce que vous soutenez.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. On a semble-t-il oublié, dans ce débat, l’existence de la loi du 4 mars 2002, qui pose l’égalité entre le père et la mère dans la transmission du nom à leurs enfants. Depuis 2002, les parents peuvent choisir, à leur gré, le nom de leurs enfants : cela n’a rien d’une nouveauté, on ne découvre pas une loi plus de dix ans après sa promulgation ! Cette loi permet la transmission du nom du père, de la mère ou des deux parents aux enfants.

    Elle a mis un terme à un régime discriminatoire vis-à-vis des femmes, qui traduisait une inégalité de fait entre les parents.

    Vous vous réfugiez derrière un formulaire, sans doute pour mieux cacher vos véritables intentions : vous souhaitez que ce soit systématiquement le nom du père qui se transmette, alors que la loi autorise les deux possibilités.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous lisiez les amendements avant de parler !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Peut-être cette loi égalitaire n’est-elle pas suffisamment connue par les parents, mais rappelons qu’elle existe et que les enfants peuvent porter le nom de l’un ou de l’autre de leurs parents, voire les deux, accolés dans le sens souhaité. Nous nous situons donc dans la droite ligne de la proposition de loi votée en 2002, ce dont je me félicite.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous poursuivons sur ces amendements la discussion qui s’est ouverte au petit matin. Le président Accoyer a raison lorsqu’il précise d’emblée qu’il est question d’amendements de repli : il s’agit en effet de la poursuite de la demande de l’opposition, la nuit dernière, de supprimer l’article 2, qui résulte des dispositions adoptées en commission des lois relatives aux conditions d’attribution du nom de famille.

    Rappelons tout de même que nous parlons des cas de désaccord ou de silence : dans la situation générale de droit commun, les parents s’entendent pour procéder aux déclarations ensemble.

    La commission des lois a choisi cette formule en toute conscience : le Gouvernement sait combien ce sujet est sensible, ce qu’il véhicule. Nous entendons les inquiétudes…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et les divergences d’opinion. Nous redisons toutefois, très formellement, que le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article 2 qui ont été défendus dans la nuit et ce matin, ainsi qu’à ces amendements qui sont dans la même logique : quand les premiers visaient à supprimer l’intégralité de l’article 2…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. …ceux-ci tentent de le défaire morceau par morceau l’article 2. Rien que de très normal, monsieur le député, selon la logique parlementaire : après l’échec du premier élan qui vous poussait à tout supprimer, vous essayez de grignoter les articles morceau par morceau.

    Nous nous conformons à cette logique et prenons le temps de vous répondre dans le détail.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au cours de la navette parlementaire, le sujet sera mûri et retravaillé plus précisément.

    Mme Marie-Louise Fort. Il fallait le faire avant !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Rappelons qu’il n’a rien d’anodin, ce qui justifie que vous y teniez tant. En revanche, il n’est pas anodin non plus de considérer la place réservée à la femme, y compris dans ces situations de désaccord ou de silence, au regard de l’interprétation de l’ONU relative à la convention pour la lutte contre toutes les discriminations faites aux femmes.

    Nous ne sommes pas indifférents à ces aspects et nous estimons fondées les préoccupations que vous avez montrées en tant que parlementaires, dans la majorité comme dans l’opposition. L’intérêt de la navette sera de permettre d’explorer un peu plus avant des sujets sur certains points, de les approfondir.

    Cela dit, nous pouvons tout à fait poursuivre le débat autour d’autres amendements qui continuent de découper l’article 2 ; mais vous pouvez aussi, mesdames et messieurs de l’opposition, prendre acte de cette position du Gouvernement et considérer la perspective de la navette, que nous puissions reprendre nos travaux.

    Ne voyez là qu’une suggestion de l’exécutif au législatif, car vous savez bien que mon respect absolu de la séparation des pouvoirs m’interdit de vous donner le moindre conseil. (Sourires.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. La déclaration conjointe est importante. Elle signifie que les deux membres du couple ont la même responsabilité, à égalité. Votre amendement, comme le précédent, vise au maintien du seul nom du père, parce que, pour vous, la transmission par le père reste la normalité, selon l’idée d’une domination patriarcale qui conférerait à l’homme la responsabilité première.

    Quand j’entends le président Ollier nous parler de ses recherches généalogiques, qui doivent être passionnantes, ces dernières ne se réduisent probablement pas à la branche paternelle. Il a envie aussi, j’imagine, d’examiner la branche maternelle, et je ne pense pas que le fait qu’il y ait plusieurs noms nuise à ses recherches.

    De plus, à l’instar de l’une de nos collègues, je crois qu’il est important qu’existe une lisibilité de l’histoire au féminin : trop souvent, dans les mots ou dans la grammaire, le féminin se retrouve nié. Il a fallu se battre en effet pour pouvoir écrire « la députée » ou « la ministre ». Or cette visibilité du féminin est précieuse, de sorte que les filles aient envie d’exister en tant que telles et à l’égal des hommes.

    Cet amendement reflète, une fois de plus, votre vision passéiste de la société. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Si je décrypte votre propos, madame la garde des sceaux, il est l’enterrement en première classe de l’initiative du rapporteur, ce qui me convient.

    Mme Marie-Françoise Clergeau. Mais non, ce n’est pas ce qu’elle a dit !

    M. Marc Le Fur. Reste que, si nos amendements ne sont pas adoptés, c’est l’article tel qu’il est qui sera transmis au Sénat, et c’est une perspective redoutable.

    Quand le rapporteur nous dit qu’il faut dans tous les cas l’accord conjoint du père et de la mère, c’est faux. J’ai eu le bonheur d’avoir cinq enfants : c’est ma femme qui a déclaré l’ensemble des prénoms.

    M. Bernard Roman. En quelle année ?

    M. Marc Le Fur. Je lui ai fait confiance, et je ne vois pas pourquoi cette logique des prénoms ne vaudrait pas pour le nom. Le véritable sujet, c’est que nous débattons d’un projet de loi relatif à l’homosexualité et que, pour résoudre le problème des couples homosexuels, dans lesquels se trouvent deux pères ou deux mères, vous avez trouvé cette solution-là, mais qu’au lieu de la cantonner au groupe homosexuel vous l’appliquez à l’ensemble des familles françaises dont vous allez compliquer la vie.

    Jamais, dans ma permanence, je n’ai vu quelqu’un me solliciter ni me demander de réforme à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons compliquer la vie des gens, car nous allons casser les histoires familiales, rompre les liens de cousinage.

    Une anecdote pour conclure. Il y a parmi nous un certain nombre de compatriotes d’origine portugaise – et vous savez que les noms portugais sont très longs : Pelé ne s’appelle pas Pelé, mais Edson Arantes do Nascimento. Imaginez que l’enfant du petit Pelé français rencontre une jeune femme issue de l’aristocratie française : ce n’est plus un nom qu’il faudra à leur descendance, c’est une valise ! (Rires sur divers bancs. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je ne suis pas sûr que cette intervention fasse un carton… (Sourires.)

    Sur le vote des amendements identiques nos 81 à 5151, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Cette loi est un moment important. L’article 311-21 relatif au nom de famille est l’un des articles essentiels de notre code civil puisque, à l’évidence, il concerne tous les Français. Nous devons donc légiférer avec une grande circonspection.

    Pour avoir pris part à l’élaboration de la loi du 4 mars 2002, dont le dispositif, présenté par M. Gérard Gouzes, avait été très marqué par l’influence espagnole, je ne suis pas certain que tout cela ait été compris par les Français.

    Nous avons écouté votre position, madame la garde des sceaux : une nouvelle discussion semble nécessaire.

    S’agissant de la déclaration conjointe, nous ne voulons pas que deux personnes se présentent à l’état-civil. Je viens de consulter l’ordonnance sur l’état-civil : il suffit qu’il y ait un acte signé le même jour par les deux personnes, ou deux actes signés à des dates différentes par l’une et par l’autre.

    M. Marc Le Fur. Tout à fait !

    M. Alain Tourret. Renonçons donc à exiger que les deux personnes viennent en mairie.

    Enfin, le maintien de la règle d’attribution patronymique pour les seuls cas de filiation par le sang serait susceptible d’introduire une véritable rupture d’égalité entre les couples. Notre rapporteur l’a bien dit et je soutiens cette position.

    Je m’oppose donc à l’amendement.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Je souhaite revenir sur l’article 2. Je comprends bien la proposition de Mme la garde des sceaux de retravailler le texte, mais nous avons besoin d’un minimum de garanties car la discussion qui s’est poursuivie très longuement cette nuit a montré que cet article n’avait pas été suffisamment préparé et qu’il comportait de toute évidence une disposition de nature à semer le trouble parmi nos concitoyens. Nous avons besoin de clarté sur cette question. Le Gouvernement peut-il apporter des précisions supplémentaires ?

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Nous avons déjà eu pendant deux bonnes heures, ce matin, cette discussion. Je tiens à rappeler que, lorsque j’ai présenté en commission, dans les délais, l’amendement qui est devenu l’alinéa 3 de l’article 2, il y a eu très peu de réactions de votre part, mes chers collègues. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Il s’agit tout simplement de placer sur un pied d’égalité la transmission de nom pour la filiation adoptive, telle que proposée dans le texte du Gouvernement, avec la filiation par le sang, pour ne pas établir de hiérarchie entre les deux types de filiation. C’est un sujet important. Par ailleurs, l’adoption de cette disposition permettra de mettre fin à une discrimination contre les femmes qui existe encore – malgré les avancées de la loi de 2002. Il s’agit, je le souligne, de l’utiliser uniquement en cas de désaccord entre les conjoints. Le nom du père ne disparaît aucunement, puisqu’on n’ajoutera celui de la mère que dans les cas de conflit.

    M. Hervé Mariton. Non !

    Mme Corinne Narassiguin. Je ne comprends donc pas pourquoi nous continuons à avoir cette discussion, sinon qu’il s’agit uniquement pour vous de faire durer les débats en y ajoutant un peu d’outrance pour nous réveiller cet après-midi, après la longue nuit que nous avons eue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Le Gouvernement reconnaît lui-même que c’est un vrai sujet !

    M. le président. Monsieur Mariton, vous ne me semblez pas manquer de temps de parole.

    Je mets maintenant aux voix les amendements identiques nos 81, 404, 470, 529, 606, 718, 1236, 1380, 1591, 1747, 2227, 3063, 3156, 3881, 4197 et 5151.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 181

    Nombre de suffrages exprimés 179

    Majorité absolue 90

    Pour l’adoption 64

    contre 115

    (Les amendements identiques n°s 81, 404, 470, 529, 606, 718, 1236, 1380, 1591, 1747, 2227, 3063, 3156, 3881, 4197, et 5151 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour un rappel au règlement. Un vrai rappel au règlement, je l’espère…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, comment pourrait-il en être autrement ? (Sourires.)

    Pour donner suite à votre invitation, madame la garde des sceaux, d’en reparler au cours de la navette en raison de la densité de l’article et des modifications qu’il introduit, j’ai pris note des réserves que vous formulez sur l’alinéa 3 issu d’un amendement voté en commission, et il faut absolument que la discussion continue sur cet article. Je n’ai pas dit que vous souhaitiez l’empêcher, j’ai toutefois compris que vous appeliez de vos vœux qu’elle se raccourcisse. Mais je suis ici pour vous indiquer, au nom de notre groupe, qu’elle va continuer.

    Au passage, je vous remercie, madame Narassiguin, d’avoir bien noté qu’en commission nous étions tellement éberlués d’une telle audace que nous avons été pris de court. Depuis, nous avons pris le temps de la réflexion et nous venons avec des amendements très denses, susceptibles de répondre à votre besoin de disposer d’une argumentation profonde sur le sujet.

    M. le président. Monsieur Poisson, ce rappel au règlement n’en était pas un…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si, monsieur le président !

    Article 2 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain pour soutenir l’amendement n° 4973.

    M. Jean-Marc Germain. Avant d’en venir à mon amendement, je tiens à relever que ce à quoi nous assistons est de l’obstruction pure et simple. Je rappelle que ce qui a rendu effectives les nouvelles règles établies par la loi de 2002, qui ont donné du poids à la mère dans la transmission du nom, c’est une loi présentée par un ministre ici présent : M. Jacob. Sa loi a étendu les possibilités de donner le nom de la mère, il pourra en témoigner. Je regrette, chers collègues, que vous ne saisissiez pas cette opportunité historique de mettre vos noms au bas de cette nouvelle loi.

    Au-delà de l’obstruction, vous n’avez qu’un seul argument : celui de la loi naturelle, qui en réalité est la loi divine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Or cela fait longtemps que l’homme est un animal qui a trouvé d’autres moyens de se reproduire qu’en s’accouplant. Vous êtes ici dans la maison du peuple pour faire la loi du peuple, c’est-à-dire pour donner corps à la plus belle des libertés, celle d’aimer qui on veut (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; la loi du peuple, c’est donner corps à la plus belles des égalités, celle de faire famille comme on l’entend (Mêmes mouvements) ; la loi du peuple, c’est donner corps à la plus belle des fraternités, celle de toutes et de tous à l’égard de tous les couples. (Mêmes mouvements.)

    J’en viens à mon amendement. Parmi les arguments que vous avez présentés, un seul est sensé, et M. Le Fur est le premier d’entre vous à l’avoir exposé : puisque, en l’absence d’accord entre les parents, l’alinéa 3 privilégie l’ordre alphabétique, on privilégierait les noms les plus proches de la lettre A. Personne ici ne souhaite privilégier – en tout cas pas vous – les conjoints qui s’appelleraient Aubry, Ayrault ou Bartolone au détriment de ceux qui s’appelleraient Poisson ou Sarkozy. (Sourires.) Je propose donc qu’en cas d’absence d’accord des parents les noms soient accolés par ordre alphabétique les jours pairs, et selon l’ordre inverse les jours impairs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce serait un moyen de rétablir la diversité des noms de famille. Il ne s’agit pas de généalogie, mais de donner tout son sens à un aspect important de l’égalité entre tous les couples.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La règle édictée à l’article 2 est très claire : à défaut d’accord entre les parents ou en cas de silence, il est prévu d’accoler le nom de chacun d’eux dans l’ordre alphabétique. Il ne me semble pas nécessaire de la complexifier.

    M. Pascal Terrasse. Absolument !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pour cette raison que la commission a émis un avis défavorable.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai cru voir dans la proposition de M. Germain un clin d’œil à la charge d’amendements de l’opposition. La dispersion des argumentaires de celle-ci, qui ne restent pas concentrés sur le sujet, à savoir les situations de désaccord ou de silence, a montré que l’opposition a constamment la volonté d’élargir le débat au lieu de discuter du cœur du texte.

    Le Gouvernement estime que la disposition proposée à l’amendement n° 4973 ne faciliterait pas la vie des familles, qu’elle ne constituerait pas un progrès. L’avis est donc défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. On a là atteint le summum. Heureusement, monsieur Germain, que le ridicule n’empêche pas de respirer, vous auriez de vrais problèmes de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Balkany. Il serait tout bleu !

    M. Christian Jacob. On est dans l’aberration avec votre proposition de prédisposer l’ordre d’accolement des noms. À ce propos, madame la garde des sceaux, une question : à partir du moment où, pour des raisons de santé découlant de son accouchement, la femme sera dans l’impossibilité de faire les démarches, est-ce donc l’ordre alphabétique qui s’imposera ?

    M. Marc Le Fur. Eh oui !

    M. Christian Jacob. Si, pour des raisons dramatiques, elle ne survit pas à son accouchement, elle ne pourra même pas laisser son nom à son enfant s’il n’est pas avant celui de son conjoint dans l’ordre alphabétique, et il disparaîtra. On est dans une aberration et dans une stupidité d’un niveau inimaginable : pourquoi aller modifier la loi de la République sur un tel sujet ? Sous l’emprise de quel dogme, avec quelles œillères regardez-vous la République ? Comment en êtes-vous arrivé là ? Le statu quo pose-t-il un problème aux Français ? Je me demande si un seul d’entre nous a rencontré dans sa circonscription des concitoyens qui lui disaient : « Modifiez d’urgence les règles d’attribution du nom de famille car nous ne pouvons plus survivre, c’est insupportable ! »

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Christian Jacob. Les règles ne changent même plus selon que l’on est « puissant ou misérable », comme vous voulez le faire pour la GPA – qui sera possible pour ceux qui en auront les moyens, et interdite pour les autres –, mais en fonction du jour de naissance, avec un nom différent selon que l’enfant est né un jour pair ou un jour impair… On est dans une stupidité invraisemblable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

    M. Jean-Marc Germain. Monsieur Jacob, vous étiez ministre délégué à la famille quand la loi du 18 juin 2003 a été votée. Nous l’avions initiée mais vous l’avez rendue possible. Elle place la femme et l’homme dans la même situation dans 99,99 % des cas. Vous aviez même souhaité étendre le dispositif, jugeant que la dévolution du nom paternel dans la famille naturelle était limitée par le projet de loi que vous demandiez d’adopter. Vous avez également étendu la possibilité pour les mères de donner leur nom à leur enfant. Cessez donc de dire que mon amendement bouleverse l’ordre des choses !

    Si je dis que vous faites de l’obstruction et rien d’autre, c’est parce qu’il y a dix ans vous défendiez exactement la position contraire de celle que vous défendez aujourd’hui dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Mais non ! C’était la possibilité d’accoler les noms, rien à voir avec les jours pairs et impairs !

    M. Jean-Marc Germain. J’en reviens à mon amendement : après avoir entendu les explications du rapporteur et du Gouvernement, je le retire. Mais je souhaite que, dans le cadre des réflexions que vous allez entamer, madame la garde des sceaux, on voie comment préserver la diversité des noms.

    (L’amendement n° 4973 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l’amendement n° 3876.

    M. Éric Woerth. S’agissant de la proposition de notre collègue relative aux jours pairs et impairs, cela ressemble assez curieusement à la question du stationnement, et on voit bien à quelle absurdité on peut arriver sur de tels sujets. Pourquoi vous embarquez-vous là-dedans, madame la garde des sceaux ? Le président de notre groupe l’a dit fort justement : on ne comprend pas pourquoi vous vous embarquez dans cette affaire de noms. La France compte 200 000 chômeurs de plus par an. Il y a d’autres priorités que de passer des heures à l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour savoir si les enfants vont devoir porter le nom du père, de la mère, des deux, du cousin, de la cousine… Il y a des sujets plus sérieux aujourd’hui en France !

    M. Christian Paul. On y passe des heures parce que vous faites de l’obstruction !

    M. Éric Woerth. C’est le Gouvernement qui nous oblige à avoir ce type de débat totalement décalé par rapport aux préoccupations des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je tiens à ajouter que, si vous avez des problèmes avec les noms, vous devriez aussi en avoir avec les prénoms : celui qui va déclarer l’enfant à l’état civil n’a pas besoin d’une autorisation de l’autre pour déclarer le prénom de l’enfant. Bref, je suis surpris que vous n’ayez pas, tant qu’à faire, étendu le dispositif au prénom.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

    M. Jacques Bompard. Je suis ces débats de près, pour ne pas dire presque tout le temps (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et je suis étonné que la majorité manifeste une conception de la famille aussi militante, aussi conflictuelle. Je vous assure que dans les familles normales, dans els familles hétérosexuelles (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), cela ne se passe pas comme cela.

    M. Yann Galut. C’est inadmissible, honteux !

    M. Jacques Bompard. Il y a un consensus, certes non exempt de conflits, mais pas sur des questions comme celles-là. Je déplore ce type de débat.

    M. le président. Sur l’amendement n° 3876, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Pour revenir rapidement sur l’amendement qui vient d’être retiré, je suis assez surpris qu’un esprit aussi alerte que notre collègue Germain soit entré dans cette affaire de jours pairs et impairs.

    Sur l’amendement suivant, je rappelle qu’il n’est pas écrit dans le projet de loi « en cas de désaccord », mais « en l’absence de déclaration conjointe ». Vous trompez les Français, et il y a donc bien un renversement du principe.

    M. André Schneider. Exactement !

    M. Hervé Mariton. Aujourd’hui, dût-on vous le rappeler cent fois, en l’absence de démarche des parents, l’enfant prend le nom du père. Demain, en l’absence de démarche des parents, l’enfant ne prendra pas le nom du père. C’est aussi simple que cela.

    Dire « en cas de désaccord » est une sorte de glissement de sens à partir de ce qui est écrit dans le projet de loi, que vous accommodez comme vous voulez, en répandant le brouillard. Jusqu’à présent, vous y êtes extrêmement bien parvenus, en particulier auprès de la presse qui explique qu’en cas de désaccord les enfants adoptifs, etc., sans comprendre qu’il s’agit d’un renversement du principe même du nom patronymique des enfants.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

    M. Hervé Mariton. Aujourd’hui, pour que les enfants prennent le nom du père, il n’y a rien de particulier à faire. Demain, pour que les enfants prennent le nom du père, il y aura une démarche spécifique à faire, compte tenu de l’alinéa 3 de l’article. Il n’y a pas à tortiller là-dessus. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3876.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 171

    Nombre de suffrages exprimés 171

    Majorité absolue 86

    Pour l’adoption 58

    contre 113

    (L’amendement n° 3876 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard pour soutenir l’amendement n° 4672.

    M. Jacques Bompard. Monsieur le président, je suis père de cinq enfants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), deux filles et trois garçons, et j’ai dix petits-enfants, cinq filles et cinq garçons. C’est vous dire que j’ai une approche pratique de l’éducation des enfants et de la vie avec eux. Je sais qu’un père et une mère n’apportent pas les mêmes choses. La mère apporte la tendresse, le père apporte une affection un petit peu plus rude (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Est-ce que cela vous embête donc que l’on vous évoque des choses qui durent depuis des milliers d’années ? Je crois que la famille traditionnelle…

    Mme Ericka Bareigts. De quelle tradition ?

    M. Jacques Bompard.… doit être défendue. Je regrette que, sur les bancs de la majorité, l’on dénonce d’une manière un peu agressive – pour ne pas utiliser des mots qui blessent – les lois naturelles.

    Quel qu’il soit, un homme fait partie du règne animal. Tournez-le comme vous le voulez, il n’est pas venu d’ailleurs et il est lié à ce règne animal. Vouloir le délier du règne animal revient à commettre quelque chose de profondément anormal.

    Cela étant, certains maires – la moitié d’entre eux pratiquement – ont demandé que soit appliquée l’objection de conscience et vous le leur avez refusé avec une hauteur et une violence (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui ne s’expliquent pas, qui n’ont pas d’excuses, qui sont sans conteste irrecevables.

    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

    M. Jacques Bompard. Pour pallier ce refus d’objection de conscience, il m’a paru utile de demander que le premier prénom de l’officier d’état civil qui reçoit la déclaration figure comme le premier prénom de l’enfant à baptiser. Cela fait partie, vous le comprenez, de mon raisonnement par l’absurde, et je retirerai cet amendement si l’on me le demande.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, bien évidemment.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement ne demande absolument pas le retrait de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Ce sont les Verts, en général, qui retirent leurs amendements !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes habitués dans cette maison à entendre, lorsque l’ambiance est un peu survoltée, des invectives qui restent généralement dans un cadre acceptable même si elles suscitent des protestations.

    Il y arrive qu’il y ait des interpellations quelque peu ad hominem et, généralement, le parlementaire qui s’y est livré consent, de plus ou moins bonne grâce, sinon à s’excuser, du moins à atténuer ses propos. Mais j’avoue que, d’expérience de parlementaire ou de ministre, je n’avais jamais vu l’expression d’une telle irrévérence à l’égard de la loi. Jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Bompard, retirez-vous votre amendement ?

    M. Jacques Bompard. Je le retire.

    M. le président. Merci.

    (L’amendement n° 4672 est retiré.)

    M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l’amendement n° 3879.

    M. Éric Woerth. Je ne vais pas le défendre longuement puisqu’il procède du même état d’esprit que les arguments précédents. Il s’agit de supprimer la réalité et le contenu de cet article.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, vous me refusez un rappel au règlement. Je me permets simplement, à l’occasion de l’intervention sur cet amendement où nous défendons la même position que précédemment, de demander à nos collègues de mesurer un peu leurs mots.

    Hier, à quatre heures quinze, sur un tweet, notre collègue Olivier Faure donne son appréciation de ma réaction au départ de Mme Touraine. Ma remarque à l’égard de Mme Touraine ne lui plaît pas et il commente : « On peut cumuler homophobie et sexisme. »

    M. Christian Paul. C’est vrai !

    M. Hervé Mariton. J’aimerais que l’on m’indique ce qu’il y a, depuis le début de nos travaux auxquels j’ai participé de manière assez assidue (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qu’il y a d’homophobe dans ce que j’ai pu dire ou faire dans ce débat.

    M. Philippe Meunier. On suspend !

    M. Hervé Mariton. J’ai été, je suis et je serai, en tant que député, constamment respectueux de tous mes collègues. On pouvait ne pas apprécier la remarque que j’ai adressée à Mme Touraine, libre à l’auteur du tweet de le dire, je ne commente pas cela. Mais il n’est pas acceptable, et je ne laisse pas passer que notre collègue Faure m’ait traité d’homophobe.

    M. Alain Tourret. C’est un fait personnel !

    M. Hervé Mariton. Il n’y a aucune raison pour cela. Ce serait assez épuisant de faire un procès en diffamation à chaque auteur de tweet de ce type mais, pour autant, je ne laisse pas passer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Mariton, je vous ai laissé finir alors que votre intervention relevait d’un fait personnel qui aurait pu être renvoyé en fin de séance.

    Secundo, j’ai déjà eu l’occasion de le dire et deux ou trois de nos collègues ont fait cette remarque hier, autant les présidents et vice-présidents peuvent assurer la surveillance des propos publics tenus au sein de l’hémicycle, mais si vous nous demandez en plus de contrôler tous les échanges sur les réseaux dont tweeter, cela va être compliqué…

    M. Hervé Mariton. Ce n’était pas un rappel au règlement, j’intervenais sur l’amendement.

    M. le président. Certes, mais reconnaissiez que vous en étiez bien loin…

    M. Hervé Mariton. La parole est libre !

    M. le président. Sur l’amendement n° 3879, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Philippe Gosselin. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement qui en sera vraiment un, je l’espère.

    M. Philippe Gosselin. C’est un vrai rappel au règlement, monsieur le président, fondé sur son article 58, alinéa 1.

    À propos de la remarque de notre collègue Mariton, je voudrais attirer l’attention sur quelque chose qui me paraît important. J’ai été le premier à me référer à un tweet, il y a deux nuits, pour m’appuyer sur notre règlement.

    Monsieur le président, je souhaiterais, qu’après nos débats du jour et des dix à quinze jours à venir, vous nous réunissiez sereinement sur le sujet, tous groupes politiques confondus, ou que vous interveniez dans le cadre de la Conférence des présidents. En tant que président de l’Assemblée nationale, vous estimerez ce qui convient le mieux comme cadre de travail, je ne suis pas exigeant à ce point. Mais je voudrais que vous nous réunissiez pour que nous réfléchissions collectivement à la façon dont nous devons parfois utiliser les réseaux sociaux. Nous sommes au XXIe siècle et personne…

    M. Yann Galut et M. Christian Paul. Messieurs les censeurs, bonsoir !

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas la peine de m’invectiver, monsieur Galut ! Vous êtes toujours dans la provocation, vous avez failli me casser la figure l’autre jour, c’est bon ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est très sérieux et je ne vois pas où est la difficulté.

    M. Yann Galut. Rappel au règlement !

    M. Bernard Accoyer. On se calme, monsieur Galut !

    M. Philippe Gosselin. C’est une question de fond et j’aimerais terminer ma question ou ma suggestion.

    M. le président. Monsieur Galut, s’il vous plaît, je vais vous donner la parole tout de suite pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Si M. Galut peut avoir la gentillesse de souffrir de m’écouter…

    M. Yann Galut. Je vais surtout vous répondre !

    M. Philippe Gosselin. Comme il vous plaira, cher ami. Je disais donc – cela va devenir un peu plus insistant, je vous assure – que nous gagnerions à réfléchir collectivement à l’usage des tweets et autres réseaux : devons-nous en vérifier l’usage, partiellement ou totalement, de quelle façon ?

    M. Christian Paul. Censeur !

    M. Hervé Mariton. Injure et censure, cela n’a rien à voir !

    M. Yann Galut. Portez plainte !

    M. Philippe Gosselin. Cela ne me choque pas que des tweets, des gazouillis ou des réseaux sociaux existent : nous sommes au XXIe siècle.

    M. Christian Paul. On va s’abonner au Figaro !

    M. Philippe Gosselin. Mais il arrive quand même avec trop de régularité qu’ils polluent nos débats. Je pense réellement que cela nuit à la sérénité de nos travaux et que cela peut nuire assez rapidement à la qualité de la loi. C’est pourquoi je voudrais que vous preniez cet engagement, monsieur le président.

    M. le président. Monsieur Gosselin, nous avons mis en place, en Conférence des présidents, un groupe de travail chargé de s’interroger sur toutes les habitudes de travail de l’Assemblée nationale. Le problème de la communication électronique que vous soulevez n’est pas le seul à se poser. Nous avons peut-être à nous interroger aussi sur nos manières de travailler car certaines méthodes ne correspondent plus à ce que devraient être celles d’une assemblée moderne.

    M. Pascal Popelin. Très bien !

    M. le président. En plus, j’ai pu constater tout au long de la nuit que vous êtes l’un des habitués des tweets. Dans l’état actuel des choses, ne demandez pas à la présidence d’assumer autre chose que les propos qui sont tenus dans l’hémicycle.

    M. Hervé Mariton. Quand on est choqué, on a le droit de l’exprimer !

    M. Christian Paul. C’est la liberté d’expression !

    M. Hervé Mariton. Pas cela !

    M. Bruno Le Roux. Rappel au règlement !

    M. le président. Pour le reste, j’ai proposé à l’ensemble des formations de réunir un groupe de travail pour s’interroger sur nos méthodes. Ce sera fait.

    La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Juste un mot, monsieur le président, pour peut-être calmer les choses. Je m’associe, bien entendu, à la réflexion menée par le président de l’Assemblée nationale. Puisque ces réseaux sociaux existent, je souhaite qu’il y ait la plus grande interactivité possible et que nous ne nous autorisions rien sur les réseaux que nous ne dirions dans l’hémicycle. C’est notre responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP.)

    Pour le reste, d’une manière générale, il s’agit ne pas se comporter sur ces réseaux comme si nous étions dans les tribunes d’un match de football. Aucune insulte ne doit être permise sur aucun des réseaux sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Je m’en assurerai, monsieur le président du groupe UMP, et je pense qu’il faut en faire de même sur tous les bancs. Je pense qu’il faut considérer les réseaux sociaux comme un apport à notre démocratie et une source de plus grande interactivité. Pour apaiser les débats, monsieur le président, nous sommes bien entendu prêts à nous associer à toute réflexion qui sera proposée par la présidence sur cette question dès lors qu’elle ne vise pas à censurer ce qui nous apparaît aujourd’hui, avec ses règles, comme un véritable espace de liberté supplémentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour un rappel au règlement.

    M. Yann Galut. Ce rappel au règlement est justifié par une mise en cause personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Galut, s’il s’agit d’une mise en cause personnelle, je suis obligé de respecter notre règlement qui prévoit dans ce cas que la parole est donnée en fin de séance. Je vous donne acte que vous êtes inscrit pour un fait personnel à la fin de la séance.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Je veux simplement remercier le président Le Roux pour la pertinence et la justesse de son propos.

    Article 2 (suite)

    M. le président. Dans ce moment de rassemblement et de convivialité (Sourires), je mets aux voix l’amendement n° 3879.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 175

    Nombre de suffrages exprimés 175

    Majorité absolue 88

    Pour l’adoption 60

    contre 115

    (L’amendement n° 3879 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 4758.

    Mme Arlette Grosskost. Il est défendu.

    (L’amendement n° 4758, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour soutenir l’amendement n° 3065.

    M. Patrick Hetzel. Si vous me le permettez, je défendrai en même temps les amendements n os3065, 3066 et 3067.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Six minutes de temps de parole, monsieur le président.

    M. le président. Monsieur Hetzel, je vous félicite pour votre sens du travail parlementaire. N’écoutez pas vos collègues qui en font une autre interprétation… (Sourires.)

    M. Patrick Hetzel. Ces amendements ont une justification pratique. Aujourd’hui, il n’est pas nécessaire de faire une déclaration conjointe. Les choses sont simples et sont inscrites dans la loi, ainsi que l’a défendue le ministre Jacob.

    Nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait aujourd’hui en changer, nous le comprenons encore moins après le plaidoyer du Gouvernement en faveur du texte actuel. Comme cela a déjà été dit par mon collègue Mariton, ce texte conduit à un renversement du principe en matière de dévolution du nom patronymique. Jusqu’à présent, les choses sont simples, une déclaration conjointe n’est pas nécessaire.

    Avec l’obligation d’une déclaration conjointe, un glissement progressif s’opère. Contrairement à ce que vous affirmez en prétendant que rien ne change, beaucoup de choses changent. Le Gouvernement, à travers ce texte, procède à un enfumage.

    Vous êtes très embêtés par cette question, car vous vous rendez compte que nos concitoyens ne vont pas apprécier. D’ailleurs, pour le moment, ils n’ont pas compris quelles étaient vos intentions. Quand ils en prendront conscience, ils réagiront encore davantage et le million de personnes dans la rue il y a quelques semaines sera largement dépassé. Votre texte pose clairement la question de l’évolution du nom patronymique. C’est la raison pour laquelle nous demandons, par ces amendements, que soit supprimée la référence à la déclaration conjointe. Cela pose aussi question quant au bon fonctionnement de l’état civil. Certaines femmes ayant accouché ne sont pas en situation de faire une déclaration conjointe. Allez leur expliquer que les démarches doivent maintenant être effectuées de manière conjointe. Vous ne réalisez pas ce que vous avez écrit et les conséquences pratiques que cela peut avoir.

    M. Henri Guaino. C’est de la folie !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Mêmes arguments, même avis défavorable.

    Un député du groupe UMP. Il n’y a pas d’arguments !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (Les amendements nos 3065, 3066 et 3067, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 173

    Nombre de suffrages exprimés 173

    Majorité absolue 87

    Pour l’adoption 116

    contre 57

    (L’article 2 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je veux éclairer l’Assemblée sur nos travaux et sur ce qui nous attend. Le texte déposé par la commission comporte quatorze articles qui ont donné lieu à 5 393 amendements, essentiellement de la part de nos collègues de l’opposition. Il nous reste dix articles à examiner et encore 3 093 amendements à discuter.

    L’opposition a indiqué par tous les moyens à sa disposition son hostilité à ce texte, notamment au mariage pour tous, prévu par l’article premier qui a été voté. Le mariage pour tous sera créé. L’opposition était hostile aux dispositions relatives à la filiation figurant dans les articles 1er bis, 1er ter et 1er quater. Ces articles ont été adoptés, ces dispositions s’appliqueront.

    Restent donc maintenant des dispositions que l’on pourrait qualifier de coordination. Elles sont importantes mais elles ne portent plus sur le cœur politique du texte. Pour autant, il reste quelque 3 000 amendements, qui sont tous des amendements répétitifs. Je veux indiquer à l’Assemblée que nous avons eu 138 demandes de rappel au règlement. Sur tous les articles, les demandes de scrutin public se multiplient, ce qui ne contribue pas à la clarté du débat mais à son ralentissement.

    J’en appelle à la responsabilité de nos collègues de l’opposition qui nous expliquent que ce texte n’est pas essentiel et que nous devrions nous occuper de bien d’autres sujets. Nous pourrions y venir si vous retiriez maintenant les amendements qui ne visent plus le cœur politique du texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. Jamais !

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Le président de la commission des lois considère que les scrutins publics nuisent à la clarté des débats. Au contraire, par construction, un scrutin public favorise la clarté des débats.

    Nous avons en effet déposé des amendements. Cela me paraît relever du travail parlementaire.

    Ces amendements peuvent être examinés dans le temps initialement décidé par la conférence des présidents.

    Quant aux articles à venir, je pense notamment à l’article 4 sur lequel porte l’« amendement balai ». Cet amendement a complètement chamboulé le projet de loi en modifiant son architecture et en diminuant considérablement le nombre des articles. Il traduit aussi un choix de fond qui s’apparente pour nous à la construction d’une fiction. Avec votre texte, quand les mots de « père » et « mère » figurent dans le code civil, il faudra faire comme si ces termes pouvaient s’appliquer à un couple de même sexe. Vous ne pouvez pas considérer, monsieur le président, qu’il s’agit là de quelque chose de mineur. Au contraire, cette question est le nœud du projet de loi : sur la forme, car cet amendement balai a été nécessaire pour revoir la conception du projet ; sur le fond, car il souligne la contradiction avec les propos de la garde des sceaux lorsqu’elle indiquait que les suppressions des mots « père » et « mère » n’étaient pas si nombreuses. Or, elles le sont, et c’est pour cela que cet amendement balai est nécessaire. Il reste donc des dispositions essentielles à discuter.

    J’ajoute pour conclure que l’amendement balai qui chamboule le texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, ni évaluation sérieuse avec le risque qui vous a été signalé, monsieur le rapporteur, de viser techniquement trop long ou trop court. Nos débats doivent donc être éclairés sur ce point.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je veux revenir sur les propos du président de la commission des lois qui s’en prend régulièrement à nos amendements. C’est un droit fondamental pour un parlementaire. Il est hors de question de toucher au droit d’amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Avouez que sur un texte comme celui-là, sur lequel il est extrêmement difficile d’obtenir des réponses du Gouvernement – il reste des questions auxquelles le Gouvernement refuse de répondre – le seul moyen dont nous disposons pour réussir à obtenir des réponses est la répétition permanente, avec des arguments différents.

    Hier nous avons parfois défendu des positions communes avec les Verts mais qui étaient fondées sur des argumentations différentes. Il a fallu l’intervention de trois présidents de groupe, celui des Verts, celui du groupe socialiste et moi-même, pour parvenir à ce que Mme Bertinotti nous dise qu’elle était favorable à la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle et qu’elle souhaitait que cela soit inscrit dans un texte sur la famille au mois de mars. Ella a été ensuite méchamment et sévèrement rappelée à l’ordre par le Premier ministre ce qui explique peut-être son refus regrettable d’assister à nos débats cette nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Ce droit d’amendement est essentiel. Sans lui, nous n’aurions pas eu connaissance de cette position. Nous n’aurions pas vu combien les positions de la ministre de la famille et de la garde des sceaux étaient différentes. Nous n’aurions pas vu combien la position du président du groupe socialiste était différente de celle du Premier ministre, ni combien la position des Verts était différente de celle des communistes et des socialistes. Ce fut donc éclairant.

    Sans ces amendements, il n’y aurait pas eu de débat. J’ai conscience que cela peut parfois vous mettre en difficulté, monsieur le président de la commission des lois. Mais nous sommes ici dans un Parlement pour échanger, pour faire éclater la vérité sur texte qui a été bâti sur un socle de mensonges (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vous propose cinq minutes de suspension de séance afin de m’entretenir avec les présidents de groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 3

    M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Je veux, au moment où nous en entamons la discussion, vous livrer quelques réflexions sur l’article 3 et, plus généralement, sur les modalités de transmission du nom de famille. La frénésie législative de la fin du gouvernement socialiste de M. Jospin a conduit à l’adoption précipitée et à la promulgation d’une loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille. Preuve de sa médiocrité rédactionnelle, cette loi adoptée sans grande réflexion dut être substantiellement modifiée par une loi du 18 juin 2003 qui en a retardé l’entrée en vigueur au 1er janvier 2005. Quelques mois plus tard, l’ordonnance du 4 juillet 2005 est venue, à son tour, apporter sa contribution à cette grande confusion en modifiant, remplaçant ou abrogeant certaines de ces nouvelles dispositions. Pour parachever l’édifice, la loi du 16 janvier 2009 a de nouveau modifié le droit du nom.

    La vraie sagesse aurait très certainement dû conduire à abroger purement et simplement la loi du 4 mars 2002 pour redonner au système onomastique français la clarté et la simplicité qui le caractérisaient auparavant.

    Le système actuel permet la transmission soit du nom du père, soit du nom de la mère, soit des deux noms accolés. Il n’existe pas d’étude sur l’usage qui a été fait de ces nouvelles dispositions. Toutefois, une loi québécoise de 1981 a offert les mêmes possibilités et les études menées sur la façon dont les individus ont utilisé le dispositif montrent que, dans l’immense majorité des cas, le nom donné et transmis reste le nom du père, tandis qu’un enfant sur cinq porte le nom de sa mère.

    C’est pourquoi il faut cesser d’ajouter de la complexité à la complexité et s’abstenir de modifier de nouveau le droit du nom. Il faudra, rapidement, mettre en œuvre une réforme ambitieuse visant à redonner de la clarté et de la lisibilité à notre droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Cet article, tout comme le précédent, tire simplement les conséquences de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples du même sexe, sur les modalités de transmission du nom. Il s’agit donc tout simplement d’un article de coordination. Il n’y a vraiment rien de plus à en dire- (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), même si je suis certaine que l’opposition s’évertuera à nous expliquer que cela remet en cause tous les fondements de la société. Nous sommes prêts à l’entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous entamons la discussion de l’article 3 du projet de loi. Quarante orateurs se sont inscrits pour intervenir dans la discussion de cet article. Ils appartiennent, en majorité, au groupe UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ? Nous sommes tout à fait légitimes !

    M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne fais pour l’instant que dresser un constat, mes chers collègues ! Est-il infamant de rappeler un fait avéré ? Je constate que ces quarante parlementaires entendent s’exprimer pendant deux minutes chacun sur cet article, alors même que nous examinerons par la suite plus de 3 000 amendements, lors de la discussion desquels ils auront l’occasion de développer leurs points de vue. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, je vous suggère donc d’appliquer l’article 57, alinéa 1, du règlement, et de déclarer la clôture de la discussion générale. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Hetzel. C’est un déni de démocratie !

    M. Philippe Vitel. Scandaleux !

    M. André Schneider. Ayatollah !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Monsieur Urvoas, je souhaite vous dire avec mesure et sérénité que je suis consterné de voir un président de la commission des lois adopter une telle attitude, et demander lui-même au président de l’Assemblée nationale d’interrompre un débat portant sur des articles essentiels d’un texte. C’est notamment vrai, monsieur le président de l’Assemblée nationale, de cet article 3.

    MM. le rapporteur et le président de la commission des lois, s’il est nécessaire que chaque orateur de l’opposition puisse défendre durant deux minutes ses amendements, qui sont des amendements de détail touchant à la rédaction de l’article, l’intervention liminaire sur ledit article permet de situer celui-ci dans l’économie générale du texte, et donne à l’opposition l’occasion de s’exprimer pour faire valoir ses arguments. Quarante députés de l’opposition veulent s’exprimer : c’est dire la gravité de la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Hetzel. Vouloir nous empêcher de nous exprimer est inacceptable !

    M. Patrick Ollier. Voilà pourquoi nous sommes nombreux à vouloir démontrer l’absurdité de cet article 3. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP.) En aucun cas le nombre d’orateurs inscrits ne peut être remis en cause par le président de la commission des lois. Nous avons le droit de nous exprimer ! Vous n’avez pas le droit de bâillonner ainsi l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Paul. Vous parlez bien fort pour quelqu’un de bâillonné !

    M. Patrick Ollier. J’ai exercé les fonctions de ministre des relations avec le Parlement…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mal !

    M. Patrick Ollier. …et, même au cours des débats les plus difficiles, jamais je ne me suis permis d’adopter ce genre d’attitude. Le président de l’Assemblée nationale doit être le garant des droits de l’opposition ! Je suis respectueux de votre attitude, monsieur le président : vous avez, jusqu’à présent, respecté l’opposition. Je vous en suis reconnaissant.

    M. Marc Le Fur. C’est votre rôle, monsieur le président !

    M. Patrick Ollier. J’attends de vous que vous ne fassiez pas jouer l’article 57, alinéa 1, du règlement. Cela serait vraiment, au moment de discuter un article essentiel du projet de loi, faire injure aux droits de l’opposition ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, on nous serine depuis plusieurs semaines qu’il s’agit d’une grande loi, qui opère un changement de civilisation, et que tout cela est fondamental. Je ne comprends donc pas, si ce projet de loi a autant d’ampleur et s’il est aussi important que la majorité le dit, pourquoi l’on cherche à gagner du temps, si ce n’est pour éviter que les nuances dans les approches, les critiques, les regards et les appréciations de chaque article et de chaque amendement puissent s’exprimer !

    D’autre part, il est clair que, pour les petits groupes comme le nôtre, la bipolarisation du débat qu’entraîne la limitation des interventions à un orateur pour et un orateur contre – une seule expression de chaque côté – est réellement pénalisante.

    M. Hervé Mariton. C’est vrai !

    M. Patrick Hetzel. Cela aggrave le manichéisme !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je vous demande donc d’aller au fond du sujet et de nous permettre de nous exprimer sur l’ensemble des articles et des amendements de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Chers collègues, nous avons siégé hier pendant plus de 22 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Laissez-moi poursuivre : vous reprochez à la majorité de vous empêcher de vous exprimer, mais vociférez à chaque fois que l’un d’entre nous prend la parole !

    M. Patrick Hetzel. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

    M. Sergio Coronado. Pour ma part, je n’utilise pas les rappels au règlement ni n’interviens à des fins dilatoires ! Permettez-moi donc de dire ce que j’ai à dire !

    Des centaines d’amendements ont été défendus avec les mêmes arguments. Cela ne contribue pas à offrir un spectacle raisonnable des travaux de notre Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Nos travaux ne sont pas un spectacle !

    M. Sergio Coronado. M. le président de l’Assemblée a permis, hier, au débat d’avoir lieu. Il vous a permis de faire des rappels au règlement et vous a accordé des suspensions de séance. Nous avons désormais bien compris votre opposition à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples du même sexe. Je ne pense pas que vous gagniez beaucoup à faire de l’obstruction.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas de l’obstruction !

    M. Sergio Coronado. Je me joins donc à la demande du président Urvoas, afin que le déroulement des débats soit rationnel et nous permette d’aborder pas à pas le fond du sujet, dans des délais suffisamment raisonnables pour que celles et ceux qui nous suivent n’aient pas l’impression que le Parlement est une foire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Tous les artifices sont bons !

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, nous avons déjà eu une longue discussion générale. L’inscription de nombreux orateurs dans la discussion sur l’article 1er a permis à chacun de s’exprimer sur ce qui constitue le cœur du projet de loi. Depuis, force est de constater que les interventions, tant sur les amendements que sur les articles, ont bien souvent eu un tout autre objet que la défense de l’amendement ou de l’article concerné ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Claude Goasguen. Vous avez la mémoire courte !

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

    M. Bruno Le Roux. Nul n’ignore le caractère répétitif de ces interventions. Nous aurons, lors de la discussion des amendements, l’occasion d’écouter les arguments que plusieurs dizaines d’entre vous développeront. Pour la clarté du débat, je soutiens donc la proposition du président de la commission des lois. La démarche qu’il préconise permet à chacun de s’exprimer, d’aller à l’essentiel et de limiter l’obstruction.

    M. Patrick Ollier. C’est choquant ! Pourquoi n’avez-vous pas plutôt recouru au temps législatif programmé ?

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président Ollier, nous n’avons pas souhaité cette obstruction. Je peux vous donner de multiples exemples de cas où vous avez fait usage des dispositions du règlement auxquelles M. Urvoas demande de recourir, visant à limiter les interventions à un orateur pour et un orateur contre, sur des sujets autrement plus importants pour les Français, comme le débat sur les retraites.

    M. Yves Censi. Qu’est-ce que cela veut dire ?

    M. Bruno Le Roux. Et je ne parle pas des débats pour lesquels vous avez recouru au temps législatif programmé, nous empêchant ainsi d’aller au bout. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Nous n’avons absolument aucune leçon à recevoir en matière de démocratie.

    M. Patrick Ollier. Et chanter la Marseillaise en bas de l’hémicycle ?

    M. Bruno Le Roux. Nous pensons simplement qu’il faut suivre la proposition du président de la commission des lois, pour la clarté des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Monsieur le président, je comprends parfaitement qu’il faille simplifier le déroulement des débats et limiter les interventions à un orateur pour et un orateur contre. Cependant, je souscris à l’avis de notre collègue Jean-Christophe Fromantin. Je m’exprime au nom de tous les petits groupes politiques. La vie de notre assemblée, qu’on le veuille ou non, est organisée autour des groupes politiques. À partir de ce constat, je souhaite que nous puissions nous exprimer et intervenir de plein droit dans la discussion des articles. Je vous demande dès à présent d’accepter que chaque groupe politique puisse intervenir dans la discussion globale de chaque article.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, après quoi chaque président ou représentant de groupe se sera exprimé.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous avons déjà débattu de cette question hier. La nuit dernière, en effet, vous avez fait usage à la demande du président Urvoas de ce même article 57, qui vise à bloquer les débats et à empêcher que la vérité soit révélée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Oh ! M. Jacob détient la vérité révélée, maintenant !

    M. Christian Jacob. Nous l’avons vu, article après article !

    M. Marcel Rogemont. C’est votre règlement ! C’est vous qui l’avez fait adopter !

    M. Christian Jacob. Regardez le débat qui vient d’avoir lieu sur l’article 2. Qu’a répondu Mme la ministre ? Qu’elle corrigera son texte pendant la navette parlementaire, à la lumière des éléments soulevés au cours du débat ! Si vous nous empêchez de débattre – car tel est bien votre but –, nous ne pourrons plus apporter de corrections à ce texte, qui est pour le moins approximatif sur un certain nombre de sujets, convenez-en ! Il mérite des précisions : il faut pour cela utiliser la navette parlementaire. Si vous bloquez le débat, nous ne pourrons plus faire notre travail de législateurs, car le Gouvernement ne sera plus informé des erreurs qu’il est en train de commettre, ni de leur ampleur !

    Si vous avez accepté de modifier l’article 2, madame la garde des sceaux, si vous avez reconnu ses insuffisances, c’est parce que vous avez entendu nos remarques à l’occasion du débat. Si, sur l’article 1er, des difficultés sont apparues au sein du Gouvernement et de la majorité, c’est parce que nous vous avons interrogée en permanence !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. Christian Jacob. Nous vous avons ainsi poussée dans vos retranchements. J’ose espérer que vous corrigerez le tir à l’occasion de la navette parlementaire.

    L’application de l’article 57, alinéa 1, est d’autant moins justifiée que, par le passé, cet article était utilisé alors que les temps de parole étaient plus longs. De cinq minutes, ils ont été ramenés à deux minutes, ce qui limite d’autant les possibilités d’expression.

    M. Yann Galut. Qui donc a réduit les temps de parole ?

    M. Christian Jacob. Comme vous le savez, je ne suis pas favorable à une trop grande diversité de groupes dans cette assemblée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Je suis notamment réservé vis-à-vis des petits groupes. Mais c’est vous qui avez souhaité que ces petits groupes puissent se former : il est dès lors normal de leur laisser le temps de s’exprimer. Respectez les petits groupes !

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas nous qui avons créé les petits groupes !

    M. Michel Pouzol. Qui a créé le Rassemblement-UMP ?

    M. Christian Paul. Quelle mauvaise foi !

    M. Christian Jacob. Ou alors, ne permettez pas leur existence ! Il suffit pour cela de relever le nombre minimum de parlementaires nécessaires pour former un groupe. Vous méprisez les minorités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames et messieurs les députés, je me serais bien passée d’intervenir dans cet échange qui concerne le fonctionnement interne de l’Assemblée nationale. Monsieur le président Jacob, depuis le commencement de nos débats, vous et les autres parlementaires de l’opposition interpellez directement le Gouvernement. Convenez que nous répondons à vos questions !

    M. Christian Jacob. Sur la GPA, vous n’avez pas répondu !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Que nos réponses ne vous plaisent pas, je veux bien en convenir, mais vous devez admettre que nous répondons systématiquement à toutes vos interrogations. Nous ne refusons pas de nous répéter : j’ai répondu à certaines questions plus d’une dizaine de fois. Cela témoigne du respect de l’exécutif pour le pouvoir législatif.

    Puisque vous m’interpellez, monsieur le président Jacob, je vous rappelle que l’article 2 est issu des travaux de la commission des lois. Je vous rappelle également que la Constitution et le règlement de l’assemblée nationale prévoient que l’assemblée examine le texte issu des travaux de la commission saisie au fond.

    M. Marc Le Fur. Grâce à notre réforme !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous examinez donc un texte sur lequel vous avez déjà eu de nombreuses opportunités d’intervenir, que vous avez déjà pu modifier.

    Par conséquent, monsieur le président Jacob, vous avez connaissance du texte que le Gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale, et vous savez que les dispositions dont nous débattons n’y étaient pas incluses. La densité et la richesse des travaux de la commission ont permis d’introduire un certain nombre de nouvelles dispositions, qui prennent en compte des situations particulières. Vous contestez la rédaction de l’article 2, mais des députés de l’opposition étaient présents en commission au moment où cet article a été étudié…

    M. Hervé Mariton. Avec le brouillard entretenu par le rapporteur !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Peu importe !

    M. le président. Monsieur Mariton, enfin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous êtes seul juge, auteur et responsable de vos propos !

    Cessez donc d’interpeller le Gouvernement sur cet article et de prétendre que vous l’éclairez en déposant 130 amendements exactement identiques,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est notre droit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …procédé que vous êtes au demeurant libre d’employer, et devant lequel le Gouvernement s’incline absolument et sans faire de commentaires. Mais la réalité, c’est que nous travaillons à partir du texte de la commission, et que ce texte est enrichi…

    M. Claude Goasguen. Vous n’êtes pas d’accord avec votre propre texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …par l’assiduité, l’engagement et l’implication des députés de la majorité, et – selon les talents et les circonstances – de ceux de l’opposition.

    M. Claude Goasguen. C’est vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, il est arrivé que l’opposition permette d’améliorer un texte en discussion, cela est même arrivé sur ce projet de loi. Vous pouvez nous faire tous les procès que vous voulez, mais dans ce cas, du fait de la révision de la Constitution de 2008 et de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale, le texte sur lequel nous travaillons est aussi le vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Chers collègues, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les arguments de mon prédécesseur, M. Accoyer, m’ont totalement convaincu : à l’avenir, je proposerai de recourir au temps législatif programmé sur tous les débats difficiles. Nous voyons bien la part de nos débat utilisée pour avancer des arguments de fond, et la part diluée pour permettre aux uns et aux autres de gagner du temps.

    M. Hervé Mariton. Cela n’est pas évident !

    M. le président. Monsieur Accoyer, j’espère qu’avant un prochain grand débat, nous proposerons ensemble de recourir à la procédure du temps législatif programmé.

    M. Bernard Accoyer. Oui !

    M. le président. Je donne à présent la parole à M. le président Accoyer, puisqu’il était à l’origine de cette proposition. Nous passerons ensuite au vote et reprendrons normalement nos travaux.

    M. Bernard Accoyer. Effectivement, ce n’est pas le président de l’Assemblée nationale qui choisit la procédure employée, mais sa majorité, en Conférence des présidents. Il se trouve que la majorité a choisi délibérément une procédure dont on voit bien qu’elle n’est plus adaptée. Elle n’est d’ailleurs plus utilisée dans aucun parlement moderne. C’est une procédure qui contraint obligatoirement l’opposition, si elle veut exprimer ses opinions, son point de vue, et faire ressortir la gravité de certaines dispositions du texte en discussion, à multiplier les amendements, et donc, évidemment, à être accusée d’obstruction.

    Chacun peut constater, à cet instant, que les conséquences majeures de ce texte exigeaient que l’opposition fasse en sorte que ces débats durent suffisamment longtemps, afin que les Français comprennent bien le chamboulement du code civil auquel ils seront confrontés.

    Il est évident que, si la procédure du temps législatif programmé s’était appliquée, nous aurions travaillé deux semaines, puisque tel était le choix du Gouvernement. Chacun aurait, alors, pu s’exprimer à son tour, calmement, sans invective, sans énervement.

    Concernant l’ancienne procédure, je vous rappelle qu’autrefois les orateurs disposaient de cinq minutes pour présenter leurs amendements et de cinq minutes pour intervenir sur les articles. Ce choix de l’ancienne procédure a été fait délibérément pour essayer de cacher aux Français ce qui est en train se faire. C’est d’une extrême gravité, monsieur le président !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

    M. Bernard Accoyer. Ce n’est vous qui êtes en cause, mais la majorité et le Gouvernement ! Ils portent, là, une responsabilité considérable ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La clôture de la discussion de l’article 3 vient d’être proposée par le président de la commission des lois en vertu de l’article 57, alinéa 1, du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont, en effet, intervenus.

    Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

    (Il est procédé au vote.)

    M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée.

    Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. C’est la politique du bâillon !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Le groupe UMP n’est, je le crois, pas seul concerné, car j’ai cru comprendre que d’autres groupes étaient dans le même état d’esprit. Je vous demande donc de suspendre la séance pour dix ou quinze minutes afin que nous puissions nous réunir.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, chaque groupe – y compris les petits groupes – pourra-t-il s’exprimer à l’occasion de chaque article ?

    M. le président. Il va de soi, monsieur Fromantin, que, lorsque nous aurons achevé l’examen du présent article, un représentant de chaque groupe pourra de droit, bien entendu, s’inscrire, pourvu que ce soit avant l’annonce du scrutin.

    Article 3 (suite)

    M. le président. Nous en venons maintenant à une série de 110 amendements identiques visant à supprimer l’article 3.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 83.

    M. Marc Le Fur. Toujours à propos de la transmission du nom, je souhaite évoquer une difficulté dont nous n’avons pas encore parlé : certains enfants, ceux que leur père n’aura pas reconnus, ne pourront avoir qu’un seul nom. Nous allons ainsi stigmatiser une catégorie d’enfants : d’un côté il y a aura ceux pourvus d’un double nom, et de l’autre ceux qui, faute de père, faute de reconnaissance, issus de familles monoparentales, n’auront qu’un seul nom. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    L’article 3 porte sur l’adoption simple aux termes de laquelle l’enfant adopté garde son nom auquel on ajoute le nom de l’adoptant – c’est la règle actuelle. L’adoption de l’article 2, présente une difficulté : on ne sait pas quel nom adjoindre à celui de l’enfant, puisqu’il faut choisir l’un des deux afin que l’enfant n’ait pas trois noms. En outre, dans quelques années, un enfant devant faire l’objet d’une adoption simple pourra déjà avoir deux noms et dès lors on lui en ajouterait un troisième.

    M. Marcel Rogemont. Mais non !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’enfant ne pourra avoir plus de deux noms !

    M. Marc Le Fur. Vous voyez donc la complexité du dispositif que vous proposez. Il me suffira pour l’illustrer de lire l’alinéa 5 de l’article : « En cas d’adoption par deux époux, le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté. »

    Chacun comprendra que ce texte est illisible, que tout y est à revoir et que nous avions bien raison de demander son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 407.

    M. Hervé Mariton. Le dispositif proposé ne me paraît pas totalement déraisonnable, n’étaient l’adoption simple et l’ouverture telle que vous la proposez. Nous ne sommes pas favorables à l’adoption par des couples mariés de personnes de même sexe, parce que nous ne sommes pas favorables au mariage de personnes de même sexe. Quand nous évoquons, comme hier, l’amélioration des droits des tiers, on pourrait assez facilement trouver une solution de consensus, j’y insiste, sur un dispositif qui ressemble à l’adoption simple, en prenant soin de ne pas l’appeler « adoption simple » afin de ne pas introduire une confusion avec l’adoption plénière.

    L’adoption plénière est un dispositif puissant, très différent de l’adoption simple qui n’entraîne pas, et de très loin, les mêmes effets. Malheureusement, pour une part importante du public, comme les deux s’appellent « adoption », il y a un risque de confusion dans la symbolique. Nous serions ouverts, dans le cadre de propositions d’amélioration des droits des tiers, à un dispositif dont le contenu juridique pourrait être proche de l’adoption simple sans l’appeler ainsi, sans qu’il soit consécutif à un mariage dont nous ne voulons pas. Dès lors, même si les dispositions techniques que vous évoquez ne sont pas totalement absurdes, nous ne sommes pas favorables à l’enchaînement que vous proposez.

    M. Lionel Tardy. Voilà qui est clair !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob pour soutenir l’amendement n° 421.

    M. Christian Jacob. L’examen de cet article me donne l’occasion de revenir sur l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. On n’a cessé de nous soutenir que l’ouverture du droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels ne retirerait rien aux couples hétérosexuels. Ce n’est pas le cas. La remise en cause de la notion de parents via la reconnaissance de l’adoption le montre bien : certains pays ont décidé de fermer les adoptions aux couples homosexuels. C’est le cas de pays d’Afrique noire, d’Europe de l’Est, de la Chine, farouchement opposés à l’adoption de leurs enfants par des couples homosexuels. Du coup, et sans remettre en cause la qualité de nos commissions d’agrément, ces pays seront fermés à l’adoption, réduisant d’autant la capacité à l’adoption.

    C’est pourquoi, la nuit dernière, tout en reprochant à la ministre de la famille de ne pas être présente quand nous avons évoqué ces questions (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Marcel Rogemont. Mais le Gouvernement était bel et bien représenté !

    M. Christian Jacob. …nous considérons que ce sujet aurait pu relever non pas de l’extension du mariage aux couples homosexuels, mais d’un vrai texte sur la famille concernant directement l’adoption. Nous voyons bien, ici, que préjudice est de fait porté aux couples hétérosexuels quant aux capacités d’adoption. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 471.

    M. François de Mazières. Les dispositions dont nous sommes en train de discuter s’adressent vraiment à tous les Français. Nous devrions donc avoir le souci d’une très grande clarté, d’une très grande simplicité. J’avoue que l’oratrice du groupe SRC m’a quelque peu stupéfait en avançant qu’il n’y avait rien à expliquer, avant de passer son tour. C’est tout le contraire : il y a tout à expliquer.

    M. Philippe Gosselin. Très juste !

    M. François de Mazières. Marc Le Fur vient de nous donner lecture d’un alinéa de l’article qui est d’une complexité stupéfiante !

    C’est pourquoi je vous reproche d’avoir refusé le débat public à l’occasion duquel les Français auraient exigé une vraie simplicité afin de pouvoir comprendre les textes qui s’appliquent à eux.

    M. Lionel Tardy. Eh oui !

    M. François de Mazières. Laissez-moi comparer les dispositions en vigueur et celles que vous proposez. Aujourd’hui, « en cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom des adoptants retenus est ajouté au premier nom de l’adopté ». C’est facile à comprendre. Voici la traduction que vous en proposez : « En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique du premier nom de l’adopté. » (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est d’une clarté !

    M. François de Mazières. Pardonnez-moi, mais à qui s’adresse-t-on ? À une élite parisienne ou à la France ? (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Meunier. Aux bobos !

    M. Marcel Rogemont. Ils se la jouent populaire !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier pour soutenir l’amendement n° 530.

    M. Patrick Ollier. Mes collègues ont relevé la logique juridique de cet article, cohérente avec les dispositions précédemment adoptées dès lors que le mariage concerne des couples de même sexe. Je m’étonne qu’on prenne des dispositions d’ordre général, donc pour l’ensemble des Français, alors que, selon les statistiques, seul un enfant sur quatre est réellement concerné. Or, pour régler un quart des problèmes, on généralise des dispositions qui complexifient sérieusement la vie de tous les couples, notamment celle des couples hétérosexuels.

    Je suis, je le répète, étonné de cette généralisation. Au prétexte de vouloir l’égalité, vous uniformisez, mais au nom de quelle règle juridique ? Il n’y en a pas ! Vous auriez très bien pu prévoir un régime à part pour les personnes concernées, nous en aurions été tout à fait d’accord si nous avions été favorables à l’adoption par les couples de même sexe. Cette uniformisation de l’ensemble de la société, pardon d’y revenir, mais c’est la théorie du genre qui réapparaît systématiquement dans les dispositions que vous proposez.

    M. Patrick Hetzel. Eh oui !

    M. Patrick Ollier. C’est cela qui m’effraie. En vérité, vous ne créez pas l’égalité : vous uniformisez, et c’est à cela que nous nous opposons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Marc pour soutenir l’amendement n° 570.

    M. Alain Marc. Notre excellent collègue Patrick Ollier vient de parler d’uniformité, ce qui me rappelle les propos du grand écrivain Michel Déon : « L’uniformité est une politique dynamique dont semble se satisfaire la terre entière. » Ces mots datent des années 1950 lorsque, vivant d’île grecque en île grecque, l’auteur constatait malheureusement que cette civilisation subissait les assauts de la modernité, mais de la modernité dans le mauvais sens du terme.

    Quand on observe ce que vous nous proposez, on ne peut que s’y opposer parce qu’il aurait préalablement fallu savoir ce qui se passait au-delà de nos frontières. Il ne semble pas que ce soit le cas, et cela risque de poser un jour problème.

    M. Marc Le Fur. Tout à fait !

    M. Alain Marc. Certains couples hétérosexuels vont avoir des difficultés à adopter dans certains pays, à cause de notre législation que vous allez rendre permissive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 607.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais redire tout le bien que je pense de ce texte, et j’ai beau me forcer, j’ai beau essayer de me contraindre, je sais que j’ai le corps ici et sans doute l’intelligence ailleurs. Vous-mêmes, hier, aviez la fatigue ailleurs et je compte sur votre indulgence. Notre collègue de Mazières évoquait un entêtement stupéfiant. La complexité l’est tout autant, et l’on est loin d’un texte clair : « D’amour, belle marquise, vos yeux mourir me font. » Je ne m’adresse pas à la garde des sceaux qui n’écoute pas d’ailleurs, ni même à la ministre de la famille qui ne m’écoute pas davantage. Je suis un orateur éconduit à défaut d’être un amoureux transi. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plus sérieusement, monsieur le président… Ah ! Madame la ministre, savez-vous le bonheur que j’éprouve en voyant votre regard se porter sur moi ? (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il est dopé !

    M. Philippe Gosselin. J’eusse aimé que, cette nuit, ce regard m’accompagnât.

    M. Philippe Martin. Apportez-lui une bassine d’eau fraîche !

    M. Marcel Rogemont. Ou un seau d’eau !

    M. Philippe Gosselin. Souffrez, souffrez, mes chers collègues… Revenons-en aux choses sérieuses même s’il faut de temps en temps que, dans ce monde juridique difficile, un peu de poésie puisse s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Revenons-en au nom, élément important affecté par cet article 3, comme nous l’avons déjà démontré. La complexité du texte est en effet stupéfiante et nous devrons opter, au cours de la navette parlementaire, pour d’autres solutions, même s’il vaudrait mieux nous conformer maintenant au principe selon lequel mieux vaut tenir que courir.

    Mais au-delà ? C’est aussi l’occasion de marquer à nouveau la difficulté pour les adoptions à venir.

    On nous dit que ce texte n’aura aucun impact et qu’il n’enlèvera rien à personne. Nous savons tous que c’est faux : ce texte aura un impact direct sur le nombre de couples susceptibles d’adopter un enfant en France ou à l’étranger. Je ne m’y attarde pas.

    Il faut répéter constamment les mêmes choses pour qu’elles soient prises en compte. Je le répète donc : c’est l’adoption, dans son ensemble, qui se trouvera fragilisée.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 720.

    M. Frédéric Reiss. L’article 2, qui vient d’être adopté par l’Assemblée, concerne l’état civil et s’imposera donc à tous nos concitoyens. Nous maintenons que la loi de 2002 suffisait amplement. Il y a des combats plus importants à mener pour l’égalité entre les hommes et les femmes que celui qui touche au nom.

    L’amendement déposé tout à l’heure par M. Germain montre bien l’impréparation de la majorité sur ce texte. Cet amendement, du reste, est profondément discriminatoire, puisqu’une année compte sept jours impairs de plus que de jours pairs, et huit les années bissextiles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Accoyer. Bravo !

    M. Frédéric Reiss. Le projet de mariage pour tous ne devait censément pas perturber les couples hétérosexuels, mais cette remise en cause juridique de la notion de parent, à travers la reconnaissance de l’adoption, est bien la preuve du contraire.

    Comme l’ont dit Marc Le Fur et François de Mazières, cet article 3, relatif à l’adoption, constitue, en fait de clarté, un modèle du genre : il est au moins aussi complexe que l’article 2.

    En matière d’état civil, des questions restent d’ailleurs sans réponse : c’est le cas, par exemple, des actes de naissance et des livrets de famille, dont on ignore s’ils seront les mêmes pour tous les enfants, ou s’il y aura des aménagements particuliers.

    Les Français attendaient les socialistes sur le terrain de l’emploi, du logement et du pouvoir d’achat. Ils doivent être bien déçus, en voyant l’énergie que vous dépensez autour de ce projet de loi de mariage pour tous, et surtout la cacophonie qui règne dans vos rangs.

    Et l’opposition attend toujours des réponses sur la PMA et la GPA ! Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement de suppression. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel pour soutenir l’amendement n° 989.

    M. Philippe Vitel. Nous vous avons expliqué hier qu’en ouvrant l’adoption aux couples homosexuels vous vous engagez sur une mauvaise voie, puisque vous suscitez un espoir auquel vous serez incapable de répondre, et ce pour deux raisons. D’une part, il existe déjà un écart considérable entre le nombre d’enfants adoptables et le nombre de couples souhaitant adopter ; nous allons, d’autre part, assister au tarissement de la source exogène des adoptions, puisque, dans de nombreux pays, la loi interdit l’adoption par des couples homosexuels.

    Vous entretenez l’illusion, vous faites croire à l’adoptant qu’il est pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint homosexuel, au risque, une fois de plus, de porter préjudice à l’enfant.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Ce n’est pas très clair !

    M. Philippe Vitel. Enfin, alors qu’on ne cesse de nous dire que l’ouverture du mariage aux couples homosexuels se fera sans préjudice pour les couples hétérosexuels, la remise en cause juridique de la notion de parent est bien la preuve du contraire.

    Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 3.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes pour soutenir l’amendement n° 1238.

    M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, je n’ai jamais abusé des rappels au règlement et, pour vous montrer mon fair-play, je vais prendre sur le temps qui m’est imparti pour vous dire deux mots à ce sujet.

    Ches collègues, vous avez critiqué nos interventions, les qualifiant de répétitives et d’intempestives – le président de la commission des lois a même parlé d’obstruction.

    M. Marc Dolez. À juste titre !

    M. Daniel Gibbes. Je vais vous dire ce que nous faisons ici : nous voulons donner des explications à la population, car nos débats sont difficiles, relèvent du droit et posent des problèmes que la population ne comprend pas toujours.

    Au risque de vous faire rire, je voudrais rappeler à ceux qui ont suivi nos travaux hier soir, la mention qu’a faite un de nos collègues de son chauffeur de taxi. Je ne sais pas si j’ai eu affaire au même chauffeur ce matin, mais il m’a dit qu’à force de nous entendre répéter les mêmes choses et entrer dans les détails, il comprenait mieux les enjeux du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Bravo !

    M. Daniel Gibbes. En nous répétant, nous ne visons qu’à informer, et c’est pour cela que nous sommes ici.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Vous parlez beaucoup des chauffeurs de taxi !

    M. Philippe Gosselin. Ne les méprisez pas ! Vous avez du mépris pour les Français qui travaillent !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    M. Daniel Gibbes. À présent, chers amis, si vous me permettez de parler plus précisément de cet amendement, je ne vais pas vous surprendre en vous disant que je m’inscris dans la droite ligne de mes collègues. En effet, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe portera nécessairement préjudice aux couples hétérosexuels, notamment en matière d’adoption. L’adoption internationale va forcément diminuer, puisque de nombreux pays refuseront que leurs enfants soient adoptés par des couples homosexuels.

    M. Marcel Rogemont. L’adoption, c’est l’affaire des familles, pas des États ! C’est n’importe quoi :

    M. Daniel Gibbes. Mais ce sont les enfants qui vont subir le plus grand préjudice : donner l’illusion juridique à l’adoptant qu’il va être pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint homosexuel, c’est instaurer une filiation sociale qui nie la biologie.

    Dans ce contexte, il est difficile de prétendre que cela ne change ni les règles du mariage pour les couples hétérosexuels, ni l’avenir et la construction de nos futurs enfants, adoptés ou non. C’est la raison pour laquelle nous voterons la suppression de cet article.

    M. Philippe Gosselin. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion pour soutenir l’amendement n° 1366.

    Mme Sophie Dion. L’article 3 porte sur l’attribution d’un nom à l’enfant, à la suite d’une adoption simple. Il ajoute de la confusion, là où nous aurions besoin de clarté. Vous auriez pu profiter de cet article pour simplifier et clarifier votre propos : ce n’est pas le cas. Vous auriez également pu discuter du régime de l’adoption simple et de l’adoption plénière : ce n’est pas davantage le cas.

    Je conteste bien évidemment le fond de cet article, qui consacre le droit, pour des personnes homosexuelles, d’adopter un enfant. Je suis résolument contre, et vous comprenez très bien pourquoi.

    M. Yann Galut. Non, justement !

    M. Marcel Rogemont. La Cour européenne des droits de l’homme !

    Mme Sophie Dion. Ce qui est plus gênant, c’est que vous consacrez le droit à l’enfant pour des personnes homosexuelles, alors que vous savez très bien qu’il ne pourra pas être satisfait. L’effectivité du droit se pose, et elle est insatisfaite.

    Cet amendement porte, certes, sur un point juridique assez technique, mais il pose aussi la question du droit à l’enfant et de l’adoption pour les couples homosexuels. Il pose aussi, bien entendu, cette question à laquelle vous ne voulez pas répondre : comment allez-vous résoudre l’impossibilité d’adopter des enfants ? Parce qu’il n’y a pas d’enfants disponibles…

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. « Disponibles » ?

    Mme Sophie Dion. …ni en France, ni au niveau international.

    Vous n’avez pas répondu aux questions que nous nous posons sur la procréation médicalement assistée et la GPA. Malheureusement, ce débat est, une fois encore, tronqué et il manque de clarté. Vous agitez un leurre et nous en restons toujours au niveau d’une discussion juridique un peu technique, alors qu’il s’agit d’un immense débat sur lequel nous n’avons aucune des réponses que nous demandons.

    M. le président. La parole est à M. David Douillet pour soutenir l’amendement n° 1394.

    M. David Douillet. Je viens ici appuyer les propos de mes collègues et de mon président de groupe, en insistant sur l’injustice, dont vont évidemment être victimes les couples hétérosexuels.

    Je vous donnerai tout à l’heure deux chiffres qui illustrent la situation très pénible dans laquelle se trouvent les couples engagés dans le parcours du combattant, qu’est une démarche d’adoption. En tant qu’ancien secrétaire d’État aux Français de l’étranger, j’ai reçu beaucoup de ces couples français. Pour eux, votre texte sera la source d’une injustice totale, puisqu’ils se battent parfois depuis de nombreuses années pour avoir l’immense honneur d’élever un enfant.

    Vous introduisez une inégalité, puisque de nouveaux couples, les couples de personnes du même sexe, vont avoir les mêmes droits, et même une certaine priorité, en matière d’adoption – je ne reviens pas sur le rejet qu’ont déjà formulé certains pays quant à l’adoption par des couples homosexuels.

    En France, 24 700 familles sont agréées et attendent, alors qu’il n’y a que 2 347 pupilles de la Nation. Vous voyez le décalage ?

    M. Marcel Rogemont. Et alors ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. David Douillet. Imaginez à l’échelle du monde ! Ces familles vont être en concurrence, malheureusement. Cette injustice ne vous dérange pas ? Vous la trouvez normale ?

    M. Yann Galut. Mais c’est une question d’égalité !

    M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

    M. David Douillet. Ce que je vous demanderai, si jamais cet article est accepté, c’est qu’une espèce de priorité soit au moins accordée à ceux qui ont entamé leurs démarches il y a longtemps. Voilà ce que je demande au minimum !

    Mme Marie-George Buffet. C’est absurde !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1593.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore un article qui montre que cette loi aura des conséquences sur toutes les familles concernées par l’adoption, et pas seulement sur les familles homoparentales, contrairement à ce qu’on nous répète depuis des mois.

    Par ailleurs, et cela a été dit par un certain nombre de mes collègues, nous sommes en train d’organiser la disparition du nom patronymique de notre code civil. Vous avez le droit de considérer que c’est nécessaire ; nous ne le croyons pas. Vous avez le droit de considérer que c’est une conséquence stricte du principe d’égalité, comme M. Galut ; nous ne le croyons pas. Vous avez le droit de considérer que c’est une affaire dont l’importance est relative ; nous ne le croyons pas.

    Nous tenons à l’organisation de la société autour du nom patronymique, car elle traverse les corps sociaux et a du sens. Elle permet aussi à chacun d’entre nous de se reconnaître comme appartenant à une famille, une famille au sens large du terme, et pas seulement celle qui nous unit par un lien de descendance directe.

    Je voudrais, pour finir, revenir à l’argumentation développée tout à l’heure par notre collègue François de Mazières. Sans aller jusqu’à contester l’intelligibilité juridique de cet article – ce que je ferai peut-être sur l’article suivant –, reconnaissons tout de même que l’article, qui devrait être accessible à tous, selon le vieux principe qui veut que « nul n’est censé ignorer la loi », ne l’est pas. Je me demande qui serait capable, même parmi nous, de comprendre à la première lecture ce dont il s’agit, à part le rapporteur qui connaît tout cela comme sa poche. Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, j’ai déposé cet amendement de suppression.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard pour soutenir l’amendement n° 1693.

    M. Jacques Bompard. Je rappelle que le mariage civil est une institution qui a été créée en 1804. Mme la garde des sceaux l’a d’ailleurs rappelé mardi, dans son long historique du mariage.

    M. Marcel Rogemont. N’importe quoi ! Il a été créé en 1792 par la Ière République !

    M. Jacques Bompard. Le mariage civil est la consécration par la société civile, donc hors du champ religieux, de l’union d’un homme et d’une femme désireux de fonder une famille. Cela était tellement évident pour les rédacteurs du code civil, dont plusieurs étaient par ailleurs homosexuels, qu’ils n’ont même pas pris la peine de le préciser. Mais, et je le déplore, la famille n’a pas échappé à la volonté de destruction de toutes nos institutions, à l’œuvre depuis plusieurs années. L’effondrement programmé de pans entiers de notre société nous conduit donc à nous poser cette question qui était encore inimaginable il y a peu. Tout cela au nom de l’égalité : que n’a-t-on fait en son nom !

    L’égalité d’accès au mariage existe déjà, puisqu’il n’aura échappé à aucun de vous que toute personne qui respecte les conditions du mariage, quelle que soit son orientation sexuelle, peut se marier en France avec une personne du sexe opposé. Vous voudriez donc créer une égalité entre deux situations différentes, ce qui n’a pas de sens : pour cela, vous piétinez le droit fondamental des enfants à avoir un père et une mère. Alors, je vous le demande : où est l’égalité ? Vous êtes en train de créer une nouvelle structure, que vous appelez encore famille, mais qui n’en sera plus une, car elle sera complètement déconnectée de la réalité.

    Contrairement aux affirmations de la ministre chargée de la famille ou de mon collègue Coronado lors de la discussion générale, la nature ne permet pas à deux hommes ou à deux femmes d’enfanter.

    M. le président. Veuillez conclure.

    M. Jacques Bompard. Vous créez une fiction afin que l’homme et la société correspondent, au moins dans le domaine des idées, à votre idéologie.

    Ce projet de loi fait bien de vous les héritiers de Saint-Just, comme vous le revendiquez, ainsi que de tous les totalitarismes qui renient les lois naturelles dont nous ne pouvons nous extraire sans drame écologique. C’est ce dont nous voulons mettre les Français à l’abri.

    M. Germinal Peiro. Quel enfilage de perles !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1749.

    M. Guillaume Chevrollier. On n’a cessé de nous affirmer que l’ouverture du mariage aux couples homosexuels se ferait sans préjudice pour les couples hétérosexuels, mais cette remise en cause juridique de la notion de parent, via la reconnaissance de l’adoption, est bien la preuve du contraire. C’est une nouvelle expression du mensonge qui caractérise votre projet.

    En effet, les enfants adoptables sont beaucoup moins nombreux que les couples en attente d’adoption. Rappelons les chiffres donnés par mes collègues : en 2012, 2 000 enfants étaient en attente d’adoption tandis que 25 000 couples étaient détenteurs d’agrément d’adoption.

    Ce phénomène va s’aggraver, car la plupart des pays qui confient des enfants à l’adoption, qu’il s’agisse de pays d’Afrique noire, d’Europe de l’est ou encore de la Chine, vont fermer leurs portes aux adoptants français. En effet ces pays sont farouchement opposés à l’idée de faire adopter leurs enfants par des couples homosexuels.

    Un autre effet de cette loi sera donc de rendre plus difficile l’adoption par les couples hétérosexuels.

    En fin de compte, le risque du préjudice concerne surtout l’enfant. Car il s’agit moins de sécuriser la situation de l’enfant que de donner l’illusion juridique d’être pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint homosexuel.

    Il existe déjà un moyen de garantir la protection des enfants élevés par des personnes de même sexe dont l’une est le parent biologique : la délégation-partage de l’autorité parentale.

    Mme Martine Lignières-Cassou. C’est un moyen très insuffisant !

    M. Guillaume Chevrollier. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe, ce n’est rien moins que l’ouverture automatique de l’adoption, de la reconnaissance juridique d’une filiation sociale niant la biologie, et à terme, de la multiparentalité.

    Dans ce contexte, il est difficile de prétendre que cela ne change en rien les règles du mariage pour les couples hétérosexuels, ni l’avenir et la construction de nos futurs enfants, adoptés ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin pour soutenir l’amendement n° 1960.

    M. Jacques Lamblin. Au-delà d’offrir aux couples homosexuels la capacité de contracter mariage, ce projet de loi a pour objet de permettre aux homosexuels de créer une famille et d’avoir des enfants. C’est clairement l’objectif de ce mariage.

    Ce n’est pas forcément celui qui est affirmé en premier, mais, au-delà de la régularisation de situations antérieures, qui servait initialement de justification, c’est surtout le futur qui est envisagé.

    Tout ce qui vient d’être dit permet de constater que les enfants adoptables sont peu nombreux en France. Il y a plus de possibilités à l’extérieur, mais, comme on vient de le dire, il y aura certainement des réticences au niveau des gouvernements étrangers, en tout cas de ceux qui sont hostiles au mariage homosexuel. Cela va donc entraîner un accroissement de la demande de conceptions médicalement assistées, telles que la PMA et la GPA.

    Vous connaissez mon hostilité absolue à la GPA, et toute mesure qui tend à la favoriser tôt ou tard doit absolument être bloquée au nom du refus de la marchandisation du corps de la femme.

    M. le président. La parole est à M. André Schneider pour soutenir l’amendement n° 2232.

    M. André Schneider. Mes chers collègues, reconnaissons qu’il y a une certaine cohérence : on nous a parlé du mariage des couples homosexuels, nous en prenons acte, puis de l’adoption, et bien entendu, les corollaires qui se dessinent sont la procréation médicalement assistée pour les dames et la GPA pour les hommes. Nous sommes hostiles à cette loi et à toutes ses conséquences, et c’est notre droit le plus absolu.

    Cet article porte sur des questions d’état civil. Si vous permettez que nous portions des appréciations sur les textes qui nous sont soumis, sa rédaction est d’un flou plus ou moins artistique sur le patronyme, le nom de famille, et ainsi de suite.

    Si cela ne touchait que les couples homosexuels, vous auriez bien entendu le droit d’être fidèles à votre logique. Le problème est que cette loi touche à l’ensemble des noms, que ce soit pour les enfants des couples homosexuels ou ceux des couples hétérosexuels. C’est totalement inadmissible, et je pense que la très grande majorité de nos concitoyens, que personne ici ne devrait mépriser, est d’accord avec nous sur ce point. Aussi je vous invite à adopter nos amendements.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2951.

    M. Philippe Meunier. Avec ce projet de loi, vous répondez à une attente, celle de tous les bobos, et surtout à leurs caprices. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    Pour satisfaire les demandes d’une minorité agissante, vous avez fait le choix de casser le code civil de tous les Français.

    M. Yann Galut. Caricature !

    M. Philippe Meunier. Non contents de casser la famille, vous avez décidé de bâillonner l’opposition en lui refusant le droit de s’exprimer sur les articles de cette loi. Ce faisant, vous ne laissez plus aux Français que la rue pour manifester leur opposition.

    Nous serons donc dans la rue le 24 mars prochain, avec tous les Français, de droite comme de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Pouzol. Non ! Pas tous les Français !

    M. Philippe Meunier. Ces Français sont scandalisés par votre volonté de servir la revendication d’une minorité au détriment de l’intérêt général, et surtout des enfants.

    Il est encore temps de vous ressaisir, et de retrouver ces valeurs qui font la République.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour soutenir l’amendement n° 3068.

    M. Patrick Hetzel. Je ne me lasse pas de rappeler au Gouvernement qu’il est vraiment dans une tentation démiurgique. Ce texte traduit d’ailleurs ce que le doyen Carbonnier appelait la « pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs », c’est-à-dire que le Gouvernement ne raisonne pas en terme d’intérêt général à long terme et de cohésion de l’ensemble de notre société, pour lesquels nous devrions intervenir collectivement, mais en terme de droits particuliers immédiats au bénéfice de quelques individus et, éventuellement, de quelques groupes spécifiques.

    Vous ne vous rendez pas compte qu’avec une telle rédaction de l’article 3, vous faites preuve d’une forme d’immaturité qui me fait penser au totalitarisme orwellien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vous invite à relire cet article 3, et plus spécialement ses alinéas 4 et 5. Leur rédaction est incompréhensible, comme différents collègues l’ont déjà mentionné.

    Tout cela est de l’enfumage, vous cherchez à masquer un certain nombre de choses. Heureusement que le débat parlementaire auquel nous avons procédé hier a permis de vous démasquer. Ainsi la journée d’hier a été une succession de couacs : la ministre chargée de la famille a dit une chose, la garde des sceaux une autre, un recadrage est venu de Phnom Penh, M. Le Roux, président du groupe PS, a encore dit autre chose avant d’être à son tour contredit par le rapporteur.

    M. Patrick Ollier. Quel cafouillage !

    M. Patrick Hetzel. Le débat parlementaire est là pour montrer aux Français que ce que vous êtes en train de faire est inacceptable, parce que vous perdez le sens de l’intérêt général. C’est pourquoi ces amendements doivent être adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer pour soutenir l’amendement n° 3159.

    M. Bernard Accoyer. Cet article propose rien moins que de révolutionner les modes d’attribution du nom de famille aux futurs enfants de France !

    Heureusement, comme le disait mon collègue Hetzel, que le débat dure suffisamment longtemps pour que les Français se rendent compte de ce que cachent les articles de ce texte, car non seulement ce projet de loi se propose de bouleverser sans l’avouer le Code civil mais de plus, sans aucune précaution, il revient sur la situation des couples mariés formés par un homme et une femme, comme cela prévaut jusqu’à aujourd’hui.

    D’autre part, il concerne tous les enfants à venir en France, sans la moindre étude sérieuse, reconnue, scientifique, sur les conséquences de ce bouleversement. Depuis l’ouverture de nos débats, des messages remontent, y compris à l’adresse des parlementaires de la majorité, pour exprimer une incertitude, un doute.

    Nous vous entendons souvent évoquer le principe de précaution à tout bout de champ, d’ailleurs de façon inappropriée car il ne s’applique pas pour la santé, mais pour l’environnement. Mais dans ce cas, n’y a-t-il pas matière à être précautionneux, prudents, attentifs aux conséquences sur l’éveil, la croissance, la réussite et l’équilibre psychologique des enfants à venir ?

    Il aurait suffi de créer une union qui répondrait à l’attente de cette minorité agissante qui vous a motivée, et de laisser les couples mariés formés d’un homme et une femme et leurs enfants suivre la destinée qui s’est avérée la plus sécurisante au cours du temps.

    M. André Schneider. Évidemment !

    M. Bernard Accoyer. C’est pour cela qu’il convient de supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti pour soutenir l’amendement n° 3303.

    Mme Bérengère Poletti. Vous prétendez depuis l’adoption du projet en conseil des ministres que c’est un texte sans conséquences pour les couples hétérosexuels. Mais, au fil de l’étude des articles de ce texte, nous voyons bien qu’il n’en est rien : ce texte affecte complètement les couples hétérosexuels. Outre le fait que la parentalité est touchée par la disparition de l’altérité, l’adoption sera fortement affectée, notamment l’adoption internationale.

    Or, les couples hétérosexuels se tournent majoritairement vers l’adoption internationale pour pouvoir adopter, et nous savons quelles sont les difficultés qu’ils vivent.

    Si nous adoptons ce projet de loi, plusieurs pays vont, pour des raisons religieuses, fermer l’adoption internationale aux pays qui accordent le droit à l’adoption aux couples homosexuels.

    Ensuite, les articles 2 et 3 mettent en place de véritables usines à gaz pour la transmission du nom. Combien de temps va-t-il falloir passer à répéter les choses aux parents ? Le droit relatif à la transmission du nom n’est pas forcément une chose évidente pour les parents, et vous le compliquez de manière importante.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais cela fait dix ans que c’est ainsi !

    Mme Bérengère Poletti. Il faudra donc non seulement répéter les choses aux chauffeurs de taxi, mais aussi aux parents, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.

    On pourrait s’éviter l’étude de telles usines à gaz, d’autant que des emplois disparaissent chaque jour, et que les gens ne comprennent pas que l’on donne une telle priorité à ce sujet alors que leur priorité, c’est l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Mais c’est vous qui faites durer le débat !

    M. Michel Pouzol. Cinq mille amendements !

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l’amendement n° 3894.

    M. Éric Woerth. Mme Poletti a évidemment raison quant à la hiérarchisation des problèmes.

    Ce texte casse beaucoup de repères : le repère de la filiation, le repère du nom, cela fait beaucoup. C’est pour cela que nous avons besoin de temps, pour expliquer les choses, et l’on voit bien qu’ainsi nous les faisons évoluer.

    Cela a été le cas pour montrer que le lien entre le mariage pour tous et la PMA pour tous était étroit. Cette PMA pour tous, que certains d’entre vous appellent de leurs vœux, a subi un certain nombre de difficultés dans la discussion interne au Gouvernement, et c’est tant mieux. Le calendrier est remis : nous aurons la possibilité d’en parler encore plus longtemps et d’expliquer de quoi il s’agit.

    Cela nous permet aussi de temps à autre d’expliquer au Gouvernement quel est le fondement de son texte, ce qu’il veut dire. C’est vrai en ce qui concerne cette question de la dévolution du patronyme. Nous voyons qu’il y a une évolution du Gouvernement sur ce sujet, et c’est aussi grâce à l’opposition.

    Les mesures d’obstruction de la majorité à l’encontre du temps de parole de l’opposition sont contraires à l’intérêt du pays car, sur de tels textes, nous devons pouvoir dire les choses avec clarté.

    M. Marcel Rogemont. C’est ce que vous avez fait pendant dix ans !

    M. Éric Woerth. Je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui un seul Français qui ait tout à fait compris qu’on allait changer le mode de dévolution des patronymes.

    M. Marcel Rogemont. Si ! On a compris !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob pour un rappel au règlement.

    M. Christian Assaf. Cela faisait longtemps !

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 relatif à la bonne organisation de nos débats. Nous avons siégé vendredi pendant treize heures, samedi pendant treize ou quatorze heures, et dimanche pendant vingt-deux heures et trente minutes.

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas énorme ! On peut faire mieux !

    M. Christian Jacob. Cet après-midi, nous siégeons à nouveau.

    Monsieur le président, je vois que la fatigue vous guette, et vous a même déjà atteint puisque vous avez oublié plusieurs de nos collègues, comme Xavier Breton,…

    M. Philippe Gosselin. M. Breton est une victime du président !

    M. Christian Jacob. …Yves Censi et Bernard Gérard qui étaient inscrits et que vous avez oublié d’appeler.

    M. Patrick Hetzel. Suspension ! (Sourires.)

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous le dis de manière un peu triviale : vous tirez un peu trop sur la machine ! (Sourires.)

    M. André Schneider. On se soucie de votre santé !

    M. Christian Jacob. Il faudrait ralentir le rythme de nos débats.

    À cette occasion, je vous propose de nous indiquer, au moment où vous lèverez la séance, comment vous comptez organiser les débats ce soir, de sorte que nous puissions nous organiser… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Séance jusqu’à huit heures !

    M. Christian Jacob. Mon cher collègue, lorsque vous aurez la capacité de vous faire élire à la présidence de l’Assemblée nationale, je vous interrogerai volontiers. Pour le moment, c’est au président et à lui seul que je m’adresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Monsieur le président, pouvez-vous nous dire à quelle heure vous entendez lever la séance cette nuit, de façon à ce que nous puissions nous organiser ?

    M. le président. Monsieur le président Jacob, ne vous inquiétez pas pour la machine : il y a du carburant ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. Nous voilà rassurés !

    M. le président. Il est cependant normal qu’au cours du débat, surtout lors de la défense répétitive d’amendements identiques, certains députés entrent et sortent de notre hémicycle.

    J’ai essayé de reprendre la liste des intervenants inscrits…

    M. Philippe Gosselin et M. Marc Le Fur. Mais chacun de nous est une individualité ! Nous ne sommes pas des numéros !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Rappel au règlement !

    M. le président. Non, il n’y aura pas de rappel au règlement après celui de M. Jacob.

    J’ai donc essayé de reprendre la liste des intervenants et, malgré l’inscription d’un grand nombre de députés sur les amendements, vous avez pu constater, monsieur le président Jacob, que, sitôt que j’aperçois quelqu’un que j’ai oublié du fait d’une mauvaise organisation de ma part, je lui donne la parole.

    Pour le reste, nous irons jusqu’à la fin de cette séance, et avant même de commencer nos travaux ce soir, nous nous verrons pour savoir exactement comment nous pourrons nous organiser.

    M. Bernard Accoyer. À quelle heure allez-vous lever cette séance ?

    M. le président. Vers vingt heures.

    Article 3 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3339.

    M. Xavier Breton. Monsieur le président, je regrette de ne pas avoir pu m’exprimer au moment de la discussion sur l’article.

    Je souhaite indiquer à M. le président de la commission des lois qu’on aimerait l’entendre sur le fond du texte plutôt que de le voir s’occuper de la police de l’Assemblée. J’aimerais savoir ce qu’il pense des nouvelles règles de dévolution du nom de famille. Je pense qu’en tant que président de la commission des lois il a un avis ! Plutôt que de le voir bâillonner l’opposition, on aimerait l’entendre sur le fond du texte !

    M. Lionel Tardy. C’est vrai !

    M. Xavier Breton. Depuis les nombreuses heures que nous siégeons, nous ne l’avons en effet jamais entendu parler du fond du projet.

    Comme un certain nombre de mes collègues, je voudrais dénoncer la mécanique implacable de ce texte. Je ne parle pas de la mécanique implacable qui va conduire du mariage à l’adoption, et de l’adoption à l’assistance médicale à la procréation puis à la gestation pour autrui. Je veux parler de la mécanique implacable qui consiste non seulement à ouvrir de nouveaux droits pour les couples de personnes de même sexe, mais également à dénaturer l’institution du mariage, à changer les règles de l’adoption et, dans l’article 3 de ce projet de loi, à modifier les règles relatives au nom de famille. Encore une fois, ce n’est pas simplement une petite partie de notre droit, mais l’ensemble qui est touché.

    Pour conclure, je voudrais dénoncer la confusion de la rédaction des dispositions qui nous sont proposées. Nos concitoyens doivent être effarés par l’écriture de certains alinéas ! Je vous lis par exemple l’alinéa 4 de cet article 3 : « Lorsque l’adopté et l’adoptant, ou l’un d’eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté. » On dirait du Raymond Devos ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. C’est vrai !

    M. Marc Le Fur. Qui a pu rédiger cela ?

    M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard pour soutenir l’amendement n° 3485.

    M. Bernard Gérard. Dans un monde où l’on rappelle sans cesse que les droits des enfants sont sacrés, ce sont en fait toujours ceux des adultes qui prévalent. Ce texte en est malheureusement une nouvelle fois la preuve. Il est totalement injuste de ne pas traiter les droits des enfants avec le même respect que ceux des adultes.

    Il est hypocrite de parler du mariage, puis de la filiation, comme de simples éléments de coordination d’un texte qui ne s’attacherait qu’au mariage pour tous.

    Traiter les enfants qui seront adoptés par des couples hétérosexuels de la même manière que ceux qui le seront par des couples homosexuels est profondément et fondamentalement inégal. Cette inégalité entre les enfants est très grave. Cette question aurait d’ailleurs mérité l’organisation d’un grand débat national et d’états généraux de la famille, que nous demandons depuis très longtemps. Je ne peux que regretter l’attitude de la majorité.

    Notre amendement de suppression est parfaitement justifié, car l’article 3 entraîne un bouleversement complet que les Français ne sont pas prêts à accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi pour soutenir l’amendement n° 3850.

    M. Yves Censi. Monsieur le président, je ne suis pas mécontent que vous ayez donné la parole à Éric Woerth avant moi dans le cadre du débat sur les patronymes. Mon cher Éric Woerth, avec l’évolution juridique de l’attribution des patronymes – faut-il d’ailleurs encore parler de patronyme après les déclarations de Mme Mazetier, puisque le patronyme désigne le nom du père ? –, votre nom est malheureusement voué à disparaître, de même que le nom de Zeller par exemple !

    M. Bernard Accoyer. Ou d’Ueberschlag !

    M. Yves Censi. On prévoit maintenant une évolution des noms complètement technocratique !

    Madame la ministre de la famille, j’espère que vous profitez ardemment de nos débats d’aujourd’hui, car vous n’avez pas assisté à ceux de la nuit dernière sur les patronymes.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est inélégant !

    M. Yves Censi. C’est bien dommage, parce que nous sommes allés au fond des choses ! Je suis heureux que chacune des interventions de l’opposition, même si elles vous lassent, permette d’aller au fond des choses et d’éclairer ce débat.

    Tout à l’heure, j’ai entendu Mme Narassiguin intervenir sur l’article et je n’ai pas eu l’impression que sa contribution était essentielle à nos échanges.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oh !

    M. Yves Censi. Elle a dit qu’il fallait tout simplement voter cet article parce qu’il s’agit d’un article de coordination. On est là dans la technique juridique.

    J’aimerais que nos débats de la nuit dernière soient restitués à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, car nous avons évoqué l’aspect symbolique ; nous avons fait appel à Paul Ricœur et à ce qu’il appelait l’« identité narrative » dans la construction de la personnalité.

    M. Marc Le Fur. Écoutez, madame la ministre ! Prenez un peu de hauteur !

    M. Yves Censi. Nous avons également évoqué le processus d’acculturation de notre société que vous êtes en train d’organiser sur la base d’une doctrine que vous avez à notre goût trop rapidement développée.

    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

    M. Yves Censi. Monsieur le président, il s’agit d’un débat de fond ! J’aimerais donc…

    M. le président. La parole est à M. Bernard Debré pour soutenir l’amendement n° 4095.

    M. Bernard Debré. Après avoir amoindri – si ce n’est rayé – les liens biologiques, ce sont les liens patronymiques que vous allez couper. Comment les enfants vont-ils s’y retrouver ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Très bien !

    M. Bernard Debré. Nous sommes en train de créer des enfants hors sol, qui seront totalement déboussolés.

    M. Jacques Bompard. Bien sûr !

    M. Bernard Debré. Je crains que cela ne soit extrêmement grave. On parle du droit d’aimer : c’est tout à fait naturel, mais il faut aussi parler du droit des enfants que l’on a totalement oubliés ! Encore une fois, dans ce texte, on ne parle plus des enfants ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard pour soutenir l’amendement n° 4519.

    Mme Annie Genevard. Avec cet article, le père adoptif dans un couple hétérosexuel n’a plus la primauté dans la transmission du nom à l’enfant. Chers collègues de la majorité, je veux souligner l’incohérence de vos positions. Vous modifiez les règles de transmission du nom au motif de l’égalité des sexes et de la lutte contre la discrimination dont les femmes pourraient être victimes. Mais ces raisons ne vous ont pas empêchés de voter contre notre amendement tendant à privilégier le lien mère-enfant ! Elles ne vous ont pas empêchés non plus de voter contre notre amendement tendant à interdire la publicité sur internet pour des pratiques visant à la marchandisation du corps de la femme ! Elles ne vous ont pas empêchés de poser une question écrite en vue de débaptiser les écoles maternelles ! Pourquoi ne pas supprimer demain le mot « maternité », ou bien la fête des mères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Ah non, pas la fête des mères !

    Mme Annie Genevard. D’un côté, vous demandez la suppression de la primauté donnée au père dans la transmission de son nom à l’enfant biologique ou à l’enfant adopté. Mais d’un autre côté, de façon incompréhensible, vous ne nous suivez pas sur le sujet majeur qu’est la défense des femmes dans leur intégrité physique et dans leur fonction maternelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller pour soutenir l’amendement n° 5152.

    Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le président, je vous remercie de nous laisser la possibilité de nous exprimer. Je rappelle que le droit d’amendement est une prérogative du Parlement et qu’il nous donne la possibilité de débattre. Ce débat était biaisé, puisque deux tiers des personnes auditionnées par le rapporteur étaient favorables à ce texte. Je vous saurais donc gré de ne pas bafouer les droits de l’opposition.

    Je reprendrai les arguments de mes collègues, car il est parfois bon de marteler des arguments simples. Près de 25 000 foyers français bénéficient d’un agrément d’adoption depuis plusieurs années. Il y a 2 000 enfants adoptables en France et 3 500 adoptions internationales par an. Or, comme mes collègues vous l’ont rappelé, certains pays étrangers risquent de fermer les possibilités d’adoption si le projet de loi est adopté en France, ce qui créerait donc une discrimination à l’encontre des couples hétérosexuels. L’adoption par des couples hétérosexuels prend parfois environ huit ans, car il y a parfois, derrière une demande d’adoption, des tentatives de PMA qui ont échoué. Concrètement, c’est au bout de huit ans qu’un couple hétérosexuel peut prodiguer de l’amour à un enfant.

    Par ailleurs, votre projet de loi va institutionnaliser une pratique sur laquelle nous n’avons aucun recul. Nous allons nier la différence biologique. La dimension affective est importante. Pour les enfants adoptés, le moment de l’adolescence constitue toujours un passage difficile, et votre projet va créer une difficulté supplémentaire.

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    Mme Virginie Duby-Muller. Finalement, l’article 3 crée une injustice. Il est inique. C’est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter mon amendement de suppression.

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec pour soutenir l’amendement n° 5305.

    M. Yannick Favennec. Présenté comme un simple article de coordination, l’article 3 – tout comme l’article précédent, d’ailleurs – modifie en réalité en profondeur les règles de dévolution du nom de famille en cas d’adoption simple. Il n’est pas acceptable de minimiser l’importance de telles modifications, qui bouleversent les règles applicables en matière d’adoption et qui auront par ailleurs également des conséquences pour les couples de personnes de sexe différent.

    En l’état actuel du droit, en cas de désaccord ou d’absence de choix des deux parents, c’est le premier nom du mari qui s’ajoute au premier nom de l’adopté en la forme simple. Avec ce projet de loi, c’est le premier nom de parent dans l’ordre alphabétique qui s’ajouterait au premier nom de l’adopté ; la même règle s’appliquerait aux couples de personnes de même sexe.

    Le droit actuel découle de la loi du 4 mars 2002 relative aux noms de famille, modifiée ensuite par la loi relative à la dévolution du nom de famille. La loi de 2002 avait déjà bouleversé les règles relatives aux noms de famille : il ne semble pas utile d’ajouter encore plus de complexité au droit actuel en procédant à la réécriture de l’article 363 du code civil. C’est pourquoi le groupe UDI demande la suppression de l’article 3.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller pour soutenir l’amendement n° 5344.

    M. Pierre Lequiller. À travers cette discussion sur les patronymes, on parle bien sûr du maintien pour l’enfant de la possibilité de rechercher ses parents.

    Madame la garde des sceaux, vous avez dit que nous divergions. Je vous le confirme : nous divergeons sur le sujet de l’adoption internationale, qui sera rendue de plus en plus difficile par la loi que vous souhaitez faire voter.

    Nous divergeons sur la PMA de convenance, car l’enfant a toujours droit à la recherche de ses origines.

    Nous divergeons encore plus sur la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous disiez tout à l’heure, madame la garde des sceaux, que vous aviez répondu à toutes les questions que l’on vous avait posées. C’est faux !

    Après Claude Goasguen, après Christian Jacob, je vous repose la question. Après la circulaire que vous avez signée sur la GPA, et qui résout le problème des enfants, reste le problème des pères qui ont violé la loi et la morale en allant à l’étranger pour recourir aux services d’une mère porteuse, contribuant ainsi à la marchandisation des corps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Madame la garde des sceaux, prévoyez-vous une circulaire pour appeler les procureurs à poursuivre les pères qui participent à de tels scandales ?

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour un rappel au règlement. Vous avez très patient, monsieur Tardy, et j’espère que vous allez faire un vrai rappel au règlement…

    M. Yves Durand. J’en doute !

    M. Lionel Tardy. Bien sûr, monsieur le président ! Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux.

    Nous sommes un certain nombre de députés à ne pas appartenir à la commission des lois, un certain nombre à ne pas avoir pu nous exprimer dans la discussion générale, et un certain nombre, je le regrette, à n’avoir pu assister aux débats de ce week-end dans l’hémicycle car nous étions dans nos circonscriptions pour manifester, chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Dolez. Il faut choisir !

    M. Lionel Tardy. Nous sommes également un certain nombre à ne pas avoir déposé d’amendements sur l’article 3. La limitation à deux du nombre d’orateurs par article a donc fait que ni moi ni certains de mes collègues n’ont pu s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Aussi souhaité-je, monsieur le président, que, sur l’article 4, les députés qui n’ont pas déposé d’amendements puissent s’exprimer sur l’article.

    M. Michel Issindou. Non !

    M. le président. Nous n’en sommes pas encore à l’article 4. Je consulterai le président de la commission des lois sur ce qu’il conviendra de faire. Mais rassurez-vous, monsieur Tardy, vous étiez bien représenté ce week-end… (Sourires .)

    M. Lionel Tardy. Cela n’y change rien !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Cela fait une heure, monsieur le président, que le site de l’Assemblée nationale est saturé…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela montre que l’opposition n’est pas bâillonnée !

    M. Patrick Hetzel. …et que nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national ne peuvent plus se connecter à nos débats.

    M. Yann Galut. Cela veut dire qu’on ne peut pas limiter Tweeter !

    M. Patrick Hetzel. Cela est regrettable et montre si besoin était que, de toute évidence, il fallait un débat national.

    Sur des débats concernant des sujets de société, il faudra prendre un certain nombre de mesures pour augmenter la capacité de nos systèmes informatiques et de circulation de l’information de telle sorte que les débats puissent être diffusés : nos concitoyens le réclament. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Hetzel, sans vouloir être désagréable avec la majorité précédente, je fais avec le site que j’ai trouvé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mais je vous rassure : j’ai demandé à l’administration et aux questeurs de me faire des propositions pour moderniser le site et le rendre plus accessible.

    M. Bernard Accoyer. Vous pourriez faire des économies en évitant de faire siéger l’Assemblée la nuit, et les investir dans la modernisation du site !

    M. le président. Ne vous en faites pas : nous allons pouvoir y consacrer les économies dégagées par la disparition d’un des deux groupes de l’UMP (Rires sur de nombreux bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Si on me cherche, on me trouve… M. Jacob a ainsi la réponse à sa question : il me reste un peu de carburant ! (Sourires.)

    Article 3 (suite)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 83 à 5344 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 3 tire les conséquences de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe en matière de règles de dévolution du nom de famille pour l’adoption simple.

    Quelles sont aujourd’hui les règles en vigueur ? Aux termes de l’article 363 du code civil, « l’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. » Et inversement. L’ajout des deux noms répond à la philosophie de l’adoption simple.

    M. Lionel Tardy. C’est compliqué !

    M. Christian Jacob. Vous avez eu un peu de mal à lire cet article, monsieur le rapporteur, ce qui nuit à la clarté du débat.

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’adoption simple, à la différence de l’adoption plénière, ne rompt pas les liens de l’enfant avec sa famille biologique, d’où la possibilité de garder son nom et d’ajouter celui des adoptants.

    Évidemment, les situations ne sont pas toujours simples : les adoptants comme l’adopté, peuvent avoir des doubles noms, ou les deux parents adoptants avoir chacun un nom différent. Dans ces cas, il faut que le code civil prévoie des règles, un cadre.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Tout à fait !

    M. Erwann Binet, rapporteur. En cas de désaccord entre les parents ou d’absence de choix de leur part, le code civil doit également prévoir des solutions.

    M. Marc Dolez. Bien sûr !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Certes, tout cela est compliqué, mais l’on a bien vu dans votre argumentation que vos réticences portaient bel et bien sur votre opposition à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, et non sur la complexité du dispositif. Avis défavorable de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Accoyer. Une nouvelle fois, vous ne parlez pas de l’enfant !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je vais précisément en parler, monsieur Accoyer.

    M. Christian Jacob. Vous auriez dû être là cette nuit pour en parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Ne polémiquons pas !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Jacob, j’ai découvert le machisme ordinaire lorsque je suis entrée en politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Cela n’a rien à voir !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Lorsque j’ai été choisie pour représenter mon parti, je me suis entendue dire que pour prendre une veste, une femme ferait bien l’affaire. Depuis le temps, j’ai le cuir tanné en matière de machisme ordinaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Alain Marc. Rien à voir avec notre remarque !

    M. le président. Vous avez souhaité la présence de Mme Bertinotti, au moins écoutez-là !

    M. Bernard Accoyer. Pourquoi n’était-elle pas là cette nuit ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. S’agissant de l’adoption internationale, il est un point sur lequel nous pouvons tous être d’accord, à savoir la baisse substantielle et incontestable du nombre d’enfants adoptables au niveau international. Cette baisse est liée au fait que, dans nombre de pays, l’amélioration de la situation économique allant de pair avec le développement des classes moyennes, ce sont les classes moyennes de ces pays qui sont privilégiées lorsqu’il y a des enfants qui sont en situation d’être adoptés. Vous serez d’accord, dans la mesure où vous êtes très attachés à l’intérêt supérieur de l’enfant,…

    M. Christian Jacob. J’espère que vous aussi !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …sur le fait qu’il vaut mieux que ces enfants puissent être adoptés par des personnes de leur pays.

    M. Claude Goasguen. Et alors ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Sur ce point, nous sommes tous d’accord.

    Mme Sophie Dion. Oui !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Concernant l’autre point, je considère que vous jouez à nouveau sur les peurs.

    M. Alain Marc. Quel est le rapport ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est d’autant plus inadmissible que vous voulez faire peur à des familles qui sont dans l’espérance de pouvoir un jour adopter. Selon une technique bien éprouvée, vous êtes en train de chercher à dresser les familles hétérosexuelles et homosexuelles les unes contre les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Censi. C’est vous qui le faites !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Au nom du principe de l’égalité, on ne peut l’admettre.

    M. Christian Jacob. Rien à voir avec nos remarques !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous le dis d’autant plus fortement que rien ne justifie ce que vous dites.

    M. Bernard Accoyer. Vous ne répondez pas sur le fond !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pourquoi ? Une procédure mise en œuvre par les autorités centrales des pays d’origine leur permet de sélectionner les familles. Si un pays ne veut que des couples hétérosexuels, il peut faire ce choix.

    M. Christian Jacob. On le sait !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela n’aura pas d’impact sur l’hypothèse que des pays pourraient se fermer parce que, brusquement en France, on aura ouvert la possibilité d’adopter à des couples homosexuels. Je le dis très clairement.

    Nous disposons de quelques exemples en Belgique ou aux Pays-Bas, pays qui ont ouvert le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Aucun pays d’origine n’a fermé l’adoption aux couples hétérosexuels ni homosexuels de ces pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cessez de brandir cette menace selon laquelle des pays fermeraient leurs frontières et interdiraient à des familles hétérosexuelles de continuer à bénéficier de l’adoption.

    M. Patrick Ollier. C’est l’Association française de l’adoption elle-même qui le dit !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous ai entendu dire des familles hétérosexuelles qui voulaient adopter qu’elles le faisaient dans le but de prodiguer de l’amour à un enfant. Je vous demande de reconnaître les mêmes aspirations aux familles homosexuelles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. On ne vous a pas attendue pour le dire !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne supporterais pas que, s’agissant des couples hétérosexuels, on appelle cela « prodiguer de l’amour à un enfant », tandis que, s’agissant des couples homosexuels, on parle de « droit à l’enfant ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Je m’étonne de cet émoi que semblent ressentir nos collègues de l’opposition par rapport à la dévolution du nom. Pendant des décennies, ce que l’on appelait le nom de jeune fille disparaissait au moment du mariage.

    M. Hervé Mariton. Cela n’a jamais été le cas !

    Mme Marie-George Buffet. Personne ne s’en est jamais ému ni n’a pensé que cela pouvait couper la femme de son histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Première remarque.

    Ma deuxième remarque, je l’adresse à un seul d’entre vous, car je ne veux pas y associer l’ensemble des membres de l’opposition. Monsieur, la souffrance et l’exigence de droits des homosexuels ne sont pas une affaire de « bobos ».

    M. Philippe Meunier et M. Philippe Vitel. Si ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme Marie-George Buffet. Non ! Dans tous les territoires, ruraux ou urbains, il y a des hommes et des femmes qui veulent se voir reconnaître leurs droits.

    M. Philippe Meunier. On a compris !

    Mme Marie-George Buffet. Cette loi, monsieur, est encore plus importante pour des hommes et des femmes homosexuels qui vivent dans des quartiers ou des zones où l’on leur conteste, plus qu’ailleurs, le droit à ce choix de vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

    Je le dis avec force parce que vos propos sont iniques. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Meunier. Ce n’est pas nous qui avons besoin de sonotones ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Ma troisième remarque porte sur les peurs que vous agitez. Au lieu de mettre en concurrence les familles hétérosexuelles et les familles homosexuelles qui veulent donner de l’amour à un enfant en l’adoptant, vous devriez encourager la France à mener une action contre l’homophobie d’État et à faire en sorte que, dans les conventions bilatérales, dans les réunions internationales, l’homophobie soit combattue afin de la faire reculer. C’est de cela que nous avons besoin au niveau international ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l’article 3. L’article 2 traitait de l’adoption plénière et des conditions de dévolution du nom. L’article 3 traite de l’adoption simple, je n’y reviens pas : plusieurs d’entre vous, notamment le rapporteur, ont rappelé la différence des procédures et les conséquences de l’adoption plénière ou de l’adoption simple.

    Mme la ministre de la famille a exprimé avec précision les raisons majeures pour lesquelles il y a moins d’enfants à adopter dans le cadre des procédures internationales ; raisons essentiellement liées à l’évolution de ces pays et à l’amélioration du niveau de vie et des demandes d’adoption internes à ces pays. Nous n’avons aucune raison de ne pas nous en réjouir même si nous avons bien conscience que cela réduit le nombre d’enfants qui peuvent être adoptés par des familles hétéroparentales ou homoparentales.

    Toutefois, nous avons des valeurs qui s’imposent en toutes circonstances et nous nous réjouissons que des pays, où certains allaient faire leur marché, connaissent une amélioration de leur niveau de vie qui fait que moins d’enfants peuvent être reçus en adoption.

    Par ailleurs, il est extrêmement important que la France puisse s’engager en matière d’amélioration des conditions d’adoption. Elle le fait car elle est fondée légitimement à le faire, compte tenu de la qualité de ses procédures d’adoption. Personne ne peut dès lors prétendre qu’il pourrait y avoir une concurrence entre les couples hétérosexuels et les célibataires, d’une part, et les couples homoparentaux, d’autre part.

    M. Hervé Mariton. L’Agence nous l’a dit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si l’Agence l’a dit de manière prospective, elle a tort.

    M. Hervé Mariton. Ah bon ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les règles de la République interdisent les discriminations et cette discrimination -là ne sera pas plus tolérée que les autres. Une fois que la loi aura établi l’égalité entre les familles hétéroparentales et les familles homoparentales, il n’y a pas de raison pour qu’une distinction soit faite entre elles, que cela soit par le conseil de famille, par les conseils généraux lors de la procédure d’agrément ou par les magistrats qui prononceront l’adoption.

    En effet, les décisions d’adoption ne sont prononcées que sur le fondement de l’intérêt de l’enfant, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant mais aussi dans notre code civil, à l’article 353. La question n’est pas l’orientation sexuelle. Seule compte la prise en considération, à partir de critères vérifiés, de la sécurité, de la protection et l’intérêt supérieur des enfants.

    Si un fonctionnaire s’affranchissait des obligations légales auxquelles il est soumis pour choisir selon ses préférences personnelles, alors il exercerait un droit abusif.

    M. Claude Goasguen. C’est le pays d’origine des enfants à adopter qui est en cause !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous veillerons à ce que cela ne soit pas le cas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Enfin, monsieur Jacob, mettez un terme à ce devoir que vous vous faites à vous-même d’être désobligeant. Quelles sont les raisons intérieures qui vous poussent à adopter une telle attitude à l’égard de Mme la ministre de la famille ?

    M. Christian Jacob. J’estime simplement qu’être membre du Gouvernement implique d’être responsable devant l’Assemblée ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Jacob, je vous en prie.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis mardi, quel que soit l’article, quel que soit l’amendement, vous présentez exactement les mêmes arguments : c’est le même débat ! Il se trouve que cette nuit, à l’occasion de la discussion d’amendements de l’opposition qui concernaient exceptionnellement le code civil, sur lequel ils devraient normalement toujours porter, alors que nous avons dû affronter des amendements modifiant le code de la santé publique et le code pénal, vous avez fait pendant des heures une fixation sur la ministre de la famille.

    Mais peut-être avez-vous aussi des raisons extérieures pour être à ce point désobligeant ?

    M. Christian Jacob. Seul l’honneur de la République m’importe !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Compte tenu du déroulement des débats, du contenu des articles et des amendements, aucune raison ne justifie une telle attitude de votre part. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Quel goujat !

    M. le président. Je vous demande aux uns et aux autres de retrouver votre calme. Vous n’allez pas vous mettre dans des états pareils alors qu’il nous reste une demi-heure de débat !

    La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. J’aimerais dire tout d’abord combien j’ai été surpris par l’argument du machisme que Mme Bertinotti a employé en réponse à Christian Jacob, qui lui reprochait de ne pas avoir été présente pendant les débats sur ce texte qui concerne la famille alors qu’elle est ministre de la famille.

    Madame la ministre, ce n’est pas parce que vous êtes une femme que M. Jacob vous a fait ce reproche, mais parce que vous êtes ministre ! Ce n’est pas votre condition féminine qui vous dispense de remplir normalement vos fonctions de ministre. Ce n’est pas votre condition féminine qui vous exonère de vos responsabilités ministérielles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je trouve amusant que vous niiez votre féminité dans la parenté et que vous la revendiquiez dans la tenue des débats parlementaires.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Vous ne pouvez pas laisser passer cela, monsieur le président !

    M. Xavier Breton. Je voudrais également vous indiquer, madame la ministre, que ces dispositions auront des répercussions sur l’adoption par les couples hétérosexuels.

    L’Agence française de l’adoption craint en effet que le projet d’ouverture aux couples homosexuels ou plutôt aux couples de personnes de même sexe – car pour moi, il ne s’agit pas d’orientation sexuelle mais simplement d’état corporel – ne nuise aux familles cherchant à adopter un enfant à l’étranger. Elle n’a pas tort, il faut l’écouter. C’est vous qui lui déniez toute légitimité : votre aveuglement vous conduit à rejeter tous les arguments de fond.

    Enfin, si nous souhaitons supprimer cet article 3, c’est parce qu’il se situe dans votre logique implacable qui consiste à changer complètement les règles du mariage, de filiation, de dénomination. C’est aussi parce que sa rédaction est marquée par une confusion complète.

    Nous voterons donc pour ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur les amendements identiques n° 83 à 5344, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Nicolas Dhuicq. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Dhuicq. Eh oui, tel MacArthur, je reviens ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Depuis que l’homme est homme, il nomme les choses. Et c’est par le nom qu’il les crée. Il fut un temps où seuls les puissants avaient le droit de porter un nom. Vous acculturez les populations et détruisez l’histoire en permanence. Cette œuvre de destruction, vous la poursuivez. Dans le même temps, vous n’avez que le mot égalité à la bouche. La République n’a pas de sexe. C’est la fonction qui oblige, non le genre. Lorsque nous interpellons les ministres du Gouvernement, ce n’est pas sur leur genre, sur leur comportement intime, c’est sur leurs fonctions. C’est parce que c’est la fonction qui prime que le français emploie un seul genre – le masculin – quand le latin en avait trois. Si la fonction l’emporte sur le genre, c’est par souci d’égalité et non pour des raisons liées à l’oppression des femmes. Il faudra vous le rappeler sans cesse.

    Il y a un grand pays qui s’appelle la Fédération de Russie. Nous pouvons ne pas être d’accord sur tout avec elle, mais il est sûr qu’elle reverra inéluctablement tous ses accords avec la République française. Les Russes n’accepteront jamais cette loi ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Madame la ministre, comme les quatre cinquièmes des enfants adoptés viennent de l’étranger, nous serons confrontés à une diminution du nombre d’enfants à adopter. Vous créerez à force d’inégalités une discrimination sur le genre. C’est une régression monstrueuse que vous apportez à la civilisation. (Vifs applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Messieurs de l’opposition, nous ne sommes pas dupes de votre manœuvre. Je vais m’en expliquer.

    M. Patrick Hetzel. Discrimination : il y a aussi des femmes !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Sous prétexte d’une remise en cause juridique de la notion de parents, du prétendu préjudice matériel que subirait le candidat hétérosexuel à l’adoption internationale, de la négation de la biologie, il s’agit en fait pour vous de remettre en cause l’adoption pour un couple de même sexe. Et lorsque vous traitez les homosexuels de « bobos », quel mépris pour eux !

    Sur l’adoption internationale, vous avez eu les réponses de Mmes les ministres. Mais préoccupons nous aussi des enfants qui, parce qu’ils sont plus âgés, parce qu’ils ont des besoins spécifiques, ne trouvent pas en France de familles pour les adopter. Que faites-vous en ce cas de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Ne pensez-vous pas que certaines familles, quel que soit le sexe des parents, pourraient trouver des enfants à aimer ?

    Et puis, il faut penser aussi à l’adoption intrafamiliale. Le projet de loi vise aussi à assurer davantage de sécurité juridique aux enfants concernés en faisant du parent social un vrai parent. N’est-ce pas là dans l’intérêt de l’enfant ?

    Vous évoquez la délégation-partage – une avancée de la gauche, rappelons-le. Or vous savez très bien qu’elle tombe en cas de séparation des parents. Où est l’intérêt de l’enfant ?

    M. Hervé Mariton. Il y a aussi l’adoption testamentaire !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous parlez encore de l’effectivité du droit. Eh bien, moi, j’ai envie de vous demander ce qu’il en est de l’effectivité de la loi DALO quand vous supprimez les aides à la pierre. Si telle est votre conception de l’effectivité du droit, je préfère la nôtre.

    M. Hervé Mariton. Hors sujet !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ensuite, s’agissant de la filiation biologique, rappelons que la possession d’état a permis d’introduire une autre notion.

    Enfin, en matière de nom, rien ne sera changé : si vous avez envie de donner le nom du père, vous donnerez le nom du père ; si vous voulez donner deux noms, vous donnerez deux noms.

    M. Hervé Mariton. La procédure change !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce n’est pas parce que la loi donne la possibilité de donner deux noms qu’elle exclut la possibilité de n’en donner qu’un.

    La discrimination chez vous est à géométrie variable. Pour nous, il n’y a qu’un critère : l’égalité.

    Je terminerai en vous rappelant les mots d’un certain candidat : « L’âme de la France, c’est l’égalité. » Nous, l’égalité, nous sommes en train de la faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

    Mme Patricia Adam. Cela fait dix ans que je siège dans cet hémicycle, et j’ai participé à diverses structures. J’ai présidé avec Michèle Tabarot le groupe d’études sur l’adoption, où nous avons traité de ces questions pendant de nombreuses années. Je me suis également penchée sur les lois bioéthique.

    S’agissant de l’adoption, à l’étranger comme en France, toutes les données que l’opposition a mises en avant sont inexactes. La ministre l’a bien montré. S’il y a diminution des adoptions en France, c’est tout simplement que les pays d’origine se sont ouverts au développement et que des familles à l’intérieur même de ces pays accèdent à l’adoption.

    M. Hervé Mariton. C’est l’Agence qui nous a dit qu’il y avait concurrence !

    Mme Patricia Adam. Aucun des pays ayant légalisé le mariage homosexuel n’a connu de diminution des adoptions.

    M. Hervé Mariton. On voit que vous n’avez pas assisté aux auditions !

    Mme Patricia Adam. Ces éléments erronés, vous les exposez simplement pour faire peur, dans l’espoir peut-être que les familles qui attendent d’adopter un enfant viennent rejoindre vos rangs, ce qui serait une très mauvaise chose. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 407, 421, 471, 530, 570, 607, 720, 989, 1238, 1366, 1394, 1593, 1693, 1749, 1960, 2232, 2951, 3068, 3159, 3303, 3339, 3485, 3850, 3894, 4095, 4519, 5152, 5305, 5344.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 227

    Nombre de suffrages exprimés 226

    Majorité absolue 114

    Pour l’adoption 84

    contre 142

    (Les amendements identiques nos 83, 407, 421, 471, 530, 570, 607, 720, 989, 1238, 1366, 1394, 1593, 1693, 1749, 1960, 2232, 2951, 3068, 3159, 3303, 3339, 3485, 3850, 3894, 4095, 4519, 5152, 5305, 5344 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4773.

    Mme Annie Genevard. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 à 6.

    J’aimerais revenir sur les propos qui viennent d’être tenus sur les conséquences qu’aura cette loi sur le fonctionnement de l’adoption internationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Voici un extrait de document portant sur les chiffres de l’adoption en Belgique, après le vote de la loi ouvrant l’adoption au mariage homosexuel. « Dans les faits, la France pourrait ainsi se retrouver dans la même situation que la Belgique. L’adoption par les couples de même sexe y a été autorisée en 2006. Mais en six ans, aucune adoption internationale par un couple homosexuel n’a été enregistrée officiellement. »

    Pourquoi ? « Parce que les pays avec lesquels nous travaillons ne veulent pas confier d’enfants à des couples de même sexe », indique Verlaine Berger, porte-parole d’Arc-en-ciel, fédération wallonne d’associations LGBT. Et d’ajouter : « Pour les pays d’Afrique noire, d’Europe de l’Est ou la Chine, c’est un refus catégorique. »

    C’est la démonstration de ce que nous vous disons depuis le début de l’examen de l’article 2 et de l’article 3 : cette loi aura fatalement des incidences sur l’adoption, et c’est mentir que de prétendre le contraire.

    M. Hervé Mariton. Très bien !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Je précise à Mme la députée que, d’une manière générale, l’adoption internationale décline depuis pratiquement dix ans. Ce n’est donc pas parce qu’aucune famille homoparentale n’a pu adopter d’enfants dans ces pays que ceux-là se sont fermés à l’adoption ; d’autant que les familles hétéroparentales ont pu continuer à adopter, même après que la Belgique a adopté la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels.

    M. Claude Goasguen. Et alors ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà ce que nous disons ! Il est faux de prétendre que, du fait de notre loi, ces pays partenaires se fermeraient à l’adoption internationale ; inutile d’agiter un chiffon rouge ! Le reste relève de leur souveraineté : de la même façon que nous avons nos procédures, ces pays ont établi les leurs, dans lesquelles ils apprécient les situations comme ils l’entendent.

    M. Yves Censi. Parce que vous avez légalisé la GPA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous aurez encore mille et une occasions de nous refaire le débat sur la PMA, la GPA, etc. – sans parler du clonage, que vous avez oublié de mentionner !

    Cela aurait été probant si ces pays s’étaient fermés à l’adoption pour les familles hétéroparentales également ; or, ce n’est pas le cas !

    M. Hervé Mariton. Cela a compliqué les choses !

    M. le président. Sur l’amendement n° 4773, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Cet article n’est pas une usine à gaz : c’est un complexe gazier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est quelque chose d’extraordinairement lourd et important, et je ne suis pas sûr que cela résolve tous les cas.

    Nous avons évoqué un certain nombre de ces cas aujourd’hui, sans obtenir de réponse sérieuse de la part du Gouvernement. La réalité, au fond, c’est que le Gouvernement, n’écoutant probablement que ses bons sentiments – je ne remets pas en cause vos intentions –, est en train de créer un texte dont il ne mesure pas l’ensemble des conséquences. Incidence sur la filiation, incidence sur l’adoption, confusion sur le nom : nombre de questions restent sans réponse, sur un texte qui déstructurera une bonne partie des repères de notre société.

    Vous avez peut-être encore un peu de temps pour revenir sur ce texte ; nous vous le demandons, et en tout état de cause nous vous demandons de ne pas voter cet article 3.

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

    Mme Chantal Guittet. Une fois de plus, cet amendement vous donne l’occasion de montrer votre hostilité au mariage des couples homosexuels et à leur droit d’adoption.

    Vous nous faites part de votre exigence de clarté ; je pense qu’il serait plus utile de revenir à l’article dont nous débattons que de nous égarer dans des considérations qui n’ont rien à voir avec l’amendement.

    M. Michel Pouzol. Absolument !

    Mme Chantal Guittet. En adoptant l’article 1er, nous avons ouvert le mariage aux couples homosexuels. Il s’agit donc simplement d’adapter les dispositions du code civil à l’article que nous avons voté.

    M. Yves Censi. Mais bien sûr !

    Mme Chantal Guittet. M. Woerth parle d’usine à gaz, et M. de Mazières nous a indiqué que ce texte s’adressait à une élite.

    Je suis un peu étonnée car je connais, dans ma région, des couples qui n’ont pas forcément fait l’ENA, Polytechnique ni des études supérieures, et qui choisissent pourtant de donner à leurs enfants les noms des deux personnes qui les élèvent ; et cela ne leur paraît pas complètement insurmontable !

    M. Marc Le Fur. Alors restons-en là !

    Mme Chantal Guittet. Cette disposition ouvre simplement aux couples homosexuels la possibilité qui était déjà offerte aux couples hétérosexuels. Voilà tout ce que cela change.

    M. Marc Le Fur. Non !

    Mme Chantal Guittet. Pour en revenir à votre amendement, je suis un peu étonnée, car je ne comprends pas très bien le rapport entre votre exposé des motifs et le contenu de votre amendement.

    Vous faites en effet le lien avec la présomption de paternité qui, exclusivement réservée aux couples hétérosexuels, serait ainsi discriminatoire. Si elle vous gêne, vous n’avez alors qu’à proposer de supprimer cette présomption de paternité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Certes non !

    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4773.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 220

    Nombre de suffrages exprimés 220

    Majorité absolue 111

    Pour l’adoption 81

    contre 139

    (L’amendement n° 4773 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs demandes d’explications de vote sur l’article 3.

    La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. En tant que représentant d’un petit groupe, je vous remercie, monsieur le président, de nous donner la parole.

    Cet article 3 revêt deux aspects, l’un politique, qui me convient parfaitement, et l’autre technique, sur lequel je dois avouer que je me pose plusieurs questions. Cette disposition est en effet très complexe, notamment par rapport à la loi que nous avons votée en 2002 : nous avions alors considérablement compliqué la loi existante sur le droit au nom, notamment avec le problème des doubles noms.

    Si vous reprenez les articles 361 et 363 du code civil, vous pourrez constater ces complications. Dans la rédaction actuelle de l’article 3, je note en particulier ceci : « En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique (…) ».

    Je viens de faire lire cette rédaction à plusieurs personnes : on peut déduire de l’expression « du premier nom des adoptants » que l’on retient les deux noms des adoptants. Si on les ajoute à celui de l’adopté, cela fait donc trois noms.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Alain Tourret. Voilà donc une première complication.

    Autre disposition prévue par cet article 3 : « Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l’adoptant, décider que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant », etc.

    Il me semble qu’il faudrait réserver également la possibilité pour l’adopté de saisir le tribunal. Étant professionnel de la justice, je peux témoigner que, dans toutes les affaires de divorce, les enfants ont droit à un avocat s’exprimant en leur nom, face à l’avocat du père et celui de la mère. Nous avons donc oublié de réserver les droits de l’adopté à saisir le tribunal.

    Telles sont les questions que je me pose. Je vous indique donc que je m’abstiendrai.

    M. Christian Jacob. Vous avez raison !

    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

    M. Claude Goasguen. Ce qui caractérise cet article 3, dans le contexte de ce projet de loi, c’est qu’il présente au fond les mêmes défauts que ceux qui l’ont précédé.

    Vous nous dites que votre seule intention est le mariage homosexuel. Certes, mais au cours de ces débats, nous nous sommes aperçus que vos déclarations liminaires un peu simplistes recelaient un certain nombre d’interrogations dont vous avez du mal à cacher la réalité, non seulement parce que le Gouvernement vous met souvent en difficulté sur vos propres contradictions, mais aussi parce que ces contradictions sont en réalité tellement fortes que vous ne parvenez pas à les dissimuler.

    C’est vrai pour la GPA, n’en déplaise à Mme la ministre, et c’est vrai pour la PMA : le Gouvernement lui-même l’a reconnu.

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas dans le texte !

    M. Claude Goasguen. Le système que vous proposez aujourd’hui est d’une complexité telle qu’il aura probablement le même devenir que celui proposé il y a quelques années pour les mariages hétérosexuels.

    Les modifications internationales que vous semblez mésestimer sont beaucoup plus importantes que vous ne le croyez, et ce pour une raison très simple : l’adoption repose aujourd’hui en France sur le choix fait entre couples hétérosexuels et célibataires. C’est la jurisprudence française qui a décidé que l’homosexualité n’était pas un motif suffisant pour rejeter une demande d’adoption.

    M. Marcel Rogemont. C’est la Cour européenne des droits de l’homme !

    M. Claude Goasguen. Tout cela reste strictement français.

    Mais, lorsque vous parlez de modification internationale, le problème n’est plus du tout le même. Désormais, quelqu’un qui adopte en Chine ou ailleurs aura le choix entre deux systèmes : l’un hétérosexuel et l’autre homosexuel.

    Ce n’est plus du tout la même chose, car ce n’est pas la France qui décidera, mais le pays d’origine – ce qui n’était pas le cas jusqu’ici, pour une raison très simple : il n’y avait pas le choix ! En toute hypothèse, un individu seul pouvait être hétérosexuel ou homosexuel, cela n’avait pas d’importance.

    Dans ces conditions, et notamment pour les raisons que vous avez évoquées concernant les classes moyennes qui adoptent, nous rencontrerons un problème avec l’adoption, car les homosexuels seront sans doute plus frappés que les autres par les interdictions d’adopter à l’étranger.

    Cela nous posera un problème de « marché interne », pour employer une expression déjà utilisée tout à l’heure, et qui m’a d’ailleurs beaucoup choqué. Ce « marché interne » sera beaucoup plus difficile pour ceux qui sont d’origine française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Quand j’entends l’opposition, j’ai l’impression de revivre les débats que nous menons depuis trois jours.

    Sur la question de l’adoption, il faut arrêter de faire semblant et d’agiter des fantasmes. Ce qu’a dit la garde des sceaux est tout à fait exact : la Belgique est un bon exemple. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe n’a pas tari le nombre d’adoptions à l’international, passé de 150 en 2005 à 350 en 2010, avec à peu près une dizaine d’adoptions par des couples homosexuels. Les chiffres que nous connaissons dans les pays où cette réforme a été déjà été mise en place sont donc assez clairs.

    J’ai en fait l’impression que cette question ne vise qu’à s’opposer à l’idée que des couples peuvent fonder une famille et élever des enfants.

    Les adoptions auront lieu principalement dans un cadre infra familial. Ensuite, les couples de même sexe auront la possibilité de recourir à l’adoption nationale et internationale. Cela ne privera pas les familles hétérosexuelles de leur droit à l’adoption : c’est encore un mensonge de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 217

    Nombre de suffrages exprimés 214

    Majorité absolue 108

    Pour l’adoption 135

    Contre 79

    (L’article n° 3 est adopté.)

    Après l’article 3

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour soutenir l’amendement n° 1400 portant article additionnel après l’article 3.

    M. Patrick Hetzel. Nous restons cohérents avec le travail que nous avons engagé depuis le début. Il s’agit d’une mesure issue d’une proposition de loi traitant de l’autorité parentale.

    Cet amendement reprend, dans l’intérêt de l’enfant, l’article 2 de cette proposition de loi visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents, car il est important de se prononcer également sur ce point.

    À plusieurs reprises au cours de ce débat, il a été indiqué qu’à travers le mariage, nous touchons aussi aux questions de l’adoption et de la filiation. Cet amendement a pour objet de punir d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende toute personne cherchant à entraver l’exercice de l’autorité parentale par des agissements répétés ou des manipulations diverses ayant pour objet la dégradation, voire la rupture du lien familial.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Les auteurs de l’amendement souhaitent créer un nouveau délit d’entrave à l’exercice de l’autorité parentale. Or leurs préoccupations sont déjà satisfaites par les articles 227-5, 227-6 et 227-7 du code pénal.

    Par ailleurs, et de façon plus générale, la question de la répression du délit d’entrave à l’exercice de l’autorité parentale concerne l’ensemble des couples. Cet amendement n’a pas de lien direct avec l’objet du projet de loi. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable également.

    Je veux dire aux nombreux auteurs de l’amendement que l’infraction que vous proposez de créer a une définition trop imprécise pour respecter le principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines. Or vous connaissez la rigueur du Conseil constitutionnel quant au respect de ces principes.

    Vous proposez de créer une infraction définie comme « le fait d’entraver l’exercice de l’autorité parentale par des agissements répétés ou des manipulations diverses ayant pour objet la dégradation voire la rupture du lien familial ». On se demande parfois dans quel pays vous croyez vivre. Avec vous, on a l’impression que nous n’avons pas de droits, pas d’institution judiciaire, que les magistrats ne font pas leur travail, que les administrations n’assurent pas avec rigueur le respect de l’application des règles et des règlements. Avec vous, on a vraiment l’impression que l’on vit dans un pays complètement débraillé où il se passe n’importe quoi tous les jours et où chacun fait n’importe quoi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Comme le rapporteur, je précise que le droit pénal protège déjà l’exercice de l’autorité parentale. L’article 227-5 du code pénal punit le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer. Cet article n’est pas aussi imprécis que votre nouvelle incrimination. L’article 227-6 sanctionne le défaut de notification d’un changement de domicile et l’article 227-7 la soustraction de mineurs par ascendant. Vous le voyez donc, notre droit est déjà satisfaisant.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1400, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Christian Assaf.

    M. Christian Assaf. Avec cet amendement, nous avons une fois de plus l’illustration parfaite de l’obstruction parlementaire à laquelle se livrent nos collègues de droite, à moins que ce ne soit l’expression d’une attitude schizophrène. J’en veux pour preuve que, depuis six jours, alors que nous avons démarré nos travaux en voulant défendre une certaine idée du mariage, la droite n’a pas hésité à le singer. Tout d’abord, en proposant un mariage Canada Dry : vous savez, cette alliance civile qui a la couleur du mariage, l’odeur du mariage, qui ressemble au mariage, mais qui n’en a ni les droits, ni les devoirs. Ensuite, en nous proposant le mariage hors sol, le mariage itinérant, le mariage à la tête du client. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En voulant défendre une certaine idée de l’adoption, vous n’avez pas hésité à mettre en danger, par voie d’amendements, les principes de l’adoption à la française. En voulant défendre une certaine idée de la famille, vous n’avez pas hésité à mettre en danger, à précariser juridiquement les familles françaises.

    Avec le présent amendement, nous sommes une fois de plus dans une attitude schizophrène. Le compte rendu de nos débats fera foi que vous n’avez eu de cesse pendant une heure, entre quatre et cinq, heures du matin si je me souviens bien, de fustiger la garde alternée alors qu’aujourd’hui vous présentez un amendement qui vise à la défendre. C’est ce que vous avez fait, monsieur Dhuicq, aidé en cela par M. Mariton. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Nous ne céderons pas, nous ne tomberons pas dans cette manipulation. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Les propos que je viens d’entendre sont scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils montrent, monsieur Assaf, que vous n’étiez pas très attentifs entre quatre et cinq heures du matin. Vous avez raison sur un point : nous n’avons pas tous, au sein du groupe UMP, la même position concernant cette question, et c’est justement tout à notre honneur qu’un certain nombre d’entre nous puissent défendre cet amendement tandis que d’autres ne partagent pas notre point de vue. Nous, on ne nous muselle pas, nous avons la possibilité de nous exprimer et de porter des amendements différents de ceux de la majorité du groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la garde des sceaux se demande dans quel monde nous vivons. Eh bien, nous rencontrons régulièrement dans nos permanences des personnes qui nous disent que la question de la garde partagée n’est pas simple, qu’elle pose de nombreux problèmes. C’est souvent le système judiciaire qui est critiqué.

    Le monde dans lequel nous vivons, c’est celui de nos concitoyens, celui de ceux qui nous ont donné mandat pour nous exprimer ici et pour faire partager les problèmes qu’ils rencontrent.

    Tout à l’heure, le rapporteur nous a demandé pourquoi nous soulevions un tel sujet, considérant que nous étions hors sujet. Soyez cohérents : lorsque c’est vous qui portez ce sujet, il devient légitime. Si vous considérez que les questions de filiation et d’adoption n’ont rien à faire dans ce texte, appliquez-vous ce principe à vous-même.

    La manière dont vous envisagez la démocratie montre vraiment que vous ne respectez pas l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1400.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 179

    Nombre de suffrages exprimés 177

    Majorité absolue 89

    Pour l’adoption 49

    contre 128

    (L’amendement n° 1400 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    2
    Fait personnel

    M. le président. La parole est à M. Yann Galut pour fait personnel, au titre de l’article 58, alinéa 4, du règlement.

    M. Yann Galut. Monsieur le président, j’ai été personnellement mis en cause par M. Philippe Gosselin.

    Monsieur Gosselin, je suis désolé, je ne pensais pas vous avoir traumatisé à ce point,…

    M. Philippe Gosselin. Non, rassuré !

    M. Yann Galut. …ni que vous étiez aussi sensible que cela.

    C’est du théâtre de votre part, puisque depuis quelques jours vous avez compris que sur le fond vous êtes en train de perdre la bataille. Vous la perdez ici, à l’Assemblée nationale, vous la perdez à l’extérieur de cette Assemblée…

    M. Philippe Vitel. Allez donc en circonscription et vous verrez qui perd la bataille !

    M. Yann Galut. …car les Français sont avec nous, ils sont derrière nous.

    M. Philippe Meunier. Il a demandé la parole pour fait personnel juste pour pouvoir parler !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Yann Galut. Vous voulez limiter l’expression des parlementaires sur Twitter et vous travestissez la vérité.

    Rappelez-vous comment les choses se sont passées. C’est vous qui vous êtes dirigé vers le banc des ministres et qui avez pris à partie notre collègue Axelle Lemaire. Je suis juste intervenu pour vous calmer.

    Une fois de plus vous prenez les faits et vous les changez. Vous voulez faire en sorte que nous ne débattions pas sur le fond et vous mettez en cause personnellement nos collèges.

    Nous ne sommes pas dupes. La première fois, je n’avais pas demandé la parole pour un rappel au règlement parce que je pensais qu’avec le temps vous vous calmeriez. Mais ce n’est pas le cas : vous avez remis le couvert aujourd’hui. Je suis donc obligé de rétablir la vérité. Comme tout a été filmé, tout est vérifiable. (« Arrêtez ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous pourrons, si vous le souhaitez, le visionner ensemble afin que la vérité soit enfin connue.

    M. Philippe Gosselin. Je demande à répondre !

    3
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures dix.)

0 | 5 | 10 | 15 | 20

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


Partager :