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lundi 15 janvier 2018

3e séance du dimanche 3 février 2013

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1
Ouverture du mariage
aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je voulais seulement faire observer que l’opposition est à cet instant majoritaire dans l’hémicycle.

M. le président. Telle est la générosité de la majorité, qui essaie de vous faire partager ce doux sentiment lié au fait d’être majoritaire.(Sourires.)

M. Christian Jacob. C’est une illusion !

M. Bernard Debré. Une illusion éphémère !

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et a commencé la discussion de l’amendement n° 71 et des amendements identiques portant article additionnel avant l’article 1er bis.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2554.

M. François Scellier. Monsieur le président, quand on a été, comme vous-même et plusieurs de nos collègues, président d’un conseil général, avec la charge d’accorder les agréments à l’adoption, on a pu mesurer la lourde responsabilité que représentait cette partie de nos attributions.

On a pu aussi mesurer combien les possibilités étaient réduites par rapport à la demande des couples, des hommes et des femmes, qui souhaitaient accueillir dans leur foyer un enfant.

On peut donc craindre, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, que pour faire appliquer la loi que vous souhaitez faire adopter, ceux qui ont l’obsession d’établir des équilibres égalitaires en tout domaine ne souhaitent fixer des quotas s’il apparaissait, comme cela est possible et même probable, que seul un très faible nombre de couples de personnes de même sexe puisse bénéficier d’une adoption.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3002.

M. Gérald Darmanin. Nous sommes toujours majoritaires ; c’est la force des convictions !

M. Philippe Martin. C’est une pure illusion d’optique !

M. Hervé Mariton. Je suis daltonien, mais je ne louche pas !

M. Gérald Darmanin. Chers collègues, permettez-moi avant de défendre mon amendement de préciser un petit point de droit. Pour être rigoureux, il faut dire « la loi dispose » ou, éventuellement, « le contrat stipule », et non pas « la loi stipule », car pour employer le terme « stipuler », comme dans un contrat ou comme pour le mariage, il faut qu’il y ait au moins deux parties.

Je ne doute pas, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que vous votiez cet amendement ; si vous ne le faisiez pas, vous persévéreriez dans votre erreur : alors tout le monde ici est très attaché à l’égalité, cet amendement vise justement à la consacrer dans le texte.

Je conclurai ma présentation par une remarque. Un certain nombre de petits garçons et de petites filles lisent Alice au pays des merveilles – je cite le titre de ce livre avant que Mme Mazetier, avec sa police de la pensée, ne veuille le changer –. Il serait bon que dans la suite de cet ouvrage, François au pays des promesses, M. le Président de la République parle enfin des vrais problèmes des Français – la sécurité, le chômage, la vie quotidienne dans les quartiers populaires – et que soient inscrits à l’ordre du jour des textes qui sont la priorité non pas du Gouvernement mais des Français.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3015.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous voyons ces jours-ci dans différents domaines de la vie de notre pays une certaine énergie être dépensée pour faire en sorte que les différents « types de personnes » – je m’expliquerai sur ce terme – soient représentés de manière équivalente.

Le dernier avatar en la matière est le projet de loi dont notre commission des lois sera saisie la semaine prochaine relative à l’instauration du binôme paritaire pour l’élection des conseils généraux. Petit à petit, l’idée se fait jour que, pour être sûr que les principes républicains fussent respectés, il faudrait que tout le monde fût traité à la toise, d’une manière arithmétique, au prix de l’abandon de la prise en compte de la diversité dans les différents aspects de la vie personnelle ou collective.

M. Philippe Gosselin. C’est un scrutin unique au monde !

M. Jean-Frédéric Poisson. Contre cette forme assez subtile de pensée égalitaire – je vous épargnerai les mots en « -isme », pour plus tard dans la nuit – et afin d’éviter que cette frénésie ne gagnât également les instances qui décident de la sélection de familles désireuses d’accueillir des enfants,…

M. Sébastien Pietrasanta. C’est confus !

M. Philippe Gosselin. …nous souhaitons que toute forme de quota soit absolument impossible dans les circonstances que précise l’amendement.

M. Sébastien Pietrasanta. C’est laborieux !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3140.

M. Bernard Accoyer. La question des quotas est évidemment omniprésente dans l’action que conduit le Gouvernement, dont le souci et la préoccupation égalitaristes n’épargnent aucun domaine. Il est donc important de prendre quelques précautions pour éviter que l’attribution des enfants, si elle devait un jour avoir lieu dans le cadre défini par le projet de loi, ne réponde à ce type d’obligation, qui méconnaîtrait évidemment la priorité de l’intérêt et des droits de l’enfant.

Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à contenir les effets négatifs, dangereux de ce texte, qui évite soigneusement de parler de l’enfant, mais qui en réalité décide de tout sur l’avenir de ce dernier.

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3147.

M. Céleste Lett. La majorité se plaint souvent que l’opposition répète inlassablement les mêmes mots, ce qui génère chez elle les mêmes maux. Mais repetitio mater studiorum est (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), l’art de la pédagogie, c’est la répétition. À l’époque reculée où j’étais enseignant, il m’arrivait de répéter plus souvent à certains élèves. Permettez– d’autres auraient dit « souffrez » – qu’à propos de cet amendement je répète que ce projet de loi, non seulement irresponsable mais aussi funeste, organise – je reprendrai les mots du chauffeur de taxi qui m’emmenait hier à l’Assemblée – « la décadence de notre société » au prétexte de mener une révolution sociétale et de faire respecter le principe d’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gwendal Rouillard. La décadence, c’est vous !

M. Céleste Lett. Mais ce n’est pas une révolution copernicienne ; Mme Taubira n’est ni Copernic, ni Galilée. Alors que cette révolution-là nous a ouvert la voie de la vérité, vous, députés de la majorité, faites à nouveau tourner le soleil autour de la Terre ! Quelle révolution que celle d’emmener notre société dans les sens interdits de notre civilisation !

Quant à votre argument de l’égalité, je vous rappelle qu’égalité n’est pas justice et que l’égalité a pu créer dans notre société de nombreuses situations contraires au bon sens, voire injustes. Dans le cas qui nous occupe, en raison de l’insuffisance du nombre d’enfants à adopter, je crains qu’on ne brandisse demain l’argument – ou le « sous-argument » – de l’égalité d’accès pour tous les couples, qu’ils soient formés de personnes de même sexe ou de personnes de sexe différent, pour appliquer des quotas, ce que nous ne souhaitons pas.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3219.

M. Jacques Myard. Parce que dans le protocole d’adoption, seul l’intérêt de l’enfant doit primer, cet amendement met en place un nécessaire garde-fou.

Madame la ministre, je souhaite revenir sur votre intervention musclée de cet après-midi, qui m’a profondément choqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il ne suffit pas d’avoir de la faconde et de manier avec talent notre langue – j’ai toujours plaisir à vous entendre, et cela ne date pas d’aujourd’hui – pour asséner des accusations mensongères contre l’opposition.

Vous n’avez ni le monopole du cœur, ni celui de l’éthique républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez donc vos envolées et vos attaques fallacieuses ! En réalité, votre problème, madame la ministre – cela vous concerne également, mesdames, messieurs les députés de la majorité –, c’est que depuis le 13 janvier dernier, vous avez perdu la légitimité démocratique sur ce sujet, ce qui explique votre colère, qui était inadmissible.

M. Michel Pouzol. Il n’y a qu’une légitimité : celles des urnes !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3954.

M. Éric Woerth. Depuis le début de la discussion, nous, les députés de l’opposition, ne poursuivons qu’un seul objectif, ne défendons qu’une seule idée : les droits de l’enfant passent avant ceux des adultes. La question en effet n’est pas celle de savoir si un enfant peut vivre heureux avec un couple d’homosexuels, ce que nous ne nions pas ; la question est, réellement, celle de la filiation.

Ce texte tend davantage à créer des discriminations qu’il ne favorise l’égalité. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à faire preuve de prudence et à limiter les risques.

Je souhaite enfin poser une question qui l’a déjà été : le Gouvernement prend-il l’engagement de suivre l’avis du Comité consultatif national d’éthique ?

M. Nicolas Bays. Woerth et l’éthique !

M. Éric Woerth. Vous n’avez en effet pas donné de réponse sur le sujet, madame la ministre ; j’aimerais en avoir une.

M. Bernard Roman. Un avis c’est un avis !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l’amendement n° 4089.

M. Bernard Debré. L’un de nos collègues a affirmé que les enfants séjournant dans des établissements pénitentiaires pour mineurs avaient été élevés par des familles hétérosexuelles. Cette constatation est d’évidence. Mais il semblait en conclure que les enfants élevés par des familles homosexuelles seraient peut-être plus calmes et risqueraient moins de devenir des délinquants.

M. Gérard Sebaoun. Vous extrapolez !

M. Bernard Debré. Une telle conclusion, absurde, pourrait entraîner l’établissement de quotas, pour que les familles qui puissent adopter soient des familles plus sûres que les autres, donc des familles homosexuelles.

Nous l’avons répété et vous le savez bien, il est de plus en plus difficile d’adopter des enfants. Près de 80 % des enfants adoptés sont issus de pays étrangers, qui pour beaucoup vont fermer l’adoption aux Français, précisément à cause du présent projet de loi – cela a été évoqué en commission. Il restera donc peu d’enfants français à adopter.

M. Michel Pouzol. Tant mieux !

M. Bernard Debré. Un tel constat mène droit au quota, ce qui serait absurde et dangereux. Un enfant – nous n’avons cessé de le répéter – a besoin d’un père et d’une mère ; c’est tout à fait fondamental pour son équilibre. C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4658.

Mme Annie Genevard. Le législateur a eu la sagesse en 2011 d’effacer la prééminence du désir d’enfant au profit de ce qui doit demeurer notre boussole, et qui peut se réduire à une question simple et essentielle : ce qui est bon pour l’enfant et conséquemment, pour l’homme ou la femme qu’il deviendra.

En ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, vous leur donnez accès au droit d’adopter. Nous, nous croyons qu’il est bon, qu’il est mieux pour un enfant d’être élevé par un père et par une mère, qu’ils soient biologiques ou adoptifs.

Vous nous objectez que ce modèle n’est pas le seul en vigueur, et vous avez raison, puisque les célibataires peuvent également adopter. Je me permettrai de vous rappeler que si l’adoption est ouverte aux célibataires, cela résulte d’un fait d’histoire : au lendemain de la guerre, il y avait beaucoup d’orphelins et beaucoup de veuves.

La donne est aujourd’hui complètement différente. Les enfants adoptables sont très peu nombreux, vous le savez ; ils le seront encore moins demain puisque l’adoption se fermera à l’international. Or les homosexuels, si la loi est adoptée, exigeront son application, ce qui paraît tout à fait normal.

Dans ce contexte de rareté, et pour la paix des ménages, il y a un risque que des quotas soient instaurés. C’est alors l’intérêt des candidats à l’adoption qui primera sur celui de l’enfant. Et de cela, nous ne voulons pas. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4279.

M. Claude Sturni. Je serai peut-être un peu redondant (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), mais il me paraît essentiel, chers collègues, que vous écoutiez l’ensemble de nos contributions, puisque débat il doit y avoir dans cet hémicycle.

Nous le savons, le nombre d’enfants adoptables est très inférieur à celui des candidats à l’adoption. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’écouter ces nombreux couples – nous en connaissons tous – déçus par une trop longue attente, inquiets ou impatients de pouvoir concrétiser leur projet de couple. C’est une réalité aujourd’hui.

Le présent texte a pour objet notamment d’ouvrir l’adoption à des couples de personnes de même sexe. Cela n’augmentera pas le nombre d’enfants adoptables, bien au contraire, mais le nombre d’adoptants potentiels croîtra. Pour toutes les raisons déjà développées par mes collègues, il est important que soit voté cet amendement, qui vise expressément à prohiber toute instauration, au nom de ce principe d’égalité souvent mis en avant, de quotas visant à favoriser l’adoption par des couples de personnes de même sexe.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir le sous-amendement n° 5383 à l’amendement n° 71 que M. Marc Le Fur a précédemment présenté.

M. Guillaume Larrivé. Mme la garde des sceaux s’est montrée tout à l’heure peu sensible à l’interrogation que nous avons formulée s’agissant du Comité consultatif national d’éthique. Peut-être sera-t-elle plus sensible à l’avis d’une autre autorité, l’Académie des sciences morales et politiques, où il est indiqué qu’« admettre qu’un couple unissant des personnes de même sexe puisse se substituer au père et à la mère biologiques soulève des problèmes sérieux en ce qui concerne le destin de l’enfant adopté ».

Nous tenons à ce que ces « problèmes sérieux » ne soient pas aggravés. C’est pourquoi nous présentons ces amendements, qui prévoient d’empêcher toute logique de quota visant à « faciliter » – la nuance est sémantique – l’égal accès à l’adoption des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent. Nous souhaitons ainsi marquer notre opposition à cette dérive.

M. le président. Sur les amendements identiques n° 71 à 5046, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et cette série d’amendements identiques.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Dans la même logique que celle qui consistait à prohiber dans la loi le droit à l’enfant, qui n’existe pas, l’opposition nous propose d’interdire des quotas, qui n’existent pas. Le Gouvernement reste rationnel et lucide malgré l’heure ; il émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je me félicite qu’il y ait peu d’enfants à adopter à l’international car cela signifie que les pays dont ils étaient originaires peuvent aujourd’hui leur offrir des possibilités d’accueil, dans le milieu qui est le leur.

M. Christian Assaf. Tout à fait.

M. Jean-Michel Clément. Au-delà cependant du texte de l’amendement et de son exposé des motifs, il y a surtout ce que vous n’osez pas écrire, et que vous n’avez pas manqué de dire et de répéter.

M. Bernard Accoyer. Oh, ça va !

M. Jean-Michel Clément. Plusieurs interprétations de cet amendement sont effectivement possibles.

La première suggère que l’adoption sollicitée par des couples de personnes de même sexe ne saurait excéder les demandes formulées par des couples hétérosexuels.

L’exposé des motifs fournit la seconde interprétation : au cas où il n’y aurait pas de demande d’adoption formulée par des couples hétérosexuels, il faudrait, par voie de conséquence, en priver les couples homosexuels– certains propos douteux l’ont confirmé.

M. Bernard Accoyer. Nous pouvons ne pas être d’accord !

M. Jean-Michel Clément. La démonstration est claire et ce que craignait Mme Marie-George Buffet tout à l’heure se vérifie : vous niez le droit à l’adoption des couples de personnes de même sexe.

M. Patrick Ollier. Nos conceptions sont différentes.

M. Jean-Michel Clément. Depuis le début de ces débats, nous sommes en plein obscurantisme moyenâgeux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cet amendement ne fait que le confirmer.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Notre amendement ne sera sans doute pas adopté et subira le même sort que les précédents, mais, mes chers collègues, ne vous bercez pas d’illusions.

Un député SRC. Vive les Lumières !

M. Éric Woerth. Ce n’est pas parce que vous êtes majoritaires dans cet hémicycle que vous avez raison. Vous avez au contraire grandement tort sur ce texte, et nous l’avons démontré.

Madame la garde des sceaux, vous nous avez dit que le Gouvernement était rationnel et lucide. Pourriez-vous donc, avec rationalité et lucidité, répondre aux deux questions majeures qui ont été posées : comment l’aide sociale à l’enfance va-t-elle attribuer les enfants adoptables aux parents candidats à l’adoption ? Vous n’avez donné, pour l’heure, aucune réponse. S’agissant de la PMA, il y a eu beaucoup de couacs cet après-midi au sein du Gouvernement, entre le Premier ministre et ses ministres, et avec le président du groupe SRC. Nous voyons bien que les hésitations persistent. Le Gouvernement s’engage-t-il donc à respecter l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur la PMA lorsqu’il sera rendu ?

M. Olivier Dussopt. Quel est le rapport ?

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5383.

(Le sous-amendement n° 5383 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 71, 127, 350, 384, 396, 465, 524, 601, 702, 964, 1200, 1247, 1418, 1479, 1674, 1741, 2041, 2201, 2554, 3002, 3015, 3140, 3147, 3219, 3954, 4089, 4279, 4658 et 5046.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 213

Nombre de suffrages exprimés 213

Majorité absolue 107

Pour l’adoption 73

contre 140

(Les amendements identiques nos 71, 127, 350, 384, 396, 465, 524, 601, 702, 964, 1200, 1247, 1418, 1479, 1674, 1741, 2041, 2201, 2554, 3002, 3015, 3140, 3147, 3219, 3954, 4089, 4279, 4658 et 5046 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons maintenant à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1922, qui fait l’objet de deux sous-amendements nos 5378 et 5385.

M. Hervé Mariton. Nul ne peut avoir plus de deux parents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a pas de quoi ricaner, si l’on en juge les décisions qui ont été prises dans certains pays ! Comme une partie de ce qui justifie pour vous le mariage des personnes de même sexe – la filiation, l’adoption, et au-delà avec le projet de loi de Mme Bertinotti –, c’est la comparaison à l’international afin d’être dans le sens de l’histoire et surtout de ne pas rater le coche, il faut être attentif aux mécanismes que d’autres pays ont pu enclencher, mes chers collègues !

Dans certains pays, des décisions de justice récentes ont dûment constaté la présence de plus de deux parents – trois parents en particulier. L’un des risques de ce projet de loi est donc bien que la multiparenté soit reconnue. Nous préférons dans ces conditions mettre les points sur les « i ». Aussi complexes soient les schémas familiaux que vous pouvez imaginer, il faut absolument éviter qu’un enfant ait plus de deux parents. Sinon, vous créerez vite des situations où les parents choisiront l’enfant et l’enfant, ses parents.

On a connu cela sous Rome, avec des systèmes de répudiation. Vous nous expliquez que le schéma familial dans lequel nous sommes n’existe pas de toute éternité : nous ne souhaitons pas qu’un parent puisse répudier son enfant car celui-ci aurait d’autres parents, ou qu’un enfant puisse répudier ses parents.

Enfin, monsieur le président, je remarque que la majorité a fini par être majoritaire dans l’hémicycle. Mais quel malaise pouvait bien être le vôtre, chers collègues, après les péripéties de cet après-midi concernant la PMA et son inscription dans la loi sur la famille, pour que vous ayez mis tant de temps à regagner vos bancs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les sous-amendements nos 5385 et 5378.

M. Marc Le Fur. Je note, madame la garde des sceaux, que vous siégez sur les bancs du Gouvernement en l’absence de Mme la ministre de la famille ce qui est bien dommage s’agissant de sujets touchant à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Justement, elle arrive ! (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Marc Le Fur. Le Parlement est écouté ! Je ne peux que m’en réjouir !

Le sous-amendement n° 5385 vise à préciser que l’enfant ne peut avoir plus de deux parents, qu’ils disposent ou non de l’autorité parentale. Un certain nombre de groupes, souvent inspirés par des théories d’extrême-gauche, voudraient collectiviser la fonction parentale. Cela est très inquiétant et rappelle de redoutables utopies, remontant notamment à l’époque maoïste.

Mon sous-amendement n° 5378 fixe pour principe que l’amendement défendu par Hervé Mariton insère dans le code civil une disposition d’ordre public. C’est-à-dire que le juge pourra s’emparer de ce moyen, même s’il n’est soulevé par personne. Il s’agira donc d’un élément de protection pour les enfants. Cela devrait nous permettre d’éviter les dérives, certes sympathiques si l’on ne veut voir que ces immeubles collectifs où tout le monde vit ensemble, mais redoutables pour les enfants.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2971.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais appeler l’attention de notre assemblée, et la vôtre en particulier, monsieur le président, sur le fait que le rapporteur a fait savoir par le biais des moyens de communications électroniques que la position du Gouvernement sur la PMA ne lui convenait pas. Peut-il nous le confirmer ou va-t-on assister, ce soir encore, à une sorte de fracture entre la commission des lois, la majorité de l’Assemblée et le Gouvernement sur ce sujet ? J’aimerais avoir quelques précisions utiles, et mon amendement est ainsi défendu, mes collègues l’ayant fait excellemment juste avant moi.

M. Bruno Le Roux. Ils n’ont plus rien à dire ! Ils sont à sec !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3054.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement prévoit que nul ne peut avoir plus de deux parents vivants. Nous privilégions le recours au dispositif de la délégation d’autorité parentale, car, de manière cohérente, nous considérons qu’il faut privilégier la cellule familiale, qui est le creuset de l’éducation des enfants, et la protéger chaque fois que cela est possible, car il en va de l’intérêt de l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3406.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement vise à limiter les conséquences du projet de loi, qui occulte soigneusement celui qui en supportera les effets : l’enfant. Il apporte un certain nombre de garanties, en soulevant la question de la multiparentalité, défendue par plusieurs de nos collègues de la majorité, comme par notre rapporteur – cela ressort bien d’une lecture attentive de son rapport.

Nous ne nions pas les difficultés que rencontrent les familles où deux parents de même sexe élèvent un enfant, qu’ils ont eu ou dont ils ont obtenu la garde, mais il existe dans ces cas-là des délégations d’autorité parentale ou la tutelle testamentaire.

Il s’agit pour nous de pointer les problèmes innombrables que ce texte va engendrer avec le mariage donc l’adoption, l’adoption donc la PMA, la PMA donc la gestation pour autrui. Encore qu’il règne depuis le début de la journée la plus grande confusion sur ces sujets, confusion à laquelle n’a pas mis fin le tweet du président Le Roux, qui essayait de faire croire, sur un plateau de télévision, que la majorité était attentive au chômage, alors qu’elle est entièrement mobilisée ici pendant quinze jours pour parler du mariage pour tous.

M. Dominique Baert. À cause de qui ?

M. Bernard Accoyer. Il s’agit pour nous de prévenir d’innombrables complications psychologiques, juridiques et successorales.

M. le président. Sur l’amendement n° 1922 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements et ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ils mettent un terme à l’existence de l’adoption simple, qui permet d’avoir plus de deux parents vivants. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable pour exactement la même raison.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas avec des pirouettes, monsieur le rapporteur ou mesdames les ministres, que vous allez pouvoir vous en sortir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La question que nous vous posons, nous vous l’avons déjà posée : pourquoi se limiter à deux personnes dans un mariage, quand on nie l’altérité sexuelle ? Vous n’avez jamais répondu, et je vous le demande donc de nouveau : si vous ne fondez pas le mariage sur l’altérité sexuelle, qu’est-ce qui empêche trois personnes qui s’aiment, trois hommes, deux hommes et une femme, deux femmes et un homme ou bien trois femmes, de se marier ? Comment refuserez-vous ces demandes, qui existent dans la société ? Et n’agitez pas comme toujours la question de la polygamie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Décadent !

M. Xavier Breton. C’est vous qui êtes décadents, car c’est vous qui finirez par autoriser le mariage entre trois personnes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons, nous, nos raisons pour le refuser, car nous croyons en l’altérité sexuelle, alors que vous n’avez aucune limite !

Nous vous posons donc la question à propos des parents : pourquoi allez-vous empêcher qu’il y ait trois parents. Je cite Mme Agacinski, en m’excusant de remuer le couteau dans la plaie : « La différence sexuelle reste fondamentale dans la construction de la filiation, sinon pourquoi deux plutôt que trois ou plus ? » Répondez à la question ! Et pas avec des pirouettes,…

M. Nicolas Bays. Ringard !

M. Xavier Breton. …mais en donnant votre avis personnel, votre conception du mariage et de la filiation, au-delà de l’idéologie.

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Hier, j’avais l’impression que nous avions découvert dans cette enceinte un nouveau mot, celui d’altérité ; aujourd’hui, c’est plutôt celui d’amalgame, et nous ne pouvons que le regretter.

Chers collègues de l’opposition, depuis le début de nos débats, une question ne cesse de revenir dans nos échanges, celle du droit de l’enfant. Vous vous appuyez à cet égard sur des témoignages très précis, qu’ils émanent de maîtres de conférence à Paris XII, de spécialistes autoproclamés ou autres experts, mais il y a une catégorie de personnes que vous ne citez jamais, ce sont celles qui sont directement concernées :…

M. Xavier Breton. Les militants !

M. Mathieu Hanotin. …les enfants qui vivent aujourd’hui dans des familles homoparentales. Il est terrible que vous n’ayez pas réussi à trouver un seul témoignage d’enfant martyrisé ou qui réprouve l’éducation qu’il aurait reçue dans une famille homoparentale.

Je vous invite à écouter les témoignages de ces enfants, élevés dans des familles homoparentales. Ce qu’ils nous ont dit et ce que disent leurs associations, c’est que leur problème tient à la sécurité juridique et non au fait d’avoir deux mères ou deux pères. Tout au long de leur vie, dès l’école, cela a été un problème. Ils ont vécu avec la peur que leur parent légal décède, et que s’ajoute à ce deuil la séparation d’avec l’autre parent réel. Voilà la réalité à laquelle vous refusez de vous confronter. Écoutez donc ces enfants, et arrêtez de vous servir d’eux comme de faire-valoir !

M. Xavier Breton. Ces enfants vivent avec deux hommes, pas avec deux pères, ne confondez pas !

M. Mathieu Hanotin. L’ouverture du mariage concerne les adultes, mais, avec l’adoption, on ne s’occupe pas des parents ou des homosexuels qui veulent se marier. C’est le droit de l’enfant qui est au cœur de notre projet sur l’adoption, projet qui défend les intérêts supérieurs de l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Il faut faire attention à certains arguments avancés avec passion. On ne peut en même temps convenir qu’il faut se pencher sur le statut du tiers parent et s’enflammer en affirmant que la loi de la nature n’admet qu’un papa et une maman. Ce n’est pas vrai et, dans la loi de la nature, il y avait souvent beaucoup de papas sur la même maman !

M. Bernard Accoyer. Ça dérape ! Voilà une réponse strauss-kahnienne !

M. Bernard Roman. Heureusement donc que le droit est venu réguler tout cela. J’ajoute que vous devriez remercier le Gouvernement, et notamment la ministre de la famille et la garde des sceaux, d’avoir inscrit dans le code civil une définition du mariage, jusqu’alors implicite, en insérant un article 143 qui précise que « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Voilà qui devrait vous rassurer.

M. Xavier Breton. Pourquoi pas entre trois personnes ?

M. Bernard Roman. Parce que nous avons écrit que c’était entre deux personnes, ce qui ne figurait pas auparavant dans le code. Vous ne pourrez donc plus donner cours à vos penchants fantasmagoriques !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je voudrais évoquer un article que vous avez sans doute lu concernant deux hommes, dont l’un s’appelle Jérôme et l’autre François. Ils ont quarante ans, mènent en couple une vie stable et décident d’avoir un enfant. Ils contactent une agence dans le Wisconsin, à Madison, pour trouver une donneuse d’ovocytes. Je cite : « Le couple la veut non anonyme pour que leur enfant puisse un jour la contacter. Arrive un fichier avec deux cents profils agrémentés de photos. C’est un peu effrayant, dit l’un d’eux, de se dire que l’on va choisir dans un catalogue la personne qui va donner son patrimoine génétique à ses enfants. […] La donneuse trouvée, il faut ensuite chercher une mère porteuse. »

M. Xavier Breton. Cela fait rire nos collègues !

Mme Annie Genevard. « Pourquoi deux femmes ? Cela permet d’installer une distance émotionnelle. […] On a monté un dossier avec nos photos, nos voyages, nos goûts […]. Six mois plus tard, l’agence, comme une marieuse, dit l’un des deux hommes, nous “matchait” avec une famille qui nous correspondait. […] Jérôme et François, qui veulent tout partager harmonieusement, ont une requête particulière : ils souhaitent concevoir chacun un embryon. Deux embryons seront donc transférés… et tous deux s’implanteront ! »

Un député du groupe SRC. Il n’est pas minuit, ce n’est pas la messe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Quelle intolérance

Mme Annie Genevard. C’est n’importe quoi ! Vous pouvez rire monsieur Le Roux, mais tout ça s’est fait au prix d’un crédit à la consommation…

M. Bernard Roman. Quel est le rapport avec le texte ?

Mme Annie Genevard. …et, au final, ces enfants auront quatre parents : un père biologique, un père social, une mère donneuse d’ovocytes et une mère porteuse ! Vous trouvez ça normal ?

(Les sous-amendements nos 5385 et 5378, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1922, 2971, 3054 et 3406.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 220

Nombre de suffrages exprimés 220

Majorité absolue 111

Pour l’adoption 69

contre 151

(Les amendements identiques, nos 1922, 2971, 3054 et 3406 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Ce matin, M. le ministre en charge des relations avec le Parlement est intervenu pour rappeler la position du Premier ministre, telle qu’elle lui a été communiquée depuis l’étranger.

Cette position, assez claire, nous a permis de constater que le Gouvernement souhaitait surseoir au texte relatif à la famille, considérant qu’il était important d’obtenir tout d’abord l’avis du Comité consultatif national d’éthique.

Si nous sommes troublés, c’est parce que M. le rapporteur utilise les réseaux sociaux parallèlement à notre activité dans l’hémicycle : il vient ainsi de tweeter : « soumettre la décision du Parlement à l’avis du Comité national d’éthique est un déni de démocratie ».

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est faux !

M. Patrick Hetzel. J’aimerais, pour que nous puissions éclairer de manière satisfaisante nos travaux, qu’il précise dans quelle direction la majorité souhaite véritablement aller.

Le rapporteur dit une chose, le Gouvernement une autre ; tout cela crée évidemment un trouble, qui ne permet pas de mener un débat serein.

En tout état de cause, peut-être conviendrait-il que nous interrogions sur la pertinence à permettre l’envoi de tweets depuis l’hémicycle. C’est même une question de fond, parce que le vrai déni de démocratie est de privilégier les réseaux sociaux par rapport au travail effectué dans l’enceinte de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Il n’est pas normal que le rapporteur tweete !

M. le président. Monsieur Hetzel, la question des tweets est plus facile à poser qu’à résoudre, sachez-le !

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n° 2179.

Mme Barbara Pompili. Permettez-moi d’abord, monsieur le président, de m’adresser à M. Mariton. Vous avez parlé, cher collègue, à propos de l’amendement précédent sur lequel nous venons de nous prononcer, de deux parents, sans plus faire mention de « père » et de « mère » : cela m’a vraiment étonnée.

Le présent amendement vise à ouvrir le droit à l’adoption aux couples liés par un pacte civil de solidarité. Nous essayons, avec ce projet de loi, de rétablir l’égalité des droits. Or, l’un des arguments avancés pour refuser l’ouverture de l’adoption aux couples pacsés reposait sur le refus de l’adoption par les couples de même sexe.

Dans la mesure où, aujourd’hui, ce droit est ouvert aux couples de même sexe mariés, il n’y a plus lieu de l’interdire aux couples pacsés, d’autant plus que les personnes célibataires disposent du droit d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements et sur les amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons souvent abordé ce sujet lors des auditions. Il n’y a effectivement plus de raison aujourd’hui de refuser l’adoption aux couples pacsés.

Néanmoins, la commission a jugé préférable de renvoyer cette disposition à la prochaine loi relative à la famille, dans laquelle elle trouverait tout son sens.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Jean-François Lamour. C’est une loi fourre-tout !

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a donc donné un avis défavorable à l’adoption de cet amendement dans le cadre d’un projet de loi qui concerne exclusivement des personnes de même sexe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. La question soulevée par Mme Pompili est intéressante. Cependant, je reprendrai le même argument que celui avancé par le rapporteur, en lui demandant de bien vouloir retirer ce dernier amendement, qui pourrait être examiné lors de l’élaboration de la loi relative à la famille.

À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement serait défavorable, comme il l’est sur les autres.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous constatons, avec cet amendement, que tout converge à faire tomber les masques. En effet, le rapporteur vient de dire très clairement – et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de ne pas cacher autant que d’autres l’objectif poursuivi – que ce texte ne vise qu’à répondre au désir d’enfant des couples mariés – à l’avenir, si ce texte est adopté – formés par deux personnes de même sexe.

M. Bernard Roman. Parce que selon vous, ils n’en ont pas le droit ?

M. Bernard Accoyer. C’est véritablement créer un droit à l’enfant. Avec cet amendement, avec la réponse du rapporteur, et avec ce qu’a ajouté la ministre de la famille – pourtant recadrée cet après-midi par le Premier ministre –, on comprend bien que vous avancez en cachant aux Français ce que recèle ce texte.

Vous affirmez qu’il ne traite que de mariage ; or, le mariage, c’est l’adoption laquelle, pour un couple hétérosexuel stérile, vaut accès au droit à la PMA ! Tout cela, évidemment, au nom de l’égalité, puisque vous n’avez que ce mot-là à la bouche !

M. Dominique Baert. Ce n’est pas à vous que cela arriverait !

M. Bernard Accoyer. Immanquablement, le projet de loi donnera accès à la GPA pour les couples formés par deux hommes. Telle est la réalité que démasque enfin cet amendement, que nous ne pouvons évidemment pas adopter !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Dois-je rappeler à notre collègue que l’égalité fait partie de la devise de notre République ?

Madame la ministre, en effet, les couples pacsés ne sont pas seulement des couples homosexuels ; beaucoup sont formés d’hétérosexuels. Dans la mesure où vous nous assurez que cela fera partie de la future loi sur la famille, que nous espérons fortement pour la fin de l’année, nous retirons notre amendement.

M. Jacques Myard. Ce sont des écolos élastiques !

(L’amendement n° 2179 est retiré.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un « vrai » rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Il va bientôt me falloir envoyer au président le texte de mes rappels au règlement pour avoir la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président, nous sommes confrontés à une difficulté concernant le déroulement même de la séance : alors que nous souhaitons déposer des sous-amendements, lesquels, en application de l’article 99, alinéa 3, de notre règlement, ne sont soumis à aucun délai, il nous est imposé de les enregistrer via le logiciel ELOI. Je comprends bien que la raison en est technique, mais elle conduit à introduire des délais, ce qui est parfaitement contradictoire avec le règlement.

Il n’y a pas, monsieur le président, de rappel au règlement plus « rappel au règlement » !

M. Philippe Gosselin. C’est vrai : cela ne peut pas être plus technique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous admettez donc que vos précédents rappels au règlement n’en étaient pas !

M. le président. Je reconnais bien volontiers qu’il s’agit d’un vrai rappel au règlement.

Cela étant, pour pouvoir traiter convenablement un sous-amendement, encore faut-il un certain délai entre le moment où il est déposé et celui où il est examiné.

C’est pourquoi tous les sous-amendements qui arriveraient en dernière minute, comme cela s’est produit ces derniers temps, ne pourront pas être examinés faute de pouvoir les intégrer dans le texte.

M. Marc Le Fur. Le droit d’amendement est un droit sacré !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je peux comprendre que des délais de distribution soient nécessaires ; mais il appartient à la présidence de s’assurer qu’ils ont été déposés.

La transmission sur support papier d’un sous-amendement reste-elle d’ailleurs possible ?

M. Marc Le Fur. Bien sûr ! Cela a toujours été le cas !

M. Bernard Accoyer. Évidemment !

M. Hervé Mariton. Quelle disposition du règlement de l’Assemblée l’interdirait ?

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, vous aurez constaté que les vrais rappels au règlement prennent beaucoup plus de temps et perturbent bien davantage le déroulement de la séance que les autres ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Il y en a d’autres qui perturbent la séance !

M. Hervé Mariton. Je vois que mes collègues n’ont pas beaucoup le sens de l’humour à ce moment de nos débats !

Nous avons déposé vingt-deux sous-amendements et j’ai compris que quelques amendements du rapporteur l’avaient été également.

Nous pensons, et aucune règle ne semble devoir nous être opposée, qu’il n’y a pas de délai pour déposer un sous-amendement. Le règlement de notre Assemblée est clair. Nos sous-amendements doivent donc pouvoir être traités.

Je comprends qu’il faille un peu de temps aux services de l’Assemblée, mais les contraintes applicables aux amendements ne s’appliquent pas aux sous-amendements. La présidence ne peut pas refuser nos sous-amendements pour autant qu’ils lui soient effectivement parvenus matériellement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. La discussion en séance publique de ce texte a été précédée par un examen long et attentif en commission. Il reviendra ici après avoir été examiné par le Sénat, et compte tenu des délais, son adoption définitive devrait intervenir au mois de juin ou juillet.

Vous avez déposé, chers députés de l’opposition, plus de 5 000 amendements, et c’est votre responsabilité. Alors que nous siégeons depuis plusieurs jours, tout à coup vous nous annoncez toute une série de sous-amendements. Dans la mesure où ils n’ont pas été examinés par la commission, je vais donc demander, au nom du Gouvernement, l’application d’un droit que vous avez appliqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président, conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement s’oppose à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Rappel au règlement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ce que vous faisiez sous la précédente législature, quand nous présentions des propositions de loi !

M. le président. Mes chers collègues, le Gouvernement oppose les dispositions de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution aux sous-amendements nos 5391, 5392, 5373, 5384. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je consulte la commission pour savoir si les sous-amendements lui ont été soumis.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Bernard Accoyer et M. Patrick Ollier. Rappel au règlement !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un déni de démocratie !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, je vais me permettre de rappeler quelques éléments, de façon que chacun sache dans quel cadre le droit d’amendement est organisé dans cet hémicycle.

M. Michel Herbillon. Respectez les droits de l’opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Le projet de loi dont nous discutons a été déposé le 7 novembre 2012.

À la demande de la commission des lois, ce texte a bénéficié d’un délai particulièrement long avant son passage en séance puisqu’il a été déposé douze semaines avant l’examen du texte, soit le double du délai de six semaines mentionné à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

M. Hervé Mariton. Mais ensuite vous avez modifié le texte !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission. Le délai de dépôt des amendements en commission avait été fixé au 11 janvier 2013…

M. Marc Le Fur. Mais là nous parlons de sous-amendements, pas d’amendements !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …à dix-sept heures, ce qui fait près de dix semaines pour préparer les amendements.

M. Bernard Accoyer. On vous a connu plus exigeants quand vous étiez dans l’opposition !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous avons enregistré en commission plus de 600 amendements. C’est la preuve que l’opposition a parfaitement pu exercer son droit d’amendement.

M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement n’a pas arrêté de valser !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. L’examen des 600 amendements déposés devant la commission a eu lieu le mardi 15 et le mercredi 16 janvier 2013, après près de vingt-deux heures de débat.

Le texte de la commission a été mis en ligne le jeudi 17 janvier à dix-neuf heures dix. L’alinéa 4 de l’article 86 a été parfaitement respecté puisque douze jours et non sept jours se sont écoulés entre la mise à disposition du texte de la commission et le début de l’examen du projet de loi en séance publique.

L’opposition a largement pu déposer ses amendements puisque nous en avons enregistré 5 370 pour quatorze articles soit en tout 110 alinéas. Cela représente donc 500 amendements par alinéa.

M. Céleste Lett. Prenez les baïonnettes !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Tous ces amendements ont été examinés…

M. Hervé Mariton. De manière expéditive !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …soit au titre de l’article 88, soit de l’article 91, les 29 et 30 janvier.

Mes chers collègues, vous aviez donc tout le temps nécessaire pour déposer vos amendements et donc de pouvoir exercer votre droit d’amendement.

M. Patrick Ollier. On le sait !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Même si vous me coupez la parole, cela n’interrompra pas la logique de ma démonstration.

Le 16 janvier 2009, à l’occasion de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, l’Assemblée étant alors présidée par Bernard Accoyer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), l’opposition avait déposé des sous-amendements. Le président Accoyer avait alors demandé au Gouvernement d’utiliser l’article 44, alinéa 2, comme vient de le faire Alain Vidalies. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. M. Accoyer fait moins le malin aujourd’hui !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je me souviens très nettement de ce moment puisque nous avions saisi le Conseil constitutionnel pour lui demander de déclarer non conforme à la pratique constitutionnelle l’usage de l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 2009, a déclaré l’application de l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements, conforme à la pratique constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Mais il n’y avait pas eu d’amendement-balai !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, je suis donc au regret de vous confirmer que la demande du Gouvernement d’opposer l’article 44, alinéa 2, sur les sous-amendements est valide si tant est que la commission n’ait pas examiné les sous-amendements. À compter de cet instant, la commission n’a examiné aucun sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Les sous-amendements n’ayant pas été soumis à la commission, la présidence, conformément à l’article 100, alinéa 3, du règlement constate qu’il n’y a pas lieu d’en délibérer.

La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement, et ce sera le seul !

M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous sommes dans un cas typique où le président des lois et le Gouvernement cherchent à bâillonner l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Cela fait six jours que vous parlez !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Nous sommes à un moment de la discussion qui demande un peu de clarté !

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, il faut calmer les rangs de la majorité !

M. Christian Jacob. Vous le savez, nos débats peuvent durer douze jours ou un mois, si vous le souhaitez !

L’article 99 de notre règlement prévoit bien qu’un traitement particulier est réservé aux sous-amendements.

M. Philippe Gosselin. Eh oui !

M. Christian Jacob. J’invite le président de la commission des lois à relire cet article. Si on y parle des amendements, ce n’est qu’à l’alinéa 3 qu’il est fait référence aux sous-amendements. Ces derniers ont donc bien un statut particulier.

Quant à l’article 44 de la Constitution, il dispose en son deuxième alinéa qu’après l’ouverture du débat, « le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission ».

Si vous faites bien référence, monsieur le ministre, à cet article, il ne s’agit en l’occurrence que d’amendements. En aucun cas il n’y est fait allusion aux sous-amendements. Cet article 44 ne peut donc leur être appliqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à le M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. « Bâillonner l’opposition » ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il est vraiment risible qu’après deux heures d’absence, M. Jacob revienne pour faire le clown, comme cela, dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Clown, c’est un métier et quand c’est fait avec talent, c’est plutôt pas mal, n’est-ce pas monsieur Jacob ? (Mêmes mouvements.)

Dans cet hémicycle, quand on sème quelque chose, on le récolte toujours. Quand on veut bâillonner l’opposition, comme vous l’avez fait ces dernières années, on institue le temps législatif programmé. Or nous n’avons pas voulu recourir à cette invention de M. Accoyer, qui aurait bâillonné l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La réalité, je la dirai simplement : c’est parce que vous êtes faiblement mobilisés que vous cherchez à déposer des sous-amendements pour essayer de continuer à faire durer les choses.

Sachez mieux gérer aujourd’hui votre manque de conviction que d’aller chercher des choses que n’existent pas dans ce texte pour mobiliser les députés qui sont ici et surtout, monsieur Jacob, ne revenez pas toutes les deux heures pour nous faire ce numéro qui est grotesque s’agissant des droits de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je veux avoir la correction de répondre au président Jacob.

J’ai essayé dans ce débat de ne pas être trop bavard, de façon à me limiter à ce qui me paraît relever des prérogatives du président de la commission des lois, profitant du fait que je bénéficie d’un rapporteur particulièrement compétent, disponible et dont personne ne peut mettre en cause la qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez, monsieur le président Jacob, évoqué l’article 99, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale, qui mentionne effectivement qu’il n’y a pas de délai pour les sous-amendements. Personne ne conteste ce point.

Mais cela n’obère pas la capacité du Gouvernement à utiliser l’article 44, alinéa 2, opposable aux sous-amendements.

M. Christian Jacob. Aux amendements !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Est-ce que les sous-amendements sont assimilables aux amendements au titre de l’article 44, alinéa 2, de la Constitution ? Dans le débat de 2009 sur la loi organique, le Gouvernement avait utilisé ce même argument : vous aviez alors opposé l’article 44, alinéa 2, à des sous-amendements que nous avions déposés. J’avais, au nom de mon groupe, fait la même remarque que celle que vous venez de faire à l’instant – c’est pourquoi j’ai les idées assez claires en l’espèce.

J’étais tellement sûr de moi que dans les arguments que nous avions envoyés au Conseil constitutionnel, puisqu’il s’agissait en l’occurrence d’une transmission automatique, j’avais justement développé deux paragraphes dans lesquels j’essayais de démontrer que sous-amendement ne valait pas amendement. Je dois vous dire ma souffrance quand le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 2009, m’a renvoyé à mes études de droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je demande aux uns et aux autres de se préparer au fait que la séance durera plus longtemps que ce que j’avais annoncé, compte tenu des différentes procédures engagées depuis une heure.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je voudrais dire au président Le Roux que si une autre procédure avait été choisie par la majorité pour ce débat, ce dernier serait apaisé. Si les tensions que l’on sent sont particulièrement pénibles pour tout le monde, elles sont dues au fait que nos interventions sont sans cesse interrompues, ce qui est insupportable. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Un vrai débat tel que celui que nous avions eu sur la loi bioéthique – et vous nous en aviez remerciés à l’époque, quand vous étiez dans l’opposition –, n’aurait pu avoir lieu qu’avec le temps législatif programmé.

M. Bruno Le Roux. Pourquoi ne l’avez-vous pas demandé alors ?

M. Bernard Accoyer. Avec un temps programmé de cinquante heures, le débat aurait duré deux semaines, et nous n’aurions pas passé un dimanche entier ici alors que les Français ont d’autres préoccupations !

Quant à M. le président de la commission des lois, il vient de nous dire qu’il s’était fait l’avocat des droits de l’opposition. Je dis à l’homme qu’il est, au parlementaire qu’il est, qu’il pourrait comprendre notre état d’esprit en un moment où nous venons d’apprendre qu’une partie de la majorité souhaitait le droit adoption pour les couples pacsés, ce qui va bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer : je lui demande de comprendre que les droits de l’opposition doivent aussi se décliner quand on est dans la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je rappellerai d’abord à mon collègue M. Le Roux que la séance ayant commencé à 21 heures 30, je n’ai pu être absent deux heures puisqu’il n’est que vingt-deux heures quarante-cinq et que le compte rendu intégral montrera que j’étais là jusqu’à vingt-deux heures. Ne confondez pas, monsieur Le Roux, deux heures et une demi-heure, vous qui avez été absent tout l’après-midi !

Par ailleurs, il ne serait pas idiot que de temps en temps on nous réponde en droit quand une question est posée en droit, plutôt que de vociférer !

Monsieur le président de la commission des lois, permettez-moi de le répéter, l’article de la Constitution ne fait aucunement référence aux sous-amendements. Qui plus est, vous savez comme moi, pour avoir une longue pratique de notre Assemblée, que les sous-amendements ne sont jamais déposés en commission, puisqu’ils naissent du débat dans l’hémicycle : par définition, ils ne peuvent être déposés avant en commission. Cet article 44 ne peut donc pas s’imposer aujourd’hui pour nous empêcher de déposer les sous-amendements.

On peut passer la nuit sur ce point de droit, mais que les choses soient claires : soit nous nous mettons d’accord sur le dépôt des sous-amendements – et quand on en est à 5 200 amendements, peu importe qu’il y ait une vingtaine ou une trentaine de sous-amendements débattus en plus –, soit nous n’accepterons pas une interprétation du règlement qui n’est pas conforme à la lettre de notre règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous le savez, monsieur le président Accoyer, nous avons bien travaillé sur les droits du Parlement sous la précédente législature.

M. Bernard Accoyer. Merci.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est ainsi que vous avez déclaré en septembre 2010 : « Je suis un politique atypique et je me battrai toujours contre l’obstruction. » Je regrette que vous en fassiez aujourd’hui.

J’en viens avec précision à ma réponse à la question du président Jacob, parce que j’essaie toujours d’être précis : selon les décisions n° 6349 DC du 17 mai 1973 et n° 86206 DC du 3 juin 1986 du Conseil constitutionnel, les sous-amendements doivent être regardés comme les amendements au titre de l’article 42 de la Constitution.

M. Gérald Darmanin. L’article 42, pas l’article 44 !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce sont deux décisions du Conseil, l’une de 1973, l’autre de 1986.

M. le président. Je propose cinq minutes de suspension de séance pour que chacun retrouve son calme. Peut-être existe-t-il, monsieur le président de la commission des lois, une possibilité de discuter avec les représentants de l’opposition en vue de trouver un accord ? En l’état en tout cas, le Gouvernement a fait valoir de bon droit le dispositif constitutionnel.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour un dernier rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Le dernier de l’heure ! (Sourires.)

Le Gouvernement et la majorité mettent la pression. On pourrait appeler cela un coup de force. Pour autant, nous sommes attachés à la poursuite du débat, et à l’exercice de notre droit d’amendement et de sous-amendement.

J’ajoute, monsieur le président de la commission des lois, que le tour de passe-passe que représente l’amendement balai, qui a changé une grande partie du texte, rend plus que jamais nécessaire l’exercice de notre droit d’amendement et de sous-amendement. Car vous avez beau expliquer que le texte a été déposé le 7 novembre, il a changé du tout au tout à la mi-janvier – malheureusement pas sur le fond, mais sur la forme, et plutôt pour le rendre plus mauvais.

Bref, nous avions déposé vingt-deux sous-amendements. Parce que nous voulons faire avancer le débat, nous sommes d’accord pour limiter à cinq le nombre de ceux que nous défendrons. Et je comprends qu’avec cette contrainte – car nous le vivons comme une contrainte –, on puisse continuer de faire avancer le débat.

Mais que l’on mesure bien la situation : un nombre de sous-amendements qui n’est pas extraordinaire ; un Gouvernement et sa majorité qui se raidissent et nous disent en substance : « C’est ça ou l’article 44, alinéa 2 ». Cependant, nous jouerons le jeu. Nous défendrons simplement ces cinq sous-amendements. Mais cela en dit long sur la rudesse avec laquelle le Gouvernement entend gérer ce débat, sans omettre la manière particulièrement expéditive dont un certain nombre d’amendements avaient été examinés en commission.

M. le président. Mes chers collègues, j’ai été très sensible aux arguments de mon prédécesseur, M. Accoyer, qui m’a vraiment convaincu sur le temps législatif programmé, pour éviter la brutalité que vous venez d’évoquer, monsieur Mariton.

Alors que j’ai fait l’erreur de demander, en Conférence des présidents, que le temps législatif programmé ne soit pas appliqué, c’est bien la dernière fois que je tiendrai ce genre de propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. J’espère que dans les autres débats, nous serons tous unanimes pour demander le temps législatif programmé afin que les uns et les autres puissent mieux s’organiser.

M. Marc Le Fur. Vous l’aviez combattu à tort !

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en venons à présent à l’examen d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Il s’agit, d’une part, de l’amendement n° 5, et d’autre part, d’amendements identiques.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. Sergio Coronado. Très bien, monsieur Martin-Lalande ! (Sourires.)

M. le président. Nous en venons à la série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 70.

M. Marc Le Fur. Je vais lire l’amendement, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté :

« Avant l’article 1er bis, insérer l’article suivant :

« À l’article 343 du code civil, les mots : "deux époux" sont remplacés par les mots : "un mari et une femme". »

Cet amendement vise à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents.

Examinons un instant le traumatisme subi par un enfant qui a perdu ses parents d’origine, ses parents naturels, ses parents biologiques, et pour qui on aboutirait à un bouleversement de l’organisation de son existence familiale. Nous devons avoir la sagesse d’admettre que, dans cette hypothèse, il faut bien évidemment qu’il y ait un mari et une femme pour accompagner cet enfant. Il faut bien évidemment une mère et un père. Nous sommes des partisans de l’altérité, c’est-à-dire de la logique même du mariage.

Notre collègue Breton l’avait dit : en refusant l’altérité, vous cassez le couple. S’il n’y a plus d’altérité, il n’y a plus de couple. Et puisqu’il n’y a plus de couple, pourquoi pas trois personnes, pourquoi pas quatre ? La logique est absolument imparable, chers collègues de la majorité. Ouvrez les yeux ! Ne vous cantonnez pas dans des arguments de procédure pour nous empêcher de nous exprimer ! Allez au fond des choses ! Et c’est ce que vous propose en particulier cet amendement.

M. Michel Pouzol. Arrêtez avec vos fantasmes !

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Patrice Martin-Lalande. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 339.

M. Christian Jacob. Cet amendement vise effectivement à limiter les cas d’adoption par des personnes mariées aux seuls couples hétérosexuels. Nous revenons, en fait, à ce qui est à nos yeux le sujet de fond. Nous sommes opposés au mariage et à l’adoption par des couples homosexuels. Et si nous sommes opposés au mariage, c’est parce que, de fait, il génère l’adoption.

Nous avions proposé, avec l’alliance civile, une solution alternative, qui permettait de répondre à de nombreuses attentes – puisque les couples de même sexe demandaient à voir leur union reconnue devant un officier d’état civil, à jouir de la protection des droits juridiques –, mais de ne pas s’engager dans la filiation.

En effet, la difficulté qui se posera, c’est que, à partir du moment où l’on accepte d’aller vers l’adoption par les couples homosexuels, on ouvre, de fait, le débat sur la procréation médicalement assistée, ainsi que sur la gestation pour autrui. Dès lors, on met en cause notre système de filiation, qui est fondé sur la présomption de paternité. C’est pour cela que nous restons depuis le début sur cette ligne de force.

J’ajoute un élément supplémentaire, s’il en fallait un : nous pensons que la double référence, paternelle et maternelle, est nécessaire. Même si, par ailleurs, et j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, il y a des cas où deux personnes de même sexe peuvent éduquer très correctement un enfant et lui donner tout l’amour qui convient, cela ne peut pas être la règle. C’est la raison pour laquelle nous restons très opposés à l’adoption par les couples homosexuels.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 381.

M. Hervé Mariton. La réaction d’une partie de l’opinion, lorsque la proposition a initialement été faite que des couples de même sexe puissent adopter, était sur le thème : « Au fond, s’il y a des enfants qui peuvent être adoptés et qui ne le sont pas, il est bon qu’ils le soient. » Mais la réalité est différente. Il y a moins d’enfants à adopter que de couples demandeurs de l’adoption. Dès lors, il est préférable que les enfants soient adoptés par un couple composé d’un père et d’une mère. Ce sont des visions qui nous opposent, mais celle-là nous paraît importante.

Nous ne méconnaissons pas les autres circonstances de la vie. Mais une chose est la diversité des circonstances, les accidents de la vie – il faut y répondre en étant particulièrement solidaires, parce que ces situations peuvent justifier d’autant de solidarité de la collectivité –, autre chose est le modèle ordinaire autour duquel les choses peuvent s’organiser. Et il n’y a pas tant d’enfants qui sont à adopter. Il est donc préférable qu’ils soient adoptés par un couple composé d’un mari et d’une femme.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 464.

M. François de Mazières. La question fondamentale est évidemment celle de l’altérité. Et, au fond, ce que l’on peut regretter, c’est que l’on n’ait pas mené jusqu’au bout ce débat essentiel, passionnant.

Tout à l’heure, M. Le Roux disait : « On n’a pas du tout bâillonné l’opposition. » Eh bien, d’une certaine façon, si. Parce que votre article balai, chers collègues, permet d’éviter les occurrences qui suppriment les mots de « père » et « mère ». Dans votre premier projet de loi, il y avait plus de 150 suppressions de ces mots. Et malheureusement, à cause de cela, on évite, ce soir, ce débat fondamental – ce qui rend nécessaires tous nos amendements.

Et puis, je pense surtout que ceux que vous avez bâillonnés, ce sont les Français. Parce que, depuis le début, nous avons demandé un débat public sur cette question.

M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

M. François de Mazières. Et les Français sont très concernés. Vous l’avez vu, d’ailleurs. C’est pour cela que vous avez réagi avec l’article balai. Parce que, quand les Français ont compris que l’on supprimait les mots de « père » et « mère » plusieurs fois dans le code civil, ils ont été pétrifiés.

Avoir ainsi bridé le débat public, c’est véritablement une erreur fondamentale par rapport à la démocratie.

M. Bernard Roman. C’est quoi, votre amendement ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 523.

M. Patrick Ollier. Mes collègues de Mazières et Mariton ont exposé les raisons de cet amendement qui sont liées au fait qu’il y ait moins d’enfants à adopter qu’on ne pourrait l’espérer.

Mais il y a une autre raison, madame la garde des sceaux. Vous avez expliqué cet après-midi que ce texte ne concernait que le mariage et l’adoption. Nous y sommes. Et vous avez cité il y a quelques jours, au début de ce débat, l’exemple de pays qui s’étaient engagés dans cette réforme sociétale qu’est l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Or il se trouve qu’à treize heures, en revenant ici, j’ai entendu sur une radio nationale une journaliste portugaise, du journal Visão, qui expliquait qu’au Portugal, ils avaient fait voter une loi sur le mariage, mais en séparant le mariage de l’adoption. La loi portait exclusivement sur le mariage. Ils n’ont eu aucun problème de société, et aucune réaction.

Si vous aviez eu la prudence d’ouvrir le débat sur ce thème-là, nous n’aurions probablement pas les réactions que nous avons depuis cinq jours.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous étiez déjà contre l’ouverture du mariage !

M. Patrick Ollier. Si nous avons ces réactions, c’est parce que nous sommes sincèrement convaincus – même si cela peut vous froisser, madame –…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas froissée. C’est une question de logique, c’est tout. Si le mariage ne posait pas de problème à vos yeux, vous auriez voté l’article 1er !

M. Patrick Ollier. …que l’altérité est le fondement de la famille. Vous pouvez dire le contraire, mais nous en sommes convaincus.

Et ce que vous proposez, c’est la déconstruction de la parenté fondée sur l’engendrement. Pour vous, la filiation, c’est l’intention, le projet parental. Vous avez le droit de le penser. Ce n’est pas notre avis. Voilà pourquoi nous voulons revenir à l’adoption par les seuls couples hétérosexuels.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n° 574.

M. Jacques Alain Bénisti. Encore une fois, il est indispensable de limiter les cas d’adoption aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, et plus encore, justement, s’il a subi la perte de ses propres parents. Car vous ne voulez toujours pas admettre que vous allez augmenter le nombre d’enfants en souffrance, qui, déjà aujourd’hui, subissent les aléas des couples hétéros qui se séparent et laissent souvent les enfants sur le pavé.

En offrant désormais aux couples homosexuels la possibilité d’adopter, vous allez multiplier les souffrances de ces enfants, qui seront une fois de plus déchirés par des situations perturbées et ambiguës, et qui, souvent, prêteront le flanc à l’opprobre et aux invectives le plus fréquemment des autres enfants. Vous allez ajouter à la souffrance le désarroi et le mal-être d’enfants qui n’ont rien demandé à personne, et que vous n’avez jamais invités, je le rappelle, aux débats préliminaires.

Pourtant, 85 % des pédopsychiatres ont essayé d’attirer votre attention sur ce sujet. L’INSERM, le Conseil supérieur de l’adoption, vous ont invité à réfléchir à deux fois aux conséquences de votre texte. Dans son avis du 23 octobre dernier, le Conseil supérieur de l’adoption fait état de « son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas de l’adoption. » Vous les avez repoussés, car votre sectarisme et votre égoïsme sont plus forts, aujourd’hui, que la reconnaissance de ces réalités.

M. Bernard Roman. Voilà qui est nuancé !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 600.

M. Philippe Gosselin. Nous avons évoqué tout à l’heure, avec des mots choisis, les difficultés liées à l’adoption, au drame qu’ont pu vivre un certain nombre d’enfants abandonnés ou rejetés, placés, « blackboulés »… Il semble important de leur permettre de retrouver des origines, même si la filiation de substitution n’est pas la filiation biologique, et pour cause. Ils doivent pouvoir trouver des origines dans la filiation crédible d’un père et d’une mère, d’un homme et d’une femme, d’un mari et d’une épouse.

Nous souhaitons donc, à l’article 343 du code civil, que les mots « deux époux », évidemment vagues et qui peuvent désigner deux personnes de même sexe, soient remplacés par les mots « un mari et une femme », pour crédibiliser cette nouvelle filiation et permettre à l’enfant de trouver ses origines dans l’altérité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, on a avancé !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 699 rectifié.

M. Frédéric Reiss. Mes chers collègues de la majorité, vous soutenez que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe sera un progrès pour toute la société. Eh bien, nous pensons le contraire, car ce projet est fondé sur la déraison et sur l’injustice. Ce texte divise profondément la France et les Français. L’adoption de cette réforme marquerait bien la victoire d’un camp sur un autre et plus jamais le Gouvernement ne pourra se présenter comme rassembleur.

Le projet de loi prévoit que les occurrences « père » et « mère » vont être supprimées à de multiples reprises dans le code civil.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !

M. Frédéric Reiss. Même si ces mots ne disparaîtront pas totalement dudit code, nous le regrettons profondément.

Cet amendement propose donc de remplacer les mots : « deux époux » par les mots : « un mari et une femme » dans l’article 343 du code civil.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 960.

M. Philippe Vitel. Mes chers collègues de la majorité, vous invoquez la modernité et l’égalité, qui seraient de votre côté, alors que du nôtre, il n’y aurait que des rétrogrades et des discriminateurs.

M. Dominique Baert. Ce n’est pas faux !

M. François André. C’est bien de l’admettre !

M. Philippe Vitel. Il faut voir les choses avec un peu plus de discernement si cela vous est possible.

Il y a treize ans, le PACS était mis en place.

M. Dominique Baert. Et vous avez voté contre !

M. Philippe Vitel. À l’écoute du terrain, nous nous rendons compte que ce que demandent les couples homosexuels, c’est avant tout beaucoup plus de droits ; et ces droits, de façon vraiment claire et honnête, nous les proposions avec l’union civile, laquelle, évidemment, ne donnait pas droit à l’adoption. Mais ce n’est pas parce que nous sommes totalement bornés, aveugles et autistes sur ce point…

M. Daniel Goldberg. N’en rajoutez pas !

M. Philippe Vitel. C’est parce que, aujourd’hui, c’est une promesse que vous ne pourrez pas tenir vis-à-vis de ces personnes : vous leur mentez, vous leur donnez un faux espoir.

Je rappelle qu’en France, on compte 700 enfants à adopter pour 25 000 demandes. Les portes de l’adoption internationale vont se fermer. Prenez l’exemple de la Belgique qui a autorisé l’adoption pour les couples homosexuels en 2006 : plus aucune adoption d’origine internationale n’y a été validée depuis.

Les pédiatres ont été interrogés. Quelque 3 000 d’entre eux parlent de risque. Ils ne sont pas totalement opposés au projet mais considèrent qu’il y a un risque à l’adoption. Or dans un pays qui a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution, ce risque, nous ne voulons pas le prendre.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1199.

Mme Sophie Dion. L’adoption, on l’a assez répété aujourd’hui,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, à peine !

Mme Sophie Dion. …ce n’est pas donner un enfant à des parents mais des parents à un enfant.

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Sophie Dion. L’adoption, c’est protéger un enfant déjà très fragilisé.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

Mme Sophie Dion. L’adoption, c’est offrir un cadre, une sécurité juridique à un enfant qui a déjà beaucoup souffert.

L’adoption, c’est, je le répète, une procédure judiciaire qui permet d’offrir des parents à un enfant qui n’en a plus. L’intérêt de l’enfant doit donc rester la seule préoccupation ; et cet intérêt, c’est de pouvoir s’identifier à un modèle : père et mère. C’est visé par l’ensemble des textes : l’enfant doit être élevé par ses père et mère. En outre, l’enfant doit, dans une certaine mesure, dans le cadre de l’adoption, connaître ses origines.

Nous avons interrogé là-dessus Mmes les ministres, et ce point a provoqué de nombreuses polémiques. Je regrette que nous n’ayons pas examiné la question des éléments identifiants, du rapport de l’enfant avec le père et la mère, car on touche là à l’essentiel, à l’enfant. L’enfant est sujet de droit, doit être protégé et identifié par rapport au modèle de ses père et mère. C’est pourquoi cet amendement suppose qu’il puisse avoir ce modèle de référence.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1223.

M. Daniel Gibbes. Je tiens, en tant que jeune parlementaire, nouvellement élu, indiquer que j’ai été quelque peu choqué qu’on nous accuse de faire de l’obstruction. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Vous riez en connaissance de cause !

M. Daniel Gibbes. En 2006, bien que n’étant pas élu mais suivant les débats sur le projet de fusion entre EDF et GDF, l’opposition de l’époque avait déposé 138 000 amendements ! Et vous osez nous reprocher de pratiquer l’obstruction avec quelque 5 000 amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je me souviens qu’on avait même été jusqu’à parler d’une recette de homard pour faire durer la discussion !

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Daniel Gibbes. Et c’est vous qui parlez d’obstruction ? Soyons sérieux, chers amis, et revenons-en à l’amendement n° 1223.

Bien qu’il ait été parfaitement défendu par mes collègues de l’opposition, je tiens à en rappeler le principe. Il vise à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier lorsqu’il s’agit d’un orphelin. Il n’y a pas de droit à l’enfant, mais le droit de l’enfant.

M. Dominique Baert. Laborieux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 1239.

M. Jean-Pierre Door. Nous tenons particulièrement à cet amendement majeur. Chacun a pu écouter des praticiens, en particulier des pédiatres, des psychologues. Je me souviens que l’un d’entre eux expliquait que l’effacement des noms « père » et « mère » ferait de l’enfant un « sans domicile filiatif ».

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. C’est vraiment quelque chose de grave. Dire à un enfant qu’il est né de la relation amoureuse de deux adultes de même sexe, soit, mais c’est peut-être aussi plaquer un mensonge sur son origine ; or chaque enfant, chaque jeune, est à la recherche de son origine. C’est un droit que l’on ne peut pas lui refuser.

D’ailleurs, mesdames les ministres, l’Académie de médecine elle-même s’interroge, je l’ai déjà dit. Pourtant vous ne l’avez pas consultée. Pourquoi n’écouter que certains collèges et ignorer son expertise ?

Nous devons en tout cas garder les mots de « père » et « mère » qui constituent le repère d’un enfant. C’est tout l’intérêt de mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour soutenir l’amendement n° 1344.

M. François André. Houlà !

M. Patrick Balkany. Nous aurions gagné beaucoup de temps si vous aviez écouté les élus de l’UMP qui vous réclamaient simplement un référendum.

M. Bruno Le Roux. Et pourquoi pas des paris en ligne, pendant qu’on y était !

M. Patrick Balkany. Et pourquoi ? Il suffit d’abord d’observer ce que pensent les Français. Nous sommes les représentants du peuple ; alors votons tous comme le peuple le souhaite. Le peuple n’est pas contre le mariage des homosexuels, ils se divisent en deux sur la question. En revanche, la grande majorité des Français est contre l’adoption par les couples homosexuels.

M. François André. Qui a dit cela ?

M. Patrick Balkany. Il serait bon, mesdames et messieurs de la majorité, que vous observiez un peu ce que pensent les électeurs. Vous êtes en train de commettre une grave erreur au moment où les Français attendent de vous que vous vous occupiez des problèmes importants à leurs yeux : le chômage, l’économie.

M. Jean-Claude Fruteau. C’est l’héritage que vous nous avez laissé !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. S’il y a urgence, alors dépêchez-vous !

M. Patrick Balkany. Au lieu de quoi vous faites voter de force un texte qui va à l’encontre du souhait des Français. Demandez donc au Président de la République de soumettre ce projet de loi à l’ensemble des Français.

Nous sommes très attachés, pour ce qui nous concerne, à ce que les enfants aient un père et une mère et vous ne nous ferez pas dévier de cette position. Il est dommage que vous ne l’ayez pas compris ; les Français, eux, l’ont compris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n° 1348.

M. Antoine Herth. Comme mes collègues, je me place du point de vue de l’enfant adopté.

M. Marcel Rogemont. Placez-vous plutôt du point de vue du député !

M. Antoine Herth. Cet amendement a pour vocation de sécuriser les procédures d’adoption, en particulier dans le cas de l’adoption internationale. Madame la garde des sceaux, la majorité a le droit de voter une loi créant le mariage pour tous et donnant la possibilité à des couples homosexuels d’adopter. En revanche, nous n’avons pas la possibilité d’imposer notre point de vue à d’autres pays. Je fais le pari que, très rapidement, leur réglementation va évoluer et que les demandes émanant de la France seront examinées avec beaucoup de méfiance, voire éliminées d’office.

D’un point de vue pratique, vous êtes en train de créer un espoir pour les futures familles homosexuelles, et cet espoir sera déçu. Mais en même temps, vous allez ruiner les espoirs de toutes ces familles françaises hétérosexuelles…

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Antoine Herth. …qui ont accompli de lourdes démarches, obtenu l’agrément et qui, brutalement, découvriront que les portes de l’adoption vont leur être fermées.

M. Sapin, le 13 janvier dernier, à l’issue de la grande manifestation, a déclaré à la télévision qu’il ne se passera rien une fois la loi votée. En effet, il ne se passera rien pour les futures familles homosexuelles ; pour les autres familles en revanche, ce sera un drame. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1382.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage les arguments développés par les collègues qui m’ont précédé. Je me concentrerai ici sur le travail du rapporteur. Il a fait le choix – comment s’en étonner ? – d’examiner s’il pouvait y avoir une « différence significative dans le développement des enfants élevés dans une famille homoparentale ». Dans les pages 59 à 61 de son rapport, M. Binet fait le point sur le fait de savoir si cette question a déjà été étudiée, comment et quelles sont les conclusions des études éventuellement publiées. Il remarque que de nombreuses études ont été menées et qu’elles présentent, pour beaucoup, de nombreux biais méthodologiques. Et d’en conclure, de façon assez surprenante, que, sans pour autant nier ces biais, un faisceau de conclusions convergentes permet d’affirmer qu’il n’y a pas de différence de développement !

J’appelle l’attention de l’Assemblée sur ce point. Nous sommes d’accord pour considérer que la question se pose. Seulement, la manière dont vous y répondez, monsieur le rapporteur, n’est pas satisfaisante sur le plan de la rigueur épistémologique, si je puis dire. Pour compléter utilement ce travail, encore faudrait-il trouver des études qui concluent à l’inverse de celles que vous avez présentées afin que nous disposions de conclusions équilibrées.

Pour l’heure, en l’absence d’un travail complet sur ce sujet, l’examen du texte s’en trouve déséquilibré. Je trouverais utile et même précieux de pouvoir disposer d’études plus complètes concluant à l’inverse de celle présentées dans le rapport et qui feraient valoir qu’il peut y avoir des différences de développement pour les enfants élevés dans les familles homoparentales.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1417.

M. Nicolas Dhuicq. Mes aînés m’ont appris que la qualité d’une majorité se mesurait à la façon dont elle traitait son opposition.

M. Marcel Rogemont. Vous avez été très mauvais pendant dix ans !

M. Nicolas Dhuicq. J’ai retenu la leçon et je constate avec plaisir combien l’humain est labile et combien, quand ils changent de position, les défenseurs du droit, du moins certains d’entre eux, se transforment immédiatement en totalitaires absolus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous parlons à présent d’enfants nés de la rencontre d’un homme et d’une femme – peu importe la durée de cette rencontre et les difficultés qui ont pu se présenter : la question semble donc plus simple. Néanmoins, je pense et je tiens à répéter que jamais aucune étude fiable ne nous permettra de trancher la question. Je pense donc que cet argument ne devrait plus être utilisé, ni dans un sens ni dans l’autre, car raisonner à partir d’échantillons représentatifs et de populations témoins, ce serait contrevenir à l’éthique la plus élémentaire.

Il se pose ensuite, selon moi, des questions d’âge, qui sont complexes. À quel stade en est l’enfant ? Est-il dans sa phase de latence ou l’a-t-il passée ? S’agit-il d’un pré-adolescent ou d’un adolescent ? De quelle culture vient-il ?

Dans ces conditions, la question appelle une réponse qui pourra paraître simple, voire simpliste : c’est le rappel, une fois encore, de la notion d’altérité. Les évolutions de la société devraient pousser l’humanité à répondre au cas par cas, et non par une loi systématique.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1562.

M. Yves Fromion. On nous a rappelé il y a un instant les propos de M. Sapin qui a déclaré que lorsque ce texte serait adopté, on n’en parlerait plus.

Moi, je n’ai jamais connu mon père. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vais pas m’attarder sur ma situation personnelle, mais je veux dire à ceux qui pensent qu’un enfant peut vivre sans son père ou sans sa mère et ne pas en subir les conséquences dans sa vie, qu’ils se trompent lourdement.

Ceux qui pensent que, par la loi, on peut inventer un dispositif qui fasse qu’un enfant n’ait pas son père et sa mère et qu’il n’en souffre pas, se trompent.

M. Jacques Alain Bénisti. Ils le savent !

M. Yves Fromion. On a évoqué les nombreuses études qui existent ici ou là, dont on dit qu’elles sont peu concluantes. Moi, ce que je veux vous dire, c’est qu’un enfant qui n’a jamais connu son père ou sa mère ne peut pas passer sa vie comme s’il ne s’était rien passé. Il y aura toujours en lui une souffrance profonde, quel que soit son âge ; il y aura toujours une meurtrissure profonde.

Pourquoi ai-je pris la parole ce soir ? Parce que je pense que la vie offre déjà trop d’occasions qui font que des enfants se retrouvent dans ces situations de souffrance, avec un seul parent, voire pas de parent du tout. Pourquoi donc vouloir à toute force les multiplier par la loi ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je crois que nous nous trompons lourdement !

Ce qu’il faut garder à l’esprit, ce ne sont pas les paroles de M. Sapin disant que lorsque le texte sera voté, il ne se passera plus rien. Non ! Il faut penser aux enfants qui, à cause du texte que nous aurons voté, connaîtront les souffrances que vous pouvez imaginer. Croyez-moi : pour eux, il se passera quelque chose ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1670.

Mme Véronique Louwagie. Je vais vous donner lecture de propos émanant de l’Association des adoptés, qui ne réunit que des personnes adoptées.

« Nous, les personnes adoptées, sommes des êtres avec une blessure, née de notre abandon au moment même où nous avions le plus grand besoin d’amour. Notre construction en tant qu’adulte est plus longue et plus douloureuse que pour les autres enfants. À quoi se raccrocher, lorsqu’on ne sait pas de quoi nous sommes faits ? Quelle est notre identité profonde, et que transmettre à nos enfants ? Nous avons un besoin d’enracinement beaucoup plus fort que les autres enfants, car nous savons ce que c’est que de ne pas en avoir.

« Alors, cette nouvelle filiation qui est proposée au vote de l’Assemblée nationale nous semble rajouter de la complexité pour des enfants qui en avons déjà plus à gérer que d’autres. La clé d’une adoption réussie ne repose pas uniquement sur l’amour que reçoivent les enfants adoptés, mais elle repose sur l’identification des enfants à leurs parents. Ce sont nos parents, pleinement et entièrement, justement car ils représentent de manière crédible le père et la mère que nous n’avons pas eus. C’est en regardant vivre notre père, notre mère, que nous, les enfants adoptés, arrivons à nous construire en tant qu’adultes, à trouver notre place en tant que mère, femme, père et mari. »

Ces propos assez troublants devraient nous conduire à bien vouloir retenir l’amendement n° 1670. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1740.

M. Nicolas Bays. Copé n’est pas là pour soutenir son amendement n° 1713 ?

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement très important vise à limiter strictement aux seuls couples hétérosexuels les cas d’adoption des couples mariés. L’adoption a vocation à donner une famille à un enfant, et non l’inverse. L’enfant adopté a, plus qu’un autre, besoin d’un père et d’une mère ; l’enfant abandonné cherche ses repères et aspire à retrouver ce qu’il a perdu. Or l’enfant adopté doit déjà assumer les traumatismes simultanés de l’abandon et de la double identité familiale. Plus qu’un autre, il a besoin d’une filiation biologique évidente. Il importe donc qu’il puisse s’identifier à deux parents de sexe différent.

De ce fait, l’adoption par un couple homosexuel risque d’aggraver le traumatisme de l’enfant abandonné, car la chaîne de filiation serait doublement rompue : dans la réalité, du fait de son abandon, et dans la symbolique, du fait de l’homosexualité de ses parents adoptifs. À un enfant déjà blessé par son passé, a-t-on le droit d’imposer de s’adapter à la situation affective de ses parents, différente à la fois de celle de la très grande majorité des autres enfants, et de celle qu’il aspire à retrouver ? Incombe-t-il à l’enfant adopté de s’adapter aux choix de vie affectifs de ses parents ?

Ces propos émanent de l’analyse pertinente du Grand Rabbin de France, qui a été auditionné par votre commission, monsieur le rapporteur. Comme les autres représentants des grandes religions de France, il n’a pu vous présenter son analyse que partiellement, compte tenu du temps limité qui lui a été accordé – quatre minutes ! Cela montre bien le peu de cas que vous faites de l’avis de ceux qui ne sont pas partisans de votre texte.

M. Bernard Roman. C’est nul !

M. Guillaume Chevrollier. Pour moi, tout enfant a droit à un père et à une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents. Ce droit répond à un besoin de repère pour les enfants. Il convient de ne pas créer de discriminations entre les enfants adoptés.

M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2555.

M. François Scellier. Cet amendement n’étonnera personne, surtout pas ceux qui, comme nous, et comme la majorité des Français – Patrick Balkany l’a rappelé tout à l’heure– pensent qu’il faut autant que possible à l’enfant, et en particulier à l’enfant adopté, un père et une mère. Dans la mesure où le nombre d’enfants adoptables est limité, il est évident que quand on se place au niveau de l’intérêt de l’enfant, tout doit être fait pour lui donner à la fois un père et une mère. C’est pourquoi il y a lieu, à l’article 343 du code civil, de remplacer les mots « deux époux » par les mots « un père et une mère ».

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3001. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. L’excellent Gérald Darmanin !

M. Gérald Darmanin. Merci, chers collègues. Votre sollicitude me va droit au cœur, à cette heure tardive.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et ce n’est que le début !

M. Gérald Darmanin. Je voudrais d’abord défendre l’amendement sur le fond. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, les arguments que vous avez développés au sujet du mariage peuvent se retourner contre vous sitôt que l’on parle de l’adoption par les couples homosexuels. Ainsi, les sondages seraient les sondages étaient favorables au mariage ; Mme la ministre chargée de la famille y a insisté et M. Roman s’en est souvent fait l’écho. Mais lorsqu’il s’agit de l’adoption, vous vous gardez bien de sortir cet argument, car les sondages deviennent alors très défavorables. À l’évidence, si le souci des sondages vous guide, vous devriez adopter cet amendement.

Sur la forme, je voudrais lire deux déclarations tout à fait intéressantes. La première, mineure, nous la devons à François Brottes, malheureusement absent de l’hémicycle – on me pardonnera de le citer. À propos des 137 000 amendements déposés sur la loi relative à la privatisation de GDF, M. Brottes déclarait : « Nous ne faisons pas d’obstruction, mais nous ne pouvons pas délibérer sur le fond du sujet, sans disposer des éléments précis, et ce n’est qu’un vous interrogeant, amendement après amendement, que nous y parviendrons. » Il y en a eu 137 000 !

Un autre orateur a dit, de façon extrêmement sérieuse : « Sur le fond, de très nombreux amendements ont été déposés…

Mme Corinne Narassiguin. Et vous, vous parlez de tout, sauf du fond !

M. Gérald Darmanin. …Cela nous a permis de maintenir un lien, pour montrer qu’une autre option existait. Nous pensons, nous, à gauche, que l’intérêt national était de s’opposer, amendement par amendement, à votre projet, parce que nous pensions qu’il ne fallait pas mettre la France dans cette aventure. » Cet orateur n’était autre que Jean-Marc Ayrault ! Il est dommage que vous n’appliquiez pas les préceptes de celui qui est aujourd’hui aux commandes de votre gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3044.

M. Patrick Hetzel. Un certain nombre d’arguments ayant déjà été avancés ; je voudrais que nous nous placions à présent dans la perspective du principe de réalité. Les amendements que nous portons peuvent aussi se situer dans cette perspective, et entendent répondre à deux problèmes que pose votre texte.

Le premier, on l’a dit, c’est que de très nombreux couples hétérosexuels sont candidats à l’adoption. Or il y a déjà un écart extrêmement important entre le nombre de demandes et le nombre d’enfants susceptibles d’être adoptés. Votre texte va encore aggraver ce déséquilibre par le fait que de nombreux pays vont naturellement mettre fin à la possibilité de voir sortir de chez eux un certain nombre d’enfants. Le problème que rencontrent déjà les couples hétérosexuels va donc s’aggraver. Qui plus est, vous êtes en train de leurrer de potentiels couples homosexuels quant à leurs possibilités d’adoption.

Il s’agit véritablement d’un bel écran de fumée. À plusieurs reprises, Mme la garde des sceaux s’est placée sur le plan des principes. J’ai voulu me mettre résolument dans sa perspective et vous montrer, en me fondant sur des cas concrets, objectivement et sans a priori, que tout cela mène à une impasse. C’est la raison pour laquelle notre amendement est indispensable : au moins, il évite l’hypocrisie.

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3145.

M. Céleste Lett. J’ai dit que cette loi déstructurait totalement notre société. J’ajouterai ici que, par la grâce de la dictature…

M. François André. Laissez la grâce où elle est !

M. Céleste Lett. …d’une idéologie qui se veut révolutionnaire et progressiste, cette loi emmènera nos valeurs sur l’échafaud. J’ai une terrible révolte au fond de moi, comme mes collègues de l’opposition, et comme nombre de concitoyens que nous côtoyons au quotidien, dont mon chauffeur de taxi d’hier. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui ! Les taxis, c’est une bonne caisse de résonance, vous le savez bien !

M. Philippe Gosselin. Eh oui ! Ce n’est pas Pierre Berger !

M. Nicolas Bays. Le mien était pour !

M. Céleste Lett. D’ailleurs, mes chers collègues de la majorité, et je le dis avec courtoisie, prenez un petit moment de réflexion objective. Affranchissez-vous des doctrinaires qui vous embrigadent ! Écoutez la loi qui vous parle ! Platon, dans le Criton, faisait parler les lois : c’est ce qu’on appelle la prosopopée des lois, c’est-à-dire leur personnification. La loi que vous nous proposez hurle déjà son indignation, souffre dans ses articles et vous supplie de ne pas l’adopter, un peu comme un enfant supplierait d’être adopté par un papa et une maman.

M. Alexis Bachelay. Quel poète !

M. Céleste Lett. C’est ce que nous proposons par cet amendement, qui pose tout naturellement le principe de l’altérité pour l’adoption, comme pour le mariage.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3217. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Vous avez raison de saluer l’orateur. (Sourires)

Monsieur le président, élever un enfant est un défi quotidien, un défi permanent et à tout âge.

Mme Elisabeth Pochon. C’est vrai !

M. Jacques Myard. Adopter un enfant est un défi décuplé. Que vous le vouliez ou non, un couple hétérosexuel, par son altérité, c’est-à-dire ses sensibilités complémentaires, sera toujours mieux à même de donner un équilibre psychologique à l’enfant adopté. Donnez toutes ses chances à un enfant déjà déraciné : donnez-lui une mère, un père. Vous jouez avec le feu, car ce sont des enfants que vous allez brûler.

Mme Suzanne Tallard. N’exagérons pas, tout de même !

M. Jacques Myard. On nous a dit tout à l’heure que nous tenions des propos moyenâgeux ; vous, vous retrouvez au niveau de Carthage ! (Sourires)

M. Michel Pouzol. Il s’améliore d’heure en heure !

M. Philippe Martin. Myard, on est morts de trouille !

M. Jacques Myard. Oui, vous allez les brûler ! (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3279.

M. Xavier Breton. Cet amendement revient sur la question cruciale de l’altérité sexuelle. Sur les bancs du Gouvernement et de la majorité, vous niez la reconnaissance de l’altérité sexuelle dans notre droit. Vous êtes les porte-parole de l’idéologie du gender, à moins que vous n’en soyez les prisonniers.

Que promeut cette idéologie ? Elle prétend que le seul chemin pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, que nous souhaitons toutes et tous sur ces bancs, ne vous en déplaise, c’est de supprimer les différences en les niant. En fait, vous êtes incapables de penser ensemble l’égalité et la différence.

Le problème, c’est que les différences, notamment corporelles, subsistent. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas lutter contre les stéréotypes qui conduisent à des inégalités et à des injustices.

M. François André. Mais il y a un mais !

M. Xavier Breton. Mais est-ce qu’au-delà ou en deçà de ces stéréotypes, il reste une différence entre un homme et une femme ? Entre un père et une mère ? Pour un enfant, un père est-il la même personne qu’une mère ? Une mère est-elle la même personne qu’un père ? Pour vous, oui ; pour nous, non.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4526. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Attention !

M. le président. Décidément, cette assemblée a ses chouchous !

Mme Annie Genevard. Il faut écouter les cliniciens de l’enfant. Quand ils divergent de la pensée unique, ils s’exposent à l’accusation d’homophobie, et nous le disent. Nous sommes aussi ici pour être leur voix.

Le docteur Marinopoulos et le docteur Flavigny sont des spécialistes qui ont dédié plus de trente ans de leur vie professionnelle à l’adoption. Ils nous disent qu’il ne faut pas, au nom d’une idéologie ou d’un lobby, inventer une provenance qui n’est pas crédible.

Mme Catherine Coutelle. Évidemment !

Mme Annie Genevard. L’enfant adopté sait qu’il est issu d’un homme et d’une femme, pas seulement pour des raisons biologiques, mais aussi par la complétude de l’un et de l’autre.

Permettre aux couples homosexuels d’adopter consiste certes à établir une égalité entre adultes, mais c’est un projet profondément inégalitaire pour l’enfant.

Limiter l’adoption aux couples stables composés d’un homme et d’une femme, c’est limiter les risques d’échec de l’adoption.

Enfin, lorsque deux de nos collègues ont évoqué, l’un son expérience d’orphelin, l’autre le témoignage douloureux d’enfants adoptés, plusieurs d’entre vous ont tweeté, baillé, brocardé ou ricané. C’est mépriser l’opposition, mais c’est surtout mépriser la voix des enfants, et des enfants adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Brigitte Bourguignon. Oh, ça va !

M. le président. La parole est à M. Jacques Kossowski, pour soutenir l’amendement n° 3903.

M. Jacques Kossowski. Monsieur le président, nous avons tous des enfants, je l’espère, au moins pour ceux d’entre nous qui peuvent en avoir, et nous savons que l’enfant a besoin d’une histoire crédible de sa naissance, afin qu’il puisse raconter quelque chose, même s’il a été abandonné.

Si un enfant n’a pas d’histoire, s’il a été adopté par un couple homosexuel, il pourrait se demander pourquoi il n’a pas mérité d’avoir un père et une mère. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Patrick Bloche. Quelle horreur !

M. Thomas Thévenoud. C’est honteux !

M. Jacques Kossowski. Certains enfants n’auront jamais la possibilité de dire « papa et maman ». Vous qui avez des enfants, vous savez le plaisir que l’on ressent lorsque votre enfant vous appelle ainsi. On sait que dans cette situation-là, il manquera quelque chose à l’enfant, un équilibre.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais qu’en savez-vous ?

M. Jérôme Guedj. C’est honteux !

M. Jacques Kossowski. C’est pourquoi il a besoin d’avoir un père et une mère.

M. Jérôme Guedj. Dans dix ans, vous aurez honte d’avoir tenu de tels propos !

M. Bernard Roman. Vous en rougirez !

M. Xavier Breton. C’est ce que disent les psychiatres ! Ce n’est pas parce que ça vous dessert qu’il faut le nier !

M. le président. Sur l’amendement n° 5, et sur l’amendement n° 70 et les autres amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de deux demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5268.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, je saisis l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour m’adresser au ministre des relations avec le Parlement, et revenir sur la déclaration très générale qu’il a faite précédemment.

M. le ministre a évoqué les termes de l’article 44 de la Constitution pour s’opposer à l’examen de tous les sous-amendements présentés par les députés de l’opposition, déposés ou susceptibles d’être déposés au cours de la séance.

M. Bernard Roman. Comme le président Accoyer il y a trois ans !

M. Guillaume Larrivé. En se fondant sur cette interprétation de l’article 44, il s’oppose à ce que ces sous-amendements soient discutés en séance publique dès lors qu’ils n’ont pas été examinés par la commission des lois en amont.

M. Bernard Roman. Il est intéressant votre amendement !

M. Guillaume Larrivé. Cette décision de principe du Gouvernement nous semble contraire à la Constitution telle qu’elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2006-535 du 30 mars 2006. Le considérant n° 11 de cette décision indique de manière extrêmement claire que le Gouvernement ne peut opposer l’article 44 qu’à deux conditions : d’une part, eu égard au contenu des sous-amendements concernés, d’autre part, eu égard aux conditions générales du débat.

Autrement dit le Gouvernement, avant de s’opposer à l’examen de sous-amendements sur le fondement de l’article 44, doit naturellement examiner le contenu de chacun de ces sous-amendements. Une opposition générale de l’article 44 ne serait pas conforme à la Constitution.

Cette interprétation est d’ailleurs parfaitement explicitée par le Conseil lui-même en 2009 dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, qui présentent la thèse que je viens de vous exposer.

Vous ne pouvez pas faire vôtre la célèbre phrase d’André Laignel, qui répondait à Jean Foyer en 1981 qu’il avait juridiquement tort car il était politiquement minoritaire. Nous sommes peut-être politiquement minoritaires, mais nous avons juridiquement raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 5283.

M. Michel Herbillon. L’amendement n° 5283 vise à limiter les cas d’adoption par des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels.

Que vous le vouliez ou non, chaque enfant naît d’un père et d’une mère, et non pas de deux parents. D’ailleurs, la philosophe Sylviane Agacinski le dit très bien. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Bien entendu, vous n’aimez pas qu’on la cite. On le lui dira ! Elle a déclaré : « Le schéma du rapport parent/enfant vient du modèle naturel biologique… Si vous créez une parentalité de parents du même sexe, vous aurez des enfants avec deux parents, un père une mère et d’autres qui auront deux parents du même sexe. C’est un principe inégal. La différence sexuelle reste fondamentale dans la filiation. »

Mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Ceux élevés au sein d’unions homosexuelles se poseront toujours la question de savoir pourquoi eux n’ont pas un père et une mère.

Le Gouvernement va cautionner, par cette loi, cette situation. Au-delà du principe, l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples de même sexe va se heurter à la rareté des enfants adoptables en France. Cette situation va donc pousser ces couples à avoir recours à des méthodes de procréation interdites pour le moment en France, mais accessibles à l’étranger.

Ce sera aussi un motif pour le Gouvernement et la majorité de demander en France la légalisation de la PMA, puis de la gestation pour autrui.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement visant à limiter les cas d’adoption des couples mariés aux seuls couples hétérosexuels afin de refuser la fuite en avant dans laquelle vous engagez notre société, et dont nous ne voulons pas.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir le sous-amendement n° 5390.

Mme Claudine Schmid. Merci monsieur le président, je suis heureuse de faire partie des cinq élus qui peuvent présenter un sous-amendement. Mais j’espère que tous les sous-amendements qui seront déposés ce soir pour la séance de demain auront le temps d’être examinés en commission demain matin. Je n’en doute pas.

M. le président. À condition que les amendements sur lesquels ils portent ne soient pas examinés au cours de la nuit qui vient.

M. Philippe Gosselin. Ou au petit matin !

M. Jacques Myard. Dès potron-minet !

M. Philippe Gosselin. Dans l’odeur des croissants chauds !

Mme Claudine Schmid. Je suis très attachée à l’égalité entre les enfants nés dans un couple hétérosexuel et conçus de façon dite naturelle et les enfants adoptés.

Il s’agit, comme l’ont très bien dit mes collègues, de donner des parents aux enfants, et non le contraire. L’article 343 du Code civil prévoit un âge minimum pour que le couple puisse adopter, ce qui constitue déjà une inégalité avec les enfants issus de couples hétérosexuels : il n’est pas rare que les parents aient moins de vingt-huit ans à la naissance de leurs enfants.

Il ne faudrait pas accentuer cette inégalité en les faisant adopter par des parents ayant dépassé, du moins pour la mère, l’âge considéré comme légal de procréation. C’est pourquoi je souhaite, s’il y a un âge plancher, qu’il y ait aussi un âge limite.

Cela favoriserait aussi les couples hétérosexuels, puisqu’il y aura beaucoup moins d’enfants à adopter compte tenu de la législation internationale et le fait que certains pays nous refuserons des enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements et sur le sous-amendement ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable au sous-amendement et à l’ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je trouve vraiment choquante toute cette liste d’amendements que nous venons d’entendre…

M. Antoine Herth. Nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Elle témoigne d’un refus de voir l’évolution actuelle des familles. C’est très grave pour ceux qui nous regardent, ou qui vont relire les débats de l’Assemblée nationale.

Nous avons chacun notre vie personnelle, chacun pourrait raconter son vécu, mais ce n’est pas forcément le lieu.

M. Jean-Frédéric Poisson. Dites-le à la présidente de la commission des affaires sociales !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Rappelons que l’adoption est possible pour les célibataires : vos arguments semblent donc un peu dépassés.

Rappelons également qu’un enfant sur quatre ne vit pas avec ses deux parents, et qu’un enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale. Tout ce qui a été dit ce soir est insultant pour toutes les formes de famille que l’on rencontre actuellement.

Il est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’enfants adoptables, vous avez raison, et le rapporteur et moi-même l’avons dit. Mais vous savez aussi très bien que les familles homosexuelles existent, elles sont nombreuses, elles ont des enfants, et cette possibilité de mariage et d’adoption aura pour effet que la majorité des couples homosexuels mariés adopteront principalement l’enfant du conjoint. Les familles en seront sécurisées et l’enfant aura alors deux parents légitimes. Peut-être cesseront alors les discriminations homophobes dont elles souffrent de plus en plus, notamment depuis quelques mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. On ne peut pas tout laisser passer. Deux interventions appellent des remarques.

Vous avez dit que l’on ne pouvait pas imposer aux enfants de s’adapter aux choix de vie de leurs parents. Je ne vois pas en quoi cela a un lien avec l’homosexualité ; que l’on vive dans un milieu hétérosexuel ou homosexuel, les enfants doivent souvent s’adapter aux choix de vie de leurs parents !

Dans une autre intervention, l’un d’entre vous a dit que l’enfant qui est adopté va se demander pourquoi il n’a pas mérité un père et une mère. Je trouve cela très choquant. J’attire votre attention : l’homosexualité n’est ni de gauche, ni de droite, ni de la ville ni de la campagne. En disant cela, vous êtes entendus et regardés non seulement par des homosexuels, mais aussi par des familles d’homosexuels. Je ne suis pas sûre que ni les uns ni les autres soient enchantés d’entendre qu’il leur serait interdit d’adopter du fait de leur sexualité !

M. Patrick Hetzel. Personne n’a dit cela !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je reviens enfin sur une évidence : ces amendements introduisent une discrimination entre les couples de personnes de même sexe et de sexe différent alors même que l’objet de la loi qui vous est proposée est précisément d’ouvrir le mariage, et par voie de conséquence l’adoption, aux couples de personnes de même sexe…

M. Michel Herbillon. Que faites-vous pour l’enfant ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels mariés, avec les mêmes droits et les mêmes procédures qui garantissent l’évaluation du sérieux du projet ainsi qu’un environnement éducatif, familial et psychologique correspondant aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté. L’avis du Gouvernement ne peut évidemment qu’être défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Michel Herbillon. Votre démonstration est un peu courte !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Patrick Hetzel. Voilà le homard ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. L’article 343 du code civil dispose que « l’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».

Vous voulez remplacer la mention des deux époux par celle d’un homme et une femme.

M. Jacques Myard. C’est bien cela ! Parce que vous avez adopté l’article 1er !

M. Marcel Rogemont. Je vous recommande la lecture du rapport n° 628, tome I, de notre rapporteur, à la page 72. Il y est rappelé que, par un arrêt « Mlle B. » du 22 janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour une discrimination sur le fondement de la sexualité dans le cadre d’une procédure d’adoption.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Marcel Rogemont. Cette condamnation signifie que la loi ne peut interdire à un homme ou à une femme, quelle que soit son orientation sexuelle, d’adopter un enfant. Pourquoi voudriez-vous alors qu’il soit interdit à un couple de deux hommes ou de deux femmes ce qui est permis à chacun d’entre eux séparément ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. En effet, cela n’a pas de sens !

M. Marcel Rogemont. Vous conviendrez qu’il s’agit d’un vrai problème. Si nous adoptions votre amendement, nous serions de nouveau traduits devant la Cour européenne des droits de l’homme qui nous condamnerait une fois de plus.

En votant pour ce projet de loi et contre vos amendements, nous souhaitons simplement que la loi soit indifférente à l’orientation sexuelle. C’est parce que la loi sera indifférente à l’orientation sexuelle que le marquage social qui existe encore contre l’homosexualité finira par disparaître et rendra encore plus vif l’aspect ringard de vos raisonnements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. C’est vous qui êtes ringard !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela se termine bien ! Bravo !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l’amendement n° 5.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 248

Nombre de suffrages exprimés 248

Majorité absolue 125

Pour l’adoption 76

contre 172

(L’amendement n° 5 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. La participation des députés socialistes est en baisse !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, à main levée, le sous-amendement n° 5390.

(Le sous-amendement n° 5390 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, les amendements identiques nos 70, 126, 339, 381, 464, 523, 574, 600, 699 rectifié, 960, 1199, 1223, 1239, 1344, 1348, 1382, 1417, 1562, 1670, 1740, 2555, 3001, 3044, 3145, 3217, 3279, 3903, 4526, 5268 et 5283.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 251

Nombre de suffrages exprimés 251

Majorité absolue 126

Pour l’adoption 76

contre 175

(Les amendements identiques nos 70, 126, 339, 381, 464, 523, 574, 600, 699 rectifié, 960, 1199, 1223, 1239, 1344, 1348, 1382, 1417, 1562, 1670, 1740, 2555, 3001, 3044, 3145, 3217, 3279, 3903, 4526, 5268 et 5283 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. Nicolas Bays. Pour la soupe à l’oignon ?

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5052.

M. Hervé Mariton. À plusieurs reprises dans le débat a été évoquée la difficulté qu’il y aurait à permettre l’adoption par des personnes célibataires. La loi, heureusement, ne dispose pas de la sexualité de ces personnes.

M. Pascal Popelin. C’est gentil de le rappeler !

M. Hervé Mariton. Les personnes des services qui traitent les adoptions n’ont pas à savoir quelle est l’orientation sexuelle des personnes qui veulent adopter. L’État ne fait pas la police des lits. Ces personnes mènent leur vie. L’incohérence réside dans le fait d’autoriser dans la loi l’adoption par des célibataires et de refuser l’adoption par des couples de personnes de même sexe.

L’histoire de l’adoption par des célibataires est complexe. S’y mêlent différents éléments : notamment les conséquences de conflits et, plus proches de nous dans les années soixante, des raisons assez circonstancielles liées aux besoins de telle ou telle personnalité qui a pu provoquer une évolution de la loi. Bref, il y a une incohérence et nous l’admettons. Nous proposons de la corriger.

Notre amendement propose l’interdiction générale de l’adoption par des personnes célibataires. Nous avons ensuite déposé un amendement différent sur lequel je reviendrai tout à l’heure, qui me paraît mieux rédigé et mieux adapté car je pense que le principe de l’interdiction absolue n’est pas heureux.

Je retire donc l’amendement n° 5052.

(L’amendement n° 5052 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’une série de 64 amendements identiques, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 66.

M. Marc Le Fur. La question a été parfaitement posée par notre collègue Mariton. Nous considérons qu’il faut mettre un terme à l’adoption par les célibataires, sauf – exception de bon sens – existence de liens familiaux particuliers entre la personne adoptante et l’enfant concerné. Pourquoi ? Pour trois raisons.

Premier élément, l’adoption par les célibataires est entrée dans la loi à des moments très spécifiques. Après la guerre de 1914-1918, il y avait beaucoup d’enfants à adopter et beaucoup de femmes seules.

Deuxième élément, cette adoption pose de multiples problèmes et je souhaiterais que chacun mesure ce que nous dit le professeur Lévy-Soussan : les célibataires qui adoptent consultent six fois plus que les couples, dit-il. C’est une adoption qui peut être un risque parce que l’enfant est en demande de parents et qu’en face, il ne trouvera qu’une seule personne.

Troisième élément, il est à craindre, et les psychologues là aussi le confirment, que l’adoption par une seule personne n’aboutisse à une logique de l’enfant-roi, à une relation exagérément fusionnelle susceptible de desservir l’enfant.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il faut faire évoluer les choses. Nous introduisons ce débat à l’occasion de l’examen de ce texte, il y est lié, mais il va plus loin et cela peut aboutir à quelque chose de relativement consensuel.

Je voudrais vous faire part d’un élément d’information que je tiens des professionnels de l’aide sociale à l’enfance. Lorsqu’ils examinent une candidature de personne seule, les services de l’ASE recherchent aussi un référent masculin. De fait, ils intègrent le souhait et la nécessité de disposer d’un référent masculin…

M. le président. Merci !

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 378.

M. Hervé Mariton. Dans l’esprit de ce que j’indiquais avant de retirer l’amendement précédent, il est cohérent de privilégier l’adoption par des couples. On peut cependant comprendre que des circonstances familiales ou amicales doivent aussi être privilégiées : lorsqu’en cas de décès de deux parents, dans un accident par exemple, il se peut qu’un oncle, un parent ou un membre du cercle amical de la famille célibataire soit disposé à adopter l’enfant. Dans ce contexte, on peut tout à fait comprendre la légitimité de l’adoption.

L’idée est bien de sortir les célibataires du champ de l’adoption et de la restreindre aux membres de la famille ou du cercle amical.

Mme Elisabeth Pochon. Incroyable !

M. Hervé Mariton. On préserve ainsi l’intérêt de l’enfant dans les meilleures conditions.

Quant à la définition du cercle amical, il appartiendra, sous le contrôle de la justice, de vérifier la réalité des relations préexistantes entre la famille de l’enfant, l’enfant et les personnes concernées.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 696.

M. Frédéric Reiss. Nous exprimons les plus grandes réserves quant aux conséquences de ce projet de loi sur l’organisation de l’adoption tant sur le plan national que sur le plan international.

Je voudrais souligner la complexité que va engendrer la question de la filiation car, aujourd’hui déjà, nous sommes confrontés à de grandes difficultés dans le cadre de la recherche des origines.

Le droit français autorise l’adoption d’un enfant par un célibataire, ouvrant ainsi la voie à l’adoption par une personne célibataire homosexuelle. Le premier alinéa de l’article 343-1 du code civil dispose que l’adoption peut aussi être demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans. Le groupe UMP souhaite compléter cet alinéa par les mots : « à la condition que cette personne ait un lien de parenté avec l’enfant, ou bien fasse partie de ses alliés, ou de tiers proches de ses parents et alliés. »

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 957.

M. Philippe Vitel. L’expérience a montré que ces adoptions par des célibataires étaient tout bonnement des adoptions déguisées par des couples homosexuels. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Étant opposé à l’adoption par les couples homosexuels, je suis par ricochet très circonspect sur ce type d’adoption. C’est pourquoi il est temps de s’y opposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n° 1020.

M. Jean-Marie Tetart. Le débat que nous avons eu montre une volonté commune de promouvoir la famille, de mettre l’intérêt de l’enfant au premier plan. Nous avons là une occasion unique. Il faut que l’on puisse, dans le cas de difficultés familiales, de deuil, d’accidents de la vie, assurer à l’enfant le meilleur environnement que peut lui assurer la famille la plus proche et relativiser les inconvénients. Il faut que l’enfant soit dans un environnement favorable où existent déjà une parenté, des amis.

Mesdames et messieurs de la majorité, vous avez là une occasion unique d’aller vers ce qui vous est le plus cher : la promotion de la famille et de l’enfant. Cet amendement vous permet d’atteindre le but que vous poursuivez.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1416.

M. Nicolas Dhuicq. Nous entrons dans une partie de la loi très complexe. Tant qu’il s’agissait de l’adoption par des couples déjà constitués, y compris homosexuels, nous ne pouvions trouver de réponse véritablement satisfaisante, ni pour ni contre. Pour ma part, j’ai des doutes ; voilà pourquoi, dans le doute, je n’étais pas favorable à une loi sur ce sujet.

Mais en l’espèce, nous abordons le cas de l’adoption par une personne seule d’enfants qui ont perdu leurs parents. Dans leur repère identificatoire, ces enfants ont déjà connu le couple qui est à l’origine de leur vie. Par conséquent, il nous semble plus logique et plus responsable de proposer à ces enfants que la personne adoptante ait avec l’enfant un lien de parenté prouvé, expertisé. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1555.

M. Yves Fromion. Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur le sujet.

Plusieurs députés du groupe SRC. En effet !

M. Yves Fromion. Je partage l’avis de mes collègues. Nous connaissons tous les difficultés de la société actuelle. Nous voyons bien les effets de la déstructuration des familles, des couples. Il serait sage d’éviter de créer de nouveaux déséquilibres dont ensuite la société serait obligée d’assumer les conséquences.

Ce n’est pas faire injure aux homosexuels. Ce n’est pas désigner tel ou tel.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. François André. Mais il y a un mais !

M. Yves Fromion. C’est simplement prendre conscience de ce qu’est la société, et non de ce que voudriez ce qu’elle devienne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi, comme mes collègues, je pense qu’il faut privilégier l’adoption par les couples hétérosexuels.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1673.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite réagir aux propos de Mme la rapporteure pour avis. Dans un amendement précédent, nous souhaitions remplacer les mots « deux époux » par les mots « un mari et une femme ». Un tel amendement n’avait pas lieu d’être, a-t-elle répondue, car l’adoption était possible par les personnes célibataires.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je n’ai pas dit cela.

Mme Véronique Louwagie. D’où l’amendement qui suit, en parfaite cohérence avec nos propos.

Le principe essentiel à nos yeux est l’intérêt supérieur de l’enfant. À cet égard, je voudrais citer les propos de quelqu’un qui n’est pas présente dans l’hémicycle, mais qui pourrait l’être : Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux, en novembre 1998. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. En effet, elle devrait être là !

Mme Véronique Louwagie. « Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. » Et d’ajouter : « Un enfant a droit à un père et une mère…

M. Xavier Breton. C’est vrai !

Mme Véronique Louwagie. …quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. »

Ces propos sont la preuve qu’il est souhaitable qu’un enfant puisse être adopté par un père et une mère. En l’occurrence, l’adoption par une personne seule, situation par trop exclusive, ne va pas dans l’intérêt de l’enfant. Le bien de l’enfant doit primer sur le désir d’un enfant de la part de ceux qui souhaiteraient être parents. L’enfant n’est pas un objet de droit.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1738.

M. Guillaume Chevrollier. La légalisation de l’adoption par les célibataires a répondu à des conditions historiques qui n’ont plus cours aujourd’hui. Le nombre d’enfants adoptables a beaucoup régressé pour un certain nombre de raisons.

L’amendement n° 1738 vise à limiter les cas d’adoption des célibataires aux cas où l’enfant a une relation de parenté directe ou indirecte avec la personne qui désire l’adopter ou bien a entretenu des liens étroits avec ses parents et alliés.

M. Jérôme Guedj. La régression est en marche !

M. Guillaume Chevrollier. Cette exception doit être la seule à un principe essentiel : donner un père et une mère à des enfants qui en ont été privés.

La démarche d’adoption n’est pas faite pour donner un enfant à un couple mais pour donner une famille à un enfant qui a déjà subi, faut-il le rappeler, un traumatisme important en étant privé de son père et de sa mère.

Or, en ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, un autre principe essentiel de notre société est mis à mal : au lieu du droit de l’enfant, on veut donner un droit à l’enfant, droit hautement répréhensible. Où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? Oublié, piétiné.

L’enfant n’est pas un objet que l’on pourrait acquérir pour combler un manque – manque certainement réel pour un certain nombre de personnes. Il n’est nullement question de mettre en doute les capacités à aimer et à éduquer des couples homosexuels, bien entendu. Ce qu’il vous faut comprendre et surtout admettre, vous les porteurs du projet, c’est que les enfants ont tous besoin d’avoir des repères dans notre société, tous ont droit d’être élevés par un père et une mère, fussent-ils de substitution. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Écoutez les pédopsychiatres, les psychologues, les psychiatres, les témoignages de ces enfants qui auraient voulu grandir dans une famille hétérosexuelle, cessez de ne prêter oreille qu’aux arguments des associations partisanes. C’est l’enfant que vous devez mettre au cœur de votre projet et non les désirs des adultes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2556.

M. François Scellier. Le but de cet amendement est de ne permettre l’adoption par une personne seule que sous certaines conditions, établies dans l’intérêt supérieur de l’enfant : l’existence de liens préexistants entre l’adoptant et l’enfant, qu’il s’agisse de liens de parenté ou de liens d’alliance. C’est tout l’intérêt de l’enfant que de pouvoir maintenir ses repères. Il s’agit là d’une disposition de sagesse qui mériterait d’être adoptée.

M. Patrick Bloche. Une disposition honteuse, oui !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3216.

M. Jérôme Guedj. Je crains le pire !

M. Jacques Myard. Inutile de revenir à l’histoire de l’adoption par les célibataires, nous la connaissons. Cela a été l’honneur de notre pays que d’adopter ces règles à la suite du premier et du deuxième conflit mondial.

M. Jérôme Guedj. Elles datent de 1966 !

M. Jacques Myard. En réalité, je crois que cet amendement a le grand mérite de prendre en compte les réalités de la vie. Il donne une chance à l’enfant, car il privilégie son cercle de proximité, l’adulte qui connaît déjà en partie son passé, avec lequel il a sans doute déjà eu des moments passés ensemble, des expériences et des émotions communes. Il donne à l’enfant une réelle chance pour repartir.

M. Jérôme Guedj. Hé bé !

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3707.

M. Yves Censi. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 5386 à l’amendement n° 66 est-il défendu ?

M. Guillaume Larrivé. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Vous voulez, une fois de plus, faire cadrer l’intérêt de l’enfant avec vos préoccupations personnelles. Or il est important de laisser les juges et les divers professionnels analyser l’enfant tel qu’il est et évaluer les familles. Le rôle du rapporteur n’est pas forcément de fixer en amont quel sera l’intérêt de l’enfant. Il n’y a aucune évidence a priori que l’adoption par des parents ou alliés aille dans le sens de son intérêt.

Mais depuis le début d’après-midi, vous vous en tenez à une même stratégie : définir en amont l’intérêt de l’enfant. Ce n’est pas l’esprit du code civil.

M. Sylvain Berrios. L’adoption, c’est d’abord l’intérêt de l’enfant !

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton a prétendu que lors de nos auditions, certains pédopsychiatres avaient jugé néfaste l’adoption par une personne célibataire. Je tiens à vous dire que moi, je n’ai pas entendu la même chose, y compris dans la bouche de M. Flavigny. Nous pourrons avoir un échange à ce propos. Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission sur ces amendements et ce sous-amendement est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avis défavorable !

M. Bernard Roman. Bonne synthèse, madame la ministre !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Je ne vous apprendrai pas, chers collègues de la majorité, que ce projet de loi nous divise depuis plusieurs jours. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous tenez à notre endroit des propos parfois fort désagréables, en nous traitant de ringards et d’homophobes.

M. Alexis Bachelay. Des propos très justes !

Mme Valérie Lacroute. Je n’ai pas le sentiment d’avoir ce genre d’attitude. Il est normal de débattre de ce projet de loi : nous sommes en démocratie.

M. Pascal Popelin. Débattre oui, rabâcher non !

Mme Valérie Lacroute. Les Français vous l’ont prouvé puisqu’ils sont descendus dans la rue très nombreux le 13 janvier. Ils étaient encore nombreux hier, et ils le seront toujours le 24 mars. Je tweete très peu, mais je reçois beaucoup de mèls de gens qui nous soutiennent et qui nous soutiendront encore demain.

Les enfants se trouvent au cœur du débat. Mais leur avez-vous laissé la parole ? Le bien de l’enfant doit primer le désir d’enfant de ceux qui souhaiteraient être parents. L’enfant n’est pas un objet de droit : il naît d’un homme et d’une femme et il a besoin pour structurer sa propre personnalité qu’interviennent auprès de lui un père et une mère. Dans l’intérêt de l’enfant, il est donc nécessaire de limiter les possibilités d’adoption pour les célibataires aux personnes ayant une relation de parenté directe ou indirecte avec l’enfant ou ayant entretenu des liens étroits avec ses parents et ses alliés.

M. Bernard Roman. Que de répétitions !

M. Marc Le Fur. Eh oui, répéter, répéter, répéter, toujours répéter !

Mme Valérie Lacroute. Eh oui, je suis bien d’accord avec vous, mais il est important que nous débattions de cette question. C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous pouvons nous mettre d’accord sur l’impératif de défendre le droit de l’enfant à avoir la meilleure famille, à ceci près que, pour nous, il existe différentes formes de familles : elles peuvent être homoparentales, hétéroparentales ou encore monoparentales.

À cet égard, j’aimerais rappeler que la mission sur la famille présidée par Patrick Bloche, dont la rapporteure était Valérie Pécresse, avait considéré en 2005 que l’intérêt de l’enfant justifiait de maintenir l’adoption pour une personne seule, …

M. Jérôme Guedj. Tout à fait !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. …notamment pour permettre à des enfants plus grands, à besoins spécifiques, autrement dit en situation de handicap, de trouver une famille.

M. Jacques Myard. Parmi les proches !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et qui était membre de cette mission ? M. Mariton !

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas approuvé ses conclusions !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. En huit ans, quelle régression ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Comment allez-vous expliquer aux enfants adoptés par des célibataires que leur famille repose sur un modèle qui n’est plus valide ? Où est l’intérêt de l’enfant dans tout cela ? Je le cherche encore.

M. Yves Fromion. Continuez à chercher !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il me semble que vos amendements stigmatisent les familles monoparentales. Un jour, retirerez-vous leurs enfants aux veufs ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Alain Bénisti. Ridicule !

M. Hervé Mariton. Contresens et non-sens !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Comment allez-vous faire pour expliquer à ces gens qu’ils représentent un danger pour leurs enfants ? Je vous invite à faire preuve d’un peu de bon sens. Ces amendements, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 5386 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 66, 378, 696, 957, 1020, 1416, 1555, 1673, 3 216 et 3 707 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une autre série d’amendements identiques qui tendent à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1994.

M. Hervé Mariton. Même si nous n’approuvons pas la procédure d’adoption telle que le Gouvernement la prévoit, il nous paraît important de l’entourer de précautions. L’enfant de plus de treize ans peut et doit faire valoir son point de vue : nous proposons qu’il bénéficie d’un entretien préalable avec un psychologue afin que l’on s’assure de son consentement dans un certain délai. C’est une démarche raisonnable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2978.

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans des situations, l’avis des enfants, même de moins de treize ans, est sollicité. Je pense par exemple à la décision de vivre chez l’un ou l’autre des parents en cas de séparation.

Cet amendement vise à ce que l’enfant soit au moins consulté…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’entretien est déjà prévu !

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans ce cas, vous m’expliquerez en quoi ce serait superfétatoire !

M. Hervé Mariton. L’élément nouveau est l’entretien avec le psychologue !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et qu’il puisse consentir à cette adoption compte tenu de l’importance de l’évolution en jeu. Dès lors qu’il a treize ans ou plus, il est normal que son consentement soit sollicité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3057.

M. Patrick Hetzel. « On ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants comme on baisse un taux de TVA. Rien n’est pire que de légiférer dans la précipitation et sous l’influence médiatique. » Voilà ce qu’écrivait en mai 2004 un certain Jean-Marc Ayrault dans une revue parlementaire que vous vous plaisez à citer, Tribunes socialistes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ces propos de celui qui n’était pas encore notre Premier ministre me semblent plus que jamais d’actualité.

Il poursuivait : « L’égalité des droits est un principe fondamental. Il n’est pas l’uniformité des droits ».

J’aimerais savoir pourquoi ce qu’avait écrit Jean-Marc Ayrault en 2004 ne s’appliquerait plus aujourd’hui.

M. Philippe Gosselin. L’électoralisme !

M. Patrick Hetzel. Ce qui est très intéressant, c’est que le Premier ministre balaie l’argument de l’égalité des droits en montrant qu’il est susceptible d’effacer toute différence.

M. Bernard Roman. Quel rapport avec l’amendement ?

M. Patrick Hetzel. Nous sommes pleinement dans ce débat. De toute évidence, les arguments que vous avez avancés au cours des derniers jours ne remettent absolument pas en cause ce qu’avait écrit alors Jean-Marc Ayrault.

Je pense qu’il y a fondamentalement aujourd’hui un problème dans le débat que nous avons.

M. Christian Jacob. Ça s’est sûr !

M. Patrick Hetzel. Vous-mêmes avez avancé certains arguments. Le premier d’entre vous, en l’occurrence, celui qui dirige le Gouvernement, a pris des orientations. Il semble s’en écarter ou du moins ne pas se rendre compte que le projet de loi qui nous est soumis par son Gouvernement est en train de dévier par rapport à ce qu’il affirmait lui-même dans les Tribunes socialistes.

M. le président. Sur l’amendement n° 1914 et les amendements identiques qui suivent, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3787.

M. Philippe Gosselin. Cette brillante citation de notre Premier ministre tombe à point nommé, il est bon de la rappeler. Mais je pense que lui-même s’en est souvenu aujourd’hui : c’est sans doute ce qui explique que, depuis le Cambodge, il ait eu ce réflexe de survie d’attirer l’attention de sa majorité, sans doute pour l’aider à resserrer les rangs. Ce matin, nous avons en effet assisté à un psychodrame qui s’est confirmé à la reprise de nos travaux l’après-midi.

M. Patrick Hetzel. Il n’y a guère que Bruno Le Roux pour n’avoir pas encore compris !

M. Christian Jacob. Il va se faire taper sur les doigts à présent !

M. Philippe Gosselin. M. Le Roux est resté longtemps sans voix ce matin mais il semble avoir repris quelque force depuis et il ne faudrait peut-être pas le tenter. Toutefois, si nous n’avions plus besoin de nos sonotones, nous pourrions lui passer quelques vitamines C. Nous n’en manquons pas !

Revenons à notre sujet. Nous avons vu tout à l’heure les questions liées à l’adoption. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Gardez vos forces, mes chers collègues, je n’entends pas ce que vous dites. Nous pourrons en parler tout à l’heure si vous voulez, j’aurai aussi des pastilles pour vous.

M. Jérôme Guedj. Sans façon !

M. Philippe Gosselin. Je vous assure pourtant qu’elles ne sont pas empoisonnées, ce ne serait pas mon style.

M. le président. Poursuivez, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, vous avez raison de me rappeler à l’ordre. Ma bonté pour mes collègues de la majorité pourrait m’égarer.

Nous avons donc abordé les questions liées à l’adoption, en particulier celle, très sérieuse, du besoin de s’identifier à une scène originelle pour des enfants adoptés, ce qui suppose la reconnaissance d’un père et d’une mère, d’un homme et d’une femme. En l’espèce, compte tenu de l’âge de l’enfant, plus de treize ans, il nous semble important qu’il puisse, non seulement consentir personnellement à son adoption, ce qui, vu son âge, ne serait pas exceptionnel, mais qu’il puisse le faire après un entretien, un échange spécifique, avec un psychologue, lequel aura une vue d’ensemble de la situation.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4487, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5387.

M. Marc Le Fur. Je voudrais tout d’abord vous exprimer ma surprise : M. Patrick Hetzel reçoit Tribunes socialistes mais moi, je ne suis pas sur la liste des destinataires et je n’ai pas pu en prendre connaissance. Peut-être en disposerai-je à l’avenir si M. Le Roux se montre obligeant. (Sourires.)

M. Michel Pouzol. Envoyez un chèque !

M. François André. Eh oui, c’est payant !

M. Marc Le Fur. J’en viens à l’amendement n° 4487. Nous abordons là un sujet majeur, celui de la volonté de l’enfant mineur. Ce n’est pas un sujet anecdotique, loin de là. Nous vous proposons de progresser ensemble sur cette question, en permettant à l’enfant mineur, âgé de plus de treize ans, avec l’accompagnement d’un psychologue, d’exprimer une volonté, un souhait, de le formaliser, dans le cas très singulier d’une éventuelle adoption par des personnes de même sexe.

La parole de l’enfant doit être entendue à un moment donné et nous devons mener une véritable réflexion sur ce point. Nous aurions d’ailleurs pu le faire si cette loi avait été mieux préparée. Ce ne fut pas le cas et je le regrette.

Cette impréparation a du reste été manifeste tout au long de l’après-midi puisque nous avons vu la ministre chargée de la famille dire une chose, pour se faire reprendre ensuite par le Premier ministre depuis Phnom Penh. Bref, ce n’était pas satisfaisant, mais notre amendement pourrait permettre de progresser sur les droits de l’enfant, un sujet qui préoccupe beaucoup l’UMP.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 345 du code civil se suffit à lui-même, monsieur Le Fur : s’il a plus de treize ans, l’enfant adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière. Le préciser davantage pour les couples de même sexe ne serait pas un progrès mais une régression, une stigmatisation. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Et l’entretien ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le rapporteur l’a très bien dit, le code civil répond à votre demande. La rencontre avec un psychologue est une modalité pratique de la préparation de l’enfant à l’adoption et ne relève pas du domaine législatif mais du domaine règlementaire. En tout état de cause, dans le cadre de la procédure judiciaire, le juge peut, conformément à l’article 388-1 du code civil, ordonner l’audition de l’enfant. Cette audition est même de droit lorsque l’enfant en fait la demande. C’est le juge qui entend l’enfant ou bien une personne qui exerce, ou a exercé, une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique.

Si je vous ai rappelé tous ces points, c’est bien pour vous montrer que des dispositifs existent déjà et que vos amendements n’aboutissent qu’à jeter la suspicion sur le travail des autorités en charge de l’adoption.

M. Jacques Alain Bénisti. Mais non !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Comme, de surcroît, votre exposé sommaire vise « la situation particulière résultant de l’adoption par des personnes de même sexe », tout porte à considérer votre proposition comme une nouvelle mesure discriminatoire à l’encontre des personnes de même sexe.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin pour soutenir le sous-amendement n° 5387.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Bernard Roman. Est-ce bien raisonnable ?

M. Jacques Alain Bénisti. M. le rapporteur s’est plaint de ce que les députés ne lui parlaient que de leur propre expérience, de leur vie au quotidien. L’on ne vous a pas parlé que de cela. Lorsque vous avez procédé à des auditions, monsieur Binet, un certain nombre de courriers vous ont été envoyés, dont vous ne faites absolument pas état aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le premier courrier, c’est le rapport de l’INSERM. Les professionnels vous ont interpellés sur le comportement des enfants. Vous n’en avez tenu aucun compte.

Le conseil de l’ordre des pédopsychiatres vous a posé une série de questions. Vous n’y avez pas répondu.

Le conseil supérieur de l’adoption vous a presque violemment interpellé sur les problématiques de l’adoption par des couples homosexuels.

Enfin, un rapport vous a été transmis par le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, référence européenne en matière des troubles du comportement chez l’enfant.

Que nous, les parlementaires, nous ne soyons pas des professionnels de l’adoption, des problèmes comportementaux, soit. Mais pourquoi n’avez-vous pas tenu compte des avis des professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

Plusieurs députés SRC. Enfin !

M. Patrick Bloche. Je serai bref tant je suis atterré, comme les députés de la majorité, par la régression manifeste à laquelle nous assistons, amendement après amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés SRC. Absolument !

M. Bernard Roman. Régression totale !

M. Patrick Bloche. À l’instant, c’était la remise en cause de l’adoption par une personne seule ; à présent il s’agit, dans le cas de l’adoption par un couple de personnes de même sexe, de remettre en cause ce que le code civil reconnaît déjà, à savoir le discernement d’un enfant de treize ans, dont il est dit qu’il doit consentir personnellement à son adoption plénière. Ce qui signifie qu’il ne peut consentir sous l’influence d’une tierce personne, tout psychologue que cette personne soit.

M. Bernard Roman. Bien sûr !

M. Patrick Bloche. Entre stigmatisation et suspicion, chers collègues, vous nous entraînez très, très loin.

M. Bernard Roman. En effet, c’est une régression totale !

M. Yves Fromion. C’est du délire.

M. Patrick Bloche. En l’occurrence, puisque votre amendement tend à ce que, « Lorsqu’est envisagée son adoption par des personnes de même sexe, l’enfant de plus de treize ans doit bénéficier d’un entretien préalable avec un psychologue », j’ai très envie de vous proposer ce contre-amendement : « Lorsqu’est envisagée son intervention sur le mariage et l’adoption pour tous, le député de l’opposition doit bénéficier d’un entretien préalable avec un psychologue ». (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement ! On ne peut pas laisser passer cela !

M. Patrick Hetzel. On ne laissera pas passer !

M. Philippe Gosselin. C’est facile d’attiser le feu !

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues ! Je vous propose de tout d’abord procéder au vote, avant de vous donner la parole pour un rappel au règlement.

(Le sous-amendement n° 5387 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1994, 2978, 3057, 3787 et 4487.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 225

Nombre de suffrages exprimés 224

Majorité absolue 113

Pour l’adoption 61

contre 163

(Les amendements identiques nos 1994, 2978, 3057, 3787 et 4487 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, on peut estimer ou non…

Plusieurs députés SRC. Non !

M. Hervé Mariton. …utile, opportun, l’entretien avec un psychologue que nous proposons. C’est loisible. J’ai compris que le Gouvernement et le rapporteur pensaient que l’ajout n’était pas opportun. Mais je ne peux admettre le glissement que vous opérez à partir d’une proposition qui n’a rien de révolutionnaire d’un entretien psychologique – on en parle dans bien d’autres circonstances qui ne sont pas à ce point déterminantes pour la vie des personnes. Vous imaginez de nous soumettre à des entretiens psychologiques. Vous auriez pu dire psychiatriques, pendant que vous y étiez !

M. Carlos Da Silva. Excellent ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. La médecine psychiatrique a aussi sa légitimité et son utilité, mais ce glissement n’est pas acceptable. Nous connaissons un certain nombre de pays où c’est ainsi que l’on s’adressait à ses opposants. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je souhaiterais que vous ne rentriez pas dans l’idée que ceux qui s’opposeraient à votre texte relèvent, de votre point de vue, davantage d’un traitement médical que d’une discussion politique.

Nous sommes dans une discussion politique, nous l’assumons et nous ne considérons pas que vous auriez, vous, besoin d’entretiens psychologiques ou d’entretiens psychiatriques.

M. Marcel Rogemont. L’humour est aussi possible en politique !

M. Hervé Mariton. Ayez la gentillesse de respecter la démocratie. Il y a hélas des pays où cette conception des choses a fait des dégâts considérables. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis, et qui font l’objet d’un sous-amendement n° 5375

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3281.

M. Philippe Gosselin. Revenons une fois de plus à la gestation pour autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – je sais que cela vous manquait – et aux techniques d’assistance médicale à la procréation.

Aujourd’hui, le code civil interdit de recourir à la gestation pour autrui et l’accès à la PMA est circonscrit. Reste à savoir ce qu’il en sera bientôt, au-delà des couacs du Gouvernement auxquels nous avons assisté hier, ce matin, cet après-midi ? On se croirait aux Galeries Lafayette il y a une certaine époque : il se passe à tout instant quelque chose au Gouvernement et dans la majorité !

M. Jérôme Guedj. C’était à la Samaritaine, pas aux Galeries Lafayette !

M. Philippe Gosselin. Toujours est-il qu’une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade, évidemment contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine. On le voit déjà avec la reconnaissance opérée implicitement par la circulaire du 25 janvier 2013, dont on nous dit qu’elle ne crée pas de droits. Si c’est réellement le cas, abrogez-la, annulez-la, vous verrez qu’elle en crée bien au final !

Nous souhaitons que tout ce qui a trait la gestation pour autrui et l’accès à la PMA interdise l’adoption d’enfants qui seraient conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France et qui doivent le rester. Aucun appel ne doit être fait implicitement et il doit être posé une interdiction claire et nette du « tourisme reproductif ». Je sais que cette expression que j’avais employée voici quelques séances en avait fait bondir certains ; reste qu’au final, cela reviendrait à légaliser ces pratiques. Il faut poser l’interdiction pleine et entière de l’adoption d’enfants qui auraient été conçus dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une PMA…

M. le président. Merci, monsieur Gosselin, cela suffira !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4223.

M. Xavier Breton. À aucun moment, nous ne vous avons insultés. Or, pour le moment vos seules réponses se résument à des onomatopées, des vociférations, des invectives et des insultes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je le dis au président de la commission à laquelle j’appartiens, j’ai été déçu par la mise en cause qu’il a faite. Ce n’est pas à son honneur !

Notre message est clair : nous ne souhaitons pas entrer dans la logique qui va conduire, nous l’avons montré, du mariage à l’adoption, puis à l’assistance à la procréation, enfin, à la gestation pour autrui. C’est un peu facile, pour des adultes responsables, de procéder à l’étranger à la conception d’enfants dans le cadre de pratiques interdites en France, puis de revenir demander la légitimation de telles pratiques. Certains parlementaires utilisent les enfants comme des prétextes, ils les instrumentalisent. C’est vraiment scandaleux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 4241.

M. Yves Fromion. Nous avons bien compris, à travers ce que vous nous avez expliqué depuis plusieurs jours, qu’au fond, le groupe majoritaire était opposé à la GPA. (« Ah ! enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Sauf que, hélas, les faits contredisent cette position de principe. La circulaire dont on vient de parler encore il y a un instant démontre que vos actes sont en contradiction avec vos positions, disons-le, un peu hypocrites.

C’est pourquoi il faut éviter que les choses puissent déraper d’une façon ou d’une autre, parfois même à votre corps défendant, car nous voulons bien admettre que ce soit votre volonté de refuser la GPA.

Dès lors, il faut être clair. Les personnes qui iront bénéficier de la GPA à l’étranger devront, le cas échéant, être sanctionnées si l’on arrive à prouver qu’elles ont effectivement commis une infraction à la loi dans notre pays.

C’est une attitude particulièrement claire que de dire qu’aucune adoption ne sera autorisée pour des gens qui auront pratiqué la GPA.

M. le président. Sur l’amendement n° 3281 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4343.

M. Hervé Mariton. Le texte du Gouvernement pour le mariage et l’adoption des personnes de même sexe n’a aucune cohérence. Le mariage est pour lui et sa majorité un instrument, pas un objectif. D’adoption, il n’y en aura pas et le texte ne trouve sa logique que dans la poursuite du chemin qui mène à la procréation médicalement assistée et à la gestion pour autrui.

Ce problème de cohérence d’un texte qui n’a pas d’effet en lui-même mais qui n’en a que par sa transgression pose un problème de constitutionnalité. Cette transgression se fera par des PMA à l’étranger et par des gestations pour autrui. Elle pourra également se produire du fait de l’évolution du droit en France sur la PMA – plus ou moins vite, car nous ne savons pas très bien où en est le Gouvernement en la matière – et un jour, éventuellement, sur la GPA.

Nous ne pouvons accepter un tel enchaînement. Toute la logique de cet amendement est de dire non à un texte qui n’a de sens que par sa propre transgression. Tant que vous n’avez pas légalisé la GPA, votre idée est de laisser hypocritement pratiquer la GPA à l’étranger. Cette logique n’est pas acceptable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 4568.

M. Philippe Vitel. Je serais très heureux que vous acceptiez tous cet amendement qui va dans le sens de notre État de droit.

Nous sommes en effet dans un État de droit. Comment peut-on autoriser l’adoption d’un enfant conçu par des pratiques hors la loi, donc en dehors du cadre de l’État de droit qui régit notre République ?

Aujourd’hui, GPA et PMA sont pratiquées par des personnes qui ne trouvent pas leur bonheur dans notre pays et qui vont à l’étranger pour le trouver. Nous ne pouvons tolérer encore plus longtemps que notre droit soit à ce point bafoué.

M. le président. L’amendement n° 4606 de Mme Valérie Lacroute est défendu.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 4688.

M. Nicolas Dhuicq. Mes chers collègues, il fut un temps où l’on considérait que l’enfant était une pâte vierge, une page blanche, jusqu’à un âge fort avancé par rapport aux critères d’aujourd’hui. Dès les premières semaines de vie cependant, il se noue une relation intime entre la mère et l’enfant. Cette relation intime, nous l’appelons la dyade. La gestation pour autrui est la négation même de cette dyade, de ces liens intimes qui se nouent entre la mère et l’enfant pendant la grossesse.

Nombre d’entre vous ont été parents et vous avez certainement suivi les travaux récents qui montrent combien les enfants savent reconnaître les voix, par exemple lorsqu’ils sont dans le ventre de la mère. Lorsqu’ils sont nés, ils n’ont pas le même réflexe par rapport à la voix du père ou à la voix de la mère.

J’avais déjà évoqué combien le rôle du père était alors difficile. Avec la gestation pour autrui, vous allez en plus briser totalement cette notion de dyade en instrumentalisant le ventre de femmes. C’est là une rupture terrible.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Le texte de loi parle du mariage !

M. Nicolas Dhuicq. La loi n’a pas, malgré vos dénégations répétées et votre aveuglement, à autoriser indirectement la gestation pour autrui dans des pays étrangers. Car vous ouvririez alors une vanne que vous ne pourriez jamais fermer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 5354.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je l’ai dit en commission et je l’ai répété en défendant la motion de renvoi, je pense sincèrement que vous, députés de la majorité, êtes très majoritairement opposés à l’irruption de la gestation pour autrui dans la loi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est intéressant de parler de quelque chose qui n’est pas écrit dans la loi !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Oui, ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je parle de ce que je veux.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et moi, je répondrai sur les contrats de génération…

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous voulez !

M. Bernard Roman. Vous êtes comme un poisson dans l’eau !

M. Jean-Frédéric Poisson. M. Roman est en pleine forme !

Compte tenu de cette fameuse circulaire et des échanges que nous avons eus dans cet hémicycle ces derniers jours, nous avons montré à quel point le texte avait un lien direct, inéluctable, avec la GPA. Aussi souhaitons-nous que vous preniez une position claire sur ce sujet en adoptant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 5375 à l’amendement n° 3281 de M. Philippe Gosselin.

M. Marc Le Fur. « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Ce principe constant du droit signifie que quelqu’un qui a contrevenu à la règle élémentaire de notre droit en utilisant certaines méthodes, ne peut s’en prévaloir.

J’ai déjà fait état de sites qui présentent des enfants en « solde », voire des possibilités de gestation pour autrui low cost en Inde – c’est il est vrai un peu plus cher en Ukraine et en encore beaucoup plus aux États-Unis. Après avoir eu recours à de telles pratiques, aurait-on le droit de devenir parents adoptifs ? À l’évidence, non ! C’est précisément ce que je vous propose.

Vous dites, chers collègues, que vous êtes contre la gestation pour autrui, mais cela reste au niveau de la pétition de principe.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais non ! C’est dans la loi !

M. Marc Le Fur. Vous ne sanctionnez pas les sites qui encouragent ces pratiques.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez fait, vous ?

M. Marc Le Fur. Et demain, vous ferez droit à ceux qui auront eu préalablement recours à la gestation pour autrui.

À chaque fois, vous affirmez un principe sans en voir les conséquences. Ce n’est pas autre chose que de la propagande ! (Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.) Nous, proposons de traduire ce principe dans les textes et de le faire de manière plus circonstanciée, d’où mon sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nos collègues veulent interdire toute adoption pour les enfants conçus dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou de la procréation médicale assistée. Une fois de plus, ils assimilent GPA et PMA, deux pratiques qui n’ont strictement rien à voir,…

M. Marc Le Fur. Sous-amendez ! Faites votre travail de rapporteur !

M. Erwann Binet, rapporteur. …la procréation médicalement assistée étant permise dans notre pays, la gestation pour autrui y étant interdite.

Ces enfants, dans les deux cas, ont un lien de filiation reconnu dans notre pays avec non pas deux mais une personne. Vous, vous voulez interdire l’adoption avec l’autre – en réalité, vous voulez interdire toute adoption. En cas de décès du parent légitime, vous allez donc créer des orphelins à perpétuité. Je comprends de mieux en mieux ce qu’est votre conception de l’intérêt de l’enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une singulière conception de l’intérêt supérieur de l’enfant que l’on nous brandit toutes les deux minutes !

Alors qu’il s’agit du devenir d’enfants, vous êtes prêt à les priver de manière absolue et irrémédiable d’un lien juridique qui les sécuriserait, tout cela pour punir la méconnaissance de la loi française par les parents.

M. Hervé Mariton. Le viol de la loi, pas la méconnaissance ! Le mot est faible !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une singulière conception que de punir l’enfant en le privant de parents !

Je ne sais d’ailleurs pas comment vous pourriez rendre effective l’obligation de la mère à déclarer, au moment où elle va accoucher, qu’elle est allée à l’étranger bénéficier d’une assistance médicale à la procréation !

On voit bien combien vous êtes obnubilé par l’idée de mêler la loi qui je le répète est consacrée au mariage et à l’adoption, à la PMA et la GPA ! C’est votre choix de faire cette confusion permanente. En tout cas, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas à géométrie variable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Il ne s’agit pas de punir, mais de ne pas inciter. Il est clair que tous les signaux envoyés qui reconnaissent implicitement la GPA seront autant d’incitations qui, petit à petit, installeront cette pratique dans le droit.

J’en veux pour preuve qu’il manque à la circulaire de Mme Taubira un paragraphe rappelant que la GPA est interdite en France. Avec un rappel explicite du caractère illégal de la GPA en France, elle aurait déjà un autre sens.

Enfin, nous reconnaissons tous que la cohérence juridique entre la PMA et la GPA est aussi évidente qu’extrêmement risquée. Tous les amendements tendant à éviter d’avoir recours ou d’inciter à la GPA me semblent devoir être défendus et votés.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous avons le sentiment, madame la ministre déléguée à la famille, de nous heurter à un mur d’incompréhension sur cette affaire de gestation pour autrui. Ce que nous nous efforçons de soutenir, amendement après amendement, c’est une idée simple et forte : la gestation pour autrui est interdite en droit international parce qu’elle est contraire à l’ordre public. Ce que nous souhaitons, c’est qu’elle ne produise strictement aucun effet dans l’ordre juridique français. Je comprends que vous n’acceptiez pas ce raisonnement, puisque cette circulaire, justement qualifiée d’ignoble par notre collègue Claude Goasguen tout à l’heure, reconnaît à la gestation pour autrui, sous le timbre du ministère de la justice, des effets de droit dans l’ordre interne.

Avec cet amendement, nous souhaitons indiquer fermement et obstinément que la gestation pour autrui ne saurait avoir aucune espèce de début d’effet, en l’occurrence sur une procédure d’adoption. Ce faisant, nous sommes persuadés que, contrairement à vous, nous sommes fidèles à nos principes fondamentaux, notamment à une très belle décision du Conseil Constitutionnel de 1994 qui jugeait que « la primauté de la personne humaine, le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, l’inviolabilité, l’intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l’intégrité de l’espèce humaine tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».

Oui, nous voulons défendre la dignité de la personne humaine, contrairement à vous, madame la ministre, qui persistez à défendre la gestation pour autrui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Merci, monsieur le président. Depuis six jours, l’opposition nous parle de la place et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais la réalité, chers collègues, c’est que vous n’en avez que faire, des enfants ! Vous les instrumentalisez pour conforter vos thèses et l’idéologie dans laquelle vous êtes empêtrés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Ça commence bien !

M. Marc Le Fur. C’est un monsieur tout en nuances !

M. Patrick Hetzel. Subtil, même !

M. Philip Cordery. Qu’a-t-on entendu depuis ce matin ? « Les enfants Playmobil » et le principe de précaution. À présent, vous refusez aux enfants un cadre familial, en contradiction flagrante avec la Convention internationale des droits de l’enfant !

Un député du groupe UMP. C’est vous qui instrumentalisez les enfants !

M. Philip Cordery. Il ne s’agit même pas ici de PMA ou de GPA.

M. Hervé Mariton. Un peu quand même !

M. Philip Cordery. Ces enfants existent ! Que voulez-vous en faire ? Leur refuser un cadre familial ? Leur refuser la sécurité ? Les abandonner ? Nous voterons contre cet amendement dans l’intérêt supérieur des enfants. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 5375 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3281, 4241, 4343, 4568, 4606, 4 688 et 5 354.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 219

Nombre de suffrages exprimés 219

Majorité absolue 110

Pour l’adoption 62

contre 157

(L’amendement n° 3281, 4241, 4343, 4568, 4606, 4 688 et 5 354 n’est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il s’agit d’un rappel au règlement au titre de l’article 50-4.

Dans le cadre de la défense du droit et de la protection des députés, notre règlement dispose que notre assemblée se réunit l’après-midi de 15 heures à 20 heures et en soirée de 21 h 30 à une heure Or il est 1 heure 15 passée. Certes des dispositions permettent de prolonger la séance, mais cela a un certain coût. Je croyais que l’on était attentif aux coûts de fonctionnement de l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne suis pas sûr en outre que tous nos concitoyens sont convaincus que légiférer à sept heures du matin soit la meilleure manière de garantir la qualité de la loi. Est-ce en légiférant à l’aube que l’on garantit la qualité de la loi ? (Mêmes mouvements.)

Si vous souhaitez prolonger la séance, nous sommes désireux de savoir jusqu’à quand. Quoi qu’il en soit, il faut pour cela un vote de l’Assemblée, une réunion de la commission des lois ou une réunion de la conférence des présidents. C’est le règlement !

M. le président. Je vais consulter la commission et le Gouvernement puis, en application de l’article 50, alinéa 5, de notre règlement, je consulterai l’Assemblée.

La parole est au président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, j’ai réclamé il y a maintenant deux jours que nous travaillions plus loin dans la nuit parce qu’il me paraissait cohérent d’aller jusqu’au vote de l’article 1er. Vous aviez jugé bon d’interrompre nos travaux pour permettre à l’opposition de se reposer.

M. Hervé Mariton. Vous aviez renoncé !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Hier, également par souci de cohérence, j’ai souhaité que nous interrompions nos travaux puisque nous étions au terme d’une étape.

Un député du groupe UMP. Un partout, balle au centre !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Aujourd’hui, en application de l’article 50, alinéa 5, je vous propose de continuer nos travaux. Nous avons un ordre du jour déterminé, ce qui fait partie des conditions figurant à l’alinéa 5.

À ce stade, nous avons étudié 1 303 amendements et il en reste 3 712. À moins que l’opposition ne retire les 3 712 amendements qu’elle a déposés, je souhaite que nous allions jusqu’au bout de leur examen.

Un député du groupe SRC. Retirez vos amendements !

M. Thomas Thévenoud. Les voilà, les économies !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Nous avons, monsieur le président, un point d’accord avec l’opposition, qui nous rappelle que le souhait des Français de parler d’autres questions, par exemple de l’importante réforme sur la loi bancaire qui doit venir en discussion dans les prochains jours.

Plusieurs députés du groupe UMP. Alors retirez votre texte !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Afin que nous puissions justement traiter des questions sociales et sociétales qui préoccupent les Français, ce qui est l’intention de la majorité et du Gouvernement qui partagent un même enthousiasme en la matière, le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que nous poursuivions nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Où est la garde des sceaux ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En matière de présence des ministres à l’Assemblée, vous n’avez pas brillé pendant cinq ans !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, comme mon collègue Hervé Mariton, je vous demande de passer par les procédures prévues pour le cas où nous continuerions à siéger après une heure du matin et dans ce cas de nous dire jusqu’à quelle heure nous siégerons.

M. Bernard Roman. Jusqu’à huit heures !

M. Christian Jacob. Je le dis avec beaucoup de solennité : sur un texte aussi important, porté par la garde des sceaux, la moindre des choses serait que cette dernière ait, à l’égard de la représentation nationale, la décence d’être présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà trois heures que nous légiférons en l’absence de la garde des sceaux ! Si vous voulez aller plus loin, qu’elle ait au moins la dignité d’être là ! C’est le moins que l’on puisse lui demander !

Un député du groupe SRC. C’est un texte du Gouvernement !

M. Christian Jacob. Mais c’est bien la garde des sceaux qui porte ce texte ! Si elle est fatiguée, alors nous pouvons l’être aussi. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

En outre, si, comme nous l’avons entendu dire, nous siégeons jusqu’à sept ou huit heures du matin, cela signifie que nous siégerons pendant vingt-deux heures trente sans discontinuer, alors même que la ministre qui porte ce texte n’a pas la dignité d’être présent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous ferai remarquer, monsieur le président Jacob, que, avant que les arguments ne commencent à – comment dire ? – se répéter, la garde des sceaux a été présente au banc, avec Mme Bertinotti. J’ai même entendu des membres de l’opposition relever le fait que plusieurs ministres siégeaient avec elles sur les bancs du Gouvernement.

S’agissant de votre remarque relative aux dépenses de l’Assemblée, nous avons pris l’engagement de ne pas réclamer un euro supplémentaire tout au long de la législature. Aussi, lorsque j’entends comme tout à l’heure dire que l’on pourrait peut-être mieux affecter ces dépenses, que n’y avez-vous songé quand a été proposé un deuxième groupe UMP, ce qui n’aurait pu qu’occasionner à la longue des dépenses importantes ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Pour ce qui est de l’heure de la levée de nos travaux, nous irons le plus loin possible. J’ai beau être un des parlementaires les plus anciens de cet hémicycle, je dois d’ailleurs faire part de ma surprise devant sa fréquentation à cette heure tardive. Je pense donc que nous pouvons légiférer dans de bonnes conditions.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sans revenir sur les propos parfaitement inappropriés de l’opposition en la matière, je lui confirme que Mme la garde des sceaux nous rejoindra au plus tard d’ici à une demi-heure afin de travailler jusqu’au bout de la nuit avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Dans le cadre de l’organisation des débats, monsieur le président, vous devez nous annoncer jusqu’à quelle heure vous souhaitez prolonger la séance.

Plusieurs députés du groupe SRC. Huit heures !

M. Christian Jacob. « Le plus loin possible », ce n’est pas un horaire. Donnez-en un clairement et soumettez-le à la procédure adaptée !

M. le président. Compte tenu du nombre d’amendements restants, je vous propose d’aller jusqu’à 8 heures du matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tous ces amendements, ce sont les vôtres !

M. Christian Jacob. Dans ces conditions, monsieur le président, je souhaite que vous réunissiez la conférence des présidents. Vous-même et les présidents de groupe étant présents, cela est tout à fait possible. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Larrivé. C’est la procédure !

M. le président. L’ordre du jour n’a pas changé, monsieur le président Jacob, il n’y a donc pas nécessité de réunir la conférence des présidents. Je propose néanmoins, comme vous l’avez demandé, une suspension de séance de cinq minutes afin de m’entretenir avec les présidents de groupe, que j’invite à me rejoindre.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure trente, est reprise à une heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La commission demande à ce que le débat se poursuive au-delà d’une heure du matin. En application de l’article 50, alinéa 5 de notre règlement, j’ai demandé son avis au président de la commission…

M. Hervé Mariton. Dans le règlement, il n’est pas question du président de la commission, mais de la commission elle-même !

M. le président. …et j’ai également consulté le Gouvernement. Tous deux souhaitant que la séance se poursuive, je vais, comme le prévoit le règlement, consulter l’Assemblée sans débat.

(Consultée, l’Assemblée décide de poursuivre le débat.)

M. le président. L’Assemblée ayant décidé de poursuivre notre débat, nous en venons à l’article 1er bis.

Article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, inscrit sur l’article.

Je rappelle que chaque orateur dispose d’un temps de parole de deux minutes.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite revenir un instant sur le déroulement de nos travaux.

J’avais demandé, dès le 12 octobre, à saisir le Comité national d’éthique. Quant à la commission, elle est allée jusqu’à désigner son rapporteur avant même que le texte ne soit sur le bureau de l’Assemblée, ce qui est tout à fait contraire à notre tradition et même, me semble-t-il, à notre règlement. Puis le titre du texte a été modifié, le titre initial de « mariage pour tous » ayant suscité de nombreuses réactions. Par ailleurs, j’avais demandé, à cette même tribune, la réunion d’une commission spéciale, de façon que ce texte ne soit pas vu qu’à l’aune de la commission des lois, mais que chaque parlementaire puisse, quelle que soit sa commission d’origine, participer aux travaux. Enfin, nous avons eu le débat sur la procréation médicalement assistée – une question qui devait initialement figurer dans le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Non !

M. Marcel Rogemont. Jamais !

M. Christian Jacob. Je vous le confirme, la PMA avait été annoncée comme devant figurer dans le texte.

À la suite de fortes tensions, apparues entre le Gouvernement et sa majorité, le groupe socialiste avait décidé de porter un amendement sur la PMA, contre l’avis du Gouvernement. M. Le Roux – qui n’est malheureusement plus là – m’avait proposé de venir assister aux réunions du groupe socialiste,…

M. Hervé Mariton. Je confirme !

M. Christian Jacob. …mais je n’ai jamais reçu l’invitation qu’il m’avait promise, ce que je regrette, car j’honorerais volontiers de ma présence les réunions du groupe socialiste si j’y étais invité.

M. Jean-Marc Germain. Parlez-nous du fond !

M. Christian Jacob. Cependant, M. Le Roux s’est fait convoquer et, si j’ai bien compris, tancer par le Premier ministre. Il a dû courber l’échine et accepter le principe du retrait de l’amendement du groupe socialiste. La PMA a donc disparu du débat, avant…

M. le président. C’est terminé, monsieur Jacob.

La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, nous venons d’assister à un moment que je qualifierai de clownesque : sur l’article 1er bis, le président du groupe UMP a, en fait, parlé de tout autre chose.

Après l’article 1er de cette grande loi que nous avons adopté (Protestations sur les bancs du groupe UMP) samedi matin, et qui reconnaît le mariage entre les couples de même sexe,…

M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas adopté la loi !

M. Jérôme Guedj. …il nous appartient désormais de sécuriser les règles d’adoption à l’intérieur des couples.

Vous avez, des heures durant, agité des fantasmes dans le but d’obtenir une modification des conditions de l’adoption. Nous devons maintenant revenir à un débat plus serein, débarrassé des peurs excessives et de la démagogie que vous avez tenté d’imposer, afin de sécuriser les règles de l’adoption intrafamiliale. Contrairement à ce que vous racontez depuis plusieurs jours, l’essentiel de l’adoption, qui va devenir possible, c’est la régularisation de toutes les adoptions effectuées au cours des années passées, aboutissant à la délivrance par les conseils généraux d’agréments pour des personnes seules – des personnes qui sont souvent dans le déni de la réalité de leur couple homosexuel.

Il est tout à l’honneur de la commission et de son rapporteur d’avoir introduit une disposition ayant pour effet de sécuriser l’adoption intrafamiliale, car cela va améliorer l’ensemble du quotidien des « parents sociaux » – ceux qui accompagnent les enfants à l’école, qui se préoccupent de la nounou, qui s’occupent des voyages scolaires, des vacances, bref, tous ceux qui donnent de l’amour à ces enfants, tout simplement, et vivent l’amour au sein de leur couple. Mais manifestement, c’est cet amour-là, à l’intérieur du couple et envers les enfants, qui vous pose problème…

M. le président. Merci, monsieur Guedj.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mes chers collègues, avec l’article 1er bis, nous abordons un sujet qui va vous intéresser au plus haut point, celui de l’adoption. Je voudrais, dans un premier temps, le replacer dans le cadre plus général de ce projet de loi du mariage pour tous.

Comme vous le savez, nous nous trouvons dans une période de reprise en main, notamment celle du Président de la République par quelques associations LGBT après son discours devant le congrès des maires ; reprise en main, également, du groupe socialiste qui, alors qu’il souhaitait présenter un amendement sur la PMA, n’a pas pu le faire ; enfin, reprise en main – à assortir d’un point d’interrogation – des ministres par le Premier ministre, ce matin, en direct du Cambodge. Tout cela me conduit à me demander si nous-mêmes, membres de l’opposition, nous n’allons pas finir par être repris en main. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Manifestement, c’est ce que vous souhaiteriez, et je le regrette.

Nous avons, au sujet de la famille et de la filiation, deux conceptions qui s’affrontent. Je le répète, ce n’est pas le mariage en tant que tel qui nous pose problème. Nous avions, au demeurant, émis la proposition d’une alliance civile, répondant parfaitement aux questions posées par un certain nombre de couples. Ce qui, à nos yeux, pose difficulté, c’est la filiation et tout ce qui découle de la modification que vous voulez imposer sur ce point aux Françaises et aux Français, en particulier en ce qui concerne l’adoption.

Reconnaître la possibilité pour des couples d’adopter, alors que des gestations pour autrui auraient été effectuées à l’étranger…

M. le président. C’est terminé, monsieur Gosselin.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il y a matière à améliorer les conditions de l’adoption plénière par l’époux de l’enfant adopté par son conjoint en la forme plénière. N’était l’article 1er du projet de loi, et ses effets relatifs à l’adoption par les couples de même sexe, nous pourrions soutenir cet article 1er bis présenté par le Gouvernement. Nous ne disconvenons pas, en effet, qu’il y a, y compris dans la situation actuelle, une difficulté à résoudre. Toutefois, l’acceptation de l’article 1er bis pourrait se comprendre comme une acceptation implicite de l’article 1er, ce que nous ne souhaitons pas.

À cet égard, votre volonté de transformer le mariage nous empêche de soutenir une amélioration légitime de la question de l’adoption plénière par l’époux de l’enfant adopté par son conjoint en la forme plénière.

Monsieur Guedj, vous voulez sécuriser la situation des enfants, mais vous nous expliquez que samedi nous aurions voté une loi.

M. Jérôme Guedj. Une grande loi !

M. Hervé Mariton. Cher collègue, avant la loi, ce n’est pas la loi. vous avez fait le choix dans votre département monsieur le président du conseil général de l’Essonne, de proposer et de mettre en œuvre de manière illégale des prestations liées à la parenté de couples de personnes de même sexe.

M. Jérôme Guedj. Et j’en suis fier !

M. Hervé Mariton. Une telle décision est clairement illégale ; je ne sais pas si on peut appeler cela sécuriser la situation des enfants et des adultes qui en ont la charge !

Enfin, je le dis avec beaucoup de respect pour…

M. le président. merci, monsieur Mariton.

La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Chers collègues, vous avez tort lorsque vous prétendez que nous sommes pour un droit à l’enfant ; c’est un fantasme ! Nous parlons, nous, des droits de l’enfant : le droit de vivre en famille avec ceux qui l’ont élevé, le droit à bénéficier d’une vie familiale avec ceux qui l’aiment, tout simplement.

Selon l’Institut national d’études démographiques, 40 000 enfants sont aujourd’hui élevés par un couple de personnes de même sexe. Ce sont 40 000 enfants sur lesquels les gens qui les ont élevés n’ont aucun droit et se voient même interdire de signer les documents médicaux qui les concernent ; 40 000 enfants qui, s’ils perdent demain le parent de droit, courent le risque d’être insérés dans un parcours d’adoption alors même que le parent social existe.

M. Hervé Mariton. L’adoption testamentaire, ça existe !

Mme Ericka Bareigts. Le drame vient ainsi s’ajouter à la tragédie. Ces enfants, en cas de séparation difficile du couple qui les a élevés, pourraient ne plus jamais pouvoir voir un de leurs parents sans que le tribunal n’y puisse rien. Ce sont 40 000 enfants, chers collègues, mais même s’il n’y en avait qu’un seul, ce serait un de trop.

Vous avez soutenu qu’il n’y avait pas d’urgence à légiférer sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels en période de crise, que nous divisions la société française ; mais quand le faire, alors ? Quel serait le bon moment, le moment opportun pour agir en faveur de ces dizaines de milliers d’enfants ? Dans un an, deux ans, dix ans ?

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Ericka Bareigts. Au demeurant, le fait que nous siégions ce dimanche si nombreux de ce côté de l’hémicycle montre notre considération pour les enfants et pour ces familles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Nous sommes là aussi !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Philippe Gosselin. Elle semble ne pas nous voir, monsieur le président !

Mme Ericka Bareigts. La vérité, c’est que, pour vous, ces enfants ne méritent pas l’attention du législateur, parce qu’ils sont fautifs d’avoir des parents homosexuels. Vous les punissez en les privant de parents pour toujours. Notre conviction, monsieur Mariton, est que ce n’est pas abîmer la politique familiale que de donner à ses enfants…

M. Hervé Mariton. De la fausse monnaie !

Mme Ericka Bareigts. …une sécurité juridique et affective.

Vous nous avez chanté l’incantation du droit de l’enfant ; quant à nous, nous sommes concrets : nous construisons par ce texte, par cet article 1er bis, le droit des enfants.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je voudrais vous suggérer, sur la base de l’article 57, alinéa 1er, la clôture immédiate de cette phase de notre discussion : l’ensemble des arguments ont été exposés puisqu’un orateur pour et un orateur contre se sont exprimés. Vous avez la faculté de clore cette phase de façon que nous passions à l’essentiel, c’est-à-dire la discussion des amendements déposés par l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Le couperet est en train de tomber !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas glorieux !

M. Patrick Hetzel. C’est un simulacre scandaleux ! Vous ne respectez pas l’opposition !

M. le président. La clôture de la discussion sur l’article 1er bis vient d’être proposée.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, le Gouvernement et le président de la commission des lois continuent, par toutes les manipulations possibles, à faire en sorte de bâillonner l’opposition.

Monsieur le président de la commission des lois, vous êtes bien faible sur le fond et sur votre argumentation pour refuser à ce point le débat !

M. Patrick Hetzel. L’argumentation est faible !

M. Christian Jacob. Vous pourriez nous écouter et nous répondre ensuite, ce qui vous obligerait à aller sur le fond du texte, mais vous préférez couper court au débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président, après ce nouvel incident de séance provoqué par le président de la commission des lois, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La clôture de la discussion de l’article 1er bis vient d’être proposée en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

(Il est procédé au vote.)

M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. En conséquence, la discussion sur l’article 1er bis est close.

M. Hervé Mariton. C’est un coup de force !

M. Marcel Rogemont. C’est votre règlement de l’Assemblée que nous appliquons !

Article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er bis.

La parole à M. Hetzel, pour défendre l’amendement n° 3058. (« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Dans ce cas, la parole est à Mme Genevard sur l’amendement n° 4748. (« Elle n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Tourret. Il n’y a plus de femmes, en face !

M. le président. La parole est alors à Mme Maréchal-Le Pen sur l’amendement n° 5068. (« Elle n’est pas là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5299.

M. Jean-Christophe Fromantin. En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale, enfin lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

L’article 1er bis vise à permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque l’enfant a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint. Les dispositions de l’article 1er bis sont liées à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. En effet, l’argumentation du rapporteur se fonde sur le fait que l’article 346 du code civil, qui dispose que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux », semble a priori ménager la possibilité pour l’époux d’adopter en la forme plénière l’enfant de son conjoint, quand bien même ce dernier a adopté seul avant le mariage cet enfant en la forme plénière.

Cet article est donc présenté comme une simple précision pour éviter des interprétations divergentes de la loi. Or s’il peut également s’appliquer aux couples composés d’un homme et d’une femme, l’article 1er bis anticipe en réalité l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Il vise donc à permettre l’adoption non simultanée par un couple homosexuel marié et ainsi de faire de l’adoption intrafamiliale le moyen privilégier pour établir un lien de filiation entre un enfant et deux adultes de même sexe.

Nous sommes opposés à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels et proposons donc la suppression de cet article additionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Depuis 1966, l’adoption simple et plénière d’un enfant est possible pour une personne seule, soit un homme ou une femme célibataire, soit un seul membre d’un couple non marié. Il est alors établi qu’une seule filiation de l’enfant est possible.

Jamais, dans ma carrière professionnelle, je n’ai pu constater de différence tangible ou de difficultés supplémentaires dans la construction de la personnalité de ces enfants.

Donner une famille à un enfant, ce n’est pas le limiter à un devenir au sein d’une famille nucléaire, c’est lui donner une famille élargie, diverse, avec ses grands-parents, ses oncles, ses tantes, ses amis, bref, tous ceux qui peuvent lui apporter amour et affection.

Oui, la possibilité d’une adoption intra-familiale par le conjoint de l’adoptant est une chance et une sécurité supplémentaire pour ces enfants. C’est leur donner une double filiation, qui permettra une meilleure sécurité affective et réduira les drames souvent liés au décès et toutes les difficultés qui surviennent lorsque le père adoptant est célibataire.

En l’état actuel du droit, l’article 343-1 du code civil ne précise pas que l’adoption conjointe par deux époux doit être effectuée simultanément. Elle peut avoir lieu à tout moment, en fonction de l’évolution du couple et de la famille de l’enfant.

N’oubliez jamais, chers collègues, que ce qui fonde la filiation, c’est toujours un projet parental, un engagement à long terme, une inscription dans une histoire, dans un avenir, dans une lignée. Ce sont exactement la sécurité et la stabilité dont ces enfants ont besoin. Nous ne pouvons donc que saluer cette avancée significative pour les droits supérieurs de l’enfant.

M. le président. Sur l’amendement n° 5299, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Il est un peu compliqué de défendre une position sur des amendements quand nous avons été privés de discussion sur l’article. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Après avoir refusé le référendum, et donc l’appel au peuple, vous niez désormais aux parlementaires le droit de s’exprimer.

M. Marcel Rogemont. C’est vous qui avez adopté ce règlement !

M. Jérôme Guedj. Il fallait écouter ce qui a été dit à Jacob tout à l’heure !

M. Gérald Darmanin. Vous avez raison de m’interpeller, monsieur Guedj. Venant d’un homme qui est contre le cumul des mandats, mais qui le pratique, je ne suis pas sûr que nous ayons beaucoup à apprendre de vos propos.

M. Jérôme Guedj. C’est du haut niveau !

M. Gérald Darmanin. Certes, mais je m’aligne tout simplement sur le vôtre. Vous vous êtes illustré dans ce domaine, monsieur Guedj !

M. Jérôme Guedj. Et ce n’est qu’un début !

M. le président. Monsieur Darmanin, je vous en prie Je ne donnerai pas la parole pour un fait personnel à huit heures du matin !

M. Gérald Darmanin. Et pourquoi pas, monsieur le président ? Ce serait intéressant !

M. Jérôme Guedj. Moi, je vais le demander !

M. Gérald Darmanin. Certains étaient pour les 35 heures ; mais manifestement ils veulent travailler bien plus, et de surcroît le dimanche. Que de reniements dans votre application de la procédure parlementaire !

Il est dommage que des questions aussi intéressantes n’aient pu être discutées au sein d’une commission spéciale. Le président Jacob vous l’a très formellement demandé plusieurs fois. Si vous aviez agi de même que pour la révision des lois de bioéthique, nous aurions eu une discussion constructive.

M. Luc Belot. Et si vous parliez de l’amendement ?

M. Gérald Darmanin. M. Urvoas – un grand monsieur – a dénoncé sur son blog pendant des années le comportement de la majorité. J’aurais préféré qu’il gardât ses illusions… Mais, comme à chaque fois chez les socialistes, le pouvoir transforme ! C’est bien dommage.

Si nous terminons à huit heures, c’est pour que le Premier ministre puisse dire, depuis le Cambodge, ce que les ministres qui siègent sur les bancs du Gouvernement doivent penser. J’en profite d’ailleurs pour saluer le retour de Mme Taubira, que nous avions réclamée. (Mouvements divers sur les bancs du groupe SRC.) Vos vociférations n’y changeront rien : vous l’avez voulu, vous l’avez voté, vous m’entendrez jusqu’à huit heures du matin !

M. Jérôme Guedj. Pour ne rien dire !

M. le président. Il faut conclure.

M. Gérald Darmanin. Avec mes amis de l’opposition, nous défendrons à la fois l’honneur des parlementaires et notre vision de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 5299.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 186

Nombre de suffrages exprimés 186

Majorité absolue 94

Pour l’adoption 41

contre 145

(L’amendement n° 5299 n’est pas adopté.)

(L’article 1er bis est adopté.)

(Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Après l’article 1er bis

M. le président. Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l’article 1er bis.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 3548.

M. Sergio Coronado. Je serai bref à cette heure avancée de la nuit. Nous avons tous envie d’aller jusqu’à huit heures du matin, mais nous ne voulons pas, pour autant, nous attarder sur des débats inutiles ainsi que l’a fait l’opposition.

M. Patrick Hetzel. Scandaleux !

M. Sergio Coronado. Nous avons une différence de vue et de conception sur l’adoption. Les membres de la majorité pensent que l’adoption, notamment l’adoption simple, a été une grande avancée qui a renforcé la famille et les droits de l’enfant, et permis que l’enfant soit sécurisé et davantage protégé.

C’est dans cet esprit que cet amendement vient compléter l’article 346 du code civil – qui précise que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux – en prévoyant l’alinéa suivant : « Une nouvelle adoption peut également être prononcée au profit du nouveau conjoint de l’un des deux parents lorsqu’une adoption simple de l’enfant a déjà été prononcée au profit du nouveau conjoint de l’autre parent. ».

Cette disposition pourra s’appliquer non seulement dans le cadre des familles homoparentales, mais aussi dans celui des familles recomposées. Cela nous paraît aller dans le sens de la protection de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement prévoit d’ajouter la possibilité pour le nouveau conjoint de l’un des deux parents d’adopter l’enfant. Dès lors que chacun des deux parents de l’enfant serait remarié, leurs conjoints respectifs pourraient adopter en la forme simple l’enfant, ce qui lui donnerait au total quatre parents.

Mais en évoquant le « nouveau conjoint », l’amendement laisse la porte ouverte à l’adoption de l’enfant par plusieurs conjoints successifs du même parent. C’est la limite de votre amendement, que nous avions déjà relevée en commission. Multiplier le nombre de détenteurs de l’autorité parentale au-delà de quatre diluerait cette autorité parentale et poserait certainement quelques problèmes. Pour cette raison, la commission a repoussé cet amendement.

M. Hervé Mariton. Jusqu’à quatre parents, cela vous convient ?

M. Gérald Darmanin. C’est énorme !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que celles exposées par le rapporteur, le Gouvernement vous suggère le retrait de cet amendement. Nous avons commencé à travailler sur le problème que vous avez fort justement soulevé. Les initiatives prises par le rapporteur, soutenues par la commission, apportent un début de réponse. Nous y reviendrons dans la suite de l’examen du texte.

M. Sergio Coronado. J’espère que nous en discuterons en même temps que de la PMA, dans le cadre de la loi sur la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme nous ne pouvons rien vous refuser ce soir (Sourires) et que nous nous réjouissons de votre présence, nous retirons cet amendement.

(L’amendement n° 3548 est retiré.)

M. Patrick Hetzel. Allô, le Cambodge ?

M. le président. M. le président. Sur l’amendement n° 1453, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1453.

M. Hervé Mariton. Le projet sur la PMA était promis pour les ides de mars ; comme l’a exprimé publiquement M. Coronado, le voilà renvoyé aux calendes grecques !

Cela étant, je suis consterné par les propos du rapporteur : à partir de cinq parents, il considère que cela commence à être un problème, mais jusqu’à quatre, cela n’a pas l’air de l’alerter plus que cela !

M. Sergio Coronado. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Il y a donc au moins un point sur lequel vous êtes d’accord : cinq parents pour un enfant, cela commence à poser problème, quatre pas… Que chacun ici en soit témoin

L’amendement n° 1453 prévoit que le dernier vivant des père et mère a le droit d’exprimer des directives sur l’avenir qu’il souhaite à l’enfant s’il doit être adopté, et en particulier celui de ne pas souhaiter que celui-ci puisse être adopté par un couple de personnes de même sexe. On peut, au minimum, considérer qu’un tel schéma d’adoption, si par malheur la loi était votée, n’est pas ordinaire dans notre société et que les parents puissent y faire obstacle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez été pourtant assez assidu aux auditions, monsieur Mariton : un enfant peut parfaitement, par l’adoption simple, avoir quatre parents.

M. Jérôme Guedj. C’est la loi !

M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut seulement que ses deux parents adoptants sous forme simple soient, en l’état actuel de notre droit, mariés. M. Coronado propose de lever cette obligation et qu’il puisse s’agir de deux personnes issues de deux couples différents.

S’agissant de l’amendement n° 1453, je vous renvoie à mon appréciation sur celui qui avait trait à la tutelle testamentaire, et que la commission a rejeté. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous, nous sommes cohérents : nous considérons que l’altérité est un élément constitutif du couple et qu’il faut donner toutes ses chances à l’enfant. Nous considérons qu’un enfant qui a subi le double traumatisme de la perte de son père et de celle de sa mère doit être protégé et accompagné. Il ne doit pas avoir à faire face à la difficulté que représenterait la désignation comme tuteur d’un couple homosexuel. Cet amendement doit absolument être adopté : il y va de l’intérêt de l’enfant, il y va de la volonté des défunts parents, c’est tout de même la moindre des choses que de la prendre en compte !

M. Michel Pouzol. Arrêtez !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Je voudrais rappeler le fonctionnement du conseil de famille, puisque c’est cette instance qui décide de l’adoption. L’agrément est donné par les conseils généraux après des enquêtes sérieuses et approfondies. Lorsque les dossiers des familles ou des célibataires adoptants arrivent devant le conseil de famille, toutes les garanties sont réunies. Le même travail sérieux sera effectué par les services sociaux de l’aide sociale à l’enfance pour les couples de personnes de même sexe. Je ne vois pas pourquoi vous jetez la suspicion.

M. Hervé Mariton. Pourquoi les parents ne pourraient-ils pas s’exprimer ?

Mme Gisèle Biémouret. Vous savez très bien comment fonctionne le conseil de famille actuellement !

M. Jérôme Guedj. Ils ne savent même pas ce qu’est l’ASE, et encore moins comment cela fonctionne !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1453.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 182

Nombre de suffrages exprimés 182

Majorité absolue 92

Pour l’adoption 0 (Rires.)

contre 182

(L’amendement n° 1453 n’est pas adopté.)

(Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent en scandant : « Avec nous ! Avec nous ! »)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Vous voyez à quel point il est ridicule de continuer les débats à une heure pareille et de légiférer dans ces conditions ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes dans l’hémicycle depuis mardi et, depuis vendredi, nous finissons tous les soirs à deux heures du matin en commençant à neuf heures trente.

M. Pascal Popelin. Qui l’a voulu ?

M. Christian Jacob. Je comprends tout à fait qu’on le prenne avec le sourire, moi le premier : nous avons effectivement donné une mauvaise consigne de vote…

M. Jérôme Guedj. Il faut vous réveiller !

M. François André. Et que faites-vous de la liberté de vote ?

M. Christian Jacob. Mais franchement, trouvez-vous vraiment sérieux de siéger vingt-deux heures trente d’affilée, comme ce sera le cas tout à l’heure ? C’est le summum du ridicule sur un sujet comme celui-là !

M. Jean-Claude Fruteau. C’est vous !

M. Christian Jacob. Vous avez fait le choix du ridicule : vous en porterez la responsabilité politique ! Mais pourquoi vouloir vous ridiculiser ? Le vote est prévu le 12 février ; d’ici là, plus rien n’est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

M. Marcel Rogemont. On sera là jusqu’au 12 !

M. Christian Jacob. Nous allons donc siéger pendant vingt-deux heures trente, avec tout ce que cela implique de coûts directs pour l’Assemblée – paiement des fonctionnaires et dépenses de fonctionnement –, pour nous retrouver sans rien d’inscrit à l’ordre du jour la semaine prochaine ! Tout cela pour un petit coup médiatique ridicule et stupide. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe SRC brandissent les liasses d’amendements déposés par le groupe UMP.)

Article 1er ter

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, inscrit sur l’article 1er ter.

Je rappelle que chaque orateur a deux minutes pour s’exprimer.

M. Jérôme Guedj. L’obstruction en marche !

M. Alexis Bachelay. Faites au moins l’économie du verre d’eau ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je profiterai de cette intervention sur l’article 1er ter, pour refaire un point sur le déroulement de nos débats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’article 1er ter y est totalement lié, et c’est bien dans ce cadre que je m’exprime.

M. Gwendal Rouillard. Et sur le fond ?

M. Christian Jacob. Nous sommes ridicules à débattre ainsi vingt-deux heures trente d’affilée sans que cela présente le moindre intérêt. (Mêmes mouvements.) Que le Gouvernement en effet nous dise clairement quels textes sont inscrits à l’ordre du jour jusqu’au 12 février ! Je prends les ministres à témoin : il n’y a rien absolument rien ! Pourquoi, dans ces conditions, siéger vingt-deux heures trente d’affilée et toute la nuit ? (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Il a raison, c’est lamentable !

M. le président. Chers collègues, je vous en prie ! Nous appliquons une procédure pour la discussion sur les articles, mais je veux qu’au moins l’orateur du groupe de l’opposition puisse s’exprimer dans le calme, pendant deux vraies minutes.

M. Jean-Marc Germain. Rappelez-lui le règlement, monsieur le président !

M. Christian Jacob. Merci, monsieur le président. Vous savez combien je suis sensible, et je le dis en toute sincérité, à la manière dont vous présidez notre assemblée. Je demande à nouveau que le ministre des relations avec le Parlement nous dise clairement ce qui est inscrit à l’ordre du jour jusqu’au 12 février.

M. Razzy Hammadi. La GPA !

M. Christian Jacob. Nous pouvons en effet rouvrir le débat sur ce sujet, mais j’aurais d’autres occasions de le faire dans la nuit. Quoi qu’il en soit, je ne vois vraiment pas pourquoi vous agissez ainsi, si ce n’est pour faire un coup médiatique… Cela se retournera contre vous, mes chers collègues, car l’opinion publique ne comprendra pas pourquoi on fait ce numéro, compte tenu du coût que cela représente pour l’Assemblée et de la médiocre qualité de nos débats lorsque nous siégeons vingt-deux heures trente d’affilée, et alors que nous pourrions respecter les horaires de séances traditionnels – de neuf heures trente à treize heures le matin, puis de quinze heures à dix-neuf heures trente, avant de reprendre de vingt et une heures trente jusqu’à une heure du matin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. C’est un coup de force !

M. Patrick Hetzel. Le coup d’État permanent !

M. Christian Jacob. Vous n’arrêtez pas de vociférer, en étant incapables de développer un seul argument sur le fond ! Vous jouez de votre supériorité numérique. Votre majorité est légitime, mais elle ne vous oblige pas à être à ce point ridicules et désuets.

M. Jean-Claude Fruteau. Allez-vous enfin dire ce que vous avez à dire sur l’article ?

M. Jérôme Guedj. Diversion et obstruction !

M. Christian Jacob. Pour reprendre le débat sur le PMA, je souhaiterai que l’on clarifie enfin les choses…

M. Luc Belot. Et les deux minutes ?

M. Christian Jacob. Il y a eu ce rappel à l’ordre du Premier ministre, à la suite de ce qu’il a interprété comme un dérapage de la ministre de la famille…

M. Marc Le Fur. Il n’y a plus de ministre de la famille au banc !

M. Christian Jacob. Le Premier ministre a donc demandé à ce que la discussion sur la PMA soit reportée après l’avis du comité national d’éthique. Le rapporteur a, pour sa part, tweetté qu’attendre cet avis serait un déni de démocratie…

M. Yves Censi. Et bien bravo !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. le président. Merci, monsieur Jacob ! Vous avez eu vos deux vraies minutes.

Mes chers collègues, je tiens à répondre à M. Jacob. J’entends sa remarque : ne risquons-nous pas d’avoir un creux dans l’emploi du temps de la semaine ? Mais il reste tout de même, au moment où je vous parle, 3 600 amendements en discussion. Depuis le début de nos travaux, nous avançons à la moyenne de quarante amendements à l’heure…

M. Christian Jacob. C’est une bonne moyenne !

M. le président. Je conseille donc que, par sécurité, nous avancions le plus possible pour pouvoir voter le 12 février. Et je ne voudrais pas que l’idée germe, dans l’esprit des uns et des autres, que nous allons bientôt être en vacances : il reste 3 600 amendements !

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Nous traitons depuis quelques heures d’une question qui suscite une immense attente. C’est aussi une question qui nous divise profondément.

M. Yves Censi. Qui divise les Français ?

M. Bernard Roman. Vous assumez votre position : vous êtes contre l’adoption par les couples homosexuels. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous sommes pour. Parce qu’il y a en France aujourd’hui des dizaines de milliers de couples homosexuels qui ont des enfants, et des dizaines de milliers d’enfants qui attendent de pouvoir être adoptés par le conjoint ou la conjointe de leur papa ou de leur maman. Vous refusez à ces enfants d’être des enfants comme les autres, avec les mêmes droits. Oui, ces enfants ont deux parents…

M. Xavier Breton. Deux papas !

M. Patrick Hetzel. Ou deux mamans !

M. Bernard Roman. Vous ne voulez pas l’accepter, mais ces enfants ont deux parents sociaux !

M. Xavier Breton et M. Patrick Hetzel. C’est un mensonge !

M. Bernard Roman. C’est votre position. Mais le projet de fonder une famille procède du même désir, des mêmes valeurs, des mêmes repères, qu’un couple soit hétérosexuel ou homosexuel.

M. Hervé Mariton. Ça n’a pas de sens !

M. Bernard Roman. Vouloir un enfant, c’est vouloir transmettre un nom, des valeurs, une histoire familiale, une culture, et cette volonté est universelle.

Comme nous voulons donner un droit universel et l’égalité à tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, non seulement nous assumons ce texte avec fierté, mais nous vous disons que vous vous trompez. Vous allez créer une immense déception, y compris parmi les vôtres et ceux qui attendent de pouvoir offrir un véritable cadre juridique aux nombreuses familles qui attendent ce texte avec impatience. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Hervé Mariton. Vous n’allez pas clore la discussion maintenant !

M. le président. Je donne la parole au président de la commission des lois, qui me l’a demandée !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Chacun a bien compris que l’article 1er ter modifie l’article 360 du code civil, qui va donc autoriser expressément les époux à adopter en la forme simple l’enfant que l’un des deux conjoints a antérieurement adopté seul en forme simple.

Un point de vue s’est exprimé contre, et chacun a bien compris les arguments du président Jacob contre cette nouvelle rédaction de l’article 360. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Bernard Roman vient, à l’inverse, d’appuyer la modification de l’article en question. Je vous demande donc, monsieur le président, en application de l’article 57, alinéa 1er de notre règlement, la clôture de la période. Cela permettra au président Jacob de méditer cet adage que les juristes aiment beaucoup : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

M. le président. La clôture vient d’être proposée, en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

(La proposition de clôture est adoptée.)

M. le président. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton., pour un rappel au règlement.

M. Nicolas Bays. C’est le Mariton législatif ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, lorsque la discussion sur l’article a commencé, le président de la commission des lois n’était pas encore intervenu, et la demande de clôture n’avait donc pas été présentée. Or, si je sais lire, il se trouve que le deuxième orateur inscrit sur le jaune, après Christian Jacob qui est intervenu, était votre serviteur. Mais vous avez donné la parole en second à M. Roman, qui n’était pas inscrit, alors même que la demande de clôture n’avait pas eu lieu. Il me semble que vous avez fait là preuve d’esprit d’anticipation… Un peu comme M. Guedj, qui voudrait appliquer la loi avant la loi ! Je ne suis pas un spécialiste du règlement, mais je ne demande qu’à apprendre… Quoi qu’il en soit, cela pose une vraie question sur l’application notre règlement.

M. le président. Et je vais vous donner une vraie réponse : c’est le président qui fixe souverainement la liste des orateurs inscrits sur un article, en veillant à un équilibre entre les groupes.

Vous avez pu constater que j’ai procédé de la sorte tout au long de la séance, notamment lorsqu’il s’agissait de répondre au Gouvernement et à la commission.

Nous reprenons le cours de nos débats.

Article 1er ter (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série de 106 amendements identiques, qui tendent à supprimer l’article 1er ter.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Hervé Mariton. C’est très limite !

M. Marc Le Fur. Si chacun me le permet, et en particulier mon collègue Mariton, je souhaiterais m’exprimer avec une certaine solennité.

Quand des parlementaires français ont l’occasion de se rendre à l’étranger pour rencontrer des collègues, le jugement qu’ils portent sur la démocratie de ces pays tient finalement à la place que ces démocraties réservent à leur opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Croyez-moi, un observateur extérieur, européen, américain ou africain, serait certainement surpris par ce qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux : refus du référendum ; refus de la commission spéciale, pourtant demandée par l’opposition et qui s’est toujours pratiquée sur ce type de texte – comme nous l’avions fait durant le mandat précédent – ; manifestation, dès les travaux en commission, d’une attitude sectaire, comme cela s’est vu très clairement lorsqu’il s’est agi d’accueillir les représentants des cultes.

Aujourd’hui, cette situation perdure, avec en particulier le refus d’un élément qui fait vivre notre débat : le sous-amendement. Vous avez en effet utilisé l’article 44 alinéa 2 pour refuser les sous-amendements et ainsi tronquer nos débats.

Enfin, monsieur le président, alors que d’habitude les orateurs peuvent librement s’exprimer sur les articles,…

M. Jérôme Guedj. Jacob n’a même pas parlé de l’article !

M. Marc Le Fur. …ne serait-ce que pour préciser leur pensée, vous le leur interdisez ! Parfaitement ! J’étais moi-même inscrit sur cet article, et je n’ai pas pu m’exprimer ! Ceci n’est pas admissible, et je tiens à le dénoncer !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 387.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je persiste à penser que la manière dont vous avez appliqué par anticipation la demande de la commission tout à l’heure relève d’une erreur de présidence – je me permets de le dire sans insolence à votre égard.

M. Patrick Hetzel. C’est inacceptable !

M. Hervé Mariton. L’article 1er ter élargit les cas permettant l’adoption simple, par l’époux, de l’enfant adopté par son conjoint en la forme simple ou plénière. Nous pourrions au fond être d’accord : l’adoption simple est une approche juridique assez pertinente pour régler bien des situations. La difficulté tient en partie à son intitulé : l’adoption plénière emporte en droit des effets très puissants, tandis que les effets de l’adoption simple sont d’une autre nature, en particulier parce que celle-ci ne rompt pas la filiation existante.

L’adoption simple est en réalité mal désignée dans notre droit, car le public tend à penser qu’adoption plénière et adoption simple sont au fond la même chose, puisqu’il y a le mot « adoption ». Or, ce sont deux réalités juridiques totalement différentes.

Lorsque nous proposons l’amélioration du droit des tiers, notamment pour des enfants vivant dans des foyers de personnes homosexuelles, nous proposons une définition qui n’est pas extrêmement éloignée de ce qu’est aujourd’hui l’adoption simple – d’où, peut-être, la signature que j’ai apposée un peu rapidement sur une proposition de loi de notre collègue Robinet, même si je me suis ensuite ravisé du fait de l’intensité du débat et de l’insuffisance de sa rédaction.

Mais c’est un gâchis : si plutôt que de vous en tenir aux mots tels qu’ils sont, vous aviez inventé quelque chose de neuf pour des enfants vivant dans tous types de foyers et donc aussi dans des foyers de personnes de même sexe, un concept nouveau aurait permis, dans un consensus, d’apporter une réponse juridique adaptée.

L’expression « adoption simple » est inappropriée pour tous. Nous aurions pu proposer, pour tous, un concept différent, et en particulier une désignation différente, évitant l’ambiguïté qui pose problème aujourd’hui, et apporter ainsi aux enfants de couples hétérosexuels comme aux enfants vivant dans des foyers de personnes de même sexe, une réponse opérationnelle.

Il est dommage que vous n’ayez pas recherché ce consensus.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 389.

M. Christian Jacob. Au fond, nous sommes sur le mauvais véhicule législatif, car ce texte traite du mariage entre personnes de même sexe – tel est l’intitulé de votre texte.

Or, dans le cas présent, cette disposition vise à simplifier les modalités d’adoption simple pour les conjoints qui eux-mêmes…

M. Olivier Faure. Ce n’est pas simple de suivre votre pensée !

M. Thomas Thévenoud. Éclairez-nous !

M. Christian Jacob. Envisageons la situation d’un célibataire ayant adopté un enfant en adoption simple : il se marie, et son conjoint veut, à son tour, adopter cet enfant. L’accès à l’adoption simple constitue donc une mesure de simplification.

Pourquoi, alors que le présent projet de loi ne porte que sur le mariage des couples homosexuels, ne pas avoir prévu cette disposition dans un texte relatif à la famille, puisque vous nous en annoncez pour dans un mois ou un mois et demi ? J’aimerais que le rapporteur et le Gouvernement nous précisent cela.

À moins que ce texte sur la famille ne soit qu’un faux-semblant, uniquement voué à servir de véhicule législatif pour la PMA ou la GPA ! La vérité est certainement celle-là, puisque cette disposition n’a rien à faire dans le présent texte. Il s’agit véritablement d’un cavalier législatif, eu égard à l’intitulé du texte.

Voilà la raison pour laquelle je vous propose la suppression de cet article qui n’a absolument rien à faire dans ce cadre-là.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 704.

M. Frédéric Reiss. Le Conseil supérieur de l’adoption, dans son avis du 23 octobre dernier, fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe, et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas d’une adoption.

À ce stade, je souhaite relever les réserves du Défenseur des droits sur ce sujet, exprimées lors de son audition par la commission des lois à l’Assemblée. Il a indiqué que la procédure suivie pour l’élaboration de ce projet de loi présente à cet égard une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant : pas une page, pas une ligne ne lui est consacrée.

C’est évidemment contraire à la considération primordiale que doit constituer l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions qui le concernent, qu’elles soient le fait d’autorités administratives ou d’organes législatifs.

L’article 1er ter modifie l’article 360 du code civil, qui traite de l’adoption simple, permise quel que soit l’âge de l’adopté ; nous pensons qu’il faut le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 969.

M. Philippe Vitel. Très brièvement, j’irai dans le même sens que mes collègues Mariton et Jacob. Il s’agit là à l’évidence d’un cavalier, qui n’a rien à faire dans ce texte. Nous sommes donc pour sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 602.

M. Philippe Gosselin. Je note, monsieur le président, que pour la troisième fois en quelques minutes, vous faites des confusions, des erreurs et des oublis : je vous ai fait signe que je voulais défendre mon amendement, mais vous ne m’avez pas vu. Mais je comprends qu’à cette heure tardive, le président puisse être fatigué ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Vous ne pouvez pas savoir ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. L’oubli n’est pas de moi, mes chers collègues, comme vous avez pu le constater vous-mêmes. Mais errare humanum est…

M. le président. Et perseverare diabolicum !

M. Philippe Gosselin. C’est bien ce que je pense, monsieur le président ! Il est encore possible de ne pas tomber dans les fourches de l’enfer, et de ne pas perseverare ! Vous aviez tous évidemment compris cette belle citation latine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous n’avez vraiment aucun humour ! À trois heures moins le quart du matin, on peut encore faire preuve d’humour ! (Mêmes mouvements.) Calmez-vous, chers collègues, calmez-vous ! Je voulais juste souligner qu’à cette heure, par trois fois, le président avait failli, un peu par fatigue, oublier de me donner la parole – mais qu’il s’était repris ! (Mêmes mouvements.) Il est amusant de voir comment vous réagissez ; mais vous parviendrez à mettre un peu d’huile dans les rouages, je n’en doute pas.

M. le président. Allons, poursuivez !

M. Philippe Gosselin. L’article 1er ter est intéressant à plusieurs égards. Il tend à modifie l’article 360 du code civil et vise, en quelques mots, à autoriser expressément l’époux à adopter en la forme simple l’enfant de son conjoint antérieurement adopté seul en la forme simple ou plénière.

Cela paraît dans un premier temps séduisant, il est vrai. Aujourd’hui, il faut faire état de motifs graves…

M. Luc Belot. Il ne vous reste plus qu’une minute !

M. Philippe Gosselin. Ah non ! Je suis désolé, quand le président…

M. le président. C’est moi qui préside ! Et je vous ai décompter le temps pris par les petites plaisanteries entre les uns et les autres.

M. Philippe Gosselin. La plaisanterie – ou la fatigue ! – a bon dos monsieur le président ! Mais je vous sais gré de l’avoir décompté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est notre président qui préside, mes chers collègues ! Je vous le rappelle, chers collègues, car je suis républicain !

M. le président. Allez, allez !

M. Philippe Gosselin. Il faut un motif grave, disais-je, pour permettre cette adoption. L’évolution proposée pourrait donc être intéressante. Mais je crois, comme notre collègue Mariton l’a souligné tout à l’heure, qu’il faudrait pouvoir intégrer ces éléments dans une réflexion plus large sur le droit des tiers ; réflexion à laquelle nous avons participé, et dont vous trouverez les éléments plus loin dans le débat.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1226.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas terminé, chers collègues ! Le président s’est repris et son chronomètre n’a pas failli ! (Sourires.)

M. Daniel Gibbes. Au risque de paraphraser mes collègues, qui ont si brillamment défendu cet amendement, je ferai une petite piqûre de rappel.

L’article 1er ter permet l’élargissement de l’adoption simple de l’enfant déjà adopté en la forme plénière par son conjoint. C’est en soi une mesure dont il faut se réjouir mais, car il y a toujours un mais, dont on peut regretter d’une part qu’elle ne trouve pas plutôt sa place dans le futur projet de loi relatif à la famille, et d’autre part qu’elle ne vise finalement à satisfaire que les couples homosexuels.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er ter.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1419. (« Ah ! » sur divers bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. Il est vrai que la fatigue rend dissocié, et parfois discordant. Cela participe surtout de la dissociation et des difficultés à interconnecter les idées, même lorsqu’on est dans la majorité. je m’interroge sur la portée réelle de cet article, et sur la vision du manque, de la compensation, et finalement de la plaie supposée à réparer par un enfant contenue dans ce texte.

Je trouve que vous avez une vision assez triste de l’homosexualité, qui peut être parfaitement assumée et joyeuse, et qui n’a pas forcément un rapport avec la question de l’enfance. Vous témoignez d’une vision des choses relativement étriquée et normative avec ce texte de loi en faveur du mariage pour tous que je trouve relativement petit-bourgeois dans son essence : il ne faut pas faire de bruit, tout le monde doit se marier, il n’y a pas de possibilité de vivre librement quand on est un homosexuel assumé – ce que sont la majorité de mes compatriotes homosexuels.

M. Jérôme Guedj. Ça, c’est un argument !

M. Michel Pouzol. Il s’agit seulement d’offrir le choix !

M. Nicolas Dhuicq. Pour en revenir à cet amendement, c’est à l’évidence un cavalier destiné à permettre les adoptions d’enfants qui ont déjà fait un travail d’adoption auprès d’un premier parent. Notre collègue Coronado, lui, était assez cohérent dans sa position, car il voulait faire en sorte que des enfants puissent avoir la chaîne des adoptions successives.

D’ailleurs, que se passera-t-il en cas de divorce ? Et cette adoption survient-elle après un divorce, un changement de partenaire ? Voilà des questions sérieuses.

Il me semble que cet amendement est paradoxalement contradictoire avec le texte de loi de notre excellente garde des sceaux, peut-être un peu distraite ce soir – voire un peu dissociée comme chacun de nous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1584.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage volontiers les arguments qui viennent d’être développés par mes collègues. Cela va me laisser une minute quarante-cinq pour vous interroger, monsieur le président, sur la suite de nos travaux.

Je fais partie des orateurs à qui l’on a coupé la chique tout à l’heure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) par le biais d’une application un peu rapide de la procédure.

M. Philippe Gosselin. C’est la réalité !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je veux revenir sur ce qui a été excellemment indiqué tout à l’heure par M. Mariton. Je vous signale, monsieur le président, vous qui présidez fort bien cette Assemblée et je vous en remercie, que neuf orateurs de l’opposition sont inscrits sur l’article 1er quater que nous allons étudier dans quelques instants. Le premier orateur de la majorité inscrit est Mme Narassiguin. En application stricte des articles du règlement, les neuf orateurs de l’opposition pourraient s’exprimer avant le premier orateur de la majorité inscrite. Alors, vous ne manqueriez pas, comme vous l’avez fait tout à l’heure, de demander l’application de cet article du règlement.

Monsieur le président, je me permettais d’appeler votre vigilance sur ce point et je ne doute pas que vous appliquerez le règlement dans l’esprit que je viens d’indiquer.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est une lecture erronée du règlement.

M. le président. Monsieur Poisson, je vous rappelle ce qu’est la tradition : le président fixe souverainement la liste des orateurs inscrits sur un article en veillant à un équilibre des orateurs des groupes. C’est ce que je fais régulièrement chaque fois que nous défendons des amendements : vous avez pu vous rendre compte que lorsque je donne la parole à la commission et au Gouvernement, après c’est le président – en l’occurrence moi aujourd’hui – qui fixe le nombre d’orateurs et qui équilibre afin de permettre à la majorité et à l’opposition de répondre au Gouvernement et à la commission.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Excellente explication !

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1626.

M. Yves Fromion. Monsieur le président, je reprends à mon compte les commentaires qui ont été faits sur cet article. Ils tendent à prouver que c’est le futur projet de loi sur la famille qui serait le meilleur cadre pour le développer. Ce qui est gênant, c’est que nous ne savons toujours pas ce que contiendra cette loi. Il serait intéressant que le Gouvernement s’exprime, mais Mme Bertinotti n’est plus là.

M. Hervé Mariton. Elle a été exfiltrée !

M. Yves Fromion. On pourrait peut-être la faire revenir !

Il serait intéressant de savoir pourquoi cet article est inscrit dans la présente loi alors que c’est la future loi sur la famille qui devrait en être le support. Cette future loi pourrait-elle être le bon véhicule pour que cet amendement trouve la plénitude de ses effets ?

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1743.

M. Guillaume Chevrollier. Avant de défendre l’amendement n° 1743, permettez-moi de vous faire part de mon sentiment, en tant que nouveau député, sur cette situation un peu surréaliste qui consiste à débattre, à trois heures du matin, d’un projet qui inquiète une majorité de Français. Ce texte a mobilisé des millions de Français dans les rues…

M. Alexis Bachelay. Des millions ?

M. Nicolas Bays. Des dizaines de millions !

Plusieurs députés du groupe SRC. Des milliards, tant que vous y êtes !

M. Guillaume Chevrollier. …parce que c’est un projet de civilisation, comme l’a dit la garde des sceaux.

Nous avons vu cet après-midi des spectateurs dans les tribunes du public, et certainement de très nombreux téléspectateurs ont-ils suivi nos débats, qui s’intéressent à la vie démocratique, à l’élaboration de cette loi. Mais les Français qui vont se lever tout à l’heure, ceux qui créent la richesse de notre pays, ceux dont nous avons besoin pour le redressement national dont vous parlez beaucoup…

M. Philippe Gosselin. C’est le désastre économique !

M. Guillaume Chevrollier. …ne peuvent plus suivre nos débats car ils ont besoin de sommeil, tout autant que nous. Voilà pourquoi il me semblerait raisonnable de suspendre nos travaux maintenant afin qu’ils puissent les suivre en toute transparence.

M. Nicolas Bays. Ils liront le compte rendu !

M. Guillaume Chevrollier. J’ai remarqué qu’un certain nombre de collègues aiment qu’on parle du fond. C’est donc ce que je ferai (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) même si je me répète – mais la répétition n’est-elle pas l’art de la communication ?

Cet article aurait mieux trouvé sa place dans le futur projet de loi sur la famille qui devait être présenté au printemps prochain. Mais les différents couacs gouvernementaux ont montré que le calendrier était en train de dériver, comme la séance d’ailleurs. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

M. Thomas Thévenoud. Excellent !

M. Alexis Bachelay et M. Nicolas Bays. Quel talent !

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2003.

M. Gérald Darmanin. Il est étonnant d’entendre depuis le début de la discussion que ce projet ne traite que du mariage – c’est ce que font un certain nombre d’orateurs du groupe socialiste –…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est aussi un peu le vôtre !

M. Gérald Darmanin. Mme Lemorton, je ne vous ai pas interrompue dans vos rires et vos ricanements !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Un peu de respect !

M. Gérald Darmanin. Sans doute la fatigue vous rend-elle un peu nerveuse. Mais mon collègue Dhuicq est encore plus charmant, vous verrez.

M. le président. Allons !

M. Gérald Darmanin. Il est étonnant, disais-je, d’entendre depuis le début de la discussion que ce projet ne traite que du mariage et pas du tout de la filiation. À entendre M. Roman, ce qui nous gênerait en fait, c’est le mariage et de voir arriver à cette heure tardive des questions de filiation importantes.

Nous pourrions nous féliciter d’une telle disposition – cela est même relevé dans l’exposé sommaire. Encore aurait-il fallu connaître le calendrier exact du texte sur la famille et son contenu – et nos collègues du groupe écologiste ont eu raison tout à l’heure de le souligner.

Le mariage, n’en déplaise au rapporteur, c’est aussi et surtout le fondement de la famille. À cet égard, il est étonnant que Mme la ministre de la ou des familles ne soit pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Ah ! Ah !

M. Philippe Gosselin. Le président est saisi de spasmes étranges !

M. le président. C’est la concentration de M. Darmanin qui m’a surpris !

M. Gérald Darmanin. Ce que disait M. Chevrollier à l’instant n’était pas dénué de fondement lorsqu’il parlait de centaines de milliers de personnes descendues dans la rue.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tiens, il y en a moins que tout à l’heure !

M. Philippe Gosselin. Il y en avait au moins des millions !

M. Gérald Darmanin. Parmi ces manifestants, on comptait quelques électeurs de gauche : ils seront sans doute très contents de voir comment vous les traitez !

M. le président. Merci !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Michel Pouzol. Cela faisait longtemps !

M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 relatif à l’organisation de nos travaux ;

Je ferai deux remarques.

La première concerne l’article 57 Invoqué par le président de la commission des lois puis par vous-même, monsieur le président, pour mettre fin à la discussion sur un article. Vous avez modifié arbitrairement l’ordre des orateurs. Cela veut dire que vous présumez la position des orateurs avant qu’ils se soient exprimés.

M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

M. Christian Jacob. À quel titre ? Pourquoi ne respectez-vous pas l’ordre dans lequel sont inscrits les orateurs ? Sinon, à quoi sert-il de s’inscrire ? Il suffit de se lever pour intervenir.

M. Roman était inscrit en onzième position. Pourquoi l’avoir fait parler en deuxième ? Et pourquoi supposer, avant de l’avoir entendu, que le deuxième orateur inscrit sur la feuille jaune n’aurait pas un avis contraire ? Rien ne vous permettait de présumer la position des orateurs.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Michel Pouzol. Il suffit de regarder le groupe !

M. Christian Jacob. Vous auriez pu attendre que deux orateurs au moins de notre groupe s’expriment avant de donner la parole à M. Roman.

Ma seconde remarque a trait à la façon dont nous débattons. Nous ne pouvons pas continuer ainsi avec des gens qui ricanent en permanence, qui sont pris de fous rires, qui racontent n’importe quoi,…

M. Pierre-Alain Muet et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme vous !

M. Christian Jacob. …qui invectivent en permanence. Quel spectacle donnons-nous, monsieur le président ? Vous portez une lourde responsabilité. Regardez la présidente de la commission des affaires sociales ricaner, exploser de rire. Mais à quoi cela ressemble-t-il ? Quelle dignité dans l’exercice de ses responsabilités et dans la mission qui est la sienne ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Peut-elle être fière de son attitude ? Regardez-la !

Voilà pourquoi je vous demande une suspension de séance. Il faut vraiment que nous réfléchissions à la manière dont on peut poursuivre nos débats car on ne peut pas continuer à ridiculiser ainsi l’Assemblée nationale au motif que vous voulez battre le record de durée des débats, qui est de vingt-deux heures trente !

M. le président. Monsieur Jacob, lorsque les noms des orateurs des groupes sont transmis à la présidence, nous ne les recevons pas dans un ordre donné.

M. Marc Le Fur. Chacun s’inscrit comme il veut ! Ce n’est pas le groupe qui les classe.

M. le président. En l’occurrence, ce sont les groupes qui transmettent les noms des orateurs.

M. Marc Le Fur. Pas sur les articles !

M. le président. C’est à la présidence qu’il revient, dans le cadre soit de la feuille jaune soit de l’organisation des travaux, de veiller à un équilibre entre la majorité et opposition. C’est cette règle qui prévaut à chaque fois qu’après avoir entendu la commission et le Gouvernement je distribue les différentes interventions pour équilibrer la parole de la majorité et de l’opposition.

J’entends votre remarque sur le déroulement des travaux, mais je vous ferai observer que si nous avons décidé de prolonger la séance ce soir, c’est que, sur ce seul article, il y avait 106 amendements identiques. Alors que je n’y étais pas favorable à l’origine vous m’avez fait devenir supporter de M. Accoyer et du temps législatif programmé. Il suffit pour s’en convaincre de voir le peu de différence qu’il y a entre les arguments des orateurs qui viennent de s’exprimer.

M. Yves Fromion. Oui, mais ils le font avec quel talent !

M. Yves Censi. Les amendements dont identiques, pas les arguments !

M. Jérôme Guedj. Quand il y a des arguments !

M. le président. Quels que soient leurs talents respectifs. Tous ces nombreux amendements identiques n’apportent rien au travail parlementaire, ils permettent seulement de gagner la bataille du temps.

Vous avez pu entendre les remarques qui m’ont été adressées, notamment par le président de la commission des lois, qui m’ont amené à accorder beaucoup plus de temps de parole, des rappels au règlement, des suspensions aux groupes de l’opposition tant que nous discutions les passages les plus fondamentaux du texte. Maintenant que les arguments des uns et des autres ont été développés dans de très bonnes conditions, et compte tenu des 3 600 amendements qui restent en discussion, il me semble que nous pouvons parvenir à un travail cohérent qui permette aux uns et aux autres de s’exprimer sans qu’il soit nécessaire de défendre tous les amendements qui sont là plus pour répéter et gagner du temps que pour éclairer les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, le caractère répétitif des amendements n’a pas pour but unique de faire durer le débat. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Et quand il fait durer le débat, il permet de pousser le Gouvernement dans ses retranchements. Si nous n’avions pas eu ces amendements répétitifs, nous ne serions pas arrivés à ce niveau de discussion sur la PMA. C’est même au point que nous avons pu assister, du fait de l’existence des différences sur la PMA au sein du Gouvernement, de la majorité et du groupe SRC, d’un recadrage depuis Phnom Penh de ses ministres par le Premier ministre !

De même pour la GPA : c’est parce que nous avons en permanence relancé le sujet, interrogé et mis en quelque sorte démocratiquement le Gouvernement sous pression, que le débat a pu éclairer nos travaux et faire en sorte que l’opinion publique soit beaucoup mieux informée.

Le dépôt d’amendements est un droit fondamental du député, et il est hors de question d’y toucher. Il est normal que chaque député puisse déposer un amendement et le défendre avec les convictions qui sont les siennes. Nous l’avons vu à plusieurs reprises, par exemple avec nos collègues des Verts : alors que sur le fond, nous sommes en total désaccord, le groupe écologiste et notre groupe ont pu obliger le Gouvernement à clarifier sa position sur la PMA.

C’est la raison pour laquelle j’entends que nous puissions continuer à défendre nos amendements dans des conditions normales. Avouez que siéger comme nous allons le faire pendant 22 heures 30, ce n’est pas siéger dans des conditions normales, qui plus est un dimanche, si bien qu’un certain nombre de nos collègues ne peuvent être là. C’est une évidence.

M. le président. Monsieur Jacob, je voudrais, avant d’accorder une suspension de séance, vous faire remarquer une nouvelle fois que la preuve de l’intérêt de cette discussion est à trouver dans le nombre de députés présents sur ces bancs, à trois heures du matin. J’ai connu de nombreux débats dans cet hémicycle qui réunissaient beaucoup moins de monde.

Dois-je également vous faire à nouveau remarquer que c’est à chaque fois que nous examinions au fond le texte qu’il y a eu des réponses longues et précises du Gouvernement. Depuis que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de répétition, il est vrai que ces réponses sont plus lacunaires.

En tout cas, Il conviendra de reposer la question sur les prochains textes du recours au temps législatif programmé. Plus j’y réfléchis, plus je pense que c’est la bonne manière d’avoir un débat de fond.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à trois heures cinq, est reprise à trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er ter (suite)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3059.

M. Patrick Hetzel. Si vous me le permettez, monsieur le président. je voudrais d’abord m’adresser au Gouvernement pour lui faire remarquer, ainsi que les débats le montrent, qu’il eût été particulièrement utile qu’avant que nous ayons cette discussion dans l’hémicycle, il y ait eu un débat national. C’est un point de divergence entre nous : vous avez préféré saisir directement à l’Assemblée nationale.

Or les conditions dans lesquelles ces débats ont lieu ne sont pas dignes – on le voit bien à la fatigue de part et d’autre –,…

M. Marcel Rogemont. Pas du tout !

M. Patrick Hetzel. …s’agissant d’un sujet de société qui implique une transformation profonde de notre fonctionnement institutionnel.

Alors que nous siégeons depuis ce matin dix heures, vouloir poursuivre nos débats montre bien que vous voulez passer en force. Vous ne voulez absolument pas laisser le temps nécessaire à la discussion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Voyez, mes chers collègues : vous êtes constamment dans l’invective ce qui est non seulement insupportable, mais montre également que vous manquez d’arguments de fond et que vous êtes mal à l’aise avec ce débat. Si vous étiez à l’aise, vous ne seriez pas amenés à utiliser des arguties de procédure, comme vous le faites, de telle sorte que nous travaillions jusqu’au petit matin.

M. François André. Quel était l’amendement ?

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3753.

M. Yves Censi. Il est incroyable d’entendre nos collègues de la majorité crier : « Retirez vos amendements si vous trouvez que c’est trop long. » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) C’est incroyable dans cet hémicycle dont la raison d’être est de permettre la défense d’amendements ! Surtout que le problème ne tient pas tant aux amendements qu’à notre volonté de solliciter un débat dont nous maintenons que, sur le fond, il n’a pas eu lieu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Yves Censi. Vous avez lancé un débat sur le mariage homosexuel : nous sommes pour notre part, tellement prêts à l’assumer que nous souhaitons à ce sujet un référendum !

Nombre de Français pensent d’ailleurs que nous légiférons uniquement sur la question du mariage homosexuel et non sur l’adoption et l’homoparentalité. Et à cet égard ; si le débat a pu avancer c’est grâce à nous dans cet hémicycle. Notre conception est qu’il s’agit avec ce texte d’un projet global. Il n’est en effet pas possible de parler de mariage sans parler de la famille. Pourtant, le Gouvernement ne veut en parler que dans le cadre d’un futur projet de loi sur la famille. Les assises de la famille auront donc lieu plus tard, ce qui est tout de même un comble. Il est particulièrement extravagant d’imaginer de parler de la famille après avoir parlé du mariage et du bouleversement de cette institution ! Et il en va de même pour la PMA et la GPA : on saucissonne la loi.

Pour en venir à l’article 1er ter, (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) nous pourrions y adhérer, mais voilà une disposition qui, elle, devrait figurer au contraire dans le projet de loi sur la famille et non dans un texte sur le mariage homosexuel. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3320.

M. Xavier Breton. Je voudrais à mon tour regretter les conditions dans lesquelles se déroule ce débat. Nous avons posé des questions sur la reconnaissance, dans le droit, de l’altérité sexuelle, sur la dimension corporelle, biologique, de la filiation. Nous n’avons obtenu aucune réponse. J’ai, à plusieurs reprises, posé après Sylviane Agacinski la question de savoir ce qui empêchera, un jour, de se marier à trois comme cela se fait dans certains États au Brésil. La seule réponse que j’ai eue, c’est celle de M. Roman : « C’est parce que nous avons écrit "deux" », nous a-t-il dit ! Non seulement vous n’apportez aucune réponse, mais vous nous empêchez de débattre.

Cet amendement n° 3320 souligne un double problème de méthode.

D’une part, un défaut de consultation. Celui-ci a été soulevé par le Défenseur des droits, Dominique Baudis, qui a bien montré que la procédure qui a été suivie pour l’élaboration de ce projet de loi présentait une grande lacune, puisque l’étude d’impact qui l’accompagne ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. Aucune page, aucune ligne ne lui est consacrée.

D’autre part, un défaut d’articulation claire entre les différents textes, celui dont nous débattons et celui qui est annoncé sur la famille. Ce n’est pas en procédant ainsi que nous allons avoir une cohérence qui ne soit pas seulement de forme mais est également de fond. On le voit bien aux clivages qui se creusent au sein de cet hémicycle, mais aussi dans la société française. C’est grave.

Alors que la politique familiale était un élément de consensus dans notre pays, vous êtes en train de créer une division sur un sujet important, cela dans une époque qui est difficile. La famille et la politique familiale étaient des éléments qui permettaient à notre pays de rester uni. Avec votre méthode consistant à dissocier les textes, sans aucune clarté, vous nous divisez, au sein de cet hémicycle, mais, plus gravement, vous divisez notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5302.

M. Jean-Christophe Fromantin. Notre amendement de suppression de l’article 1er ter, est motivé par les raisons qui nous ont amenés, hier, à défendre un statut d’union civile. Il est donc en cohérence avec ce que nous avions alors soutenu. Avec l’union civile, nous souhaitions dissocier le sujet de l’union de celui de l’adoption, parce qu’il nous paraît que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un débat de qualité puisse avoir lieu sur la question de l’adoption.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est étonnant d’entendre l’opposition, alors que nous légiférons sur le mariage, découvrir que nous traitons également de l’adoption. Depuis le mois de juin, nous répétons sans cesse qu’il s’agit avec ce texte de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

M. Yves Censi. Non. Vous aviez présenté ce texte comme celui du « mariage pour tous ». C’était le slogan affiché.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous ne cessons de le répéter depuis mardi dans cet hémicycle. Et je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous ignorez que, dans notre droit, le mariage emporte l’adoption.

Vous parlez de cohérence. Mais celle même du code civil qui nous conduit à traiter du mariage et de l’adoption !

Il est vraiment surprenant, après votre opposition à l’article 1er ouvrant le mariage et l’adoption et après le travail de très grande qualité qu’a produit la commission des lois de l’Assemblée nationale pour enrichir le texte, notamment par le présent article, que vous présentiez un amendement dont l’exposé sommaire explique que cet article 1er ter une très bonne mesure, mais dont l’objet est de supprimer cette très bonne mesure !

Je ne m’aventurerai pas plus loin, à cette heure de la nuit, dans les chemins tortueux d’une cohérence un peu particulière.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Sur l’amendement n° 387 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Sur l’article 1er ter, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour résumer rapidement la situation, ce que nous voulons, à travers la possibilité d’adoption simple par le conjoint d’une personne qui a déjà fait une adoption simple, c’est sécuriser juridiquement des situations d’enfants qui pourraient, demain, vivre des drames si nous ne changions pas le code civil. La commission a d’ailleurs auditionné directement des personnes qui sont dans cette situation.

Ce que vous voulez, chers collègues de l’opposition, et cela apparaît au travers de vos différents arguments, c’est en réalité toujours la même chose : c’est empêcher tout ce qui vous dérange, c’est empêcher tout ce qui contredit votre vision de la supériorité des couples hétérosexuels dans leur capacité à élever des enfants. Ce que vous voulez, c’est empêcher tout ce qui contredit votre modèle unique et exclusif de la famille, tout ce qui contredit votre norme.

Vous avez parlé, tout à l’heure, de la perte de repères des enfants. Mais je crois qu’en fait, c’est vous qui êtes en perte de repères par rapport aux évolutions de la famille et de la société. Nous voterons contre vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Beaucoup de choses ont été dites. Si l’on devait en faire la synthèse, avant les explications de vote sur l’article - à moins que nous fassions d’une pierre deux coups -, je dirais que cet article 1er ter comporte quelques avancées. Il aurait le mérite de clarifier certains éléments.

Mais comme cela a été dit, il nous paraît important de le resituer dans un ensemble beaucoup plus général. La réforme de la politique familiale, du droit de la famille, qui s’annonce même si elle semble parfois se dérober sous nos pieds, serait sans doute un moment plus opportun pour adopter une telle disposition, qui risque d’être considérée, dans ce texte, comme un cavalier législatif.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera pour les amendements de suppression et contre l’article 1er ter.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 74, 387, 389, 704, 969, 602, 1226, 1419, 1584, 1626, 1743, 3003, 3059, 3753, 3320 et 5302.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 188

Nombre de suffrages exprimés 188

Majorité absolue 95

Pour l’adoption 38

Contre 150

(Les amendements identiques nos 74, 387, 389, 704, 969, 602, 1226, 1419, 1584, 1626, 1743, 3003, 3059, 3753, 3320 et 5302 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er ter.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 186

Nombre de suffrages exprimés 186

Majorité absolue 94

Pour l’adoption 148

Contre 38

(L’article 1er ter est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 1er quater

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, inscrit sur l’article 1er quater.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir quelques instants sur les pouvoirs des présidents de l’Assemblée nationale.

Puisque vous évoquiez tout à l’heure, monsieur le président, vos pouvoirs souverains,...

M. Olivier Faure. Qu’est-ce que vous avez à dire ?

M. Philippe Gosselin. ….plaise au président, dans l’exercice de son pouvoir souverain, de bien vouloir accorder la parole aux membres de l’opposition. Et que de tout cela, monsieur le président, il soit dressé procès-verbal.

M. Olivier Faure. C’est votre règlement qui est appliqué !

M. Philippe Gosselin. Mais non, c’est celui de l’Assemblée !

L’article 1er quater concerne l’exercice en commun, de plein droit, de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint.

Comme pour l’article précédent, les règles du jeu sont modifiées pour tous les époux, dans le but de répondre à une situation qui découle de l’article 1er. Autrement dit, cet article 1er quater vise la situation des couples homosexuels, et pas celle d’autres couples. C’est donc bien un droit tout à fait spécifique de la filiation, de l’adoption, qui est en train de se mettre en place. Comme nous le disions, il y a un effet domino : d’abord, le mariage ; ensuite, la filiation. Rien d’autre ne justifie que l’article 1er quater puisse modifier ainsi l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint.

M. Olivier Faure. Où voulez-vous en venir ?

M. Philippe Gosselin. Je veux en venir au fait que cela ne correspond pas, là non plus, à ce que nous souhaitons, à notre vision des choses.

M. Olivier Faure. Quelle vision ?

M. Philippe Gosselin. Que l’article 365 du code civil puisse être modifié, c’est évidemment quelque chose d’envisageable, mais qui aurait dû s’intégrer dans une réflexion plus large de la réforme du droit de la famille.

M. Olivier Faure. Laquelle ?

M. Philippe Gosselin. Sans doute 1’aurons-nous, encore que l’on puisse commencer à douter, puisqu’on nous l’a annoncée pour le mois de mars puis pour la fin de l’année – ce sera peut-être pour l’année prochaine ou remis, nous le verrons bien, aux calendes grecques.

Cette réforme, disais-je, aurait dû s’intégrer dans un cadre beaucoup plus large. J’ai saisi cette occasion afin de le préciser à nouveau avant d’aborder les amendements.

M. Olivier Faure. Quel intérêt ?

M. le président. Puisque le début de l’intervention de M. Gosselin a été un peu persifleur, je voudrais rappeler la teneur du cartouche imprimé sur la feuille jaune : « Les indications portées sur le présent document peuvent être modifiées en cours de séance. Elles ne peuvent servir de base à une quelconque réclamation. » Il est en effet possible qu’au cours d’un débat aussi long que celui-ci, il y ait un décalage entre le contenu de la feuille jaune et celui du dossier du président – seul à être en permanence à jour. J’assume par conséquent pleinement la décision de faire alterner majorité et opposition dans la liste des inscrits.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58 du règlement.

Monsieur le président, j’appelle votre attention sur le bon déroulement des votes par scrutin public. Je souhaite que vous puissiez le faire vérifier par le service de la séance, grâce notamment aux enregistrements vidéos. Ce n’est pas la première fois que j’ai compté quelque 60 députés de la majorité présents pour un total de 148 votes. Je voudrais qu’on reste très attentif au fait que chacun vote uniquement à partir de son propre boîtier et seulement celui-ci. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je demande à chacun des présents de n’appuyer que sur le bouton de son boîtier.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Gosselin. Mon intervention est fondée sur l’article 58 du règlement.

Plaise à M. le président de faire vérifier que les indications qu’il vient de nous lire ne figurent pas sur la feuille jaune que j’ai entre les mains.

M. le président. Le cartouche ne figure que sur la première page, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Très bien. Pourrait-on alors m’apporter cette page ?

M. le président. Vous l’avez eue en début de séance, mon cher collègue.

M. Philippe Gosselin. Vous considérez donc que ce cartouche vaut une fois pour l’ensemble d’une séance qui commence à vingt et une heures trente et censée se terminer dix heures et demie après. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Bien sûr !

M. Philippe Gosselin. Il est intéressant de le noter ; j’apprends beaucoup et je vous en remercie.

M. le président. Monsieur Gosselin, il s’agit de la page 1 de la feuille jaune de vingt et une heures trente. Et comme vous êtes un député averti et que vous êtes régulièrement présent en séance, je suis sûr que vous avez eu des centaines de ces pages jaunes entre les mains.

M. Philippe Gosselin. Vous savez que la pédagogie est l’art de la répétition.

Article 1er quater (suite)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, inscrite sur l’article 1er quater.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Les articles du chapitre Ier bis ont pour vertu majeure de formuler clairement l’état du droit plutôt que d’obliger le juge à en faire l’exégèse. La majorité, assumant pleinement cette réforme, il eût été surprenant de procéder autrement. Il est préférable de se situer en conformité avec le principe constitutionnel de la clarté de la loi ainsi qu’avec l’accessibilité et l’intelligibilité, objectif de valeur constitutionnelle.

L’article 1er quater vient donc compléter les articles de ce chapitre Ier bis au bénéfice de la cohérence de la famille et, surtout, pour une meilleure protection de l’enfant. En énonçant que l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun, l’autorité parentale sera donc exercée de plein droit en commun.

Je salue donc l’introduction – à bon escient – par le rapporteur de ce chapitre. Les articles du chapitre Ier bis permettront de simplifier la vie des familles homoparentales en donnant un vrai statut légal au parent social. Nous en finirons avec ces parents inconnus de l’administration qui parfois leur refusait certains droits à l’égard de leur enfant. Certains drames ont d’ailleurs été évoqués tout à l’heure.

Mes chers collègues, nous serons ainsi à même, indirectement, de réhabiliter la nécessaire neutralité de l’administration et nous simplifierons, pour les agents publics confrontés à ces questions qui sont celles de la vie quotidienne, les relations avec les usagers et avec les administrés. Je tiens enfin à souligner que cette réforme grandira aussi nos services publics.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je constate que 108 amendements à l’article 1er quater ont été déposés par l opposition. Je suggère que, conformément à l’article 57, alinéa 1, du règlement, nous passions à la clôture de la discussion sur l’article, de façon à entamer immédiatement la discussion des 108 amendements répétitifs de l’opposition.

M. Yves Censi. Ils ne sont pas répétitifs !

M. le président. La clôture de la discussion sur l’article vient d’être proposée. Deux orateurs d’avis contraire sont intervenus. Aussi, conformément à l’article 57, alinéa 3, du règlement, je vais consulter l’Assemblée sur la clôture.

(Il est procédé au vote.)

M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article 1er quater.

M. Philippe Gosselin. Dont acte.

M. Patrick Hetzel. On muselle l’opposition !

M. le président. Sur l’article 1er quater, je suis d’abord saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 76.

M. Marc Le Fur. La majorité est en train, une fois de plus, de faire la démonstration qu’elle veut passer en force ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Jérôme Guedj. Et vous, vous voulez passer en farce !

M. Marc Le Fur. Je retire de cette expérience une leçon : la démocratie directe a bien des vertus et nous devrions, sur ce type de débat comme sur d’autres, recourir, dans la tradition qui est largement la nôtre, à la démocratie directe – qui n’est pas le propre de la Suisse ou de certains États américains : c’est aussi une réalité française. Nous avons su, en particulier à l’initiative du général de Gaulle, organiser des référendums. Eh bien, c’est sur ce texte comme celui-ci qu’il fallait organiser un référendum. Voilà un sujet qui intéresse l’opinion, qui est déterminant pour nos familles, qui pouvait parfaitement donner lieu à un grand débat public, entendu de nos compatriotes. (« Et l’amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi. Hors sujet !

M. Marc Le Fur. L’article 11 de la Constitution permet toujours au Président de la République d’avoir recours à ce référendum.

M. Bernard Roman. Et votre amendement, il porte sur quoi ?

M. Marc Le Fur. Monsieur Roman, le peuple, ça vous gêne, je sais ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais le peuple peut s’exprimer par la démocratie directe. Vous aviez cette possibilité.

On nous oppose des arguties selon lesquelles ce type de référendum ne peut concerner que des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et l’on prétend que la famille ce n’est pas social. Ben voyons ! La famille appartient parfaitement au champ social. L’emploi du mot « sociétal » n’a pas de sens ici puisqu’il s’agit d’un néologisme qui n’existait pas en 1958 au moment de la rédaction de la Constitution et donc de son article 11.

M. Luc Belot. Relisez votre Wauquiez !

M. Marc Le Fur. Nous avions la possibilité d’organiser ce grand débat et, croyez-moi, la réponse, je la connais, elle aurait été du côté de la famille. C’est précisément cette réponse que vous anticipiez et dont vous ne vouliez pas ! (« Et votre amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 603.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur cet article rapidement présenté tout à l’heure par plusieurs collègues.

Après que l’article 1er ter a modifié plusieurs règles du jeu, il s’agit ici de les adapter pour tous les époux mais essentiellement dans le but de répondre à la situation des couples homosexuels. Je répète que rien ne semble, en dehors de cet élément, justifier que l’article 1er quater modifie l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint. L’autorité parentale est évidemment un élément de droit très important et la modifier en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint conduit à modifier de façon substantielle le droit de la famille.

Or il faut prendre le temps de le faire. Nous avions souhaité avoir un large débat. Il a en partie lieu, je le reconnais, dans cette enceinte depuis plusieurs dizaines d’heures mais, il faut bien en convenir, la plupart du temps nos amendements sont repoussés sans parfois même être discutés comme il conviendrait.

Il serait donc sage de supprimer cet article et de revenir sur la question au moment de la discussion du texte qui concernera plus largement le droit de la famille et à l’occasion des états généraux de la PMA évoqués ici à plusieurs reprises.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 706.

M. Frédéric Reiss. L’article 1er quater modifie l’article 365 du code civil qui précise que « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l’adopté (…). » L’article 1er quater supprime la suite : « (…) dans ce cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité » et la remplace par le texte suivant : « Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun. »

Rien ne justifie l’article 1er quater nouveau si ce n’est qu’il répond à la situation des couples homosexuels. Nous sommes contre cette notion de « parent social », lui préférant la notion de « père » ou de « mère ». C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 972.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1228.

M. Daniel Gibbes. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1420. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. La minute de M. Dhuicq !

M. Nicolas Dhuicq. Quel honneur en effet de penser au regretté M. Cyclopède. Rassurez-vous, je ne suis pas contagieux – cela étant une demi-plaisanterie par rapport à un médecin disparu qui consultait jusqu’à des heures tardives. Je n’en dirai pas plus par décence. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Pourrions-nous avoir les sous-titres, monsieur le président ?

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement défend nos principes et nos positions sur la question de la conception, de la construction de l’être humain et sur la dissociation que vous voulez mettre en place entre la partie biologique et la partie psychique qui le constituent. Encore une fois, vous induisez un clivage irréversible entre les deux, de par votre vision prométhéenne ou faustienne (Sourires sur les bancs du groupe SRC), alors que nous, nous situons plutôt du côté du verbe créateur. (Mêmes mouvements.)

M. Alexis Bachelay. C’est intéressant, continuez…

M. Philippe Gosselin. Les députés de la majorité sont en train de se dissiper, monsieur le président !

M. Nicolas Dhuicq. C’est pourquoi nous pensons que la loi n’a pas vocation à coller à la réalité, mais elle doit aussi la façonner et dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. À l’article 2, nous aborderons d’ailleurs d’autres questions symboliques profondes au sujet du nom.

Notre position est de considérer que cet article, dans cette logique délétère,…

M. Alexis Bachelay. Oui, c’est cela, continuez… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. …poursuit la destruction de l’entité familiale telle que nous la concevons, contrairement à la novlangue et aux néologismes que vous appréciez considérablement, mes chers collègues et camarades. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà pourquoi il nous semble nécessaire, chers compagnons, de poursuivre la défense acharnée – que nous menons malgré notre sens de l’humour – de ce que nous entendons par « famille » et de ce que nous entendons par « humanité ».

M. Thomas Thévenoud. Merci Sigmund !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 397.

M. Christian Jacob. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er quater. Je ferai la même remarque qu’à l’occasion de la discussion des amendements précédents : ce dispositif relève du droit de la famille et n’a rien à voir avec l’ouverture au mariage des couples de même sexe. Il s’agit en effet du partage de l’autorité parentale, notamment lors d’une adoption simple d’un enfant de son conjoint.

Jusqu’à présent, la décision de partage de l’autorité parentale relevait d’une décision de justice. Or vous proposez de modifier considérablement les choses et l’autorité parentale, ce n’est pas rien. Vous entendez donner l’autorité parentale à partir du moment où l’on procède à cette adoption simple. Cela peut aussi porter à conséquence sur l’éducation de l’enfant de ne pas passer par une décision de justice comme c’était jusqu’à présent le cas.

Aborder cette question dans un texte qui porte sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, et pas dans un texte sur la famille – ce qui aurait permis d’avoir des auditions et un débat spécifique sur l’autorité parentale – me paraît assez dangereux. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet article soit supprimé. Tel est le sens de mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1588.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ferai deux remarques pour présenter cet amendement.

Je veux d’abord faire part de mon incompréhension : depuis le début de ce débat, et même bien avant, nous vous avons entendue dire, madame la garde des sceaux, que ce texte ne changerait rien pour les couples qui ne sont pas concernés par l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.

M. Nicolas Dhuicq. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je crois, madame la ministre, traduire votre pensée de manière exacte, mais vous me démentirez si ce n’est pas le cas. Or ce texte introduit manifestement un changement pour l’ensemble du corps social, y compris pour les personnes qui sont déjà mariées aujourd’hui, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de la densité et de l’ambition de ce texte, que nous avons soulignées, même si nous le combattons.

En second lieu, je rejoins les arguments qui ont été défendus par les orateurs précédents : nous attendons toujours, de la part de la ministre, un peu plus de précisions sur ce célèbre et désormais très attendu projet de loi portant sur la famille, qui comprendra, si j’ai bien compris, un volet, ou au moins certaines dispositions, sur l’autorité parentale.

M. Christian Jacob. Et la ministre Bertinotti n’est pas là !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas nous qui avons posé la question à la ministre, mais bien des membres de sa majorité. Je ne comprends pas, dès lors, pourquoi de telles dispositions sont abordées dans ce texte et n’ont pas leur place dans le futur projet de loi qui englobera probablement des dispositions importantes sur la famille.

C’est pour ces deux raisons que je demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1634.

M. Yves Fromion. Tout à l’heure, on nous a fait le reproche d’être un peu répétitifs dans nos argumentations…

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

M. Yves Fromion. …mais j’adhère et je soutiens totalement les propos qu’ont tenus les collègues qui m’ont précédé.

Je voudrais remettre en perspective les dispositions actuelles de l’article 365 avec le texte que le Gouvernement voulait faire adopter et qu’il a présenté en commission. Ce texte envisageait de supprimer les mots « père » et « mère », alors que le texte qui nous est proposé conserve le mot « mère ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela peut vous paraître anodin, mais pour nous, qui nous sommes battus pendant des mois pour que les mots « père » et « mère » ne soient pas supprimés du code civil…

M. Pascal Popelin. Mais ils ne le sont pas !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est un bon article !

M. Yves Fromion. …et peut-être même du dictionnaire de la famille, c’est une formidable victoire. Cette victoire, nous la devons à ceux qui se sont battus ici, à ceux qui se sont battus en commission, mais surtout aux centaines de milliers de Français qui sont descendus dans la rue.

M. Thomas Thévenoud et M. Razzy Hammadi. Des millions !

M. Yves Fromion. Nous n’avons pas eu beaucoup de victoires, dans la bataille difficile qui nous oppose à une majorité écrasante, alors sachons au moins profiter de celle que nous avons remportée. Vous nous dites, madame la garde des sceaux, que l’ouverture du mariage restera dans l’histoire, mais l’histoire retiendra aussi que vous avez voulu supprimer les mots de père et de mère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Mensonge !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1744.

M. Guillaume Chevrollier. On me permettra ce préambule : parce que je crois au bon sens en politique, n’en déplaise à certains, je me demande s’il est vraiment raisonnable de travailler sur un projet de loi de cette importance alors qu’il est presque quatre heures du matin.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Guillaume Chevrollier. Il s’agit d’un amendement de suppression. Comme l’article précédent, le présent article modifie les règles du jeu pour tous les époux et les adoptés, dans le but de répondre à la situation des couples homosexuels. Ce texte ne tient pas compte de l’avis que le Conseil supérieur de l’adoption, spécialiste par définition de cette question, a publié le 23 octobre 2012 : il y a fait état de son inquiétude, devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’enfant dans le cas de l’adoption.

Il faut noter également que pas une ligne, dans l’étude d’impact du projet de loi, n’évoque la convention internationale des droits de l’enfant. Alors, de grâce, mes chers collègues, ne bafouez pas, ne bafouons pas ensemble, un droit essentiel, le droit de l’enfant, pour répondre à la demande de quelques personnes minoritaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3004. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Il s’est réveillé !

M. Gérald Darmanin. Ne vous inquiétez pas, je ne m’endors pas.

M. Gwendal Rouillard. Presque !

M. Gérald Darmanin. Non – c’est l’avantage de la jeunesse ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n’ai pas dit cela uniquement pour Bernard Roman : je ne me le permettrais pas ! (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Gérald Darmanin. Je savais que le réel vous gênait, mais à ce point. Ne pas voir en effet que je suis jeune est vraiment étonnant ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Il faut mettre cela sur le compte de l’insouciance de nos benjamins ! (Sourires)

M. Gérald Darmanin. S’agissant de mon amendement, notre collègue M. Poisson a parfaitement résumé notre interrogation et je suis sûr, madame la garde des sceaux, que vous allez nous éclairer. Vous nous avez dit à plusieurs reprises…

M. Olivier Faure. Il s’écoute parler !

M. Gérald Darmanin. …que ce mariage ne retirait rien aux couples hétérosexuels souhaitant se marier, adopter des enfants, et éventuellement recourir à la PMA. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous inversez les choses. Si j’ai bien compris, jusqu’à présent, il était nécessaire de faire une déclaration pour avoir une garde partagée, et désormais c’est l’inverse.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est beaucoup mieux !

M. Gérald Darmanin. Vous admettez donc que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe va changer des choses pour les couples hétérosexuels qui se marient et qui adoptent : c’est l’exposé des motifs.

Je vous recommande la lecture d’un article très intéressant, qui a paru dans une revue juridique et qui est intitulé « Les dommages pour tous du mariage de quelques-uns ».

M. le président. Il faut conclure…

M. Gérald Darmanin. Je conclus monsieur le président.

Son auteure, Mme Aude Mirkovik, que je regretterais de ne pas citer à cette heure tardive, est maître de conférences en droit privé à l’Université d’Évry,…

M. Bernard Roman. Et présidente d’une association contre le mariage pour tous : il faut le dire !

M. Gérald Darmanin. …considère, et elle a assez raison, que votre projet de loi est néfaste pour le mariage et l’adoption des couples hétérosexuels, car vous changez le droit pour eux. Et sur ce point, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous aimerions avoir des explications.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3321.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, vous m’avez oublié.

M. le président. Monsieur Hetzel, vous étiez sorti et vous voici revenu : je ne peux pas suivre tous vos mouvements.

M. Philippe Gosselin. Il est de plus en plus difficile de se concentrer !

M. le président. La parole est donc à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3060.

M. Patrick Hetzel. Je n’étais pas sorti : vous voyez que la fatigue nous guette tous ! Mais vous êtes évidemment pardonné, monsieur le président.

Nous demandons la suppression de l’article 1er quater, qui porte sur la filiation adoptive. En matière d’adoption, le Conseil supérieur de l’adoption, dans son avis du 23 octobre dernier, fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant dans le cas d’une adoption. En effet, les textes en vigueur indiquent qu’avant de délivrer l’agrément, le président du conseil général doit s’assurer que les conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans à la fois familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté.

Le conseil général doit donc procéder à des investigations, comportant notamment une évaluation sociale et psychologique. Le parcours de l’adoption est souvent vécu par les adoptants comme un parcours du combattant, long et intrusif, au nom justement de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or, qu’il s’agisse des services de l’aide sociale à l’enfance en charge de la délivrance des agréments à l’adoption, ou qu’il s’agisse du juge chargé, lui, de la consécration juridique de l’adoption, sur quelle base devront-ils fonder leur appréciation ? Peut-on renvoyer cette question aux pratiques très diverses, et souvent très contradictoires, entre les différents conseils généraux, et éventuellement les conseils de famille ? De toute évidence, il ne le faut pas.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Patrick Hetzel. Ce texte devrait être renvoyé à une discussion portant sur la famille : c’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3321.

M. Xavier Breton. L’article 365 du code civil prévoit qu’en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, ce dernier conserve seul l’exercice de l’autorité parentale, à moins qu’une déclaration conjointe avec l’adoptant ait été adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance, aux fins de l’exercice en commun de cette autorité.

Avec l’article 1er quater, c’est l’inverse que vous nous proposez : désormais, l’autorité parentale serait exercée de plein droit en commun, sauf si les titulaires saisissaient le juge aux affaires familiales. On voit donc, comme l’a très bien expliqué notre collègue Jean-Frédéric Poisson, que le texte que vous nous proposez, contrairement à ce que vous nous affirmez depuis le début, modifie les règles du jeu pour tous les époux et les adoptés. Rien d’autre, en effet, ne justifie que l’article 1er quater modifie l’exercice de l’autorité parentale en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint. Ce texte ne se contente donc pas d’ouvrir des droits nouveaux aux couples de personnes de même sexe : il modifie l’ensemble du droit pour l’ensemble des couples et des adoptés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3764.

M. Yves Censi. Le Gouvernement a essayé de nous convaincre, ou plutôt de nous faire croire, que ce projet de loi ne visait pas à transformer l’institution – car, comme madame la garde des sceaux, je tiens à cette appellation – qu’est le mariage. Il ne s’agissait pas, disait-on, d’opérer une transformation institutionnelle – et il n’était donc pas nécessaire d’ouvrir un débat national –, mais simplement de rétablir une égalité de droits au profit de certains, sans toucher à l’institution du mariage. Or on voit, article après article, qu’il n’en est rien. L’article 1er quater introduit de profonds changements pour tous ceux qui sont entrés dans l’institution du mariage et qui ont pu bénéficier des droits qu’il ouvre à l’adoption, qu’ils soient ou non homosexuels.

De quoi s’agit-il ici ? Nos concitoyens doivent le savoir – et notre collègue Breton a déjà bien exposé le problème. Aujourd’hui, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, celui-ci conserve seul l’exercice de l’autorité parentale. Pour bénéficier d’un exercice en commun de cette autorité, il est nécessaire d’adresser une déclaration au greffier en chef du tribunal de grande instance : il y a donc une démarche responsable. Et vous, vous renversez la charge de cette responsabilité. Je crois que l’état d’esprit, la philosophie qui sous-tend ce projet, c’est l’indifférenciation parentale. Alors qu’aujourd’hui, l’un des conjoints doit faire une démarche, à l’avenir, ce ne sera plus nécessaire, et l’autorité parentale sera exercée de plein droit en commun.

Mon deuxième point porte sur les mots « sauf si les titulaires de l’autorité parentale saisissent le juge aux affaires familiales ». Lorsque notre collègue socialiste a participé à la discussion générale, elle a précisé qu’aujourd’hui, c’est le juge qui décide et que ce ne serait plus le cas, puisque la loi aura entériné la décision. On voit que c’est faux : dans les deux cas, il y a une alternative, et dans les deux cas, le juge peut être saisi. Tous les arguments tombent les uns après les autres, et c’est pourquoi…

M. le président. Merci monsieur Censi.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5303.

M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement de suppression se justifie par le caractère automatique de l’organisation du partage de l’autorité parentale.

Les amendements à venir comportent plusieurs propositions sur l’évolution et l’organisation du statut des beaux-parents, qui nous semblent plus indiquées que la répartition automatique des rôles proposée par cet article.

Le statut de beaux-parents pourrait également être exercé dans le cadre d’une convention de partage homologuée par le juge aux affaires familiales, ce qui nous semble une meilleure condition pour encadrer cette évolution de l’exercice de l’autorité parentale.

M. le président. Je vous indique que sur l’article 1er quater, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Chacun aura compris qu’il s’agit de traiter de l’exercice de l’autorité parentale dans le cas d’une adoption simple de l’enfant du conjoint.

Aujourd’hui, le principe est que l’adoptant a l’autorité parentale concurremment au conjoint. Si les deux veulent exercer l’autorité parentale de manière commune, ils doivent en faire la démarche en s’adressant au greffier en chef du tribunal de grande instance.

Nous proposons d’inverser cette logique. Il n’y a rien de choquant à cela. Le principe serait l’exercice conjoint de l’autorité parentale, et l’exception, après intervention du juge, serait l’exercice exclusif, délégué au conjoint.

M. Philippe Gosselin. Le rapporteur n’est pas très clair…

M. Erwann Binet, rapporteur. Je vais reprendre. J’ai été sensible aux préoccupations de M. Censi de vouloir obliger à une démarche. Mais la démarche, c’est l’adoption simple. Il n’y a pas de démarche plus forte pour pouvoir exercer, enfin vouloir faire…

M. Philippe Gosselin. C’est un peu compliqué, c’est normal !

M. Yves Censi. Ça ne veut plus rien dire !

M. Erwann Binet, rapporteur. Il est quatre heures du matin…

Bref, la démarche devant le juge va changer, dans la mesure où l’exercice de l’autorité parentale, en règle générale, sera désormais commun ; c’est seulement par exception, lorsque les parents le demanderont de manière explicite, elle s’exercera selon la situation commune aujourd’hui…

M. Philippe Gosselin. Je n’ai rien compris !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pourtant simple ! (Rires.)

M. Gérald Darmanin. Écrivez-le !

M. Erwann Binet, rapporteur. En tout cas, la commission a rendu un avis défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. La conclusion du rapporteur était en tout cas intéressante !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Jacob. Monsieur le président ! On ne peut pas continuer nos travaux dans ces conditions ! Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Yves Fromion. Le rapporteur est KO debout !

M. le président. Vous vous exprimerez ensuite.

Madame la garde des sceaux, vous avez la parole.

M. Patrick Hetzel. La garde des sceaux met des gants pour parler à l’opposition, maintenant ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai juste froid, ce n’est pas un message à destination de l’opposition.

M. Patrick Hetzel. Ce n’était qu’un trait d’humour, madame.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et puis, si j’avais de jolies mains, j’aurais plaisir à les arborer !

M. Yves Fromion. Elle est coquette ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette disposition ne figurait pas dans le texte du Gouvernement. C’est une amélioration sensible apportée par la commission des lois, à l’initiative du rapporteur. Elle consiste à clarifier les effets de l’adoption simple sur l’autorité parentale.

Cette disposition concernera effectivement tous les couples. Non seulement le texte n’enlève rien aux hétérosexuels, je le confirme, mais il améliore le fonctionnement de ces couples et de ces familles. Il facilite une réalité pratique qui intervient dans tous les couples, hétérosexuels et homosexuels.

Nous avons là l’illustration que des combats, parfois conduits à l’initiative de minorités qui vivent plus directement la discrimination ou l’exclusion, puis relayés par ce que l’on pourrait appeler la majorité, bien que ce terme appelle à être défini, amènent à un progrès du droit. Ce peut être de faire reculer ou supprimer une discrimination, faire reculer l’exclusion ; reste que ces progrès constituent une reconnaissance de liberté, et cette avancée profite à tous.

Rien n’est retiré aux couples hétérosexuels, ils vont au contraire bénéficier de cette disposition qui clarifie les effets de l’adoption simple sur l’autorité parentale.

M. le président. Monsieur Jacob, je vous propose que nous donnions la parole aux deux intervenants pour répondre à la commission et au Gouvernement, à moins que vous ne préfériez intervenir tout de suite.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je préférerais le faire immédiatement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Je veux faire deux remarques sur le fondement de l’article 58 de notre règlement.

La première porte sur l’absence de la ministre de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que le Gouvernement est représenté, je connais parfaitement le règlement.

Mais lorsque l’on est ministre de la famille – je l’ai été – s’agissant d’un texte auquel vous dites attacher une importance essentielle, qui correspond à un engagement du Président de la République dans son programme électoral, préférer aller dormir plutôt que de débattre avec nous alors que vous voulez passer en force, c’est invraisemblable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À quoi sert la ministre de la famille si elle n’est pas capable d’être présente dans l’hémicycle sur un tel texte ? (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) On parle de l’aide sociale à l’enfance, de l’autorité parentale, de l’adoption, et la ministre de la famille préfère aller se coucher et dormir plutôt que d’être parmi nous ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je trouve cela choquant ! Et je me demande à quoi sert cette ministre ! (Mêmes mouvements.)

M. Marcel Rogemont. C’est minable !

M. Christian Jacob. Quand on est ministre, on assume ses responsabilités ! On ne les fuit pas en allant dormir parce qu’il est quatre heures du matin. On a le courage et l’honneur d’être là. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC, dont les députés se lèvent et apostrophent l’orateur.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est incroyable !

M. le président. Je vous en prie, chers collègues, asseyez-vous ! Vous voyez bien que vous bloquez les débats, et que nous n’avançons plus

Monsieur Jacob, poursuivez.

M. Christian Jacob. Ma deuxième remarque porte sur l’intervention du rapporteur. Il est clair que ce ne sont pas des heures raisonnables : il a été proprement incapable d’expliquer le point de vue de la commission ! Tout le monde l’a vu, et lui le premier. Nous sommes tous fatigués, monsieur le rapporteur, cela vous arrive comme à nous, vous n’êtes ni plus ni moins résistant qu’un autre. Votre incapacité à vous exprimer et à donner l’avis de la commission montre bien qu’il serait opportun de lever la séance, et à défaut, au moins, nous accorder une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. À cette heure, certains ont la fatigue plutôt joyeuse, tandis que d’autres semblent avoir du mal à tenir les échanges et les débats.

La façon dont Christian Jacob vient d’attaquer une ministre…

M. Gérald Darmanin. Qui n’est pas là !

M. Hervé Mariton. Une ministre désavouée !

M. Bruno Le Roux. …alors que le Gouvernement est représenté et qu’il n’a jamais manqué de répondre sur chaque point, pour peu évidemment que l’opposition ait réussi à formuler quelques observations ! Le Gouvernement depuis le début des débats a toujours répondu, que ce soit par la voix de la garde des sceaux ou par celle des ministres présents au banc.

M. Philippe Gosselin. Quand on est ministre de la République, on assume ses fonctions !

M. Bruno Le Roux. Ces attaques sont absolument indignes, monsieur le président Jacob. Nous ne pouvons que nous féliciter de la présence des ministres, des réponses qui sont apportées à nos questions comme aux vôtres, et pour peu que vous ayez réussi à les formuler de façon intelligible depuis le début du débat, vos questions ont à chaque fois reçu une réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. Comme le rapporteur ? Était-il intelligible ?

M. Bruno Le Roux. Essayons d’avancer ! Je remarque que chaque fois que vous avez posé une question, vous avez eu une réponse. Mais sur les amendements dont nous venons de discuter, par exemple, quatre-vingt de vos députés n’étaient pas là pour défendre le leur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Le rapporteur n’est même plus capable de s’exprimer !

M. Bruno Le Roux. Je le vois sur les réseaux sociaux et partout : ceux qui défendent le mariage pour tous sont très fiers de notre attitude dans l’hémicycle. On ne peut pas dire la même chose de ceux qui vous ont fait confiance et qui aujourd’hui se demandent : où sont les députés de l’opposition ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Christian Jacob. Ils sont là !

Article 1er quater (suite)

M. le président. Sur l’amendement n° 603 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour répondre au Gouvernement et à la commission.

M. Hervé Mariton. À la suite des propos du président Jacob, nous aurons connu ces dernières heures des ministres inutiles ; je pense au passage décoratif de Mme Touraine… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Qui n’a rien dit samedi !

M. Bruno Le Roux. C’est parce que c’est une femme que vous dites cela ?

M. Hervé Mariton.… et des ministres « exfiltrés », comme Mme Bertinotti tout à l’heure. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Thévenoud. Parce que vous vous croyez décoratif, vous ?

M. Jérôme Guedj. Un peu de respect !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues ! Si je m’autorisais à sortir de mon rôle de président, j’aurais tendance à vous inviter à ne pas tomber dans la provocation. Laissez M. Mariton continuer !

M. Philippe Gosselin. En effet, vous sortez quelque peu de votre rôle !

M. Hervé Mariton. Si par malheur le Gouvernement devait, contre toute probabilité, voir aboutir son texte sur la famille et la PMA, et s’il s’agissait à nouveau de défaire la famille à votre initiative et de traiter de la PMA et de la GPA…

M. Bernard Roman. Et du clonage, tant qu’on y est !

M. Hervé Mariton. …j’espère que les débats ne se dérouleront pas dans de telles conditions.

S’agissant de l’adoption simple, qui est très éloignée de l’adoption plénière, à tel point que le mot adoption est assez inadapté, est-il raisonnable d’aller jusqu’au renversement de la charge de la preuve que propose le rapporteur ? Je ne le crois pas.

Je ne comprends pas bien, monsieur le rapporteur, comment votre idée peut fonctionner, aussi bien intellectuellement qu’opérationnellement. Si les titulaires de l’autorité parentale ne souhaitent pas l’exercer conjointement, ils pourront alors saisir le juge aux affaires familiales. S’agissant de l’adoption simple, qui est un niveau assez modeste de lien, je conçois qu’il y a une certaine cohérence, dès lors que les deux personnes sont d’accord, à « remonter » l’adoption simple pour assurer le partage de l’autorité parentale. Mais je ne vois pas dans quelles circonstances les deux parents pourraient décider conjointement de l’abandonner.

M. le président. Monsieur Mariton, veuillez conclure.

M. Hervé Mariton. Il y a là un schéma que je ne comprends pas. Par quel extraordinaire mécanisme l’adoptant et son conjoint décideraient de saisir le juge pour abandonner la faculté que vous leur ouvrez ?

M. Yves Censi. C’est un peu extravagant !

M. Hervé Mariton. L’inverse, qui consiste à partager l’autorité parentale, je peux le comprendre ; mais c’est sans doute pourquoi vous avez eu tant de difficultés à l’expliquer…

M. le président. Merci monsieur Mariton.

La parole est à Mme Florence Delaunay.

Mme Florence Delaunay. Pour ma part, je voudrais remercier la ministre et la garde des sceaux de leur présence et de leur disponibilité sur les bancs du Gouvernement pour cette loi majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Je transmettrai à Mme la ministre de la famille !

Mme Florence Delaunay. Cette loi majeure porte sur l’égalité des droits et la République laïque.

Vous avez tout à l’heure parlé des nouveaux députés en des termes peu flatteurs. Je veux vous affirmer que les nouveaux députés se font aussi une haute idée de leur fonction…

M. Hervé Mariton. Nous sommes tous des élus de la République française !

Mme Florence Delaunay. …qu’ils sont prêts à exercer de la meilleure façon. Leur présence ici à cette heure le démontre.

M. Philippe Gosselin. Les nôtres aussi sont là !

Mme Florence Delaunay. L’article 1er quater prévoit, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, que l’autorité parentale est exercée de plein droit en commun. Il s’agit donc là de faciliter l’exercice en commun de l’autorité parentale en cas d’adoption simple par le conjoint et pour tous les couples. Si ce projet de loi vient sécuriser juridiquement les familles homoparentales, le présent article, en modifiant l’article 365 du code civil, traduit une véritable reconnaissance du rôle d’éducateur exercé par le conjoint adoptant.

M. Yves Censi. Éducateur et parent, cela n’a rien à voir !

Mme Florence Delaunay. Je n’ai pas entendu d’argument nouveau concernant ces amendements, sauf votre opposition à la loi elle-même. Pour nous, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe représente une avancée formidable pour une société soucieuse d’accorder les mêmes droits à tous les couples.

Levez la tête ! Ouvrez les yeux ! Les pays européens voisins ayant déjà ouvert le mariage à tous les couples n’ont pas sombré dans l’anarchie. Nous voterons donc contre ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 76, 397, 603, 706, 972, 1228, 1420, 1588, 1634, 1744, 3004, 3060, 3321, 3764 et 5303.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 161

Nombre de suffrages exprimés 161

Majorité absolue 81

Pour l’adoption 34

contre 127

(Les amendements identiques nos 76, 397, 603, 706, 972, 1228, 1420, 1588, 1634, 1744, 3004, 3060, 3321, 3764 et 5303 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le lundi 4 février 2013 à quatre heures quinze, est reprise à quatre heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2190.

M. Nicolas Dhuicq. Cela va nous réveiller !

M. Sergio Coronado. J’interviens à regret devant un hémicycle en partie clairsemé. J’espère que nos collègues de l’opposition vont arriver en masse !

M. Hervé Mariton. Pour le moment, nous sommes majoritaires !

M. Sergio Coronado. Comme ils le rappellent bien souvent, ils étaient des millions dans la rue, mais ils ne sont plus qu’une dizaine dans l’hémicycle.

M. Gérald Darmanin. Où est M. Mamère ? Et Mme Pompili ?

M. Guillaume Larrivé. Ils sont où, les écologistes ?

M. Sergio Coronado. Ils arrivent : ne vous inquiétez pas !

Cet amendement a pour objet de faciliter l’adoption simple de l’enfant du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin. Selon l’article 365 du code civil, seuls les couples mariés peuvent bénéficier, en cas d’adoption simple de l’enfant du conjoint, d’un partage automatique de l’autorité parentale, propre à rétablir le parent biologique dans ses droits d’autorité parentale. En effet, la Cour de cassation fait une application très stricte de l’article 365 du code civil et refuse d’étendre le partage de l’autorité parentale aux concubins ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Cette impossibilité de partage de l’autorité parentale, couplée avec une réticence à prononcer une adoption simple au profit d’un tiers, a pour effet de priver de manière automatique certaines familles de la reconnaissance des liens qui unissent parfois ses membres depuis longtemps. C’est pourquoi il convient d’assouplir les conditions d’application de cet article du code civil, et de réserver la possibilité aux juges de prononcer, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commande, une adoption simple au profit du concubin ou du partenaire lié par un PACS, sans abandon automatique des droits d’autorité parentale du parent biologique.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Coronado, vous avez retiré tout à l’heure votre amendement ouvrant l’adoption simple aux couples pacsés ou aux concubins. L’amendement que vous venez de soutenir n’en est qu’une conséquence en matière d’exercice de l’autorité parentale : il serait donc logique que vous le retiriez également. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. À force de se retirer, c’est une retraite !

M. Erwann Binet, rapporteur. Dans le cas contraire, la commission donnerait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député Sergio Coronado, vous conviendrez très volontiers que ce sujet relève parfaitement du prochain projet de loi sur la famille. Par ailleurs, votre amendement souffre d’une omission technique.

Dans la mesure où vous avez inclus ces dispositions dans l’article 1er quater du projet de loi, vous modifiez l’article 365 du code civil, alors que c’est l’article 343 qu’il faudrait modifier pour rendre effective cette extension de la possibilité d’adoption aux couples liés par un pacte civil de solidarité. Si votre amendement était adopté en l’état, les dispositions qu’il comporte ne seraient donc en tout état de cause pas effectives dans le code civil.

Voilà pourquoi le Gouvernement vous propose de retirer votre amendement, en sachant que nous aurons l’opportunité de travailler sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. J’entends bien vos arguments, notamment la réponse du rapporteur. En effet, c’était l’amendement que ma collègue Barbara Pompili a défendu et retiré tout à l’heure qui fondait cet amendement et le suivant.

Il n’en reste pas moins que j’avais souligné, lors de la discussion générale, que le PACS mis en place par la gauche souffrait de deux renoncements très importants : l’accès au mariage pour les couples de personnes de même sexe et le droit à la filiation. Aujourd’hui, alors même que nous allons voter l’ouverture du mariage et donc faciliter l’adoption par les couples de personnes de même sexe, il serait tout à fait paradoxal que la gauche défende le maintien d’une vision assez conservatrice de la famille, selon laquelle on devrait nécessairement se marier pour faire bénéficier ses enfants des garanties aujourd’hui accordées dans le cadre du mariage.

Nous souhaitons effectivement pouvoir réfléchir à ces questions, dans cet esprit, au moment du débat sur la famille. Je retire donc mon amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson, M. Philippe Gosselin et M. Patrick Hetzel. Très intéressant !

(L’amendement n° 2190 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2194.

M. Sergio Coronado. C’était un amendement de repli ; je le retire également.

(L’amendement n° 2194 est retiré.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er quater.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 128

Nombre de suffrages exprimés 128

Majorité absolue 65

Pour l’adoption 91

contre 37

(L’article n°1er quater est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Gérald Darmanin et M. Jean-Frédéric Poisson. Ça baisse !

M. Philippe Gosselin. On les aura ! (Sourires.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Ce sera bref. Mon précédent rappel au règlement était tout à fait fondé…

M. Gérald Darmanin. Tout à fait.

M. Christian Jacob. …et vous l’aurez noté, monsieur le président : depuis que vous avez invité chacun à ne voter que sur son boîtier, les votes de la majorité ont singulièrement baissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Il a eu raison de le rappeler !

Après l’article 1er quater

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques portant articles additionnels après l’article 1er quater.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1908.

M. Hervé Mariton. La modification législative de la filiation adoptive est lourde de conséquences. Il n’est pas bienvenu que de telles évolutions sociétales ne soient pas précédées de débats dans notre pays. Les sujets que nous traitons ici intéressent tous nos concitoyens. Pour autant que l’on prenne la peine d’expliquer un certain nombre de dimensions techniques bien réelles, tous peuvent participer à ce débat ; encore faut-il qu’il soit organisé. Il est de la responsabilité du Gouvernement de le faire. Encore faut-il ensuite qu’il en soit tenu compte.

S’agissant, par exemple, de la saisine du Comité consultatif national d’éthique pour la PMA, nous n’avons pas encore tout à fait bien compris si le Gouvernement entendait tenir compte de ses avis ou s’il a prévu, de toute manière, d’y aller quoi que dise le Conseil.

Monsieur le président, il sera bien, dès lors que cela appelle des conséquences législatives, que la conclusion de ces débats et la décision législative que nous prenons se fassent dans des conditions décentes.

Qu’au bout d’une discussion budgétaire, en fin de première partie, on finisse nuitamment du vendredi au samedi ou du jeudi au vendredi, ce sont des classiques et cela correspond à la fin d’un processus. Mais qu’au moment où nous sommes à peine à la moitié de l’examen des articles, notre Assemblée soit conduite à délibérer dans les conditions dans lesquelles nous délibérons, ce n’est pas digne.

M. Razzy Hammadi. Dans de très bonnes conditions !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas digne de la responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos concitoyens. Et si vous croyez réaliser une performance, je suis sûr que nos concitoyens seront indignés de voir que l’on traite des sujets sérieux dans les conditions que vous imposez et qui sont une insulte à la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2340.

M. Jérôme Guedj. Héraclès !

M. Thomas Thévenoud. Prométhée !

M. Nicolas Dhuicq. Pardon ? Quelle prétention !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas drôle !

M. Nicolas Dhuicq. Nous nous penchons sur un sujet qui n’est pas sans lien avec les demandes de M. Coronado. La logique à l’œuvre est celle d’une explosion totale des repères usuels, qui conduit à une évolution extrêmement large du concept de famille.

M. Razzy Hammadi. Il assume totalement.

M. Nicolas Dhuicq. Autant certains sont parfaitement cohérents, autant on sent une relative incohérence chez d’autres qui s’entêtent à refuser certaines questions, certains débats, à prétendre qu’une loi ne comporte pas de conséquences sur l’évolution des familles alors que l’on voit apparaître des articles qui, précisément, ont sur elle des effets certains.

Ce type de contradiction et les questions fondamentales qui sont posées sur ce que nous entendons par famille – et le sens que nous donnons aux mots – nécessitent pour le moins qu’un débat national soit organisé sur ces sujets. Nul, quelles que soient ses convictions, n’a le monopole du savoir et de la connaissance dans ce domaine.

Notre amendement est particulièrement raisonnable et sage eu égard à ce que nous entendons par « avenir de l’humanité ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2959.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons adopté une excellente disposition avec les lois de bioéthique : faire précéder chaque révision de la loi par un débat à caractère national et général. Je me souviens que cette proposition, issue de la mission Leonetti, a été assez largement suivie sur tous ces bancs.

Au cours des années – nos collègues écologistes ne me démentiront pas –, nous avons renforcé peu à peu notre habitude de saisir les commissions nationales des débats publics pour faire en sorte que, sur les grands sujets infrastructurels, par exemple, nous sollicitions largement les populations concernées. Nous autres Franciliens, nous y sommes habitués avec les consultations sur les projets autoroutiers.

Petit à petit, dans la société française, on prend l’habitude de solliciter la population sur des sujets d’importance. Personne ne peut douter que la filiation en est, même s’il n’est pas nécessairement lié à tous les sujets de bioéthique …

M. Marcel Rogemont. Ni aux infrastructures autoroutières !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ni aux infrastructures autoroutières, nous en sommes d’accord, monsieur Rogemont.

En tout état de cause, l’importance du sujet de la filiation adoptive pourrait justifier que nous organisions une large consultation du peuple français. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3051.

M. Patrick Hetzel. Un de nos points de divergence avec le Gouvernement tient au fait que nous considérons qu’un débat national aurait dû précéder toute mesure législative. Nous nous plaçons dans une optique très constructive, car nous voulons éviter que ne se reproduise ce que nous sommes en train de vivre en ce moment avec la méthode choisie par le Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi que toute modification de la législation concernant les questions familiales donne lieu auparavant à un large débat national. Cet amendement relève du simple bon sens et s’inscrit dans le prolongement des échanges que nous avons eus sur ces questions au cours des derniers jours.

Je ne doute pas que la majorité saura se rallier à une telle proposition.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sûrement !

M. Patrick Hetzel. Ne pas s’y rallier signifierait que vous avez peur de l’avis du peuple.

M. Christian Jacob. Parfaitement !

M. Patrick Hetzel. Je n’ose imaginer que la majorité ait peur d’avoir un échange direct avec le peuple français qui, sur des questions d’une telle importance, mérite d’être largement consulté.

Ces débats doivent avoir lieu de manière sereine, nous le disons régulièrement. Voilà une occasion de le faire ; cela le mérite en tout cas pour des textes qui touchent à la famille.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3542.

M. Xavier Breton. L’une des raisons majeures du mécontentement des centaines de milliers de Français qui ont manifesté le 13 janvier dernier et qui viennent encore de le faire…

M. Jérôme Guedj. Et que vous représentez en masse !

M. Xavier Breton. …c’est l’absence de débat.

Le débat dans la société, il existe. Il suffit de voir le nombre d’articles de journaux et d’émissions de télévision. Sur le terrain, nous avons organisé des réunions, et rempli des salles entières. Mais il n’y a pas de grand débat public, officiel, qui aurait permis de débattre entre nous de ces grands sujets que sont le mariage et l’adoption.

On peut déplorer que la méthode choisie au moment de l’examen des lois de bioéthique n’ait pas été reproduite. Rappelons-nous : la mission d’information d’Alain Claeys et de Jean Leonetti avait duré dix-sept mois et permis, à la suite de plus de cent dix auditions, de faire le point sur les lois de bioéthique et leur exécution. Ensuite, il y a eu les états généraux de la bioéthique organisés officiellement par le Gouvernement, avec un site internet très fréquenté, avec des réunions publiques dans les régions et des débats.

Cela a abouti à une loi. Son examen a permis des échanges qui n’ont pas connu les clivages que nous constatons aujourd’hui.

Nous proposons que ce débat ait lieu sur les questions de filiation adoptive. Alors que vous cherchez à cliver, à diviser les Français, il est important que sur des sujets comme la famille, qui sont au cœur de notre pacte social, nous cherchions à rester unis. C’est la raison pour laquelle nous proposons l’organisation de débats qui vont permettre aux citoyens de s’exprimer. N’ayez pas peur du peuple et protégez la famille !

M. Philippe Gosselin. N’ayez pas peur du débat !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3790.

M. Philippe Gosselin. Les états généraux de la bioéthique ont effectivement montré toute leur utilité. Ils ont été remarquablement menés avec des coprésidences des personnalités de votre camp comme du nôtre, sous la présidence de Jean Leonetti. Des réunions se sont tenues partout sur le territoire national. Cela parce que la volonté de travailler en commun a été affichée dès le départ. Il n’était pas question de cliver ou d’opposer les Françaises et les Français comme on est en train de le faire aujourd’hui. S’ils ont été si nombreux le 13 janvier, si nombreux encore samedi dernier dans chaque département, c’est parce qu’ils ont l’impression que l’on est en train de brader la famille. Les propos de notre collègue Coronado ont contribué à faire tomber les masques à quatre heures et demie du matin.

M. Hervé Mariton. Oui.

M. Philippe Gosselin. Cela ne fait que prouver sa volonté d’une déconstruction la famille traditionnelle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas à quatre heures et demie que l’on achève la famille !

M. Philippe Gosselin. Mais c’est ce qu’on retiendra en dépit de l’heure tardive : si l’on considère l’ensemble des thèmes qui circulent comme les études sur le gender, l’euthanasie, le droit de la famille que l’on va revoir, la recherche sur l’embryon, on est face à une vaste offensive ultra-libérale que je n’hésite pas à qualifier de libertaire et on en paiera le prix.

M. Razzy Hammadi. Anarchiste !

M. Philippe Gosselin. Anarchiste, non, mais libertaire et centrée sur l’individualisme. Et je m’étonne de voir l’individualisme gagner les bancs de cette assemblée, notamment à gauche où l’on a toujours défendu l’intérêt général et un certain nombre de normes collectives. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est une victoire de l’individualisme, du désir égoïste (Mêmes mouvements) : cela mérite un vaste débat national. Mais ce sera pour une prochaine fois : en attendant l’heure, nous déplorons en être restés à cet épisode purement parlementaire, même s’il a son intérêt.

M. Hervé Mariton. C’est toujours à cinq heures du matin qu’on fait les mauvais coups !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4480.

M. Marc Le Fur. Madame la ministre, vous qui avez le courage d’être présente, à la différence de votre collègue la ministre de la famille… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Eh oui, nous sommes en plein cœur des sujets concernant la famille – la filiation – et la ministre chargée de la famille n’est pas là ! C’est tout de même extraordinaire.

Mme Martine Martinel. Et macho, en plus !

M. Marc Le Fur. Les ministres étaient présents cet après-midi. Et, contrairement à ce que pense notre président, j’estime qu’ils sont venus pour quelque chose : la photo de Paris Match.

M. Hervé Mariton. Si c’est cela, ce n’est pas brillant !

M. Philippe Gosselin. Ce sera un collector !

M. Marc Le Fur. C’était la raison majeure de leur présence puisque nous ne les avons pas entendus.

Monsieur le rapporteur, la fatigue vous atteint ; je la comprends parfaitement, car moi aussi je la ressens. Le problème, c’est que nos débats, et particulièrement les interventions de la commission, concourent à l’interprétation par le juge des lois que nous votons. Il est de notre devoir d’avoir un propos articulé.

La vraie conséquence de tout cela, mes chers collègues, c’est le divorce entre nos élites et le peuple. Nous refusons la parole au peuple et nos élites ne se montrent pas dignes du débat qu’elles prétendent assumer. Voilà la vraie difficulté. Le peuple est en train de s’en rendre compte car, désormais, on ne peut plus rien lui cacher : Internet existe, nos débats sont retransmis. De fait, l’image que nous donnons n’est pas satisfaisante.

Voilà pourquoi il nous faut revenir à des états généraux, à de vrais débats comme ceux que nous avons su organiser, il y a de cela quelques années, sur un sujet autrement plus complexe : la bioéthique. Nous avons contribué à éduquer nos compatriotes, à les faire réfléchir ; nous avons élaboré également des lois, à l’exemple de la loi Leonetti sur la fin de vie qui a fait l’admiration de l’Europe et de bien des pays du monde.

Arrêtons cette dérive, mes chers collègues, revenons au peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre le sous-amendement n° 5393.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, quelles que soient les différences qui nous séparent sur le fond, nous devrions, de manière apaisée, raisonnable, rationnelle, nous mettre au moins d’accord sur des procédures. En réalité, si vous vous donniez la peine de lire ces amendements ainsi sous-amendés, vous les voteriez. Considérer qu’une future loi sur la famille doit être précédée d’un débat national et de l’avis du Comité consultatif national d’éthique n’a rien que de très normal.

Nous avons bien compris que vous alliez rejeter ces amendements. Sans doute est-ce parce que vous avez une arrière-pensée. Le président Le Roux l’a exprimée dimanche après-midi à la télévision lorsqu’il a dit que l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de personnes de même sexe serait votée sans l’avis du CCNE. En réalité, vous voulez passer en force. Vous voulez vous dispenser de l’avis du peuple mais aussi de celui des instances les plus éclairées. Nous le regrettons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques et sur le sous-amendement ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Pour ma part, je suis fier du débat que nous avons eu ces derniers mois dans notre pays. Et je suis consterné, même s’il est cinq heures du matin, d’entendre parmi vous des parlementaires qui demandent encore un débat. Le débat, il crève les yeux dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Il n’a pas eu lieu à l’échelon national !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis d’abord fier d’avoir mené ces auditions : elles ont été longues et utiles. Je suis fier du rapport qui les retrace.

M. Hervé Mariton. Ô combien partial !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis heureux de toutes les réunions publiques que nous avons animées les uns et les autres dans nos circonscriptions.

M. Hervé Mariton. Heureusement !

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, permettez-moi de terminer !

Ils sont rares, les débats que nous pouvons avoir dans cet hémicycle qui ont une telle répercussion dans la société.

M. Hervé Mariton. Pour aboutir à quoi ? À un débat à cinq heures du matin ? Est-ce digne ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ils sont rares, les débats pour lesquels nous nous sentons obligés de faire des réunions publiques, des ateliers législatifs dans nos villes, dans nos circonscriptions.

M. Hervé Mariton. Nous ne nous sommes pas sentis obligés : nous l’avons fait avec ardeur !

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous l’avons tous fait !

Comment pouvez-vous demander aujourd’hui des débats alors que cela fait près de six mois que les débats occupent notre société, que des tribunes paraissent presque quotidiennement dans la presse, que nos concitoyens se sont appropriés ces questions chez eux, en famille, dans la rue ?

M. Christian Jacob. Et la ministre de la famille, elle ne se les est pas appropriés ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Moi, je suis très fier que collectivement, majorité et opposition, nous ayons mené ces débats. Au moins pouvons-nous nous accorder sur ce point. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, permettez que je réagisse aux propos du président Jacob, que M. Le Fur a repris tout à l’heure.

Monsieur Jacob, vous avez à plusieurs reprises utilisé des mots vindicatifs, comminatoires. Reconnaissez-vous qu’à l’égard de Mme la ministre de la famille, vous avez tenu des propos pour le moins inélégants ?

M. Jérôme Guedj. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez été ministre, vous savez la charge de travail que représente cette fonction.

M. Christian Jacob. En effet !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez que notre présence au Parlement n’allège pas les dossiers que nous avons à traiter par ailleurs. Que d’autres ministres du Gouvernement aient voulu manifester leur respect à l’égard du Parlement en venant passer quelques heures dans l’hémicycle, …

M. Christian Jacob. En fuyant les questions !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …c’est un geste auquel vous auriez pu vous montrer sensible. Au lieu de cela, vous avez eu à leur égard des propos insultants, en les traitant de godillots.

M. Christian Jacob. J’assume !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’en doute pas : je vous ai déjà entendu assumer plus grave que cela ! C’est parfaitement votre droit. Toujours est-il que je tenais à souligner cette inélégance.

M. Olivier Faure. Et Fillon, Copé, Le Maire, NKM, Guaino, vos patrons, où sont-ils ?

Mme Claudine Schmid. Nous n’avons pas de chefs, nous ; nous sommes libres !

M. Philippe Gosselin. Et M. Le Roux, où est-il ?

M. le président. Je vous en prie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements visent à ce que le Comité consultatif national d’éthique soit saisi sur les questions relatives à la filiation. Cela n’est pas conforme aux termes de l’article 1er de la loi bioéthique de 2004 qui établit que le CCNE doit être consulté pour des questions relatives à la biologie, à la médecine et à la santé. Par conséquent, ces amendements sont contraires à la loi et le Gouvernement y est défavorable.

Pour finir, je rappellerai que certaines institutions sont consultées pour les questions de filiation, parfois de manière obligatoire : le Haut conseil de la famille, le Conseil supérieur de l’adoption – que le Gouvernement a bien évidemment consulté –, le Comité national de l’accès aux origines personnelles.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. le président. Sur l’amendement n° 1908 et les amendements identiques suivants, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Plusieurs députés du groupe UMP. Houlà !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est çà vous, monsieur Jacob, que je vais m’adresser, de parlementaire à parlementaire. En tant que présidente de commission, j’aimerais vous dire ce à quoi j’ai assisté : aucun des membres de votre groupe n’a participé aux auditions organisées par les rapporteurs des commissions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi, M. Hervé Mariton et M. Xavier Breton. Faux !

M. Marcel Rogemont. Ça, ce n’est pas bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je parle de la commission des affaires sociales, saisie pour avis !

Deuxièmement, M. Guaino a pourri une de nos réunions en refusant tout débat ce jour-là.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas bien !

M. Philippe Gosselin. Vous venez de dire qu’il n’y avait eu personne : il faudrait savoir !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Troisièmement, vous avez confié le soin à M. Guaino de défendre la motion de rejet : depuis, il n’est pas intervenu une seule fois dans nos débats. Il n’est pas là non plus cette nuit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Marcel Rogemont. Ça, ce n’est pas bien non plus !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Au titre de l’article 58, monsieur le président, toujours à propos de l’organisation de nos débats. Je veux à nouveau m’étonner de l’absence de Mme la ministre de la famille. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

J’insiste, madame la garde des sceaux : nous sommes sur un texte qui la concerne directement. La ministre de la famille préfère être dans son lit plutôt que dans l’hémicycle alors que nous débattons d’un texte qui la concerne au premier chef. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il est cinq heures du matin. Depuis hier matin, neuf heures et demie, nous travaillons en séance. Mme la ministre de la famille préfère dormir plutôt d’assumer ses responsabilités et faire son travail, ce pour quoi la République la paie !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et Guaino, où est-il ?

M. Christian Jacob. Elle est là pour être au service de nos concitoyens. C’est à elle de porter ce texte, qui n’est pas une proposition mais un projet de loi. Quand on a l’honneur d’être ministre, on assume ses responsabilités, on ne les fuit pas en préférant aller dormir. Aujourd’hui, nous sommes en droit d’exiger sa présence pour continuer à débattre.

À ce titre, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance afin que mon groupe puisse se réunir et se concerter sur l’attitude à adopter face à une ministre qui préfère être au fond de son lit plutôt que de faire son travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Martine Martinel. C’est indécent !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur Jacob, à l’évidence, pour réunir votre groupe, le salon Pujol risque d’être un peu trop grand. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Soyons sérieux : vous n’avez plus rien à ajouter et vous faites une fixation sur un ministre ! Le Gouvernement est représenté, nous pouvons continuer les débats.

Cela dit, peut-être pourriez-vous aller réveiller M. Fillon, M. Copé, M. Guaino, Mme Kosciusko-Morizet, M. Bertrand, tous ceux qui sont aux abonnés absents depuis le début de ce débat et en qui les Français ont mis une partie de leur confiance, notamment ceux qui ont manifesté il y a quelques jours !

M. Philippe Gosselin. Ils ne sont pas ministres, eux !

M. Bruno Le Roux. Je ne vois pas à quoi peuvent vous mener aujourd’hui ces manœuvres d’obstruction qui visent à essayer de montrer du doigt un Gouvernement qui répond à chacune des pauvres questions que vous lui posez !

M. Christian Jacob. Non !

M. Yves Censi. C’est la confusion des genres jusqu’au bout !

M. Bruno Le Roux. Un Gouvernement, qui depuis le début de ces débats, démontre la force de ses convictions, sa capacité à mettre en perspective ce projet, à mobiliser la société. Un Gouvernement qui fait honneur à ce que nous sommes aujourd’hui. Au nom de toute la majorité, je le remercie. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatre heures cinquante-huit, est reprise à cinq heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 1er quater (suite)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Monsieur le président, permettez-moi de dire comme je suis étonnée par l’ambiance qui règne et surtout par les propos de certains quand ils nous disent que nos chefs ne sont pas là. Moi, je n’ai pas de chefs ; ou alors mes chefs, ce sont mes électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacob est un président de groupe, pas un chef. Il ne nous a pas donné d’ordres. Nous sommes totalement libres d’être présents ou non et aucun de nous n’est là parce qu’il y aurait été obligé.

M. Philippe Gosselin. L’article 27 de la Constitution interdit le mandat impératif pour les membres du Parlement !

M. le président. S’il vous plaît ! Que chacun se calme ! Seule Mme Schmidt a la parole

Mme Claudine Schmid. Je ne comprends pas pourquoi l’on accuse certains députés de ne pas être là alors que d’autres ne le sont pas non plus.

Plusieurs députés UMP. Et Mme Guigou ? Et Mme Royal ?

Mme Claudine Schmid. Revenons-en à l’amendement : un débat est une discussion entre des personnes dont les opinions diffèrent. Nous nous enrichirions à avoir beaucoup plus de débats en France, car ici ce ne sont pas des débats que nous avons. On apprend beaucoup à écouter les autres raconter leur situation personnelle, comme cela est arrivé ces derniers jours. Notre opinion se forge de cette façon. Ce n’est pas parce que nous sommes élus que nous avons la science infuse. Il serait bon d’avoir beaucoup plus de débats, surtout sur des sujets de société, comme celui de l’adoption.

Voilà pourquoi nous soutiendrons cet amendement.

M. Bruno Le Roux. Cela ne veut plus rien dire !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je voulais m’associer à M. Bruno Le Roux pour rendre hommage au Gouvernement. Les accusations portées sont absolument déplacées, surtout à cette heure de la nuit.

S’agissant des absents, c’est vrai que vous n’avez pas de chef et personne n’en a d’ailleurs, mais ces personnes qui ne sont pas là aujourd’hui sont les mêmes que celles qui s’expriment dans les médias ou déposent 5 000 amendements.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes là !

Mme Barbara Pompili. Ces personnes ne prennent pas le temps de venir dans l’hémicycle faire leur travail mais nous, nous sommes là,…

M. Philippe Gosselin. Nous aussi !

Mme Barbara Pompili. …tout comme le Gouvernement qui répond à toutes vos questions.

M. Philippe Gosselin. En partie.

Mme Barbara Pompili. Puisque vous parlez de débat, autant vous dire que nous aurions aimé en avoir un vrai. Entendre répéter toujours la même chose est vraiment lassant !

M. Philippe Gosselin. Souffrez la démocratie ! Souffrez de nous écouter !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, il est faux de prétendre qu’aucun député UMP n’a assisté aux auditions : j’y étais !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je parlais des auditions de la commission des affaires sociales !

M. Xavier Breton. J’ajoute même que deux auditions se sont déroulées en même temps : celle du rapporteur de la commission des lois et celle du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Constatez par vous-même combien l’organisation était mauvaise : nous ne pouvions être présents aux deux auditions en même temps !

Les manœuvres d’intimidation, ça suffit à présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh !

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement tend à réclamer, non pas des débats, mais un débat national sur le régime de la filiation adoptive, pour réformer le code civil.

S’il faut en arriver là chaque fois qu’il s’agit de réformer le code civil, nous risquons de perdre la substantifique moelle de ce qui fait le travail parlementaire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Hé oui !

M. Yves Fromion. Allons donc ! N’importe quoi !

M. Daniel Goldberg. Quant aux débats, chers collègues, ils ont eu lieu depuis six mois : ils ont eu lieu dans les médias, ils ont eu lieu au travers des manifestations auxquelles vous avez participé…

M. Yves Censi. Les manifestations ont justement eu lieu parce qu’il n’y avait pas de débat !

M. Daniel Goldberg. …et auxquelles nous avons participé. Ils ont eu lieu dans nombre de circonscriptions !

À ce propos d’ailleurs, dans les débats que vous avez organisés dans vos circonscriptions, y avait-il, comme cela fut le cas dans la dixième circonscription de la Seine Saint Denis que j’ai l’honneur de représenter ici, un intervenant favorable au texte et un autre défavorable ? Je ne crois pas que cela ait été le cas pour la majorité des débats que vous avez organisés !

M. Hervé Mariton. Eh bien, vous vous trompez !

M. Daniel Goldberg. Ils étaient plutôt à sens unique !

Vous demandez par ailleurs, avec cet amendement, que les débats puissent garantir par avance l’intérêt supérieur de l’enfant. Comment voulez-vous que les débats soient le plus ouverts possible si vous insérez une telle disposition dans la loi ?

M. Yves Censi. Ce serait un minimum tout de même, non ?

M. Daniel Goldberg. C’est parce que nous sommes 577 députés ici à représenter les citoyens de notre pays que nous sommes sans doute les plus en mesure de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.

Vous avez organisé un débat national, il y a quelques années, dans ce pays, sur l’identité nationale !

M. Bernard Roman. Quel fiasco !

M. Daniel Goldberg. Vous nous reprochez de diviser les Français, mais qu’avez-vous fait, députés alors de cette majorité, opposant les Français ? Un fiasco terrible !

Vous n’avez fait qu’abîmer la nation, vous qui vous targuez de représenter l’idéal gaulliste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez abîmé l’idée de ce pays.

Pour ce qui est du débat que nous organisons dans cet hémicycle, il représente quatre mois de débats, trois commissions saisies, des centaines d’auditions, deux lectures dans cet hémicycle,…

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas trois ?

M. Daniel Goldberg. …sans parler du non-recours au temps couperet, procédure qui vous a permis de massacrer un certain nombre de débats au cours de la législature précédente !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5393.

(Le sous-amendement n° 5393 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1908, 5393, 2340, 2959, 3051, 3542, 3790 et 4480.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 166

Nombre de suffrages exprimés 166

Majorité absolue 84

Pour l’adoption 35

contre 131

(Les amendements identiques nos 1908, 2340, 2959, 3051, 3542, 3790, 4480 ne sont pas adoptés.)

M. Hervé Mariton. Je demande la parole ! J’insiste !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 2214, 3283, 5327 rectifié et 5255 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune, les trois premiers étant identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2214.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, il faut savoir, à un moment, si cela sert à quelque chose de présenter des amendements et de poser des questions ! J’ai posé des questions très précises, à l’amendement précédent, sur le caractère inopérant du dispositif proposé parce que je n’imaginais pas que les deux conjoints puissent saisir le juge dans les conditions décrites. Autant le processus ascendant me paraissait possible, autant, dans le sens décrit par le rapporteur, je ne comprenais pas à quelles circonstances cela fait allusion. Je n’ai reçu de personne, ni du rapporteur, ni du Gouvernement.

Je ne sais pas à quoi servent nos débats si, quand on pose des questions sur un article, ni la commission, ni le Gouvernement ne prennent la peine de répondre.

Au reste, monsieur le président, il serait important que notre assemblée soit informée de la composition du Gouvernement.

Chacun sait que le Premier ministre a démenti de manière extrêmement sévère aujourd’hui la ministre de la famille…

Plusieurs députés SRC. Non !

M. Hervé Mariton. Mme Bertinotti étant absente, nous nous demandons si elle est encore membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Goujat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ridicule !

M. Thomas Thévenoud. Lamentable !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3283.

M. Philippe Gosselin. Peut-être ne le sait-elle même pas encore ! Ne la réveillez pas tout de suite, le choc risquerait d’être brutal ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés SRC. Elle est peut-être souffrante.

M. le président. Le chronomètre tourne, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Si elle a des problèmes, vous lui transmettrez alors notre bon souvenir.

Revenons-en au sujet. Cet amendement vise à insérer un nouvel article après l’article 371-4 du code civil pour poser un statut des tiers.

Depuis de nombreuses années, la question se pose de la place du tiers au sein des familles, je veux parler de cette personne qui a noué des liens affectifs étroits avec des enfants dont elle a partagé le quotidien. Il nous semble important qu’enfin l’on puisse accorder une place à ces tiers. Cet amendement est tout sauf anodin puisqu’il permettrait enfin de reconnaître ce lien et le maintien de relations personnelles entre l’enfant et le tiers, parent ou non du reste.

Bien évidemment, l’intérêt de l’enfant pourrait toujours faire obstacle à ce droit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5327 rectifié.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’UDI, dans l’intérêt des droits de l’enfant, a souhaité renforcer le statut de beau-parent, en particulier par une délégation d’autorité parentale améliorée. Ce serait une manière de reconnaître de leur donner un statut et d’offrir à l’enfant les conditions d’un bon épanouissement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 5255 rectifié et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 2214, 3283 et 5327 rectifié.

M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement est né des nombreuses auditions que nous avons organisées au sein de la commission. Une problématique est en effet apparue en auditionnant des familles homoparentales aujourd’hui séparées. Puisque ces couples, par définition, ne se marieront donc pas, le projet de loi ne pourra donc en aucun cas permettre au parent « social » ou « intentionnel » de maintenir un lien, alors qu’il a pu vivre de nombreuses années avec l’enfant.

Nous avons donc pendant de longues semaines travaillé sur la notion de possession d’état. J’en ai parlé à l’occasion d’un amendement il y a quelques jours, mais je n’y reviens pas car, à la réflexion, et après en avoir discuté avec le Gouvernement, cela ne semble pas la bonne solution.

Je peux aujourd’hui proposer un système alternatif qui permettrait de maintenir les relations personnelles de l’enfant avec son parent social en cas de séparation du couple antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

En cas de séparation du couple, la personne qui aura assumé un rôle de parent social pendant des années demeurera, malgré les liens durables et stables noués avec l’enfant, un tiers aux yeux de la loi. Si la situation est conflictuelle, son seul moyen de maintenir un lien avec l’enfant sera de demander au juge aux affaires familiales de lui accorder un droit de visite ou d’hébergement, lequel est plus ou moins accepté selon les tribunaux. C’est pour cette raison qu’il est apparu nécessaire de répondre aux situations dans lesquelles l’adoption de l’enfant, par définition, n’est pas possible, mais où un maintien des liens entre un enfant et son parent social doit être recherché dans l’intérêt de l’enfant.

Tel est l’objet de cet amendement qui vise à compléter l’article 373-3 du code civil pour permettre expressément au juge, si tel est l’intérêt de l’enfant, de prendre les mesures garantissant le maintien des relations personnelles de l’enfant avec le tiers qui a résidé de façon stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien, ou à son installation, et avec lequel il a noué des liens affectifs durables. Il s’agit, dans l’intérêt de l’enfant, que ce dernier ait, avec les personnes qui l’élèvent au quotidien, le lien juridique le plus solide et le plus stable possible.

En cela, cet amendement, auquel la commission a rendu un avis favorable, se distingue du statut de tiers proposé par ailleurs et qui ne répond pas à la même préoccupation.

Le statut du tiers pose un vrai problème, tout comme celui du beau parent. Nous l’avons souvent évoqué en commission et nous sommes assez rapidement convenus qu’il serait mieux traité dans le cadre de la loi sur la famille. C’est pour cette raison que la commission a rendu un avis défavorable sur les amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Après que, pendant plusieurs heures, l’opposition nous a présenté des amendements en vue de modifier le code de la santé publique et le code pénal, elle défend, cette fois, des amendements visant à modifier le code civil en faisant une fixation sur la ministre de la famille. Comprenne qui peut !

Pour ce qui concerne l’amendement présenté par le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable car il tend à la protection des enfants en maintenant, en cas de séparation, leurs relations avec l’un des parents. Le texte que nous vous présentons assurera, après son adoption par le Parlement – s’il en est ainsi – la protection des familles homoparentales et des enfants qui y grandissent.

À l’initiative du rapporteur, mais également de Sergio Coronado pour le groupe écologiste et de Corinne Narassiguin pour le groupe SRC, nous avons travaillé pendant plusieurs semaines, en cherchant notamment à savoir si le code civil permettait, dans une quelconque de ses dispositions, d’assurer la protection des familles qui existent déjà et auxquelles la nouvelle loi ne pourra s’appliquer dans les mêmes conditions que pour les couples mariés futurs. Je précise d’ailleurs que si notre loi protégera les familles et les couples homoparentaux, notre souci du maintien des liens ne concerne pas les seules familles homoparentales, mais également les familles hétéroparentales.

La disposition présentée par le rapporteur, à laquelle ont abouti les nombreux travaux en commun, est la meilleure et le Gouvernement donne très volontiers un avis favorable à cet amendement et défavorable aux autres amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois etM. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Les amendements n° 2214 et identiques de l’opposition, ainsi que tous leurs autres amendements à suivre après l’article 1er quater, ne visent en fait qu’à prétendre qu’il serait inutile de reconnaître un statut de « parent social » à celui ou celle qui est objectivement le deuxième parent de l’enfant.

Par ailleurs, la pseudo-solution de statut du tiers qu’ils présentent est juridiquement très faible puisqu’elle est bien inférieure à ce qui existe déjà dans le code civil.

À l’inverse, l’amendement du rapporteur vise à offrir une solution concrète et juridiquement solide aux parents sociaux dans un couple séparé. C’est effectivement un problème très important qui a été soulevé pendant l’excellent travail préparatoire qui a été effectué, notamment, grâce aux nombreuses auditions qui ont été menées. Je suis heureuse qu’une solution ait pu être trouvée, car il était important que cette loi ne crée pas de nouveaux problèmes pour les couples séparés.

Il serait cependant souhaitable qu’une solution plus complète pour tous les couples non mariés et séparés puisse être trouvée dans le cadre du prochain projet de loi sur la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le débat est important et nous ferons nous-mêmes une proposition d’amendement à l’article 372-2 du code civil car nous pensons que ce débat est l’occasion d’améliorer le dispositif du droit des tiers. Cela souligne d’ailleurs l’attachement de notre groupe à faire, comme pour le contrat d’union civile, des propositions aussi consensuelles que possible.

En l’occurrence, le rapporteur fait une proposition qui, dans le cadre de l’article 373-3, s’applique plus spécifiquement en des circonstances – une séparation – toujours difficiles et où la mise en œuvre du droit est extrêmement délicate. Nous ne pouvons pas voter cet amendement pour deux raisons.

La première tient à l’absence, à ce stade de nos débats, d’une analyse suffisamment fine de son impact. Si les travaux de la commission ont été intéressants en amont, ce dont il faut remercier le rapporteur, des auditions et un colloque n’ont pour autant pas été suffisants pour préparer la discussion sur les articles puisque nous n’avons pas d’évaluation précise du dispositif proposé. Sur un sujet aussi délicat, nous n’avons pas l’assurance qu’il fonctionne bien.

La seconde raison a trait, dans l’exposé des motifs, à l’apparition de l’adjectif « social » accolé au terme de « parent ». Nous sommes fondamentalement en désaccord avec cet ajout : si les personnes avec lesquelles vit l’enfant sont tout à fait respectables, on arriverait, avec le schéma évoqué tout à l’heure, à aller au-delà de quatre parents, ce qui pose problème.

Nous voulons l’amélioration du droit des tiers et nous avons des amendements en ce sens. Mais on n’accole pas d’adjectif au terme de « parent ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Guedj. Vrai parent ou faux parent, comme vous l’avez dit !

M. Hervé Mariton. Non !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. À cinq heures vingt du matin, nous sommes encore capables d’avoir des débats intéressants !

Comme l’a souligné Mme la garde des sceaux, l’opposition vient de présenter des amendements qui marquent une différence entre nous en la matière. En réalité, mes chers collègues, vous refusez de reconnaître le statut de « parent social ». Pour vous, un parent est un géniteur. Pour vous, dans la filiation, il n’y a de lien que biologique. Ce n’est pas notre conception de la famille.

Nous avons entendu, pendant les auditions, décrire des situations dramatiques. Aussi, je me félicite que le rapporteur ait déposé cet amendement qui nous permet d’aller bien au-delà du statut du tiers que vous proposez, lequel est moins protecteur que ce qui existe déjà ainsi que l’a souligné Corinne Narassiguin.

Cette disposition permettra de répondre à des situations difficiles dans des familles existantes. C’est pourquoi nous voterons l’amendement déposé par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Erwann Binet, rapporteur. Je tiens à faire remarquer à M. Mariton que l’on ne trouve dans mon amendement aucun qualificatif après le mot « parent ».

M. Hervé Mariton. Si, dans l’exposé des motifs ! Je l’ai précisé !

M. Erwann Binet, rapporteur. On ne vote pas sur l’exposé des motifs mais sur le texte de l’amendement.

M. Yves Censi. La loi, c’est l’esprit et la lettre !

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, l’expression « parent social » n’a été utilisée au cours des auditions simplement pour expliquer la situation de la personne qui est reconnue comme parent par les enfants mais pas par la loi. Dès lors que la loi reconnaîtra un lien de filiation à ce parent, qu’on l’appelle aujourd’hui « social » ou « intentionnel », il n’y aura plus besoin d’adjectif derrière le mot « parent ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Je mets d’abord aux voix les amendements identiques nos 2214, 3283 et 5327 rectifié

(Les amendements identiques nos 2214, 3283 et 5327 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets maintenant aux voix l’amendement n° 5255 rectifié.

(L’amendement n° 5255 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2205.

M. Hervé Mariton. J’ai déjà évoqué cet amendement qui vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au tiers d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.

La réalité de la vie, aujourd’hui, c’est que les choses ne sont pas toujours aussi difficiles qu’elles sont décrites. Heureusement, les choses se règlent souvent de bonne manière, mais mieux les cadrer juridiquement reste une bonne chose.

Tel est l’objet de cet amendement qui propose d’améliorer le droit des tiers, sans chercher, monsieur le rapporteur, à faire « comme si » c’était un parent. Nous y reviendrons demain ou après-demain lorsque nous en serons à votre « article balai », mais il ne s’agit pas ici de faire comme si. Le tiers n’est pas un quasi-parent, ce n’est pas un parent social, un simili parent. C’est un tiers sur le plan politique et juridique. Il serait bon qu’il en soit ainsi dans la vie. Faute de quoi on irait vers une confusion des rôles qui ne me paraît heureuse ni pour l’enfant ni pour les adultes ni pour la société.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3282.

M. Philippe Gosselin. Trop souvent, on nous dit que les tiers n’ont aucun pouvoir, aucune possibilité d’action et l’on reprend généralement l’exemple de l’hospitalisation d’un enfant ou de la sortie de l’école en essayant de faire pleurer dans les chaumières. Je rappelle qu’une nourrice peut parfaitement aller chercher l’enfant à l’école, sans aucune difficulté, avec une autorisation écrite de la famille,. À tout le moins, le conjoint, l’ami, le concubin peut le faire aussi dans la plupart des cas.

Il faut cesser de caricaturer et de prendre des exemples qui sont certes tirés du quotidien et qui peuvent dans certains cas, empoisonner la vie, mais qui ne correspondent pas à la réalité vécue la plupart du temps.

Quoi qu’il en soit, notre amendement vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant une plus grande place au tiers dans le respect de ces liens affectifs que l’on a évoqués précédemment, sans toutefois reconnaître une notion que nous récusons, celle de « parent social ».

L’alchimie parentale est complexe. Il n’y a pas que du biologique dans ces liens : on ne peut pas réduire un père ou une mère à des gamètes et à un patrimoine génétique. Compte aussi le patrimoine culturel et affectif et c’est cela que nous voulons mettre en avant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5320.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette que tous ces amendements qui ont vocation à mettre le droit de l’enfant au cœur de situations qui posent bien souvent des problèmes ne soient pas davantage considérés.

Ils tendent pourtant à introduire de la souplesse en permettant occasionnellement et de manière temporaire, pendant les vacances par exemple, de reconnaître les droits du tiers sans passer devant le juge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2205, 3282 et 5320.

(Les amendements identiques nos 2205, 3282 et 5320 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1393.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement reprend l’article 1er d’une proposition de loi déposée par MM. Delatte et Decool.

Le législateur a progressivement établi l’autorité parentale conjointe en 1987 puis en 1993, faisant une place concrète à l’idée de partage de l’autorité parentale au bénéfice des deux parents, mariés ou non, en couple ou séparés.

Ce principe consacre la nécessité que l’enfant bénéficie de la présence de ses deux parents. De plus en plus d’enquêtes sociologiques révèlent la multiplication de mères ou de pères ayant perdu tout contact avec leur enfant à la suite d’une séparation de fait, de corps ou d’un divorce. Alors que les séparations ne cessent d’augmenter, nombre d’enfants rejettent un de leurs parents sans raison apparente et expriment des sentiments de haine à l’égard du parent perçu comme « fautif », traduisant par là même une grande souffrance. L’interruption des contacts et des relations dans un cadre familial est évidemment traumatisante, tant pour les enfants que pour les parents.

Par ailleurs, la protection de l’intérêt de l’enfant, considérée comme une priorité par le législateur, a conduit à la promulgation de la loi du 4 mars 2002, qui déjà tentait de promouvoir la résidence en alternance pour les enfants de parents divorcés ou séparés. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, avec cet amendement, apporter un certain nombre de précisions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. Cet amendement ne correspond pas à ce texte de loi.

(L’amendement n° 1393 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1438.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement reprend l’article 4 de la même proposition de loi que précédemment, visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents. L’objectif recherché par cet amendement est, dans le droit fil de ce que je viens de dire, l’autorité partagée. Le but de la résidence alternée est simple. Il s’agit de protéger avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant en lui garantissant une construction saine et équilibrée reposant évidemment sur deux parents à même d’être présents auprès de lui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien direct avec le projet de loi. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis également défavorable. Manifestement, l’opposition a conservé sa passion pour les automatismes, qu’on a vu opérer au civil et au pénal durant le dernier quinquennat. Il s’agit là d’une disposition automatique qui considère l’enfant non pas dans sa singularité particulière, mais comme une abstraction icônique. Ces dispositions nuisent profondément à ses intérêts. Avis défavorable.

(L’amendement n° 1438 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1405.

M. Patrick Hetzel. Dans le droit fil des deux amendements précédents, celui-ci reprend l’article 3 de la même proposition de loi visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents. Les objectifs recherchés par cet amendement sont à nouveau l’autorité partagée et la résidence alternée. Nous pensons ainsi privilégier l’intérêt de l’enfant. Il est en effet important que l’enfant puisse, lorsque c’est possible, garder le contact avec ses deux parents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, dans le même esprit que les avis précédents.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je suis tout à fait défavorable à la garde alternée, qui donne aux enfants un sentiment de toute-puissance. Nombreux sont les enfants qui se comparent entre eux dans la cour de récréation et considèrent qu’il existe de remarquables bénéfices secondaires à disposer de deux domiciles et de deux parents qui cèdent à leurs caprices. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces amendements doivent être rejetés.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

(L’amendement n° 1405 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5324.

M. Jean-Christophe Fromantin. Dans le même esprit, cet amendement permettrait, en cas de décès ou dans des circonstances exceptionnelles, de ne pas restreindre la délégation parentale à un membre de la parentèle de l’enfant mais de l’étendre, par arbitrage du juge, au tiers qui a vécu avec l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Même esprit, même avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement ne correspond pas à ce texte. Avis défavorable.

(L’amendement n° 5324 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5323.

M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

(L’amendement n° 5323 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2219.

M. Hervé Mariton. Nous cherchons toujours à améliorer le droit des tiers, sans doute pas de manière spectaculaire mais de façon opérationnelle et, avec un peu de bonne volonté, consensuelle. Le père ou la mère peut donner mandat pour accomplir certains actes à un tiers qui vit avec l’enfant et un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, seule la catégorie des actes graves nécessitant l’accord des deux parents, aucun des deux ne pouvant alors être omis. Il n’y a aucune confusion sur les rôles des parents et du tiers, dont on facilite la vie, sans pour autant dire à celui-ci qu’il est un quasi-parent ni aux parents qu’ils n’en sont plus.

Puis-je faire observer à mes collègues de la majorité, qui ont accueilli avec beaucoup de sarcasmes l’intervention de notre collègue Dhuicq, que s’il n’a pas sur le sujet précédemment évoqué les mêmes positions que moi, c’est notre liberté au sein du groupe UMP ? Vous étiez d’ailleurs plutôt d’accord avec lui sur le fait qu’il est pour le moins compliqué de couper en deux un enfant. Pourquoi diantre avez-vous eu le réflexe de critiquer ses propos alors même que vous étiez d’accord ? Quel étrange réflexe conditionné ! Quel refus du débat ! Quel refus d’écouter ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous n’étions pas d’accord !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3284.

M. Philippe Gosselin. Il est des réflexes pavloviens qu’Hervé Mariton a raison de dénoncer !

Cet amendement se propose de faire évoluer la place des tiers, dans le même esprit que le précédent.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas le même esprit, c’est le même amendement tout court !

M. Philippe Gosselin. Il vise à préserver l’intérêt de l’enfant et assurer la protection de ses liens affectifs en permettant au tiers qui vit avec l’un des parents d’assurer certains actes relatifs à l’enfant. Pour les actes les plus importants et les plus graves, l’accord des deux parents serait nécessaire. Cela permet de préserver la place de l’un et de l’autre sans entretenir de confusion tout en assurant le maintien et l’effectivité des liens affectifs.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5318.

M. Jean-Christophe Fromantin. Toujours dans le même esprit, l’idée est de pouvoir déléguer des actes usuels à un tiers, de façon occasionnelle ou temporaire, voire des actes graves comme des décisions médicales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La préoccupation de nos collègues est d’autoriser par mandat un tiers à prendre des décisions relatives à des actes usuels ou graves. Le code civil dispose d’ores et déjà, dans son article 372-2, d’une présomption d’accord pour les actes usuels valant dispense de preuve de l’accord des deux parents. Il répond donc déjà à cette préoccupation pour les actes usuels.

Quant aux actes graves, notion absente de la jurisprudence qui préfère parler d’actes importants, il n’est pas imaginable, dans la mesure où la jurisprudence prévoit que ces actes engagent l’enfant pour l’avenir ou rompent avec son passé, que l’on puisse laisser décider un tiers. Il faut dans ces cas-là l’accord systématique des deux parents.

C’est pourquoi la commission a rendu un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons. Il s’agit de l’exercice de la co-parentalité. Le Gouvernement considère que ces amendements n’ont pas une maturité nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Pour qu’une loi soit efficace, il me semble qu’elle doit être comprise par celles et ceux à qui elle s’applique. Or la lecture de l’amendement de notre collègue Mariton serait parfaitement comprise par les familles françaises. Il n’introduit ni confusion ni notion nouvelle de beau parent, co-parent ou parent social, et règle de manière simple et pragmatique des situations de vie quotidienne.

Je suis au regret de constater que sur ce sujet, l’orientation du Gouvernement n’est clairement pas progressiste. Au-delà des mots, c’est vous, mes chers collègues, qui en l’espèce vous enfermez dans le statu quo.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 137

Nombre de suffrages exprimés 137

Majorité absolue 69

Pour l’adoption 31

contre 106

(Les amendements identiques nos 2219, 3284 et 5318 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5326.

M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable

(L’amendement n° 5326 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement no 451.

M. Hervé Mariton. Nous souhaitons, avec cet amendement, améliorer des situations sans pour autant confondre les rôles. Comme l’indique l’exposé des motifs, l’enfant a besoin d’un père et d’une mère, qui sont des figures importantes. Pour autant, il est aussi important d’améliorer les droits de partenaires dans le cadre du PACS.

Il existe déjà des solutions de droit. Elles sont peu nombreuses et parfois peu praticables. Puisqu’il y a eu des contentieux, autant aplanir ces difficultés, établir clairement quelle est la règle de droit et permettre ainsi aux partenaires d’assumer leurs responsabilités vis-à-vis de l’enfant sans pour autant démolir l’ordre juridique existant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

(L’amendement n° 451 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5322.

M. Jean-Christophe Fromantin. Défendu, monsieur le président.

(L’amendement n° 5322, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2215.

M. Sergio Coronado. L’amendement n° 2215 vise à compléter l’article 377-1 du code civil afin d’élargir la délégation de partage de l’autorité parentale.

Un certain nombre d’enfants sont issus d’un « projet parental commun » – ne poussez pas de cris d’orfraie, chers collègues de l’opposition, cette expression a été utilisée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 20 octobre 2011. Il s’agit notamment des enfants issus d’un projet de coparentalité, associant un couple de femmes et un couple d’hommes. Seuls deux des parents ont des droits reconnus sur les enfants, ce qui crée de nombreux obstacles contraires aux intérêts de l’enfant.

La délégation de partage de l’autorité parentale, fixée par le juge aux affaires familiales, et qui ne crée pas la filiation, permet de donner des droits à un tiers. Un élargissement de cette délégation permettrait de garantir les droits des enfants issus de ces couples, donc de mieux respecter l’intérêt de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Les auditions que nous avons menées ont bien montré qu’il y avait une confusion entre les deux procédures, à savoir la délégation de partage de l’autorité parentale et la délégation simple d’autorité parentale. De plus, ces procédures restent très aléatoires, car elles sont conditionnées par l’exigence de circonstances laissées à la libre appréciation des juges – nous avons déjà évoqué cette question avec M. Coronado.

Une réforme globale des deux procédures est aujourd’hui nécessaire, mais aurait davantage sa place dans la future loi sur la famille. La commission vous invite par conséquent à retirer votre amendement, monsieur Coronado.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. Philippe Gosselin. C’est une manie !

M. Sergio Coronado. Toutefois, je veux souligner qu’il concerne directement et spécifiquement ces nouvelles familles homosexuelles ou homoparentales qui sont l’aboutissement d’un projet de coparentalité. Il faudra donc faire très attention, dans le cadre de la loi sur la famille, à ne pas négliger cette question.

(L’amendement n° 2215 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 1443.

M. Patrick Hetzel. L’amendement n° 1443 traite également de l’autorité parentale.

Madame la garde des sceaux, vous avez rejeté nos amendements, tout à l’heure, au motif qu’ils n’avaient rien à voir avec le texte, alors qu’il s’agissait bien de questions familiales. Si vous considérez que toutes les questions familiales sont à exclure du texte, dans ce cas les questions relatives à l’adoption ne devaient pas figurer dans le projet de loi. Ce n’est pas la position que vous avez adoptée, raison pour laquelle il me paraît peu légitime de nous opposer le fait que les questions d’autorité parentale ne relèvent pas du texte.

Cela dit, notre amendement n° 1443 vise à proposer une nouvelle écriture de l’article 388-1 du code civil, en indiquant, dans l’intérêt de l’enfant, que dans toute « dans toute procédure le concernant, le mineur âgé de plus de cinq ans et capable de discernement est, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet.

« Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

« Le mineur est entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. L’adoption est bien régie par le code civil, n’en déplaise à M. Hetzel.

Cet amendement, qui prévoit une audition systématique, n’a vraiment pas de sens : en vertu des dispositions du code civil, le juge est en capacité d’apprécier, selon le discernement de l’enfant, si son audition est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais à nouveau préciser ma pensée au sujet de la garde alternée, monsieur le président. (« Au secours ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Des parents, qui culpabilisent à la suite de leur séparation, veulent maintenir la fiction d’un couple qui vivrait encore ensemble, mais dans deux maisons. Ce fantasme est, je le répète, délétère pour l’enfant, car quand deux parents se séparent, la première question que l’enfant sa se poser, c’est de savoir s’il a été à ce point un mauvais garçon ou une mauvaise fille qu’il a provoqué la séparation de papa et maman. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais ça n’a rien à voir avec le texte !

M. Nicolas Dhuicq. C’est là un problème très sérieux : les parents doivent absolument rassurer leurs enfants qui, à défaut, peuvent entretenir une culpabilité très lourde.

En maintenant la fiction d’un couple qui vivrait encore ensemble grâce à la résidence alternée, on maintient l’enfant dans l’impossibilité où il se trouve de choisir entre ses deux parents, à un âge où il ne pourra pas réellement s’exprimer. Je suis donc tout à fait défavorable à ce type d’amendements.

(L’amendement n° 1443 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement. (« Il y avait longtemps ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Monsieur le président, on vient de me communiquer une information importante – rassurez-vous, la ministre de la famille dort toujours ! –, à savoir que les pains au chocolat sont arrivés à la buvette de l’Assemblée.

Je vous demande donc une suspension de séance d’une demi-heure, monsieur le président, afin que nous ayons au moins le temps de prendre un petit-déjeuner. Je vous invite à venir déguster un pain au chocolat à la buvette, mes chers collègues ! (« C’est Copé qui les a apportés ? » sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à cinq heures cinquante-cinq, est reprise à six heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet article est important. En 2002, déjà, la majorité d’aujourd’hui s’était illustrée en consacrant un de ses derniers efforts à la modification du régime de transmission du nom patronymique – sans doute était-ce là une grande priorité des Français… – avec cette innovation lumineuse pour nos concitoyens qu’était le double tiret. Nous ne savons pas très bien ce qu’il en reste aujourd’hui ; en tout cas, personne n’a tout à fait compris ce que c’était.

Au-delà de l’apparence terminologique, cette réforme a de vraies conséquences sur la lisibilité des familles, puisque, par construction, cette règle du double tiret et sa transmission au fil des générations fait que des cousins, par exemple, ont une probabilité bien moindre de porter le même nom.

Nous sommes là dans une affaire assez extravagante : pour répondre à la question de la transmission du nom dans la filiation adoptive et parce qu’ils estiment qu’il faut absolument rompre avec l’a priori du nom paternel, les auteurs du texte nous proposent une révolution du système actuel. Cette révolution est masquée dans le rapport, puisque – ce qui est tout de même assez original – le tableau présenté page 303 ne porte pas sur le texte présenté à notre assemblée mais, pour que cette affaire soit plus discrète, sur le texte dans sa version déposée.

M. Philippe Gosselin. Il y a une manipulation !

M. Hervé Mariton. Le reste du rapport est plus lisible : la suite de la présentation reste très alambiquée mais elle dit les choses pour peu qu’on veuille les lire attentivement : « […] le maintien d’une règle d’attribution patronymique du nom de famille pour les seuls cas de filiation par le sang est susceptible d’introduire une rupture d’égalité ». En réalité, vous révolutionnez les choses : là où aujourd’hui l’enfant de M. Durand et de Mme Martin s’appelle dans le cas ordinaire Durand, sauf si les parents veulent qu’il s’appelle Durand-Martin ou Martin-Durand, demain avec votre dispositif il s’appellera Durand-Martin sauf si les parents demandent qu’il s’appelle Durand.

M. Erwann Binet, rapporteur, et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Non !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Si d’aventure la mère est dans l’incapacité de demander explicitement que l’enfant s’appelle Durand, par exemple du fait de problèmes médicaux en couche, alors l’enfant s’appellera Durand-Martin.

Monsieur le rapporteur, j’ai demandé à plusieurs reprises qu’on me confirme cette interprétation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Hervé Mariton. Celle-ci m’a été confirmée ainsi et il n’en existe pas d’autre, que ce soit pour le texte ou pour votre rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Chacun aura compris que depuis plusieurs heures, plusieurs jours et même plusieurs nuits, ce qui guide nos pas, ce qui inspire nos déclarations, ce qui forge nos convictions, ce qui nous maintient éveillés à une heure aussi avancée de la nuit, ce sont un certain nombre de principes.

Le premier, c’est le principe de laïcité, qui nous permet d’observer une distinction très nette entre le mariage civil et le mariage religieux. Si la loi protège la foi, ce n’est pas la foi qui fait la loi !

Le deuxième principe est le principe de réalité : la famille est plurielle. Certains ont inventé l’enfant unique ; vous voulez nous imposer une famille unique.

C’est en troisième lieu le principe d’égalité qui nous a fait voter le mariage pour les personnes de même sexe et qui nous rend favorables à l’adoption pour les couples mariés de personnes de même sexe. Ce même principe est en outre au fondement de l’article 2, qui a pour conséquence l’ouverture de l’adoption plénière aux couples mariés de personnes de même sexe et modifie la dévolution du nom de famille.

L’appartenance à la nouvelle famille se traduit en effet par le changement du nom de l’adopté, qui prend automatiquement le nom de la famille qui adopte. Toutefois, l’adoption étant ouverte par le projet de loi aux couples de personnes de même sexe, il est nécessaire de réécrire l’article 357 du code civil. L’article 2 prévoit donc que, en l’absence de choix du nom ou en cas de désaccord, l’adopté portera le nom de l’adoptant et de son conjoint ou les noms de chacun des deux adoptants accolés selon l’ordre alphabétique dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux.

Vous avez employé le mot « révolution », monsieur Mariton : nous l’assumons, dans la mesure où faire en sorte que le nom du père ne soit pas prioritaire sur celui de la mère constitue une véritable révolution, un réel progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. C’est la filiation par le sang ! Vous renversez un usage ancestral ! Les Français vont tomber sur le nez !

M. Razzy Hammadi. Non, ils vont retomber sur leurs jambes !

M. Hervé Mariton. C’est bien une révolution, mais elle est camouflée !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’article 2 vise tout d’abord à adapter la législation relative au nom de famille des personnes adoptées. L’interprétation qu’a donnée M. Mariton en des termes très clairs est-elle exacte ? Nous attendons vraiment une réponse sur ce point, car ce serait alors non pas une évolution, mais une révolution, qu’il faudrait expliquer.

Cet article me donne aussi l’occasion de reparler de l’adoption. À cet égard, je voudrais citer la contribution – le rapporteur l’évoquait voilà quelques heures – du docteur Pierre Lévy-Soussan et indiquer pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe : « ce projet de loi attaque le principe même de la réussite de l’adoption […] : le scénario d’engendrement crédible dont doit s’originer l’enfant. Car si tous les systèmes juridiques admettent des fictions, une fiction n’est pas un mensonge : une fiction juridique doit nécessairement être plausible, c’est-à-dire correspondre à une réalité possible, pensable, vraisemblable, que l’enfant peut imaginer, autant que ses parents d’ailleurs. Avec ce projet, il s’agit au contraire d’instituer juridiquement comme vrai un fait […] impossible, et d’imposer à l’enfant de souscrire à ce mensonge légal. On ne fait pas “comme si” il était l’enfant de deux hommes ou de deux femmes : on inscrira à son état civil qu’il “est” l’enfant de deux hommes ou de deux femmes par le truchement des “parents” de même sexe, acte de “naissance” avec deux hommes que l’on qualifierait d’une façon impossible de “père”, ou de deux femmes de “mère”, ou pire de “parent” unisexe, évacuant la différence des sexes et la spécificité de chacun. […] C’est donc une remise en cause radicale de la filiation adoptive par une dévaluation et une décrédibilisation de sa base, non seulement psychique mais aussi juridique : on ne parle plus de père et mère pour eux mais plus que de “parent”, filiation “unisexe” impossible et impensable. »

C’est bien cela que nous combattons. Je crois qu’il faut écouter attentivement ce que nous disent les professionnels pédopsychiatres, car ce n’est pas une simple évolution que vous proposez, mais bien une révolution.

M. Razzy Hammadi. C’est poussif !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article remet en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. Cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la « présomption de nom paternel » pour l’enfant ; cela vient d’être rappelé.

En effet, à ce jour, aux termes de la dernière phrase de l’alinéa 1er de l’article 311-21 du code civil : « En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre. »

M. Razzy Hammadi. Nous savons lire, merci !

M. Patrick Hetzel. Concrètement, cela signifie que dorénavant un acte volontaire et écrit deviendra nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis. Il n’est plus de droit en l’absence d’indication spécifique.

En pratique, si le père est celui qui déclare la naissance à la mairie, il devra se munir d’un document écrit de la mère par lequel elle accepte explicitement que le nom de famille de l’enfant soit celui du père.

Par principe, ce sera l’accolement des deux noms de famille dans l’ordre alphabétique qui prévaudra, et non plus le seul nom du père.

Nous sommes opposés à ce projet et donc, bien entendu, à cet article, et nous pensons que c’est un point extrêmement important du projet, tout simplement parce que nos concitoyens n’ont absolument pas connaissance aujourd’hui de cette évolution. Lorsqu’ils s’en rendront compte, ce sera une raison supplémentaire pour eux de s’opposer au projet du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je voudrais vous demander, en application de l’article 57, alinéa 1er du règlement, la clôture de la discussion sur cet article, puisque nous avons entendu trois orateurs du groupe UMP et un orateur de la majorité, qui a donné son sentiment sur cet article. Nous pouvons donc passer à la discussion des amendements, qui sont nombreux et répétitifs.

M. le président. La clôture de la discussion de l’article 2 vient d’être proposée en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont en effet intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je consulte donc l’Assemblée.

(Il est procédé au vote.)

M. le président. L’Assemblée s’est prononcée : la proposition est adoptée. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article.

Nous en venons aux amendements de suppression de l’article.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. Marc Le Fur. Il est six heures trente du matin, la ministre déléguée chargée de la famille n’est toujours pas en séance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous allons engager une réforme majeure qui va bouleverser les vies de nos familles, celle du nom de famille.

Les Français s’imaginent – ils sont bienveillants – que cette loi ne concerne que les couples homosexuels ; ils se trompent. Comme dans le couple homosexuel il n’y a plus un père mais, éventuellement, deux pères, il faut résoudre le problème du nom patronymique. Et, pour éviter toute discrimination, la solution trouvée pour les homosexuels s’appliquera à l’ensemble des Français.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une solution qui existe déjà ! C’est déjà possible !

M. Marc Le Fur. Voilà exactement l’absurdité à laquelle nous sommes confrontés. Un certain nombre de gens sont objectivement devenus fous.

On associera les deux noms ; cela signifie que Martin-Durand sera le premier nom,…

M. Philippe Martin. Je demande la parole pour un fait personnel, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. …puis quand M. Martin-Durand grandira il se mariera à une jeune fille qui s’appellera Dupond-Dupuis. On obtiendra alors un nom un peu plus long : Martin-Durand-Dupond-Dupuis. Et chaque fois on compliquera l’exercice.

Ensuite, on pose un autre problème symbolique majeur : celui de la sortie du père. Mes chers collègues, dans un certain nombre de familles, le père n’est plus présent. Il l’était encore par le nom. L’évolution proposée est donc majeure. Vous allez me traiter de sexiste,…

M. Razzy Hammadi. C’est vous qui y avez pensé…

M. Marc Le Fur. …mais le système fonctionne de la sorte depuis un certain nombre de décennies. Veillons à ne pas troubler exagérément le dispositif.

Monsieur le président, je pense vraiment que nous devons travailler et échanger à nouveau en commission sur ce sujet. Nous sommes en train de créer une usine à gaz !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 394.

M. Hervé Mariton. Comme on ne peut distinguer le père du père et la mère de la mère dans une filiation de deux personnes de même sexe, il a fallu rendre obligatoire l’accolement. Je n’émets pas une critique systématique de votre travail, monsieur le rapporteur, mais ce que vous avez fait là n’est pas convenable et ne s’est jamais vu dans cette assemblée ! Vous faites exprès de donner un tableau de ce qui a été déposé et non pas de ce qui a été discuté, afin de masquer la réalité des choses.

Vous alignez la règle d’attribution du nom patronymique pour la filiation par le sang afin d’éviter, soi-disant, une rupture d’égalité. Mais quelle rupture d’égalité ? Aujourd’hui, les Français peuvent, s’ils le souhaitent, donner le double nom. Mais la situation ordinaire, qui n’exige aucune démarche particulière, est de donner le nom du père. Est-ce scandaleux ? Je ne le crois pas. Cela gêne-t-il nos concitoyens ? Non ! Cela perturbe-t-il l’avenir de la France ? Non ! Il s’agit d’une règle solide de l’histoire et de la tradition de notre pays. Oui, on peut faire différemment. Mais vous renversez la charge de la preuve, et cela créera des situations extrêmement difficiles, notamment si la parturiente n’est pas en situation de s’exprimer.

Un certain nombre de personnes n’auront pas connaissance de cette disposition. Et lorsque le vaguemestre de l’hôpital viendra, lorsque les démarches initiales seront engagées, elles n’en auront pas été informées. Il y aura donc des enfants pour qui le double nom sera accolé sans que leurs parents l’aient voulu, tout simplement parce que la loi sera ainsi écrite. Aujourd’hui, un enfant porte un nom et peut en porter deux si ses parents le décident ; demain, il portera deux noms, et uniquement celui du père si ses parents le veulent.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous êtes des personnes raisonnables. Certes, un député a proposé cet amendement, qui a été adopté par la commission. Il n’est pas cardinal dans votre texte et il mettra sans dessus dessous des règles de transmission du nom patronymique. Les Français se rendront compte que ce texte a un impact sur l’ensemble des familles, contrairement à ce que vous avez affirmé. Au nom de quoi et pourquoi mener cette réforme, qui a une charge idéologique évidente : l’effacement du père ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 403.

M. Christian Jacob. Je veux à nouveau, comme mes collègues, regretter l’absence de la ministre de la famille sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle a en charge la généalogie et les associations généalogiques : comme les sujets abordés précédemment, cet article est dans son champ de compétences. Mais Mme Bertinotti continue de dormir pendant que nous travaillons. (Mêmes mouvements.)

Aujourd’hui, l’accolement des deux noms est possible, mais pas automatique : c’est le nom du père qui est donné. Mais comme, du fait de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, nous allons nous retrouver avec deux pères ou deux mères, la prédominance n’est plus possible. C’est ainsi que l’on en vient à modifier le nom patronymique.

Vous avez dit tout à l’heure que ce texte ne changerait rien à la situation des couples hétérosexuels. C’est faux, il la bouleverse ! L’organisation des successions s’en trouve modifiée. Je vous demande, pendant la navette, d’auditionner sur ce point particulier les notaires. Vous verrez quelle sera leur réaction !

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous l’avons fait !

M. Christian Jacob. Et quelle a été leur attitude ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ils n’ont rien trouvé à redire.

M. Christian Jacob. Ce changement n’est pas anodin, il bouleverse complètement notre droit. Et, encore une fois, la ministre en charge de ce sujet ne peut nous répondre.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour présenter l’amendement n° 708.

M. Frédéric Reiss. Le projet de loi consacre les articles 2 et 3 aux dispositions relatives au nom de famille. Cette révolution – car c’en est une – démontre que l’égalitarisme cher à la gauche pousse jusqu’à l’absurde.

Si vous pensez, chers collègues de la majorité, que cela va réconcilier les Français avec votre projet de loi, vous vous trompez. Le candidat Hollande avait reproché au président Sarkozy de diviser les Français. Avec ce projet d’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, il est servi ! Pour diviser les Français, il ne pouvait rêver mieux.

Si, sur les bancs de l’opposition, nous sommes pugnaces, c’est que nous avons mandat de nos électeurs de nous opposer à ce projet de loi. Nous ne voulons pas de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Nous savons d’ailleurs que la majorité ne s’arrêtera pas là. Ce n’est qu’une première étape, et nous avons déjà discuté largement des dérives que représenterait l’accès à la PMA et à la GPA.

Nous avons des conceptions tout à fait différentes de la famille et, surtout, des valeurs de la famille. La reconnaissance de l’amour entre deux personnes de même sexe est une revendication que nous estimons légitime, tout comme l’égalité des droits entre les couples. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons proposé l’alliance civile, qui pouvait rassembler. Mais la majorité n’en a pas voulu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 604.

M. Philippe Gosselin. Il me semble, monsieur le président, que vous auriez dû me donner la parole avant mon collègue Reiss… M’auriez-vous oublié une nouvelle fois ? C’est du harcèlement ! (Sourires.)

M. le président. Pas du tout, c’est un simple oubli, d’autant que je vous trouve plutôt sympathique… (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Alors, c’est de l’amour vache…

À cette heure avancée de la nuit, Paris est déjà éveillé et je crains que les loups ne soient entrés dans la ville ! (Rires et exclamations – « Hou ! Hou ! sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Oui, il y a un vrai loup sur le nom de famille ! Nous sommes loin, très loin, d’une simple adaptation.

À l’envi, et depuis des dizaines d’heures, vous nous dites, madame la ministre, monsieur le ministre, que ce projet ne change rien pour les autres. Si, il leur retire un élément essentiel d’identification, leur nom de famille ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce que vous retirez aux Françaises et aux Français : leur nom de famille ! C’est tout sauf un changement banal.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est parce que vous êtes un homme !

M. Philippe Gosselin. Lisez le texte, de grâce ! Faites fonctionner au moins la navette parlementaire. Même si la commission, ce matin, ne veut pas en entendre parler, même si je dénonce avec force la manœuvre du rapporteur pour noyer le poisson…

M. Jean-Frédéric Poisson. Fait personnel, monsieur le président ! (Sourires)

M. Marcel Rogemont. Il faut sauver le soldat Poisson !

M. Philippe Gosselin. À cette heure, il nage en eaux troubles, je vous l’assure !

Cet article fait que, désormais, le nom ne sera plus transmis comme il l’était jusqu’à présent. C’est un changement majeur !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 976.

M. Philippe Vitel. Madame la ministre, il fallait effectivement faire évoluer le droit. Vous aviez la possibilité d’améliorer le PACS, vous l’avez refusée. Vous aviez la possibilité d’instituer un contrat d’union civile, vous l’avez refusée. Nous avions proposé l’alliance civile, vous n’en avez pas voulu non plus ! Vous pouviez créer quelque chose qui remplace le PACS et le mariage, sans droit à l’adoption mais, là encore, vous ne l’avez pas fait. Vous êtes arrivés à la solution extrême, celle que les Français rejettent dans leur grande majorité : l’ouverture du mariage et de l’adoption.

M. Alexis Bachelay. Il fait du Schivardi !

M. Philippe Vitel. Je prends cela comme d’une attaque personnelle et je vous demande de vous taire !

À la première lecture de l’article 2, on pouvait penser que la modification de l’identité ne concernait que les adoptés des couples homosexuels. Étant opposé à cette adoption, il était logique que je défende cet amendement de suppression. Mais en le relisant, et en écoutant mes amis, je me suis rendu compte que cet article concernait la totalité de la population, que c’était les noms de toutes les familles qui allaient être modifiés. Là, vous poussez l’intolérable à son paroxysme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout ! Monsieur Poisson, expliquez cela à vos collègues !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1231.

M. Daniel Gibbes. Comme mes collègues l’ont souligné, cet article semble simplement procéder à l’adaptation de la législation relative aux noms de famille des personnes adoptées. Mais on le sait, l’adoption est aujourd’hui réservée aux couples mariés et l’automatisme juridique veut que le mariage ouvre à l’adoption. Comme de nombreux Français, nous sommes opposés à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels et nous ne pouvons donc qu’être opposés au mariage des personnes de même sexe. Nous lui préférons un autre type d’union, tel que l’alliance civile ou toute amélioration du PACS. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour présenter l’amendement n° 1421.

M. Nicolas Dhuicq. Porter un nom, c’est la possibilité de s’inscrire dans une généalogie, c’est le droit d’entrer dans l’Histoire. Il fut un temps où tout le monde n’avait pas le droit de porter un patronyme et un nom. Cette histoire est relativement récente. Par cet article, vous ferez diminuer le nombre de patronymes qui, dans les grandes civilisations et les grandes sociétés, sont en disparition. Bientôt, les Britanniques s’appelleront tous Smith et les Allemands Schmidt.

M. le président. Mme Schmid va demander la parole pour fait personnel ! (Sourires)

M. Nicolas Dhuicq. C’est un sujet important car vous déniez ainsi le droit des uns et des autres de transmettre leur généalogie, leur histoire et de rester dans l’Histoire.

M. Yves Censi. Écoutez chers collègues, instruisez-vous !

M. Nicolas Dhuicq. Les prolétaires, mes chers camarades, n’avaient pas le droit autrefois de porter un patronyme. Seules les grandes familles avaient ce droit. Si vous connaissez votre histoire et que vous franchissez quelque peu les mers, vous savez qu’au Japon l’apparition du patronyme est encore plus récente. Lorsque vous touchez aux patronymes, à leur diversité, vous touchez très profondément à l’intime, et cela au nom d’un égalitarisme aveugle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1589.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis désolé, mais je vais devoir contredire notre collègue Le Bouillonnec. Je vais lire simplement l’amendement qui a été adopté en commission, à l’initiative de notre collègue Narassiguin : « En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de chacun de ses deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. »

Cela apporte deux changements…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est déjà le cas !

M. Hervé Mariton. Non, il y a un renversement de la charge de la preuve !

M. Marcel Rogemont. Ne noyez pas notre collègue Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est gentil, monsieur Rogemont. Je salue, dans cette remarque, le spécialiste du homard…

Mes collègues ont déjà largement traité du premier changement, je voudrais attirer l’attention sur le second, qui est la nécessité d’une déclaration spécifique. Or nous sommes tous confrontés, dans nos collectivités locales au problème de l’information de nos concitoyens. Il n’est déjà pas facile de les faire se déplacer lorsqu’ils ont à accomplir des formalités obligatoires, mais dans une situation où chacun pense que les choses se font automatiquement et qu’il n’y a rien à faire de particulier, instaurer une déclaration auprès d’un officier d’état civil pour établir une situation, considérée aujourd’hui comme normale, comporte des risques. C’est pourquoi je défends cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1643.

M. Yves Fromion. Nos concitoyens n’ont en effet aucune idée de ce qui les attend. Il y aura d’abord des difficultés administratives, puisqu’il faudra qu’ils effectuent une démarche conjointe alors qu’ils n’y ont pas été habitués. Certains d’entre eux le découvriront d’ailleurs dans des conditions qui ne faciliteront pas les choses. Cette formalité sera donc beaucoup plus difficile à mettre en œuvre qu’on peut le penser. Il y aura sans doute beaucoup d’erreurs, beaucoup d’oublis, donc vraisemblablement beaucoup de contentieux.

Ensuite, lorsque nos concitoyens vont prendre conscience que cette nouvelle difficulté est liée au fait que vous avez ouvert le mariage à des couples homosexuels, beaucoup d’entre eux risquent de réagir très négativement, et les homosexuels risquent fort de s’en trouver stigmatisés, ce que nous essayons précisément d’éviter. On les jugera responsables de ces embarras administratifs, et je ne suis pas certain que vous serviez ainsi la cause que vous avez envie de défendre.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1745.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article est lourd de conséquences. Il est sept heures moins le quart ; tandis que certains de nos compatriotes dorment encore…

M. Philip Cordery. C’est la France qui se lève tôt ?

M. Guillaume Chevrollier. …et, avec eux, la ministre de la famille (Protestations sur les bancs du groupe SRC), l’Assemblée modifie gravement notre droit et remet en cause la transmission du nom de famille à l’enfant.

Le réveil de nos compatriotes risque donc d’être douloureux, car cette loi sème le trouble dans la famille, avec la légalisation du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe ; dans l’état civil, avec le changement de nom ; dans la société tout entière, avec la perspective de la PMA et de la GPA.

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour défendre l’amendement n° 2221.

M. André Schneider. Je soutiens cet amendement, car les principes qui régissent le nom de famille sont extrêmement importants et qu’il ne s’agit pas de les traiter à la légère. J’appelle ainsi, à l’aube, mes collègues à la raison, et leur dis que la sagesse voudrait que nous approuvions cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3061.

M. Patrick Hetzel. Ce qui est en jeu, à travers cet article, c’est la modification d’une pratique pluriséculaire. Or nos concitoyens n’ont guère conscience que nous touchons ici à la transmission des noms de famille. C’est la raison pour laquelle nous demandons, depuis le début, un débat national sur cette question.

Je crains moi aussi que le réveil ne soit extrêmement douloureux pour nos concitoyens, car nous touchons à une pratique très ancrée. Vous n’avez cessé de répéter que vous ne compreniez pas notre opposition à un texte qui n’ôtait rien aux couples hétérosexuels mais étendait les droits qu’avaient ces couples aux couples homosexuels. En réalité, avec les dispositions de cet article, ce n’est pas le cas. Il constitue en cela un mensonge par rapport à ce qu’avait affirmé le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle non seulement nous soutenons cet amendement mais nous vous demandons à nouveau de retirer ce projet et de procéder à un référendum.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3434.

M. Xavier Breton. Madame et monsieur les ministres, cet article emporte-t-il, oui ou non, une révolution du nom patronymique ?

M. Razzy Hammadi, M. Patrick Bloche et M. Bernard Roman. Oui !

M. Xavier Breton. Comment en est-on arrivé à cette obsession de l’égalité, à ce refus d’inscrire dans notre droit la reconnaissance de l’altérité sexuelle ? Quelle folie, quel aveuglement idéologique de votre part ! Vous imposez cela à la société sans aucun débat, alors qu’il n’y a aucune demande sociale, sauf de la part de quelques associations ultraminoritaires et militantes dont vous êtes les prisonniers. Réveillez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3802.

M. Yves Censi. Ce débat sur le nom mériterait à lui seul…

M. Bernard Roman. Un référendum !

M. Yves Censi. … des semaines de débat. Nous parlons de la structure du patronyme. Peut-être, d’ailleurs, ne faut-il plus dire patronyme, car Mme Mazetier risque de juger que c’est trop « genré ».

M. Bernard Roman. Mme Boutin aussi !

M. Philippe Gosselin. Parlons de nom alphanumérique !

M. Yves Censi. Le nom, dans l’identité personnelle, est probablement ce qu’il y a de plus important. Or je vous invite au doute. Vous êtes bardés de certitudes et ne cessez de vouloir du passé faire table rase, accusant ceux qui ne vous comprennent pas d’être de gros ringards. Vous êtes donc en train de traiter la moitié des Français de gros ringards. Je vous ai même entendu dire que c’était encore pire dans le monde rural, puisqu’on y était incapable d’accepter ces évolutions. Je vous demande un peu de respect, notamment pour nos cultures méditerranéennes, fondées sur des structures patriarcales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous y voilà !

M. Yves Censi. Rappelez-vous Paul Ricœur et son magnifique concept d’identité narrative : À la question « Qui ? », disait-il, on répond toujours par une histoire, et ce n’est jamais anodin.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Yves Censi. Je conclus.

Vous contestiez tout à l’heure le fait de vouloir modifier l’ensemble de nos structures patronymiques et de nos noms de familles. Mais c’est pourtant le cas.

M. le président. Ce n’est pas une conclusion…

M. Yves Censi. Je regrette que nous ne puissions aller plus loin dans ce débat.

Nous allons passer d’une société où l’on prend le nom du père,…

M. Bruno Le Roux et M. Philippe Martin. Et la circonscription !

M. Yves Censi. …ce qui a un sens très fort dans la structure familiale, à une société dans laquelle c’est la loterie de l’ordre alphabétique qui décidera de votre premier nom : je vous laisse méditer cette irresponsabilité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5304.

M. Jean-Christophe Fromantin. Cet article matérialise nos débats, puisqu’il marque une rupture avec la présomption de filiation sur laquelle se fonde l’histoire de nos noms et de nos familles. Il est donc essentiel de demander sa suppression, car il est un marqueur extrêmement fort dans l’incohérence de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut savoir raison garder, et nous allons tenter de calmer tout le monde. Lorsque les Français donnent naissance à leur premier enfant – cela s’applique ensuite automatiquement aux suivants – ils doivent remplir un formulaire conçu comme suit : « Nous soussignés [nom du père]…

M. Bernard Roman. Du fils et du Saint-Esprit…

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Roman, nous ne sommes plus dimanche !

…[nom de la mère], attestons sur l’honneur que l’enfant [prénoms] est notre premier enfant et déclarons choisir pour lui le nom de famille suivant. »

Viennent ensuite des lignes avec les mentions : « première partie », « deuxième partie ». Les parents peuvent choisir le nom du père seul, le nom de la mère seul, le nom du père plus le nom de la mère, ou bien le nom de la mère plus le nom du père.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et dans l’ordre qu’ils veulent !

M. Erwann Binet, rapporteur. Mais, monsieur Mariton, il arrive – extrêmement rarement – que des couples ne puissent pas se mettre d’accord. Quand cela se produit, la loi doit prévoir quel nom sera attribué à l’enfant.

M. Hervé Mariton. C’est aussi par abstention !

M. Erwann Binet, rapporteur. Laissez-moi vous exposer mes arguments…

M. Hervé Mariton. Vous cherchez à nous enfumer !

M. le président. Monsieur Mariton, s’il vous plaît !

M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, la loi veut que, pour la filiation adoptive, simple ou plénière, le nom de la mère et le nom du père soient accolés, tandis que, pour la filiation par le sang, ne soit retenu que le nom du père.

Or je rappelle que, depuis 2002, le père et la mère exercent en commun l’autorité parentale – article 372 du code civil…

M. Hervé Mariton. On est d’accord !

M. Yves Censi. Cela n’a rien à voir !

M. Jérôme Guedj. Écoutez le rapporteur !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne vois donc pas ce qui justifie en 2013 non pas que l’on efface le nom du père, comme vous l’avez prétendu…

M. Hervé Mariton. Vous renversez la charge de la preuve !

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, ce que vous attendez, vous, c’est l’effacement du nom de la mère : ce n’est plus acceptable en 2013 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Les Français apprécieront !

M. Erwann Binet, rapporteur. Vous vous accrochez au fait qu’en cas de désaccord entre les parents c’est le nom du père qui domine. Or, c’est ce que nous voulons changer. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. Yves Censi. On est dans le confusionnisme le plus total !

M. le président. Si vous trouvez que ce point du texte est important, alors au moins écoutez-vous ! Vous aurez ensuite l’occasion d’intervenir.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Quelle que soit l’heure, il y a plus d’hommes que de femmes dans cette assemblée : c’est un fait, que l’on peut constater aujourd’hui encore.

Parmi les arguments que vous employez pour supprimer les alinéas 1 à 5, vous écrivez textuellement que cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, et que cela sonne le glas de la présomption du nom paternel pour l’enfant.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes d’accord : vous pouvez le dire ! Mais je crois que les propositions faites par le rapporteur vont bien dans le sens de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

M. Hervé Mariton. Qui le demande sur ce sujet ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mais taisez-vous donc, enfin ! Un peu de respect !

M. le président. S’il vous plaît ! Ce point est important, cela vaut la peine de débattre sereinement.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Dans la réalité, au risque de vous décevoir, messieurs, les parents peuvent choisir, ainsi que le rapporteur l’a expliqué, soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’un ou l’autre des sens. C’est uniquement en cas de désaccord – et c’est vraiment très rare – qu’on utilise l’ordre alphabétique.

M. Hervé Mariton. Et les oublis, alors ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ce n’est donc pas une atteinte à votre sens du nom paternel.

M. Yves Censi. Cela n’a rien à voir !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous tenez effectivement à empêcher l’égalité entre les femmes et les hommes ; je crois que c’est bien là le fond réel de votre pensée.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Chers collègues de l’opposition, je ne reviendrai pas sur l’aspect clairsemé de vos rangs – pour des millions de personnes qui ont défilé dans la rue le 13 janvier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Et où est la ministre de la famille ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et que dire du peu de femmes – il n’en reste qu’une et je la salue ! – alors que la mixité à gauche est beaucoup plus importante. (Mêmes mouvements.)

Je suis assez étonnée qu’en 2013, vous insistiez encore sur le côté patriarcal de notre société.

M. Philippe Gosselin. Mais non, pas du tout !

M. Yves Censi. Vous ne savez pas ce que cela signifie !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, je vais être brève : monsieur Mariton, vous nous dites qu’il y a inversion de la charge de la preuve. Pardonnez-moi, mais il faudrait peut-être que vous prouviez votre paternité avant de donner votre nom !

Que peut bien signifier l’idée d’inversion de la charge de la preuve en 2013, alors qu’un homme est égal à une femme ? Voilà la question que je pose ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dhuicq. On ne peut pas faire la preuve de la filiation ! Votre autisme est aberrant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les arguments présentés par l’opposition ont contribué de façon assez dense à entretenir la confusion dans le débat, en y incluant des éléments qui n’avaient pas à l’être.

Le Gouvernement émet un avis défavorable à ces amendements de suppression, qui concernent une disposition introduite par la commission des lois lors de ses travaux, dont je rappelle qu’ils ont été extrêmement fructueux.

Le Gouvernement n’ignore pas la dimension symbolique et également généalogique des dispositions qui étaient contenues dans le code civil pour l’attribution du nom.

Pour ces raisons, nous considérons que le sujet mérite d’être encore discuté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Bravo !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes persuadés qu’il peut encore mûrir pendant la navette parlementaire, et nous verrons bien ce qu’il en adviendra. En tout état de cause, je pense qu’il faut prendre les choses telles qu’elles se présentent, et non pas telles que vous les projetez.

L’option choisie par la commission des lois est totalement cohérente et logique ; elle n’éteint pas et n’assèche pas les interrogations sur l’attribution du nom en cas de désaccord ou d’omission, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

M. Hervé Mariton. C’est une possibilité.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. N’en faites donc pas un univers en soi.

Voilà donc la position du Gouvernement, qui s’oppose très clairement à ces amendements de suppression.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 78 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Je pense que le message est bien passé. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de bien vouloir réexaminer cela lors de la navette, si j’ai bien compris.

Pouvons-nous considérer par conséquent que vous reprenez nos amendements, si je traduis bien votre pensée ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non ! Les parlementaires feront leur travail !

Mme Claudine Schmid. Nous savons comment les parlementaires socialistes font leur travail : ils sont aux ordres du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais de vos collègues du Sénat !

Mme Claudine Schmid. Vous pensez bien que nous ne pouvons pas accepter cette rédaction, car il y a un doute pour les familles et les couples hétérosexuels. Il aurait donc sans doute été préférable de préciser dans l’amendement que ce dispositif était réservé aux familles homoparentales, cela aurait été beaucoup plus précis. De cette façon, il n’y aurait pas de discussion sur ce sujet, et aucun doute n’aurait été créé pour les familles hétérosexuelles.

Nous sommes dans l’obligation de demander la suppression de cet article dans sa rédaction actuelle.

M. le président. La parole est à M. François André.

M. François André. Le nom est constitutif de l’identité : c’est un héritage.

M. Philippe Vitel. Nous sommes bien d’accord !

M. François André. Pendant des siècles, le nom porté était celui de l’homme ; la femme, qu’elle soit épouse, mère ou fille, construisait sa vie dans l’ombre.

C’est un symbole mais, en droit commun comme en cas d’adoption plénière par le conjoint, le désaccord sur le patronyme est toujours tranché au bénéfice de celui du père. Ainsi, que cela soit dans le cadre d’une filiation de sang ou dans le cadre d’une adoption, un déséquilibre entre les deux parents est maintenu.

Notre proposition d’article est donc conçue pour que, en cas de désaccord, j’insiste sur ce terme, l’enfant ne se voit pas privé du nom de l’un de ses ascendants. Les familles homoparentales et hétéroparentales seront donc égales en ce domaine. Les deux noms, par ordre alphabétique, seront ceux de l’enfant, si un désaccord existe entre ses parents.

Monsieur Mariton, ce n’est pas un quelconque vaguemestre qui sera chargé d’expliquer cela aux parents concernés, mais tout simplement, comme l’a indiqué le rapporteur, les officiers d’état civil à l’appui des documents administratifs existants.

M. Hervé Mariton. Mais cela ne marche pas comme ça ! Avez-vous vu comme cela se passe dans les maternités ?

M. François André. Mes chers collègues, il est ironique qu’il ait fallu attendre ce projet de loi pour, avec bon sens et intelligence, en finir avec cette hiérarchisation symbolique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. François André. C’est sans doute, mesdames et messieurs de l’opposition, au nom de la loi de la nature que vous réclamez la suppression de cet article. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. N’importe quoi !

M. François André. Je crois que nous apportons ainsi la preuve que l’intérêt de l’enfant, par la reconnaissance égale de ses deux héritages, est le nôtre.

C’est la raison pour laquelle le groupe SRC votera contre ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. En quelques mots, je voudrais démontrer que l’opposition fait preuve de reconnaissance envers Mme la garde des sceaux pour son écoute.

Il existait en effet une vraie difficulté : le vote sera ce qu’il sera, mais ce qui est intéressant, c’est que la navette se poursuivra, permettant ainsi, en dehors de tout dogmatisme et de tout parti pris, de revoir les choses. Le travail d’opposition que nous venons d’effectuer démontre que nous essayons de le faire avec honnêteté, avec conviction, avec force, dans l’intérêt général.

Je remercie Mme la ministre d’avoir su se montrer à l’écoute. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La présidente de la commission des affaires sociales a fait tout à l’heure une réflexion extrêmement fine sur la présomption de paternité, qui pouvait me concerner ; je vous remercie, madame, et je transmettrai…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais non, je ne vous visais pas !

M. Hervé Mariton. Vous avez toutefois, d’une certaine manière, illustré quelque chose d’intéressant en disant cela. En effet, la conséquence du texte que nous avons à examiner sera l’affaiblissement de la présomption de paternité ; on l’a constaté dans diverses dispositions. Or, la présomption de paternité est une dimension importante du mariage.

Dois-je vous rappeler les positions de Mme Mazetier, pas seulement sur l’école maternelle – nous en avons déjà parlé – mais aussi sur la suppression de la présomption de paternité ?

Concernant les couples de même sexe, les Verts ont déposé des amendements pour l’introduction d’une présomption de parenté ; combien de temps y résisterez-vous ? Combien de temps direz-vous que la présomption de paternité est maintenue dans un cas, alors que dans d’autres elle ne pourrait l’être ?

M. Philippe Gosselin. C’est une question essentielle !

M. Hervé Mariton. S’agissant du débat que nous venons d’avoir concernant le nom patronymique, c’est aussi, à certains égards, la présomption de paternité qui est en cause. Vous avez raison de faire ce lien, même si je n’ai guère apprécié votre compliment.

Monsieur le rapporteur, j’ai réellement une certaine estime pour vous,…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela ne se ressent pas toujours !

M. Hervé Mariton. …mais cette page du rapport n’est pas convenable, pas plus que les explications que vous avez données depuis à la presse, ou que le brouillard que vous avez assez talentueusement réussi à répandre.

Il ne s’agit pas seulement ici des cas de désaccord entre les parents : cela peut être aussi en cas de réponse rapide – cela existe. Cela peut s’expliquer par une non réponse, ou encore parce que la parturiente n’est pas disponible, parce qu’elle ne peut pas s’exprimer du fait par exemple d’une couche difficile.

Le Gouvernement est dans son rôle de courtoisie lorsqu’il vous répond comme il l’a fait, et au fond, votre réflexion n’est ni indigne, ni méprisable ; mais elle est fausse ! Elle tombe tragiquement à côté de la plaque, à côté des préoccupations du pays.

Il est sage de nous avoir précisé que ce qui vient d’être voté ne resterait pas en l’état. En cette matière, les choses devront revenir vers davantage de raison et – ce n’est pas un gros mot – d’usage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 78 et les amendements identiques n° 394, 403, 604, 708, 976, 1231, 1421, 1589, 1643, 1745, 2221, 3061, 3434, 3802 et 5304.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 139

Nombre de suffrages exprimés 139

Majorité absolue 70

Pour l’adoption 33

contre 106

(L’amendement n° 78 et les amendements identiques n° 394, 403, 604, 708, 976, 1231, 1421, 1589, 1643, 1745, 2221, 3061, 3434, 3802 et 5304 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 79.

M. Marc Le Fur. Il s’agit toujours de la même affaire, mes chers collègues. Le but de cet amendement est de supprimer les alinéas 1 à 5.

Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article remet en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. Nous l’avons bien vu, les uns et les autres, nous l’avons expliqué, et, visiblement, Mme la ministre l’a compris.

Cela constitue un préjudice à la fois symbolique et pratique, puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la présomption de nom paternel pour l’enfant.

Pour l’anecdote, et pour démontrer l’absurdité de ce système, dans la mesure où l’on prendra systématiquement, lors de l’association des noms, celui qui dans l’ordre alphabétique commence par la lettre la plus proche du A, les annuaires téléphoniques vont devenir absurdes (Sourires.) : il y aura beaucoup de A, beaucoup de B, mais à partir de M, N, etc. il n’y aura plus de nom ! Vous comprenez l’absurdité de ce système ? Revenez à un peu de bon sens et de raison, chers collègues ! Ne laissez pas nos familles confrontées à cette situation !

Autre difficulté : les cousins ne porteront plus le même nom, c’est-à-dire que les grandes familles verront leur solidarité niée ! Voilà les quelques éléments sur lesquels je voulais insister.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 413.

M. Christian Jacob. J’ai eu tout à l’heure l’occasion de m’exprimer sur l’article, mais je vais le faire à nouveau à l’occasion de la défense de cet amendement.

Nous faisons face à un bouleversement dont vous ne mesurez pas les conséquences.

Au-delà de l’identité et de l’identification de chacun, la modification que vous proposez est historique, comme l’a évoqué à l’instant Marc Le Fur. L’originalité de nos noms de famille, et on peut s’en féliciter, est liée à notre histoire, aux métiers. J’aimerais savoir ce que les notaires vous ont répondu si vous les avez auditionnés sur ce sujet car cet article va bouleverser complètement les successions.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela ne change rien !

M. Christian Jacob. Ne hurlez pas, monsieur Le Bouillonnec ! Si vous voulez vous exprimer, prenez le micro !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Expliquez-nous pourquoi cela va changer quelque chose !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, laissez l’orateur s’exprimer !

Monsieur Jacob, veuillez poursuivre.

M. Christian Jacob. Cela posera un problème de succession. Je me souviens d’avoir auditionné les notaires lorsque Ségolène Royal avait modifié l’ordre patronymique et l’accolement de plusieurs noms. À ce moment-là, les notaires avaient réagi.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ça n’avait pas été non plus le chaos !

M. Christian Jacob. Aujourd’hui, on va inverser les choses. Comment vont se faire les déclarations ? Dès lors que ce n’est pas une déclaration commune qui sera faite pour les raisons qui ont été évoquées par Hervé Mariton – il suffit par exemple que la mère de famille soit alitée et qu’elle ne puisse pas faire la déclaration commune – on prendra le nom par ordre alphabétique.

Lorsque l’on doit effectuer des recherches à partir des noms patronymiques, on sera confronté à un bouleversement de l’organisation des familles. Au-delà, tout ce qui a été évoqué sur le caractère identitaire du nom est extrêmement dangereux et je ne vois pas pourquoi vous allez dans cette voie. On est vraiment dans le dogme.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 605.

M. Philippe Gosselin. Je veux revenir quelques instants sur les modalités de déclaration prévues à l’article 2.

Évidemment, c’est l’officier d’état civil qui enregistre la déclaration. Mais en réalité, cela fait belle lurette qu’il ne reçoit plus les parents. On ne naît plus au domicile. C’est le vaguemestre qui passe. Vous pouvez l’appeler autrement si ce terme vous gêne – par exemple agent hospitalier – mais sachez que cela fait longtemps que les familles ne vont plus déclarer elles-mêmes leur propre enfant.

Hervé Mariton a raison : on distribue un document dans votre chambre et vous vous concertez pour le remplir. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais si ! Par moments, je me demande dans quel monde vous vivez ! Elles sont comment vos maternités ? C’est vrai, bientôt on ne pourra plus parler de « maternité », on dira que c’est le lieu ou une personne humaine – on ne pourra plus employer non plus le mot « femme – a accouché.

En tout cas, je vous le dis, c’est le vaguemestre qui dépose la feuille sur laquelle sont notés les différents éléments. Et si on n’est pas précis, on se retrouvera avec des situations complètement ridicules où « à l’insu de leur plein gré » les gens se retrouveront avec un autre nom de famille. Voilà pourquoi il faut être vigilant.

J’ai bien compris que vraisemblablement cet amendement ne prospérera pas, mais je sais que la navette se poursuit et c’est ce qui me paraît le plus important.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 715.

M. Frédéric Reiss. Nous persistons à croire qu’un enfant se construit avec un père et une mère. Depuis des siècles, le système sur lequel est fondée notre société est une généalogie à double lignée, celle du père et celle de la mère. Chaque personne peut ainsi trouver sa place dans le monde où elle vit car elle sait d’où elle vient. Nous sommes sur un modèle qui fonctionne.

Mais le Gouvernement et la majorité aiment bien les refondations. Après la refondation de l’école, vous voulez maintenant refonder le mariage et l’adoption. Mais on risque de rouiller la chaîne des générations de manière irréversible.

Ces dispositions relatives au nom de famille sont une véritable usine à gaz. Elles vont bouleverser d’ailleurs la vie de tous les Français. J’espère que M. Peillon intégrera les mesures relatives au nom de famille dans les programmes de ses cours de morale.

Avec cet article, ce sont encore des lobbies dont les intérêts ne sont pas ceux de l’enfant qui sont à l’œuvre. La démonstration que le rapporteur a faite tout à l’heure ne nous a absolument pas convaincus. Les notaires et les généalogistes vont certainement beaucoup s’amuser.

M. Marc Le Fur. Les avocats aussi !

M. Frédéric Reiss. Voilà pourquoi je propose la suppression des alinéas 1 à 5 de l’article 2.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 400.

M. Hervé Mariton. J’ai dit à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas citer ses expériences personnelles mais au point où nous en sommes je peux bien vous faire part de la mienne.

Nous avons eu quatre enfants qui sont nés soit à l’hôpital de Valence, soit à celui de Die, mais surtout à celui de Valence puisque c’est un établissement plus important.

C’est une vraie bataille que de vouloir aller déclarer son enfant car tout le système de l’établissement est organisé pour qu’un vaguemestre passe rapidement. Mais les parents n’ont pas toujours tous les éléments d’information et toute la disponibilité pour être pleinement renseignés.

M. Luc Belot. C’était il y a longtemps !

M. Hervé Mariton. Ce n’était pas il y a soixante ans, mais je ne suis pas sûr que les choses se soient arrangées depuis !

Comme j’ai un peu l’esprit d’objection et que cela me paraissait important ainsi qu’à mon épouse d’aller moi-même déclarer les enfants, c’est ce que j’ai fait. Mais c’est vraiment un acte militant.

Dans les situations ordinaires, la démarche ressemble davantage à de la paperasserie administrative. Le risque que les parents ne comprennent pas que, faute de choix express, c’est le double nom qui vient, me paraît extrêmement important.

Et au-delà du risque, c’est un principe qui est chamboulé pour des raisons que vous avez expliquées, que l’on peut entendre mais que nous ne partageons pas.

Je pense que le combat pour l’égalité des femmes, pour la promotion des femmes que nous partageons mérite d’autres réponses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour les femmes, consacrez votre énergie autrement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 981.

M. Philippe Vitel. Ce débat ne fait que confirmer les convictions que j’exposais tout à l’heure. Je plains sincèrement les futures générations de généalogistes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1232.

M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, ma démarche s’inscrit dans la lignée de celle de mes collègues.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1422.

M. Nicolas Dhuicq. Toutes les sociétés humaines ont été confrontées à la difficulté d’identifier la lignée patrilinéaire. C’est beaucoup plus difficile que la lignée matrilinéaire et nous avons trouvé un système, celui de la transmission du patronyme.

Votre article va bouleverser totalement l’organisation et la structure de la société et vous confondez la transmission du nom du père avec une domination masculine. La position paternelle est infiniment plus fragile que la position maternelle. À terme, je redoute que vous soyez les instruments voire les idiots utiles, pour parler comme certains, qui connaissaient bien la prise du pouvoir et la politique, au service d’une idéologie délétère qui, à terme, voudra supprimer purement et simplement le principe masculin des sociétés humaines.

Et même si certains ne comprendront pas l’allusion littéraire, je dirai que même si au crépuscule nous n’étions plus que sept cavaliers à sortir par la porte de l’ouest, nous n’aurions pas pour autant déraison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1590.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela fait deux fois déjà que nous disons, contrairement à ce que Mme la ministre a déclaré ces derniers mois, que le texte que nous sommes en train de débattre retire quelque chose aux familles qui ne sont pas directement concernées par l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

À l’article 16 bis qui porte sur une modification du code du travail, nous verrons qu’à nouveau parce qu’on souhaite que toutes les situations soient couvertes – c’est votre cohérence et je la comprends même si je ne la partage pas – qu’on soit dans une inégalité parfaite – et je vois Mme Narassiguin opiner du chef – on est amené à introduire des dispositions à l’aide d’un chausse-pied. À vouloir trop renforcer certaines situations minoritaires malgré tout en termes de nombre on affaiblit par contrecoup les situations qui par ailleurs concernent les personnes majoritairement.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1653.

M. Yves Fromion. Nous reprenons toujours les mêmes arguments car ils sont forts et de bon sens.

Comme vient de le dire M. Poisson, les couples hétérosexuels qui, dans leur grande majorité, s’imaginaient ne pas être concernés par la loi dont nous discutons vont découvrir qu’au contraire ils seront sans doute concernés de façon plus forte qu’ils ne pouvaient l’imaginer et que vous ne l’imaginez vous-mêmes. Cela va engendrer du ressentiment dans l’opinion publique.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1746.

M. Guillaume Chevrollier. Après l’article 1er qui constitue une réforme de civilisation, nous en venons à l’article 2 qui vise à refonder l’état civil. Cette évolution importante ne répond à aucune demande et elle trahit bien la propension de la majorité à mettre à mal le modèle de la famille qui était le nôtre depuis des générations.

Avec cet article, vous mettez à mal la place du père et l’automatisme de la transmission de son nom. Vous le niez et tout ce projet revient à effacer les références au père et à la mère. Vous complétez la généalogie et détruisez les schémas classiques que sont les arbres généalogiques. Vous allez compliquer les déclarations de naissance et l’état civil des enfants futurs qui se retrouveront avec des noms à rallonge dont le format ne convient guère aux formalités administratives si nombreuses dans notre pays. Bref, à l’image de ce texte, cet article traduit bien le travail de casse et de sape auquel aboutira ce projet de loi. De grâce, supprimez cet article !

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2223.

M. André Schneider. Je ne comprends pas l’acharnement de mes collègues socialistes à vouloir tout détricoter. Je pourrais citer de nombreux exemples depuis le 6 mai dernier, mais restons-en à ce qui nous préoccupe aujourd’hui. Pourquoi diantre vouloir absolument tout et toujours remettre en cause ? Vous détricotez. Mais avez-vous vraiment les bonnes aiguilles pour bien retricoter ? Votre tricot risque de devenir stérile.

S’il vous plaît, faites preuve d’un peu de raison, ne changez pas toujours tout de A à Z. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas aboutir à un accord sur ces alinéas. La nuit devrait porter conseil et vous amener à nous suivre.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3062.

M. Patrick Hetzel. En tout état de cause, nous avons quand même au moins une bonne raison de nous réjouir : alors que, pendant très longtemps, la gauche pourfendait le mariage, aujourd’hui elle s’y accroche et c’est important car on voit un attachement à cette institution.

Ce dont nous sommes en train de parler, ce sont des enfants nés à l’intérieur d’un mariage. Or, il y a un usage : celui de la manière dont le patronyme est transmis.

On a pu le dire à plusieurs reprises et je me répète peut-être, mais c’est plurimillénaire : le patronyme est transmis par le père. La question qu’il faut vraiment se poser, c’est pourquoi le patronyme est-il transmis par le père à l’intérieur de l’institution du mariage ? Eh bien tout simplement parce que, pour un enfant, la mère est automatiquement connue, puisque c’est elle qui donne la vie.

Donc, pour créer un lien indissociable et faire en sorte que les choses soient extrêmement charnelles et consubstantielles, la mère donne la vie et le père, quant à lui, donne le nom. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sergio Coronado. C’est incroyable !

M. Patrick Hetzel. Cet usage plurimillénaire, vous voudriez le rayer d’un trait de plume. Vous ne réalisez pas que vous êtes en train de toucher à un sujet de civilisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3816.

M. Yves Censi. Je voudrais d’abord, malgré nos désaccords, exprimer ma reconnaissance envers Mme le garde des sceaux qui est la première, dans vos rangs, à avoir évoqué la question de l’ordre symbolique. C’est un peu dans ce sens qu’elle a dit qu’il fallait faire attention.

J’ai vu la présidente de la commission des affaires sociales, persuadée qu’elle défendait exclusivement le principe d’égalité, se précipiter sur le micro de manière extrêmement combative en disant : « Maintenant ça suffit, la domination du mâle sur la femme… » (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je le fais exprès, comme j’ai employé tout à l’heure à dessein le terme de « patriarcal ». Il n’est pas question de stigmatiser ce qui est le fruit d’une culture, quelque chose qui s’est construit peu à peu, qui se respecte, qui a des aspects positifs, qui a des revers également, mais ce n’est qu’avec une extrême prudence qu’on peut y toucher, exactement comme le disait notre collègue Dhuicq. Vous avez ri, mais j’espère que vous avez apprécié tout de même la richesse de sa réflexion.

Quand on emploie mal le concept d’égalité, on tombe dans l’égalitarisme, dans l’uniformisation, dans l’acculturation. Ce que vous faites là, c’est une suppression de la diversité des cultures, c’est au fond une acculturation et c’est très grave.

Ce qu’on vous demande, c’est de réfréner vos ardeurs et de réfléchir un petit peu à cette uniformisation que vous concevez comme un jeu de dominos : « Nous transformons le mariage, donc tout ce qui suit doit changer. » Ce n’est pas comme cela que cela se passe dans la réalité !

M. le président. Sur le vote de l’amendement nos 79 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. C’est le même débat et les mêmes observations que tout à l’heure.

M. Yves Fromion. C’est funèbre !

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. C’est en effet le même débat. Moi, j’entends les arguments de prudence sur la dimension symbolique, mais ce mouvement ne date pas de ce texte-là. Déjà en 2002…

M. Bruno Le Roux. 2002 !

M. Razzy Hammadi. …était donné le choix, la possibilité, de mettre tant le nom paternel que le nom maternel, parce que la défense de l’un n’est pas l’ignorance de l’autre.

Quand vous parlez de la « famille traditionnelle », on aura noté que nous ne sommes pas d’accord. J’ai aussi le sentiment, quand M. Mariton nous dit : « de grâce, pour les femmes, occupez-vous d’autre chose mais pas de cela », que nous n’avons pas le même point de vue. Nous, nous considérons que c’est quelque chose d’important. C’est un combat qui est mené depuis des années. Vous parliez de renversement de la charge de la preuve : le rapporteur a ici précisé les cas où il y aurait les deux noms, que ce soit dans la filiation biologique ou dans la filiation adoptive.

J’entendais tout à l’heure : « Vous êtes obsédés par l’égalité. » Oui, c’est notre obsession ! Oui, nous nous battons pour cela, que ce soit pour les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, ou au sein des couples, dans cette capacité à transmettre les noms.

Dernière chose : je ne comprends pas pourquoi vous opposez les deux, pourquoi il y aurait une primauté de l’un par rapport à l’autre. Nous donnons là un droit supplémentaire. Vous disiez que ce texte allait venir bouleverser ce pour quoi rien ne devait changer. Mais nous apportons quelque chose de supplémentaire, cette possibilité d’une transmission, à égalité, du nom du père et du nom de la mère lorsque justement il n’y a pas d’accord.

Vous parlez à l’envi de tradition… Eh bien, dans ce domaine-là, au regard du combat féministe, la tradition par tradition est amenée à changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Sans doute du passé faut-il faire table rase… Oui, il est important de faire en sorte que les conditions salariales des femmes soient davantage égales à celles des hommes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) ; oui, il est important que les chances dans la vie, les perspectives de promotion sociale soient égales (Mêmes mouvements.) ; oui, il est important, en consacrant notre travail à d’autres sujets aussi, de faire en sorte que la situation matérielle, la situation de l’emploi dans notre pays s’améliore.

Mais connaissez-vous un français qui revendique ce que vous êtes en train de faire ?

Mme Corinne Narassiguin. Oui !

M. Hervé Mariton. Peut-être vous. Simplement, autant la France est représentée dans cet hémicycle, et nous la représentons tous, je ne vous le conteste pas, autant la France ne se résume pas à cet hémicycle.

Je me permets aussi de vous rappeler que, si vous regardez dans les autres pays du monde, la situation française est une situation d’équilibre dans ce domaine. Le président Urvoas, dans un des rares moments de courtoisie qu’il m’ait accordé, m’avait encouragé à chanter. Je connais un peu la Russie, où non seulement vous avez un prénom et un nom, mais aussi un patronyme, parce que le lien, la filiation, s’inscrivent aussi dans la transmission du prénom du père. Ce n’est pas l’usage français, qui est moins déséquilibré.

Le cas russe n’est pas un cas unique. Mesurez combien cette présence du père est quelque chose d’important dans la transmission du nom. La France s’est sans doute honorée en permettant que, si les parents le veulent, ils fassent autrement. Mais faut-il déséquilibrer le système actuel, faut-il rompre des usages, poser aux Français des questions qu’ils ne vous demandent pas d’aborder ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je conteste totalement l’affirmation selon laquelle le dispositif adopté provoquerait un bouleversement dans l’affectation des patronymes. En mars 2002 – cela fait donc onze ans – le dispositif a été mis en place. Il a été corroboré en juillet 2003, après un changement de législature, et il a été enfin complété par une ordonnance de 2005 qui prescrivait notamment qu’une fois que le patronyme était donné au premier enfant, tous les autres le gardaient : c’était une ordonnance de 2005.

La situation actuelle, mes chers collègues, est très claire et très simple : les parents font ensemble une déclaration donnant le nom de l’enfant. Le nom du père s’ils le veulent, le nom de la mère s’ils le veulent, les noms des deux parents s’ils le souhaitent et dans l’ordre qu’ils souhaitent. C’est le principe. L’exception, la situation particulière, c’est lorsqu’ils ne font pas la déclaration conjointe : à ce moment-là, le texte actuel prévoit que c’est le nom du père. Eh bien, le seul changement qui est apporté, c’est que lorsque les parents ne se sont pas exprimés, ce ne sera plus la systématisation du nom du père mais – excusez le principe – les noms des deux parents.

Moi, je considère que ce n’est pas un bouleversement, et il serait intéressant que la chancellerie se renseigne pour savoir de quelle manière au cours de ces cinq dernières années a été utilisé le double nom. Vous allez constater, mes chers collègues, que la connaissance que vous avez de la société vous fuit entre les mains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), parce qu’actuellement, l’utilisation des deux noms devient la plus importante dans les processus de déclaration.

Vous levez les bras, monsieur Mariton, mais moi je vous confirme que c’est le système actuel et, pour ceux qui sont mariés, c’est une précaution que suggèrent souvent des conseillers, parce que le jour où survient le divorce, les enfants ne sont pas confrontés à un problème de patronyme.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 79 et les amendements identiques nos 413, 605, 715, 400, 981, 1232, 1422, 1590, 1653, 1746, 2223, 3062 et 3816.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 127

Nombre de suffrages exprimés 126

Majorité absolue 64

Pour l’adoption 32

contre 94

(Les amendements nos 79, 413, 605, 715, 400, 981, 1232, 1422, 1590, 1653, 1746, 2223, 3062 et 3816 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2004.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3 du dispositif. Nous nous sommes exprimés de manière extrêmement claire. Au fond, après que le sujet a été volontairement masqué, aujourd’hui chacun peut avoir des positions différentes – j’ai entendu M. Hammadi – et au moins les réalités sont assumées : cela, c’est un vrai progrès. Cela montre au passage qu’une discussion parlementaire peut servir à quelque chose : quand un sujet est volontairement embrouillé et qu’on arrive à avoir un échange, ce qui n’a pas été fréquent dans ce débat, cela sert à quelque chose !

Nous disons simplement que l’usage est quelque chose d’important et que s’il ne porte pas préjudice, il n’y a pas de raison de le jeter par-dessus bord. Il peut arriver que des usages doivent être remis en question, nous ne le contestons pas, nous ne sommes pas statiques. Mais cet usage ne porte pas préjudice, personne ne demande à le mettre en cause, sauf dans une approche intégriste, idéologue, qui ne caractérise que trop l’ensemble du projet et les évolutions que vous voulez lui donner.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2980.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mes collègues et moi-même avons déjà largement défendu cet amendement sur le fond.

Je voudrais vous dire, monsieur Le Bouillonnec, que nous n’avons pas dit autre chose que ce que vous avez dit, presque au mot près, en termes d’explication du contenu du texte. La différence entre votre appréciation et la nôtre, c’est que vous considérez que cela ne change pas grand-chose, alors que nous considérons que cela change beaucoup de choses. Ce n’est pas sur le contenu de la formulation que nous sommes en désaccord, mais sur sa portée symbolique. Ce qui me conduit à redire ce que je disais tout à l’heure à Mme la garde des sceaux : ici comme dans deux autres endroits du texte, les changements débordent assez largement la matière apparente du projet de loi qui nous est soumis. C’est simplement ce que je voulais dire, à cette heure de la matinée.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4276.

M. Marc Le Fur. Je comprends mieux que l’on ait souhaité prolonger nos débats en pleine nuit, dans la pénombre, à l’abri du regard de nos concitoyens : c’est qu’il fallait évidemment leur cacher tout cela. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je comprends mieux.

M. Philippe Gosselin. Et nous l’avons mis en lumière !

M. Marc Le Fur. Nous avons fait notre travail d’opposants…

M. Philippe Gosselin. D’opposants constructifs !

M. Marc Le Fur. …en révélant un certain nombre de choses.

Deuxièmement, je ne sais pas si c’est votre cas, mais moi, dans ma permanence, je suis surpris d’une certaine révolte des pères. Souvent, ils contestent des jugements de divorce, ils ont le sentiment d’être mis à l’écart. C’est une réalité sociologique, qui est soulignée par bon nombre d’experts. Tenons-en compte également dans la réforme du nom de famille.

Troisièmement, si vous supprimez la transmission culturelle – dont le fondement est le nom –, vous aboutirez à une famille qui résultera uniquement du génétique, mes chers collègues. Le vrai sujet, c’est qu’il faut donner du corps à cette transmission culturelle. Et le nom dont je parle, c’est celui de la grande famille, celle des cousins qui portent le même nom, ce qui fait naître entre eux une solidarité que vous ferez disparaître par les évolutions que vous préconisez.

Enfin, et je ne veux absolument pas vous comparer à ceux qui ont été à l’initiative de ce que je vais décrire, mais rappelez-vous-en : à Phnom Penh, la première chose que les Khmers rouges ont cassée, ce sont les noms de famille. Ils les ont même interdits, il faut que vous le sachiez.

M. Jérôme Guedj. C’est n’importe quoi !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Le groupe UMP est bien sûr favorable à ces amendements. Toutes nos explications ont bien mis en lumière la portée symbolique de ces modifications : réforme de la civilisation, refondation de l’état civil et perte des repères essentiels dans notre société.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 123

Nombre de suffrages exprimés 123

Majorité absolue 62

Pour l’adoption 32

contre 91

(Les amendements identiques n°s 2004, 2980 et 4276 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un – dernier – rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je crois que nous avons tous à cœur la nécessaire rénovation du travail parlementaire et son adaptation permanente. J’adore travailler, et travailler de dix heures à huit heures le lendemain, je n’y ai pas d’objection personnelle. Mais ce n’est pas comme cela que l’on peut faire au mieux la loi de la République.

M. Jérôme Guedj. Déposez moins d’amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Non ! On ne peut pas et on ne doit pas conditionner la rénovation du travail parlementaire – et en particulier, s’il vous plaît, évitez de tenir des séances qui durent de dix heures à huit heures le lendemain, soit pendant vingt-deux heures – à l’abandon de la liberté et du droit d’amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors, vous devez assumer l’exercice que vous faites de ce droit !

M. Hervé Mariton. Indépendamment même du débat sur le temps programmé – il fut un temps où vous le considériez comme une abomination –, je pense qu’il est de bonne pratique, et de bonne législation, d’éviter absolument des séances de cette nature.

Monsieur le président, peut-être pensons-nous que nos concitoyens sont admiratifs quand ils nous voient travailler de dix heures à huit heures le lendemain. Je n’en suis pas sûr. Je pense que beaucoup d’entre eux doivent se dire : oh là là ! dans quel état sont-ils, et quelle qualité de loi font-ils ? Et ils ont peut-être des raisons de se poser cette question. En tout cas, cela n’est pas raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Mariton, mes chers collègues, j’entends les grandes déclarations. Mais à un moment donné, il y a la réalité. Au moment où je m’exprime devant vous, je ne suis pas certain que nous ne soyons pas obligés de travailler encore samedi et dimanche prochains. Au moment où je vous parle, il reste encore 3 211 amendements à examiner !

J’entends ce que vous dites sur le droit d’amendement, monsieur Mariton, mais comme j’ai eu l’occasion de le dire, notamment au président Jacob, il y a amendement et amendement : il y a des amendements qui sont déposés pour gagner du temps et il y a des amendements de fond.

Durant ce week-end, ce fut très agréable de vous entendre, les uns et les autres, avec votre fougue et votre talent, mais la séance qui s’achève plaide pour le temps législatif programmé. Sur un certain nombre de sujets, il y a eu un débat de fond, mais sur certaines séries d’amendements, je connaissais presque par cœur les propos qui allaient être tenus par les uns et par les autres. Monsieur Mariton, vous m’avez dit à plusieurs reprises que nous devions repenser notre manière de travailler. Je suis sûr que cela passera – notamment si nous votons un jour la fin du cumul des mandats (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC) – par un temps beaucoup plus riche pour les parlementaires lorsqu’ils siégeront.

M. Hervé Mariton. Quel rapport avec le sujet ? Nous cumulons les mandats et nous sommes là !

M. le président. En tous les cas, je vous le redis, cela a été un plaisir de vous entendre, les uns et les autres.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je suis persuadé que je parle au nom de l’ensemble des collègues qui ont siégé de manière discontinue en vous remerciant pour l’autorité compréhensive dont vous avez fait preuve durant tous ces travaux. Cela a été un plaisir de travailler sous votre responsabilité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, puisque nous avons presque convolé ensemble pendant deux jours et deux nuits (Sourires.), je voulais moi aussi vous remercier pour l’excellente qualité de votre présidence, qui a beaucoup contribué à la celle de nos travaux.

Je voulais également remercier les députés, qui ont enrichi le texte, qui ont voté avec lucidité, qui n’ont rien laissé passer, ni dans la majorité ni dans l’opposition. Je crois qu’un très bon travail parlementaire a été accompli. Je suis heureuse d’y avoir contribué. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci, madame la garde des sceaux. Pour bon nombre d’entre nous, cela a été un plaisir de pouvoir vous accompagner à l’occasion de votre anniversaire.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Louis XVI, dans ses derniers instants, a demandé si l’on avait des nouvelles de M. de La Pérouse. A-t-on des nouvelles de Mme la ministre de la famille ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

2
Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à seize heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à sept heures cinquante-cinq.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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