M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par son Président, M. Soungalo Apollinaire Ouattara. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
2
Questions au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe Union des démocrates et indépendants.
PMA et GPA
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.
M. Jean-Christophe Fromantin. Ma question s’adresse au ministre qui voudra bien me répondre, compte tenu des positions diverses dans le gouvernement sur la PMA et la GPA. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
Si, au sein de notre groupe, nous avons des positions différentes sur le mariage et l’adoption, nos attentes sont néanmoins extrêmement fortes sur la PMA et la GPA.
Or, depuis quelques jours, nous assistons à une cacophonie extraordinaire. La ministre chargée de la famille, la ministre de la santé ou le porte-parole du Gouvernement sont pour la GPA, la position du ministre de l’intérieur est plus nuancée car il craint la GPA, la garde des sceaux est très mal à l’aise et attend une position sur le code de la santé publique, le chef du gouvernement répond qu’il faut attendre la position du comité consultatif national d’éthique, qui, du coup, s’est autosaisi de ce dossier qui gravite au-dessus de nos débats. Enfin, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, nous dit « Moi je considère qu’il s’agit d’un engagement du président de la République. Il en a parlé pendant la campagne électorale et je m’en suis assuré auprès de lui ».
Notre question est donc extrêmement simple et nécessaire à la sérénité des débats sur le mariage pour tous qui se poursuivent : le Président de la République et son Gouvernement souhaitent-ils oui ou non, et ce quel que soit l’avis du comité national d’éthique, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et, au nom du principe d’égalité que vous évoquez sans arrêt, la légalisation de la GPA ?
Merci beaucoup de nous donner ces éclaircissements qui sont aujourd’hui nécessaires. (Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, il faut distinguer la réponse du Gouvernement sur la GPA et celle sur la PMA, même si vous avez abordé les deux sujets.
Sur la GPA, sa position est très précise, le Gouvernement est hostile à la GPA, il ne propose rien sur le sujet, ni dans ce texte ni dans un autre texte à venir. Cela ne peut pas être plus clair et plus simple.
Sur la PMA, j’ai répondu au nom du Premier ministre que le Gouvernement avait décidé de ne traiter de cette question qu’avec l’ensemble des questions qui seront abordées dans un projet de loi sur la famille que nous déposerons à la fin de l’année après avoir pris connaissance de l’avis du conseil national d’éthique.
M. François Rochebloine. Ce n’est pas ce qu’il a dit dimanche.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous avez cru déceler des positions différentes du Gouvernement (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI, plusieurs députés du groupe UMP applaudissant), notamment dans la déclaration du Premier ministre.
Dimanche matin, et je défie quiconque de prétendre que les propos que je vais tenir ne sont pas ceux du compte rendu, Mme Bertinotti a expliqué qu’on ne traiterait de la PMA que dans la loi sur la famille à la fin de l’année.
Ensuite, vous vous êtes emparés d’une dépêche précisant que Mme Bertinotti ne pouvait dire cela parce qu’il fallait attendre l’avis du conseil national d’éthique.
Ce que vous avez tous oublié de faire, c’est de voir à quelle question répondait le Premier ministre. Le journaliste indiquait que Mme Bertinotti avait annoncé que le projet serait examiné au mois de mars.
En réalité, le Premier ministre a toujours dit la même chose et, s’il y avait une erreur, c’était dans la question et non dans la réponse. (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. Pierre Lellouche. Ça rame !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je sais bien que cela vous gêne mais telle est la réalité de la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
PMA et loi sur la famille
M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.
Mme Véronique Massonneau. Monsieur le Premier ministre, l’Assemblée nationale examine depuis une semaine un texte historique : le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Je peux vous affirmer, et je pense pouvoir y associer l’ensemble des députés de la majorité, que nous sommes fiers de voter ce texte.
J’en profite d’ailleurs pour remercier Mme Taubira et Mme Bertinotti pour leur disponibilité et leur travail monumental. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)
Cette loi sera une grande avancée sociétale, une grande avancée pour l’égalité des droits. Et, dans ce schéma d’égalité des droits, nous devons inscrire la procréation médicalement assistée. Car oui, chers collègues de l’opposition, nous sommes obsédés par l’égalité ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
Autoriser la PMA pour les couples de femmes sera une œuvre d’égalité. J’ai du mal à comprendre les objections émanant des bancs de l’opposition à l’égard de cette pratique. Vous craignez que le nombre d’enfants adoptables diminue : la PMA permettra à des couples de ne pas avoir recours à l’adoption. Vous exigez des parents biologiques : l’une des mères du couple sera la mère biologique de l’enfant. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Vous devriez donc au contraire être les plus grands défenseurs de la PMA !
La saisine du comité national d’éthique est une procédure qui s’entend, mais je rappelle que l’avis rendu par ce comité est consultatif et non coercitif. (Mêmes mouvements.) Je rappelle également à ceux qui considèrent que la PMA doit s’intégrer à une loi de bioéthique que cette pratique a déjà été abordée dans un tel projet de loi et que celui-ci fut adopté, autorisant ainsi la PMA sur notre territoire. Sous quel prétexte devrait-on alors réviser une pratique existante ?
La question que je vous pose aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, a un impact au-delà de notre hémicycle et de la simple idéologie politique. Les réponses que vous nous apporterez s’adresseront à toutes ces femmes ayant un désir de famille, et c’est à elles que je pense cet après-midi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aussi, pourriez-vous nous éclairer sur le calendrier à venir concernant la loi « Famille » et nous réaffirmer la volonté du Gouvernement d’y intégrer la PMA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la députée, je vous remercie infiniment de votre question et des éléments qu’elle comporte. Vous avez raison de rappeler que la procréation médicalement assistée est le produit d’une histoire déjà ancienne. C’est en 1973 qu’ont été créés les CECOS, en 1982 qu’a eu lieu la première fécondation in vitro, en 1994 que les premières lois bioéthiques ont défini l’assistance médicale à la procréation : « pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».
Depuis plusieurs années, environ 1 500 enfants naissent chaque année en France par insémination artificielle. On ne peut donc pas dire que l’on découvre ce qui ressort de la procréation médicalement assistée.
Un député du groupe UMP. La réponse !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour répondre à votre question (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI) et compléter ce qu’Alain Vidalies vient de dire et de confirmer une énième fois, la loi « Famille » sera présentée à la représentation nationale avant la fin de l’année, la procédure du comité national d’éthique et celle des états généraux n’étant pas incompatibles avec ce calendrier. La question de la PMA sera abordée dans le cadre de cette loi, qui s’adressera indifféremment aux familles hétérosexuelles et homosexuelles. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Et je vous rassure : la majorité et le Gouvernement sont solides et solidaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Difficultés économiques du pays
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le Premier ministre, la situation économique de notre pays est grave. La France traverse une crise, crise que vous avez niée pendant la campagne présidentielle. Vous devez désormais affronter la réalité. Arrêtez d’accuser vos prédécesseurs et de détruire ce qu’ils ont fait. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) La croissance n’est plus là, le chômage atteint des taux inégalés et les plans sociaux se multiplient.
Votre gouvernement est à la pêche aux repreneurs, mais comment voulez-vous que les repreneurs fassent confiance à un pays qui n’engage pas les réformes structurelles dont il a besoin et qui cloue au pilori les entrepreneurs ? Comment voulez-vous que les repreneurs viennent dans un pays où le nombre des impôts et taxes augmente sans cesse, où prédomine l’instabilité juridique en matière fiscale et sociale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les médias parlent des grands groupes, mais il vous faut aussi entendre les difficultés de nos PME et TPE. Elles sont inquiètes pour leur avenir, elles n’ont aucune visibilité. L’emploi est là aussi menacé, dans le bâtiment notamment. Or ces entreprises constituent le terreau économique de nos territoires ruraux.
Vous allez nous répondre « emplois d’avenir », « contrat de génération », mais ce ne sont pas les bonnes solutions. Votre plan de compétitivité n’est pas non plus à la hauteur. Notre pays s’appauvrit ; les Français le vivent. Nos partenaires européens sont inquiets. Notre image à l’international se dégrade.
Monsieur le Premier ministre, au lieu de saper notre pays avec vos lois sociétales qui divisent profondément les Français, agissez pour le redressement économique, arrêtez l’exil de nos diplômés, de nos créateurs d’entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Créez l’unité nationale autour de vraies réformes courageuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, j’avoue que je ne comprends absolument pas le sens de ce type de question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me tourne vers ceux qui nous regardent. Passer son temps à dénigrer son propre pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors qu’il est la cinquième puissance économique du monde, qu’il est le pilier de la construction européenne avec l’Allemagne, et que nous sommes en outre en train d’engager son redressement, c’est un acte antipatriotique, dont la vanité et la vacuité ne peuvent que frapper. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. S’il vous plaît !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne veux pas rappeler éternellement votre bilan, mais c’est ce gouvernement qui entreprend une politique de redressement après les déficits que vous avez laissés, et en particulier le considérable déficit du commerce extérieur qui signe une perte de compétitivité. L’attractivité de notre territoire reste intacte mais c’est nous qui sommes en train de réparer ce que vous avez défait, non pas pendant cinq ans, mais pendant dix ans ! (Mêmes mouvements.) C’est la leçon du rapport Gallois : vous devriez l’entendre.
Quant aux politiques structurelles, regardez ce qu’est la situation du pays. L’euro va mieux car nous avons agi afin de le stabiliser, les déficits de réduisent car nous prenons des mesures utiles (Brouhaha sur les bancs des groupes UMP et UDI), et surtout nous sommes en train, avec le pacte de compétitivité, de recréer pour les entreprises les conditions qui leur permettent à nouveau d’investir et d’embaucher.
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Céleste Lett. C’est du pipeau !
Mme Laure de La Raudière. Après avoir augmenté les impôts de 4 milliards !
M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ce qui a été fait ce matin, lors de la conférence nationale de l’industrie réunie autour d’Arnaud Montebourg.
Vous parlez d’unité. C’est bien à cela que je vous appelle : unité et dignité. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Les Français qui nous écoutent et nous regardent attendent que nous soyons tous mobilisés aux côtés de nos entreprises, pour la compétitivité du pays, pour l’attractivité de la France.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ils attendent des résultats !
M. Pierre Moscovici, ministre. Ce redressement, nous l’avons entrepris. Il ira au bout, même si cela vous déplaît ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Situation au Mali
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Pierre Dufau. Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.
La liesse populaire qui a accompagné François Hollande à Bamako…
Plusieurs députés du groupe UMP. Y a bien qu’à Bamako !
M. Jean-Pierre Dufau. …a marqué tous les observateurs.
L’accueil reçu par le Président illustre le succès de l’intervention française. Comme il s’y était engagé, François Hollande agit à l’opposé des épisodes peu glorieux de la Françafrique : il est intervenu à la demande pressante du Mali et conformément au mandat de l’ONU.
Aujourd’hui, l’intégrité du Mali est en passe d’être restaurée ; les troupes africaines, maliennes et celles de la MISMA se déploient sur le terrain ; on peut désormais envisager la tenue prochaine d’élections démocratiques et un véritable décollage économique.
La représentation nationale veut rendre hommage à nos soldats, à leur professionnalisme, à leur courage et à leur engagement. L’implication totale du Président, du ministre des affaires étrangères et de vous, monsieur le ministre de la défense, rencontre le soutien de la nation et de ses représentants.
La France a été à la hauteur de ses valeurs, de ses principes et de l’Histoire, en engageant ses forces dans l’opération Serval. Nous ne défendons pas un intérêt économique, mais la paix, la sécurité et la stabilité de toute l’Afrique de l’ouest, menacée par des groupes terroristes, islamistes, et les trafiquants de drogue. Nous avons permis à un peuple ami de se libérer du fanatisme.
Aujourd’hui, l’intervention française est unanimement saluée par la communauté internationale, comme l’a bien exprimé M. Joe Biden, vice-président des États-Unis, lors de son passage en France.
Monsieur le ministre, si la présence française reste nécessaire le temps qu’il faudra, pouvez-vous nous donner la feuille de route du Président de la République et du Gouvernement, après la réussite de cette première phase de l’opération Serval ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Vous l’avez observé, monsieur le député Dufau, le Président de la République a reçu à Bamako et à Tombouctou samedi dernier l’accueil enthousiaste…
Plusieurs députés du groupe UMP. Ça change de la France !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. …d’un peuple qui recouvrait la liberté grâce à l’action de nos forces. Il a été accueilli aux cris de « Vive la France ! », et ces cris s’adressent à nous tous, mesdames et messieurs les députés.
Ceux qui l’accompagnaient ont ressenti à la fois émotion et fierté : émotion devant ce peuple qui quittait la peur pour la liberté et qui saluait l’action de la France ; fierté du travail accompli par nos armées (Applaudissements sur tous les bancs), qui ont fait preuve de sang-froid, de courage et de lucidité tactique.
Pour les fréquenter beaucoup en ce moment, je puis vous dire que nos troupes apprécient l’unité nationale qui se fait autour d’elles.
Malgré notre enthousiasme, nous devons conserver une certaine mesure, car l’opération n’est pas terminée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne livrerai à votre réflexion que deux mots, qui sont les engagements pris par le Président de la République : l’intégrité du Mali et la souveraineté du Mali.
Cette intégrité – soit l’ensemble du territoire, le nord y compris –, les forces africaines et maliennes nous aideront à la rétablir. Quant à la souveraineté, elle suppose le retour de la démocratie et celui de la réconciliation nationale. Nous avons entendu à cet égard des propos encourageants du Président Traoré : il importe désormais que les Maliens eux-mêmes recouvrent le sens du dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)
M. Yves Fromion. Et les Touaregs ?
PMA
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire .
M. Xavier Breton. Avant toute chose, je précise à l’attention de M. Moscovici que ce n’est pas nous qui dénigrons notre pays, mais vous qui l’abaissez inexorablement avec votre politique. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP. – Protestations sur quelques bancs du groupe SRC.)
Ma question, à laquelle j’associe mon collègue, François de Mazières, s’adresse à monsieur le Premier ministre.
Notre assemblée examine votre projet de loi sur le mariage et l’adoption par les couples de personnes de même sexe. Or, avec ce texte, vous êtes en train de diviser les Français.
Alors que notre pays est confronté à de graves difficultés économiques, l’urgence est-elle véritablement de diviser les Français ?
Pourquoi les diviser sur un sujet où s’affrontent des convictions qui, si elles sont différentes, n’en sont pas moins toutes respectables ?
Pourquoi diviser les Français sur la politique familiale, qui est l’un des premiers facteurs d’unité et de cohésion dans notre pays ?
Pourquoi aller les diviser avec la PMA et la GPA ?
On le sait : votre texte n’est fondé que sur une soi-disant logique d’égalité entre les adultes, alors qu’il va créer une inégalité entre les enfants, dont certains se trouveront, délibérément, privés d’un père ou d’une mère.
Vous suivez la logique du droit à l’enfant, mais vous niez les droits de l’enfant : or cette logique vous conduira inéluctablement à la PMA, puis à la GPA. Cela, les Français le savent bien et ils le refusent, comme l’ont bien exprimé des centaines de milliers de manifestants.
Le Gouvernement sent cette colère monter mais ne sait plus comment y répondre. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, vous avez dû, depuis le Cambodge, recadrer à ce sujet l’une de vos ministres.
Alors que le Président Jacob propose, depuis le 12 octobre, que le comité consultatif national d’éthique émette un avis sur ces sujets de société, le comité vient de se saisir lui-même de la question, parce que ni vous, ni le Président de la République ne l’avez saisi.
Cependant, le Président Le Roux discrédite cet avis, avant même la tenue des états généraux, avançant que, quoi qu’il en soit, la PMA sera votée coûte que coûte.
Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de diviser les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. (Vifs applaudissements et acclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. De nombreux députés de ces groupes se lèvent pour applaudir.- Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je dois saluer votre exploit, celui d’être parvenu en deux minutes à faire exactement ce que vous faites depuis six jours : une intervention hors sujet par rapport au projet de loi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez abordé une nouvelle fois les questions de la PMA et de la GPA ; par contre, il y manquait le clonage – il faudra en prendre l’habitude.
Peut-être pourrais-je vous inviter à regarder ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni : c’est aujourd’hui que les conservateurs, vos amis politiques, délibèrent sur le même sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je rappelle qu’il s’agit d’un projet de loi, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ; que l’Assemblée nationale a déjà adopté l’article 1er qui rend effective cette ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.
Probablement allez-vous continuer à mener un autre débat que le débat ; toutefois, nous avançons bien et je profite de la parole qui m’est donnée pour rendre hommage aux députés de la majorité qui sont extrêmement mobilisés, impliqués et qui contribuent à débrouiller toute une propagande à laquelle vous vous livrez depuis bien longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il me faut également saluer la qualité du travail fourni par les députés de l’opposition, qui sont également très fortement mobilisés, dans l’affrontement, dans l’opposition parfois frontale, dans l’interpellation souvent très vigoureuse ; mais il y a, de manière générale, une bonne tenue dans ces débats.
C’est donc avec plaisir que je salue le travail qu’effectue l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Usine Goodyear à Amiens
M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Pascale Boistard. Monsieur le ministre du redressement productif, jeudi 31 janvier 2013, la direction de Goodyear-Dunlop France a rendu public son projet de fermeture de l’usine d’Amiens-Nord qui fabrique des pneumatiques pour l’automobile et le marché agricole. En cumulant tous les équivalents temps plein du site, près de 1 400 emplois seront supprimés, sans compter les emplois induits dans la sous-traitance.
La direction de Goodyear avait pourtant affirmé dans un communiqué, le mercredi 6 juin 2012, abandonner les licenciements au profit d’un plan de départs volontaires. Il est vrai que le plan social visant à mettre un terme à l’activité de pneus tourisme à l’usine d’Amiens-Nord avait été invalidé plusieurs fois par la justice. Le fabricant américain de pneumatiques avait élaboré ce plan de départs volontaires alors qu’il était en discussion avec le groupe Titan pour lui céder la production de pneus agricoles. Or cette cession n’était pas assortie d’engagements suffisamment fiables aux yeux des salariés, notamment sur la formulation d’une condition de durée de maintien de l’activité industrielle.
Goodyear se plaît à rappeler sur son site internet les valeurs du groupe : « Si le monde connaît toutes ces mutations, une seule chose ne change pas : le désir universel de protéger ceux qu’on aime. » Ce désir étant universel, pourquoi ne s’étendrait-il pas à tous les salariés de Goodyear et leurs familles ?
Goodyear doit proposer une solution qui permette au site d’Amiens-Nord d’échapper à l’application d’un plan social. Pour obtenir de Goodyear et de Titan des engagements forts, il faut de la part de l’État des actes forts !
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour éviter un désastre et soutenir les salariés qui exigent du repreneur Titan qu’il maintienne, pour une durée déterminée, la fabrication de pneus agricoles dans l’usine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame Pascale Boistard, le Gouvernement a en effet constaté que Goodyear, jusqu’à présent, a échoué à démontrer la justification de son plan social puisque celui-ci a été annulé à deux reprises, en 2009 et en 2011. C’est un fait que mon ministère a rappelé aux dirigeants de Goodyear France. Nous leur avons rappelé aussi qu’il y avait une solution sur la table : le repreneur Titan. Cela évitait des licenciements et permettait la reprise de l’usine, qui aurait été spécialisée dans les pneus agricoles, une spécialité d’ailleurs ultrarentable et qui rapporte beaucoup d’argent à ceux qui y investissent.
Nous avons observé que Titan s’était retiré de la discussion. C’est la raison pour laquelle, après avoir rappelé ces vérités à Goodyear, j’ai écrit personnellement au président de Titan, aux États-Unis d’Amérique,(« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) fort notamment des déclarations de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui a déclaré, faisant ainsi œuvre constructive et je l’en ai remercié ce matin,(« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) qu’il était parfaitement possible qu’un plan convenable permette de rassembler l’ensemble des parties autour de la table.
Le Gouvernement a donc décidé, fort de cette bonne volonté partagée, de trouver une solution partagée permettant qui trouvent leur compte à la fois les salariés, ce qui est tout de même bien le minimum, le territoire que vous représentez, madame Boistard, Goodyear – ce qui était déjà possible au mois de juin – et Titan aussi.
Le Gouvernement doit poser plusieurs questions à Titan, notamment s’agissant de ce que vous avez évoqué : la pérennité de l’outil industriel. Nous ne voulons pas de fausse reprise. Nous ne voulons pas de faux espoirs. Nous voulons la reconstruction de l’outil industriel laissé en ruines par nos prédécesseurs ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Priorités gouvernementales
M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Sylvain Berrios. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, l’urgence est une situation qui peut entraîner un préjudice irréparable si un remède n’y est pas apporté dans les plus brefs délais. À la lumière de cette définition issue du Larousse, j’aimerais vous poser plusieurs questions.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), au point de faire siéger l’Assemblée nationale jour et nuit, est-ce une urgence ? Non !
Reconnaître par voie de circulaire la gestation pour autrui, dite GPA, est-ce une urgence ? Non !
Abroger la loi Ciotti permettant de suspendre les allocations familiales pour les familles qui n’envoient pas leurs enfants à l’école, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Non !
Décréter la semaine des quatre jours et demi à l’école sans aucune concertation avec les maires, les enseignants et les parents d’élèves, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Non !
Abroger la fiscalité anti-délocalisation indispensable à notre économie, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, chaque mois, ce sont des milliers de Français qui perdent leur travail La seule urgence du pays, qui si elle n’est pas traitée fera des dégâts irréparables, c’est de s’occuper de ceux qui perdent leur travail, et certainement pas vos textes dogmatiques qui ne font qu’exacerber les divisions à un moment où nous avons besoin de nous rassembler dans une union nationale pour sortir le pays de la crise économique dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je n’ai jamais bien saisi comment on pouvait opposer lois sociales et lois sociétales. Toute notre histoire récente, depuis 1945, montre que toutes les avancées sociétales se sont faites conjointement avec les avancées sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En 1944, il y a eu application du programme du Conseil national de la Résistance qui a créé la sécurité sociale, facteur de progrès et fondement de notre politique familiale, en même temps que le général de Gaulle accordait le droit de vote aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Au moment où l’on adoptait le PACS, on votait aussi la CMU et les 35 heures. Vous voyez donc bien qu’il n’y a pas incompatibilité entre réforme sociétale et réforme sociale.
Enfin, à ceux qui nous accusent de diviser, je tiens à dire que la première des divisions est celle qui vise à maintenir des inégalités. Or la loi sur le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe, c’est bien précisément une mesure d’égalité…
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …pour redonner de l’unité à l’ensemble des familles et à l’ensemble de la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Loi de séparation et de régulation bancaire
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Joëlle Huillier. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, à partir de la semaine prochaine, notre assemblée examinera un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, conformément à l’engagement n° 7 du Président de la République.
Près de cinq ans après le déclenchement de la crise financière, il était indispensable d’instaurer de nouvelles régulations, afin de mettre un terme à des dérives dangereuses pour nos économies. Nous nous apprêtons à le faire.
Certains voudraient minimiser le volontarisme du Gouvernement, mais rien ne peut contrer la force de cette évidence : notre majorité est à l’avant-garde de la régulation du secteur bancaire en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, la séparation entre les activités utiles à l’économie et les activités spéculatives doit permettre de répondre aux besoins de nos entreprises et de nos territoires tout en protégeant les dépôts des épargnants. Le renforcement des outils à la disposition des autorités de contrôle doit aussi permettre de mieux prévenir les crises. Enfin, le plafonnement et l’encadrement des frais bancaires doivent permettre de protéger les Français des abus tarifaires et commerciaux.
Au cœur de la crise, les États ont soutenu les banques pour éviter qu’elles ne s’effondrent. C’était nécessaire. Mais l’heure est maintenant venue de créer de nouvelles régulations pour mieux protéger nos économies et rééquilibrer les rapports entre les sphères productive et financière.
Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre les dérives de la finance. Dès le début de la législature, dans le cadre de la réorientation de l’Europe, nous avons obtenu une coopération renforcée, lançant la taxe sur les transactions financières, l’union bancaire et la création d’un superviseur européen. Cet effort de régulation doit se poursuivre.
Monsieur le ministre, en quoi cette loi va-t-elle permettre de mieux prévenir les crises bancaires et financières ? En quoi va-t-elle rompre avec la logique précédente, qui revenait à privatiser les profits et socialiser les pertes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, le Parlement va commencer à examiner ce texte dès demain en commission des finances.
Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’y a rien dedans !
M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un projet de loi important, qui consiste à tirer les leçons de la crise de 2008 afin d’éviter de reproduire les comportements qui ont conduit à faire payer aux déposants et aux contribuables les erreurs commises par les banques, notamment lors de la crise des subprimes.
Nous nous attaquons à la racine de la crise de 2008, de quatre manières.
D’abord, le projet de loi vise à protéger les déposants et à empêcher les banques de spéculer avec leur argent : les activités spéculatives seront filialisées et cantonnées. En cas d’erreur, ce ne sont pas les contribuables qui paieront mais les actionnaires et les créanciers.
Deuxièmement, il s’agit de superviser, pour être en mesure de prévenir et de guérir, voire de sanctionner les erreurs. L’Autorité de contrôle prudentiel, qui deviendra l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, sera renforcée et elle jouera un rôle majeur.
Troisièmement, il faut interdire les activités purement spéculatives, faites par les banques pour leur propre compte. Ces activités telles que le trading à haute fréquence ou la spéculation sur les matières premières agricoles ne doivent plus exister.
Quatrièmement, nous voulons protéger les consommateurs, améliorer la condition de ceux qui sont éloignés du système bancaire, surendettés, victimes de commissions bancaires à répétition et sans fondement.
M. Thomas Thévenoud. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. Voilà le but de ce texte précurseur, comme vous le dites, qui s’inscrit dans le cadre de ce que nous faisons en Europe et que beaucoup regardent avec intérêt. Le Parlement aura l’occasion de l’améliorer, de le densifier encore, par exemple dans le domaine de la lutte contre les paradis fiscaux. Quant à vous, vous pourrez être fiers d’adopter cette première loi européenne de régulation bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
Gestation pour autrui
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Plusieurs députés du groupe SRC. Non, pas lui !
M. Philippe Gosselin. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas là !
M. Philippe Gosselin. Mais je voudrais tout d’abord dire à Mme la garde des sceaux qu’elle a l’ouïe particulièrement sélective. Si elle entend les conservateurs britanniques à propos du mariage homosexuel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), j’aimerais qu’elle les entende aussi parler de leur réforme fiscale. Je suis disposé à lui donner les sonotones dont la majorité voulait nous équiper hier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Thomas Thévenoud. Lamentable !
M. Philippe Gosselin. Depuis le début des discussions sur le projet de loi instaurant le mariage homosexuel, le Gouvernement ne cesse de répéter, la main sur le cœur, qu’il n’est question de mères porteuses ni de près ni de loin dans ce projet, et que la frontière éthique jamais ne sera franchie.
Or les débats commencent à peine qu’une circulaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celle du 25 janvier 2013, nous dit que la GPA est possible. Interdite en France, elle devient indirectement légalisée. C’est une invitation à aller à l’étranger, un encouragement au tourisme reproductif, je n’hésite pas à le dire.
M. Jean-Claude Perez. Inepte !
M. Philippe Gosselin. C’est une prime à la violation de la loi française. Évidemment la prochaine étape sera de légaliser.
Quelle est cette société qui accepte de fixer des contrats sur des enfants à naître ?
Oui, accepter le principe d’un contrat sur un enfant à naître, sur un ventre en état futur d’achèvement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), même pratiqué à l’étranger, revient à piétiner nos valeurs républicaines…
M. Jean-Claude Perez. Minable !
M. Philippe Gosselin. …et notre devise, à laquelle vous prétendez pourtant être attachés.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que le gouvernement français entend renoncer définitivement à la marchandisation des corps, au dumping éthique qui consiste à aligner la législation de la France sur les pratiques européennes ou mondiales les moins-disantes ? Quels engagements, quelles mesures fermes et concrètes allez-vous prendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Gosselin, étant particulièrement assidu dans cet hémicycle depuis mardi vous m’avez forcément entendue une dizaine de fois expliquer que cette circulaire n’est en aucun cas une ouverture à la GPA, et qu’elle n’attribue pas la nationalité.
M. Yves Nicolin. Mais si !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette circulaire rappelle simplement que lorsque la nationalité est établie – puisqu’elle ne concerne que des enfants français – le certificat de nationalité doit être délivré.
Vous étiez aussi en commission des lois lorsque, répondant à un amendement sur la GPA, j’ai commencé mon intervention en disant que le Gouvernement ne tolérera pas la moindre éraflure sur le principe d’indisponibilité du corps humain, qui est un principe d’ordre public inscrit dans notre code civil.
M. Claude Goasguen. C’est cela !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’y ferons aucune dérogation. Parce que le sujet est sérieux, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler qu’il existe une proposition de loi d’un sénateur UMP favorable à la GPA…
M. Bernard Roman. Mais oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur laquelle on n’entend pas de protestations affirmées, récurrentes, répétées de la part des hauts responsables de l’UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il n’y a donc aucune ambiguïté de la part du Gouvernement, qui respecte, par conviction et parce que nous sommes dans un État de droit, le principe d’ordre public d’indisponibilité du corps humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Claude Goasguen. Certainement pas, il le viole !
Retraites agricoles
M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jacques Moignard. Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, pour changer un peu de la tonalité obsessionnelle et harceleuse des questions d’aujourd’hui, j’interroge un gouvernement qui travaille, et plus particulièrement le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Quelques jours après la remise du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui préconise des réformes afin de réduire les inégalités face à la retraite, il convient de rappeler la paupérisation grandissante des retraités agricoles. En effet, ces derniers subissent, depuis plusieurs années, un grand décrochage par rapport au niveau de vie des Français. Le montant de leurs retraites reste largement inférieur au seuil de pauvreté, qui est de 959 euros, puisqu’il atteint en moyenne, pour un chef d’exploitation justifiant d’une carrière complète, le seuil critique des 700 euros par mois, et des 500 euros pour son conjoint. Cela contraint la moitié d’entre eux à cumuler emploi et retraite, parfois au-delà de 75 ans.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu l’octroi de 21 à 23 points supplémentaires pour les exploitants victimes d’une longue maladie ou d’invalidité. Désormais, au-delà de ces cas spécifiques, il faut penser à une amélioration de la situation des agriculteurs retraités les plus modestes.
Le Président de la République s’est engagé à mettre en place des mesures de revalorisation des retraites agricoles. Un plan sur cinq ans est annoncé, comportant six mesures phares, parmi lesquelles figurent l’octroi d’une retraite décente, égale à celle des retraités du régime général, et l’extension du régime de retraite complémentaire aux conjoints et aux aides familiaux.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l’agenda que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour réaliser ce plan quinquennal, afin d’aboutir à une réelle et juste revalorisation des retraites agricoles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. J’ai bien conscience que ce sujet change des débats actuels, mais il est d’importance. Nous savons tous la faiblesse des retraites que perçoivent les agriculteurs. Elle résulte de choix faits à une époque déjà bien lointaine. Des réformes ont été engagées – mon regard se tourne vers Germinal Peiro et Jean Glavany – pour revaloriser les retraites agricoles.
M. François Sauvadet. Et sous mon ministère ? C’est scandaleux !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous sommes liés par les engagements du Président de la République que vous avez rappelés, monsieur le député. L’un d’entre eux a déjà été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas raisonnable.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le travail que nous menons doit s’inscrire dans le cadre général de la discussion qui va s’engager sur les retraites. Les objectifs, en matière de retraite complémentaire obligatoire, notamment pour les femmes et les aides familiaux, ainsi qu’en matière de revalorisation, afin d’atteindre 75 % du SMIC, sont fixés sur le quinquennat. Nous avons mis en place au sein du ministère un groupe de travail…
Un député du groupe UMP. On est sauvé !
M. Stéphane Le Foll, ministre. …afin d’examiner les questions du financement et de l’équilibre à trouver pour atteindre cet objectif de justice. Il faudra revaloriser les retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)
Réforme des rythmes scolaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le Président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui n’est pas présent. Depuis plusieurs jours, des grèves massives sur les modalités de réforme des rythmes scolaires paralysent de très nombreuses écoles de notre pays.
Il faut dire que cette réforme suscite de sévères critiques, particulièrement dans votre camp.
La preuve en est que le secrétaire général du SNUIPP-FSU, principal syndicat du primaire, s’est exprimé en faveur d’un report de la réforme à 2014 et appelle à une nouvelle grève nationale le mardi 12 février, date également choisie par les syndicats minoritaires pour demander un abandon de la loi sur l’école.
Cette réforme n’a donné lieu à aucune véritable concertation. Le ministre de l’éducation nationale a réussi l’exploit de faire sur ce sujet un large consensus contre lui au sein du Conseil supérieur de l’éducation.
Pour réussir, cette réforme aurait dû tenir compte de plusieurs paramètres qui ont été totalement ignorés : l’intérêt de l’enfant, la performance scolaire, le mode de vie des familles, les intérêts des enseignants eux-mêmes et le coût pour la collectivité. Chacun sait que cette réforme aura un coût exorbitant pour les finances publiques et, par conséquent, le contribuable et que seules les collectivités en supporteront la charge. Nous, élus locaux, responsables de nos finances, nous le savons ; vous, vous semblez l’ignorer ! Par ailleurs, cette mesure n’a pas de base scientifique incontestable.
Aussi, allez-vous mener une véritable concertation et, enfin, revoir votre copie, avant de mettre en place cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. C’est précisément parce que nous tenons compte de l’intérêt de l’enfant, qui est aussi l’intérêt de l’élève, que nous voulons faire cette réforme, comme vous vouliez la faire il y a encore quelques mois.
M. François Sauvadet. Qui va payer ?
M. Jean-Christophe Lagarde. Nous, les communes !
M. Vincent Peillon, ministre. Vous parlez de concertation, et vous avez raison. Elle a lieu dans le pays depuis un an et demi. Votre groupe parlementaire a été consulté, y compris par le ministre précédent, qui appartient à votre famille politique. Vous vous êtes prononcés pour le retour à la semaine de quatre jours et demi et pour le raccourcissement de la journée.
Qu’est-ce qui pourrait justifier un tel changement d’opinion, chez un homme de conviction comme vous, en si peu de temps ?
Chacun sait qu’il faut, dans l’intérêt de l’enfant et dans l’intérêt du pays, conduire cette réforme. Un seul pays au monde accorde si peu de temps scolaire aux enfants, c’est la France. Il faut donc corriger cette erreur faite il y a quatre ans.
La concertation a été menée cette année pendant plusieurs mois avec l’ensemble des associations d’élus. Nous avons pris en compte leurs demandes ce qui a permis à la commission consultative d’évaluation des normes de donner un avis favorable.
La consultation commence maintenant sur le terrain. Il faut la mener pleinement, il faut que tout le monde s’y associe. Il n’y a aucune grande réforme, particulièrement d’intérêt général, qui ne soit facile.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est un constat d’échec.
M. Vincent Peillon, ministre. En tout état de cause, je me réjouis que l’unité soit en train de se faire : c’est la première fois que je vous entends vous appuyer sur les syndicats Force ouvrière et Sud et soutenir un mouvement de grève dans la fonction publique. Cela montre votre courage, votre persévérance et votre souci de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mal-logement
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires. Elle concerne le dix-huitième rapport de la Fondation Abbé Pierre, remis au Président de la République en sa présence.
Ce rapport sur le mal-logement est édifiant.
Aujourd’hui, 685 000 personnes sont dépourvues de logement personnel, 3,5 millions se trouvent dans une situation de grande précarité ; dans mon département, l’Aisne, les exemples ne manquent pas. Trop de familles vivent dans l’indignité. Ces familles en difficulté sont souvent la cible de marchands de sommeil peu scrupuleux. Cette situation est insupportable, il nous faut agir, et agir vite.
Vous le savez, madame la ministre, agir pour le logement est essentiel.
Essentiel économiquement, car agir pour le logement provoque l’activité du bâtiment et de l’artisanat. C’est donc bon pour l’emploi.
Essentiel écologiquement, car quand on agit sur la performance énergétique, c’est bon pour la planète.
Essentiel aussi pour le maintien au domicile de nos aînés, quand on parle d’adapter le logement au vieillissement. C’est bon pour nos aînés.
Mais, surtout, et je me fais l’écho de Jean-Baptiste André Godin, « le logement est la base du progrès social ». C’est donc essentiel humainement.
C’est pourquoi le logement demeure l’une des priorités majeures de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle ils nous ont fait confiance au mois de juin dernier. Ils nous ont fait confiance pour lancer un ambitieux programme de construction de 150 000 logements sociaux par an. Ils nous ont fait confiance pour l’encadrement des loyers.
Les choses avancent, et c’est une première – mais l’urgence demeure. En fin de semaine dernière, vous avez longuement reçu et écouté l’ensemble des acteurs du logement, qui vous l’ont rappelé.
Une grande loi d’orientation pour le logement est annoncée pour le mois de juin. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer les objectifs qui sont les vôtres et ceux du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je vous remercie, monsieur le député, car votre question permet de saluer le remarquable travail de la Fondation Abbé Pierre. Le dix-huitième rapport est plus qu’une somme : c’est un moment d’alerte et de prise de conscience. Pour la première fois depuis la rédaction de ce rapport, et à sa demande, le Président de la République, vous l’avez rappelé, a reçu le président de la Fondation Abbé Pierre, et je pense que c’est un très bon signal.
Vous avez également noté, et vous avez parfaitement raison, qu’il faut absolument travailler sur la question structurelle qui nous permettra de lutter contre le mal-logement. Nous avons agi pour répondre à l’urgence. Nous avons agi à l’issue de la conférence de lutte contre la pauvreté pour mobiliser des lieux d’hébergement d’urgence. Mais, pour nous attaquer structurellement à cette question sur l’ensemble des territoires, je proposerai au Parlement de travailler sur une grande loi qui portera à la fois sur les questions de logement et d’urbanisme, avec pour objectif premier de développer l’offre ; c’est absolument impératif.
Nous travaillerons sur la question foncière, sur des réformes qui permettront de clarifier les procédures d’urbanisme, de simplifier la construction et de faire en sorte de répondre aux besoins en termes d’offre. Nous travaillerons ensuite à l’amélioration de l’accès au logement et de la qualité des logements, par un grand programme de rénovation thermique, que je prépare avec ma collègue Delphine Batho, mais également par une lutte radicale contre l’habitat indigne, contre les copropriétés dégradées ; nous devons donner aux élus et à la puissance publique les moyens d’agir plus efficacement.
Nous travaillerons également sur l’accès au logement, notamment sur les règles d’attribution et sur le grand chantier de ce progrès social significatif que sera la garantie universelle des loyers, ainsi que sur une vraie modernisation de l’accès au logement, pour simplifier les procédures et les rapprocher des territoires.
Vous le voyez, ce chemin est très important, essentiel. Puisque vous avez cité Jean-Baptiste André Godin, je veux dire que nous plaçons ce travail sous son égide : ancrer l’utopie dans le réalisme au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Tarif hospitalier
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
L’an dernier, l’activité des hôpitaux a augmenté plus fortement que prévu et conduit sans surprise au dépassement de l’ONDAM fixé pour 2012, inférieur à l’évolution prévisible des dépenses.
Afin de limiter cet effet inflationniste, vous vous apprêtez à appliquer le fameux mécanisme dit « de régulation prix-volume » instauré par la précédente majorité, qui consiste à baisser les tarifs des actes, donc les recettes, en cas de forte activité.
M. Yves Nicolin. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. Ainsi, les hôpitaux sont à la fois invités à augmenter leurs actes pour compenser leur déficit budgétaire et pénalisés par la baisse des tarifs de ces mêmes actes si leur activité augmente. Allez-vous décider d’abroger ce mécanisme comptable diabolique ?
De plus, vous avez annoncé votre intention de baisser de 1,71 % les tarifs des établissements publics et de 0,53 % seulement ceux des cliniques privées, qui de surcroît vont bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi, ce qui n’est pas le cas des établissements publics. Confirmez-vous cette baisse tarifaire ?
M. Yves Nicolin. Eh oui, le changement, c’est maintenant !
Mme Jacqueline Fraysse. Le cas échéant, pourquoi ce soutien de plus au privé lucratif, au détriment du service public ?
Il est temps d’en finir avec la maîtrise comptable des activités de santé instaurée il y a tant d’années par la droite, ainsi qu’avec les suppressions de lits, les fermetures de services et de maternités qui font tant de mal. Il est temps d’abroger la loi hôpital, patients, santé, territoires, comme nous le proposions lors de l’examen du dernier PLFSS, pour donner enfin aux hôpitaux et à ceux qui y travaillent les moyens de remplir leurs fonctions dans la sécurité au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la députée, vous le savez, l’hôpital public est une priorité de notre gouvernement. Actuellement, le chiffrage de ses tarifs est en cours, et les réponses précises que vous me demandez ne seront connues qu’avant la fin du mois de février.
Je vous demande d’excuser Mme la ministre de la santé qui, comme vous le savez, est actuellement retenue au Sénat. Je peux cependant vous donner quelques précisions.
Le taux d’évolution de l’ONDAM hospitalier pour 2013 a été fixé à 2,6 %, soit un taux supérieur à ce qu’avait prévu le précédent gouvernement. Ce taux doit permettre de poursuivre le développement d’une offre de soins hospitalière adaptée aux besoins des citoyens. Cette augmentation a représenté un effort très important en faveur du secteur hospitalier et très supérieur à la croissance de la richesse nationale, dans un contexte budgétaire contraint.
Plusieurs député du groupe UMP. Qu’est-ce que c’est mauvais !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. En ce qui concerne le secteur public, la campagne budgétaire permet en effet de dégager 1,6 milliard d’euros de crédits supplémentaires.
Le Gouvernement souhaite par ailleurs préserver l’enveloppe des missions d’intérêt général, les MIGAC, qui connaîtront une augmentation de 2 %. Vous le savez, le respect de l’ONDAM est un élément essentiel pour assurer le développement de l’hôpital public dans les meilleures conditions possibles et je vous confirme qu’il est au cœur de la politique nationale de santé que nous mettons en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Politique du Gouvernement
M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Gérald Darmanin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre : je suis sûr que, là où il se trouve, il nous entend. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Je ne m’adresse pas seulement à M. le Premier ministre, mais aussi à l’ensemble du Gouvernement. Depuis huit mois, vous avez aggravé le mécontentement des Français. Le mécontentement des salariés, d’abord, à qui vous avez retiré du pouvoir d’achat en revenant sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Le mécontentement des familles, ensuite, en soutenant un projet de loi qui divise la France et dont elle n’a aujourd’hui pas besoin. Le mécontentement des contribuables, enfin, et notamment des retraités, en créant ou augmentant vingt-cinq taxes et impôts. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !
M. Gérald Darmanin. Les Français l’ont compris : votre déclaration d’amour était une déclaration d’impôts ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd’hui, ce sont les fonctionnaires qui sont en colère. M. Peillon, après avoir voulu légaliser le cannabis, a réussi ce tour de force, pour un ministre socialiste…
M. Jean Glavany. Respire !
M. Gérald Darmanin. …de l’éducation nationale, de mettre les instituteurs dans la rue. Aujourd’hui les fonctionnaires sont en colère, car vous refusez de revaloriser leur rémunération. Vous serez responsable de la paupérisation de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) car vous n’avez pas le courage de maîtriser les effectifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. S’il vous plaît, chers collègues de la majorité, laissez parler l’orateur ! Monsieur Roman, monsieur Martin, laissez-le s’exprimer !
M. Gérald Darmanin. Sur ce projet comme sur bien d’autres, quand tiendrez-vous vos promesses envers les fonctionnaires et envers tous les Français ? Méditez cette phrase de Charles Péguy : « le triomphe des démagogies est passager ». Il faut avouer, effectivement, que celui de l’irresponsabilité est efficacement, définitivement résolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Vous pataugez ! Cela ne veut rien dire !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, j’ai cru comprendre, en écoutant votre question, que peu de politiques menées par ce gouvernement trouvent grâce à vos yeux.
M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pour justifier ce jugement, vous n’hésitez pas à manier le paradoxe. Vous nous reprochez à la fois d’augmenter les impôts et d’être démagogues : comme si augmenter les impôts avait vocation à être populaire ! (Sourires.) Vous nous reprochez de ne pas poursuivre la politique que vous avez menée à l’égard de la fonction publique, alors même que, précisément, la politique que nous menons était espérée par les agents des trois fonctions publiques : d’État, territoriale et hospitalière ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J’en veux pour preuve la satisfaction de l’ensemble de ces agents, et notamment de ceux de la fonction publique d’État, quand il a été enfin mis un terme à la révision générale des politiques publiques (applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), dont vous avez artificiellement gonflé le bénéfice pour les finances publiques. En réalité, une chose est certaine : vous avez désorganisé la fonction publique, pour un bénéfice en termes d’économies budgétaires tout à fait marginal. Je vous renvoie sur ce point au rapport particulièrement critique de la Cour des comptes, notamment sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
M. Élie Aboud. Quel culot !
M. Sylvain Berrios. Avec vous, c’est deux fonctionnaires sur trois !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bref, vous nous reprochez de ne pas avoir fait en huit mois ce que vous n’êtes pas parvenus à faire en dix ans. Tout compte fait, vous espériez beaucoup de nous ; c’est à se demander si, au fond, vous n’avez pas voté pour le Président de la République ! Car je suppose qu’une telle confiance dans la majorité et le Gouvernement a été précédée par des actes politiques en notre faveur.
M. Philippe Vigier. Vous nagez complètement !
Mme Catherine Vautrin. Cela n’a aucun sens !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cessez donc, monsieur le député, de manier le paradoxe et attendez de voir les résultats de la politique que nous menons. Nous redressons ce pays, qui en avait bien besoin après dix ans d’incurie et d’erreurs politiques majeures. La France retrouve sa voix en Europe, et ce n’est pas grâce à vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Filière avicole
M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Richard Ferrand. Cette question, à laquelle j’associe Gwenegan Bui, député du Finistère, s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Mes chers collègues, la Commission européenne vient de décider, de manière hâtive et brutale, de diminuer de moitié les aides à l’exportation de la volaille française, après les avoir déjà diminuées de 30 % en octobre dernier. Avec une célérité inattendue, elle a décidé d’appliquer sans délai cette disposition, du jeudi pour le lundi !
Très concrètement, deux grandes entreprises françaises se voient privées de plusieurs dizaines de millions d’euros : le groupe volailler Doux, actuellement en redressement judiciaire, et le groupe Tilly-Sabco, en reconquête d’équilibre économique. Les groupes exportateurs ont unilatéralement baissé le prix d’achat des volailles aux éleveurs d’environ 40 euros à 50 euros par tonne, ce qui plonge ces derniers dans une situation de déséquilibre économique. Les ouvriers s’inquiètent du devenir de leurs emplois, les éleveurs s’interrogent sur l’avenir de leurs exploitations, et tous les acteurs de la filière craignent pour sa pérennité. 5 000 emplois sont directement concernés par cette évolution, qui était prévisible mais aurait dû être réalisée progressivement, pour permettre aux mutations de la filière de s’opérer sereinement.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les actions que vous entendez mener pour que la Commission européenne revoie sa copie, et adopte une démarche planifiée selon un calendrier bien défini et supportable. Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter la fragilisation – voire le sacrifice – d’une filière agricole et agroalimentaire essentielle à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous venez d’une région que je connais bien, et tout particulièrement votre circonscription. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, l’entreprise Doux connaissait les difficultés que vous savez. J’avais bien anticipé cette question des restitutions, qui fait débat depuis vingt ans. L’Europe a pris en 2005 – sous présidence française d’ailleurs – à l’OMC l’engagement d’arrêter les restitutions à l’exportation en 2013. Nous avons engagé une bataille face à la Commission européenne, qui est désormais la seule institution à pouvoir décider. Nous souhaitions retarder l’arrêt des restitutions, qui est de toutes les manières inéluctable – nous en avons déjà discuté. Nous avons donc tenté de retarder cette décision, qui a été prise malgré tout car nous n’avons pas pu former une minorité de blocage.
Un député du groupe UMP. Quel manque d’influence !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Notre influence, monsieur le député, a notamment permis le retour aux droits de plantation. Elle a permis de modifier une décision que vous aviez vous-même acceptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quand on a de l’influence, on agit !
Nous sommes d’accord : il ne s’agit pas de défendre les restitutions pour elles-mêmes, mais de permettre à ces entreprises d’assurer leur transition. Pour que cette transition s’opère, il faudra agir de manière transparente et efficace auprès de la Commission européenne. Voilà notre premier objectif.
Avec Guillaume Garot, nous avons aussi prévu de rencontrer les entreprises ces prochains jours, afin d’examiner ensemble quelles mesures nous pourrons prendre pour leur venir en aide. Ces deux objectifs visent la même finalité : assurer une transition pour faire en sorte que cette activité perdure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Fixation de l’ordre du jour
M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 25 février 2013 :
Débat sur la sécurité sanitaire du médicament ;
Débat sur les dispositifs d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande dans le bâtiment ;
Débat sur « le Mali : au-delà de l’intervention militaire, perspectives de reconstruction et de développement » ;
Questions au ministre de l’éducation nationale ;
Débat sur le fonctionnement des juridictions prud’homales après la réforme de la carte judiciaire ;
Débat sur l’avenir des projets d’infrastructures de transport ;
Proposition de résolution européenne sur l’instrument de réciprocité sur les marchés publics.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.(n°s 344, 628, 581)
Discussion des articles (suite)
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2052 et cinq amendements identiques à l’article 4.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Myard. Ce rappel au règlement, sur la base de l’article 58, alinéa 1, concerne, bien sûr, l’organisation du débat et la nécessité d’éclairer totalement le Parlement, opposition comme majorité : je veux parler de l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi. De ce que j’en ai entendu dire, il est visiblement important, car il soulève nombre de problèmes et de questions. Même si ce rapport est destiné au Gouvernement aux fins de l’instruire, il me semble utile que la représentation nationale soit également informée. C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, je souhaiterais que ce rapport soit remis à tous les députés. Je vous en remercie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.
M. Alain Tourret. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 de celui-ci et concerne la tenue de nos débats.
Jour après jour, monsieur le président, mes chers collègues, nous montons d’un cran dans l’intolérance et l’invective. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a trois jours, le rapporteur était gravement mis en cause. Il y a deux jours, c’était Mme la ministre de la famille. Hier, c’était Mme la garde des sceaux. Je ne veux pas savoir qui a raison ou qui a tort. Je m’élève au-dessus de cela. Je rappelle, naturellement, toute l’amitié qui me lie aux trois personnes que je viens de citer. Pour avoir bien regardé nos débats le soir à la télévision, je peux vous dire que tout cela nous ridiculise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Myard. Parlez pour vous !
M. Alain Tourret. Tout cela annihile le travail de qualité que la majorité tout comme l’opposition réalise ici.
Tout cela ne sert qu’une chose : le populisme. Il convient d’y mettre fin, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Julien Aubert. Organisez un référendum, dans ce cas !
Article 4 (suite)
M. le président. Nous en venons à six amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n°2052.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous débutons cet après-midi par une série d’amendements qui s’inscrivent dans la suite logique de ceux que nous avons déposés hier pour rappeler notre opposition au texte. Nous avons déjà voté contre l’article 1er, contre les suivants également, pour les motifs que vous connaissez. Nous souhaitons que toutes les occurrences du code civil et des autres codes dans lesquelles les mots « père » et « mère » devront désormais être lus comme des synonymes de « parents », quel que soit leur sexe, échappent à cette précision apportée par l’amendement-balai. Tel est l’esprit des amendements que nous aurons l’occasion de détailler dans l’après-midi.
L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n°2404.
M. Philippe Gosselin. Je vous prie d’excuser mes quelques minutes de retard, bien involontaire. Je vais avoir besoin, comme un diesel, d’un petit temps de préchauffage. (Sourires.)
Nous reprendrons cet après-midi les explications que j’avais commencées à une heure ce matin, et qui ne devaient pas être bien claires, j’en suis désolé. J’aurai l’occasion de revenir sur les demandes concernant les actes d’état civil et la façon dont le Gouvernement compte les présenter. Même si la question relève du domaine règlementaire, il sera par ailleurs important pour la représentation nationale de savoir si différents actes sont envisagés. Les incidences ne seront pas négligeables, en effet, notamment en matière d’adoption plénière, du fait de la substitution des filiations qui s’opère à ce moment-là et de la difficulté de raccrocher aux termes « père » et « mère ». J’y reviendrai plus clairement lors de ma prochaine intervention. Cela m’arrangera d’ailleurs de bénéficier d’un peu plus que deux minutes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On verra bien, nous ne sommes pas pressés et je suis en forme.
M. le président. Vous avez encore un peu temps si vous voulez poursuivre dès à présent…
M. Philippe Gosselin. Non merci, cela ira.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n°2598.
M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à faire échapper l’article 75 à l’application de la loi. Dans cet article, qui concerne la célébration du mariage, le mot « parent » apparaît, mais dans un sens bien différent. Je cite : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l’officier d’état civil, à la mairie, en présence d’au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties… »
Le code civil a une conception très précise de la notion de parent qui désigne le neveu ou le cousin, au premier, deuxième ou troisième degré. Et vous allez polluer la langue française, la clarté du code civil, en y intégrant deux notions de parents : celle, traditionnelle, de grande famille, et celle, que vous voulez imposer, de père et père ou de mère et mère.
Il serait nécessaire que cet article, au moins, échappe à votre dispositif et que nous retrouvions le premier sens du mot parent : un cousin, un neveu, mais en aucun cas deux pères ou deux mères.
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n°3677.
M. Xavier Breton. Je voudrais revenir, par cet amendement, sur la validité juridique de celui qui a conduit à cet article-balai. M. Myard le disait très bien, des interrogations juridiques demeurent mais elles pourraient être levées si nous avions connaissance de l’avis du Conseil d’État. A-t-il eu, en particulier, l’occasion de s’interroger sur la pertinence juridique de cet article-balai ?
Nous aurions aussi aimé connaître l’avis du président de la commission des lois sur son impact juridique. En tant que président de cette prestigieuse commission, il a certainement une opinion indépendante du désir de faire accélérer les débats ou bâillonner l’opposition.
La question posée par M. Le Fur est importante, on ne peut pas la balayer d’un revers de main.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé cet amendement et nous attendons des réponses, non pas lapidaires, mais qui aillent au fond des questions posées. Il y en aura d’autres, j’y reviendrai, quant aux conséquences sur notre société.
Nous attendons donc les réponses de la garde des sceaux, du rapporteur et du président de la commission des lois, et nous demandons à nouveau que nous soit communiqué l’avis du Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n°4129.
M. Hervé Mariton. La méthode de l’article-balai, outre qu’elle insulte les couples de personnes de même sexe, décrit une fiction et fragilise les couples de personnes de sexes différents.
Le risque de l’amendement-balai, je l’ai dit, est de viser trop loin ou trop court. En tant qu’officier d’état civil, dans ma bonne ville de Crest où vous êtes conviés, j’ai toujours plaisir à lire les articles qui doivent l’être quand on marie.
Je veux vous en lire un que votre projet de loi ne change pas, car il n’est pas visé par l’article-balai. J’ai déjà dit que j’appliquerai la loi mais j’aimerais bien savoir comment je vais faire, concrètement, dans les mairies, quand je me trouverai en présence de deux hommes ou de deux femmes et que je devrai lire l’article 371-1 du code civil : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité… »
C’est une question très concrète. En ne changeant pas ce dispositif, vous imposez à tous les maires de France de lire ces dispositions quel que soit le couple qui se tiendra devant eux. Face à monsieur et monsieur, madame et madame, il faudra dire que l’autorité parentale appartient aux père et mère. Pouvez-vous imaginer dans quelle situation se trouvera non seulement l’officier d’état civil, ce qui au fond n’est pas si grave, mais surtout le couple sur le point de se marier ?
Peut-être me trompé-je, mais je ne le crois pas : voilà la loi que vous êtes en train de nous proposer.
J’invite le Gouvernement à nous répondre fermement et clairement. Nous passerons ensuite au vote car je constate que l’opposition est majoritaire dans l’hémicycle, c’est dire la motivation de la majorité sur ce projet de loi !
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n°4393.
M. Philippe Meunier. Il est défendu.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Olivier Dussopt. Mes chers collègues, ne soyez pas si impatients : il faut bien équilibrer le nombre de rappels au règlement entre ceux de l’opposition et ceux de la majorité
M. Xavier Breton. Il faut surtout gagner du temps !
M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, mon rappel est fondé sur l’article 58 alinéa 1, de notre règlement…
M. Philippe Gosselin. La majorité ne semble pas très mobilisée !
M. le président. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas abusé des rappels au règlement, elle.
M. Olivier Dussopt. Je recommence, monsieur le président. Mon rappel est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et a trait à l’intelligibilité de nos débats.
M. Philippe Gosselin. Dépêchez-vous d’arriver, les gens de gauche !
M. le président. S’il vous plaît !
M. Olivier Dussopt. Monsieur Gosselin, vous nous avez habitués à plus de retenue, contrairement à vos collègues.
M. Philippe Gosselin. Ne vous inquiétez pas pour moi.
M. Olivier Dussopt. Nous sommes partis, grâce ou à cause des manoeuvres dilatoires de l’opposition,…
M. Jean Leonetti. Il retarde les débats, c’est insupportable !
M. Olivier Dussopt. …pour examiner une série de 187 amendements identiques, par séries de cinq, portant sur chacune des occurrences des mots « père » et « mère » dont vous avez longtemps craint qu’elles seraient supprimées dans le code civil et dans d’autres.
M. Patrick Ollier. M. Dussopt veut gagner du temps car la gauche est minoritaire !
M. Olivier Dussopt. L’amendement-balai aurait dû vous rasséréner, mais ce n’est visiblement pas le cas.
Je regrette que nous passions autant de temps à répéter en permanence le même débat.
Monsieur Gosselin, l’objectif principal de mon rappel au règlement était presque de vous faire une proposition. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Je comprends l’embarras de la majorité !
M. Patrick Ollier. C’est que nous voulons avancer, nous !
M. le président. Calmez-vous ! Si vous continuez ainsi, je vais devoir suspendre la séance. (Sourires.)
M. Olivier Dussopt. Tout à l’heure…(Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, cessez donc vos interruptions ! Plus vite M. Dussopt achèvera son propos, moins les députés de la majorité seront nombreux à arriver…
M. Olivier Dussopt. Monsieur Gosselin, j’attends que vous soyez calmé pour vous faire une proposition honnête.
M. Philippe Gosselin. Les voilà ! Ils arrivent !
M. Olivier Dussopt. Vous avez dit tout à l’heure regretter que, sur les 187 amendements que vous pensez défendre, le temps de parole soit limité à deux minutes, vous empêchant ainsi d’aller au fond du sujet.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’a pas dit cela !
M. Olivier Dussopt. Je peux l’entendre aussi, et si la présidence et le rapporteur en étaient d’accord, vous pourriez retirer tous ces amendements et nous prendrions un temps global pour en débattre.
M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas Noël !
Article 4 (suite)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4179 et 4393 ?
M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Comme nous allons passer tout l’après-midi et peut-être une partie de la soirée à discuter les nombreux amendements déposés sur l’article 4, un millier je crois,…
M. Philippe Gosselin. Ce sont des amendements très importants !
M. Erwann Binet, rapporteur. …je voudrais tout d’abord rappeler que l’article 4 vise à rendre applicables tous les articles contenant des termes sexués des livres I et III du code civil aux couples de même sexe et aux familles homoparentales. Monsieur Mariton, vous l’avez, en creux, bien rappelé.
On ne change donc pas une virgule ni un seul mot de ces articles, c’est vrai.
M. Hervé Mariton. Et comment vais-je faire, alors, avec le 371-1 ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Je vais y venir.
M. Le Fur m’a interrogé sur la polysémie du mot « parent ». Or, elle existe déjà dans le code civil. Ainsi, à l’article 371-1 que M. Mariton a relu tout à l’heure, le sens est clairement celui des deux parents. C’est évident.
En revanche, dans les dispositions relatives aux successions, le mot « parent » est employé à de très nombreuses reprises au sens de parenté, notamment pour viser les collatéraux. Plus précisément, en droit des successions, le terme « parent » vise jusqu’au sixième degré les enfants, leurs descendants, les père et mère, frères et sœurs et descendants de ces derniers, les ascendants autre que les père et mère et les collatéraux autre que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
Nous en avons discuté avec les notaires, M. Mariton s’en souvient certainement et j’y ai fait allusion hier. Nous les avons souvent interrogés sur les problèmes qu’ils étaient susceptible de rencontrer en raison de ces deux acceptions. Il s’avère qu’ils n’en sont pas troublés, car ils ont l’habitude de manier ces articles et intègrent dans leur pratique cette polysémie. En revanche, remplacer l’un des termes par « membre de la famille » les aurait perturbés. Or, c’était le parti pris du Gouvernement dans un certain nombre d’articles, et cette modification les gênait davantage que le maintien de la polysémie du mot parent, qui est déjà présente dans notre code civil. Il me paraît important de le rappeler à M. Le Fur. Ce problème ne se posera donc pas plus après le vote du texte qu’il ne se pose aujourd’hui.
S’agissant de l’article 371-1 du code civil, vous avez rappelé, monsieur Mariton, qu’il était lu devant les couples lors de la cérémonie de mariage. C’est vrai, mais les couples n’ont pas le texte sous les yeux, et quand vous dîtes « aux père et mère », on peut entendre un « s » à père et un « s » à mère, de sorte que l’expression pourrait être considérée de manière générique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. Non ! Il n’y en a pas !
M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut faire confiance aux maires, à leur bon sens, à leur manière de présenter les choses et de les expliquer aux époux. Il n’est pas interdit aux maires d’expliquer ces articles à la lumière de celui que nous allons adopter. Pour ma part, cela ne me choque absolument pas. Les couples homosexuels qui vont venir devant vous pour se marier savent que ces articles leur seront applicables, et ils préfèreront cela plutôt que de ne pas avoir d’articles qui leur soient applicables.
M. Hervé Mariton. Vous rendez-vous compte de la situation dans laquelle vous allez les mettre ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Bien entendu, la commission a donné un avis défavorable aux amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. Sur les amendements identiques n°s2052 à 4393, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la garde des sceaux pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais faire un point sur la méthode.
M. Philippe Cochet. Il serait temps !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle que nous avions choisi deux écritures différentes ; le Gouvernement avait choisi une écriture de recensement et la commission, aux travaux de laquelle vous avez participé, a choisi. Le rapporteur a fait une proposition, qui a été soumise au vote et s’est donc imposée. C’est sur ce texte-là que nous travaillons depuis mardi.
M. Hervé Mariton. Eh oui ! Et il ne fonctionne pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission a choisi l’autre méthode, celle de la disposition interprétative. Permettez donc que j’en reste à ce vocabulaire.
Une disposition interprétative, cela veut bien dire que l’on interprète. Ne faisons pas semblant de croire que l’officier d’état civil, par exemple, ne serait pas en mesure d’interpréter, dans un cas précis…
M. Hervé Mariton. Dans le texte à lire ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr ! ne faisons pas comme si l’officier d’état civil n’était pas en mesure d’interpréter, puisque le texte est interprétatif.
M. Hervé Mariton. Il interprétera ou il lira ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parmi tous les amendements qui suivent, certains vont nécessiter quelques commentaires. Il faudra que nous prenions le temps de les lire pour savoir exactement ce qu’ils signifient de concret et de pratique pour la vie des personnes concernées. Certains, en effet, introduisent des dispositions surprenantes. Nous allons donc entrer dans le détail. Le principe de la série d’amendements que vous avez déposés consiste à contester la disposition interprétative introduite par la commission des lois.
Je sais que vous allez continuer à faire votre travail d’opposition jusqu’au bout…
M. Hervé Mariton. Et nous le faisons bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …puisque, lorsque nous vous suggérons de renoncer à certains de vos amendements, vous les maintenez. Personne ne vous conteste ce droit, et vous irez jusqu’au bout.
M. Hervé Mariton. Parlez du fond !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’en reste pas moins que je suis absolument persuadée que votre souci, comme le nôtre, est que la loi soit bien faite.
M. Hervé Mariton. Oui, mais là, elle est mal faite !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Car vous-même, monsieur Mariton, ainsi que plusieurs députés de l’opposition, vous avez affirmé que, tout en étant opposés à ce texte de loi, vous l’appliquerez en votre qualité d’officier d’état civil.
Étant donné que l’Assemblée a adopté l’article 1er de ce texte, je suis persuadée que vous partagez avec nous le souci que toutes les dispositions nécessaires soient prises de façon que la loi soit effectivement applicable.
Or, la logique de tous les amendements que vous présentez par séries de six est d’empêcher l’application réelle de la loi, de rendre inapplicable l’article 1er de la loi. Voilà la réalité ! C’est pour cette raison que je disais que vous feriez votre travail d’opposition jusqu’au bout. Mais je suis persuadée qu’au-delà de cette opposition, votre souci est de faire une loi applicable,…
M. Jean Leonetti. Et l’article 371-1 ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que, finalement, vous serez bien content que nous ayons introduit toutes les dispositions nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. C’est un vrai sujet, et vous le reconnaissez. Votre défense de l’amendement-balai dans ce cas d’espèce, madame la ministre, était pour le moins nuancée…
Le rapporteur nous dit que « père et mère » sont écrits dans le code au singulier, mais que l’on peut sous-entendre un pluriel, et qu’il est loisible à l’officier d’état civil et aux conjoints de le faire…On s’y retrouve comme on peut ! Quant à la ministre de la justice, elle nous dit que nous pouvons interpréter… C’est extravagant ! Nous sommes tout de même en train d’écrire la loi ! Je viens de vous le démontrer, moi qui ne suis ni ministre de la justice, ni président de la commission, ni rapporteur…
M. Jean Glavany. Heureusement !
M. le président. Monsieur Glavany, laissez parler M. Mariton !
M. Hervé Mariton. Au regard de ma pratique en tant qu’officier d’état civil – c’est au passage l’une des vertus du cumul des mandats –, je me demande comment tout cela va fonctionner quand mon devoir sera d’appliquer la loi dans ma commune en lisant cet article si, par malheur, votre loi est votée. Il n’est pas mauvais d’avoir l’esprit pratique… Je lis donc l’article et je me dis que cela ne marche pas ! Je ne pourrai pas dire à deux hommes ou à deux femmes qui sont devant moi que « l’autorité parentale appartient aux père et mère ». Comment vais-je pouvoir leur dire cela ? Comment vont-ils le vivre ? Comment vont-ils me regarder ? C’est extravagant !
Comme je suis quelqu’un d’assez rigoureux, j’ai demandé si cet article était bien visé par l’amendement-balai ou non. On m’a dit que non. Cet article ne change donc pas d’un iota, ni d’un « s » ni de deux « s ». Nous aurons donc un mariage illisible et inapplicable dans toutes les mairies de France dès que la loi sera votée si par malheur elle l’est. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je respecte beaucoup le combat mené par mes collègues de l’opposition.
Plusieurs députés du groupe UMP. Merci !
Mme Marie-George Buffet. Ils ont mené le combat contre le mariage pour les couples homosexuels, contre l’adoption par les familles homoparentales, avec des arguments que nous avons entendus, notamment à l’article 1er, liés à une certaine conception du mariage basé sur un homme et une femme, la femme étant là pour procréer.
M. Jean Leonetti. C’est le combat de la logique !
Mme Marie-George Buffet. Malgré ces amendements, l’article 1er a été voté, instaurant le mariage et l’adoption pour toutes et tous. Je pensais donc que, dans un deuxième temps, sur les articles suivants, nos collègues de l’opposition défendraient des amendements permettant à la loi de mieux s’appliquer. Or je les soupçonne de ne pas avoir accepté l’adoption de l’article 1er…
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !
Mme Marie-George Buffet. …et d’essayer de ralentir le débat par toutes ces séries d’amendements. Ce sont les mauvais perdants de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. Je demande la parole !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons un débat intéressant. J’interprète le règlement de manière large car, normalement, je devrais ne donner la parole qu’à un orateur pour et à un orateur contre. Je vais continuer ainsi, mais à condition que tout le monde respecte le jeu, faute de quoi je reviendrais à une lecture stricte du règlement.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme l’ont dit très justement la ministre de la justice et Marie-George Buffet, la majorité a adopté l’extraordinaire réforme que constitue l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous sommes des législateurs, mes chers collègues, et à partir du moment où nous avons fait cela, il nous faut revisiter le code civil car il appartient au législateur, lorsqu’il vote une réforme de société, de faire en sorte que la loi s’applique.
C’est pourquoi l’ensemble des dispositions des articles 2, 3 et 4 a pour but, je le dis à tous ceux qui nous écoutent, de rendre cette loi applicable. C’est notre responsabilité.
Monsieur Mariton, je me permets de vous faire part de mon admiration pour votre inépuisable propension à développer des arguments. J’ai sûrement des leçons à recevoir, mais j’en ai donné également en la matière…
Lorsque vous célébrez un mariage, vous êtes obligé de lire les articles 212, 213, 214 et 215 du code civil, ainsi que l’article 371-1 que vous avez cité tout à l’heure. Ce faisant, vous êtes l’incarnation de la loi. Il vous est sans doute arrivé de lire à des couples qui avaient à leurs côtés de grands dadais de vingt et un ans ces articles portant sur l’autorité parentale et la responsabilité éducative vis-à-vis de ses enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cela veut bien dire qu’il y a une incarnation du sens de la loi dans le fait de lire les articles du code civil. Quand il s’agit de marier des personnes de soixante-dix ans, vous le faites avec un égal plaisir et vous lisez les mêmes articles sur l’autorité parentale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ils vous regardent en souriant ! Cela veut dire, chers collègues, qu’avec vos arguties – qui ne servent qu’à gagner du temps, nous le comprenons – vous niez quelque chose d’essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quand l’officier d’état civil lit le code civil, il traduit pour nos concitoyens que c’est dans la loi que s’établit le lien du mariage.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur Mariton, la prochaine fois que vous célébrerez le mariage de personnes âgées avec l’attention que je vous connais, vous ne manquerez pas de vous rappeler ce que je viens de vous dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Hervé Mariton. Peut-être qu’ils auront eu des enfants, avec la PMA !
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob. Je reviens sur cet article que tous les maires ont l’habitude de lire. De mémoire, je crois qu’il a été ajouté par Ségolène Royal.
M. Jean Glavany. Sur sa proposition !
M. Christian Jacob. Absolument.
Au départ, vous aviez l’intention – ce que Mme la garde des sceaux a fortement contesté – de supprimer les références au père et à la mère. Puis vous nous avez dit que vous n’aviez jamais eu cette intention. Mme la garde des sceaux a d’ailleurs déclaré dans cette assemblée qu’elle n’avait jamais eu connaissance d’une telle volonté de supprimer ces références. Soit. Cela étant, ce n’est pas ce que nous avions entendu.
Vous avez insisté pour maintenir les mots « père » et « mère ». On voit bien, dès lors, l’inapplicabilité de la loi, qui ne découle pas seulement de la lettre, mais aussi du ressenti. Quand vous aurez un couple d’homosexuels en face de vous, deux femmes ou deux hommes, vous les dénommerez « père et mère ». Vous savez bien que le ressenti sera douloureux et offusquant ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la réalité !
Faites en sorte d’avoir un texte qui soit applicable ! En l’occurrence, vous voyez bien qu’il ne l’est pas.
M. le président. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Tous les maires connaissent cet article, qu’ils lisent très souvent.
Monsieur le rapporteur, vous dites que, somme toute, le fait qu’il n’y ait pas de « s » n’est pas important puisque c’est interprétatif, mais que nous devrons expliquer qu’il y a un « s »…
Pardonnez-moi, mais nous sommes ici un certain nombre à avoir fait des études de droit. Quand on voit le nombre d’heures que l’on passe pour savoir s’il y a un « s » ou non, dire que c’est sans importance, franchement, cela fait sourire et, surtout, cela nous inquiète !
Par ailleurs, nous sommes en train de débattre depuis des heures et des heures. Beaucoup de Français regardent ce débat. Maintenant, ils vont savoir qu’il y a une faille énorme.
M. Claude Goasguen. Et ridicule !
M. François de Mazières. Quand nous allons célébrer des mariages, croyez-vous que personne ne nous demandera si nous pouvons leur montrer le texte ? On va nous dire que nous ne sommes pas sérieux et que nous n’appliquons pas la loi. Avouez-le, il y a un gros problème ! Cela démontre une nouvelle fois que votre texte a été fait dans la précipitation.
Nous vous avons demandé à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, la raison pour laquelle vous ne répondez pas aux questions de base sur la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une nouvelle fois, la précipitation vous conduit dans l’impasse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.
M. Thomas Thévenoud. Merci, monsieur le président. Je souhaite évoquer les conditions de notre débat, qui dure maintenant depuis mardi dernier, soit une semaine. J’en profite pour saluer la présence des ministres au banc et la qualité de leurs interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Xavier Breton. Prétentieux !
M. Thomas Thévenoud. J’adresse également des félicitations à notre rapporteur, Erwann Binet, qui fait face depuis une semaine à l’obstruction constante de l’opposition de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Philippe Gosselin. Voilà qui ressemble à un enterrement de première classe !
M. Thomas Thévenoud. Obstruction et obsession sont les deux mamelles de l’opposition parlementaire ! Nous avons la chance – mais en est-ce une ?– d’avoir la droite la plus ringarde d’Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Claude Perez. C’est vrai !
M. Thomas Thévenoud. Même vos amis conservateurs anglais sont en train de voter le mariage des couples de même sexe ! Voilà la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La seule vertu qu’a la durée de ce débat, c’est de nous permettre d’apprécier la variété, la qualité et la diversité des couleurs des pulls de M. Mariton. À la fin de la semaine, nous aurons vu toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Nouvelles et vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne reviens pas sur les termes employés par l’opposition au cours de ce débat. Je me contenterai de faire observer que tous les articles qui restent à discuter sont des articles de coordination avec l’article 1er, que nous avons très largement voté dans cet hémicycle. Nous voterons donc contre vos amendements.
M. Philippe Gosselin. Ils sont techniques et non politiques !
M. Thomas Thévenoud. Nous sommes cohérents, fiers et soucieux de progrès ! Nous sommes mobilisés et unis pour faire avancer cette belle cause du mariage pour tous dans notre pays !
M. le président. Je note que M. Mariton m’a demandé la parole pour un fait personnel à la suite de cette attaque insupportable contre ses habitudes vestimentaires. (Sourires) Il y sera fait droit en fin de séance.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4129 et 4393.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 293
Nombre de suffrages exprimés 292
Majorité absolue 147
Pour l’adoption 103
Contre 189
(Les amendements nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4 129 et 4 393 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 2053, 2405, 3679, 4 131 et 4 394.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2053.
M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier notre excellent collègue de la majorité qui vient de parler, laissant mes collègues de l’opposition s’exprimer sur le fond de ces amendements. Il est parfaitement libre de son appréciation du travail que nous faisons, même si elle s’écarte de celle de la garde des sceaux qui tout à l’heure a reconnu notre légitimité. Nous sommes dans notre rôle lorsque nous bataillons sur ce texte jusqu’à la fin. Je la remercie de sa remarque.
Il me semble que vous n’avez pas bien compris, mon cher collègue, les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. C’est notre droit le plus strict de défendre nos positions comme bon nous semble. C’est notre droit le plus strict de nous opposer à ce texte jusqu’à la dernière minute. C’est notre droit le plus strict d’utiliser pour ce faire tous les moyens que le règlement de l’Assemblée et son président nous donnent.
Ainsi, mon cher collègue, n’hésitez pas à intervenir à nouveau comme vous venez de le faire, sur un ton qui frise la provocation. Cela recharge nos batteries et accroît nos forces. Nous avons mal pris la première séquence de cette séance, mon cher collègue. S’il vous plaît, intervenez à nouveau, cela nous fait toujours plaisir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2405.
M. Philippe Gosselin. On peut en effet se demander si nos collègues ont d’autres arguments que la couleur des pulls de M. Mariton !
M. Jean Leonetti. Absolument !
M. Philippe Gosselin. Je me réjouis de découvrir cet après-midi une nouvelle catégorie juridique. Nous avons, paraît-il, dans le code civil des « articles sexués ». J’avoue avoir fait quelques études de droit, et parle sous le contrôle des agrégés ici présents : je n’ai jamais eu connaissance d’« articles sexués ». Certainement, le rapporteur nous éclairera sans tarder. Au reste, avec le texte que l’on nous prépare, seuls les articles seront désormais sexués ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quant au cœur de mon intervention (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), j’attends toujours une réponse du Gouvernement sur la rédaction des actes de naissance en cas d’adoption plénière. Je rappelle, pour ceux qui ont manqué les épisodes de la nuit, que l’adoption plénière opère une pleine substitution de la filiation biologique au profit des parents adoptifs. Qu’en est-il en cas d’adoption par des parents de même sexe ? L’article 310-3 du code civil précise que l’acte de naissance prouve la filiation. Or les enfants de couples de même sexe auront un acte d’état-civil spécifique, comme il a été dit. Celui-ci fera immédiatement apparaître l’identité sexuelle de ses parents.
Mes chers collègues, l’orientation sexuelle des parents adoptifs ne peut être un élément de l’identité de l’enfant adopté par un couple de même sexe. Sinon, la prétendue égalité des adultes aurait pour effet de l’état-civil des enfants réellement discriminant, car les enfants adoptés par des couples de même sexe auraient un état-civil distinct de celui des autres enfants. Il ne peut en effet être écrit, dans le cas d’une adoption plénière, qu’ils sont nés de leurs parents. En vertu…
M. le président. Merci. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Je terminerai plus tard, monsieur le président !
M. Céleste Lett. Ce n’est pas acceptable, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. J’ai laissé trois minutes à M. Gosselin, au lieu de deux.
La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3679.
M. Xavier Breton. Votre générosité vous perdra, monsieur le président !
M. le président. C’est bien ce qu’on me dit sur les bancs de la majorité !
M. Xavier Breton. C’est ce que je crois comprendre, monsieur le président… Je voudrais dire à notre collègue Thévenoud que la majorité en voit de toutes les couleurs depuis une semaine, et que ce n’est pas fini !
La controverse qui vient de s’ouvrir sur l’article 371-1 montre bien l’impréparation de ce texte ainsi que les réticences du Gouvernement à propos de l’amendement-balai ! Je me souviens fort bien, madame la garde des sceaux, que vous n’étiez pas à l’aise en commission des lois, à laquelle j’ai eu le privilège d’appartenir pendant quelques heures à l’occasion de la discussion de ce texte, Vous justifiiez la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d’articles. Selon vous, c’était possible, et c’était le parti pris par le Gouvernement.
Vous nous avez fait un cours de légistique fort instructif, et déduit du travail de la commission la possibilité de cet amendement-balai et de l’article qui en découle. En réalité, je me demande s’il n’y a pas derrière cela des incohérences juridiques. Pourquoi l’article 371-1 a-t-il été oublié ? Y a-t-il un problème juridique ? Quelles en sont les conséquences juridiques pour les maires amenés marier des couples de personnes de même sexe ? Pourquoi cette réticence du Gouvernement à propos de cet amendement-balai ? J’entends bien qu’on n’y avait pas pensé dès le début et qu’il est l’effet des auditions et voyages à l’étranger. Mais j’aimerais savoir si le Gouvernement est vraiment fanatique de cet amendement et de l’article-balai qui en découle, ou s’il y a des réticences. J’aimerais aussi avoir une explication de fond, ainsi que l’avis du Conseil d’État sur cette disposition.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous ne sommes fanatiques de rien !
M. Philippe Gosselin. C’est un aveu, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4131.
M. Hervé Mariton. Chacun aura apprécié la force démonstrative des arguments de notre collègue socialiste qui parlait tout à l’heure…
Vous évoquez, mesdames les ministres, ce qui se passe aujourd’hui au Royaume-Uni. Je vous rappelle d’abord que la réforme engagée ne concerne pas le Royaume-Uni, mais l’Angleterre, peut-être le pays de Galles, certainement pas l’Écosse ni l’Irlande du nord.
M. Jean Glavany. Ça change tout !
M. Philippe Gosselin. Il importe d’être précis !
M. Hervé Mariton. Je vous rappelle surtout que la plupart des pays ayant adopté le mariage des personnes de même sexe et que vous présentez comme des modèles à suivre sont, comme l’Angleterre, des pays à religion d’État. La plupart des Anglais qui se marient le font dans un lieu de culte et ne connaissent pas le mariage civil en tant que tel.
M. Claude Goasguen. Évidemment !
M. Hervé Mariton. Le mariage civil à la française, comme cela a été dit à plusieurs reprises, y compris par un membre du Gouvernement, a un caractère sacré, au sens républicain du terme, parce que la République en France a su faire émerger des formes propres.
M. Claude Goasguen. Absolument ! Ce n’est pas le cas en Angleterre !
M. Hervé Mariton. C’est une caractéristique de la France. C’est l’une des forces de la République. Dans la plupart des pays européens, on se marie dans un lieu de culte et le mariage civil est une forme subsidiaire. Dès lors que la réforme proposée en Angleterre par le gouvernement de M. Cameron, à dire vrai contre la majorité des députés conservateurs, ne concerne pas l’Église anglicane, elle n’a rien à voir avec celle que vous nous proposez. Pour la majorité des Anglais, le mariage, c’est le mariage anglican. Ils n’ont pas à passer à la mairie et votre comparaison ne tient pas.
Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier pour soutenir l’amendement n° 4394.
M. Philippe Meunier. Nous comprenons, à entendre les propos tenus tout à l’heure par le rapporteur, que la majorité est en train de créer un code civil à géométrie variable.
M. Philippe Gosselin. Eh oui ! C’est le droit novlangue !
M. Philippe Meunier. En fait, chacun pourra comprendre ce qu’il veut de l’officier d’état-civil chargé de les marier. Le père peut devenir la mère, la mère peut devenir le père. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de ce que vous êtes en train de faire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Laurence Dumont. Et vous de ce que vous êtes en train de dire ?
M. Philippe Meunier. Il est temps de vous ressaisir !
Nous sommes prêts, monsieur le président, à défendre nos amendements sans prise de parole si vous voulez bien laisser un peu plus de temps à nos collègues lorsqu’ils sont en pleine démonstration juridique, comme le fait très brillamment notre collègue Gosselin. Je vous en remercie par avance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Vous vous placez, mon cher collègue, dans la logique du temps programmé, qui n’a été ni retenue par la Conférence des présidents ni demandée par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est donc le droit commun de notre règlement qui s’applique.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voudrais expliquer le sens de ces amendements, puis répondre à quelques questions qui ne sont pas liées aux amendements eux-mêmes. C’est la loi du genre, pour ainsi dire.
Ces amendements nous proposent d’insérer à l’alinéa 3, après la référence « VII », les mots « et de l’article 78 ». Autrement dit, ce sont des amendements qui visent à exempter de toute disposition interprétative l’article 78.
Ce qui figure dans le texte de la commission, c’est : « à l’exclusion du titre VII ». Ce que nous nous obstinons à dire, et tant pis si vous ne voulez pas l’entendre, c’est que nous ne touchons pas au titre VII qui traite de la filiation. J’ai même dit cette nuit que nous devrions ajouter « biologique » entre guillemets, puisque cette précision semble nécessaire pour que nous parvenions à nous comprendre. Le titre VII du code civil traite de la filiation et d’elle seule. Nous ne touchons pas au titre VII, comme nous ne cessons de le répéter. En particulier, nous n’enlevons pas « père » et « mère » du titre VII.
Certains députés ont pu dire que j’avais eu une appréciation nuancée de la disposition interprétative. Il est vrai que le Gouvernement avait choisi un autre mode d’écriture. Mais la commission a choisi celui-ci, et le Gouvernement ne porte pas d’appréciation sur ce choix.
M. Dominique Dord. Pourquoi ? Il peut corriger le travail de la commission !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En revanche, il peut vous expliquer, comme je ne cesse de le faire, les raisons de son propre choix.
Le texte de la commission précise « à l’exception du titre VII », et les amendements que nous examinons depuis tout à l’heure visent à ajouter des exceptions à celle-ci. Ainsi, vous proposez, par ces amendements, d’ajouter : « et de l’article 78 ». Or, cet article dispose que : « L’acte de décès sera dressé par l’officier de l’état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d’un parent du défunt ou sur celle d’une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu’il sera possible. » Cela signifie donc que, pour les couples homosexuels mariés, vous souhaitez interdire la possibilité de déclarer un décès. Voilà ce que vous êtes en train de faire : il faut dire quel est l’objet de ces amendements ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Si, comme vous le proposez, on applique la disposition interprétative à l’exception du titre VII et de l’article 78, soit les couples homosexuels devront être dotés de parents immortels – et il n’y a pas de raison de le penser –, soit ils seront, en droit, dans l’impossibilité d’effectuer des démarches. C’est pourquoi je disais tout à l’heure, sans ironie, que vous allez plaider votre cause et défendre vos amendements jusqu’au bout, mais que vous ne pouvez pas ne pas partager avec nous le souci que le texte soit bien écrit. Or, si nous adoptons des amendements tels que ceux-là, il ne le sera pas.
Par ailleurs, monsieur Gosselin, puisque c’est par petits bouts (Rires),…
M. Philippe Gosselin. Je n’y verrai pas une attaque personnelle.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Puisque c’est par petits bouts que vous défendez vos amendements, je vais essayer de vous répondre par petits bouts.
M. le président. Sur les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Cet article-balai – le terme n’est pas très heureux – est pour le moins pittoresque, puisqu’il permet de transformer nombre d’articles de notre code civil sans véritablement les transformer. On a ainsi très bien montré qu’au moment de la cérémonie du mariage, on va devoir expliquer, à propos de l’article 371-1 – qui protège les enfants – qu’il y a un père et une mère et, à propos d’un article suivant, que, par père et mère, il faut entendre parents. Voilà qui est bien compliqué. On pourrait écrire « pères » et « mères », avec un « s » : cela ne déplairait pas à la gauche plurielle (Sourires), mais cela resterait compliqué.
À notre prétendue volonté d’obstruction correspond votre volonté manifeste d’abstraction : on n’y comprend rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Le groupe de l’Union pour un mouvement populaire m’ayant transmis sa demande un peu tardivement, nous allons attendre quelques instants avant de procéder au scrutin. (« Le rideau ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il nous faut respecter le délai prévu par le règlement. C’est la faute de M. Jacob… (Sourires.)
M. Christian Jacob. Vous avez raison, monsieur le président. Vous êtes dans votre rôle !
Plusieurs députés du groupe UMP. Les députés de la majorité arrivent pour voter !
M. Jérôme Guedj. Et vous, où étiez-vous ce week-end ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Calmez-vous s’il vous plaît, monsieur Guedj.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 287
Nombre de suffrages exprimés 285
Majorité absolue 143
Pour l’adoption 100
contre 185
(Les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136.
La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 1771.
M. Marc Le Fur. Mes chers collègues, après l’intervention de M. Thévenoud, je souhaiterais que l’on cesse ces allusions constantes à la couleur des vêtements des uns et des autres (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste) ; c’est déplacé. Bientôt, on fera remarquer que ma chemise est de couleur rose et on en tirera je ne sais quel argument. Tout cela n’a pas de sens : faisons preuve du sérieux qu’exigent nos travaux !
Je remercie M. le rapporteur de la réponse qu’il m’a faite au sujet des différents sens du mot : « parents » dans le code civil. Voilà la preuve que, lorsque nous discutons article après article et que le rapporteur nous apporte des réponses argumentées, nous progressons. Quant au « s », notre collègue a évoqué la gauche plurielle ; j’ai trouvé, pour ma part, la réponse un peu singulière. (Sourires.)
Par ailleurs, si, tout à l’heure, notre collègue Myard a évoqué l’avis du Conseil d’État, ce n’est pas pour rien. En effet, la rumeur court dans Paris (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste) que cet avis comporterait un certain nombre de réserves. De deux choses l’une : soit c’est vrai et il faut en tenir compte, soit c’est faux et il faut que nous puissions le constater par nous-mêmes. En tout état de cause, monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, il est indispensable que nous disposions de l’avis du Conseil d’État avant de poursuivre nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1777.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis d’accord avec Marc Le Fur sur la nécessité de disposer de l’avis du Conseil d’État, qui, à ce stade de nos débats, me semble être un élément tout à fait essentiel. En revanche, contrairement à lui, j’invite vivement nos collègues de la majorité – je m’adresse en particulier à vous, monsieur Guedj – à continuer à nous invectiver, parfois à nous injurier (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…
M. Jérôme Guedj. J’ai simplement demandé où se trouvaient certains de nos collègues de l’UMP ce week-end !
M. Jean-Frédéric Poisson. …cela nous donne de l’énergie et nous incite à poursuivre dans la voie que nous avons choisie.
Madame la garde des sceaux, je comprends tout à fait que notre attitude vous décontenance, s’agissant de l’écriture de la loi, mais tout de même ! Je reviens sur la remarque qu’a faite notre rapporteur, tout à l’heure. Je conçois que l’article-balai, méthode dont j’ai bien compris l’articulation et les effets, soit la solution la plus pratique. Celle que vous aviez choisie dans le projet de loi et qui consistait à remplacer purement et simplement les termes de « père » et de « mère » par celui de « parents », était plus difficile à défendre sur le plan politique devant l’opinion, mais elle était plus claire. Là, nous nous trouvons dans une espèce de situation mensongère, puisqu’il faudra systématiquement lire « parents » à chaque fois qu’on lira « père » et « mère » ;
Nous aurons l’occasion ultérieurement d’aborder des arguments concernant l’intelligibilité et la clarté de la loi, mais reconnaissez que l’article 4 nous place dans une situation très ambiguë.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2355.
M. Philippe Gosselin. Nous en venons à la « saison 3 » (Sourires) ; je vais maintenant aborder le cœur du problème.
Les enfants adoptés par un couple de personnes de même sexe auront, disais-je, un état civil distinct des autres enfants, car il ne peut pas être écrit qu’ils sont nés de leurs parents. Cela découle d’un principe essentiel – je dis bien : un principe essentiel – du droit français de la filiation, qui est par ailleurs conforme – et là encore, j’insiste sur ces mots – à l’ordre public international. En effet, la Cour de cassation a livré sa lecture de l’article 310 du code civil dans deux arrêts du 7 juin 2012 qui concernent l’exequatur de deux jugements étrangers d’adoption au profit de ressortissants français. Je peux, car cela a son importance, préciser ce qu’est l’exequatur.
Un député du groupe SRC. Deux minutes !
M. Philippe Gosselin. Si vous voulez jouer à ce jeu-là, je vous rappelle que nous ne sommes pas pressés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes dans une enceinte où l’on fait le droit.
M. le président. Pour le moment, je suis le seul à présider la séance. Poursuivez, monsieur Gosselin.
M. Philippe Gosselin. En deux mots, et sans vouloir être pédant,…
M. Bernard Roman. Vous l’êtes tout de même !
M. le président. Monsieur Roman !
M. Philippe Gosselin. Ne jouez pas à ce jeu-là, mes chers collègues. Si vous le souhaitez, vous remporterez peut-être – car vous avez bien compris que nous n’avons pas dit notre dernier mot – la victoire politique. Encore faut-il l’habiller du juridisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le droit, ce n’est pas de la novlangue, c’est une mécanique précise ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque nous faisons, ici, œuvre de législateur, nous faisons le droit, et il s’agit de bien le faire.
M. Alain Tourret. Nous ne faisons pas le droit, nous faisons la loi. Ce n’est pas la même chose !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je précise – mais j’y reviendrai en « saison 4 », ce n’est pas grave – que l’exequatur est une procédure qui permet de rendre exécutoire en France soit une décision de justice étrangère, soit une sentence arbitrale, qu’elle ait été rendue en France ou à l’étranger.
M. le président. Nous allons en rester là pour le moment, monsieur Gosselin.
La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 3460.
M. Hervé Mariton. La difficulté tient au fait que l’on veut appliquer – très imparfaitement, comme nous venons de le voir – la même procédure aux couples de personnes de même sexe qu’aux couples de personnes de sexe différent. La solution aurait consisté à créer, à inventer, une procédure publique adaptée.
Dois-je rappeler à Mme la garde des sceaux, qui cite Léon-Gontran Damas dans son discours introductif – vous avez de bonnes lectures, chère madame –, que ce poète a très souvent exprimé, dans son œuvre, l’idée que les différences entre les personnes ne devaient pas être niées, mais assumées, acceptées et promues ? Bref, qu’il considérait que la différenciation était préférable à l’identification.
Vous qui citez un poète prônant que, face à des situations différentes, l’on refuse une assimilation ne correspondant pas à la réalité des choses – ce qui n’attente en rien à la dignité des personnes –, pourquoi cautionnez-vous cette construction extravagante qu’est l’article-balai ?
Un député du groupe UMP. Ce n’est pas parce qu’elle le cite qu’elle l’a lu !
M. Hervé Mariton. Cet article reflète bien une volonté d’indentification jusqu’à l’artificiel, jusqu’au factice. Madame la garde des sceaux, revenez à Léon-Gontran Damas !
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3513.
M. Xavier Breton. Les difficultés de coordination du texte avec l’article 371-1 du code civil sont dues en grande partie à un problème touchant l’ensemble du texte, à savoir un manque de concertation. Vous n’avez pas souhaité organiser un débat public, alors que ce débat, qui passionne les Françaises et les Français, existe au sein de la société. Pour notre part, nous avons organisé des réunions dans la France entière, notamment avec l’Entente parlementaire pour la famille, ce qui a amené les médias à s’emparer du sujet – d’où la vague d’articles dans les quotidiens et les hebdomadaires, les émissions télévisées ou radiodiffusées qui passionnent nos concitoyens.
M. Pascal Popelin. Donc, le débat existe, vous le dites vous-même !
M. Xavier Breton. Vous avez voulu passer en force et vous êtes en train de le payer, car l’absence de concertation vous a empêchés d’aller au fond du texte. Si vous aviez organisé des états généraux, comme nous l’avons fait avant l’examen de la loi de 2011 relative à la bioéthique – je parle sous le contrôle de Jean Leonetti –, il y aurait eu une consultation par internet, il y aurait eu des réunions régionales, et vous auriez rencontré des maires ou des adjoints, officiers d’état civil qui, s’étant rendu compte que quelque chose n’allait pas, vous auraient fait part de leurs doutes. « Comment les choses vont-elles se passer quand je vais donner lecture de l’article 371-1 du code civil ? », vous auraient-ils demandé.
Plutôt que de procéder ainsi, vous avez voulu passer en force, avec cet article-balai qui, comme son nom l’indique, devait balayer tous les problèmes. Or, vous pouvez peut-être nier la réalité, mais elle finit toujours par vous rattraper. Nous vous demandons donc une nouvelle fois d’aller devant les Françaises et les Français, qui vont sans doute repérer de nombreuses situations, similaires à celle qui vient d’être évoquée, où votre novlangue vous empêche de décrire la réalité. La concertation est toujours possible, de même que la consultation des Français par référendum, une demande que nous maintenons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier pour soutenir l’amendement n° 4136.
M. Philippe Meunier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’avis du Conseil d’État est d’importance car, pour continuer à travailler sereinement, nous devons être éclairés. J’espère donc que l’avis du Conseil d’État nous sera communiqué au plus vite, afin de nous permettre de faire avancer ce débat dans les meilleures conditions.
Je regrette qu’on n’ait pas laissé à Philippe Gosselin le temps de terminer sa démonstration, car il souhaite rappeler un élément essentiel de notre droit, et lorsqu’il aura pu dire tout ce qu’il a à dire, vous serez dans l’obligation de lui répondre, et nous vous écouterons avec une très grande attention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite donner un avis détaillé sur ces amendements et, du même coup, répondre aux députés qui les ont soutenus, notamment M. Mariton. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons qu’il l’a été aux amendements précédents – mais puisque vous vous répétez, je suis bien obligée de faire de même –, à savoir que la commission a choisi une méthode d’écriture interprétative.
M. Claude Goasguen. Ça n’existe pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette méthode existe bel et bien : comme je l’ai déjà expliqué devant la commission des lois, où j’ai été interpellée à ce sujet, nous avons simplement eu recours au mode d’écriture le plus courant en légistique. Pour moi, il ne s’agissait évidemment pas de donner des leçons à qui que ce soit, mais lorsque nous vous donnons des explications, neuf fois sur dix – pour ne pas dire onze fois sur dix –, pour nous accuser de vouloir vous donner des leçons ! Je le répète, la commission a fait le choix d’une méthode d’écriture.
M. Marc Le Fur. Une méthode qui ne vous agrée pas tant que cela, reconnaissez-le !
M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Le Fur ! En tant que vice-président de notre assemblée, vous connaissez pourtant le règlement !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La question n’est pas là, monsieur Le Fur : en fait, le Gouvernement est respectueux du Parlement et de son règlement,…
M. Dominique Dord. Incroyable !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …un règlement en vertu duquel nous débattons, en séance plénière, à partir du texte de la commission.
Les deux méthodes se valent…
M. Xavier Breton. Vous ne paraissez pas très convaincue !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …mais si nous avions conservé la première méthode, celle de recensement, je suis sûre que vous n’auriez cessé de nous faire des gammes – sans rien démontrer, au demeurant – sur le risque d’avoir oublié un quart d’article quelque part.
M. Dominique Dord. La vraie question, c’est de savoir si c’est juste ou pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur la deuxième méthode, la méthode d’interprétation que nous avons choisie, vous faites des gammes sur les problèmes liés à l’interprétation. Mais on n’interprète pas article par article, et vous le savez bien !
Nous entendons, depuis plusieurs jours, M. Dhuicq nous parler du verbe créateur. Avec vous, cela devient le verbe transformateur : vous prenez le texte issu des travaux de la commission et, plutôt que de dire ce qu’il contient, vous passez votre temps à faire des procès au Gouvernement, et à parler devant les Français de choses qui ne figurent même pas dans le texte. En réalité, la disposition interprétative ne concerne pas des articles, mais précise que le titre VII du code civil est exclu et, sur tout le reste, indique comment les mots doivent être interprétés. Vous ne pouvez donc pas prétendre que tel ou tel article a été oublié, puisque la disposition interprétative a précisément pour objet d’indiquer comment il convient d’interpréter un mot donné à chaque fois qu’il apparaît. Vous pouvez continuer à présenter vos amendements, mais les Français doivent savoir qu’il n’y a pas d’oubli…
M. Dominique Dord. Si !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que la loi n’a pas été mal écrite, mais simplement écrite selon une méthode particulière, choisie par la commission.
M. Philippe Gosselin. Prudence !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant à vous, monsieur Mariton, qui avez pris un ton assez grave pour m’interpeller sur Léon-Gontran Damas, un poète guyanais, je le rappelle,…
M. Hervé Mariton. Tout à fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qui, on l’oublie souvent, a siégé ici même,…
M. Hervé Mariton. C’est exact !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …je dois vous dire que je n’avais jamais assisté à tel détournement de son œuvre.
Vous m’enjoignez de revenir à Damas, monsieur Mariton,…
M. Philippe Gosselin. Il faut trouver votre chemin de Damas, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …parce que Damas est le poète de la différence. Avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas est d’abord le poète de la négritude, un courant littéraire et politique.
M. Hervé Mariton. Oui, je sais tout cela !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ses écrits en prose comme dans ses rapports à l’Assemblée nationale et dans ses poèmes, Léon-Gontran Damas parle effectivement de la différence et du respect. Mais chez lui, jamais la différence n’est un prétexte justifiant l’inégalité des droits.
M. Hervé Mariton. Voulez-vous que je vous lise le poème, madame ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ne vous donnez pas cette peine, je connais très bien les poèmes de Léon-Gontran Damas, qu’il s’agisse de Pigments, de Névralgies ou de Black-Label. Je vais d’ailleurs vous dire ce qu’il vous aurait dit, en réponse à ce que vous affirmez – c’est un poème extrait de Black-Label :
« Nous les gueux/ nous les peu/ nous les rien/ nous les chiens/ nous les maigres/nous les Nègres […]/ Qu’attendons-nous […]/ pour jouer aux fous/ pisser un coup/ tout à l’envi/ contre la vie/ stupide et bête/ qui nous est faite ? »
Ne pas accorder l’égalité des droits, ne pas reconnaître la liberté, cela revient à dire aux Français : « Qu’attendez-vous pour jouer aux fous contre la vie stupide et bête qui vous est faite » ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
M. le président. Monsieur Mariton, vous aurez permis la rencontre de la justice et de la poésie ! (Sourires.)
Sur les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. On ne m’en voudra pas, j’espère, de quitter les chemins de la poésie pour retrouver ceux du droit – ce que je ferai en rappelant que Damas était contre l’égalité artificielle, madame la garde des sceaux.
M. Hervé Mariton. Tout à fait !
M. Patrick Ollier. Or, je crois que l’obstination à promouvoir l’égalité par la suppression de la différence des sexes aboutit à une égalité artificielle, et à l’aberration juridique qui nous est aujourd’hui soumise. (Applaudissements quelques bancs du groupe UMP.)
Pour en revenir à l’article 371-1 du code civil, je voudrais vous poser une question très simple, monsieur le président de la commission des lois et monsieur le rapporteur : avez-vous déjà ressenti l’émotion de celui qui procède à un mariage ? Cette question, je la pose aussi à Mme Buffet et à M. Thévenoud, et je crois que la réponse est non pour chacun d’entre vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Allons, mes chers collègues ! Alors que les jours du cumul des mandats sont désormais comptés, laissez M. Ollier en évoquer les joies ! (Sourires.)
M. Patrick Ollier. Effectivement, monsieur le président, mon intervention peut aussi se concevoir comme un plaidoyer pour le cumul des mandats…
Je veux simplement dire à mes collègues que celui ou celle qui procède à un mariage est, en cet instant, pris d’une telle émotion – je parle de ma propre expérience – qu’il doit lire fidèlement les documents qu’il a sous les yeux, ce qui ne lui permet pas de se livrer à la moindre interprétation. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Fauré. N’importe quoi !
M. Patrick Ollier. Si elle était adoptée, la disposition interprétative serait, en ce qui concerne l’article 371-1 du code civil, à l’origine d’erreurs dramatiques. Cette…
M. le président. Merci, monsieur Ollier.
M. Patrick Ollier. Je termine, monsieur le président…
M. le président. Vous avez terminé.
M. Patrick Ollier. Comment, déjà ?
M. le président. La parole est à M. François Loncle.
M. François Loncle. Je voudrais, pour ma part, souligner une erreur – probablement involontaire, soyons indulgents – de notre collègue Hervé Mariton. Vérification faite, je suis en mesure de l’assurer que le mariage civil existe bel et bien en Angleterre, et qu’il n’est pas nécessaire de passer devant le pasteur anglican pour le conclure.
M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit le contraire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Fauré. Si, vous l’avez dit !
M. François Loncle. En la matière, le gouvernement très conservateur de M. Cameron nous donne un exemple de progrès et d’humanisme, deux vertus qui semblent malheureusement vous faire défaut depuis le début de notre discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Vous avez tort, chers collègues de l’opposition, de parler de passage en force. En disant cela, vous dévalorisez la qualité des débats auxquels nous participons depuis plusieurs jours. Pour ma part, j’écoute ce que vous dites, et c’est ainsi que les choses doivent se faire, par l’écoute et l’échange. Pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître que nous avons un vrai débat parlementaire, auquel nous consacrons tout le temps nécessaire ?
Monsieur Ollier, je veux vous dire que ce texte ne vise pas à créer une égalité artificielle, qui serait celle niant la différence des sexes. Or, c’est bien parce que nous reconnaissons la différence des sexes que nous reconnaissons les mêmes droits à chacun et chacune, hétérosexuels et homosexuels, dans leurs différences et leur humanité,…
M. Patrick Ollier. Non, c’est l’effacement de la différence !
Mme Marie-George Buffet. …en l’occurrence le même droit au mariage et à l’adoption. Ce n’est pas une égalité artificielle, mais une véritable égalité.
Monsieur Ollier, puisque vous parliez de l’émotion de l’officier d’état civil qui célèbre les mariages, sachez que je n’ai franchement qu’une hâte, puisque j’exerce cette fonction, c’est de pouvoir marier dans quelques semaines des couples homosexuels qui attendent cela depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Erwann Binet, rapporteur. Je souhaiterais tout de même répondre à M. Ollier. Celui-ci nous a rappelé l’émotion qui préside à la célébration de tous les mariages et que partagent tous les élus. Depuis plusieurs années, on lit au cours de la cérémonie un article qui participe grandement au maintien de cette émotion que nous avons tous ressenti en participant aux mariages, l’article 220 du code civil : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour les dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. Elle n’a pas lieu non plus s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. »
Cet article, qui, disons-le, jette un certain froid dans l’émotion du mariage(Sourires), a été introduit dans liste de ceux dont l’officier d’état civil doit faire lecture aux futurs époux par un amendement au projet de loi portant réforme du crédit à la consommation déposé par M. Diard à la demande de M. Patrick Ollier au titre de l’article 88 du règlement. (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. Patrick Ollier. Je le revendique ! Et je peux vous expliquer pourquoi !
M. Jean Glavany. On est loin de l’émotion !
M. le président. Monsieur Ollier, s’il s’agit d’un fait personnel, la parole vous sera accordée en fin de séance…
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513, 4136.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue 154
Pour l’adoption 108
Contre 199
(Les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136 ne sont pas adoptés.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Pour que la légistique rejoigne la poétique, permettez-moi à nouveau de me référer au poète Damas, qui nous rassemble aujourd’hui…
M. Marc Le Fur. Il faudrait auditionner M. Damas ! (Sourires.)
M. Hervé Mariton. …et qui a incité les minorités à ne pas chercher à imiter les majorités. Rassurez-vous, madame la ministre, nous n’avons aucune intention d’imiter votre majorité, et ce d’autant moins que vous risquez, avec ce projet de loi, de nous plonger dans « la nuit longue » évoquée par le poète – vous citiez d’ailleurs ces vers l’autre jour –,…
M. Patrick Bloche. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Hervé Mariton. …tant l’édifice juridique que vous construisez est absolument fragile.
M. le président. Est-ce un rappel au règlement, monsieur Mariton ?
M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le président.
M. le président. Alors venez-en au fait.
M. Hervé Mariton. Que risquez-vous d’infliger aux officiers d’état civil ? C’est ce que Damas appelle « l’impression d’être ridicule ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Hervé Mariton. Nous ne voulons pas que les officiers d’état civil soient ridicules ; au demeurant, je crains que ce qualificatif ne s’applique au Gouvernement.
M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement.
La parole est à M. Christian Jacob, pour un vrai rappel au règlement – du moins, je l’espère.
M. Christian Jacob. Monsieur le président, je m’exprime au titre de l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux.
Nous avons assisté depuis une semaine à l’apparition de tensions, parfois même de fissures au sein de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; nous l’avons constaté notamment au moment du débat sur la GPA entre le groupe écologiste, d’une part, et le Gouvernement et le groupe socialiste, d’autre part. Ces tensions se sont également exprimées au sein même du Gouvernement avec le rappel à l’ordre du Premier ministre. Nous les voyons maintenant surgir entre le Gouvernement et la commission, puisque Mme la garde des sceaux prend ses distances avec les travaux réalisés par la commission.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non !
M. Christian Jacob. C’est ce que vous venez de dire, madame la ministre ; les mots ont un sens !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le verbe transformateur !
M. Christian Jacob. Vous avez dit que vous preniez vos distances avec les travaux réalisés par la commission, notamment quant à la méthode de travail qui a été utilisée.
Par ailleurs, vous refusez de nous communiquer l’avis du Conseil d’État. Plusieurs de mes collègues l’ont évoqué : il y a d’importantes suspicions sur l’écriture du texte, et il semble en effet que le Conseil d’État ait formulé des remarques très dures à l’encontre de celui-ci. Je voudrais donc que le doute soit levé et que vous rendiez public l’avis du Conseil d’État, afin que nous sachions réellement ce qu’il en est. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À défaut, nous allons passer l’après-midi ou la nuit sur ce texte ; vous voyez bien les imperfections qu’il comporte aujourd’hui ! Une correction est vraisemblablement possible, mais acceptez de rendre public l’avis du Conseil d’État.
Par ailleurs, afin de vous permettre de mûrir votre réflexion sur ce point, je demande au président une suspension de séance pour réunir mon groupe.
M. le président. Avant de faire droit à votre demande, monsieur Jacob, je donne la parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, pendant dix ans nous avons assez souvent demandé les avis du Conseil d’État au Gouvernement, qui nous répondait la plupart du temps que ce dernier agissait en tant que conseil du Gouvernement et que son avis n’était pas public, pour acter que ce fonctionnement correspond à la réalité. Nous pouvons toutefois espérer qu’il puisse en être autrement dans le futur, car cela pourrait également éclairer les travaux de l’Assemblée.
Monsieur Jacob, j’aimerais vous demander d’arrêter l’obstruction parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Ce sont de vraies questions !
Mme Claude Greff. C’est de la précision, c’est important !
M. Bruno Le Roux. J’ai fait un petit calcul et je crois que, si l’opposition changeait de comportement, nous pourrions très certainement progresser dans nos travaux. J’ai compté le nombre de fois où le président du principal groupe d’opposition était intervenu en dehors de la discussion générale, soit dans des interventions soit dans des rappels au règlement. J’ai recensé soixante-quatre interventions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui visaient à mettre en cause pour vingt-trois d’entre elles le Gouvernement et pour vingt d’entre elles un parlementaire de la majorité. Autrement dit, les deux tiers de ces interventions ont été l’occasion de mettre en cause la majorité ou le Gouvernement.
Vous voulez créer dans cet hémicycle une ambiance délétère et empêcher le Gouvernement et la majorité d’avancer. Quant à nous, nous sommes sereins : ce texte sera voté, le mariage sera permis demain pour les personnes de même sexe et aujourd’hui nous vous demandons d’arrêter la stratégie d’obstruction qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Ollier. Nous sommes ici pour défendre nos valeurs, pas pour faire de l’arithmétique !
Suspension et reprise de la séance
M. le président. Je pense que la demande de M. Jacob est bienvenue : la séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)
Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Article 4 (suite)
M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2054.
M. Dominique Tian. Cet amendement, cosigné par M. Jean-Frédéric Poisson, a pour objet d’insérer, à l’alinéa 3, après la référence « VII », les mots : « et de l’article 108 ».
Je ferai référence à Sylviane Agacinski (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui n’a pas été très présente dans les débats depuis tout à l’heure, ce qui est regrettable car sa tribune du Monde nous avait éclairés. L’article publié hier par le Figaro le confirme. Elle y déclare en effet, et je prie mes collègues de gauche de bien écouter : « En réalité, je pense qu’il y a énormément de gens de gauche qui sont extrêmement sceptiques sur ce projet. »
M. Gérald Darmanin. C’est vrai !
M. Dominique Tian. En outre, dans des interviews données sur RTL et dans l’émission Le Grand Journal de Canal Plus, elle s’élève contre l’intoxication idéologique très pesante, très impressionnante, selon laquelle si vous n’êtes pas favorable au projet gouvernemental, vous êtes forcément de droite, réactionnaire, religieux et même intégriste.
Comme nous ne sommes ni les uns ni les autres cela, je vous propose d’adopter l’amendement déposé par M. Jean-Frédéric Poisson et moi-même.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2611.
M. Marc Le Fur. J’espère que le Gouvernement nous communiquera l’avis du Conseil d’État. J’ai profité de la suspension pour prendre quelques informations du côté du Palais-Royal. Effectivement, non seulement bruit mais enfle la rumeur selon laquelle cet avis comporterait un certain nombre de réserves.
Madame la ministre, vous avez implicitement tenu des propos critiques à l’égard de l’article tel qu’il a été réécrit par la commission. La rédaction initiale du Gouvernement avait suscité une certaine hostilité de l’opinion, chacun le sait. Il a été imaginé un dispositif purement politique pour éviter cet excès de critiques et vous considérez que cette nouvelle rédaction pose des problèmes.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas dit ça !
M. Marc Le Fur. Ne pourriez-vous donc pas d’une manière ou d’une autre l’amender ? Depuis que c’est sur le texte de la commission que nous débattons, c’est au Gouvernement de déposer des amendements, et on l’a vu dans un certain nombre de débats. Il n’est tenu par aucun délai. Vous pouvez donc parfaitement encore en déposer. Vu l’avis du Conseil d’État et les propos que vous avez tenus sur la nouvelle rédaction de la commission, c’est à vous de prendre l’initiative.
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4397.
M. Philippe Meunier. Nous souhaitons avoir l’avis du Conseil d’État pour éclairer nos travaux afin que nous puissions nous prononcer dans les meilleures conditions possibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Sur les amendements n°s 2054, 2611 et 4397, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Claude Goasguen.
M. Claude Goasguen. Je voudrais essayer de rendre l’article 371-1 un peu clair. Cet article n’est pas neutre, il est lu au moment du mariage. Il a été introduit à la demande de Mme Royal par le gouvernement socialiste. L’article 371-2, lui, ne fait pas référence aux père et mère. Pour la clarté des choses, vous devriez ajuster l’article 371-1 sur lui.
Vous avez souligné vous-même dans votre discours de présentation du texte, madame la ministre, que le mariage en France avait une caractéristique qu’avait rappelée le doyen Carbonnier, que c’était une institution issue de la Révolution. C’est dire que toutes vos comparaisons avec les mariages des pays étrangers sont caduques.
Pour être très précis, ce qui se passe en Angleterre n’a rien à voir avec ce qui se passe ici.
M. Bernard Roman. Ce sont des conservateurs qui votent le mariage entre couples du même sexe !
M. Claude Goasguen. M. Cameron propose la modification des mariages devant l’église anglicane, mais le mariage n’a pas en Angleterre les conséquences juridiques qu’il a en France puisque c’est un contrat et non une institution et que, par ailleurs, le mariage civil permet à tout individu qui ne veut pas aller devant l’église anglicane de se marier d’une autre manière. L’Espagne, c’est exactement pareil, mais en sens inverse.
Notre mariage est donc bien spécifique en ce qu’il est issu de la Révolution française. La filiation, l’adoption, tout ce qui fait du mariage une institution est typiquement français. Ne citez donc plus en exemple les évolutions de mentalités et les conséquences juridiques dans les autres pays. Cela ne sert à rien, ce n’est pas du tout la même chose.
Cela dit, je persiste et signe, dans un esprit positif. Pour éviter les contestations qui naîtront sur l’article 371-1, ajustez-le sur l’article 371-2 et vous éviterez des incompréhensions de la part de ceux qui participeront à ce seul moment où on lit un article qui ferait référence aux père et mère. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 2054, 2611 et 4397.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 210
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 68
contre 142
(Les amendements n°s 2054, 2611 et 4397 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous arrivons à une autre série d’amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1783.
M. Marc Le Fur. Nous attendons toujours votre réponse aux deux questions que nous vous avons posées, madame la ministre, je suis convaincue que vous les avez parfaitement enregistrées. Quelle publicité entendez-vous donner à l’avis du Conseil d’État, puisque cela devient objectivement une difficulté, et quelle est votre attitude envers ce texte qui est une initiative parlementaire puisque le texte initial du Gouvernement était sensiblement différent ?
Vous évoquez en permanence l’Angleterre conservatrice, mes chers collègues. Vous en êtes réduits, pour justifier votre réforme, à faire appel à ceux que vous dénoncez par ailleurs, les libéraux, les super-libéraux, les ultralibéraux, qui sont dans leur logique peut-être, mais ce n’est pas la nôtre. Nous sommes ici dans une logique organisée, celle de notre pays, celle de la liberté, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) celle de l’organisation républicaine. Vous vous inspirez de monarchies ultralibérales, cela ne convient pas.
Pour finir sur un trait d’humour, monsieur le président, puisque tout le monde parle de Léon-Gontran Damas, il serait judicieux que nous puissions recevoir en audience et interroger ce monsieur considérable.
M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1786.
M. Dominique Tian. C’est un amendement que j’ai co-écrit avec Jean-Frédéric Poisson.
Je reviens à la lecture du journal Le Figaro et à ce que déclarait Sylviane Agacinski puisque nous avons la chance d’avoir une philosophe plutôt de gauche qui dit des choses que la droite aime bien, un grand nombre de gens de gauche également.
Elle déclare tout simplement mais c’est important : Si je suis favorable au mariage homosexuel, j’insiste cependant sur la nécessité de distinguer le processus de filiation et le mariage. On ne peut pas faire comme si la logique traditionnelle du mariage pouvait s’appliquer aussi bien dans le cas d’un couple de même sexe que dans le cas d’un couple avec un homme et une femme. Le schéma du rapport parent enfant vient du modèle naturel biologique de la procréation. C’est la raison pour laquelle la filiation, même quand ce ne sont pas les vrais géniteurs, est faite sur ce modèle. C’est une structure qui n’est pas mathématique, ce n’est pas un plus un. Ce n’est pas quantitatif, c’est qualitatif. Les parents, comme les géniteurs, ne sont pas interchangeables.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement et appelons l’attention de nos collègues de gauche sur les difficultés qui se poseront très rapidement. Une philosophe de gauche tient aussi parfois des propos de bon sens qui devraient tous nous réunir dans l’adoption de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2356.
M. Philippe Gosselin. Un principe essentiel du droit français et de la filiation, qui est du reste aussi un principe de l’ordre public international, découle de l’article 310 du code civil, et deux arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2012 nous le rappellent avec force et insistance.
Or l’article 4, article-balai, pour éviter par un tour de passe-passe le tourbillon de la suppression des termes « père » et « mère », prend soin de préciser que les dispositions du présent livre s’appliquent également dans divers cas, « à l’exception des dispositions du titre VII ».
M. Claude Goasguen. Exactement !
M. Philippe Gosselin. Or l’article 310 du code civil est justement dans le titre VII. CQFD.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’avais l’intention de vous le dire !
M. Philippe Gosselin. Pourquoi attendez-vous alors aussi longtemps alors que je vous le demande depuis la nuit dernière ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous aimez que les choses durent, et je m’en réjouis sans doute (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais tout de même.
M. Jean-Claude Perez. Lamentable ! Vaniteux !
M. Philippe Gosselin. Si vous avez la réponse, donnez-la nous parce que l’article 310 est la pierre angulaire. Si le projet…
M. le président. Merci.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3515.
M. Xavier Breton. J’aurais voulu remercier M. Le Roux d’avoir fait l’éloge de notre président de groupe, Christian Jacob, pour sa disponibilité, sa présence, son assiduité. C’est vrai que nous n’avons pas un président à éclipses, et nous nous en félicitons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP),mais j’aurai l’occasion de le lui dire quand il passera en coup de vent dans cet hémicycle.
Il a parlé d’obstruction. Non. Nous ferions de l’obstruction si nous répétions toujours la même chose (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC), mais ce n’est pas le cas. En allant au fond des choses, nous avons montré qu’il y avait une révolution du nom patronymique. En allant au fond des choses, nous avons vu le ridicule dans lequel vous allez placer les maires et les adjoints et les couples de personnes de même sexe lors de la cérémonie de mariage. En allant au fond des choses comme le fait Philippe Gosselin, nous posons des problèmes de droit.
Nous attendons des réponses et elles viennent laborieusement ou ne viennent pas du tout. Encore une fois, l’obstruction, ce serait de répéter indéfiniment la même chose. À chaque fois, nous posons des problèmes différents. Nous n’avons donc pas de leçon à recevoir.
La question de l’article 371-1 me semble très importante. La cérémonie du mariage, Patrick Ollier l’a souligné tout à l’heure, c’est un moment important. Celles et ceux d’entre nous qui ont eu la chance d’en célébrer savent que l’on entre dans la vie des gens, qu’il se passe quelque chose entre l’élu et des gens dans leur parcours de vie. C’est un moment crucial et c’est vrai que les articles qui ont été ajoutés au cours des dernières années n’ont pas contribué à la solennité. Quand on lit l’article 371-1, ou l’article 220 dont vous parliez tout à l’heure, monsieur le rapporteur,…
M. le président. Merci.
Sur les amendements n°s 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4145.
M. Philippe Meunier. En écoutant vos arguments, nous constatons tous qu’il y a une alliance objective entre les libéraux anglais, c’est-à-dire les conservateurs, et les socialistes libertaires ainsi que les écologistes de France, mais ce n’est certainement pas dû au hasard.
Nous n’avons vraiment pas le même projet de société que le vôtre,…
Plusieurs députés du groupe SRC. Eh non !
M. Philippe Meunier. …nous avons une autre vision de la République. Comme l’a souligné l’un de mes collègues tout à l’heure, pour nous, la République, cela a de l’importance. La France, ce n’est pas l’Angleterre. La France, ce n’est pas la Belgique. La France, c’est la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.
Pour éclairer l’Assemblée et tous ceux qui nous écoutent, je donne lecture de l’article auquel les députés de l’opposition ne veulent pas appliquer la disposition interprétative : aux termes de l’article 108-2, « le mineur non émancipé est domicilié chez ses père et mère ». En clair, si ces amendements sont adoptés, le mineur non émancipé ne pourra plus résider chez ses père et mère. Pour démontrer son intérêt pour les droits de l’enfant, on a déjà réussi à faire beaucoup mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député Gosselin, je ne vous avais pas répondu car vous n’étiez pas allé au bout de la démonstration que, depuis cette nuit, vous nous livrez par tranches. Ce n’était pas faute de bonne volonté, mais la formulation de votre question était telle que je ne comprenais pas l’angle sous lequel elle était posée !
Cette fois-ci, vous en avez dit assez pour que je comprenne que vous liez l’article 310 du code civil à la question de l’acte d’état civil. Vous nous indiquez que l’enfant adopté par un couple homosexuel aurait une identité sexuelle problématique. Sauf que le titre VII, auquel appartient effectivement l’article 310, ne traite pas de l’adoption, mais de la filiation biologique. Vous ne pouvez établir un lien entre l’article 310 et l’acte d’état civil en cas d’adoption. C’est seulement lors de votre dernière intervention que j’ai réussi à comprendre votre question !
Enfin, M. Le Fur souhaitait que l’on auditionnât M. Léon-Gontran Damas. Dois-je préciser qu’il est décédé en janvier 1978 ?
M. Patrick Ollier. Aux États-Unis, d’ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Yves Censi.
M. Yves Censi. Nous en avons donc fini avec la controverse poétique. Nous sommes maintenant à l’heure de vérité. Le Gouvernement a dû, en quelque sorte, négocier entre deux visions opposées. L’une consiste, au titre de parents, à évoquer deux pères ou deux mères. L’autre, que nous défendons, considère qu’il s’agit d’une falsification de la réalité. Je n’évoque pas ici les arguments psychosociaux que nous avons largement développés jusqu’à maintenant.
Mesdames les ministres, vous n’avez pas osé aller jusqu’au bout – c’est, quelque part, une forme de lâcheté (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – ; vous n’avez pas voulu mettre un « s » aux termes de père et de mère, et vous avez choisi l’ambiguïté. Vous avez fait en sorte de créer dans le droit et d’institutionnaliser la notion de deux pères ou de deux mères, mais surtout sans le dire expressément, car vous savez très bien qu’une partie de la population n’adhère pas à ces idées.
Avec ce choix ambigu et masqué, vous ne nommez pas les choses. J’ai cité hier Boileau – ce qui n’est pas nommé n’existe pas –, je pourrais aujourd’hui parler de « déni » freudien. Vous imposez ce déni aux enfants et c’est ce qu’il y a de pire. C’est la première fois dans l’histoire qu’un déni est institutionnel et qu’il figure dans le droit.
M. le président. Merci. La parole est à Mme Monique Orphé.
Mme Monique Orphé. Permettez-moi tout d’abord de saluer le courage politique des ministres et des rapporteurs qui, depuis une semaine, portent ce débat avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Contre la vision réductrice et simpliste de la famille que l’on veut nous imposer, ils défendent ardemment la nécessité d’accorder les mêmes droits pour ceux qui choisissent de « faire famille » différemment.
M. Guy Geoffroy. « Faire famille », cela ne veut rien dire !
Mme Monique Orphé. Je voudrais dire et réaffirmer notre soutien à ce texte au nom des principes fondamentaux de notre République, liberté, égalité, fraternité !
J’ai entendu un député de l’opposition reprocher à la garde des sceaux son obsession de l’égalité. Une telle obsession n’existe pas. Soit l’on se bat pour que l’égalité s’affirme partout où elle n’existe pas encore, soit l’on accepte une égalité partielle, incomplète, exclusive !
M. Patrick Ollier. Ce n’est pas d’égalité que vous parlez, mais d’uniformité !
Mme Monique Orphé. Une société inégalitaire, c’est une société qui n’intègre pas, qui ne respecte pas et ne reconnaît ni la dignité ni les droits de certains de ses membres.
M. Patrick Ollier. Vous créez de l’inégalité !
Mme Monique Orphé. Nous ne voulons pas de cette société ! Les propos tenus dans cet hémicycle, les attaques simplistes, les remarques sexistes, l’agitation de peurs infondées, comme la prochaine invasion d’étrangers mariés à des homosexuels, ainsi que les jeux de mots douteux – cet après-midi encore, vous avez parlé de « ventres en état futur d’achèvement » – constituent un spectacle affligeant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ouvrez les yeux ! Nous sommes loin de l’image idyllique et intemporelle de la famille que vous nous décrivez. Le mariage a évolué, les formes de conjugalité et les manières de « faire famille » aussi.
M. Christian Jacob. « Faire famille » !
Mme Monique Orphé. Il faut les accepter, les reconnaître et les nourrir de cette diversité que représente notre société.
Je veux conclure en disant à l’opposition que je viens d’une île multiethnique et multiculturelle. Je suis heureuse d’y vivre car elle m’a apporté une ouverture d’esprit et appris la tolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 274
Nombre de suffrages exprimés 274
Majorité absolue 138
Pour l’adoption 96
contre 178
(Les amendements identiques n° 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous en venons maintenant à une série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2057.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous aurons l’occasion, dans les temps qui viennent, de réitérer notre demande d’informations plus précises sur l’avis du Conseil d’État. Celles-ci devraient nous permettre de préciser le contenu de nos travaux, puisque ces juristes éminents ont semble-t-il émis des critiques sévères sur le projet de loi. Il me paraît donc difficile de continuer à débattre sans connaître le point de vue extrêmement éclairé de cette haute institution. L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2407.
M. Philippe Gosselin. Je reprends la demande, déjà formulée de façon insistante par mes collègues, qui concerne l’avis du Conseil d’État.
Je reviens sur l’échange que la garde des sceaux et moi-même avions commencé à développer sur l’article 310 du code civil. Voilà une difficulté très importante. Je rappelle que deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012 précisent que l’article 310 du code civil constitue un principe essentiel du droit français de la filiation – chacun pourra peser les termes – et que sa violation représente une atteinte à l’ordre public international. Il s’impose donc de façon absolue à notre droit. Par ailleurs, l’article 310 figure au chapitre VII et n’est pas concerné par l’amendement-balai. Vous me parlez de filiation, mais l’article 310 traite bien de l’acte d’état civil. Avec l’adoption plénière, il y a substitution de la filiation. Cela vous amène, j’y reviens, à établir deux types d’acte d’état civil.
Mme Claude Greff. Je le dis depuis le début !
M. Philippe Gosselin. L’un d’entre eux laissera forcément apparaître l’orientation sexuelle des parents, ce qui est une forme de discrimination.
M. le président. Merci. Sur les amendements n° 2057 et identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3683.
M. Xavier Breton. Je déplore les conditions de ce débat, qui empêchent d’aller au fond des choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est difficile de développer un raisonnement dans sa totalité et d’obtenir des réponses.
Nous demandons la transmission de l’avis du Conseil d’État car nous ne pouvons examiner un texte aussi important – une réforme de civilisation – sans disposer de tous les éléments. Nos concitoyens attendent de la transparence. Encore une fois, nous renouvelons notre demande car des problèmes ont été soulevés. Nous aimerions les connaître et pouvoir travailler dessus.
Je voudrais revenir sur les difficultés, évoquées par M. Mariton, qui pourraient surgir dans l’application de l’article 75 du code civil lors des cérémonies de mariage. Je le disais tout à l’heure avant d’être interrompu, une cérémonie de mariage, pour qui a eu le privilège d’en célébrer, est un moment important pour un élu. Une rencontre a lieu entre notre fonction – la personne qui la revêt temporairement – et les futurs époux.
On lit aux époux un certain nombre d’articles comme l’article 371-1 et on a même rajouté récemment l’article 220, ce qui ne contribue pas à la solennité du moment. À l’évidence, nous avons du mal à écrire le droit, ce qui est révélateur d’une société qui ne parvient plus à dire les choses clairement. Autrefois, en une phrase – « Les époux se doivent mutuellement fidélité, respect, secours, assistance » –, tout était dit et tout restait à faire. Aujourd’hui, on veut épuiser la réalité dans le droit, sans y parvenir.
Une complexité encore va se rajouter, puisqu’il nous faudra lire un texte tout en l’interprétant : il faudra, lorsque l’on prononce les mots « père et mère », expliquer que l’on peut entendre « pères » ou « mères ». On voit bien le ridicule des choses. Il nous faut travailler sur la rédaction de cet article.
M. Marcel Rogemont. Ce qui est ridicule, c’est votre persistance à ne rien comprendre !
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4399.
M. Philippe Meunier. Madame Orphé, ce n’est pas nous qui parlons d’obsession de l’égalité, c’est votre collègue du groupe écologiste qui a déclaré tout à l’heure : « notre obsession, c’est l’égalité ». Vous confondez égalité et égalitarisme. L’égalité, c’est le respect des différences. Mais avec ce projet de loi, vous ne respectez pas les différences, vous mélangez tout, vous confondez tout. Un père, une mère : voilà une différence. C’est cela que nous devons respecter. Avec ce texte, vous ne parlez plus de père et de mère, vous parlez de parents. Vous n’êtes plus dans l’égalité ; vous êtes dans l’égalitarisme. C’est pour cela que nous combattons votre projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
M. Nicolas Dhuicq. Poursuivons dans la littérature. Non, mes chers collègues, les êtres humains ne sont pas des particules élémentaires, quel que soit le talent de l’écrivain. Les êtres humains nouent des liens et des relations les uns avec les autres, ils portent un nom – auquel vous attentez de manière fatale – ils créent des liens, une généalogie, une histoire, une parenté.
Le français, ce n’est pas un hasard, fut au Grand siècle et au siècle des Lumières la langue de l’ensemble de l’Europe et du monde connu. Vous êtes en train de créer un nouveau langage, qui dissocie les êtres humains les uns des autres. Vous êtes en train de créer, si vous connaissez Heisenberg, le mariage et la parentalité « quantiques » : les positions des uns et des autres seront interchangeables et bougeront au cours des générations. C’est redoutable pour la structuration de la personnalité humaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Le Roux. Nous avons eu hier un débat sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux et j’ai d’ailleurs rejoint en partie les députés de l’opposition.
Il est inadmissible que l’un de nos collègues, qui plus est vice-président de l’Assemblée nationale, fasse aujourd’hui circuler un texte tronqué, accompagné d’une photo tronquée, qui met en cause un député. Celui-ci, rapporteur du projet de loi sur la Banque publique d’investissement – texte voté à l’unanimité – revient aujourd’hui de sa circonscription où il s’est occupé des salariés de Petroplus, pour lesquels nous tentons d’envisager une reprise qui leur soit favorable. Je trouve cette mise en cause d’un collègue par un autre collègue absolument inadmissible ! (« Scandaleux ! scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il se trouve que Guillaume Bachelay et moi avons en commun une légère calvitie, qui démontre qu’il n’est pas celui que vous montrez du doigt sur cette photo.
M. Bernard Roman. Monsieur Le Fur, vous n’avez pas votre place ici !
M. Bruno Le Roux. Je souhaiterais donc, comme je l’ai dit hier, que les députés maîtrisent l’usage qu’ils font des réseaux sociaux et qu’ils ne s’en servent pas pour mettre personnellement en cause leurs collègues. C’est pourquoi je demande, monsieur le président, une suspension de séance, qui permettra à chacun d’accéder à son ordinateur pour mettre un terme à ces attaques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.
M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58. J’entends la remarque faite par Bruno Le Roux. Plusieurs de nos collègues ont en effet souhaité que nous travaillions sur cette question des réseaux sociaux, mais il faut, dans ce cas, réunir une conférence des présidents. Ce n’est pas à M. Le Roux de décider seul l’usage que l’on doit faire des réseaux sociaux, ce serait du jamais vu !
M. Bernard Roman. Marc Le Fur peut supprimer la photo de sa page !
M. Christian Jacob. Calmez-vous, monsieur Roman ! Allez faire un tour à la buvette, ça vous détendra ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. C’est une honte ! Où est la morale ?
M. le président. Monsieur Roman, s’il vous plaît.
M. Christian Jacob. Si le sujet est suffisamment grave, suspendons nos travaux pour une heure et réunissons la conférence des présidents pour en débattre, mais nous n’avons pas à obtempérer devant les ordres et les invectives de M. Le Roux !
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Le Roux. Je n’entends pas réglementer ici l’usage des réseaux sociaux. Je demande simplement à M. Le Fur d’arrêter de diffamer un collègue qu’il nomme mais qui n’est pas celui qui figure sur la photo. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est inadmissible, et il n’y a pas besoin de réunir la conférence des présidents pour avoir, dans cet hémicycle, un comportement responsable ! (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe SRC. C’est minable !
Article 4 (suite)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2057, 2407, 3683 et 4399.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 268
Nombre de suffrages exprimés 268
Majorité absolue 135
Pour l’adoption 95
contre 173
(Les amendements identiques nos 2057, 2407, 3683 et 4399 ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 4 (suite)
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2061.
M. Dominique Tian. L’article 4 propose une modification fondamentale du code civil et, au-delà, un changement de civilisation, si l’on en croit Mme Taubira. Quoi qu’il en soit, cet article va surtout poser des problèmes aux élus locaux, aux maires et à leurs adjoints, qui célèbrent les mariages. On veut nous faire croire que, dans toute la législation existante, « père et mère » ou « mari et femme » peuvent vouloir dire « deux hommes » ou « deux femmes », sous prétexte d’étendre le mariage et la filiation à des couples de même sexe. Il n’en est évidemment rien, c’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement.
M. le président. Sur l’amendement n° 2061 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2657.
M. Marc Le Fur. Il n’est pas étonnant que le président Le Roux s’en prenne à ma personne (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), puisque, de manière insistante, je demande la transparence sur un élément majeur du dossier, un préalable, à savoir l’avis du Conseil d’État. Il se trouve en effet que cette assemblée, qui réunit les plus grands juristes de France, aurait émis un avis réservé, pour ne pas dire négatif, sur le projet de loi du Gouvernement.
M. Bernard Roman. Allez voir sur Facebook !
M. Marc Le Fur. Sur cet avis du Conseil d’État, je souhaiterais entendre quelqu’un qui ne s’exprime jamais sur le fond, alors qu’il est président de la commission des lois, notre collègue Jean-Jacques Urvoas. Il est parfait pour la procédure, mais on ne l’entend jamais sur le fond de la loi, ce qui est surprenant… Je comprends qu’il laisse au rapporteur l’essentiel des réponses, mais vous êtes président de la commission, monsieur Urvoas, et vous n’intervenez jamais sur le fond ! Est-ce par prudence vis-à-vis de la population d’une région que je connais bien, puisque nous sommes tous deux élus de départements bretons ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce plutôt parce que, comme d’autres de vos collègues, de plus en plus nombreux, vous éprouvez des réserves personnelles sur ce texte ?
Nous avons eu la déclaration de Mme la députée-maire de Chambéry, qui exprime ses réserves sur le texte, les propos de notre collègue Lambert et les déclarations on ne peut plus explicites de nos collègues d’outremer… et vous, monsieur Urvoas, adhérez-vous, oui ou non à ce texte ?
M. Henri Jibrayel. Provocateur !
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3699.
M. Xavier Breton. La mécanique qui a conduit à la rédaction de cet article-balai conduit à une usurpation, puisque désormais deux hommes ne seront pas nommés époux, mais mari et femme ; deux femmes ne seront pas nommées épouses, mais également mari et femme. Dans la même logique, on ne parlera pas pour un couple de même sexe de parents, mais de père et mère.
Aux termes de l’article 371-1, vous direz donc aux personnes de même sexe qui viennent célébrer leur mariage devant la société qu’ils sont père et mère… Certes vous allez rétorquer qu’il faut interpréter ces termes mais, encore une fois, vous nommez mal les choses, car les mots, la réalité et la société résistent.
M. Yves Censi. On ne résiste pas à la réalité !
M. Xavier Breton. Vous êtes dans le déni de réalité. Réveillez-vous, car votre idéologie égalitaire ne doit pas conduire à effacer le sens des mots ! Expliquez-nous comment vous allez demander aux maires et à leurs adjoints de dire à un couple de personnes du même sexe qu’ils vont être père et mère, tout en leur expliquant que vous voulez parler de deux pères ou de deux mères. Toute l’invraisemblance de votre texte est là !
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4402.
M. Philippe Meunier. Je réitère notre demande concernant la communication de l’avis du Conseil d’État ! C’est nécessaire pour éclairer nos travaux et, si nous voulons avancer sereinement, il nous faut cet avis.
J’en profite pour rappeler notre position, qui est très claire. Le mariage est pour nous l’union d’un homme et d’une femme, et nous nous battrons jusqu’au bout pour nous opposer à votre projet de loi, qui détruit la famille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je crois utile une précision qui nous permet de comprendre ce que les députés de l’opposition veulent empêcher. Leurs amendements visent en effet à empêcher l’application de l’article 148 du code civil, selon lequel « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ».
M. Bernard Roman. Bien joué !
M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.
M. Philippe Houillon. Pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaiterais interroger Mme la garde des sceaux à propos de l’étude d’impact, qui est loin, selon moi, de répondre aux exigences de la loi organique du 15 avril 2009, prise en application d’un certain nombre d’articles de la Constitution. De mon point de vue en effet, cette étude ne traite pas de questions aussi complexes que l’adoption internationale ou la manière dont s’apprécie l’intérêt de l’enfant. Elle ne traite pas non plus des questions sociales, d’organisation ou d’état civil.
Le Conseil d’État a forcément dû se prononcer et donner un avis sur ces questions – ce que me confirme votre sourire, madame la garde des sceaux. M. Le Roux nous a répondu tout à l’heure au sujet de l’avis du Conseil d’État mais, s’il ne nous était pas communiqué, vous remporteriez une victoire à la Pyrrhus, car cette loi sera déférée devant le Conseil constitutionnel, qui prendra naturellement connaissance de l’avis du Conseil d’État et appréciera la conformité de l’étude d’impact à ce que requièrent la Constitution et la loi organique de 2009. À un moment donné, le débat aura donc forcément lieu. Pourquoi le retarder ?
Ma question est donc la suivante : est-ce que, sur cette étude d’impact – mais cela vaut aussi pour tous les autres points sur lesquels nous n’avons pas son expertise alors qu’il peut la donner – le Conseil d’État s’est prononcé ? Si la réponse est oui, qu’a-t-il dit ?
D’une manière générale, je renouvelle la demande de mes collègues tendant à ce que nous ayons l’avis du Conseil d’État, qui est indispensable à la poursuite de nos travaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2061, 2657, 3699 et 4402.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 280
Nombre de suffrages exprimés 278
Majorité absolue 140
Pour l’adoption 94
contre 184
(Les amendements identiques nos°2061, 2657, 3699 et 4402 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2063.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous répétons une nouvelle fois, comme nous le ferons inlassablement, que nous sommes opposés à ce projet. Ces amendements sont à peu près la seule façon pour nous de le dire jusqu’à la fin de ces débats. Nous ne nous lasserons pas de dire notre opposition à l’article 1er et à l’ensemble des articles qui en découlent. À chacune des occasions que nous aurons de le dire, nous le ferons donc ; je comprends que Mme la ministre tienne à préciser les conséquences des amendements que nous déposons, mais de tels amendements font partie du travail parlementaire – je le reconnais bien volontiers à mon tour.
Cela dit, nous répétons que, d’une manière générale, ce texte place les Français dans une situation qui revêt un caractère mensonger à partir du moment où, dans toutes leurs occurrences dans le code civil – même si Mme la garde des sceaux en a dit la raison –, il faudra lire dans un autre sens que celui qui est le leur les mots de « père » et de mère ». Cela produit, pour beaucoup de raisons que nous avons développées depuis le début de nos débats, une situation qui ne peut être acceptée. L’amendement est donc défendu.
M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2660.
M. Marc Le Fur. Chacun l’a bien compris, nous attendons du Gouvernement qu’il nous communique l’avis du Conseil d’État.
Nous attendons également du président de la commission des lois qu’il donne sa position. En effet, il n’est pas un député socialiste comme les autres : en sa qualité de président de la commission des lois, il doit s’exprimer, non seulement sur la procédure, mais aussi sur le fond. Toute absence de propos donnerait lieu à une interprétation ; nous souhaitons donc qu’il puisse s’exprimer.
Sur le fond du débat, je vous invite à lire les déclarations de M. Laurent Alexandre, chirurgien urologue, qui est aussi un militant de la PMA et des mères porteuses et qui répond à Mme Agacinski.
Le propre de la politique est de définir les alternatives qui se présentent. Or, en l’espèce, l’alternative est entre Mme Agacinski – curieusement, c’est nous qui la citons –, laquelle définit des normes de prudence, ou de précaution, pourrait-on dire de manière plus constitutionnelle, et M. Laurent Alexandre, qui nous explique que, bien au-delà de la PMA et des mères porteuses, il y aura bientôt des enfants biologiques porteurs des gènes des deux parents hommes. « La technique des cellules souches […] permet de fabriquer des spermatozoïdes et des ovules à partir de fibroblastes, des cellules que l’on trouve sous la peau. Il est déjà possible de fabriquer un souriceau à partir de deux pères. Le passage de ces techniques à l’espèce humaine est juste une question de temps », explique-t-il.
Sur toutes ces questions, qui sont relayées par ailleurs par le professeur Henri Atlan, lequel préconise pour sa part l’utérus artificiel, quelle est la réponse de la loi ? Sommes-nous du côté de Mme Agacinski ou bien du côté de ceux qui, comme le professeur Atlan ou le docteur Alexandre, veulent en quelque sorte jouer les apprentis sorciers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3700.
M. Xavier Breton. Je voudrais relayer la demande de notre collègue Philippe Houillon, qui a très bien montré que l’avis du Conseil d’État était indispensable pour la clarté et l’intelligibilité de nos débats et que, de toute façon, cette publication devait se faire tôt ou tard. Si vous avez quelque chose à cacher, dites-le – c’est tout le sens des questions que nous ne cessons de poser afin que nous puissions aller au fond des choses.
À travers cet amendement, qui rejoint la logique de ceux qui ont été défendus et de ceux qui le seront par la suite, nous souhaitons démonter la logique de l’amendement qui a conduit à la création de l’article-balai : encore une fois, c’est une imposture que de ne pas nommer les choses comme elles doivent l’être.
Comme j’aurai l’occasion de le démontrer à travers les amendements suivants, on assiste, avec cet article-balai, à la fois à une fiction, une lâcheté et un appauvrissement. En effet, en ne nommant pas les choses, on appauvrit le sens, on ment à celles et ceux qui entendent ces mots. Il y a lâcheté, de la part de ceux qui les prononcent, à ne pas dire les choses telles qu’elles sont. Je m’attacherai à le démontrer à travers les amendements qui suivront.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4142.
M. Hervé Mariton. Nous avons demandé – et nous en avons démontré tout à l’heure la nécessité – d’avoir une meilleure évaluation de l’application de l’amendement-balai.
Je disais, en m’appuyant sur la doctrine, que les amendements-balais comportaient toujours le risque de viser soit trop loin, soit trop court. Le problème qui se pose dans l’application de l’article 371-1 résulte d’évidence d’un amendement-balai qui a visé trop court. En effet, tout à leur affaire d’éviter un trop grand nombre de suppressions des mots « père » et « mère », attentifs aussi à éviter, ce qui serait plus exact techniquement mais évidemment assez pénible à porter politiquement, l’utilisation des mots « parent 1 » et « parent 2 », le Gouvernement et la commission ont été amenés à faire l’impasse sur certaines dispositions.
Quand vous dites que « père » et « mère » s’entendent des deux personnes, même si elles sont de même sexe, cela fonctionne assez bien à l’écrit – chez le notaire, par exemple –, mais pas à l’oral, comme on l’a bien vu tout à l’heure. Y a-t-il d’autres circonstances de ce type ? Oui, le problème se pose avec l’article 371-1. Je veux rassurer le Gouvernement et la commission : j’en ai trouvé quelques autres – peut-être pas tous –, dont nous parlerons au fil des débats à venir. Si vous nous aidiez à identifier tous les cas similaires, vous nous priveriez d’arguments, mais vous éclaireriez surtout la fabrication de la loi.
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4404.
M. Philippe Meunier. Au prétexte de donner des droits aux couples de même sexe, vous êtes en train de détruire notre code civil et le droit de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Cela faisait longtemps !
M. Philippe Meunier. Avec la PMA et la GPA, vous vous êtes lancés dans une course infernale. C’est la raison pour laquelle je profite de cet amendement pour rappeler que, le 24 mars, avec tous les républicains, de droite comme de gauche, nous manifesterons pour stopper votre dérive qui remet en cause ce qu’il y a de plus fondamental, à savoir la famille et le droit des enfants d’avoir un père et une mère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, après avoir précisé de quoi il s’agit. L’article 149 du code civil, que ces amendements tendent à rendre inapplicable, dispose, s’agissant des parents : « Si l’un des deux est mort ou s’il est dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit. »
Le code prévoit donc aujourd’hui, lorsqu’un mineur a besoin d’une décision de ses parents, que le consentement du second parent suffit si l’un des deux est mort. En clair, avec les amendements de l’opposition, il serait impossible pour ce mineur de mener sa vie, parce que l’on exigerait le consentement du parent décédé ! (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. Yves Durand. Eh oui ! Vous devriez avoir honte !
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Depuis plusieurs jours, vous nous parlez de l’adoption, et vous passez de l’adoption à la PMA, de la PMA à la GPA. Maintenant, vous nous parlez de la GPA et de l’utérus artificiel. Vous nous avez même parlé hier de clonage.
On a l’impression que notre République est entre les mains d’apprentis sorciers. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ne faites-vous donc pas confiance à notre peuple ?
M. Christian Jacob. Allez donc devant le peuple, vous verrez ce qu’il en pense !
Mme Marie-George Buffet. Ne faites-vous donc pas confiance aux législateurs, aux scientifiques et aux médecins ?
Je vous ferai remarquer, monsieur Jacob, qu’il y a une grande différence entre l’adoption et la PMA, qui sont autorisées par la loi, et la GPA qui est interdite, justement parce que c’est une marchandisation du corps.
M. Yves Censi. Elle est légale à l’étranger !
Mme Marie-George Buffet. Nos législateurs et notre peuple feront en sorte que les utérus artificiels et le clonage soient également interdits, parce que nous pensons avant tout à l’humain, et non pas à faire peur comme vous le faites ici depuis des jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. Philippe Cochet. Consultez donc le peuple, alors !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Vous prétendez résoudre les problèmes sur le code civil sans l’avis du Conseil d’État, que nous n’avons toujours pas. Je vous le dis clairement : vous n’y parviendrez pas ; tout au contraire, vous allez en créer. L’ensemble du groupe UMP ne cédera pas à ces manœuvres qui visent à satisfaire votre projet.
Vous ne pouvez pas tout décréter, tout inventer, madame Buffet. Il existe des données naturelles de la famille. Je vous le dis : vous jouez avec le feu ; vous jouez les apprentis sorciers. Parler non plus de père et de mère, mais de deux pères ou de deux mères, c’est irrationnel. Quand on parle non plus de mari et de femme, mais d’époux, on est dans le surnaturel ; c’est même complètement stupide. Avec ce texte, vous allez torturer l’état civil et le livret de famille. Pour notre part, nous nous y refusons.
Je vous pose la question : est-il vraiment utile, dans ces conditions, de garder un état civil et un livret de famille ? Faites-les donc disparaître ! Nous voterons donc ces amendements identiques.
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 2063 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 263
Nombre de suffrages exprimés 261
Majorité absolue 131
Pour l’adoption 80
contre 181
(Les amendements identiques nos 2063, 2660, 3700, 4142 et 4404 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2064.
M. Dominique Tian. Je rappelle à Mme Buffet que nous ne sommes pas contre le peuple, puisque nous passons notre temps à réclamer un référendum, ce qui d’ailleurs vous gêne !
Si vous êtes pour le peuple, organisez donc ce référendum. Les Français seront satisfaits. Comparons d’ailleurs les deux manifestations : 1 million de personnes, d’un côté, contre le mariage pour tous, et 150 000, de l’autre, en sa faveur. Le peuple a parlé !
Cela fait d’ailleurs longtemps, madame Buffet, que le Parti communiste ne parle plus au nom du peuple, sauf, malheureusement, dans certains pays, où il continue à l’opprimer !
Cette modification du code civil est importante, comme l’ont indiqué nos collègues. Le présent amendement est donc salutaire. Voilà pourquoi je le soutiens et vous propose de l’adopter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Sur l’amendement n° 2064 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2410.
M. Philippe Gosselin. Pour en revenir au sujet que nous abordions tout à l’heure, l’article 310 du code civil vise – j’y insiste – l’acte d’état civil. La démonstration fondée sur les arrêts de la Cour de cassation conduit, comme vous le savez, à faire une distinction entre deux types d’actes, dont l’un fera apparaître l’orientation sexuelle des parents, ce qui constitue évidemment une discrimination.
L’amendement-balai revient sur tout cela, ce qui est très bien, mais il n’intègre pas l’article 310. Comment allez-vous respecter ce principe essentiel du droit de la filiation, qui participe également, comme l’affirment les deux arrêts de la Cour de cassation, de l’ordre public international ? Comment allez-vous lever cette contradiction qui, aujourd’hui – je vous le dis très sincèrement – me paraît subsister dans le texte ?
Il faut un éclaircissement sur ce point précis qui concerne l’ensemble des adoptions plénières, ce qui en fait une partie importante du dispositif. Cela étant, le titre même du projet de loi anticipe peut-être déjà sur le fait que l’adoption ne pourrait pas avoir lieu. Je rappelle en effet, à toutes fins utiles, que, selon son libellé, il concerne uniquement le mariage pour les personnes de même sexe.
Si c’est une anticipation, vous auriez pu nous le dire plus tôt ; cela nous aurait évité quelques débats. Je pense que ce n’est pas l’objectif du Gouvernement. Toutefois, comment prévoyez-vous de sortir de cette contradiction importante ? Et quels types d’actes d’état civil comptez-vous élaborer et présenter ?
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.
M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, relatif au bon déroulement de nos débats.
Mme Buffet a rappelé à l’instant, de manière enflammée comme à plusieurs reprises déjà, que la GPA était interdite en France. Mais les choses changent depuis la circulaire de Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) Je sais que cela vous gêne !
M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Jacob !
M. Christian Jacob. C’est important pour éclairer nos débats !
M. le président. Je vous demande de terminer.
M. Christian Jacob. Bien sûr, monsieur le président, mais pas dans ce bruit !
M. le président. Chers collègues, laissez terminer M. Jacob, s’il vous plaît !
M. Christian Jacob. Cette circulaire facilite l’obtention d’un certificat de nationalité quand la GPA est avérée, ce qui revient de fait à une reconnaissance de cette dernière. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) On accepte et on reconnaît la GPA réalisée à l’étranger pour ceux qui, je l’ai dit à plusieurs reprises, ont entre 80 000 et 100 000 dollars à dépenser. En revanche, en bons dirigeants de gauche, vous dites aux autres : « Rassurez-vous, bon peuple, pour vous ce sera interdit, à moins que vous n’ayez 100 000 dollars. » Voilà où nous en sommes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Article 4 (suite)
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2665.
M. Marc Le Fur. J’aurais aimé répondre à M. Le Roux mais il n’est plus là ; tant pis, ce sera pour plus tard.
Plusieurs députés du groupe SRC. Il va revenir !
M. Marc Le Fur. Je reviens sur les émouvants propos de Mme Buffet. Le peuple, il faut le consulter, c’est ce que nous demandons ! Nous avons, nous, confiance dans le peuple, et nous considérons que certaines pseudo-élites qui s’expriment dans ce débat ont une vision dévoyée des choses ; elles prétendent parler au nom du peuple et déforment la pensée populaire.
M. Bernard Roman. Il est là, le peuple !
M. Marc Le Fur. Vous appartenez, madame Buffet, à un grand parti qui, à certains moments de son histoire, a rencontré l’histoire de France, avec d’autres. Je regrette que ce parti soit réduit à n’être plus qu’une force supplétive du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sans rapport aucun, voici une information relative à la Russie. Pavel Alekseïevitch Astakhov, conseiller chargé des droits de l’enfant auprès du Président de la Fédération de Russie, a réaffirmé que les évolutions législatives en cours entraînaient une réelle menace pour les familles qui attendent, souvent depuis des mois, la possibilité de rencontrer un enfant d’origine russe. Voilà les conséquences de votre texte ! Voilà ce à quoi nous risquons d’aboutir. Mes chers collègues, je vous invite à la plus grande prudence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Sébastien Denaja. Les supplétifs de Poutine !
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3702.
M. Xavier Breton. Avec cet amendement, je souhaite de nouveau montrer que l’article-balai est une fiction, une lâcheté et un appauvrissement. C’est une fiction parce que, même si vous l’écrivez, deux hommes qui se marient ne sont pas « mari et femme ». Deux femmes qui se marient ne sont pas « mari et femme ». Vous laissez ces termes dans notre droit ; c’est une fiction. C’est, ensuite, une lâcheté parce que vous n’osez pas dire à deux hommes qui se marieront qu’ils sont devenus « maris », à deux femmes qu’elles sont devenues « épouses ». C’est, enfin, un appauvrissement parce que vous nommerez de la même manière des réalités qui ne sont pas identiques : non, deux hommes, deux femmes qui se marient ne sont pas « mari et femme ».
M. Bernard Roman. Vous dites n’importe quoi !
M. Xavier Breton. Ainsi, cet article-balai est une fiction par rapport à la réalité des choses, une lâcheté vis-à-vis de celles et ceux que vous prétendez défendre, et un appauvrissement des mots, alors que nous savons quelle importance ont ces derniers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4144.
M. Hervé Mariton. Au moment où se tient la grande commission réunissant députés de notre assemblée et membres de la Douma d’État, il convient, suite aux propos de Marc Le Fur, de confirmer les conséquences que la législation et la politique russes peuvent avoir sur l’adoption internationale d’une part pour des personnes de même sexe, à l’évidence, puisque les autorités russes refusent et refuseront farouchement toute adoption par ces personnes, mais aussi d’autre part pour des personnes de sexe différent, avec un risque de tarissement de cette source d’adoption.
Analyser les conséquences de la politique russe, ce n’est pas l’approuver. Je crois que nous pouvons être unanimes – car cela va au-delà de l’autonomie politique russe et concerne notre vision des droits de l’homme – à condamner le durcissement de la politique de la Russie dans ce domaine, parfois sous des prétextes de relations internationales qui ont peu à voir avec les conditions de l’adoption, parfois pour exprimer une conviction, que la manière dont elle est mise en œuvre rend illégitime de notre point de vue, en particulier eu égard à ses conséquences pour les couples de personnes de sexe différent.
Qu’un pays refuse l’adoption pour les couples de même sexe, c’est son droit ; c’est, du reste, notre raisonnement que de considérer qu’un enfant doit avoir un père et une mère. Je peux donc comprendre que les Russes prennent des décisions de ce type, mais la manière dont ils le font, les arguments auxquels ils recourent, l’homophobie…
M. le président. Merci.
M. Hervé Mariton. Un instant, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
M. le président. C’est pareil pour tout le monde, cher collègue.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4406.
M. Philippe Meunier. Monsieur le président, il serait bon que chacun puisse, rapidement, mener ses interventions à leur terme.
Madame Buffet, je vous remercie, comme hier, de recharger nos batteries à chacune de vos interventions. Vous êtes enflammée, M. Jacob l’a bien dit, et c’est d’ailleurs tout à votre honneur.
Mme la garde des sceaux a parlé d’un changement de civilisation. Vous parlez de « peuple » ; nous aussi, et nous demandons un référendum. Pourquoi n’organisez-vous pas un référendum ? Avez-vous peur du peuple ? S’il s’agit d’un changement de civilisation, faites le référendum : le peuple tranchera. Or vous savez bien que le peuple français ne veut pas que l’on casse le code civil, que l’on casse le droit de la famille. Il faut en tenir compte dans cet hémicycle, avant d’arriver au 24 mars, ou vous serez obligés, comme en 1984, de revenir sur les décisions prises par les assemblées !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Houillon, s’agissant de l’intérêt de l’enfant, je vous invite à lire la page 24 de l’étude d’impact, et sur les conséquences diplomatiques et l’adoption internationale, les pages 46 et 47.
M. Philippe Houillon. Ce n’est pas ma question ! Il s’agit du Conseil d’État !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez dit que l’étude d’impact n’avait pas traité ces sujets : pour vous éviter de la lire en entier, je vous communique les pages où il en est question.
Ces amendements visent à rendre impossible l’application de l’article 150 du code civil, selon lequel « Si le père et la mère sont morts, ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les aïeuls et aïeules les remplacent. » En voulant empêcher l’application de cet article, l’opposition entend que si, dans une famille homoparentale, un mineur perd ses deux parents, on continue d’attendre l’avis des parents.
Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo ! Il est où, l’intérêt de l’enfant ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis, donc, défavorable.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.
M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement sur la base de l’article 58. Madame la garde des sceaux, pour le bon déroulement de nos débats, je souhaite confirmation sur un point. Vous avez bien dit que le Conseil d’État ne s’était pas saisi des textes faisant référence à l’adoption internationale ?
M. Michel Vergnier. C’est nul !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Jacob, vous avez été ministre et vous êtes un éminent parlementaire : je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les conditions dans lesquelles un projet de loi gouvernemental est soumis au Conseil d’État. Je ne parlais pas du tout du Conseil d’État. M. Houillon a dit que l’étude d’impact ne traitait pas de l’intérêt de l’enfant ni de l’adoption internationale ; c’est en tout cas ce que j’ai entendu, et je lui ai donc communiqué les pages où il pourra trouver ce qu’il cherche. Le Conseil d’État a été saisi du projet de loi et de l’étude d’impact car nous n’avons pas inventé une nouvelle procédure ; nous nous sommes contentés de respecter celles qui sont en vigueur.
Article 4 (suite)
M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour expliquer son vote sur la série d’amendements identiques.
M. Bernard Roman. Les Versaillais !
M. François de Mazières. Nous n’avons malheureusement toujours pas eu de réponse sur l’application de l’article 371-1 du code civil ; mais peut-être finira-t-elle par venir.
Je crois à l’importance des mots et je suis très frappé, dans ce débat, par l’apparition de nouveaux concepts. J’ai entendu tout à l’heure l’expression « faire famille ». Cela m’a rappelé une intervention du rapporteur : « On fait faire famille de la même façon pour les couples hétérosexuels et homosexuels grâce à la PMA. » Cela m’avait stupéfié, et je l’avais alors interrogé. On sait également qu’une de nos collègues demande la suppression du mot « maternelle ». Dans la continuité, on demandera sans doute de supprimer le mot « maternité » ! On voit donc pourquoi nous insistons sur l’importance de ces mots de « père » et « mère » : c’est à cause de ce changement profond de civilisation évoqué par Mme la garde des sceaux.
Vous faites souvent référence, madame la garde des sceaux, à des poètes, et nous vous en rendons hommage. J’aimerais à mon tour renvoyer à un livre célèbre, Le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. Dans la société que décrit ce livre, les mots « père » et « mère » sont des insultes. Au fond, nous sommes en train d’en venir là ; nous sommes en train de dire que les mots « père » et « mère » n’ont pas grande valeur. Et vous savez qu’elle était la démonstration de ce livre : quand tout est codifié par un régime totalitaire, il n’y a plus aucune liberté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Je m’étonne, chers collègues de l’opposition, de vos propos concernant la Russie, qui reviennent à approuver l’homophobie de l’État russe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. J’ai dit le contraire !
Mme Corinne Narassiguin. Je m’étonne également de votre incapacité à comprendre le concept d’interprétation. L’article-balai introduit par notre rapporteur vient d’un exemple espagnol. Dans la législation espagnole, ainsi qu’au niveau juridique, la reconnaissance pleine et entière des mariages entre personnes de même sexe ainsi que des familles homoparentales se passe très bien, et ce depuis plusieurs années.
Puisque nous en sommes aux exemples étrangers, je voudrais vous faire part des résultats d’une étude sur les familles homoparentales commandée par le ministère de la justice allemand et conduite dans deux régions de Bavière, un Land gouverné depuis soixante ans par la coalition conservatrice CDU-CSU. Ce sont 1 059 homoparents ainsi que leurs enfants âgés de dix à dix-huit ans qui ont été interrogés, et parmi les conclusions de cette étude, on voit : « Aujourd’hui est un grand jour pour ceux qui se concentrent sur les faits plutôt que sur les stéréotypes. L’enquête l’a confirmé : là où les enfants sont aimés, ils grandissent bien. L’orientation sexuelle du parent n’est pas essentielle pour une bonne relation parent-enfant. Les enfants vivant avec deux mères ou deux pères se développent aussi bien que dans d’autres structures familiales. » Voilà pour les études que vous réclamiez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2064 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 270
Nombre de suffrages exprimés 269
Majorité absolue 135
Pour l’adoption 82
contre 187
(Les amendements identiques nos 2064, 2410, 2665, 3702, 4144 et 4406 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n°2067.
M. Dominique Tian. Le Président Jacob a eu raison tout à l’heure d’évoquer la légalisation de la GPA, que la circulaire Taubira va de fait introduire.
Certains juristes ont été surpris de la manière dont cette circulaire, désormais fameuse, a été rédigée,…
M. Bernard Roman. Quels juristes ?
M. Dominique Tian. …puisqu’il y est question des instructions données au procureur concernant « l’hexagone et l’outre-mer ». Y aurait-il un droit civil qui s’appliquerait dans l’hexagone et pas outre-mer ou l’inverse ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. Mais quels juristes ?
M. Dominique Tian. Ces juristes ne sont pas nécessairement de droite ou de gauche et ils peuvent dire des choses tout à fait intelligentes quand ils s’étonnent de la circulaire de Mme Taubira. Le problème n’est pas de savoir quels sont ces juristes ou encore ces scientifiques ou ces philosophes : c’est la diversité des opinions qui importe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces juristes s’inquiètent de cette nouvelle formulation, pour le moins étrange ; c’est pourquoi je demande à Mme Taubira qu’elle s’en explique.
M. Bernard Roman. Vous n’avez rien à dire !
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2411.
M. Philippe Gosselin. Chacun a désormais bien compris l’objet de notre question, ainsi que la difficulté à laquelle vous êtes confrontés : il sera impératif de supprimer cette discrimination, telle qu’elle apparaît dans l’état actuel du texte.
Si je me répète, ce n’est pas pour le plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès lors que ce projet de loi semble devoir être voté, il me semble important pour la sécurité juridique de ceux qui seraient concernés que les termes soient respectés et que l’aspect strictement juridique ne soit pas oublié. Le droit ne peut être une novlangue, et je le dis cette fois très sérieusement.
Ce qui importe, au-delà des petits mots qui parfois se targuent d’être d’esprit, c’est la qualité de la loi que nous votons. Mes interventions de cet après-midi ne poursuivaient que cet objectif : disposer d’une possibilité juridique complète. Or aujourd’hui, le texte qui résulte de cet amendement-balai ne permet pas de satisfaire le principe de non-discrimination.
Il existe bien des difficultés. Aussi, au-delà de la réponse que pourra nous faire Mme la ministre, prendrons-nous date pour la suite des événements.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n°2669.
M. Marc Le Fur. Nous attendons toujours du Gouvernement l’avis du Conseil d’État, ainsi qu’une position de fond sur cette question de la part du président de la commission des lois.
Par ailleurs, nous évoquions la situation de la Russie, qui pose une vraie difficulté. Toutefois, selon les informations dont je dispose, ce sont également la Chine, mais aussi le Vietnam qui interdiraient l’adoption par des couples homosexuels.
À bien y regarder, cette liste des pays se révèle tout à fait intéressante ; car, au nom d’un anticléricalisme, voire parfois d’une « cathophobie » caractéristique, vous imputez notre refus à nos valeurs chrétiennes. Or nous voyons bien, à l’énoncé de ces pays qui ne sont pas de tradition chrétienne, que cela n’a rien à voir.
La Chine, par exemple, est peut-être de tradition confucéenne, ou marxiste, on ne sait plus trop, mais pas chrétienne. Cela signifie que tous les grands systèmes de pensée, toutes les traditions considèrent qu’un enfant doit d’abord pouvoir disposer d’une mère et d’un père et que c’est lui donner toutes ses chances que de lui offrir un tel environnement...
M. Bernard Roman. Et ceux qui n’en ont pas ?
M. Marc Le Fur. …protecteur, mais également éducatif. Bien sûr, cette condition n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire.
Je veux également donner l’avis de l’Académie des sciences morales et politiques, sur lequel nous n’avons pas suffisamment insisté et qui me semble pourtant essentiel.
Elle observe que la réforme proposée transforme en profondeur le droit français du mariage et de la filiation et se prononce très clairement contre ce dispositif. Elle appelle ainsi l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de respecter dans la loi et dans ses textes d’application le droit des couples hétérosexuels à demeurer maris et femmes.
Sachons écouter les académiciens.
M. le président. Sur l’amendement no 2067 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3704.
M. Xavier Breton. À la suite de M. Le Fur, je veux revenir sur l’impréparation d’un texte qui passe en force aussi bien dans le droit que dans notre société.
La mauvaise préparation du texte se voit aussi dans la fermeture du débat. Il y a eu, de fait, des auditions organisées par le rapporteur au sein de la commission des lois. Nous y avons participé. Toutefois, elles étaient de deux types : les auditions diffusées sur internet, qui ont bénéficié d’une grande publicité – des auditions militantes, puisqu’il s’agissait de personnes favorables à l’ouverture du mariage et de la filiation aux couples de personnes de même sexe ; et les auditions plus techniques, également intéressantes, mais moins diffusées, lors desquelles nous avons entendu beaucoup de réserves émises par des professionnels du droit, notaires ou avocats, qui nous ont tous dit que nous n’avions pas pris toute la mesure de l’impact de ce texte.
Nous le constatons d’ailleurs avec cet amendement-balai, ajouté ultérieurement et dont nous avons du mal à évaluer les conséquences. M. Mariton demandait d’ailleurs tout à l’heure si, outre cet article 371-1, il en est d’autres qui pourraient entraîner une confusion préjudiciable tant pour les personnes que pour notre société.
Bref, ce texte a été fait dans la plus grande impréparation ; c’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4147.
M. Hervé Mariton. Je veux faire suite à l’intervention de Mme Narassiguin. Nous sommes opposés à l’adoption et à la filiation pour des personnes de même sexe, mais pour autant nous considérons que les arguments homophobes avec lesquels les autorités russes développent leur politique et prennent leurs décisions dans ce domaine sont absolument inacceptables.
M. Bernard Roman. C’est bien de le dire.
M. Hervé Mariton. Je n’ai donc pas très bien compris les remarques de Mme Narassiguin, puisque j’avais dit dans mon intervention à peu près la même chose que ce que vous pensez et, en tout cas, le contraire de ce que vous nous avez imputé.
Il y a hélas aujourd’hui un durcissement du comportement et de la législation russes : nous devons le condamner unanimement, surtout à l’occasion de la tenue de la Grande Commission dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Si, à l’occasion de ce débat qui concerne les personnes homosexuelles, l’Assemblée nationale pouvait dire d’une seule voix qu’elle condamne l’attitude des pays qui développent et durcissent des comportements et des législations hostiles aux homosexuels et manifestement homophobes, cela serait utile et tout à son honneur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Très belle proposition, qui ne peut que faire l’unanimité !
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4407.
M. Philippe Meunier. Philippe Gosselin pose un problème de droit important avec le risque de discrimination que soulève ce texte. La question est d’importance et nous écouterons, madame la garde des sceaux, votre réponse avec la plus grande attention.
Nous voyons bien, heure après heure, jour après jour, que ce projet de loi est dangereux pour le corps social et pour sa cohésion. Il est donc temps, mes chers collègues, de reprendre votre liberté de conscience. En tant que parlementaires, nous n’avons pas de mandat impératif : le peuple attend de nous cette liberté, que nous soyons de droite ou de gauche.
Ce projet est trop important pour ne pas dépasser les clivages de nos partis. Réagissez tant qu’il en est encore temps !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. L’article que ces amendements visent à rendre inapplicable et celui selon lequel le père, la mère et, à défaut, les aïeuls et aïeules peuvent faire opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob. Ce débat nous aura permis d’avancer et de remporter quelques victoires politiques (Rires sur les bancs du groupe SRC) : s’agissant de la PMA, qui n’est pas près de voir le jour dans un texte ; de la GPA ; des incohérences relatives à l’attribution du patronyme – après nos débats, Mme la ministre sera amenée à revoir son texte ; de l’impossibilité à appliquer l’article 371-1.
Nous nous interrogeons désormais sur les modalités de rédaction du texte et l’avis du Conseil d’État, que vous refusez de nous donner. Heureusement, dans vos services, un certain nombre de personnes sont, semble-t-il, plus souples que vous, puisqu’elles nous ont transmis quelques informations, dont ces extraits que vous n’allez pas manquer de nous confirmer.
Par exemple, voici ce qui est écrit relativement à la portée du projet : « […] la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux » ou « compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l’étude d’impact (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qu’un tel changement apportera à un grand nombre de législations »… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je poursuis avec un autre extrait : « L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi ne traite pas, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, des questions multiples et complexes que soulève l’ouverture de l’adoption aux conjoints de même sexe dans le cadre de l’adoption internationale et, plus généralement, au regard de l’appréciation que les services et autorités compétentes seront amenés à faire de l’intérêt de l’enfant et qui est opérée en droit positif de manière concrète au cas par cas ».
Outre les sujets politiques, dont nous avons pu débattre, madame la ministre, il y a donc un véritable problème d’écriture de la loi et d’impréparation de ce texte. C’est pourquoi je vous demande de publier la totalité de l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2067 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 261
Nombre de suffrages exprimés 260
Majorité absolue 131
Pour l’adoption 80
contre 180
(Les amendements identiques nos 2067, 2411, 2669, 3704, 4147 et 4407 ne sont pas adoptés.)
M. Marc Le Fur. Mme la ministre n’a pas répondu !
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2068.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.
Au risque de vous surprendre, monsieur le président, nous sommes tout à fait attentifs à ce que les droits du Gouvernement soient respectés dans cette assemblée, et nous serions évidemment très intéressés de connaître la réponse de Mme la garde des sceaux.
J’ajoute à la question du président de notre groupe une question simple : l’avis du Conseil d’État comporte-t-il des réserves importantes sur le projet de loi ? Je pense que vous pourriez répondre à cette question simplement par oui ou par non. Je ne peux pas imaginer que notre président de la commission des lois en ait eu connaissance, sinon il en aurait fait part à la commission. Il n’y a donc que vous, madame la garde des sceaux, qui puissiez répondre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2412.
M. Philippe Gosselin. Je n’insisterai pas, car il me semble que Mme la ministre souhaite répondre. La réponse à ma question et à la contradiction que je soulevais ne saurait tarder. Mon amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2672.
M. Marc Le Fur. Nous sommes effectivement suspendus aux lèvres de Mme la garde des sceaux, qui va nous dire très précisément ce qu’il y a dans l’avis du Conseil d’État et nous en donner communication. La transparence est tout de même un des éléments fondateurs de votre pensée politique, chers collègues socialistes. Et puis nous savons, depuis quelques mois, que « le changement, c’est maintenant ». Désormais, nous devrions donc avoir accès à ce type d’informations.
En attendant que la ministre s’exprime, je voulais revenir sur l’avis de l’Académie des sciences morales et politiques, dont on connaît l’autorité : « Le projet de loi soulève en outre des questions difficiles du fait que le mariage et l’adoption ne sont ouverts aux personnes de même sexe que dans moins de dix pays appartenant tous à l’Europe occidentale ou à l’Amérique du nord. » Le problème que nous évoquions pour la Russie ou la Chine se pose donc en fait dans la plupart des autres pays du monde.
Pour le reste, M. Le Roux n’étant toujours pas là, il m’est difficile de lui répondre. J’attendrai le temps qu’il faudra, je suis toujours là. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3705.
M. Xavier Breton. Nous sommes tous impatients d’entendre la réponse de Mme la garde des sceaux, mais je voudrais revenir un instant sur le droit comparé, en rappelant que des débats similaires se déroulent actuellement chez nos amis et voisins anglais. Ils sont pour vous un exemple, chers collègues de la majorité, puisque vous les citez, mais sachez qu’ils autorisent la gestation pour autrui. On voit bien que la GPA est dans la même logique que ce mariage. De même que vous nous proposez le mariage et la filiation, via l’adoption, pour les couples de personnes de même sexe, il y aura la gestation pour autrui.
Ce n’est pas en faisant du dumping éthique qu’on arrive à répondre aux questions de société et aux attentes éthiques de nos concitoyens. Il faut des convictions, pas se contenter de regarder ce qui se passe dans les autres pays ou de se servir d’exemples choisis. Cela vaut aussi pour l’étude à laquelle faisait référence Mme Narassiguin : les conditions de mariage et les conditions de filiation ne sont pas les mêmes en France et en Allemagne. Il serait intéressant d’avoir plus d’éléments sur le contenu de cette étude : s’agit-il seulement des capacités affectives et éducatives des couples de personnes de même sexe ? L’impact que peut avoir le mariage de deux hommes ou de deux femmes a-t-il été étudié ? Mais la comparaison est impossible en ce cas puisqu’un tel mariage n’existe pas en Allemagne, ils ont un système d’union civile !
On voit bien que vous entretenez la confusion avec des études toujours partiales et bien souvent militantes.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4149.
M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, nous vous demandons d’avoir l’obligeance de nous transmettre l’avis du Conseil d’État. (« Oh » sur les bancs du groupe SRC.) C’est important, en raison de la dimension du sujet. Vous avez vous-même parlé de changement de civilisation. Sans doute, sur des textes de moindre importance, le gouvernement précédent n’a-t-il pas, dans certains cas, accédé à de telles demandes de l’opposition. Mais sans doute le gouvernement de l’époque n’était-il pas parfait ! Si le gouvernement d’aujourd’hui veut démontrer des progrès dans la transparence, pour laquelle il s’est engagé, il a là une bonne occasion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4408.
M. Philippe Meunier. Je trouve dommage que, dans une démocratie moderne, il faille attendre la prise de parole du président d’un groupe de l’opposition pour avoir un aperçu de quelques éléments d’un avis du Conseil d’État alors que nous vous demandons de nous le communiquer depuis un certain temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas acceptable. C’est la démonstration que, sur ce projet de loi, vous cachez depuis le début la vérité aux Français. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Alain Fauré. La défense de l’amendement, s’il vous plaît ?
M. Philippe Meunier. Mais cela date déjà de quelques années, quand Mme Guigou avait déclaré à cette tribune qu’après le PACS, il n’y aurait rien d’autre car celui-ci prenait en compte l’ensemble des dispositifs nécessaires pour équilibrer les droits entre les couples de même sexe et les hétérosexuels… Quatorze ans après, on en est au projet de loi sur le mariage des époux de même sexe, demain, ce sera la PMA et après-demain, la GPA ! Vous êtes dans une telle logique que vous essayez de cacher aux Français la vérité de votre projet. Il est temps de dire la vérité aux Français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements identiques ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Goasguen. Le code civil !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, le code civil, monsieur le député, parce que c’est bien mon outil de travail.
Je vais d’abord répondre à M. Philippe Gosselin sur le titre du projet de loi, qui laisserait entendre que, ne mentionnant pas l’adoption, nous aurions déjà voulu régler une contradiction, sur l’article 310 et l’exequatur, et enfin sur les discriminations.
Le titre repris par la commission est bien celui-ci : « Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ». Vous connaissez assez notre code civil pour savoir qu’en vertu de l’article 343, le mariage emporte l’adoption. On pourrait le mettre explicitement dans le titre, mais cela ne changerait rien. Le Gouvernement a voulu être honnête dès le début : depuis le mois de juin, nous avons systématiquement associé mariage et adoption parce que nous n’avons pas voulu laisser croire aux Français qu’il y avait une distinction. Les Français ont en effet parfaitement le droit d’ignorer que le code civil lie les deux. C’est pourquoi, par honnêteté, nous avons systématiquement mentionné les deux.
M. Régis Juanico. Eh oui !
M. Claude Goasguen. Vous ne pouviez pas faire autrement !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de l’article 310, je vous répète ce que vous savez : il relève du titre VII relatif à la filiation. Il ne s’agit donc pas d’adoption, ni plénière ni simple. Quant aux jugements d’exequatur que vous évoquez, c’est-à-dire l’application en France de jugements rendus dans un pays étranger, il est normal qu’en l’espèce la Cour de cassation n’autorise pas leur exécution puisque dans l’état actuel du droit et jusqu’à l’application du texte de loi sur lequel nous travaillons, les couples de même sexe n’ont pas le droit de se marier.
Dernier point : les discriminations. Je n’ai pas besoin de faire de grandes démonstrations pour prouver que les amendements que vous et vos collègues présentez depuis le début de l’après-midi construisent des discriminations.
M. Claude Goasguen. Mais non ! Ils demandent le statu quo !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils visent à empêcher l’application de toutes les dispositions qui doivent être modifiées pour que le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe produisent leurs effets ! Vous êtes donc en train d’organiser de nouvelles discriminations : heureusement que nous sommes là pour vous en empêcher, vous nous en saurez gré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président Jacob, vous avez donné lecture d’un extrait de l’avis du Conseil d’État, et pratiquement révélé vos sources : c’est votre responsabilité. Je me permets de vous rappeler que dans nos institutions, dans le cadre de notre droit, l’avis du Conseil d’État est adressé au Gouvernement et n’est pas public.
M. Christian Jacob et M. Marc Le Fur. Il en fait ce qu’il en veut !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Seul le Premier ministre peut lever la confidentialité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Laure de La Raudière. Appelez-le !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, monsieur Jacob, en tant qu’ancien ministre, en tant que président d’un groupe parlementaire et donc législateur, que vous vous autorisiez à lire des extraits de l’avis du Conseil d’État…
M. Bernard Roman. C’est scandaleux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …révèle votre rapport à l’État de droit et aux institutions. (Exclamations sur divers bancs.) J’observe seulement que vous avez omis le premier alinéa, où est mentionné l’avis favorable, et le deuxième alinéa, qui précise que ni les conventions internationales ni le droit constitutionnel ne s’opposent à un tel projet de loi, qui relève de la responsabilité du législateur.
Plusieurs députés du groupe UMP. Montrez-le nous !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends parler de transparence, mais en quoi celle-ci vous autorise-t-elle à ne pas respecter la confidentialité d’un rapport du Conseil d’État ? Ou alors, au nom de la transparence, pourquoi pas lever le secret défense, ou supprimer le secret de l’instruction ? Soyez un peu responsables, en tant que législateur. Vous êtes vraiment mal placés pour donner des conseils. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’interviens sur la base de l’article 58 de notre règlement car je constate que Mme la garde des sceaux met en cause le président de notre groupe (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC) au motif qu’il n’aurait pas respecté la confidentialité d’un avis du Conseil d’État. Mais cette confidentialité ne s’impose pas à un parlementaire qui aurait eu communication de ce document.
Mme Laure de La Raudière. Très bien !
M. Bernard Roman. Mais si !
M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, hier, vous avez déjà mis en cause la manière dont un député exerçait sa mission. Ce n’est pas raisonnable de la part d’un membre du Gouvernement. Nous vous respectons, ainsi que Mme Bertinotti, dans l’exercice de vos fonctions. Vous n’avez pas à apprécier la manière dont un parlementaire, fût-il président de groupe, exerce sa mission, ni à apprécier ici le respect d’une confidentialité qui ne s’impose pas à nous.
M. Marcel Rogemont. Elle s’impose à tout le monde !
M. Hervé Mariton. Deuxièmement, madame la garde des sceaux, vous avez révélé une partie de cet avis et le président Jacob en a lu une autre : peut-être pourrions-nous arrêter le jeu de piste ? Il se peut que cet avis ne vous soit pas totalement défavorable, mais alors je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement incite la représentation nationale à pratiquer un jeu de piste plutôt que de la laisser simplement en prendre connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. J’entends les explications données par Mme la garde des sceaux, mais je rappelle que l’amendement-balai, qui a abouti à l’article 4 dans le texte de la commission, prévoit expressément dans le code civil un nouvel article 6-1 qui commence par « À l’exception des dispositions du titre VII ». Par conséquent, rien ne prévoit la modification de l’article 310. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Réagissez comme il vous plaît, mes chers collègues, mais « souffrez que je termine ma démonstration », pour reprendre une expression que Mme Dumont ici présente avait utilisée à notre encontre. L’article 310 n’est absolument pas concerné par l’amendement-balai, il n’est donc pas visé par le texte, et vous allez au-devant de difficultés. Nous aurons fait notre travail. Le moment venu, l’avenir jugera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Alain Fauré. La démonstration est nulle !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.
M. Jean-Louis Touraine. Mme la garde des sceaux a bien rappelé les conditions de publication de l’avis du Conseil d’État, après autorisation par le Gouvernement. En la circonstance, l’honnêteté voudrait que l’opposition cite l’avis entièrement et non pas de manière tronquée…
M. Claude Goasguen. C’est la meilleure !
M. Jean-Louis Touraine.… en choisissant quelques parties qui déforment la réalité.
D’ailleurs, ce n’est pas nouveau. Dans le passé déjà, lors des débats concernant l’autorisation de la recherche sur les cellules-souches à visée de progrès thérapeutiques, la droite populaire avait tout simplement omis l’avis du Conseil d’État. À l’époque, le Conseil d’État avait émis un avis favorable à cette recherche, de même que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Académie de médecine et tous ceux qui étaient consultés. Mais à cette époque, la droite populaire ne se préoccupait de suivre aucun de ces avis.
Aujourd’hui, il se trouve que le Conseil d’État, puisque vous voulez y faire référence, donne un avis nuancé en indiquant les éléments favorables…
M. Claude Goasguen. On ne le connaît pas !
Mme Laure de La Raudière. Vous avez l’avis ?
M. Philippe Cochet. Ils l’ont, c’est scandaleux !
M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !
M. Jean-Louis Touraine.… et d’éventuelles réserves que certains pourraient avoir. Dans ces conditions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)…
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues. Veuillez conclure, monsieur Touraine.
M. Jean-Louis Touraine. Personnellement, je n’ai pas l’avis. Je n’ai que les citations que vous avez sorties de leur contexte, complétées par Mme la garde des sceaux, dont je conclus que vous devriez faire preuve de beaucoup de prudence avec d’invoquer les avis du Conseil d’État.
(Les amendements identiques nos 2068, 2412, 2672, 3705, 4149 et 4408 ne sont pas adoptés.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Notre collègue vient d’évoquer l’avis du Conseil d’État dont manifestement il dispose. Il y a un problème grave à ce que des parlementaires de la majorité disposent de la totalité de l’avis du Conseil d’État pour s’en prévaloir et que les députés de l’opposition n’en disposent que par morceaux, soit ceux qu’il se trouve que nous avons, soit les quelques éléments fournis par le Gouvernement.
Cette inégalité dans l’information de notre assemblée est absolument inacceptable. Je souhaiterais que le ministre des relations avec le Parlement ou le Premier ministre, président du Conseil d’État, viennent en rendre compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. C’est honteux !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas Bays. Ces rappels au règlement sont des manœuvres dilatoires de la part de l’opposition qui manque cruellement d’arguments et qui essaie de gagner du temps.
Plusieurs députés du groupe UMP. Sur quel article est fondé votre rappel au règlement ?
M. Nicolas Bays. Dans le cadre d’un véritable rappel au règlement, j’aimerais rappeler à l’opposition le contenu de l’article 58, alinéa 1 : « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention ». Mais il y a aussi un l’alinéa 2, qui dispose que : « Si manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. » J’aimerais un peu plus, monsieur le président, que soit faite application de cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Cher collègue, il me revient de juger de l’application de l’article 58. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Article 4 (suite)
M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2069.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous allons continuer d’interroger les ministres au banc, surtout après l’intervention de M. Touraine. Quand on connaît son honnêteté intellectuelle, on n’imagine pas qu’il ait pu porter une telle appréciation sans avoir une connaissance complète du document auquel il fait référence.
Mme Laure de La Raudière. Très bien !
M. Jean-Frédéric Poisson. De deux choses l’une : ou bien il s’est avancé un peu rapidement, ce qui m’étonnerait de lui, ou alors il a des éléments dont nous ne disposons pas, ce qui m’étonnerait encore plus.
Madame la garde des sceaux, confirmez-vous que le Conseil d’État émet des réserves importantes dans cet avis ? Si oui, nous aimerions savoir lesquelles. Si non, nous aimerions avoir quelques éléments de confirmation.
L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2675.
M. Marc Le Fur. L’intervention de notre collègue Touraine est extraordinaire. De deux choses l’une : soit il commente quelque chose dont il ne dispose pas, ce qui est un comble, et révélateur d’une attitude un peu politicienne, soit il dispose de ce type d’information qui n’a pas été communiquée à l’ensemble des députés de la République, et c’est grave. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Finissons-en ! Que le Gouvernement nous communique les documents, qu’il nous dise ce qu’il en est ! Arrêtons ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. S’il vous plaît, il serait bien que chacun reprenne un peu son calme.
M. Marc Le Fur. Vous avez en permanence à la bouche le mot transparence. Appliquez la transparence ! Nous avons le droit d’avoir tous les éléments du dossier. Nous avons en particulier le droit de disposer de l’avis des juristes les plus éminents, les plus neutres, les plus compétents de la République. Si vous privez la représentation nationale de ce type d’informations, c’est un déni de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Sur l’amendements no 2069 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3709.
M. Xavier Breton. Je profite de cet amendement pour indiquer à M. Touraine que nous ne contestons pas au Parlement le droit d’aller à l’encontre d’avis, du Conseil d’État ou autres – c’est un privilège que nous devons défendre. Mais nous devons avoir les éléments d’information pour travailler dans les meilleures conditions possibles.
J’ai été assez choqué par ce qui vient de se passer.
Mme Chaynesse Khirouni. Il ne vous faut pas grand-chose !
M. Xavier Breton. Il y aurait d’un côté les bons députés, qui auraient accès à l’avis du Conseil d’État et, de l’autre les mauvais députés, qui ne pourraient pas l’avoir.
Au cours des auditions, nous avons déjà assisté au tri entre les bonnes associations, militantes, qui avaient droit à une publicité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et à être entendues sur le réseau de notre assemblée, et les mauvaises associations qui étaient entendues soit dans le secret de votre bureau, monsieur le rapporteur, soit le matin mais sans diffusion internet dans la salle de la commission des lois.
Il y a quelques heures, Mme la ministre de la famille triait aussi les Français : les bons, de moins de cinquante ans, qui sont majoritairement favorables à votre projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et les mauvais, qui ont plus de cinquante ans – comme moi, depuis quelques jours – et qui y seraient défavorables. (Mêmes mouvements.)
M. Alain Fauré. C’est honteux !
M. Xavier Breton. Arrêtez ce manichéisme. S’il vous plaît, donnez-nous tous les éléments pour que nous puissions juger en âme et conscience de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4151.
M. Hervé Mariton. Mme Narassiguin, il y a quelques minutes, a repris pour la partager la vision du Gouvernement consistant à reconnaître que l’amendement-balai peut poser certaines difficultés, comme nous l’avons constaté avec l’article 371-1, pour en déduire que c’est alors affaire d’interprétation.
Cette construction juridique me paraît assez audacieuse. On refuse aux maires la liberté de conscience mais on leur demande d’interpréter le code civil et de le bricoler pour arriver à faire un mariage qui ne soit pas insultant à l’égard des personnes qui viennent se marier en mairie.
Pour autant que l’on accepte cette théorie assez invraisemblable, le Gouvernement pourrait-il nous fournir la liste des dispositions qui, pour être appliquées, supposent de passer par cette interprétation ? Puisque vous sollicitez l’interprétation des officiers d’état civil, au moins que l’on sache sur quelles dispositions !
Sur celle que je vous ai présentée, la seule réponse qui vous ait permis d’atterrir est celle que je viens de rappeler. Y en a-t-il d’autres ? Pour comprendre le texte, nous avons besoin de le savoir. C’est toute la difficulté de l’amendement-balai qui révolutionne le texte. Pour que nous puissions comprendre, s’il vous plaît, madame la ministre, donnez-nous la liste des interprétations qui seront nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4409.
M. Philippe Meunier. Après le cafouillage sur la PMA, dimanche dernier, voici l’avis caché du Conseil d’État. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Christian Jacob, président de notre groupe, nous communique quelques éléments de l’avis du Conseil d’État, que nous n’avons pas. Mme la garde des sceaux reproche à notre président de groupe de nous communiquer ces quelques éléments. Et M. Touraine prend la parole pour donner une appréciation de cet avis du Conseil d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est incroyable ! Vous rendez-vous compte de la situation ?
Il est temps de communiquer l’avis du Conseil d’État à l’ensemble de la représentation nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Je souhaite que l’on retrouve un peu de sérénité dans cet hémicycle, car il s’agit d’un point important de procédure et de débat entre le Gouvernement et sa majorité, et aussi avec l’opposition. Ce débat entre maintenant dans la plus grande confusion.
M. Claude Goasguen. Ah oui !
M. Patrick Ollier. Nous avons insisté depuis plusieurs jours sur certaines incohérences juridiques de ce texte. Nous ne faisons que cela : relever ce que nous considérons comme des incohérences.
L’avis du Conseil d’État est un élément déterminant. M. Jacob, notre président, a posé des questions sur des extraits qu’il a lus et qui remettent en cause la logique de ce texte…
M. Claude Goasguen. C’est grave !
M. Patrick Ollier.… même si l’avis global est favorable.
M. Yves Censi. Cela jette la suspicion !
M. Patrick Ollier. La meilleure des solutions, madame la garde des sceaux, est que l’on puisse avoir connaissance de cet avis et l’étudier afin de retrouver la sérénité dans ce débat. Je comprends que cela vous fasse rire, madame la garde des sceaux, mais c’est un droit du Parlement.
M. Bernard Roman. Pas du tout !
M. Patrick Ollier. Le Parlement a le droit de demander d’avoir connaissance de l’avis du Conseil d’État.
M. Bernard Roman. C’est écrit où ?
M. Patrick Ollier. Ici, nous sommes dans le temple de la démocratie ; la parole y est libre et les questions aussi. Nous aimerions que vous y répondiez sinon, monsieur le président, je pense qu’il vaudrait mieux lever la séance en attendant que le Premier ministre vienne nous dire s’il peut ou non lever le fameux secret sur l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2069 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 256
Majorité absolue 129
Pour l’adoption 89
contre 167
(Les amendements nos 2069, 2675, 3709, 4151 et 4409 ne sont pas adoptés.)
5
Faits personnels
M. le président. M. Le Fur, vous avez demandé la parole en application de l’article 58, alinéa 4, du règlement pour un fait personnel.
Vous avez la parole.
M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le président. Et je remercie aussi le président Le Roux d’être revenu après plusieurs heures d’absence. Je lui en sais gré. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Quelle élégance !
M. Marc Le Fur. Le président Le Roux m’a attaqué tout à l’heure. Ce n’est pas surprenant que je sois, comme d’autres, la cible de M. Le Roux puisque, depuis un certain nombre d’heures, inlassablement, nous demandons la transparence sur l’avis du Conseil d’État en particulier et nous avons bien compris que cela gênait.
Un tweet a été diffusé – pas par moi, par d’autres – concernant le comportement d’un de nos collègues, coupable d’un péché très véniel au demeurant : on le voit en photo jouer au sudoku ou au scrabble, quelque chose de ce genre. Il se trouve que le tweet m’est parvenu et, je m’en excuse, je l’ai diffusé à quelques amis. Je m’en excuse parce que le tweet identifiait à tort le joueur comme étant Guillaume Bachelay alors qu’il s’agissait de Thomas Thévenoud. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Que Guillaume Bachelay reçoive mes excuses. (Guillaume Bachelay et Thomas Thevenoud se lèvent pour faire apprécier leur différence de chevelure.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Cela montre bien toutes les confusions.
Monsieur Le Fur, si la responsabilité d’un président est d’organiser son groupe, force est de constater, avec les écarts dans les votes que nous connaissons depuis cinq jours, que le nôtre est mieux organisé que le vôtre dans le taux de mobilisation de ses députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) J’invite donc M. Jacob, s’il le souhaite, à passer un peu moins de temps dans l’hémicycle et à mieux organiser les choses à l’extérieur. Mais je n’ai aucun conseil supplémentaire à vous donner.
Pour le reste, vous faites amende honorable sur la mise en cause d’un député, je m’en réjouis. Compte tenu de ce que vous venez de décrire, vous devez savoir qu’il ne convient pas de jeter l’opprobre sur des députés qui travaillent ici sur la TVA, dans le cadre d’une mission de l’Assemblée nationale. Il nous arrive à tous de devoir faire d’autres travaux en séance, ou de lire des journaux, comme je vous ai déjà vu le faire, monsieur Le Fur. Je vous ai même vu faire autre chose : parler depuis maintenant cinq jours d’un texte de loi qui n’existe pas. Cela ne peut-il pas vous être reproché aussi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Ayez plus d’imagination pour mettre en cause vos collègues, en restant dans le cadre d’un fonctionnement normal de notre assemblée, c’est-à-dire en évitant la diffamation et la mise en cause personnelle. Nous nous en porterons mieux, monsieur Le Fur. (Mêmes mouvements.)
M. le président. En application de l’article 58, alinéa 4 du règlement, M. Hervé Mariton a demandé la parole pour un fait personnel. Vous avez la parole, cher collègue.
M. Hervé Mariton. Je ferai tout d’abord respectueusement observer au président Le Roux qu’en début de séance cet après-midi, nous étions majoritaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il a fallu un très laborieux rappel au règlement de M. Dussopt pour permettre de rameuter les troupes et qu’enfin, vos rangs se renforcent.
M. Bruno Le Roux. Quelle bonne organisation !
M. Hervé Mariton. Le fait personnel que je veux évoquer est intervenu lorsque je démontrais que votre future loi est inapplicable dans les mairies de la République. Je disais qu’elle est une insulte aux couples de personnes de même sexe auxquels les maires diront demain que l’autorité parentale s’applique aux père et mère. J’ajoutais que votre texte est mal ficelé.
M. Claude Goasguen. C’est vrai. Il faut corriger.
M. Hervé Mariton. Le Gouvernement en est réduit à dire que les maires devront interpréter, comme si chacun d’entre nous, dans sa mairie, interprétait librement le code civil !
Le collègue socialiste qui est intervenu – je crois qu’il s’agit de M. Thévenoud mais je n’en suis pas certain ; on semble néanmoins me confirmer que c’était bien lui – n’a pas eu d’autre argument à m’opposer que « le problème de Mariton, c’est la couleur de ses pull-overs ». Si le groupe socialiste n’a pas d’autre orateur à proposer qu’un député dont le seul argument, pour justifier de sa lecture du code civil, tient aux vêtements de l’opposition, il est bien mal embarqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas grave.
En revanche, si la loi de la République est aussi mal ficelée que l’article 371-1, et probablement d’autres dispositions encore, nos concitoyens ont du souci à se faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
6
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)