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Discussion du texte de loi

  • Première séance du vendredi 1er février 2013

    15 janvier 2018

    Présidence de M. Claude Bartolone

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1
    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à« Hervé Mariton, pour un rappel au règlement j’imagine ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Je vous félicite pour votre prescience, monsieur le président !

    Avant d’aborder des discussions bien sûr politiques mais également techniques relatives aux dispositions de l’article 1er, mon rappel au règlement vise justement à ce que nos débats soient pleinement éclairés sur ce que nous votons et sur les conséquences qui en découlent. Je fais allusion aux échanges que nous avons eu hier des échanges sur l’enjeu de la gestation pour autrui. Certes, le Gouvernement nous a alors rassurés lorsque des ministres ont dit ici, mais aussi à l’extérieur – Manuel Valls, en particulier –, qu’ils étaient opposés à la GPA. Mais, la nuit portant conseil, j’ai pu constater, en étudiant les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem que sur son site elle s’exprimait en faveur de la gestation pour autrui. Or cette personnalité importante, ministre de la République, porte-parole du Gouvernement, n’est pas la seule dans ce cas. M. Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, ce qui n’est pas rien, se déclare lui aussi pour la gestation pour autrui, de même que Mme Filippetti, ministre de la culture.

    M. Jacques Myard. Cela s’appelle la cohérence gouvernementale !

    M. Hervé Mariton. Si vous le souhaitez, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, je peux vous transmettre tous éléments d’information à ce sujet.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Non, je ne le souhaite pas.

    M. Hervé Mariton. Je n’ai pas eu le temps de vérifier plus avant, mais il se peut que d’autres ministres, au-delà de ces trois membres éminents du Gouvernement, se soient également déclarés pour.

    Lorsque le Gouvernement nous dit qu’il est contre la gestation pour autrui, laquelle nous paraît pourtant risquer d’être la conséquence de l’article 1er dont nous démarrons l’examen, nous aimerions donc pouvoir le croire, mais telle n’est pas clairement pas la position de sa totalité : est-ce un quart ? La moitié ? les deux ministres qui sont au banc ? le Premier ministre pourrait venir s’exprimer sur ce sujet. Il serait important en effet que le Gouvernement nous redise sa position afin que notre assemblée puisse délibérer en étant éclairée des conséquences possibles de ce que la majorité souhaite voter.

    M. Jean-Patrick Gille. Hors sujet !

    M. Hervé Mariton. Tous les ministres, manifestement, n’ont pas la même position.

    Mesdames les ministres, j’aimerais au moins que vous nous précisiez quelle est la part au sein du Gouvernement de ceux qui sont pour la GPA et de ceux qui sont contre, outre les trois ministres que j’ai cités. Mais vraiment, monsieur le président, vous pourriez convier le Premier ministre pour qu’il vienne préciser la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Patrick Gille. Fondé sur quel article ?

    M. Marc Le Fur. Un élément majeur avait déjà été apporté au débat avant-hier par M. Mariton, je veux parler de la fameuse circulaire à laquelle il a fait allusion. Et voilà que l’on constate qu’un certain nombre de membres du Gouvernement adhèrent au principe de la gestation pour autrui ! Or, il faut savoir que, dans le même temps, un certain nombre de gens s’élèvent, eux, contre la GPA. Si nous avons, nous, tout de suite manifesté on ne peut plus nettement notre opposition à cette circulaire, sans que l’on n’ait entendu personne sur les bancs de la gauche…

    Mme Élisabeth Guigou. Si, moi !

    M. Marc Le Fur. Je sais votre détermination, ma chère collègue, et je vous en sais gré.

    …il est intéressant de savoir que « Ni putes ni soumises », association militante bien connue,…

    M. Jean-Pierre Dufau. Elle ne représente pas le Gouvernement !

    M. Marc Le Fur. …a également clairement demandé le retrait de la circulaire. Cela veut bien dire que la demande de retrait va au-delà des bancs de l’UMP.

    Je souhaite que le Gouvernement dise très clairement si, conformément aux principes qu’il prétend défendre, il maintient oui ou non cette circulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Corinne Narassiguin. On n’est pas aux questions d’actualité, monsieur Le Fur !

    M. le président. Mes chers collègues, nous verrons si le Gouvernement souhaite répondre aux questions vous avez posées, mais je veux tout de même apporter une précision après l’intervention de M. Marc Le Fur : chacun peut visionner, comme je l’ai fait, l’enregistrement de l’audition de la commission des lois au cours de laquelle Mme la garde des sceaux a précisé le contenu de cette circulaire une dizaine de jours avant sa sortie. Et non seulement les députés étaient nombreux à assister à cette réunion, mais celle-ci était également ouverte à la presse.

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    M. le président. Il est vrai que j’ai pourtant pu entendre, concernant cette même circulaire, de nombreuses réactions de surprise dans cet hémicycle. Je tiens donc à répéter, parce qu’il est aussi de ma responsabilité de mettre en avant le travail qui a été fait par les députés, que vous pouvez, monsieur Le Fur, consulter cet enregistrement.

    M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. La garde des sceaux n’a pas indiqué de calendrier !

    M. le président. Mes chers collègues, visionnez l’enregistrement. Mme la garde des sceaux a précisé : « Dans les jours qui viennent. » (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Y aura-t-il retrait ?

    M. le président. Il était bon, me semble-t-il, en raison de la place prise par la GPA au début de nos travaux, de remettre les choses à leur place : consultez l’enregistrement, des éléments très précis ont été apportés sur cette question ;

    M. Hervé Mariton. Non, rien de précis !

    2
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appel la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles

    M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

    Article 1er

    M. le président. Près de soixante orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

    La parole est à M. Christian Jacob, premier inscrit.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, vraisemblablement concentré sur l’ordre des interventions et avec le souci de me donner la parole, il vous a échappé que Mme Guigou avait demandé un rappel au règlement. Je lui cède volontiers la parole.

    M. le président. Laissez-moi présider, mon cher collègue : je vous ai donné la parole.

    M. Christian Jacob. Je souhaitais simplement apporter ma contribution à la Seine-Saint-Denis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je salue votre générosité. (Sourires.)

    M. Christian Jacob. Vous venez de faire référence, monsieur le président, aux travaux de la commission des lois. Permettez-moi de rappeler qu’au cours de la précédente législature, il a été décidé en Conférence des présidents que l’on ne pouvait pas utiliser les interventions en commission autrement que comme une simple référence. Un débat en commission est une chose, l’écriture de la loi dans cet hémicycle en est une autre.

    Par ailleurs, je vous ai vous-même alerté hier sur un point relatif à la tenue de nos débats en vous demandant comment vous pourriez supporter ce qui est pour moi un double mépris de notre institution.

    Le premier a trait au fait que le Comité national d’éthique n’a pas été consulté alors même que la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui sont parties au débat. La PMA est pourtant un sujet d’importance – même si vous venez de déclarer qu’on lui consacrait trop de temps. Si nous défendons l’institution du mariage d’un homme et d’une femme et, de fait, le droit à la filiation, c’est bien parce que nous sommes attachés à cette institution telle qu’elle existe aujourd’hui.

    Nous proposerons au cours de la discussion d’autres possibilités, notamment l’alliance civile afin de donner des droits nouveaux aux couples homosexuels,…

    M. Jean-Pierre Dufau. Pourquoi ne l’avez-vous pas instaurée ?

    M. Serge Janquin. Vous voulez tout, sauf l’égalité !

    M. Christian Jacob. …mais le droit à la filiation est pour nous un point essentiel.

    C’est la raison pour laquelle on ne peut pas entamer la discussion des articles sans avoir l’avis du Comité national d’éthique. Ce n’est pourtant pas faute de le demander depuis trois mois. Or cela nous a toujours été refusé, avant qu’enfin, sous notre pression, le Président de la République finisse par céder il y a trois jours seulement. Il n’en reste pas moins que nous ouvrons cette discussion sans avoir l’avis du Comité national d’éthique.

    Le second mépris tient à la sortie, que l’on a apprise vendredi dernier, de la circulaire sur la gestation pour autrui. J’ai d’ailleurs lu dans un grand journal du soir que la garde des sceaux s’étonnait de cette sortie : y aurait-il des problèmes internes dans son ministère ?

    Aujourd’hui, devant ce double mépris du Parlement, j’en appelle à votre autorité, monsieur le président, pour défendre notre institution afin qu’elle ne soit plus ainsi méprisée ! Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que tous les orateurs inscrits sur un article ne peuvent intervenir pour une durée n’excédant pas deux minutes. J’ai laissé M. Jacob bénéficier de vingt-sept secondes supplémentaires uniquement parce qu’il est président de groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Votre seigneurie est trop bonne !

    M. Bernard Roman. Vingt-sept secondes auraient été suffisantes !

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Lors de la discussion générale, un député de l’opposition m’a directement reproché d’apporter une perspective internationale à ce débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Dire cela à une députée représentant les Français de l’étranger, c’est pour le moins surprenant ; ce serait presque amusant si le sujet n’était pas si sérieux.

    La France n’est pas seule au monde, et le monde entier nous regarde. Certains ne cessent de nous reprocher de faire des expérimentations dangereuses dont on ne pourrait prévoir les conséquences pour la société et la structure familiale. Je réponds, comme d’autres députés des Français de l’étranger l’ont déjà fait et le feront encore, que, oui, regarder nos pays voisins et amis qui ont avancé plus vite que nous ne peut qu’enrichir le débat et calmer les peurs. Je ne prétends pas qu’il faudrait copier ce qui a été fait ailleurs sans prendre le temps d’y réfléchir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

    M. Philippe Gosselin. Surtout pas !

    Mme Corinne Narassiguin. La France doit trouver son propre chemin vers l’égalité des droits.

    Députés des Français de l’étranger, nous sommes nombreux à porter la voix de nos concitoyens qui vivent au quotidien dans des sociétés où ces débats ont déjà eu lieu, ou des solutions ont déjà été trouvées, où les conséquences ont déjà été mesurées. Que l’on soit de la majorité ou de l’opposition, nous encourageons les comparaisons internationales en matière économique, sociale, environnementale. Pourquoi cette attitude d’ouverture serait-elle inapplicable aux questions de société ? Certains d’entre nous représentent nos compatriotes vivant dans des pays où l’homosexualité reste une source de persécution.

    La France, patrie des droits de l’homme, doit montrer l’exemple dans sa détermination à lutter contre toute forme de discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Il n’y a pas d’égalité partielle, de citoyens moins égaux que les autres.

    L’article 1er est le cœur du projet de loi, il établit dans la loi que les homosexuels sont des citoyens à part entière : mêmes devoirs, mêmes droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Mon intervention sera d’ordre technique sur cet article 1er qui dispose, après les travaux en commission : « […] deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elle, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a sa résidence le permet. » Cette disposition, mesdames les ministres, installe la France dans une situation d’appel vis-à-vis des personnes concernées vivant dans d’autres pays. Cela aura nécessairement des conséquences sur le terrain. La première est que vous offrez ainsi un asile conjugal en France. La seconde tient à l’inadaptation technique de votre dispositif.

    Dans la version initiale de l’article, au moins était-il indiqué : « […] sous réserve des engagements internationaux de la France […] ». Si les personnes en question sont, par exemple, liées dans leur pays d’origine par un pacte civil qui ne permet pas le mariage et qu’elles viennent se marier en France, profitant de cette possibilité d’asile conjugal, comment allez-vous traiter les contradictions civiles et patrimoniales du dispositif que vous nous proposez ?

    M. Marc Le Fur. Très pertinente question !

    M. Bernard Roman. Ce sera comme aujourd’hui !

    M. Hervé Mariton. Non, monsieur Roman.

    Ne risque-t-on pas de voir venir des personnes se marier en France, grâce à la « générosité » de la loi française, …

    M. Bernard Roman. C’est scandaleux de dire ça !

    M. Nicolas Bays. Réactionnaire !

    M. Hervé Mariton. …sans que leur situation juridique dans leur pays d’origine n’ait été établie, sans que la relation aux enfants n’ait été clarifiée ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Dans notre pays, des milliers de notaires s’en inquiètent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ils pensent que la loi…

    M. le président. Votre temps de parole est épuisé, monsieur Mariton.

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Vous êtes intraitable, monsieur le président.

    M. le président. Vous êtes maintenant cinquante-neuf inscrits sur l’article 1er, sur lequel 546 amendements ont été déposés, dont 129 de suppression : cela va permettre aux uns et aux autres de s’exprimer.

    M. Philippe Gosselin. Le débat mérite bien tout ce temps, monsieur le président.

    Nous voilà donc à l’article 1er qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. C’est l’occasion de rappeler que c’est le premier élément d’un édifice, qui va en entraîner bien d’autres. Il me fait en effet revenir à nouveau sur cette équation : mariage plus adoption égale PMA et GPA.

    Mme Élisabeth Guigou. N’importe quoi !

    M. Nicolas Bays. Mensonge !

    M. Philippe Gosselin. Cela nous ramène aux propos de Mme la garde des sceaux en réponse aux parlementaires dans la discussion générale, avec des accents que j’ai salués sur la liberté et l’égalité.

    M. Jean-Pierre Dufau. Il n’y a jamais la fraternité chez vous !

    M. Philippe Gosselin. Mais si la forme était bonne, le fond était inacceptable. Vous avez, madame la garde des sceaux, évoqué les esclaves, considérés comme des meubles à une certaine époque. Vous avez raison : ils étaient considérés comme des res nullius ; c’était tout à fait insupportable et notre humanité en était amputée.

    Mais aujourd’hui, avec la circulaire, vous voulez d’une certaine façon comparer les enfants à des immeubles (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…

    M. Marc Le Fur. Exactement !

    M. Philippe Gosselin.… et les préparer à une vente en état futur d’achèvement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà le nouveau slogan : le ventre en état futur d’achèvement.

    Mme Élisabeth Guigou et M. Luc Belot. Ridicule !

    M. Sébastien Pietrasanta. Scandaleux

    M. Philippe Gosselin. Voilà la suite à laquelle prépare ce texte. Encore une fois, l’équation est celle-ci : mariage plus adoption égale PMA plus GPA.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Scandaleux ! Ridicule !

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement.

    M. Olivier Dussopt. Je souhaite d’abord répéter encore et toujours que la circulaire qui est évoquée à ne plus en finir ne régularise pas la GPA ; elle ne fait que rappeler les règles…

    M. Philippe Gosselin et M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est une réponse aux orateurs précédents !

    M. Olivier Dussopt.… et les conditions qui permettent de donner un certificat de nationalité à des enfants qui en ont une.

    La première question à laquelle il faudra que vous répondiez est donc celle-ci : voulez-vous que l’on retire la nationalité française à ces enfants ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Olivier Dussopt. Mon second point a trait au règlement, car il porte sur nos débats ;

    Vous nous demandez de la clarification. Celle que l’on vous demande à vous est celle-ci : que pensez-vous, vous, députés de l’UMP, de la proposition de loi du sénateur UMP Alain Milon, datée du 27 janvier 2010 et cosignée par vingt-deux sénateurs de droite, qui propose la régularisation de la GPA…

    M. Philippe Gosselin. Nous sommes à l’Assemblée nationale, pas au Sénat !

    M. Olivier Dussopt.… et son remboursement par la Sécurité sociale ? La confusion est chez vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Pour autant, ce n’est pas parce que cette proposition de loi a été déposée que nous vous faisons le procès que vous nous faites sur la GPA.

    Le Gouvernement et la majorité ne régulariseront pas la GPA. Il faut que vous l’entendiez et que vous vous le mettiez dans la tête une fois pour toutes. Quant à vous, clarifiez vos positions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Avant de donner la parole à Mamère pour un rappel au règlement, je souhaite répondre à des remarques que j’ai entendues venant des bancs de l’opposition.

    Vous l’aurez d’abord constaté, mes chers collègues, l’intervention tout à l’heure de M. Le Fur ne correspondait pas tout à fait à un rappel au règlement.

    Pour autant, Je vais accorder à la majorité et à l’opposition un nombre équivalent de rappels au règlement en ce début de séance, puisque telle semble être la règle du jeu, afin que nous puissions ensuite entrer d’une manière plus sereine dans les débats.

    La parole est à Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

    M. Noël Mamère. Je veux, dans un vrai rappel au règlement, rappeler à nos collègues UMP qui défilent à la tribune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Enfin, on ne défile pas !

    M. Noël Mamère....ou plutôt qui se succèdent à cette tribune, qu’ils ne cessent de nous parler de la gestation pour autrui alors que l’objet du projet de loi n’a rien à voir avec cela…

    M. Philippe Gosselin. C’est une mécanique qui est enclenchée !

    M. Noël Mamère.…puisqu’il est d’autoriser le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.

    Vous êtes en train d’instrumentaliser une circulaire qui n’avait qu’un seul but : le droit de l’enfant et non pas le droit à l’enfant (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Il s’agit en effet d’apporter une protection juridique à des enfants qui n’ont pas à être victimes des choix de leurs parents.

    M. Philippe Gosselin. De l’illégalité des choix de leurs parents !

    M. Noël Mamère. Vous vouliez un débat. Vous êtes en train de le pourrir en essayant d’instrumentaliser une circulaire qui n’est pas directement rattachée à ce texte.

    M. Hervé Mariton. Si, elle l’est très directement !

    M. Noël Mamère. Monsieur Mariton, vous voulez un débat. Ayez au moins non pas la courtoisie, mais la sagesse républicaine d’invoquer des arguments qui ont à voir avec le texte.

    M. Hervé Mariton. C’est le cas !

    M. Noël Mamère. Vous pouvez invoquer ici des arguments sur l’ordre naturel ou sur tout ce que vous voudrez à l’exemple de ce que l’on a entendu le 13 janvier et en d’autres occasions. Pour l’instant, pardonnez-moi de vous le dire, vous êtes à côté de la plaque ! Vous ne faites pas votre travail de représentant du peuple…

    M. Philippe Gosselin. Nous avons Saint-Just dans l’hémicycle !

    M. Noël Mamère.… pour améliorer un texte de loi – qui de toute façon sera adopté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Ce rappel au règlement fait suite aux propos de M. Dussopt que j’invite à la plus grande prudence parce que certains propos, qu’il a tenus il y a plusieurs mois dans cette enceinte, ont heurté des familles françaises.

    M. Philippe Gosselin. Exactement !

    M. Marc Le Fur. Souvenez-vous, c’était à la commission spéciale d’éthique.

    M. Philippe Gosselin. Sur la trisomie !

    M. Marc Le Fur. Nous avions appris que 96 % des enfants atteints de trisomie faisaient l’objet d’avortement. Cela nous avait conduits, tous autant que nous étions, à constater que nous étions au-delà des limites de l’eugénisme. Or qu’a dit M. Dussopt en cette circonstance ? Que ce qui le surprenait, c’était que 4 % vivaient !

    M. Olivier Dussopt. C’est faux Vous travestissez mes propos !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vous l’avez dit, nous y étions !

    M. Marc Le Fur. Il a heurté les familles. La meilleure preuve, monsieur Dussopt, est que votre groupe vous a immédiatement exfiltré de la commission pour que cessent de tels débordements.

    Vous n’avez jamais présenté vos excuses aux familles qui élèvent des enfants atteints de trisomie 21. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Profitez de ce débat pour le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Les masques tombent !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Je tiens en effet, monsieur le président, à faire un rappel au règlement au nom de mon groupe.

    Nos collègues ont décidé à l’évidence de pourrir les débats et non pas discuter de l’article 1er du projet de loi.

    M. Hervé Mariton. De quoi ai-je parlé, alors ?

    M. Alain Tourret. Je le dis d’autant plus que je me suis, en l’occurrence, prononcé de la manière la plus ferme pour un rejet total de la gestation pour autrui…

    M. Philippe Gosselin. Vous n’êtes pas l’auteur de la circulaire !

    M. Alain Tourret.… puisque j’ai même demandé que la France prenne une initiative internationale pour condamner la GPA.

    En réalité, chers collègues de l’opposition, vous essayez d’utiliser ceux que l’on a qualifiés de malheureux fantômes de la République en exploitant une circulaire à l’évidence humaniste prise par Mme la garde des sceaux. Vous essayez de nous imposer ce débat qui n’a pas lieu d’être.

    Monsieur le président, nous ne devons pas nous laisser emmener dans cette dérive d’obstruction et de flibuste de la part de l’opposition. Nous souhaitons débattre de l’article 1er et uniquement de cela.

    M. le président. Nous allons justement y revenir.

    M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.

    M. le président. Vous l’aurez, monsieur Dussopt, mais seulement à la fin de séance, conformément au règlement.

    M. Hervé Mariton. Trois rappels au règlement pour la gauche contre un pour la droite !

    M. Philippe Gosselin. C’est sans doute la proportionnelle !

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Nos archives parlent : si M. Dussopt aura l’occasion de s’expliquer tout à l’heure, ou du moins de prendre la parole car il n’a pas besoin de s’expliquer, M. Gosselin ferait en tout cas mieux de se taire car à sa place je lirais le compte rendu de cette réunion.

    M. Philippe Gosselin. J’y étais !

    M. Bernard Roman. Justement !

    M. Philippe Gosselin. J’étais atterré, effaré !

    M. le président. S’il vous plaît, monsieur Gosselin, soyez atterré en silence. (Sourires.)

    M. Bernard Roman. Et en en prenant également connaissance, M. Le Fur sera amené à présenter ses excuses.

    J’en reviens au fond. De quoi s’agit-il ? Nous avons l’impression que vous voulez le faire oublier : il s’agit avec cet article qui touche au code civil d’ouvrir dans le droit français le mariage aux personnes de même sexe.

    M. Christian Jacob. L’adoption aussi !

    M. Bernard Roman. Mécaniquement, le mariage conduira à donner aux couples de même sexe tous les droits dont bénéficient les couples hétérosexuels. Il n’y aura pas, comme le disait Mme la garde des sceaux en réponse aux orateurs de la discussion générale, de sous-mariage. Il y aura dans notre droit un mariage qui sera le même pour tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

    Dans la discussion qui s’ouvre sur cet article qui est au cœur du projet, j’aimerais que l’opposition nous dise au nom de quoi elle peut s’opposer, au-delà des chimères et des fantasmes, à l’égalité de droits entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Parce qu’il s’agit de cela et seulement de cela.

    Conformément à l’engagement 31 de François Hollande, nous proposons de donner à tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, les mêmes droits en ce qui concerne le mariage, les enfants, la protection des enfants et des conjoints, les droits des enfants. Ces droits, nous proposons de les donner à tous les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.

    Au nom de quoi, mesdames et messieurs de l’opposition, vous opposez-vous à cette égalité ? Dites-le nous, car c’est le cœur du sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

    M. Sébastien Pietrasanta. L’article 1er, puisque tel est bien l’objet de la discussion de ce matin, instaure le mariage civil entre personnes de même sexe et répond au principe d’égalité et de fraternité qui fonde notre République.

    Le mariage pour tous n’est pas une atteinte à notre civilisation, mais il est l’honneur de la France qui, depuis 1789, proclame et applique les droits fondamentaux qu’elle a été la première à reconnaître de façon universelle.

    Il met fin à un retard inacceptable de notre pays à l’égard du reste du monde. Il nous restaure dans l’exemplarité qui a toujours été la nôtre en matière de dignité humaine car les homosexuels ne sont pas des personnes à part : ils sont nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nos fils, nos filles, nos amis et nos voisins. Ils font partie intégrante de notre société. Ils ne forment pas non plus de couples au rabais. Le sentiment amoureux qu’ils éprouvent existe chez toutes les femmes et chez tous les hommes.

    Cette loi ne retire aucun droit à personne. Elle n’empêche aucun couple de se marier. Elle n’empêche aucun couple, aucun parent d’adopter. Elle ne fait que donner des droits nouveaux à des personnes qui, jusqu’à présent, en étaient privées.

    Permettre aux homosexuels de se marier ne va pas détruire les fondements de notre société et de notre civilisation. Ce qui est destructeur, en revanche, ce sont les attaques virulentes dont ils sont victimes. Nous ne les avions plus entendues depuis le PACS. Elles ont un impact terrible sur les jeunes homosexuels qui croyaient vivre dans un monde qui les avait acceptés. Je pense à eux ce matin.

    Il faut garder le courage et l’espoir car, comme le PACS, le mariage des couples de même sexe passera dans les mœurs. Les oppositions d’aujourd’hui seront finalement englouties par la mise en adéquation de notre droit à la nécessaire évolution de notre société.

    N’y a-t-il pas plus grand honneur pour notre Parlement que de participer à la marche inexorable pour l’égalité des droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Comme Bernard Roman l’a fait avec le regard qui est le sien, je voudrais aussi revenir sur ces points fondamentaux qui probablement nous opposent.

    Qu’est-ce que le mariage ? C’est la reconnaissance d’une présomption de filiation. Ce n’est pas la reconnaissance d’un acte social ou d’un lien affectif ni une reconnaissance sociale. C’est simplement un cadre protecteur pour construire une famille.

    Qu’est-ce alors qu’une famille ? C’est là qu’apparaissent des points de désaccords et des besoins d’éclaircissement pour savoir dans quel périmètre la construction d’une famille doit s’opérer ?

    Construire une famille, est-ce offrir aux enfants une altérité sexuelle dans une structure jugée épanouissante pour eux ? Premier sujet de désaccord nécessitant des éclaircissements.

    Par ailleurs, si le mariage est un cadre pour construire une famille, au nom de quoi un couple homosexuel qui se marie n’aurait-il pas droit à en construire une et à avoir recours à l’adoption, à la PMA et aussi à cette GPA qui émerge dans nos débats ? Tous ces usages, acceptés par certains et condamnés par d’autres, pratiqués dans certains pays et pas dans d’autres, découlent fatalement de cet article 1er sur le mariage.

    À partir du moment où nous sommes d’accord sur le fait que le mariage n’est ni une reconnaissance sociale ni celle d’un lien affectif mais le cadre protecteur pour créer une famille, il va de soi que le périmètre dans lequel celle-ci se construit mérite des éclaircissements que nous n’avons toujours pas, que ce soit sur l’adoption qui est prévue par le texte ou ces fameuses PMA et GPA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, Bernard Roman a cette qualité d’être rarement en décalage avec le sujet. Alors, cher collègue, puisque vous avez eu la bonté de nous interroger sur plusieurs points, permettez-moi de vous répondre directement, bien que nous soyons dans une discussion générale et non dans un dialogue.

    M. Nicolas Bays. En deux minutes !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ne vous inquiétez pas pour le temps, cher collègue. Détendez-vous, car nous sommes là pour un moment.

    M. Olivier Faure. Quel mépris !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je tiens en effet à rappeler à notre collègue que parmi les nombreux orateurs qui se sont déjà succédé depuis le début de nos débats, M. Guaino a posé une question qui mérite la considération : une majorité peut-elle lier de manière certaine la majorité qui lui succédera ? La question a été évacuée d’un revers de main. Pour ma part, j’ai posé deux questions simples dans la motion de renvoi en commission que j’ai défendue. J’ai demandé si le principe d’égalité et si l’articulation entre égalité et utilité commune étaient respectés dans le texte. Je n’ai pas eu de réponse non plus.

    Mon cher collègue, j’ai donc le regret de vous dire que vous n’êtes pas le seul à attendre des réponses : nous attendons encore certaines précisions.

    Pour le reste, j’ai déjà dit beaucoup de choses mardi. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Merci en tout cas à M. Roman de vouloir recentrer nos débats.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Une intervention pour rien !

    M. Bernard Roman. Dites-nous donc au nom de quoi vous refusez l’égalité ; c’est une question simple !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, si l’article 1er est le premier dans l’ordre chronologique, il l’est sans doute aussi dans l’ordre logique. Il conduit en effet à nous demander si nous sommes prêts à examiner ce texte.

    Permettez-moi de rappeler les propos du Défenseur des droits, Dominique Baudis, lors de son audition le 13 décembre dernier : « Dans beaucoup de domaines, les questionnements se multiplient. Comment se fait-il qu’un texte d’une telle ambition et d’une telle portée juridique laisse autant de questions en suspens ? ». Ce n’est pas un membre de l’UMP ou de l’UDI qui pose cette question. C’est bien le Défenseur des droits qui s’interroge.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

    M. Olivier Faure. Il a approuvé le texte !

    M. Xavier Breton. Comment peut-on laisser de tels questionnements sans réponse ? Notre motion de renvoi en commission et nos amendements de suppression de l’article 1er sont là pour le souligner : nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion. Et ce n’est pas en récitant les argumentaires qui vous ont été distribués par le groupe socialiste, en répétant des arguments qui ne vont pas au fond des choses que nous pourrons avancer.

    M. Matthias Fekl. Vous touchez le fond !

    M. Xavier Breton. La question posée en fait par ce premier article est celle de l’altérité sexuelle. Mesdames les ministres, pour vous, l’altérité sexuelle a-t-elle encore sa place dans notre société ? Nous entendons beaucoup parler aujourd’hui d’une théorie – d’une idéologie –, celle du gender. Elle imprègne la société, mais ne fait pourtant l’objet d’aucun débat public. Débattons de cette théorie du gender ! Est-ce qu’un homme et une femme sont interchangeables ?

    M. Bernard Roman. Comme s’il s’agissait de cela !

    M. Xavier Breton. Quelle est la signification de l’altérité sexuelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Un couple homme-femme est-il la même chose qu’une paire de deux hommes ou une paire de deux femmes ? Il faut se poser ces questions. C’est ce que nous allons faire avec nos amendements.

    M. Nicolas Bays. Ils se ringardisent à vue d’œil.

    M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch.

    Mme Anne Grommerch. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, alors que notre pays atteint un taux de chômage record, que les plans sociaux se succèdent inlassablement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), que les Français sont inquiets pour leur pouvoir d’achat, vous avez décidé de faire passer en force et dans l’urgence le projet de mariage pour tous.

    M. Matthias Fekl. C’est pour cela que vous demandez un référendum ?

    Mme Anne Grommerch. Les chefs d’entreprise, les demandeurs d’emploi, les parents inquiets pour leurs enfants, les jeunes qui viennent nous voir dans nos permanences ne nous parlent pas du mariage pour tous. (Mêmes mouvements.) Ils préfèrent nous parler de travail pour tous. Mais ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire.

    M. Luc Belot. La discussion générale est finie !

    Mme Anne Grommerch. Dans l’article premier, vous ouvrez le mariage et l’adoption au couple de même sexe au prétexte que le mariage est la reconnaissance sociale du couple, ce qui est totalement réducteur. Le mariage n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour. Si tel était le cas, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier. Or, la loi a fixé un certain nombre de limites.

    On est donc au-delà de la simple relation de couple, mais bien dans le cadre de la famille. Contrairement à ce que vous prétendez, il n’y a pas de discrimination dans le mariage actuel. Sa définition est simplement que les sexes ne sont pas interchangeables.

    M. Bernard Roman. Il ne s’agit pas de cela, mais d’égalité !

    Mme Anne Grommerch. Les sexes sont égaux mais pas équivalents du fait de la dissymétrie entre homme et femme. Pour ma part, je souhaite que l’on apporte des droits supplémentaires, une plus grande sécurité juridique aux couples homosexuels,…

    M. Nicolas Bays. C’est ce que l’on fait ici !

    M. Olivier Faure. Quelle hypocrisie !

    Mme Anne Grommerch. …à travers l’union civile.

    Cette notion de droits et devoirs au sein d’un couple homosexuel doit être totalement dissociée de toute question de filiation. Je m’interroge d’ailleurs sur la place que vous faites à l’enfant.

    Les questions de l’enfant, de l’adoption et de la filiation doivent s’inscrire dans le cadre des obligations internationales souscrites par la France. M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, l’a rappelé lors de son audition par la commission des lois : « la procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi présente une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. » Or, dans toutes les décisions qui le concernent, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir.

    Vous trompez les Français en reportant les discussions sur la procréation médicalement assistée à un autre texte. Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée alors que toute votre argumentation repose sur la reconnaissance de l’amour et sur l’égalité.

    Vous mettez en avant l’égalité pour justifier le mariage, mais vous vous y refusez pour les enfants.

    Enfin,…

    M. le président. Merci, madame Grommerch.

    La parole est à Mme Valérie Pecresse.

    Mme Valérie Pecresse. Je m’étonne, monsieur le président, que la pendule de la tribune affiche déjà plusieurs secondes comme si j’avais déjà commencé mon intervention.

    M. le président. Je compte le temps qu’il vous faut pour arriver à la tribune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Valérie Pecresse. Vous m’enlevez trente secondes de mon temps de parole ?

    M. le président. Non, je vous les ajoute. J’arrêterai votre temps de parole à deux minutes trente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Dont acte ! Ce n’était pas très explicite, monsieur le président.

    Mme Valérie Pecresse. Merci, monsieur le président, pour cette décision pleine de sagesse.

    Mesdames les ministres, avec ce texte de loi, vous poursuivez deux objectifs : le premier, ouvrir le mariage aux couples de même sexe ; le second, donner à ces couples l’accès à la paternité et à la maternité en leur accordant la possibilité d’adopter.

    M. Michel Issindou. Très bien !

    Mme Valérie Pecresse. J’observe que si ce premier objectif est affiché dans le titre du projet de loi, le second ne l’est pas.

    M. Hervé Mariton. Exact !

    Mme Valérie Pecresse. Je m’interroge : pourquoi cette dissimulation, pourquoi cette ambiguïté dès le départ ?

    M. Bernard Roman. Parce qu’il s’agit d’un droit lié. Nous parlons d’égalité des droits.

    Mme Valérie Pecresse. Ce que nous avons à débattre est fondamental. Nous touchons ici au cœur de toute société humaine. Quelle est la définition que nous voulons donner à la famille ? Quelle place accordons-nous à l’enfant dans cette famille ? À l’évidence, un débat d’une telle envergure, qui touche au plus profonde de l’intime conviction de chacun, méritait mieux et ne peut se trancher en deux semaines de débat parlementaire.

    M. Michel Issindou. Il méritait mieux que les débats d’aujourd’hui, c’est vrai.

    Mme Valérie Pecresse. Vous escamotez le débat et vous refusez de faire confiance au peuple. Je n’entrerai pas dans une bataille de chiffres, mais il est certain que la manifestation du 13 janvier a été l’une des plus importantes de ces dernières décennies.

    M. Michel Issindou. Pour les retraites, c’était mieux.

    Mme Valérie Pecresse. L’autre certitude, c’est qu’elle témoigne des interrogations profondes du peuple français face aux évolutions que vous proposez. En recourant au référendum, vous auriez pu choisir la clarté ; en vous obstinant dans la voie parlementaire, vous choisissez l’évitement.

    M. Luc Belot. Relisez Wauquiez !

    Mme Valérie Pecresse. On peut être pour ou contre cette réforme, c’est la liberté de chacun. Ce qui n’est en revanche pas acceptable, c’est votre façon d’avancer masqué. Car, dans ce projet de loi, le plus fondamental n’est pas ce que vous dites mais ce que vous ne dites pas. Vous auriez pu vous en tenir à sanctuariser par la loi l’amour entre deux personnes de même sexe, au nom…

    M. le président. Merci madame Pécresse.

    La parole est à M. Alain Calmette.

    M. Alain Calmette. Monsieur le président, mesdames les ministres, je convie mes collègues de l’UMP au rendez-vous de la vie réelle.

    M. Philippe Cochet. Il n’y a pas deux types de parlementaires dans cet hémicycle.

    M. Alain Calmette. Je veux concentrer mon propos sur un aspect particulier, celui de l’effet de long terme de l’article 1er sur nos représentations grâce à l’accélération du changement des mentalités qu’il permet.

    Ce projet de loi aura un effet considérable sur l’acceptation sociale de l’amour entre personnes de même sexe par les personnes découvrant chez elles ce désir, mais aussi par leur entourage. C’est un sujet de première importance, aussi bien dans les grandes villes qu’en milieu rural.

    En effet, l’amour entre personnes de même sexe n’est pas l’apanage des villes ou une forme de sexualité en vogue. C’est un fait anthropologique universel, une réalité aux quatre coins du monde, en ville comme à la campagne, dont on retrouve des témoignages à toutes les époques. Cependant, le regard que chacun porte sur l’amour entre personnes de même sexe peut varier selon le lieu d’habitation. Ce regard – j’insiste sur ce mot – peut imposer l’invisibilité aux couples de même sexe.

    Dans les territoires ruraux, nombre de personnes homosexuelles ont encore trop souvent une vie à l’ombre. Cela peut les conduire à souffrir plus qu’ailleurs parce que le niveau d’acceptation sociale y est parfois plus faible que dans les grandes agglomérations. Le manque de lieux de sociabilisation, d’associations spécialisées et de possibilités d’identification positive peut entraîner chez les jeunes gays et lesbiennes ruraux une plus grande peur de la révélation de leur orientation sexuelle et une plus forte dépréciation de soi. Le prix de la liberté est en effet d’autant plus grand qu’à la campagne l’entourage familial et amical est souvent très présent au quotidien. Cela peut être une chance, cela l’est souvent, mais cela peut aussi être un enfermement.

    C’est pour toutes ces raisons que l’accélération du changement des mentalités que permet l’article 1er revêt une importance cruciale, notamment en milieu rural.

    M. Christian Jacob. Pourquoi ce mépris à l’égard des ruraux ?

    M. Philippe Cochet. La vie réelle, on connaît !

    M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

    M. Matthias Fekl. Monsieur le président, mes chers collègues, aujourd’hui que nous débattons dans l’hémicycle après d’importants débats en commission des lois sur ce texte, je distingue plusieurs attitudes. D’abord, ceux qui défendent le texte, en conscience. Ensuite, ceux qui s’y opposent…

    M. Philippe Cochet et M. Philippe Gosselin. En conscience aussi.

    M. Matthias Fekl....avec des interrogations légitimes.

    Nous avons débattu de longues journées et de longues nuits ensemble,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non, on commence maintenant !

    M. Matthias Fekl. …et je crois avoir écouté vos arguments, y compris avant-hier soir lorsque vous n’étiez pas en commission des lois pour examiner les amendements qui avaient été déposés.

    M. Philippe Gosselin. Nous étions en séance.

    M. Matthias Fekl. Non, elle était alors suspendue.

    Enfin, il est une attitude plus surprenante consistant à faire l’éloge a posteriori du PACS en nous demandant de le muscler, de le transformer en union civile. Dois-je vous rappeler, monsieur Mariton, qu’à l’époque, avec les mêmes arguments, voire avec des arguments bien pires, inacceptables, vos amis défilaient contre le PACS ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.).

    M. Philippe Cochet. C’est une mise en cause de notre collègue !

    M. Philippe Gosselin. C’est une attaque ad hominem !

    M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance !

    M. Matthias Fekl. Aujourd’hui parce que vous sentez que vous êtes acculés, que l’égalité progresse et que cette loi sera votée, vous nous demandez d’améliorer le PACS.

    Nous voterons, en conscience, ce texte qui est une avancée magnifique de l’égalité, de la dignité et de l’émancipation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

    M. le président. Mes chers collègues, je veux apporter une précision pour que les choses soient claires au commencement de ces travaux.

    Depuis le début de cette discussion, la parole a été demandée à plus de quarante reprises pour des rappels au règlement qui, pour la plupart d’entre eux, n’avaient aucun rapport avec le règlement, mais évoquaient des sujets de fond. J’ai donné la parole aux représentants de tous les groupes qui me l’ont demandée. Mais la présidence a le devoir de s’opposer à toute tentative de remettre en question l’ordre du jour et l’ordonnancement de nos travaux. Par conséquent, je refuserai tout rappel au règlement qui me paraîtrait n’avoir aucun rapport avec notre séance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La parole est à Mme Sophie Dion.

    Plusieurs députés du groupe UMP. M. Mariton a été mis en cause !

    M. Philippe Gosselin. M. Mariton doit pouvoir s’exprimer ! C’était une attaque ad hominem !

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

    M. le président. Seule Mme Sophie Dion a la parole. Je suspendrai ensuite la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Laissez au moins M. Mariton répondre. C’est un fait personnel.

    M. le président. La parole pour un fait personnel n’est accordée qu’en fin de séance. Il faudrait connaître le règlement, monsieur Gosselin.

    Vous avez la parole, madame Dion.

    La parole est à Mme Sophie Dion.

    Mme Sophie Dion. Mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis assez inquiète de la manière dont les choses se passent.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous aussi !

    Mme Sophie Dion. Nous débattons présentement, avec l’examen de l’article 1er, du mariage.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Absolument !

    Mme Sophie Dion. Le mariage, vous le savez bien, madame la garde des sceaux, est une institution. C’est même, selon la philosophie qui vous anime, une institution bourgeoise. Du coup, je m’interroge : pourquoi cet amour absolu pour le mariage ? Cela ne correspond absolument pas à vos valeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Dolez. Consternant !

    Mme Sophie Dion. Je me dis alors qu’il ne s’agit pas de cela, avec l’article 1er. Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir le mariage à des couples homosexuels.

    M. Nicolas Bays. Vous faites pitié !

    Mme Sophie Dion. C’est beaucoup plus que cela, comme vous l’avez dit madame la garde des sceaux : c’est un changement de civilisation. En réalité, ce sont des bouleversements beaucoup plus graves, beaucoup plus profonds, beaucoup plus structurants que vous souhaitez.

    M. Nicolas Bays. Vous êtes ridicule !

    Mme Sophie Dion. Là encore, on peut contester et la méthode et le fond.

    En ce qui concerne la méthode, vous avez refusé de faire confiance au peuple. Vous avez refusé la concertation. Vous avez refusé de faire appel – ce qui paraissait naturel – à ce que chacun d’entre nous a d’intime.

    Vous dites que c’est un engagement de François Hollande. Certes. Mais, ainsi que cela a déjà été rappelé, c’était un engagement qui valait pour le premier tour. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Très juste !

    Mme Sophie Dion. Pour le second tour, il n’y avait plus d’engagement pour le mariage homosexuel.

    M. Nicolas Bays. Vous êtes une menteuse !

    Mme Sophie Dion. Comme fondement, vous avez choisi l’égalité. L’égalité, nous la connaissons bien…

    M. le président. Merci, madame.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. À la demande du groupe UMP, la séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Philippe Vitel.

    M. Philippe Vitel. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a treize ans, en 1999, je n’étais pas député, mais j’ai suivi avec attention le débat sur le PACS. J’étais totalement favorable à cette disposition. C’était selon moi une avancée très positive pour les couples de personnes de même sexe, en phase avec l’évolution de notre société.

    Durant les treize années qui ont suivi, j’ai beaucoup discuté avec mes amis homosexuels de la manière dont on pouvait faire évoluer la législation, mes amis Jean-Claude, Simon, Albert, Marcel, Claude, Élisabeth, Claude-Henri, pour qui j’ai une pensée. Aucun n’a jamais, en aucun cas, revendiqué un droit à l’enfant. Ce qu’ils revendiquaient, c’était une évolution des droits du PACS, vers plus d’égalité en termes de retraite, de succession, de droits sociaux, de pension de réversion. Ils ne revendiquaient en aucun cas un droit à l’enfant. Cette revendication est, à mon sens, très marginale et très minoritaire chez les personnes homosexuelles.

    Aussi, mes chers collègues, nous pourrions nous retrouver sur le concept d’alliance civile qui est autant en phase avec la société de 2013 que le PACS l’était avec la société de 1999. C’est aujourd’hui de votre responsabilité, et je vous demande solennellement de nous suivre dans cette direction.

    M. Michel Issindou. Vous rêvez !

    M. Philippe Vitel. Je serai, je vous le dis, l’homme le plus heureux, si nous nous retrouvons tous ensemble, main dans la main, unanimes, dans une démarche solidaire et fraternelle. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Acceptez d’aller vers cette union civile.

    Aujourd’hui, c’est cela qui est revendiqué, c’est cela qui est en phase avec notre société, et en aucun cas ce que vous nous proposez.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Nous examinons aujourd’hui l’article 1er du projet, qui en donne l’esprit. Revenons au texte lui-même. Que nous dit cet article ? Que le mariage, tel qu’il existe, n’est en rien malmené. Les droits et les devoirs qu’il ouvre demeurent exactement les mêmes, les interdits également. Il dispose simplement que le mariage peut être « contracté […] par deux personnes de même sexe », pas des « paires » d’hommes ou des « paires » de femmes, expression employée par un collègue de l’opposition,…

    Une députée du groupe SRC. Quelle horreur !

    Mme Marie-George Buffet. …mais des couples d’hommes ou des couples de femmes.

    Ce n’est donc pas l’institution du mariage qui est remise en cause. Un droit est simplement ouvert à celles et ceux qui, jusqu’à présent, se voyaient discriminés, un droit qui en ouvre d’autres, comme celui d’adopter ou de fonder une famille.

    J’y insiste parce qu’on ne peut pas débattre en essayant de caricaturer le projet de loi, alors que celui-ci est clair dans ses objectifs.

    M. Philippe Cochet. Il est tout sauf clair !

    Mme Marie-George Buffet. Il s’agit tout simplement de supprimer une discrimination. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme Fanny Dombre Coste.

    Mme Fanny Dombre Coste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, c’est avec une réelle émotion que j’interviens aujourd’hui pour soutenir l’article 1er du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. En effet, j’ai le sentiment et la fierté de poursuivre à mon niveau le travail entamé par l’un de mes illustres prédécesseurs, Jean-Jacques-Régis de Cambacérès.

    M. Philippe Cochet et M. Jacques Myard. Oh là là !

    Mme Fanny Dombre Coste. Conseiller municipal de Montpellier, puis député de l’Hérault, Cambacérès a activement contribué à la rédaction du code civil, inspiré des idéaux progressistes de 1789. Juriste brillant, révolutionnaire convaincu, homosexuel notoire, il fut l’un des premiers esprits éclairés à œuvrer pour la sécularisation du droit des personnes.

    Aujourd’hui, en mettant nos pas dans les siens, en œuvrant pour le progrès social, nous permettons à la France de rejoindre la liste des pays ayant ouvert le mariage civil aux couples de même sexe depuis plusieurs années déjà. En votant cette loi, le Parlement fera évoluer une nouvelle fois le code civil de 1804 pour l’adapter aux évolutions de la société.

    Dans son essai sur l’homosexualité écrit au début des années 1900, André Gide réclamait déjà le droit de cité pour l’homosexualité et une citoyenneté pleine et entière pour les homosexuels.

    M. Jacques Myard. Et alors ?

    Mme Fanny Dombre Coste. Cet appel, relayé depuis des décennies par des associations, par des militants, par des citoyens, nous l’avons entendu et nous allons y répondre. Nous allons le faire au nom des valeurs fondatrices de la République : liberté, égalité, fraternité. En respectant la dignité de chaque être humain, en reconnaissant à égalité tous les couples et toutes les familles, c’est la République que nous bâtissons. Pour ma part, je soutiens cet article 1er et, plus généralement, le projet de loi dans son ensemble, car il permettra de témoigner aux citoyens homosexuels la considération que la France laïque leur doit.

    En votant cette loi, nous sommes les dignes héritiers d’une histoire prestigieuse, celle de la République, la République qui émancipe, la République qui élève, la République…

    M. le président. Merci, madame.

    La parole est à Mme Ericka Bareigts.

    Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis particulièrement fière d’être membre de cette assemblée, aujourd’hui, pour examiner cet article, qui est l’essence même du projet de loi.

    Cet article 1er s’inscrit dans une longue tradition républicaine d’avancée des droits civiques, sous le triple étendard de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Oui, ce projet de loi peut apparaître à certains révolutionnaires, comme l’a été en son temps chacun des grands textes que cette assemblée a eu l’honneur de voter et qui sont entrés dans les livres d’histoire.

    Souvenez-vous des craintes exprimées entre ces murs au moment de l’examen des textes sur l’abolition de l’esclavage et à propos des différentes avancées des droits des femmes. Souvenez-vous que, déjà, en 1884, lors du vote de la loi Naquet sur le divorce pour faute, les conservateurs de l’époque…

    M. Philippe Gosselin. Ah, « les conservateurs de l’époque » ! Nous y voilà !

    Mme Ericka Bareigts. …nous garantissaient que la famille allait imploser. Souvenez-vous que, parce que certains considéraient que l’égalité ne signifie pas que l’on a les mêmes droits, les mêmes droits n’étaient pas accordés aux personnes selon qu’elles étaient d’une origine ou d’une autre.

    M. Philippe Gosselin. Ne faites pas cet amalgame ! C’est affligeant !

    Mme Ericka Bareigts. Souvenez-vous que, lors du débat sur l’IVG, des députés prophétisaient, à cette même tribune, la stérilisation prochaine des personnes handicapées. La Réunion, territoire que je représente, a bien connu le débat pour l’égalité des droits, et a partagé cette histoire. Nous avons, en effet, toujours combattu pour l’égalité des droits, quelles que soient nos origines, la couleur de notre peau ou nos orientations sexuelles.

    Lorsque, le 20 décembre 1848, les esclaves retrouvent la liberté, c’est aussi leur droit au mariage qui est reconnu, le mariage entre anciens esclaves, mais aussi le mariage métis, banni, caché et rejeté.

    Oui, malgré toutes les apocalypses sociales et morales qui nous furent prophétisées par les Cassandre, nous sommes toujours là et notre société reste combative pour l’égalité des droits.

    C’est pour cela que je sais que les Réunionnais accepteront le mariage pour tous,…

    M. Philippe Cochet. Je pense que non !

    Mme Ericka Bareigts. …avec le même esprit de tolérance, en reconnaissant la différence, comme ils l’ont fait par le passé.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. Madame la ministre, mes chers collègues, le général de Gaulle disait que, vers l’Orient compliqué, il fallait aller avec des idées simples. Sur un texte compliqué, madame la garde des sceaux, je pense justement avoir quelques idées simples.

    Tout d’abord, ce texte, s’il est sans doute la priorité du Gouvernement, n’est pas celle des Français. C’est encore moins celle du territoire où j’ai été élu.

    La délinquance augmente depuis des mois. Malgré les rodomontades de M. Montebourg, les emplois continuent à diminuer, notamment dans l’industrie. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, il faut bien le dire, il vous a été impossible, pour l’instant, de résoudre les problèmes économiques de la France, car ce n’est pas la priorité du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas le sujet !

    M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.

    M. Gérald Darmanin. Ma deuxième idée simple est que loin de discuter d’une simple augmentation du taux de TVA dans la restauration, ou de la défiscalisation des heures supplémentaires… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sébastien Pietrasanta. Quel est le rapport avec l’article 1er ?

    M. Gérald Darmanin. …nous discutons en fait d’un texte fondamental pour la société.

    M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur s’exprimer. Lui seul a la parole.

    M. Gérald Darmanin. Cette majorité, en modifiant la loi de la République, engage le sort des générations futures.

    Je suis très étonné que nos collègues radicaux, comme M. Tourret, refusent le référendum au prétexte qu’il serait anti-démocratique. Vous avez raison de le dire, mon cher collègue, comme vous l’avez fait en commission des lois : vous êtes l’héritier d’une grande tradition politique, celle qui refusait aux Français l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962. Vous voudriez revenir au bon temps de Deschanel et de Clemenceau : nous ne sommes vraiment pas du même bord politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Matthias Fekl. Relisez votre Wauquiez !

    M. Gérald Darmanin. J’ai justement un autre ouvrage à citer à l’appui d’une dernière idée simple. M. le président de la commission des lois, avec l’intelligence qu’on lui connaît, a dit au journal Le Figaro que pour faire de l’obstruction, il faut des obstructeurs. Chacun a sa bible, monsieur le président de la commission des lois, chers amis de la majorité. Permettez-moi en effet de faire un peu de publicité à l’excellent Manuel de survie à l’Assemblée nationale, de M. Urvoas, intitulé L’Art de la guérilla parlementaire.

    Monsieur le président, nous utiliserons ces armes pour mieux représenter la volonté du peuple. Nous ferons ainsi notre travail de parlementaires car nous pensons que la majorité examine ce sujet par le petit bout de la lorgnette. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Et que pensez-vous de l’égalité ?

    M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

    M. Bernard Gérard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, hier, Jean-Pierre Michel, sénateur socialiste et rapporteur au Sénat du projet de loi sur le mariage pour tous,…

    M. Sergio Coronado. Et du texte sur le PACS !

    M. Bernard Gérard. …a précisé être favorable à la GPA pour tous les couples.

    M. Philippe Gosselin. Comme trois ministres au Gouvernement !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas le sujet !

    M. Jean-Pierre Dufau. Et la liberté d’opinion ?

    M. le président. Seul l’orateur a la parole.

    M. Bernard Gérard. Cela est, bien évidemment, de nature à nous inquiéter particulièrement. Nous constatons qu’en réalité, l’ensemble des ministres prend progressivement position pour la GPA. Pour les socialistes, « jamais » veut dire « demain » ! C’est bien le problème qui se pose à nous, car le mariage pour tous tel que vous le proposez aujourd’hui n’est pas qu’une question d’adultes, mais également une question d’enfants. Or l’enfant doit être au cœur de nos préoccupations.

    Nous sommes effectivement très attachés à la présomption de paternité et à la vie réelle, plutôt qu’à la filiation virtuelle, artificielle, fictive, que vous nous proposez. Puisqu’il y a d’ores et déjà très peu d’enfants à adopter, nous savons très bien que la logique de votre démarche est d’autoriser la PMA et la GPA.

    M. Philippe Gosselin. C’est évident !

    M. Bernard Gérard. C’est ce que nous ne voulons pas.

    L’article 1er est particulièrement lourd de conséquences irréversibles, dont on ne connaît pas la teneur, et qui seront difficilement maîtrisables.

    C’est pourquoi nous nous opposons fermement à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

    M. Jean-Marc Germain. Parlez-nous d’amour ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-François Lamour. Vous avez raison, mon cher collègue, de plaisanter : cela fait sourire un peu les membres de cette assemblée, et même fait rire Mme la garde des sceaux. Vous avez bien raison, madame : détendez-vous un peu, vous en avez besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel manque de fair-play !

    M. Henri Jibrayel. Il est meilleur à l’épée !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Monsieur Lamour, c’est du temps pris sur votre temps de parole pour rien !

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est qu’un simple témoignage d’amitié, madame Clergeau !

    M. Jean-François Lamour. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention mardi dernier, et je ne pense pas que vous ayez mis ce débat sur les bons rails. Je vous cite : « Le mariage est une institution conservatrice en ce sens qu’elle témoigne d’un ordre passé ». Je crois que dans votre bouche, ces paroles ne sont pas très élogieuses, vous en conviendrez.

    À vous entendre, le mariage serait donc une institution désuète qu’il s’agit de casser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour notre proposition d’alliance civile ?

    La vérité, mes chers collègues, c’est que le projet tel qu’il est rédigé – je dis bien : tel qu’il est rédigé – répond plus à une demande très minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille – toutes les familles – au cœur de nos réflexions.

    Je le reconnais, la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions, en mettant en place un cadre légal, notamment pour les couples de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels. Mais la vérité, c’est que nous n’avons pas besoin du mariage homosexuel : j’en suis intimement convaincu.

    M. Bernard Roman. C’est eux qui en ont besoin !

    M. Jean-François Lamour. C’est une entourloupe que de faire croire aux Français que le mariage et l’adoption sont deux choses différentes, et que l’on pourrait être pour l’un et contre l’autre. Le mariage, c’est l’adoption et la parentalité. Or, sur les 20 000 à 40 000 couples homosexuels dans notre pays, combien sont réellement en situation de recourir à l’adoption conjointe, ou à une PMA réalisée à l’étranger ? Pas plus de 5 000 ! Ce n’est donc pas de l’adoption dont il faut parler, mais du statut du beau-parent.

    M. Luc Belot. Quel rapport avec l’article 1er ?

    M. Jean-François Lamour. Madame la garde des sceaux, comme nombre de nos collègues, vous devez nous entendre : revoyez votre copie !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

    Mme Marie-George Buffet. Ne vous dirigez surtout pas trop vite vers la tribune, cher collègue !

    M. Matthias Fekl. Attention à la marche !

    M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, l’article 1er démontre déjà l’hypocrisie de ce texte. Baptisé « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe », la question de l’adoption intervient dès ce premier article ! C’est une hypocrisie, car les auteurs de ce texte savent pertinemment que nos concitoyens sont majoritairement contre le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Aussi ont-ils enlevé le terme « adoption » du titre, alors qu’il y figurait dans le projet initial.

    Une autre hypocrisie réside dans l’argument clé des auteurs et des défenseurs de ce texte, selon lequel il réalise l’égalité.

    M. Bernard Roman. Au nom de quoi êtes-vous contre l’égalité ?

    M. Guillaume Chevrollier. Or l’égalité existe déjà : le mariage est un droit ouvert aux individus, et pas aux couples, comme on le dit de façon impropre. L’individu libre est appelé, dans le cadre du mariage, à donner librement son consentement. En effet, tout un chacun a le droit de se marier, mais avec quelqu’un de l’autre sexe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Le mariage est une institution essentielle de notre société, et doit rester l’union de l’homme et de la femme. Le mariage articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations, et la lisibilité de la filiation. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Du calme, chers collègues : seul l’orateur a la parole.

    M. Guillaume Chevrollier. Le droit ne peut ignorer ni abolir la différence entre les sexes, qui est non seulement constitutive de la pérennité d’une société, mais aussi de l’identité de l’enfant. En effet, l’enfant ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.

    Par ailleurs, l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental de la Constitution française, reconnu par de nombreuses lois de notre corpus législatif. Asséner ces vérités ne relève pas de la ringardise ou de l’homophobie, comme on l’entend trop souvent de manière caricaturale, mais du bon sens. Je veux croire au bon sens en politique !

    Mme Catherine Lemorton. Alors changez de camp !

    M. Guillaume Chevrollier. Il n’est pas question de nier la demande de reconnaissance des couples homosexuels, mais cette reconnaissance ne doit pas induire la dénaturation du mariage.

    M. Luc Belot. Le mariage est un acte laïc !

    M. Guillaume Chevrollier. Une famille, ce n’est pas simplement deux individus qui contractent…

    M. le président. Merci, monsieur Chevrollier.

    Mme Catherine Lemorton. Au suivant !

    M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Au moment d’examiner cet article 1er, je voudrais vous faire part de quelques éléments que je retiens à ce stade de nos débats.

    D’abord un mot : la fierté, qui exprime si justement ce que nous sommes nombreux à ressentir au moment où notre majorité s’apprête à faire de la France le quinzième pays au monde autorisant le mariage aux couples de même sexe.

    Ensuite, le fait que deux conceptions radicalement opposées de la société ont été exprimées. Nous voulons l’égalité d’accès à cette institution qu’est le mariage civil ; vous voulez un statut ouvertement discriminant pour les couples de même sexe.

    M. Philippe Gosselin. L’égalité, ce n’est pas la similitude !

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Vous avez dit, tout à l’heure, que nous sommes mus par l’amour du mariage. Non, ce qui nous meut, c’est simplement l’amour de l’égalité ! Nous pensons que le bien-être des enfants ne dépend pas de l’orientation sexuelle de leurs parents.

    Vous avez osé évoquer les souffrances psychologiques de ces enfants, comme vous pourriez évoquer celles des enfants de familles monoparentales ou recomposées, bref, de tous ceux qui ne rentrent pas dans votre norme, dans votre ordre social. Mais qui êtes-vous pour juger ? Qui êtes-vous pour distribuer de manière dogmatique les bons points en matière d’équilibre psychologique ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Nous combattons les peurs et les préjugés : vous les attisez, en parlant de menace pour notre civilisation, en oubliant volontairement les pays qui, en Europe et dans le monde, nous ont montré la voie, sans évidemment s’effondrer !

    M. Philippe Cochet. Cela n’a rien à voir avec l’article 1er !

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous pouvons exprimer, entre nous, des désaccords, de manière respectueuse.

    M. Hervé Mariton. Montrez l’exemple alors !

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Mais vous ne pouvez nier que ce débat a été l’occasion de propos injurieux et discriminants pour les couples de même sexe. Vous ne pouvez nier la responsabilité de ceux qui les ont tenus dans les souffrances de ces personnes. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Vous manipulez l’opinion !

    Mme Fanélie Carrey-Conte. Je pense aux militants de SOS-homophobie, qui nous ont alertés quant à l’augmentation constante, ces derniers mois, des appels de victimes ou de témoins de propos homophobes. Je pense – et j’en finirai par là – à toutes ces personnes victimes de discriminations. J’ai envie de leur dire, pour finir par une touche positive…

    M. le président. Merci, madame la députée.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1.

    Nous devons mesurer la gravité et l’impact de nos propos. Oui, madame, ce qui se dit ici peut perturber la vie de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai entendu hier plusieurs personnes témoigner que leur vie est plus difficile depuis que le Gouvernement a lancé ce débat, depuis que ce projet provoque des divisions qui ont été voulues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Mariton, cela rejoint ce que je disais tout à l’heure : vous répondez à un orateur et ce rappel au règlement n’a donc rien à voir avec la séance. Je ne l’accepterai plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Il y a des règles !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Lesterlin. Mon rappel au règlement a trait à l’article 58 s’agissant des demandes touchant au déroulement de la séance.

    Je suis intervenu avant-hier, et je dois être l’un des seuls orateurs à ne pas avoir été interrompu, sinon deux fois par M. Mariton.

    M. Christian Jacob. Ça devait être justifié !

    M. Bernard Lesterlin. La première, pour dire à l’occasion d’un propos que je tenais : « C’est bien vrai ! ». La seconde, pour me dire merci. Je pense donc qu’il est possible, dans cet hémicycle, de se parler calmement.

    Monsieur le président, nous avons ouvert cette séance après six heures de discussion générale, pendant lesquelles nous avons pu examiner les répercussions de cette réforme sur les différents chapitres du code civil, et après trois motions : une motion de rejet préalable, une motion de renvoi en commission, et une motion référendaire. Chacun a donc pu s’exprimer.

    Aussi, après que ce matin vous avez ouvert le débat en appelant cet article 1er, je suggère simplement – car j’ai des idées simples, comme M. Darmanin – de commencer enfin l’examen de l’article 1er, pour ensuite passer à l’article 2. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cela me paraîtrait logique, sachant que dans la discussion de l’article 1er, nous avons à examiner les modifications apportées par l’article 143 du code civil puis par l’article 143, ainsi de suite.

    M. Philippe Gosselin. C’est un commentaire de texte, pas un rappel au règlement !

    M. Bernard Lesterlin. Il conviendrait vraiment de procéder de cette manière, sans quoi notre débat deviendra totalement incompréhensible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Censi. Cela ne veut rien dire !

    Article 1er (suite)

    M. le président. Nous en revenons aux orateurs inscrits sur l’article 1er.

    La parole est à M. Philippe Bies.

    M. Philippe Bies. Comme vous l’avez brillamment rappelé mardi, madame la garde des sceaux : « la société évolue et le mariage a toujours évolué avec elle ». À chacune de ces évolutions, la droite et les conservateurs français utilisent les mêmes mots et agitent les mêmes peurs. Certains arrivent ainsi à dépasser leur propre caricature.

    M. Luc Belot. C’est grotesque !

    M. Philippe Bies. D’autres, toujours à droite, se disent plus modérés, et le sont réellement et sincèrement. Ils reconnaissent la nécessité de faire évoluer le droit pour sécuriser les couples de même sexe et leurs enfants. Mais utiliser le terme de mariage leur est insupportable !

    M. Philippe Gosselin. Cessez les invectives !

    M. Philippe Bies. Ils nient, de fait, l’égalité des droits, et s’ils ne sont pas homophobes, ils sont à tout le moins homo-sceptiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est de la provocation permanente ! On ne peut pas travailler comme cela !

    M. Philippe Bies. Nous ne voulons pas de cette tolérance, et encore moins de cette compassion : nous voulons l’égalité !

    En effet, mes chers collègues, il y a des évolutions législatives qui paraissent évidentes, quand on regarde la société telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit. Les couples de même sexe, les familles homoparentales existent. Ces couples, ces familles, leurs enfants n’ont pas les mêmes droits que les autres. Quand on est républicain et laïc, on ne peut plus tolérer cette injustice !

    M. Bernard Roman. Exactement !

    M. Philippe Bies. Le premier article qui nous occupe, aujourd’hui, dit effectivement les choses simplement et répare définitivement cette injustice.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Philippe Bies. Le mariage ouvert aux couples de personnes de même sexe est un progrès et, parce que c’est un progrès, nos concitoyens y sont favorables. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) S’ils y sont favorables, c’est tout simplement que pour eux ce n’est ni une révolution ni même une évolution, c’est la réalité quotidienne dans leur famille, leur entourage amical ou professionnel.

    Chers collègues, la France est donc prête.

    M. Philippe Cochet. Non, elle n’est pas prête !

    M. Philippe Bies. Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs. L’égalité des droits ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

    M. Philippe Gosselin. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !

    M. le président. Non, la parole est à M. Pierre Lequiller.

    M. Philippe Gosselin. Le rappel au règlement est de droit, monsieur le président !

    M. le président. Non ! C’est aussi de la responsabilité de la présidence de ne pas tenir compte de ces rappels au règlement qui viennent perturber l’ordre du jour ! Vous n’aurez pas la parole ! (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Monsieur Lequiller, si vous ne prenez pas la parole, vous perdrez votre tour !

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vous demande vraiment la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

    M. Hervé Mariton. Dans ces conditions, monsieur le président, je demande une suspension de séance !

    M. Michel Issindou. Quel cinéma !

    M. Bruno Le Roux. C’est un mauvais film !

    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lequiller.

    M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, pour avoir entendu, lors d’une précédente séance, les accusations d’« homosceptique », d’« homophobe » ainsi que des allusions aux périodes de la guerre et à la déportation, je souhaite que de ce côté de l’hémicycle l’on se calme et que l’on use de mots modérés ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Mme Anne Grommerch. Absolument !

    M. Pierre Lequiller. Je m’oppose au projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe et, d’abord, à son article 1er, mais j’ai, bien évidemment, le plus grand respect pour les couples de même sexe, pour la reconnaissance de leur amour et celui qu’ils peuvent porter à leurs enfants.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas le sujet ! Le respect ne suffit pas, il faut des droits !

    M. Pierre Lequiller. Cette reconnaissance des couples peut être satisfaite au travers de progrès tels que notamment la solennité de la célébration et les engagements extrapatrimoniaux. C’est pourquoi je suis favorable à la création d’un statut juridique d’alliance civile qui existe dans la majorité des pays européens…

    M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez eu dix ans pour le faire !

    M. Pierre Lequiller. …statut qui permet aux couples de même sexe qui le souhaitent de s’unir solennellement devant le maire, qui oblige chacun des alliés à la fidélité envers l’autre, au respect, au secours, à l’assistance et qui engage le couple à une vie commune et règle la contribution des charges.

    Je ne souhaite, pour autant, pas que l’on modifie le principe du mariage qui lui donne son sens depuis toujours : fonder la filiation sur la différence des sexes et sur l’altérité. Le mariage n’est pas la simple reconnaissance de l’amour ni même la consécration d’une union privée, c’est une institution de la société : celle qui permet de fonder, en droit, la filiation biologique.

    Je terminerai en lisant cette phrase : « On ne peut pas faire comme si la logique traditionnelle du mariage pouvait s’appliquer aussi bien dans le cas d’un couple du même sexe que dans le cas d’un couple avec un homme et une femme. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. S’il y a bien un modéré, c’est Pierre Lequiller et il est scandalisé !

    M. Pierre Lequiller. Il s’agit de…

    M. le président. Merci, mon cher collègue.

    La parole est à M. Luc Chatel.

    M. Philippe Gosselin. Et la demande de suspension de M. Mariton, monsieur le président ?

    M. Luc Chatel. Madame la garde des sceaux, le projet de loi que vous nous proposez réforme l’essence de l’institution du mariage et le droit de l’adoption. En aucun cas, nous ne pouvons accepter qu’il se réduise à un débat pour ou contre les personnes homosexuelles, et nous ne pouvons accepter les propos que nous entendons depuis plusieurs jours, laissant penser que les élus de l’UMP seraient homophobes.

    Nous sommes particulièrement attentifs aux attentes exprimées par de nombreux couples homosexuels et nous considérons qu’aujourd’hui, il faut évoluer sur la question de la reconnaissance sociale et du statut juridique de ces couples. Nous devons leur garantir la protection de leur vie familiale et leur faciliter la vie quotidienne. Mais cette amélioration des droits des couples homosexuels doit passer par la reconnaissance civile de leur union, par une célébration devant le maire, officier d’état civil.

    M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas du mariage religieux dont on parle !

    M. Nicolas Bays. Le mariage est laïc !

    M. Luc Chatel. Nous avons donc proposé un amendement qui tend à prévoir une alliance civile pour les couples de même sexe…

    Mme Joëlle Huillier. C’est discriminant ! C’est scandaleux !

    M. Luc Chatel. …ce qui donnerait des droits fiscaux, sociaux et successoraux identiques à ceux du mariage. Cette solution équilibrée permettrait d’entendre les demandes légitimes de ces couples et d’y répondre tout en préservant l’institution du mariage à laquelle les Français sont particulièrement attachés. En effet, elle réaffirme le caractère spécifique du mariage qui n’est pas uniquement, comme nous l’avons entendu, un contrat passé entre personnes majeures et consentantes ou la simple reconnaissance de l’amour. Le mariage intègre, en effet, la perspective de la filiation et il est indispensable qu’il demeure le lieu de cette filiation. Différencier père et mère est nécessaire à la construction de l’enfant. Cessons donc les caricatures ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai formulé tout à l’heure une demande de suspension de séance. Vous avez voulu ne pas l’entendre, mais c’est une erreur qui je pense est rattrapable.

    M. Jean-Marc Germain. Il suffit !

    M. Hervé Mariton. Oui, je souhaite une suspension de séance pour réunir mon groupe, et sans doute aussi pour que le président Le Roux réunisse le sien afin que cessent les propos, les accusations d’« homosceptiques », les procès permanents en homophobie et j’en passe, telle l’allusion aux Talibans ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vous demande donc une suspension de séance de dix minutes.

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Je remercie M. Mariton pour sa sollicitude et les conseils qu’il me donne ! Mais il se trouve que j’ai la chance, à la différence très certainement de mon homologue M. Jacob, de présider un groupe qui sait ce qu’il veut (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !

    M. Philippe Cochet. Il n’y a pas de liberté de vote dans le vôtre !

    M. Bruno Le Roux. …qui maîtrise son expression et qui éclaire sur ses convictions ! Je n’ai pas besoin, monsieur Mariton, de le réunir toutes les trente minutes pour essayer d’éviter certaines expressions de bien trop d’entre vous qui n’ont pour objet que d’enfouir le fond ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Nous comprenons dans ces conditions qu’il vous soit nécessaire de recadrer de temps en temps vos collègues pour faire en sorte que le débat ne dérape pas. Aussi, nous vous attendrons en restant sereinement en séance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. Nous en revenons aux orateurs inscrits sur l’article 1er.

    La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

    M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 1er du projet de loi que nous examinons vise à reconnaître à l’ensemble des citoyens français, indépendamment de leur orientation sexuelle, une égalité de droits et de devoirs. Il dispose en effet : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

    Cette disposition du nouvel article 143 du code civil offrira la liberté aux couples de même sexe de choisir l’organisation de leur vie commune de la même manière que les couples de sexe différent. En outre, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a pour corollaire direct l’ouverture de l’adoption dans des termes identiques à ceux définis pour les couples hétérosexuels.

    La volonté affichée par certains de nier l’existence juridique des familles homoparentales ne doit pas nous détourner de l’impératif de repenser le droit à l’aune de l’évolution de notre société. Si le foyer homoparental est une réalité, le vide juridique dont il est l’objet est un facteur d’insécurité, tant pour les enfants que pour les parents.

    Mes chers collègues, ce projet n’engendre pas moins de familles, bien au contraire. L’élargissement des droits qu’il implique permet la reconnaissance des citoyens et des familles dans leur diversité.

    Ainsi, l’article 1er entérine-t-il la transformation de la société et consacre, par l’évolution du droit, l’ambition progressiste de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

    M. Pierre-Alain Muet. Mesdames les ministres, ce texte est un grand texte d’égalité, qui ne retire aucun droit, mais en ajoute à des familles homoparentales et à des enfants qui n’en ont pas.

    Nos collègues de l’opposition, dans leurs interventions, évoquent la différence de sexe pour s’opposer à cette avancée. La différence de sexe est évidemment un fait, une réalité biologique fondamentale, mais ce n’est pas un principe de droit, contrairement au principe constitutionnel d’égalité.

    Dans le passé, cette différence de sexe a été instrumentalisée pour s’opposer à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il n’y a pas si longtemps, notre Assemblée ne comportait que des hommes. Il y a un peu plus de quarante ans, les femmes avaient besoin de l’autorisation de leur époux pour ouvrir un compte bancaire, disposer de leur salaire ou exercer l’autorité parentale.

    Mme Catherine Coutelle. Eh oui !

    M. Pierre-Alain Muet. Les combats du mouvement progressiste ont permis que les hommes et les femmes soient égaux en droit. Cette égalité n’a pas aboli la différence de sexe. Cette différence ne disparaîtra pas plus lorsque sera instaurée une égalité entre tous les couples à l’égard du mariage et de l’adoption.

    Vous avez rappelé avec brio, madame la garde des sceaux, que le mariage civil inscrit dans la Constitution de 1791 était une conquête fondatrice de la République, portant dès l’origine l’empreinte de la liberté et de l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons cette égalité, et tous ceux qui, nombreux dans cet hémicycle, vont voter cette loi, et elle sera votée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le feront avec la fierté d’avoir accompli un nouveau pas important dans le long chemin qui mène à l’égalité.

    Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles formes de familles.

    M. Hervé Mariton. Eh si !

    M. Pierre-Alain Muet. Ces familles, elles existent. Il s’agit simplement de protéger toutes les familles et tous les enfants avec les mêmes lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

    M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je regrette d’abord, comme doit le faire tout vrai républicain, les excès de langage qui se font jour dans une partie de cet hémicycle (Rires sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Luc Belot. Lesquels ?

    M. Guénhaël Huet. …les mises en cause répétées et les attaques déplacées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Luc Belot. Lesquelles ?

    M. Guénhaël Huet. Sur le fond, le débat sur le mariage homosexuel ne saurait se réduire à l’égalité. Nous devons également nous interroger sur les conséquences de ce mariage et les bouleversements que cela entraînera sur le droit de la famille et, plus précisément encore, sur les droits des enfants et les droits des femmes.

    Parmi ces conséquences, même si vous souhaitez les nier, il y a la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

    M. Luc Belot. Les avez-vous vues dans le texte ?

    M. Guénhaël Huet. Il y a également et surtout l’inévitable marchandisation du corps de la femme (Protestations sur les bancs du groupe SRC),…

    Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

    M. Guénhaël Huet. …ce qui est un comble de la part de ceux qui se prétendent les défenseurs des droits des femmes.

    M. Philippe Cochet. Scandaleux !

    M. Guénhaël Huet. Il est vrai que M. Bergé a dit, sans être démenti, qu’il ne voyait aucune différence entre louer son ventre pour faire des enfants et louer ses bras pour travailler.

    M. Bernard Roman. Qu’avez-vous à dire sur l’article 1er ?

    M. Luc Belot. La discussion générale est finie !

    M. Bernard Roman. Venez-en au fond !

    M. Guénhaël Huet. Il y a aussi le rôle de la loi. La loi ne sert pas seulement à donner des droits, à suivre les évolutions sociales. Elle sert aussi à fixer des valeurs qui sont pour notre société des points de repère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La loi est un outil indispensable pour notre démocratie. La philosophie qui est la vôtre va à l’évidence à l’encontre de tout cela.

    Mme Joëlle Huillier. Nous ne sommes plus dans la discussion générale !

    M. Guénhaël Huet. Je vous renvoie à la sagesse de René Descartes : il vaut mieux changer ses désirs que vouloir changer l’ordre du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen.

    M. Paul Salen. Madame la garde des sceaux, ainsi que vous l’avez souligné lors de votre audition devant la commission des lois, l’article 1er est le plus important parce qu’il « ouvre le mariage aux couples de personnes du même sexe en insérant un article 143 dans le code civil ». Vous avez, madame, le mérite de la clarté, à défaut d’avoir celui de l’exactitude. On peut lire, en effet, dans l’exposé des motifs du projet que vous présentez, que « nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme ».

    Vous vous entourez bien sûr de quelques précautions de langage en rappelant que d’autres dispositions du code civil interdisent le mariage entre personnes du même sexe, mais le fond de votre argumentation est bien toujours le même, c’est qu’il existe une inégalité profonde entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels et qu’il vous appartient de la corriger.

    Or vous vous trompez car, depuis 1804, le dernier alinéa de l’article 75 du code civil n’a jamais été modifié. Il précise en parlant du maire qu’il « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ».

    Votre argumentation est donc contraire à la réalité du code civil mais, en plus, à toute l’interprétation de la Cour de cassation du 11 mars 2007, qui considère comme un principe du droit civil qu’un couple marié est formé d’un homme et d’une femme.

    Ce que nous ne comprenons pas, c’est que, au lieu d’organiser le PACS, puisque seulement 4 % de ceux qui sont conclus concernent des couples homosexuels, vous vous lanciez dans la destruction de notre code civil en remettant en cause le mariage républicain. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Pour cette raison, nous souhaitons que l’article 1er soit abrogé et que, comme l’ont expliqué mes collègues tout à l’heure, l’on mette en place un statut juridique sous la forme d’une alliance civile.

    Si votre texte n’avait aucune autre incidence que d’organiser la vie entre deux personnes qui s’aiment, je le voterais sans hésiter, mais, par les conséquences qu’il comporte sur tout le droit de la famille…

    M. le président. Merci, monsieur le député.

    La parole est à M. Serge Bardy.

    M. Serge Bardy. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vendredi 14 décembre dernier, M. Philippe Barbarin, archevêque de Lyon,…

    M. Philippe Cochet. Un grand archevêque !

    M. Serge Bardy. …indiquait dans une interview donnée à la radio et à la télévision : « Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera. » Quelle stupéfaction, quel rétropédalage dans l’Histoire.

    L’opposition répète, à tort, que, selon elle, ce projet de loi serait naturellement refusé s’il était soumis au peuple souverain.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. Hervé Mariton. Chiche !

    M. Serge Bardy. Il est vrai que le présenter de façon si détournée, si caricaturale et trompeuse, comme le fait l’archevêque de Lyon et comme le relaient un grand nombre d’opposants, ne fait que dénaturer ce projet, et c’est un mauvais procès d’intention fait à la majorité.

    L’article 1er pose les principes fondamentaux du mariage pour tous. Il constitue le pilier du dispositif qui permettra de rendre effectif le principe d’égalité que nous défendons ardemment. La discrimination pratiquée à l’encontre des personnes homosexuelles n’a pas lieu d’être. Elle ne doit plus trouver de prolongement dans la reconnaissance civile et juridique que l’État accorde aux unions entre personnes de même sexe.

    Le PACS de 1999 constituait le premier pas dans la politique de reconnaissance des droits et d’égalité de tous, sans distinction d’origine, de race, d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou de religion.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Serge Bardy. Le texte que nous examinons permet de faire un second pas en faveur de cette égalité. Il vise à assurer aux couples de même sexe les mêmes conditions de reconnaissance sociale et de protection juridique qu’à n’importe quel couple.

    Mes chers collègues, ce beau projet d’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe s’affranchit des préjugés trop souvent répandus. Il s’affirme comme un vecteur de progrès social, comme un principe de société qui dépasse la société des principes patriarcaux très justement rappelés en introduction par Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin.

    Mme Geneviève Gosselin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues avec ce projet de loi, notre pays s’engage dans la voie de l’égalité véritable.

    Le premier article de ce projet de loi, qui porte ouverture du mariage aux couples du même sexe et qui nous est soumis aujourd’hui, concrétise l’engagement du Président de la République d’accorder les mêmes droits et les mêmes protections aux couples homosexuels.

    Cet article apporte la seule réponse satisfaisante face aux nouvelles situations familiales que connaît notre société, avec la modification de notre code civil par l’ajout d’un article 143, qui, désormais, indiquera explicitement que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

    Cette réforme ne modifie donc pas le droit existant en matière de mariage et de filiation, elle en ouvre simplement l’application à tous les couples hétérosexuels comme homosexuels, en leur conférant les mêmes obligations, mais également les mêmes droits.

    L’ouverture du mariage aux couples de même sexe leur permettra ainsi d’avoir accès à l’adoption, que ce soit de façon simple ou plénière, apportant de ce fait une sécurisation juridique aux enfants vivant au sein de familles homoparentales.

    Au travers de ce projet de loi, nous exerçons en tant que législateurs notre rôle le plus important, qui est d’adapter les lois de notre République aux évolutions traversées par notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Nicolas Bays. Tiens, M. Marleix va parler depuis son banc ! Il n’a donc pas soif, lui, pour se passer ainsi du verre d’eau à la tribune ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Olivier Marleix. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis, comme mes collègues, évidemment enclin à accepter tout ce qui peut faire tomber les dernières barrières dans notre société qui distinguent, différencient l’homosexualité, portent atteinte à la fraternité qui fonde notre République, mais ce texte, au lieu de faire tomber des barrières, crée un grand nombre de confusions.

    Il y a d’abord confusion quant à la valeur que vous accordez à cette institution qu’est le mariage. Il est étonnant que ce soient ceux-là même qui, depuis trente ans, s’évertuent à décrier le mariage comme une institution bourgeoise et ringarde qui, aujourd’hui, soutiennent que c’est une institution tellement importante que personne ne doit en être privé.

    Il est étonnant et symptomatique que ce soit le Président de la République qui aura été le premier chef d’État en France à avoir refusé toute sa vie cette institution qui explique désormais au peuple français qu’elle est tellement importante que nul ne doit en être privé. Quelle cohérence !

    M. Nicolas Bays. Et la liberté de choix ?

    M. Olivier Marleix. Il y a confusion quand le Président de la République promet un jour aux maires de France devant 6 000 maires rassemblés la liberté de conscience pour ne pas célébrer ces mariages et y renonce le lendemain même, montrant le peu de cas qu’il fait lui-même de sa parole. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

    M. Serge Janquin. Hors sujet !

    M. Olivier Marleix. Il y a ensuite confusion sur ce qui suivra immanquablement ce qui est ouvert par votre texte.

    Comment les lois de la République pourront-elles accorder à des couples mariés ne pouvant pas avoir d’enfant le recours à la PMA et le refuser à des couples homosexuels féminins dans la même situation ? Comment, au-delà, les lois de la République pourront-elles refuser à des couples homosexuels masculins ce même droit, qui prendra la forme de la gestation pour autrui ?

    Alors, notre société aura basculé dans un autre modèle. Le rôle de la loi n’est pas de courir après les évolutions de la société, madame Taubira, c’est d’offrir un cadre complet et cohérent. Ce n’est pas ce que propose aujourd’hui votre texte.

    M. le président. La parole est à M. Michel Terrot.

    M. Michel Terrot. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais rendre l’Assemblée attentive à un texte que tout le monde ne connaît peut-être pas, qui a été écrit récemment par l’un de nos plus grands philosophes, Bertrand Vergely, normalien, agrégé de philosophie. Rassurez-vous, il est court, et vous ne serez pas moins intelligents après en avoir pris connaissance.

    Faute de temps, en deux minutes, de développer tous ses arguments, je vous en livre simplement la conclusion : « Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable.

    M. Bernard Roman. C’est indigne ! C’est une honte !

    M. Michel Terrot. « Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ? »

    Je tiens ce texte à votre disposition.

    M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte.

    M. Rémi Delatte. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a deux points sur lesquels nous pouvons nous retrouver, la nécessaire reconnaissance sociale des couples de même sexe et l’élargissement de leurs droits juridiques patrimoniaux.

    Les humiliations, les discriminations dont ils peuvent être victimes ne sont naturellement pas acceptables. Je voudrais dire combien je suis choqué par l’attitude de certains membres de la majorité, qui voudraient donner mauvaise conscience aux opposants à ce texte, peut-être pour justifier leur obstination, en tout cas pour organiser un clivage qui ne les grandit pas. Comme s’il y avait les « pro » et les « anti », voire les sceptiques de l’homosexualité, les jeunes et les vieux, les modernes et les ringards…

    M. Nicolas Bays. Il y en a !

    M. Rémi Delatte. Voilà, vous révélez votre sectarisme et votre vue étriquée, cher collègue ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Si nous voulons donner de nouveaux droits aux homosexuels, votre projet de loi ne répond pas à cet objectif, car il met en cause la famille, cellule fondamentale de notre société, creuset d’épanouissement et de construction de l’enfant. Il met en cause la parenté, la filiation dans toutes ses dimensions, et il organise une révolution anthropologique dont vous porterez définitivement la responsabilité et dont vous sous-estimez probablement l’ampleur.

    Au fond, votre projet de loi confond le droit à l’enfant et le droit de l’enfant. Il fait fi de l’intérêt suprême de l’enfant.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est faux !

    M. Rémi Delatte. Vous parlez d’égalité, mais de quelle égalité ? Sans doute pas celle de l’enfant, à qui l’on occultera l’origine de sa vie. Il est des sujets sur lesquels on ne transige pas : on ne triche pas avec l’origine de la vie.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Pourquoi « tricher » ? Ils existent, les enfants !

    M. Rémi Delatte. D’autres voies sont possibles, explorez-les ! Sortez par le haut, écoutez les Français. Le contrat d’alliance civile est une réponse intelligente et respectueuse de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

    M. Charles de La Verpillière. Le projet que nous examinons ouvre aux couples homosexuels la possibilité de se marier et d’adopter. Ma très courte intervention ne portera que sur l’adoption. J’y suis totalement opposé, pour deux raisons. Tout d’abord, parce que les enfants ont besoin, et ils ont même le droit, pour grandir, s’épanouir et trouver leur équilibre, d’avoir un père et une mère. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et ceux n’en ont pas ?

    M. Jean-Pierre Dufau. Et que faites-vous des veuves ? Des familles monoparentales ?

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Charles de La Verpillière. Ensuite, parce que vous allez créer entre les enfants des couples homosexuels et les autres une terrible inégalité. Il y aura ceux qui ont un papa et une maman, et ceux qui ont deux papas et deux mamans. Quel traumatisme, et quelle responsabilité vous prenez à l’égard de ces enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Luc Belot. Et pour ceux qui n’en ont pas ? Vous avez des œillères !

    M. Charles de La Verpillière. C’est donc au nom de l’intérêt supérieur des enfants et de la défense des valeurs essentielles de la famille que je voterai contre ce projet.

    Je vois que les arguments que j’emploie vous gênent ; cela me conforte dans ma conviction ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

    M. Philippe Goujon. Cet article, et le projet dans son ensemble, viennent bouleverser, à travers l’institution du mariage, non seulement les conditions d’alliance des époux mais aussi le droit de la filiation et le statut de l’enfant.

    Le mariage, vous le savez bien, n’a pas vocation à officialiser l’amour. Il est un acte juridique visant à pérenniser l’engagement d’un homme et d’une femme à fonder une famille et visant à sécuriser la filiation. Doit-on changer le mariage de tous pour satisfaire la revendication militante de quelques-uns ?

    M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas le mariage qu’on change, mais l’accès au mariage !

    M. Philippe Goujon. Ce sont 4 % des PACS seulement qui concernent des personnes de même sexe. La loi doit au contraire élever son universalité au-dessus des cas particuliers. En l’occurrence, ceux-ci sont en outre déjà réglés par la jurisprudence.

    L’article 144 du code civil fondant la condition d’altérité sexuelle qui donne accès au mariage n’est pas contraire au principe d’égalité. La jurisprudence constitutionnelle en a déjà jugé. L’altérité sexuelle constitutive du mariage est au contraire, selon les constitutionnalistes, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ce qui augure mal de la constitutionnalité du texte.

    L’académie des sciences morales et politiques, dans son avis du 21 janvier, a considéré que la réforme opérée au nom de droits individuels pour les couples de même sexe met en cause les droits des couples de sexes différents.

    Mme Véronique Massonneau. Ah bon ?

    M. Jacques Myard. Le défenseur des droits a regretté la méthode employée : « Il aurait pu être procédé à une construction de droits nouveaux en introduisant des dispositions législatives nouvelles et appropriées à ces situations. » Pourquoi refuser la création d’une union civile pour les personnes homosexuelles, qui existe pourtant dans plusieurs pays européens ? En réalité, l’argument de l’égalité des droits cache bien mal une revendication purement idéologique de dénaturation du mariage et de la famille, et vous ne sauriez faire fi, chers collègues, des questionnements et des craintes légitimes que ressentent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard. (« Ah ! » sur divers bancs.)

    M. Jacques Myard. Mes chers collègues, l’humanité s’est développée sur l’altérité des sexes. Depuis des millénaires, quels que soient la culture, le système politique, le temps historique, l’humanité a inventé l’institution du mariage fondée sur l’altérité.

    M. Sergio Coronado. Pas le mariage civil !

    M. Jacques Myard. Comme le souligne Lévi-Strauss, l’altérité dans le mariage est une loi structurelle et universelle, qui, malgré les critiques, doit bien avoir un fondement de vérité.

    Vous prétendez ouvrir le mariage aux homosexuels au nom de l’égalité. Il s’agit là d’une totale imposture. L’égalité est toujours respectée lorsque les statuts et les conditions sont différents. Si c’était une discrimination, le Conseil constitutionnel l’aurait sanctionnée dans sa décision sur la QPC. Défendre le mariage des homosexuels au nom de l’égalité est tout simplement un oxymore, une contrariété dans les termes.

    Avec le mariage, il y a la filiation et l’enfant. Vous parlez de l’intérêt de l’enfant ; où est-il,…

    M. Bernard Roman. Il est là ! Ici ! Sur ces bancs !

    M. Jacques Myard. …alors que vous prétendez vous en préoccuper dans les temps et les rythmes scolaires ?

    Il y a quelques semaines, j’ai entendu sur une radio d’État…

    M. Luc Belot. Une bonne radio d’État !

    M. Jacques Myard. …une enfant de sept ans ayant deux mères dire d’une voix triste qui m’a glacé : « Je n’ai pas de papa et je devrai m’y habituer. » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Eh bien, la vérité est simple : elle ne s’y habituera jamais, comme l’attestent ces centaines d’adultes nés sous X qui recherchent leurs géniteurs toute leur vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous jouez avec le feu ! Vous êtes encore la majorité légale mais vous n’avez plus la légitimité politique. Vous devriez ouvrir les yeux sur votre échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Le Fur, pour vous montrer l’état d’esprit d’ouverture de la présidence, je vous donne la parole. (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Merci, monsieur le président.

    Ma conviction, c’est que le débat que nous ouvrons aujourd’hui n’est que factuellement un débat sur le mariage, qu’il soit pour tous ou non ; fondamentalement, c’est un débat sur la famille et sur l’enfant. Mes chers collègues de gauche, vous commettez un contresens entre mariage et sentiment.

    M. Christophe Castaner. Ce n’est pas incompatible !

    M. Marc Le Fur. Le mariage n’est pas une validation des sentiments par la collectivité. L’État n’a ni à censurer ni à autoriser un quelconque sentiment. Les sentiments que les uns et les autres se portent ne regardent qu’eux-mêmes ; les amoureux n’ont pas besoin de certificat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Olivier Faure. Doucement !

    M. Marc Le Fur. Le mariage n’est pas davantage un contrat qui n’engagerait et ne concernerait que les signataires de ce contrat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC.) Non, le mariage est bien une institution, et la meilleure preuve en est que les militants du mariage homosexuel veulent être mariés en mairie, dans un lieu qui n’est pas neutre, par un officier de l’état civil, représentant de l’État.

    Pourquoi la société a-t-elle créé cette institution ? Pour assurer sa propre pérennité et protéger un sujet fragile : l’enfant, le « petit d’homme », comme disait Kipling, qui a pour caractéristique d’être vulnérable pendant de très nombreuses années, ce qui le singularise dans le règne animal.

    M. Nicolas Bays. Dans le règne animal ? Je n’ai pas tout compris !

    M. Marc Le Fur. C’est lui qu’il faut protéger, et c’est la vocation de la société que de le faire.

    Si toutes les civilisations – l’histoire et la géographie le confirment –, quelles que soient leurs bases culturelles, philosophiques ou religieuses, quelle que soit la sagesse ou la foi qui les inspire, ont voulu protéger l’enfant, c’est parce qu’elles considèrent que c’est un sujet essentiel. Or seuls un homme et une femme sont en mesure de procréer naturellement.

    Dans ce domaine, votre anticléricalisme, votre cathophobie (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) est non seulement outrancière – notre rapporteur l’a démontré par l’accueil lamentable qu’il a réservé aux représentants des cultes (Mêmes mouvements) –, mais elle n’est pas non plus pertinente. L’Église catholique n’est en Occident que la gardienne d’une réalité anthropologique qui, dans d’autres pays, sera défendue au nom d’autres traditions, d’autres sagesses, d’autres cultures. La meilleure preuve, c’est qu’aucune des grandes traditions d’Orient comme d’Occident n’a accepté le mariage homosexuel. Les civilisations qui ont toléré, voire autorisé l’homosexualité…

    M. le président. Merci.

    M. Marc Le Fur. Nous voterons résolument contre ce texte funeste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

    M. Olivier Faure. Ce débat important traverse en réalité tout le continent européen et nous ne sommes pas les premiers à l’engager, même s’il y a longtemps qu’il a fait son apparition dans notre pays. Il mérite plus de dignité que cela n’a été le cas depuis le début, ne serait-ce que parce que les paroles qui sont prononcées ici peuvent être extrêmement blessantes pour celles et ceux qui nous écoutent.

    M. Hervé Mariton. Pour tout le monde !

    M. Olivier Faure. C’est valable pour tout le monde, monsieur Mariton, mais d’abord pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Cela vaut pour tous !

    M. Olivier Faure. Des enfants aujourd’hui vous écoutent, qui vivent dans des familles homoparentales et qui demandent simplement que leurs familles soient reconnues comme la vôtre, que leurs parents soient reconnus comme ceux des familles hétérosexuelles.

    Ce débat mérite donc de la clarté et doit être exempt d’hypocrisie. À cet égard, je remercie Christiane Taubira qui, depuis le début, avec l’éloquence que nous lui connaissons, a fait preuve de beaucoup de clarté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Charles de La Verpillière. Sur la GPA !

    M. Olivier Faure. Ce qui a été présenté comme une faute, cette fameuse circulaire que l’on nous ressort à tout moment, est l’expression de la clarté, car elle démontre que sur un sujet complexe, celui des mères porteuses, nous pouvons être à la fois à 100 % contre la GPA et à 100 % pour que les enfants qui naissent sous GPA se voient reconnaître des droits.

    M. Hervé Mariton. C’est un peu étrange !

    M. Charles de La Verpillière. C’est totalement incohérent !

    M. Olivier Faure. Je suis cohérent ! Je dis simplement que ces enfants sont là et que, si nous reconnaissons l’intérêt supérieur de l’enfant, nous devons leur reconnaître, à eux aussi, des droits. La clarté, c’est aussi refuser toute forme d’hypocrisie. Vous-mêmes avez accepté l’idée que les célibataires puissent adopter.

    M. Philippe Gosselin. C’était en 1923, le contexte était complètement différent : les enfants de 14-18 étaient orphelins !

    M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

    M. Laurent Marcangeli. La clarté, chers collègues, aurait d’abord exigé que ce projet de loi porte son vrai nom : non seulement le mariage pour les couples de même sexe, mais aussi l’adoption, et cette dernière ne figure pas dans le titre. C’est bien pourquoi cet article 1er nous pose problème : qu’en ouvrant le droit au mariage pour les personnes de même sexe, on ouvre le droit à l’adoption, on ouvre à ces personnes le droit d’être père et d’être mère.

    Ce problème est fondamental. La ministre de la justice l’a dit : nous allons, en votant ou non cette loi, prendre une décision « filiationnelle ». Personne ne pourra revenir dessus, surtout si elle est positive. C’est la raison pour laquelle nous regrettons, encore une fois, que le peuple n’ait pas été saisi de cette question, car seul le peuple peut prendre une décision irréversible. Nous regrettons tous, sur les bancs de l’opposition, que ce choix courageux n’ait pas été celui du Gouvernement.

    Je conclurai rapidement. Je ne suis pas homophobe,…

    M. Sergio Coronado. Mais !

    M. Laurent Marcangeli. Je ne suis pas ultra-catholique conservateur…

    Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. Mais !

    M. Laurent Marcangeli. Je ne suis pas opposé à l’amour entre un homme et un homme ou entre une femme et une femme.

    Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. Mais !

    M. Laurent Marcangeli. Et puisque, tout à l’heure, une collègue demandait qui nous étions pour pouvoir parler à cette tribune, je réponds que nous sommes les élus du peuple, les élus de la République…

    M. Sergio Coronado et Mme Véronique Massonneau. Nous aussi !

    M. Henri Jibrayel. On l’est tous ici !

    M. Laurent Marcangeli. Et à ce titre, nous avons le droit de ne pas être d’accord avec vous, ne vous en déplaise ! Ce débat est nécessaire, il aurait dû aller devant le peuple français, le peuple souverain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)

    M. Nicolas Bays. Il gagne à être méconnu !

    M. le président. La parole est à M. Édouard Fritch.

    M. Édouard Fritch. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement, mais un rappel à l’histoire. La Polynésie française a été colonisée par les Français au XIXe siècle et, plus précisément, comme ce fut le cas avec les Anglais, qui étaient déjà présents, par des missionnaires religieux. Ils ont été les porteurs de la civilisation française, riche en valeurs de toutes sortes que les Polynésiens ont faites leurs. L’une de ces valeurs est le christianisme, à telle enseigne que le 5 mars, date de l’arrivée de l’Évangile en Polynésie, est un jour légalement férié chez nous.

    De par sa culture propre, la Polynésie est restée largement étrangère à certaines évolutions de la société française, notamment à l’émergence du militantisme public des mouvements visant la reconnaissance des personnes homosexuelles. Ceci peut aisément se comprendre, du fait que les homosexuels sont pour la plupart parfaitement intégrés dans la culture traditionnelle et moderne polynésienne et qu’ils n’ont jamais milité pour la reconnaissance d’un statut particulier lié à leur orientation sexuelle. Ce sont des hommes et des femmes comme nous, et non à part. Il est d’ailleurs notable que la revendication du mariage pour tous n’a pas véritablement trouvé d’écho en Polynésie.

    Dans ce contexte, monsieur le président, la loi sur le mariage pour tous – d’autant qu’elle n’a pas fait chez nous l’objet d’un débat de fond par des spécialistes, qui auraient pu préparer les esprits à une évolution non revendiquée et venue de l’extérieur – apparaît comme une rupture avec l’équilibre ancestral de la société polynésienne et prend le risque de heurter profondément les consciences.

    L’imposer serait agir en néocolonialistes : cela servirait les partisans de l’indépendance et, en particulier, l’actuel président de la Polynésie qui ne cesse de montrer du doigt la France à l’ONU, à cause de tels comportements.

    Je m’opposerai donc à l’article 1er.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement que j’espère vrai.

    M. Gérald Darmanin. Évidemment !

    M. Hervé Mariton. Mes propos, monsieur le président, sont toujours authentiques ! (Sourires.)

    Dans le droit fil de la réflexion de notre collègue et pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaiterais savoir si le président de la commission des lois et le Gouvernement considèrent que les dispositions prévues, en particulier, la cohérence entre l’article 1er et les articles terminaux du projet de loi, permettent effectivement de répondre à la situation de l’outre-mer ou s’il faut corriger le déroulement des travaux et créer de nouvelles dispositions, tant le projet, vous le savez, est récusé par l’ensemble des populations d’outre-mer…

    Mme Chantal Berthelot. Par l’ensemble des populations d’outre-mer ?

    Mme Ericka Bareigts. Absolument pas !

    M. Bernard Roman. Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! C’est dans la Drôme, ça !

    M. Hervé Mariton.…et la très grande majorité de nos collègues d’outre-mer, qu’ils soient à droite ou à gauche. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous l’avons en effet entendu l’autre jour avec le très courageux M. Azerot, député de la Martinique et membre du groupe GDR : c’est le cas aussi de la plupart des députés d’outre-mer qui sont à gauche. Tel est leur droit et celui de leurs électeurs ! Il conviendrait d’éclairer le déroulement de nos travaux à ce sujet, pour s’assurer de l’articulation de la loi que nous votons avec son application outre-mer.

    Mme Catherine Lemorton. Il fallait déposer un amendement !

    M. Hervé Mariton. Notre collègue aurait pu souligner aussi les problèmes d’application du PACS en Polynésie actuellement, comme il l’a très bien fait en commission.

    M. Édouard Fritch. En effet.

    M. Hervé Mariton. Je souhaiterais donc, dans le cas de ce rappel au règlement qui est dans le sujet, que le président de la commission et le Gouvernement puissent nous éclairer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Le Gouvernement et la commission, quand nous aurons entendu les quatorze orateurs encore inscrits, pourront s’exprimer. Au demeurant, s’il devait y avoir une difficulté, votre groupe aurait eu la sagesse de déposer un amendement sur cette question, afin d’éclairer la discussion de l’Assemblée.

    M. Hervé Mariton. Nous en avons déposé un.

    M. le président. Par conséquent, votre rappel au règlement était conforme à l’esprit du règlement, mais tout de même un peu limite…

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

    Mme Nicole Ameline. C’est au nom du droit des femmes que je refuserai la mécanique juridique dans laquelle nous entraîne ce texte. Votre majorité, madame la garde des sceaux, ne cesse de le répéter : pour vous, les faits précèdent le droit. Dans cette logique, cependant, vous n’échapperez pas, tôt ou tard, aux conséquences juridiques de l’homoparentalité : d’abord, le recours à la PMA puis fatalement à des pratiques comme la GPA, esclavage moderne s’il en est,…

    Mme Claude Greff. Eh oui !

    Mme Nicole Ameline.…à laquelle une partie de votre majorité se rallie déjà. Je regrette, madame la garde des sceaux, que vous ayez tout au long de ce débat été la victime de vos certitudes. Vous n’avez en effet saisi ni le comité d’éthique, ni la commission nationale des droits de l’homme ; vous n’avez pas non plus entendu ces très belles voix, comme celle de Sylviane Agacinski…

    M. Jacques Myard. Eh oui !

    Mme Nicole Ameline.… qui a toujours inspiré ceux qui se battent pour la liberté et l’égalité des droits ; vous n’avez pas entendu la France ; vous n’avez pas respecté son aspiration à l’unité dont notre pays a besoin. Je vous demanderai ainsi où est votre victoire, si votre force de conviction se limite à vos propres troupes. L’égalité des droits est un combat partagé et le réduire à un camp, c’est l’affaiblir. Je vous demande donc de songer à cela et de faire en sorte que nous réfléchissions ensemble aux questions essentielles qui ont été posées, et qui sont légitimes.

    J’aurai deux questions : jusqu’où la science doit-elle servir le droit à l’enfant ? Sur quelles bases morales allons-nous reconstruire ce qui se décompose devant nous aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

    M. Jean-Pierre Barbier. Nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre du mariage pour tous. Depuis 1792, le mariage est une institution qui voit s’engager un homme et une femme souhaitant fonder famille et avoir des enfants. Fonder une famille : voilà la pierre angulaire de notre société.

    Comment, alors, nous reprocher de parler de filiation, d’évoquer le sujet de la PMA, que vous vouliez, dans un premier temps, aborder à l’occasion de cette loi, avant de le repousser à une prochaine loi sur la famille ? Comment nous reprocher de vous demander de nous expliquer ce manque de clarté ?

    Aujourd’hui, vous nous parlez beaucoup d’égalité, comme hier. Comme vous, je suis attaché à ce principe républicain, mais j’ai l’impression que vous instrumentalisez cette idée d’égalité. Dites-moi comment vous expliquerez demain aux couples homosexuels masculins qu’ils n’auront pas le droit aux enfants. Expliquez-moi comment, au titre de l’égalité, vous ne leur permettrez pas d’avoir recours à la GPA.

    L’enfant est aujourd’hui au cœur de nos discussions. C’est pourquoi je suis surpris que nous n’évoquions pas le principe de précaution, si cher au groupe EELV. Comment peut-on avoir un débat de six mois sur la transition énergétique, quand on nous refuse celui sur une transition sociétale ?

    Mme Véronique Massonneau. Mais c’est n’importe quoi !

    M. Jean-Pierre Barbier. Vous nous parlez de l’étranger. En Europe, sur vingt-sept pays, six ont fait le choix du mariage, dix de l’union civile : c’est notre choix, peut-être ne sommes-nous pas aussi ringards que vous le pensez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

    Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, l’article 1er sur lequel nous discutons est le cœur du projet de loi que nous examinons depuis plusieurs jours.

    M. Philippe Gosselin. Jusque-là, on est d’accord !

    Mme Chantal Berthelot. Eh bien, on va continuer comme ça !

    Il ouvre le mariage en tant qu’union civile entre deux citoyens. Il s’agit de donner une existence légale à des couples et à des familles qui souffrent de ne pas être reconnus en tant que tels.

    Le mariage a évolué à travers le temps et les formes d’organisations familiales également. On ne peut plus parler de la famille, mais bien plutôt des familles : la famille hétéroparentale, qui est pour beaucoup la référence, la famille recomposée, la famille monoparentale, qui représente aux Antilles-Guyane la forme la plus répandue, et maintenant la famille homoparentale.

    Je voudrais répondre à monsieur Mariton, quand il dit que l’outre-mer récuse le projet de loi. Sur quelles bases tangibles se fonde-t-il ?

    M. Hervé Mariton. Demandez à M. Letchimy !

    Mme Chantal Berthelot. Certains sont libres de leur opinion, dans cet hémicycle, mais ils ne parlent pas au nom de tous, monsieur Mariton. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Ce projet de loi est aussi un combat pour la pleine égalité, qui est une nécessité. Si certains s’inquiètent de l’avenir des enfants des couples homosexuels, de nombreuses études ont montré que ces enfants se portent aussi bien que des enfants d’hétérosexuels. La seule inquiétude viendrait non pas du fait que leurs parents soient du même sexe, mais plutôt qu’on ne reconnaisse pas qu’ils forment une vraie famille. N’est-ce pas le rôle du législateur de dessiner avec la loi un cadre serein pour l’épanouissement de tous ?

    Il est temps au nom des principes d’égalité et de fraternité que la loi s’adapte aux évolutions de la société. Ce n’est pas à la loi de dire si des personnes doivent s’aimer ou s’unir, mais c’est son rôle d’accompagner et de protéger tout un chacun dans sa quête du bonheur.

    Je voterai avec fierté pour la reconnaissance pleine et totale de l’union civile entre personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

    M. Jacques Lamblin. Avant de commencer, je voudrais dire au public qui assiste à nos débats qu’il n’y a pas d’homophobes dans cet hémicycle. Ni là-bas, ni ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme Joëlle Huillier. Ah bon ?

    M. Jacques Lamblin. Mesdames et messieurs de la majorité, je vous ai écoutés depuis plusieurs jours : votre argument principal tient dans l’égalité et la non-discrimination. Soit, mais je vous demande maintenant de m’écouter, car ces mêmes principes seront soulevés, et le sont déjà, pour justifier la demande des homosexuels, qu’ils soient hommes ou femmes, pour procréer. Vous n’aurez alors plus la possibilité, au nom de ces mêmes principes, de vous y opposer : vous serez dans la seringue et vous ne pourrez pas vous en sortir.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La seringue… Quelle image !

    M. Jacques Lamblin. Monsieur Muet tout à l’heure nous a dit qu’il était fier de soutenir ce texte. Je suis certain que vous êtes fiers et sincères (« Non ! » sur quelques bancs du groupe UMP.), mais vous êtes également inconscients : parce que si vous résolvez quelques problèmes administratifs, vous allez en créer infiniment plus. Mme Ameline l’a bien souligné tout à l’heure : vous n’avez pas voulu nous écouter, on peut le comprendre, mais ce qui est grave, c’est que vous ne voulez pas écouter non plus les membres du Comité national d’éthique, par exemple.

    Voilà pourquoi je suis contre cet article 1er.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

    Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux revenir sur un argument de nos collègues de l’opposition, que nous entendons depuis plusieurs jours et qui consiste à tout ramener au fait biologique.

    Cet argument, sous couvert de preuves scientifiques et génétiques, ne sert en fait qu’à disqualifier par avance toute parenté homosexuelle. Le raisonnement est simple : pas de parenté homosexuelle puisque pas de lien génétique possible avec les deux parents.

    Heureusement que l’adoption permet de devenir parents sans engendrer l’enfant ; heureusement que la procréation médicalement assistée permet de devenir parents, en bénéficiant d’un don anonyme ; heureusement que la présomption de paternité rend inutile le test de paternité à la naissance de chaque enfant.

    La famille ne peut être limitée au lien biologique : elle se construit aussi avec des liens sociaux. La part des uns et des autres peut varier, et l’a toujours fait, mais ces deux types de liens ont toujours existé. Les familles homoparentales servent de révélateurs à ce double lien, en venant contredire par leur existence l’idéal de la preuve unique fondée sur la seule donnée génétique et scientifique.

    Les familles homoparentales ne peuvent pas raconter d’histoires et faire croire que les parents sont les géniteurs. Elles révèlent – et sans doute est-ce cela qui est insupportable à certains – comment le social fonde également la parenté et vient servir l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux revenir sur les deux premiers jours de débats que nous avons eus autour de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, pour vous dire que si j’ai trouvé sur le fond le débat très intéressant et riche d’arguments de part et d’autre, je regrette la tonalité que nos débats ont parfois prise et qui a conduit à quelques excès de langage…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Surtout chez eux !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Surtout chez vous !

    Mme Annie Genevard.…qui sont allés crescendo : « passéistes », « conservateurs », la liste s’est enrichie d’un vilain néologisme, « homosceptique », puis bien sûr « homophobe », jusqu’à ces deux allusions détestables sur lesquelles je souhaite revenir.

    Mme Claude Greff. C’est la gauche !

    Mme Annie Genevard. Il y a eu d’abord l’allusion à l’étoile rose,…

    Mme Claude Greff. Scandaleuse !

    M. Nicolas Bays. Triangle, pas étoile !

    Mme Annie Genevard. Au triangle rose, pardon. Mais cette allusion n’était pas la première. Dans les débats de la commission des lois, M. Alain Tourret a dit que l’Église s’était toujours trompée, sauf au moment des fascismes de 1942, avec l’archevêque de Toulouse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Tourret. Parfaitement.

    Mme Claude Greff. Et il insiste ! Le visage de l’intolérance, c’est Tourret !

    Mme Annie Genevard. Il y a également eu ce terme jeté dans l’hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe SRC) de « taliban » sans que l’on comprenne véritablement le lien qu’il pouvait y avoir entre nous et les talibans…

    M. Jean-Pierre Dufau. Et l’article 1er dans tout cela ?

    Mme Annie Genevard. Finalement, mes chers collègues, cela trahit l’illégitimité dans laquelle vous tenez notre position. Pour illustrer ce propos, je vais vous rapporter les paroles de Natacha Polony dans Le Figaro : « Il est devenu presque impossible de débattre de certains sujets parce qu’un terrorisme idéologique interdirait de les aborder. Malheur à qui ne se plie pas au sens…

    M. le président. Merci !

    Mme Claude Greff. C’est tout de même autre chose ! Il y a de la hauteur !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Madame la ministre déléguée à la famille – puisque Mme la garde des sceaux vient de partir…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. De s’absenter !

    M. Philippe Cochet. Non, elle est partie. Sur un tel sujet, elle devrait être là nuit et jour ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça suffit ! Arrêtez !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est inélégant ! discourtois !

    M. Philippe Cochet. S’agissant de l’article 1er et du mariage homosexuel, je voudrais souligner un décalage et je vous demande simplement d’ouvrir vos oreilles. En ce moment même, la France est en guerre et nous avons des soldats qui tombent au combat. La France est en train de s’effondrer avec 1 000 chômeurs supplémentaires chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Or que faisons-nous ? Nous parlons d’un sujet qui ne concerne pas la majorité des Français. C’est absolument scandaleux ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    Mme Véronique Massonneau. Honte à vous !

    M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

    M. Philippe Cochet. L’honneur des parlementaires, c’est de s’occuper d’abord des plus faibles !

    M. Nicolas Bays. Le Gouvernement et le Parlement travaillent sur tous les sujets ! Pour tous les Français ! C’est honteux ! Ridicule !

    M. le président. Monsieur Bays, gardez votre calme !

    M. Philippe Cochet. Dans le projet qui nous est proposé, il y a un grand absent : l’enfant. Nous devons obligatoirement protéger les plus faibles. Et comme on le voit dans le projet qui nous est proposé aujourd’hui, l’enfant est complètement oublié !

    M. Nicolas Bays. Vous, vous l’utilisez comme un bouclier !

    M. Philippe Cochet. Mesdames et messieurs les députés qui soutenez ce texte, je vous demande, en votre âme et conscience, de mesurer le poids, les conséquences qui en découleront, non pas aujourd’hui, mais demain, après-demain et pendant les siècles à venir, car nous allons assister à la déstructuration d’un élément principal de notre société : l’institution de la famille. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    Votre gouvernement, c’est vrai, est un spécialiste de la démolition. Mesdames et messieurs les députés, vous étiez fiers tout à l’heure de soutenir ce texte. Eh bien, ici, dans cette partie de l’hémicycle, nous sommes, nous aussi, très fiers parce que nous avons un objectif : protéger les plus faibles, ceux qui n’ont pas la parole aujourd’hui dans cet hémicycle : les enfants ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Nicolas Bays. Qu’avez-vous fait pour eux pendant ces dix dernières années ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rien ! Ils n’ont rien fait !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, de toute évidence, vous avez décidé de faire un simulacre de débat. Escamoter un tel débat est extrêmement grave. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Vos vociférations montrent clairement que vous êtes à court d’arguments. (Rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Vous devriez au moins écouter l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Nicolas Bays. Il fallait au moins venir travailler en commission !

    M. Patrick Hetzel. La question du mariage mérite mieux qu’un débat bâclé. Ce dispositif divise profondément les Français, car il touche à un sujet très sensible, celui de l’institution du mariage. À longueur de journée, vous nous dites que les sondages montrent clairement que les Français sont favorables à votre projet. Mais il n’en est rien ! D’ailleurs, si tel était le cas, ce serait simple, il suffirait de les interroger directement par référendum. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ça y est ! C’est reparti !

    Mme Chantal Berthelot. On vous a déjà répondu là-dessus !

    M. Patrick Hetzel. Mais vous rejetez cette perspective en vous servant d’arguties juridiques. Nombreux sont les constitutionnalistes qui estiment que cela est possible.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Lesquels ?

    M. Patrick Hetzel. Cela montre une seule chose : vous avez peur de consulter le peuple, ce qui est un comble !

    Revenons à votre texte.

    Dans l’exposé de motifs, vous indiquez que de légitimes questions juridiques se posent aujourd’hui aux couples de même sexe. Pour y répondre, vous auriez pu opter pour la voie de la mesure, celle de la concorde, celle de la véritable fraternité en développant un contrat d’union civique qui aurait pu faire l’objet d’un large consensus sur ces bancs.

    M. Nicolas Bays. Ce serait inégalitaire !

    M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas ce que vous faites ! Vous êtes en train de diviser, de cliver, de créer une rupture à l’intérieur de notre pays.

    Mme Joëlle Huillier. Non, c’est l’inverse !

    Mme Julie Sommaruga. Au contraire, nous rassemblons !

    M. Patrick Hetzel. Ne pensez-vous pas qu’à l’heure où nos concitoyens souffrent, où ils connaissent le chômage comme ils ne l’ont jamais connu dans notre histoire,…

    M. Henri Jibrayel. À cause de vous !

    M. Patrick Hetzel. …il était opportun de rassembler, de rassurer, de créer de la confiance ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Avec ce texte, vous divisez…

    M. le président. Merci, monsieur Hetzel !

    La parole est à Mme Catherine Coutelle.

    Mme Catherine Coutelle. Notre débat est parfois paradoxal. Je vous entends beaucoup parler de féminisme et de parité. Aussi suis-je étonnée qu’aucun d’entre vous n’ait cité Françoise Héritier, grande anthropologue qui a beaucoup travaillé sur le masculin et le féminin.

    M. Philippe Vitel. Si, Guaino !

    Mme Catherine Coutelle. Au XXe siècle, les féministes – que vous prenez comme témoins – faisaient une critique radicale du mariage. Pour elles, le mariage était une institution patriarcale fondée sur la soumission de la femme au mari et sur la femme comme monnaie d’échange. C’est terminé depuis seulement 1970 – ce n’est pas si vieux que cela ! – sans oublier la réforme du divorce en 1975.

    M. Nicolas Bays. Beaucoup de gens de droite y étaient opposés, rappelons-le !

    Mme Catherine Coutelle. Je ne suis pas sûre que certains n’aient pas aujourd’hui encore une conception très patriarcale du mariage.

    M. Philippe Gosselin. C’est fini, tout ça !

    M. Nicolas Bays. Beaucoup de gens croient que ce n’est pas fini, que c’est encore possible !

    Mme Catherine Coutelle. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’altérité sexuelle : le combat féministe n’abolit pas nos différences, mais affirme que ces différences ne sauraient justifier l’inégalité des droits. Il en va aujourd’hui de même pour les homosexuels et les hétérosexuels. Voilà pourquoi le combat mené par l’opposition au nom de l’altérité sexuelle n’est surtout pas un combat pour la parité, surtout pas ! C’est le combat de ceux qui continuent à penser que, dans le couple, certaines tâches restent essentiellement dévolues aux femmes tandis que d’autres sont réservées aux hommes.

    Au titre des grands principes de la République, nous naissons libres et égaux ; nous voulons, au nom de cette promesse, au nom de l’égalité, que chaque citoyen puisse avoir le droit d’épouser ou de vivre avec la personne de son choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

    M. Gérald Darmanin. L’excellent Philippe Le Ray !

    M. Philippe Le Ray. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur le mariage pour tous est faussé depuis la campagne de l’élection présidentielle. La majorité est plus dans la posture idéologique que dans la logique.

    M. Hervé Mariton. Hélas !

    M. Philippe Le Ray. Plutôt que de s’en prendre à cette institution, n’aurait-il pas été plus rassembleur, plus moderne, de proposer une nouvelle union ouvrant de nouveaux droits et renforçant la situation juridique de ces couples ?

    Mme Joëlle Huillier. Cela fait dix fois qu’on vous a répondu là-dessus !

    M. Jean-Pierre Dufau. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

    Mme Chantal Berthelot. Même cela, vous n’avez pas été capables de le faire !

    Mme Julie Sommaruga. Vous étiez déjà contre le PACS !

    M. Philippe Le Ray. Évidemment, un couple homosexuel a autant de valeur qu’un couple homme-femme, mais sa fécondité est naturellement différente. C’est pour cette raison que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais contesté que l’on puisse réserver un statut juridique différent à des couples qui se trouvent dans des situations différentes. Ce n’est pas discriminatoire.

    Par contre, avec cette ouverture, les revendications de PMA pour les couples lesbiens seront légitimes, sous peine de créer un sous-mariage. Les couples d’hommes devront quant à eux avoir recours à une mère porteuse, sous peine de créer cette fois une authentique discrimination fondée sur le sexe.

    Les pro-GPA et PMA posent une vraie question de société, car ces pratiques sont autorisées à l’étranger.

    M. Daniel Fasquelle. C’est de l’hypocrisie !

    M. Jacques Myard. La GPA sur GPS !

    M. Philippe Le Ray. Alors, soyons clairs et cessons l’hypocrisie ! D’ailleurs, lors des auditions, vos collègues socialistes espagnols, portugais et belges vous ont proposé, voire supplié de traiter ce sujet dans sa globalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. En tant que jeune parlementaire, dans tous les sens du terme, je suis extrêmement choquée – et, croyez-moi, il m’en faut beaucoup, vous le savez – (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) par votre comportement et votre manque d’humilité quand je vois, sur le site des jeunes socialistes, une carte de France des élus homophobes dont je ferais partie. Mais rassurez-vous, la critique de votre camp est à mes yeux plutôt valorisante !

    Vous en venez même à citer un évêque de France, ce qui est un comble venant de la gauche !

    Mme Chantal Berthelot. Et alors ? Où est le problème ?

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. Pourquoi ne pas citer des imams ou même le grand rabbin de France ? Cela vous a peut-être échappé, mais je vous rappelle qu’ils sont tous opposés à ce projet de loi pour des raisons plus ou moins similaires !

    On nous demande également de rester dans me cadre de cet article 1er. Malheureusement, c’est extrêmement compliqué quand la garde des sceaux elle-même brûle les étapes en mettant en place une circulaire qui cautionne indirectement la gestation pour autrui, conséquence inéluctable de cet article juste après la procréation médicalement assistée !

    M. Jean-Pierre Dufau. N’importe quoi !

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. Pendant que vous vous excitiez, je lisais dans Le Figaro un article portant sur le marché des mères porteuses aux États-Unis. On y apprend que certaines candidates ne sont pas sélectionnées par les agences de mères porteuses parce qu’elles refusent un éventuel avortement en cas de handicap ou de grossesse multiple. Mesurez donc ce que vous êtes en train de faire, les étapes que vous êtes en train de brûler !

    Mme Michèle Fournier-Armand. Ça n’a rien à voir !

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. La politique, c’est prévoir. Est-il vraiment judicieux aujourd’hui de fragiliser encore un peu plus la famille qui va déjà mal, avec un taux de divorces de plus en plus important, des problèmes d’autorité parentale de plus en plus pressants, des violences conjugales en constante augmentation et des taux de suicide dramatiques chez les jeunes ? Est-il vraiment judicieux de bouleverser les lois naturelles quand on sait comment va la famille dans ce pays ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    Alors, à défaut de leur trouver un emploi, à défaut de défendre leur identité, à défaut de leur permettre de trouver un logement, laissez au moins les jeunes Français avoir un père et une mère ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, et porte sur le bon déroulement de notre séance.

    Suite au débat que nous avons eu à propos de la sortie de la circulaire sur la GPA, j’ai interrogé le Président de la République. Je note avec satisfaction qu’il m’a répondu en vingt-quatre heures. La dernière fois, il lui avait fallu un mois et demi !

    Je vous donne lecture de la réponse du Président de la République – je pense que c’est important pour le déroulement de nos séances.

    « Vous m’avez saisi au sujet de la circulaire adressée par la ministre de la justice le 25 janvier 2013, »…

    Mme Corinne Narassiguin. Oh non ! Encore !

    M. Christian Jacob. « …dont l’objet est de permettre aux enfants nés à l’étranger d’un parent français et disposant d’un acte d’état civil étranger justifiant d’un lien de filiation avec ce parent, de pouvoir disposer d’un certificat attestant de leur nationalité française. Je rappelle que l’article 18 du code civil dispose qu’est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

    « Ce texte n’a donc pas pour objet d’autoriser l’octroi de la nationalité à un enfant qui ne la posséderait pas déjà ni celui de modifier la filiation de l’enfant, et ne change rien au droit des personnes. »

    M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

    M. Christian Jacob. La Cour de cassation appréciera que le Président de la République dise qu’octroyer la nationalité française ne change rien au droit des personnes ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est parfaitement exact !

    M. Philippe Gosselin. Il y a des droits attachés à la nationalité !

    M. Nicolas Bays. Il ne comprend même pas ce qu’il lit !

    M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

    M. Christian Jacob. Chers collègues de la majorité, souffrez d’entendre François Hollande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je cite : « Permettre à des enfants d’attester de leur nationalité est conforme à leur intérêt supérieur auquel je suis, tout comme vous, attaché. »

    M. Hervé Mariton et M. Daniel Fasquelle. Il a changé d’avis !

    M. Christian Jacob. « Je souhaite que le débat sur le projet de loi sur l’ouverture du mariage de même sexe, qui ne contient aucune disposition sur la procréation médicalement assistée ou sur la gestation pour autrui, puisse se dérouler dans des conditions de respect mutuel conformes à nos traditions parlementaires. » (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    Je prends acte de la déclaration du Président de la République. Mais là où il y a un vrai sujet, c’est que le Président de la République donne une position personnelle très claire dans le rôle qui est le sien…

    Mme Chantal Berthelot. Pas personnelle !

    Mme Joëlle Huillier. Il ne fait que rappeler la loi !

    M. Christian Jacob. …alors que ses ministres prennent officiellement des positions contraires sur les sites gouvernementaux.

    M. Philippe Gosselin. Qui croire ?

    M. Christian Jacob. Cela mérite au moins une explication du Premier ministre. Qu’ils viennent ici clarifier ce point : est-ce la lettre du Président de la République qui vaut ou les positions personnelles des ministres ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela montre qu’il y a un vrai problème au sein de l’équipe gouvernementale : il y a, d’un côté, ce qu’écrit le Président de la République, de l’autre, ce que disent et écrivent publiquement les ministres de la République. Je demande que le Premier ministre vienne s’exprimer clairement sur ce sujet. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis ravie, monsieur le président Jacob, que vous soyez arrivé avec cette lettre – presque à la fin des interventions des orateurs inscrits sur l’article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard et M. Philippe Cochet. Il était déjà là !

    M. Christian Jacob. Je suis là depuis longtemps !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet article, qui a trait à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, a été la cible ce matin de toute une série d’efforts visant à faire dériver le débat vers des sujets qui n’ont strictement rien à voir.

    M. Jean-Frédéric Poisson. On peut difficilement dire cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reconnais cependant que de nombreux orateurs de l’opposition sont revenus sur le contenu véritable de l’article. Ce que vous faites également en revenant avec cette lettre.

    M. Hervé Mariton. Et les propos de Manuel Valls ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais ce qui est surprenant, c’est que vous donniez lecture d’une lettre pour en commenter ensuite exactement le contraire de ce qu’elle dit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je vous invite à lire le compte rendu de la fin des débats de la nuit de mercredi à jeudi. MM. Gosselin et Mariton y participaient…

    M. Christian Jacob. Moi aussi ! Jusqu’à une heure du matin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’autres n’étaient pas là. J’ai répondu alors longuement et précisément sur ce sujet.

    Mme Claude Greff. Réponse qui ne nous a pas satisfaits !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle ne vous satisfera pas davantage dans deux semaines, et dans deux ans non plus !

    Vous affirmez, monsieur le président Jacob, que le Président de la République dit une chose et ses ministres une autre, en l’espèce que l’octroi de la nationalité n’est pas lié à l’état des personnes. Mais je vous rappelle qu’il n’y a pas d’octroi de nationalité, pour la simple raison, monsieur le président Jacob, que ces enfants sont français !

    M. Sergio Coronado. Oui ! Ils sont français ! Ce n’est pas un octroi, mais une délivrance !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne s’agit pas de leur « octroyer » une nationalité : la nationalité française, ils l’ont déjà par filiation naturelle, comme l’indique le Président de la République dans sa lettre. Il n’est donc pas question d’octroi de nationalité, je ne sais comment le dire plus clairement, mais délivrance d’un certificat, document administratif qui atteste de cette nationalité.

    M. Marc Le Fur. Cela revient à reconnaître la GPA !

    Mme Anne Grommerch. Ces enfants sont nés de femmes qui ont été payées pour les porter ! Elles ont vendu leur corps !

    Mme Claude Greff. Vous reconnaissez donc la GPA ! C’est une marchandisation du corps en France ! C’est scandaleux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces enfants sont français. Que dit la circulaire ? Je rappelle que j’ai annoncé le 16 janvier qu’une circulaire serait préparée et publiée de façon imminente, qui permettra aux greffes des tribunaux d’instance de délivrer ce certificat de nationalité sur la base d’un document d’état-civil probant émanant de l’étranger.

    M. Hervé Mariton. Il ne fallait pas le faire, et vous avez fait le contraire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà très exactement ce que dit cette circulaire. Lorsqu’il s’agit de droit des enfants, faut-il faire un calcul de calendrier et de communication ? Se demander si c’est ou non le moment, alors que cette circulaire était annoncée dès le 16 janvier ? Vous pourrez toujours essayer de faire dériver le débat pendant deux semaines, les faits sont clairs ! Cette circulaire concerne la délivrance de certificats de nationalité à des enfants français. Des enfants français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à le M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Merci, monsieur le président. Je regrette, alors que nous en sommes à la discussion de l’article 1er, que tous les moyens soient mis en œuvre pour faire en sorte que l’on discute de tout, sauf de l’article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ça commence à bien faire !

    M. Bruno Le Roux. C’est bien du déroulement de la séance dont il est question. On nous cite une lettre. Je concède que des questions se posent sur l’enseignement dans notre pays et sur l’apprentissage de la lecture automatique en particulier, mais enfin ! Nous lire la lettre du Président de la République et affirmer ensuite l’exact contraire de ce qu’elle dit clairement, cela prouve, sinon la mauvaise foi, une réelle incapacité en tout cas à entrer dans le débat au moment où il a lieu !

    M. Gérald Darmanin. Vous êtes suffisant mais pas nécessaire ! (Sourires)

    M. Bruno Le Roux. Pour le reste, je note que, comme toujours, vous êtes plus assidus à la lecture du Figaro qu’aux séances de la commission des lois. En effet, cette circulaire était annoncée dès le 16 janvier et le compte rendu ne rapporte pas la moindre intervention de votre part pour la remettre en cause ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je conteste enfin les propos de M. Mariton selon lesquels nous aurions pu faire le contraire de ce que nous avons fait. Non ! Nous aurions été en contradiction avec le code civil si la garde des sceaux n’avait pas signé sa circulaire, qui est une circulaire républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! Non !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Contrairement à ce que vient de dire M. Le Roux, si le Président de la République, et je m’en réjouis, m’a répondu en vingt-quatre heures et non plus au bout d’un mois, c’est tout de même que le sujet est réel !

    M. Jean-Pierre Dufau. Mais cela n’a rien à voir avec l’article 1er !

    M. Christian Jacob. Et que des ministres aient officiellement un avis contraire à celui du Président de la République, cela justifie quand même que le Premier ministre vienne dans l’hémicycle et s’explique sur ce sujet ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Nicolas Bays. Ce n’est pas le débat !

    M. Christian Jacob. Par ailleurs, la délivrance d’un certificat de nationalité a bien pour objectif d’attribuer la nationalité.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

    M. Christian Jacob. C’est la raison pour laquelle que je vous ai interrogée, madame la garde des sceaux. Je vous relis la phrase du Président de la République : « Ce texte n’a pas pour objet d’autoriser l’octroi de la nationalité à un enfant qui ne la possèderait pas déjà ni celui de modifier la filiation de l’enfant ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. René Rouquet. Eh bien alors ?

    Plusieurs députés du groupe SRC. Il ne comprend décidément rien !

    M. Bruno Le Roux. C’est pitoyable !

    M. Christian Jacob. Si l’on délivre un certificat de nationalité, cela veut bien dire que l’on reconnaît la gestation pour autrui à partir du moment où elle a lieu à l’étranger. D’ailleurs, le Président de la République avait dit lui-même qu’initialement il n’était pas favorable à cette circulaire, car elle conduit à la reconnaissance de la GPA. On voit donc bien qu’il y a une double ambiguïté, entre cette lettre et la position des ministres d’une part, entre les variations pour le moins surprenantes de la pensée du Président de la République d’autre part : il était opposé à la sortie de cette circulaire, le voilà aujourd’hui obligé en quelque sorte de rétropédaler pour l’accepter !

    M. le président. Je vais donner la parole à M. Alain Tourret, pour un dernier rappel au règlement. Je ne veux pas laisser pervertir l’ordre du jour. J’ai fait en sorte que les uns et les autres s’expriment une dernière fois sur cette circulaire ; nous reprendrons ensuite le cours normal de nos travaux.

    M. Bruno Le Roux. C’est très libéral ! M. le président est généreux !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Je vous remercie, monsieur le président. Afin que l’opinion de nos collègues de droite soit parfaitement éclairée, (Rires sur les bancs du groupe SRC) je voudrais simplement rappeler ce que disait Mme Morano.

    M. Christian Jacob. Qui n’est pas ministre !

    M. Alain Tourret. « Je suis tout à fait d’accord avec l’ensemble des conditions posées pour la GPA. J’affirme que si ma fille était stérile, je serai prête à porter son enfant. Je le ferais et ce serait pour moi un geste d’amour. » Et elle ajoutait : « je me suis clairement exprimée lorsque j’étais députée, membre de la mission d’information parlementaire sur le droit de l’enfant et de la famille. Je suis totalement favorable à la légalisation de la gestation pour autrui, très encadrée, dans une démarche altruiste et non marchande. Ma conviction profonde est que nous pouvons évoluer. »

    Eh bien moi, je suis en désaccord avec Mme Morano et je suis contre la GPA !

    Article 1er (suite)

    M. le président. Nous en revenons aux interventions sur l’article 1er.

    La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Je crois qu’il faut vraiment mettre un terme aux hypocrisies et aux tartufferies ! (Approbations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République, dans cette lettre que vient de nous lire Christian Jacob,…

    M. Nicolas Bays. Très claire !

    M. Daniel Fasquelle. …a changé d’avis depuis février 2012, où il a dit exactement l’inverse : il s’agit bel et bien d’une reconnaissance de la gestation pour autrui. En fait, celui qui est père ne l’est que par le biais de la GPA ; de cette paternité découle la nationalité française de l’enfant, auquel on délivre un certificat de nationalité… Sortez de cette hypocrisie et dites la vérité : c’est une reconnaissance de la gestation pour autrui à l’étranger, que François Hollande avait jusqu’à présent refusée et que désormais il accepte. Nous en prenons acte.

    Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

    M. Daniel Fasquelle. Je voulais simplement revenir un instant sur cette phrase incroyable prononcée mardi par le rapporteur : « les couples homosexuels font des enfants ».

    M. Erwann Binet, rapporteur. Oui !

    M. Daniel Fasquelle. Eh bien non, monsieur Binet : les couples homosexuels ne font pas d’enfants.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est socialement qu’ils font des enfants !

    M. Daniel Fasquelle. Si vous voulez arriver à ce résultat, il faut bien sûr passer par le canal du mariage : on voit bien qu’on recherche le mariage pour ses effets en matière de filiation. Pour que les couples homosexuels fassent des enfants, il faut l’adoption plénière, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Reconnaissez-le, faute de quoi vous n’allez pas au bout de votre démarche. Vous avez beaucoup parlé d’égalité de droits et de violence. Ne remplaçons pas une violence par une autre !

    M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

    M. Daniel Fasquelle. Ne remplaçons pas la violence faite jadis aux couples homosexuels par une violence faite désormais aux femmes à travers la gestation pour autrui qui est ! Qu’on ne méprise pas, au motif d’instituer des droits nouveaux, le droit de reconnaître son père et sa mère ! Qu’on ne remplace pas la souffrance des couples homosexuels ou des enfants élevés dans ces couples par une autre souffrance !

    M. Philippe Gosselin. Nous voudrions maintenant que le Gouvernement s’explique !

    M. Hervé Mariton. Oui, nous lui apportons de la matière !

    M. le président. Je vous remercie pour votre générosité, mais la parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. La question posée par l’article 1er est au fond celle de la vision de la société. C’est ce débat que nous devrions avoir, autour de trois interrogations essentielles.

    La première touche à la richesse de l’altérité des sexes. Nous considérons tous ici que l’altérité est une richesse. Dès lors, n’est-il pas incroyable de priver l’enfant de l’altérité dès sa naissance ?

    Mme Chantal Berthelot. L’altérité, c’est l’autre, ce n’est pas l’autre sexe !

    M. François de Mazières. Deuxième interrogation : le mariage est-il uniquement la reconnaissance d’un amour ou est-il une institution qui fonde la succession des générations par la filiation ? Vous connaissez notre point de vue.

    Mme Catherine Coutelle. Lisez Françoise Héritier !

    M. François de Mazières. Troisième interrogation : tout votre raisonnement est fondé sur l’égalité des droits. Or l’égalité des droits ne s’applique qu’à des situations similaires. En matière de conception, il y a une différence. Vous irez donc jusqu’à la PMA et la GPA. Et l’on voit bien, à vos réponses très confuses, que telle sera bien votre intention dans la loi sur la famille.

    Pour résumer, Mme Bertinotti nous a tout dit en commission des lois : « L’adoption permet déjà le droit à l’enfant et la PMA encore plus ». Eh bien ! Voilà le cœur du problème : nous considérons que l’essentiel, c’est le droit des enfants, vous considérez qu’il y a un droit à l’enfant. Tout est dit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door. Merci, monsieur le président. Je n’ai pas pris la parole au cours du débat général, c’est pourquoi je souhaite parler maintenant. Je crois en effet que nous assistons à la création d’une profonde division de la société française. On en fait le terrible constat sur le terrain. J’étais sur le terrain ce matin encore, dans ma circonscription : on est saisi en permanence. Et depuis deux jours, les débats sont caricaturaux, outranciers et violents ! C’est du jamais vu pour le parlementaire que je suis depuis trois mandats : jamais je n’avais constaté autant de violence dans les débats !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oh si !

    M. Jean-Pierre Door. Je suis bien entendu favorable à ce que la société soit en mesure de reconnaître l’amour entre deux personnes du même sexe dès lors qu’elles veulent vivre leur propre sexualité comme elles l’entendent. Cela ne prête pas à débat.

    Mais je voudrais quand même rappeler cette réflexion d’une grande actrice du chant, qui déclarait il y a quelques semaines qu’accorder à tous les gens qui s’aiment les mêmes droits, c’est la moindre des choses, mais qu’il serait préférable d’inventer un mot, un concept différent. Dire que l’institution du mariage peut concerner deux personnes du même sexe, c’est comme dire soudain que le père Noël est une femme ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Razzy Hammadi et M. Alexis Bachelay. Pourquoi pas ?

    M. Jean-Pierre Dufau. Nous, nous croyons au père Noël ! (Rires.)

    M. Jean-Pierre Door. Je comprends que cela puisse choquer, mais pourquoi réclamer ce qui appartient aux hétérosexuels ? Pour des raisons pratiques, je préfère une solution alternative. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Prenez la peine de m’écouter ! Je vous ai écouté depuis deux jours, non sans difficulté ! Un grand quotidien de ma région cite ce matin un réalisateur de documentaires et auteur de contes homosexuel : la loi du mariage pour tous est clairement réclamée par une très faible minorité dans laquelle, dit-il, il ne se reconnaît pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Henri Jibrayel. L’exception ne fait pas la règle !

    Mme Chantal Berthelot. Personne n’a dit qu’on obligeait les gens à se marier !

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

    Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux intervenir sur deux points.

    Premièrement, puisque la majorité nous donne régulièrement des cours sur notre façon de débattre, je veux rappeler que, depuis deux jours, nous invoquons des arguments de fond. Nous ne sommes pas là pour nous demander si Casimir est un canard, ou pour savoir qui réussira à placer le plus de fois un mot comme « homard » dans chacune de ses interventions. Que chacun fasse preuve d’un peu d’écoute, mes chers collègues, et notre débat n’en avancera que mieux. En d’autres temps, nous avons supporté bien d’autres choses ; chacun des intervenants de notre groupe mérite un minimum de respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Par ailleurs, pourquoi sommes-nous si nombreux au moment d’aborder l’examen de l’article 1er ? Tout simplement, madame la garde des sceaux, parce que cet article est le socle de votre texte et, d’une certaine manière, le sésame : une fois l’article adopté et le principe du mariage accepté, c’est finalement un cheval de Troie : et derrière, qu’y a-t-il ? l’adoption, la PMA et la GPA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Si, mercredi, j’ai parlé de confusion, aujourd’hui, nous n’en sommes plus là : les masques sont tombés, et nous en sommes à la réalité des intentions, avec la circulaire de vendredi et les différentes prises de position à son sujet. Mesdames les ministres, comment pouvez-vous prétendre défendre le droit des femmes, tout en acceptant la marchandisation des corps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Mensonge ! Mystification !

    Mme Marie-George Buffet. Mais on la refuse, justement !

    Mme Catherine Vautrin. C’est inacceptable ! C’est l’illustration parfaite de votre double langage, que nous refusons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

    Mme Catherine Vautrin. C’est vous qui êtes lamentable !

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je ne savais pas que nous allions discuter du sexe du père Noël, mais au moins cette discussion aura-t-elle eu le mérite de rassurer mon collègue Vidalies, qui est tout à fait rassuré de savoir enfin ce qu’il en est. (Rires sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Effectivement !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je veux dire à plusieurs orateurs, notamment à M. Le Fur, qu’ils ont décidément le mariage très triste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Votre jugement sur le mariage est déjà fait depuis longtemps !

    M. Philippe Cochet. Ce n’est pas possible d’entendre le Gouvernement tenir de tels propos !

    M. le président. Monsieur Gosselin, monsieur Cochet, allons ! Le Gouvernement vous a écoutés, écoutez-le maintenant !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous ne cessez de nous expliquer que le mariage n’a rien à voir avec le sentiment. Quelle vision glaciale du mariage ! Je vous invite, pour retrouver de la sérénité, à relire toutes les pièces de Molière, qui n’ont été que l’expression de la lutte contre le mariage de convenance, en vue de faire triompher le mariage d’amour. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Navrant !

    M. Philippe Cochet. Affligeant !

    M. Philippe Gosselin. Quel parti pris !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela rejoint la préoccupation de Mme Dion ou M. Marleix, qui se sont étonnés de ce regain d’intérêt de la gauche pour la défense du mariage.

    M. Hervé Mariton. Eh oui, c’est nouveau !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Apprenez que le compteur de l’évolution de la société ne s’est pas arrêté en mai 1968.

    Mme Anne Grommerch. On pourrait en reparler !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le vaste mouvement d’émancipation qui s’est heureusement opéré, à partir de ce moment, dans le sens de la satisfaction des revendications féministes et homosexuelles, nous permet aujourd’hui de raisonner en termes d’égalité : ce texte doit se comprendre comme une ode à l’égalité.

    M. Philippe Gosselin. C’est tellement convaincant que personne n’applaudit, même à gauche !

    M. le président. Allons, monsieur Gosselin !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne pratique pas les effets de manches et les propos outranciers, monsieur Gosselin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous qui vous défendez de toute provocation, je vais vous citer, car je commence à en avoir assez…

    M. Philippe Gosselin. C’est réciproque !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …de vos interventions qui font systématiquement référence au vocabulaire économique pour désigner des choses profondément humaines. C’est vous, monsieur Gosselin, qui parlez de tourisme reproductif, de marché de l’utérus, de dumping éthique, de moins-disant éthique…

    Mme Catherine Vautrin. Et alors ? C’est bien de cela qu’il s’agit !

    M. Philippe Gosselin. Vous oubliez la marchandisation des corps !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …des expressions profondément choquantes. Oui, je suis choquée dans ma conscience de femme et de citoyenne républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. Tout cela, c’est vous qui le faites, qui en créez les conditions !

    M. Philippe Gosselin. Il faut dénoncer le tourisme reproductif, je le confirme !

    M. le président. Monsieur Cochet, monsieur Gosselin, on se calme !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Quant à M. Mariton, je ne savais pas qu’il aspirait à devenir un exégète de la pensée socialiste.

    M. Philippe Gosselin. Parce qu’il y a une pensée socialiste ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Puisque vous avez brandi la profession de foi de François Hollande au deuxième tour de l’élection présidentielle, je ne veux pas être en reste, et je vous brandis, pour ma part, le calendrier de mise en œuvre des différentes mesures de son projet, dans lequel il s’est engagé à ce que la loi sur le mariage pour tous soit présentée dans le courant du premier semestre 2013. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. C’est nul ! Nous ne sommes pas rue Solférino !

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas dans sa profession de foi, celle qu’il a envoyée à tous les Français !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. M. Door affirmait, tout à l’heure, n’avoir jamais vu un texte déclencher de telles réactions parmi ses administrés. Pour ma part, si je reconnais n’avoir jamais été élue qu’au niveau local, je ne suis pas sûre que votre comportement, madame Greff, soit digne de la secrétaire d’État que vous avez été !

    Mme Claude Greff. Élevez un peu le débat !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Tenez-vous un peu correctement, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Les députés UMP se lèvent et protestent vivement.)

    M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

    M. le président. Je n’interromprai pas le Gouvernement dans son intervention. Si certains veulent intervenir, ce sera après !

    Poursuivez, madame la ministre.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Jamais, dans un seul de mes conseils municipaux, je n’ai entendu proférer en permanence de telles invectives, et je n’aurais jamais toléré que la démocratie locale, qui s’exprimait sous le regard des citoyens, puisse donner lieu à de tels comportements ! Vous n’avez même pas le respect de la parole gouvernementale ! Arrêtez de nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Tout ce que je vous demande, c’est le respect de la parole du Gouvernement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Henri Jibrayel. Elle a raison !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les propos de Mme Greff sont tout à fait scandaleux !

    Mme Claude Greff. C’est moi qui suis mise en cause !

    M. le président. Mes chers collègues, je vous répète que je n’interromprai pas Mme la ministre dans son intervention.

    Je vous demande de vous rasseoir et de la laisser s’exprimer, avant que je ne passe la parole au président Jacob pour un rappel au règlement.

    Poursuivez, madame la ministre.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Certains enfin ont employé l’expression de « bidouillage de la famille ». Dans peu de temps, vous allez nous présenter des amendements sur l’alliance civile. N’est-ce pas vous qui vous livrez à un bidouillage, en refusant d’accorder les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous les citoyens ?

    J’ai entendu parler de victoire. S’il est une victoire, ce sera celle de l’égalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1er, de notre règlement, qui autorise tout député à s’exprimer sur le déroulement de la séance.

    Il faut faire la part des choses entre ce qui relève du pouvoir législatif et ce qui relève du pouvoir exécutif. Madame la ministre, je vous rappelle que vous êtes ici à disposition des parlementaires, pour répondre à leurs questions, et que vous n’êtes nullement fondée à exprimer un jugement sur eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La police de notre assemblée est assurée par une seule personne, à savoir notre président, et vous seriez bien inspirée de rester dans le rôle qui vous revient, c’est-à-dire de répondre aux questions que l’on vous pose, au moment où on vous les pose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Or vous ne répondez à aucune question, vous êtes dans l’invective et portez des jugements de valeur sur les parlementaires. Je vous rappelle que vous êtes ici à notre disposition, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rappelez-nous comment cela se passait sous la précédente majorité !

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Nous aurions dû nous douter, ce matin, des intentions de nos collègues de l’opposition, quand nous avons vu arriver M. Mariton vêtu – fort élégamment, au demeurant – aux couleurs du règlement de notre assemblée. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Je ne l’ai pas fait exprès : je suis daltonien, c’est pourquoi je m’habille en bleu !

    M. Bruno Le Roux. Vous aurez compris, cher collègue, que ma remarque se voulait souriante et amicale.

    M. Nicolas Bays. Mariton, c’est un règlement géant ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux. De façon tout aussi amicale, je veux dire à M. Jacob que l’opposition est fondée à demander au Gouvernement et à la majorité quelle puisse faire usage de toutes les procédures parlementaires permises. La seule chose qui reste interdite, que nous ne pouvons nous autoriser, c’est de traiter de nulle une ministre alors qu’elle est en train de répondre au Parlement ! Un tel comportement est absolument inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Les propos de la ministre étaient inacceptables !

    M. Philippe Cochet. Et nous n’avons pas eu de réponse !

    M. Bruno Le Roux. Si vous avez besoin d’une suspension de séance pour recadrer les députés de votre groupe et faire en sorte qu’ils respectent le débat et les ministres qui s’expriment, nous y sommes tout à fait favorables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. La ministre n’a qu’à se tenir correctement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Calmez-vous, monsieur Gosselin !

    Vous avez souhaité, sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l’opposition, souhaité obtenir des explications de la part du Gouvernement. Je vais donner la parole à Mme la garde des sceaux, afin qu’elle puisse donner ces explications. Je suspendrai ensuite la séance afin que chacun puisse reprendre ses esprits.

    La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite une suspension de séance, dont vous pourrez profiter pour faire une mise au point avec les ministres et leur rappeler leur rôle et leur responsabilité, qu’elles semblent avoir perdus de vue. Je demande une suspension de cinq minutes, afin que notre séance puisse ensuite se poursuivre dans de bonnes conditions.

    M. le président. La demande de suspension est de droit : je vous accorde une minute. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à douze heures vingt-sept, est reprise à douze heures vingt-huit.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai écouté très attentivement l’ensemble des interventions. Certains d’entre vous ont accompli une réelle performance en réussissant à dire des choses essentielles, claires et structurées, dans les deux minutes qui leur étaient imparties, exercice intellectuellement réjouissant !

    L’article 1er, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, est effectivement l’article principal de ce texte de loi, dont nul ne songe à sous-estimer l’importance.

    Mme Catherine Vautrin. Nous sommes bien d’accord !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mariage est, nous le savons et je le répète, tout à la fois un contrat entre deux personnes et une institution induisant des règles d’ordre public. C’est bien ce mariage-là qui sera ouvert aux couples de même sexe.

    L’adoption est également ouverte aux couples composés de personnes du même sexe dès lors que, dans notre code civil, le mariage comporte le droit à l’adoption. Si nous avions décidé de détacher le mariage de l’adoption, nous aurions créé deux institutions séparées, une pour les couples hétérosexuels et une autre pour les couples homosexuels.

    Il n’y a pas la moindre ambiguïté dans la démarche du Gouvernement : c’est bien le mariage, dans l’intégralité de ce qu’il est en tant qu’institution et de ce qu’il produit dans l’ordre public, qui est ouvert aux couples de même sexe.

    Madame la ministre Ameline, vous me reprochiez – indépendamment du procès d’intention que vous m’avez fait, mais comme certains de vos collègues me l’on fait aussi en s’exprimant avec des mots moins choisis que les vôtres, je ne m’y attarderai donc pas – de n’avoir saisi ni le Comité consultatif national d’éthique ni la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

    S’agissant du CCNE, je ne vois absolument pas la raison qui pourrait nous conduire à le consulter sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Le Président de la République vient de le faire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a le texte, et ce que vous extrapolez.

    Le Président de la République, au sujet du Conseil national…

    M. Christian Jacob. Le Comité national !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de me reprendre et de me corriger, monsieur Jacob ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Je ne demande qu’à m’instruire ; je découvre bien sûr à l’instant l’existence de ce comité et je vous exprime ma profonde gratitude pour ce cours gratuit !

    M. Christian Jacob. Merci !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Président de la République a parlé du Comité national consultatif d’éthique pour la PMA.

    M. Christian Jacob. Il n’a pas fait que parler, il l’a saisi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour l’assistance médicale à la procréation, monsieur Jacob, pas pour le mariage et l’adoption.

    M. Christian Jacob. Les deux sont liés !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À force de faire des extrapolations depuis trois jours, vous finissez par confondre le texte réel et des textes imaginaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.) Nous discutons pour notre part du projet de loi et, par conséquent…

    M. Christian Jacob. Le texte sur la PMA n’est pas imaginaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Jacob, je vous en prie ! Vous avez à l’instant vous-même exigé du Gouvernement des réponses ; écoutez-les, vous interviendrez ensuite ! Notre assemblée examinera dans quelques instants les amendements de suppression de l’article 1er, que de nombreux députés viendront défendre ; ils pourront tenir compte dans leur intervention du contenu de la réponse de la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous ai répondu au sujet du CCNE, madame Ameline. Quant à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, elle a été consultée et a rendu son rapport.

    Mme Nicole Ameline. Elle s’est autosaisie !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, je l’ai saisie, madame. Dans son avis, elle ne conteste pas le présent texte et confirme qu’il sert le principe d’égalité.

    Parmi les observations qui ont été faites, l’une a été reprise par plusieurs députés et concerne l’altérité sexuelle : nous supprimerions l’altérité sexuelle au sein de notre société.

    M. Hervé Mariton. Mme Mazetier ne veut plus que l’on parle d’école maternelle !

    M. le président. Monsieur Mariton, veuillez rester calme et nous permettre d’entendre les arguments du Gouvernement !

    M. Noël Mamère. Un peu de hauteur !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vois mal le mécanisme qui permettrait de supprimer l’altérité sexuelle dans la société, à part peut-être une bombe nucléaire… Pour en revenir aux couples de même sexe, je vous rappelle qu’il est inscrit dans le code civil, indépendamment des réalités, que les enfants entrent dans la famille de chacun des parents. Imaginez-vous des familles dépourvues d’altérité sexuelle ? Pensez-vous que dans les familles homoparentales où ces enfants grandissent il n’y a pas de grand-mère, de grand-père, de tante, d’oncle ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ça ne remplace pas un père et une mère !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Croyez-vous que ces enfants vivent dans une bulle ? Qu’ils ne vont pas à l’école ? Que signifie donc cette histoire de disparition de l’altérité sexuelle ?

    M. Damien Abad. Posez la question aux psychologues !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Arrêtez de faire de la science-fiction ! Ici nous ne sommes ni dans la science ni dans la fiction, nous sommes dans le droit.

    Je le rappelle, il s’agit formellement, sans ambivalence, sans ambiguïté, sans nuance, sans hésitation – nous rejetterons d’ailleurs les autres solutions que vous proposez, l’union civile, le PACS aménagé ou l’alliance civile – d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    Nous vous entendons nous expliquer que vous êtes pour l’égalité mais que vous préférez un contrat à part d’alliance civile. Nous vous entendons nous expliquer que l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels est une mesure emportant de graves conséquences.

    M. Philippe Cochet. Et l’enfant ?

    M. Arnaud Leroy. Arrêtez de parler de l’enfant !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, dans le même temps, vous déposez un amendement pour que les couples pacsés puissent adopter ; or parmi ces couples il y a des couples homosexuels ! En réalité, ce qui vous pose vraiment problème, c’est d’admettre que le mariage soit ouvert aux couples homosexuels et c’est là le point de divergence entre vous et le Gouvernement ; prenons-en acte, c’est tout !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour un rappel au règlement.

    Mme Claude Greff. Tout à l’heure, j’ai été mise en cause par les propos de la ministre. Je voudrais rappeler que cette fonction confère une grande responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Brandir pour tout argument que l’on a été maire ou les soixante propositions du candidat François Hollande n’est ni nécessaire ni suffisant. Sur un projet aussi important et qui va changer, bouleverser notre société, nous attendions autre chose. Je crains le pire pour le débat du mois de mars, parce qu’il s’agira alors de débattre de la loi sur la famille.

    Mme Brigitte Bourguignon. Trouvez d’autres arguments, et soyez polie !

    Article 1er (suite)

    M. le président. Nous allons avoir amplement l’occasion de débattre puisque je suis saisi, sur l’article 1er, de 129 amendements de suppression.

    La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n° 2.

    M. Hervé Mariton. Je souhaite faire un rappel au règlement, monsieur le président !

    M. le président. Non, monsieur Mariton, il n’en est pas question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La multiplication des rappels au règlement vient perturber le fonctionnement de la séance, leur utilisation est pervertie. J’ai donné la parole à M. Philippe Armand Martin ; et s’il ne la prend pas, je la passe au suivant.

    M. Philippe Armand Martin. Monsieur le président, j’ai l’honneur d’ouvrir le bal des amendements identiques de suppression de l’article 1er qui ouvre le mariage aux couples de… de personnes de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vous en prie, c’est assez compliqué comme ça !

    M. Philippe Armand Martin. Le mariage fait partie de notre civilisation. C’est une institution chère à la France, une valeur de notre société et le préalable à la fondation d’une famille pour deux individus de sexe différent. Il ne doit pas y avoir de confusion avec l’union de deux hommes ou de deux femmes, qui ne peuvent fonder une famille, c’est-à-dire avoir naturellement des enfants sans avoir recours à des procédés parfois proches du mercantilisme.

    L’égalité des êtres peut se faire par une union appelée différemment – nous vous proposerons notamment par la suite l’alliance civile – afin que les couples homosexuels puissent avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

    Il ne faut pas se laisser prendre par ceux qui nous disent que parce que le monde change, le mariage doit changer. Quelle absurdité ! Cette notion de modernité n’est pas fondée. Ce raisonnement aboutirait à la formation d’une société non pas moderne mais autre ; et l’on oublie dans ce processus égoïste la place de l’enfant, qui n’a rien demandé.

    Vous voulez ouvrir non pas un droit pour tous, mais un droit pour les couples de personnes de même sexe. Dans ces conditions, enlevons le mot mariage pour dépassionner le débat ; c’est ce que nous proposerons avec l’alliance civile, un contrat qui aurait le mérite de marquer le respect que l’on éprouve à l’égard du mariage, que l’on considère comme l’un des fondements de notre société et de notre civilisation. L’alliance civile n’est reliée ni à la notion de filiation ni, par conséquent, à celle d’adoption.

    Oui, mesdames, messieurs les députés de gauche, madame la ministre, vous avez trompé une fois encore la société en disséquant le dossier entre le mariage et l’adoption, la PMA et la GPA à laquelle vous viendrez. C’est la seule façon pour vous d’arriver à vos fins. C’est une besogne un peu basse ; la France mérite mieux. C’est la raison pour laquelle je demande, par le présent amendement, la suppression de cet article.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, nous entrons dans la discussion des amendements et c’est l’ordre naturel de nos travaux. Toutefois, pour entrer dans cette discussion, faudrait-il encore que le Gouvernement ait répondu à nos questions !

    J’ai posé par exemple une question très technique mais importante sur les conséquences internationales du II. de l’article 1er, question à laquelle la ministre n’a pas répondu.

    Nous avons par ailleurs interrogé le Gouvernement sur les positions de ses membres. M. Manuel Valls a déclaré en 2011 dans Têtu – je ne lis pas que Le Figaro – être favorable à la GPA sous certaines conditions.

    M. Philippe Gosselin. C’est la « Valls hésitation » !

    M. Hervé Mariton. Nous avons besoin de connaître la position du Gouvernement. Je comprends que nous commencions la discussion des amendements, monsieur le président, car nous devons avancer, mais la moindre des choses serait que le Gouvernement se limite à une réponse technique sur le II de l’article, point précis sur lequel portait mon intervention, madame la garde des sceaux. Lors de la discussion sur l’article, nous n’avons en effet obtenu de réponse ni sur les points techniques que nous avons soulevés ni sur les points politiques relatifs à la cohérence et à la cohésion du Gouvernement.

    M. Philippe Gosselin. Expliquez-nous la « Valls hésitation » !

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour un rappel au règlement.

    Mme Sylvie Tolmont. La mère Noël !

    Mme Catherine Vautrin. La mère Noël s’appelle Catherine Vautrin, pour information !

    M. Philippe Gosselin. C’est incroyable d’entendre des choses pareilles !

    Mme Catherine Vautrin. C’est, une fois encore, totalement irrespectueux et indigne de nos débats.

    Je voudrais également revenir sur le déroulement de nos séances. Madame la garde des sceaux, Mme Ameline vous a interrogée il y a quelques instants et vous avez bien voulu lui répondre. Elle a évoqué dans son propos non seulement la CCNE, mais aussi la CNCDH. J’ai sous les yeux l’avis de cette instance sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, rendu lors de l’assemblée plénière du 24 janvier 2013 : « la CNCDH ne peut que regretter que le Gouvernement ne l’ait pas saisie, car il entre naturellement dans ses missions de rendre un avis sur un sujet de cette nature. La CNCDH s’est de ce fait autosaisie. »

    M. Philippe Gosselin. Et voilà ! « Autosaisie » !

    Mme Catherine Vautrin. Voilà ce que la mère Noël voulait vous dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. La CNCDH s’est autosaisie !

    Mme Claude Greff. C’est un mensonge de plus !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pouvez toujours continuer à nous faire des procès. Je reconnais toutefois, madame Vautrin, que vous avez parfaitement raison sur ce point.

    Mme Catherine Vautrin. Merci !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il se trouve que j’ai eu Mme Lazerges, la présidente de la CNCDH, au téléphone, à propos d’un autre texte. À cette occasion, je l’ai informée que j’allais l’interroger sur le projet relatif au mariage pour tous. Elle m’a alors indiqué que la CNCDH s’était autosaisie.

    M. Philippe Gosselin. C’était le 24 janvier, soit cinq jours avant l’ouverture de nos débats sur le texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non. La date du 24 janvier 2013 correspond à la remise de l’avis, madame Vautrin. Mais nous pourrons faire un feuilleton à ce sujet ; nous pouvons d’ailleurs le faire sur tout ! Et peut-être auriez-vous pu entre-temps informer Mme Ameline…

    Monsieur Mariton, vous m’avez interrogée sur le texte original,…

    M. Philippe Gosselin. Original, c’est bien le terme qui convient pour ce texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …celui du Gouvernement, qui contenait dans le II de l’article 1er la précision : « sous réserve des engagements internationaux de la France ». Je vous rappelle simplement que cette périphrase a été supprimée sur l’initiative de la commission – à tort ou à raison, il ne m’appartient pas d’en juger. Ces derniers jours, ces dernières semaines, il nous est arrivé de rappeler la hiérarchie des normes ; qu’on la mentionne ou non, celle-ci implique que les accords internationaux contractés par la France s’imposent en droit interne.

    M. Philippe Gosselin. Eh oui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, faire figurer cette disposition – comme le souhaitait le Gouvernement – ou la supprimer – comme la commission a choisi de le faire – ne change rien à l’application de cette règle.

    M. Philippe Gosselin. C’est la raison pour laquelle ce texte n’est pas conforme à la Constitution !

    M. Hervé Mariton. Et qu’en est-il des effets ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quels en seront les effets dans la réalité ? Vous estimez que cela pourrait provoquer de l’asile conjugal, ce qui est très surprenant, mais qui reste une hypothèse…

    M. Christian Jacob. Plausible !

    Mme Catherine Vautrin et M. Mariton. Ça existe ! C’est possible !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous pouvons aussi écrire des scripts de film tous les jours ! C’est d’ailleurs ce qui se fait depuis quelques jours ; nous en avons eu, des scripts de fiction !

    M. Guénhaël Huet. De films d’horreur ! Et qui pourraient bien être primés !

    M. Philippe Gosselin. Nous avons posé une question !

    M. le Président. Monsieur Gosselin, si vous interrompez le Gouvernement toutes les minutes, il ne pourra pas répondre. Cela suffit maintenant ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous incitez le Gouvernement à vous donner des réponses très courtes…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est parce qu’il y a une vraie question que je m’obstine à essayer d’y répondre, malgré le brouhaha permanent.

    Le premier alinéa de cet article rappelle les dispositions d’ordre général concernant l’application de la loi personnelle. Le deuxième alinéa vient indiquer que, même lorsque la loi personnelle d’un des conjoints ne prévoit pas la possibilité d’un mariage entre personnes de même sexe, ce mariage peut avoir lieu en France, compte tenu du fait que la loi française ouvre dorénavant la possibilité de mariage, à l’exception, évidemment, des conventions internationales ou des traités – il en existe treize exactement – qui précisent le contraire.

    On peut bien sûr imaginer que, soudainement, vont affluer dans toutes les mairies du territoire français des couples qui se seront rencontrés par on ne sait quel mystère et qui voudront convoler.

    Mme Claude Greff. Les mariages gris, cela existe et vous le savez !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le fait est que les personnes dont la loi personnelle ne prévoit pas le mariage pour les couples de même sexe, pourront se marier avec une personne du même sexe en France s’il n’y a pas d’objection dans un accord international, souvent bilatéral.

    M. Hervé Mariton. Et si cette personne est déjà liée, en Italie par exemple, par un contrat de type PACS ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En plus de l’exil conjugal, vous craignez donc la polygamie ?

    M. Hervé Mariton. Je m’interroge sur les personnes qui sont liées à l’étranger par un contrat civil emportant des effets.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous parlez d’un couple qui serait déjà marié en Italie, c’est cela ?

    Mme Claude Greff. Vous voyez, ce n’est pas clair !

    M. le président. Nous y reviendrons, madame la garde des sceaux. Cent vingt-neuf députés sont inscrits pour défendre leur amendement de suppression, cela vous permettra d’entendre à nouveau leurs arguments. Le Gouvernement pourra répondre à la fin de cette série d’amendements.

    M. Jean-Marc Germain. Vous n’êtes pas seul, monsieur Mariton !

    Article 1er (suite)

    M. le Président. La parole est à M. Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 56.

    M. Marc Le Fur. Je ne veux pas intervenir sur l’organisation des débats, mais une question a été posée et chacun constate que la ministre n’y répond pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Venons-en à la défense de l’amendement. Démonstration est faite : le vrai sujet, c’est la famille et l’enfant. Le fond du débat est de savoir si, dans ce texte, l’enfant est sujet de droit ou objet de droit. Si l’enfant est sujet de droit, c’est lui qui a droit à un père et à une mère. Seules les circonstances de la vie peuvent l’en priver, pas le législateur. Si l’enfant devient un objet de droit, alors toutes les dérives sont possibles. Sa conception peut faire l’objet de contrats – c’est exactement la situation avec la GPA –, ou d’un cahier des charges – c’est exactement ce qui se passe avec la PMA.

    Le Gouvernement reproche aux manifestants contre le mariage pour tous de s’opposer à un nouveau droit émancipateur. Il nous dit : « nous offrons un nouveau droit aux personnes homosexuelles ». Eh bien, ces manifestants revendiquent un droit : le droit, en particulier pour les enfants les plus fragiles – ceux qui sont confiés à l’adoption –, de disposer d’un père et d’une mère !

    M. Bernard Roman. Ils ne l’ont pas aujourd’hui !

    M. Marc Le Fur. Vous l’avez compris, je défendrai au cours de ce débat l’enfant sujet de droit face à ceux qui veulent en faire un objet de droit, au risque d’en faire une chose, de le réifier, comme disent de manière savante mais compréhensible les philosophes. Pour ces raisons, nous défendons et nous défendrons tous ces amendements de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n° 75.

    M. Sergio Coronado. Il est absent !

    M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 118 de M. Patrice Martin-Lalande.

    Quelques députés du groupe SRC. Absent !

    M. le président. Dans ce cas, nous en venons à l’amendement n° 133 de M. Marcel Bonnot.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Absent !

    M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 189 de M. Bernard Deflesselles. (« Absent ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 199. (« Absent ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

    M. le président. Il n’y a pas d’incident. Je poursuis.

    La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 215. (« Absent ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Nous en venons à l’amendement n° 216 de Mme Dominique Nachury. (« Absente ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n° 233. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

    La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 244. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

    La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 258. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Philippe Le Ray. Mes collègues étaient là il y a un instant. (Sourires.)

    Il n’y a rien de discriminant à faire évoluer le PACS pour donner de nouveaux droits à des couples de même sexe. En démontant l’institution du mariage, vous trompez les Françaises et les Français : c’est votre cheval de Troie pour ouvrir demain la porte à la PMA et à la GPA. Je regrette d’avoir à le répéter, mais c’est très important.

    Vous avancez masqués. La future loi sur la famille sera la deuxième étape dans les coups portés à des usages sociétaux. Après avoir coupé la France en deux, vous introduirez un second clivage dans votre propre camp. Vous ne pourrez résister aux pro-PMA et aux pro-GPA. Vos homologues espagnols, portugais et belges en ont témoigné lors de leur audition. Je vous demande de supprimer l’article premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

    M. le président. Non, monsieur Gosselin. Je ne laisserai plus utiliser le règlement à seule fin de détourner l’ordre du jour de notre séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 291.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, pour avoir échangé avec mon collègue Philippe Gosselin, je sais qu’il souhaite faire un vrai rappel au règlement concernant le déroulement de la séance. Il vous le dira lui-même lorsque vous lui aurez donné la parole.

    Inscrit pour la défense d’un amendement de suppression de l’article 1er, je voudrais revenir sur une question extrêmement importante, posée par M. Mariton, et à laquelle vous n’avez pas répondu, madame la garde des sceaux,…

    M. Philippe Gosselin. C’est précisément l’objet de mon rappel au règlement !

    M. Christian Jacob. …ce qui fausse l’ordonnancement naturel de nos débats. Avant d’arriver aux amendements de suppression, nous devons être tout à fait éclairés sur l’article 1er. Pourquoi tant de députés ont-ils demandé à s’exprimer sur cet article ? Pour permettre au Gouvernement de répondre.

    M. Jean-Marc Germain. Vous ne savez même plus de quelles questions il s’agit !

    M. Christian Jacob. C’est à la lumière des réponses fournies par le ministre que les amendements sont maintenus ou retirés. Or vous ne répondez pas, madame la garde des sceaux. Peut-être n’avez-vous pas la réponse ? Cela arrive ! J’ai eu l’honneur, comme d’autres, de siéger pendant cinq ans sur les bancs du Gouvernement et je sais que l’on ne connaît pas toujours immédiatement la réponse. Mais on demande alors une suspension de séance, qui permet au ministre de réunir les représentants de son administration et les membres de son cabinet pour trouver la réponse appropriée à la question légitime qui a été posée.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais quelle est la question ?

    M. Christian Jacob. C’est ainsi que les débats doivent s’ordonnancer. Je souhaiterais vraiment, dans le respect des travaux de notre assemblée, que nous puissions échanger normalement et que le Gouvernement réponde aux questions précises qui lui ont été posées.

    Cet amendement vise à supprimer cet article en raison des bouleversements éthiques et bioéthiques qu’il engendre. C’est la raison pour laquelle j’avais souhaité disposer de l’avis du Comité national d’éthique. Vous dites que ce n’est pas dans le texte et que cela n’a rien à voir, madame la garde des sceaux ; mais, dans le même temps, la porte-parole du Gouvernement annonce qu’il y aura un texte spécifique sur la PMA, qui est donc bien liée au sujet du mariage !

    Un amendement devait être porté par le groupe SRC. Mais M. Le Roux a été obligé, passez-moi l’expression, de rabattre son caquet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Premier ministre l’a sommé de retirer son amendement ; on a trouvé un bricolage en s’accordant sur le fait qu’on le présenterait dans le cadre d’un autre texte, dans un mois ou un mois et demi. Le sujet est donc bien lié.

    Le fait de pouvoir bénéficier de la PMA pour convenance personnelle est extrêmement grave. Cela remet en cause tout le fondement du droit de la filiation. Vous voyez bien que ces sujets sont liés. Nous avions besoin de l’éclairage du comité national d’éthique. Le consulter trois jours avant l’ouverture des débats, comme l’a fait le Président de la République, est une humiliation.

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3
    Faits personnels

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour fait personnel.

    M. Hervé Mariton. Il y a deux mises en cause, et je ne voudrais pas priver notre collègue Olivier Dussopt de la possibilité de répondre. Pour ce qui me concerne, j’ai été mis en cause pour des propos que j’aurais tenus lors des débats sur le PACS.

    Puis-je rappeler qu’en 1997, le suffrage universel, dans sa souveraineté et son injustice, m’avait privé d’être député ? (Sourires.)

    M. Bernard Roman. C’est pour cela que le projet est passé !

    M. Hervé Mariton. Cela est arrivé à beaucoup de personnes très honorables ici, chers collègues.

    Puis-je rappeler aussi que nos collègues ne peuvent déduire de notre position aujourd’hui ce qu’était notre position vis-à-vis du PACS ? Vous ne pouvez fonder une argumentation sur des comportements indignes que nous serions supposés avoir eus à l’occasion de débats sur le PACS. Vous ignorez ce qu’était notre position. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Marc Germain. Vous n’étiez pas député, mais vous siégiez au conseil général !

    M. Hervé Mariton. Acceptez aussi que l’intensité de nos expressions dépende de la fonction que l’on occupe. Je n’étais pas député et mon activité professionnelle faisait que je n’étais pas aussi engagé dans le débat public que je le suis aujourd’hui. Je serais bien curieux de vous voir trouver quelque expression publique que ce soit venant de moi à l’époque. Reconnaissons humblement que nous ne pouvons être engagés de la même façon sur tous les sujets et à tout moment. Je ne crois pas m’être exprimé alors d’une quelconque manière sur ce sujet. Peut-être ai-je eu tort et devrais-je me le reprocher ? Il se trouve que j’exerçais alors un mandat local et que j’avais un boulot. Sans doute ai-je eu le tort de ne pas m’être davantage investi et exprimé sur le PACS.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour fait personnel.

    M. Olivier Dussopt. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec vous, monsieur Mariton. Vous n’étiez pas député en 1998-1999 : vous étiez vice-président de la région Rhône-Alpes, présidée par Charles Millon. Je me rappelle de la séance du 6 avril 1998, lorsque M. Gollnisch vous a fait subir trois tours d’élection, au point que vous avez fini par dire, pour obtenir ses voix, que le Front National était un parti tout à fait acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à votre disposition le compte rendu de cette séance.

    S’agissant de la mise en cause dont j’ai fait l’objet, il faut rappeler le contexte. Un certain nombre de députés UMP, membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, avaient déposé des amendements sur le dépistage prénatal. Certains prévoyaient par exemple de délier le médecin de l’obligation d’information ; d’autres visaient à imposer aux femmes porteuses d’un embryon trisomique de rencontrer une famille élevant des enfants en situation de handicap. La ministre UMP de l’époque, Nora Berra, s’y était opposée fermement, déclarant qu’ils étaient de nature à influencer les femmes, à les priver de leur libre arbitre et à les dissuader de recourir à une IVG ou une interruption médicale de grossesse.

    À ce moment-là du débat, j’ai eu une phrase maladroite. Remarquant que 96 % de ces femmes ayant recours à une IMG, j’ai dit qu’à titre personnel, je m’interrogeais sur les 4 % restants. J’ai ajouté par la suite, en réponse à vos propos, qu’il ne fallait pas me faire dire ce que je n’avais pas dit, et notamment que ces enfants étaient en trop : l’article du Point que vous avez transmis à M. Roman, monsieur Mariton, et le compte rendu de la réunion en témoignent. J’ai eu aussi l’occasion de dire que je m’interrogeais sur les motivations personnelles et respectables qui pouvaient amener les familles à faire un tel choix.

    J’ai eu l’occasion de préciser par la suite, au cours des débats provoqués par cette polémique, que je trouvais cela extrêmement courageux et que j’avais fait part d’une interrogation, en aucun cas d’un jugement – cela figure au compte rendu de la commission sur le projet de loi de bioéthique du 25 janvier 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La citation que vous avez faite est juste, mais tronquée. Une chose ne figure pas au compte rendu, mais je fais confiance à mon collègue Philippe Gosselin, qui se souvient sans doute de cette séance, pour le confirmer. Il avait été le premier à intervenir après moi, en qualifiant mes propos d’eugénistes. J’ai ensuite repris la parole et, bien que cela ne figure pas au compte rendu, monsieur Gosselin, j’espère que vous aurez la sincérité de reconnaître, vous avez eu ces deux mots : « Dont acte. », Ces deux mots, que j’avais appréciés, j’espère que vous les répéterez aujourd’hui. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. J’étais effectivement intervenu immédiatement après notre collègue Olivier Dussopt, dont l’intervention avait été suivie d’un silence un peu gêné. Il n’a pas osé aller jusque-là, avons-nous pensé. Pour ma part, j’ai déclaré : « Je regrette que M. Dussopt ait tenu des propos à caractère eugéniste », et j’ai ajouté, partageant la gêne de mes collègues : « mais ils ont sans doute dépassé sa pensée. » J’espère en effet qu’ils ont dépassé sa pensée…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Il vient de le dire !

    M. Philippe Gosselin. Je ne polémique pas, je raconte ce qui s’est passé, puisque j’y étais. J’avais en effet ajouté à la suite des explications de notre collègue un « Dont acte » gêné, considérant que le débat, pour mois, était clos. J’estime en effet qu’il est clos…

    M. Henri Jibrayel. Bravo !

    M. Philippe Gosselin. ...quand bien même ses propos avaient créé une gêne terrible, qui marque encore les esprits aujourd’hui.

    M. le président. Merci pour votre témoignage, monsieur Gosselin. Les paroles de M. Dussopt ont été très claires, et chacun a pu se faire un avis ; l’incident est donc clos.

    4
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures cinq.)

  • Deuxième séance du vendredi 1er février 2013

    15 janvier 2018

    Présidence de M. Claude Bartolone

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    M. le président. Mes chers collègues, on vient de m’avertir que les membres du Gouvernement auront dix minutes de retard. Je vais donc suspendre la séance pour dix minutes.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, ce n’est pas à notre demande !

    M. le président. Effectivement, monsieur Mariton !

    Cette suspension permettra aux uns et aux autres de continuer à se préparer pour la séance de cet après-midi !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue, est reprise à quinze heures dix.)

    M. le président. La séance est reprise.

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (nos 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement de suppression n° 317 de l’article 1er.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je souhaite appeler l’attention sur l’article 50, alinéa 4, de notre règlement, qui précise que l’Assemblée se réunit l’après-midi de quinze heures à vingt heures.

    Il se trouve que nous n’avons pas pu débuter nos travaux parce que le Gouvernement n’était pas là. Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous a rejoints, et nous l’en remercions. Cependant – je ne sais si c’est de la négligence ou du mépris – le retard du Gouvernement perturbe nos travaux et cela devrait amener pour la suite de nos débats à un peu de modération dans les critiques que vous adressez à l’opposition lorsqu’il vous semble que nous n’accélérons pas les travaux autant que vous le souhaiteriez. Peut-être le Gouvernement pourrait-il commencer par être présent à l’heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 qui concerne le déroulement de la séance.

    Ce matin, je suis intervenu, suite à une lettre du Président de la République qui montre une différence de point de vue entre lui et plusieurs de ses ministres. Maintenant, ce sont les déclarations du président du Comité consultatif national d’éthique qui m’obligent à réagir puisqu’il dit très clairement que la PMA justifie une réflexion de fond de la société et qu’elle pourrait prendre la forme d’états généraux. Ce sujet est bien lié à notre texte puisque M. Bruno Le Roux avait annoncé publiquement qu’il souhaitait déposer un amendement sur la PMA et que le groupe SRC avait voté pour.

    M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

    M. Christian Jacob. Suite à la pression du Premier ministre, M. Le Roux a été obligé de faire marche arrière, tout en obtenant que ce sujet soit reporté d’un mois.

    Je souhaiterais avoir l’avis du Gouvernement et savoir comment vont s’organiser ces états généraux. Bref, je me demande si l’on ne devrait pas tout simplement suspendre nos travaux (Exclamations et Rires sur les bancs du groupe SRC)…

    M. Bernard Roman. La ficelle est grosse !

    M. Christian Jacob. …dans l’attente d’une clarification du Premier ministre.

    On ne peut pas avoir des ministres qui aient un avis contraire à celui du Président de la République, c’est-à-dire qui jettent le gant au visage du chef de l’État. C’est cela la réalité des choses.

    Quand des ministres ont un avis totalement différent du Président, de la République, ils doivent s’exprimer. De même, nous devons recueillir l’avis du président du Comité consultatif national d’éthique. J’attends que Mme la ministre nous réponde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, je vais donner la parole à chacun des représentants des groupes pour un rappel au règlement. Puis, après avoir entendu le Gouvernement, s’il souhaite s’exprimer,…

    M. Christian Jacob. Peut-être que la ministre peut répondre !

    M. le président. …nous en viendrons à l’examen des différents amendements.

    La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

    M. Noël Mamère. Je ne voudrais pas exprimer ici une sorte de sentiment de lassitude. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Déjà ?

    M. Noël Mamère. Mais à force de réclamer des suspensions de séance et le report de ce texte, on va finir par se demander où vous êtes. (« On est là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Depuis le début, on sait parfaitement de quel côté vous vous trouvez : vous êtes du côté de la peur, du côté de ceux qui défendent une société qui a peur de son ombre, qui a peur d’elle-même et qui surtout refuse un projet de loi qui a pour seul but de conquérir une nouvelle égalité des droits sans en prendre à personne d’autre.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Noël Mamère. Je peux m’exprimer ici en tant que représentant du groupe écologiste et répondre à M. Jacob, peut-être pas de la même manière que mes collègues puisque c’est nous qui avons présenté un amendement sur la PMA.

    On peut débattre de cette question dans l’hémicycle…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

    M. Philippe Gosselin. Nous y sommes prêts !

    M. Noël Mamère. …on peut en débattre autrement qu’en termes aussi simplistes que ceux que vous voulez nous faire adopter.

    La PMA est évidemment à la fois un sujet de société, un sujet philosophique, un sujet moral. Je comprends très bien, en tant qu’ancien membre de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques, que l’on puisse considérer que cette question est de l’ordre de l’éthique et qu’il faudrait sans doute réunir de nouveau la mission d’information, mais on peut aussi estimer, et c’est notre cas, qu’il s’agit d’un sujet de société et qu’à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur le mariage et l’adoption, on aborde effectivement la question de la famille.

    En fait, on est en train de confronter deux conceptions. La vôtre, c’est plutôt ce que les cuistres, les sociologues ou les pédants…

    M. Philippe Gosselin. Ça commence bien !

    M. Noël Mamère. …appellent une conception essentialiste de la société. Vous voudriez en revenir au papa et à la maman (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Philippe Gosselin. Le ridicule a un visage : M. Mamère !

    M. Noël Mamère. …c’est-à-dire à Adam et Ève et ne pas accepter que la famille a évolué depuis des décennies. Acceptez qu’il y ait des familles recomposées ! C’est normal que les écologistes présentent un amendement sur la PMA mais aussi sur ce que l’on appelle la coparentalité et la reconnaissance des beaux-parents.

    Ces sujets ne devraient pas, au xxie siècle, effrayer l’ensemble du personnel politique de droite et de gauche. On devrait pouvoir en discuter ici de manière apaisée et raisonnable puisque, comme je l’ai dit et comme nous allons le répéter pour que cela rentre dans vos têtes, nous sommes là pour construire l’État de droit et rien d’autre que cela. Et construire l’État de droit, cela se fait sur des arguments raisonnables !

    M. Christian Jacob. Ce sont les socialistes qui sont gênés par le débat, pas nous !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Un élément permettrait peut-être d’avancer dans la clarification de nos débats : ce serait que la ministre nous dise si le texte sur lequel on travaille en ce moment serait un préalable nécessaire à un texte sur la famille. S’il se révèle un préalable nécessaire, il n’est pas illogique qu’on lie le sujet de la PMA au sujet qu’on évoque aujourd’hui.

    M. Christian Jacob. Tout à fait !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Monsieur le président, nous avons bien commencé nos débats. Je comprends qu’on essaie de les polluer (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) en sollicitant telle ou telle audition. Moi, ce que je remarque, c’est qu’il y a quelques grandes voix qui pourraient s’exprimer. Je n’ai pas entendu M. Borloo, je voudrais bien connaître son avis, ce serait très intéressant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Puisque vous voulez absolument entendre telle ou telle personne, qu’on passe à l’audition de Mme Morano, ce serait très intéressant. Elle va nous expliquer ce qu’elle pense à ce sujet.

    Monsieur le président, actuellement les débats sont clairs. Je vous demande qu’on en vienne à l’article 1er et qu’on continue les prises de parole à ce sujet.

    M. le président. Nous allons revenir aux amendements. Auparavant, deux représentants de groupe souhaitent encore faire un rappel au règlement.

    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Merci, monsieur le président.

    Nous examinons un sujet très important puisqu’il va nous faire franchir une étape dans la vision que nous avons de la société, des rapports entre les êtres humains, de la place de chacun par rapport au droit. Je demande simplement à nos collègues d’arrêter de faire des demandes de suspension de séance, des rappels au règlement, et de débattre, même frontalement, sur des sujets qui sont extrêmement importants. Oui ou non, doit-on ouvrir le mariage aux couples homosexuels ? Oui ou non, ces hommes, ces femmes ont-ils le droit de fonder une famille et donc d’adopter ? Oui ou non, et que je proposerai un amendement à ce sujet, le droit à la PMA ouvert aux couples hétérosexuels peut-il être ouvert aux couples de femmes homosexuelles ?

    M. Philippe Gosselin. C’est donc bien le sujet !

    M. Christian Jacob. Vous voyez, nous pouvons être d’accord !

    Mme Marie-George Buffet. Débattons, mais ne faisons pas de préalables, allons-y, entrons dans l’article 1er et quand viendra l’amendement sur la PMA, nous discuterons de la PMA ! Mais n’inversez pas les sujets. Quant à la GPA, arrêtez de la brandir : la GPA est interdite dans notre pays et nous sommes contre la GPA. Arrêtez donc de brandir cette peur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Joëlle Huillier. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, je souhaiterais qu’on puisse passer au vrai débat et qu’on cesse d’entretenir la confusion. Je le dis à M. Jacob qui fait référence au groupe socialiste : il est vrai que nous avons l’habitude de nous réunir deux fois par semaine et de voter, et je vous propose un poste d’observateur pour venir voir comment la démocratie fonctionne au sein de notre groupe. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- « Chiche ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Vous y verrez se dérouler un débat très politique dans lequel vous ne pourriez pas reproduire ces multiples suspensions de séance qui vous permettent de faire durer ici.

    Le deuxième élément, c’est que ces suspensions de séance que vous provoquez à répétition sont permises par le fait que nous n’avons pas demandé l’application du règlement que vous aviez fait voter sous la précédente législature et que vous nous avez imposé trente-deux fois – trente-deux fois ! – sur trente-deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Car, dans ce règlement de l’Assemblée que vous avez fait voter pour empêcher l’opposition de discuter, toutes les suspensions de séance sont décomptées du temps de parole et vous n’en auriez pas fait tant si nous avions décidé d’appliquer le règlement que vous avez fait voter pour permettre de limiter le débat dans l’hémicycle.

    Enfin, s’agissant de la PMA, il y a quelques semaines, quand j’ai fait voter un amendement du groupe pour ouvrir ce débat, l’opposition disait – j’ai les déclarations : « Vous voulez introduire la PMA, mais cela n’a rien à voir avec ce texte ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Aujourd’hui vous nous dites que cela a tout à voir.

    Je vous demande donc de la cohérence. Prenons les sujets comme ils arrivent. Dites-nous d’abord si vous êtes pour ou contre le mariage pour tous, de façon claire. (Même mouvement.) Ensuite, dites-nous si vous êtes pour ou contre l’adoption, c’est ce dont il est question dans ces textes. Enfin, viendra le débat qui nous est demandé par le président du Comité consultatif national d’éthique sur la question de la PMA. Je vous rassure, au moment où il arrivera nous serons en situation de l’assumer clairement, sans confusion, en ayant pris les choses les unes après les autres et en ayant débattu dans l’hémicycle des sujets qui nous intéressent, et non pas en essayant d’aller tout le temps sur un autre sujet pour essayer de refuser l’obstacle comme vous le faites depuis maintenant plusieurs heures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Messieurs les députés, je voudrais juste poser une question : y a-t-il une obligation juridique ou logique de voter une loi avant une autre loi ou réciproquement ? La réponse est non.

    M. Philippe Gosselin. Il n’est pas interdit d’être cohérent !

    M. le président. Monsieur Gosselin, vous ne cessez de réclamer des réponses du Gouvernement, laissez parler le Gouvernement.

    M. Daniel Fasquelle. Expliquez le projet dans son ensemble !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Étant donné le grand respect que j’ai pour vous, je vais répéter ma question. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) J’ai aussi apporté une réponse à la question que je vous ai posée. Je la reformule : y a-t-il une obligation juridique ou logique de voter une loi avant une autre loi ou inversement ? Je réponds : non.

    M. Christian Jacob. C’est une question de cohérence !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Aujourd’hui nous débattons d’un projet de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, stricto sensu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. On ne peut être plus clair.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n° 317.

    M. Jean-François Lamour. Madame la ministre, j’aimerais poursuivre l’exposé que j’avais débuté il y a quelques heures en parlant sur l’article 1er et me concentrer sur les principes de l’adoption. Je pense avec beaucoup de conviction que l’altérité est nécessaire. Vous vous demandiez si un enfant pouvait être aussi heureux avec un couple homosexuel qu’avec un couple hétérosexuel ; moi je pense surtout que nous sommes là pour savoir ce qu’il y a de plus souhaitable pour un enfant et je suis intimement convaincu – intimement convaincu ! – qu’il faut l’altérité, c’est-à-dire une adoption par un homme et par une femme.

    Malheureusement madame la ministre – mesdames les ministres dois-je dire, puisque Mme Taubira vient de nous rejoindre – j’ai une grande inquiétude et je crois que le trouble aujourd’hui est profond et s’est installé dans nos débats, au travers d’un certain nombre d’informations et de déclarations concernant la PMA et la GPA.

    M. Bernard Roman. On peut arler du texte ?

    M. Jean-François Lamour. Vous ne pouvez pas vous dérober aujourd’hui à cette discussion, parce que c’est la conséquence naturelle de ce débat sur le mariage et sur l’adoption. Beaucoup d’informations sont arrivées, d’ailleurs, depuis que j’ai pris la parole tout à l’heure. Comme par hasard paraît une tribune signée par trois ministres de ce gouvernement. Votre circulaire, madame la ministre, le courrier envoyé au président Christian Jacob par le Président de la République – qui fait penser à ce qu’il avait dit aux maires sur la liberté de conscience pour revenir dessus le lendemain – nous inquiètent profondément.

    Madame la ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de répondre comme vous l’avez fait. Il faut savoir ce que le Gouvernement veut faire et pour cela je demande, de façon très solennelle, que le Premier ministre vienne nous expliquer très clairement où il veut aller. Cela crée un trouble et, vous le savez très bien, les Français sont totalement opposés à la GPA et à la PMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 333.

    M. Hervé Mariton. Mesdames les ministres, première question : est-ce que vous assumez votre texte ? (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous portez devant l’opinion le « mariage pour tous ». Le titre est déjà différent. Le contenu est différent encore. Nous sommes sur un article qui concerne le mariage, qui est seul évoqué dans le titre du projet de loi. Pourquoi est-ce que dans le titre, pourquoi est-ce que devant l’opinion, vous n’avez pas porté la totalité du contenu ?

    Deuxième point, nous entendons de beaucoup de nos collègues qu’au fond, tout serait joué d’avance ; que dès lors que vous êtes majoritaires – j’ai entendu le président Urvoas dire cela –, il faut attendre le moment où l’opposition finira par comprendre que, comme elle est minoritaire, les choses nécessairement se feraient. Nous avons entendu cet argument il y a une trentaine d’années.

    M. Philippe Gosselin. Tout à fait !

    M. Hervé Mariton. Nous pensons que nos convictions sont justes et je ne désespère pas, nous ne désespérons pas, de convaincre un certain nombre d’entre vous, ici et au Sénat, de regarder ce qu’est l’enchaînement induit par ce texte et de faire qu’il n’y ait pas de majorité pour l’adopter.

    Question fondamentale : est-ce que le mariage, pour vous, est un objectif ou un instrument ?

    M. Sergio Coronado. C’est une liberté.

    M. Hervé Mariton. Ce que je crois, et vous le dites aussi, c’est que le mariage est pour vous un instrument pour aller vers les conséquences que nous craignons, sur la filiation, sur l’adoption, sur la PMA, sur la GPA. Vous êtes ordinairement si peu attachés à l’institution du mariage qu’on a peine à croire qu’aujourd’hui, en 2013, vous vouliez à ce point mettre en avant le mariage.

    M. Alexis Bachelay. On étend l’institution.

    M. Hervé Mariton. C’est cohérent. Nous n’avons pas la même vision de la famille. Nous avons, avec ma collègue Anne Grommerch, publié il y a quelques mois un excellent rapport pour la famille durable : je vous en conseille la lecture.

    Nous n’avons pas la même vision. Vous mettez sur le même plan l’ensemble des organisations. Nous disons qu’il faut connaître toutes les circonstances, aider ceux qui connaissent les circonstances les plus difficiles…

    M. le président. Merci. M. Gandolfi n’est pas là pour défendre l’amendement n° 335.La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 458.

    M. François de Mazières. Tout à l’heure, madame la garde des sceaux, vous nous avez répondu, sur l’altérité : « Vous avez une vision étriquée, finalement la grand-mère fera très bien l’office. »

    Nous ne sommes pas tout à fait convaincus – nous sommes même totalement convaincus du contraire – que les gens qui ont été adoptés ne soient pas à la recherche permanente de leurs vrais parents. Nous l’avons entendu des centaines de fois.

    Je voudrais revenir sur la démonstration qu’a essayé de nous faire M. Le Roux. Soyons clairs : si aujourd’hui il y a adoption par un couple homosexuel, puisque nous ne parlons pas de PMA, il va falloir demander aux commissions départementales d’adoption qu’elles choisissent des couples homosexuels qui prennent le devant dans la liste malheureusement très longue des couples qui désirent avoir des enfants. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Arnaud Leroy. Pourquoi ?

    Mme Marie-George Buffet. C’est faux !

    M. François de Mazières. Est-ce qu’une nouvelle circulaire fixera un quota minimum pour les couples homosexuels ? (Même mouvement.)

    Il faut être clair ! Non, vous ne le ferez pas, parce que vous ferez la PMA et la GPA. C’est logique ! Seulement, on aurait voulu que vous ayez le courage de le dire tout de suite. Je vous ai posé la question en commission des lois, je l’ai posée lors de la séance des questions, vous n’avez jamais répondu : oui ou non, est-ce que votre Gouvernement soutiendra la PMA lors de l’examen du projet de loi sur la famille dans trois mois ?

    M. le président. Les amendements 488, 512, 548, 552, 565, 581 et 585 ne sont pas défendus. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 593.

    M. Philippe Gosselin. Si cet article 1er nous occupe autant, c’est qu’il est la pierre angulaire de l’ensemble de l’édifice. Nous avons des textes différents, la ministre de la famille nous le faisait remarquer tout à l’heure ; deux textes, mais un projet, un seul projet global, avec une vente à la découpe, par appartement : mariage et adoption d’un côté, PMA de l’autre et, à la suite, ça viendra, à un moment ou un autre, si ce n’est pas avec ce Gouvernement ce sera avec un autre à un autre moment, la gestation pour autrui.

    Cela viendra forcément, puisque déjà cette circulaire – et je n’insisterai pas davantage – réintroduit le sujet et en droit positif, au-delà des querelles sémantiques et de la hiérarchie des normes.

    Et quand on nous dit, la main sur le cœur : « Il n’est pas question de revenir sur une interdiction qui a été acceptée quasiment unanimement au moment de la révision des lois de bioéthique », comme notre collègue Claeys, je m’étonne de voir qu’au Sénat, l’encre de la loi de bioéthique était à peine sèche que déjà, en catimini, on revenait sur la recherche sur l’embryon.

    Mme Brigitte Bourguignon. Revenez donc à l’article 1er !

    M. Philippe Gosselin. Un rapporteur a été nommé le 30, à l’Assemblée, vous le savez ; le texte sera de nouveau en discussion chez nous. Ce qui est dit aujourd’hui, malheureusement, n’a pas la valeur d’un texte gravé dans le marbre.

    Enfin, pour terminer, je voudrais répondre à l’interpellation que m’a adressée Mme la ministre ce matin. Oui, je maintiens qu’il y a une forme de marchandisation du corps, que je récuse, une forme d’ultralibéralisme de l’individualité qui conduit à du dumping éthique – eh oui ! –, qui introduit le tourisme de reproduction. Je pèse mes mots.

    M. Yann Galut. Vous êtes bien placé pour parler de l’ultralibéralisme !

    M. le président. Les amendements nos 647, 648, 661 et 721 ne sont pas défendus.

    M. Alexis Bachelay. Ce n’est pas très sérieux !

    M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour soutenir l’amendement n° 783.

    M. Rémi Delatte. Une fois n’est pas coutume, je vais citer le Président de la République : « L’Europe n’est pas seulement un espace économique. C’est aussi un espace de vie. Comme nous vivons dans le même espace, pourquoi dans des pays, on pourrait avoir "le mariage pour tous" et pas dans d’autres ? L’Europe c’est aussi une communauté de vie et avec des règles qui peuvent être communes ».

    Au Président de la République, je réponds déjà : quelle vision simpliste du projet européen ! Je dis aussi que si l’Europe est effectivement une communauté de vie, la France reste, a fortiori, une communauté de vie également, avec son histoire, avec sa sensibilité, avec sa culture. Il convient de rappeler au Président qu’il est le garant de la cohésion de la nation.

    Mes chers collègues, je vous invite, avec humilité, à intégrer dans vos réflexions et à assumer la spécificité de la France, celle que partagent en Europe la majeure partie des peuples, qui ont d’ores et déjà dit oui à l’alliance civile et non au mariage entre personnes de même sexe : l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la Hongrie, l’Irlande, le Luxembourg, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie. N’ayez pas peur ! N’ayons pas peur ! Surtout, soyons fiers de placer l’enfant, au travers de ses droits, au cœur de nos discussions, qui engageront définitivement notre société.

    Madame la garde des sceaux, sortez par le haut. Et ne cédez pas à la facilité, sous prétexte de modernité. Ne rejoignez pas les seuls six pays sur vingt-sept, en Europe, qui ont adopté le mariage.

    M. Alexis Bachelay. Ce n’est qu’un début !

    M. Rémi Delatte. Écoutez les Français ! Souffrez qu’ils ne vous suivent pas sur des sujets aussi sensibles, majeurs, qui touchent à l’intime. C’est pourquoi je défends la suppression de l’article 1er.

    M. Yann Galut. Nous les écoutons, les Français ! Et nous sommes en accord avec eux !

    M. le président. Les amendements nos 849, 859, 908 et 959 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 983.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Comment va le père Noël depuis ce matin ?

    M. Jean-Pierre Door. Le père Noël va bien. Il est en bonne santé.

    Mesdames et messieurs de la majorité, vous restez droit dans vos bottes. Vous n’écoutez que très peu les observations de votre opposition. Vous la reniez même. C’est dommage, parce que nous avons quand même pas mal d’interrogations, et pas de réponses.

    Vous avez reçu le communiqué de l’Académie nationale de médecine, publié il y a quarante-huit heures. Elle déclare attirer l’attention sur « les conséquences que les dispositions actuelles du projet de loi pourraient entraîner, en matière de santé publique, du fait de la disparition prévisible des repères établis de parentalité et de filiation. » C’est donc dans un cadre strictement médical que l’Académie nationale de médecine a proposé à ses experts de se prononcer prochainement sur l’adoption, sur la PMA et sur la GPA.

    De même, le Comité consultatif national d’éthique demande, par la voix de son président, M. Ameisen, qui l’a encore confirmé hier à la radio, des états généraux sur l’adoption et la PMA.

    Enfin, le Défenseur des droits, M. Baudis, émet lui aussi des réserves.

    M. Jérôme Guedj. Non !

    M. Jean-Pierre Door. Alors, je ne comprends pas. Le professeur Frydman, le père de la PMA, a également fait des propositions, en essayant de demander au Président de la République de lancer un plan national pour sauver la PMA dans le bon sens, et pas dans le mauvais sens. Autrement dit, il s’agit d’avoir des réflexions.

    M. Yann Galut. C’est quoi, « le mauvais sens » ?

    M. Jean-Pierre Door. Je suis pour la PMA médicale ! Et pas pour la PMA marchandisation. Ce sont deux choses différentes.

    Vous êtes en train de passer en force. Je demande, pour ma part, que toutes ces interrogations reçoivent une réponse.(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Les amendements nos 986, 991, 997 et 1016 ne sont pas défendus.

    La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1049.

    Mme Anne Grommerch. J’aimerais beaucoup que la majorité se préoccupe un peu plus de l’enfant que de considérations électoralistes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Arnaud Leroy. Vous n’avez pas le monopole de l’enfant ! Arrêtez !

    Mme Anne Grommerch. Parce que c’est bien de l’enfant qu’il est question. C’est de l’enfant que nous devons parler. C’est de lui que nous devons nous préoccuper.

    M. Arnaud Leroy. Ah oui ? Comme Civitas, qui met des enfants dans la rue à quatre heures du matin pour une veillée de prières ?

    M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît ! Nous allons passer tout le week-end ensemble. Ce n’est pas la peine de vous mettre dans cet état dès le début de l’après-midi.

    Mme Anne Grommerch. Nous sommes encore là pour quelques heures. Ça va être compliqué.

    Je voudrais rappeler ce qu’est être père et mère. Au-delà de l’éducation, de l’amour, c’est aussi un ancrage dans la filiation. Les parents sont à l’origine de l’enfant. Les parents sont les racines de l’enfant. Et seuls un homme et une femme peuvent les lui indiquer. Seuls un homme et une femme peuvent procréer.

    De plus, madame la ministre, vous nous avez expliqué ce matin qu’un grand-père, une grand-mère, un oncle ou une tante pouvaient remplacer un père ou une mère. Je vous dis non. Personne ne peut remplacer un père ou une mère. Être parent, c’est un état, avant d’être une fonction.

    M. Yann Galut. C’est honteux !

    Mme Marie-George Buffet. Alors il faut supprimer l’adoption !

    Mme Anne Grommerch. Au nom de l’enfant, je vous demande de privilégier le droit de l’enfant, et non pas le droit à l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1114.

    M. Paul Salen. Le mariage n’a pas à devenir le lieu d’un combat pour l’égalité des droits entre couples hétérosexuels et homosexuels. Toute notre jurisprudence le confirme : traiter différemment des situations objectivement différentes n’est pas un motif de discrimination.

    Dans notre pays, les couples de même sexe ne sont pas ignorés du droit : le PACS permet une égalité de droit avec les couples mariés en matière de fiscalité, d’exonération des droits de succession, d’abattement en cas de donation. Certes, des différences subsistent en matière de réversion, mais d’autres pistes que celle du mariage peuvent être envisagées pour remédier à cette différence de traitement.

    Les enfants élevés par des couples de même sexe ne sont pas non plus en situation d’insécurité juridique. Cet argument témoigne d’une méconnaissance de la loi. Parce que la loi a justement une vocation universelle, elle protège tous les enfants. Des possibilités en matière de tutelle, de partage ou de délégation de l’autorité parentale existent déjà.

    Si la loi est adoptée, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existerait un mariage « hétérosexuel », qui continuerait de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », où la filiation tiendrait du virtuel.

    M. Bernard Roman. Et les adoptés ?

    M. Paul Salen. De plus, comme le mariage ouvre juridiquement un droit à l’adoption pour le couple – vous dites justement qu’il doit donner tous les droits –, celui entre personnes de même sexe donnera, du même coup, tous les droits que donne le mariage hétérosexuel. Le texte, sans le dire, ouvre donc, pour l’avenir, un droit à la PMA pour les couples de femmes. En effet, la majorité et le Gouvernement ont confirmé pendant les débats en commission des lois leur volonté de faire adopter ce dispositif dans le cadre d’un projet de loi sur la famille qui doit être présenté au Parlement dès mars 2013.

    Voilà pourquoi cet article 1er doit être supprimé.

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1178.

    Mme Sophie Dion. Plus les débats avancent, plus les inquiétudes s’accroissent. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous avions des inquiétudes quant à la méthode, quant au climat politique et à la césure que ce texte entretient parmi les Français. Nous avions des inquiétudes juridiques – que nous avons souvent exprimées – quant à la notion d’égalité et quant au droit de l’enfant. Mais avons aussi des inquiétudes juridiques relatives au champ d’application de cet article 1er.

    Ce matin, nous avons interrogé Mme la garde des sceaux sur la question du conflit de lois, sur la question de savoir comment, à supposer que ce texte soit applicable dans le droit français, on allait tenir compte des situations extraterritoriales.

    M. Hervé Mariton. Et toujours pas de réponse !

    Mme Sophie Dion. C’est un point essentiel, qui fait appel à des principes de technique juridique relatifs à la loi applicable, au conflit de lois. C’est aussi une question d’ordre public. C’est une question centrale, à laquelle, malheureusement, nous n’avons eu aucune réponse.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La réponse est dans le texte !

    Mme Sophie Dion. À ce stade, l’examen de ce texte démontre votre méconnaissance juridique de toutes les institutions qui existent aujourd’hui. Je vous demande, madame la garde des sceaux, de bien vouloir nous répondre : comment allez-vous traiter les situations extraterritoriales ?

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1206.

    M. Daniel Gibbes. Le mariage ne doit pas être prétexte à une lutte pour l’égalité des droits entre couples hétérosexuels et couples homosexuels. Il est malvenu, et hors sujet, de faire de cette institution séculaire le symbole d’un combat contre les discriminations.

    Les couples de même sexe ne sont pas, comme on a pu l’entendre, les « grands oubliés » du droit français. Le prétendre, chers amis, relèverait de la malhonnêteté. Mon collègue Salen l’a dit tout à l’heure, qu’il s’agisse de fiscalité, d’exonération de droits de succession ou de protection sociale, le PACS a instauré une égalité de droits, sur de nombreux points, avec les couples mariés. Il convient certes, je l’avoue, de procéder à des ajustements sur d’autres points, mais dans le cadre d’une autre institution que celle du mariage, qui doit être mise à l’étude. C’est d’ailleurs ce que nous proposons avec la création d’une alliance civile.

    De plus, il est faux de prétendre que les enfants élevés par des couples homosexuels baignent dans un flou ou une insécurité juridiques. Il est également malhonnête de dire que notre droit ne protège pas les enfants élevés par des couples de même sexe. La France protège ses enfants, tous ses enfants, de manière universelle.

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est faux !

    M. Daniel Gibbes. Voilà pourquoi je vous demande de voter la suppression de cet article.

    M. le président. Les amendements nos 1224, 1227, 1315 et 1353 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1355.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est en raison du contenu de ce texte et de ses conséquences que j’ai déposé cet amendement de suppression, ce qui me permet aussi de répondre à un certain nombre d’interrogations qui ont été rappelées ce matin.

    Je considère, et nous considérons, si mes collègues me le permettent, que la lecture du principe d’égalité ne peut pas automatiquement conduire à ce que l’on accorde à tous les citoyens – qui sont tous pleinement citoyens – une égalité stricte de droits. À tout le moins, la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme prévoient que des situations différentes peuvent coexister dans une société par ailleurs gouvernée par le principe d’égalité, organisée dans le sens de l’égalité, même si le chemin est long, semé d’embûches, et peut être tortueux.

    En effet, l’organisation sociale repose sur l’organisation et la gestion de ces différences, en termes de droits sociaux, en termes d’accès à un certain nombre de permis, en termes de différences de tranches d’âge, en termes de droits de vote. Il y a, dans tous les secteurs de la vie sociale, des différences qui ne sont pas contraires au principe d’égalité. Par conséquent, le premier temps de mon raisonnement consiste à dire que ce texte ne peut pas être défendu au nom du principe d’égalité.

    Deuxièmement, et je réponds ainsi à M. Le Roux, qui nous demandait ce matin si nous parlions bien du texte, c’est quand même le rôle du législateur que d’interroger, dans un débat parlementaire, les conséquences du texte qu’il examine. Même si, et force est de le reconnaître, la procréation médicalement assistée et la gestion pour autrui ne figurent pas dans votre projet de loi, madame la garde des sceaux,…

    M. Jean-Pierre Dufau. Ah ! Quand même !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais je ne me souviens pas avoir dit le contraire ! Et mes collègues non plus.

    M. Jean-Pierre Dufau. D’autres l’ont dit !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’en sais rien. Pour l’instant, c’est moi qui vous parle, mon cher collègue.

    Cela étant, je me souviens d’avoir dit en commission, et d’avoir redit mardi, puis mercredi, que de notre point de vue, l’ouverture à la PMA et à la GPA sera la conséquence naturelle, normale, presque mécanique, de votre projet de loi,…

    M. Bernard Roman et M. Jean-Marc Germain. Non !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …parce que votre lecture du principe d’égalité, monsieur Roman – j’ai répondu tout à l’heure à votre question, j’espère que vous m’en donnerez acte –, vous y conduira nécessairement.

    C’est la raison pour laquelle, l’article 1er ouvrant cette porte, j’ai demandé sa suppression.

    M. le président. Les amendements nos 1407, 1458, 1497, 1506 et 1516 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1526.

    M. Olivier Marleix. Nous sommes nombreux à souscrire à votre objectif de faire tomber les dernières barrières qui peuvent être ou sembler discriminantes à l’égard des personnes homosexuelles, mais cela ne peut pas se faire à la va-vite et, pour prolonger l’intervention de Jean-Frédéric Poisson, votre texte va créer de nouvelles inégalités parmi les couples mariés.

    Comment, en effet, les lois de la République pourront-elles durablement distinguer la situation de personnes mariées, les unes pouvant avoir recours à la procréation médicalement assistée, les autres non ? Comment les lois de la République pourront-elles durablement refuser de rendre équivalente la situation des couples homosexuels selon qu’ils soient féminins ou masculins ?

    Aussi les étapes suivantes seront-elles immanquablement la PMA et la GPA. Votre texte est sommaire, tranche de manière bien rapide sur ces sujets.

    Mme Catherine Coutelle. Pas du tout !

    M. Olivier Marleix. Il aurait été préférable que les plus hautes autorités de l’État sollicitent un avis complet sur l’ensemble de ces questions auprès du Conseil constitutionnel pour nous éclairer et savoir quel type de droit vous entendez élaborer pour le pays.

    À ce stade, vous n’avez pas de réponses, si ce n’est de vagues intentions politiques, de surcroît changeantes – le groupe SRC nous l’a bien montré depuis plusieurs mois – alors que nous avons besoin d’une réponse globale qu’à ce jour ni le Président de la République ni le Gouvernement ne sont capables de donner.

    M. Alexis Bachelay. Ce n’est guère convainquant.

    M. le président. Les amendements nos 1684, 1686 et 1694 ne sont pas défendus.

    M. Yann Galut. Mais où est passé M. Copé ? Il ne défend pas son amendement !

    M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 1707.

    M. Camille de Rocca Serra. Nous souhaitons en effet que cet article soit supprimé car il touche au fondement même de notre société : la famille. Notre civilisation est fondée depuis des siècles sur le fait que c’est un homme et une femme qui permettent la procréation, donc les générations futures.

    Or vous touchez à deux principes. Le premier concerne le sentiment de l’amour qui peut en effet être partagé par des êtres qui ne sont pas dans l’altérité sexuelle, oui ; mais le sentiment ne permet pas de contester l’institution, le sentiment n’a pas vocation à être institutionnalisé.

    Ensuite, vous prétendez agir au nom de l’égalité. Vous serez dès très vite entraînés, au nom de ce principe, concernant les adoptions, vers la procréation médicalement assistée et vers la gestation pour autrui. Vous savez très bien que, du fait du principe d’égalité, on ne pourra pas différencier les couples homosexuels de femmes et les couples d’hommes. Vous êtes sur le point de provoquer une dénaturation complète de ce qu’est notre société. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sergio Coronado. C’est la fin du monde !

    M. Yann Galut. Caricatural !

    M. Camille de Rocca Serra. Nous pouvons ne pas être d’accord, mes chers collègues.

    Sur un plan politique, vous expliquez souvent qu’il s’agit de l’un des engagements de campagne de François Hollande. Vous pouvez en effet soutenir qu’avec un peu plus de 50 % des voix, les Français auraient peut-être validé, inconsciemment, puisque le débat n’a pas été au terme de ce que nous pouvons…

    M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

    La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1727.

    M. Guillaume Chevrollier. « Une famille, ce n’est pas seulement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes, c’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. » Ces phrases, au demeurant fort belles et justes, ne sont pas de moi mais de notre collègue Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, lors du débat sur le PACS le 3 novembre 1998. (« Eh oui ! », sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Après le « changement », en mai 2012, c’est le « reniement » de la gauche sur cette position de bon sens,…

    M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas la première fois qu’elle se renie !

    M. Guillaume Chevrollier. …au prétexte que la société a évolué. C’est de l’hypocrisie. Un enfant reste le fruit de l’union d’un homme et d’une femme, n’en déplaise aux auteurs de ce texte.

    Sous prétexte d’égalité des adultes entre eux, ne créons pas d’inégalité parmi les enfants, entre ceux qui pourront être élevés par leur père et par leur mère et ceux qui n’auront pas le droit de connaître leurs parents biologiques, avec tous les traumatismes que cela occasionnera.

    Ce texte crée en effet un droit à l’enfant au détriment du droit de l’enfant. Ce texte fait courir un risque majeur de marchandisation de l’enfant et, par extension, de la vie humaine. Je vous demande d’éviter ces dérives et de garder l’intérêt de l’enfant au centre de notre droit. Ne touchez pas à notre code civil, ne touchez pas à notre tradition familiale qui n’en finit pas d’être moderne.

    M. Yann Galut. Quel conservatisme !

    Mme Anne Grommerch. La tradition a du bon parfois !

    M. Guillaume Chevrollier. Chers collègues, par cet amendement de suppression, je m’oppose à ce projet et je défends le mariage tel qu’il existe depuis des générations afin, justement, de préserver la continuité de notre société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Yann Galut. Mais réveillez-vous !

    M. le président. Les amendements nos 1879 et 1911 ne sont pas défendus.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour un rappel au règlement.

    Mme Élisabeth Guigou. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 4, du règlement.

    Je suis fatiguée, messieurs de l’opposition,…

    M. Charles de La Verpillière. Alors allez vous coucher !

    Mme Élisabeth Guigou. …de vous entendre instrumentaliser des propos que j’ai tenus il y a quinze ans, les sortir de leur contexte, les travestir pour les besoins de la cause que vous voulez défendre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Valérie Pecresse. C’est une attaque personnelle, pas un rappel au règlement !

    Mme Élisabeth Guigou. Non seulement cela dure depuis des semaines, mais même un ancien premier ministre, dont j’aurais pu penser qu’il prenne un peu plus de hauteur dans le débat, s’est permis de faire la même chose l’autre soir. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Gosselin. Assumez donc vos propos !

    Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    Mme Élisabeth Guigou. Ancien premier ministre dont je crois qu’il a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Il est honteux de refaire aujourd’hui ce que vous avez fait au moment du PACS, c’est-à-dire, en permanence, de vouloir déplacer le débat, de travestir le texte, de ne pas vous prononcer sur le fond, de faire des procès d’intention,…

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas un rappel au règlement mais une attaque personnelle !

    Mme Élisabeth Guigou. …d’imaginer qu’il n’y a je ne sais quel agenda caché.

    On vous demande aujourd’hui de vous prononcer sur la question de savoir si, oui ou non, vous êtes pour le mariage pour tous, comme, il y a quinze ans, on vous demandait de vous prononcer sur le fait de savoir si vous étiez pour ou contre la reconnaissance des couples homosexuels et sur le fait de savoir s’il fallait leur conférer les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels.

    M. Philippe Gosselin. Assumez donc vos propos d’il y a quinze ans !

    Mme Élisabeth Guigou. À l’époque, vous avez employé les mêmes manœuvres d’obstruction pour, finalement, trois ans plus tard, approuver le PACS. Vous êtes, je le répète, en train de faire la même chose et, dans deux ou trois ans, vous nous direz que oui, finalement, il s’agissait d’une grande réforme de société. Alors, je vous en prie, laissez-nous débattre du fond du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. L’intervention de Mme Guigou se fondait sur l’article 58, alinéa 4, du règlement, concernant un fait personnel : il aurait dû être traité en fin de séance. Peu importe. Reste qu’il s’agit de savoir si Mme Guigou assume, oui ou non, les propos qu’elle a tenus. Ils figurent au Journal officiel…

    M. Yann Galut. Mme Guigou s’est déjà exprimée sur ce point à la tribune !

    M. Philippe Gosselin. Elle s’est peut-être déjà expliquée sur ses propos à la tribune mais, manifestement, elle a du mal à admettre qu’on les lui rappelle.

    Je vous signale enfin, madame Guigou, que les groupes de l’opposition ne comptent pas que des hommes : il y a aussi des femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Arnaud Leroy. Très peu !

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

    M. Noël Mamère. Il n’y a pas assez de femmes ni sur les bancs de l’opposition ni sur ceux de la majorité.

    Mme Anne Grommerch. Ça, c’est vrai !

    M. Noël Mamère. Je ne peux que soutenir les propos de notre collègue Élisabeth Guigou. Certains d’entre nous étaient déjà là, en 1999, lors de la discussion sur le PACS, et ont encore le souvenir très prégnant d’horreurs prononcées par quelques uns de vos prédécesseurs ; et peut-être, parmi vous, y en a-t-il encore qui ont oublié ce qu’ils ont déclaré.

    M. Gérald Darmanin. Quel donneur de leçons !

    M. Noël Mamère. À certains de nos collègues je souhaite demander si l’on se pose la question de l’altérité – qu’ils évoquent à chacune de leurs interventions – lorsque l’on autorise, ce qui est le cas dans notre pays, l’adoption par une seule personne. Eh bien, non.

    Dois-je vous rappeler, car j’ai l’impression que vous l’avez oublié, que l’homosexualité n’est plus criminalisée depuis François Mitterrand en 1981 ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Alexis Bachelay. Très juste !

    M. Noël Mamère. En outre, l’homosexualité ne figure plus dans le classement international des maladies mentales depuis 1982. Ce n’est pas si loin ! Or on a le sentiment, en écoutant vos arguments, depuis le début de la discussion, que vous en êtes restés à une période antérieure à 1981. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Je n’ai pas à me faire ici l’avocat de Mme Guigou mais je tiens à rappeler que j’étais l’un des cinq signataires du texte sur le PACS. Mme Guigou, alors ministre de la justice, garde des sceaux, était chargée de défendre cette proposition. Je tiens à lui rendre hommage sur la manière dont elle l’a fait, avec Mme Catherine Tasca, alors présidente de la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste, et GDR.)

    On fait à Mme Guigou un faux procès. Elle a défendu le PACS sous les quolibets. Moi-même, mes chers collègues, j’ai été traité de zoophile parce que je soutenais le PACS. Voilà très exactement jusqu’où vous étiez tombés. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour un rappel au règlement.

    Mme Marie-George Buffet. Je m’étonne de la méthode employée par nos collègues de l’opposition qui ressortent des textes qui ont quinze ans, comme si on ne pouvait pas faire appel à l’intelligence. Pour ma part, je n’ai pas toujours eu les mêmes positions…

    M. Gérald Darmanin. Ça, c’est sûr !

    Mme Marie-George Buffet. …sur des questions sociétales.

    M. Philippe Gosselin. Au moins, vous, avez-vous l’honnêteté de le reconnaître !

    Mme Marie-George Buffet. J’ai évolué en écoutant des représentants d’associations, des hommes et des femmes concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Alors, selon vous, on ne peut pas évoluer ! Vous ressortez des phrases de quinze ans, mais nous évoluons tous quand nous écoutons,…

    M. Gérald Darmanin. Sur le communisme, vous avez en effet beaucoup évolué !

    Mme Marie-George Buffet. …mais vous, vous n’écoutez pas et vous répétez depuis des heures et des heures la même chose. Essayez donc de progresser. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. Mes chers collègues, j’ai donné la parole à un orateur par groupe pour des rappels au règlement dont l’interprétation pourrait être contestée, mais cela permet d’ajouter du liant dans le déroulement de la séance. Je vous propose maintenant d’en revenir à la discussion du texte proprement dite.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1943.

    M. Jacques Lamblin. Je suis désolé, mes chers collègues de la majorité, de m’immiscer dans vos congratulations chaleureuses. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) J’ai entendu parler, tout à l’heure, nous concernant, de peur. Permettez-moi de préciser que ce n’est pas la peur qui nous anime, mais bien davantage la réflexion sur les conséquences que peut entraîner ce texte à long terme.

    Je vous parlerai, pour ma part, d’autre chose : de ruse. La ruse est dans votre camp et je vais vous le montrer. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Madame Guigou, vous venez de parler de manœuvre ; ne pensez-vous pas que soumettre à notre examen ce texte « à la découpe » – aujourd’hui le mariage, dans quelques semaines la PMA... –, n’est pas une manœuvre ?

    M. Yann Galut. Vous fuyez le débat !

    M. Jacques Lamblin. Vous savez bien que la pierre d’achoppement de ce texte, ce sont les problèmes liés à la filiation et à la conception. Vous vendez aujourd’hui aux Français le mariage et, dans quelques semaines, vous essaierez de vendre la conception. (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) C’est une ruse et nous ne pouvons pas accepter cette façon de procéder.

    Il s’agit même d’une double ruse. Dans l’intitulé du texte, on l’a souligné, il est question du mariage et jamais de l’adoption – et vous savez bien que les Français sont contre cette dernière. Procéder ainsi, par ruse, compte tenu de l’importance éthique de ce texte, ce n’est pas digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Les amendements nos 1998 et 2030 ne sont pas soutenus.

    La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2031.

    M. Pierre Lequiller. J’ai exprimé tout à l’heure mon opposition sur le fond à l’article 1er ; j’entends maintenant m’opposer sur la forme, la méthode. Il aurait été sain que ce sujet très grave, que vous appelez vous-même, madame la garde des sceaux, un changement de civilisation, soit étudié d’emblée dans sa globalité. Vous avez tout fait à l’envers. Il aurait fallu commencer par recueillir l’avis du comité consultatif national d’éthique.

    M. Christian Jacob. Bien sûr !

    M. Pierre Lequiller. Il aurait fallu que la globalité des questions – mariage, adoption, PMA et même GPA – soient posées dans le cadre de la même problématique puisque, visiblement, elles sont liées. Il aurait fallu ensuite organiser des états généraux dans toute la France, comme cela a été fait sur toutes les questions sociétales. Il aurait fallu enfin rechercher un point de consensus qui permette de concilier le progrès indispensable de la situation des couples homosexuels et l’intérêt supérieur de l’enfant.

    L’enfant est l’être le plus fragile et le législateur a la responsabilité majeure…

    Mme Anne Grommerch. De le protéger !

    M. Pierre Lequiller. …de le défendre. Au lieu de cela, vous avez fait tout le contraire. Après moult hésitations, vous avez repoussé le débat sur la PMA alors qu’il est étroitement lié à la présente discussion. D’où le désordre de vos positions ! M. Rebsamen prend hier position contre la PMA,…

    M. Christian Jacob. Eh oui !

    M. Pierre Lequiller. …tout en demandant que l’on prenne le temps, qu’on écoute le comité consultatif, qu’on organise des états généraux.

    Des ministres prennent position pour la GPA et vous publiez, en plein débat, une circulaire relative à celle-ci : ce n’est pas nous, c’est vous qui créez la cacophonie dans ce débat ! Vous avez réveillé un affrontement au sein du peuple, vous l’avez divisé ! Soyez plutôt un gouvernement qui rassemble et qui écoute, et prenez en compte notre proposition d’alliance civile.

    Madame la ministre de la famille, vous nous avez dit avant-hier que la meilleure justification de la justesse de votre position, c’était votre victoire aux élections. Cela me rappelle une phrase tristement célèbre d’André Laignel : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. L’amendement n° 2130 n’est pas défendu.

    La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 2135.

    M. Thierry Mariani. J’avais participé aux débats sur le PACS…

    M. Sergio Coronado et M. Yann Galut On s’en souvient !

    M. Thierry Mariani. ...moi aussi, je me souviens parfaitement de ce que j’ai entendu à l’époque, à savoir que le PACS était un texte définitif.

    Monsieur le président, madame la ministre, par cet amendement, je vous demande de revenir en arrière, car vous savez très bien qu’avec ce texte, nous mettons le doigt dans l’engrenage qui nous conduira inéluctablement, comme l’a montré la circulaire, à la légalisation des mères porteuses. Ce texte est inadmissible car il ne respecte pas les êtres humains.

    Madame la ministre, je voudrais profiter du peu de temps qui m’est imparti pour vous dire combien j’ai été surpris de la mobilisation citoyenne des Français autour de ce texte, non seulement en France, mais aussi à l’étranger. J’ai ainsi été informé qu’aura lieu dimanche prochain, une réunion à laquelle je vous invite au bistrot « Canaille » de Moscou… (Sourires)

    M. Yann Galut. Il porte bien son nom !

    M. Thierry Mariani. C’est le nom du bistrot, il n’y a aucun sous-entendu…

    M. Matthias Fekl. C’est un mauvais exemple !

    M. Yann Galut. Est-ce qu’il y aura Gérard Depardieu ?

    M. le président. S’il vous plaît ! On écoute l’orateur : monsieur Mariani, poursuivez vos propositions honnêtes.

    M. Thierry Mariani. Monsieur le président, comme d’aucuns mettent en doute l’existence de ce bistrot, je leur donne rendez-vous au bistrot « Canaille » rue Bolshaya Bronnaya, à Moscou. Ce genre d’événement a déjà eu lieu dans ma circonscription, à Pékin, par exemple. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il y a vingt ans, pour vous, Moscou, c’était La Mecque, et maintenant, c’est l’enfer ! Il faudrait savoir ! (Même mouvement)

    Plusieurs députés du groupe écologiste. Non !

    M. Thierry Mariani. Ce n’était pas La Mecque de M. Coronado, pardon.

    Mme Brigitte Bourguignon. C’est lamentable !

    M. Thierry Mariani. Moi, je me souviens de vos anciens !

    Je voulais seulement, en relayant cet appel des Français de Moscou…

    M. le président. Merci. Les amendements nos 2239 et 2328 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 2332.

    M. Charles de La Verpillière. Depuis le début de ce débat, nos collègues de gauche n’ont qu’un seul argument à la bouche : le projet ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels figurait dans le programme de campagne du candidat François Hollande.

    M. Bernard Roman. Nous en avons quelques autres !

    M. Arnaud Leroy. Ça vous change des promesses non respectées !

    M. Charles de La Verpillière. Voilà ce qu’ils nous disent, voilà ce qu’ils répètent à longueur de temps ! Cette référence, c’est vrai qu’elle est utile : elle vous sert à justifier votre refus d’organiser un référendum, afin de laisser au peuple de France le soin de décider, sur ce sujet très important.

    Mais l’insistance avec laquelle vous ne cessez de rappeler cette promesse électorale montre bien, en réalité, l’essence même de votre projet : c’est un marqueur idéologique, c’est un symbole…

    Mme Joëlle Huillier. Eh bien oui !

    M. Charles de La Verpillière. …c’est un gage donné aux plus extrémistes de vos partisans (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.), aux ayatollahs du politiquement correct. En réalité, vous ne vous souciez absolument pas de l’intérêt des hommes, des femmes et des enfants qui sont concernés.

    Mme Joëlle Huillier. On voit que vous n’êtes pas venu aux auditions ! C’est honteux !

    M. Charles de La Verpillière. D’abord, si vous vous sentiez vraiment concernés par le désir qu’éprouvent les couples homosexuels de consolider leur engagement, vous voteriez avec nous l’alliance civile que nous vous proposerons dans un instant, par nos amendements…

    M. Arnaud Leroy. Jamais !

    M. Charles de La Verpillière. …parce qu’elle permettrait de répondre à leur attente, sans qu’il soit besoin de toucher à l’institution du mariage républicain.

    Et puis, il faut surtout penser aux enfants.

    M. Arnaud Leroy. Arrêtez, enfin !

    M. Charles de La Verpillière. En autorisant les couples homosexuels à adopter, vous créez une terrible insécurité juridique, éducative et affective pour ces enfants : c’est pourquoi nous vous demandons de voter cet amendement de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Très bien !

    M. le président. Les amendements nos 2562, 2631, 2792, 2 930 et 2 952 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2989.

    M. Bernard Roman. Ça va encore être passionnant ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Gérald Darmanin. Monsieur Roman, vous devriez m’écouter, franchement ! Au conseil régional, vous étiez moins dissipé !

    On ne peut pas ne pas se poser de questions, madame la ministre, lorsqu’on entend s’exprimer certains responsables politiques du parti socialiste. Ainsi, quand M. Thierry Mandon, porte-parole du groupe socialiste, nous dit que la publication de votre circulaire est pour le moins difficile à comprendre dans le calendrier parlementaire… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Nous débattons de l’article 1er !

    M. Gérald Darmanin. …quand Mme Valérie Fourneyron, ministre de la jeunesse, et médecin, dit qu’elle est très réservée, pour ne pas dire hostile, à la PMA…

    Mme Catherine Coutelle. Est-ce que c’est dans le texte ?

    M. Gérald Darmanin. …quand Mme Sandrine Mazetier déclare ce matin dans une dépêche AFP qu’elle veut changer le nom des écoles maternelles, parce qu’elles rappellent trop le rôle de la mère…

    Mme Catherine Coutelle. Est-ce que c’est dans le texte ?

    M. Gérald Darmanin. …cela me donne, chère madame – si vous m’écoutez, vous comprendrez le fond de ma démonstration – la légitimité de vous poser un certain nombre de questions. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Ce n’est pas en criant que vous allez nous convaincre.

    Mme Guigou se plaignait d’entendre toujours les mêmes arguments : je crois que nos débats vous lui sembler très longs – et peut-être est-ce pour cela qu’elle a quitté l’hémicycle après son rappel au règlement –, car nous sommes sûrs de nos convictions.

    Mme Catherine Coutelle. Nous aussi !

    M. Gérald Darmanin. Vous refusez de donner la parole au peuple. Nous sommes là pour essayer de convaincre, au moins la majorité d’entre vous, que vous vous êtes engagés dans la mauvaise voie : après le mariage et l’adoption, ce sera la PMA et la GPA.

    M. Yann Galut. Arrêtez avec ça !

    M. Gérald Darmanin. Votez cet amendement de suppression, écoutez le peuple français, occupez-vous des affaires économiques de la France et arrêtez de vous occuper de l’intime !

    M. Yann Galut. Vous voulez qu’on s’occupe des affaires économiques et vous ralentissez nos débats !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3042.

    M. Patrick Hetzel. « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » : telle est l’énoncé de l’article 1er. Que vous le vouliez ou non, une telle rédaction consiste à mettre sur le même plan l’identique et le différent. En cela, vous êtes en train de nier l’altérité.

    À ce sujet, je vous invite à lire, ou à relire, le philosophe Paul Ricoeur. Dans son ouvrage Soi-même comme un autre, ce philosophe montre bien combien l’altérité est consubstantielle au développement de l’identité de tout être humain.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Je vous expliquerai le sens de ce texte !

    M. Patrick Hetzel. L’altérité est nécessaire et comporte inévitablement une dimension sexuée. Avec ce texte, vous voudriez nier l’évidence. L’alliance civile nous permettrait de répondre aux attentes légitimes des couples de même sexe, sans avoir à jouer aux apprentis sorciers. Votre rédaction est dangereuse : elle nie l’évidence et elle nie la véritable altérité.(Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour un rappel au règlement.

    Mme Marie-George Buffet. Je m’étonne d’entendre nos collègues de l’opposition parler au nom du peuple, comme si, de ce côté de l’hémicycle, on parlait au nom d’un programme.

    M. Alexis Bachelay. Très bien !

    Mme Marie-George Buffet. Vous ignorez donc que depuis des années, des hommes et des femmes, ainsi que des associations, se battent pour l’égalité des droits ! Ce n’est pas une nouveauté ! Ce n’est pas quelque chose qui est brutalement apparu avec la campagne présidentielle ! C’est un combat de longue haleine !

    Et cette loi, c’est une réponse au combat pour l’égalité que mènent ces hommes et ces femmes depuis des années !

    M. le président. Quel est, chère collègue, l’article du règlement dont il est question ?

    Mme Marie-George Buffet. Alors ne parlez pas au nom du peuple ! Le peuple ne vous appartient pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je n’ai pas entendu sur quel fondement s’appuyait notre collègue pour faire son rappel au règlement.

    M. Olivier Dussopt. C’est que vous n’avez pas bien écouté !

    M. Christian Jacob. Le mien se fonde sur l’article 58. Lors de la discussion sur l’article, puis de la présentation des amendements, beaucoup de questions ont été posées…

    M. Jean-Marc Germain. Lesquelles ?

    M. Christian Jacob. …auxquelles peu de réponses ont été apportées. Nos amendements posent de nombreuses questions et le Gouvernement nous apporte très peu, voire pas du tout, de réponses.

    Monsieur le président, je voudrais vous demander une suspension de séance (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) pour que le Gouvernement puisse se préparer à apporter un premier flot de réponses, après quoi nous pourrons reprendre nos travaux. En tout cas, je souhaite réunir mon groupe.

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

    M. Noël Mamère. Je veux apporter mon soutien aux propos qu’a tenus, il y a quelques instants, notre collègue Marie-Georges Buffet. C’est nous faire insulte que de prétendre que nous défendons un projet qui serait totalement déconnecté de la société. C’est oublier le silence et le mépris dans lequel ont été tenues, pendant des décennies, non seulement les associations défendant la cause des gays, des lesbiennes et des transsexuels, mais toutes celles qui se sont battues pour l’égalité des droits dans tous les secteurs de notre société. Nous ne faisons qu’acquitter la dette que nous avons contractée vis-à-vis de ces associations…

    Mme Anne Grommerch. La main sur le cœur !

    M. Noël Mamère. …et vis-à-vis des hommes et des femmes de la société civile qui se sont battus : ils ont le droit d’être considérés comme des citoyens à part entière !

    Si nous défendons cette loi, c’est parce que nous avons, nous aussi, la prétention d’être des représentants du peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous voulez que nous vous apportions des réponses, alors que vous refusez aujourd’hui de débattre sur le fond de cette question du mariage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. J’ai posé de nombreuses questions sur le sujet et je n’ai pas eu de réponses !

    M. Bruno Le Roux. Les arguments que vous ne cessez de répéter portent sur tout autre chose que le texte. C’est comme si vous recommenciez ce que vous avez fait il y a presque quinze ans : vous utilisez, dans cet hémicycle les mêmes arguments que vous aviez utilisés pour repousser le PACS, dont vous voyez pourtant bien aujourd’hui qu’il répondait à une évolution de la société et des pratiques. Vous êtes aujourd’hui dans le même état d’esprit : vous refusez de voir la société, telle qu’elle est

    Mme Catherine Vautrin. C’est faux ! C’est une caricature !

    M. Bruno Le Roux. …et vous nous laissez assumer notre choix – ce que nous faisons d’ailleurs très volontiers. Après dix ans de droite, oui, nous souhaitons légiférer le plus rapidement possible, afin de mettre notre droit civil en accord avec le fonctionnement de la société. Pour autant, ne refusez pas le débat !

    M. Gérald Darmanin. Occupez-vous du chômage ! Occupez-vous de la sécurité !

    M. Bruno Le Roux. Alors, je vous prends au mot, monsieur Jacob : puisque vous demandez au Gouvernement d’apporter des réponses, êtes-vous prêt à cesser de présenter, de manière répétitive, des amendements identiques de suppression et à engager un vrai débat avec la majorité ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Eh bien voilà ! Vous poursuivez votre travail d’obstruction ! C’est exactement la démonstration que je souhaitais faire !

    M. Philippe Gosselin. L’opposition vous dérange !

    M. le président. Mes chers collègues, la suspension demandée par le président Jacob est de droit.

    Je rappelle que cent trente amendements identiques de suppression ont été déposés sur cet article et que c’est au Gouvernement qu’il revient de décider à quel moment il souhaite répondre. Il paraît logique de laisser intervenir tous ceux qui ont déposé un amendement, avant d’écouter la réponse des ministres sur l’ensemble. Mais laissons M. Jacob réunir son groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3091.

    M. Sylvain Berrios. Le mariage est un engagement entre deux personnes qui s’aiment, et il ouvre des droits pour ceux qui veulent créer une famille, notamment ceux qui veulent avoir des enfants.

    Naturellement, pour ceux qui veulent adopter, cela ouvre le droit à l’adoption ; et pour ceux qui ont des problèmes médicaux, à la procréation médicalement assistée.

    M. Bernard Roman. Vous avez travaillé un minimum sur le sujet ?

    M. Sylvain Berrios. Prétendre qu’il n’y a aucun lien entre ce texte et la PMA est donc en soi un contresens. C’est tellement vrai que vous renvoyez à une loi sur la famille le principe du débat sur la PMA.

    Mais quelle serait la consistance de votre loi sur la famille sans le texte que nous sommes en train de voter ?

    La vérité, c’est que vous laissez tout le monde dans un grand flou, dans une forme d’hypocrisie. La vérité, c’est que là où il y a du flou, il y a un loup comme l’a dit quelqu’un de chez vous. Vous essayez d’endormir les Français, vous êtes en train de mentir aux Français. C’est pour cela que nous demandons la suppression de cet article 1er.

    M. le président. Les amendements nos 3096, 3130, 3131 et 3206 ne sont pas défendus. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 3236.

    M. Michel Herbillon. Cet amendement tend à supprimer l’article 1er qui ouvre le mariage aux couples de même sexe.

    C’est au nom du principe d’égalité que vous justifiez cette ouverture. Pour ma part, je préfère ainsi que de nombreux collègues la création d’une union civile qui est une solution plus équilibrée à mes yeux. Elle permet de répondre aux demandes de reconnaissance sociale et de sécurité juridique de la part des couples homosexuels. Ce serait une amélioration par rapport à la situation existante avec le PACS, notamment sur le plan juridique, fiscal et successoral.

    M. Olivier Faure. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

    M. Michel Herbillon. Car, à la différence du mariage, l’union civile n’induit pas la notion de filiation. Ne nous trompons pas : derrière ce principe d’égalité, que vous ne cessez de mettre en avant, c’est en réalité le droit à l’enfant que vous érigez. C’est au nom de ce principe d’égalité que vous justifiez l’adoption d’enfants par les couples homosexuels. Ce sera au nom de ce principe d’égalité que vous accorderez demain aux couples de femmes la PMA. Une fois ce pas franchi, qu’est-ce qui empêchera, encore et toujours au nom de l’égalité, que les couples d’hommes obtiennent le droit à la gestation pour autrui ?

    Mme la garde des sceaux a déjà fait un grand pas cette semaine vers la légalisation de la GPA avec sa circulaire. Derrière le mariage pour tous, il y a donc clairement dans votre texte le droit à l’enfant pour tous et par tous les moyens. De surcroît, vous n’osez pas le dire, vous ne voulez pas assumer ouvertement les conséquences de votre texte. C’est pourquoi je souhaite que nous ne rentrions pas dans cette fuite en avant qui serait dangereuse pour notre société. Dire cela ne relève d’aucune homophobie, n’en déplaise à certains.

    Je vous demande donc de soutenir cet amendement de suppression de l’article 1er.

    Je veux également signaler à mon excellent collègue Bruno Le Roux que nous ne voulons pas déranger, mais le droit d’amendement fait partie des prérogatives des députés.

    M. le président. L’amendement n° 3238 n’est pas défendu. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3244.

    M. Xavier Breton. Cet article 1er va supprimer l’altérité sexuelle comme condition nécessaire au mariage.

    J’ai posé tout à l’heure, lors de la discussion préalable à cet article 1er, la question de l’altérité sexuelle. La garde des sceaux m’a répondu avec deux arguments. Le premier était que l’altérité sexuelle existe dans le monde, et que pour la supprimer il faudrait une bombe nucléaire. Effectivement, d’un point de vue corporel, on se heurte à une réalité que l’on ne peut pas nier.

    La question n’est pas la réalité dans la vie, mais également dans notre droit. Mme Guigou a peut-être changé d’avis sur cette phrase-là, mais je reprends ses propos à mon compte : « pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il créé des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. » Effectivement, la question est de savoir si le droit doit abolir cette différence entre les sexes.

    Le deuxième argument de la garde des sceaux était qu’il existait des références masculines ou féminines ailleurs que chez le père ou la mère. Je voudrais à ce propos citer Mme Marinopoulos, psychanalyste et psychologue, que nous avons auditionnée.

    Mme Catherine Coutelle. Cela n’a rien à voir !

    M. Xavier Breton. Elle disait que l’argument selon lequel les enfants élevés par des couples de même sexe aurait de toute façon des figures identificatoires dans leur entourage sous la figure d’un oncle, d’un grand-père, ne tient pas. On risque de créer une confusion incroyable avec l’idée que la dimension de l’intime pourrait être remplacée par une identification sociale extérieure. Aller dire à un enfant qui a perdu son père qu’il y en a d’autres ailleurs ne remplace rien.

    Mme Elisabeth Pochon. Heureusement, si !

    M. Xavier Breton. Madame la ministre de la famille, j’aurai souhaité que vous me répondiez sur cette question de l’altérité sexuelle. Est-elle importante pour vous ? Un couple composé d’un homme et d’une femme est-il objectivement identique à un couple composé de deux hommes ou à un couple composé de deux femmes ? Je crois…

    M. le président. Merci. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n° 3290.

    Mme Bérengère Poletti. Les débats de société ont ceci de particulier, c’est qu’ils ne sont jamais aboutis. Une fois une réponse donnée, une autre question, parfois très grave, arrive obligatoirement. La plupart du temps, nous savons quelle question.

    Il est donc normal de se projeter. Il serait même irresponsable de ne pas le faire.

    Le mariage impose forcément l’accès à la parentalité. Si l’adoption n’avait pas été dans le texte, elle se serait imposée quoi qu’il en soit. Le mariage soulève la question de la parentalité. Et les débats qui vont succéder seront, nous le savons, la procréation médicalement assistée, déjà annoncée, et la gestation pour autrui.

    Et dans ce débat qui pose de vraies questions, entendre les propos tenus par notre collègue tout à l’heure sur les écoles maternelles, franchement, c’est n’importe quoi !

    M. Xavier Breton. . Et ce n’est que le début !

    Mme Bérengère Poletti. L’union civile répond aux légitimes questions des couples homosexuels. Mais le mariage porte en lui des questions graves. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l’amendement n° 3334.

    M. Bernard Gérard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous ne sommes pas ici parce qu’une convention internationale nous oblige à statuer sur le mariage homosexuel.

    Nous ne sommes pas ici parce que le droit européen nous obligerait à nous pencher sur cette question. Nous sommes ici parce que depuis des mois, vous nous rappelez de manière presque pavlovienne que le point n° 31 du programme de M. Hollande est votre loi d’airain et qu’il convient de régler la question du mariage homosexuel.

    Nous avions une solution de consensus et nous voulons ici porter la parole des enfants, qui sont les grands oubliés de ce texte. Les enfants ont droit à être entendus et politiquement défendus dans cet hémicycle.

    Mme Joëlle Huillier. Nous les avons entendus en commission, mais vous n’étiez pas là !

    M. Bernard Gérard. Nous craignons effectivement la décision qui risque d’être prise une fois le texte adopté. Nous pensons qu’il existe un risque très important que le législateur français ferait peser intentionnellement sur les enfants qui seraient adoptés – si tant est qu’ils puissent être adoptés – et demain engendrés par la procréation médicalement assistée ou par la gestation pour autrui, dont la voie a été ouverte par une circulaire que nous refusons d’admettre.

    Nous contestons donc l’article 1er : c’est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Les amendements nos 3344, 3346, 3458 et 3526 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3539.

    M. Yves Censi. Je suis très impatient de connaître les réponses de Mmes les ministres à toutes les questions que nous leur avons posées.

    Mme Elisabeth Pochon. Mais vous posez toujours les mêmes questions !

    M. Yves Censi. Oui, mais nous sommes obligés de les poser, puisque nos collègues de gauche ne vont pas au fond du débat !

    Les réponses que nous avons entendues ce matin sont, hélas, uniquement de trois ordres.

    D’abord, vous avez utilisé l’insulte. Les insultes que nous avons entendu proférer à notre encontre ce matin étaient très graves : nous avons été qualifiés d’homophobes, d’homosceptiques…

    Un député du groupe SRC. Personne n’a dit cela !

    M. Yves Censi. Nous avons entendu parler de triangle rose.

    M. Arnaud Leroy. Ce n’est pas une insulte, mais une référence historique !

    M. Yves Censi. Mme la garde des sceaux nous a demandé de sortir de notre igloo pour entrer dans le monde moderne, ce qui témoigne d’un mépris assez inacceptable. L’insulte n’est pas une réponse sur le fond !

    La deuxième catégorie de réponses que vous nous apportez consiste à vouloir faire évoluer les mentalités. Ce matin, j’ai entendu quelque chose de très grave : quelqu’un a dit qu’il fallait faire évoluer les mentalités dans le monde rural. Le mariage serait ainsi instrumentalisé pour faire évoluer les mentalités dans le monde rural dont les habitants seraient, bien sûr, arriérés et encore dans le XIXe siècle.

    M. Alexis Bachelay. C’est vrai !

    M. Yves Censi. Encore une fois, cet argument est inacceptable !

    Enfin, d’autres orateurs vont plus loin. Un mot nouveau a été prononcé tout à l’heure : quelqu’un a dit qu’il fallait « dégenrer » la société.

    M. Alexis Bachelay. C’est tellement vrai !

    M. Yves Censi. Certains vocables seraient trop « genrés » – « école maternelle » par exemple –, et le mariage homosexuel servirait à effacer ce qui est perçu comme un genre. Il s’agit une fois encore d’une instrumentalisation qui n’apporte aucune réponse de fond sur le sujet du mariage.

    Mes chers collègues, au-delà de ces réponses qui ne sont pas recevables, je veux vous dire qu’une bonne partie de nos concitoyens ont sacralisé le mariage. Contrairement à ce qu’affirme Mme la garde des sceaux, cette sacralisation n’est pas honteuse : c’est un choix qui se respecte. Nous nous faisons ici, tout simplement, les porte-parole de millions de Français…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

    M. Yves Censi. …qui sont très inquiets, parce qu’ils ne voient pas où vous voulez aller sur des questions qui touchent notamment à la parentalité, à la PMA et à la GPA, et auxquelles vous n’avez en réalité pas répondu – pas plus qu’au sujet du mariage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Les amendements nos 3580 et 3599 ne sont pas défendus.

    La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3648.

    Mme Arlette Grosskost. S’il est vrai que je ne m’opposerai jamais à ce que deux personnes de même sexe puissent vivre pleinement leur amour,…

    M. Pouria Amirshahi. Merci !

    Mme Arlette Grosskost. …qu’elles puissent avoir les droits patrimoniaux les plus élargis possible, et qu’elles puissent transmettre leurs biens sans lourdeur juridique supplémentaire,…

    M. Michel Issindou. Bobards !

    Mme Arlette Grosskost. …je n’entends pas pour autant cautionner de quelque manière que ce soit la révolution anthropologique qui s’annonce.

    L’altérité est un équilibre : c’est l’intérêt de l’enfant et le socle de notre société. Madame la ministre, quand bien même l’altérité ne serait pas en danger puisqu’elle a encore droit de cité, force est de constater que nous mettons le pied dans la porte d’une ère sans boussole.

    M. Olivier Faure. Et l’Espagne ? Et la Suède ? Et la Belgique ?

    Mme Arlette Grosskost. Cette nouvelle ère se réclame d’une liberté sans entrave. Mais votre définition de la liberté n’est pas partagée par tous, loin s’en faut. Bien au contraire, votre liberté divise, clive, épuise, désoriente et nous éloigne de cette diversité harmonieuse à laquelle nous aspirons tous.

    M. Olivier Faure. Parlez-en à Cameron !

    Mme Arlette Grosskost. J’aurais apprécié que nous surmontions nos divergences dans la dignité et le respect. Nous n’en prenons pas le chemin.

    Mme Joëlle Huillier. . La faute à qui ?

    Mme Arlette Grosskost. Votre victoire, que vous entendez emblématique, sera trompeuse car insignifiante par rapport à l’ampleur des défis auxquels la France doit faire face. Dans la tourmente, nous avons besoin de projets rassembleurs et de préoccupations éthiques. Il n’en est rien ! Nous nous en éloignons ! Aussi, je demande la suppression de cet article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3817. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Écoutez : cela va vous instruire !

    M. Éric Woerth. Contrairement à ce que vous dites, ce débat n’est pas celui de l’égalité des droits pour les adultes, mais celui de l’inégalité des droits pour les enfants. C’est bien de cela dont il s’agit.

    M. Alexis Bachelay. Arrêtez de prendre les enfants en otage, monsieur Woerth !

    M. Éric Woerth. Voilà le fondement du combat que nous menons contre votre texte, que nous considérons comme irresponsable car il ouvre une réelle inégalité de droits pour les enfants.

    Mme Joëlle Huillier. Nous nous battons pour l’égalité des droits !

    M. Éric Woerth. Vous ne pouvez pas empêcher un enfant d’avoir deux parents de sexe différent. C’est pourtant ce que vous allez faire dans ce texte. L’enfant n’a pas le droit de cité, il ne donne pas son opinion : il est simplement intégré, à un moment donné, à une famille dans laquelle il n’y a pas un père et une mère. À aucun moment, l’enfant n’a pu donner son opinion. Il y a donc une inégalité des droits pour les enfants.

    M. Olivier Faure. Mais que font les Anglais et les Espagnols ?

    M. Éric Woerth. Vous avez pris à plusieurs reprises l’exemple de pays qui autorisent le mariage des couples homosexuels. Cette question peut se poser, mais je crois qu’il n’existe aucune évaluation sur ce sujet. Ce n’est pas parce que d’autres pays le permettent que nous devrions commettre la même erreur ! D’ailleurs, d’autres pays autorisent la gestation pour autrui, et ce n’est pas pour cela que nous avons envie de suivre leur voie ! Une ou deux générations sont nécessaires pour mesurer les conséquences d’un texte comme celui-là. Il ne faut pas une semaine, un mois, ou un an, mais au moins une ou deux générations. On ne le répète pas assez !

    Enfin, vous ouvrez un chemin direct vers la PMA. Je note que vous déclarez ne pas vouloir de la GPA. Pourtant, en réalité, vous ouvrez ce chemin, qui sera évidemment emprunté à un moment ou un autre. C’est pourquoi je m’oppose à l’ensemble du texte, et évidemment à son article 1er.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 3849.

    Mme Annie Genevard. L’article 1er de ce projet de loi abandonne l’altérité sexuelle comme condition de fond du mariage. L’amendement que je propose vise à supprimer ces dispositions en raison de leur inconstitutionnalité. En effet, de nombreux spécialistes du droit constitutionnel affirment que l’altérité sexuelle dans le mariage est constitutive d’un principe constitutionnel relevant de la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, en vertu de trois conditions.

    Premièrement, la législation en cause doit provenir d’un texte adopté antérieurement à la Constitution de 1946, sous un régime républicain. Or, comme les autres dispositions relatives au mariage, ce principe est bien issu du code civil adopté le 25 mars 1804, sous le Consulat,…

    M. Olivier Faure. Nous sommes en 2013 !

    Mme Annie Genevard. …c’est-à-dire au cours de la Première République.

    M. Jean-Pierre Dufau. Comme la République était belle, sous l’Empire ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Mme Annie Genevard. Deuxièmement, pour y voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République, aucune loi antérieure à la Constitution de 1946 ne doit jamais avoir dérogé à ce principe. Or ce principe n’a jamais été remis en cause antérieurement à la Constitution de 1946.

    Troisièmement, le principe doit être suffisamment général et non contingent.

    Mes chers collègues, vous nous reprochez de ne pas assez travailler, alors écoutez ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Or, comme l’affirme l’exposé des motifs du présent projet de loi,…

    M. Bernard Roman. Comme c’est intéressant…

    M. le président. Monsieur Roman, s’il vous plait.

    Mme Annie Genevard. …« le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution » : ce principe est donc clairement général et non contingent.

    L’altérité sexuelle des époux constitue donc un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Par conséquent, cet amendement vise à supprimer l’article 1er du projet de loi et à convoquer, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un référendum.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3956.

    Mme Marie-Louise Fort. Un socialiste assez célèbre, François Mitterrand, disait : « Il faut laisser du temps au temps. » Vous avez voulu aller très vite, sans doute pour faire oublier tout ce qui se passe dans le pays, en matière économique et dans d’autres domaines. Alors que le Président Hollande parlait, pendant la campagne électorale, de cohésion sociale et d’unité nationale,…

    M. Jean-Pierre Dufau. Justement, c’est le mariage pour tous !

    Mme Marie-Louise Fort. …vous avez fait descendre dans la rue, au fil des jours, un nombre de Français opposés ou favorables au projet sans précédent depuis des années.

    Nous vivons dans un temps de « communication de l’instant ». Vous êtes vraiment en plein dedans ! Vous avez trouvé une belle expression, « mariage pour tous », sans faire l’analyse fine des droits nouveaux que le PACS et un certain nombre de textes ont conférés aussi bien aux enfants qu’aux époux.

    Maintenant, vous voulez nous faire porter l’étiquette d’homophobes. Mes chers collègues, je tiens à vous dire que vous n’avez pas le privilège du cœur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. C’est « le monopole » !

    M. Matthias Fekl. Nous ne sommes plus sous Giscard !

    Mme Marie-Louise Fort. Nous aussi, nous reconnaissons à tout être, dans notre pays de liberté, le droit de s’aimer (Mêmes mouvements)…

    M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît…

    Mme Marie-Louise Fort. …entre hommes, entre femmes, ou entre homme et femme. Notre union civile va dans ce sens.

    Madame la garde des sceaux, vous avez qualifié le mariage hétérosexuel de discrimination d’État. Je suis choquée par vos propos ! De quel droit balayez-vous d’un revers de main les avis donnés chaque jour par des experts et des personnalités diverses – nous en avons cité un grand nombre –, qui expriment de l’inquiétude ? Vous parlez de discrimination d’État, mais c’est quand même comme cela que cela se passe depuis des siècles !

    M. le président. Merci, ma chère collègue.

    Mme Marie-Louise Fort. Je suis heureuse de voir…

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour soutenir l’amendement n° 3993.

    Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le président, vous m’avez coupé la parole au milieu d’une phrase ! Ce n’est pas sympa !

    M. le président. Cent trente orateurs sont inscrits. Imaginez ce que cela donnerait si je laissais à chacun vingt secondes de plus ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Madame Pecresse, vous avez la parole.

    Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, vous ne m’avez pas laissé vingt secondes ce matin : je vais donc poursuivre mon intervention de ce matin.

    En 2006, j’étais rapporteure d’une mission sur la famille présidée par Patrick Bloche. À l’époque, nous avions proposé d’améliorer le PACS et de créer un droit des beaux-parents homosexuels. Cependant, nous avions majoritairement refusé la généralisation du mariage aux couples de personnes de même sexe,…

    M. Arnaud Leroy. Il aurait fallu le faire, madame Pecresse !

    Mme Valérie Pecresse. …parce que les conséquences de ce projet nous étaient apparues très clairement Nous avions auditionné toutes les associations de défense des droits des homosexuels : toutes nous avaient demandé l’égalité totale des droits. Pour elles, cela signifiait le mariage, l’adoption, mais aussi le droit à la filiation biologique, c’est-à-dire le droit à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, et à la gestation pour autrui – donc aux mères porteuses – pour les couples d’hommes. Jamais les associations de défense des droits des homosexuels n’ont avancé masquées,…

    Un député du groupe SRC. C’est nous qui faisons la loi, ici !

    Mme Valérie Pecresse. …contrairement au Gouvernement auquel vous appartenez, madame Taubira !

    M. Patrick Hetzel. Très juste !

    Mme Valérie Pecresse. Mme Guigou nous demande pourquoi nous la citons tout le temps. Je vais vous le dire. Elle est partie… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Élisabeth Guigou. Je suis là !

    Mme Valérie Pecresse. Pardon, madame Guigou : je voulais vous le dire en face. Je ne voulais pas vous le dire dans le dos. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. Pour une fois !

    M. le président. S’il vous plait, mes chers collègues…

    Mme Valérie Pecresse. Madame Guigou, je voulais juste vous expliquer pourquoi nous vous citons. C’est tout simplement parce que l’histoire se répète ! Aujourd’hui, vous nous dites que vous ferez le mariage et l’adoption, mais pas la GPA ni la PMA. L’histoire se répète !

    Mme Élisabeth Guigou. Madame Pecresse, vous êtes l’incarnation du passé. Vous restez figée dans le passé !

    Mme Valérie Pecresse. Dans trois mois, dans six mois, vous ferez la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée.

    M. le président. Il faut conclure, madame Pecresse.

    Mme Valérie Pecresse. La circulaire de Mme Taubira nous l’indique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Les amendements nos 4082, 4117, 4250, 4452, 4567, 4569, 4625, 4651, 4717 et 4739 ne sont pas défendus.

    M. Arnaud Leroy. Ils sont où ?

    Mme Joëlle Huillier. Et ils veulent le débat ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Ils s’inscrivent dans le débat mais ne prennent même pas la peine de venir !

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 4752.

    M. Guénhaël Huet. Le Gouvernement et la majorité prétendent que le mariage entre personnes de même sexe repose sur le principe d’égalité. C’est une erreur et un mensonge, parce que l’égalité ne peut pas valoir face à l’altérité des sexes. Faire reposer cette institution d’un mariage dérivé ou dévoyé sur le principe d’égalité revêt véritablement un caractère d’abstraction.

    Mes chers collègues, que dit, le Conseil constitutionnel de manière constante depuis de nombreuses années ? Que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qu’il établit.

    Le principe d’égalité est donc un faux argument. La réalité, c’est que vous n’avez pas mesuré et que vous ne voulez pas mesurer les conséquences qui seront générées par le mariage entre personnes de même sexe.

    M. Patrick Hetzel. Exactement.

    M. Guénhaël Huet. Il y aura nécessairement des conséquences importantes, des bouleversements dans le droit de la famille, le droit des enfants et des femmes. Je m’étonne à cet égard que sur les bancs de la majorité, où il y a tant de défenseurs des droits des femmes, ceux-ci s’orientent sans sourciller vers la marchandisation du corps de la femme. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Il est vrai que M. Bergé, un ami du pouvoir socialiste, a déclaré qu’il ne voyait aucune différence entre le fait de louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Stéphane Travert. Ridicule !

    M. Nicolas Bays. Vous voulez qu’on vous rappelle les propos de certains de vos amis ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Louer son ventre est interdit en France !

    M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

    M. Guénhaël Huet. Votre texte n’est pas empreint d’égalité, mais il est empreint…

    M. le président. Merci. Les amendements n°s 4779, 4785, 4827, 4868, 4878, 4968 et 4983 ne sont pas défendus.

    La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n°5071.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cela a l’air de vous plaisir que je prenne la parole ! (Sourires.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Olivier Faure. Ne rêvez pas !

    M. Bernard Roman. On s’en moque !

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce qui m’amuse, c’est le recours à l’argument de l’engagement de François Hollande.

    J’aurais aimé voir davantage de persévérance de votre part lorsqu’il s’est agi de réviser le traité européen, lorsqu’il s’est agi de la hausse de la TVA ou lorsqu’il s’agira de la réforme bancaire.

    M. Jean-Pierre Dufau. Hors sujet !

    Mme Marion Maréchal-Le Pen. La vérité, c’est que vous ne pouvez élargir l’institution du mariage sans la détruire. Ce n’est pas l’orientation sexuelle qui fonde le droit de se marier, mais le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique entre un homme et une femme. Les hommes et les femmes homosexuelles ou hétérosexuelles ont le droit de se marier, mais avec une personne de sexe différent, parce que les sexes ne sont pas interchangeables.

    Si l’orientation sexuelle devient un critère de droit, pourquoi l’orientation culturelle n’en serait-il pas un ? Pourquoi à terme, refuser la polygamie, pratiquée dans plusieurs pays, parce que selon vous, c’est un argument valable ?

    Si nous considérons que la société ne doit pas imposer à l’individu de rentrer dans un standard juridique fondé sur les lois naturelles, pourquoi ne pas laisser les personnes organiser leur vie privée comme elles l’entendent et reconnaître après cela les poly-amours ou les « trouples » mot employé dans un article de la revue Têtu ?

    Beaucoup de formes d’amour existent dans la société. Ce n’est pas pour autant que, au nom du principe de réalité, la société devrait les reconnaître et leur donner une réalité juridique sans renier notre modèle culturel, civilisationnel et moral.

    La vérité est que ce modèle vous importe peu parce qu’il relève d’une identité que vous méprisez.

    Mme Joëlle Huillier. Ça tombe à plat.

    M. le président. Les amendements n°s 5074 et 5078 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5111.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Nous présentons cet amendement visant à supprimer l’article 1er à plusieurs titres, notamment au titre du principe d’égalité. Certes, nous adhérons tous à ce beau principe et à la philosophie de l’égalité. Pour autant, l’égalité présente, dans ce texte, deux dimensions : une dimension absolue, systématique pour ce qui concerne l’égalité entre les couples de sexe différent et les couples de même sexe ; une acception relative lorsqu’il s’agit de donner à des enfants une parenté fondée sur l’altérité sexuelle et une parenté avec des couples de même sexe.

    On ne peut pas, en permanence, invoquer la notion d’égalité lorsqu’on donne à la dimension de l’égalité une acception absolue et systématique dans certains cas et une acception relative dans d’autres cas.

    Nous avons également déposé cet amendement en raison d’un flou volontairement entretenu. J’ai posé tout à l’heure la question de savoir si le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui était une condition préalable à celui qui s’annonce sur la PMA. Je n’ai pas obtenu de réponse alors que cette question est au cœur de nos débats et qui les pollue.

    Il serait tellement plus simple de donner clairement une réponse sur le lien entre les deux textes. Cela permettrait d’avoir un débat global s’il y a un lien ou de recentrer, comme certains y aspirent, le débat sur le mariage et l’adoption, si ce lien n’existe pas.

    Enfin, il est pour le moins délicat de faire preuve de tant d’assurance quand le Président de la République, lui-même, invoque la liberté de conscience. Il est revenu sur ses positions à la demande d’une association. Mais c’est tout de même lui qui, le premier, a clairement mis en avant les problèmes de conscience que cela pose aux Français et aux élus que nous sommes.

    M. Patrick Hetzel. C’est évident !

    M. Michel Vergnier. Le Président de la République s’implique.

    M. le président. Les amendements n°s 5132, 5200, 5235, 5264 et 5286 ne sont pas défendus.

    La parole est à M. Édouard Fritch, pour soutenir l’amendement n°5298.

    M. Édouard Fritch. Je souhaite revenir sur le principe d’égalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Nous le savons tous, la situation est différente au regard de la transmission de la vie, et c’est là tout le sens du mariage : mariage entre un homme et une femme qui désirent fonder une famille.

    C’est la reconnaissance d’une présomption de paternité et de filiation qui aboutit à la construction d’une famille fondée sur l’altérité sexuelle. Le mariage est lié à la fondation d’une famille laquelle constitue le socle de notre société. La question du mariage ne peut se résumer à une question d’égalité et de modernité. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

    M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir l’amendement n° 5355.

    Mme Nicole Ameline. Madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, comment accepter une vision du droit qui consiste à proposer au Parlement d’adopter un texte dont vous refusez d’envisager la portée juridique ?

    Le défaut de cohérence intellectuelle et de responsabilité politique n’est pas dans notre camp, mais dans le vôtre depuis le début de ce débat.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien.

    Mme Nicole Ameline. Ce ne sont pas les assertions répétées sur les bancs de la majorité et les réflexions souvent réduites à un slogan politique « Le mariage pour tous » qui peuvent remplacer une analyse approfondie sur le plan juridique. La France demande cette analyse approfondie et attend des réponses de la part du Comité consultatif national d’éthique ou d’autres institutions et l’opposition relaie cette demande.

    Il est encore temps, madame la garde des sceaux, de choisir l’unité de la nation et de démontrer que la force réside dans l’unité plus que dans la division. Je ne mets pas en doute votre sincérité ni celle de la majorité.

    M. Bernard Roman. C’est heureux !

    Mme Nicole Ameline. Compte tenu de l’importance des enjeux, la réflexion mériterait d’être approfondie. À défaut, nous vous proposons une solution fédératrice qui serait l’illustration positive d’une démocratie plus apaisée.

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Beaucoup d’amendements et peu d’arguments ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Hetzel. Scandaleux !

    M. Yves Censi. Quels sont les vôtres ?

    M. Michel Herbillon. Respectez l’opposition !

    M. Matthias Fekl. On a dit « peu » d’arguments, on n’a pas dit « mauvais » arguments !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vos amendements ont trait à la définition du mariage.

    À plusieurs reprises, il a été rappelé que notre définition du mariage datait de 1792. Irène Théry l’a rappelé lors de son audition, et je vous renvoie à la lecture de sa contribution qui figure dans le tome II de mon rapport. Si le mariage n’a pas trouvé alors de définition plus précise, explique-t-elle, c’est parce qu’il allait de soi. Si le mariage existe, ajoute-t-elle, c’est pour donner un père à des enfants. Les enfants qui naissaient en dehors du mariage n’avaient pas le droit d’avoir de père.

    M. Sergio Coronado. Tout à fait.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ils avaient l’interdiction de faire des recherches en paternité. Les mères assumaient, seules, la responsabilité de l’enfant et n’avaient aucun moyen de mettre en cause la responsabilité du père.

    Il est donc très intéressant, madame la garde des sceaux, qu’avec ce texte, nous définissions le mariage. L’histoire retiendra que c’est la gauche qui l’aura fait, contredisant ainsi Mme Sophie Dion qui a osé dire que le mariage ne correspondait pas à nos valeurs.

    Plusieurs d’entre vous ont fait remarquer, M. Gérard notamment, qu’il était possible de traiter différemment des situations objectivement différentes et que ce n’était pas un motif de discrimination. C’est vrai en droit. Et le Conseil constitutionnel a rappelé ce principe, notamment pour le mariage.

    M. Philippe Gosselin. C’est une jurisprudence constante.

    M. Éric Woerth. Oui !

    M. Erwann Binet, rapporteur. En revanche, nous n’avons aucune obligation de maintenir cette différence et il est loisible au Parlement – c’est un choix politique proposé par le Gouvernement – de mettre à égalité deux situations objectivement différentes.

    L’égalité homme-femme est un combat qui a été mené durant des années dans cette enceinte pour aboutir à une égalité dans des situations objectivement différentes. Il n’y a donc pas de raison d’établir des discriminations eu égard à des situations objectivement différentes.

    Vous avez rappelé l’existence du PACS et reconnu qu’il était insuffisant.

    M. Michel Herbillon. C’est précisément pourquoi nous proposons une union civile !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez été plusieurs à considérer qu’il faudrait le renforcer.

    M. Gibbes, parmi d’autres, a fait valoir que les enfants n’étaient pas dans une situation d’insécurité juridique. C’est totalement faux, chers collègues. J’aurais souhaité la présence des représentants de l’opposition lors de la dernière table ronde organisée le 20 décembre. Les familles et les enfants présents nous ont fait part des difficultés quotidiennes qu’ils rencontraient.

    Vous avez fait référence à des dispositifs juridiques de notre droit, qui pourraient être appliqués comme la tutelle testamentaire. Je précise que cette tutelle ne libère pas le juge d’une possibilité de nommer un autre tuteur que celui désigné par le parent légal. Ce n’est pas une solution satisfaisante.

    Vous avez envisagé la délégation de l’autorité parentale, la délégation-partage, qui nécessite l’accord des parents. Un tel accord n’est évidemment pas automatique, notamment en cas de séparation conflictuelle et n’a plus d’objet en cas du décès de la personne qui a délégué l’autorité parentale. Il y a donc un risque en cas de séparation.

    M. Fasquelle m’a reproché d’avoir employé l’expression « faire un enfant ». Peut-être est-elle trop générale et faudra-t-il en trouver une autre.

    M. Charles de La Verpillière. Quand vous aurez trouvé, vous nous avertirez !

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’estime néanmoins que les couples homosexuels « font » des enfants à l’instar des couples hétérosexuels infertiles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Guénhaël Huet. N’importe quoi !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …et des couples hétérosexuels qui recourent à la PMA. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je suis désolé, mes chers collègues. Les couples homosexuels font des enfants.

    Avoir un projet parental à deux afin qu’un enfant naisse, j’appelle cela « faire un enfant », « faire famille ».

    M. Philippe Gosselin. Les données biologiques ne sont pas tout à fait les mêmes !

    M. Erwann Binet, rapporteur. De manière plus générale, je ne vais pas répondre sur la GPA et la PMA qui ont énormément occupé vos argumentaires. Elles ne figurent pas dans le texte et je n’ai pas à alimenter cette discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Herbillon. Pourquoi ? Ça vous gêne ?

    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de laisser le rapporteur répondre, comme vous laisserez le Gouvernement répondre. Inutile d’interrompre les orateurs comme vous le faites, sinon je vais devoir m’en tenir à une application stricte du règlement en donnant seulement la parole à un orateur pour et un orateur contre. J’invite chacun à mettre un peu d’eau dans son vin pour que nous puissions avoir une discussion un peu plus large que ne le prévoit le règlement.

    Vous pouvez poursuivre, monsieur le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Merci, monsieur le président, je prendrai seulement une minute pour conclure.

    M. Philippe Gosselin. C’est un tel plaisir de vous entendre !

    M. Michel Herbillon. Pourquoi ne répondez-vous pas sur la PMA et la GPA ?

    M. Nicolas Bays. Ce n’est pas dans le texte ! Vous êtes bouché !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je l’ai déjà dit, je ne répondrai pas sur ces questions. La réponse de Mme la garde des sceaux a M. Jacob ce matin a été suffisamment éclairante pour que je n’y revienne pas.

    M. Philippe Gosselin. Il n’a pas d’arguments !

    M. Marc Le Fur. Il est député stagiaire ou quoi ?

    M. le président. Monsieur Le Fur, vous êtes vice-président, vous connaissez le règlement. Si nous l’appliquions strictement, après la réponse de la commission et du Gouvernement, seuls deux orateurs pourraient intervenir. Si vous voulez que la discussion puisse être plus large, il faut au moins que nous ayons un accord sur le déroulement de la séance. Je vous demande de ne pas interrompre le rapporteur et le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Le Fur, pour votre remarque extrêmement plaisante. J’ai bien remarqué en commission l’énergie que vous déployiez à mon encontre et à l’encontre de certains de mes collègues pour nous déstabiliser, partant du principe que ce serait beaucoup plus facile avec des députés nouvellement élus. J’espère que vous vous montrerez plus digne lors de nos débats en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Citons quelques-uns des arguments avancés : M. Chevrollier a souligné que les homosexuels pouvaient déjà se marier – avec une personne de sexe opposé ; M. Lamour a indiqué que le problème était très minoritaire, sous-entendant qu’il ne méritait pas tant d’attention ; un grand nombre de députés de l’opposition a répété que ce n’était pas la priorité du moment, comme pour nier l’importance de cette avancée.

    Je veux le redire : il s’agit d’un enjeu fondamental pour notre société. Simplement, mes chers collègues, ouvrez les yeux : ne détournez pas le regard de cette réalité.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas un argument de droit !

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a bien évidemment donné un avis défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Guénhaël Huet. Parlez-nous de la GPA ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Écoutez la réponse du Gouvernement !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les députés, nous pouvons nous mettre d’accord sur une chose : l’homosexualité n’est ni de droite ni de gauche. La protection des enfants n’est donc ni de droite ni de gauche. J’invite certains députés à cesser d’instrumentaliser l’enfant. Ces façons de faire sont inadmissibles et quasiment insultantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Hetzel. Quelle mauvaise foi !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les propos sur l’insécurité juridique sont insupportables pour les enfants des familles homoparentales, eux qui souffrent précisément de cette insécurité juridique et du regard stigmatisant que vous portez sur eux.

    M. Charles de La Verpillière. On ne parle pas de ceux-là !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Affirmer comme vous le faites qu’un enfant ne serait heureux que s’il a un père et une mère est de la même façon insupportable.

    À cet égard, je voudrais vous rappeler quelques réalités statistiques.

    Un enfant sur quatre ne vit plus avec ses deux parents.

    M. Charles de La Verpillière. Oui, mais il a justement un père et une mère.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Un enfant sur neuf vit dans une famille recomposée ; un enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale : 2,8 millions d’enfants vivent dans des familles monoparentales, 2 millions d’enfants vivent dans une famille recomposée.

    M. Éric Woerth. Ça n’a aucun rapport !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous faisons le choix de protéger juridiquement tous ces enfants, qu’ils soient nés grâce à la PMA, qu’ils soient adoptés, qu’ils vivent dans des familles monoparentales ou recomposées ou, demain, je l’espère, dans des familles homoparentales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Charles de La Verpillière. Vous esquivez le débat !

    M. Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cessez encore de parler de « vrais parents ». Je ne sais pas ce qu’est un « vrai parent » ou alors il faut m’expliquer ce qu’est un « faux parent ».

    Cessez de parler de « filiation virtuelle » pour les couples homosexuels ou alors dites-moi comment vous qualifiez la filiation dans les familles adoptantes.

    Enfin, en quoi la sexualité doit-elle être un critère discriminant dans le droit ?

    Lorsque nous avons auditionné, avec Christiane Taubira, des parents d’enfants homosexuels, une mère de famille nous a expliqué avec beaucoup de simplicité : …

    M. Guénhaël Huet. Un seul cas !

    M. Michel Vergnier. Il faut sortir un peu le weekend !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … « j’ai trois enfants dont l’un est homosexuel, comment lui expliquer qu’il ne possède par les mêmes droits que mes deux autres enfants ? » Nous ne nous sommes pas posé la question de savoir si cette mère était de gauche ou de droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les députés, je constate que des arguments récurrents ont été avancés, comme c’est le cas depuis mercredi, …

    M. Yves Nicolin. Et la GPA ?

    M. Christian Assaf. C’est obsessionnel !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour défendre ces cent trente amendements, absolument identiques, qui visent à supprimer l’article 1er du projet de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    Je vais revenir sur quelques-uns de ces arguments même si je sais que j’aurai à le faire à de nombreuses reprises encore.

    Mme Dion a insisté sur le fait que je n’avais pas donné de réponse à propos des situations extraterritoriales. Je ne savais pas exactement ce que cela recouvrait mais M. Mariton, après avoir formulé hors micro, de son banc, une question similaire, a eu l’amabilité de me préciser qu’il s’agissait de savoir ce qu’il adviendrait des personnes ayant conclu un PACS dans leur pays d’origine venant se marier en France – il se référait aux alinéas 1er et 2.

    Rappelons que si une personne de nationalité étrangère entame des formalités pour se marier en France, il lui sera demandé par la mairie de produire son acte de naissance : y sont portées les mentions éventuelles d’un mariage – pour éviter la polygamie – ou d’un contrat civil, dans certains pays. En tout état de cause, l’acte de mariage est transféré par les autorités françaises à l’état-civil du pays d’origine du conjoint. S’il s’agit d’un pays européen – vous évoquiez l’Italie –, celui-ci prendra acte de la dissolution par le mariage du contrat civil souscrit auparavant. Dans les pays ayant légalisé le mariage homosexuel avant la France, le mariage dissout également le contrat civil.

    M. Hervé Mariton. Et dans les autres pays ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez bien qu’à l’occasion de la publication des bans, certaines informations sont recueillies, y compris par le pays d’origine. Il est donc signalé aux personnes voulant se marier que lorsque leur pays d’origine punit l’homosexualité de la peine de mort, mieux vaut pour leur sécurité ne pas faire transcrire leur mariage dans leur état-civil initial. Cela reste des hypothèses assez peu probables.

    Ce qui me surprend dans vos questions, c’est qu’elles donnent l’impression que notre système juridique en est à son aurore, que rien n’a été prévu dans notre droit.

    M. Hervé Mariton. Mais qu’en est-il de la loi personnelle de l’un des conjoints ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais vous oubliez que ces questions sont déjà tranchées pour les mariages hétérosexuels.

    M. Olivier Faure et M. Arnaud Leroy Mais bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est exactement la même chose ! Si nous avons rappelé cet alinéa 1er, c’est bien parce qu’il s’applique aux couples hétérosexuels.

    Nous n’inventons rien, monsieur Mariton. C’est bien à droit constant et à règles administratives constantes que le mariage et l’adoption seront ouverts aux couples de même sexe si le Parlement y consent.

    Le reste des observations et critiques relève du droit à l’enfant, selon votre expression, et des droits de l’enfant.

    Je vais prendre le temps de présenter à nouveau ma position même si j’éprouve une certaine difficulté, d’un point de vue intellectuel, à devoir le faire : vingt-quatre après avoir traité de manière approfondie un sujet, je m’attends à ce que nous passions à d’autres questions, à d’autres interrogations.

    M. Michel Herbillon. La question est cruciale !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’existe pas en France de droit à l’enfant. Puisque nous voulons ouvrir le mariage et l’adoption dans les mêmes conditions aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels, il n’y a pas à inventer un droit à l’enfant pour les couples homosexuels.

    M. Daniel Fasquelle. Vous en créez un !

    M. Michel Herbillon. C’est une première étape !

    M. Arnaud Leroy. C’est une loi, pas un parcours d’obstacles.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À moins que vous ne pensiez qu’il en existe déjà un pour les couples hétérosexuels. Je me répète.

    Il existe une procédure pour l’adoption. Elle commence au conseil général et sur l’ensemble de notre territoire, les conseils généraux sont des institutions responsables, qui mènent des investigations sérieuses avant d’attribuer ou non un agrément aux personnes qui demandent à adopter.

    De l’avis général – répété depuis des années d’ailleurs, et non depuis huit mois –, cette procédure est contraignante, restrictive et trop rigoureuse : c’est l’avis général ! Peut-on réellement appeler cela un droit à l’enfant, lorsque la procédure d’agrément demeure très rigoureuse et même restrictive ?

    De plus, ce n’est pas la fin du parcours, puisqu’il revient ensuite au juge de prononcer l’adoption ; et celle-là ne sera prononcée que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. C’est ce que prévoit l’article 353 du code civil !

    M. Éric Woerth. Le juge applique de mauvaises lois !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est dans le code civil : le juge ne prononce l’adoption que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

    Comment pouvez-vous donc nous dire qu’il existe un risque de créer un droit à l’enfant ? Il n’y a pas de droit à l’enfant,…

    M. Yves Censi. C’est la PMA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …puisque les procédures demeureront sécurisées, sûres, rigoureuses et contraignantes. C’est ainsi que les choses se passeront !

    En revanche, parce que les droits de l’enfant sont directement en cause, nous apportons avec ce texte de la sécurité juridique pour les enfants qui vivent dans ces familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même si je ne souhaite pas revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure, je dois bien le faire, car vous passez votre temps à dire que le Gouvernement ne répond pas.

    Le Gouvernement répond, et tente de se montrer exhaustif ; le Gouvernement répète, le Gouvernement réitère – et pourtant vous continuez à dire que le Gouvernement ne répond pas.

    M. Christian Jacob. Vous n’êtes pas suffisamment claire dans vos réponses !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’obstine, et je répète que, concernant ces enfants,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous sommes bien d’accord !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes d’accord ?

    M. le président. Ne cédez pas à la provocation, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, nous sommes d’accord : sur votre obstination !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ils sont d’accord ! Ce sera noté !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Puisque vous êtes d’accord, je répèterai, de façon très allusive, que vous affirmez vous soucier des droits des enfants. Mais concernant l’adoption, d’une part vous nous dites qu’il n’est pas concevable qu’on l’autorise pour les couples mariés homosexuels, et d’autre part vous proposez un amendement pour que les couples unis par un contrat civil puissent adopter. Or, vous le savez, le contrat civil est ouvert aux couples homosexuels.

    M. Bernard Roman. Où est la cohérence ?

    M. Nicolas Bays. Ce n’est pas cela qui les intéresse !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est illogique et incohérent ! C’est donc à vous de vous expliquer, et comme vous aurez abondamment la parole, vous pourrez nous expliciter cela.

    Puisque vous avez le souci des droits de l’enfant, vous devez justement avoir le souci de la sécurité juridique que nous apportons aux enfants, à ces milliers d’enfants qui vivent dans des familles homoparentales.

    Vous nous faites un procès sur un droit à l’enfant qui n’existe pas, vous nous faites un procès sur une hypothèse – pardon : sur une chimère ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) –, mais vous ne nous rejoignez pas sur la sécurisation juridique d’enfants réels, physiques, qui existent, ici en France !

    Vous vous réclamez de l’avis du Défenseur des droits ; je vais vous lire cet avis !

    M. Philippe Gosselin. Il est contrasté !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chacun en jugera : « À l’évidence, il est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant de donner à ceux qui sont élevés par un couple de même sexe un cadre familial plus sécurisé juridiquement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Combien sont-ils ? Les chiffres varient de un à dix selon les estimations :… »

    Mme Catherine Vautrin. C’est bien le problème !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. « …14 000 à 40 000 enfants selon l’Institut national d’études démographiques, 200 000 à 300 000 selon les associations de parents homosexuels. »

    J’ajoute entre parenthèses que cette étude de l’Institut national d’études démographiques date de 1999.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et alors ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors, entre 1999 et aujourd’hui…

    Je poursuis la lecture de l’avis du Défenseur des droits : « Quoiqu’il en soit, de nombreux enfants grandissent dans une situation familiale juridiquement précaire. Le fait que le couple qui les élève puisse se marier est évidemment conforme à l’intérêt de ces enfants. ». Tel est l’avis de M. le Défenseur des droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Vergnier. Vous avez dit contrasté ? Ce n’est pas très contrasté !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il manque du texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les mots ont un sens ! C’est « conforme à l’intérêt des enfants » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Sur le sujet de l’altérité sexuelle, vos accusations et vos réquisitoires donnent dans le superlatif, car vous en venez à nous accuser de supprimer l’altérité sexuelle dans la société.

    M. Yves Censi. Pas dans la société : dans l’institution du mariage !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous ai donc répondu ce matin avec cette formule : il faudrait une bombe nucléaire qui, nous supprimant tous, supprimerait l’altérité sexuelle dans la société !

    Il n’a jamais été question de supprimer l’altérité.

    M. Xavier Breton. Si : en droit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On ne supprime rien dans le droit, monsieur le député : au contraire, on y ajoute !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

    M. Daniel Fasquelle. Vous retirez des droits !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’altérité sexuelle est bien présente dans la société : personne ne peut imaginer ou faire croire que les enfants ne sont pas nés d’un homme et d’une femme, de gamètes mâles et femelles !

    La question de l’altérité sexuelle nous a été posée par des personnes s’inquiétant que des enfants grandissent avec comme seule référence deux figures d’hommes ou deux figures de femmes. Je rappelle donc ce que j’ai dit ce matin : le code civil lui-même dispose que les enfants entrent dans la famille de chacun des parents. L’altérité sexuelle ne disparaît donc pas, ni de la famille, ni de la société : ces enfants ne voient pas seulement deux hommes ou seulement deux femmes toute leur vie.

    M. Xavier Breton. Ça ne remplace pas un père !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour le reste, j’ai goûté une citation de Paul Ricœur sur l’altérité.

    M. Michel Herbillon. Allez-vous nous répondre sur la PMA ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je peux vous répéter ce que nous disons depuis 48 heures.

    M. Michel Herbillon. Excusez-nous de poser la question !

    M. Bernard Roman. Ça fait trois jours que vous la posez !

    M. le président. Allons ! Monsieur Roman !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous me le permettez, je vous suggère de vous excuser non pas de poser votre question, mais de ne pas entendre nos réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Herbillon. Répondez à cette question, elle est cruciale !

    Un député du groupe UMP. Et sur la GPA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Herbillon. Nous attendons ces réponses !

    M. le président. M. Herbillon !

    M. Bernard Lesterlin. Laissez-nous entendre la ministre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Puis-je vous apporter ces réponses ?

    M. Michel Herbillon. Je vous en remercie, madame !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant l’Académie de médecine, je ne vois pas à quel titre nous devrions la consulter pour ce projet de loi relatif au mariage et à l’adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Je ne vois pas de quel sujet médical nous traitons, et par conséquent je ne perçois pas la pertinence d’un avis de l’Académie de médecine sur notre projet de loi.

    M. Philippe Gosselin. Il faut un avis global !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant la PMA et la GPA, qui n’ont strictement rien à voir avec le présent texte, nous avons bien compris que vous orientez le débat sur ces deux thèmes parce que vous avez manifestement des difficultés à marcher sur la ligne droite du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.) Voilà pourquoi vous nous ramenez constamment au débat sur la PMA et la GPA !

    M. Yves Censi. C’est un projet global !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De plus, vous vous réclamez de la circulaire que j’ai adressée au parquet à l’attention des greffiers ; je ne me l’explique pas.

    J’ai été étonnée d’entendre ce matin que le certificat de nationalité française attribuait la nationalité. Je suis désolée de vous rappeler que ce certificat atteste de la nationalité : il en atteste !

    M. Daniel Fasquelle. Eh bien justement ! Vous reconnaissez donc la GPA !

    M. Michel Herbillon. Vous légalisez la GPA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le certificat de nationalité française de ces enfants atteste d’une nationalité qui existe déjà, car elle leur vient par filiation paternelle en application de l’article 18 du code civil.

    En application de l’article 47 du code civil, les consulats vérifient l’exactitude de cette filiation. Celle-ci étant vérifiée, l’acte d’état civil est transcrit dans nos consulats. Il arrive que les consulats aient un doute sur certains actes d’état civil.

    Dans ce cas, ils ne transcrivent pas les actes d’état civil, mais les transmettent à Nantes, où se trouve notre bureau, et c’est donc le parquet de Nantes qui s’en saisit – s’ils ont un doute lors de la transcription ; nous sommes d’accord ?

    M. Daniel Fasquelle. Nous sommes bien d’accord ! S’ils soupçonnent une GPA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela devient obsessionnel ! Quelque chose vous empêche d’entendre, ou alors vous avez décidé de ne pas écouter !

    De deux choses l’une : soit vous vous en tenez, jusqu’à la dernière minute des débats sur ce texte, à la répétition de votre mantra sur la GPA et la PMA – vous en avez la liberté ; soit vous estimez, comme vous en avez le droit, devoir réclamer des explications au Gouvernement. Nous sommes alors en droit d’attendre de vous que vous écoutiez ces explications.

    M. Sylvain Berrios. Retirez la circulaire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, la circulaire ne sera pas retirée, monsieur le député, parce que cette circulaire n’est ni une fantaisie, ni un caprice, et encore moins une injustice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Le problème soulevé n’est pas celui de la nationalité de ces enfants car, je le répète, cette nationalité est établie : aucune circulaire, aucun décret ne pourrait permettre de l’acquérir.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi François Hollande proposait-il de ne pas le faire ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans notre droit positif, l’attribution de la nationalité française relève du droit, et non d’une circulaire.

    Cette circulaire, relative à un document administratif ne faisant qu’attester l’existence de la nationalité, concerne donc des enfants français.

    M. Daniel Fasquelle. Mais pour qu’ils le soient, il faut reconnaître leur filiation !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet porte sur la transcription dans le registre d’état civil. Je rappelle que sur ces quatre dernières années, 44 dossiers ont fait l’objet d’interrogations de la part des consulats et de transmission au parquet.

    M. Philippe Gosselin. Le nombre ne change rien au principe !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De 2008 à 2011, sur 44 dossiers, le parquet a confirmé dans 38 cas…

    M. Hervé Mariton. 38 erreurs !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qu’il s’agissait probablement d’une GPA. Ensuite, pour l’année 2012, le procureur a confirmé une présomption de GPA dans 8 cas sur 11 recensés.

    M. Sylvain Berrios. Ce n’est pas un problème de nombre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle que votre gouvernement, sous le précédent quinquennat, a pris acte de ces 38 cas.

    M. Hervé Mariton. Il a eu tort !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, il a eu raison, parce que sinon il aurait fabriqué des apatrides.

    M. Daniel Fasquelle. N’importe quoi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous qui n’avez à la bouche que les droits des enfants, venir nous dire que vous allez faire des apatrides d’enfants qui ont la nationalité française ! Je crois votre gouvernement s’est montré plus raisonnable que vous ! Il a tenu compte de l’article 25 du code civil relatif à la déchéance de nationalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Que cela vous plaise ou pas, c’est l’état du droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous faisiez prononcer une déchéance de nationalité, les enfants en question deviendraient apatrides.

    Vous allez continuer à faire du débat sur le mariage et l’adoption un débat sur la PMA et sur la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Herbillon. C’est induit par votre texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout cela vous poursuivra.

    Après la citation de Paul Ricœur sur l’altérité sexuelle que nous avons déjà entendue, je voudrais en partager une autre avec vous : « L’éthique, c’est le souci de la vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes. »

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En plus de l’égalité, c’est une œuvre éthique que nous sommes en train d’accomplir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je voudrais aborder deux points.

    Le premier concerne le Défenseur des droits, auquel vous faites référence, madame la garde des sceaux. Nous avons nous aussi le rapport sous les yeux et je vais vous lire deux remarques qu’il a faites dans sa contribution écrite à propos de votre texte : « La procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi qui vous est soumis présente à cet égard une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. Pas une page, pas une ligne ne lui est consacrée. » Il ajoute : « Dans beaucoup de domaines les questionnements se multiplient. Comment se fait-il qu’un texte d’une telle ambition et d’une telle portée juridique laisse autant de questions en suspens ? »

    Avant de poursuivre, j’attends que Mme la ministre m’accorde un peu d’attention…

    M. le président. Mme la garde des sceaux vous écoute.

    M. Christian Jacob. Non, démonstration a déjà été faite qu’on ne fait pas deux choses à la fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Vous ne connaissez pas les talents de la garde des sceaux ! (Mouvements divers.)

    M. Christian Jacob. J’en viens à mon second point. J’ai évoqué tout à l’heure le lien évident entre la procréation médicalement assistée et ce projet de loi. les deux sont obligatoirement liés.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Gérald Darmanin. Bien sûr que oui !

    M. Christian Jacob. Monsieur Le Roux, je vous rappelle qu’au sein de votre groupe, vous avez voté pour adjoindre au projet un amendement sur la PMA. Suite à l’intervention du Premier ministre, vous avez dû tous faire marche arrière pour le décaler sur un autre texte. Mais les deux sujets sont bien totalement liés, sinon le Gouvernement ne se serait pas engagé à accepter cet amendement sur un autre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est du donnant-donnant !

    M. Christian Jacob. Il faut arrêter de nous mentir ! Vous mentez effrontément, puisqu’il y a un lien évident entre les deux.

    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jacob.

    M. Christian Jacob. Dans une interview, le président du Comité consultatif national d’éthique dit : « Plutôt que de traiter ces questions au cas par cas, nous avons décidé de nous saisir de la question globale de la PMA. Nous pensons que cette question justifie une réflexion de fond de la société, qui pourrait prendre la forme d’états généraux. » Pour la deuxième fois, madame la garde des sceaux, je vous le demande : comment entendez-vous les organiser ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Fruteau. Là n’est pas la question !

    M. Christian Jacob. Je répète que l’avis du comité national d’éthique est nécessaire pour aller au bout de ce texte parce que les deux sujets sont totalement liés, la démonstration en a été faite à plusieurs reprises.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Christian Jacob. Dernier point : on ne nous a toujours pas éclairé sur l’incohérence des déclarations successives des différents ministres.

    M. Nicolas Bays. Le temps de parole, monsieur le président !

    M. Christian Jacob. Chacun d’entre eux a sa position à lui sur la GPA… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Vous voulez supprimer l’article 1er car, pour vous, le mariage est le socle de la parentalité puisqu’il est lié à l’adoption. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Or vous savez bien que l’adoption est ouverte aux célibataires hétérosexuelles ou homosexuelles.

    Nous, nous voulons sécuriser en droit toutes les familles, y compris les familles homoparentales. Pour expliquer pourquoi, je vais faire référence, comme Mme la garde des sceaux, à un exposé des motifs que je trouve excellent, celui d’une proposition de loi no 595, déposée le 16 janvier dernier, notamment par MM. Dassault, Bonnot et Mariton : « L’adoption n’étant réalisée qu’au profit d’un des membres du couple, aucun lien, si ce n’est moral, ne sera établi entre l’adopté et le partenaire de l’adoptant. Il découle de cet état du droit, un vide juridique aux conséquences dangereuses pour l’enfant. Le risque de se voir couper d’un de ses parents adoptifs, en cas de séparation du couple, le risque de ne plus avoir de parent “légitime” en cas de décès de l’adoptant. Sans compter les problèmes psychologiques que cela pourra poser à l’enfant quand il s’interrogera sur sa filiation. »

    Je pense que personne dans la majorité n’aurait pu faire beaucoup mieux pour expliquer pourquoi il est très important de sécuriser pleinement en droit toutes les familles homoparentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

    Mme Claudine Schmid. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le rapporteur et Mmes les ministres, et j’avoue que je reste un peu sur ma faim.

    Je ne suis pas opposée au mariage de personnes du même sexe car je souhaite qu’ils aient les mêmes devoirs – et non les mêmes droits – que les personnes hétérosexuelles – les devoirs ne doivent pas nous être réservés ! Je suis également pour l’adoption, dans le sens du bien des enfants qui sont nés – et non pas programmés à naître – donc pour permettre l’adoption des enfants dans les « familles arc-en-ciel », comme on dit dans le pays d’où je viens. Cette question est sensible et emplie d’émotion.

    Cependant, vous n’avez pas répondu, madame la garde des sceaux, aux questions posées par mes collègues inquiets des conséquences qui découleront du vote du projet de loi. Vous avez même ouvert la voie à d’autres incertitudes avec la GPA et la PMA. Vous avez dit qu’elles n’ont rien à voir avec le texte, ce qui me laisse supposer qu’elles auront à voir avec des textes à venir, ce que regrette. J’espère que vous répondrez à toutes ces questions dans les jours qui viennent. Je comprends maintenant pourquoi vous refusez le référendum : vous auriez dû répondre à ces questions devant le peuple !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Nous avons entendu une cinquantaine d’orateurs de l’UMP…

    M. Gérald Darmanin. Seulement !

    M. Bernard Roman. …qui ont présenté chacun le même amendement visant à supprimer l’article qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. Ils disent qu’ils n’ont pas eu de réponse à leurs questions, mais je rappelle que je leur en ai moi aussi posé une ce matin, et que j’attends toujours la réponse.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Si, j’ai répondu !

    M. Bernard Roman. Si vous proposez, mesdames et messieurs de l’UMP, que l’on supprime le mariage pour les personnes du même sexe, je vous le redemande : au nom de quoi pensez-vous que l’on puisse refuser l’égalité des droits pour motif de différence d’orientation sexuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Vous n’y répondez pas ! Vous n’osez pas assumer le fait que vous êtes contre le mariage des homosexuels ! Nous, nous sommes pour, et nous l’assumons : le même mariage, les mêmes droits pour tous, quelle que soit l’orientation sexuelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous réclamez un débat sur le débat parce que celui-ci ne serait pas assez approfondi ; ensuite, vous voulez un référendum parce que le Parlement ne suffirait pas ; puis, vous dites qu’il faut parler de la GPA parce qu’on n’aurait pas de réponse sur le sujet, alors que la garde des sceaux a répondu dix fois depuis avant-hier (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…

    Mme Catherine Vautrin. Mais non !

    M. Bernard Roman. …et enfin, vous assénez un dernier argument : en raison même du droit de l’enfant, comment les couples pourraient-ils assumer en dehors de l’altérité sexuelle la responsabilité des enfants ?

    Mais il y en a des dizaines de milliers aujourd’hui, de ces enfants ! Ils vous regardent leur dire : « Vous n’êtes pas dignes parce que vous n’avez pas un papa et une maman. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Alors qu’eux aussi ont deux parents, et qu’ils vivent dans le cadre de couples homosexuels ! Ils vous regardent, et ils ont honte de nos débats ! Honte de ce qu’ils entendent ! Mal de vous entendre leur dire cela !

    En outre, Mme Narassiguin nous apprend que vous avez signé une proposition de loi il y a quinze jours, parce que vous êtes mal dans vos godasses, prévoyant que l’on puisse adopter quand on est pacsé… Vous répétez que les couples homosexuels n’ont pas le droit à l’adoption, qu’ils n’en sont pas dignes, mais d’un autre côté ceux qui sont pacsés en auront le droit ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous n’avez aucune colonne vertébrale, aucune idée construite sur cette question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez du mal à le masquer. Voilà pourquoi le groupe SRC votera contre cette série d’amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Oui, notre assemblée peut être amenée à voter sur la question du mariage de deux personnes du même sexe, le Conseil constitutionnel l’a indiqué il y a quelques mois, tout en précisant que s’il nous était loisible, en tant que représentation nationale, de voter sur ce sujet, c’est évidemment dans le cadre de l’ordre constitutionnel. Plusieurs de mes collègues, en particulier Mme Genevard, se sont appuyés sur cette précision du Conseil – et vous concevez bien sûr, madame la garde des sceaux, que nous le saisirons pour qu’il apprécie dans quelle mesure votre projet respecte cet ordre.

    Second point : le début du développement du rapporteur était intéressant, après son relatif silence en commission. Mais je pense que vous mesurez combien le début de votre propos, monsieur le rapporteur, en tant qu’il rappelle le lien du sujet avec la présomption de paternité et la place de celle-ci dans le mariage, abîme et fragilise cette notion. Toute votre démonstration, au début de votre exposé, était bien la preuve de ce que le texte – ses conséquences, l’esprit dans lequel il est construit, cette évolution de la notion de mariage, qui aura une définition différente dans le dictionnaire et dans la loi – va conduire à un affaiblissement considérable des effets du mariage s’agissant de la filiation et tout particulièrement de la présomption de paternité. Dès lors, ce texte aura des conséquences sur tous les couples : les couples homosexuels, qu’il ne sert pas, et les couples hétérosexuels, qu’il dessert.

    Je le redis (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : un des enjeux fondamentaux de ce débat, c’est de savoir si le mariage est pour vous un objectif ou un instrument. Oui, madame la garde des sceaux, vous instrumentalisez le mariage (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC) car vous n’y croyez pas, vous ne le respectez pas en tant qu’institution. Cette instrumentalisation du mariage vous permet de construire une théorie familiale totalement différente de celle qui nous paraît heureuse et utile pour la société.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Hervé Mariton. Mesdames les ministres, il nous revient d’inventer, d’innover. C’est la force du législateur. Nous proposons des réponses nouvelles, tels le contrat d’union civile ou le statut des tiers, qui pourrait être assez proche de l’adoption simple actuelle. S’il s’agit de chimères, puis-je rappeler Renan : « Rien de grand ne se fait sans chimères » ; Rousseau : « Le pays des chimères est dans ce monde le seul digne d’être habité » ; de Gaulle : « Peut-être la politique est-elle l’art de mettre les chimères à leur place ? On ne fait rien de sérieux si on se soumet aux chimères, mais que faire de grand sans elles. » Oui, mesdames les ministres… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Monsieur Mariton, respecter le mariage, ce n’est pas le réduire à la procréation. Respecter le mariage, c’est le concevoir comme l’engagement de construire un projet de vie commun, de fonder une famille.

    Ce que nous voulons, et c’est en cela que nous respectons le mariage, c’est faire en sorte que chaque personne puisse y avoir accès, qu’elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle.

    Deuxièmement, je voudrais revenir sur cette notion de « droit à l’enfant » que vous employez. Cela ne signifie rien. Un couple hétérosexuel ne vise pas une adoption pour exercer un droit à l’enfant, mais par besoin de fonder, avec cet enfant, une vie commune, un projet éducatif, un amour. C’est vrai pour les couples homosexuels. La PMA, autorisée aujourd’hui pour les couples hétérosexuels, n’est pas un droit à l’enfant, mais le désir d’un couple d’aboutir et d’avoir un enfant pour lui apporter la protection, l’éducation et l’amour nécessaires.

    Parlons donc des droits « des enfants ». Donner des droits à tous les enfants, c’est faire en sorte qu’aucun d’entre eux ne se sente discriminé parce que ses parents n’auront pas les mêmes responsabilités, ne seront pas reconnus à part entière. Cette loi va permettre à des enfants de se sentir des enfants de plein droit parce que leurs parents auront trouvé tous leurs droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. La manière dont Mme la ministre a balayé l’idée d’altérité sexuelle dans la cellule familiale, au prétexte que l’altérité existe dans la société, me met mal à l’aise.

    Le professeur Levy-Soussan, témoignant en qualité de pédopsychiatre, nous disait clairement à quel point l’enfant pouvait avoir besoin de référents père et mère, de l’attention et des égards de l’un ou de l’autre et de leurs apports complètement différents à chaque étape de son parcours, depuis la petite enfance jusqu’à l’adolescence. Ce n’est pas dans la société que l’éducation se fait mais dans la cellule familiale, où cette complémentarité, cette altérité est nécessaire.

    M. Marc Le Fur et M. Bernard Gérard. Très bien !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Il faut avoir une assurance incroyable pour dire que si cela existe dans la société, peu importe la cellule familiale ! Nous sommes là aussi pour défendre la famille, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) dans cette profondeur, dans cette intimité, dans cette complémentarité. Nous n’avons pas le recul nécessaire pour savoir si le fait de gommer cette altérité aura ou non des conséquences sur la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. En 2004, quand Noël Mamère célébrait à Bègles le premier mariage d’un couple de même sexe…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Illégal !

    M. Sergio Coronado.… nous avions déjà entendu ces annonces apocalyptiques. On nous avait prédit la fin du monde. Il ne s’est rien produit de tel dans notre pays, ni en Belgique, en Espagne ou en Argentine.

    Bien au contraire, quand elles ont été adoptées, ces réformes ont été soutenues massivement par l’opinion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ceux qui protestent aujourd’hui feraient bien de s’inspirer des conservateurs de ces pays, qui ne remettent pas en cause ces réformes qui sont un acquis en matière d’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

    Dans notre pays, c’est d’abord une opinion qui a été acquise à cette cause et c’est pour cela que nous débattons de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Ce mouvement est assez puissant pour que celles et ceux qui, en 1998 et 1999, définissaient le mariage comme la rencontre de l’altérité des sexes et des générations se soient ralliés à l’idée du mariage ouvert aux couples de même sexe.

    Pour ma part, je m’en réjouis. Je serais même tenté de dire : le changement, c’est ainsi qu’il se déroule ! Et j’espère que, dans quelques années, vous aurez également l’intelligence de vous rallier à l’idée de mariage pour tous les couples, signe d’égalité et d’ouverture.

    Chers collègues de l’opposition, si vous avez envie de débattre de la PMA, nous aurons l’occasion de le faire, parce que nous avons déposé un amendement en ce sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Et si vous avez aussi envie de débattre de la GPA, vous aurez l’occasion de le faire en reprenant, par exemple, la proposition de loi que vos collègues de l’UMP et du centre ont déposée en 2010 au Sénat sans que cela ne provoque aucune condamnation de votre part. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.) Reprenez cette proposition de loi dans votre prochaine niche parlementaire et nous aurons ainsi l’occasion de débattre dans des termes plus raisonnés, plus indulgents et plus modérés.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Mes collègues ont déjà indiqué la position de certains ministres en faveur de la gestation pour autrui. Pour ma part, je voudrais que chacun mesure l’importance des propos qui ont été tenus hier par le rapporteur du Sénat, Jean-Pierre Michel, sur cette question (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : il se dit favorable à la GPA. Je pense que nous sommes en pleine hypocrisie. Jean-Pierre Michel a le mérite de la cohérence. Il va très loin, disant explicitement que s’il ne veut pas de la rémunération, il veut un dédommagement au bénéfice des femmes qui, en quelque sorte, louent leur corps. (Mêmes mouvements.)

    Je voudrais par ailleurs évoquer un mode de pensée qui a beaucoup marqué, à gauche peut-être plus qu’à droite : la psychanalyse. La psychanalyse a marqué des générations – les années 1970, 1980, 1990. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je voudrais que vous mesuriez ce que dit un psychanalyste, le docteur Winter :...

    M. Nicolas Bays. Lisez plutôt la brochure Du mariage et des psychanalystes !

    M. Marc Le Fur. …« D’un point de vue psychanalytique, j’avance que faire disparaître des signifiants pareils, c’est l’équivalent du meurtre symbolique du père et de la mère ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je voudrais également faire allusion aux propos du docteur Flavigny, repris dans une annexe de votre rapport, ou à ceux du docteur Pierre Lévy-Soussan : « Pour un soi-disant droit à l’égalité, on prive les enfants d’une créance que tous devraient avoir : ne pas être privé de père et de mère. Les enfants du monde ont droit à cette différence parentale. Tous les enfants naissent libres et égaux en droits ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur le vote des amendements de suppression de l’article 1er, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Alors que nous arrivons au bout de cette discussion, je note d’abord que nous n’enlevons rien à tous ceux qui se sont engagés dans un mariage hétérosexuel – qu’on le veuille ou non, c’est essentiel – et ensuite que nous apportons de nouveaux droits à ceux qui se sont engagés dans un mariage homosexuel.

    De multiples reproches sur une absence de consultation nous ont été faits. Le 6 décembre 2012, nous avons entendu la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Mme Lazerges, accompagnée d’un président et d’un vice-président de sous-commission.

    M. Hervé Mariton. Nous étions là !

    M. Alain Tourret. À l’époque, il y avait deux représentants de la droite : M. Mariton et M. Breton. C’est tout.

    Le lendemain, nous avons entendu l’Académie nationale de médecine – puisqu’on nous a dit qu’il fallait la consulter. Qui était présent pour la droite ? Personne. C’est un fait. Et maintenant, vous nous demandez de faire des consultations ? Mais, avec notre excellent rapporteur, nous avons consulté l’ensemble de ces personnes qualifiées !

    Il nous appartient – c’est l’honneur d’un député – de lutter contre toutes les discriminations. Lutter pour le mariage ouvert à tous, c’est lutter contre les discriminations. C’est en cela que c’est une lutte rationnelle, une lutte de l’esprit des Lumières. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non, pas Fasquelle !

    M. Daniel Fasquelle. Je vous remercie, chers collègues, de l’accueil chaleureux que vous me réservez et de votre impatience de m’écouter. Franchement, cela fait chaud au cœur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne devriez pas manifester un tel enthousiasme… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Nous ne sommes pas encore allés au bout du débat concernant la circulaire, et nous devons le faire si nous voulons avancer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n’ai absolument pas été convaincu par les propos de Mme la garde des sceaux. (Mêmes mouvements.) Pourriez-vous m’écouter un instant ?

    M. le président. Mes chers collègues, de toute façon il faut attendre que le délai de cinq minutes soit écoulé avant le vote.

    M. Daniel Fasquelle. Merci, monsieur le président. Le lien existe, puisque la circulaire ajoutée à ce projet de loi représente un encouragement à faire appel à la GPA à l’étranger. C’est d’ailleurs ce qui disait François Hollande dans une interview parue en février 2012 dans le magazine Têtu.

    Mme la garde des sceaux, que j’ai bien écoutée, ne m’a absolument pas convaincu. D’ailleurs, il manque une étape dans son raisonnement. Pour délivrer le certificat de nationalité, il faut bien sûr avoir la nationalité. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le président, ce n’est pas possible !

    M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît.

    M. Daniel Fasquelle. Qui dit délivrance du certificat de nationalité dit reconnaissance de la nationalité. Celle-ci est octroyée à l’enfant concerné parce que l’on considère qu’il a un père français, en vertu de l’article 18 du code civil.

    Reconnaître que son père est français suppose de transcrire en droit français le certificat d’état civil dressé à l’étranger. (Interruptions sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) L’enfant n’est d’ailleurs pas apatride, contrairement à ce qu’a dit Mme la garde des sceaux, il a la nationalité d’un État étranger. Or jusqu’à présent, on s’opposait à la transcription en droit français du certificat obtenu à l’étranger parce que ce certificat était contraire à l’ordre public français et parce que la filiation dépendait de la gestation pour autrui. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Merci, monsieur Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Je termine mon raisonnement.

    M. le président. D’une phrase.

    M. Daniel Fasquelle. Vous ne voulez pas m’écouter. Pourtant c’est la vérité ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Avec la circulaire, on fait disparaître la règle d’ordre public français et on en vient, en réalité, à reconnaître la gestation pour autrui.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression à l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 270

    Nombre de suffrages exprimés 268

    Majorité absolue 135

    Pour l’adoption 85

    contre 183

    (Les amendements nos 2, 56, 258, 291, 317, 333, 458, 593, 783, 983, 1049, 1114, 1178, 1206, 1355, 1526, 1707, 1727, 1943, 2031, 2135, 2332, 2989, 3042, 3091, 3236, 3244, 3290, 3334, 3539, 3648, 3817, 3849, 3956, 3993, 4752, 5071, 5111, 5298 et 5355 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en avons terminé avec les amendements de suppression à l’article 1er. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement.

    M. Gérald Darmanin. Je déplore l’absence de M. Mamère car ce rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, lui est destiné.

    Lorsque M. Coronado a défendu, et c’était son droit, la position de son groupe, il a rappelé le mariage illégal, contraire aux lois de la République, que M. Mamère avait célébré en sa mairie. M. Mamère a alors singé une prière puis a fait des signes de croix, ce qui, de sa part, n’était pas du meilleur goût. Par ces gestes, il a quelque peu altéré la bonne humeur qui entourait le vote sur les amendements de suppression de l’article premier.

    J’aimerais, monsieur le président, que vos remarques, qui s’adressent parfois à juste titre aux rangs de l’opposition, se tournent aussi vers ceux de la majorité pour leur rappeler que ce genre de gestes peut troubler les consciences. Nous ne nous permettons pas d’ironiser sur les convictions religieuses ou philosophiques de M. Mamère. J’espère que ce dernier aura l’occasion de s’excuser pour ce geste, que je n’ose appeler de la cathophobie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bruno Le Roux. Je souhaite dire à M. Darmanin que c’est lui-même, dans l’une de ses interventions, qui a fait référence à la prière dans cet hémicycle. L’essentiel dans cette bonne ambiance, monsieur Darmanin, est que nous pardonnions ces choses-là. Pour notre part, nous vous avons déjà pardonné. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    Article 1er (suite)

    M. le président. Je suis saisi de très nombreux amendements pouvant être soumis à discussion commune, dont plusieurs sont identiques.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3463.

    M. Daniel Fasquelle. Je voudrais dire à M. Le Roux qu’il est malvenu de sa part de faire ce genre de réflexions quand lui-même ironisait dans les couloirs de l’Assemblée nationale sur les députés de l’opposition qui seraient absents dimanche matin pour aller à la messe. Je trouve cela parfaitement déplacé. Ne faites pas ce genre de remarque à M. Darmanin car vous êtes très, très mal placé pour le faire.

    M. Bruno Le Roux. Je maintiens.

    M. Daniel Fasquelle. Je regrette aussi de n’avoir pas pu me faire entendre sur la circulaire. J’y reviendrai si cela est nécessaire. Je crois que Mme la ministre n’a pas perçu toute la portée de sa circulaire, c’est en tout cas mon sentiment, et je m’inquiète de ce que la majorité n’en ait pas conscience non plus. Cette circulaire, qui reconnaît la gestation pour autrui à l’étranger, associée à ce projet de loi, va inévitablement encourager le recours à la gestation pour autrui à l’étranger.

    Ce que vous mettez en place est absolument scandaleux. C’est une violation grave des droits de l’enfant et des droits de l’homme.

    Mme Brigitte Bourguignon. Non !

    M. Daniel Fasquelle. Je m’insurgerai à chaque fois que cela sera nécessaire contre cette circulaire, dont nous continuons à demander le retrait.

    Nous voulons être à l’écoute des Français qui sont attachés au mariage, en ce qu’il est l’union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille et emporte des conséquences en matière de filiation. Mais nous voulons aussi être attentifs aux couples homosexuels qui demandent une meilleure reconnaissance sociale et qui souhaitent pouvoir installer leur relation dans la durée.

    En la matière, il n’y a pas débat. Si nous évoquons la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui ou les conséquences de l’adoption plénière, c’est parce que ce sont là les vrais sujets. Quant à la reconnaissance des couples homosexuels, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut l’améliorer. J’avais d’ailleurs déposé dès le mois d’octobre une proposition de loi en ce sens, et j’ai été rejoint par mes collègues de l’UMP. Cette proposition de loi vise à créer une alliance civile célébrée en mairie, marquant ainsi la reconnaissance sociale que les couples homosexuels demandent aujourd’hui à juste titre.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Daniel Fasquelle. Le PACS est, je le rappelle, signé au greffe du tribunal. L’alliance civile permet d’installer la relation dans la durée, puisqu’elle emporte des conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales. Elle peut être complétée par un acte notarié. L’intervention d’un juge peut y mettre fin.

    Permettez-moi de poursuivre, monsieur le président, c’est un sujet difficile à résumer.

    M. le président. Le règlement vous octroie deux minutes.

    M. Hervé Mariton. C’est un amendement important !

    M. Daniel Fasquelle. Oui, et je résume en trois mots une proposition de loi de plusieurs pages. Je n’interviendrai plus ensuite, si vous le souhaitez.

    Concernant la fin de la relation, pour ce qui est du PACS, elle peut se faire par une simple lettre, comme une forme de répudiation – cela avait d’ailleurs été dénoncé lors des débats sur le PACS. C’est pourquoi je propose l’intervention du juge.

    L’alliance civile permet donc une reconnaissance des couples homosexuels, qui est nécessaire, nous sommes tous d’accord. Elle leur permet aussi d’inscrire leur relation de couple dans la durée. C’est tout le sens de cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5110.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement procède de la même logique que celui du groupe UMP. Il résulte de notre volonté, aux uns et aux autres, de répondre au besoin de reconnaissance sociale des couples homosexuels en leur permettant de s’unir par un acte solennel en mairie.

    Ce qui, vous l’avez bien compris, nous préoccupe vraiment, ce sont les questions de filiation, d’adoption plénière, de procréation médicalement assistée et de gestation pour autrui. La formule de l’union civile présente plusieurs avantages : elle organise juridiquement et sur le plan patrimonial la relation, elle règle les questions de solidarité, et elle pose les conditions de reconnaissance et de construction d’un couple homosexuel selon les mêmes critères que pour un couple hétérosexuel.

    M. le président. Nous en arrivons aux amendements identiques. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 212.

    M. Laurent Marcangeli. Il s’agit, dans le droit fil de ce que viennent de dire mes collègues, de cette fameuse alliance civile. Elle démontre, si besoin en était, que contrairement à ce qui a été dit ce matin, il ne saurait y avoir une quelconque négation de l’amour homosexuel chez les parlementaires de l’opposition, ni une quelconque volonté d’empêcher les couples homosexuels d’accéder à certains droits que le PACS ne prévoyait pas en 1999.

    Cela dit, notre proposition fixe une limite, liée aux enfants. Nous proposons effectivement qu’un certain nombre de droits soient ouverts aux couples de personnes de même sexe qui veulent s’installer dans une communauté de vie, qui souhaitent, si cela ne fonctionne plus entre eux, que cela soit réglé devant un juge et non pas seulement par une lettre à un tribunal, et qui demandent enfin que le conjoint survivant bénéficie d’un certain nombre d’avantages que ne prévoient pas les dispositions jusqu’alors applicables au PACS.

    Mais la limite donc, c’est les droits de l’enfant. C’est elle que nous retenons dans notre proposition, dont je ne pense pas qu’elle soit mauvaise. Elle est équilibrée, elle respecte l’amour homosexuel, elle lui donne de nouveaux droits, elle permet de ne pas le discriminer – bref, elle répond tout simplement à des problèmes que notre société connaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 256.

    M. Philippe Le Ray. L’alliance civile est une vraie chance pour l’avenir. Elle offre une véritable sécurité juridique et donne des droits – et aussi, il ne faut pas l’oublier, des devoirs. C’est une vraie reconnaissance sociale, qui évitera de tomber dans le piège de la dérive vers la GPA et la PMA. Car, quand on lit les déclarations de Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi au Sénat, on ne peut être qu’extrêmement inquiet, puisqu’il le dit clairement : la gestation pour autrui, c’est pour bientôt.

    Cette alliance civile fera l’objet d’une célébration solennelle d’union devant le maire. Je crois que tous les maires en seront fiers. De ce fait, elle permettra de régler la question de la clause de conscience, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure. Oui, vous devez respecter cette clause de conscience. Le respect, c’est maintenant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 289.

    M. Christian Jacob. Cet amendement vise à créer l’alliance civile. Celle-ci permet, cela a été rappelé, ce moment de solennité attendu par beaucoup d’associations et d’organisations homosexuelles, qui nous l’avaient demandé.

    M. Nicolas Bays. C’est l’égalité, qu’elles demandent !

    M. Christian Jacob. Ce moment aura donc effectivement lieu devant un officier d’état-civil.

    Cet amendement prévoit également que les alliés se doivent mutuellement fidélité, et les engage à la vie commune. Il offre donc certaines réponses qui existent dans le mariage. Il prévoit encore une contribution commune aux charges liées à l’alliance, et permet à un allié de représenter l’autre dans les responsabilités que l’alliance lui confère – c’est aussi un point important, qui était attendu par les différentes organisations. Les alliés sont également solidaires à l’égard des tiers.

    Voilà qui offre l’ensemble des réponses souhaitées, à la fois en termes de solennité, aspect essentiel des demandes qui nous sont faites, et de protection juridique, sans toucher à la filiation. Vous avez bien compris que, pour nous, c’est une ligne de rupture. C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés, totalement, au droit au mariage pour les couples homosexuels, puisque l’adoption – d’ailleurs mentionnée en toutes lettres dans le texte du projet de loi – y est liée, ainsi qu’à la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle et à la reconnaissance de fait de la gestation pour autrui. Nous avons, avec ce contrat, un socle juridique qui permet la protection des alliés, l’engagement de la responsabilité vis-à-vis d’un tiers et une compensation en cas de dissolution.

    Je voudrais qu’une réponse précise nous soit donnée…

    Mme Catherine Coutelle. Vous n’écoutez pas les réponses !

    M. Christian Jacob. Nous voudrions savoir pourquoi le Gouvernement et la majorité sont aussi opposés à cette alliance civile ! Elle répond à toutes les attentes, mis à part le problème de la filiation. Nous aurions pu parvenir à un consensus, mais c’est vous qui le refusez. On a du mal à comprendre cette réticence à répondre ainsi aux attentes de la communauté homosexuelle.

    M. Nicolas Bays. Leur attente, c’est l’égalité !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 326.

    M. Hervé Mariton. J’ai évoqué cette question tout à l’heure, et je pense que Mme Taubira aura été sensible aux références citées.

    Quand on est confronté à des situations qui évoluent, à un monde qui n’est pas immobile, il est important d’innover, de chercher, d’imaginer les meilleures solutions. La meilleure solution, ce n’est pas de garder une structure qui a toute sa vertu – nous ne ferons pas un plaidoyer contre le mariage, entendez bien – c’est de trouver la réponse adaptée aux situations dont on nous parle, qui sont des situations différentes. À situations différentes, réponses différentes. Ce n’est en rien de la discrimination.

    Quel est le principal avantage de l’alliance civile ? C’est qu’en même temps qu’elle résout nombre des difficultés matérielles, avérées, dont on nous fait part – car nous écoutons le monde ! – elle évite de nous enfermer dans l’idéologie et le dogmatisme, de créer du conflit, du clivage. Les deux tiers des Français sont favorables à cette solution ; vous le savez, nous le savons.

    M. Michel Vergnier. C’est vous qui les clivez !

    M. Hervé Mariton. La majorité des Français est favorable au mariage des personnes de même sexe ; en même temps, la majorité des Français est défavorable à la filiation et à l’adoption.

    Pour résoudre cette contradiction plutôt que de s’y enfermer, il faut trouver une solution, être à la hauteur de notre mandat, dans la grandeur de notre mission : chercher, réfléchir, tâcher de réunir, innover, inventer.

    L’alliance civile…

    Mme Annick Lepetit. Ça vous a sauvé, ça, l’alliance civile ! Sainte alliance civile !

    M. Hervé Mariton. Pour vous dire les choses, au sein de notre groupe, nous ne nous y sommes pas ralliés immédiatement. C’est l’honneur de Daniel Fasquelle de l’avoir proposée. Je crois que c’est aussi notre honneur que d’avoir voulu réfléchir, trouver une solution et, aujourd’hui, la proposer. Puissent le Gouvernement et la majorité être aussi dans cette démarche de réflexion, d’humilité,…

    Un député du groupe SRC. L’humilité de Mariton !

    M. Hervé Mariton. …d’innovation, de proposition et de rassemblement.

    Mme Annick Lepetit. Vous n’y croyez même pas !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 457.

    M. François de Mazières. Je crois que l’alliance civile permettrait de nous réconcilier et, au-delà, de réconcilier tous les Français.

    Nous sommes conscients qu’il y a des cas individuels à régler. Mais, monsieur le rapporteur, quand vous déclarez, comme vous l’avez fait tout à l’heure, que les couples homosexuels font des enfants comme les couples hétérosexuels, grâce à la PMA, je suis sûr que de nombreux Français se disent qu’il n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !

    M. Bernard Roman. Pourtant, c’est vrai !

    M. Nicolas Bays. Faut sortir de Versailles !

    M. François de Mazières. Songez à tous les couples qui, pour des raisons de santé, sont obligés de recourir à ce qu’on appelle les FIV. Quel amalgame ! Aujourd’hui, la fécondation in vitro est utilisée pour des raisons médicales. Et on passerait désormais commande d’un bébé, parce qu’on a le désir d’un bébé ! Mais enfin, pour une société, c’est fou !

    Par ailleurs, Mme la garde des sceaux a parlé de chimères, à propos du droit à l’enfant. Mais c’est Mme la ministre de la famille qui en a parlé en commission des lois, c’est écrit ! Alors, il faut savoir : le Gouvernement cautionne-t-il les chimères de l’un de ses ministres, chargé de la famille ?

    Monsieur Roman, vous avez dit que nous n’avions aucune colonne vertébrale. Ces propos vont beaucoup trop loin. Nous pensons bel et bien avoir une colonne vertébrale. Nous essayons de faire attention à toutes les situations, celles, qui peuvent être tragiques, des enfants élevés par des couples homosexuels mais aussi celles de toutes les autres familles françaises.

    M. Michel Vergnier. Heureusement que les Français ne vous écoutent pas !

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 752.

    M. Guénhaël Huet. Depuis mardi, et plus particulièrement depuis ce matin, nous voyons les points de divergence sur lesquels s’opposent majorité et opposition. Je crois cependant qu’un point commun nous rassemble : la reconnaissance et le respect de l’homosexualité. Cela n’a jamais posé problème, (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) bien que vous ayez essayé de nous faire dire le contraire.

    Ce qui est assez remarquable, c’est que la communauté homosexuelle dans son ensemble ne demande pas le mariage.

    M. Nicolas Bays. Ce n’est pas une communauté !

    M. Guénhaël Huet. Elle demande à être respectée et à connaître une certaine sécurité juridique…

    M. Nicolas Bays. Elle demande l’égalité !

    M. Guénhaël Huet. …en matière patrimoniale, en matière successorale et sur la question très précise du droit à réversion. Voilà ce que demande la communauté homosexuelle, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pas ce fantasme juridique qu’est le mariage homosexuel !

    Notre proposition, qui émane de Daniel Fasquelle, est bonne. C’est une solution de synthèse et de compromis. Dans le cadre de l’alliance civile, les couples homosexuels auraient les mêmes droits que les couples hétérosexuels sauf en ce qui concerne la filiation, l’adoption et, bien entendu, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, qui est une véritable provocation.

    Je l’ai dit ce matin, je le répète : la loi, ce n’est pas seulement donner des droits. C’est aussi fixer des valeurs et des points de repère. L’alliance civile serait un excellent point de repère, un excellent système juridique. C’est ce que nous vous proposons.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement.

    Je veux rappeler à la majorité que nous avons besoin de sérénité. Mme la garde des sceaux a dit elle-même tout à l’heure que le débat devait pouvoir se dérouler dans de bonnes conditions. De toute évidence, la majorité vocifère. Elle ne veut pas écouter. Vous avez un problème avec l’altérité ! Il est essentiel que vous puissiez respecter notre différence. J’ai déjà eu l’occasion de le dire hier au président Le Roux qui, lui aussi, a fait en sorte que les débats ne puissent pas se dérouler dans la sérénité. Nous avons besoin de calme. Ce climat montre une fois de plus que le clivage est fort. Nous avons besoin de recréer du consensus. C’est pourquoi j’appelle à ce que le débat se déroule dans de bonnes conditions.

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Je souhaite que nos débats se déroulent dans de bonnes conditions. Cependant, j’ai relu les déclarations d’un certain nombre de membres de l’opposition, j’ai relu les débats sur le PACS – un certain nombre de ceux qui y ont participé siègent encore parmi nous, j’ai lu les amendements déposés, j’entends ce qui se passe dans ce débat.

    Nous pourrions, monsieur Huet, nous retrouver sur un point : quand nous légiférons, nous le faisons pour la communauté nationale ! Il n’existe pas d’autre communauté que la communauté nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) J’aimerais que l’on arrête de prétendre, sur les réseaux sociaux, que nous légiférons pour répondre à une communauté homosexuelle qui n’existe pas dans notre pays et que nous ne reconnaissons pas. (Mêmes mouvements.)

    M. Hervé Mariton. C’est vous qui l’avez évoquée !

    M. Bruno Le Roux. C’est à cause de ces dérapages que je prends la parole. Je veux que la sérénité préside à nos débats et que vous arrêtiez ces amalgames et ces mises en cause. (Nouveaux applaudissements.)

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour soutenir l’amendement n° 782.

    M. Rémi Delatte. J’ai un peu de mal à comprendre l’attitude de la majorité. La proposition de l’alliance civile devrait être de nature à créer un vrai consensus entre nous.En effet, elle respecte les différences. C’est une solution équilibrée à l’attente des couples homosexuels, qui a le mérite de respecter les personnes…

    M. Patrick Bloche. Ce n’est pas vrai !

    M. Rémi Delatte. Cher collègue, permettez-moi de poursuivre ! Faites preuve de respect !

    Cette solution a donc le mérite de respecter les personnes qui restent attachées au mariage dans l’altérité, lesquelles sont les plus nombreuses, ne vous en déplaise. En effet, seul le mariage dans l’altérité permet la conception des enfants.

    L’alliance civile permet de reconnaître aux couples de même sexe une dignité égale aux couples hétérosexuels, sans réformer le régime de filiation porté par l’institution du mariage et qui a fait l’objet de nombreuses déclarations depuis ce matin. Elle serait célébrée à la mairie, ce qui lui conférerait un caractère solennel, en harmonie avec l’amour que partagent les partenaires. Elle garantirait aux conjoints de même sexe des droits sociaux et patrimoniaux identiques à ceux conférés aux couples hétérosexuels par le mariage. Elle offrirait donc un cadre juridique protecteur et rassurant ainsi qu’une juste reconnaissance sociale, autour d’un contrat de vie commune fondé sur l’amour.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Encore !

    M. Hervé Mariton. Il est basé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Nous devons veiller à l’exactitude de nos débats. Patrick Bloche a fait l’autre soir une intervention très juste et bien sentie sur ce point. Il soulignait – je le dis sous son contrôle – combien il est important de ne pas entrer dans des démarches de communauté. Et vous aviez raison, cher collègue.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

    M. Hervé Mariton. Je dois ajouter que, dans les minutes qui ont suivi cette déclaration, certains membres du groupe socialiste sont directement entrés sur le terrain du communautarisme. Ils ont recentré notre débat autour de cette idée, en ont reformulé les termes à travers ce prisme.

    M. Arnaud Leroy. Mais non !

    M. Bernard Roman. C’est faux !

    M. Hervé Mariton. J’aborderai brièvement un deuxième point, monsieur le président. J’ai constaté, en lisant les dépêches de presse de ces dernières heures, que le Président de la République appelle à la reprise d’un dialogue politique au Mali. Il me paraîtrait judicieux qu’il acceptât un dialogue politique avec les parlementaires de l’entente pour la famille, qui sont plus de deux cents et qui lui ont demandé un rendez-vous qu’ils n’ont pas obtenu.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Totalement incohérent !

    M. Jacques Myard. Totalement cohérent !

    M. le président. Je vous retire la parole, monsieur Mariton, car vos propos ne relèvent plus d’un rappel au règlement.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Josette Pons, pour soutenir l’amendement n° 646.

    Mme Josette Pons. J’adhère totalement à cette proposition d’instaurer une alliance civile. Daniel Fasquelle a eu là une excellente idée. Cette alliance civile est voulue par tous. Nous connaissons, nous aussi, des couples homosexuels, et vivons avec eux depuis fort longtemps. Cela ne nous cause aucun problème. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Du calme, mes chers collègues.

    Mme Josette Pons. Monsieur le président, je suis élue depuis dix ans et c’est la première fois que je me trouve confrontée à une ambiance pareille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sébastien Pietrasanta. À qui la faute ?

    Mme Josette Pons. Vous n’êtes pas tolérants !

    M. le président. Madame Pons, cette assemblée a connu des moments beaucoup plus difficiles que celui-ci. Il y a encore des progrès à faire, sur tous les bancs. Toutefois, compte tenu du sujet, cela se déroule plutôt bien pour l’instant.

    Poursuivez donc, madame Pons, je vous laisse la parole.

    Mme Josette Pons. Mais tout le monde ici parle de sérénité. Or je trouve que nous ne sommes pas du tout sereins ! Nous discutons d’un problème important, d’un grand changement de société. C’est un problème de reconnaissance, que nous n’abordons pas sereinement.

    Chacun a le droit de s’exprimer, d’être écouté. Nous ne sommes pas obligés d’être tous d’accord, mais nous devrions nous accorder au moins sur cette union, qu’elle s’appelle mariage ou alliance civile. Nous sommes d’accord sur ce point !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ah ! Bravo !

    Mme Josette Pons. Mais il conviendrait d’éviter le mot mariage et de proposer une alliance civile. C’est une proposition modérée sur laquelle nous pourrions tous nous accorder.

    S’agissant de la filiation, on sait que ce texte concerne le mariage et l’adoption. L’adoption, la PMA – dont on nous a dit qu’il sera question dans un prochain texte – et la gestation pour autrui méritent un vrai débat, dans le calme. Il faut sans doute, là aussi, demander leur avis aux Français. Le Président de la République s’honorerait en organisant un référendum afin qu’ils puissent tous s’exprimer.

    Nous avons parlé, tout à l’heure, de communauté nationale. Pour une fois, il serait bon que tous les Français puissent s’exprimer.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 956.

    M. Jean-Pierre Door. Cet amendement est très important.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

    M. Jean-Pierre Door. Eh bien oui ! Il avance une solution que je crois équilibrée, attentive à la fois aux attentes des couples homosexuels et à ceux qui sont attachés au mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme dans le but d’avoir des enfants. J’ai été heureux d’entendre Mme la ministre, dans son discours, rappeler que le code civil, voté en 1793 sous Robespierre, confirmait le mariage comme une convention passée entre un homme et une femme.

    Vous écoutez certaines voix qui vous demandent de modifier le code civil : c’est votre droit. Nous, nous prêtons attention à d’autres voix. J’ai rappelé ce matin la déclaration médiatique de Mme Catherine Lara, selon laquelle il est possible de procéder autrement, d’inventer un concept différent de sorte que tous les gens qui s’aiment aient les mêmes droits. Cette déclaration est très importante. J’ai rappelé également que le porte-parole du groupe Homovox a soutenu le même point de vue lors de son rendez-vous avec le Président de la République.

    Madame la ministre, compte tenu de la division qui règne au sein de la société sur ces sujets, nous vous proposons une réponse adaptée aux couples de même sexe : l’alliance civile, selon la description très intéressante qu’a faite M. Fasquelle tout à l’heure. Ce serait là une évolution importante du PACS, voté ici même en 1999 avec Mme Guigou. Nous pourrions avancer dans ce sens : ce serait une solution consensuelle.

    M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1045.

    Mme Anne Grommerch. Je souhaite d’abord répondre aux députés de la majorité quant à l’emploi du terme de « communauté », qui a été employé par M. Stéphane Travert : vous pourrez le vérifier en consultant le compte rendu.

    Parce que le mariage est l’institution fondatrice de la famille, qu’il ne repose pas sur la vie sexuelle et qu’il est l’alliance entre un homme et une femme en vue de fonder une famille, nous proposons une alternative : l’union civile. Là où vous essayez de diviser la société, d’opposer des « pro-homos » et des « anti-homos », nous essayons de trouver des solutions pour répondre aux besoins et aux attentes des couples homosexuels. Il est effectivement nécessaire qu’ils puissent bénéficier d’un cadre juridique plus large que le PACS, qui leur donne les mêmes droits et les mêmes devoirs que les couples hétérosexuels.

    Vous tentez de nous stigmatiser. C’est très regrettable, car il s’agit de vrais sujets de société. Nous ne nous trouvons pas dans un débat droite-gauche : il y a parmi vous des gens qui ne sont pas favorables à ce texte, et parmi nous des gens qui y sont favorables. Vous devez entendre les attentes des Français ! Madame la garde des sceaux, vous devez entendre la proposition d’alliance civile portée par notre collègue Daniel Fasquelle. C’est une réponse légitime aux attentes des couples homosexuels, que nous entendons nous aussi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1107.

    M. Paul Salen. Le présent amendement apporte une solution équilibrée, attentive à la fois aux attentes des couples homosexuels et à ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme dans le but d’avoir des enfants.

    Pour ce faire, il est suggéré de créer une nouvelle institution qui ne soit pas le mariage mais qui soit davantage que le PACS. Le pacte civil de solidarité, contrat privé de nature patrimoniale, n’a pas répondu, en effet, aux besoins des couples homosexuels. S’il faut être attentif à leur demande de reconnaissance sociale et de sécurité juridique, la réponse ne peut cependant passer par un accès au mariage qui emporte présomption de paternité et filiation. Par essence, le mariage est la forme juridique par laquelle la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme. La différence de sexe et la procréation font partie de sa définition.

    L’alliance civile introduit dans notre droit une réponse adaptée à des couples de même sexe qui souhaitent offrir un cadre juridique à leur relation privée pour une sécurité accrue et une plus grande reconnaissance sociale. Cette convention institue un lien juridique entre deux alliés. Comme le mariage, l’alliance civile fera l’objet d’une célébration solennelle d’union devant le maire qui, par elle-même, entraînera des conséquences proches du mariage, excepté la filiation et l’adoption.

    L’alliance civile déclenche ainsi l’application d’un statut protecteur d’ordre extra-patrimonial, comportant notamment une obligation de fidélité, de secours et d’assistance entre alliés. Enfin, l’alliance civile apporte aux alliés, lors de la dissolution de l’union, une sécurité juridique plus forte que celle dont bénéficiaient les partenaires d’un PACS. Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir voter cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1205.

    M. Daniel Gibbes. Cet amendement, excellemment défendu par Daniel Fasquelle, propose une solution juste, à même de satisfaire les attentes fortes et légitimes des couples de même sexe tout en prenant en considération les arguments des défenseurs de l’institution du mariage dans son acception traditionnelle. Il s’agit, vous l’avez compris, de créer une alliance civile, c’est-à-dire une nouvelle institution qui ne soit pas le mariage mais qui apporte de nécessaires améliorations au PACS.

    Nous entendons les besoins des couples homosexuels, tant sur le plan de la reconnaissance sociale que de la sécurité juridique.

    M. Patrick Bloche. Ils veulent se marier !

    M. Daniel Gibbes. Le PACS doit être maintenu, car il apporte une réponse à un grand nombre de couples, mais il doit être renforcé, notamment en matière d’obligations extra-patrimoniales ou en ce qui concerne sa dissolution. C’est ce que nous proposons avec l’alliance civile, qui introduirait dans notre droit une réponse adaptée aux couples de même sexe et entraînerait des conséquences proches du mariage, excepté en matière de filiation et d’adoption. Voilà qui a le mérite d’être clair !

    Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1218.

    M. Yves Nicolin. Madame la ministre, nul ne peut nier que le texte que vous présentez divise les Français. Il ne fait pas l’unanimité. Même si certains sondages portant sur l’ouverture du mariage aux couples du même sexe sont favorables, en revanche ceux qui portent sur l’adoption sont défavorables. Demain, sur la PMA, et peut-être après-demain sur la GPA, ils seront encore plus défavorables. Et, puisque la technique médicale progresse, on parlera aussi un jour du clonage… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Ce texte est donc maladroit. Il l’est d’autant plus qu’il divise votre objectif en plusieurs parties. Dans ce texte, vous nous parlez de mariage et d’adoption mais vous refusez de parler du reste, dont il sera question lors de l’examen d’un prochain texte qui portera notamment sur la PMA – le Gouvernement s’en fait le témoin. Aujourd’hui, vous refusez la GPA, mais nous sentons bien que nous sommes là au cœur du débat.

    J’étais présent lors des débats sur le PACS.

    M. Alain Fauré. Oui, et vous avez voté contre !

    M. Yves Nicolin. J’ai entendu Mme Guigou dire que le mariage et l’adoption ne seraient jamais ouverts aux couples de même sexe. Et je vous entends aujourd’hui, madame la ministre, dire que jamais la GPA ne sera autorisée… Le clonage non plus, je suppose, bien que vous n’en ayez pas parlé. Permettez-moi néanmoins d’être inquiet, car votre prédécesseur, Mme Guigou, a réalisé avant-hier un formidable numéro de looping sur ces questions.

    Nous avons la possibilité d’apaiser le débat et de permettre à beaucoup de Français de se retrouver dans un projet, celui de l’institution d’une alliance civile. Ce terme d’alliance est extrêmement fort : y en a-t-il d’ailleurs de plus fort ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oui, mariage !

    M. Yves Nicolin. Il est peut-être plus fort que le mot de mariage. Une alliance, pour celles et ceux qui sont mariés, c’est un symbole que l’on porte au quotidien. C’est un symbole que l’ensemble des nations reconnaissent, ce qui n’est pas le cas du mot « mariage ». J’insiste sur ce terme d’alliance : ce serait une reconnaissance extrêmement forte pour les couples homosexuels.

    En revanche, cet amendement a l’avantage très important de ne pas engager l’adoption. Je me permets d’insister de nouveau, comme je l’ai fait lors de la discussion générale.

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Yves Nicolin. Monsieur le président, je vous demande encore quelques secondes, ce sera ma dernière intervention de la journée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je remercie mes collègues de m’applaudir, et donc de m’approuver !

    L’adoption par les homosexuels pénalisera à vie certains enfants, qui n’auront pas un père et une mère. Certains les auront, d’autres en seront privés.

    M. Patrick Bloche. C’est honteux !

    M. Yves Nicolin. Ce n’est pas honteux, monsieur Bloche !

    M. Patrick Bloche. C’est scandaleux !

    M. Yves Nicolin. Il y a des enfants dans les orphelinats qui n’attendent qu’une chose depuis des années : avoir un père et une mère. De quel droit les confiera-t-on, demain, à un foyer composé soit de deux pères, soit de deux mères et non d’un père et d’une mère ? Vous en prenez la responsabilité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 1661.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. La solution proposée par Daniel Fasquelle est juste et équitable. Nous ne sommes pas opposés aux droits que vous prévoyez d’attribuer aux couples homosexuels, mais nous souhaitons que le mot « mariage » soit réservé aux couples hétérosexuels. Pourquoi ? Parce que le mariage implique l’enfant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Comme le rappelait très justement Henri Guaino l’autre soir, la question de la procréation se pose inéluctablement et les conséquences sur la filiation ne peuvent être évitées. Quand, demain, quelqu’un dira qu’il est marié, on sera obligé de lui demander : « Avec qui, un homme ou une femme ? »

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et ça, ce n’est pas homophobe ?

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce n’est tout de même pas inintéressant ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, le mariage est très clair. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Poursuivez votre intervention !

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas moi qui…

    M. le président. Poursuivez !

    M. Jean-Charles Taugourdeau. En tout cas, ceux qui, parmi nous, sont favorables à votre projet peuvent le dire. Chez vous, ceux qui y sont défavorables ont beaucoup de difficultés à s’exprimer.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai !

    M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est pour cela que nous souhaitons l’organisation d’un référendum, qui permettra au peuple de trancher cette question.

    L’alliance civile est une bonne proposition. Elle distingue bien les situations tout en conférant les mêmes droits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, quand on les interroge, les Français disent qu’ils sont favorables au mariage des homosexuels, mais précisent dans la foulée qu’ils n’approuvent pas la PMA et qu’ils s’opposent à la GPA. Nous aurons l’occasion d’en reparler ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement n° 1801.

    M. Michel Terrot. Je voudrais profiter de cet amendement pour revenir sur les précédents propos de Mme Guigou. Je n’ai pas compris les raisons de son irritation qui, apparemment, n’était pas feinte. Elle a, notamment, dit que ses propos étaient instrumentalisés, qu’ils étaient sortis de leur contexte et que sa position était caricaturée.

    Mme Marie-George Buffet et plusieurs députés du groupe SRC. Quinze ans !

    M. Michel Terrot. J’ai eu la curiosité de relire les propos qu’elle avait tenus à l’époque in extenso et je n’ai rien vu qui lui permette de manifester une telle opinion. C’est le rôle de l’opposition, et, à notre place, vous feriez exactement la même chose, que de rappeler la réalité de ses paroles. Elle était contre le mariage homosexuel.

    Mme Marie-George Buffet. On a le droit d’évoluer !

    M. Michel Terrot. Elle était favorable à tout ce qui touchait à l’altérité des sexes et elle était, naturellement, tout à fait hostile à ce que l’on aille plus loin en matière d’adoption et de filiation. Cela avait au moins le mérite de la clarté. Je reste, sur ce point, sur la même position qu’elle, même si, à l’époque, je savais – et c’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas voté le PACS – que les promesses n’engagent que leurs auteurs et qu’il y aurait d’autres étapes. Nous y sommes aujourd’hui ! Ce projet de loi sera, à n’en pas douter, suivi d’autres textes sur la PMA et la GPA.

    Pour remettre un peu de raison dans tout cela, et pour donner aussi du sens aux propos de Mme Guigou il n’y a pas si longtemps, il est urgent d’adopter l’amendement traitant de l’alliance civile. Nous éviterons ainsi bien des difficultés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 1910.

    M. André Schneider. Par cet amendement, nous vous proposons de créer l’alliance civile.

    L’alliance civile est l’accord de volontés par lequel deux personnes physiques majeures de même sexe soumettent leur union à un corps de règles légales ci-dessous développées.

    Mme Elisabeth Pochon. Pourquoi avez-vous changé en quinze ans ? Vous n’avez pas voté le PACS !

    M. André Schneider. Les prohibitions édictées en droit du mariage aux articles 161 à 163 sont applicables à l’alliance civile. Les majeurs sous tutelle ne peuvent contracter une alliance civile qu’avec l’accord du juge des tutelles. Je pense que vous avez tous pris connaissance de ce texte, qui est suffisamment clair.

    Cet amendement a pour but d’avancer une solution équilibrée, attentive aux attentes des couples homosexuels et à ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme dans le but d’avoir des enfants. Pour ce faire, il est suggéré de créer une nouvelle institution qui ne soit pas le mariage, mais qui soit davantage que le pacte civil de solidarité : l’alliance civile.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1942.

    M. Jacques Lamblin. Je soutiens le projet d’alliance civile pour une raison toute simple : à mes yeux, il a tous les avantages du mariage homosexuel sans aucun des inconvénients. Nous avons essayé de vous mettre en garde sur les conséquences de votre projet en termes d’adoption, de filiation et de conception. Vous ne voulez pas nous entendre et au ton que vous prenez, on ne peut que penser que notre proposition d’alliance civile a fort peu de chances d’être agréée par votre groupe. C’est bien dommage, parce que c’était un dénominateur commun entre nous.

    Il me reste donc à interpeller vos consciences. Car, on l’a dit et redit, tout cela finira par déboucher à un moment donné sur la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Et sur le clonage, on a entendu !

    M. Jacques Lamblin. Vous avez dit que vous étiez contre la GPA. Ça tombe bien, nous aussi ! Je vous fais donc une proposition. Actuellement, il y a une grande hypocrisie en France : la GPA est interdite, le praticien qui voudrait y procéder serait puni, de même que le citoyen français qui voudrait en faire une dans notre pays… mais il est des pays où c’est autorisé et Mme Taubira, dans sa circulaire, nous a expliqué comment rentrer en France avec un enfant né d’une GPA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle nous a même indiqué de facto dans quel pays il était préférable de la faire pour obtenir les « bons papiers » !

    Je propose donc de punir ceux qui concevront, hors de France, un enfant par GPA et qui le ramèneront dans notre pays. Voilà ma proposition, à vous la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2029.

    M. Pierre Lequiller. Vous disiez tout à l’heure, monsieur le président, que nous avions connu des débats pires. Je me souviens, pour ma part, de très beaux débats à l’Assemblée nationale, sur des sujets tels que la bioéthique, la loi Leonetti, le voile à l’école ou sur des sujets sociétaux. Nous avons su nous tendre la main. Nous avons su discuter ensemble. Nous avons su voter sur certains textes, chacun en conscience. Le clivage ne se faisait pas selon les groupes.

    La méthode choisie de ne pas organiser d’états généraux, de rester totalement figé sur ce texte et de n’accepter aucun amendement, comme cela s’est passé en commission des lois, de n’avoir aucune discussion, de ne pas consulter le Comité consultatif national d’éthique, nous conduit évidemment à une confrontation, à un affrontement avec, je dois le dire, des débordements importants. Nous sommes ainsi traités d’homophobes…

    M. Henri Jibrayel. Personne n’a dit cela !

    M. Pierre Lequiller. Si ! On nous traite « d’homosceptiques ». On évoque le triangle rose, la déportation…

    Si la discussion avait été ouverte, nous aurions pu, sur ce sujet essentiel, avoir ce très beau débat. Nous aurions ainsi évité les manifestations de la population, d’un côté ou de l’autre. Nous aurions évité, pardon de le dire, que Mme Dufoix, laquelle a pris position contre le texte, se fasse agresser par des manifestantes d’Act Up qui ont répandu de l’encre rouge pour évoquer le sang contaminé ! Nous aurions évité de tels actes.

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Pierre Lequiller. Je pense donc qu’il conviendrait que vous preniez en considération la proposition d’alliance civile de Daniel Fasquelle et d’autres parlementaires.

    M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 2329.

    M. Charles de La Verpillière. Nous avons de toute évidence, un point de désaccord total : la possibilité que vous voulez donner aux couples homosexuels d’adopter des enfants. Cette partie de votre projet fragilisera les enfants, créera des inégalités entre eux et débouchera inévitablement, cela a été démontré par mes collègues, sur la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et sur la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.

    En revanche, si la majorité de gauche voulait bien cesser, un instant, de nous faire un procès en homophobie, nous pourrions, peut-être, nous retrouver sur la nécessité de donner de nouveaux droits aux couples homosexuels adultes – je dis bien aux adultes.

    C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement qui crée une union civile. La conclusion d’une union civile déclencherait l’application d’un statut protecteur patrimonial. Elle entraînerait des conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales et apporterait aux conjoints davantage de sécurité juridique en cas de dissolution. Nous proposons à la majorité d’en discuter et nous attendons un geste de sa part.

    M. André Schneider. Très bien ! Nous sommes d’accord !

    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 2857.

    M. Michel Herbillon. Cet amendement tend à créer une alliance civile. L’alliance civile est une solution équilibrée qui répond aux attentes des couples homosexuels et à ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme dans le but notamment de fonder une famille et d’avoir des enfants. L’alliance civile serait une amélioration fondamentale par rapport au PACS. Elle apporterait ainsi aux couples homosexuels une plus grande protection sur les plans juridique, fiscal et successoral.

    Au moment où notre pays traverse une crise économique et sociale profonde, vous aviez le devoir, mesdames les ministres, et les députés de la majorité aussi, de ne pas laisser les Français se dresser les uns contre les autres sur des sujets de société. Je regrette donc votre précipitation et votre passage en force. Vous avez refusé qu’un grand et vaste débat soit organisé dans le pays. Vous avez ignoré les citoyens qui se sont mobilisés massivement, par centaines de milliers, dans les rues pour exprimer leur inquiétude. Vous avez refusé de consulter le comité national d’éthique en amont du texte. Vous avez surtout peur que le peuple français puisse s’exprimer librement et démocratiquement par référendum sur cette transformation de notre société.

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. Michel Herbillon. Comme seule réponse, mesdames les ministres, vous vous obstinez à refuser de nous dire, contre toute évidence, qu’au nom de l’égalité vous ouvrirez la PMA aux couples de même sexe ! Comme seule réponse, nous n’avons que la légalisation de la GPA avec la circulaire de la garde des sceaux !

    Je vous demande donc de revenir à un débat plus serein et à des positions qui font consensus dans notre société. C’est l’objet de cet amendement sur l’alliance civile, que je vous demande d’adopter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3041.

    M. Patrick Hetzel. Le rôle d’un gouvernement est de faire en sorte que, chaque fois que c’est possible, la concorde règne dans le pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi que vous portez ne va pas dans ce sens. Il contribue à cliver nos concitoyens.

    Afin de répondre aux attentes légitimes des couples de même sexe tout en préservant l’institution que constitue le mariage, à l’initiative de Daniel Fasquelle, nous portons le projet d’alliance civile.

    Cet amendement est une main tendue par l’opposition à la majorité pour que règne dans notre pays un climat apaisé. Nous avons le souci de l’intérêt général. Cet amendement est une opportunité pour retrouver la nécessaire sérénité dans notre pays.

    En persistant dans votre projet, madame la ministre, vous prenez la très lourde responsabilité de diviser les Français à un moment où ils souffrent plus que jamais. Ce n’est pas de bonne politique, car vous ne respectez pas la communauté nationale.

    Notre amendement porte un souci d’apaisement. Vous devriez l’entendre, car il en va de l’intérêt général et de l’intérêt de la nation. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3090.

    M. Sylvain Berrios. Cet amendement sur l’alliance civile est d’abord un amendement de responsabilité puisque, après avoir combattu l’article 1er, nous vous proposons une alternative qui peut nous rassembler.

    C’est ensuite un amendement de raison. Puisque vous ne voulez pas de la GPA – nous non plus, puisque vous ne voulez pas de la PMA – nous non plus, puisque nous voulons ensemble donner une union aux homosexuels, vous pouvez avec raison le voter !

    Mme Brigitte Bourguignon. C’est le mariage pour tous que nous voulons !

    M. Sylvain Berrios. C’est enfin un amendement d’union nationale. Quel plus beau message à la France et aux Français, à un moment difficile pour le pays, que de se rassembler tous ici dans l’hémicycle sur cette alliance civile ? Vous pouvez le faire. Donnez l’exemple avec nous de cette unanimité formidable pour le peuple français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l’amendement n° 3331.

    M. Bernard Gérard. La réponse au souhait des couples de même sexe de s’unir se trouve dans l’alliance civile, proposée très tôt, le 13 novembre 2012, par l’un de nos collègues et débattue au sein de notre groupe. C’est la raison pour laquelle j’ai signé cet amendement, donnant ainsi accès à une forme d’union solennelle dotée d’un véritable poids symbolique.

    Cette revendication, c’est l’honneur de notre groupe de l’avoir jugée légitime, équitable, sans pour autant toucher au mariage lui-même. Car le mariage, c’est la filiation, et nous refusons toute réforme de cette filiation donnant à l’enfant deux parents de même sexe sans différencier le parent biologique et le parent adoptif.

    C’est la voie de la sagesse que nous proposons, et c’est ce qui me fait soutenir cette proposition qui pourrait réunir notre Parlement, qui en sortirait grandi.

    La convention internationale des droits de l’enfant précise que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Or, dans un monde où, chaque jour, les droits de l’enfant sont évoqués, ce sont en réalité toujours ceux des adultes qui prévalent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3378.

    Mme Catherine Vautrin. Nous pouvons reconnaître un point de convergence majeur entre nous, c’est que nous devons améliorer les droits des couples de personnes de même sexe. Nous pouvons nous entendre sur ce point, et nous devons ensemble trouver des solutions.

    Certains d’entre nous, dans l’opposition, sommes opposés à l’adoption, à la PMA et à la GPA. Mais nous ne sommes pas les seuls, et vous le savez fort bien même si vous n’avez pas souhaité que ces voix s’expriment dans vos rangs.

    Ce matin, quelqu’un que vous connaissez bien, madame la ministre de la famille : Bertrand Delanoé, le disait très clairement à la radio. Selon lui, la GPA, « ce n’est pas une aide à la procréation médicalement assistée, c’est un risque de commercialisation du corps de la femme et ça, c’est quasi barbare ». Il est socialiste, il a fait son coming out (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et, comme nous, il veut incontestablement améliorer les droits des personnes de même sexe.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Rien à voir !

    M. Nicolas Bays. Cela ne veut rien dire !

    Mme Catherine Vautrin. Je comprends que cela vous dérange, mais restez calmes !

    Avec cette proposition d’alliance civile, nous avons une opportunité d’améliorer concrètement les droits des couples de personnes de même sexe, et nous avons en plus la possibilité de rassembler les Français. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3478.

    M. Daniel Fasquelle. J’aimerais que certains d’entre vous cessent de parler au nom des homosexuels. Certains homosexuels ont pris la parole pour soutenir cette proposition d’alliance civile, qui leur convient parfaitement.

    M. Nicolas Bays. Nous ne parlons pas au nom des homosexuels !

    M. Daniel Fasquelle. Patrick Bloche a dit à plusieurs reprises qu’ils voulaient le mariage. Personne n’est autorisé ici à parler en leur nom. Nous parlons au nom de l’ensemble des Français. Nous sommes à l’écoute de l’ensemble des Français.

    En revanche, il y a un point sur lequel nous nous retrouvons tous, c’est la nécessité de mieux reconnaître les couples homosexuels, considérant que le PACS ne suffit pas.

    Deux voies s’ouvrent alors. La première, celle que vous proposez, le mariage, avec ses conséquences en matière de filiation. C’est la porte ouverte à l’adoption plénière, c’est-à-dire la coupure définitive avec la famille naturelle et, demain, à la PMA et à la gestation pour autrui, avec d’ores et déjà un encouragement à recourir à la PMA et à la GPA à l’étranger.

    Une autre voie est possible, à double détente : l’alliance civile, pour offrir un nouveau cadre aux couples homosexuels. Cette proposition est assortie d’un certain nombre d’amendements permettant d’améliorer le statut des enfants dans les couples homosexuels et les droits de ceux qui souhaitent les élever. Certains le font très bien, en effet, mais ce qui nous semble dangereux, c’est de passer du cadre éducatif à une double filiation. Nous avons là un point de désaccord.

    Il y a donc clairement deux voies, l’alliance civile, avec des amendements que nous étudierons par la suite pour renforcer les droits des enfants, et la voie que vous proposez, qui nous semble être une mauvaise réponse à un problème que nous devons régler tous ensemble.

    Derrière tout cela, il y a aussi la question du principe d’égalité – je sais ce que certains d’entre vous vont le mettre en avant. M. Roman ne cesse d’ailleurs d’en parler depuis ce matin. Mais, comme le Conseil constitutionnel l’a souligné encore récemment en répondant à deux questions de constitutionnalité, on peut régler de façon différente des situations différentes : ce n’est pas une discrimination, ce n’est pas rompre le principe d’égalité.

    Nous vous proposons donc une solution tout à fait conforme à notre Constitution et à notre droit, et qui convient parfaitement à un grand nombre de couples homosexuels, que les divisions, le désordre que vous créez dans le pays (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) mettent mal à l’aise. Ils préféreraient que nous nous retrouvions autour d’une position de consensus comme l’alliance civile que nous vous proposons.

    Soyez à l’écoute de tous les Français, ceux qui souhaitent conserver le mariage tel qu’il existe et aussi les couples homosexuels. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour permettre à notre groupe de se réunir.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3632.

    Mme Arlette Grosskost. Oui, nous sommes ici, sur tous ces bancs, la représentation du peuple français dans son ensemble, en ce compris ce que l’on appelle pudiquement les minorités. Cela nous honore et nous oblige. Il est de notre devoir de protéger les minorités qui seraient en danger dans quelque circonstance de la vie. Ce n’est plus le cas, fort heureusement, pour les couples homosexuels.

    Par ailleurs, nous ne sommes plus dans le questionnement du PACS, adopté par beaucoup de nos concitoyens, quel que soit leur sexe.

    M. Michel Vergnier. On se rappelle qui a voté pour !

    Mme Arlette Grosskost. Il est normal de le parfaire, pour une meilleure protection juridique et une meilleure reconnaissance sociale des couples homosexuels. C’est ce que nous proposons par la voie d’un contrat d’alliance civile, qui saura répondre à toutes les demandes à l’exception de celles qui viseraient les enfants.

    Vous prenez pour prétexte une meilleure sécurisation juridique des enfants présents au sein des couples homosexuels. Pour ma part, je fais confiance à l’appareil judiciaire qui, avec bon sens, trouve très souvent une issue au cas par cas aux conflits criants, et ce dans le seul intérêt et au seul bénéfice des enfants, sans bouleverser notre organisation sociale et notre droit de la famille et de la filiation.

    Mme Elisabeth Pochon. La justice pour les parents !

    Mme Arlette Grosskost. Je respecte toutes les opinions, mais je déplore la forte confrontation idéologique dans laquelle vous entendez nous entraîner et, au-delà, entraîner les Français. Nos amendements pourraient nous sortir de cet état de fait en créant un climat plus apaisé et plus liant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Arnaud Leroy. Par une voie d’exception !

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3814.

    M. Éric Woerth. Le Gouvernement a, volontairement et par calcul, décidé de diviser la France. Ce texte divise de façon profonde notre pays. Il pose des questions considérables, tant sur le fond, dont nous débattons plus ou moins sereinement, en échangeant de nombreux arguments, que sur la forme, et notamment – énorme question – la consultation et l’association des Français à ces décisions. Celle-ci n’a pas eu lieu.

    Avec l’alliance civile, nous vous offrons une solution qui pourrait être consensuelle. Elle aurait un écho considérable dans notre pays, en permettant aux couples homosexuels de bénéficier des mêmes droits que celles et ceux qui ont décidé de se marier, mais sans l’adoption – car c’est bien le sujet que nous avons mis en exergue depuis le début des débats et même bien avant.

    Nous disons oui, aussi, au statut du beau-parent. Cela a été évoqué à plusieurs reprises. Nous ne contestons pas les modes de vie différents, les accidents de la vie qui conduisent à un moment donné un enfant à changer de foyer. Les uns et les autres doivent mener leur vie comme ils l’entendent. Nous ne portons aucun jugement moral, nous ne contestons aucun de ces modes de vie, si ce n’est que, pour nous, les enfants doivent être traités de façon égalitaire et avoir le droit fondamental, le droit initial à un père et à une mère.

    Or vous ne répondez jamais à cette question : pourquoi voulez-vous supprimer ce droit ? Vous nous dites sans arrêt que vous vous répétez, mais c’est bien le métier d’un ministre ! Arrêtez donc de dire cela et répondez à nos questions. Si nous n’avons pas compris vos réponses, eh bien, redonnez-les nous. En tout cas, dites les choses clairement : pourquoi voulez-vous empêcher un enfant d’avoir un père et une mère ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Et que fait-on des enfants qui, aujourd’hui, n’ont pas un père et une mère ?

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3947.

    Mme Marie-Louise Fort. Pourquoi préconiser l’alliance civile ? Tout simplement pour prendre en considération les différences de situation dans un esprit d’égalité – et ce n’est pas incompatible. Pas plus que vous n’avez, à gauche, le monopole du cœur pour reconnaître et défendre la relation homosexuelle, vous n’avez le monopole du constat de l’évolution réelle de notre société. Car ce constat n’est ni de droite ni de gauche. Il est partagé par nombre de Français qui en conçoivent souvent beaucoup d’inquiétude et qui l’expriment dans un contexte fort difficile.

    Je suis convaincue, après un examen approfondi, de la nécessité de remédier aux insuffisances du PACS relevées dans bien des domaines. La reconnaissance sociale et solennelle de l’union des homosexuels est indispensable, de même que la sécurité matérielle et morale qui doit en découler. C’est pourquoi, avec Daniel Fasquelle et nos autres collègues, je souhaite vivement l’instauration de l’alliance civile.

    M. Daniel Fasquelle. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour soutenir l’amendement n° 4185.

    Mme Marie-Jo Zimmermann. En 1999, j’étais là et je n’ai pas voté le PACS.

    Un député du groupe SRC. Voilà !

    Mme Marie-Jo Zimmermann. S’il vous plaît, j’aimerais un peu de tolérance de votre part. Nous avons eu des débats très durs sur d’autres sujets, où nous nous sommes écoutés. En s’écoutant, nous pourrions avancer sereinement et intelligemment.

    En 1999, je n’ai donc pas voté le PACS, tout simplement parce que j’avais été profondément choquée par la lettre recommandée : je crois qu’on ne se renvoie pas par lettre recommandée quand il y a eu des sentiments entre deux personnes.

    M. Bernard Roman. Le mariage, c’est mieux !

    Mme Marie-Jo Zimmermann. C’était la raison de mon refus. Depuis 1999, nous avons amélioré le PACS : en 2007, dans la loi TEPA, au plan de la fiscalité et en 2008 au plan de la transmission.

    Si j’ai déposé cet amendement, c’est que, pour moi, le mariage n’est pas qu’une affaire de couple. On ne le conçoit que fondé sur une attirance réciproque, un consentement mutuel, mais c’est avant une institution qui a pour but de mettre de l’ordre dans la filiation. Je voudrais citer quelqu’un pour qui vous avez beaucoup de respect, M. Jospin, qui disait : « Dans la discussion qui s’amorce, j’entends parler de désirs, de refus de discriminations, de droit à l’enfant et d’égalité des droits, comme si le principe d’égalité des droits devait effacer toute différence. Mais j’ai peu entendu parler d’institutions. Or c’est essentiel. »

    Pour moi, le mariage est une institution, et je crois que l’alliance civile permettrait un consensus au niveau de l’ensemble de la population. Le mariage n’est pas nécessaire pour respecter l’amour que se portent deux personnes du même sexe. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Encore une fois, je vous demande de respecter ce que je pense. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’éprouve un profond respect pour tout être humain, pour la vie qu’il choisit, et je veux lui offrir la sécurité dans tous les domaines. Laissez-moi simplement vous dire que l’alliance civile permettrait de remplir toutes ces conditions, sans toucher à une institution. Merci de respecter ce que nous disons.

    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour soutenir l’amendement n° 4505.

    Un député du groupe SRC. Oh, elle est arrivée !

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, c’est un véritable problème que de ne pas réussir à avoir un débat de qualité avec les élus de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez des difficultés à écouter nos arguments : cela est tout à fait regrettable. Je ne me permets pas d’interjections quand vous tenez des propos que je désapprouve, et que d’ailleurs certains parmi vous désapprouvent aussi.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est gentil à vous d’être venus entendre ce que nous avions à dire pour défendre nos amendements : je vous remercie de nous écouter avec ce minimum de respect qu’on se doit entre collègues dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On n’arrive même plus à vous entendre, vous parlez en même temps – mais j’ai l’impression que c’est heureux…

    Je fais partie de ceux qui pensent que la situation actuelle ne permet pas la pleine reconnaissance de l’amour homosexuel. Les choses ont pourtant bien évolué depuis 2007 et les modifications subies par le PACS, coquille assez creuse à ses débuts.

    Je veux évoquer ici quatre dates importantes dans cette évolution : en 2007, la modification des conditions d’héritage de deux personnes unies par un PACS ; en 2008, la possibilité de transmettre une entreprise dans les mêmes conditions qu’à l’intérieur d’un couple marié ; en 2010, la possibilité de faire juger des différends non plus devant le tribunal administratif mais devant le juge aux affaires familiales ; et en 2011, la possibilité de signer son PACS non seulement au greffe du tribunal mais également devant notaire.

    Ces évolutions étaient importantes. Pour autant, je fais partie de ceux qui considèrent qu’elles ne sont pas suffisantes. On peut en effet faire au moins deux reproches au PACS : qu’il lui manque la possibilité d’une célébration solennelle, en mairie…

    M. Bernard Roman. Que ne l’avez-vous dit plus tôt !

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …et qu’il ne soit qu’un contrat patrimonial, alors qu’il existe dans l’union une dimension extra-patrimoniale qui est demandée elle aussi, et légitimement, par les couples homosexuels.

    Par exemple, les obligations contractées par deux personnes unies par un PACS et deux personnes mariées ne sont pas de même nature : elles sont beaucoup plus strictement patrimoniales dans le cadre du PACS.

    Mais cela est encore plus vrai au moment de la dissolution du PACS, qu’elle survienne du fait du départ ou du décès de l’un des deux partenaires. Pour ces raisons, il est nécessaire de proposer une nouvelle institution – et je parle vraiment d’institution, pas seulement de contrat : il s’agit de l’alliance civile.

    L’alliance civile ne prévoit pas l’adoption. C’est la seule différence avec le mariage.

    Une députée du groupe SRC. On va l’écouter toute la soirée ?

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pourtant, il existe aujourd’hui, nous le savons tous, des enfants qui sont élevés dans le cadre de familles homosexuelles.

    Pour ces enfants, trois types de solutions peuvent…

    M. le président. Il faut conclure, madame Kosciusko-Morizet.

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, si vous aviez fait en sorte que le début de l’intervention se passe normalement…

    M. Yann Galut. On n’est pas à Longjumeau, ici, il n’y a pas de privilégiés !

    M. le président. Je vous ai laissé trois minutes trente, j’ai donc largement tenu compte des lazzi de l’opposition. Concluez.

    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il existe pour ces enfants trois types de solutions. Une première solution pourrait être…

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4604. Je rappelle à chaque orateur qu’il a deux minutes. J’ai doublé le temps de l’intervenante précédente pour tenir compte du temps qui lui a été pris par l’opposition.

    Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, je vous ai entendue à plusieurs reprises exprimer l’idée que la France avait été pionnière au moment du PACS et qu’elle se trouvait aujourd’hui en retard par rapport à bon nombre de ses voisins. Plusieurs fois également vous nous avez dit que le monde nous regardait : voilà qui manque quelque peu d’humilité.

    Qu’en est-il aujourd’hui ? Seuls six pays sur les vingt-sept de l’Union européenne ont légalisé le mariage homosexuel : les Pays-Bas en 2000, la Belgique en 2003, l’Espagne en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012. Le contrat d’union civile est la solution retenue par la plupart des pays européens : seize pays, soit la majorité, disposent aujourd’hui d’un contrat d’union civile ouvert aux personnes de même sexe.

    Je soutiens donc cet amendement visant à la création d’un contrat d’union civile, qui est la voie moyenne choisie en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Kert pour soutenir l’amendement n° 4352, qui n’est pas identique aux précédents mais qui est en discussion commune.

    M. Christian Kert. Ce sera la même défense…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Au revoir, madame !

    M. le président. Laissez parler M. Kert !

    M. Christian Kert. Monsieur le président, merci de bien vouloir mettre de l’ordre dans notre belle maison…

    Je défends donc l’idée d’une alliance civique, que je vais vous proposer d’appeler d’une autre façon. Je défends cette idée, madame la ministre, car vous êtes allée loin et vite en bouleversant une notion essentielle, celle du mariage.

    Il nous semble qu’en rapprochant les visions, il était possible de produire un texte médian. Une telle alliance civique permettrait la tenue d’une cérémonie proche du mariage, tout en réservant cette idée du mariage, fondement de notre société, aux couples hétérosexuels. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) Merci, chers collègues, pour votre remarquable tolérance…

    M. le président. Arrêtez, ce genre de comportement ne sert à rien !

    M. Christian Kert. Je souhaite par cet amendement suggérer à nos collègues, qui pourraient y porter quelque attention, que ce contrat différent pourrait s’appeler union plutôt qu’alliance, car il y a dans l’union une notion d’absolu proche du mariage. S’unir, c’est devenir un. Tel est le fond de notre réflexion sur ce contrat si particulier : permettre de s’aimer et de devenir un.

    M. le président. Avant de donner la parole à la commission et au Gouvernement, j’indique que je mettrai ensuite aux voix successivement les amendements et séries d’amendements en discussion commune. Je vous informe d’ores et déjà que j’ai été saisi de deux demandes de scrutin public : la première par le groupe UDI sur le vote de l’amendement n° 5110 ; la seconde par le groupe UMP sur le vote de l’amendement n° 289 et des amendements identiques. Les scrutins sont annoncés. La parole est au rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cette série d’amendements vise à créer un régime intermédiaire entre le PACS et le mariage, en se rapprochant au plus près du mariage : une célébration en mairie, davantage d’obligations, inspirées assez largement de celles qui figurent dans notre code civil, davantage de sécurité pour les membres du couple – droit des successions notamment – et, vous l’avez rappelé, une procédure de dissolution, un divorce en somme, devant le juge.

    Nous nous accordons donc collectivement sur le fait que le PACS n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des couples homosexuels.

    Toutefois, il y a un grand absent dans vos propositions : l’enfant. L’alliance, le contrat d’union civile, ne reconnaît pas la famille. Vous qui n’avez de cesse de nous faire des leçons en invoquant l’intérêt des enfants et en nous reprochant de créer une injustice à leur encontre, vous n’intégrez pas dans votre proposition la question de l’enfant et de la famille !

    Mais les enfants sont déjà là ! Grâce à la PMA bien sûr, mais également grâce à l’adoption, ou alors ce sont ceux de l’un des deux membres du couple.

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Grâce à la GPA !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Non, pas par la GPA. Ce nombre de cas est tout à fait marginal, la garde des sceaux l’a rappelé.

    Monsieur Mariton, à la suite de M. Roman, je n’arrive pas à comprendre la cohérence qu’il peut y avoir entre votre refus de voir ces enfants, de créer un lien de filiation entre ces couples et des enfants, et la proposition de loi que vous avez déposée le 16 janvier, que vous avez signée et qui propose l’adoption au partenaire du PACS.

    Il existe deux versions de cette proposition de loi : l’une avec votre nom et l’autre sans. Laquelle faut-il retenir ?

    M. Hervé Mariton. Sans !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Sans doute. En attendant, elle a été signée le 16 janvier 2013 – mais probablement étiez-vous ailleurs, puisque vous n’avez pas entendu ce jour-là, en commission, la garde des sceaux annoncer la circulaire qui a tant fait parler ces deux derniers jours…

    M. Bernard Roman. Un jour d’absence, M. Mariton !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Votre proposition oublie donc l’enfant : c’est le mariage qui peut créer un lien de filiation adoptif, puisqu’il contient en lui-même la présomption de paternité. Je rappelle que le titre VII du livre Ier du code civil n’est pas modifié par le projet de loi. Le lien de filiation entre les couples de même sexe sera donc bien un lien de filiation adoptif.

    La deuxième raison pour laquelle il faut ouvrir aux couples homosexuels l’accès au mariage, et non à une sorte de sous-mariage, c’est une question de discrimination : une fois de plus, la tendance est de confiner les couples homosexuels dans une structure ad hoc, d’officialiser cette discrimination.

    Pourquoi le mariage est-il important ? En raison de sa charge symbolique, de la reconnaissance sociale qu’il apporte à ces couples et à ces familles. C’est pourquoi il n’est pas un simple contrat, mais une institution.

    Les couples homosexuels ont peut-être davantage besoin que nous de la charge symbolique du mariage. Pour quelle raison un adolescent ou un jeune adulte qui annonce à ses parents qu’il est homosexuel est-il rejeté par eux ? Parce que cette révélation lui ferait perdre automatiquement leur amour ? Bien sûr que non ! Tout simplement parce ces parents ont sur eux le regard de la société, des voisins, de la famille, des religions. Voilà ce qui les pousse à les rejeter – et les cas sont nombreux. Je rappelle que le taux de suicide chez les adolescents homosexuels est considérablement plus élevé que chez la moyenne des adolescents de leur âge. J’indique aussi que l’association Le Refuge refuse tous les jours des jeunes, mineurs ou majeurs, qui ont été rejetés par leur famille.

    Dès lors que le mariage pour les couples de même sexe sera introduit dans notre code civil, le problème n’existera plus. Ce qui sera anormal, ce ne sera pas qu’un couple de même sexe construise une famille, ce sera de montrer du doigt ces familles.

    Voilà pourquoi la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Comme l’a rappelé la ministre tout à l’heure, il y a en France une grande diversité des formes de familles : des familles monoparentales, des veuves et des veufs qui ont des enfants… Il ne faut pas faire croire dans ce débat qu’il y a toujours une maman, un papa et des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    La commission des affaires sociales, saisie pour avis, a émis un avis défavorable sur ces amendements, pour plusieurs raisons.

    Premièrement, parce que nous créerions un droit catégoriel. Les couples homosexuels seraient cantonnés à un statut particulier, ce qui irait à l’encontre de notre objectif d’égalité des droits. Nous souhaitons non créer une nouvelle institution, mais traiter les couples homosexuels comme les autres et les intégrer dans le droit commun. En leur ouvrant le mariage, nous leur reconnaissons une dignité égale à celle des autres couples et nous les faisons entrer dans la normalité.

    Deuxièmement, ni l’alliance, ni l’union civile n’ouvrent l’adoption aux couples de même sexe – vous l’avez dit et redit. Elles ne permettent pas d’établir de lien de filiation entre un enfant et son parent social. Elles n’offrent donc pas de cadre juridique protecteur pour les familles homoparentales. Je vous rappelle que ces familles existent, qu’elles sont nombreuses, qu’elles ont des enfants et que ces derniers ont droit à avoir des parents reconnus de manière légitime.

    Troisièmement, il avait été institué au Royaume-Uni une union civile mais il y sera bientôt débattu un projet de loi qui vise à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, afin de mieux répondre aux attentes de l’ensemble des couples et à la demande d’égalité.

    M. Hervé Mariton. C’est en Angleterre, pas au Royaume-Uni !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Enfin, il est vraiment incompréhensible d’entendre nos collègues de l’UMP dire qu’il n’est pas possible pour des couples homosexuels d’adopter alors que, le jour même de la réunion de la commission des lois, ils déposaient une proposition de loi qui vise à compléter l’article 343 du code civil par les mots « L’adoption peut être faite par deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou reconnus en communauté de vie stable et continue depuis plus de deux ans ».

    Mes chers collègues de l’UMP, soyez clairs, transparents : que voulez-vous ? En fait, vous n’en savez rien vous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ferai trois brèves remarques sur ces amendements.

    D’abord, ce qui n’a pas été fait au moment du PACS, c’est-à-dire la création d’un régime réservé, vous voudriez le faire aujourd’hui en créant cette alliance. Cela ne va pas dans le sens d’un progrès républicain.

    Ensuite, la façon dont vous avez défendu l’alliance civile revient à dire aux couples homosexuels : nous allons vous recevoir, mais à l’étage non noble de nos mairies républicaines. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Qui a dit cela ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les couples homosexuels apprécieront ! (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, il y a une minute vous demandiez un peu de calme. Les orateurs de l’opposition pourront répondre. Il n’est donc pas nécessaire de mettre une telle ambiance !

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce que nous venons d’entendre est inadmissible !

    M. Nicolas Bays. Du respect, madame Zimmermann !

    M. le président. Madame la ministre déléguée, veuillez poursuivre.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Enfin, relisez la définition du mot alliance telle qu’elle a été édictée par l’Académie française en 1694 : « Se dit de ceux qui se joignent par mariage ». Vous le voyez, en 1694, ils avaient déjà franchi le pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Charles de La Verpillière. C’est honteux, lamentable !

    M. le président. Tout à l’heure, vous souhaitiez un débat serein. N’en rajoutez pas, s’il vous plaît !

    Madame la garde des sceaux, quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le ministre Woerth me dit que le travail d’un ministre, c’est de répéter. Depuis trois jours, je ne cesse de dire que je le ferai de bonne grâce, jusqu’à la dernière minute du débat.

    M. Christian Jacob. Parce que vos explications ne sont pas assez claires !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous me prêtez des propos et vous en tirez des conséquences. Mais comme je ne les ai pas tenus, je ne tiens pas compte des conséquences que vous en tirez. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    L’amendement qui est signé par le moins de députés concerne des personnes physiques majeures. Celui qui est le plus dupliqué concerne des personnes physiques de même sexe. Quoi qu’il en soit, vous proposez un régime particulier pour une catégorie de citoyens. Si d’aventure cet amendement était adopté, je crois que le Conseil constitutionnel en ferait son affaire.

    Il est très clair que c’est sur le principe que nous divergeons. Je l’ai dit, et je le répéterai : c’est bien le mariage et l’adoption que nous ouvrons aux couples de même sexe. Avec votre alliance civile, vous proposez de créer un contrat qui tiendrait compte de quelques insuffisances du PACS mais surtout qui éviterait la présence d’enfants et l’adoption. C’est un point de divergence. Nous, nous savons que ces enfants existent. Tandis que vous, au nom des droits des enfants, de leur protection, vous proposez un contrat d’alliance civile qui n’envisage pas qu’ils puissent être présents dans ces couples-là. Toutefois, dans le même temps, je le répète – puisque c’est la constante de mon travail – vous déposez un amendement ouvrant l’adoption aux personnes liées par un contrat civil, alors que le PACS offre une sécurité juridique très largement inférieure à celle du mariage. Comment parvenez-vous à concilier les droits des enfants avec cet amendement alors que l’on sait que le régime de rupture d’une union civile est facile, léger sans aucune intervention d’un juge ? Vous concevez la présence d’enfants dans ces couples-là alors que vous ne l’acceptez pas dans le mariage !

    De surcroît, vous dites améliorer le dispositif parce que le PACS n’apporte pas aux couples homosexuels les garanties nécessaires en matière de droits sociaux et fiscaux en général. Sauf que votre projet d’alliance civile renvoie pour ce qui est du régime social et fiscal au PACS ! Je ne vois donc pas ce que vous améliorez.

    M. Patrick Bloche. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le dernier alinéa de l’amendement n° 3463 fait référence au PACS pour les droits sociaux et fiscaux !

    Je vous apporte toutes ces précisions, mais l’essentiel demeure que nous divergeons sur le principe. Nous maintenons que c’est le mariage et l’adoption que nous voulons ouvrir aux couples de même sexe. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable à cette série d’amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

    Mme Annick Lepetit. Mes chers collègues, j’ai écouté attentivement vos interventions. L’argument principal que vous défendez, avec votre alliance civile, c’est la reconnaissance solennelle des couples homosexuels. Pour ce faire, vous proposez de la célébrer en mairie. Alors pourquoi, depuis quinze ans, vous qui êtes presque tous maires, ne célébrez-vous pas le PACS en mairie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Parce que ce n’est pas la loi !

    Mme Annick Lepetit. Certains d’entre vous refusent même, malgré des vœux de leur opposition, de célébrer le PACS en mairie. J’espère qu’à partir de lundi vous le ferez tous !

    Vous l’avez compris, nous voulons ouvrir le mariage aux couples homosexuels et certainement pas créer un sous-mariage spécifique pour eux, comme vous le proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Madame la garde des sceaux, votre remarque concernant la façon dont il sera mis fin à l’alliance civile me surprend. Vous dites qu’il n’y aura pas d’intervention du juge alors que notre amendement prévoit le contraire !

    Ce qui m’inquiète, c’est que vous n’avez pas lu mon amendement alors qu’il avait déjà été déposé en commission des lois avant d’être présenté ici cet après-midi.

    Vous n’êtes pas du tout à l’écoute de l’opposition, de nos propositions. Vous nous dites que l’alliance civile ne suffit pas sur tel ou tel point : dans ces conditions, sous-amendez notre amendement et retrouvons-nous autour de ce projet !

    Il est vrai que l’alliance civile ne prévoit pas de conséquence en matière de filiation. Pour autant, nous n’ignorons pas les enfants.

    Ce que nous vous reprochons c’est qu’avec l’adoption plénière, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, vous allez couper définitivement le lien entre l’enfant et sa famille naturelle. Voilà ce qui ne va pas.

    En revanche, nous reconnaissons tout à fait que les couples homosexuels peuvent élever des enfants, y compris dans le cadre de l’alliance civile – ils le font très bien. Il existe déjà un régime très protecteur des enfants, la France ayant même l’un des droits les plus protecteurs du monde en la matière. Vous feignez de l’ignorer. Il est dommage que ce débat n’ait pas eu lieu. Du reste, nous avons déposé des amendements – j’espère que nous pourrons en débattre et que, cette fois-ci, vous les aurez lus – visant à améliorer le statut des enfants et à leur permettre de mieux vivre avec ces couples homosexuels.

    Vous le voyez, nous sommes dans l’équilibre et dans l’écoute, ce qui n’est malheureusement pas votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fasquelle, vous pouvez nous faire tous les procès que vous voulez, mais avant de m’accuser de ne pas avoir lu votre amendement et de prétendre que votre alliance civile a un régime de rupture sans juge…

    M. Daniel Fasquelle. C’est ce que vous avez dit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur Fasquelle, c’est vous qui n’écoutez pas et le compte rendu fera foi !

    M. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, je ne vous permets pas !

    M. le président. Monsieur Fasquelle, asseyez-vous !

    M. Daniel Fasquelle. Tout le monde a entendu cela ! C’est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Fasquelle, si c’est un fait personnel, vous interviendrez en fin de séance !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fasquelle, vous savez que le doigt que vous pointez n’a rien d’intimidant ?

    Le compte rendu fera donc foi. J’ai dit qu’au nom des droits des enfants, vous proposez un amendement visant à ce que les couples liés par un contrat civil puissent adopter, alors que le régime juridique de ce contrat civil…

    M. Daniel Fasquelle. Vous mélangez tout !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne vous parlais pas personnellement ! Je parle d’abord à l’Assemblée, je réponds à l’opposition qui présente un amendement. Arrêtez d’en faire une affaire personnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Daniel Fasquelle. Vous parlez de mon amendement !

    M. le président. Monsieur Fasquelle, ça suffit ! Taisez-vous ! Si vous vous sentez agressé, vous demanderez la parole pour un fait personnel à la fin de la séance.

    M. Daniel Fasquelle. La ministre parle d’une proposition de loi que je n’ai pas cosignée !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je disais donc – puisque je suis invitée à répéter, je le fais et je continuerai à le faire – que dans ce que vous proposez, il n’y a pas de cohérence. Votre attitude, vos proclamations…

    M. Daniel Fasquelle. C’est très cohérent !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne parle pas qu’à vous, monsieur Fasquelle, sauf pour vos accusations directes ! Vous prétendez que nous n’écoutons pas. C’est vous qui n’écoutez pas. En quelques secondes, vous interprétez mes propos exactement à l’inverse de ce que je dis.

    Je dis que vous déposez un amendement pour permettre l’adoption à des couples liés par un contrat civil alors que leur régime juridique est léger, et que notamment le juge n’intervient pas dans la rupture.

    M. Daniel Fasquelle. Elle dit n’importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Non, monsieur Fasquelle, faites attention.

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est minable ! Pitoyable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pouvez continuer vos réquisitoires. Une chose est sûre, c’est que vous n’écoutez pas. C’est une difficulté constante, avec vous.

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Se réclamer sans cesse du respect qu’on doit à l’opposition et se comporter ainsi, c’est honteux. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

    Cela fait des heures et des heures, en commission et ici en plénière, que j’entends les membres de l’opposition défendre ces amendements qui ne sont qu’un subterfuge pour s’opposer à l’ouverture du mariage aux couples du même sexe. Ce n’est ni plus ni moins qu’un prétexte pour ralentir les débats et je ne crois pas que vous y gagniez aux yeux de l’opinion publique. Je me fie à l’absence de certaines figures importantes de l’opposition qui ont préféré ne pas se joindre à vous pour ne pas donner ce spectacle à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

    Nous n’avons pas la même conception du mariage. Pour vous, si je me fie à vos principales interventions, le mariage, c’est toujours un homme et une femme, pour faire des enfants. Je pense que les Français apprécieront. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il faut donc s’attendre de votre part, dans de futurs projets de loi sur le mariage, à des amendements l’interdisant aux personnes stériles, aux couples trop âgés, aux femmes ménopausées… J’attends avec impatience et beaucoup d’intérêt ces amendements qui interdiront le mariage à celles et à ceux qui n’ont pas pour projet de faire des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

    Ce qui vous insupporte, depuis le départ, c’est l’idée que des femmes et des hommes puissent ensemble élever des enfants. Cela vous est insupportable. Nous ne partageons pas cette idée-là du mariage : pour nous, il n’y a pas de loi naturelle, il y a la volonté des hommes, que le législateur met en forme. (Mêmes mouvements.)

    Nous avons donc une conception plus généreuse, plus égalitaire du mariage, et pour ces raisons-là, nous voterons contre vos amendements. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette le ton sur lequel sont évoqués ces amendements. N’y voyez pas que des subterfuges pour gagner du temps. Ils peuvent être aussi de bonne foi, construits sur cette idée que l’adoption plénière est réservée aux couples hétérosexuels. Construire un cadre et le compléter, comme le fait le groupe UDI, par des amendements sur le statut de beau-parent pouvait créer les conditions d’un accueil équilibré tout en évitant cette distorsion d’égalité qu’on crée de fait pour les enfants, entre ceux qui auront deux parents du même sexe et ceux qui auront deux parents de sexes différents. C’est tout : il n’y avait pas de manœuvres dans ces amendements, des amendements de bonne foi pour essayer de faire progresser le débat.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

    M. Olivier Dussopt. D’abord, nous éviterons de rappeler à l’opposition combien il est cocasse de voir la manière dont aujourd’hui elle défend le Pacs, qu’elle veut même améliorer, et d’entendre ses déclarations d’amour absolu en direction des homosexuels.

    Il n’y a qu’un problème : vous les aimez tellement que vous ne voulez pas leur donner les mêmes droits qu’aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est un souci dans votre raisonnement.

    Nous ne voterons évidemment pas ces amendement, parce qu’ils soulèvent des problèmes d’égalité. Les questions que nous nous posons, je vous invite à vous les poser aussi. Est-ce que l’égalité dans la séparation est une vraie égalité ? Est-ce qu’enfermer une catégorie de la population dans un statut juridique particulier du fait de son identité est l’égalité ? N’est-ce pas, au contraire, un risque de créer des ghettos, voire une forme de ségrégation réservant une union à des hommes et à des femmes en fonction de leur identité personnelle, au lieu de leur ouvrir la même union que l’ensemble des citoyens de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Sur cette question de l’égalité, nous avons reçu, il y a quelques mois, le renfort d’un avis qui va certainement vous intéresser. C’est un homme qui disait : « En 2007, j’ai pensé proposer une alliance civile et une union civile pour les couples homosexuels et après consultation, il m’est apparu qu’il y avait un vrai risque constitutionnel de rupture du principe d’égalité et j’ai renoncé à cette alliance civile et à cette union civile. » C’est Nicolas Sarkozy qui a dit cela, dans une interview au magazine Têtu à l’occasion de l’élection présidentielle.

    Je conclurai d’un mot, pour rejoindre ce que disait mon collègue Sergio Coronado : derrière cette proposition d’alliance civile ne se cache en réalité qu’une seule chose, votre incapacité à penser les familles homoparentales, votre incapacité à voir les enfants qui grandissent dans des couples composés de personnes du même sexe, votre incapacité à penser que ces enfants peuvent être heureux et que leurs parents peuvent les élever.

    Nous, nous voulons l’égalité jusqu’au bout : l’égalité des chances, l’égalité des droits, l’égalité des sexes, l’égalité, l’égalité, l’égalité ! Et l’égalité, c’est le mariage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, quelques éléments simples. Dans l’étude d’impact présentée par le Gouvernement, il y a une analyse de la proposition d’union civile qui présente un argument absolument définitif : « L’instauration d’un quatrième régime rendrait singulièrement complexe et moins lisible notre droit ». Voilà ce qu’on appelle une démonstration !

    Et puis il y a, s’agissant du mariage, une autre démonstration convaincante : « Seule l’ouverture du mariage aux couples de même sexe paraît être une réponse satisfaisante aux besoins d’évolution de la société. » En français qui se cause, cela s’appelle un argument d’autorité… Ne pas avoir de meilleure démonstration en faveur du mariage et de meilleur argument de récusation de l’union civile, cela pourrait appeler à un peu plus de modestie.

    Vous m’avez refusé, monsieur le président, un rappel au règlement, ou plus exactement deux, sur des éléments qui me paraissent justifiés. Je ne retiens que le premier. Vous n’avez pas tout à l’heure prêté attention aux propos du rapporteur, qui me paraissent extrêmement graves à l’égard des personnes homosexuelles et de l’égalité. Car le rapporteur – je ne sais pas s’il l’a fait exprès, je veux croire à une erreur de langage de sa part – a dit : « Les couples homosexuels ont plus besoin que nous de l’union du mariage »…

    Je suis désolé, je l’ai déjà dit, nous n’avons pas dans ce débat à nous situer quant à nos orientations sexuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas dans ce débat à dire ce dont d’autres auraient besoin et ce dont certains ici n’auraient pas besoin ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Il y a dans ce propos une distance et, de fait, je suis désolé de le dire, une forme de stigmatisation qui ne sont pas acceptables. Ni le rapporteur, ni aucun d’entre nous n’a ici à dire ce dont « nous » aurions besoin et ce dont « d’autres » auraient besoin. Ce n’est acceptable pour personne et sûrement pas pour la défense des droits des personnes homosexuelles, sur laquelle nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous. Il n’y a pas « eux », il n’y a pas « nous », il y a « nous, peuple de France » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Nous allons terminer les explications de vote et je donnerai la parole ensuite au rapporteur.

    La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Je voudrais dire à mes collègues de droite qu’ils ont manqué le train de l’histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Il y a deux, trois, quatre ans, vous aviez la possibilité de faire passer votre alliance nouvelle : vous ne l’avez pas fait, et vous en payez chèrement le prix politique aujourd’hui. Alors, tant pis pour vous ! Aujourd’hui, cette formule est dépassée : finalement, par votre contrat d’alliance, vous étiez revenus devant le maire, vous étiez revenus devant le juge, vous aviez consolidé un peu ce nouveau contrat pour les homosexuels. Vous n’avez pas voulu le présenter, vous n’avez pas voulu le faire adopter.

    Aujourd’hui, il faut arriver à de la simplicité. La simplicité, ce n’est pas d’empiler un nouveau contrat sur les autres, c’est d’aller directement vers le mariage. Parce que, finalement, qu’est-ce qui vous fait peur ? Le terme même de mariage ! Car vous n’avez jamais admis ce qui s’est passé depuis 1792, le fait qu’après le mariage religieux, il y ait le mariage civil. C’est cette notion de laïcité du mariage qui vous insupporte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

    Elle vous insupporte pour les gens les plus éloignés de vous, qui sont finalement les homosexuels. Disons-le : vous n’y arrivez pas. Mais il faudra que vous y arriviez. Nous voterons ce mariage homosexuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Manifestement, la majorité a refusé d’entendre le moindre argument. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Le choix qu’elle a fait, avec le Gouvernement, c’est de cliver, de chercher la division à tout prix, en cherchant à imposer à la société française un statut du mariage qui reste minoritaire en Europe et en voulant nous faire croire que nous aurions « raté le train de l’histoire », comme vient de le dire M. Tourret.

    Non, la modernité, ce n’est pas toujours de singer les autres. Non, ce n’est pas nécessairement de copier une minorité d’États en Europe. Le choix qui a été fait la plupart du temps en Europe, c’est celui de l’alliance ou de l’union civile. C’est celui qui permettait effectivement d’unir. Aujourd’hui, vous faites un choix : nous en prenons date. Voilà pourquoi, définitivement, nous voterons pour cette alliance et contre le « mariage pour tous » tel que vous le présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

    M. Patrick Bloche. Hervé Mariton le disait à l’instant, il n’y a pas « eux », il n’y a pas « nous » – en donnant une interprétation totalement déformée des propos de notre rapporteur, qui aura l’occasion de s’en expliquer.

    Il n’y a pas « eux », il n’y a pas « nous », mais en tout cas pour la droite, il y a les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, qui ne peuvent avoir les mêmes droits. En cette affaire, pour la droite, l’histoire se répète, l’histoire bégaie.

    Ici même, à l’automne 1998 – un certain nombre de nos collègues siégeaient déjà sur ces bancs – nous votions en première lecture le PACS. Il est ensuite allé au Sénat. Que s’est-il passé ? La même manœuvre de diversion que celle que vous employez aujourd’hui avec l’alliance civile. Le rapporteur du texte au Sénat – de droite évidemment, nous étions en 1998 – qui s’est rendu célèbre à l’automne dernier puisqu’il s’agit de Patrice Gélard, président de l’ex-COCOE de l’UMP, avait inventé et inscrit pour la première fois dans le code civil le concubinage, évidemment ouvert aux couples homosexuels comme aux couples hétérosexuels, pour éviter à tout prix le PACS, c’est-à-dire un cadre de droits et de devoirs qui n’a rien à voir avec la situation de fait.

    Nous voyons la même manœuvre de diversion aujourd’hui. Comme du temps du PACS, qui était proposé pour les couples homosexuels comme hétérosexuels, vous ne voulez pas que le mariage soit ouvert aux couples homosexuels. C’est cela que vous refusez, et vous mettez en cause deux valeurs fondatrices de la République : d’abord la liberté de choix que revendiquent les couples homosexuels d’organiser leur vie commune soit dans l’union libre, soit dans le PACS, soit dans le mariage ; et surtout, avec l’alliance civile, vous trichez ; mais on ne peut pas tricher avec l’égalité républicaine.

    M. Jacques Myard. Il n’y a pas d’égalité !

    M. Patrick Bloche. L’égalité républicaine est absolue. Dès lors que votre alliance civile maintient une différence, une inégalité de droits entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, le bon conseil qu’on peut vous donner est de la remiser dans ce coffre dont elle n’aurait jamais dû sortir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Merci, monsieur le président, de me laisser l’occasion de répondre à l’attaque – disons cela comme ça – de M. Mariton. Évidemment, il a sorti complètement de son contexte la phrase que j’ai prononcée.

    Ce que j’ai voulu dire en disant que la symbolique du mariage était peut-être plus importante pour les couples homosexuels et qu’ils en avaient plus besoin que nous, c’est qu’aujourd’hui ils sont dans la marge. Vous, vous voulez les y maintenir. Votre alliance, votre contrat d’union civile les maintiendra dans la marge, dans le ghetto d’où nous, nous souhaitons les sortir.

    Il y a un mot que j’aime beaucoup : la norme. Nous voulons les mettre dans la norme, au sens social et au sens juridique. Et la seule norme que nous connaissions pour les couples, pour la famille, c’est le mariage. Il n’y en a pas d’autres. Les homosexuels, alors qu’ils sont discriminés, alors qu’ils sont stigmatisés dans notre société, en ont peut-être davantage besoin que nous, oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Nous en venons aux votes.

    (L’amendement n° 3463 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 5110.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 244

    Nombre de suffrages exprimés 242

    Majorité absolue 122

    Pour l’adoption 71

    Contre 171

    (L’amendement n° 5110 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 212, 256, 289, 326, 457, 646, 752, 782, 956, 1045, 1107, 1205, 1218, 1661, 1801, 1910, 1942, 2029, 2329, 2857, 3041, 3090, 3331, 3378, 3478, 3632, 3814, 3947, 4185, 4505 et 4604.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 250

    Nombre de suffrages exprimés 248

    Majorité absolue 125

    Pour l’adoption 77

    Contre 171

    (Les amendements identiques nos 212, 256, 289, 326, 457, 646, 752, 782, 956, 1045, 1107, 1205, 1218, 1661, 1801, 1910, 1942, 2029, 2329, 2857, 3041, 3090, 3331, 3378, 3478, 3632, 3814, 3947, 4185, 4505 et 4604 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement n° 4352 n’est pas adopté.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je pense que nos collègues de la majorité pourraient profiter agréablement de la coupure du dîner pour reprendre un peu leurs esprits.

    Mme Catherine Lemorton. Très drôle !

    M. Christian Jacob. Il nous est permis d’avoir de vraies différences. J’ai d’ailleurs apprécié, à ce propos, le ton avec lequel Patrick Bloche s’est exprimé à l’instant. Nous sommes en désaccord total sur ce sujet, mais il a parlé avec beaucoup de dignité, avec les convictions qui sont les siennes. Il est souhaitable que chacun accepte que nous puissions nous exprimer de la même façon, sans être soumis à des invectives, voire à des manifestations d’hystérie – je pense en particulier à vous, monsieur Coronado. Vous n’apportez rien au débat. Vous n’avez pas d’arguments. Vous hurlez, vous êtes dans l’hystérie totale. Je pense qu’il faut profiter du dîner pour se calmer.

    Je voudrais dire à Mme la garde des sceaux ce qui a suscité des réactions tout à l’heure. Vous pouvez dire les choses avec conviction, madame la ministre, vous pouvez même les dire avec talent, mais parfois elles sont fausses. Et c’est cela qui provoque des réactions. Vous vous étiez trompée, tout à l’heure, au sujet de la Cour européenne des droits de l’homme. Vous aviez fait une première déclaration qui était fausse. On vous a rappelé à l’ordre, et vous avez ensuite corrigé. De la même façon, vous avez fait référence à un amendement déposé par l’opposition permettant l’adoption à deux personnes pacsées. Or il n’y a pas d’amendement de l’opposition qui aille en ce sens. Il y a une proposition de loi, déposée par quelques collègues. Et parce que, au groupe UMP, nous avons la liberté de vote, la liberté de conscience et la liberté d’expression – je note que ce n’est pas le cas au groupe socialiste – nos collègues ont toute liberté pour déposer des amendements et des propositions de loi qui ne deviennent pas pour autant la position globale du groupe. Reconnaissez ces propositions de loi telles qu’elles sont, mais ne cherchez pas à les assimiler à des positions du groupe.

    Voilà ce que je voulais simplement vous rappeler, parce que l’on gagne toujours à être précis dans ses réponses, madame la ministre.

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Je voulais appeler l’opposition à la sérénité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons dû en faire preuve pendant dix ans, durant lesquels nous avons même subi ce que vous avez fait pour limiter le débat dans l’hémicycle.

    Nous avons essayé de répondre sur le fond à une litanie d’arguments qui, à chaque fois, étaient les mêmes. Mais il est vrai que vous pourriez être sereins car, devant les Français, les rôles ont été installés depuis le début de ce débat. Vous représentez le camp qui ne regarde pas l’évolution de la société. Nous représentons, une nouvelle fois, le camp du progrès. Vous représentez le camp qui montre du doigt une communauté à l’intérieur de notre pays. Nous défendons la communauté nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Qui a dit « nous » ?

    M. Bruno Le Roux. Vous défendez ceux qui ne veulent pas ouvrir de nouveaux droits et qui vont prier sur la place du Palais-Bourbon. Nous défendons les Français qui veulent regarder en face la façon dont notre société fonctionne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Les rôles ont été posés. Cela devrait vous amener à plus de sérénité et à faire en sorte que les débats soient mieux maîtrisés, monsieur Jacob. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. Je pense que le dîner sera le bienvenu.

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures vingt.)

  • 3e séance du vendredi 1er février 2013

    15 janvier 2018

    Présidence de M. Claude Bartolone

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

    1
    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 2129 rectifié et 4736 à l’article 1er.

    Article 1er (suite)

    M. le président. L’amendement n° 2129 rectifié n’étant pas défendu, la parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4736.

    Mme Annie Genevard. J’ai eu l’occasion, en défendant l’amendement n° 3849, de montrer que l’altérité, concernant le mariage, était conforme à la Constitution et que la supprimer était par conséquent inconstitutionnel. Du reste, d’autres pays se sont prononcés dans ce sens, comme l’Italie et l’Allemagne, considérant que toute atteinte à l’altérité sexuelle dans le mariage était de nature inconstitutionnelle. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1er.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission émet un avis défavorable. Vous avez notamment évoqué, madame Genevard, le droit constitutionnel allemand. Or il est plus difficile, en France, de déduire des décisions du Conseil constitutionnel que la reconnaissance de l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République – c’est ce que vous sous-entendez.

    Au contraire, le Conseil constitutionnel a rappelé, le 28 janvier 2011, à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionalité, qu’il était « à tout moment loisible au législateur » de statuer sur cette question, pour reprendre les mots mêmes du Conseil.

    M. Hervé Mariton. Dans certaines conditions !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Considération assortie d’ailleurs d’un rappel de l’article 34 de la Constitution.

    M. Jacques Myard. Le Conseil a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas rupture d’égalité dans le droit en vigueur !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le 23 janvier 2013, le président du Conseil, Jean-Louis Debré a d’ailleurs rappelé, dans un entretien, qu’il revenait au législateur de définir les contours du mariage.

    M. Philippe Gosselin. Un entretien n’a pas de portée juridique !

    M. Erwann Binet, rapporteur. A priori, un faisceau de présomptions permet donc de penser que l’altérité sexuelle dans le mariage n’a pas vocation à devenir un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

    Je rappelle que la QPC du 28 janvier 2011 concernait précisément le mariage des couples de personnes de même sexe et que si le Conseil constitutionnel avait jugé utile de décider de faire de l’altérité sexuelle au sein du mariage un principe fondamental reconnu par les lois de la République, il l’aurait fait à cette occasion.

    M. Philippe Gosselin. Pas nécessairement !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le Conseil peut certes changer de jurisprudence, mais il est en général constant dans ses choix.

    Quant à la doctrine, elle a été très sollicitée ces dernières semaines afin de nourrir nos discussions. Nous avons nous-mêmes auditionné des juristes, des professeurs de droit constitutionnel.

    M. Daniel Fasquelle. Que vous avez bien choisis !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je vous en citerai un, M. Dominique Rousseau, professeur à l’université de Paris I, qui rappelle que le Conseil constitutionnel, pour des motifs proches de ceux que vous avancez dans l’exposé sommaire de votre amendement, a refusé de qualifier de principe fondamental reconnu par les lois de la République le droit du sol, par exemple, qui a pourtant été rappelé régulièrement par nos textes, en 1851, en 1889, en 1927.

    Dominique Rousseau ajoute que, le législateur n’ayant jamais rien dit au sujet du mariage homosexuel, le Conseil ne peut inférer de ce silence que l’interdiction de cette modalité du mariage vaudrait principe fondamental reconnu par les lois de la République.

    Je rappelle donc que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

    M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 4736, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : défavorable. Nous avons discuté pendant tout l’après-midi d’amendements visant à supprimer l’article 1er ; ils ont tous été rejetés. Nous abordons à présent l’examen d’amendements qui visent à supprimer l’article 1er par tranches. Aussi, exactement pour les mêmes raisons, à savoir que cette réforme vise justement à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, le Gouvernement rejette cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Notre collègue Genevard a raison de mettre en avant ces difficultés. Je rappelle que la Cour constitutionnelle italienne comme la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ont déclaré contraire à la constitution de chacun de ces pays l’absence de l’altérité dans le mariage.

    En ce qui concerne la France, même si ce n’est pas tout à fait le sujet qui nous occupe, et après que notre collègue Sandrine Mazetier a demandé que les écoles maternelles soient rebaptisées, je souhaiterais savoir comment, par souci de cohérence, le Gouvernement entend corriger l’article 1137 du Code civil, qui dispose que chacun est chargé d’apporter « tous les soins d’un bon père de famille » s’agissant de la conservation de la chose. Il me semble que l’article balai ne suffira pas à traiter la question. La notion de « bon père de famille » consacrée par l’article 1137 du Code civil est-elle compatible avec la disparition de l’altérité telle que vous la prévoyez ?

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Je ne peux pas m’empêcher de faire un bref aparté sur le Code civil que vient d’évoquer M. Mariton. On y trouve en effet des choses étonnantes. Par exemple, il y a quarante ans, nous avons décidé de reconnaître les enfants adultérins ; nous n’avons pourtant jamais fait disparaître la fidélité dans le serment du mariage civil.

    M. Philippe Gosselin et Mme Annie Genevard. Mais la présomption de paternité demeure !

    M. Bernard Roman. Nous retenons la fidélité et, dans le même temps, nous reconnaissons les enfants adultérins. Il y a une multitude de dispositions du Code civil qui méritent d’être « balayées » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ou revisitées, si vous préférez, et si cela peut vous éviter de faire un rappel au règlement.

    Grâce à la révision constitutionnelle de 2008 que vous avez fait voter, et nous vous en remercions, il est possible à tout citoyen de saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, un couple de personnes de même sexe qui souhaitait se marier, en janvier 2011, et qui n’a pas pu le faire du fait du droit en vigueur a saisi le Conseil constitutionnel.

    Qu’a dit le Conseil constitutionnel ? Que ce n’était pas possible en l’état actuel des choses – M. le rapporteur vient de l’expliquer –, mais que le législateur avait le pouvoir d’apporter des modifications, sous certaines conditions.

    M. Philippe Gosselin. Sous réserve que… !

    M. Hervé Mariton. Dans le respect de la Constitution !

    M. Bernard Roman. C’est exactement ce que nous faisons aujourd’hui. Il appartiendra naturellement au Conseil constitutionnel, que vous saisirez bien entendu, d’en juger,…

    M. Philippe Gosselin. En effet.

    M. Bernard Roman. …mais comme il a reconnu notre responsabilité en la matière, nous l’assumons aujourd’hui, dans le strict respect de la hiérarchie des normes.

    M. Philippe Gosselin. Ça ne change rien. Il faut respecter les normes supérieures !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4736.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 200

    Nombre de suffrages exprimés 200

    Majorité absolue 101

    Pour l’adoption 60

    Contre 140

    (L’amendement n° 4736 n’est pas adopté.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour un rappel au règlement.

    M. Sergio Coronado. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 4.

    En fin de séance, tout à l’heure, le président Jacob s’est tourné vers moi et m’a qualifié d’hystérique. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, il s’agit d’un fait personnel, qui doit intervenir en fin de séance !

    M. Sergio Coronado. Cette remarque était pour le moins étonnante, de la part d’un président de groupe qui, depuis le début de nos débats, n’a pas été animé par un esprit particulièrement calme et paisible.

    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, faites respecter le règlement !

    M. Philippe Gosselin. Il faut renvoyer cette discussion à la fin de la séance !

    M. Sergio Coronado. L’opposition a donné des signes d’agitation, que la majorité n’a pas commentés : nous vous avons laissé vous exprimer totalement librement.

    Je me suis demandé pourquoi il m’avait qualifié d’hystérique. Comme je connais un peu l’histoire, je me suis rappelé que le mot « hystérique » avait été utilisé par celles et ceux qui s’opposaient au droit de vote des femmes pour désigner les suffragettes, particulièrement en période de trouble, afin de les dénigrer. Ce terme a aussi été utilisé pour désigner Simone de Beauvoir, au moment de la publication de son livre Le Deuxième Sexe (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe SRC),…

    M. Gérald Darmanin. Ah non, pas Simone de Beauvoir !

    M. Hervé Mariton. Elle, elle avait du talent !

    M. Sergio Coronado. …ou encore les « 343 salopes », lors de la publication du manifeste pour le droit à l’avortement.

    M. Patrick Ollier. C’est de l’obstruction !

    M. Christian Paul. Écoutez plutôt, monsieur Ollier !

    M. Sergio Coronado. Je me suis demandé pourquoi on m’avait qualifié d’hystérique, alors que je ne suis ni une suffragette, ni Simone de Beauvoir, ni une femme demandant le droit à l’avortement.

    M. Guy Teissier. C’est du baratin !

    M. Sergio Coronado. Alors je suis remonté au XIXe siècle. Je me suis rappelé mes cours d’histoire, en particulier les études cliniques qui ont eu lieu au temps de Charcot, car j’ai un peu étudié ces questions, et je pense que c’est à cela que faisait allusion le président Jacob. À l’époque, le mot « hystérique » servait à qualifier toutes les femmes – car vous savez, chers collègues, que toutes les femmes sont potentiellement hystériques –, ainsi qu’une catégorie très particulière d’hommes : les invertis. Alors, cher président Jacob, vous auriez pu être plus franc et faire comme dans les cours d’école : me traiter de pédé,… (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est odieux !

    M. Jacques Myard. Honteux !

    M. Sergio Coronado. …cette injure qui fait tant de mal, notamment aux jeunes qui découvrent leur homosexualité.

    Mais je tiens à vous rassurer, cher président Jacob : j’assume, j’en suis fier, et je n’ai pas du tout envie de raser les murs, malgré vos injures.

    M. Patrick Ollier. C’est scandaleux d’entendre ça !

    M. Philippe Gosselin. C’est terrible et injurieux !

    M. Sergio Coronado. J’aimerais simplement dire au président Jacob que ce type d’invective n’honore ni votre groupe, ni les travaux de l’Assemblée nationale. J’ai honte pour ceux qui profèrent ce type de propos. C’est sans doute parce que l’heure est un peu tardive que vos nerfs commencent à lâcher. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est lamentable ! C’est minable !

    M. le président. Monsieur Coronado, je ne vous ai pas interrompu, parce que j’ai accordé cet après-midi à un membre de l’opposition un rappel au règlement qui relevait d’un fait personnel. Mais il ne faut pas que cela se reproduise, car ce type de rappel au règlement doit normalement se faire en fin de séance. Il y en a eu un de part et d’autre, mais il n’y aura plus de rappel au règlement pour fait personnel avant la fin de la séance.

    M. Philippe Gosselin. Celui-ci n’était pas de même nature !

    M. le président. Il y a équilibre.

    M. Philippe Gosselin. Non !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Je souhaite que personne ne personnalise ce débat.

    M. Henri Jibrayel. Vous l’avez pourri, le débat !

    M. Hervé Mariton. Je crois, chers collègues, qu’aucune injure ne vous a été faite, pour quelque raison que ce soit. Si nous commençons à illustrer ce débat en parlant de nous-mêmes, de nos proches, ou de certaines de nos communautés d’appartenance, nous allons nous égarer.

    Nous construisons la loi de la République : elle n’est ni pour, ni contre tel ou tel d’entre nous. L’orientation sexuelle de ceux pour qui nous faisons la loi ne nous concerne pas individuellement : nous devons répondre à des questions que les personnes homosexuelles peuvent nous poser, non pas comme membres d’une communauté, mais en tant que citoyens, pour l’amélioration du droit dans notre pays.

    J’ai réagi tout à l’heure à l’un de vos propos, monsieur le rapporteur, et vous m’avez répondu que je vous avais mal compris. Je crains, hélas, que votre propos ait été assez clair. Ce que je veux vous dire, c’est qu’il n’y a pas à distinguer entre vous et eux – et je crois qu’au fond vous partagez mon point de vue, même si vous avez été maladroit.

    Par ailleurs, il faut que notre assemblée cesse de voir des députés s’invectiver et se défendre – la défense ne vaut pas mieux que l’attaque –, à coups d’arguments qui n’ont aucunement leur place ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le bon déroulement de la séance.

    Monsieur Coronado, j’ai effectivement parlé d’hystérie en me tournant vers vous tout à l’heure, mais je vous invite à visionner votre intervention et à écouter les déclarations que vous avez faites. Même si vous n’approuvez pas le qualificatif que j’ai employé, vous serez au moins d’accord sur le constat que j’ai fait – je crois d’ailleurs que tout le monde a perçu votre intervention de la même façon. Par ailleurs, vos propos sur les femmes, qui seraient toutes potentiellement hystériques, n’ont pas de sens. Je souhaite que l’on revienne au débat sur le fond.

    Je crois que vous n’aviez pas de raison tout à l’heure, au cours de notre débat, de vous mettre ainsi en rage.

    M. Sergio Coronado. Mais je n’étais pas en rage !

    M. Christian Jacob. Encore une fois, je vous invite à visionner votre intervention ! Je regrette seulement que le dîner n’ait pas été réparateur pour vous et qu’il vous ait, au contraire, rendu encore plus agressif. (Protestations sur les bancs des groupes écologiste et socialiste.)

    M. Christian Jacob. Ce n’était pas du tout une offense, mais seulement un constat. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Allons !

    M. Christian Jacob. Je vous invite à visionner tranquillement votre intervention et vos déclarations : vous vous rendrez compte de vos débordements et je pense qu’après cela vous viendrez gentiment me présenter des excuses. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour un rappel au règlement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. L’école maternelle ! L’école maternelle !

    M. le président. Monsieur Gosselin !

    Mme Sandrine Mazetier. Mon rappel au règlement est analogue à celui qu’a fait ce matin notre collègue Bernard Lesterlin. Chers collègues de l’opposition, je vous invite…

    M. Hervé Mariton. À sauver les maternelles ?

    Mme Sandrine Mazetier. …à vous concentrer sur le texte.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas sérieux !

    Mme Sandrine Mazetier. Vous voulez éviter le texte. Vous voulez éviter l’examen des dispositions prévues par ce texte…

    M. Christian Jacob. Vous n’étiez pas là pour l’examiner tout à l’heure !

    Mme Sandrine Mazetier. …qui est un texte de liberté, d’égalité et de fraternité.

    M. Hervé Mariton. Attention, Le mot « fraternité » et un terme sexué !

    Mme Sandrine Mazetier. Si vous avez envie de commenter les seize questions écrites que j’ai posées au Gouvernement depuis le début de la quatorzième législature, je vous invite à le faire, par écrit ou oralement, mais pas dans cet hémicycle, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi. Aucune de ces questions écrites n’a de rapport avec le texte que nous examinons, ce texte important, que nombre de nos concitoyens attendent et que la majorité est fière de porter et d’assumer. C’est la réalisation d’une promesse républicaine et une avancée pour l’égalité !

    Et la maternelle vous salue bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Je comprends totalement l’intervention de Sergio Coronado et je veux l’assurer du soutien de l’ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Philippe Gosselin. Évidemment. Le groupe SRC affiche sa solidarité !

    M. Christian Jacob. Il aurait fallu dire cela avant le repas !

    M. Bruno Le Roux. Pour éviter que ce genre d’incident ne se reproduise, peut-être conviendrait-il, à l’avenir, de débattre sur le fond de nos interventions, sans appliquer des qualificatifs à ceux qui s’expriment. Ce n’est pas la tradition de notre assemblée !

    M. Christian Jacob. C’était seulement un constat !

    M. Bruno Le Roux. Chacun d’entre nous écrit la loi pour l’intérêt général de ce pays et pour la communauté nationale, mais chacun le fait avec sa propre histoire, et c’est ce qui introduit de la diversité dans cette assemblée. Nous pouvons d’ailleurs nous flatter que cette diversité soit plus manifeste sur nos bancs que sur les vôtres,…

    M. Philippe Gosselin. De tels propos ne sont pas dignes d’un président de groupe !

    M. Bruno Le Roux. …mais je n’irai pas plus loin sur ce sujet. Je vous demande seulement, pour la sérénité du débat, d’arrêter de juger le comportement des uns et des autres et d’employer des qualificatifs qui ne relèvent pas du débat politique et qui sont souvent sujets à interprétation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

    M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, je vous ai demandé, cet après-midi, de faire un rappel au règlement pour fait personnel : vous ne me l’avez pas accordé avant la levée de la séance, mais vous m’avez dit que je pourrais le faire ce soir.

    M. le président. Vous avez raison, monsieur Fasquelle : allez-y !

    M. Daniel Fasquelle. Je crois qu’il est important, mes chers collègues, que nous soyons à l’écoute des uns et des autres et que nous évitions les postures et la provocation.

    M. Pascal Popelin. À qui le dites-vous !

    M. Daniel Fasquelle. J’ai été blessé, monsieur Coronado, quand vous avez qualifié de manœuvre le texte sur l’alliance civile, sur lequel je travaille depuis le mois d’octobre dernier…

    M. Michel Vergnier. Oh ! Il travaille !

    M. Daniel Fasquelle. …et auquel j’ai rallié un grand nombre de mes collègues, dans une démarche absolument sincère, que je ne vous permets pas de remettre en cause.

    M. Sergio Coronado. Non, j’ai parlé de subterfuge !

    M. Daniel Fasquelle. Peut-être n’avez-vous pas parlé de manœuvre mais de subterfuge : ça veut dire la même chose, c’est peut-être même pire, et c’est franchement désagréable.

    Cessez aussi la provocation : vous m’avez reproché de ne pas supporter l’idée que deux femmes ou deux hommes puissent élever des enfants. C’est faux : je n’ai pas cessé de répéter que cela ne me posait pas de problème et qu’il était tout à fait possible, dans le cadre de l’alliance civile, et en aménageant les droits des enfants, que des enfants grandissent dans de très bonnes conditions au sein de familles homosexuelles.

    Mme Marie-George Buffet. Alors ?

    Mme Julie Sommaruga. Il faut dire cela à M. Guaino !

    M. Daniel Fasquelle. J’ai expliqué que ce qui est gênant, c’est précisément cette confusion entre l’éducation et la filiation. C’est la double filiation, de par l’adoption plénière en particulier, qui coupe définitivement le lien avec la famille naturelle, qui me gêne : vous pouvez l’accepter, le comprendre, et m’écouter. Je crois que c’est à cette condition que nous pourrons avancer.

    Madame la ministre, j’ai peut-être réagi un peu vivement et je vous prie de m’en excuser, mais il est vrai que vos propos m’ont blessé. (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC.). Mais oui ! Cette proposition d’alliance civile, nous y avons travaillé collectivement, nous l’avons relue tous ensemble, et nous avons bien réfléchi à chacune de ses dispositions.

    Nous avons été plusieurs à souhaiter l’intervention d’un juge pour éviter la répudiation, qui a été intégrée dans le PACS par ses partisans, car c’est justement la raison pour laquelle certains d’entre nous n’ont pas voté la loi à l’époque. Vous ne pouvez pas dire le contraire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je n’ai pas dit cela !

    M. Daniel Fasquelle. Vous l’avez dit. Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, ou peut-être l’avez-vous dit sans le penser, auquel cas j’accepte tout à fait votre explication.

    Vous avez dit aussi que notre amendement sur l’alliance civile proposait l’adoption : ce n’est pas le cas non plus. Je crois qu’il faut cesser de caricaturer nos propositions pour mieux les écarter. Vous ne pouvez pas nous demander d’être à l’écoute de votre projet et être vous-même si peu à l’écoute de nos propositions et de nos amendements. Nous ne pourrons avancer que si nous sommes réellement attentifs à ce que disent les uns et les autres, dans la majorité comme dans l’opposition.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3.

    M. Daniel Fasquelle. S’agissant du principe d’égalité et des questions prioritaires de constitutionnalité, dont on a beaucoup parlé, je voudrais mentionner celles du 6 octobre 2010 et du 28 janvier 2011, qui ont eu à traiter, justement, de la question de l’ouverture du mariage à deux personnes du même sexe. Le principe d’égalité a été mis en avant par ceux qui ont expliqué que le droit français n’était pas conforme à la Constitution, parce qu’il n’ouvrait pas le mariage à deux personnes du même sexe.

    Le Conseil constitutionnel a été très clair, en expliquant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Vous voyez ainsi que la proposition d’alliance civile est tout à fait conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : elle ne rompt par le principe d’égalité et ne crée pas de discrimination, contrairement à ce que j’ai entendu – là encore, ce propos n’était pas très agréable.

    Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’alliance civile, puisque nous proposons celle-ci pour les couples du même sexe, avec une célébration en mairie, un vrai statut et l’intervention d’un juge.

    Il est par ailleurs logique de redéfinir le mariage. Ce n’est pas ce qu’avaient prévu les rédacteurs du Code civil en 1804, mais nous proposons une nouvelle rédaction.

    Vous aurez compris que ce n’est pas le mariage qui me préoccupe, mais les conséquences en matière de filiation. Ainsi, il y aurait, d’un côté, l’alliance civile et, de l’autre, le mariage ainsi réécrit et redéfini.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. S’agissant de votre dernier argument, monsieur Fasquelle, permettez-moi de vous citer une autre phrase issue d’une jurisprudence de 2003 du Conseil constitutionnel.

    Vous dites, et vous avez raison, que l’on peut traiter de manière différente des situations différentes, mais on n’est pas obligé de le faire ! Nous ne sommes pas obligés de traiter les hommes et les femmes de manière différente parce qu’ils sont objectivement différents.

    M. Bernard Roman. Excellent !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le Conseil constitutionnel estime ainsi que, « si le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. » C’est exactement le cas dans lequel nous sommes ; il s’agit de volonté politique.

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est donc pas un problème de discrimination, mais de volonté politique !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Absolument, c’est une volonté politique.

    Monsieur Fasquelle, dans votre amendement, on lit deux phrases choquantes : « La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi. »

    M. Philippe Gosselin. La loi protège !

    M. Bernard Roman. Et les autres familles ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un retour en arrière assez prodigieux, car cela veut dire que seule la famille dans le cadre du mariage est protégée par la loi.

    M. Philippe Gosselin. Non, ce n’est pas ce que cela veut dire !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Toutes les autres échappent à la protection de la loi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Nicolin. Caricature !

    M. le président. Mes chers collègues, vous réclamez régulièrement que l’on calme le débat, mais si vous ne laissez pas intervenir le rapporteur, ce sera chose difficile.

    Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement rétablit donc une forme de hiérarchie entre les familles.

    L’alinéa suivant, qui tend à réécrire l’article 143 du Code civil, dispose : « Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l’alliance et fonde la parenté, offrant à l’enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle. »

    Cela veut-il dire que les enfants nés hors mariage ne bénéficieraient pas du même avantage d’une filiation maternelle et paternelle ? Qu’est-ce qu’une filiation indivisible ? Cela signifie-t-il que si l’un des deux décède, la filiation tombe, ou qu’un nouveau conjoint ne peut pas adopter l’enfant ?

    M. Daniel Fasquelle. Pas du tout !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un retour en arrière, monsieur Fasquelle, que vous le vouliez ou non, ce qui justifie l’avis défavorable de la commission.

    M. le président. Sur l’amendement n° 3, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 3 ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fasquelle, j’ai pris acte de vos propos. Je pense effectivement qu’il y a eu un malentendu cet après-midi. À aucun moment, je n’ai dit que votre projet d’alliance civile ne prévoyait pas d’intervention du juge ; je n’ai parlé du régime de rupture que sur la question du PACS.

    Par ailleurs, j’ai pris la précaution de lire votre amendement, puisque j’ai indiqué que, concernant les droits sociaux et fiscaux, il renvoyait au régime du PACS. En commission, vous vous souvenez que nous avons travaillé sur cet amendement. M. Mariton avait même déclaré, livrant une interprétation quelque peu subjective des faits, que j’avais montré un intérêt pour cet amendement avant que le président de la commission des lois ne me reprenne en main. J’ai été très amusée à l’idée que l’on puisse me reprendre en main (Sourires), en particulier le président de la commission des lois !

    Il est néanmoins vrai que j’ai étudié attentivement le contenu de cet amendement dès l’examen en commission des lois, parce que je prends ce travail très au sérieux. Le président de la commission des lois a interrompu les échanges parce qu’ils tournaient au dialogue. J’ai manqué de discipline moi-même, puisque j’ai répondu aux interruptions de M. Mariton. Le président de la commission des lois a fait la police de la commission. Mais j’avais auparavant observé que cet amendement était intéressant…

    M. Hervé Mariton. Ah !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …s’il s’agissait de créer un quatrième régime mais qu’en aucun cas, il ne pouvait se substituer au projet de loi que nous présentions.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi un quatrième régime ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le premier est le concubinage, l’union de fait ; le deuxième est le PACS, contrat civil ; le troisième est le mariage, contrat et institution ; et enfin, cette alliance civile, qui est un régime différent.

    M. Hervé Mariton. Est-ce que cela règle le problème ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout cas, cela ne satisfait pas l’ambition du Gouvernement, qui est d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    L’essentiel de l’amendement n° 3 consiste à définir le mariage. Or, celui-ci est déjà défini par son régime et ses effets, c’est-à-dire par ses conditions de célébration, ses conditions d’âge et de consentement, son régime de prohibitions, par le régime d’assistance et la protection juridique qu’il apporte tant au couple qu’aux enfants.

    Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.

    M. le président. Nous allons écouter un orateur favorable et un orateur défavorable à l’amendement.

    La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Il faut éviter la caricature. Erwann Binet a complètement déformé mes propos et le contenu du texte pour mieux le balayer. Je ne crois pas que ce soit de bonne politique.

    Il s’agit d’écrire dans le Code civil le droit positif français – ni plus, ni moins – et d’y ajouter des précisions qui sont sous-jacentes mais qui n’y ont jamais été écrites.

    Cet amendement est cohérent avec l’alliance civile, dans le cadre d’une démarche que je vous demande d’écouter et de comprendre, car elle est tout aussi honorable que la vôtre.

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

    Mme Catherine Coutelle. Monsieur Fasquelle, vous voulez revenir au Code civil de 1804, lorsque la femme était une mineure, comme ses enfants. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais si ! En 1804, Napoléon a bien fait de la femme une mineure. Heureusement, le Code civil a changé, notre collègue Roman nous l’a rappelé : en 1938, la capacité civile des femmes mariées a été reconnue et, en 1970, la notion de chef de famille a été supprimée.

    Il est vrai que l’opposition a beaucoup travaillé, et je vous invite, mes chers collègues, à lire l’exposé sommaire de l’amendement n° 3 : enfin, on y comprend ce qu’il faut entendre par « altérité sexuelle » ! Il est en effet très bien expliqué que le droit positif rend compte de « la nature spécifique du mariage et du caractère essentiel de la différence des sexes. » Pour nos collègues de l’opposition, cette « condition essentielle » de la différence des sexes permet « l’ordre public du mariage. »

    Je vous invite à lire la chute, qui est extraordinaire. L’avant-dernier paragraphe rappelle que l’homme et la femme s’unissent pour perpétuer leur espèce et que, dans sa forme juridique, « la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme. » (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    C’est la vision du mariage pour la procréation, qui relève de la théorie de la différenciation, de la complémentarité. Nous sommes ici un certain nombre à nous être émus que les Tunisiens aient envisagé d’écrire dans leur constitution que la femme était complémentaire de l’homme, et non pas son égale.

    Nous sommes pour l’égalité des hommes et des femmes : il n’y a pas, dans la société, de rôle assigné aux unes et aux autres. Il n’y a pas, dans le mariage, de rôle assigné à la femme. Ce n’est pas à elle seule d’élever les enfants ou d’assumer le ménage ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Olivier Faure et Mme Chaynesse Khirouni. Bravo !

    Mme Catherine Coutelle. Si vous lisiez Françoise Héritier, vous apprendriez que le mariage est une invention qui date du paléolithique et que, depuis cette ère, on défend le mariage hétérosexuel parce que la femme est donnée à l’homme en dot, en don, pour perpétuer l’espèce. C’est de cela que nous nous défaisons aujourd’hui.

    M. le président. Il faut conclure.

    Mme Catherine Coutelle. C’est de cela que nous ne voulons plus. Nous voulons l’égalité, l’égalité des sexes dans le mariage, l’égalité des hétérosexuels et des homosexuels. Notre texte est un grand projet d’égalité qui va faire enfin cesser la différenciation. (Mêmes mouvements.)

    M. Daniel Fasquelle. Vous n’avez pas lu mon amendement !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 3.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 260

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 77

    Contre 183

    (L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

    M. Daniel Fasquelle. Je ne peux pas laisser passer les propos de Mme Coutelle, car c’est très grave. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Elle a pris quelques mots tirés de l’exposé sommaire pour caricaturer et défigurer mon point de vue.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Daniel Fasquelle. Je n’ai fait que rappeler l’étymologie du terme « mariage » en droit romain et en latin. Madame Coutelle, vous avez pris quelques mots pour bricoler une espère d’accusation qui n’honore pas cette assemblée.

    M. le président. Monsieur Fasquelle, ce n’est pas un rappel au règlement.

    M. Daniel Fasquelle. Si, parce qu’il n’est pas possible de travailler dans des conditions pareilles ! Nous devons nous respecter mutuellement et cesser les caricatures. Une telle déformation d’un exposé sommaire et d’un point de vue n’est pas normale, et nous ne pouvons pas travailler dans de bonnes conditions de cette façon, monsieur le président ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nos travaux se sont plutôt bien déroulés jusque-là (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), mais nous dérapons.

    Je vous invite à lire les tweets émis par notre collègue Sergio Coronado à l’instant, qui qualifie Hervé Mariton de « conservatrice coincée ». C’est n’importe quoi !

    Je vous demande une suspension de séance, afin de ramener nos collègues de la majorité à la raison et la sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle. C’est en effet scandaleux !

    M. le président. Je vais suspendre la séance et j’invite les présidents de groupe à venir me voir pendant cette suspension.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 57.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, à la suite de la réunion que vous avez souhaitée, le président de mon groupe m’a demandé de détendre l’atmosphère : je vais donc m’y employer.

    Chers collègues de la majorité, puisque vous avez du mal à nous entendre, je citerai l’un de vos amis politiques, M. Collomb, maire de Lyon et sénateur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monseigneur Collomb !

    M. Marc Le Fur. Voilà le titre de l’entretien qu’il vient d’accorder aux Échos : « La France veut du boulot, pas du mariage homo ». Je le cite : « La priorité aujourd’hui, c’est la lutte contre le chômage plutôt que les réformes sociétales. »

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. Bernard Roman. On s’en fiche !

    M. Marc Le Fur. « Sur ce terrain très sensible, il faut avancer avec beaucoup de précaution », dit-il à propos de la réforme de la famille.

    M. Pascal Popelin. Restez sur le texte !

    M. Marc Le Fur. Les choses sont claires. Notre amendement est très simple. Il consiste à revenir à une règle élémentaire : le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. C’était l’esprit du Code civil, rédigé par un grand juriste, Cambacérès, dont les orientations sexuelles étaient d’ailleurs connues mais ne l’ont pas empêché de faire une belle et grande carrière, puisqu’il était le second du régime. Les logiques victimaires que certains utilisent sont donc très relatives.

    Mes chers collègues – je m’adresse plus spécialement aux députés du groupe écologiste –, il faut revenir à des règles naturelles. Nous multiplions les labels et les principes de précaution : appliquons ces derniers aussi à l’humanité ! On peut modeler, corriger ou faire évoluer la nature, mais on doit surtout la respecter. En l’occurrence, respecter la nature, c’est aussi respecter l’altérité homme-femme dans la logique du mariage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 218.

    M. Laurent Marcangeli. Comme l’a expliqué Marc Le Fur, cet amendement consiste à rappeler que le mariage est l’union entre un homme et une femme. Pourquoi ? Pour une bonne et simple raison que nous vous exposons depuis ce matin : le mariage ne désigne pas seulement l’union entre deux êtres, il inclut aussi le concept de filiation. Dans nos rangs, nous considérons que la filiation ne peut être véritablement solide que si elle est exercée par un homme et une femme.

    Nous ne sommes pas seuls à penser ainsi : de brillants constitutionnalistes intègrent le principe de l’altérité sexuelle dans le bloc de constitutionnalité, ce qui n’est pas rien. Ainsi le doyen Carbonnier explique les raisons pour lesquelles il pourrait être dangereux de porter atteinte à ce principe.

    Depuis ce matin, nous entendons des arguments tout à fait respectables, au premier rang desquels figure celui selon lequel il faut respecter l’amour que se portent deux êtres et leur donner le droit de s’unir. Nous l’avons proposé avec l’alliance civile, qui a été rejetée.

    Par ailleurs, il serait, nous a-t-on dit, anormal de ne pas faire droit au principe d’égalité. Mais, mes chers collègues, l’égalité, on y contrevient dans pratiquement dans tous les rapports que l’individu entretient avec la société ! En tant qu’élus, nous n’avons pas le droit d’exercer un certain nombre de responsabilités si nous occupons une fonction élective : c’est une inégalité entre les citoyens. Le droit de vote n’est pas autorisé avant l’âge de dix-huit ans : c’est une autre inégalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous, nous considérons que le mariage, c’est l’union entre un homme et une femme.

    M. Yann Galut. On vous a connu plus brillant !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 294.

    M. Christian Jacob. Cet amendement vise à préciser que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. Il semble en effet important de le rappeler à la suite du débat que nous avons eu avant l’article 1er sur les risques que comporte l’ouverture du mariage et de l’adoption à des couples de personnes de même sexe, telles la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle et la gestation pour autrui, qui est reconnue à l’étranger. Pour nous, il y a là un risque d’ordre bioéthique extrêmement grave, dont la majorité et le Gouvernement n’ont pas pris la mesure. C’est la raison pour laquelle nous restons très opposés au mariage pour les couples de personnes du même sexe.

    En revanche, nous avons pleinement conscience qu’il faut apporter des réponses en matière de protection des personnes. C’est pourquoi nous avons travaillé, notamment notre collègue Daniel Fasquelle, sur une alliance civile, qui comporte des droits et des obligations – devoir de fidélité, intervention devant les tiers – et qui protège les deux alliés au plan juridique.

    Nous réfutons la possibilité d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. L’objet de cet amendement est de réaffirmer le principe de notre Code civil.

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 341.

    M. Hervé Mariton. Puis-je expliquer à notre collègue Coutelle l’importance de l’altérité ?

    M. Christian Assaf. Non !

    M. Hervé Mariton. Je ne sais pas si la femme est complémentaire de l’homme, ou l’inverse : la complémentarité est en général assez symétrique. Mais, comme chacun d’entre nous le sait, la femme est l’avenir de l’homme. Au moins, ne contesterez-vous pas cette affirmation.

    Chère collègue Mazetier, vous qui avez souhaité que les écoles maternelles soient rebaptisées,…

    M. Jacques Myard. Scandaleux !

    M. Hervé Mariton. …puis-je vous demander ce que vous proposez pour atténuer l’affirmation si masculine que comporte le mot : « fraternité », que vous avez employé ? D’un point de vue étymologique, ce mot fait en effet clairement référence au masculin, à la fratrie. Dans la police des mots que vous souhaitez appliquer et dans le refus de l’altérité que vous affichez – ce qui est inquiétant pour l’avenir de la parité –, que devient la valeur de fraternité ? Je ne comprends pas qu’elle figure dans votre propos.

    M. Yann Galut. Qu’est-ce que vous racontez ? Quel rapport avec le mariage ?

    M. Hervé Mariton. Heureusement, certains de vos collègues, au sein de la majorité, sont moins attachés à la novlangue et à la police des mots et ne tiennent pas des propos de cette nature.

    Oui, vive la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 459.

    M. François de Mazières. N’ayant pu vous convaincre sur l’alliance civile,…

    M. Yann Galut. C’est clair !

    M. François de Mazières. … nous en revenons à l’essentiel.

    Notre vision est différente de la vôtre. Nous considérons en effet que vous êtes en train de créer une inégalité entre les enfants, puisque l’enfant adopté par un couple homosexuel n’aura pas un papa et une maman. À l’instar de la philosophe Sylviane Agacinski nous pensons que « donner à un orphelin deux parents de même sexe, c’est créer une inégalité. » Cette opinion est partagée par des gens pour lesquels vous avez de la considération et que vous jugez remarquables.

    M. Yann Galut. Qu’est-ce qu’il raconte ?

    M. François de Mazières. Nous constatons qu’il existe, au sein de la majorité, deux lignes assez différentes.

    Monsieur le rapporteur, madame la ministre, il ne fait aucun doute que vous admettez la PMA ; vous avez été très clair à cet égard, monsieur le rapporteur. Madame la garde des sceaux, nous aimerions savoir où vous vous situez sur cette question. On nous renvoie au texte qui doit être présenté au mois de mars, mais, vis-à-vis des Français, il serait plus responsable de dire maintenant que vous êtes en faveur de la PMA, car c’est la suite logique de ce texte. Au moins, le débat serait plus honnête.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Nous sommes pour le mariage pour tous !

    M. François de Mazières. Nous avons le sentiment que nous n’arriverons pas à nous entendre. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

    M. François de Mazières. Pour conclure, je reviendrai volontiers à la question référendaire.

    De même que Mme Guigou ne cesse de répéter qu’elle en a assez d’entendre citer les propos qu’elle a tenus il y a dix ans (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), je pense que M. Toubon en a assez qu’on le cite systématiquement. Je l’ai appelé à ce sujet, et il m’a dit être vent debout : pour lui, la question référendaire est une évidence, car ce texte touche à une institution essentielle. Alors, avant de le citer, appelez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 517.

    M. Patrick Ollier. Nous allons forcément nous répéter, mais notre amendement s’inscrit dans la cohérence de la position que nous défendons depuis le début du débat.

    L’opposition souhaite préserver l’institution du mariage.

    M. Yann Galut. Nous aussi, mais on veut l’étendre !

    M. Patrick Ollier. Nous voulons préserver l’institution du mariage et instituer, madame la garde des sceaux, un quatrième mode d’union avec l’alliance civile, qui pourrait accorder les mêmes droits aux couples homosexuels – patrimoniaux, successoraux, sociaux. Nous n’y verrions aucun inconvénient.

    Au prétexte de l’égalité, vous êtes en train de créer une discrimination. Je poursuis le raisonnement de M. de Mazières. Lorsqu’un couple constitué par deux femmes voudra un enfant, celles-ci recourront à la PMA – vous l’avez annoncé, cela se fera.

    M. Régis Juanico. Cela se fait déjà !

    M. Patrick Ollier. Mais quid d’un couple d’hommes ? Au nom de quelles règles morales, selon votre raisonnement, brillamment défendu par Mme Coutelle, refuserez-vous aux couples d’hommes que vous autorisez à se créer par votre texte d’avoir un enfant par le biais de la GPA ? Vous créez une discrimination, dans la mesure où vous avez annoncé que la gestation pour autrui n’était pas d’actualité et que jamais, elle ne serait autorisée.

    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ollier.

    M. Patrick Ollier. Nous sommes pour l’égalité sur le plan social. Vous feriez d’ailleurs mieux, mesdames et messieurs de la majorité, de vous intéresser au problème de l’inégalité des salaires entre les hommes et les femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Pierre-Alain Muet. Qu’est-ce que vous avez fait, vous, dans ce domaine ?

    M. Patrick Ollier. Prenez plutôt des décisions dans ce domaine : vous contribueriez à un progrès significatif !

    M. le président. Monsieur Ollier, veuillez conclure, je vous prie.

    M. Patrick Ollier. Je conclus, monsieur le président.

    L’égalité que vous proposez, c’est l’égalité par l’effacement, par la négation de ce que sont la femme et l’homme. Nous, nous voulons préserver cette différence dans le cadre du mariage à cause de la filiation. Tel est notre raisonnement ; nous le répéterons tout au long des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 594.

    M. Philippe Gosselin. Selon la tradition juridique française, le mariage n’est pas un simple contrat, ni la reconnaissance de l’amour de deux personnes l’une pour l’autre. C’est une institution au statut est très particulier.

    Le Conseil constitutionnel reconnaît la compétence du législateur dans le cadre du respect de la hiérarchie des normes, mais il ne reconnaît pas de discrimination en tant que telle dans le droit actuel. Le rapporteur l’a, du reste, admis tout à l’heure, ajoutant qu’il s’agissait d’un choix politique. Dont acte.

    Souffrez que nous fassions un choix politique différent du vôtre, que nous ayons une autre vision politique de la société. On voit bien cet article aura un effet dominos.

    M. Henri Jibrayel. On souffre pour vous !

    M. Philippe Gosselin. Je le sais, et nous souffrons en vous écoutant.

    M. le président. Allons !

    M. Philippe Gosselin. Mme Dumont a eu des mots malheureux, au perchoir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. On n’attaque pas la présidence !

    M. Philippe Gosselin. Nous souhaitons revenir sur cet effet dominos, au-delà de la question de la discrimination qui, s’agissant du mariage actuel, n’est pas fondée juridiquement. C’est un choix politique ; ce n’est pas le nôtre.

    Nous voulons dénoncer l’enchaînement : mariage, adoption, qui conduira inéluctablement à la PMA et, à terme, à la GPA. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Toujours le même refrain !

    M. Philippe Gosselin. La circulaire du 25 janvier entrouvre une brèche, il est bon de le rappeler une fois encore. Voilà pourquoi il nous paraît important de préciser que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 650.

    M. Frédéric Reiss. Comme un grand nombre de mes collègues et une grande majorité de nos concitoyens, j’ai la conviction que le mariage doit rester l’union d’un homme et d’une femme.

    Le mariage ouvert à deux personnes de même sexe divise la France et les Français.

    M. André Schneider. Absolument !

    M. Frédéric Reiss. C’est pourquoi, sur un problème d’une telle importance, le passage en force de la majorité n’est pas acceptable.

    Depuis des semaines, alors que notre pays connaît des difficultés majeures, on entend la même chanson : c’était une proposition du candidat Hollande. En l’élisant à la présidence de la République, les Français ont voté en faveur du mariage des personnes de même sexe. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Eh bien, non !

    Tous ceux qui ont manifesté le 13 janvier dernier, avec détermination et dignité,…

    M. Philippe Gosselin. Ils étaient très nombreux. Des centaines de milliers de personnes !

    M. Régis Juanico. Peu nombreux !

    M. Philippe Gosselin. Plus de 800 000. Trois fois plus que le 27 janvier !

    M. Frédéric Reiss. …n’ont jamais cédé à l’homophobie dans laquelle certains auraient bien aimé les précipiter. Toutes ces femmes et tous ces hommes restent attachés au fait que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

    Que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de sexe différent a été jugé non discriminatoire par le Conseil constitutionnel. Au nom d’une prétendue égalité des droits, la majorité entend changer la nature même du mariage civil, au prix d’une grave discrimination à l’égard des enfants ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Josette Pons, pour soutenir l’amendement n° 651.

    Mme Josette Pons. C’est au nom de l’égalité que je défends cet amendement. Ce soir, nous entendons beaucoup parler de l’égalité pour tous, mais pas de l’égalité entre enfants. Un enfant vivant dans un foyer homosexuel dans lequel il serait arrivé par le biais soit de l’adoption, soit de la procréation médicalement assistée, soit de la gestation pour autrui,…

    Mme Chantal Berthelot. Pas forcément !

    Mme Josette Pons. …n’est pas le même que les autres. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Viendra un moment où il se posera des questions.

    Je souhaiterais que l’on parle de mariage quand il s’agit de l’union entre un homme et une femme et d’alliance civile quand il s’agit de l’union entre deux hommes ou deux femmes, qui s’aiment du même amour.

    M. Patrick Ollier. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 759.

    M. Guénhaël Huet. Cet amendement vise à rétablir le principe de l’altérité des sexes. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 janvier 2011 – citée par le rapporteur lui-même –, a indiqué que l’ouverture du mariage relevait d’une compétence du législateur, et donc d’une volonté du politique.

    Il a également affirmé qu’il était possible de traiter différemment des personnes relevant de situations différentes. Nous proposons donc une alliance civile pour les couples homosexuels, avec toutes les garanties qui ont été précisées tout à l’heure, et souhaitons que le mariage reste fondé sur l’altérité des sexes.

    J’ajoute, monsieur le président, qu’il existe même un risque d’inconstitutionnalité, soulevé par certains spécialistes du droit constitutionnel,…

    M. Philippe Gosselin. Et non des moindres !

    M. Guénhaël Huet. …lié à la remise en cause le principe de l’altérité des sexes.

    M. le président. La parole est à M. Remi Delatte, pour soutenir l’amendement n° 784.

    M. Rémi Delatte. L’art de la répétition fait la pédagogie. Puisse-t-elle vous inspirer quelques réflexions !

    Le mariage, je le redis, est une institution que nous voulons respecter et pérenniser. Il repose sur l’union d’un homme et d’une femme. Il s’agit d’une évidence fondée sur notre droit, sur notre culture et sur notre histoire, fondée aussi sur une réalité biologique, ne vous en déplaise.

    Faut-il rappeler que bien des constitutionnalistes estiment que l’altérité sexuelle des époux, et donc des parents, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ? Le principe d’un mariage entre personnes de même sexe serait donc inconstitutionnel.

    J’ajoute que, globalement, l’Europe a fait le choix de renoncer au mariage entre personnes de même sexe puisque seuls six pays sur vingt-sept l’ont adopté.

    Voilà pourquoi nous vous avons proposé l’union civile afin d’offrir la possibilité aux couples homosexuels de vivre dans un environnement juridique et social protecteur et respectueux.

    M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement n° 1003.

    M. Christian Kert. Le mariage – c’est une évidence pour notre société aujourd’hui – est l’union d’un homme et d’une femme. Que l’on ne nous fasse pas le procès de vouloir marginaliser les homosexuels !

    Cet amendement donne force à la proposition d’alliance civile, car il montre la volonté de l’opposition de trouver un chemin qui soit compatible avec l’état d’esprit d’une société qui a besoin d’équilibre et de repères. Nous souhaitons faire bouger les lignes, dégager des solutions, établir une harmonie nouvelle dans cette société qui la réclame, avec mesure.

    M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1061.

    Mme Anne Grommerch. Monsieur le président, je m’étonne beaucoup de la tournure que prennent nos débats. Je ne parlerai pas des propos vulgaires de M. Coronado, qui n’ont pas leur place dans cet hémicycle. Je suis étonnée d’entendre Mme Mazetier affirmer que l’on ne devrait plus parler d’« école maternelle » : quel nom donnera-t-on donc aux maternités demain ?

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas le problème !

    Mme Anne Grommerch. Bientôt, on ne devra même plus parler de mère. Pourtant, certains, chez vous, trouvent normal de « louer des ventres ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Eh oui, Pierre Bergé s’est permis de tenir des propos scandaleux dont personne, sur les bancs de la majorité, ne s’est offusqué.

    M. Yann Galut. Ce n’est pas un député !

    Mme Anne Grommerch. Ce n’est pas parce qu’on finance le parti socialiste que l’on peut tout se permettre ! Ces propos inacceptables, il les a tenus à la soirée de soutien au mariage pour tous. Ils ont été repris très largement dans la presse et aucun d’entre vous ne les a condamnés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Vous étiez à la soirée de Pierre Bergé, monsieur Galut : gauche caviar et bobos !

    Mme Anne Grommerch. Vous voulez à tout prix supprimer l’altérité des sexes : je pense que vous allez finir par vous convaincre d’ici à la fin de nos débats que bientôt, il n’y aura plus besoin de femmes pour faire des bébés.

    M. Jacques Myard. Très juste !

    Mme Anne Grommerch. Sachez une chose : vous pourrez voter tous les textes que vous voudrez, changer le code civil aussi souvent que vous le voudrez, on aura toujours besoin de femmes pour faire des enfants en France comme partout ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1124.

    M. Paul Salen. Madame la garde des sceaux, vous avez souligné – avec justesse – que le mariage n’était pas défini clairement dans le code civil comme l’union d’un homme et d’une femme. Pourquoi ? Parce que cela relève de l’évidence.

    J’aimerais à ce propos rappeler les propos du doyen Carbonnier sur la place du mariage dans la loi : « Le Code civil n’a pas défini le mariage et il a eu raison : chacun sait ce qu’il faut entendre par là, c’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupart des hommes adultes ».

    Le Conseil constitutionnel, quant à lui, dans sa décision du 28 janvier 2011, a affirmé qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la situation des couples de même sexe. Autrement dit, il a clairement jugé comme non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de sexe différent.

    C’est cette position que nous défendons en demandant que soit précisé que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1229.

    M. Yves Nicolin. Permettez-moi de vous lire un court texte :

    « On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. Dans la discussion qui s’amorce, j’entends parler de désirs, de refus des discriminations, de droit à l’enfant, alors que l’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant et l’égalité des droits, comme si le principe de l’égalité des droits devait effacer toute différente. Mais j’ai peu entendu parler d’institutions, or c’est essentiel. Le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme. Cette définition n’est pas due au hasard. On peut respecter la préférence amoureuse de chacun sans automatiquement institutionnaliser les mœurs. »

    Ces propos, c’est Lionel Jospin qui les a tenus en mai 2004. Inspirez-vous donc de lui, chers collègues de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour soutenir l’amendement n° 1319. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Modérez votre joie, mes chers collègues !

    M. Patrick Balkany. Si je vous disais que je n’ai rien contre le mariage des homosexuels, ça vous étonnerait, n’est-ce pas ? En fait, ce qui me choque dans votre loi, c’est que vous avez mélangé le mariage des personnes de même sexe et l’adoption. Moi, je suis très attaché à l’enfant. Que les couples fassent ce qu’ils veulent, c’est leur droit. Améliorer l’union civile aurait été une solution très simple. Figurez-vous que le grand-père que je suis apprécie que ses petits-enfants disent « papa », disent « maman ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Eh oui, je sais, c’est très ringard d’avoir un papa et une maman. Pourtant, ça marche pas mal depuis des siècles !

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. Patrick Balkany. Vous savez ce qui va se passer dans les cours d’école,…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ah non, il ne va pas oser !

    M. Patrick Balkany. …quand un petit bout de chou de quatre ans dira : « Moi, j’ai pas de maman » ou « Moi, j’ai pas de papa », « J’ai deux papas », « J’ai deux mamans » ?

    M. Yann Galut. Mais c’est déjà le cas !

    M. Patrick Balkany. Eh bien, je peux vous dire que sa scolarité sera très difficile. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous avez oublié ce qu’était la méchanceté des bambins à l’école.

    Institutionnaliser l’adoption par un couple de même sexe, c’est priver les enfants ou d’un père ou d’une mère. Vous prenez une très grande responsabilité et je n’aimerais pas être à votre place ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Thomas Thévenoud. Nous, non plus !

    M. Patrick Balkany. Il y a en certain nombre parmi vous qui ne vont pas voter de bon cœur !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le déroulement de nos débats.

    Nous sommes dans une société de télécommunications et sommes nombreux à utiliser Twitter ou Facebook. On vient de me faire part, il y a quelques minutes, d’un tweet envoyé par notre collègue Guedj. Je vous le lis : « Je rejoins la séance, déprimé – il a bien le droit – par avance de devoir supporter tant d’inepties et de mauvaise foi ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    S’il n’y avait que ça, vous pensez bien que cela n’aurait pas justifié un rappel au règlement. Le meilleur est pour la suite : « Ils voulaient un débat, ils le souillent ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ces termes employés par notre collègue, je les trouve particulièrement inadmissibles. Je vous demande, monsieur le président, de rappeler à la majorité que quand elle gazouille à l’extérieur, elle doit le faire avec plus de distance.

    M. le président. Monsieur Gosselin, pour le moment, fort heureusement, la charge de la présidence consiste à veiller au bon déroulement de nos travaux dans l’hémicycle. Ce serait lui demander beaucoup que de veiller aussi à ce qui se dit à l’extérieur.

    M. Philippe Gosselin. Je comprends que votre autorité n’aille pas aussi loin, monsieur le président, mais un rappel amical serait le bienvenu !

    M. le président. Pour ce qui est des communications électroniques, cela me paraît bien compliqué. Je le regrette, sachez-le. (Sourires.)

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1459.

    Mme Véronique Louwagie. Je vais revenir sur la définition de cette institution qu’est le mariage. Que prévoit ce contrat ? Il détermine l’organisation et la gestion de la famille : comment donner un cadre de vie aux enfants ? Or, aujourd’hui comme hier, la nature a fait que seuls un homme et une femme peuvent s’unir pour procréer et il en sera de même demain. Si la nature avait voulu qu’il en soit autrement – réfléchissez un peu, chers collègues –, elle aurait doté les êtres humains différemment.

    M. Jean-Patrick Gille. Elle est excellente, celle-là !

    Mme Véronique Louwagie. Je suis très étonnée par l’argument de l’égalité. La différence, même si elle est sexuelle, même si elle concerne l’orientation sexuelle, n’est aucunement signe d’inégalité.

    Vous mettez en avant cette inégalité ; pour moi, elle n’existe pas. Nous sommes tous nés avec un sexe, masculin ou féminin ; nous sommes tous soit un homme, soit une femme, et pour la procréation, nous sommes tous destinés au sexe opposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    C’est ainsi que la nature nous a mis au monde, c’est ainsi que la nature a organisé la civilisation (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), et le législateur ne peut aucunement modifier les lois de la nature. En revanche, nous sommes tous égaux devant ce fait. C’est pourquoi cet amendement réaffirme un principe de base. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1730.

    M. Guillaume Chevrollier. Ce soir, les Français ont peur ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    Pourquoi ? L’atonie de l’économie française, les difficultés de nos PME, l’absence de réforme de structure menée par le Gouvernement pour la compétitivité… (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Chers collègues de la majorité, il faut maintenant retrouver votre calme. Nous sommes en train de perdre du temps, et l’image que nous donnons dans cet hémicycle se détériore à nouveau. Je vous demande de garder votre calme et d’écouter l’orateur.

    Monsieur Chevrollier, vous avez la parole.

    M. Guillaume Chevrollier. Ce soir, disais-je, les Français ont peur, en raison de l’atonie de l’économie française, des difficultés de nos PME, de l’explosion du chômage du fait de l’absence de réformes du Gouvernement pour améliorer la compétitivité.

    Notre compétitivité connaît une crise de confiance, et dans ce contexte si difficile, votre gouvernement s’attaque à la base de notre société : l’institution familiale, en remettant en cause le mariage entre un homme et une femme.

    Un député du groupe SRC. Mais non !

    M. Guillaume Chevrollier. Ce projet contribue donc au climat anxiogène. La famille est un repère, et la perte de celui-ci inquiète les Français. Ils sont inquiets pour le droit des enfants, comme par la perspective de la PMA et de la GPA.

    Aussi, je vous demande de revenir sur ce texte au nom de l’intérêt général. Ce projet ne répond qu’à des intérêts catégoriels et crée une véritable fracture au sein de notre société ; j’en veux pour preuve la grande manifestation du 13 janvier dernier, ainsi que les grandes mobilisations qui se tiendront demain dans l’ensemble de nos départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plutôt que la division, je vous propose donc le rassemblement pour la défense du droit de la famille et de l’enfant, gage de la stabilité de notre société et de la confiance en l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 1880.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Je voulais faire tout à l’heure un rappel au règlement…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Trop tard !

    M. Jean-Charles Taugourdeau. …pour rappeler que jusqu’alors, lorsque on n’était pas d’accord avec la gauche, on était soit raciste, soit fasciste. Maintenant, en plus, on sera homophobe ! Je suis très inquiet par l’agressivité de la majorité ; très inquiet !

    M. le président. Merci de défendre l’amendement n° 1880, monsieur Taugourdeau.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Je souhaite terminer mon rappel au règlement en disant, histoire de détendre un peu l’atmosphère, que, face à tant d’agressivité, nous allons être obligés de déposer des amendements sous X ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.))

    Pour en revenir à mon amendement, je dirai simplement que ce n’est pas en niant la différence entre l’homme et la femme qu’on réglera les inégalités existant aujourd’hui entre l’homme et la femme.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1944.

    M. Jacques Lamblin. Mes chers collègues, je suis sans illusion : vous voulez ignorez les problèmes que pose votre texte en matière d’adoption, de filiation et de conception. Mais, en même temps, je suis bienveillant. J’ai posé, tout à l’heure, une question à Mme la ministre, et vous en êtes témoins. Chacun ici est horrifié par la GPA ; nous sommes bien d’accord. Seulement, il y a un problème : si elle est interdite en France, elle est autorisée à l’étranger. Je renouvelle donc ma proposition : êtes-vous prêts à créer une sanction pénale,…

    Mme Chaynesse Khirouni. Non !

    M. Jacques Lamblin. …en définissant comme un délit…

    Mme Chaynesse Khirouni. Non !

    M. Hervé Mariton. Voilà l’aveu !

    M. Jacques Lamblin. …le fait pour un homme d’introduire en France un enfant dont il déclare qu’il est le sien et dont il est prouvé qu’il est né à l’issue d’une GPA ? C’est la meilleure façon d’empêcher un marché des droits à l’étranger.

    C’est de l’humanisme ; je vous propose donc d’adhérer à cette idée et de nous dire si vous êtes d’accord ou pas.

    Mme Chaynesse Khirouni. C’est non !

    M. Jacques Lamblin. Vous ne m’avez pas répondu la première fois, peut-être refuserez-vous une deuxième fois de me répondre !

    La loi ne prévoit pas toujours l’évolution de la science. Ainsi, en Chine, 1,4 milliards d’humains sont victimes d’une loi qui impose de n’avoir qu’un seul enfant. Or, cette loi avait été inventée avant l’échographie. Depuis, le sex ratio s’est terriblement déséquilibré, parce que les couples choisissent d’avoir un garçon plutôt qu’une fille.

    La loi ne prévoit pas tout : songez-y avant de poursuivre dans cette voie !

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2020.

    M. André Schneider. Chers collègues, je dois me confesser publiquement : cela fait quinze ans que je me trompe ! Cela fait quinze ans que je dis, partout où je me rends, qu’au moins 95 % des députés, sur tous les bancs, sont des gens sérieux, consciencieux et respectueux. J’avoue que, depuis quelque temps, je ne me retrouve plus tout à fait dans cet élément.

    Je pense, monsieur le président, que concernant un phénomène de société, qui regarde notre conscience à tous, nous devrions avoir une autre manière de nous parler, de part et d’autre. Mais je pense sincèrement que l’exemple devrait venir de chez vous, madame et monsieur les ministres. Pas un paragraphe qui ne nous invective, voire pire !

    Je pense que, face à un tel problème, nous devrions nous mettre d’accord sur un certain nombre de points. Tout d’abord, une première règle doit être claire pour nous tous : nous sommes tout à fait conscients que dans notre société, il existe des personnes qui ont diverses manières de vivre leur amour et leur couple. Nous les respectons tous. Je pense qu’il n’y a pas un collègue, sur ces bancs, qui ne compte des homosexuels parmi ses relations personnelles.

    Deuxième question que nous nous posons : ces personnes doivent-elles avoir les mêmes droits que nous tous ? Oui, nous l’avons prouvé en votant le PACS, puis l’amélioration du PACS, et nous avons répété que nous devrions trouver une formulation pour que cela puisse se poursuivre. Nous vous proposons l’alliance civile, alors que vous proposez le mariage : n’est-ce pas simplement une question de vocabulaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Chers collègues, cela fait des heures que nous nous écoutons, alors accordez-moi encore deux minutes.

    M. le président. Il faudrait conclure, cher collègue.

    M. André Schneider. Je pense que nous aurions certainement pu trouver une solution, sur la base de notre proposition et de la vôtre, dans l’intérêt de tous et, en premier lieu, des intéressés – car n’oublions pas que nous parlons de personnes qui vivent fortement leur amour, même si elles le font un peu différemment des autres. Alors, un peu de sagesse, chers collègues !

    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2245.

    M. Georges Fenech. Je souhaite vous faire part d’une simple réflexion. Ce débat n’est pas simplement de nature législative : il touche aux fondements de l’humanité, basé sur des lois naturelles (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), que l’on oppose aux lois positives. Je crois que jamais une loi naturelle ne peut être dénaturée par une loi positive.

    Vous nous proposez de réécrire, à la façon d’apprentis sorciers, une loi naturelle…

    M. Thomas Thévenoud. Ça n’existe pas !

    M. Georges Fenech. …qui, jusqu’à preuve du contraire, commande depuis le début de la création notre destinée d’hommes et de femmes, tous issus d’une rencontre naturelle entre un homme et une femme. Ce que nous voulons préserver, c’est l’altérité, seule condition naturelle d’une parenté paternelle et d’une parenté maternelle.

    Je voudrais vous faire part d’une inquiétude qui ne relève plus, à l’heure où nous parlons, d’un simple fantasme : si vous nous conduisez vers la PMA et la GPA, madame la garde des sceaux, pourquoi pas, après-demain, le clonage façon Raël ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR et RRDP.)

    Vous vous souvenez que nous avons érigé le clonage reproductif humain en crime contre l’espèce humaine, punie de la réclusion criminelle à perpétuité. Comme beaucoup de Français, que vous insultez ce soir à travers les insultes que vous proférez en permanence à notre égard, je suis en droit de m’interroger : jusqu’où irez-vous dans la manipulation au nom d’une pseudo égalité des droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 2992.

    M. Gérald Darmanin. Je suis un grand révolutionnaire, car je pense, madame la garde des sceaux que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, et qu’un enfant naît d’un homme et d’une femme.

    Excusez-moi pour cet accès de fièvre révolutionnaire ; j’espère que mes électeurs me le pardonneront. Je le confesse, et j’espère que plus tard la rééducation prodiguée par la police de la pensée me permettra de penser l’inverse.

    Je voudrais dire également à M. le président de la commission des lois que l’on a confié à M. Jospin une étude sur le cumul des mandats. Il aurait sans doute été plus avisé de confier à Mme Jospin une étude sur le mariage et l’adoption homosexuels, puisqu’elle a fait il y a quelque temps, contre M. Jack Lang, lequel depuis a été nommé à la présidence de l’Institut du monde arabe – je vois que le Président de la République respecte ses promesses…

    Un député du groupe SRC. Allez, accouche !

    M. Gérald Darmanin. Cette finesse n’a d’égale que la taille de vos chaussures, cher monsieur !

    Il aurait été correct, disais-je, de confier à Mme Jospin ce rapport, afin de nous éclairer sur cette discussion.

    Enfin, je souhaite dire à mes collègues de la majorité que, comme un certain nombre de jeunes parlementaires, j’essaye d’être particulièrement assidu – sans doute parce que je suis dans la fleur de l’âge. Dans ma circonscription populaire, mes électeurs – et même souvent les électeurs de François Hollande – demandent pourquoi vous n’étiez pas là pour défendre les heures supplémentaires, pourquoi vous n’étiez pas aussi nombreux pour lutter, avec autant d’empressement, contre le chômage, pourquoi vous n’étiez pas aussi nombreux pour dénoncer la hausse de l’insécurité. Car dans les quartiers populaires, monsieur Roman, ce qui compte, ce n’est pas le mariage homosexuel : ce sont l’emploi et la sécurité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Bernard Roman. C’est faux : c’est l’égalité !

    M. Gérald Darmanin. Nous en reparlerons ! Vous êtes en train de trahir les électeurs populaires qui vous ont fait confiance. Encore une fois, c’est le projet du Gouvernement ; mais ce n’est pas la priorité des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3092.

    M. Sylvain Berrios. Quelle que soit l’histoire personnelle des uns et des autres, qu’elle soit douloureuse ou non, nous sommes tous le fruit d’un papa et d’une maman. C’est une réalité ! À l’origine, il y a un homme et une femme, et c’est leur union que le mariage consacre. C’est la raison pour laquelle le mariage doit confirmer l’altérité ; c’est la raison pour laquelle on ne peut pas faire comme si l’égalité venait gommer les différences entre les sexes.

    Un homme et une femme peuvent procréer (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe SRC), on peut les y aider à procréer, mais deux hommes ou deux femmes ne le peuvent pas.

    Quand bien même le voudriez-vous, ce n’est pas possible. C’est la raison pour laquelle cette altérité est nécessaire et qu’il faut la réaffirmer dans le mariage. Avoir un papa et une maman, c’est l’essentiel de nos vies et de notre histoire, et c’est vers eux qu’on se retourne lorsque l’on a besoin de sens, quelle que soit l’histoire de la famille. C’est pourquoi je demande que cet amendement soit voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3207. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mes chers collègues, ne montrez pas que vous avez des chouchous, je vous prie. (Sourires.)

    M. Jacques Myard. Chers collègues, vous nous parlez beaucoup du principe d’égalité, qui serait la pierre angulaire de votre réforme, mais ce principe n’est pas la réalité ni l’explication du monde. Ne niez pas la réalité : l’humanité s’est développée sur l’altérité, et c’est cela la question fondamentale.

    Il est évident que dans les fonctions sociales, les hommes et les femmes sont égaux, et nous luttons pour que cette égalité soit reconnue. Je peux même vous dire que l’homme et la femme sont à cet égard parfaitement interchangeables. J’ai eu deux chefs femmes : elles s’en sont remises ! (Sourires.)

    Madame Coutelle, je vais vous faire un aveu : je fais très bien le poulet au champagne,…

    Mme Catherine Coutelle. Bravo !

    M. Jacques Myard. …mieux que toutes les femmes que j’ai connues, et j’en ai connu quelques-unes ! (Sourires. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Seul M. Myard a la parole.

    M. Jacques Myard. J’invite Mme Coutelle à venir manger mon poulet au champagne.

    En revanche, je ne peux pas enfanter seul, pas plus que les femmes que j’ai connues ne peuvent le faire. C’est cela, la réalité du monde. Cessez donc de bâtir des illusions sociales contraires à la vérité du monde, cessez de vous mentir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 3242.

    M. Michel Herbillon. Par cet amendement, il s’agit d’indiquer clairement que le mariage est bien l’union d’un homme et d’une femme, car, depuis des siècles, le cadre juridique et social de cette institution structure la société, notamment par les conséquences qu’elle produit en matière de filiation. Le Conseil constitutionnel, nous l’avons rappelé, a clairement jugé, dans sa décision du 28 janvier 2011, non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples hétérosexuels. Le projet du Gouvernement remet en cause ce modèle et va transformer profondément notre société. La conséquence directe du vote de ce texte sera l’ouverture immédiate de l’adoption aux couples homosexuels puis, dans la foulée, comme cela a été annoncé, la procréation médicale assistée et, enfin, la gestation pour autrui, désormais en quelque sorte légalisée par la circulaire de Mme la garde des sceaux.

    Il faut mettre un terme à cette fuite en avant qui aura de graves conséquences pour notre société. Nous soutenons, quant à nous, une mesure consensuelle consistant dans la création d’une union civile pour répondre à la demande légitime de reconnaissance sociale et de sécurité juridique des couples homosexuels. Ce serait une amélioration très importante par rapport au régime actuel du PACS, notamment sur le plan juridique, fiscal et successoral. Cependant, à la différence du mariage, cette union civile n’induirait pas la notion de filiation.

    Mes chers collègues de la majorité, vous ne pouvez pas rester sourds à l’inquiétude que suscitent chez des millions de Français les conséquences de votre projet. Je vous demande donc de soutenir mon amendement qui vise à réaffirmer les principes de notre Code civil et à proposer une mesure équilibrée.

    M. Jacques Myard. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, car nous devons réunir notre groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. Monsieur Terrier, ce n’est pas parce que c’est votre anniversaire que vous devez distraire vos collègues. (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3255.

    M. Xavier Breton. Par cette série d’amendements identiques, nous souhaitons rappeler que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, car, ce projet de loi a pour objet de supprimer l’altérité et la différence sexuelles en tant que condition nécessaire du mariage. On voit bien, chers collègues de la majorité, que vous êtes incapables d’assurer une articulation entre l’égalité et la différence puisque vous voulez supprimer la seconde au nom de la première. À ce propos, je tiens à rappeler la phrase, qui restera sans doute historique, de Mme la ministre de la famille lors de la réunion de notre commission, le 18 décembre dernier : « Lorsqu’une différence ne donne pas accès aux mêmes droits, j’appelle cela une discrimination. »

    Je crois que tout est dit. En fait, pour obtenir l’égalité, vous supprimez artificiellement les différences. Le problème, c’est que les différences naturelles résistent, continuent à exister. Plus généralement, vous êtes incapables de penser la différence, comme le montrent les propos tenus par notre collègue Coutelle. Pour elle, pour vous, une complémentarité implique une hiérarchie, une domination. Vous êtes incapables de penser une complémentarité mutuelle : la femme et l’homme se complètent l’un l’autre. Ce n’est pas toujours facile mais ce n’est pas en niant la différence que vous parviendrez à rétablir une véritable égalité.

    En supprimant artificiellement ces différences, vous transgressez obligatoirement des limites, ce qui soulève des questions, notamment celle que j’ai posée plusieurs fois lors des auditions et des réunions de la commission des lois. Si vous ne fondez pas le mariage sur l’altérité sexuelle, un homme et une femme, qu’est-ce qui empêchera de se marier à trois, à quatre ou plus ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Répondez à cette question autrement que par des vociférations. Pourquoi un couple, deux personnes ? Parce que c’est un homme et une femme. Si s’agit simplement de s’aimer et d’être capable d’élever des enfants, on peut se mettre à trois.

    M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

    M. Xavier Breton. Je conclus, monsieur le président. Il faut faire famille, dit Mme Bertinotti. Mais on peut faire famille à trois, à quatre.

    M. Jacques Myard et M. Christian Jacob. Très bien !

    M. Xavier Breton. Comment justifiez-vous le fait de limiter le mariage à deux ? J’attends toujours la réponse.

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 3557.

    Mme Claude Greff. Je m’adresse à vous, madame Taubira, parce que je sais que vous êtes attentive et que vous ne connaissez pas l’argument partisan.

    Comme je vous l’ai déjà dit, je suis déçue de voir le mélange que vous avez fait dans ce projet de loi, principalement par votre faute. Ce mélange de l’union, l’adoption et la filiation a suscité l’inquiétude, la perturbation et, aujourd’hui, l’obstruction.

    En fait, avec ce texte à mes yeux mal ficelé, vous trompez les Français mais également les homosexuels auxquels vous faites croire qu’ils vont avoir un mariage égal à celui des hétérosexuels alors qu’il n’en est rien : ils auront certes la même cérémonie, mais leur livret de famille mentionnera « parents de même sexe » tandis que le nôtre, celui des hétérosexuels, mentionnera « père » et « mère ». D’office, vous créez une inégalité.

    Quant aux conséquences de ce projet, elles sont considérables notamment sur trois points : la généalogie parce que vous inscrivez désormais le mot parentalité au lieu de paternité et maternité ; le statut de l’enfant qui devient tout simplement et tout naturellement un objet de droit ; notre identité, donnée naturelle, sera à l’avenir fondée sur notre vie sexuelle et cela me choque considérablement. Quand je m’adresse à une personne, je ne lui demande pas si elle est homosexuelle ou hétérosexuelle ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3686.

    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, je vais être très rapide. Le code civil a toujours sous-entendu l’altérité sexuelle des époux dans un but avéré de structurer la famille et la filiation. Aujourd’hui, vous privilégiez la mise en scène des sentiments. Nous l’approuvons pour les adultes, mais vous ne pourrez jamais changer le sens des mots père et mère. Un enfant aspire à avoir un père, une mère ; un enfant aspire à connaître ses origines.

    M. Jacques Myard. Eh oui !

    Mme Arlette Grosskost. Il nous appartient de préserver un cadre qui saura répondre à son identification. C’est à la loi de poser les limites. C’est à nous, législateurs, de réfléchir au lendemain, au-delà des désirs individuels et immédiats.

    À cette heure avancée, vous me permettrez d’être quelque peu lyrique. Je vous invite à réfléchir à cette phrase de William Carlos Williams : « L’homme a survécu jusqu’ici parce qu’il était trop ignorant pour pouvoir réaliser ses désirs. Maintenant qu’il peut les réaliser, il doit les changer ou périr. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3965.

    Mme Marie-Louise Fort. Pour ma part, j’aime la définition de cette institution du mariage par le doyen Carbonnier : « C’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupart des hommes adultes. » Pourquoi y touche-t-on de cette façon ? Est-elle devenue ringarde ? C’est un peu la mode, en effet, d’agresser l’institution et les gens qui la défendent.

    Défendre cette institution ne signifie absolument pas s’attaquer à ceux qui n’entrent pas dans le cadre actuel du mariage, mais cela consiste à leur donner un cadre où ils auraient toute égalité. Vous avez l’air d’être pénétrés d’une science infuse et vous refusez d’entendre les voix, y compris de chez vous, qui expriment doute et inquiétude.

    Mais vous êtes rattrapée par le côté pratique, madame la garde des sceaux : il va y avoir trois livrets de famille. Est-ce l’égalité que vous voulez instaurer au sein de l’institution ? Vous êtes revenue in extremis sur votre volonté d’enlever toute référence aux mots père et mère dans le code civil parce que vous vous êtes rendu compte que cela choquait beaucoup de gens. Vous avez alors fait un amendement balai. Il n’empêche que sur ce fameux livret de famille, nos amis homosexuels n’auront pas tout à fait les mêmes mentions.

    Vous refusez de reconnaître que la nature a des droits, ce qui me choque beaucoup. Mais la nature triomphe quand même parce que, jusqu’à plus ample informé et pour encore très longtemps heureusement, il faudra toujours un homme et une femme pour faire un enfant.

    M. Jacques Myard. Très bien !

    Mme Marie-Louise Fort. Nous sommes en train de ridiculiser cette vieille institution. Je le regrette. J’aurais souhaité que l’on crée un statut identique en droit au mariage, mais avec une autre appellation et avec la faculté de mettre en avant le droit de l’enfant.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4638.

    Mme Annie Genevard. Je voudrais commencer mon propos par un point de droit : l’altérité sexuelle est bien un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Je souhaite aussi verser au dossier une référence issue de la revue Droit de la famille, un article de Bertrand Pauvert intitulé « Sur une disputatio contemporaine et brûlante : considérations sur la reconnaissance de l’altérité sexuelle des époux comme principe fondamental reconnu par les lois de la République. »

    Ce point de droit étant fait, je voudrais revenir aux propos de Mme Guigou qui affirmait en 1999 que jamais on ne reviendrait sur la question de l’altérité sexuelle. Si nous avons à plusieurs reprises rappelé ces propos, ce n’est pas pour mette Mme Guigou en face d’une contradiction car, à ce petit jeu, tout le monde peut piéger tout le monde. Il s’agit plutôt de démontrer que les certitudes d’hier peuvent se révéler fragiles et que, selon la formule que je trouve très belle, il faut légiférer d’une main tremblante. Ces certitudes d’aujourd’hui concernant la GPA, qui consiste à s’affranchir de l’altérité sexuelle, que vaudront-elles demain ?

    Je vous invite à méditer les faits suivants. Ce soir, une chaîne de grande écoute a donné les résultats d’un sondage que je trouve extrêmement intéressant : 54 % des sympathisants de gauche sont favorables à la GPA et, ce que je trouve un peu troublant, essentiellement des femmes. Comme dans cet hémicycle, ce sont essentiellement des femmes qui prennent la parole pour défendre cette loi.

    Pour terminer mon propos, je vous invite à cliquer sur le site internet meres-porteuses.com : vous accéderez très facilement à un vade-mecum qui vous expliquera comment recourir à la GPA.

    Eh bien, le meilleur rempart contre la GPA, c’est l’altérité sexuelle, sa reconnaissance comme principe fondamental du mariage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4718.

    M. Gilles Lurton. Sur ces amendements beaucoup de choses ont été dites, que je partage. J’ai du mal à comprendre qu’à chaque fois qu’un membre de l’opposition exprime une idée, cela fasse l’objet de vociférations de toutes sortes de la part des membres de la majorité.

    Il faut que vous admettiez que ce n’est pas parce que vous êtes majoritaires…

    M. Patrick Ollier. Profitez-en, cela ne durera pas !

    M. Gilles Lurton. …ou tout simplement parce que vous êtes socialistes que vous avez raison. Il n’y a pas une pensée unique dans ce pays ; d’autres idées que les vôtres ont le droit de s’exprimer et d’être respectées, comme celles qu’ont défendues les 800 000 à un million de personnes qui ont défilé dans les rues le 13 janvier dernier. Ces personnes sont respectables et ont le droit à notre considération.

    J’accepte tout à fait qu’il puisse y avoir de l’amour entre deux personnes de même sexe et que l’on trouve toutes les solutions pour légaliser leur situation, leur donner tous les moyens juridiques d’existence. Mais je comprends aussi que des personnes soient attachées à cette institution qu’est le mariage, union d’un homme et d’une femme. C’est pourquoi je défends cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement n° 5053.

    M. Michel Terrot. À mon tour, je voulais relayer cette question un peu lancinante de l’opposition qui interroge le Gouvernement depuis ce matin, comme c’est son droit, son devoir, sur l’application de ce texte, s’il venait à être adopté, et sur les projets de loi à venir. Or nous avons beau poser la question, nous n’obtenons ni de la part des ministres ni de la part des membres de la majorité la moindre réponse ou le moindre éclaircissement.

    Au risque d’être dans le registre obsessionnel que dénonçait ce matin Mme la garde des sceaux, je voudrais à mon tour rappeler notre opposition à la PMA et à la GPA. Nous souhaiterions avoir des réponses claires de la part des ministres, notamment en ce qui concerne la GPA. C’est le moins que l’on puisse faire ! Les choses seraient moins compliquées, moins confuses si autant de voies socialistes ne se déclaraient éminemment favorables à la GPA.

    Ce matin, M. Mariton rappelait que trois ou quatre ministres, sur leurs sites, se sont déclarés favorables à la GPA. L’opposition estime que la moindre des choses est de savoir exactement quelle est la position définitive et unanime du Gouvernement sur une affaire de cette nature.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5265.

    M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, on raconte qu’au moment de la chute de Constantinople (Rires sur les bancs du groupe SRC), des théologiens byzantins discutaient du sexe des anges. J’ai le sentiment, depuis quelques jours dans cette assemblée, que les députés de la majorité ressemblent à ces théologiens byzantins.

    Nous sommes au bord du précipice économique. Les indicateurs sont au rouge, la récession menace. Dans nos permanences, nos compatriotes nous parlent des 1 000 chômeurs de plus que votre action crée chaque jour. Nos compatriotes nous parlent du pouvoir d’achat. Et le Président de la République ne trouve rien d’autre à faire que de diviser les Français en saisissant le Parlement d’un texte hallucinant.

    Nous aurions dû, de manière rationnelle et apaisée, convenir de choses qui peuvent nous rassembler. Nous aurions dû convenir que le mariage, c’est en effet l’union d’un homme et d’une femme. Nous aurions dû convenir – peut-être aurions-nous dû le faire avant – qu’une union civile permettait de renforcer les droits et les devoirs des personnes de même sexe. Nous aurions pu construire un consensus. Au lieu de cela, nous nous perdons dans des débats très longs, stériles.

    M. Thomas Thévenoud. La faute à qui ?

    M. Guillaume Larrivé. Nous sommes en décalage par rapport à l’attente fondamentale de nos compatriotes.

    Ce décalage a un seul responsable : le Président de la République qui a fait le choix de la division et de la dispersion.

    M. le président. Sur l’amendement n° 57 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le Gouvernement propose dans ce projet de loi un nouvel article 143 du code civil définissant le mariage comme l’union d’un couple de même sexe ou de sexe différent. Vous proposez l’inverse ou plutôt vous proposez pour le nouvel article 143 une définition qui réserve le mariage aux couples d’hommes et de femmes. Il s’agit évidemment d’un contre projet. Vous ne serez donc pas surpris de l’avis défavorable de la commission.

    Je suis extrêmement étonné qu’à plusieurs reprises, pour justifier vos amendements, vous ayez fait référence à la doctrine constitutionnelle ou aux opinions des constitutionnalistes. Je l’ai dit précédemment, il me semble surprenant que la représentation nationale s’appuie, pour justifier des amendements, davantage sur la doctrine constitutionnelle que sur les avis du Conseil constitutionnel, notamment sur la question prioritaire de constitutionnalité dont nous avons déjà parlé. Je le redis, si le Conseil constitutionnel avait voulu faire de l’altérité sexuelle dans le couple marié une condition, il l’aurait fait à l’occasion de cette question prioritaire de constitutionnalité. Il ne l’a pas fait.

    M. Xavier Breton. Ce n’était pas la question.

    M. Hervé Mariton. C’est de l’économie de moyens.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il n’y a aucune raison qu’il ne l’ait pas fait alors que le sujet s’y prêtait. Il a renvoyé au législateur cette responsabilité. C’est celle que nous exerçons en ce moment.

    Deux choses pour finir. Je ne répondrai pas à chacun d’entre vous. Ce n’est pas le rôle du rapporteur. Je veux toutefois vous dire, madame Pons, que j’aurais souhaité que vous ayez été présente lors des auditions, ce qui vous aurait évité de dire qu’un enfant d’homosexuels n’est pas le même enfant que les autres. Un enfant d’homosexuels est un enfant comme les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Lors de toutes les auditions, personne, y compris les psychiatres M. Winter, M. Flavigny ou M. Levy-Soussan qui sont pourtant opposés au texte, n’a dit qu’un enfant élevé par un couple de même sexe était un enfant différent.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas la même chose

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quand vous prononciez ces mots, je regardais l’heure et me félicitais que ces enfants soient couchés et n’entendent pas cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand on leur dit qu’ils ne sont pas des enfants comme les autres, qu’ils ne sont pas normaux, je trouve cela très violent, il faut que vous vous en rendiez compte.

    M. Patrick Ollier. Personne n’a dit cela.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Et c’est ce qui explique votre volonté de les faire rentrer dans la norme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Nicolin. C’est de la caricature.

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai entendu à de nombreuses reprises – je vais reprendre vos mots – des allusions à la nature. J’ai noté chez M. Fenech l’expression de loi naturelle ; dans un autre registre, M. Gosselin a rappelé la tradition ; M. Le Fur a parlé de règle naturelle ; M. Myard, de la vérité du monde ; Mme Lauwagie a dit « la loi de la nature a organisé la civilisation » ; pour moi, c’est l’inverse ! Comme je suis Isérois, je vais vous citer Stendhal, Le rouge et le noir, si vous me le permettez, monsieur le président : « il n’y a point de droit naturel. Ce mot n’est qu’une antique niaiserie. Avant la loi, il n’y a que la force du lion ou le besoin de l’être qui a faim, qui a froid, le besoin en un mot ». Notre assemblée ne doit pas entériner la loi naturelle, nous devons faire la loi de la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Vous parlez sans cesse, chers collègues, de l’intérêt de l’enfant. Quand nous entendons M. Balkany ou Mme Pons, qui ose dire qu’un enfant dans une famille homoparentale n’est pas le même que les autres, vous nous donnez encore plus d’arguments pour rejeter votre amendement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’a pas dit cela.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Si, elle l’a dit : vous regarderez le compte rendu. Ces enfants existent, vous en connaissez, nous en connaissons et ils vont bien. Alors qu’est ce que l’intérêt de l’enfant ? L’intérêt de l’enfant est d’avoir des parents légitimes…

    M. Yves Nicolin. Mais oui, des parents « légitimes » !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …aux yeux de la société. Les nombreuses auditions comme les rencontres avec les familles homoparentales et leurs enfants démontrent que le plus à craindre est l’homophobie de la société.

    Un député du groupe UMP. Ça recommence !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. En reconnaissant que les homosexuels ont les mêmes droits que les hétérosexuels, en faisant en sorte que les parents soient reconnus par la loi, on fait reculer l’homophobie et c’est cela l’intérêt de l’enfant ! Nous rejetterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement, madame la garde des sceaux ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Son avis sur la GPA ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pardon défavorable. Décidément ! Merci à vous d’être aussi réactifs, vous me permettez de corriger ipso facto mes hérésies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous interrogez constamment sur les mêmes choses. Vous voulez absolument faire le débat sur la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui et maintenant sur le clonage. Vous trouverez probablement une quatrième étape, je fais confiance à votre imagination.

    M. Philippe Gosselin. Et même une cinquième et une sixième !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous crois capable de cela et nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous répondre…

    Sur la gestation pour autrui, nous vous avons expliqué que la référence à la circulaire n’a aucun sens. Lorsque vous prétendez qu’elle favorise la gestation pour autrui, cela n’a aucun sens.

    M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si ! Vous reconnaissez la gestation pour autrui.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela n’a absolument aucun sens, ni en logique ni en droit. C’est une circulaire sur la délivrance d’un document administratif pour des enfants qui sont français. Vous pouvez néanmoins continuer à broder sur cela.

    Je veux retenir une chose : vous passez beaucoup de temps à dire que la majorité est agressive. C’est évidemment l’affaire de l’Assemblée nationale, le Gouvernement serait mal avisé, compte tenu de son attachement à la séparation des pouvoirs, de porter une appréciation.

    M. Christian Jacob. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais lorsque vous vous adressez au Gouvernement et l’accusez de diviser les Français,…

    M. Hervé Mariton. Hélas !

    M. Michel Herbillon. Vous les dressez les uns contre les autres !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …lorsque vous évoquez la crise, le chômage…

    Un député du groupe UMP. C’est une réalité.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une réalité mais est-ce que le fait de faire notre travail empêche ceux qui ont en charge les questions économiques et sociales de faire le leur ? Je ne conteste pas la nécessité de passer du temps sur tous vos amendements. La décision a été prise par le Gouvernement et l’Assemblée nationale depuis début décembre de ne pas recourir au temps programmé.

    M. Jacques Lamblin. L’ordre du jour, c’est vous.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que le Gouvernement et l’Assemblée ont convenu qu’il y avait lieu, compte tenu de l’importance du sujet, de prendre le temps d’en discuter. Mais vous ne pouvez pas considérer que ce temps est nécessaire et déposer autant d’amendements permettant l’intervention d’autant de députés pour nous expliquer ensuite que l’Assemblée pourrait s’occuper des questions économiques et sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut de la logique et de la cohérence.

    Nous prenons tout le temps nécessaire pour vous répondre et pour répéter aussi souvent que nécessaire.

    Je veux vous dire qu’il n’est pas fondé ni sérieux de prétendre, comme vous le faites par votre accusation sourde et insistante, que le Gouvernement diviserait les Français.

    Affrontons-nous argument contre argument, conception contre conception, vision contre vision.

    M. Patrick Balkany. C’est sûr, on n’a pas la même !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez contribué à la confusion en prétendant – alors que vous aviez déjà le projet de loi entre les mains, depuis le 7 novembre –, comme vous l’avez fait, madame la ministre Greff, que nous avions programmé la disparition totale des mots « père et mère ».

    Mme Claude Greff. C’est la vérité.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non, madame, vous aviez déjà le texte. Revenez à la version du Gouvernement du 7 novembre…

    M. Hervé Mariton. Que l’amendement balai a corrigée !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai rien corrigé du tout. C’est vous qui votez au sein de la commission des lois et avez corrigé. Il n’y a aucune différence entre ce qu’avait écrit le Gouvernement et ce que vous appelez l’amendement balai qui est en fait une disposition interprétative.

    M. Hervé Mariton. Alors pourquoi ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai expliqué en commission des lois, monsieur le ministre Mariton. J’ai rappelé ce qu’est la légistique : un ensemble de règles en vertu desquelles on écrit les textes de loi. Le mode le plus courant d’écriture est le suivant : lorsqu’on prépare une réforme qui modifie principalement un code mais a des conséquences sur d’autres codes, il faut veiller à introduire dans ces derniers les rectifications nécessaires. Le Gouvernement a choisi cette méthode en essayant de faire un travail exhaustif qui permette de repérer les dispositions des codes qui nécessitent d’être modifiées.

    M. Hervé Mariton. Et de supprimer partout « père et mère » !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Laissez-moi poursuivre mon raisonnement. Vous l’avez déjà entendu et savez donc que ce que vous dites, avec des tentatives certainement délibérées pour me déstabiliser. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)…

    M. Charles de La Verpillière. On ne ferait pas une chose pareille.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À cette heure je tiens encore, c’est l’avantage du régime d’endurance auquel astreint la vie parlementaire. La légistique, le mode d’écriture retenu par le Gouvernement, consistait donc à repérer de manière exhaustive toutes les modifications nécessaires parce que nous voulons faire un texte de loi efficace pour les citoyens.

    M. Hervé Mariton. C’est mieux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous voulons éviter d’oublier de modifier une disposition, ce qui pourrait demain compliquer la vie des citoyens. Nous avons donc fait ce travail. Vous savez donc parfaitement, grâce au texte dont vous disposez depuis le 7 novembre, que le titre VII du code civil qui traite de la filiation n’a subi aucune modification. Cela contredit parfaitement, clairement, ce que vous affirmez, à savoir que les mots de « père » et « mère » disparaîtraient du code civil. Et vous avez contribué à inquiéter les Français…

    M. Hervé Mariton. À juste titre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …à les angoisser, en leur faisant croire d’une part, que « père et mère » disparaîtraient du code civil, d’autre part que « père et mère » disparaîtraient du livret de famille.

    Mme Claude Greff. C’est vrai ou ce n’est pas vrai ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est vous qui avez joué à cela ! Vous êtes passés à la vitesse supérieure dès lors qu’a surgi un collectif de la société civile. Ce collectif a commencé une mobilisation que je ne conteste pas, avec une intention assez modeste. Dans sa mobilisation et dans ses alertes, la société civile est en général très utile.

    Mme Claude Greff. Là aussi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Là aussi, il n’y a pas de problème. Vous avez contribué à une mobilisation, que je ne conteste pas, mais sur des éléments inexacts. À la lecture des multiples interviews qui ont été données à l’occasion de la première mobilisation de novembre puis de la seconde de janvier, le Gouvernement a pris acte de l’existence de confusions, de malentendus, et du devoir de pédagogie qui lui incombait.

    M. Charles de La Verpillière. Cela a servi à quelque chose alors.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà ce qu’il en est. Il est vrai que si on inquiète les gens, en leur disant que leur univers va s’effondrer brutalement et définitivement, ils réagissent et cela est rassurant.

    M. Charles de La Verpillière. Vous avez quand même corrigé le projet de loi.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, nous ne l’avons pas corrigé. Je parle à un législateur qui sait parfaitement que le Gouvernement ne peut plus corriger le texte dès lors qu’il l’a déposé. Vous continuez à faire ce que vous avez fait pendant trois mois, vous dites des choses parfaitement inexactes. Le Gouvernement n’a pas corrigé le projet de la même manière qu’il n’a jamais fait disparaître « père et mère » du code civil, ni du livret de famille.

    M. Hervé Mariton. La commission a changé le projet.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission, c’est-à-dire vous, a choisi un autre mode d’écriture. Cet autre mode consiste en une disposition interprétative : elle indique que lorsqu’on lit « père et mère », s’agissant d’un couple de même sexe, il faudra comprendre « parents ». Voilà !

    Mme Claude Greff. Et alors ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors quoi, madame Greff ? Alors, vous pouvez toujours continuer à échafauder des choses tout à fait mystérieuses, c’est votre liberté, mais la réalité est ainsi, même si nous pouvons continuer, sur les amendements suivants, à raconter des histoires qui n’ont rien à voir avec la réalité.

    Je répète donc que l’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Jérôme Guedj. Bravo, madame, et bon anniversaire !

    M. le président. Madame la garde des sceaux, je suis sûr qu’une grande majorité de cette assemblée se joindra à moi pour vous souhaiter un joyeux anniversaire, puisque c’est votre anniversaire depuis un quart d’heure. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, dont de nombreux députés se lèvent – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

    Au moins, pour des tas de raisons, ce texte restera pour toujours dans votre mémoire !

    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Je suis frappée, dans les interventions de nos collègues de l’opposition, par ce retour à la loi naturelle.

    M. Hervé Mariton. C’est l’influence des écolos !

    Mme Marie-George Buffet. Le retour à la loi naturelle, cela voudrait dire qu’il faut supprimer la contraception (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), c’est-à-dire empêcher les femmes de choisir le moment de leur maternité, les priver de la maîtrise de leur corps. Ce serait supprimer l’accouchement sans douleur, parce que, si on revient à la loi naturelle, allons-y, il faut que les femmes souffrent en donnant la vie ! (Mêmes mouvements.)

    Mais qu’est-ce que c’est que ce discours qui revient à la loi naturelle, qui dénie que nous sommes des êtres humains, que nous accomplissons des progrès pour les êtres humains ?

    M. Yves Nicolin. Arrêtez ce baratin !

    Mme Marie-George Buffet. Qu’est-ce que c’est que cette conception du mariage qui est sans arrêt liée à la procréation ? Qu’est-ce que c’est que cette vision de la femme qui se marie pour procréer et point final ?

    M. Hervé Mariton. On n’a pas dit ça !

    Mme Marie-George Buffet. À quoi êtes-vous revenus, mesdames, messieurs ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

    Deuxième remarque, comment osez-vous, monsieur Balkany, dire que l’on ne serait capable, dans les quartiers populaires, que de parler de chômage ? Oui, on y parle de chômage, c’est votre bilan ! Mais, dans ces quartiers populaires, les hommes et les femmes sont capables de s’intéresser aussi à des problèmes de société, sont capables de se pencher sur des dossiers comme celui que nous traitons ce soir.

    M. Sylvain Berrios. Évidemment !

    Mme Marie-George Buffet. Vous pensez vraiment qu’ils ne sont pas capables de réfléchir à cela ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

    Vous dites que les enfants ne sont pas les mêmes lorsqu’ils sont élevés dans une famille homosexuelle. Les enfants, parfois, en effet, ne peuvent pas grandir de la même façon que les autres, que ce soit dans une famille hétérosexuelle ou homosexuelle, parce qu’ils sont victimes d’inégalités, de privations, voire de violences. La question, c’est que ces enfants soient entourés d’amour, qu’ils reçoivent de l’éducation, qu’ils reçoivent de la protection, et ça, ce n’est pas une question d’orientation sexuelle ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP dont de nombreux députés se lèvent.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, permettez-moi également de vous souhaiter un bon anniversaire. Vous savez que nous avons, sur les bancs de la droite, une indulgence toute particulière à votre égard puisque nous avons contracté à votre égard une dette il y a de cela onze ans. Cela crée donc une sympathie toute particulière. Vous vous rappelez : en 2002. (« Nul ! » et « Minable ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Charles de La Verpillière. Au revoir, Jospin !

    M. Michel Lefait. Honteux !

    Mme Annick Lepetit. Tout petit !

    M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, il y a une objective différence entre la droite et la gauche.

    M. Jérôme Guedj. Heureusement, il n’y en pas qu’une !

    M. Marc Le Fur. Elle porte sur deux points.

    Premièrement, vous assimilez toute différence à une inégalité. Or, une différence, ce n’est pas une inégalité, c’est une chance, c’est une chance dans une rencontre. C’est ça, l’altérité ; c’est ça, la rencontre entre un homme et une femme. C’est pour ça que nous devons rester attentifs à la nécessité de conserver cette altérité, y compris dans le mariage.

    Deuxièmement, nous, nous respectons la nature. Elle n’est pas notre guide, elle est simplement notre univers. Nous devons la travailler, la transformer, mais, en même temps, la respecter. Or vous êtes dans une logique quasi prométhéenne : tout est possible à la volonté humaine, tout est possible à la science et au droit. Cela, précisément, peut occasionner des dérives considérables. Montaigne disait : « La nature est un doux guide. » Nous allons désormais obéir à la science et au droit, nous dites-vous. La nature évitait que l’homme n’obéisse à l’homme. Désormais, l’homme va obéir à l’homme sans que l’homme obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski le disait au dix-neuvième siècle. Bernanos l’avait parfaitement compris au temps des grands totalitarismes. C’est parce que nous respectons la nature que nous nous fixons des bornes, que nous fixons également des bornes à nos volontés et à nos lois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Bon anniversaire, madame la garde des sceaux.

    Beaucoup, dans la majorité, disent que, ce soir, pendant ces débats, certains enfants souffrent, mais ils souffrent parce que la loi que vous voulez – plutôt que le compromis et le consensus que nous vous proposons – et ces débats que vous provoquez les font souffrir !

    Alors, pourquoi sommes-nous défavorables à ce que le mariage change de définition ? Parce que nous voulons respecter le dictionnaire, la langue française !

    Un député du groupe SRC. Quel fétichisme !

    M. Hervé Mariton. Parce que nous avons aussi un respect de la différence et que la différence n’est pas un stigmate. Dire que des situations sont différentes, qu’un couple est différent d’un autre, ça n’est pas dire que l’un est anormal et l’autre normal, l’un indigne et l’autre digne, c’est simplement reconnaître et respecter les différences. Quand on force l’assimilation artificielle des différences, je ne suis pas sûr que ce soit le plus grand respect que l’on puisse témoigner aux personnes, et, vous le savez, beaucoup de couples homosexuels pensent comme cela.

    C’est aussi, mesdames les ministres, mes chers collègues, le respect du bon sens. Quand une loi est à ce point étrangère au sens commun, est-ce qu’il n’y a pas une forme de péril ? Vous dites qu’il faut faire la loi de la République et que la République fait la loi. Oui, mais attention à la prétention. Vos prétentions sont assez paradoxales. Vous dites que votre pouvoir vous permet, vous oblige à autoriser, imaginer, construire ce qui, auparavant, était impossible, et, ce que vous voulez, c’est une forme de toute-puissance.

    Il est d’ailleurs assez curieux que nos amis écologistes, si attachés à la nature, si attachés, comme nous le sommes tous dans cet hémicycle, au développement durable, soient favorables à cette loi. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

    M. Guillaume Bachelay. C’est honteux !

    M. Hervé Mariton. D’une certaine manière, ils estiment que la nature est plus importante que l’homme… sauf si l’homme s’imagine tout-puissant.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Hervé Mariton. Oui, nous voulons simplement être attentifs à ne rien accomplir d’irréversible dans la loi. Si cette loi est votée, nous aurons l’audace et le courage de la réécrire,…

    M. Guillaume Bachelay. Rendez-nous Guaino !

    M. Hervé Mariton. …mais mesurez, mesdames les ministres, mesurez, mes chers collègues, le risque que vous prenez – peut-être serez-vous fiers, nous ne le serons pas –, le risque que…

    M. le président. Merci.

    M. Guillaume Bachelay. C’est la pensée contre-révolutionnaire, ce discours ! C’est honteux !

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement, similaire aux précédents, sur lesquels nous avons déjà voté, a été déposé 118 fois. Il s’agit donc, bien évidemment, d’une technique d’obstruction, puisque nous n’avons entendu aucun argument véritablement nouveau (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), du moins aucun qui soit digne d’être retenu.

    Je vous renverrai donc simplement à l’admirable discours sur l’évolution du mariage qu’a prononcé mardi la garde des sceaux et à l’excellente intervention de Catherine Coutelle tout à l’heure, sur la différenciation des sexes. Je pense qu’il n’y a rien à ajouter sur ce sujet, même si je sais que vous allez encore y revenir dans pas très longtemps.

    Je pense que tous ceux qui nous écoutent, qui nous regardent, à cette heure tardive, ont très envie que l’on fasse avancer le débat. Il semblerait que même M. Mariton en soit d’accord, puisqu’il vient de s’évertuer à avoir avec la garde des sceaux une discussion sur l’article 4. J’espère que vous avez peut-être, vous aussi, sur les bancs de l’opposition, envie d’accélérer la cadence et d’apporter de nouveaux éléments à ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je viens d’entendre que nos arguments n’étaient pas dignes. Si tel est le cas, je vous en donnerai d’autres, ceux du défenseur des droits et ceux du Conseil supérieur de l’adoption. Que dit le premier à propos de la procédure suivie pour élaborer ce projet de loi ? « La procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi qui vous est soumis présente à cet égard une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la convention internationale des droits de l’enfant. Pas une page, pas une ligne ne lui est consacrée. »

    M. Charles de La Verpillière. Et voilà ! Tout est dit !

    M. Christian Jacob. Ce ne sont pas là des arguments de l’opposition, ce sont les arguments du défenseur des droits.

    J’en viens aux arguments du Conseil supérieur de l’adoption. Dans son avis du 23 octobre dernier, il « fait état de son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant, dans le cas d’adoption ». Ce n’est pas l’opposition qui le dit, c’est le Conseil supérieur de l’adoption.

    Le défenseur des droits poursuit, sur un autre sujet, la filiation : « l’ouverture du mariage et du droit à l’adoption pour les couples de même sexe va se heurter à la rareté des enfants adoptables. Cette situation incitera ces couples à avoir recours à des méthodes de procréation interdites en France mais accessibles à l’étranger. » Cela me ramène à la question qui a été posée tout à l’heure, madame la garde des sceaux : quel est votre avis sur la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle ? Nous n’avons pas entendu votre avis sur ce sujet.

    Dernier point, j’ai entendu Mme Buffet faire allusion à la contraception, à l’avortement. Ce sont là des sujets d’unité, d’union. Madame Buffet, cette grande loi sur l’avortement a été portée par le gouvernement de Jacques Chirac ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jérôme Guedj. Quelle réécriture de l’histoire !

    M. Christian Jacob. Madame Buffet, souscrivez-vous aussi, dans le même élan, à la suite de la circulaire de la garde des sceaux, à la reconnaissance et à la légalisation de la gestation pour autrui ? Est-ce que vous reconnaissez le fait que l’on puisse payer le ventre d’une femme, le louer ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) C’est de cela qu’il s’agit !

    M. le président. Merci.

    M. Christian Jacob. Quand on reconnaît la GPA à l’étranger, cela veut dire qu’on accepte le fait que l’on puisse payer pour la location du ventre d’une femme. C’est ça, la réalité, madame Buffet !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Contrairement à ce qui vient d’être prétendu, je n’ai pas l’impression d’avoir entendu dire et redire encore et toujours les mêmes arguments, comme un refrain, à l’occasion de l’examen de ces amendements identiques.

    Mme Catherine Coutelle. C’est l’art de la répétition !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je crois, bien au contraire, que le bon sens s’est exprimé ce soir, avec des expressions différentes, avec des émotions différentes, avec des regards différents. Honnêtement, je ne pensais pas que l’on passerait toute une journée à expliquer qu’un homme et une femme ça a du sens. Beaucoup de Français qui sont en train de nous regarder doivent se demander : « Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire ? De quoi sont-ils en train de parler ? »

    M. Patrick Bloche. Nous parlons du mariage pour tous !

    M. Jean-Christophe Fromantin. J’ai beaucoup de mal à comprendre que l’on soit obligé de déployer une telle énergie pour dire qu’il faut défendre le fait qu’une famille se construit sur l’union d’un homme et d’une femme.

    Je voterai ces amendements parce que je les crois tout simplement inspirés par le bon sens. Je les soutiens et j’admire tous ceux qui ont eu l’audace de les soutenir, quitte à ce que la plupart d’entre vous, chers collègues de la majorité, leur intentent un procès en ringardise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Je termine sur une note positive en vous souhaitant, madame la garde des sceaux, un très bon anniversaire.

    M. Alain Tourret. Très chère amie Christiane Taubira, tous mes vœux pour cet anniversaire. Qu’il vous apporte beaucoup de bonheur et un beau texte voté, qui fera date dans les annales de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    L’éducation des enfants par des couples homosexuels ne correspond-elle pas à un certain nombre des critères présents chez les couples hétérosexuels ? Telle est la question qui se pose à ce stade de nos débats. Comme M. le rapporteur l’a fort bien dit, nous avons entendu des sociologues, des spécialistes, des parents, des médecins, etc. À aucun moment, chers amis, il n’a été dit que la moindre différence – positive ou négative – existe entre l’éducation des enfants par des couples homosexuels et des couples hétérosexuels.

    Certaines questions ont été posées : être élevé par un couple homosexuel entraînerait-il les enfants vers une tendance homosexuelle ? Jamais ! Rien de tout cela ! Pour moi, la définition de l’homophobie est la suivante : est homophobe le fait d’affirmer que les enfants de couples homosexuels sont moins bien élevés que les enfants de couples hétérosexuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le président, mes chers collègues, je crois que la durée de nos débats nous a permis d’avancer au moins sur un point : la compréhension des motifs de votre opposition. Depuis tout à l’heure, comme cela a été rappelé par Erwann Binet et par Marie-Georges Buffet, votre seul argument réside dans les lois de la nature et le biologisme.

    M. Hervé Mariton. Il est de taille !

    M. Eduardo Rihan Cypel. Le naturalisme est le seul fondement de votre refus du mariage pour tous les couples.

    M. Philippe Gosselin. C’est réducteur !

    M. Eduardo Rihan Cypel. En refusant cela, et en fondant votre réflexion sur la nature, vous refusez la liberté ! La nature, ce sont des lois déterministes, or nous croyons à la liberté. Mais la liberté n’est rien sans l’égalité, et nous pensons que l’égalité exige aujourd’hui de permettre à tous les couples qui le souhaitent de se marier ! C’est cela, la liberté ! Ce n’est pas une loi de la nature ! Vous êtes à l’image de ce personnage du Gorgias de Platon, Calliclès, pour qui c’est la loi du plus fort qui doit dominer la cité.

    Pour notre part, nous croyons aux institutions et aux lois de la République. Nous pensons que l’institution est supérieure aux lois de la nature, qui sont parfois totalement inégalitaires.

    M. Hervé Mariton. Ce que vous dites est parfois vrai, parfois prétentieux.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Lorsque la loi du plus fort règne, les gros poissons mangent les petits et le lion mange les autres petits êtres de la nature : ce n’est pas cela que nous voulons ! Nous croyons qu’il est de notre droit d’avancer et que la convention des êtres humains peut agir dans le sens de l’égalité pour tous. Si votre seul fondement est naturaliste et biologiste, votre réflexion ne permet malheureusement pas d’avancer. Nous différons véritablement, mais je crois que l’égalité est de notre côté. Nous œuvrons pour que l’égalité soit celle des couples qui peuvent se marier, et que la liberté soit aussi l’égalité pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Je serai bref, car l’heure avance. Comme beaucoup d’entre vous, je voudrais souhaiter un joyeux anniversaire à Mme la garde des sceaux, en cette soirée de débats qui restera sans doute dans l’histoire.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, oui, c’est cela : il faut suspendre la séance pour souhaiter un bon anniversaire à Mme la ministre !

    M. Sergio Coronado. Je tiens à souligner que l’opposition, grâce à la quantité très importante d’amendements qu’elle a déposés, nous offre l’occasion de revenir à chaque fois sur les mêmes arguments : je ne m’y attarderai pas. Je crois néanmoins que nous différons vraiment sur un point : nous n’avons pas la même conception de ce qu’a entendu faire le législateur, en 1804, en adoptant le code civil.

    À l’état de nature, il a opposé la volonté humaine, qui est une force extrêmement puissante. Le législateur a ainsi décidé qu’on ne naissait pas de ses parents, mais de l’institution maritale, ce qui explique que les enfants hors mariage n’étaient pas considérés comme des enfants légitimes. Une importante évolution a eu lieu par étapes successives. Nous en accomplissons une nouvelle en ouvrant le mariage aux couples de même sexe. La loi ne crée rien : elle prend en compte des situations existantes. Sincèrement, je ne comprends pas ce qui vous fait peur : en Belgique, en Argentine et dans certains États des États-Unis, cette modification a été effectuée, sans qu’il s’ensuive un retour du chaos ou la fin du monde. Il n’y a donc pas lieu d’invoquer le principe de précaution.

    Je m’étonne que vous fassiez toujours référence à la nature, comme si elle était totalement respectueuse de ce que nous devrions appliquer dans la société.

    M. Hervé Mariton. Pour un écologiste, c’est plutôt paradoxal !

    M. Sergio Coronado. Je rappelle que vous refusez une législation sur les OGM, que vous êtes partisans du nucléaire et que, lorsque nous débattons de ces questions-là, vous êtes plutôt du côté de ceux qui s’opposent à la nature. Il est donc assez surprenant de vous voir défendre la toute-puissance de la nature !

    M. Philippe Gosselin. C’est un débat à fronts renversés !

    M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

    M. Sergio Coronado. Je vous dirai simplement que les écologistes préfèrent l’état de droit à l’état de nature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 57, 218, 294, 341, 459, 517, 594, 650, 651, 759, 784, 1003, 1061, 1124, 1229, 1319, 1459, 1730, 1880, 1944, 2020, 2245, 2992, 3092, 3207, 3242, 3255, 3557, 3686, 3965, 4638, 4718, 5053 et 5265.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 287

    Nombre de suffrages exprimés 287

    Majorité absolue 144

    Pour l’adoption 74

    Contre 213

    (Les amendements n° 57, 218, 294, 341, 459, 517, 594, 650, 651, 759, 784, 1003, 1061, 1124, 1229, 1319, 1459, 1730, 1880, 1944, 2020, 2245, 2992, 3092, 3207, 3242, 3255, 3557, 3686, 3965, 4638, 4718, 5053 et 5265 ne sont pas adoptés.)

    (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4661.

    M. Jacques Bompard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il s’est déjà écoulé un certain temps depuis que nous avons entamé ce débat en commission des lois. Il est remarquable de voir à quel point c’est un dialogue de sourds. La majorité ne se fait pas comprendre de l’opposition et l’opposition ne comprend pas la majorité.

    Il me semble que la communication pourrait mieux s’établir si l’on recourait à un mode de raisonnement plus mathématique. Une des causes de notre incompréhension réside dans le fait qu’au fil des républiques, nous sommes passés de l’égalité des droits et des devoirs à une notion d’égalité détachée des autres réalités. Vos postulez que l’égalité est supérieure à l’altérité, avec pour corollaire la théorie du genre, qui nie l’altérité et la différence des sexes.

    En mathématiques, un mode de raisonnement permet de trancher : le raisonnement par l’absurde. Je propose quelques amendements fonctionnant sur ce principe. Votre loi fait reposer le mariage sur l’amour et non sur la différence des sexes. Je présente un certain nombre de conséquences emportées par ce postulat, qui ont semblé vous surprendre et même vous irriter, alors même qu’elles sont strictement conformes à la logique de vos maîtres à penser. J’ai feuilleté le journal Têtu, qui décrit comment l’on peut s’aimer à trois et à quel point c’est bien. Votre maître à penser… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Nous n’avons pas de maître, nous !

    M. Jacques Bompard. …votre égérie, Mme Mécary, soutient qu’il faut supprimer l’obligation de fidélité et la présomption de paternité, y compris pour les couples hétérosexuels : de cette manière, il ne restera plus rien du mariage ! Elle avance également qu’il faut réformer l’adoption, en l’ouvrant à tous les couples, mariés au non. Cela répond aux questions de l’opposition.

    On peut même aller plus loin : Le Nouvel Observateur relate une relation incestueuse entre un père, sa femme et ses deux filles, en nous disant que, ma foi, ce sont des choses qui arrivent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Il est bien évident que si l’on ne base le mariage que sur l’amour, ces logiques-là se développeront…

    M. le président. Monsieur Bompard, il faut conclure.

    M. Jacques Bompard. Je conclus, monsieur le président. À ce moment-là, les citoyens français, de gauche comme de droite, se rendront compte de l’escroquerie que l’on commet en transformant ainsi nos institutions.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Bompard, nous avons cru un moment que vous ne seriez pas présent pour défendre vos amendements, à tous le moins le premier d’entre eux. Cela aurait certes manqué à la dignité de notre assemblée… Après la polygamie, vous défendrez successivement des amendements légalisant l’inceste, la pédophilie, et attribuant, en cas de désaccord entre les parents, le nom de l’officier d’état-civil aux enfants. Monsieur Bompard, tout cela ne prête pas à rire !

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est honteux !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, après des décennies de combats, menés par des hommes et des femmes, pour l’égalité et le respect des personnes homosexuelles, nous en sommes quasiment au point final. Il y a des dizaines et des dizaines d’années, parfois au risque de leur vie ou de leur intégrité physique, ces militants se sont battus pour la cause et les droits des homosexuels, comme Harvey Milk aux États-Unis ; ils ont subi l’opprobre pendant des années et ont souvent été rejetés, séparés de leur famille. Alors que nous gravissons la dernière marche, que nous atteignons l’égalité, vous raisonnez par l’absurde et vous nous présentez ces amendements.

    M. Hervé Mariton. C’est la fin de l’Histoire, alors ? Il ne reste plus de combats ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il est inutile de préciser que la commission a rejeté ces amendements. Plus que par l’absurde, monsieur Bompard, vous raisonnez par le ridicule !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est habitué à plus de révérence vis-à-vis de la loi, dans cette maison. Il est, bien évidemment, défavorable à cet amendement.

    (L’amendement n° 4661 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le samedi 2 février 2013 à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. J’aborderai deux points, monsieur le président.

    S’agissant, premier point, de l’organisation de nos débats, l’article 50-4 du règlement précise que l’Assemblée se réunit de vingt et une heures trente à une heure le lendemain et il prévoit, également, la procédure selon laquelle l’Assemblée peut décider de prolonger ses séances. Je souhaiterais, donc, que vous nous éclairiez, puisque nous approchons d’une heure du matin, sur les conditions dans lesquelles vous envisageriez de prolonger la séance.

    M. Bernard Roman. Nous avons le temps !

    M. Hervé Mariton. Je tenais, et ce sera mon second point, à noter sans amertume que, si nombre de nos collègues socialistes ne rejoignent leurs bancs qu’un peu tard à la reprise de cette séance, c’est parce qu’ils ont décidé, avec quelque peu d’anticipation, de boire le champagne pour fêter le vote de l’article. Il n’y a aucune jalousie de ma part, mais j’ai simplement le curieux sentiment qu’un zeste d’assurance, un peu de prétention (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et pas mal de mépris du vote lui-même les amènent à fêter l’adoption de l’article avant même que l’Assemblée ne se soit prononcée ! Peut-être l’Assemblée votera-t-elle l’article, c’est probable, direz-vous. Mais un peu de décence eut supposé d’attendre quelques minutes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous faites preuve de vraiment beaucoup, beaucoup d’assurance !

    M. Bernard Roman. Certains de vos collègues en boivent aussi !

    M. le président. Je consulte la commission et le Gouvernement. Nous pourrions poursuivre la séance jusqu’à l’heure limite qui nous permettrait de reprendre, demain, à dix heures.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

    M. le président. Je vous propose de lever la séance aux alentours de deux heures, deux heures trente.

    La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous devons travailler dans de bonnes conditions. Je pense que la séance doit se terminer au plus tard à deux heures, en aucun cas au-delà.

    M. le président. Nous suspendrons nos travaux à deux heures, sauf s’il ne nous reste que quelques amendements à examiner avant de voter.

    M. Christian Jacob. Il restera toujours quelques amendements à examiner…

    M. le président. Nous ferons donc le point à deux heures.

    Article 1er (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1362.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est dans le droit fil de ceux dont nous venons de débattre. Cela permettra d’insister de nouveau sur quelques points que nous avons déjà abordés.

    Je voudrais vous faire part de mon étonnement devant un certain nombre d’imprécisions. Nos collègues de la majorité s’étonnent, en effet, depuis tout à l’heure, de manière parfois un peu énergique que nous fassions, de ce côté de l’hémicycle, référence au droit naturel ou à la loi naturelle.

    Mme Marie-George Buffet. Ce n’est pas la même chose !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je rappellerai deux choses à ce sujet.

    Premièrement, la notion de droit naturel est inscrite à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui évoque les droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Et je ne dis pas, madame Buffet, que droit naturel et loi naturelle soient identiques.

    Deuxièmement, soyons raisonnables, on ne peut considérer que la référence à la loi naturelle ou au droit naturel relève du biologisme ou du naturalisme : personne n’a, en effet, envie d’être dans une totale soumission à la férocité brute de la nature ! Il ne s’agit pas de cela ! Quant à appeler au secours Stendhal, monsieur le rapporteur, je n’ai pas l’impression qu’il ait été un très grand juriste, même s’il a beaucoup étudié les Lumières et l’état de nature ! Très franchement, nous rappelons ici simplement que nombre des réalités des droits humains s’enracinent dans l’homme, être biologique et spirituel. C’est cette dualité, à l’origine de sa nature, que les droits doivent organiser. C’est au nom de cette double dimension que nous réclamons le maintien de l’altérité comme la référence ultime du mariage entre un homme et une femme.

    C’est la raison d’être de cet amendement.

    M. Xavier Breton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1776.

    M. Guillaume Chevrollier. Le mariage est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations et la lisibilité de la filiation. Le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes qui est constitutive, non seulement de la pérennité d’une société, mais de l’identité de l’enfant qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle. C’est du bon sens. Par ailleurs, l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental de la Constitution française, reconnu dans de nombreuses lois de notre corpus législatif. L’argument du mariage pour tous ceux qui s’aiment ne tient pas. Ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont systématiquement le droit de se marier, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Au nom de l’égalité, de la tolérance, de la lutte contre les discriminations et de tant d’autres principes, on ne peut pas donner droit au mariage à tous ceux qui s’aiment. N’est pas en cause, ici, la sincérité d’un amour, même s’il est compréhensible que des personnes amoureuses souhaitent voir leur amour reconnu. Des règles strictes délimitent, aujourd’hui, et continueront, demain, de délimiter les alliances autorisées et les alliances interdites au mariage. En ce sens, le mariage pour tous est uniquement un slogan, car l’autorisation du mariage homosexuel maintiendrait des inégalités et des discriminations à l’encontre de tous ceux qui s’aiment, mais dont le mariage continuerait d’être interdit. L’argument du mariage pour tous occulte que le mariage n’est pas uniquement la reconnaissance d’un amour. C’est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1828.

    M. Patrick Ollier. Je tiens, d’abord, à dénoncer la pratique de la dérision dans la majorité. En effet, depuis le début de la soirée, vous pratiquez en permanence la dérision face aux arguments que nous développons. (Sourires sur divers bancs.) Oui, monsieur Bays, continuez, ne vous gênez pas, puisque vous agissez ainsi depuis vingt et une heure trente !

    Mme Julie Sommaruga. Depuis bien avant !

    M. Patrick Ollier. Or nous estimons que les arguments que nous développons sont aussi légitimes que les vôtres. (Mouvements divers.)

    Vous pratiquez, vous aussi, la dérision avec talent, monsieur Tourret ! Nous sommes ici pour débattre et nous avons parfaitement le droit de donner nos arguments.

    Vous faites une grande sortie sur les lois de la nature, madame Buffet, mais nous parlons du naturel, pas des lois de la nature. Que vous le vouliez ou pas, un enfant naît d’un homme ou d’une femme. C’est peut-être une loi de la nature, mais c’est en tout cas naturel. Sans les gamètes d’un homme et sans une femme, on ne peut pas créer un enfant.

    Nous avons le droit de le répéter, parce que c’est une vérité. Ce n’est pas parce que certains d’entre vous ont fait preuve de beaucoup d’arrogance et de mépris (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) à l’égard de mes collègues qui ont pris la parole que cela vous donne forcément raison.

    M. Eduardo Rihan Cypel. Lesquels ?

    M. Patrick Ollier. À commencer par vous tout à l’heure.

    Dites-vous bien que les mots que vous prononcez choquent autant de Français que ceux que nous pourrions éventuellement prononcer. Je ne prétends pas que nous sommes majoritaires, je suis objectif. Admettons qu’il y ait une moitié du pays qui soit pour et une moitié qui soit contre. À chaque fois que vous pratiquez l’arrogance et la dérision, une moitié du pays a le droit de s’étonner et de souffrir des propos que vous tenez.

    Je souhaiterais donc que nous poursuivions le débat en argumentant de manière constructive et que vous admettiez que nous puissions être pour le maintien du mariage dans l’expression qui est la sienne dans le code civil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2172.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. En fait, la République n’a fait que respecter la nature, et je suis tout de même émerveillé de voir avec quel brio, ce soir, le rapporteur, le groupe écologiste et le groupe communiste nous démontrent qu’il n’y a pas de loi naturelle, que seules comptent les lois de la République.

    Dans la nature, dans le règne végétal, il y a de la fécondation anémophile, de la fécondation entomophile, et les plantes peuvent donc se féconder sans se rencontrer, mais, dans le genre humain, je suis désolé, pour se reproduire, il faut qu’il y ait une rencontre entre un homme et une femme.

    Mme Buffet et M. Coronado nous ont expliqué qu’il fallait suivre l’évolution du monde, l’évolution de la société. J’espère, madame Buffet, que vous mettrez la même énergie pour expliquer à vos camarades de la CGT qu’il faut savoir évoluer (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et ne pas bloquer des restructurations d’usine. Nous parlons des enfants à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, mais quel travail auront-ils demain dans la société que vous êtes en train de leur préparer parce que vous êtes contre toute évolution du code du travail comme dans les autres pays ? (Mêmes mouvements.)

    La France n’est pas seule au monde, mais c’est ainsi que vous réagissez en matière économique, dans vos prés carrés d’acquis sociaux à préserver.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2580.

    M. Hervé Mariton. Chers collègues, vous vous croyez libres, vous êtes en réalité prisonniers de vos enchaînements, de vos déterminismes, et enfermés dans le sens de l’Histoire, qui vous contraint.

    M. Arnaud Leroy. Nous ne sommes pas dans le formol !

    M. Hervé Mariton. Au fond, vous êtes simplement les notaires de la science. La science est importante mais elle mérite mieux,…

    M. Bernard Roman. Vous êtes les fossoyeurs du progrès !

    M. Hervé Mariton. …et vous êtes les comptables de l’état des mœurs. Rien de tout cela n’est méprisable. Simplement l’engagement politique, ce n’est pas simplement ces actes qui vous conduisent en fait non pas à vouloir changer la loi mais à subir le changement de la loi.

    Bien sûr, il faut avoir conscience de la réalité, mais nous ne sommes pas des inconscients. La différence, c’est que nous n’avons pas tout à fait la même vision de valeurs, ou, plus exactement, que nous n’avons pas tout à fait les mêmes valeurs.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ça, c’est clair !

    M. Gwendal Rouillard. C’est sûr !

    M. Hervé Mariton. Nous essayons, sans jamais être sûrs d’y parvenir, d’avoir une certaine vision quand vous faites tourner des mots que vous videz assez largement de sens, avec le recours à la novlangue, à des expressions que l’on entend souvent : « faire famille », « faire enfant », « faire société », « faire couple ». La torture que vous imposez à la langue démontre en réalité le malaise qui est le vôtre.

    Je vous l’ai dit dans la discussion générale, je vous le répète, libérez-vous, vous méritez mieux que cela. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3423.

    M. Xavier Breton. On voit bien effectivement qu’il y a un clivage entre nous. C’est normal, chacun exprime ses convictions, et il faut aller jusqu’au bout. Pour vous, tout déterminisme, toute contrainte doit totalement disparaître, et le corps, dans sa réalité, notamment sexuée, est vécu comme une contrainte.

    Ce corps, nous ne le choisissons pas. C’est lui qui imposera aux femmes d’être mères et aux hommes d’être pères, quoi que vous puissiez faire, et, pour vous libérer de ces contraintes, vous niez purement et simplement la réalité.

    Notre chemin, c’est vrai, est plus compliqué, parce que nous cherchons à faire avec cette réalité, à vivre avec. Pour nous, le corps fait partie de l’unité d’une personne et ce n’est pas quelque chose que l’on peut mettre de côté.

    Un Anglais a prétendu que le Parlement anglais pouvait tout faire sauf changer un homme en femme – ou une femme en homme, pourrait-on ajouter. Méditez cette phrase.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n° 3697.

    M. Jean-Pierre Barbier. En début de semaine, le président de la commission des lois citait Talleyrand en disant que tout ce qui était excessif était insignifiant.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

    M. Jean-Pierre Barbier. Je regrette que nos collègues de la majorité ne l’aient pas suffisamment écouté.

    Quand Mme Buffet parle des progrès de la médecine et de la question de savoir où l’on doit mettre les limites et les bornes, c’est une bonne question, mais tout est tranché dans notre pays par les lois de bioéthique

    M. Bernard Roman. Cela n’a rien à voir !

    M. Jean-Pierre Barbier. Avec tout ce dont nous débattons en ce moment, nous sommes à la limite des lois de bioéthique.

    M. Bernard Roman. Que vient faire Talleyrand là-dedans ?

    M. Jean-Pierre Barbier. Pour moi en tout cas, la limite qui ne doit pas être franchie, c’est qu’un enfant doit naître de l’union d’un homme et d’une femme. Quand vous nous dites, madame Buffet, que nous avons une vision étriquée du mariage, comme si nous voulions absolument qu’il ne soit là que pour faire des enfants, que signifie pour vous le mariage pour tous ? Vous voulez que les couples homosexuels aussi fassent famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Parce que, pour vous, ils n’en ont pas le droit ?

    M. Jean-Pierre Barbier. C’est bien vous qui avez cette vision du mariage.

    Quand on vous écoute, on entend des choses vraiment un peu extraordinaires. Pour justifier la PMA, vous comparez des couples stériles à des couples homosexuels. Permettez-moi de vous dire que vous n’avez peut-être pas rencontré suffisamment de couples hétérosexuels stériles, qui vivent une véritable douleur quand ils découvrent leur stérilité. Un couple homosexuel, lui, au moins, sait qu’il ne peut pas avoir d’enfant, parce que c’est une loi de la nature. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Daniel Goldberg et M. Henri Jibrayel. C’est ridicule !

    M. Yann Galut. Lamentable !

    M. Pouria Amirshahi. Honteux !

    M. le président. Laissez conclure M. Barbier.

    M. Jean-Pierre Barbier. Les députés du groupe écologiste prétendent que les lois de la nature doivent se plier aux lois de la République. Essayons de faire un peu d’écologie sociétale. Peut-être que nos sociétés seraient plus durables, plus vivables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4660.

    M. Jacques Bompard. J’ai plaisir à tirer un coup de chapeau à deux élus socialistes qui ont développé mot pour mot les mêmes idées que celles qui sont défendues sur les bancs de la droite, Mme Guigou et M. Bruno Nestor Azerot.

    Un psychiatre américain raconte dans son livre une histoire qui devrait vous intéresser sur les bancs de la gauche. Il a eu à étudier un enfant élevé par deux homosexuels mâles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), qui prenait la femme de ménage pour sa maman.

    Mme Colette Capdevielle. Allons bon !

    M. Jacques Bompard. C’était peut-être une solution, mais elle n’a pas plu au couple d’homosexuels, qui a mis à pied la « maman ». Comme ce n’est pas en France, c’est plus facile. À ce moment-là,…

    M. Arnaud Leroy. La police est venue et la maison a brûlé !

    M. Jacques Bompard. …l’enfant a été pris en main par le psychiatre parce qu’il avait un problème. Son problème, c’est qu’il faisait des économies pour pouvoir acheter une maman.

    M. Pascal Deguilhem. On ne comprend rien !

    M. Jacques Bompard. C’est bien beau de dire que, dans un couple d’homosexuels, il ne va pas y avoir un tremblement de terre, que tout ne sera pas chamboulé. C’est vrai, la société ne sera pas follement chamboulée. Ce qui sera chamboulé, c’est l’âme de ces enfants, qui vont chercher soit leur mère soit leur père et ne pas les trouver. Se moquer de la psychologie de l’enfant dont on a la responsabilité, pour moi, c’est un crime.

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 4267.

    M. Paul Salen. M. Chevrollier disait tout à l’heure que le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes, qui est constitutive non seulement de la pérennité d’une société mais de l’identité de l’enfant, qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.

    Un enfant a le droit et le besoin de pouvoir s’identifier à toutes les dimensions masculines et féminines. Tout enfant qui bute sur le mystère de sa conception ressent une excitation perturbante face à cette énigme. Tout enfant a besoin de pouvoir se représenter une origine crédible,…

    Mme Catherine Coutelle. Non !

    M. Paul Salen. …une scène fondatrice de son existence. Je vous invite à regarder demain à dix-huit heures sur M6 des jeunes adultes qui viendront témoigner. Peut-être que, demain soir, votre avis sur ce point sera différent.

    M. Pascal Deguilhem. Demain soir, nous serons ici…

    M. Paul Salen. En conclusion, pourquoi le principe de précaution, si souvent mis en avant et dans tous les domaines, y compris à propos du maïs transgénique, ne devrait-il pas s’appliquer à ce projet ?

    M. le président. La parole est à M. Henri Guaino, pour soutenir l’amendement n° 4760.

    M. Henri Guaino. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4764.

    M. François de Mazières. Monsieur le rapporteur, vous avez cité tout à l’heure le professeur Flavigny, pédopsychiatre très connu, qui n’a pas constaté que les parents homosexuels élevaient plus mal les enfants. Je l’ai entendu dire la même chose.

    Ce que vous avez oublié d’ajouter, c’est que ce pédopsychiatre est extrêmement mobilisé contre ce projet parce qu’il a observé pendant toutes ces années que les enfants avaient besoin de s’intégrer dans une généalogie familiale. C’est un élément fondamental que l’on n’a pas du tout évoqué. Vous l’avez certainement entendu puisque vous l’avez auditionné. Je l’ai entendu plusieurs fois parce que, tout de même perturbé par ce texte, j’ai voulu voir ce que disait un grand spécialiste de l’impact sur les enfants. Cela, vous ne pouvez pas le nier.

    Il y a un point sur lequel nous devons réfléchir ensemble, c’est que, quelque part, c’est le désir d’un adulte que vous mettez en avant. Or la loi doit aussi mettre des bornes aux dérapages des adultes.

    Il y a des risques. Vous savez, par exemple, ce qui s’est passé avec le Distilbène.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Quel rapport avec le texte ?

    M. François de Mazières. Voulez-vous me laisser parler ?

    Le Distilbène est un médicament épouvantable qui a rendu malheureuses des centaines de milliers de femmes qui voulaient, avec ce médicament, avoir des enfants.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. François de Mazières. Si je rappelle cela, c’est que, dans la logique de la PMA ou de la gestation pour autrui, il y a des dangers, et les médecins le savent. Nous avons donc un devoir de protection.

    M. Xavier Breton. Très bien !

    M. le président. Mes chers collègues, sur le vote de l’amendement n° 1362 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ce sera très rapide. Ces amendements récrivent l’article 143 dans un sens absolument identique aux 119 amendements qui nous ont été soumis précédemment. C’est une façon différente d’imposer le mariage des seuls couples d’hommes et de femmes.

    Sans qu’il soit besoin de développer davantage, j’indique donc que la commission y a donné un avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Pour que la répétition infinie des mêmes arguments ne finisse par lasser, je vais essayer, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, d’apporter un élément à votre réflexion.

    Le grand anthropologue Maurice Godelier, à l’heure actuelle directeur à l’École des hautes études en sciences sociales, est l’auteur d’un très bel ouvrage, Métamorphoses de la parenté, dans lequel il dit deux choses. Tout d’abord, l’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance. Et elle est toujours là ! Ensuite, la volonté de transmettre à travers la descendance est universelle. Je le dis parce que je ne suis pas sûre que vous rendiez un grand service aux enfants qui vivent aujourd’hui dans des familles homoparentales avec les propos que vous tenez ce soir.

    Ces enfants demandent une seule chose. Ils sont le plus souvent élevés avec beaucoup d’amour et d’affection. Le plus grand bonheur que l’on pourrait leur donner, c’est l’indifférence à l’égard de leurs parents, et cela passe par l’égalité.

    M. Hervé Mariton. L’altérité !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je crois qu’il faut défendre avec force l’altérité, soumise ces derniers mois à une offensive sans précédent, notamment de la part de membres du Gouvernement dans certains magazines. Je pense ainsi aux déclarations de Najat Vallaud-Belkacem dans Têtu, qui veut réécrire l’histoire de France avec une lecture – sic – LGBT. L’acronyme LGBT devient ainsi un nom commun.

    Citons également, puisqu’il en a été question à plusieurs reprises aujourd’hui, la question écrite de notre collègue Sandrine Mazetier, au Journal officiel du 18 décembre 2012 – page 7480, question n° 13751, tout le monde aura ainsi la référence. Cette question témoigne de l’influence inquiétante et assez radicale des adeptes les plus farfelus de la théorie du genre. Négatrice de l’altérité, Mme Mazetier pense qu’il faut rebaptiser les écoles maternelles, (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) car le terme de « maternelle », je cite la question, est un terme qui « véhicule l’idée d’une école dont la fonction serait limitée à une garderie » et à un univers qui serait trop « l’apanage des femmes ».

    M. Philip Cordery. Quel rapport avec le texte ?

    M. Philippe Gosselin. Ainsi, « maternelle », pour Mme Mazetier, cela veut dire « garderie », ce n’est pas bon, c’est dévalorisant, et il faut trouver un terme plus neutre. La négation de l’altérité est de plus en plus insidieuse. Cela commence par les termes de l’école de la République et cela se poursuit par le mariage, institution républicaine.

    M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

    M. Pascal Cherki. Je voudrais dire à nos collègues de droite qu’il est évidemment légitime qu’ils défendent leurs idées.

    M. Philippe Gosselin. Merci ! Ça commence bien !

    M. Pascal Cherki. Ce n’est pas cela qui est en cause.

    Vous avez dit, chers collègues, que nous avions un conflit de valeurs ; je pense que nous avons une différence politique fondamentale, c’est que vous considérez que le droit de la famille doit être intangible, en quelque sorte éternel. Or notre conception est différente : nous croyons à une contingence du droit. Le droit évolue de siècle en siècle. Il y a quelques siècles, la conception légitime et majoritaire du mariage qui prévalait en France était articulée autour de l’Église, qui en avait le monopole et tenait les registres. En vous écoutant, j’ai le sentiment que c’est cette conception que vous entendez défendre. Elle est tout à fait respectable, et il n’est pas impossible à ceux qui y adhèrent de se marier en y croyant, car on ne demande pas aux gens leurs motivations lorsqu’ils se marient.

    Cependant, considérer qu’au vingt et unième siècle, cette conception vieille de cinq cents ans devrait s’imposer à l’ensemble de la société française me paraît être réactionnaire, au sens étymologique du terme : un retour en arrière. C’est un garde des sceaux de droite qui, en son temps, a cassé la centralité du mariage en établissant l’égalité des filiations naturelles et légitimes. Nous sommes même allés jusqu’à reconnaître la filiation contre le mariage puisque nous avons reconnu l’égalité des filiations légitimes et adultérines. Aujourd’hui, une majorité d’enfants sont nés hors mariage.

    Enfin, si le lien entre le mariage et la procréation était si central, s’il existait entre les deux un lien juridique principal et principiel, nous n’autoriserions pas des femmes qui ont passé l’âge de la fécondité à se marier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Et quelle famille le droit peut-il bien viser quand il permet le mariage in extremis, c’est-à-dire avec une personne qui va mourir dans les heures suivantes ? En réalité, le droit embrasse aujourd’hui une pluralité de relations de mariage ; c’est l’intelligence du droit de pouvoir être fédérateur par la prise en compte de cette pluralité.

    Si une évolution apaisée est aujourd’hui possible sur le mariage homosexuel, c’est parce que le fait percute le droit. Quand cela se produit, le droit, s’il ne veut pas perdre sa légitimité, doit englober le fait, ce qui n’était pas possible il y a deux siècles ni même il y a cinquante ans, parce qu’il fallait d’abord dépénaliser les relations homosexuelles et reconnaître la légitimité de cette sexualité. Nous avons évolué sur ce point depuis trente ou quarante ans.

    Le droit évoluera sans doute encore. Certaines parties du droit sont intangibles, par exemple le refus de la peine de mort ; il s’agit du droit naturel. Mais l’organisation sociale de la vie des gens, notamment la question du mariage, repose sur des notions relatives et contingentes. Cela ne veut pas dire qu’elles soient dépourvues de force au moment où elles s’expriment, mais on ne peut considérer qu’elles soient éternelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Jérôme Guedj. Cela élève le niveau !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1362, 1776, 1828, 2172, 2580, 3423, 3697, 4660, 4267, 4760 et 4764.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 237

    Nombre de suffrages exprimés 237

    Majorité absolue 119

    Pour l’adoption 45

    Contre 192

    (Les amendements identiques nos 1362, 1776, 1828, 2172, 2580, 3423, 3697, 4660, 4267, 4760 et 4764 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4706.

    M. Hervé Mariton. Plutôt que le clivage, plutôt que la révolution que vous proposez, et dont vous êtes sans doute fiers,…

    M. Sergio Coronado. Oui !

    M. Hervé Mariton. …avec l’introduction du mariage de personnes de même sexe, nous pensons que la bonne solution est l’alliance civile « contractée par deux personnes de même sexe ouvrant aux mêmes droits que le mariage en dehors de la filiation ». Cela dit bien l’objectif poursuivi.

    La donnée de base de notre débat, c’est que, sans doute avec une certaine sagesse, la majorité des Français, de manière assez solide, est favorable au mariage des personnes de même sexe et en même temps, de manière assez solide également, hostile à la filiation et à l’adoption. Il y a là une contradiction puisque le mariage tel qu’on l’entend conduit à la filiation et à l’adoption. Il faut résoudre cette contradiction et, pour cela, je pense qu’il serait bon de ne pas mépriser le peuple, y compris tel qu’il apparaît dans les mesures d’opinion.

    Nous l’avons dit, il y a pour cela deux voies. L’une serait celle du référendum ; elle reste possible, et nous essaierons de la réaliser avec le référendum d’initiative populaire. L’autre, c’est la synthèse, la proposition pragmatique que nous faisons avec l’alliance civile, car nous ne désespérons pas que vous choisissiez, plutôt que l’idéologie, une réponse opérationnelle et concrète. La vôtre posera plus de problèmes qu’elle n’apportera de solutions, la nôtre apporte plus de solutions qu’elle ne pose de problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, en cohérence avec le rejet des amendements précédents concernant l’alliance civile.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. Je suis convaincu que, si le débat avait été pris différemment, il aurait pu apporter une bonne réponse à une question légitime. Cette question, c’est celle de la prise en compte des droits et devoirs des personnes de même sexe vivant en couple. Je pense que la bonne réponse, c’est l’alliance civile que vous vous obstinez à rejeter. Je voterai donc le présent amendement.

    Je voudrais, pour ceux qui, comme le rapporteur, font une lecture quelque peu partielle des décisions du Conseil constitutionnel, rappeler un considérant de la décision du 28 janvier 2011, à la suite de la QPC. Cette décision porte en partie sur le principe d’égalité – nous en avons longuement parlé – mais aussi sur le droit à la vie familiale normale. Parce que, mesdames et messieurs de la majorité, la vie familiale normale est un concept qui existe dans la Constitution et qui figure comme tel dans la décision du Conseil constitutionnel,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est exact !

    M. Guillaume Larrivé. …au paragraphe 8, que je cite : « Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe. »

    Un député du groupe SRC. Et alors ?

    M. Jean-Patrick Gille. Pour les autres non plus !

    M. le président. La parole est à M. Christian Assaf.

    M. Christian Assaf. Nous allons bien sûr voter contre cet amendement, dont la philosophie est à l’opposé du projet de loi. Pour nous, cette alliance civile est, nous l’avons dit, une forme de ghettoïsation. Or à l’exclusion nous préférons l’inclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (L’amendement n° 4706 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 4663.

    La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 4.

    M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er.

    Je souhaite revenir sur ce qui a conduit le Gouvernement à écarter le référendum. Vous avez avancé l’argument du contenu de l’article 11, un argument qui ne tient pas une seule seconde et vous le savez très bien. Cela peut-être aussi une question de tradition : on nous a qualifiés de bonapartistes, mais votre propre tradition – je pense à Mitterrand – a également recouru au référendum.

    Si vous n’avez pas voulu organiser un référendum, c’est en réalité que vous aviez peur de perdre, parce que, si les Français sont attachés à une forme de reconnaissance des couples homosexuels – nous avons proposé l’alliance civile, vous proposez le mariage : à la limite, il n’y a pas de débat, nous sommes tous d’accord –, en revanche, ils sont hostiles aux conséquences en matière de filiation que vous tirez du mariage et à la suppression de la référence à l’altérité.

    Je reviens un instant sur ce point, que nous aborderons à nouveau plus loin, car, à cause de l’adoption plénière, de la PMA et de la GPA, déjà favorisée à l’étranger par votre texte et la circulaire, nous constatons que si vous réglez quelques problèmes, en accordant certains droits à ces enfants de couples homosexuels, vous leur retirez aussi des droits, comme celui de connaître leur origine.

    Il y a un vrai mouvement de fond de notre société que vous ignorez. S’il existe en effet un mouvement en faveur de la reconnaissance des couples homosexuels, il en existe un autre de la part de ceux qui veulent mieux connaître leurs origines, leur père ou leur mère biologique afin de pouvoir établir une relation de filiation. Or vous allez les priver de cette connaissance, ce qui est très grave. Vous n’avez pas conscience des conséquences du texte que vous proposez, qui n’a rien d’un texte d’équilibre mais qui, comme M. Mariton l’a très bien dit, va soulever plus de problèmes qu’il n’en règle.

    Nous restons sur notre position, affirmant que nous pouvons, avec l’alliance civile et certains amendements qui restent à examiner, améliorer les droits des enfants dans les couples homosexuels et trouver une solution équilibrée qui ne les prive pas des droits auxquels ils peuvent légitimement aspirer.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4663.

    M. Jacques Bompard. Cette loi, qui divise profondément la société française, a essentiellement pour but de flatter les communautarismes. Or, en les flattant – ce qui est d’autant plus surprenant que le Parti socialiste se fait une religion de lutter contre les communautarismes –, vous faites éclater la société.

    Il faut que vous vous rendiez compte de ce que vous faites et que vous reveniez en arrière. Cette communautarisation de la société est un suicide.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le projet de loi propose une modification de l’article 144 qui dispose que l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe nécessite évidemment le maintien de cette restriction, en en changeant la formulation. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable pour les mêmes raisons.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si l’on comprend bien l’amendement que vous n’avez pas trop explicité, il revient à vouloir supprimer l’âge légal du mariage – qui avait été porté à dix-huit ans après un certain nombre d’évolutions – au motif que le mariage ne concernerait plus seulement un homme et une femme.

    Mais ce n’est pas un mariage au rabais que nous sommes en train de construire. Au contraire, nous conservons le mariage dans toute son intégrité. Pour se marier, même entre personnes du même sexe, il faudra disposer de la capacité de le faire, être libre de l’intention, donner un consentement libre, posséder une véritable intention matrimoniale. Telles sont les conditions légales du mariage actuel et telles sont celles que nous comptons maintenir dans un mariage entre personnes du même sexe, si bien que l’ensemble des conditions pour accéder au mariage doivent être maintenues.

    M. Daniel Fasquelle. Il n’a rien compris, il faut que je lui réponde !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. M. Le Bouillonnec n’a pas compris le sens de l’amendement, ce qui me surprend de sa part, même si cela doit s’expliquer par l’heure tardive. L’amendement a pour seul but de maintenir la rédaction actuelle du Code civil, qui prévoit que l’on doit avoir dix-huit ans. Le seul point divergent, c’est que le Code civil fait référence à l’homme et à la femme, quand vous supprimez cette référence à l’altérité. Avec mon amendement, nous conservons bien sûr l’obligation des dix-huit ans pour pouvoir se marier.

    (Les amendements identiques nos 4 et 4663 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4662.

    M. Jacques Bompard. Je le retire, de même que les amendements nos 4664 et 4667.

    (Les amendements nos 4662, 4664 et 4667 sont retirés.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4738.

    M. Pascal Deguilhem. Il est retiré ? (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Nous tiendrons bon, rassurez-vous !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

    M. Yann Galut. Nous sommes une centaine, vous êtes vingt-deux !

    M. Hervé Mariton. Nous ne désespérons pas de vous convaincre, quand bien même il nous faudrait répéter nos arguments – une première lecture, celle au Sénat, une deuxième lecture : à un moment, vous entendrez que les Français se lassent un peu de cela.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non, c’est de vous !

    M. Hervé Mariton. Nous ne désespérons pas de vous convaincre : il faut savoir se fixer des objectifs ambitieux mais utiles. Les Français non plus ne manqueront pas de vous convaincre. Nous tentons d’être des précurseurs,…

    M. Philippe Gosselin. Des éveilleurs de conscience.

    M. Hervé Mariton. …des éveilleurs de conscience, des lanceurs d’alerte afin de montrer que mieux vaut l’alliance civile et, en coordination avec notre proposition, nous proposons ici aussi d’introduire l’alliance civile, qui est un projet pragmatique et rassembleur, plutôt que votre projet dogmatique, bancal et diviseur.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Nous sommes au XXIe siècle, en 2013… (Rires)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo ! Merci pour le scoop !

    M. Philippe Gosselin. …tout le monde a bien compris… Jusque-là je ne vous apprends rien, mais vous suivez, voilà qui est déjà réjouissant ! Cela permet de réveiller les dormeurs.

    Nous sommes en 2013 et tout le monde a bien compris qu’il était légitime de vouloir protéger son conjoint, quel que soit son sexe, en cas de difficulté, ou de décès, afin de lui garantir une dignité dans toutes les situations. C’est pourquoi nous proposons un texte qui au lieu de cliver, de diviser, de choquer la société, est celui de l’alliance, partagé par un grand nombre de pays européens. Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu tout à l’heure, d’un sous-mariage ou d’un mariage au rabais : c’est une autre forme d’institution.

    À partir du moment où nous reconnaissons qu’il existe différentes possibilités pour établir des couples, avoir des conjoints, construire des familles – je n’ai pas dit « faire famille », car nous l’avons suffisamment entendu ce soir et je ne voudrais pas vous « faire suer » – et que nous attendons ces évolutions, l’alliance se montre un sujet beaucoup plus consensuel qui permettrait de réunir.

    Pourquoi vouloir à tout prix cliver, alors que nous pourrions avoir le sens de l’unité ?

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Je veux simplement dire en deux phrases que notre projet n’a rien de clivant ; au contraire, nous proposons l’égalité pour tous, le mariage pour tous, quand vous proposez une quatrième forme d’union de couple spécifiquement réservée aux homosexuels. Nous disons, nous, que les homosexuels sont des gens comme tout le monde, qui doivent avoir accès comme tout le monde aux mêmes droits, aux mêmes types d’union – le concubinage, le PACS, le mariage – et pas à un sous-mariage ou à une catégorie qu’on finirait par ficher, puisque tous ceux qui relèveraient de ce type d’union seraient par définition des homosexuels. Nous refusons une telle proposition et réaffirmons notre désir d’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    (L’amendement n° 4738 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4743.

    M. Hervé Mariton. Notre collègue parle de fichage. Je ne sais si c’est une logique policière qui vous inspire… Une question de fond : quand il y aura mariage entre deux personnes de même sexe, avez-vous l’intention de les ficher, supposant ainsi leur orientation sexuelle ?

    M. Bernard Roman. Non !

    M. Hervé Mariton. Entre l’alliance civile, que nous proposons et que cet amendement rappelle, qui ne provoquerait aucun fichage de cette nature, et le simple fait de constater que deux personnes de même sexe se marieraient, il faudra m’expliquer la différence en terme de fichage. Les intentions malicieuses disent toujours la noirceur de l’esprit : nous n’avons pas pensé au fichage ni n’en avons parlé, quand vous avez eu la franchise d’en parler et d’y penser.

    M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable par cohérence.

    (L’amendement n° 4743, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2987.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à abroger l’article 164 du Code civil qui dispose que, dans certains cas d’incompatibilité qu’il décrit, relatifs à l’interdiction pour les personnes d’une même lignée familiale de se marier entre elles – je renvoie mes collègues aux articles 161 et 162 du Code civil –, le Président de la République peut lever en cas de circonstances graves les prohibitions aujourd’hui inscrites dans le droit. Je considère que c’est là un pouvoir abusif et que les tribunaux pourraient être saisis utilement pour en juger – par exemple, un président de tribunal de grande instance, compétent pour ce genre d’affaire. Ainsi, à la suite de M. de Courson en commission, je défends cet amendement.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

    Je veux rappeler le contenu et l’intention de cet amendement, puisque vous l’avez fait sommairement monsieur Poisson.

    Le régime de prohibition lié au mariage a été adapté pour les couples de même sexe. Vous considérez que toutes les prohibitions peuvent être levées. Or elles ne peuvent pas l’être entre ascendants et descendants. Elles peuvent être levées dans quelques cas, systématiquement dans l’intérêt de l’enfant, en général lorsque l’un des parents est décédé. Depuis 2010, sur dix-sept demandes, onze cas de dispenses ont été accordés par le chef de l’État.

    C’est une disposition du code civil dont la lecture est effectivement choquante puisque nous sommes tous attachés au régime de prohibition du mariage. Mais nous voyons bien qu’il y a des situations particulières où l’intérêt de l’enfant appelle le Président de la République à se prononcer en faveur de la levée de la prohibition.

    Pour cette raison utile, compte tenu du faible nombre de cas, et du fait que le Président de la République ne donne pas systématiquement son accord, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, cette réponse ne me surprend pas, mais que l’on se comprenne bien : je n’entends ni supprimer le régime des prohibitions, ni l’étendre.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai bien compris !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce qui me pose problème, c’est que le Président de la République puisse lever les prohibitions. Je m’interroge sur la pertinence d’un tel dispositif, compte tenu de la nature de la décision. J’estime qu’elle pourrait être prise ailleurs.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons déjà eu cette discussion en commission et nous avions bien compris que ce n’était pas la faculté d’autoriser qui était en cause mais le fait que le Président de la République puisse lever les prohibitions. Le caractère exceptionnel avait été manifestement admis par tout le monde.

    Il faut établir un parallèle avec le droit de grâce. Il y a trois ou quatre ans, lors du débat constitutionnel que nous avons eu, nous avons reconnu que le corps social ne peut pas ne pas avoir des instruments pour régler des situations extraordinaires, situations extraordinaires qui ne peuvent pas être réglées dans des processus juridictionnels. C’est pourquoi le droit de grâce a été laissé à la forme de l’autorité la plus haute de l’État, à savoir le Président de la République. De même, le mariage à titre posthume peut être autorisé par le chef de l’État et il peut lever les prohibitions liées au mariage inscrites dans le droit.

    Je pense que ce système et nécessaire dans un corps social mais qu’il ne peut pas être juridictionnalisé. Voilà pourquoi il importe de le laisser entre les mains du chef de l’État. Chaque fois que le problème a été posé, c’est la même analyse qui a été faite. Nous sommes un peu loin du débat sur le mariage pour tous, mais nous sommes dans une réalité juridique qu’il semble imprudent de modifier actuellement.

    (L’amendement n° 2987 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement, même si je comprends que notre débat doit avancer.

    La question que je veux poser à Mme la ministre est importante – je vous concède que je suis à la limite du rappel au règlement. Imaginons que deux femmes mariées dans l’hypothèse de la loi aient un enfant...

    M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement ! Pour poser votre question, vous n’aurez qu’à vous appuyer sur un amendement. Un peu d’ordre tout de même !

    M. Philippe Gosselin. C’était pourtant une question intéressante !

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 5290.

    Mme Claudine Schmid. Je tiens à ce que la loi, si elle devait être adoptée, soit vraiment complète. Et puisque j’entends parler ici d’égalité, j’espère que les rédacteurs de la loi et tous ceux qui la soutiennent me suivront.

    Le présent texte ne tient pas compte des Français de l’étranger qui vivent dans un pays où le mariage homosexuel n’est pas autorisé et où le Consul n’est pas autorisé à officier en tant qu’officier d’État civil. C’est le cas notamment du pays qui accueille la plus grande communauté de Français.

    Puisque nous parlons d’égalité pour tous, je suggère que ces personnes puissent se marier en France dans la commune sur la liste électorale de laquelle elles sont inscrites.

    Les articles L. 11, L. 12 et L. 14 du code électoral prévoient quelles sont les conditions requises pour que les Français établis hors de France s’inscrivent sur une liste électorale. Par exemple, il leur est possible d’être inscrits dans la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu’au quatrième degré. Le fait d’être inscrit sur la liste électorale d’une commune leur permet aussi de se faire inhumer dans cette commune. On n’a jamais vu, je crois, un Français de l’étranger ne pas pouvoir se faire inhumer en France parce qu’il n’était pas inscrit sur une liste électorale.

    Permettre à un Français de l’étranger de se marier en France quand il ne peut pas le faire dans son pays de résidence relèverait de l’égalité pour tous.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Madame Schmid, vous posez un vrai problème sur lequel nous reviendrons plus tard.

    M. Philippe Gosselin. Mais c’est maintenant que nous discutons de l’amendement !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement ne paraît pas opportun pour deux raisons.

    Tout d’abord, vous subordonnez la présence sur les listes électorales. Or on ne peut pas subordonner un droit, celui de se marier, à une faculté, celle de s’inscrire ou pas sur les listes électorales. Vous n’envisagez pas non plus le cas des personnes qui n’avaient pas de résidence en France auparavant et qui pourraient être concernées par cette loi.

    La commission a donné un avis défavorable à cet amendement car il est satisfait par l’amendement n° 5039 de Mme Narassiguin portant article additionnel après l’article 1er, que nous examinerons ultérieurement.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la députée, vous soulevez là un problème réel sur lequel Mme Corinne Narassiguin, responsable du texte pour le groupe socialiste, nous a alertés au mois de juillet dernier.

    Votre amendement vise à apporter une solution qui permettrait aux Français qui vivent à l’étranger de pouvoir accéder à ce droit que nous ouvrons par la loi. Si je partage votre préoccupation, la disposition que vous proposez n’est pas la plus satisfaisante et sa rédaction n’est pas acceptable.

    Nous reviendrons sur cette discussion ultérieurement, et vous aurez, bien évidemment, l’opportunité de vous exprimer. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    M. le président. Madame Schmid, acceptez-vous cette invitation ?

    Mme Claudine Schmid. Pas du tout !

    On me dit qu’un amendement sera présenté ultérieurement, mais je ne sais pas quand. De plus, je n’en connais pas la teneur.

    M. Bernard Roman. Il est dans la liasse !

    Mme Claudine Schmid. Si vous proposez qu’un Français de l’étranger puisse se marier dans n’importe quelle commune, vous créerez une inégalité de traitement. Au nom de quoi un Français de l’étranger qui viendrait contracter un mariage homosexuel pourrait-il choisir sa commune de résidence en France, tandis qu’un couple hétérosexuel ne le pourrait pas ? Il y a des communes qui seraient plus intéressantes que d’autres, par exemple celles situées le long de la frontière où celles dont la mairie ressemble plus à un château qu’à un hangar. J’ajoute que les Français de France ne peuvent pas se marier où ils veulent mais seulement dans leur commune de résidence.

    Les Français de l’étranger ne demandent qu’une chose : l’égalité.

    On peut se faire inhumer dans la commune sur la liste électorale de laquelle on est inscrit. Pourquoi ne pas appliquer le même principe au mariage ?

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Le souci exprimé par Mme Schmid à travers son amendement est partagé par l’ensemble des élus qui représentent les Français établis hors de France. Il met l’accent sur une difficulté majeure qui avait été abordée en commission et qui a conduit le rapporteur à déposer un, mais qui ne règle toutefois pas tout.

    Pour ma part, je considère que l’inscription sur la liste électorale d’une commune ne règle pas le problème, le rapporteur ayant souligné la difficulté d’adopter ce type de rédaction. Il aurait été mieux avisé de permettre aux Français établis hors de France de s’inscrire sur les listes consulaires. On existe quand on se déclare auprès du consulat ce qui ne veut pas dire qu’on souhaite être électeur sur place.

    J’espère que le Gouvernement nous apportera des réponses très précises sur cette question. Corinne Narassiguin et moi-même, au nom du groupe écologiste, avons déposé des amendements dans ce sens. Toutefois, je le répète, je partage les préoccupations exprimées par Mme Schmid.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, madame Schmid, nous partageons votre préoccupation quant à l’inégalité. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement n° 5039 portant article additionnel après l’article 1er, qui devrait déjà être dans la liasse. Cet amendement prévoit que le mariage pourra être célébré dans la dernière commune de résidence ou dans la commune de résidence des parents.

    Mme Claudine Schmid. Mais s’ils sont morts ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout état de cause, le régime serait le même pour les couples hétérosexuels et pour les couples homosexuels.

    Je le répète, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, madame Schmid.

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Effectivement, je présenterai ultérieurement un amendement qui a été déposé par les députés du groupe SRC qui représentent les Français de l’étranger et qui est soutenu par tout notre groupe.

    J’invite Mme Schmid à se joindre à nous parce que, comme l’ont souligné le rapporteur et la garde des sceaux, la possibilité d’être inscrit sur une liste électorale en France n’est pas complètement exhaustive – il existe des cas où il n’y a pas de possibilité réelle de s’inscrire, même s’ils sont rares. Par ailleurs, on ne doit pas lier un droit, celui de se marier, à une faculté, celle de s’inscrire sur une liste électorale. Les Français de l’étranger ont aussi le droit de choisir de n’être inscrits qu’à l’étranger. C’est une liberté fondamentale qu’il faut préserver.

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

    Mme Claudine Schmid. Puisque, apparemment, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il y a un problème, pourquoi en discuter plus tard et pourquoi ne présenterait-on pas un sous-amendement ?

    M. le président. Je propose que nous passions au vote. De toute façon, cette préoccupation reviendra dans notre débat.

    (L’amendement n° 5290 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Merci, monsieur le président. J’avais demandé ce rappel au règlement tout à l’heure : il était deux heures moins le quart. Comme nous arrivions à une centaine d’amendements en discussion commune, c’était pour vous proposer que nous puissions arrêter à deux heures moins le quart, mais il est maintenant deux heures : la question ne se pose plus, elle correspond à l’accord que nous avions passé.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, il nous reste cent huit amendements qui ont été déposés pour l’essentiel par les députés de la majorité. Je pressens que les cent huit ne sont pas là. Je souhaite que nous puissions voter de l’article 1er ce soir, donc que nous allions jusqu’au bout de la discussion de ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Non, monsieur le président, c’est hors de question. Je crois que nous nous sommes mis d’accord tout à l’heure. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Peu importe votre avis ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Moi, je veux bien : on va entrer dans un autre climat, aller de suspension de séance en suspension de séance… (Mêmes mouvements.)

    Nous faisons un travail différent : nous, nous légiférons, nous défendons des amendements, nous débattons ; vous, vous attendez que ça se passe. C’est différent, comme attitude. Vous pourriez intervenir. Où sont les amendements de la majorité ? Je pense qu’il est beaucoup plus sérieux d’arrêter là et de reprendre à dix heures du matin : c’est ce qui a été convenu tout à l’heure entre les présidents de groupe et on ne va pas remettre cela en cause. C’est ce qui était prévu, monsieur le président !

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, mes chers collègues, nous travaillons depuis longtemps, nous essayons d’avoir un principe de cohérence. Il y a beaucoup d’articles, il y a beaucoup d’amendements : plus de cinq mille. La majorité respecte parfaitement les droits de l’opposition, tous les députés présents ont pu défendre leurs amendements avec la générosité que je salue de la présidence.

    M. Christian Jacob. Heureusement !

    M. Philippe Gosselin. C’est le B. A. BA !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, pour avoir été dans l’opposition pendant cinq ans, vous me permettrez de rappeler que l’on a deux minutes de temps de parole pour défendre un amendement, que vous avez systématiquement eu plus de deux minutes : personne n’a rien dit, puisque cette majorité a décidé de respecter pleinement les droits de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous n’avons pas fait, jusqu’à présent, usage de différents articles du règlement que vous aviez inventés et qui auraient permis de clore le débat de manière beaucoup plus rapide.

    Maintenant il est deux heures, il nous reste un amendement répétitif que vous avez déposé cent huit fois ; vous avez chacun deux minutes pour le défendre. Tous les députés présents pourront le défendre. Mais pour une raison de cohérence, de façon que demain nous puissions examiner d’autres articles, je confirme que nous souhaitons aller au vote sur l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Nous avons pris cet accord tout à l’heure avec le président de l’Assemblée et votre président de groupe. Nous avons des collègues qui sont partis parce que l’accord que nous avions passé était d’arrêter à deux heures. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Pascal Deguilhem. Ils n’ont qu’à être là !

    M. Christian Jacob. Vous pouvez vociférer autant que vous voudrez ! Essayez d’avoir un argument, une fois, sur quelque chose, au lieu de hurler, de brailler. Essayez d’argumenter ! (Nouvelles interruptions.)

    Mais oui, continuez à brailler ! Prenez le micro ! Nous avons des collègues qui sont rentrés parce qu’on avait prévu d’arrêter à deux heures du matin, donc on tient les engagements. C’est sans doute quelque chose qui vous est étranger, de tenir les engagements. Nous, nous y sommes attachés ! Ayez un peu l’honneur de la parole, respectez les engagements. Il est hors de question d’aller plus loin !

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, samedi 2 février à dix heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le samedi 2 février 2013, à deux heures cinq.)

  • 1ère séance du samedi 2 février 2013

    15 janvier 2018

    . le président.La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à dix heures.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. ( nos 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant aux amendements identiques nos 2125 et 4669 à l’article 1er.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour défendre l’amendement n° 2125.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Bernanos, lors des conférences compilées dans l’essai La liberté pour quoi faire ?, déclarait que « même le plus optimiste des hommes sait maintenant qu’une civilisation peut devenir dangereuse pour l’humanité. Il suffit qu’elle soit constituée et développée d’après une définition incomplète et même fausse de l’homme ».

    Ces paroles nous rappellent à quel point la loi peut être un instrument dangereux lorsqu’elle perd de vue ce qui la fonde, l’intérêt général.

    Mme Nathalie Nieson. Cela commence mal.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Cela commence comme je le souhaite, madame.

    M. le président. Allons, allons.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, selon les règles applicables en matière de conflit des lois dégagées par la jurisprudence en droit international privé, les conditions de fond du mariage sont déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

    Le projet de loi change la règle pour les couples de même sexe en opérant une codification au sein du code civil afin de prévoir qu’un Français puisse se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou que deux ressortissants étrangers puissent se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle de l’un ou de l’autre des futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité d’une telle union, dès lors que, pour au moins l’un des époux, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel se trouve son domicile ou sa résidence le permet.

    Par conséquent, cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 16 de l’article premier.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable. Vous l’avez rappelé, madame Dalloz, l’application de la règle de conflit de lois permet à un Français d’épouser un étranger dont la loi personnelle ne permettrait pas le mariage avec une personne de même sexe. En l’absence de cette règle, que vous nous proposez de supprimer, la jurisprudence en matière de droit international privé s’appliquerait et les conditions de fond du mariage seraient déterminées par la loi personnelle.

    Il est par conséquent indispensable de prévoir un dispositif spécifique garantissant aux Français la possibilité de se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou à deux ressortissants étrangers de se marier en France.

    M. le président. Sur l’amendement n° 2125, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si nous avions omis de prendre ces dispositions, cette loi aurait été en défaut puisque c’est grâce à elles que la loi peut s’appliquer aux couples de nationalités différentes. Ainsi, un Français et un Anglais pourront, par exemple, se marier en France.

    Nous avons fait preuve de vigilance en n’oubliant pas d’inscrire ces dispositions dans la loi, aussi le Gouvernement est-il défavorable à cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement est parfaitement justifié. Nous avons déjà évoqué les risques de contradiction ou de complexité dans l’articulation entre les dispositions nationales et celles des autres pays.

    Depuis notre précédente discussion, madame la ministre, j’ai récupéré auprès de professionnels un certain nombre de notes que je vous passerai et qui précisent les risques à venir.

    L’édifice juridique que vous proposez est mal calibré en particulier du fait de votre volonté systématique d’offrir un asile conjugal. Par ailleurs la rédaction de l’alinéa 15, qui dispose « toutefois deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage », me laisse perplexe : sans doute y reviendrons-nous mais cet alinéa ne serait-il pas discriminant, à certains égards, pour des personnes qui seraient de sexes différents ?

    L’approche du Gouvernement, de la commission des lois, du rapporteur, de la majorité, qui consiste, quelles que soient les conditions de l’État d’origine d’une des deux personnes, quelle que soit l’articulation de droit entre la France et le pays étranger, à permettre, dans toutes les circonstances, le mariage de personnes de même sexe en France, nous mènera à un état du droit inextricable.

    Vous dites que vous proposez une solution aux personnes de même sexe : vous ne leur créez en vérité que des problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Le groupe SRC ne soutient pas cet amendement car nous souhaitons que l’égalité des droits soit complète sur le territoire français. Les hétérosexuels étrangers ont aujourd’hui le droit de se marier en France lorsqu’ils y résident. Il n’est que justice que les homosexuels puissent le faire également.

    Par ailleurs, depuis des années maintenant, des Français peuvent se marier à l’étranger et des Français homosexuels peuvent se marier dans les pays étrangers qui l’autorisent.

    La France aujourd’hui ne reconnaît pas ces mariages mais nous en traiterons plus tard dans un autre article.

    Ce serait une bonne chose de reconnaître enfin ce droit aux étrangers en France.

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

    Mme Claudine Schmid. Au stade où nous en sommes des débats, il n’est pas autorisé, puisque l’Assemblée a refusé hier un amendement, que des Français de l’étranger, qui ne peuvent pas se marier selon la loi locale ni dans les consulats, puissent se marier en France.

    Puisque cela a été refusé hier, il n’y a aucune raison pour qu’on rejette notre proposition aujourd’hui.

    M. Philippe Gosselin. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Voilà une étrange manière de poser le problème de l’intérêt général. Comme un amendement n’est pas accepté, un amendement qui règlerait le problème à peu près de la même manière ne devrait pas davantage être accepté.

    Vive l’intérêt général !

    M. Philippe Gosselin. Si c’est M. Roman qui détermine l’intérêt général, à présent !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n°2125.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 181

    Nombre de suffrages exprimés 181

    Majorité absolue 91

    Pour l’adoption 57

    Contre 124

    (L’amendement n°2125 n’est pas adopté.)

    Plusieurs députés SRC. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n°4745.

    M. Guénhaël Huet. Il s’agit là d’un amendement de coordination.

    Nous vous avons proposé hier d’adopter le concept juridique d’alliance civile, qui serait une excellente synthèse entre le mariage d’un côté et le PACS de l’autre, étant bien entendu que le groupe UMP souhaite trouver une solution de compromis, une solution de synthèse, afin de respecter les droits des couples homosexuels, notamment en matière successorale et en matière patrimoniale, mais ne souhaite pas, je le répète, que ce projet de loi emporte la filiation, encore moins la PMA et la GPA, comme le prévoit la circulaire de Mme la garde des sceaux.

    Cet amendement vise par conséquent à ajouter à l’alinéa 14 la notion d’alliance civile.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, par cohérence.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons, puisque l’amendement relatif à l’alliance civile a été rejeté.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Nous ne pouvons que regretter ce nouveau blocage. Adopter le principe d’une alliance civile serait une solution de compromis, de consensus, qui recueillerait l’agrément de beaucoup de Français et de Françaises. Nous avons vu hier que deux conceptions s’opposent.

    M. Bernard Roman. C’est clair !

    M. Xavier Breton. C’est normal, c’est dans notre droit, mais dès lors, que faire ? Soit on divise les Français, comme vous le faites, à cinquante contre cinquante.

    M. Marcel Rogemont. Non, ce n’est pas vrai !

    M. Xavier Breton. On sait qu’ils sont un peu plus nombreux à être favorables au mariage pour tous, mais on sait aussi qu’une majorité de Français sont opposés à l’adoption, que votre texte prévoit.

    Une autre solution serait de trouver une solution de compromis mais vous le refusez, ce qui est regrettable.

    Cette alliance civile présenterait par ailleurs un intérêt par rapport à la filiation, qui ne serait alors pas prévue. Or, ce n’est pas du tout le mariage qui vous intéresse,….

    M. Marcel Rogemont. C’est le projet de loi !

    M. Xavier Breton. …mais la filiation qui en découle. Nous aurons l’occasion d’en reparler au moment des articles relatifs à l’adoption.

    C’est vrai, des droits peuvent être identiques mais il est une ligne à ne pas franchir, celle de la filiation.

    Je regrette que nous ne puissions nouer le dialogue sur un tel sujet.

    M. Philippe Gosselin. Impossible d’avoir un dialogue de fond !

    M. Xavier Breton. Tous nos amendements reçoivent un avis défavorable. C’est normal quand nos amendements visent à supprimer un article de votre texte, cela l’est moins quand il s’agit d’amendements constructifs. Votre entêtement est regrettable. Nous assistons à un dialogue de sourds qui porte préjudice à la qualité de nos débats.

    M. le président. Sur l’amendement n°4745, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Nous avons déjà eu cette discussion pendant plusieurs heures hier et nous avons déjà longuement expliqué pourquoi l’alliance civile ne nous semblait pas de nature à instaurer l’égalité. Il est inutile d’y revenir et nous ne voterons pas cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. La majorité des membres du groupe UDI soutient cet amendement qui propose un compromis de nature à neutraliser la filiation et, partant, l’adoption plénière.

    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

    M. Marc Laffineur. Notre collègue vient une nouvelle fois de nous démontrer la philosophie de la majorité en parlant d’égalité face au mariage. Pour notre part, nous nous préoccupons depuis le début de l’égalité entre les enfants et nous ne cessons de faire des efforts pour essayer de trouver un compromis.

    Nous vous proposons l’alliance civile, qui permettrait d’accorder les mêmes droits juridiques aux couples homosexuels tout en protégeant l’enfant.

    M. Philippe Gosselin. Ils préfèrent heurter, diviser.

    M. Marc Laffineur. Ce que nous voulons, c’est l’égalité entre les enfants par rapport aux familles qui les accueilleraient.

    M. Philippe Gosselin. Cela ne les intéresse pas !

    M. Marc Laffineur. On sait bien ce que vous voulez, au fond : la PMA et la gestation pour autrui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mais bien sûr ! La ministre ne l’a-t-elle pas très bien expliqué au travers de la circulaire qu’elle a publiée il y a huit jours ? Et elle l’a rédigée juste avant ce débat pour bien montrer quelle était sa philosophie et ce que vous vouliez faire de ce texte. C’est très clair et nous ne partageons pas du tout votre point de vue, nous qui nous préoccupons avant tout de maintenir l’égalité entre les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marcel Rogemont. Pensez-vous !

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

    M. Marcel Rogemont. Il y a en a combien à intervenir ?

    M. Philippe Gosselin. Cela s’appelle la démocratie !

    M. Pierre Lequiller. Sur de tels sujets de société, d’une telle importance, il faut savoir trouver des terrains de rencontre. La proposition d’une alliance civile aurait pu rassembler les uns et les autres, pas forcément dans l’hémicycle, mais au niveau national.

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas leur problème !

    M. Pierre Lequiller. Nous aurions pu concilier la volonté d’améliorer le sort des couples homosexuels avec le souci de protéger l’enfant. Mais visiblement, vous ne voulez pas de ce compromis. Dès le début, vous vous êtes engagés sur la voie du mariage avec adoption, avec PMA, avec GPA. Voilà vers quoi vous nous menez ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Bernard Roman. Arrêtez !

    M. Pierre Lequiller. Je regrette vraiment que, sur un sujet de cette importance, vous ne cherchiez aucun compromis. Le Gouvernement aurait pu avoir une position de rassembleur. Las, aujourd’hui, il divise nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ! Cela fait à peine un quart d’heure que nous sommes ensemble. Il ne faut pas commencer à s’énerver, car nous allons être ensemble tout le week-end !

    M. Philippe Gosselin. Qui sème le vent…

    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

    M. Michel Vergnier. Monsieur le président, j’ai dit hier dans la soirée, à la suite de l’intervention d’un de nos collègues, que je n’aurais pas aimé dire cela. Je l’ai par exemple entendu parler d’« irrespect ». Je n’ai pas interrompu notre collègue. J’ai simplement dit que je n’aurais pas aimé dire ce qu’il avait dit. Depuis des années, cet hémicycle résonne de débats divers, passionnés, quelquefois un peu enflammés. C’est la République qui se construit ici.

    Je voudrais rassurer nos collègues, car je crois qu’ils ont besoin de l’être : nous irons jusqu’au bout de ce texte, car telle est notre intime conviction.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Hélas !

    M. Michel Vergnier. Nous irons jusqu’au bout et nous le voterons largement. Comme d’habitude, comme chaque fois que nous adoptons des grands textes de société,…

    M. Christian Jacob. Ce n’est pas un grand texte !

    M. Michel Vergnier. …vous ne reviendrez pas, par la suite, sur cette loi. Vous n’êtes pas revenus sur l’abolition de la peine de mort, vous n’êtes pas revenus non plus sur la couverture maladie universelle et pas davantage sur le Pacs. Chaque fois que nous sommes aux affaires, vous attendez de nous que la société avance, que les libertés progressent. Alors, chers collègues, soyez rassurés, nous n’aurons aucune faiblesse et nous ferons voter ce texte important pour la vie des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Philippe Gosselin. Si le progrès, c’est la PMA et la GPA…

    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. J’aimerais que nos collègues de l’opposition cessent de présenter leur projet d’alliance civile comme un compromis. Ce n’est pas un compromis. Ce que vous nous demandez, c’est une reddition par rapport à notre position et il n’en est pas question.

    Je vais citer une superbe phrase de Marguerite Yourcenar : « On ne doit plus craindre les mots lorsqu’on a consenti aux choses. » Nous, nous regardons la société comme elle est, comme elle fonctionne, et nous voulons aboutir dans notre droit au principe de l’égalité. Sachez-le, nous ne céderons pas sur ce principe !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4745.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 224

    Nombre de suffrages exprimés 224

    Majorité absolue 113

    Pour l’adoption 72

    contre 152

    (L’amendement n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Philippe Gosselin. Ça vous manquait !

    M. le président. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…

    M. Hervé Mariton. Mon intervention porte à la fois sur la forme et sur le fond et concerne l’intelligibilité de notre débat.

    Je ne sais pas ce qu’il en est pour d’autres collègues, mais, pour ma part, je n’ai rien compris à la première partie du propos de Michel Vergnier. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pour que l’Assemblée soit éclairée, il est important que les choses soient dites sans trop de non-dits, sans trop de sous-entendus, et de manière intelligible pour tous. Il faudrait veiller à ce qu’il y ait de vrais échanges et à ce que nous puissions comprendre ce que disent réellement nos collègues. Je pensais être réveillé, pourtant, je n’ai rien compris ! (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

    Par ailleurs, si notre assemblée doit avoir un sens, il serait bon que nos collègues assument le fait que deux visions peuvent être en débat et qu’il n’y a pas, d’un côté, ceux qui, nécessairement, inéluctablement, aujourd’hui et pour l’éternité, auraient raison, voteraient la loi et écriraient l’histoire, et de l’autre, les députés de l’opposition qui, dans l’obscurité, chercheraient simplement à faire obstacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons deux visions qui sont toutes deux recevables, audibles et légitimes. Nous avons l’ouverture et l’intelligence d’entendre que la vôtre peut s’exprimer. Acceptez que la nôtre ait aussi du sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Mariton, nous ne doutons pas que, comme tous nos collègues dans l’hémicycle, vous comprenez parfaitement les propos de chaque député !

    M. Hervé Mariton. Vous êtes trop fort, monsieur le président !

    Article 1er (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 58.

    M. Marc Le Fur. L’alinéa 15, que nous voulons supprimer, semble technique, mais il est en fait extraordinairement politique.

    Jusqu’à présent, en droit international privé, les choses sont claires, les règles du mariage sont déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

    Vous voulez déroger à cette règle constante au bénéfice des couples homosexuels, en particulier dans l’hypothèse où un Français se marie avec un étranger. Si un Français se marie avec un Marocain, par exemple, la loi personnelle de ce dernier ne le lui permet pas, mais vous voulez y déroger. Vous agissez de même pour les couples étrangers : deux Chinois dont la loi personnelle ne permet pas le mariage homosexuel pourront se marier en France.

    Vous voyez bien que ce sujet pose un problème majeur.

    Premièrement, vous créez une discrimination au bénéfice des couples homosexuels, alors que la loi personnelle est la règle pour les couples hétérosexuels.

    Deuxièmement – j’espère, madame la garde des sceaux, que vous nous rassurerez sur ce point –, cette mesure aura des conséquences sur l’immigration.

    Troisièmement, nous organisons le fait de bafouer les règles étrangères de pays amis.

    M. Philippe Gosselin. Une espèce de marché !

    M. Marc Le Fur. Autrement dit, demain, des homosexuels issus de pays étrangers avec lesquels nous entretenons des relations d’amitié pourront, s’ils ne veulent pas respecter leurs propres règles, venir se marier chez nous.

    Nous organisons également une formidable mondialisation du mariage. Regardez ce qui va se passer demain : des étrangers viendront en France se marier en respectant nos règles, mais pas celles de leur pays, et les Françaises et les Français iront organiser PMA et GPA à l’étranger, puisque ceci a été confirmé par la circulaire de Mme la ministre.

    Ce n’est donc pas un problème technique que nous posons à travers cet amendement, c’est un problème de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 205.

    M. Bernard Roman. Ces arguments sont incroyables, affligeants !

    M. Marc Laffineur. Mon cher collègue, nous avons le droit de prendre la parole, comme les autres. Nous ne vous interrompons pas, et pourtant, Dieu sait que vous dites des bêtises !

    M. le président. Défendez votre amendement, monsieur Laffineur.

    M. Marc Laffineur. Non, monsieur le président, il faut tout de même un peu de tenue dans nos débats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme vous pouvez le constater, nous nous faisons interrompre en permanence par les députés de la majorité.

    J’en viens à l’amendement, que Marc Le Fur vient de défendre excellemment. Permettez-moi de vous dire que vous faites là une discrimination invraisemblable. Vous parlez en permanence d’égalité mais, en réalité, vous ne faites que des textes qui créent la discrimination et restreignent le champ du principe d’égalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    Cela va bien avec votre politique d’immigration. Vous allez, avec un texte comme celui-ci, provoquer un appel d’air en faveur de l’immigration.

    La moindre des choses, c’est avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Il faut donc supprimer cet alinéa, précisément au nom de l’égalité que vous prétendez défendre.

    M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 220.

    M. Laurent Marcangeli. Dans le droit-fil de ce qui vient d’être dit par Marc Le Fur et Marc Laffineur, nous voulons supprimer l’alinéa 15.

    Je rappelle que l’étude d’impact réalisée dans le cadre de la préparation de cette loi ne s’est pas suffisamment arrêtée sur les risques de flux que peuvent entraîner les dispositions dont nous discutons ce matin.

    M. Philippe Gosselin. Elle ne s’est pas arrêtée sur grand-chose !

    M. Laurent Marcangeli. Nous proposons donc la suppression de l’alinéa 15 pour éviter de heurter les pays voisins et amis qui, aujourd’hui, n’ont pas ouvert le droit au mariage pour les couples de même sexe. Nous le faisons également pour éviter ce qui pourrait s’apparenter à une forme de tourisme conjugal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Guillaume Bachelay. C’est lamentable !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous souhaitons que nos collègues évitent de ponctuer chacune des interventions des députés de l’UMP de « ridicule », « lamentable » etc. Autant de noms d’oiseaux qui peuvent être employés ! Il faudrait, chers collègues, que vous vous exprimiez autrement qu’en vociférant. Nous aimerions vous entendre intervenir sur le sujet.

    M. Jean-Marie Le Guen. On ne sait pas parler !

    M. Christian Jacob. Vous n’intervenez sur rien, vous vous contentez de vociférer, de hurler, d’invectiver. Prenez le micro, défendez vos arguments, qu’on vous entende ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. Sébastien Pietrasanta. Voilà une intervention bien inutile !

    M. le président. Ne cédez pas à la tentation, monsieur le député !

    Venez-en à votre amendement n° 298, monsieur Jacob.

    M. Christian Jacob. Cet amendement traite du sujet que vient d’évoquer M. Marcangeli.

    Nous l’avons vu hier, l’étude d’impact a été totalement insuffisante concernant le droit des enfants. Les remarques faites par le Défenseur des droits méritaient d’être entendues. L’étude d’impact n’a pas mesuré toutes les conséquences directes et indirectes que pouvait avoir votre loi. Nombre de recours pourront être intentés, car, sauf erreur de ma part, on crée une vraie discrimination, avec un droit différent pour les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, et Mme la ministre n’hésitera pas à me corriger si je me trompe. Si je comprends bien, la loi personnelle continue à s’appliquer pour les couples hétérosexuels et vous faites une exception pour les couples homosexuels. Vous me répondrez tout à l’heure sur ce point, madame la ministre, mais, à mes yeux, c’est une véritable discrimination qui est créée par l’alinéa 15.

    Par ailleurs, il y a, dans les lois personnelles, des critères d’âge, et certains pays interdisent le mariage des couples homosexuels. Nous aurons donc des recours venant de ces pays. Mais il y a aussi des critères d’âge. Madame la ministre, vous me répondrez tout à l’heure,…

    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jacob.

    M. Christian Jacob. …va-t-on toucher aux critères d’âge pour ce qui est de l’adoption ?

    On pose le problème du mariage, et il y a des différences d’âge à respecter pour pouvoir adopter dans certains pays. Cela aura-t-il des conséquences avec cette disposition ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 346.

    M. Hervé Mariton. Je souhaiterais savoir si le Gouvernement, la commission et la majorité se sont penchés sérieusement sur l’impact de ces dispositions.

    L’étude d’impact fournie avec le projet de loi est…

    M. Philippe Gosselin. Indigente !

    M. Hervé Mariton.…silencieuse ou, plus exactement, elle prend acte qu’il peut y avoir un impact en assumant le fait qu’elle est incapable d’en évaluer sérieusement l’importance.

    Le Gouvernement avoue, dans l’étude d’impact, qu’il nous propose de légiférer dans des conditions juridiques particulièrement bancales et non maîtrisées, avec des conséquences physiques et financières. Ces mariages entraîneront des effets qui n’ont pas été évalués tant en termes de finances publiques que de finances de la sécurité sociale. C’est avoué clairement : il y aura un impact, mais on ne sait pas lequel, on fait l’impasse et on continue ! C’est extrêmement grave.

    Quand Thierry Mariani pose la question de l’impact sur les flux migratoires, dire qu’ils seront considérables serait totalement démagogique. Mais lorsque nous affirmons qu’il peut y avoir un effet, c’est simplement la conséquence du texte. Assumez le fait que votre texte ait des effets et ayez la gentillesse de nous en indiquer l’ampleur ! Sinon, nous légiférons à l’aveugle. Globalement, nous ne sommes pas d’accord avec votre projet. Nous aimerions comprendre son intelligence point par point. Or, pour l’instant, nous n’avons satisfaction ni sur la stratégie générale ni sur la compréhension des conséquences d’un projet dont vous ne maîtrisez aucunement les effets, et notamment dans cette dimension.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 460.

    M. François de Mazières. Après le long débat d’hier, la nuit a porté conseil. On voit bien que nous avons deux visions de la société complètement différentes. La nôtre privilégie la protection de l’enfant : nous souhaitons que l’enfant puisse avoir un père et une mère.

    Nous pensons que vous créez une inégalité fondamentale. Vous avez hier, monsieur le rapporteur, évoqué le professeur Flavigny. Je suis allé piocher dans ses écrits, dont l’un s’intitule Je veux papa et maman. Il me semble un peu étrange que vous l’ayez évoqué à l’appui de votre démonstration.

    On voit bien, et c’est là l’essentiel, que vous avez dû trouver un certain nombre de subterfuges, comme traiter à part le problème de la PMA. En revanche, pour une question très concrète qui nécessite une étude d’impact, les réponses ne sont pas là. Pourquoi n’avez-vous pas pris le temps de la réflexion, en y associant les Français au moyen d’un grand débat que nous n’avons cessé de demander ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 595.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir en quelques mots sur l’étude d’impact, qui est vraiment indigente, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois. On nous présente comme une évidence l’absence de risque particulier. Mais, en réalité, il existe des risques d’incompatibilité avec des conventions internationales, et des conventions bilatérales pourraient être mises à mal. Rien de tout cela n’a été étudié. Des éléments juridiques appellent des précisions, inexistantes à ce jour. On revient totalement sur le principe de droit commun habituel, en droit civil comme en droit international, selon lequel la règle personnelle s’applique. Cela mérite un examen très approfondi.

    Par ailleurs, sans redouter un afflux si exceptionnel que certains veulent bien le dire, il serait tout de même fâcheux que la France devienne une sorte de grand Las Vegas du mariage concentrant un tourisme matrimonial qui irait croissant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Marie Le Guen. C’est bon pour l’activité économique, mon ami !

    M. Philippe Gosselin. Je vous concède, monsieur Le Guen, que cela favoriserait l’activité économique. Cela permettrait peut-être de masquer l’indigence de la politique du Gouvernement sur ce point, vous avez parfaitement raison ! C’est l’occasion de rappeler qu’on a davantage besoin à l’heure actuelle de lois protectrices relatives au chômage et à l’économie plutôt qu’à toutes ces questions de société. Vous avez raison de le rappeler, ce matin la vérité vient bien de votre côté !

    M. Marcel Rogemont. Et qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 765.

    M. Guénhaël Huet. La rédaction de cet article montre bien l’incohérence juridique du Gouvernement. Comme l’ont indiqué Marc Le Fur et Marc Laffineur, nous sommes dans une situation discriminatoire entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, alors même que vous n’avez cessé, au fil des jours, des semaines et des mois, de nous dire que ce texte allait dans le sens de l’égalité. Nous verrons ce que dira le Conseil constitutionnel lorsqu’il sera saisi de cette discrimination que vous créez.

    Je voudrais aussi mettre l’accent sur le danger qui existe en termes de flux migratoires. Vous avez beaucoup revendiqué le fait qu’un certain nombre de pays européens avaient adopté le mariage homosexuel, mais il y en a en fait six sur vingt-sept. Là aussi, les masques tombent ! Il y a fort à craindre qu’il n’y ait des flux migratoires très importants relatifs au mariage, comme il y en a d’ailleurs liés à l’aide médicale d’État.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous en sommes à l’aide médicale d’État, maintenant !

    M. Guénhaël Huet. Je rappelle que vous avez supprimé le forfait d’accès à l’aide médicale d’État, ce qui veut dire qu’aujourd’hui, dans notre pays, les seules personnes qui ne participent pas au financement de la protection sociale, ce sont les personnes étrangères en situation irrégulière ! On en rajoute encore une couche et c’est tout de même assez dommageable.

    Cette série d’amendements n’a pas d’autre but, madame la ministre, chers collègues, que de vous faire revenir sur une discrimination eu égard au raisonnement fondé sur l’égalité que vous tenez depuis plusieurs semaines.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 654.

    M. Frédéric Reiss. Je pense qu’il faut supprimer l’alinéa 15, qui écarte la loi personnelle d’un époux parce qu’elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe. C’est pour moi une discrimination à l’égard des couples hétérosexuels.

    Par ailleurs, le projet de loi modifiant la règle du mariage au profit des couples de même sexe risque de créer des flux d’étrangers homosexuels désireux de se marier en France. L’étude d’impact, comme cela a déjà été dit, ne rassure nullement sur cet aspect, bon nombre de mes collègues l’ont relevé. Nous souhaitons des précisions sur ce point.

    M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement n° 1069.

    Mme Anne Grommerch. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement a voulu aller très vite et faire passer ce texte dans l’urgence, sans concertation avec les Français.

    M. Marc Laffineur. C’est vrai !

    Mme Anne Grommerch. Résultat : nous n’avons aujourd’hui aucune étude sérieuse susceptible de nous éclairer sur l’impact qu’aura effectivement ce changement de règle. Il ne faut pas faire tout et n’importe quoi au nom du principe d’égalité qui vous est cher. Il faut savoir prendre le temps de réaliser des études d’impact, car elles sont absolument indispensables. Quelles seront les conséquences de ce changement de réglementation ? Vous ne le savez pas, nous pas davantage. Quelle est la position des autres pays qui n’adoptent pas les mêmes lois que nous en termes de mariage ? Que va-t-il se passer avec eux ? N’aurait-il pas mieux valu prendre un petit peu de temps ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Chers collègues, au lieu de vociférer, prenez la parole et exprimez-vous ! C’est très désagréable ! Si vous avez quelque chose à dire, prenez le micro, à moins que l’on ne vous ait interdit de prendre la parole, auquel cas dites-le !

    M. Daniel Fasquelle. Où est votre liberté de parole ?

    Un député du groupe SRC. On a le droit de parler !

    Mme Anne Grommerch. Si vous avez le droit de parler, exprimez-vous s’il vous plaît différemment et sur des choses concrètes ! Il serait quand même beaucoup plus agréable de pouvoir débattre réellement dans cet hémicycle ! Quoi qu’il en soit, j’aimerais beaucoup pour ma part avoir une réponse de la garde des sceaux sur les conséquences réelles de cette décision. Faute de réponse aujourd’hui, je pense que nous devons supprimer l’alinéa 15.

    M. Philippe Gosselin. Il s’agit d’aspects techniques et juridiques, nullement politiques !

    M. Marcel Rogemont. Occupez-vous déjà de rassembler l’UMP !

    M. le président. Je rappelle aux uns et aux autres que nous allons siéger ce samedi et demain dimanche. Cela vaut donc la peine de garder un peu d’énergie pour cette nuit !

    M. Philippe Gosselin. Nous en avons, monsieur le président ! Merci tout de même de votre sollicitude !

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1132.

    M. Paul Salen. Comme cela a déjà été dit, seuls onze pays au monde dont six en Europe ont ouvert le mariage aux homosexuels. Nous allons donc autoriser aujourd’hui deux futurs époux étrangers à venir se marier chez nous dès lors que la loi de leur pays ne permet pas cette union. Ce qui nous est proposé ici est illogique, d’autant plus que l’âge légal du mariage varie d’un pays l’autre. Pour toutes ces raisons, qui relèvent de la simple logique, nous demandons que l’alinéa 15 soit supprimé.

    M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1187.

    Mme Sophie Dion. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cela fait quelques jours et nuits que nous passons du temps ensemble. Malheureusement, nous sommes toujours confrontés, aujourd’hui, à deux blocs de prétendus ringards et de prétendus progressistes !

    Un député du groupe SRC. Mais vous êtes vraiment des ringards !

    Mme Sophie Dion. Savez-vous de quoi on parle ce matin à la radio ? D’une députée qui a pour seule idée de faire changer le nom des écoles maternelles !

    M. André Schneider. Eh oui !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On parle du Mali, aujourd’hui !

    Mme Sophie Dion. Avez-vous bien entendu la réaction des Français ? Ils disent que c’est dérisoire ! Ce qui se passe aujourd’hui est dérisoire et n’est ni digne ni conforme à la vision de l’intérêt général que vous prétendez avoir. C’est vrai, monsieur le président, nous allons passer encore quelques heures ensemble et je souhaite qu’en effet nous puissions obtenir des réponses légitimes à nos questions.

    Il y a ces questions de droit international, laissées sans la moindre réponse. Il y a la question de savoir quel sera le droit applicable aux unions ainsi célébrées, elle aussi sans réponse aujourd’hui. Seuls six pays en Europe reconnaissent le mariage pour des personnes de même sexe. Quelle sera la solution ? Monsieur le rapporteur a dit tout à l’heure que ce n’est pas grave et qu’il suffit de ne pas répondre. Ce n’est pas dans la loi, laissons cela à la jurisprudence ! Mais pensez-vous que tout renvoyer aux juges est une réponse suffisante, alors qu’il est question de vrais problèmes de droit civil et de droit international ?

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1210.

    M. Daniel Gibbes. Je voudrais profiter de l’occasion, que je n’ai pas eue hier soir, pour souhaiter à Mme la garde des sceaux un joyeux anniversaire de la part de tous les ultramarins qui siègent du côté droit de l’hémicycle et que je représente.

    M. Marcel Rogemont. Nous aussi, nous les représentons ! La République est une et indivisible !

    M. Daniel Gibbes. C’est un message de sympathie, chers amis, un peu d’indulgence !

    Plus sérieusement, je partage la volonté de mes collègues de ce côté-ci de l’hémicycle de voir supprimer l’alinéa 15 de l’article 1er, pour les raisons qu’ils ont exposées et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je m’interroge en revanche sur la volonté de mes collègues de gauche. En effet, je les ai beaucoup entendus dire qu’ils n’ont fait que voter des lois et dispositifs brillantissimes. Mais pourquoi voter à nouveau des usines à gaz sur des sujets qui nous divisent, nous et plus largement les Français, au lieu d’améliorer dans un premier temps les dispositifs qui existent déjà ?

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1365.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Tout d’abord, je ne vois pas très bien l’objet de la rédaction que nous proposent aujourd’hui le Gouvernement et la commission.

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

    M. Marcel Rogemont. Vous voulez mes lunettes ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ou plutôt, je crois comprendre ce dont il s’agit. Pourquoi faudrait-il à tout prix faire en sorte que les couples étrangers soient concernés également par notre loi ? Je peux entendre votre logique : puisque nous sommes en route vers l’égalité triomphante à marche forcée, eh bien allons-y ! Mais pourquoi aller à ce point à l’encontre du droit international, d’un certain nombre de relations qui nous lient à d’autres pays et prendre nous-mêmes la décision de modifier unilatéralement des dispositions qui sont importantes et anciennes ?

    Deuxièmement, nous voyons bien que ce projet de loi a un certain nombre de conséquences qu’au fond vous êtes incapables de maîtriser. Vous ne pouvez pas dire ce qu’elles seront, vous ne les avez même pas envisagées, ce qui vous empêche de nous dire où nous conduiront les décisions que vous prenez une fois qu’elles seront en place. Ce texte, comme celui relatif à la gestation pour autrui, même s’il est moins grave, a des répercussions sur le plan international. Nous voudrions savoir lesquelles.

    M. Philippe Gosselin. Nous voulons des réponses juridiques !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1460.

    Mme Véronique Louwagie. Je voudrais d’abord rappeler que l’alinéa 14 rédige ainsi l’article 202 du Code Civil : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ». Je crois que nous aurions pu nous arrêter là, avec cette disposition permettant de prendre en compte la situation de tous les Français sur un plan d’égalité. Or l’alinéa 15 ajoute que la loi personnelle est écartée, ce qui me paraît très grave. Elle n’est pas écartée en fonction d’une situation de fait, mais en fonction de la situation de la personne concernée. Il y a là une discrimination importante : les Français ne sont plus égaux devant la loi.

    Dans la mesure où vous avez bâti tout l’argumentaire de ce projet de loi sur l’égalité des Français, l’alinéa 15 constitue un véritable contre-argumentaire, qui remet en cause le projet de loi tel que vous le présentez.

    Deuxièmement, pensez-vous que nous serions ravis si des pays voisins agissaient comme nous nous apprêtons à le faire, c’est-à-dire s’ils décidaient d’écarter la loi personnelle d’un ressortissant français pour tel ou tel motif ? La question mérite d’être posée.

    Troisièmement, je souhaite moi aussi que nous obtenions une réponse très précise au sujet de l’impact, en termes de flux de personnes venant de pays étrangers pour se marier en France.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour défendre l’amendement n° 1732.

    M. Guillaume Chevrollier. Aujourd’hui, les règles applicables en matière de conflit des lois, dégagées par la jurisprudence en matière de droit international privé, veulent que les conditions de fond du mariage soient déterminées par la loi personnelle de chacun des époux.

    Le projet de loi dont nous débattons change la règle pour les couples de même sexe, ce qui va permettre à deux ressortissants étrangers de se marier en France. L’étude d’impact n’évalue pas la portée de cette évolution de notre droit, ce qui est inquiétant, car la France ne peut pas accueillir tous les fiancés du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Lesterlin. Ce ne serait pas mal !

    M. Guillaume Chevrollier. De plus, vous nous rappelez sans cesse que votre projet de loi constitue une avancée indispensable dans un domaine où la France serait en retard par rapport à beaucoup d’autres pays. Or seulement onze pays dans le monde ont légalisé le mariage homosexuel, ce qui relativise le retard dont vous faites état.

    M. Philippe Gosselin. Seuls six des vingt-sept États de l’Union européenne l’ont fait !

    M. Guillaume Chevrollier. Effectivement, la légalisation du mariage homosexuel ne s’est faite que dans six États européens, ainsi que dans quelques États et villes d’Amérique.

    Personnellement, je n’ai jamais été un adepte de l’imitation. Chaque pays a ses lois et ses valeurs, et je ne vois pas l’intérêt de singer les autres : comme on me l’a appris, je considère qu’il est préférable de réfléchir avant de s’engager. Je vous invite donc à la réflexion, mes chers collègues, et à la préservation de notre droit en matière de mariage. Le mariage, base de notre société, doit rester l’union d’un homme et d’une femme, sans PMA ni GPA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 1800.

    M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le président, j’estime, moi aussi, qu’il convient de supprimer l’alinéa 15 de l’article 1er, qui ouvre trop de portes et comporte trop de risques, notamment celui de voir apparaître des flux migratoires nouveaux.

    D’autres risques sont à craindre. Quel sera le sort du ressortissant étranger qui retournera dans son pays d’origine après avoir contrevenu, en France, à sa loi personnelle ? Que deviendra son union, quelle sera sa légitimité dans la durée en dehors du territoire national ?

    Par ailleurs, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait faire obstacle, à l’avenir, aux mariages blancs,…

    M. Régis Juanico. Quel rapport ?

    M. Camille de Rocca Serra. …qui ne sont rien d’autre que des unions sans projet de procréation, servant à masquer des flux migratoires non autorisés.

    Vous êtes en train d’enlever au mariage son aspect familial concrétisé par le projet de procréation et, ce faisant, vous laissez les portes ouvertes à tous les vents. Voilà pourquoi cet alinéa 15 est dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1945.

    M. Jacques Lamblin. Il est parfois bon de se fier à la sagesse populaire. En l’occurrence, je veux rappeler le dicton selon lequel l’enfer est pavé de bonnes intentions. Alors que vous défendez ce projet de loi en invoquant votre volonté de lutter contre les discriminations, pour l’égalité et la liberté, madame la ministre, avec l’alinéa 15, vous créez une discrimination. Vous instaurez ainsi une inégalité de fait entre les enfants qui ont deux papas, ceux qui ont deux mamans et ceux qui ont un papa et une maman. À la différence de certaines inégalités subies, tels le veuvage ou la séparation, vous allez bel et bien créer une inégalité organisée.

    Pour ce qui est de la liberté, vous organisez les choses de façon à ce que n’importe qui puisse, avec son fric, aller acheter un bébé à l’étranger auprès d’une pauvre fille qui a besoin d’argent ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Arrêtez !

    M. Jacques Lamblin. En fait, vous sacrifiez la liberté des uns au prétexte de préserver celle de quelques autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle et M. Christian Jacob. Eh oui ! C’est bien ça !

    M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît.

    La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2024.

    M. André Schneider. Mes chers collègues, nous sommes une fois de plus au cœur du débat.

    Sur la forme, je m’étonne de voir la majorité s’exprimer comme si, seule détentrice de la vérité, elle avait tous les droits, tandis que l’opposition aurait, elle, tous les torts : une telle attitude n’est pas acceptable.

    Sur le fond, l’alinéa 15 n’est franchement pas au point. Pourquoi diantre voulez-vous l’imposer à toute force, alors qu’à l’évidence il comporte trop d’imprécisions ? Face à votre projet de mariage pour tous, nous avons défendu longuement, hier, notre proposition d’alliance civile – qui n’est pas dépourvue des symboles auxquels vous dites être attachés. Vous n’en voulez pas, et c’est votre droit : puisque vous êtes majoritaires, vous finirez par avoir raison ; après tout, ce n’est pas la première fois que vous affirmez avoir raison parce que vous êtes politiquement majoritaires et, avouons-le, c’est un argument qu’il nous est arrivé d’employer également.

    Par ailleurs, nous avons tous à cœur de lutter contre les discriminations qui peuvent toucher les personnes homosexuelles. Mais est-il vraiment opportun de tenter de mettre fin à un type de discrimination en en introduisant d’autres ? Franchement, la sagesse parlementaire que j’évoquais hier soir devrait nous conduire à supprimer cet alinéa ou, à tout le moins, à le retravailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour un rappel au règlement.

    M. Michel Terrot. Je ne fais que rarement des rappels au règlement, monsieur le président, et celui-ci en est un vrai, fondé sur l’article 58, alinéa 4, de notre règlement, et ayant trait au bon déroulement de nos travaux.

    L’opposition a posé un certain nombre de questions tout à fait pertinentes au sujet de l’impact de l’alinéa 15 de l’article 1er, notamment en termes de risques migratoires. Il me semble que nous ne pouvons pas aller plus avant dans la discussion sans entendre à ce sujet le principal ministre concerné, à savoir M. Valls, ministre de l’intérieur.

    Je forme donc le vœu, monsieur le président, que vous usiez de votre pouvoir pour faire venir le ministre de l’intérieur devant la représentation nationale – qui, en attendant, suspendra ses travaux. Comme vous le voyez, c’est bien pour un vrai rappel au règlement que j’ai demandé la parole, monsieur le président. (Rires sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2255.

    M. Pierre Lequiller. L’étude d’impact effectuée ne nous permet pas d’apprécier les conséquences physiques et financières de l’alinéa 15 de l’article 1er.

    Si nous ne sommes pas d’accord avec ce projet de loi, nous avons tout de même besoin d’obtenir des précisions sur certains points, précisions que nous attendons de la part de Mme la ministre et de M. le rapporteur afin de nous permettre de prendre des décisions objectives, en toute connaissance de cause et non dans la précipitation.

    Pour ce qui est des conséquences, je m’interroge au sujet de l’adoption internationale, qui va forcément se trouver modifiée par ce texte. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Certains pays, qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel, vont refuser que des enfants de leur nationalité puissent être adoptés. Le résultat, c’est que la capacité d’adoption des couples hétérosexuels, qui s’élève actuellement à environ 2 000 enfants par an pour la France, va se trouver diminuée.

    M. Bernard Roman. L’adoption, c’est après !

    M. Pierre Lequiller. Peut-être, mais j’aimerais tout de même savoir si l’alinéa 15 ne va pas avoir pour conséquence de diminuer la capacité d’adoption de nos concitoyens.

    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2256.

    M. Georges Fenech. Comme mes collègues de l’opposition, j’aimerais savoir, madame la ministre, comment vous justifiez cette discrimination flagrante entre couples homosexuels étrangers et couples hétérosexuels étrangers sur notre sol.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y a pas de discrimination !

    M. Georges Fenech. C’est là une question essentielle, qui sera d’ailleurs nécessairement soumise, à un moment ou à un autre, au Conseil constitutionnel. Il importe donc que vous fassiez valoir dans nos débats votre justification de cette discrimination.

    D’autre part, je me demande au nom de quelle légitimité internationale vous pouvez imposer au reste du monde votre vision du mariage, de la famille et de la filiation. Prétendez-vous à l’universalisme de votre vision sur ces questions fondamentales du droit des personnes ? En tout état de cause, nous attendons que vous nous éclairiez sur les conséquences de l’invraisemblable complexité juridique que vous allez créer. Tel État donnera-t-il son exequatur à tel mariage ? Quelles seront les implications des mariages homosexuels en ce qui concerne les enfants, les successions, les droits de secours, les conventions bilatérales ou internationales ? Le bricolage juridique international auquel vous vous livrez mérite des explications.

    M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 2347.

    M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement, monsieur le président !

    M. le président. Je vous donnerai la parole après M. de La Verpillière, monsieur Gosselin.

    Vous avez la parole, monsieur de la Verpillière.

    M. Charles de La Verpillière. L’alinéa 15 de l’article 1er montre bien, s’il en était besoin, l’incohérence totale du Gouvernement et de sa majorité. En effet, depuis le début de ce débat, vous nous expliquez que votre objectif est de créer une égalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Avec l’alinéa 15, on voit bien que cela n’est qu’un slogan, un faux-semblant : en réalité, vous vous empressez de recréer artificiellement une inégalité supplémentaire entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels.

    Aujourd’hui, les règles applicables en matière de conflit des lois, dégagées par la jurisprudence en matière de droit international privé, veulent que les conditions de fond du mariage – par exemple en matière d’âge – soient déterminées par la loi personnelle de chacun des époux, c’est-à-dire la loi du pays d’origine. Or l’alinéa 15 de l’article 1er change la règle pour les couples de même sexe, et uniquement pour eux.

    M. Philippe Gosselin. C’est là qu’est la discrimination !

    M. Charles de La Verpillière. Un Français pourra se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ; deux ressortissants étrangers pourront se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle de l’un ou des futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité d’une telle union.

    Vous créez donc bien une discrimination, au regard de la possibilité de se marier, entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Depuis une demi-heure est évoquée – à juste titre car c’est le cœur de cet alinéa – la place du droit international, des conventions internationales, des accords bilatéraux et tous nous soulevons la grande indigence de l’étude impact sur ce point. Nous ne sommes pas dans le cœur du projet politique ; nous avons suffisamment combattu le projet politique lui-même – nous y reviendrons au cours d’autres séances – et le choix de société imposé par le texte. Il s’agit ici du droit et sur toutes ces questions de droit nous n’avançons pas. L’un de nos collègues vous propose d’inviter à nos travaux le ministre de l’intérieur, monsieur le président ; je pense pour ma part que c’est le ministre des affaires étrangères (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que nous aurions besoin d’entendre à ce stade, ou même le Premier ministre. (Mêmes mouvements.)

    M. Alain Tourret. Il est au Mali !

    M. Philippe Gosselin. Il est au Mali, monsieur Tourret ? Dans ce cas, je propose que nous suspendions nos travaux (Rires sur les bancs du groupe SRC) pour attendre son retour, car il me paraît important qu’il soit aujourd’hui dans ce pays. Suspendons par conséquent nos travaux jusqu’à demain.

    M. le président. Je vous remercie, monsieur Gosselin : j’apprécie votre volonté d’amuser l’Assemblée.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l’amendement n° 2567.

    M. Jean-Claude Bouchet. Nous débattons depuis plusieurs jours maintenant et poursuivrons nos débats pendant quelques jours encore sur le projet de loi portant ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

    Ce matin, nous discutons de la possibilité d’ouvrir ce mariage aux étrangers, ce qui me paraît être une transgression. Cela permettra à certains de détourner la loi de leur pays. Il me semble qu’il s’agit d’une erreur stratégique, d’un détournement du principe de la loi que vous voulez majoritairement voter, chers collègues, et contre laquelle nous nous prononçons.

    Je souhaiterais obtenir une étude d’impact plus précise sur une telle mesure. En effet, en tant que maires, nous sommes parfois témoins de mariages douteux – certains ont mentionné les mariages blancs – ou de regroupements familiaux de même nature. Je ne voudrais pas que cette disposition permette de généraliser de tels abus, car il y a des flux migratoires derrière ces pratiques. C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, je demande la suppression de l’alinéa 15 de l’article 1er.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour un rappel au règlement.

    Mme Marie-Jo Zimmermann. J’écoute avec beaucoup d’attention ce qui est dit dans cet hémicycle et je suis quelque peu surprise. Ainsi que je l’avais rappelé lors de mon intervention au cours de la discussion générale, seuls six pays de l’Union européenne ont adopté le mariage pour tous…

    M. le président. Chère collègue, vous détournez la procédure. Votre intervention ne constitue en aucun cas un rappel au règlement portant sur le déroulement de la séance.

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Permettez-moi d’aller au bout de mon propos, monsieur le président. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous examinons aujourd’hui une question que l’on ne retrouve pas dans l’étude d’impact : en tant qu’État membre de l’Union européenne, la France a un devoir…

    M. le président. C’est une intervention, madame Zimmermann ; votre propos ne concerne absolument pas le déroulement de la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Pas du tout ! Laissez-moi terminer, ne m’interrompez pas ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Laissez-la parler ! Quelle intolérance !

    M. Alain Claeys. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous perdez du temps ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. C’est de l’obstruction majoritaire !

    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je souhaiterais, à l’instar de certains de mes collègues, demander l’avis du ministre de l’intérieur et du ministre des affaires étrangères, avis que je ne retrouve pas dans l’étude d’impact.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3257.

    M. Xavier Breton. Il y a deux types d’amendements : d’une part, les amendements de fond, qui nous permettent d’exprimer la divergence de nos conceptions et, d’autre part, les amendements techniques, dont fait partie celui que je vous présente. J’espère que le Gouvernement et la majorité sortiront de leur aveuglement idéologique et que nous pourrons nous retrouver sur les points techniques.

    L’amendement de suppression de l’alinéa 15 de l’article 1er souligne deux caractères du texte : son impréparation et sa prétention.

    Premièrement, l’impréparation du texte tient à l’absence d’étude d’impact sérieuse. Nous l’avons notée également au cours des auditions : combien d’autorités indépendantes – à commencer par le Défenseur des droits –, d’autorités administratives, d’autorités professionnelles – celle des professions juridiques, notamment – ont alerté sur la méthode du passage en force en déplorant que ce texte n’ait pas été pensé jusqu’au bout. Il y a un manque criant d’évaluation, le texte est mal préparé.

    Deuxièmement, le projet de loi est prétentieux, parce que vous êtes convaincus de détenir la vérité. Vous avez revendiqué hier être le camp du progrès. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il faut s’interroger : que telle ou telle mesure marque une volonté de progrès c’est une chose, mais se présenter comme étant le camp du progrès et se prévaloir d’une telle expression en est une autre. Vous devriez faire un effort de modestie et d’humilité et relire un peu l’histoire.

    Cette arrogance, vous l’imposez non seulement aux Françaises et aux Français, dont une majorité est contre l’adoption par les couples de personnes de même sexe, mais vous l’imposez aussi au monde. Vous prétendez être la lumière qui éclaire le monde, au risque de dégrader la qualité des relations de la France avec les autres pays.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Plusieurs de nos collègues ont à juste titre demandé la présence des ministres qui pourraient également être directement concernés par ce sujet, que ce soit le ministre de l’intérieur, le ministre des affaires étrangères ou le ministre des affaires européennes. J’ai cru comprendre que cela pouvait causer quelques difficultés et je le mesure parfaitement. Mais nous pourrions suspendre la séance pour permettre à Mme la ministre de prendre contact avec ses collègues du Gouvernement et de nous en rendre compte à notre retour dans l’hémicycle. Ce serait très bénéfique pour la sérénité de nos débats.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures sept, est reprise à onze heures neuf.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n° 3292.

    Mme Bérengère Poletti. La suspension de séance était un peu courte pour nous permettre de joindre le ministre de l’intérieur et je le regrette. J’espère que nous pourrons dans la journée organiser les choses différemment.

    Les conditions du mariage en France sont fondées sur la loi personnelle, qui prévaut. Aujourd’hui, madame la ministre, par votre texte, vous créez une discrimination, avec une étude d’impact d’ailleurs très insuffisante. À cet égard, monsieur le président, je m’étonne qu’avec une telle étude d’impact nous n’ayons pas de réaction de la part de nos collègues pour nous permettre d’être tous éclairés sur ce point. J’ai connu des collègues de gauche beaucoup plus présents sur les textes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis effarée de les voir aujourd’hui aussi silencieux, aussi peu questionneurs et curieux des choses. Chers collègues, vous étiez pinailleurs et demandiez sans cesse des explications aux ministres, et aujourd’hui on ne vous entend pas ! On a dû vous demander de vous taire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Madame la ministre, je vous demande de nous expliquer pourquoi vous avez organisé une telle discrimination, où s’arrête celle-ci et ce qu’il en est pour les couples hétérosexuels.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3579.

    M. Bernard Perrut. Je regrette qu’hier nous n’ayons pas pu trouver ensemble une solution équilibrée fondée sur le projet d’alliance civile que nous vous avons proposé. Il aurait en effet permis d’apaiser le débat en France et d’avoir une solution équilibrée prenant en compte à la fois les attentes des couples homosexuels et les préoccupations de ceux qui sont attachés au mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme et prélude à la fondation d’une famille.

    Quant à l’alinéa 15 que nous examinons aujourd’hui, il crée des discriminations. Vous voulez non seulement mettre en application cette réforme dans notre pays mais aussi faire en sorte que l’Europe, que le monde entier puisse bénéficier de ces règles sur le mariage homosexuel.

    Mes collègues l’ont rappelé : seuls onze pays dans le monde, dont six pays européens, sont allés dans ce sens ; or vous voulez organiser une immense dérogation et faire en sorte qu’un Français puisse se marier avec un ressortissant étranger du même sexe ou que deux ressortissants étrangers du même sexe puissent se marier en France, même dans le cas où la loi personnelle d’un ou des deux futurs époux ne reconnaîtrait pas la validité de telles unions.

    À mon sens, cela va à l’encontre du respect des autres pays, qui sont attachés à leurs propres valeurs, à leur propre conception du droit. Par conséquent, nous ne pouvons très clairement que nous opposer à cet alinéa 15 de l’article 1er.

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3694.

    M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

    M. le président. Je considérerai votre demande lorsque tous les intervenants se seront exprimés, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. La suspension est de droit, monsieur le président !

    M. le président. J’ai justement suspendu la séance il y a quelques instants, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas correct !

    M. le président. Monsieur Mariton, s’il y a quelqu’un qui ne peut pas employer l’expression « ce n’est pas correct », c’est bien vous, compte tenu du nombre de rappels au règlement que vous avez demandés et obtenus parmi les quatre-vingt-seize rappels qui ont été acceptés depuis le début de nos débats sur ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Vous avez la parole, madame Grosskost.

    Mme Arlette Grosskost. Comme vient de le dire l’orateur précédent, force est de constater que vous vous entêtez à faire comprendre que la loi doit suivre les évolutions sociétales. Vous placez vos idées au rang de valeurs universelles, vous les imposez aux autres pays. C’est là votre credo et vous défendez toujours et encore le primat de l’individu sur le groupe.

    Vous conviendrez toutefois qu’une autre réflexion peut exister : celle qui évite de heurter certaines consciences, celle qui privilégie le lien social et la cohésion sociale dans un climat de délitement sociétal. Je demande donc, à l’instar de mes collègues, la suppression de cet alinéa.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement n° 3981.

    Mme Marie-Louise Fort. Depuis le début de cette discussion, je suis frappée, en vous regardant, chers collègues de la majorité, de voir des physionomies fermées (Rires sur les bancs du groupe SRC) quand on parle de choses qui vous dérangent, et tout à coup de vous entendre tous ensemble rire ou ricaner, ce qui est un comportement indigne d’une grande démocratie.

    Nous avons demandé d’entendre M. Valls. Il ne me semble pas que c’était incongru, car l’alinéa 15 pose problème. Vous vous gargarisez d’égalité, vous êtes heureux de cette image de « mariage pour tous ». Mais en réalité cet alinéa créera une discrimination envers les hétérosexuels. Je veux reconnaître les amours homosexuelles, mais aussi, vous me le permettrez, les amours hétérosexuelles.

    En outre, que se passera-t-il lorsque deux personnes étrangères, attirées en France par cette loi sur le mariage homosexuel, voudront divorcer, de retour dans leur pays ? Je voudrais, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à cette question.

    Pour terminer sur une note plus légère, et comme mon collègue Philippe Gosselin a parlé de Las Vegas, je me réjouis que vous ayez trouvé une autre façon d’attirer les étrangers désireux de se marier. Effectivement, les Chinois ne veulent plus convoler à Tours !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela déclenche l’hilarité générale.

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4787.

    Mme Geneviève Levy. On ne dira jamais assez l’importance et la gravité des conséquences de ce projet.

    M. Marc Le Fur. C’est le moins que l’on puisse dire.

    Mme Geneviève Levy. L’étude d’impact ne répond pas aux questions que nous nous posons.

    M. Philippe Gosselin. Elle ne répond à rien.

    Mme Geneviève Levy. Le rôle d’une étude d’impact est précisément de permettre à chacun d’entre nous d’avoir une vision la plus large possible sur les conséquences d’un texte que nous étudions.

    On le sait, l’adoption et le mariage ne sont pas ouverts aux personnes de même sexe dans la majeure partie des pays. Or ce texte ouvre le mariage aux personnes homosexuelles, non seulement françaises, mais aussi étrangères, avec un risque de conflit des lois.

    Par ailleurs, je partage pleinement l’analyse de M. Lequiller sur la question de l’adoption. Certains États pourraient refuser de placer leurs enfants sous l’empire du droit français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Deux arguments ont été développés contre cet alinéa qui inscrit cette règle absolument nécessaire concernant le conflit des lois. Ils portent sur les discriminations d’une part et sur les risques de flux migratoires et de tourisme nuptial – je reprends les termes que vous avez employés – d’autre part.

    Je dois avouer que je suis moins expert que vous en matière de tourisme nuptial, puisque c’est vous, mesdames et messieurs de l’opposition, qui avez créé cette notion dans notre droit, avec la loi LODEOM de mai 2009 autorisant le tourisme nuptial en Polynésie.

    M. Régis Juanico. Voilà !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux vous rassurer sur le fait que le conflit des lois ne concerne que les conditions de fond au mariage, qui s’attachent aux personnes, et non les conditions de forme.

    M. Charles de La Verpillière. Étonnant, comme réponse ! C’est grave.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Comme vous le savez, les conditions de forme comprennent notamment l’obligation de résidence sur le territoire, pour les Français comme pour les étrangers. Il n’y a donc en aucune façon un risque de flux migratoires.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas ce qui est écrit dans l’étude d’impact.

    M. Bernard Roman. Vous ne l’avez pas bien lue !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Par ailleurs, il ne peut pas y avoir de discriminations entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. C’est un non-sujet. La loi personnelle, et c’est une évidence, ne s’oppose pas au mariage des couples hétérosexuels. Il ne peut donc y avoir discrimination à leur égard. En revanche, il y aurait discrimination si nous n’adoptions pas cette mesure : un Français pourrait alors se marier avec une étrangère, mais pas avec un étranger dont la loi personnelle s’opposerait au mariage des couples de même sexe. Il faut donc maintenir cette disposition.

    M. Philippe Gosselin. Cela montre que l’ensemble du texte est mauvais !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable donc.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez été plusieurs à exprimer une crainte concernant des flux migratoires, certains parlant même de flux massifs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Des hordes !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. N’avez-vous pas dit que la France ne pouvait accueillir « tous les fiancés du monde » ? Sur 7 milliards d’habitants, cela en fait quelques-uns !

    M. Hervé Mariton. Ce texte n’évoque pas les fiançailles, d’ailleurs !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous l’avez dit vous-mêmes, quelques pays européens ont déjà ouvert le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.

    M. Philippe Gosselin. Quelques-uns, effectivement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne prends pas les pays européens comme référence pour légiférer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Nous regardons ce qui se passe ailleurs. Le droit français s’inspire de son histoire, de ses traditions, de ses valeurs, de ses idéaux, de la connaissance et de la curiosité qu’il a sur le monde. Cela ne date pas d’aujourd’hui ! Il a même une tendance, sur la durée, à influencer les autres droits. Mais nous n’en sommes pas là !

    Certains pays européens ont donc adopté un texte équivalent il y a plusieurs années et célébré des mariages. Comme la France, ils ont adopté des dispositions concernant la dérogation à l’application de la loi personnelle. Jusqu’à vos interrogations de ce matin, personne, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, ne s’est inquiété d’une quelconque invasion.

    Les conditions de droit commun concernant la résidence valent aussi bien pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels. Cela est de nature à limiter un peu le tourisme nuptial de personnes qui résideraient dans des hôtels – probablement de grands hôtels –, mais ce sont là des spéculations qui ne présentent aucun intérêt.

    M. Philippe Gosselin. Cela limite un peu la cohérence de votre réponse.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ces pays-là, la dérogation à la loi personnelle n’a provoqué aucun afflux migratoire.

    M. Guénhaël Huet. Les Français jugeront !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense par ailleurs que le travail dissimulé, la connivence, la complicité entre des chefs d’entreprise et des passeurs, provoquent des flux migratoires plus importants que cette dérogation à la loi personnelle ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il serait bon que vous vous en inquiétiez, ce que vous vous êtes assez largement privés de faire ces dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Monsieur Mariton, vous nous dites que vous avez été alerté par d’éminents professionnels quant à une possible discrimination à l’égard des couples hétérosexuels. Mais il n’y a aucune discrimination ! Il n’y a pas besoin de dérogation à la loi personnelle pour les couples hétérosexuels, tout simplement parce que, dans la plupart des démocraties du monde, le mariage hétérosexuel figure dans le droit.

    M. Guénhaël Huet. Quel angélisme !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour ce qui est des couples homosexuels, la dérogation à la loi personnelle signifie que le droit français s’appliquera. Reconnaissons que, pour les libertés, le droit français est protecteur. Ainsi, en dérogation à la loi personnelle, les conditions d’âge ne doivent pas permettre un mariage en deçà de 18 ans et le consentement est obligatoire – cela nous change du mariage forcé ! Nous avons toutes les raisons de nous réjouir d’avoir pensé à introduire cette disposition dans notre texte.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. Guénhaël Huet. C’est le meilleur des mondes.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle à nouveau que les conditions de résidence sont impératives.

    Vous prétendez que nous aurions de l’arrogance à imposer au reste du monde notre vision des choses et notre droit. C’est ignorer totalement la hiérarchie des normes. Que cela soit inscrit ou non dans la loi, les traités internationaux, les conventions internationales, les conventions multilatérales ou bilatérales s’imposent au droit interne.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez donc nous accuser de prétendre imposer notre droit au reste du monde ou d’introduire unilatéralement une modification dans les traités internationaux. C’est tout simplement impossible du point de vue du droit !

    M. Bernard Roman. Article 55 de la Constitution.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, il n’y a aucune modification, aucune remise en cause.

    M. Philippe Gosselin. C’est donc du droit cosmétique !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il existe exactement treize conventions bilatérales qui précisent qu’il ne peut y avoir de dérogation à la loi personnelle. Indépendamment des dispositions inscrites dans notre droit, ces treize conventions s’imposeront. Pour ces ressortissants-là, la dérogation à la loi personnelle ne pourra pas fonctionner.

    Je dois vous avouer qu’en vous écoutant, il m’est revenu une très belle pensée de René Char : « Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des nœuds ». (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Philippe Gosselin. Voilà une énigmatique façon de répondre !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, lorsque le président de notre groupe a demandé une suspension de séance, la première de la journée, vous l’avez généreusement accordée pour deux minutes. Je ne suis pas certain qu’il soit fréquent, ni heureux pour le déroulement de nos travaux, que la toute première demande de la journée reçoive une telle réponse.

    M. le président. Monsieur Mariton, depuis le début de nos travaux, il y a eu dix-sept suspensions de séance.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas grand-chose !

    M. le président. Un minimum de cohérence s’impose. Comme il restait trois interventions avant de clore l’examen des 103 amendements identiques, j’ai pensé qu’il était bon d’aller au bout de cette discussion. Après ce vote, nous suspendrons la séance pendant cinq minutes afin que les uns et les autres puissent reprendre leurs esprits.

    M. Hervé Mariton. Les demandes de suspension sont de droit. Je ne sais pas sur quelle base vous vous fondez pour les refuser.

    M. le président. Je viens de vous l’expliquer.

    M. Hervé Mariton. Je parle du règlement, monsieur le président, qui nous engage tous.

    Ce qui me frappe, madame la ministre, c’est qu’il y a en effet un problème de nœuds ! Les propos que nous avons entendus révèlent des contradictions évidentes entre le Gouvernement et la commission. Tandis que le rapporteur nous dit qu’il n’y a aucune conséquence sur les flux migratoires, la ministre, elle, accepte de considérer le sujet et parle, comme elle l’avait fait en commission, de conséquences qui ne seront pas considérables, sans contester, donc, que cette disposition aura des effets. Le problème, c’est que nous n’avons aucune évaluation sérieuse. C’est là le premier nœud : un rapporteur qui dit une chose, une ministre qui en dit une autre, ce qui n’éclaire pas l’Assemblée.

    Par ailleurs, si tout ceci était aussi limpide, je ne comprends pas pourquoi il existe, pour l’alinéa 15, une rédaction du Gouvernement, qui possède sa propre cohérence, et une rédaction de la commission, qui s’en écarte significativement, ce qui constitue une seconde contradiction.

    M. Bernard Roman. Mais non ! C’est ridicule !

    M. Hervé Mariton. Je répète que les carences de l’étude d’impact quant à cet article sont invraisemblables ! Votre évaluation ne nous propose aucune réponse solide en matière de coût pour les finances publiques. Nous n’avons aucune donnée chiffrée ; le rapporteur se contente d’un « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Silence. De manière plus intelligente, le Gouvernement admet le problème (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais reconnaît qu’il n’est pas capable de l’évaluer.

    Comment, dans ces conditions, pouvez-vous penser que nous ne présentions pas notre amendement ? Au-delà des clivages entre la majorité et l’opposition, c’est un amendement de salubrité publique, qui fait en sorte que la loi que nous votons soit cohérente, claire, et que le Parlement puisse se prononcer de manière rationnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Ça patauge !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je voudrais revenir sur une phrase qui m’a choquée : « La France ne peut pas accueillir tous les fiancés du monde. » Mais de quoi avez-vous peur ? De hordes de fiancés qui viendraient nous envahir ? Soyons raisonnables ! Il s’agit juste de permettre le mariage à des personnes, dont certaines sont persécutées dans leur pays du fait de leur orientation sexuelle. Ces personnes, vous êtes les premiers à les défendre, mais lorsqu’elles sont ailleurs et qu’on ne les voit pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Laissons-les donc se marier.

    Je ne peux par ailleurs m’empêcher de faire un parallèle avec ce qui se passait sous le précédent gouvernement. Lorsque des enfants étaient en centre de rétention, derrière des barbelés, ça ne vous choquait pas, et vous n’aviez que faire du droit des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’étiez pas là pour invoquer les droits de l’homme, alors qu’il aurait suffi, comme l’a fait Manuel Valls, d’assigner les parents à résidence dans un hôtel.

    Qui défend le droit des enfants ? Vous ne cessez de le revendiquer depuis le début de nos discussions, mais qui a défendu le droit de ces enfants-là ? Ou y aurait-il, selon vous, de bons et de mauvais enfants ? De bons et de mauvais homosexuels ? (Mêmes mouvements.)

    Je vous le dis, je suis fière de cet alinéa, qui permettra à des personnes persécutées – l’homosexualité est encore un délit dans certains pays – de pouvoir se marier. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Je voudrais vous donner lecture de quelques extraits d’une étude, réalisée par un professeur de droit de Lyon-III, Hugues Fulchiron, qui va vous prouver que nos critiques, notamment sur le plan technique, sont partagées par beaucoup, y compris par des gens sans engagement politique. « Cette règle, écrit-il, qui serait applicable aussi bien à la célébration en France d’un mariage entre personnes de même sexe qu’à la reconnaissance en France des unions célébrées à l’étranger pose autant de problèmes qu’elle en résout. Elle risque surtout de multiplier les mariages boiteux. » Voilà ce que disent les universitaires qui s’intéressent à votre projet…

    M. Marcel Rogemont. Un universitaire, pas les universitaires !

    M. Bernard Roman. Il est seul et il n’est pas bien grand !

    M. Daniel Fasquelle. Dès que l’on présente une objection à vos positions, vous vous mettez à vociférer. Prenez donc la parole, monsieur Roman, au lieu de nous invectiver en permanence. Ce n’est pas digne d’un questeur !

    Cet universitaire ajoute : « Une des principales critiques que l’on peut faire à l’article 202-1, tel que proposé, est de vouloir traiter par une seule règle deux questions différentes, celle de la célébration du mariage par une autorité française et celle de la reconnaissance en France des mariages célébrés à l’étranger. » Puis : « Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’opportunité d’édicter une règle spécifique pour le mariage entre personnes de même sexe et surtout de faire intervenir, directement ou indirectement, l’ordre public pour en assurer la validité. » Il se demande enfin si la solution passe par une harmonisation au niveau européen des règles de compétences législatives et de reconnaissance – ce qui nous conforte dans le souhait que nous exprimions d’avoir ici ce débat, en présence du ministre des affaires européennes. « Encore faudrait-il, conclut-il, que les États s’abstiennent d’ici là de tout dumping législatif, tendant à imposer aux autres États leurs choix législatifs en matière familiale. Ne peut en résulter qu’incertitudes pour les couples et insécurité pour les tiers. Quant aux enfants… » Cela confirme bien que vous êtes définitivement fâchés avec les règles du droit international privé, qu’il s’agisse de la circulaire sur la gestation pour autrui ou de cette disposition.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Chers collègues, pendant cinq ans, vous avez sans cesse invoqué les flux migratoires et la peur des immigrés. Vous nous avez parlé de mariage blanc, puis de mariage gris, pour jeter la suspicion sur des hommes et des femmes qui s’aimaient, même s’ils n’étaient pas de la même origine ou du même pays.

    Aujourd’hui, vous nous parlez de tourisme matrimonial et conjugal, et nous expliquez que l’on ne peut accueillir tous les fiancés du monde. C’est-à-dire qu’à la peur de l’étranger vous ajoutez la peur de l’homosexuel étranger. De pareils discours sont réellement très inquiétants.

    M. Philippe Gosselin. L’amalgame est bien fait !

    Mme Marie-George Buffet. Mme la ministre vous a répondu avec beaucoup de force, en prenant l’exemple des pays qui ont déjà ouvert cette liberté au mariage, sans que cela provoque d’afflux migratoire.

    Ne pourriez-vous donc pas prendre les choses dans l’autre sens et considérer qu’il est formidable que notre pays, la France, à travers cette loi, donne à voir au monde entier sa conception de la liberté et de l’égalité ? Ne pouvez-vous pas penser un instant que le vote de cette loi et le fait que des hommes et des femmes venus d’ailleurs se marient chez nous va montrer au monde que l’on peut vivre autrement que dans la répression et le harcèlement des homosexuels ? La France peut rayonner comme elle l’a fait sur d’autres sujets touchant à la liberté et à l’égalité : saisissez-vous de cette chance au lieu de nous faire peur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Édouard Fritch.

    M. Édouard Fritch. Je voudrais rebondir sur l’intervention de notre rapporteur, qui parlait de tourisme nuptial en Polynésie française. C’est aussi le cas en Nouvelle-Calédonie et dans d’autres collectivités d’outremer. Nous sommes en effet « victimes » d’une demande forte de couples japonais et asiatiques qui souhaitent se marier les pieds dans l’eau. Il a bien fallu adapter les règles du mariage à ces personnes, car il s’agit naturellement pour la Polynésie d’un enjeu économique, dans la mesure où le tourisme est la première ressource de nos territoires.

    Notre discussion d’aujourd’hui a le mérite de mettre en lumière la rigidité de notre droit, que nous sommes obligés d’adapter pour répondre à la demande de ces personnes. Nous avons parlé de l’alliance ou de l’union civiles, pourquoi ne pas créer un dispositif spécifique pour ces personnes, qui ne viennent pas chez nous pour bénéficier des droits français mais pour des raisons purement touristiques ? Le sujet mérite que l’on y réfléchisse.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. J’ai entendu s’exprimer avec talent Mme Chapdelaine et Mme Buffet. Même si ce n’est pas le cas, admettons que nous soyons tous d’accord avec leurs envolées politiques et lyriques ; ce qui m’importe, c’est le droit : nous sommes ici réunis pour faire la loi.

    Le rapporteur a répondu à M. Mariton sur des problèmes de forme, il n’a pas répondu sur le fond. Or nous voudrions des réponses au fond. Nous posons des questions de droit et voudrions avoir des réponses en droit, pas des réponses politiques.

    J’ignore si M. René Char était spécialiste des nœuds gordiens, mais nous avons en droit un nœud gordien, madame la garde des sceaux. Comment allons-nous le dénouer ? Vous avez certes fait état des conventions internationales, mais seuls seize États font partie de la Commission internationale de l’état civil, et six États européens seulement sur vingt-sept ont un régime matrimonial identique. Partant, cet alinéa va évidemment ouvrir des conflits de droit.

    Je souhaite donc que le Conseil constitutionnel puisse étudier ce problème avec sérieux, et je vous renvoie aux pages 28 et 29 du rapport, qui traitent des aspects internationaux de la question, détaillent les procédures étrangères mais ne font nulle mention des conséquences qu’aura le texte, notamment en termes de « mariages boiteux », comme le disait M. Fasquelle.

    Monsieur le rapporteur, je vous ai vu tout à l’heure opiner du chef lorsqu’on a abordé ce problème. Nous aimerions donc connaître votre avis et celui du Gouvernement sur les conséquences en termes d’immigration de cette disposition qui risque de faciliter les mariages blancs.

    M. Philippe Gosselin. Vraie question !

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

    M. Olivier Dussopt. Quelques mots pour expliquer pourquoi nous allons rejeter ces amendements. La garde des sceaux a rappelé la hiérarchie des normes d’abord, le fait ensuite que les conditions de résidence continuent à s’appliquer, le fait enfin que ces mariages devront nécessairement intégrer dans le couple une personne de nationalité française, contrairement à ce que certains intervenants ont laissé entendre.

    Au-delà, nous souhaitons une dérogation à la loi personnelle pour la bonne et simple raison que vous ne trouverez aucun pays dans le monde où le mariage hétérosexuel et l’hétérosexualité soient condamnés ou prohibés. En revanche, aujourd’hui certains pays prohibent et condamnent l’homosexualité, parfois passible de la peine de mort. C’est la raison principale qui motive notre volonté d’instaurer une dérogation à la règle de la loi personnelle – soit dit en passant, la règle de la loi personnelle fait déjà l’objet de dérogations dans bien d’autres pays et sur bien d’autres sujets –, pour les personnes qui vivent sur notre sol et doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits.

    Vos amendements témoignent d’une forme de peur.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ça recommence !

    M. Olivier Dussopt. Trente ans après, la peur des chars russes a été remplacée par la peur des chars de la Gay Pride. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. La peur du char de l’État conduit par une telle majorité !

    M. Olivier Dussopt. Vous rêvez sans doute de cortèges de voitures enrubannées en train de klaxonner à nos frontières, en attendant de se précipiter dans nos salles de mariage.

    Un amendement identique à celui que vous venez de défendre à de nombreuses reprises a été déposé par les députés d’extrême droite qui, absents, vous ont laissé le soin de le défendre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-François Copé. Ce n’est pas acceptable !

    M. Olivier Dussopt. Tout ceci témoigne d’une peur et d’un rejet de l’autre. Des expressions comme « flux d’étrangers », « tourisme nuptial », « afflux d’immigration » établissent un lien entre les positions que vous avez défendues à l’occasion des textes sur l’immigration et celles que vous manifestez aujourd’hui à propos du mariage pour tous. (Protestations sur les mêmes bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Agitateur !

    M. Patrick Ollier. Provocateur !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Je pensais que la nuit apporterait repos et sérénité, mais j’ai l’impression que mes collègues de l’opposition sont en pleine confusion puisque hier Mme Schmid, députée des Français de l’étranger, a présenté un amendement allant dans notre sens, qui visait non pas à favoriser le tourisme nuptial et l’arrivée massive d’homosexuels étrangers en France, mais à défendre une liberté fondamentale en permettant à tout Français, lorsqu’il n’habite pas en France, de se marier avec quelqu’un dont la loi personnelle l’en empêche.

    Les situations dont nous parlons sont parfois dramatiques. Comme l’a rappelé mon collègue Dussopt, l’homosexualité est passible de poursuites pénales dans beaucoup de pays du monde, voire de la peine de mort dans certains d’entre eux. La disposition que ces amendements proposent de supprimer ne vise pas à ouvrir les frontières. Je peux vous rassurer, et c’est d’ailleurs l’une des raisons de l’amendement du groupe écologiste : quand on souhaite venir en France pour s’y marier, les consulats ne facilitent pas la vie de quiconque, que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel. Aucune tentative n’est faite, même sous ce gouvernement, et en tout cas pas par Manuel Valls, pour faciliter la liberté de circulation de nos concitoyens et de leurs futurs conjoints.

    L’amendement qui a été adopté en commission à l’initiative du rapporteur vise simplement à garantir une liberté, celle qu’a tout Français de contracter un mariage. Si vous souhaitez qu’un couple homosexuel soit dans la même situation qu’un couple hétérosexuel, il s’agit simplement d’assurer cette liberté-là. C’est aujourd’hui une réalité : il y a énormément de Français qui résident à l’étranger ou qui souhaitent se marier avec quelqu’un qui n’a pas la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3292, 3579, 3694, 3981 et 4787.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 335

    Nombre de suffrages exprimés 335

    Majorité absolue 168

    Pour l’adoption 101

    Contre 234

    (Les amendements identiques nos 3292, 3579, 3694, 3981 et 4787 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous ai demandé tout à l’heure une suspension de séance. Vous m’avez accordé une suspension d’une minute, qui ne permettait pas à mon groupe de se réunir. Je vous demande maintenant une vraie suspension de séance, pour pouvoir réunir mon groupe dans des conditions normales.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. Le propre d’un débat parlementaire, c’est qu’il doit aboutir à la clarté ; or, pour moi, les choses ne sont pas claires.

    M. Régis Juanico. Comme d’habitude !

    M. Marc Le Fur. M. Dussopt nous dit que deux personnes homosexuelles étrangères ne pourront pas contracter mariage sur notre sol.

    M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Marc Le Fur. Il suffit pourtant de lire le texte tel qu’il est rédigé : « Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.… »

    M. le président. Monsieur Le Fur, il s’agit d’un détournement de la procédure ; votre intervention n’est pas un rappel au règlement et je me dois de vous couper la parole.

    Article 1er (suite)

    M. le président. Sur le vote de l’article 1er, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2065.

    M. Sergio Coronado. J’espère bien que des étrangers qui vivent légalement en France pourront célébrer leur mariage s’ils le souhaitent ; je ne vois pas pourquoi on leur interdirait de passer devant le maire, monsieur Le Fur.

    Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur une question évoquée hier par Mme Schmid. La situation internationale n’est pas toujours très favorable aux unions de couples de personnes de même sexe, l’homosexualité restant même passible de la peine de mort dans certains pays. Il s’agit donc d’écarter la loi nationale pour permettre la célébration de mariages impliquant une personne de nationalité française non-résidente en France, ce qui est le cas des Français de l’étranger que nous représentons ici.

    J’ai bien lu l’amendement de notre collègue Corinne Narassiguin, mais il ne règle pas tous les problèmes : certaines situations sont tout à fait particulières, concernant des Français qui vivent depuis plusieurs générations à l’étranger et qui, n’ayant pas de résidence en France, ne peuvent par conséquent pas revenir aussi facilement.

    De plus, contrairement à ce que prétend l’opposition, la politique migratoire de la France demeure très difficile, même, aujourd’hui, pour des couples hétérosexuels qui souhaitent se marier, puisque les consulats ne délivrent pas facilement un visa pour aller célébrer un mariage ou un visa long séjour pour quelqu’un qui a déjà pu faire valoir son mariage auprès du consulat.

    Il s’agit donc simplement d’obtenir des réponses très précises sur cette question de la part du rapporteur ou de la garde des sceaux afin de s’assurer que les agents consulaires puissent partout célébrer des mariages qui engagent un Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Le souci de M. Coronado rejoint celui exprimé par Mme Schmid, le même que fera valoir tout à l’heure Mme Narassiguin. Votre amendement présente des difficultés juridiques, car sa rédaction est sans doute contraire à l’article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires : celui-ci précise que « les fonctions consulaires consistent à (…) agir en qualité de notaire et d’officier d’état civil et exercer des fonctions similaires, ainsi que certaines fonctions d’ordre administratif, pour autant que les lois et règlements de l’État de résidence ne s’y opposent pas ».

    J’ajoute que l’amendement de Mme Narassiguin répond très largement à votre inquiétude puisqu’il vise à étendre la possibilité pour les Français installés à l’étranger de se marier dans la commune de la dernière résidence ou, à défaut, dans une commune de leur choix. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

    Pour cette raison, je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

    M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Coronado ?

    M. Sergio Coronado. Après discussion avec les collègues de mon groupe, même si l’amendement de notre collègue socialiste ne répond qu’en partie à la question que nous posons, nous avons décidé de retirer notre amendement. Mais nous resterons très vigilants sur ce sujet, qui d’ailleurs sera de nouveau examiné dans le cadre de la réforme de la loi CESEDA. Il s’agit pour nous d’assurer la liberté de se marier pour les Français de l’étranger.

    (L’amendement n° 2065 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4353.

    M. Alain Tourret. Cet amendement important vise à substituer au régime de la communauté réduite aux acquêts le régime de la séparation de biens comme régime matrimonial de droit commun. Avec le PACS, en 1998, nous avions opté pour le régime de l’indivision. Or on s’est rendu compte que ce régime présentait d’extraordinaires difficultés au moment de sa liquidation en cas de séparation. Le régime de la séparation de biens a dès lors prévalu pour le PACS.

    Si bien qu’actuellement, quand deux personnes homosexuelles pacsées décident de se marier, elles passent du régime de la séparation de biens, régime de plein droit, à celui de la communauté réduite aux acquêts. Or j’estime, en particulier pour les femmes, qu’il s’agit d’une régression : la protection, ce n’est pas la communauté réduite aux acquêts, c’est la séparation de biens. On le voit bien, en cas de déconfiture du mari, dans le cas de la communauté réduite aux acquêts, qui permet de poursuivre sur les biens du ménage.

    C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait bon d’établir la séparation de biens comme régime de droit commun. On me répondra qu’il est possible, naturellement, dans le cadre du mariage, de passer un contrat de mariage. Mais vous savez très bien que ce n’est le cas, en moyenne, qu’une fois sur dix – j’ai procédé à toutes les vérifications dans un certain nombre de mairies – et la plupart des personnes qui se marient choisissent le régime de droit commun parce que c’est plus simple et parce que passer devant le notaire coûte de l’argent.

    Aussi, en termes de liberté comme de protection des femmes, faire de la séparation de biens le régime de droit commun serait un grand progrès.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en commission et nous connaissons votre motivation sur le sujet, monsieur Tourret. Reste que votre amendement ne répond pas à une demande des Français. Nous savons tous ici que le régime de droit commun est très largement adopté par nos compatriotes alors qu’ils ont la possibilité de choisir un autre régime.

    Adopter cet amendement conduirait à introduire une confusion, sans doute, dans la manière d’appréhender la vie de couple. En effet le régime de la communauté correspond aussi au sens, à la logique du couple marié, qui s’engage à une communauté de vie et donc à une contribution commune aux charges du foyer et aux acquisitions.

    Enfin, le présent texte prévoit le mariage pour les couples de personnes de même sexe et votre amendement va très largement au-delà, il est « hors champ » a-t-il semblé à la commission qui l’a donc repoussé.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La question que vous posez, monsieur le député, est tout à fait légitime et j’entends bien votre souci de vouloir protéger au mieux les deux époux et en particulier les femmes. Il n’en demeure pas moins vrai que vous entendez modifier les régimes matrimoniaux et que, dans le cadre du présent texte, votre amendement, pour reprendre l’expression du rapporteur, est hors champ. Néanmoins, j’entends bien votre interrogation qui pourrait être abordée lors de l’examen de la future loi sur la famille.

    M. Philippe Gosselin. Oh là, la fameuse loi famille !

    M. Jean-Marie Sermier. Je crains le pire !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

    M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tourret.

    M. Alain Tourret. Je suis conscient qu’il y a un risque de cavalier législatif. Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de reprendre cette question lors de la discussion de la loi famille, je considère que mon amendement était un amendement d’appel et je le retire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

    (L’amendement n° 4353 est retiré.)

    M. le président. Dans les explications de vote sur l’article 1er, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.

    M. Philippe Gosselin. Avec cet article, nous sommes au cœur…

    M. Marcel Rogemont. Vous, vous n’avez pas de cœur !

    M. Philippe Gosselin. …du projet de transformation important de la société souhaité par le Gouvernement et la majorité. Nous avons essayé, en toute bonne foi, tenant compte des évolutions de la société, de rassembler, autour d’un projet d’alliance, d’union, qui avait l’assentiment d’une large partie de nos concitoyens. La majorité, pour des raisons politiques…

    M. Marcel Rogemont. Et votre proposition d’alliance, elle n’avait aucun fondement politique ?

    M. Philippe Gosselin. …– et le rapporteur l’a reconnu à plusieurs reprises : il n’y avait aucune discrimination au sens juridique, cela a été dit et redit, dans notre proposition –, a fait un choix de société que nous ne partageons pas.

    Une fois encore, nous voudrions dénoncer l’effet de domino ; voilà pourquoi nous avons lutté contre cet article 1er : aujourd’hui le mariage, l’adoption – encore que le titre du projet de loi n’y fasse nullement référence –, demain la procréation médicalement assistée (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)…

    M. Nicolas Bays. Mensonge !

    M. Philippe Gosselin. …et la question, toujours pendante, des mères porteuses. (Mêmes mouvements.)

    M. Nicolas Bays. Menteur !

    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

    M. Philippe Gosselin. La concomitance de nos débats avec la publication d’une circulaire autorisant implicitement la gestation pour autrui (« Faux ! » et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) est la démonstration qu’il y a une vraie ambiguïté, une ambiguïté que le Gouvernement entretient. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RRDP, toujours dans le cadre des explications de vote sur l’article 1er.

    M. Alain Tourret. Nous apportons notre soutien total à l’adoption de cet article.

    M. Henri Jibrayel. Bravo !

    M. Alain Tourret. C’est l’article majeur de ce texte. Le projet d’alliance de l’opposition aurait provoqué des complications sans fin…

    M. Christian Jacob. Ce n’est pas le cas de la GPA ?

    M. Alain Tourret. …car elle créerait un nouveau système alors nous avons une volonté de simplification et d’unité de deux systèmes : celui prévu pour les homosexuels et celui prévu pour les hétérosexuels.

    Enfin, je ne peux admettre la référence permanente à la GPA que nous-mêmes condamnons totalement, et contre laquelle j’ai demandé que la France prenne un certain nombre d’initiatives sur le plan international.

    Nous voterons donc sans la moindre hésitation l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    Mme Marie-George Buffet. C’est un moment important que nous allons vivre dans quelques secondes. Alors que nos collègues de l’opposition nous proposent une sorte de sous-mariage avec leur projet d’alliance civile, en votant l’article 1er, nous allons ouvrir, de façon pleine et entière…

    M. Philippe Gosselin. La GPA !

    Mme Marie-George Buffet. …le mariage à tous les hommes et à toutes les femmes qui le souhaitent. C’est un grand moment. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Corinne Narassiguin. Le vote sur l’article 1er, auquel nous allons procéder, est historique… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle. Ouvrir la porte à la PMA et à la GPA, c’est historique, vous avez raison !

    M. le président. Monsieur Fasquelle, s’il vous plaît !

    Mme Corinne Narassiguin. …puisque cet article ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    C’est pour voter cet article que nous sommes tous réunis et mobilisés, en ce samedi matin. Nous avons bien entendu les arguments développés par l’opposition, d’abord pour supprimer cet article, puis pour inventer une nouvelle alliance, qui ferait des homosexuels une catégorie à part. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Selon nous, il ne peut pas y avoir d’égalité dans la séparation. Nous voulons que tous les citoyens soient véritablement égaux devant le code civil, quelle que soit leur orientation sexuelle, et c’est bien l’objet de cet article.

    M. Jacques Lamblin. Et les droits des enfants ?

    Mme Corinne Narassiguin. C’est donc avec conviction et enthousiasme que le groupe SRC s’apprête à voter cet article dans les minutes qui viennent. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

    M. François Rochebloine Vous ne serez pas surpris d’entendre que la très grande majorité du groupe UDI s’opposera à l’article 1er de ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Thomas Thévenoud et M. Nicolas Bays. Où est M. Borloo ?

    M. François Rochebloine. J’ai dit « la très grande majorité » ! Nous, nous avons la liberté de vote, et vous, vous ne l’avez pas ! C’est cela qui importe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous vivons un moment historique, comme vous venez justement de le dire ! C’est absolument inacceptable !

    M. le président. Du calme, du calme !

    M. François Rochebloine. Tout a été dit, et bien dit, tout à l’heure. (« Borloo ! Borloo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît ! Où vous croyez-vous ?

    M. François Rochebloine. Merci, monsieur le président. Étant agressé, il était normal que je réponde.

    M. le président. Bien, maintenant retrouvez votre calme.

    M. François Rochebloine. Je suis très calme, monsieur le président, je vous remercie.

    Je crois que la démonstration vient d’être faite que la majorité refuse de nous écouter. Elle nous reproche d’avoir déposé trop d’amendements : je rappellerai simplement aux plus anciens d’entre nous qu’il est déjà arrivé, sur d’autres projets de loi, que de très nombreux amendements soient déposés, et les choses se sont passées de la même manière. Monsieur le président, vous êtes bien placé pour le savoir. Si seulement la majorité pouvait nous écouter et prendre en considération les éléments qu’ont apportés nos amis de l’UMP et notre collègue Jean-Christophe Fromantin !

    Notre position est très claire : ne vous en déplaise, la très grande majorité de l’UDI, qui reconnaît la liberté de vote, rejettera l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît ! C’est un moment important, qui nécessite un peu de calme.

    La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

    M. Sergio Coronado. C’est en effet un moment important, monsieur le président. L’article 1er constitue le cœur de ce projet de loi ouvrant le mariage civil et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. C’est donc avec beaucoup de fierté que nous pouvons procéder au vote de cet article.

    Nous avons beaucoup débattu, mais je voudrais dire aux collègues de l’opposition qu’il aurait sans doute été plus sage et plus intéressant de débattre de cet article, plutôt que de dispositions telles que la PMA et la GPA, qui ne figurent pas dans le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Puisque la GPA vous intéresse beaucoup, vous pourriez, comme je vous l’ai déjà suggéré hier, prendre langue avec les vingt et un sénateurs de l’UMP et du centre qui ont déposé une proposition de loi sur ce sujet. L’Assemblée nationale pourrait même prendre l’initiative de lancer une mission d’information commune sur ce débat qui semble vous passionner. Je crois effectivement que cette question mérite que l’on s’y attarde et que l’on en discute de manière raisonnable.

    J’ai compris que ce qui nous différencie…

    M. Philippe Gosselin. La GPA ?

    M. Sergio Coronado. Alors que vous n’avez pas cessé, au cours de ces débats, de faire référence à la loi naturelle, permettez-moi de vous dire que, pour notre part, nous lui préférons la volonté des hommes, l’État de droit, et donc l’égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

    Comme je sais qu’il peut nous arriver, à nous aussi, de tomber dans la caricature, je veux croire que dans la France de 2013, l’opposition a plutôt le visage d’un Franck Riester, d’un Jean-Louis Borloo, même s’il n’est pas présent sur nos bancs, ou d’un Benoist Apparu. C’est la réalité de ce pays : ce ne sont pas ceux qui se font les apôtres de la loi naturelle et de l’inégalité entre hétérosexuels et homosexuels qui représentent ce pays.

    M. Christian Jacob. Et ceux qui, chez vous, voudraient voter contre, où sont-ils ?

    M. Sergio Coronado. C’est donc avec la plus grande détermination que nous voterons l’article 1er, qui constitue le cœur de ce projet de loi.

    Je tenais, pour finir, à féliciter mesdames les ministres, qui sont là depuis le début, pour la détermination dont elles ont fait preuve. Je crois, chers collègues, que nous pouvons être fiers de ce vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

    M. le président. Nous allons justement entendre le Gouvernement.

    La parole est à Mme Dominique Bertinotti…

    M. François Rochebloine. Ministre « de la famille »…

    M. Hervé Mariton. Ministre des familles !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Nous vivons un moment important et je sais qu’en adoptant cet article, vous allez dire non aux peurs qui sont véhiculées depuis quarante-huit heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Enfin !

    M. Camille de Rocca Serra. Nous ne véhiculons aucune peur, soyez raisonnable ! C’est vous qui faites peur aux Français !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Des expressions telles que « tourisme reproductif » ou « tourisme matrimonial », qui ont été allègrement employées hier et aujourd’hui, font peser la suspicion sur le sérieux et l’engagement des couples homosexuels et des familles homoparentales. Vous allez dire non à une vision anxiogène de la société…

    M. Hervé Mariton. C’est votre texte qui est anxiogène !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …qui laisse à penser que cette loi va détruire notre société…

    M. François Rochebloine. C’est pourtant vrai !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …et qui empêche nos concitoyens de regarder avec sérénité la réalité de la diversité des familles.

    M. Hervé Mariton. Je disais bien : Madame la ministre des familles !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Permettez-moi de vous poser une question : pensez-vous vraiment rendre service à l’ensemble des Français, en jouant sur ces peurs ?

    M. Hervé Mariton. Nous ne jouons pas sur les peurs !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Adopter cet article, c’est dire oui à une vision généreuse et ouverte de la famille…

    M. François Rochebloine. Quelle provocation !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …c’est dire oui à l’égalité, c’est dire oui à la protection juridique des enfants qui vivent dans ces familles homoparentales…

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est dire oui à la GPA !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …et dont vous ne vous préoccupez pas vraiment…

    M. Hervé Mariton. Si ! Et davantage que vous !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …alors que vous avez toujours l’intérêt supérieur de l’enfant à la bouche !

    Et puis vous nous dites que vous êtes prêts à accepter le mariage, ou plus exactement le sous-mariage, comme l’a bien dit Marie-George Buffet, mais l’adoption, jamais.

    M. Hervé Mariton. Quel mépris !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Mariton, vous qui évoquez régulièrement les sondages, vous devriez les lire attentivement !

    M. Gérald Darmanin. Référendum !

    Mme Anne Grommerch. Vous avez peur des Français !

    M. Jean-François Copé. Ça ne marche pas toujours, les sondages !

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous aviez regardé attentivement les sondages, vous auriez remarqué ce fait sur lequel je me permets d’attirer votre attention, c’est que les personnes de moins de cinquante ans sont très majoritairement favorables au mariage et à l’adoption. Elles se disent même favorables à la procréation médicalement assistée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Et à la GPA ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. On ne peut pas faire fi de ces générations qui incarnent l’avenir ! L’article que vous vous apprêtez à voter est un article pour l’avenir de nos familles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme d’une discussion de trois jours et trois nuits qui a été d’une grande richesse. Cette richesse et cette diversité, nous les devons à des interventions de très grande qualité, témoignant d’une très grande maîtrise…

    Mme Anne Grommerch. Et pourtant la gauche est restée muette !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …des interventions qui ont plaidé pour l’institution du mariage, qui est à la fois un contrat entre deux personnes et une institution qui produit des effets d’ordre public. Le régime du mariage définit en effet les conditions d’âge à partir duquel celui-ci peut être célébré, les conditions de consentement, qui vérifient la volonté de chacun des conjoints, ainsi que les conditions de prohibition, qui sont très clairement exposées dans notre code civil et qui concernent essentiellement l’inceste et la polygamie – ces conditions n’ont pas été modifiées, mais adaptées à la réalité induite par des mariages de couples homosexuels.

    Cette institution produit également des obligations de solidarité, d’assistance et de fidélité au sein des couples. Le mariage, en tant qu’institution, assure une protection juridique à chaque membre du couple, ainsi qu’aux enfants.

    La décision de se marier relevant d’un choix individuel, c’est bien une liberté individuelle que nous consacrons avec cet article 1er : la liberté pour chacune et chacun, dans ce pays, de choisir sa ou son partenaire, de décider ensemble de construire une vie, de décider ensemble de se tracer un avenir commun…

    M. Henri Jibrayel. Bravo, Madame !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …où chacune et chacun sait qu’il pourra s’appuyer sur l’autre en cas de difficulté, en cas de doute, en cas d’accident de la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y avait aucune raison que l’État n’offre pas, jusqu’ici, la protection que garantit l’institution du mariage aux couples homosexuels qui, eux aussi, sont une réalité de notre société depuis des siècles, qui, eux aussi, construisaient ce projet de vie, qui, eux aussi, construisaient un partenariat solide ; il n’y avait aucune raison que l’État n’offre pas de protection à ces couples qui décidaient de s’engager dans l’éducation d’enfants, de consacrer du temps à ces enfants, de veiller à leur épanouissement et à leur destinée personnelle…

    C’est ce que nous faisons, en leur ouvrant cette institution qui a vu le jour en 1804, avec le mariage civil et laïque, qui, après la reconnaissance du pluralisme religieux, s’est ouvert à tous. Mais le texte de 1804 comportait un article, le n° 213, qui disposait que l’homme devait protection à sa femme…

    Mme Catherine Coutelle. Eh oui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que la femme devait protection – je veux dire obéissance – à son mari. (Sourires) J’ai eu du mal à le dire ! J’admets qu’« obéissance au mari », ça a un peu de mal à sortir ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    Cette institution n’a cessé d’évoluer, elle n’a cessé de progresser, pour épouser les valeurs de la République. Elle n’a cessé d’habiter la laïcité dans ce pays, elle n’a cessé de donner corps et force, de donner des ailes aux libertés individuelles. Cette institution n’a cessé d’avancer vers l’égalité : elle l’a fait pour les femmes, elle l’a fait pour les enfants.

    M. Henri Jibrayel et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis une quarantaine d’années, obstinément, le législateur fait régresser les discriminations inscrites dans le droit entre les enfants.

    M. Hervé Mariton. Ce fut souvent le fruit d’un consensus !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis une quarantaine d’années, le législateur, dans ce pays, s’obstine à faire en sorte que les enfants soient égaux.

    M. Hervé Mariton. Dans le respect du consensus !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il a commencé par interdire la discrimination entre les enfants légitimes et les enfants naturels ; ensuite, il fait disparaître du droit la notion même d’enfant légitime et d’enfant naturel. Entre-temps, il a été contraint de mettre un terme à la discrimination qu’il infligeait aux enfants adultérins. Cette institution n’a cessé de progresser, et elle continue de le faire.

    Voltaire disait que les progrès de la raison sont lents et les racines des préjugés profondes. Nous savons qu’il faut lutter contre les préjugés, nous savons qu’il faut lutter contre les représentations, nous savons que l’institution du mariage est chargée de représentations, qu’elle est chargée de force symbolique, pour la raison simple qu’elle transporte toute son histoire, et principalement l’histoire de la République, puisque le mariage civil a été instauré par la Ie République. Nous sommes sensibles à ces représentations. Sur leur fondement, certains s’interrogent sur le fait que l’institution du mariage puisse être ouverte aux couples de même sexe. Mais la réponse est oui, car il s’agit du mariage civil, et de liberté individuelle.

    Nous sommes donc extrêmement heureux et fiers d’aboutir à cette première grande et belle étape : l’ouverture du mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. Et nous savons que nous faisons belle œuvre pour les enfants de ce pays. (Les membres des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)

    M. Guillaume Bachelay. Bravo !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 348

    Nombre de suffrages exprimés 346

    Majorité absolue 174

    Pour l’adoption 249

    contre 97

    (L’article 1er est adopté.)

    (Les membres des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. « Égalité ! Égalité ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, j’interviens sur le fondement de l’article 58 alinéa 4 de notre règlement.

    La ministre déléguée chargée de la famille vient de tenir des propos pour le moins ambigus. Tout au long du débat, on nous a expliqué qu’il n’y avait pas de légalisation de la gestation pour autrui par la reconnaissance des situations à l’étranger.

    Or nous sommes convaincus du contraire, car je ne vois pas comment on pourrait accepter de légaliser la GPA à l’étranger, c’est-à-dire pour ceux qui ont la capacité de dépenser 80 000 ou 100 000 dollars, mais pas pour ceux qui restent en France. C’est un premier problème.

    Mais l’ambiguïté de son discours porte également sur la PMA. La ministre vient de nous dire qu’une majorité des Français, notamment les moins de cinquante ans, y étaient favorables. Vous sous-entendez sans doute que ceux qui ont plus de cinquante ans ne font pas partie des Français et ne comptent pas à vos yeux, et que leur avis ne devrait pas être pris en compte ! Quel mépris pour une partie de la population !

    Cela traduit votre vision sectaire de la société : il y a d’un côté ceux qui détiennent la vérité, et les autres qui doivent être traités par le mépris.

    Je souhaiterais, puisque la garde des sceaux n’a toujours pas clairement donné sa position, en dépit de nos questions, sur la PMA pour convenance personnelle, qu’elle nous dise si elle y est favorable.

    M. Sébastien Denaja et M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Christian Jacob. La ministre de la famille vient d’y faire référence. Elle doit s’expliquer, et elle est ici à la disposition des parlementaires, pour répondre à nos questions. Pas pour faire des discours de morale !

    Madame la ministre, êtes-vous oui ou non favorable à la PMA ?

    Après l’article 1er

    M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Et la réponse de la ministre !

    M. le président. Le Gouvernement prend la parole quand il le souhaite. Vous avez posé votre question, les ministres interviendront quand elles le voudront.

    La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4362.

    M. Alain Tourret. Je pense que cet amendement va apporter un peu de sérénité.

    Je propose qu’après l’article 34 du code civil soit inséré un article 34-1 ainsi rédigé : « Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. ».

    En effet, l’officier d’état civil, le maire, agit comme responsable de l’état civil dans le cadre de la délégation de l’État, en particulier pour le contrôle et la rédaction des actes d’état civil.

    Malgré toutes les fonctions qui sont les siennes, il doit être soumis, chacun le comprend bien, à un contrôle dans le cadre de cette mission essentielle.

    À qui faut-il confier cette mission de contrôle et de surveillance des officiers d’état civil ? À l’évidence, au procureur de la République, car celui-ci représente l’État pour tout ce qui concerne l’ordre public civil.

    Alors que certains, infiniment peu nombreux, envisagent de ne pas respecter la loi et par là même de s’opposer à des demandes de citoyens, il est donc essentiel de donner ce pouvoir de contrôle au procureur de la République.

    Le rôle du procureur doit donc être rappelé dans le code civil pour tous les actes de l’état civil, à un moment essentiel de la rédaction du code civil, c’est-à-dire après l’article 34.

    C’est une garantie et une liberté, et je ne doute pas que nous soyons tous d’accord sur cette loi de liberté.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis favorable. M. Tourret a raison, c’est une utile consécration législative du rôle du procureur de la République en matière d’état civil.

    Il est vrai qu’en l’état actuel du droit, plusieurs articles portent sur le rôle dévolu au procureur de la République. Par exemple, vérifier l’état des registres d’état civil lors de leur dépôt au greffe, ou bien lorsqu’il est saisi par l’officier d’état civil d’un doute, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, sur la décision des parents de lui attribuer tel ou tel prénom.

    Il s’agit donc d’une proposition utile, permettant d’intégrer dans notre code civil un article général reconnaissant cette compétence au procureur de la République.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Tourret, le Gouvernement émet également un avis favorable. En général, vos amendements sont de très grande qualité et concernent des sujets importants. Celui-là ne déroge pas à la règle.

    L’état civil est en effet placé sous l’autorité du service public judiciaire. Au quotidien, les officiers d’état civil doivent solliciter le parquet pour toute une série de problèmes concernant la rédaction d’actes, lorsqu’il s’agit par exemple d’attribuer un nom à un enfant, lorsqu’il y a une difficulté dans l’élaboration d’un dossier de mariage et un risque éventuel d’annulation de mariage. De même lorsqu’il existe une suspicion de mariage blanc, les dispositions des articles 171 et 175 du code civil s’appliquent, et elles demeurent identiques pour les couples hétérosexuels et homosexuels.

    Par conséquent, il y a lieu de consacrer ce rôle du parquet, et donc de replacer le procureur de la République dans l’autorité de contrôle et de surveillance qu’il exerce quotidiennement au regard des nombreuses dispositions du code civil.

    Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable et vous remercie même de cet amendement qui permet de consacrer solennellement ce rôle dans notre code civil.

    M. le président. Sur l’amendement n° 4362, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je commencerai par répéter, après notre président Christian Jacob, que les propos de la ministre chargée de la famille sont inacceptables. Elle a voulu disqualifier une partie du corps électoral, considérant qu’il y avait deux catégories de Français : ceux de moins de cinquante ans dont l’opinion importe, et les plus de cinquante ans dont l’opinion est indifférente. Les uns et les autres forment notre nation.

    M. Philippe Gosselin. C’est de la discrimination !

    M. Hervé Mariton. S’agissant de l’amendement de M. Tourret, il n’est peut-être pas mauvais en lui-même, mais il renvoie cruellement aux lacunes du texte, et aux questions non résolues posées à la page 26 de l’étude d’impact.

    Il nous est dit hypocritement que la réforme envisagée n’aura pas de conséquences sur les actes d’état civil ; mais on nous renvoie immédiatement après à l’instruction générale relative à l’état civil dont le travail de refonte est actuellement en cours. Il n’y aurait pas de conséquences, mais l’on refait tout ?

    Il nous est par ailleurs indiqué, et la ministre l’a rappelé, qu’un nouveau modèle de livret de famille sera adopté par arrêté afin de l’adapter à la situation des couples de personnes de même sexe. Pourquoi tout cela ? Un mariage unique, mais malgré tout, parce que les réalités s’imposent, deux livrets de familles distincts. N’est-ce pas discriminant ?

    On nous dit : « Dormez, bonnes gens », mais l’essentiel est à venir par voie réglementaire. Vous n’avez rien réglé s’agissant du livret de famille. La ministre a même reconnu, avec une certaine honnêteté, que les mots à utiliser n’étaient pas connus aujourd’hui, parce qu’ils sont évidemment difficiles à définir, et que tout avait été renvoyé à un arbitrage du Premier ministre.

    Vous avez voté un article sans en connaître les conséquences ; peut-être pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences réglementaires si, par malheur, la loi était votée. Car l’article 1er a été voté, mais pas la loi !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

    M. Bernard Accoyer. Cet amendement interpelle tous les élus que nous sommes. Il touche au bon fonctionnement et à la liberté d’exercice du mandat des élus. L’amendement prévoit en effet que ceux-ci, en tant qu’officiers d’état civil, exerceraient leurs responsabilités sous le contrôle et la surveillance des procureurs de la République.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la loi !

    M. Bernard Accoyer. Tous les élus locaux de France exercent déjà leur mandat, évidemment, dans le respect de notre législation.

    Cet amendement, à cet instant de nos débats, vise à contraindre les maires et les élus locaux à exercer, sous le contrôle et la surveillance du procureur, les nouvelles responsabilités qui leur incomberaient si le texte en cours était voté. Il concerne notamment la déclaration du Président de la République devant le congrès national des maires de France, qui était certainement sincère, sur la liberté de conscience des maires pour prononcer le mariage de deux personnes de même sexe. L’amendement traduit en réalité une volonté de contraindre des élus qui, d’ores et déjà, exercent leurs responsabilités dans le cadre de la loi.

    Que dirait notre collègue Mamère, lui qui avait célébré un tel mariage à titre de provocation il y a quelques années ? D’ailleurs, la justice avait été saisie et avait annulé cet acte d’état civil, ce qui prouve bien qu’il y a déjà tout ce qu’il faut dans la loi pour que les élus locaux, en leur qualité d’officier d’état civil, puissent respecter les dispositions légales.

    Cet amendement est inutile, il a un caractère de provocation, mais surtout il a un relent de contrainte, de surveillance et de contrôle des élus locaux qui soulève un problème majeur pour les démocrates que nous sommes tous ici. Évidemment, nous voterons contre.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est exact que cet amendement confirme la réalité actuelle. Mais il la fait entrer dans le code civil, ce qui n’est pas rien.

    Figurez-vous, chers collègues, que le principe selon lequel l’officier d’état civil agit pour tous les actes d’état civil sous l’autorité du procureur est un principe intangible.

    S’agissant du mariage en particulier, un maire ne peut pas refuser de célébrer un mariage. S’il a une question ou un doute sur le consentement ou la capacité, il doit saisir le procureur, car c’est l’autorité judiciaire qui est seule compétente pour autoriser la célébration ou la refuser.

    Ce texte ne concerne d’ailleurs pas seulement le mariage, mais tous les actes d’état civil. Au-delà de la question posée par Bernard Accoyer, il vise l’ensemble des responsabilités confiées par la loi à un officier d’état civil.

    M. Marc Le Fur. Rappel au règlement, monsieur le président !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est très important d’inscrire dans la loi…

    M. Gérald Darmanin. Votre texte ne passera pas au Sénat !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …l’autorité exercée par le procureur de la République sur les officiers d’état civil, parce que la plupart de nos concitoyens ignorent ce principe. En inscrivant clairement ce dernier dans le code civil, on conforte la réalité selon laquelle le maire assume toutes ses responsabilités sous l’autorité du pouvoir judiciaire lorsqu’il est officier d’état civil, de la même façon qu’il agit sous la double autorité du préfet et du procureur de la République quand il est officier de police judiciaire.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58 !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà des problèmes du mariage – car ce dispositif ne concerne pas uniquement le mariage –, l’inscription de ce principe dans le code civil sera utile à nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe RRDP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4362.

    M. Marc Laffineur. Et les explications de vote ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 294

    Nombre de suffrages exprimés 294

    Majorité absolue 148

    Pour l’adoption 210

    contre 84

    (L’amendement n° 4362 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je vous avais demandé la parole pour un vrai rappel au règlement : je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir sur le fond, pour déclarer que j’étais contre cet amendement et que cette idée était insultante pour les élus, comme d’autres l’ont dit avant moi.

    Je souhaite intervenir sur un aspect de procédure. Nous avons discuté d’un amendement déposé par notre collègue Alain Tourret ; or je traite le sujet, très différemment sur le fond, dans l’amendement n° 59 qui sera appelé un peu plus tard.

    M. Bernard Roman. Et alors ?

    M. Marc Le Fur. Je suis surpris que l’organisation de nos débats n’ait pas prévu de lier la discussion de ces amendements, afin que chacun puisse s’exprimer et que nous obtenions une réponse globale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il fallait le dire avant !

    M. Marc Le Fur. Chacun en conviendra : en délitant notre débat, nous atténuons la nécessaire clarté de nos échanges ! (Mêmes mouvements.)

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1447 et 55, pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n° 1447.

    M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement donne aux couples le droit de célébrer leur mariage civil dans toutes les communes de France.

    Les articles 74 et 165 du code civil prévoient que le mariage est célébré dans la commune où l’un des époux a son domicile ou sa résidence. Les habitants de cette commune et, le cas échéant, ceux de la commune où l’autre époux réside, sont informés du mariage à venir par le biais de la publication des bans, en vertu des articles 63 et 166 du code civil. Cette publication vise à faire connaître le mariage à tous, afin que toute personne soit à même de s’y opposer, en démontrant d’éventuels empêchements ; elle est aussi censée contribuer à limiter le risque de mariages de complaisance.

    Eu égard à ces considérations, cet amendement permet donc de célébrer un mariage dans toutes les communes de France, tout en maintenant la règle de la publication des bans dans les communes de résidence des futurs époux, en plus de sa publication dans la commune de célébration du mariage.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 55.

    M. Gérald Darmanin. Cet amendement nous permet de revenir sur un fait sans doute sans précédent dans l’histoire de la Ve République. Le Président de la République s’est rendu au congrès des maires de France…

    Un député du groupe SRC. Il y va, lui, au moins !

    M. Gérald Darmanin. …pour annoncer, la main sur le cœur, l’instauration d’une liberté de conscience. Il s’y est fait applaudir, avant de recevoir le lendemain, en catimini – et non à la loge comme certains parlementaires de cette assemblée –, des associations et lobbies pour leur dire qu’il reviendra sur sa position et laissera sans doute au Parlement le soin de décider.

    Nous aurions dû écouter Martine Aubry ! Peut-être le parti socialiste aurait-il dû aussi écouter davantage Martine Aubry ! Il y avait effectivement du flou dans la politique et les convictions du Président de la République ! Quel crédit peut-on accorder à sa parole, lorsqu’il promet à des milliers de maires d’instaurer une liberté de conscience, avant de dire le contraire le lendemain et de laisser ensuite le Gouvernement et la majorité parlementaire revenir sur ses déclarations ?

    Monsieur le président, je souhaite souligner l’étrangeté de l’avancée de nos travaux. À l’heure où nous parlons d’un acte III de la décentralisation et où nous accordons de plus en plus de confiance aux élus locaux, nous voulons contrôler leurs actions. Finalement, ce n’est pas l’amour qui n’exclut pas le contrôle, mais le contrôle qui exclut l’amour que l’exécutif et la majorité parlementaire ont envers les élus locaux.

    Monsieur Tourret, je ne fais pas beaucoup de cas de votre amendement n° 4362 au Sénat. Nous en reparlerons sans doute dans les prochaines semaines, quand le texte reviendra dans notre assemblée.

    Finalement, l’amendement que je soutiens est un amendement socialiste, « hollandiste », ce qui fera plaisir à un certain nombre d’entre vous. Il vise à concrétiser la promesse du Président de la République à tous les maires de France. Le respect de la parole donnée vaut aussi pour le Président de la République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’amendement n° 1447 autorise la célébration du mariage dans la commune choisie par les époux. Mais l’aspect symbolique du mariage célébré au milieu de sa communauté, dans la commune où l’on vit, est extrêmement important en termes de reconnaissance sociale. Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, notamment au cours de la discussion générale : la charge symbolique est fondamentale ! C’est la raison pour laquelle – vous l’avez d’ailleurs vous-mêmes suggéré – les bans sont publiés sur les frontons de nos mairies. Il y a donc une contradiction dans votre proposition qui n’a qu’un seul but : permettre aux maires de refuser de célébrer le mariage d’un couple de personnes de même sexe. L’ancrage géographique est symboliquement fondamental.

    Quant à l’amendement n° 55, sa rédaction laisse entrevoir tous les motifs de refus laissés à la libre appréciation du maire. On pourrait donc imaginer que le refus soit motivé par des raisons fondées sur la nationalité, sur la religion, ou sur d’autres motifs. Ce n’est évidemment pas acceptable.

    M. Gérald Darmanin. C’est pourtant un amendement Hollande !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces deux amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est également défavorable. Cet amendement est un simple contournement.

    M. Gérald Darmanin. C’est l’amendement du Président de la République !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous connaissons votre demande : vous l’avez formulée à plusieurs reprises, nous l’avons entendue et nous y avons répondu. Il existe déjà des dispositions juridiques relatives aux situations dans lesquelles le maire, agissant en qualité d’officier d’état civil, refuserait de célébrer un mariage ; ces dispositions concernaient déjà les couples hétérosexuels.

    Toutes les propositions de contournement que vous présenterez recevront un avis défavorable du Gouvernement. Il n’est pas question de concevoir, sous une forme ou sous une autre, ce que vous appelez une clause de conscience.

    M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

    M. Sébastien Pietrasanta. La série d’amendements que vous présentez, dont certains sont d’ailleurs cosignés par les députés du Front national (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

    M. Yann Galut. Eh oui !

    M. Sébastien Pietrasanta. …et qui invoque la liberté de conscience des maires pour que ceux-ci puissent déléguer la célébration des mariages de couples de personnes de même sexe (Mêmes mouvements),…

    M. Yann Galut. C’est la réalité ! Vous signez des amendements avec les députés du Front national !

    Un député du groupe SRC. C’est l’alliance morale !

    M. Christian Jacob. Amalgame !

    M. Sébastien Pietrasanta. …est à la fois hypocrite, antirépublicaine et discriminatoire.

    M. Hervé Mariton. Vous êtes dur à l’égard de François Hollande !

    M. Sébastien Pietrasanta. Elle est hypocrite, parce que la loi permet déjà à un maire de déléguer la célébration d’une union à ses adjoints (Mêmes mouvements),…

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

    M. Sébastien Pietrasanta. …voire à certains des conseillers municipaux sous certaines conditions.

    Elle est antirépublicaine, parce que le maire qui célèbre une union en qualité d’officier d’état civil, sous le contrôle du procureur de la République, n’a plus le visage de l’élu à la tête de sa commune, mais celui d’un agent de l’État tenu à une obligation de neutralité…

    M. Yann Galut. Exactement !

    M. Sébastien Pietrasanta. …qui incarne et personnifie la République aux yeux des citoyens.

    En vérité, le maire ne peut seul se refuser à marier un couple.

    M. Yann Galut. Vous avez signé cet amendement avec le FN : c’est un scandale !

    M. Sébastien Pietrasanta. Vos amendements sont également discriminatoires, car vous instrumentalisez le recours à la liberté de conscience du maire à double titre.

    M. Philippe Vitel. Mais c’est le Président de la République qui le dit !

    M. Sébastien Pietrasanta. Vous refusez une évolution sociétale souhaitée par une majorité de citoyens.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut le dire au Président de la République !

    M. Sébastien Pietrasanta. En empêchant l’application de la loi sur l’ensemble du territoire national, l’institution d’une liberté de conscience pour les maires constituerait une atteinte majeure au principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par la Constitution.

    Par l’octroi d’une prétendue liberté de conscience aux maires, on empêchera demain nos concitoyens de bénéficier de droits identiques dans toutes les communes de France. On contraindra certains à partir dans une autre commune pour se marier. Imaginez un couple d’homosexuels nés, vivant et travaillant dans leur commune, à qui on dirait : « Non, le maire ne veut pas vous marier : allez d’ailleurs, on ne célèbre pas de mariage homosexuel dans la commune. » C’est scandaleux !

    Sous l’apparence d’une liberté, vous instituez une discrimination inacceptable.

    M. Jean-Marie Sermier. C’est faux !

    M. Sébastien Pietrasanta. Allez jusqu’au bout de votre raisonnement ! Que dire si un maire refuse de célébrer une union pour des motifs tenant à la personnalité du couple, à sa condition sociale ou à ses opinions ?

    M. Christian Jacob. Rien à voir !

    M. Jean-Marie Sermier. Vous n’avez pas lu l’amendement !

    M. Sébastien Pietrasanta. Au nom d’une prétendue liberté de conscience du maire, on masque en réalité un refus de se conformer aux principes fondamentaux. C’est, en définitive, la République elle-même qui s’en trouverait affaiblie.

    Comme je suis persuadé que l’UMP compte aussi des républicains qui refusent de nouer des alliances avec le Front national mais sont attachés à nos principes républicains fondamentaux,…

    M. Gérald Darmanin. Comme François Hollande !

    M. Sébastien Pietrasanta. …je les appelle à voter contre ces amendements.

    M. le président. Sur les amendements nos 1447 et 55, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je me permets de vous faire observer que la jonction de ces deux amendements est assez critiquable,…

    M. Christian Jacob. Exactement !

    M. Hervé Mariton. …car ils n’ont franchement pas le même objet.

    J’ai évoqué l’amendement n° 1447 en commission. À cette occasion, le président de la commission m’a même demandé d’entonner une chanson de pionnier soviétique : je ne veux pas vous l’infliger de nouveau ici. (Sourires.)

    M. Christian Jacob et M. Marc Le Fur. Les deux amendements doivent faire l’objet de deux votes séparés !

    M. Hervé Mariton. Je crois que l’amendement proposé par nos collègues n’est pas une bonne idée. Il est important de garder une notion d’enracinement dans le mariage ; or la proposition de pouvoir célébrer le mariage dans n’importe quel lieu du territoire abîme cette idée. Notre société a besoin d’enracinement : la famille et le mariage y contribuent, et il est important que des critères de domicile ou de résidence – au demeurant mis en œuvre avec une certaine intelligence pratique sur l’ensemble du territoire national – permettent de maintenir ce lien entre les conjoints et le territoire.

    L’amendement n° 55 est tout simplement une tentative de traduction des engagements du Président de la République. Monsieur le président, il existe dans notre règlement des dispositions qui permettraient de sanctionner les insultes graves au chef de l’État que nous venons d’entendre…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

    M. Hervé Mariton. …à propos de l’hypocrisie et du caractère antirépublicain et discriminatoire de ces idées !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est scandaleux d’insulter le chef de l’État !

    M. Philippe Gosselin. C’est incroyable !

    M. André Schneider. C’est même curieux !

    M. Hervé Mariton. Peut-on à ce point, dans notre assemblée, traiter impunément le Président de la République d’hypocrite, d’antirépublicain et de partisan des discriminations ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut pas considérer, dans une démocratie, que le chef de l’État s’exprime devant le congrès des maires et que tout cela ne vaut rien ! On ne peut pas considérer que l’on peut insulter le Président de la République de cette manière dans notre hémicycle (Mêmes mouvements), et que les députés et les Français n’auraient qu’à passer leur chemin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

    M. Jacques Lamblin. Je reviens sur l’amendement n° 1447. Les mots ont un sens, et cet amendement prévoit bien que le mariage peut être célébré dans la commune choisie par les époux.

    Je ne suis pas d’accord avec Hervé Mariton sur ce sujet. Comme beaucoup d’entre vous ici, je suis maire. Nous voyons très souvent des jeunes gens issus de notre commune mais l’ayant quittée depuis bien longtemps qui aimeraient s’y marier. Dans ce cas, on déclare qu’ils sont résidents parce que leurs parents vivent encore dans la commune, mais ce n’est quand même pas tout à fait la vérité. L’amendement n° 1447 permettrait donc de faire entrer dans la légalité une pratique relativement courante. Souffrez, chers collègues, d’entendre cette proposition !

    M. Philippe Vitel. Il a raison.

    M. Jacques Lamblin. Je vais vous faire un aveu : je cumule les mandats ! (Exclamations et sourires.) Je suis votre pair et je suis maire. Je suis l’un des derniers « hétéro-élus »... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Alors, je vous en prie, essayez de nous écouter !

    M. Pascal Popelin. Très mauvais !

    M. Bernard Roman. Quelle finesse !

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

    M. François Rochebloine. Je souhaite revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille.

    M. Hervé Mariton. Des familles !

    M. Christian Jacob. Et de la GPA !

    M. François Rochebloine. S’appuyer sur des sondages concernant une partie seulement de la population est grave et relève aussi de la discrimination.

    Pour ma part, je suis très favorable à ces deux amendements comme la très grande majorité du groupe de l’UDI, même s’ils ne sont pas présents aujourd’hui. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Où sont-ils ?

    M. Patrick Bloche. Vous êtes tout seul !

    M. François Rochebloine. Rappelez-vous, chers collègues, de votre attitude lorsque vous étiez dans l’opposition ! De grâce, pas de leçons ! Car nous pourrions vous les renvoyer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Lors du congrès des maires de France, le Président de la République a été très clair lorsqu’il a évoqué la clause de conscience. C’est important. Certes, il est dit que les maires peuvent se faire remplacer par les adjoints ou les conseillers municipaux, par délégation.

    M. Pascal Popelin. Ce n’est pas ce que le Président a dit.

    M. François Rochebloine. Mais que se passe-t-il s’ils refusent tous ? Il faudra s’en remettre aux procureurs. Pour ma part, je préfère m’en remettre à la proposition du Président de la République sur la clause de conscience. Nous voterons donc ces deux amendements.

    M. Marc Le Fur et M. Christian Jacob. Très bien.

    M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

    Mme Brigitte Bourguignon. Je souhaite intervenir sur l’amendement n° 55 pour deux raisons essentielles.

    D’abord, il n’est pas question pour moi de banaliser le fait que des députés UMP aient cosigné un amendement avec M. Bompard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) dont on a pu mesurer la haute estime qu’il avait pour le travail parlementaire, à la lecture des amendements édifiants qu’il a déposés, ainsi que la haute opinion qu’il a des personnes homosexuelles.

    M. Matthias Fekl. En effet !

    Mme Brigitte Bourguignon. Il me semble que les barrières idéologiques tombent un peu trop facilement sous couvert du travail parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

    Mme Brigitte Bourguignon. Ensuite, depuis des semaines, nous nous battons en faveur de l’égalité des droits et de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Aussi, botter en touche en invoquant la liberté de conscience est un peu facile !

    M. Jean-Frédéric Poisson et M. André Schneider. Dites-le au Président de la République.

    Mme Brigitte Bourguignon. Cela prouve au contraire, chers collègues, notre grande liberté d’expression dans cet hémicycle.

    M. Bernard Roman. Très bien.

    Mme Brigitte Bourguignon. La notion de la liberté de conscience ; c’est introduire de fait une nouvelle discrimination car, malgré leur droit nouveau, enfin obtenu, à se marier, les couples homosexuels se verraient, au final, fermer les portes de leurs mairies, face aux maires qui refuseraient d’appliquer la loi. Il convient de rappeler qu’un maire est d’abord et avant tout un élu de la République, élu par et pour le peuple.

    M. Philippe Gosselin. Le maire est élu par le conseil municipal, pas au suffrage universel.

    Mme Brigitte Bourguignon. À ce titre, il a la double responsabilité d’être à la fois l’exécutif de sa commune, mais aussi un agent de l’État dans sa fonction d’officier d’état-civil.

    M. Marc Laffineur. Dites-le au Président de la République.

    Mme Brigitte Bourguignon. Il se doit donc de mettre de côté ses propres convictions, politiques ou religieuses, pour appliquer la loi et seulement la loi. Les maires, en toute responsabilité, en ont d’ailleurs parfaitement conscience et peu d’entre eux s’en affranchiraient.

    Cet amendement est encore une manière de refuser l’égalité des droits et le mariage pour tous. Il convient donc de le rejeter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n°1447.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 263

    Nombre de suffrages exprimés 253

    Majorité absolue 127

    Pour l’adoption 41

    contre 212

    (L’amendement n°1447 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 55.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 242

    Nombre de suffrages exprimés 237

    Majorité absolue 119

    Pour l’adoption 55

    contre 182

    (L’amendement n° 55 n’est pas adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement. Vous avez promis de faire un « vrai » rappel au règlement, monsieur Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. En effet, monsieur le président. Je tiens toujours mes promesses. Mon épouse pourrait vous le confirmer ! (Sourires.)

    Je souhaite réagir, en me fondant sur l’article 58, aux interpellations de M. Pietrasanta et de Mme Bourguignon. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux. Vous n’avez pas à y réagir !

    Mme Catherine Lemorton. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

    M. Gérald Darmanin. Leur intervention a en effet une conséquence sur le déroulement de nos débats.

    En affirmant qu’il y aurait deux catégories de parlementaires, ceux qui cosignent des amendements et ceux qui ne le font pas.

    M. Bernard Roman. Avec le Front national !

    M. Gérald Darmanin. Je suis né en 1982 – cela peut faire rougir un certain nombre d’entre vous – (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC.) et je fais donc partie de la génération Mitterrand. Je vous rappelle que s’il y a eu un groupe Front national à l’Assemblée, c’est grâce à M. Mitterrand, dont vous souteniez la majorité, qui avait accepté la proportionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Rien à voir !

    M. Gérald Darmanin. Et si Mme Marion Maréchal-Le Pen siège aujourd’hui sur ces bancs, c’est parce que la candidate socialiste a refusé de se retirer au second tour. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Vergnier. Cela ne se reproduira pas !

    M. Gérald Darmanin. Je rappellerai enfin que j’habite une ville où par quatre fois, le maire socialiste a été élu grâce à une triangulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Est-ce vraiment un rappel au règlement ?

    M. Gérald Darmanin. Les parlementaires sont élus et représentent le peuple. Aux prochaines élections, il vous appartiendra de les faire battre ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Lamblin. Il a raison.

    M. Yann Galut. M. Jacob ne répond pas !

    M. le président. Monsieur Galut ! Quelle énergie !

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 17.

    Mme Annie Genevard. Cet amendement résulte d’une demande du président des maires de France. En février 2011, il avait saisi le garde des sceaux afin d’introduire une modification qui permette à de futurs époux de se marier à la mairie du lieu de résidence des parents. Comme l’a dit mon collègue Jacques Lamblin, il s’agit d’une demande assez fréquente, et qui avait fait l’objet d’un amendement gouvernemental. Mais le Conseil constitutionnel l’a retoqué au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, donc pour une question de forme.

    Aussi, nous souhaitons profiter de ce projet de loi pour permettre de répondre aux préoccupations de nombreux maires, mais aussi de nombreuses familles.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit en effet la reprise d’un amendement qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel en décembre 2011 au motif que c’était un cavalier législatif.

    M. Philippe Gosselin. En l’occurrence, notre amendement n’est pas un cavalier législatif.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Néanmoins, on peut douter de l’opportunité de réintroduire un tel dispositif dans ce texte. Nous sommes dans le cadre d’un texte très précis qui ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe. Or votre proposition s’applique à tous les mariages, à tous les couples.

    En outre, vous pourriez laisser croire que c’est un moyen pour les maires de refuser de célébrer un mariage. La majorité a le souci de ne pas envoyer ce type de message dans le cadre de ce texte. Avis défavorable donc.

    M. Hervé Mariton. Je ne vois pas où il y a un tel message !

    Mme Arlette Grosskost. Non, vous faites un contresens.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au vu de vos contestations, j’ai un doute.

    Il s’agit bien de l’amendement n° 17 de M. Pélissard ?

    M. le président. Oui, madame la garde des sceaux.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je fais preuve d’une prudence inhabituelle par rapport à mon tempérament… mais il est plus sage de savoir sur quel amendement on parle (Sourires).

    L’avis du Gouvernement est défavorable. En ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, le Gouvernement estime faire œuvre d’égalité républicaine. C’est au nom de cette égalité républicaine qu’il n’est pas concevable qu’en un point quelconque du territoire, un couple ne puisse pas se marier…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le message de l’amendement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous parlons du lieu. D’accord ?

    Il n’est pas concevable qu’en un point quelconque du territoire, un couple ne puisse pas se marier dans le lieu prévu actuellement par le code civil. Ce lieu est la résidence du couple ou des parents…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Il faudrait peut-être éclaircir les choses, monsieur le président, pour éviter de parler de choses différentes.

    M. le président. Nous examinons bien l’amendement n° 17. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Accoyer. Le rapporteur nous a induits en erreur.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes en train d’examiner l’amendement n° 17 présenté par M. Pélissard, Mme Kosciusko-Morizet, M. Apparu, M. Alain Marleix, M. Chartier, Mme Genevard, qui l’a défendu, M. Abad, M. Decool, M. Philippe Gosselin, M. Gérard, M. Olivier Marleix et M. Mariton.

    M. le président. C’est cela, madame la garde des sceaux. (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai le droit, monsieur le président, de faire une belle manière à l’opposition !

    M. le président. En effet !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’il y avait eu cent noms, je m’en serais dispensée, mais là c’était possible... (Sourires.)

    Les auteurs de cet amendement proposent d’insérer après l’article 1er l’article suivant : « À l’article 74 du code civil, après le mot : "époux", sont insérés les mots : ", ou le ou les parents de l’un des deux époux,". »

    M. Hervé Mariton. Oui.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans l’exposé sommaire, il est dit qu’il s’agit de donner la possibilité légale aux futurs époux de se marier à la mairie du lieu de résidence des parents des époux, pour des motifs à la fois d’ordre sentimental ou pratique.

    M. Hervé Mariton. Où est le problème ?

    M. Philippe Gosselin et M. Bernard Accoyer. En pratique, cela se fait déjà.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement voit dans cet amendement une possibilité de ne pas être marié dans la mairie…(« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Annie Genevard. Pas du tout, madame la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors explicitez votre amendement. Indépendamment de ce que vous pensez..

    M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas de polémique.

    Mme Annie Genevard. Faisons une suspension de séance.

    M. Bernard Accoyer. On souffre tous d’un peu d’hypoglycémie. Faisons une pause !

    M. le président. Madame Genevard, je vous redonne la parole pour une nouvelle explication afin de clarifier le débat.

    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, nous sommes très souvent sollicités par des jeunes gens qui veulent se marier dans la commune de résidence de leurs parents…

    M. Bernard Accoyer. Voilà !

    Mme Annie Genevard. …là où ils ont grandi, là où ils ont leurs amis. Très souvent, nous acceptons, et nous régularisons la situation en indiquant qu’il s’agit d’une adresse de résidence. Il s’agit donc de mettre en conformité la loi avec l’usage et de permettre à des jeunes gens de se marier dans leur commune d’origine. Il ne s’agit pas de tricher, madame la garde des sceaux : nous voulons prendre en compte un état de fait. L’un des motifs de votre projet de loi n’est-il pas précisément de mettre en conformité la loi avec la réalité des usages ? Dans notre amendement, il ne s’agit pas d’autre chose que cela. Nous ne voulons pas biaiser avec la loi ou ouvrir déraisonnablement les procédures ; nous voulons simplement étendre les possibilités, de manière tout à fait encadrée, en permettant à des jeunes gens de se marier dans la commune où ils ont grandi et où leurs parents résident encore.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance de manière que nous puissions discuter de ces éléments.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à treize heures vingt-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La commission des lois souhaitant disposer de davantage de temps pour étudier cet amendement, je vais lever la séance.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Jusqu’à 16 heures !

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)

  • 2e séance du samedi 2 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et commencé la discussion de l’amendement n° 17 portant article additionnel après l’article 1er.

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. Sur cet amendement, monsieur le rapporteur, nous nous sommes quittés à la fin de la séance précédente alors que vous évoquiez un possible sous-amendement qui tienne compte de la discussion.

    Vous avez la parole pour présenter maintenant ce sous-amendement qui porte le numéro 5370.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, mes chers collègues, l’amendement n° 17, déposé par M. Pélissard et soutenu par Mme Genevard, reprend mot pour mot un article de la loi relative à la répartition des contentieux, adoptée en 2011, article qui avait fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel considérant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Cet amendement, qui prévoit la possibilité pour un couple de choisir la commune de ses parents pour se marier, a reçu l’avis défavorable de la commission, refus qui était motivé par la volonté de ne pas donner un quelconque signal aux maires qui souhaiteraient se libérer de la demande que lui ferait un couple de même sexe de se marier dans sa commune.

    M. Hervé Mariton. Notre amendement serait-il totalement suspect ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Non, monsieur Mariton. Simplement, le contexte pourrait conduire à donner un certain signal. Vous allez d’ailleurs maintenant défendre des amendements qui visent à faire valoir la clause de conscience. Certes, si l’amendement n° 17 est examiné en discussion commune avec tous ces amendements identiques car leur présentation l’impose, je sais que l’intention de M. Pélissard ni de Mme Genevard n’était pas de le voir présenté en même temps. En tout état de cause, je propose donc un sous-amendement, no 5370, tendant à préciser que la possibilité de se marier dans la commune des parents n’est ouverte qu’à la demande exclusive de l’un des deux époux. Cela permettrait d’éviter toute mauvaise interprétation dans le contexte que je viens de rappeler, c’est-à-dire toute lecture de l’amendement qui pourrait laisser croire qu’un maire aurait la possibilité de se libérer de son obligation à l’égard d’un couple de même sexe. Si ce sous-amendement est adopté, nous pourrions nous retrouver, sur tous les bancs, pour voter l’amendement n° 17.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Je prends acte de ce sous-amendement, mais, monsieur le rapporteur, vous eussiez pu en faire l’économie parce que le fait que notre amendement se soit trouvé dans la liasse des amendements dits de conscience n’est pas de nature à jeter le soupçon sur lui : il n’a rien à voir avec une clause de conscience, mais simplement avec un usage extrêmement répandu dans notre pays. C’est la seule raison pour laquelle nous l’avons déposé. Néanmoins, nous prenons acte du fait que vous en validez l’esprit et, quasiment à la virgule près, la lettre. Nous pourrions ainsi valider de concert l’amendement n° 17 et donc nous retrouver, monsieur le rapporteur.

    M. le président. Sur l’amendement n° 17, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Ce que nous allons faire est utile, mais je note que le contexte de la fin de matinée était extrêmement curieux : un contresens complet de la part du rapporteur et une certaine incompréhension de la part du Gouvernement.

    Notre amendement est un amendement de bon sens qui permettrait de bien organiser le mariage en élargissant un peu les critères actuels concernant le lieu de la cérémonie, tout en conservant un lien territorial. Que vous arriviez à y lire ce qui n’y figure en aucune manière, montre le degré de suspicion qui règne au sein de la majorité et même, avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, votre degré d’incompréhension du texte.

    J’espère que Mme la garde des sceaux, pour son anniversaire, fera cadeau au groupe UMP d’un avis favorable sur un amendement qui est de bon sens.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Cela n’a pourtant rien à voir ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Je souhaite que dorénavant chacun parle des choses telles qu’elles sont, et que le rapporteur et la majorité ne soient pas entraînés à nous faire dire ce que l’on n’a pas dit, ou écrire ce que l’on n’a pas écrit !

    Mme Laurence Dumont. Bavardage !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Je soutiens pour ma part cet amendement. Dans la commune dont je suis maire, les futurs époux me demandent très souvent de s’y marier parce qu’ils s’y sont rencontrés ou parce que c’est un lieu où ils se retrouvent en famille. Or c’est fréquemment impossible car, pour des raisons professionnelles par exemple, ils n’habitent pas dans la commune.

    Je me joins donc à tous ceux qui souhaitent que cet amendement de bon sens soit adopté, d’autant qu’il a été défendu par l’Association des maires de France et qu’il a déjà été voté sous la précédente législature.

    À cet égard, je suis d’ailleurs surpris de l’attitude première du rapporteur. Certes, le Conseil constitutionnel avait écarté l’amendement en question en tant que cavalier législatif, mais tel ne sera pas le cas ici. Mais votre réaction, monsieur le rapporteur, est significative de votre état d’esprit de fermeture totale à l’égard de l’ensemble des arguments et des amendements soutenus par l’opposition et, de façon générale, par ceux qui, par malheur, ne seraient d’accord avec vous.

    Au-delà du fait que l’étude d’impact ait été bâclée, ou encore que le Comité consultatif national d’éthique n’ait pas été saisi, j’espère, pour la suite des débats, que nous serons mieux entendus et que la majorité et le rapporteur comprendront enfin les effets néfastes du projet de loi, en particulier s’agissant de l’égalité des enfants, du droit de ceux-ci à connaître leur père, leur mère et leurs origines, voire de la protection des droits de l’homme et des droits de la femme : le projet de loi, qu’on le veuille ou non, ouvre en effet toute grande la porte à la PMA et à la GPA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Brigitte Bourguignon. Cela na rien à voir !

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour conclure la discussion sur cet amendement.

    Mme Annie Genevard. Certains de mes collègues m’interrogent à juste titre sur le recours à l’adjectif « exclusive » introduit par le sous-amendement. Qu’est-ce que ce terme apporte, monsieur le rapporteur ? Insérer les mots : « à la demande de l’un deux » ne suffirait-il pas.

    M. Hervé Mariton. Et ce serait mieux écrit !

    M. Bernard Roman. Mais ça ne voudrait pas dire la même chose !

    M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous la rédaction du sous-amendement ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Oui, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement ainsi amendé.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, quand vous avez dit que, pour mon anniversaire, je devais vous faire un cadeau, j’ai compris en un éclair que de nombreux malentendus entre nous viennent du fait que vous regardez le reflet des choses, comme avec un miroir, et non pas les choses telles qu’elles sont. C’est peut-être pourquoi depuis le début nous avons tant de mal à nous entendre.

    S’agissant de l’amendement, vous avez évoqué un contexte, voire un climat de suspicion, mais parlons-nous franchement : cet amendement n’arrive pas là par hasard.

    M. Hervé Mariton. Si, c’est le service de la séance qui l’a placé là !

    Mme Catherine Vautrin. M. Mariton a raison !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne dis pas qu’il y a eu manœuvre de votre part, mais s’il a été placé à cet endroit de la liasse, c’est parce qu’il y a une cohérence dans les sujets traités. Il n’arrive donc pas par hasard maintenant.

    Lorsque j’ai reçu à la Chancellerie M. le député Pélissard, président de l’Association des maires de France, dans le cadre de mes consultations sur le projet de loi, il m’a demandé que le procureur puisse intervenir avant même que le maire et ses adjoints refusent de célébrer le mariage, et qu’une modification de nature territoriale soit apportée, modification proposée aujourd’hui par son amendement.

    Lorsque vous n’obtenez pas l’adoption d’une disposition que vous souhaitez, vous présentez d’autres amendements qui vous permettent de revenir à la charge. Ainsi, quand vous n’avez pas obtenu la suppression de l’article 1er, vous et vos collègues avez défendu une série d’amendements visant à le mettre en pièces. Je ne conteste pas cette logique, c’est votre travail, votre pugnacité de force d’opposition.

    En l’occurrence, nous avons la même lecture de l’amendement, à savoir des conditions élargies concernant la résidence des futurs époux. C’est simplement parce qu’il était joint à l’ensemble des amendements visant à instaurer une clause de conscience qu’il a failli être victime d’un certain contexte.

    M. Daniel Fasquelle. C’est du sectarisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Fasquelle !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sous-amendement de M. le rapporteur permet en tout cas, sous réserve de son adoption, de jeter à bas toute suspicion. Nous faisons la loi pour qu’elle soit applicable et en évitant de créer de confusion dans les esprits.

    Le Gouvernement aurait pu se contenter de s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, mais il va plus loin en donnant très clairement un avis favorable sur ce sous-amendement. Il ne s’agit pas de permettre que, d’une façon ou d’une autre, des mariages de couples homosexuels puissent ne pas être célébrés dans une commune pour d’autres raisons que l’intérêt des futurs époux eux-mêmes. Votre amendement élargit la liberté, celle des couples hétérosexuels comme celle des couples homosexuels ; il s’agit de cela et pas d’autre chose.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. L’amendement a sans doute fait l’objet d’une lecture un peu rapide au milieu d’une liasse d’amendements, les services de l’Assemblée ne l’ayant pas distingué des amendements dits de conscience.

    Nous prenons en tout cas acte du fait que le Gouvernement valide, par le sous-amendement du rapporteur, notre démarche.

    M. Jean-Frédéric Poisson. La ministre a bien raison !

    Mme Annie Genevard. J’ajoute deux choses, madame la garde des sceaux. D’une part, le fait que l’amendement ait été déposé par le président de l’AMF a son poids car, comme vous le savez, c’est une association pluraliste, et il est permis de penser que son amendement en est l’émanation. D’autre part, vous eussiez pu, par élégance, émettre directement sur cet amendement un avis favorable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Vous êtes maximaliste, madame Genevard. (Sourires.)

    (Le sous-amendement n° 5370 est adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 17, tel qu’il a été sous-amendé.

    Le score devrait être historique ! (Sourires.)

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 275

    Nombre de suffrages exprimés 275

    Majorité absolue 138

    Pour l’adoption 275

    contre 0

    (L’amendement n° 17, sous-amendé, est adopté.)

    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. Henri Jibrayel. Historique !

    M. Philippe Gosselin. Vous voyez que l’opposition fait des propositions intéressantes !

    M. Christian Jacob. Et constructives !

    M. Jérôme Guedj. Vous êtes sur la bonne voie, chers collègues ! Encore un effort, et c’est le projet de loi que vous voterez !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4363.

    M. Alain Tourret. Compte tenu de l’adoption de l’excellent amendement n° 17 que je m’étais engagé à soutenir auprès de M. Pélissard, je retire celui-ci qui n’est finalement qu’un amendement de repli.

    (L’amendement n° 4363 est retiré.)

    M. le président. Sur les amendements suivants nos 4361 et 4364, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4361.

    M. Alain Tourret. Cet amendement vise à introduire dans le code civil l’affirmation du caractère républicain de la célébration du mariage. Vous savez, mes chers collègues, à quel point nous autres, radicaux, sommes sensibles à ce caractère républicain.

    Le mariage civil illustre à plusieurs titres les valeurs républicaines.

    Il est d’abord une liberté : le droit de se marier, de refuser le mariage, de choisir son conjoint. En ce sens, il est l’émanation de l’une des valeurs fondamentales de notre République.

    Il est aussi, depuis la Révolution française de 1789, une institution laïque. Le rite civil qui l’entoure en atteste, ceux d’entre nous qui sont maires – comme vous, monsieur le président – le savent. Lors de la cérémonie du mariage, le maire agit en sa qualité d’officier d’état civil, dans une salle de la mairie, devant le portrait de Marianne, symbole de la République, ceint de l’écharpe tricolore.

    Le rappel des dispositions du code civil marque les obligations et les devoirs nés de cet engagement. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe fait progresser encore cette institution dans le champ des valeurs de notre République.

    C’est pourquoi nous proposons qu’à l’article 165 du code civil, les mots « célébré publiquement devant l’officier d’état civil » soient remplacés par les mots « prononcés lors d’une célébration publique et républicaine. »

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis favorable de la commission, monsieur le président. Ce changement de vocable est intéressant pour des raisons que M. Tourret a suffisamment explicitées : il affirme le caractère républicain de cette célébration du mariage, soulignant la différence qui existe entre le mariage civil, républicain, et le mariage religieux.

    M. Jean-Marie Sermier. Que font les maires jusqu’à présent ?

    M. Sylvain Berrios. C’est insupportable ! C’est de la suspicion permanente !

    M. Jean-Marie Sermier. et M. Sylvain Berrios. Vous soupçonnez les maires !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y a aucune suspicion à l’égard des maires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a seulement un mot qui ajoute de la solennité non pas vis-à-vis du maire, mais vis-à-vis des couples. (Mêmes mouvements.)

    M. Sylvain Berrios. Vous méprisez les maires, c’est une accusation contre eux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement aime assez cette idée de solennité républicaine et émet donc un avis favorable à l’amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’avoue ma surprise à la lecture de l’amendement de notre collègue M. Tourret.

    Premièrement, cher collègue, ce que vous décrivez du déroulement des cérémonies dans votre exposé des motifs, montre en effet qu’il est déjà satisfait par la pratique, les textes, les habitudes, les traditions et les rites du mariage républicain.

    Deuxièmement, je suis toujours un peu circonspect quand l’un ou l’autre de nos collègues demande de préciser de manière formelle des choses déjà acquises : votre amendement aurait au contraire pour effet d’affaiblir les principes que vous voulez renforcer.

    C’est pourquoi le groupe UMP votera contre cet amendement.

    M. Guillaume Larrivé. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

    M. le président. Non, mon cher collègue. Je l’ai dit, je n’accepte pas de détournement de procédure.

    Plusieurs députés du groupe UMP veulent comme vous s’exprimer, mais j’ai annoncé qu’il n’y aurait qu’un orateur par groupe, ainsi que le prévoit le règlement, sauf sur des amendements un peu compliqués.

    La parole est à Mme Axelle Lemaire.

    Mme Axelle Lemaire. Comme Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur, cet amendement du groupe RRDP doit être soutenu. Il adjoint le qualificatif républicain au terme célébration…

    M. Christian Jacob et M. Jean-Marie Sermier. Les maires ne sont pas républicains ? Que sont-ils ?

    Mme Axelle Lemaire. … et rappelle ainsi que le mariage est une institution républicaine. C’est dans les mairies, temples républicains par excellence si j’ose l’expression, derrière les frontons qui énoncent la devise de la République, que sont célébrés les mariages avec bientôt un peu plus d’écho donné encore à l’égalité grâce à ce texte.

    Or rien, dans les dispositions du code civil relatives au mariage ne fait directement référence à la République, à part des dispositions d’ordre procédurales qui mentionnent le rôle du Président de la République et du procureur de la République.

    Pourquoi souligner, dans l’article 165 du code civil, qui traite des formalités relatives à la célébration du mariage, le caractère républicain de cette célébration ? Tout simplement parce qu’une occasion textuelle nous est ici donnée d’affirmer dans la loi ce principe désormais intangible, mais qui ne le fut pas toujours,…

    M. Christian Jacob. Que voulez-vous dire ?

    Mme Axelle Lemaire.… selon lequel le mariage fait l’objet d’une célébration républicaine. Le mariage est en effet plus qu’un seul contrat, plus que la validation d’un nouveau lien contractuel entre les époux, il est une entrée dans un cadre juridique…

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est grotesque !

    Mme Axelle Lemaire.… destiné à régir un ordre sociétal lui-même défini par les lois de la République.

    M. Philippe Gosselin. C’est dans tous les cas la loi de la République ! On ne va pas l’écrire dans chaque article !

    Mme Axelle Lemaire. Voilà ce que célèbre le maire ou ses adjoints lorsqu’il prononce le mariage et qui explique aussi l’importance du cérémoniel. (Exclamations continuelles sur les bancs du groupe UMP.) Le rituel civil se distingue au demeurant du rituel religieux puisque, si les futurs époux peuvent choisir – et c’est aussi cela la liberté – de se marier de manière confessionnelle…

    M. le président. Il faut conclure.

    Mme Axelle Lemaire.… et spirituelle, c’est le mariage républicain et lui seul qui ouvre l’accès aux droits et aux devoirs des époux. Cet amendement officialise le caractère républicain de la célébration du mariage.

    M. Hervé Mariton et M. Guillaume Larrivé. Rappel au règlement !

    M. le président. Il faut conclure, madame la députée.

    Mme Axelle Lemaire. C’est la raison pour laquelle le groupe SRC le soutient. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant procéder au scrutin sur l’amendement n° 4361. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 261

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 171

    contre 89

    (L’amendement n° 4361 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai bien écouté l’argumentation de notre collègue Axelle Lemaire et, au fond, on pourrait y adhérer car nous sommes l’assemblée de la République, des députés de la République. Sauf qu’il y a quelques semaines, à une réunion du conseil franco-britannique à laquelle je participais à Newcastle, au Royaume-Uni, et où es personnalités de différentes sensibilités politiques étaient présentes ainsi que des chefs d’entreprise et des responsables de tous horizons,…

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Hervé Mariton. …j’y ai entendu une collègue s’exprimer systématiquement non pas en tant que députée de la République mais, devant un public consterné, en tant que députée socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous avez le droit d’être membre du parti socialiste et du groupe socialiste, chère collègue, mais au moins assumez, en particulier dans un contexte qui n’est pas national, d’être députée de la République. Ce serait plus cohérent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

    M. Guillaume Larrivé. Nous savons depuis 1875 et l’amendement Wallon que nous sommes en République. Aussi est-il peu supportable pour les députés de l’opposition d’entendre les sous-entendus de l’oratrice du parti socialiste. Les 577 députés qui siègent dans cette assemblée sont les députés de la nation, de la République et les maires sont républicains (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. Guillaume Larrivé. Il n’est pas besoin d’aller leur rappeler par un amendement insultant que les cérémonies qu’ils célèbrent doivent être républicaines.

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Cet amendement a été adopté et s’il sera soumis à d’autres examens, il est applicable tel quel,…

    M. Jean-François Copé. Non !

    M. Philippe Gosselin. La loi n’est pas votée !

    M. Bruno Le Roux. …après les différentes navettes. En tout cas, il n’est pas de raison d’y revenir par un rappel au règlement.

    Nous sommes des députés de la République, et nous assumons tous des positions. Vous, des positions conservatrices ; nous, des positions progressistes (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Quand, à l’affaire de Newcastle, Axelle Lemaire, qui y a donné son opinion de députée de la République, membre du groupe socialiste, a reçu de multiples messages de félicitations et est soutenue par le groupe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Je le répète, assumez vos positions, et ne venez pas dire qu’il y aurait une représentation globale de la société ; Nous avons des idées – que nous assumons – fondamentalement différentes de vous sur la façon de regarder la société. Assumez votre côté conservateur voire réactionnaire ! En tout cas, nous nous situons, pour notre part, dans le camp du progrès ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Notre collègue Hervé Mariton s’est fait, depuis le début de l’examen de ce texte, profession de lire le règlement de l’Assemblée nationale et de faire des rappels au règlement dont vous avez donné le nombre ce matin, monsieur le président : plusieurs dizaines.

    À la suite de son dernier rappel, je l’invite à lire l’article 71-5 du règlement de l’Assemblée nationale : « Est également rappelé à l’ordre avec inscription au procès-verbal tout député qui a adressé à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces. »

    À l’avenir, battez-vous plutôt pour vos idées. N’attaquez pas les parlementaires de la majorité, n’attaquez pas le rapporteur comme vous le faites régulièrement : concentrez-vous sur vos propositions, si tant est que vous en ayez ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. C’est la première fois qu’on vous entend !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, nous avons tous été outrés par l’intervention de notre collègue Axelle Lemaire (Protestations sur les bancs du groupe SRC) qui a exprimé un véritable mépris pour les maires. Vous avez, madame, clairement sous-entendu que tous les maires ne seraient pas républicains et que les cérémonies et les actes qu’ils célèbrent ne le seraient pas non plus.

    M. Philippe Gosselin. Exactement !

    M. Christian Jacob. Combien avez-vous célébré de mariages, ma chère collègue ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Combien d’actes avez-vous célébrés pour porter une telle accusation, pour insulter la République et les maires ? (Mêmes mouvements.) Quant à vous, monsieur le président de la commission des lois, j’ai trouvé vos propos particulièrement indignes. Quand on connaît votre parcours, vous devriez être à nos côtés pour soutenir les élus et la République plutôt que de cautionner de telles accusations !

    M. Bernard Roman. Du calme !

    M. Bruno Le Roux. Quel comportement !

    M. Christian Jacob. Monsieur Le Roux, nous vous voyons passer toutes les deux heures pour faire un numéro de clown pendant un quart d’heure. Vous devriez avoir plus de dignité que cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Henri Jibrayel. C’est scandaleux !

    M. Jérôme Guedj. Honteux !

    M. le président. Mes chers collègues, nous allons siéger tout l’après-midi et une grande partie de la nuit. Nous ne pouvons pas le faire dans ce climat. Pour que chacun retrouve ses esprits, je suspends la séance pour cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

    M. le président. La séance est reprise.

    La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, j’ai entendu le président Jacob utiliser le mot « clown » pour qualifier nos intervenants, preuve qu’après trente heures de discussion, il fait encore état d’une grande imagination ! Je voudrais cependant lui proposer pour la suite de nos débats plusieurs synonymes, si le besoin s’en faisait sentir : « comique », « fantaisiste », « farceur », « guignol », « pitre » ou encore « zouave ».

    M. François Rochebloine. C’est minable !

    M. Bruno Le Roux. Pour ma part, Je n’ai pas besoin de nombreuses épithètes pour qualifier de consternant le comportement de l’opposition depuis trente heures.

    Nous n’avons eu recours à aucun artifice pour empêcher les manœuvres d’obstruction que subit notre assemblée. Nous n’avons pas utilisé le temps programmé. Nous laissons le temps au débat. Malgré cela, ce n’est qu’obstruction et insultes pitoyables. Je vous le demande, monsieur Jacob, essayez d’élever le débat pour qu’il soit à la hauteur de ce que représente l’avancée de société que nous défendons ici. Les synonymes du mot que vous avez employé, et que je viens d’indiquer, pourraient tout aussi bien s’appliquer au comportement de chacun des membres de votre groupe depuis ces trente heures !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, l’intervention de M. Le Roux n’avait, bien entendu, aucun rapport avec un fait personnel, sinon vous lui donneriez la parole en fin de séance ?

    M. Bruno Le Roux. Je m’adressais au président du groupe UMP.

    M. le président. Et je ne fais que favoriser la discussion entre les présidents de groupe, monsieur Jacob ! (Sourires.)

    M. Christian Jacob. Je souhaite simplement rappeler que le terme « clown » n’est pas une insulte. C’est un métier et un métier noble, mais à condition qu’il soit exercé avec talent et avec professionnalisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas vraiment le cas.

    M. Christian Jacob. Je ne suis pas sûr en effet que cela ait été le cas (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je veux profiter de ce rappel au règlement, monsieur le président, pour vous remercier de la présence de Mme la ministre de la santé, car je pense que c’est à vous que nous la devons. Elle fait partie des ministres qui ont pris officiellement position en faveur de la procréation médicalement assistée.

    M. Gérald Darmanin. C’est vrai.

    M. Christian Jacob. C’est l’occasion pour elle de s’exprimer. En effet, comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, ce texte pose directement la question de la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle. Je n’imagine donc pas que la ministre soit venue pour ne pas s’exprimer. Je souhaite donc qu’elle nous fasse connaître sa position sur la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Jacob, vous le savez très bien en tant que président de groupe, les membres du gouvernement interviennent quand ils le souhaitent. Nous allons reprendre nos travaux et nous verrons bien si Mme la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, souhaite s’exprimer ou pas.

    M. Benoist Apparu. J’espère qu’elle le souhaite.

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4364 qui, je l’espère, mettra moins d’ambiance dans l’hémicycle que le précédent.

    M. Alain Tourret. Retiré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (L’amendement n° 4364 est retiré.)

    M. le président. Je suis saisi de nombreux amendements pouvant être soumis à discussion commune dont 89 sont identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 59.

    M. Marc Le Fur. Cette série d’amendements identiques a pour objet de trouver une solution à la question de la clause de conscience, laquelle a été soulevée par le Président de la République à l’occasion du congrès des maires de France et pas par hasard. En effet, son collaborateur, notre ancien collègue Bernard Poignant que connaît bien le président de la commission des lois, avait lui-même préconisé l’introduction d’une telle clause. Or, le Président a très rapidement fait machine arrière devant les exigences de groupes minoritaires.

    Aussi proposons-nous une solution de compromis consistant à prévoir que la clause de conscience pourra être invoquée, mais que la loi sera malgré tout appliquée. C’est là nous semble-t-il une bonne solution.

    À propos de clause de conscience, Mme Bertinotti nous a fait l’apologie de la procréation médicalement assistée. Sachez, mes chers collègues, que dans son blog, notre collègue Gagnaire rappelle que si la PMA avait figuré dans le projet de loi, il n’aurait jamais voté celui-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Nous vous le disons depuis mardi que cela n’est pas dans la loi !

    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 209.

    M. Marc Laffineur. Marc le Fur vient de défendre excellemment cet amendement qui permet simplement de faire respecter sa parole au Président de la République. Nous avons beaucoup de respect pour ce que dit le Président de la République et lorsqu’il s’engage devant le congrès des maires et l’Association des maires de France, nous ne pouvons penser que sa majorité ne respectera pas sa parole. C’est pourquoi nous lui donnons la possibilité de le faire parce que nous sommes républicains.

    Je sais que la mode depuis ce matin est à la suspicion à l’égard des élus locaux : les différents amendements déposés par la majorité sont sous-tendus par l’idée que ces élus ne sont pas républicains. Mais les élus locaux, ne peuvent imaginer qu’un engagement du Président de la République devant leur congrès ne sera pas tenu.

    Par cet amendement, nous proposons donc de faire en sorte que cet engagement soit tenu mais que, dans le même temps, les mariages soient célébrés pour les couples qui le demanderaient.

    Comme c’est le cas depuis ce matin, nous essayons de trouver des consensus, mais nous nous heurtons perpétuellement à un mur. Aucune avancée n’est possible parce que l’idéologie est telle, sur les bancs de la majorité, qu’aucune discussion n’est possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 305.

    M. Christian Jacob. Nous sommes vraiment attachés à cette clause de conscience que le Président de la République a officiellement soutenue devant le congrès des maires de France. Cela lui a d’ailleurs permis, un court instant, de bénéficier de leur soutien, jusqu’au moment où ils se sont rendu compte à quel point ils avaient été trompés, combien en plein congrès le Président de la République leur avait menti. Quarante-huit heures plus tard en effet, ce dernier changeait d’avis. Après qu’il avait annoncé officiellement qu’il était favorable à ce qu’une clause de conscience puisse jouer, il lui a fallu moins de quarante-huit heures pour se renier !

    Pourquoi cette clause de conscience est-elle aussi importante pour nous ? À cause notamment de la circulaire qui permet de légaliser les GPA réalisées à l’étranger. Croyez-moi, cette question sera un élément déterminant du recours à la clause de conscience. On ne peut effectivement pas accepter que l’on légalise les GPA faites à l’étranger,…

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le sujet !

    M. Christian Jacob. …c’est-à-dire faites pour ceux qui ont les moyens financiers de payer des mères porteuses, de payer les frais d’accouchement dans une clinique, de payer 80 000 à 100 000 dollars. Il s’agit bien de gens riches en l’occurrence, car, quand on dépense 100 000 dollars aux États-Unis, c’est que l’on en a les moyens. Tel est en fait le message qu’en bons élus de gauche vous adressez : « Rassurez-vous, bon peuple, la GPA restera interdite en France ! ». Voilà pourquoi la clause de conscience est utile comme elle l’est également du fait de la procréation médicalement assistée.

    À cet égard, qu’il me soit permis de revenir à la question que je formulais tout à l’heure. Mme la ministre de la santé, qui n’a certainement pas honte de ses convictions et qui est capable de les défendre, peut-elle, puisqu’elle avait annoncé qu’elle était favorable à la PMA, avoir le courage de nous le répéter ici ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 365.

    M. Hervé Mariton. Le dispositif proposé est utile. Ma position, en tant que maire, serait, si par malheur le projet de loi devait être adopté, d’assumer la célébration des mariages qu’il me serait demandé de faire, car je ne pense pas qu’il serait de la meilleure pratique de les déléguer systématiquement à tel ou tel adjoint ou conseiller municipal, c’est-à-dire de charger d’autres de faire ce qui ne me conviendrait pas.

    Je considère cependant que d’autres collègues peuvent, légitimement, avoir une appréciation différente ; c’est d’ailleurs l’essence même de liberté de conscience. Il me paraît donc important de pouvoir plaider pour la liberté de conscience, même si en l’occurrence on ne revendique pas pour soi-même la liberté d’en user.

    Voilà ce que je tenais à souligner car certains pourraient penser que si nous demandons cette clause, c’est parce que nous ne voulons pas célébrer ces mariages. Ma position sur le projet de loi est extrêmement ferme, vous la connaissez, et si je défends cette liberté, c’est qu’elle me paraît être un principe fondamental. Je suis d’ailleurs extrêmement surpris que l’engagement du Président de la République soit vilipendé comme il l’a été ce matin sur les bancs du groupe socialiste.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, puisque nous avons l’honneur d’avoir plusieurs ministres au banc du Gouvernement, peut-être pourrions-nous en profiter, même s’ils ne sont pas immédiatement concernés par l’article en discussion, pour leur demander de préciser leur position sur un enjeu comme celui de l’assistance médicale à la procréation ?

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le sujet !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 461.

    M. François de Mazières. Cette clause de conscience est un sujet d’extrême importance. La personne qui a le mieux développé la thématique en la matière siège d’ailleurs sur les bancs de la gauche : c’est M. Azerot, dont le plaidoyer nous a vraiment bouleversés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tous ceux qui l’ont entendu plus largement sur les chaînes de télévision se sont dit qu’il touchait vraiment au cœur du problème. C’est que nous sommes en effet en train de faire de l’enfant un sujet et même un objet. Pourquoi ? Parce que des enfants ne seront pas adoptés par un père et une mère, et que ce ne sont pas ces enfants qui en décideront, mais leurs parents.

    M. Azerot a évoqué plusieurs fois la conscience. Après un aussi beau plaidoyer émanant de vos propres rangs sur la conscience, vous pouvez donc comprendre, mes chers collègues, combien cette clause de conscience sera nécessaire si la loi – aujourd’hui, demain, je ne sais quand, mais le plus tard possible – est adoptée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 519.

    M. Patrick Ollier. Il s’agit d’un amendement de précaution et de protection.

    Vous avez indiqué, madame la garde des sceaux, qu’il s’agit d’un changement de civilisation. Nous l’admettons bien volontiers. Après l’adoption de cette loi, plus rien ne sera pareil pour ceux qui auront à la mettre en œuvre. On peut donc imaginer que personne, dans un conseil municipal, ne souhaitera célébrer un mariage dans de telles conditions. Il faut donc protéger les élus et, pour ce faire, instaurer une clause de conscience.

    Je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec mon collègue de Mazières : celui qui a le mieux défendu la clause de conscience, c’est François Hollande, au congrès des maires. Il l’a fait devant les maires de France avec le talent qui est le sien et avec la force de conviction qui est celle du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous ne faisons donc que reprendre son argumentation.

    Pourquoi l’inquiétude règne chez les maires ? À cause, madame Touraine, de la PMA. Vous qui avez indiqué, madame la ministre, dans une interview accordée à Metro, être favorable à la PMA, il serait donc utile que vous rassuriez les maires. Sinon, nous ne pourrons que continuer à défendre tous nos amendements identiques.

    Je pose la question : quand M. Hollande a-t-il raison ? Lorsqu’il demande – c’est l’objet de sa proposition n° 31 – que ce texte soit voté ou lorsqu’il demande, devant le congrès des maires, qu’une clause de conscience soit mise en œuvre ? Nous sommes troublés, nous sommes inquiets ; nous voulons donc être rassurés.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 596.

    M. Philippe Gosselin. Laissez-moi rêver : Moi président, je respecterai la clause de conscience ; Moi président, je n’accepterai pas d’être repris en main par des associations quelques heures après mes propos tenus dans une assemblée pour éviter, peut-être, quelques sifflets et quolibets dont j’aurais pu être l’objet par ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On nous ressasse en effet à longueur de temps les engagements du Président de la République. Que n’a-t-on pas entendu sur la mise en œuvre de l’engagement n° 31 ! En tout cas, n’en déplaise à certains dans cette salle, les maires sont des républicains.

    Je ne reviendrai pas par ailleurs sur certain propos tenu par M. Galut. Je pourrais lui demander des excuses publiques, mais je ne le ferai pas. Je vais considérer, grand seigneur, qu’il s’agissait sans doute d’un accès de mauvaise humeur. (M. Yann Galut proteste.) Je vous remercie par avance, monsieur le président, au cas où M. Galut demanderait la parole pour un rappel au règlement, d’y faire droit. Mais peut-être s’agira-t-il d’un fait personnel, appelé alors en fin de séance ?

    Je reprends : Moi président, (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) je souhaiterais que ma majorité puisse respecter ma parole devant les maires. Eh bien, chers collègues de la majorité, vous avez une occasion unique de tenir l’engagement présidentiel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. M. Galut aura la parole pour un fait personnel en fin de séance s’il le souhaite.

    La parole est à M. Pons (Rires),pour soutenir l’amendement n° 655. Madame Pons, veuillez m’excuser ! Vous avez un prestigieux prédécesseur qui, peut-être, embrume ma pensée.

    Mme Josette Pons. Monsieur le président, je vous pardonne bien volontiers, et sachez que je n’ai aucun lien de parenté avec mon prestigieux prédécesseur, M. le ministre Pons. Cela dit, c’est aussi la première fois que l’on m’appelle « monsieur » ! (Sourires.)

    M. Yann Galut. C’est la loi du genre !

    M. Hervé Mariton. La théorie du genre !

    M. Philippe Gosselin. Le gender est à l’œuvre !

    Mme Josette Pons. Il s’agit, avec cet amendement, de trouver une solution pour introduire la clause de conscience dans le projet de loi que nous examinons. Nous serions tous honorés, sur tous les bancs, de pouvoir instaurer une telle clause, eu égard à la responsabilité des maires.

    Tous les mariages seraient d’ailleurs concernés, non seulement les mariages homosexuels, mais aussi les mariages hétérosexuels. Aussi me semble-t-il important de tenir compte de la déclaration de M. le Président de la République devant les maires de France. Sinon, M. le Président de la République mépriserait-il lui aussi tous les maires de France ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 658.

    M. Frédéric Reiss. On parle beaucoup des maires, mais ont-ils réellement été consultés ? Ils sont pourtant en première ligne en matière de mariage. Un très grand nombre d’entre eux ayant d’ailleurs pris position contre le mariage pour tous, M. le président de la République, en se rendant au congrès des maires, savait qu’il était attendu au tournant. Ses propos étaient donc mûrement réfléchis.

    M. Philippe Gosselin. Le Président de la République réfléchit beaucoup ; sinon, il ne serait pas Président. C’est pour ça qu’on l’a élu ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Frédéric Reiss. Quand il s’est exprimé devant des milliers de maires réunis porte de Versailles, il leur a concédé la liberté de conscience en cas de mariage de deux personnes de même sexe. Nous, nous ne faisons qu’élargir le champ de cette clause de conscience.

    Le lendemain de la déclaration du Président de la République, lors des questions d’actualité au Gouvernement, Mme la garde des sceaux a cependant immédiatement refermé cette possibilité et écarté toute possibilité d’objection de conscience pour les officiers d’état civil dans le cadre de ce projet de loi. C’est une position de blocage : la loi, c’est la loi, et elle devra être appliquée par tout le monde !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui.

    M. Frédéric Reiss. C’est pourquoi cet amendement est important. La clause de conscience doit pouvoir être invoquée par tout officier d’état civil, maire ou adjoint. Le recours au procureur de la République lorsqu’il est impossible de trouver dans une équipe municipale quelqu’un qui accepte de célébrer un mariage est de nature à sécuriser tous les mariages, quels qu’ils soient. C’est pourquoi la majorité devrait y réfléchir à deux fois avant de rejeter cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n° 769.

    M. Guénhaël Huet. Jusqu’à présent, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont tout refusé. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ils ont refusé le référendum, ils ont refusé il y a quelques semaines l’institution d’une commission spéciale au sein de notre assemblée. S’ils le pouvaient, ils refuseraient même le droit d’amendement, qui est pourtant le fondement de notre institution. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, vous refuseriez, si vous le pouviez, ce droit d’amendement.

    M. Bruno Le Roux. Nous n’avons même pas demandé l’application du temps programmé !

    M. Guénhaël Huet. Ce que nous demandons simplement, c’est l’instauration d’une clause de conscience pour les maires. Certes, les maires sont aussi des agents de l’État, pas simplement les représentants de collectivités locales, et, dès lors, ils ont l’obligation d’appliquer la loi.

    M. Pascal Popelin. Eh oui !

    M. Guénhaël Huet. Mais chacun se souvient que certains maires – qui siègent parmi nous – ont célébré des mariages illégaux. Je les vois mal nous dire maintenant que nous devons appliquer un principe de légalité qu’eux-mêmes n’ont pas appliqué en certaine circonstance puisqu’ils violaient la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Cette clause de conscience est d’autant plus indispensable qu’il ne s’agit pas seulement en l’occurrence de la célébration et de l’institution du mariage : derrière votre projet de loi, on trouve la PMA et la GPA. Je suis donc d’accord avec ce que disait tout à l’heure M. Jacob : les ministres qui sont au banc, notamment Mme la ministre de la santé, devraient nous dire précisément ce qu’il en est de la PMA et de la GPA.

    En tout cas, cette clause de conscience, liée à la liberté individuelle des maires, est rendue nécessaire par les conséquences de ce projet de loi.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 904.

    M. Philippe Vitel. Je suis très heureux de défendre cet amendement, car je serais vraiment très surpris qu’il ne soit pas adopté à l’unanimité. Pourquoi cela ? Nous avons tous deux bonnes raisons de l’adopter.

    D’abord, il confirme effectivement la liberté qu’a chaque élu de faire jouer sa clause de conscience. Nous savons tous combien cette liberté est chère au Président de la République.

    Ensuite, cet amendement sécurise la célébration de tous les mariages, quels qu’ils soient, homosexuels ou hétérosexuels. En effet, si personne n’accepte de célébrer le mariage, le procureur de la République désignera automatiquement quelqu’un pour le faire.

    Pour ces deux raisons, chers amis, je vous enjoins d’adopter cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1139.

    M. Paul Salen. Lorsque le Président de la République a annoncé aux maires, lors du congrès de l’Association des maires de France, qu’ils pourraient faire jouer leur clause de conscience, il admettait que ce texte puisse soulever des réserves de fond. À entendre nos collègues de la majorité, je trouve donc qu’ils sont en parfaite contradiction avec le Président de la République.

    Chers collègues, la célébration d’un mariage entre deux personnes du même sexe – ou de sexe différent – engage les convictions intimes de chaque élu. C’est pour cela que cet amendement doit être adopté par nous tous : il faut respecter les élus, respecter les maires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1213.

    M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, je ne rappellerai pas tous les arguments développés par mes collègues, qui ont très bien défendu cet amendement. J’ajouterai simplement deux éléments.

    M. Reiss rappelait qu’aucun sondage n’a été réalisé auprès de nos maires. Je n’ai plus de maires dans ma circonscription, seulement des présidents depuis la réforme de la Constitution : tous, même s’ils ne sont pas très nombreux, m’ont déclaré être farouchement partisans de la clause de bonne conscience. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. « Bonne conscience » ?

    M. Daniel Gibbes. Je savais que ma petite boutade plairait : vous le confirmez.

    Toujours est-il, chers amis, que nous pouvons nous accorder sur cet amendement. Vous avez montré le chemin en votant, tout à l’heure, l’amendement de notre collègue Annie Genevard. Vous pourriez continuer dans cette voie et nous tendre la main en votant pour cet amendement brillamment défendu par mes collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1413.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous le savons, ce texte touche profondément à l’humain. Certains peuvent être dans le déni de l’altérité et de la différence des sexes : c’est leur droit. Ils peuvent participer à la forclusion du Nom-du-Père, sur laquelle un grand Français, Jacques Lacan, a comme vous le savez beaucoup travaillé. Néanmoins, en tant que médecin, nul ne peut m’obliger à réaliser un acte qui irait à l’encontre de mon éthique, de ma morale.

    M. Marcel Rogemont. Il s’agit ici de la morale de la République, pas de la vôtre !

    M. Nicolas Dhuicq. Je pense donc que l’amendement que nous soutenons permettra de faire barrage à une déferlante de déraison (exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui nie le principe même qui est à l’origine de toute vie humaine, quelque respectables que soient les choix de tout individu adulte. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jérôme Guedj. La République d’abord !

    M. Nicolas Dhuicq. Vous ne pensez en rien à ces collègues qui travaillent auprès d’enfants sans repères identificatoire, sans cadre parental, comme je l’ai fait pendant plusieurs années, et qui ont des vies déjà suffisamment compliquées.

    M. Thomas Thévenoud. Vous n’êtes pas médecin ici, vous êtes législateur !

    M. Nicolas Dhuicq. Par conséquent, ayez l’obligeance – la décence – de laisser aux élus de la République la possibilité de préserver leur conscience, de garder leur éthique, et de refuser le vent de psychose que vous faites souffler sur la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1659.

    Mme Véronique Louwagie. Cet amendement fait état de la clause de conscience. Je formulerai à cet égard trois remarques.

    Premièrement, il faut entendre les maires. Ces personnes œuvrent au cœur de nos territoires ; elles font en règle générale preuve d’une très grande disponibilité, d’un très grand dévouement, et d’une grande énergie. J’ai – nous devons tous avoir – beaucoup de respect pour eux. Nous devons soutenir leur action, et à ce titre les écouter. Nous ne pouvons pas ne pas les entendre !

    Deuxièmement, nous devons valider les propos du Président de la République. Je rappelle que ses propos allaient au-delà même de la clause de conscience, puisqu’il a parlé de liberté de conscience. C’est encore moins restrictif : une clause, par définition, est encadrée, alors que la liberté ne l’est pas.

    Troisièmement, cet amendement propose que l’élu n’ait pas à motiver les raisons pour lesquelles il refuse de célébrer un mariage. En ce sens, il n’y a aucune source de discrimination. La rédaction de cet amendement justifie que nous l’adoptions, et modifiions ainsi l’article 165 du code civil.

    M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour soutenir l’amendement n° 1688.

    M. Jean-François Copé. Monsieur le président, cet amendement vise le même objectif que ceux qui viennent d’être exposés : évoquer à nouveau la question de la clause de conscience pour les maires. Je rappelle que le Président de la République s’est exprimé sans ambiguïté à ce sujet au congrès de l’AMF, engagement qui lui a d’ailleurs valu de ne pas être hué par les maires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Certains l’ont même applaudi, alors qu’ils avaient quelques raisons d’être préoccupés de la manière dont ce gouvernement les traite.

    Tout à l’heure, nous avons subi l’adoption d’un amendement, en vertu de la loi selon laquelle on peut avoir « juridiquement raison » pour être « politiquement majoritaires ». Nous avons retrouvé là une ambiance qui nous rappelle nos jeunes années, ce que nous avons vécu en 1981.

    M. Bruno Le Roux. Ce que nous avons vécu pendant dix ans !

    M. Jean-François Copé. La manière si agressive que vous avez de nous imposer, un samedi après-midi, cet amendement, nous a beaucoup choqués. Elle nous a donné le sentiment que, selon les vous, les actes de mariage que nous réalisions jusqu’à aujourd’hui n’étaient pas républicains. Quelle honte, d’avoir adopté un tel amendement cet après-midi !

    La clause de conscience, je le répète, a été défendue par le Président de la République, un après-midi de novembre au congrès des maires des France. Il me semblait que cela valait parole authentique : je constate qu’il n’en est rien ! Aujourd’hui, la majorité s’oppose obstinément à la clause de conscience. Il me semble pourtant que c’est une manière de respecter les consciences.

    Dernière remarque : comme beaucoup de mes collègues de l’opposition, entendre dire à tout bout de champ que nous sommes réactionnaires, conservateurs, me rend très mal à l’aise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Vous l’êtes !

    M. Jean-François Copé. Monsieur Le Roux, je regrette profondément que vous prétendiez incarner la modernité, alors qu’en réalité vous n’incarnez que l’arrogance sur un sujet, la clause de conscience, qui relève simplement des intimes convictions de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1733.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à prévoir expressément dans la loi que le maire et ses adjoints, officiers d’état civil, peuvent refuser de célébrer un mariage.

    Mme Julie Sommaruga. C’est contraire aux lois de la République !

    M. Guillaume Chevrollier. Dans la mesure où le maire n’aura pas à motiver la raison du refus, il n’y a aucun risque de discrimination. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis et Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, il fallait oser !

    M. Guillaume Chevrollier. De plus, comme cela a déjà été dit par mes collègues, cet amendement vise tous les mariages, sans préjuger du fait que le mécanisme sera utilisé pour les couples de même sexe.

    Comme mes collègues l’ont déjà dit, la liberté de conscience a été reconnue pendant une certaine journée du congrès de l’Association des maires de France, par la plus haute autorité de notre République, à savoir le Président de la République. Nous avons tous entendu ses propos, exprimés d’une voix ferme, emportant l’adhésion de nombreux maires réunis à cette occasion. Une grande majorité de ces maires, que nous avons rencontrés à l’occasion des cérémonies de vœux organisées dans nos circonscriptions, sont inquiets. Beaucoup ont signé une pétition, qui a recueilli des milliers de signatures. Elle traduit un véritable malaise par rapport à ce projet, au changement de civilisation qu’il entraîne dans notre société, et à la perspective de la PMA et de la GPA qui se profile.

    Le Président de la République semblait avoir compris ce malaise. Ses propos conciliants reconnaissaient le principe de la liberté de conscience, sachant que l’objection de conscience existe déjà dans notre droit positif, concernant le service national. Cette disposition concerne également les médecins, les avocats, les chercheurs qui travaillent sur les embryons humains.

    De graves sujets de société sont en jeu, comme l’ouverture du mariage aux couples du même sexe, l’altérité sexuelle et l’éducation des enfants par un père et une mère : cela est loin d’être négligeable. La clause de conscience était donc bien adaptée à la situation.

    Dès le lendemain, pourtant, le Président de la République est revenu sur ses propos, ce qui a déçu beaucoup d’entre nous. C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous demande d’inscrire dans la loi le principe de la liberté de conscience des maires et des élus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1946.

    M. Jacques Lamblin. Mesdames et messieurs, j’ai l’intention, si ce projet de loi est adopté – on ne sait jamais –, de célébrer les mariages homosexuels, parce que je suis républicain. J’ai pris position en ce sens dans la presse quotidienne régionale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Pardonnez-moi, je me suis trompé : j’avais l’intention de les célébrer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Ne vous inquiétez pas : avec l’interdiction du cumul des mandats, la question ne se posera même pas !

    M. Jacques Lamblin. J’ai évolué, car votre texte est manifestement une valise à double fond. Derrière le mariage, il y a la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Mensonge !

    M. Jacques Lamblin. Pas dans le texte lui-même, mais à sa suite !

    Je ne veux pas être complice du développement d’un tel système. J’ai posé, à plusieurs reprises, cette question à Mme la ministre : êtes-vous d’accord pour pénaliser ceux qui introduiraient, en France, un enfant né à la suite d’une gestation pour autrui réalisée dans un pays étranger, par une pauvre fille – car telle est la réalité – qu’ils auront payée avec leur fric ? Vous n’avez pas voulu prendre d’engagement en ce sens. C’est grave !

    M. Philippe Gosselin. Mme Touraine va nous l’expliquer : elle est venue pour cela !

    M. Jacques Lamblin. J’en viens à la PMA.

    M. Jean-Pierre Dufau. Quel rapport ?

    M. Jacques Lamblin. J’appelle votre attention sur le fait que vous créez une inégalité : j’en ai déjà parlé ce matin. Et ne l’oublions pas : vous créez, avec la PMA,…

    M. Nicolas Bays. Ce n’est pas dans le texte !

    M. Jacques Lamblin. …une fiction invraisemblable pour l’enfant, car l’enfant découvrira à un moment donné qu’il ne peut pas avoir deux mères ou deux pères. Enfin, réfléchissez à la dérive vertigineuse de la science…

    M. le président. Votre temps de parole est écoulé, monsieur le député.

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2116.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’est nul besoin de revenir aux fondements du contrat social, théorisés par Locke, Hobbes ou Rousseau, pour savoir que les sociétés, les civilisations, se fondent sur l’encadrement par la norme de la liberté de chacun. Il en découle notamment que la loi se doit d’être impersonnelle et générale, et que le droit positif est subordonné aux lois de la nature.

    Votre projet de loi d’ouverture du mariage aux couples du même sexe ne prévoit aucune dérogation pour objection de conscience. Après avoir, par un amendement adopté ce matin, placé les maires sous la tutelle du procureur de la République ; après avoir mis en doute les convictions républicaines de ces hommes et de ces femmes qui se dévouent, au quotidien, dans chaque commune de France, votre gouvernement veut imposer le viol des consciences aux maires réfractaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est bien de cela qu’il s’agit !

    Une décision du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001 a érigé la liberté de conscience au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce principe se fonde sur l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et sur le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. C’est tout cela que vous remettez en cause en refusant la clause de conscience à ces hommes et à ces femmes qui œuvrent quotidiennement pour leurs concitoyens. Je trouve cela déplorable et dommageable.

    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2300.

    M. Georges Fenech. Défendu.

    M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 2350.

    M. Charles de La Verpillière. J’ai été maire de ma commune jusqu’à mon élection à l’Assemblée nationale. Pendant mes neuf années de mandat, j’ai célébré environ une centaine de mariages. J’étais ceint de mon écharpe tricolore et, derrière moi, il y avait la statue de Marianne – je me rappelle avoir bien pris soin de prendre le dernier modèle : celui qui s’inspirait de Laetitia Casta. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Julie Sommaruga. Ça, c’est une information !

    M. Charles de La Verpillière. Bref, je n’ai jamais eu, mes chers collègues, un seul instant l’impression de présider une cérémonie monarchiste ou vaudou ! Pour moi, il était évident que la République était là ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) C’est la première observation que je souhaitais faire.

    La seconde porte sur l’objet même de l’amendement. Sur un sujet aussi controversé, il faut donner aux officiers d’état civil, aux maires, aux adjoints la possibilité de se déporter. Il faut leur garantir la liberté de conscience. Le Président de la République a eu raison d’être l’un des premiers – et le plus autorisé, me semble-t-il – à en parler. J’invite, par conséquent, nos collègues de la majorité à voter cet amendement pour se conformer aux souhaits du Président de la République ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l’amendement n° 2574.

    M. Jean-Claude Bouchet. Je suis, bien sûr, républicain et légaliste, député et également maire d’une commune de 26 000 habitants : Cavaillon dans le Vaucluse, au pied du Luberon et à côté de Châteaurenard. Cavaillon que je vous invite d’ailleurs à venir visiter – permettez-moi de faire un peu de publicité ! En tant que maire de cette ville, tous les jours de la semaine et le samedi, je célèbre des mariages. En tant que républicain et légaliste, et j’insiste sur ce point, si le projet de loi est voté, et contre lequel je suis, j’assumerai, demain, les mariages dans ce cadre.

    M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

    M. Bruno Le Roux. C’est normal !

    M. Jean-Claude Bouchet. Je peux entendre que, demain, certains soient gênés par la loi et rencontrent un problème de conscience. Donc, cet amendement a pour objet de justifier cette liberté de conscience et sécuriser la célébration du mariage. C’est donc pourquoi il sera, je le pense, majoritairement voté, au sein de cette assemblée, et qu’une fois n’est pas coutume, il le sera même à l’unanimité parce que, nous sommes, pour une fois, d’accord avec le Président de la République !

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3094.

    M. Sylvain Berrios. J’étais dubitatif sur cette liberté de conscience. Mais, finalement, nous avons été un million dans la rue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non ! Deux millions !

    M. Sylvain Berrios. Et, ce million, le Gouvernement ne l’a pas entendu !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Cinq millions ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Thomas Thévenoud. 100 millions !

    M. Bruno Le Roux. 300 millions !

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    M. Sylvain Berrios. Nous avons été un million dans la rue, et ce million, vous ne l’avez pas entendu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons demandé, ici même, un référendum et, ce référendum, vous ne nous l’avez pas accordé ! Nous avons demandé des garanties sur la GPA, vous ne nous les avez pas données ! Vous nous avez même accusés d’être antirépublicains. !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

    M. Sylvain Berrios. Tout cela pour nous imposer des idées et une loi dogmatiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsqu’un gouvernement emprisonne les maires dans des lois idéologiques et dogmatiques, la seule liberté qu’il leur reste…

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est de démissionner !

    M. Sylvain Berrios. ...c’est la liberté de conscience ! C’est pour cela que je vous demande unanimement de soutenir cet amendement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vive la République, vive la France !

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n° 3250.

    Mme Valérie Boyer. Nous avons, avec cette proposition de François Hollande, l’exemple même de la duplicité de ce dernier qui, paré des habits du Président de la République, fait un pas en avant et un pas en arrière pour mieux diviser les Français et, surtout, pour éviter un camouflet lors d’une réunion solennelle !

    Cette liberté de conscience, le Président de la République l’a demandée pour éviter d’être mis devant ses propres turpitudes. Aujourd’hui, à l’heure même où le Gouvernement fait la promotion des esclaves corporels en ne garantissant rien sur la GPA et qu’il nous accuse d’obscurantisme, l’actuelle majorité, parée des faux habits du progrès, nous pousse vers une société vraiment dangereuse au sein de laquelle les plus faibles, les femmes en particulier, seront exposés.

    Je suis très choquée de constater qu’aujourd’hui, au motif que nous sommes loin de la loi, nous sommes loin des yeux et pas protégés. Ces choses sont purement scandaleuses et je peux comprendre que certains ne veuillent pas être complices de ce type de comportement et usent de leur liberté de conscience ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3261.

    M. Xavier Breton. Avec ces amendements de conscience, appelons-les ainsi, nous essayons de concilier deux principes : celui de la liberté de conscience et celui de l’application de la loi sur tout le territoire.

    Oui, il est normal qu’une loi, quand elle est votée, s’applique sur tout le territoire. La question est de savoir si ce principe peut s’articuler avec un autre principe de valeur constitutionnelle, celui de la liberté de conscience. Nous l’avons tous souligné, François Hollande a reconnu ce principe devant le Congrès des maires, avant de se faire taper sur les doigts par les associations militantes, lesquelles ont été reçues le lendemain de ce congrès des maires, alors que nous sommes 220 députés et sénateurs de l’entente parlementaire pour la famille à demander depuis le 15 octobre à être reçu par le Président de la République…

    M. Christian Jacob. Voilà !

    M. Xavier Breton. …et que nous n’avons pas obtenu de réponse favorable à cette demande !

    M. Charles de La Verpillière. Deux poids deux mesures !

    M. Xavier Breton. Aujourd’hui, le Président de la République se fait taper sur les doigts par sa majorité parlementaire.

    M. Guy Delcourt. Nous ne sommes pas des godillots !

    M. Xavier Breton. Vraiment, je suis surpris d’entendre dire que cette liberté de conscience serait antirépublicaine et inacceptable. Je crois que c’est une nouvelle illustration de votre passage en force d’un texte contre une majorité de Français qui refuse la filiation, qui refuse l’adoption, qui refuse l’assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui !

    M. Bernard Roman. Là, c’est la célébration du mariage !

    M. Xavier Breton. Vous allez, maintenant, contraindre des élus qui n’auront alors pas le droit d’exercer une liberté constitutionnelle. Grâce à cet amendement, nous aurons la preuve que vous êtes dans l’idéologie, dans le passage en force et que vous n’œuvrez absolument pas dans l’intérêt de notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n° 3287.

    M. Philippe Goujon. L’amendement que je suis amené à vous proposer, avec un certain nombre de mes collègues, peut concilier la liberté de conscience des élus – principe que chacun partage et qu’a d’ailleurs rappelé le Président de la République lors du Congrès des maires –, avec la continuité du fonctionnement de ce même service public. Il prévoit qu’au cas où aucun officier d’état civil de la commune ne pourrait célébrer un tel mariage, le procureur de la République, autorité compétente, je le rappelle, en matière de contentieux de l’état civil, doit en être informé dans un délai maximum de vingt-quatre heures après la publication des bans. Cette exigence permet de garantir l’organisation du service public de l’état civil suffisamment en amont de la célébration pour assurer la continuité de son fonctionnement.

    Ce principe constitutionnel nécessite que la loi soit, bien sûr, appliquée. Il appartiendra, dès lors, au procureur de désigner, parmi les officiers d’état civil de la commune, considérés dans cette fonction comme des agents publics, celui qui sera requis d’office pour célébrer le mariage.

    Les deux principes seront, ainsi, parfaitement conciliés. L’officier d’état civil aura fait part de son opposition en exerçant sa clause de conscience, à laquelle le Président de la République engageait encore les maires lors du congrès à l’occasion duquel il a pris la parole ; et la continuité du service public sera assurée par la réquisition d’un officier d’état civil.

    M. Xavier Breton. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3587.

    M. Bernard Perrut. Si la loi de la République doit, bien entendu, s’appliquer à tous et partout, le texte dont nous discutons est d’une autre portée. Je rappellerai que la liberté de conscience est le droit de l’individu d’avoir le choix de son système de valeur et des principes qui guident son existence. C’est pourquoi le Président de la République est fidèle à l’article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, laquelle nous rappelle que toute personne a droit à la liberté de conscience, de religion et de pensée. C’est la raison pour laquelle certains maires, bouleversés par la réforme que vous leur proposez, souhaitent, justement, avoir cette liberté de conscience.

    Gardez à l’esprit cette citation d’un auteur bien oublié, Alfred de Vigny, qui disait que la conscience ne peut avoir tort. En effet, la conscience appartient à chacun et vous ne pourrez obliger un officier d’état civil à présider au mariage, dès lors qu’il ne se retrouve pas dans les valeurs qui sont les siennes. Le mariage, est, en effet, une institution de la République ; elle a été fondée ainsi, écrite ainsi et voulue ainsi ! Par conséquent, respectons les maires et respectons le Président de la République ! (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3824.

    M. Éric Woerth. Il convient, évidemment, d’accepter la liberté de conscience sur un texte de cette nature. Le Président de la République lui-même – et nous sommes nombreux à l’avoir rappelé –, a pris cet engagement devant l’ensemble des maires de France, au cours d’une réunion qui n’était pas vraiment anecdotique. Nous savons, mes chers collègues, que vous êtes très sensibles à ses engagements, puisque vous en égrainez même les numéros ! Donc, quand il prend un engagement, il faut le respecter.

    Il ne s’est pas engagé au détour d’une interview, mais alors qu’il prononçait un discours préparé et, je l’imagine, mûrement réfléchi. C’était une parole du Président de la République aux maires de France. Vous devez donc respecter cette liberté de conscience. Il n’y a aucune raison de ne pas permettre aux maires d’opposer cette liberté de conscience, d’autant plus que cela ne nuit évidemment pas à la possibilité de procéder au mariage et que cela ne préjuge pas, non plus, nos positions personnelles sur ce point.

    Je joindrai, enfin, ma voix à celles de mes collègues qui ont interpellé la ministre de la santé. Madame la ministre, vous êtes présente sur ces bancs – nombreux sont les ministres présents un samedi après-midi sur ces bancs, ce dont nous nous réjouissons (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) – et nous avons besoin de vous entendre. Vous avez pris des positions sur la PMA. Nous voudrions, par conséquent, connaître votre avis sur ce sujet qui nous préoccupe vraiment et qui est éminemment lié au texte que nous examinons aujourd’hui.

    M. Philippe Gosselin. Mme la ministre va nous répondre, elle n’attend que cela ! (Sourires .)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4627.

    Mme Annie Genevard. Mes chers collègues, je voudrais vous inviter à méditer la formule de la sagesse populaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    M. le président. S’il vous plaît ! C’est fatiguant !

    Mme Annie Genevard. Écoutez-moi, sinon vous n’allez pas connaître l’objet de la méditation !

    M. Philippe Gosselin. On propose une séance de relaxation ! (Sourires.)

    Mme Annie Genevard. …« Le prononcé fait foi. » Le prononcé fait foi plus qu’aucun autre. Le Président de la République se doit de respecter la parole donnée, surtout lorsque cette parole est délivrée à des milliers de maires.

    Il y a deux explications au fait qu’il ait retiré cette parole sous la pression d’une Inter-LGBT courroucée, venue, dès lendemain, exiger son tribut et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agissait du reniement de la parole présidentielle ! La première explication, celle à laquelle je ne veux pas croire, parce que j’ai beaucoup de respect pour la fonction, c’est que le Président de la République aurait ainsi manœuvré pour ménager les maires et ne pas fâcher les LGBT.

    M. Philippe Gosselin. Il ne pourrait pas faire cela !

    Mme Annie Genevard. Je ne peux pas y croire !

    M. Philippe Gosselin. On ne peut pas y croire !

    Mme Annie Genevard. La seconde explication serait que, finalement, le Président de la République aurait accepté l’idée que ce texte de loi interpellait la conscience, ce qui n’aurait rien d’étonnant à cela, puisque la liberté de conscience est un principe à valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1977. Elle est reconnue aux médecins, elle est reconnue aux chercheurs…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Cela n’a rien à voir !

    Mme Annie Genevard. …qui ne peuvent pas, par exemple, contre leur conscience, participer à des recherches sur des cellules embryonnaires. Alors pourquoi n’en irait-il pas de même pour l’officier d’état civil ?

    Je voudrais simplement réagir à un propos de notre collègue Galut…

    M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame !

    La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4719.

    M. Gilles Lurton. Je suis adjoint au maire d’une commune de 50 000 habitants…

    M. Marcel Rogemont. Cumulard ! Il ne faut pas cumuler !

    M. Gilles Lurton. …et, à ce titre, j’ai très clairement affirmé, dès les prémices de ce projet de loi, que si cette loi était votée, je l’appliquerais naturellement. Je comprends, toutefois, que certains de mes collègues, au sein même de l’exécutif auquel j’appartiens, mais également dans toutes les communes du territoire métropolitain et des départements d’outre-mer, puissent ne pas partager ce point de vue et faire jouer la clause de conscience pour refuser de célébrer des mariages de personnes de même sexe. Le Président de la République a reconnu, et plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, la faculté pour un maire de faire valoir cette clause de conscience. Il est vrai que, le lendemain, il s’est dédit, mais nous n’en sommes pas à un revirement près ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Gilles Lurton. Je me dois aussi de rappeler que cette clause de conscience n’est pas nouvelle. Déjà, la loi Veil, en 1975, avait accordé aux médecins la clause de conscience en matière d’avortement en se fondant sur le préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « Nul ne peut être lésé dans son travail ou dans son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »Le Conseil constitutionnel, le 27 juin 2001, a décidé que la liberté de conscience constituait l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, en référence à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, selon lequel nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

    C’est la raison pour laquelle je voterai avec mes collègues cet amendement.

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4788.

    Mme Geneviève Levy. Lorsque je célèbre un mariage, j’ai souvent l’occasion de dire en commençant mon propos aux personnes que j’accueille que, pour moi, c’est un moment tout à fait particulier dans ma vie d’élue, parce qu’il est chargé de symboles républicains, parce que nous sommes investis dans le cadre de nos fonctions d’une mission spécifique et propre au mandat qui nous est confié.

    M. Jérôme Guedj. Et alors ?

    Mme Geneviève Levy. C’est la raison pour laquelle chaque maire doit pouvoir célébrer ou non, en conscience, cet acte particulier.

    M. Olivier Dussopt. C’est justement le contraire !

    Mme Geneviève Levy. Cet amendement est important parce qu’il préserve la liberté de conscience tout en permettant, bien sûr, et nous y sommes tous très attachés, que la loi puisse s’appliquer.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4956.

    M. Julien Aubert. Lorsque les maires ont été élus en 2008, ils ne pouvaient imaginer que les conditions de l’exercice de leur mandat seraient substantiellement affectées par la nouvelle législature qui est la nôtre et c’est, je crois, la principale raison pour laquelle on doit leur garantir la liberté de conscience.

    Je voudrais souligner trois paradoxes de la majorité.

    Le premier paradoxe, c’est que, pour vous, la réforme proposée par Mme la garde des sceaux équivaut à celle présentée par Mme Veil. Or le texte sur l’interruption volontaire de grossesse garantit justement la liberté de conscience.

    Le deuxième paradoxe, c’est que les députés de la majorité veulent absolument faire passer ce texte au motif qu’il était dans le programme de François Hollande, en expliquant qu’ils sont là pour appliquer son programme. Pourtant, il s’est engagé sur la liberté de conscience et cet engagement-là, vous ne voulez pas le respecter.

    Le troisième paradoxe, c’est votre fameux argumentaire lors de la discussion générale. Vous nous avez expliqué qu’il fallait voter ce mariage parce que cela n’enlevait rien aux couples hétérosexuels. Si nous votons la liberté de conscience pour les maires, qu’est-ce que cela enlève au juste à ceux qui veulent se marier puisque, de toute manière, ils auront un officier d’état civil ?

    Selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen, la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Vous invoquez à tout bout de champ la République. La République, c’est l’égalité que vous chérissez tant, mais c’est aussi la liberté, et je ne croyais pas que je serais amené à expliquer à des élus de la République pourquoi il faut voter pour la liberté.

    Je terminerai par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen : « toute personne a droit à la liberté de conscience et de religion ». Visiblement, cela ne s’applique plus en France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Rien à voir !

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 5203.

    M. Alain Leboeuf. J’étais présent porte de Versailles lorsque M. le Président de la République, de manière très forte, a autorisé la liberté de conscience. Je fais partie de ceux qui ont osé l’applaudir, et nous avons été très nombreux à apprécier cette parole que je peux même qualifier de courageuse. C’est la raison pour laquelle nous comptons vraiment sur vous, mesdames, messieurs de la majorité, pour la soutenir. Nous ne pouvons penser que vous puissiez ouvrir une brèche dans le soutien sans failles que vous apportez au Président !

    Nous, députés ruraux, voyons bien la différence qu’il peut y avoir entre les plus grandes villes, où il y aura évidemment un adjoint qui acceptera de marier des couples de même sexe, et les milieux les plus ruraux, où nous devrons trouver une solution. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Cet amendement permettra de célébrer les mariages. C’est la raison pour laquelle nous comptons sur vous pour soutenir nos amendements.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5266.

    M. Guillaume Larrivé. Parce que nous sommes tous républicains, nous sommes tous très respectueux de la fonction du chef de l’État, quel qu’il soit, et nous sommes très attentifs à ses déclarations.

    Nous avons été nombreux à le citer, je voudrais très précisément lire les trois phrases dont nous parlons depuis quelques minutes pour que chacun les ait à l’esprit : « Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer mais […] il y a toujours la liberté de conscience. Ma conception de la République vaut pour tous les domaines ; c’est-à-dire […que] la loi s’applique pour tous, dans le respect néanmoins de la liberté de conscience. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Vous oubliez une phrase !

    M. Guillaume Larrivé. De deux choses l’une, madame la garde des sceaux, vous qui avez été nommée par le Président de la République : soit vous considérez que les déclarations du Président de la République devant les maires de France sont inopérantes, sans intérêt, jetées en l’air, et, auquel cas, vous repousserez les amendements que nous vous présentons, soit vous considérez au contraire que le chef de l’État a parlé pour dire quelque chose, et vous considérerez alors que la liberté de conscience doit trouver une traduction juridique dans cette loi, et vous accepterez alors les amendements qui vous sont soumis. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Si l’on regarde les pays ayant ouvert dans leur législation le mariage aux couples de même sexe, on peut dire avec une certaine assurance que, dans notre pays, aucune commune, aucun maire ne refusera le mariage aux personnes de même sexe, et au-delà, je suis persuadé que tous les élus qui y sont invités iront dans leurs familles, chez leurs amis, au mariage de couples de même sexe, ce qui ne pourra que contribuer, comme cela a été le cas dans tous ces pays, à faire accepter de tels mariages à ceux qui les refusent.

    Il me semble difficile de concevoir, et c’est la raison pour laquelle la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements,…

    M. Jacques Myard. Contre l’avis de François Hollande !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …que la loi puisse reconnaître à un officier d’état civil la faculté de ne pas exercer une compétence qui lui est dévolue par la loi. L’officier d’état civil exerce des fonctions au nom de l’État, sous le contrôle du procureur de la république, il n’a aucune marge de manœuvre, aucun pouvoir d’appréciation personnel.

    M. Guénhaël Huet. Vous désavouez le Président de la République !

    M. Jacques Myard. Cochon qui s’en dédit !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Dans les amendements n°s 59 et, 61 et ceux qui leur sont identiques, et dans l’amendement n° 19, vous prévoyez le recours au préfet si jamais le maire refusait de célébrer le mariage, ou le recours au procureur de la république, qui désignera d’office quelqu’un, l’amendement n° 19 prévoyant que les futurs époux pourront le saisir. Quelle image cela donnerait de la République d’accepter le mariage des couples de même sexe et de les renvoyer vers un procureur de la République avec une réquisition ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et François Hollande ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ce serait un signe vraiment défavorable.

    M. Jacques Myard. Cochon qui s’en dédit !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Un grand nombre d’entre vous ont fait part de leur volonté plus ou moins forte de ne pas marier de couples de même sexe.

    M. Patrick Ollier. C’est vrai !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Parmi vos arguments que nous entendons depuis le début de ce débat, il y a votre crainte que des enfants puissent être élevés par des couples de même sexe. Nous avons entendu parler de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui, et je m’inquiète.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous n’avons pas eu de réponse sur ces points !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Demandez-vous aujourd’hui aux couples hétérosexuels un certificat de capacité parentale ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas le sujet !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Demandez-vous aujourd’hui aux couples hétérosexuels un certificat de non-stérilité ? Faudra-t-il à l’avenir exiger des couples qu’ils s’engagent à construire leur famille conformément à l’éthique du maire qui les marie ? Évidemment non. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Le maire préside au destin de sa commune. Il représente certes l’ensemble de ses habitants, mais, devant un couple qui vient vers lui pour se marier, sa conscience s’efface, ses compétences, sa morale, son éthique, ses états d’âme, s’effacent.

    M. Bernard Roman. Bien sûr !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il doit s’effacer devant la République. Ce qui est important, c’est son écharpe tricolore et rien d’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Xavier Breton. Ils n’ont plus de conscience !

    M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voudrais d’abord saluer les maires qui ont dit très clairement qu’en dépit de leur opposition à ce texte, et donc du fait qu’ils ne le voteront très probablement pas – quoique nos travaux devraient servir à éclairer leur appréciation du projet –, ils l’appliqueraient s’il était voté. Il était temps que, par ces voix de l’opposition, l’image des maires de France, qui sont des maires républicains, soit réhabilitée, car je suis persuadée que c’est l’attitude qu’adopteront dans leur très grande majorité les maires de France, aussi bien dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux.

    Je rappelle que les maires sont des officiers d’état civil et que c’est donc par délégation de l’État qu’ils célèbrent des mariages. En cette qualité d’officiers d’état civil, ils ne peuvent pas s’opposer à l’application d’une loi républicaine.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Sauf si la loi le prévoit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La loi ne le prévoira pas,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sauf si la majorité de cette assemblée en décidait autrement.

    Le Gouvernement, qui ne fait que donner son avis, est défavorable à ces amendements, donc à l’introduction dans la loi d’une clause de conscience pour les seuls agents publics. Je le rappelle aucun agent public ne peut invoquer une telle clause. Un agent public peut s’opposer à un ordre illégal, mais il ne peut pas invoquer une clause de conscience, tout simplement parce que, en qualité d’agent public, il doit se conformer à des principes constitutionnels, dont le premier est la neutralité du service public,…

    M. Jacques Myard. C’est la dictature !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …principe constitutionnel considéré par le Conseil constitutionnel comme le corollaire du principe d’égalité.

    La liberté du mariage doit s’imposer en tant que principe constitutionnel parce qu’elle relève de la liberté personnelle consacrée dans le bloc de constitutionnalité aux articles 2 et 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, et aucun élément ne peut justifier qu’un agent public, les maires agissant en l’occurrence en tant qu’officiers d’état civil, ne respecte pas les principes constitutionnels.

    Par conséquent, je ne crois pas utile de rappeler, parce que je ne voudrais pas avoir l’air de redire aux maires des choses qu’ils savent parfaitement,…

    M. Philippe Gosselin. Allez-y, madame la garde des sceaux, nous avons plaisir à vous écouter !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que si un maire ou ses adjoints décidaient de ne pas appliquer la loi, quelle qu’elle soit, et refusaient de célébrer un mariage ou d’accomplir un autre acte en tant qu’officier d’état civil, il reviendrait au représentant de l’État, c’est-à-dire au préfet, soit de se substituer au maire soit de désigner un officier, et au procureur de la République d’intervenir, conformément aux dispositions du code civil. Et si l’un ou l’autre le jugeait nécessaire, il pourrait procéder à la mobilisation des autres dispositions, à caractère administratif ou pénal.

    Nous sommes dans le cadre du droit, dans le cadre du code civil et du code général des collectivités territoriales,…

    M. Guy Teissier. Et M. Mamère ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que les maires connaissent par cœur et qu’ils appliquent régulièrement.

    Pour ma part, je conçois ce débat, mais le Gouvernement est formellement et sans la moindre nuance opposé à ces amendements, et y donne donc un avis défavorable. Je suis absolument sûre que cela ne posera aucun problème à l’immense majorité des maires de France et d’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un « vrai » rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je sais que vous ne pouvez en douter !

    Mme Catherine Coutelle. Mais si !

    M. Christian Jacob. Je fais un vrai rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, relatif au bon déroulement de nos débats.

    Je note une présence très nombreuse de ministres au banc, et je m’en félicite. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Plusieurs députés du groupe se lèvent pour applaudir.) Merci pour eux !

    M. le président. On se rassoit, mes chers collègues !

    M. Christian Jacob. Depuis le début de ce débat, nous siégeons avec les députés godillots du PS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC) : ils ne votent pas d’amendement et en font aucune intervention. Voilà que nous découvrons à présent les ministres godillots (Huées sur les bancs du groupe SRC), qui viennent faire de la représentation, qui sont incapables d’intervenir !

    M. le président. Faites attention tout de même à vos propos, monsieur Jacob.

    M. Christian Jacob. Mme Touraine, qui avait pris position sur la PMA, n’est même pas aujourd’hui en mesure de défendre son point de vue ! (Mêmes mouvements.)

    M. Nicolas Bays. C’est minable !

    M. Thomas Thévenoud. Scandaleux !

    M. Christian Jacob. Quant à Mme la garde des sceaux, elle fait quasiment un procès en incompétence au Président de la République puisqu’elle l’attaque très violemment lorsqu’il défend le droit de conscience des maires ! (Mêmes mouvements.)

    Je souhaiterais donc que tous ces ministres prennent la parole, notamment que Mme Touraine nous explique clairement sa position sur la PMA, parce que c’est ce qui justifie justement la clause de conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Jacob, je sais que le godillot est une très bonne chaussure qui permet d’aller loin, mais attention aux termes employés quand il s’agit des membres du Gouvernement. Il y a des choses qui ne se font pas : nous sommes l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Philippe Gosselin. M. Le Roux a la tête des mauvais jours !

    M. Bruno Le Roux. L’intervention de Christian Jacob est absolument indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À quoi cela sert-il, monsieur Jacob, pour la sérénité d’un débat que vous voulez sur le fond ? Nous y prenons notre part, en constatant simplement notre accord avec le texte du Gouvernement, et nous assumons le fait, je le redis une nouvelle fois, qu’il y ait d’un côté de cet hémicycle les progressistes et de l’autre les conservateurs et les réactionnaires ! (Mêmes mouvements.) Vous en faites la démonstration à tout moment.

    Je me félicite que le Gouvernement soit tout entier mobilisé autour de ce texte, qu’il donne le signal du rassemblement que veulent les Français.

    Monsieur Jacob, nous attendons autre chose de la part de l’opposition. Je ne sais pas si vous faites là le métier de clown que vous définissiez tout à l’heure (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais je souhaiterais que vous assumiez enfin vos responsabilités, et surtout vos idées et vos convictions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. Mes chers collègues, nous allons à présent écouter les orateurs inscrits pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    La parole est à Mme Barbara Pompili.

    Mme Barbara Pompili. Ces amendements sont inacceptables et le groupe écologiste votera contre, pour une raison simple et évidente : la loi, c’est la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et Noël Mamère !

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Barbara Pompili. Les maires, en tant qu’officiers d’état civil, doivent la faire respecter.

    À ce titre, je trouve intéressant que vous fassiez allusion au mariage de Bègles chaque fois que vous voulez parler de la clause de conscience. Sans revenir sur le fait que vous étiez les premiers à critiquer vertement l’initiative de Noël Mamère, je vous rappelle qu’il a accompli un acte de désobéissance civile, c’est-à-dire qu’il a violé la loi en toute conscience et en toute connaissance de cause (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en sachant qu’il aurait à en payer le prix, et il a en effet été poursuivi et suspendu, ce qui est parfaitement normal. Vos allusions n’ont donc rien de valable.

    Sur le fond, ces amendements risqueraient d’ouvrir une boîte de Pandore. Jusqu’où va la clause de conscience que vous appelez de vos vœux ? Direz-vous à un maire qui n’aime pas les mariages mixtes qu’il pourra invoquer cette clause ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. Scandaleux !

    Mme Barbara Pompili. Ou bien, puisque vous voyez la GPA partout – c’est quand même fou : nous parlons de gens qui viennent devant le maire pour se marier et vous voyez la GPA ! –, demanderez-vous aux couples hétérosexuels ou homosexuels qui se présentent devant vous s’ils vont pratiquer une GPA pour, le cas échéant, invoquer la clause de conscience et ne pas les marier ? Invoquerez-vous la clause de conscience pour ne pas marier des personnes âgées qui ne pourront procréer ? Jusqu’où irons-nous ? Je respecte trop les maires pour leur infliger cette insécurité juridique. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais à mon tour saluer la présence des nombreux ministres qui nous rejoignent cet après-midi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et je me réjouis à l’avance d’avoir à souffrir la réponse que nous apportera Mme Touraine ; puisqu’elle s’épanche si bien dans la presse sur la PMA, je ne doute pas qu’elle fera à la représentation nationale l’honneur de l’éclairer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    J’entends ce que nous dit Mme la garde des sceaux : le maire doit s’effacer devant la République. Très bien, mais doit-il s’effacer devant les principes qui fondent la République ? Au rang de ces principes figure la liberté de conscience. Il ne s’agit pas d’appeler les maires à l’insurrection, mais de leur reconnaître un principe constitutionnel et de le mettre en forme, de l’organiser dans le texte, afin que, justement, nul ne soit dans l’illégalité. Vous comprendrez donc pourquoi nous défendons avec force ces amendements, que nous voterons. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Un collègue de l’opposition a dit que nous refusions ces amendements par idéologie. Ce n’est pas par idéologie, mais par attachement au fonctionnement normal de la République, qui doit assurer, partout sur le territoire, les mêmes droits aux citoyennes et aux citoyens. En déléguant aux maires des actes civils de l’État, la République garantit une égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire. En remettant en cause, par la clause de conscience, l’effectivité du droit au mariage, vous rompez cette égalité de traitement.

    En outre, comme d’autres collègues, je ne vois pas très bien comment vous ferez dans la pratique, en tant que maires. Vous nous dites que vous élargirez cette clause de conscience à tous les mariages. Lorsque, devant procéder à un mariage, nous avons des doutes, sur l’état civil de l’un des futurs époux, sur le consentement d’une future épouse, nous faisons appel au procureur.

    M. Philippe Cochet. Il ne répond jamais !

    Mme Marie-George Buffet. Nous avons les outils pour empêcher que le mariage ait lieu. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.) Dans quels autres cas ferez-vous sinon appel à votre clause de conscience ? Je ne vois pas les cas concernés, mais peut-être allez-vous nous éclairer.

    Je reviens au mariage pour tous. La loi est votée…

    M. Philippe Gosselin. Non, la loi n’est pas votée !

    Mme Marie-George Buffet. Calmez-vous, il s’agit d’un raisonnement. Imaginons que la loi soit votée,…

    M. Philippe Cochet. Raisonnons par l’absurde !

    Mme Marie-George Buffet. …même si cela vous gêne. Vous avez à marier deux hommes ou deux femmes. Plusieurs d’entre vous nous disent que la question n’est pas celle du mariage mais celle de la PMA ; vous allez donc demander à ce couple s’il envisage la PMA ? Vous évoquez aussi l’intérêt des enfants ; allez-vous demander à ce couple des garanties sur la manière dont il s’occupera de ses enfants ? Comment allez-vous faire ? Votre clause de conscience est inapplicable.

    Enfin, en ce qui concerne la PMA, je ne comprends plus. Vous posez beaucoup de questions : permettez que je vous en pose une à mon tour. Lorsque vous parlez de la PMA comme quelque chose de terrible, cela signifie-t-il que vous êtes contre la PMA en général ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous avons dit ce que nous pensions !

    Mme Marie-George Buffet. Expliquez-vous mieux. Remettez-vous en cause la loi sur la PMA ? Ne parlons pas de la GPA, elle n’est pas autorisée en France, mais expliquez-vous sur la PMA ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

    M. Marcel Rogemont. Je salue à mon tour les ministres ici présents et les remercie de leur présence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous avez été nombreux, chers collègues de l’opposition, à citer les paroles du Président de la République, en réalité une partie de ses paroles, car le Président a dit : « Je connais les débats qu’ils suscitent, ils sont légitimes dans une société comme la nôtre. Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer, mais je le dis aussi […qu’il y a aussi des] possibilités de délégation. »

    Il y a quelques instants, alors qu’un amendement proposait d’associer l’adjectif « républicain » au mot « mariage », vous vous êtes élevé, monsieur le président de l’UMP, pour dire que les maires sont des républicains. Or, à cet instant, vous nous proposez une République à la carte, une République balkanisée, comme si l’on était officier d’état civil pour faire connaître ses états d’âme. Il faut le rappeler, la République est indivisible. L’honneur de la représenter va de pair avec des obligations.

    Je demande à chaque député de bien réfléchir à ces amendements, qui vont très au-delà de la question du mariage pour les couples de même sexe qui nous occupe. Demain, un maire pourrait refuser de marier deux personnes issues de l’immigration. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. Amalgame !

    M. Marcel Rogemont. Et s’il m’est permis de revenir 220 ans en arrière, je serais tenté de dire qu’un maire pourrait refuser de marier deux juifs, deux protestants, deux comédiens (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

    M. Philippe Cochet. Scandaleux !

    M. Marcel Rogemont. …car il a fallu attendre la Première République, en 1792, pour que le mariage – c’est François-Joseph Talma qui l’avait demandé – soit ouvert à tous, quel que soit l’état de chacun.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Marcel Rogemont. Le respect de la liberté de conscience est d’abord dû à nos concitoyens et non pas aux serviteurs de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Il y a l’homme ou la femme, l’élu, et il y a le principe. Nos amendements ont le mérite d’essayer de concilier l’un et l’autre. Le rapporteur, dans un développement assez curieux, nous a expliqué qu’au fond le mariage était un mannequin en carton sur lequel on mettait une écharpe. Il faut bien mal connaître les mariages, et leur importance dans notre pays, pour formuler les choses ainsi.

    L’amendement, on semble l’oublier, ne dispense pas l’officier d’état civil de célébrer le mariage : il a été écrit, en réalité, avec beaucoup de précaution et de pragmatisme en vue d’un fonctionnement opérationnel. Il dispose que l’officier d’état civil peut, en tant que personne, invoquer une objection ; mais, dans le même temps, l’organisation proposée par l’amendement fait qu’il doit y avoir, dans la commune, un officier d’état civil pour célébrer le mariage.

    Par conséquent, ce sera le plus souvent une personne qui aura refusé dans un premier temps ce mariage – mais qui aura pu, en tant que personne, formuler une objection – qui le célébrera, parce que l’autorité publique lui commande de le faire et qu’elle doit s’y soumettre, comme il est de règle dans la République.

    Je trouve cette construction pragmatique, respectant en outre l’énoncé du Président de la République. Or il faut bien mesurer qu’une traduction immédiate n’était peut-être pas si simple : nous avons eu le mérite d’en chercher une et de la proposer, quand l’exécutif ne l’a pas fait. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    J’ajoute également – car le propos de Mme Buffet était particulièrement intéressant – que cet amendement, même s’il n’a pas été initialement écrit à cette fin, permet de mieux résoudre des situations concrètes auxquelles nous sommes confrontés, lorsque le consentement au mariage nous paraît insuffisamment éclairé. Là où aujourd’hui nous transmettons une plainte au procureur, ce qui est le plus souvent de nul effet, nous aurions ici un dispositif qui permettrait de prendre cette dimension du sujet au sérieux, avec en sus une réponse opérationnelle.

    Le seul inconvénient finalement de cet amendement, c’est qu’il est opérationnel et qu’il fonctionne ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

    M. Jean-Pierre Dufau. Mes chers collègues, vous avez affirmé, clairement et avec raison, que la liberté de conscience était un principe constitutionnel et une réalité républicaine. En conséquence, si elle est un principe supérieur à tout, il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans chaque loi…

    M. Philippe Gosselin. Il faut l’organiser !

    M. Jean-Pierre Dufau. …puisque ce principe s’impose de lui-même.

    Dans ce cas précis, la qualité de maire est double, si je puis m’exprimer ainsi. Comme tout individu, le maire a le droit, à titre personnel, d’exercer toute liberté de conscience ; cependant, lorsqu’il est officier d’état civil, ce n’est plus sa personne qui est concernée, mais uniquement l’officier d’état civil, …

    M. Hervé Mariton. Les deux ! Et si on peut concilier les deux ?

    M. Jean-Pierre Dufau. …qui, en liaison avec le procureur, effectue cet acte d’état civil, en tant qu’agent de l’État. Dès lors, il est libre de son opinion – et personne ne s’opposera à sa conscience personnelle –, mais il doit exercer la fonction pour laquelle il a été élu, en ce qu’il est bien là le représentant de l’autorité qu’il a reçue au nom de l’ensemble des citoyens de sa commune.

    Je ne prendrai qu’un exemple. Il existe peut-être des élus, parmi vous ou ailleurs, qui, au nom de la liberté de conscience, sont opposés à l’IVG, contre laquelle même ils ont pu voter. Cette loi, pourtant, s’impose à tous. Allez-vous alors demander à la future épouse si elle a pratiqué l’IVG ou non, avant de savoir si vous devez la marier ?

    M. Éric Woerth. Mais non ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. N’importe quoi !

    M. Jean-Pierre Dufau. Je n’ai pas terminé, monsieur Jacob – j’ai d’ailleurs été quelque peu choqué par le niveau de vos propos. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Revenons à mon exemple : l’IVG est inscrite dans la loi et chacun doit donc la respecter.

    S’agissant du mariage pour tous, je fais confiance aux maires et je suis convaincu que, si cette loi est votée, vous vous rendrez compte très rapidement que vous vous êtes posé un faux problème, parce que cette pratique passera dans les mœurs et que les maires demeureront au service de la population et de la République. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Le sujet que nous évoquons à l’occasion de cet amendement peut avoir une lecture très précise. Lorsqu’on célèbre un mariage et qu’on lit les différents articles afférents, vient un moment où l’on évoque comme finalité l’intérêt de l’enfant. Or, cela ne vous a pas échappé, dans les débats que nous avons eus hier soir, comme depuis plusieurs jours, la question de l’intérêt de l’enfant conduit à des approches et à des conclusions très différentes selon les positions et les convictions des uns et des autres.

    Cette problématique de l’intérêt de l’enfant, qui sous-tend depuis plusieurs jours nos débats, se trouve précisément au cœur de cet amendement.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non, c’est le mariage !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Le Président de la République, dans le discours qu’il a prononcé lors du Congrès des maires, a dit trois choses : que les maires auront à faire appliquer la loi si elle est votée – nous sommes d’accord sur ce point ; que la loi s’applique pour tous – nous sommes également d’accord ; enfin, qu’elle doit s’appliquer « dans le respect de la liberté de conscience » – c’est ce que nous souhaitons ajouter par le biais de cet amendement.

    Nous avons l’opportunité de respecter l’intérêt de l’enfant ainsi que nos convictions, en nous montrant, qui plus est, parfaitement compatibles avec la voix de l’État, telle qu’elle a été exprimée par le Président de la République à l’occasion du Congrès des maires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 59 et les amendements identiques nos 209, 305, 365, 461, 519, 596, 655, 658, 769, 904, 1139, 1213, 1413, 1659, 1688, 1733, 1946, 2116, 2300, 2350, 2574, 3094, 3250, 3261, 3287, 3587, 3824, 4627, 4719, 4788, 4956, 5203 et 5266.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 349

    Nombre de suffrages exprimés 345

    Majorité absolue 173

    Pour l’adoption 101

    contre 244

    (Les amendements identiques nos 59, 209, 305, 365, 461, 519, 596, 655, 658, 769, 904, 1139, 1190, 1213, 1413, 1659, 1688, 1733, 1946, 2116, 2300, 2350, 2574, 3094, 3250, 3261, 3287, 3587, 3824, 4627, 4719, 4788, 4956, 5203 et 5266 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, je vous demande une brève suspension de séance.

    M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Nous en venons à une nouvelle série de soixante-dix-huit amendements identiques, qui tendent à insérer un article additionnel après l’article 1er.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 62.

    M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, j’ai rencontré beaucoup de maires préalablement à ce débat et j’ai été surpris par la façon dont ils parlaient des cérémonies qu’ils célébraient dans leurs communes. J’ai compris à cette occasion que ces célébrations les engageaient, pas comme on exerce un métier, mais à titre très personnel.

    C’est pour cette raison que je milite en faveur de la clause de conscience et que cette série d’amendements s’organise, non autour du procureur, mais autour du représentant de l’État et du préfet.

    Ces maires sont tellement troublés que beaucoup ont participé à des manifestations. En Côte-d’Armor, à Saint-Brieuc, l’une d’elles a réuni mille personnes, ce qui est beaucoup pour un département ancré à gauche – la manifestation concurrente réunissant péniblement deux cents personnes.

    Parmi ces mille personnes défilaient des maires, ceints de leur écharpe. Cela signifie quelque chose. Nous devrions les entendre. Nous détenons la solution pratique pour que les célébrations aient en définitive lieu, dans le respect de la clause de conscience inscrite dans notre Constitution. Ce faisant, nous respecterions nos deux traditions, celle des cathédrales et celle des encyclopédistes.

    Nous devons pouvoir le faire et nous rassembler sur ce sujet. C’est un défi démocratique que nous vous lançons, qui devrait nous rassembler tous autant que nous sommes. La clause de conscience, c’est ce qui permet de résister aux idéologies, d’éviter les dérives, d’exprimer une résistance pacifique. C’est ce que nous disent très concrètement ces maires. Dans un monde de plus en plus technique et technologique – nous le voyons notamment dans le domaine de la procréation : PMA, la gestation pour autrui –, la conscience est ce qu’il nous reste pour demeurer des hommes et des femmes, et ne pas devenir des robots.

    L’obéissance n’est pas une valeur humaine. La valeur humaine la plus forte a été exprimée en d’autres circonstances par de très grands hommes ; elle consiste parfois à dire non. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 123.

    M. Patrice Martin-Lalande. Il ne s’agit pas de ne pas faire appliquer la loi : nous sommes naturellement tous convaincus qu’il faut l’appliquer, quelle qu’elle soit, mais elle pourrait être appliquée par une autre personne.

    L’amendement n° 123, comme ceux de mes collègues, vise à concilier la liberté de conscience, telle qu’en a rappelé l’existence et l’importance le Président de la République lui-même au Congrès des maires, avec l’application de la loi, en permettant d’assurer la célébration du mariage par un autre officier d’état civil.

    Les maires actuellement en fonction se sont engagés à assurer leurs responsabilités dans un certain cadre. Or la loi dont nous débattons modifie les responsabilités qu’ils auront à exercer sur un point très important, celui du mariage, celui de la filiation. Dès lors qu’ils ne pouvaient s’attendre à une telle évolution au moment où ils ont pris leurs fonctions, il me semble tout à fait justifié que les maires puissent faire jouer leur clause de conscience au moins jusqu’aux prochaines élections municipales, en 2014, de sorte qu’ils puissent exercer leur responsabilité comme ils s’y sont engagés devant leurs électeurs en début de mandat ; libre à eux de ne pas se représenter s’ils ne veulent pas l’assumer dans ce cadre nouveau. Probablement est-ce ainsi que l’on procédera pour le cumul des mandats ; pourquoi pas n’en irait-il pas de même pour la célébration des mariages ?

    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 225.

    M. Marc Laffineur. Nous avons compris pourquoi M. Bruno Le Roux demandait une suspension de séance : pour permettre aux ministres de partir en toute discrétion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), Cela en dit long sur le cynisme dont fait preuve la majorité et dont a fait preuve le Président de la République au Congrès des maires. Les relations étaient alors au plus bas entre les maires et la majorité – on dirait que c’est encore pire aujourd’hui –…

    M. Guy Delcourt. On n’est plus du temps de Sarkozy !

    M. Marc Laffineur. …puisqu’il était annoncé des baisses comme on n’en a jamais vu des dotations d’État en direction des communes qui iront de plus en plus mal dans les prochaines années, et la modification des rythmes scolaires sans aucune concertation avec les maires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le Président de la République, ne sachant comment s’en sortir, s’est dit qu’il allait promettre la clause de conscience ; mais dès le lendemain, on s’est assis dessus en disant que cette clause de conscience, on ne la ferait pas. Et les ministres sont venus aujourd’hui pour voir que la majorité votait, pour reconnaître que le Président de la République avait dit un énorme mensonge à l’ensemble des maires lors de ce congrès. C’est dire le cynisme inimaginable de cette majorité et c’est ce à quoi sont venus assister en nombre les ministres, pour cette première série d’amendements.

    Nous vous donnons, par cette deuxième série, la possibilité de vous racheter, en quelque sorte,de montrer que vous avez une certaine considération pour les maires de France et pour les élus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 316.

    M. Christian Jacob. En effet, quelle ne fut pas notre surprise, après la suspension de séance, de constater que les ministres avaient fui l’hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès qu’on les interpelle, ils fuient ! Ont-ils si peu de convictions pour être incapables de les exprimer dans l’hémicycle ? On les voit s’exprimer partout, dans les twitts, dans les blogs, mais devant la représentation nationale, ils deviennent muets comme des carpes et disparaissent sitôt qu’on les interroge ! C’est tout de même assez surprenant !

    Je sais qu’ils étaient venus dans l’intention de faire bonne figure, en se disant que l’on ferait un beau cliché et que la presse se ferait l’écho d’un gouvernement uni et rassemblé.

    M. Xavier Breton. C’est raté !

    M. Christian Jacob. Eh bien non ! Ce qu’on a vu, c’est un gouvernement fuyard et incapable de s’exprimer devant la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Pourquoi avons-nous déposé cet amendement sur la clause de conscience ? Plusieurs de mes collègues l’ont expliqué, et le Président de la République l’a exprimé lui-même devant les maires – je n’ose pas imaginer en effet qu’il se soit servi de cette formule uniquement pour se faire applaudir, et pour changer d’avis le lendemain. Ce serait invraisemblable. Quoique…Car, de fait, ce fut la réalité : il a suffi d’un coup de téléphone de LGBT pour que le Président de la République se mette aux ordres et renie les engagements qu’il avait pris la veille devant des milliers de maires.

    Mme Brigitte Bourguignon. Ils apprécieront !

    M. Christian Jacob. Et Mme la garde des sceaux de nous expliquer tout à l’heure combien nous méconnaissions le droit en demandant cette clause de conscience, combien il serait invraisemblable de l’intégrer dans le texte ! Mais c’est ce que le Président de la République a dit au Congrès des maires !

    M. André Schneider. Hé oui !

    M. Guy Delcourt. Non !

    M. Christian Jacob. C’était d’ailleurs un des rares points sur lequel nous étions d’accord avec lui. Quelle n’a pas été notre déception et surtout celle des nombreux élus qui ont cru un instant en la parole du Président de la République ! Leur déception est aujourd’hui à la mesure du mensonge qui leur a été fait.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 370.

    M. Hervé Mariton. Eurêka ! Je me demandais pourquoi M. Lamy était venu et je crois avoir trouvé. Au fond, monsieur le ministre délégué chargé de la ville, vous êtes la plus proche approximation d’un membre du Gouvernement susceptible de répondre ici de l’engagement du Président de la République au Congrès des maires.

    M. Jean-Pierre Dufau. Il est urbain, lui !

    M. Hervé Mariton. C’est vous qui allez nous expliquer, puisque vous êtes ministre de la ville, en contact avec de très nombreuses villes de France, comment l’engagement pris lors d’un Congrès, devant des milliers de maires, peut ainsi être déchiré par une majorité qui, sur le mariage et l’adoption, comme sur d’autres sujets, ne trouve comme principale justification que les engagements du Président de la République. Que demandons-nous au fond, sinon un peu de cohérence ?

    M. Guy Delcourt. Quel niveau !

    M. François André. Quelle hauteur de vue ! Quelle densité !

    M. Hervé Mariton. C’est vrai, le Gouvernement est libre de choisir qui répond ; mais le plus logique serait que ce soit vous.

    Le Gouvernement n’a pas répondu tout à l’heure, après mon intervention, mais cela va venir dans cette nouvelle série d’amendements : pourquoi refuser le pragmatisme que nous proposons ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. Mais si, il a raison !

    M. Hervé Mariton. Je l’ai dit, il y a les hommes et les femmes, qui sont les élus de la République, et il y a la République elle-même.

    Plusieurs députés SRC. Et il y a la loi !

    M. Hervé Mariton. Bien sûr, il y a aussi la loi, et c’est nous qui la faisons.

    Si l’on peut concilier tout cela, il n’y a pas de raison de ne pas le faire. C’est l’objet de notre amendement et c’était la logique du Président de la République. Je suis certain que le ministre de la ville, puisqu’il est ici, aura à cœur de s’en expliquer.

    M. Christian Paul. C’est de l’incontinence verbale !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 462.

    M. François de Mazières. Madame la garde des sceaux, vous avez dit tout à l’heure que les réponses données par certains de nos collègues réhabilitaient les maires. Les maires n’ont pas besoin d’être réhabilités. En revanche, la parole d’État a besoin aujourd’hui de l’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Delcourt. Après Sarkozy, c’est sûr !

    M. François de Mazières. Un Président de la République, qui avait pris un engagement devant le Congrès des maires de France, a retiré sa promesse, est revenu sur ses paroles dès le lendemain. Oui, la parole d’État doit être réhabilitée.

    M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas le Président qui fait la loi !

    M. François de Mazières. Et c’est parole d’État, madame la garde des sceaux, vous ne m’écoutez pas, mais c’est à vous à présent de la réhabiliter. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je vous écoute !

    M. François de Mazières. J’ai une question à vous poser, madame la garde des sceaux, même si on a dû vous la poser une centaine de fois.

    Mme Brigitte Bourguignon. Toujours la même !

    M. François de Mazières. Oui ou non, la PMA sera-t-elle soutenue en mars ou avril dans la loi sur la famille ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous nous dites que cela viendra après mais franchement, croyez-vous que les Français qui nous regardent trouvent tout cela sérieux ? Peuvent-ils penser que l’État agit avec dignité lorsqu’il procède ainsi, par tactique ? C’est cela, le problème que se posent les Français aujourd’hui, et auquel il faut maintenant que vous répondiez.

    Plusieurs députés SRC. Hors sujet !

    M. François de Mazières. Nous avons le sentiment que vous agissez par tactique.

    D’ailleurs, si nous sommes ravis que de voir des ministres ici, est-il sérieux que le ministre du Grand Paris soit là ? Que la ministre de la santé soit là ?

    Mme Brigitte Bourguignon. Eh bien alors ?

    M. François de Mazières. Alors que notre pays connaît des problèmes si sérieux, vous vous servez de cette loi très importante comme d’un écran de fumée !

    M. Jean-Pierre Dufau. Quel talent !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 520.

    M. Patrick Ollier. Je n’ai pas du tout apprécié tout à l’heure que M. Le Roux mette en cause notre président de groupe. Non, monsieur Le Roux, il n’y a pas d’un côté les conservateurs, de l’autre les progressistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Non, monsieur Le Roux, il y a simplement ici des démocrates, sans instruction de vote, qui posent des questions dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, et qui sont en droit de recevoir des réponses.

    Et il y a vous, qui ne répondez pas aux questions.

    M. Christian Assaf. Et il y a vous, qui posez toujours les mêmes !

    M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, les questions portent, bien sûr, une fois de plus sur la PMA. Mme Touraine pourrait d’ailleurs venir y répondre. Comprenez que nous soyons inquiets ! Pourquoi demandons-nous la clause de conscience ? Parce que, justement, nous ne faisons pas confiance à ce gouvernement qui avance masqué. Nous voulons savoir ce qu’il adviendra de tout le processus de la filiation. C’est la seule question que nous posons.

    M. Guy Delcourt. Ce n’est pas vrai !

    M. Christian Assaf. Mensonge !

    M. Patrick Ollier. Cette clause de conscience que nous revendiquons permettra au maire d’être libéré de ses inquiétudes. Puisque vous ne voulez pas nous répondre, je ne reviendrai pas sur les engagements du Président de la République, mais le fait est qu’il les a pris et que vous les reniez.

    Sincèrement, on ne peut pas vous faire confiance dans le processus que vous engagez et c’est pourquoi nous tenons à ce que ces amendements soient adoptés.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 597.

    M. Philippe Gosselin. On nous parle seulement de quelques maires qui ne respecteraient pas la loi avant de rentrer dans le rang. Rappelons tout de même qu’aujourd’hui, plus de 20 000 maires et adjoints, officiers d’état civil, ont fait part de leur souhait d’exercer la clause de conscience. C’est un chiffre extrêmement significatif et on ne saurait le balayer d’un revers de main.

    Une vraie question se pose aujourd’hui. J’aurais bien aimé entendre également les ministres sur ce point, car je ne voudrais pas que l’on nous range bientôt dans deux catégories, monsieur Le Roux : non pas les démocrates d’un côté et les conservateurs de l’autre, mais ceux qui croyaient en la parole présidentielle et ceux qui n’y croyaient pas, ceux qui voulaient faire respecter la parole présidentielle et ceux qui ne le voulaient pas. Cela ne sera pas aussi binaire, mais donnez-nous, monsieur le ministre délégué chargé de la ville, ou un autre, quelques explications. Il y avait tant de ministres tout à l’heure que je me serais cru un mardi ou un mercredi, aux questions d’actualité !

    En attendant, cette liberté de conscience est importante. Les maires en ont besoin, ce sont des républicains. Encore une fois, il ne s’agit pas d’appeler à la rébellion, à la désobéissance civile ou républicaine, mais de permettre l’organisation, par la loi, d’une clause reconnue par les principes de la République.

    M. Jean-Pierre Dufau. Ce qui est dans la loi est dans la loi !

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 689.

    M. Frédéric Reiss. Les maires ont parfaitement conscience de la responsabilité qui est la leur lorsqu’ils célèbrent un mariage. Beaucoup d’entre eux m’ont fait part de leur intention de ne pas célébrer de mariage entre deux personnes de même sexe.

    M. Jean-Pierre Dufau. On verra à l’arrivée !

    M. Frédéric Reiss. Est-il normal qu’un Président normal prenne un engagement, au moment du Congrès des maires, que la majorité aujourd’hui ne respecte pas ? Est-ce le fonctionnement normal de la République ? Je ne le pense pas.

    À travers les réponses de la commission et du Gouvernement sur les amendements précédents, chacun aura compris que l’engagement du Président de la République devant les maires gênait la majorité. Mon amendement n° 689 peut concilier la position de ceux qui veulent instaurer le mariage pour tous et de ceux qui veulent que la loi puisse s’appliquer sur tout le territoire, en proposant que si aucun officier de l’état civil de la commune n’accepte de célébrer un mariage dans une commune, après en avoir été informé, au plus tard vingt-quatre heures après la publication des bans, le représentant de l’État dans le département en désigne alors un d’office.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 942.

    M. Philippe Vitel. Tout à l’heure, un de nos collègues évoquait l’IVG. Cela m’a amendé à réexaminer ce qu’était la clause de conscience dans le monde médical. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    La clause de conscience pour le médecin, c’est le droit de refuser la réalisation d’un acte médical pourtant autorisé par la loi, mais qu’il estimerait contraire à ses convictions personnelles, professionnelles ou éthiques.

    M. François André, M. Guy Delcourt et Mme Ericka Bareigts. Cela n’a rien à voir !

    M. Philippe Vitel. Et il est précisé : l’invocation de la clause de conscience ne doit pas pouvoir être interprétée comme une supposée discrimination. C’est exactement ce que vous faites ! Pour vous, le fait qu’un maire, par clause de conscience, ne veuille pas réaliser un mariage homosexuel, est une discrimination. Je crois que, dans le rapprochement des formes, vous devriez adopter cet amendement qui va dans le sens de ce qui existe déjà dans le code de déontologie médicale. C’est la déontologie des élus et nous y sommes très attachés.

    M. Jean-Pierre Dufau. Il n’a rien compris, mais ce n’est pas grave !

    M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1146.

    M. Paul Salen. Un de nos collègues de la majorité s’est laissé allé à dire tout à l’heure que, sous l’Ancien régime, les Juifs ne pouvaient pas être mariés. C’est oublier que, sous l’Ancien régime, la commune n’existait pas. Ce qui rendait les choses très difficiles…

    Je reviens à mon amendement n° 1146, qui est de bon sens. Nombreux sont nos collègues élus, maires ou adjoints, qui ne souhaitent pas célébrer ces mariages. Le Président de la République a reconnu que le mariage pour tous mettait en jeu les convictions intimes du maire. Il a évoqué la clause de conscience, avant de se rétracter sous le poids de certains lobbies qui, dès le lendemain de cette annonce, ont été reçus à l’Élysée. Un Président qui se fait recaler par des lobbies, c’est une première dans l’histoire de la République !

    Je demande à mes collègues, sur tous les bancs, d’accepter cet amendement. Ce geste serait une preuve de respect envers les maires et les élus en ne leur imposant pas un acte dont ils ignoraient l’existence en 2008 quand ils se sont engagés. Ils ne savaient pas que l’on pourrait un jour exiger d’eux qu’ils célèbrent ces mariages.

    M. Christian Assaf. Qu’est-ce que cet argument ? La loi est la loi !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1414.

    M. Nicolas Dhuicq. Après le déni, voici l’hybris que nous évoquerons probablement ce soir ou dans les jours à venir. Tout est possible à partir du moment où la technique l’autorise. Après une vision triste de la société et de l’homosexualité – parce qu’il peut y avoir une homosexualité dionysiaque assumée, joyeuse, pas forcément culpabilisée, que nous respectons aussi –, vous attaquez la conscience par des mécanismes de dépersonnalisation, de destruction de l’individu qu’est le maire et que sont les élus de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. François André. Quel sens de la mesure !

    M. Nicolas Dhuicq. En d’autres périodes, certains de vos aînés refusèrent d’entendre la clause de conscience qui permit à des élus de refuser les pleins pouvoirs à un certain individu. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. François André. Ben voyons ! Honteux !

    M. Sébastien Denaja. Maintenant, c’est comme si nous votions les pleins pouvoirs à Pétain ! C’est intolérable !

    M. Nicolas Dhuicq. Eh oui ! Vous voulez jouer un match de tennis, mais vous ne supportez pas que l’on puisse vous renvoyer des revers ou des coups droits. Il n’y a que vous qui auriez le droit de donner des leçons d’histoire, de moralité et de République !

    Les élus de la France ont aussi une conscience. Ils ont parfaitement le droit d’entendre ce que leur disent certains professionnels, ce que leur dit le peuple de France et de refuser de pratiquer un acte qu’ils considèrent comme ne répondant pas à leur éthique personnelle.

    C’est cette liberté de choix, mes chers collègues, que nous vous demandons d’accepter.

    M. Sébastien Denaja. Il faut finir votre analyse !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1734.

    M. Guillaume Chevrollier. Le principe de la liberté de conscience a été reconnu par le Président de la République lors de la séance solennelle d’ouverture du quatre-vingt-quinzième Congrès des maires le 20 novembre dernier. Je vous fais grâce de la citation complète, mais il a bien relevé les problèmes que soulève le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

    Le présent amendement vise à traduire cette aspiration présidentielle et à répondre au souhait de nombreux élus qui se sont mobilisés contre ce texte par des réponses fort nombreuses à des pétitions et par la présence de nombreux élus locaux dans les manifestations, le 13 janvier et encore aujourd’hui, dans de nombreuses villes de France.

    Nous ne pouvons qu’entendre cette demande. Les élus sont attachés au mariage tel qu’il existe actuellement et au pouvoir qui leur est donné d’unir un homme et une femme dans le but de fonder une famille et de donner une descendance.

    Permettez donc à certains maires de France de continuer à dire à leurs mariés de demain : « Je vous déclare mari et femme », et pas une autre formule.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l’amendement n° 2582.

    M. Jean-Claude Bouchet. Depuis le début, l’opposition est traitée de ringarde sur les bancs de la majorité. Ringards, je ne pense pas que nous le soyons ; nous sommes simplement conscients et nous débattons d’enjeux de société. Il est normal que nous ayons cette position puisque cet après-midi, nous discutons de véritables enjeux pour l’avenir de la France et de notre nation. Nous ne sommes pas ringards, mais simplement conscients de ces enjeux.

    L’amendement que nous présentons aujourd’hui permet, avec la liberté de conscience, de mesurer tous les enjeux et de faire en sorte que le mariage, demain, puisse être sécurisé. C’est tout l’objet de cet amendement, qui n’est pas ringard, mais simplement garant de l’avenir de la société.

    M. François André. Ben voyons !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2936.

    M. Philippe Meunier. Avec ce projet de loi, vous violez le corps social et les consciences. La clause de conscience que nous vous demandons d’adopter avec cet amendement est bien le minimum que vous pouvez tolérer à l’égard de tous ces élus de France, qui sont d’honnêtes républicains.

    N’oubliez pas une chose, mes chers collègues, si vous êtes majoritaires ici, dans cet hémicycle, vous ne l’êtes plus dans la rue ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. C’est vrai !

    M. Philippe Meunier. Cette clause de conscience est le minimum que vous pouvez « tolérer », compte tenu de votre intolérance, à l’égard de tous ces élus qui se sont engagés pour la République.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3211.

    M. Jacques Myard. Ce débat sur la liberté de conscience illustre parfaitement l’impasse politique dans laquelle vous vous êtes mis vous-même, ce qui explique votre raidissement. Elle est la plus belle illustration du rétropédalage du Président de la République qui, quatre-vingt-dix ans après Édouard Herriot, réinvente l’adage : « Il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef ». Le peuple lui répond : « Cochon qui s’en dédit ! »

    Il y a plus grave à mon sens : elle traduit votre intolérance d’une certaine conception de la République et l’on sent comme une réelle soviétisation de la majorité, sous l’œil vigilant des commissaires politiques au banc du Gouvernement. C’est un déni de justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était brillant !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n° 3324.

    M. Philippe Goujon. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y avait vraiment sur les bancs de la majorité une volonté sincère et authentique de débattre, celle-ci accepterait nos amendements qui concilient parfaitement le respect de la liberté de conscience – à laquelle personne ne peut décemment s’opposer, et certainement pas le Président de la République, on se souvient de ses déclarations au Congrès des maires – et l’exécution indispensable de la loi, notamment par des officiers d’état civil.

    C’est la raison pour laquelle, après avoir affirmé le principe qu’un officier d’état civil n’est jamais tenu de célébrer un mariage de deux personnes de même sexe, il prévoit qu’au cas où aucun officier d’état civil de la commune n’accepterait de célébrer ce mariage, après en avoir été informé au plus tard vingt-quatre heures après la publication des bans, il revient au représentant de l’État dans le département d’en désigner un d’office. Cela permet de garantir l’organisation du service public suffisamment en amont de la célébration du mariage pour assurer la continuité du fonctionnement du service de l’état civil.

    Voilà la façon dont les deux principes peuvent être conciliés : l’officier d’état civil fait part de son opposition à ce mariage en exerçant la clause de conscience – évoquée par le Président de la République, vous ne pouvez pas le nier –, et la continuité du service public et l’application de la loi sont assurées par la réquisition de celui-ci.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3266.

    M. Xavier Breton. S’agissant de la liberté de conscience, le cœur de la question est de savoir ce qui relève de la conscience. À partir de quel moment peut-on faire jouer une objection de conscience ? Sur ce point, nous pouvons avoir des appréciations divergentes. Le fait de refuser qu’on ôte à l’enfant le droit d’avoir un père et une mère relève-t-il de la liberté de conscience ? Le respect de l’altérité sexuelle, le refus de la marchandisation du corps relèvent-ils de la liberté de conscience ? Pour vous, ce sont des valeurs qu’il faut combattre. Pour nous, ce sont des valeurs importantes, voire essentielles.

    Nous ne contestons pas le fait que vous combattiez ces valeurs. Ce que nous contestons, c’est que vous refusiez la liberté de conscience à celles et ceux qui ne pensent pas comme vous. Vous êtes en plein aveuglement idéologique : pour vous, la liberté de conscience doit s’effacer devant la République. C’est cet aveuglement idéologique qui a conduit tout à l’heure Mme la ministre chargée de la famille à trier les Français : d’un côté, ceux qui pensent comme vous dans les sondages et qui sont donc de bons citoyens ; de l’autre, ceux qui ne pensent pas comme vous et qui seraient de mauvais citoyens.

    Pour vous, l’État est plus important que les personnes et leur conscience. Pour nous, c’est l’inverse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3653.

    M. Bernard Perrut. Plus le débat avance, plus je suis inquiet.

    M. Guy Delcourt. Nous aussi, nous sommes inquiets pour vous !

    M. Bernard Perrut. La liberté de conscience est remise en cause à travers nos débats. D’ailleurs, le Président de la République l’a bien senti : il a bien vu que cette grande réforme de société ne pouvait pas créer le consensus et qu’il fallait effectivement reconnaître la liberté de conscience, liberté qu’aujourd’hui, madame la garde des sceaux, vous ne souhaitez pas accorder.

    Ce projet de loi remet en cause le cadre juridique et social du mariage qui structure la société et la filiation depuis des siècles. Les citoyens sont égaux, nous en sommes d’accord. Cela n’implique pas que les situations entre couples homosexuels et couples hétérosexuels soient tout à fait égales. Si, pour vous, aujourd’hui, le principe d’égalité est suffisant pour chambouler et même renier l’institution du mariage, il sera rapidement considéré comme suffisant pour autoriser la PMA et la GPA. Et c’est bien cela notre inquiétude : l’égalité ne peut pas tout justifier ! Comprenez l’inquiétude des maires : le mariage n’est pas simplement la fête de l’amour, ni la mise en scène des sentiments. C’est une institution de la République, et c’est pourquoi les élus de la nation que nous sommes sur les bancs de l’UMP souhaitent que la clause de conscience permette de préserver cette liberté personnelle pour chacun d’entre nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 3827.

    M. Éric Woerth. Pourquoi ce débat est-il compliqué et parfois très, voire trop violent entre nous ? Parce que vous ne répondez pas aux questions posées. Vous êtes, d’une certaine manière, dans la répétition automatique de vos arguments. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Bernard Roman. Mais c’est vous, qui vous répétez !

    M. Jérôme Guedj. Le comique de répétition, c’est vous !

    M. Éric Woerth. La majorité n’a pas donné aujourd’hui un seul argument nouveau.

    Nous posons des questions de fond auxquelles vous ne répondez pas : dix, quinze, vingt fois nous avons demandé pourquoi le Président de la République avait changé si brutalement d’avis.

    M. Guy Delcourt. Parce que ce n’est pas le sujet !

    M. Éric Woerth. Ce n’est tout de même pas rien ; il ne s’agit pas de l’avis d’un personnage anodin de la République mais de celui du Président ! Pourquoi a-t-il aussi soudainement changé d’avis sur un sujet aussi important : la liberté de conscience réservée aux maires dans l’application de cette loi ? Nous aimerions obtenir une réponse.

    Ensuite, pourquoi Mme Touraine n’a-t-elle pas jugé bon d’expliquer quelle était sa position sur la PMA – elle est ministre de la santé, pas du budget –, sujet qui me semble lui aussi très important ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que ce n’est pas dans le texte !

    M. Éric Woerth. Mais c’est dans le texte, madame Lemorton, vous le savez bien !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors montrez-le !

    M. Éric Woerth. Vous l’avez retiré de ce texte pour la mettre dans un autre – pourquoi, d’ailleurs, ce projet sur la famille, si ce n’est pour servir de réceptacle pour la PMA ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous verrons bien ; reste que la PMA est dans ce texte presque par nature.

    Enfin, nous n’arrivons toujours pas à savoir pourquoi il est si urgent de discuter d’un tel projet,…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, accélérons la discussion !

    M. Éric Woerth. …pourquoi il est si urgent de diviser la France alors qu’elle n’en a vraiment pas besoin, pourquoi il est si urgent de vouloir discriminer les enfants dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Arrêtez donc de tourner en rond et nous irons plus vite !

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4643.

    Mme Annie Genevard. Je vais poursuivre mon argumentation de tout à l’heure et reprendre le propos de M. Galut selon lequel il n’y aurait bientôt plus de cumul des mandats possible.

    M. Yann Galut. Ça, je l’ai dit, en effet !

    Mme Annie Genevard. Je vous ai donc bien entendu. Votre remarque est une illustration supplémentaire du peu de cas que vous faites de la fonction de maire. Il y a eu cet amendement de M. Tourret qui mentionnait le caractère républicain du mariage, comme si ce n’était pas une évidence ; il y a eu ensuite l’image de l’écharpe dissociée de façon schizophrène de la conscience et de la personne du maire ; Il y aura demain, peut-être, l’impossibilité, pour un député, de demeurer maire.

    Eh bien, mes chers collègues, réjouissons-nous qu’il se trouve encore des députés-maires pour poser ce type de question. Le jour où ces deux fonctions seront définitivement dissociées, la liberté de conscience du maire, nous n’en parlerons plus. La fonction de député-maire, c’est la garantie d’un subtil, nécessaire, salutaire dialogue entre le niveau local et le niveau national. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4721.

    M. Gilles Lurton. À vous écouter, chers collègues de la majorité, je me demande bien quel risque vous prendriez à reconnaître, pour certains élus qui le souhaiteraient, cette liberté de conscience. Madame la garde des sceaux, vous nous avez expliqué dans votre réponse, il y a quelques instants, que vous étiez persuadée que la quasi-totalité des élus de nos communes accepteraient de célébrer les mariages des couples de personnes de même sexe. Dans ces conditions, j’y insiste, où est le risque de reconnaître à quelques élus, puisque vous nous assurez qu’ils seraient peu nombreux, cette possibilité de retrait, d’exercer une clause de conscience s’ils ne pensent pas la même chose que vous ?

    Je dis et je redis qu’il n’y a pas une pensée unique dans ce pays, il y a des élus qui peuvent penser autrement et leur pensée est tout à fait respectable. C’est pourquoi je vous demande de leur reconnaître la possibilité d’exercer leur liberté de conscience.

    M. Jean-Pierre Dufau. On ne va pas vous empêcher de penser autrement ; seulement, nul n’est censé ignorer la loi !

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4790.

    Mme Geneviève Levy. Pourquoi insistons-nous tant sur ce sujet ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que vous n’avez rien d’autre à dire !

    Mme Geneviève Levy. On nous reproche de nous répéter, mais nous nous répéterons jusqu’à obtenir des réponses aux questions que nous nous posons de manière tout à fait légitime. De plus, d’une certaine manière, les nouvelles arrivent au compte-gouttes. C’est le cas pour la PMA…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça suffit !

    Mme Geneviève Levy. …dont on nous assure qu’il ne sera pas question, avant qu’on nous annonce qu’on en parlera bien, mais plus tard. Il en va de même pour la GPA.

    Le problème de conscience que nous soulevons devient un problème de confiance. Or la confiance est essentielle si nous voulons les uns et les autres exercer tout à fait sereinement les mandats qui nous sont confiés.

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4955.

    M. Julien Aubert. J’espère que nous ferons changer d’avis nos collègues de la majorité. Après tout, on aura tout vu : le groupe écologiste ne défend-il pas la loi alors que, généralement, il défend le fauchage illégal de plants d’OGM, les occupations irrégulières de logements vacants ou encore les mariages illégaux à Bègles ? (Murmures sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. Philippe Meunier. Excellent !

    M. Julien Aubert. Comme quoi la conscience, chez certains, est à géométrie variable !

    D’un point de vue juridique, j’ai l’impression que Mme la garde des sceaux, en parlant d’ordres illégaux, confond les officiers d’état civil et les fonctionnaires. Les maires ne sont pas des citoyens qui disposeraient de moins de droits que les autres. Tous les citoyens, aux termes de la déclaration des droits de l’homme, ont droit à la liberté de conscience et je ne vois pas sur quel fondement juridique vous pouvez affirmer qu’un maire aurait moins de droits que n’importe quel citoyen. Le droit des couples de personnes homosexuelles n’est pas un droit absolu qui viendrait oblitérer le droit des autres personnes dans la société.

    Vous voulez faire une révolution sociale, mais vous devriez savoir que, selon Jaurès, il ne peut y avoir révolution que lorsqu’il y a conscience ; ce n’est pas en oblitérant la liberté de conscience que vous favoriserez l’adaptation de cette loi dans la société.

    M. Bernard Roman. Il ne s’agit pas de liberté de conscience !

    M. Jean-Pierre Dufau. Quel galimatias !

    M. Julien Aubert. Qui plus est, vous prétendez ne pas voir comment on pourrait mettre en œuvre l’exercice de la liberté de conscience des maires ; du coup, vous les réquisitionneriez pour appliquer la loi !

    M. Jean-Pierre Dufau. C’est vous qui l’avez dit !

    M. Julien Aubert. Vous vous préparez au fait que certaines personnes puissent ne pas appliquer pas la loi et donc au fait que vous deviez les y contraindre. Pourquoi donc ne pas organiser cette situation par avance en permettant une adaptation légale du texte ? Et pourquoi ne montrez-vous pas autant de fermeté sur d’autres sujets ?

    Au nom de quelle norme supérieure refusez-vous au maire sa liberté de conscience ? Vous ne voulez pas voir que ce texte n’est pas consensuel. Vous ne voulez pas entendre les arguments de l’opposition. Vous ne voulez pas dire que vous voulez préparer la PMA. Trois ministres : rien voir, rien dire, rien entendre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 5205.

    M. Alain Leboeuf. La liberté de conscience est bien au cœur de nos débats et j’avoue ne pas avoir très bien compris le discours de Mme la garde des sceaux qui, finalement, n’est pas du tout en accord avec les arguments que les conseillers techniques du Président de la République ont pu préparer. Je refuse de croire que le Président de la République est venu s’exprimer devant l’ensemble des maires de France sans qu’on lui ait préparé quelques éléments de discours. Or il s’est prononcé fermement sur l’exercice de cette liberté de conscience ; et, aujourd’hui, on voudrait nous expliquer que ce n’est pas possible !

    Comment peut-on ainsi tenir deux discours ? J’avoue être très inquiet à l’idée qu’un Président de la République ne puisse tenir parole alors que ses discours sont préparés avec soin. C’est grave, car les conséquences de cette ambiguïté peuvent rejaillir sur l’ensemble du dispositif. Le discours du Président de la République n’est plus crédible ni devant les maires ni ailleurs. Vous devez par conséquent absolument écouter le chef de l’État et respecter la liberté de conscience qu’il a promise à l’ensemble des maires de France. C’est donc avec toute ma force de conviction que je vous appelle à voter cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5267.

    M. Guillaume Larrivé. Depuis quelques heures, sur les bancs de l’opposition, nous nous efforçons de défendre les libertés, qu’il s’agisse des libertés locales, de la liberté d’expression, de la liberté de conscience. Et vous, depuis plusieurs jours, vous prétendez incarner le camp du progrès.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

    M. Guillaume Larrivé. Mais, depuis quelques heures, ce n’est pas le progrès que vous incarnez, mais bel et bien une forme de régression.

    Dans ce débat sur les libertés locales, le meilleur orateur de la majorité aura sans doute été Mme Buffet, l’ancienne secrétaire générale du parti communiste français. Vous donnez, par votre refus des libertés locales, mesdames et messieurs les députés de la majorité, l’image de dinosaures nostalgiques de l’Union soviétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

    M. Christian Jacob. Ce n’est que la vérité !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces soixante-dix-huit amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai entendu un député de l’opposition soutenir que la formule consacrée prononcée par le maire était : « Je vous déclare mari et femme. » C’est faux : selon l’article 75 du code civil, cette formule est : « Je vous déclare unis par le mariage. » (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je pense d’ailleurs que cette phrase n’est même pas prononcée à l’église où la formule utilisée est, me semble-t-il : « Je vous unis par le sacrement du mariage. » Eh oui ! La formule « mari et femme » n’existe-t-elle pas dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Mais je sais que vous vous en foutez. (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Calmez-vous, s’il vous plaît ! Que se passe-t-il ? Seul M. le rapporteur a la parole !

    M. Christophe Guilloteau, M. Philippe Cochet et Mme Laure de La Raudière. C’est inadmissible, monsieur le président !

    M. Erwann Binet, rapporteur. M. Larrivé, je crois, a cité M. Hollande. Je vais relire la phrase qui a été coupée : « Les maires sont les représentants de l’État ; ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. » François Hollande poursuit : « Mais je le dis aussi, vous entendant : des possibilités de délégation existent. »

    M. Bernard Roman. Exactement !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Et elles existent bel et bien, ces possibilités de délégation ; elles figurent dans notre droit et vous pourrez évidemment en user. Le maire et ses adjoints sont tous officiers d’état civil. Il n’est nul besoin d’une disposition législative pour vous permettre de les appliquer.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi ne lisez-vous pas la citation en entier ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Les conseillers municipaux, de même, peuvent célébrer des mariages grâce à un arrêté du maire. De ce fait, il y a des délégations possibles, comme l’a affirmé le Président de la République. Il me paraît en outre important de rappeler que la loi punit les maires qui refuseraient de célébrer un mariage.

    Enfin, j’ai entendu certains d’entre vous, en particulier M. Ollier, lier l’exercice de la liberté de conscience du maire à l’éventualité pour certains couples de pratiquer la PMA et la GPA – même si nous répétons depuis plusieurs jours qu’elle n’est pas prévue par ce texte pas plus qu’elle ne le sera par les suivants –, voire, de pratiquer l’IVG, si j’en crois M. Vitel. Je tiens à cet égard à faire part de mon trouble ; mais peut-être y a-t-il une incompréhension entre nous. Ce texte n’obligera aucun maire à pratiquer des actes de gynécologie et d’obstétrique. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

    M. Philippe Gosselin. Quelle finesse ! Quand le rapporteur dit quelque chose, ce qui est rare, cela a du sens ! On comprend pourquoi il parle peu !

    M. Philippe Meunier. C’est digne du café du commerce !

    M. Bernard Roman. C’est vous, le café du commerce !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cette série d’amendements identiques. Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour saluer les maires et les députés-maires qui ont déclaré que, tout en étant opposés à ce texte, ils l’appliqueraient s’il était voté.

    M. Christian Jacob. C’est que nous sommes républicains, nous !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je persiste à penser que ce sera le cas de la très grande majorité des maires. Je ne conçois pas le raisonnement qui consiste à considérer que, dès lors qu’une minorité continuerait de s’y opposer, il faudrait que nous organisions les choses en conséquence. Il arrive que des minorités, parfois des individus décident de s’opposer à des dispositions et je ne crois pas que l’on organise une démocratie en défaisant les lois au prétexte de prévoir l’intention de désobéissance des uns ou des autres.

    La conscience des maires n’est pas convoquée, en l’espèce. En qualité d’officiers d’état civil, ils sont appelés à célébrer des mariages par délégation de l’État. Quel est le sens de cette délégation d’État ? Cela a été dit et répété, mais il semblerait que l’exercice consiste justement à répéter constamment. M. le ministre Woerth dit que nous ne répondons pas aux questions posées. Nous avons toutefois répondu cent vingt fois déjà aux questions que vous nous avez posées cent fois ; mais puisque vous continuer de les poser, nous continuerons d’y répondre, bien entendu ! Cette délégation de l’État est attribuée aux maires en leur qualité d’officiers d’état civil pour que sur l’intégralité du territoire les citoyens soient traités de la même façon.

    M. Bernard Roman. Bien sûr, c’est l’égalité aussi !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les maires remplissent des missions de service public et la délégation qu’ils reçoivent de l’État constitue une garantie que les lois de la République soient appliquées de la même façon à tous les citoyens sur l’ensemble du territoire. Par conséquent, la loi s’imposera.

    M. le ministre Ollier soutient qu’il réclame la clause de conscience parce qu’il ne fait pas confiance au Gouvernement. Mais il ne s’agit pas de savoir si l’on fait confiance ou non au Gouvernement ! Il s’agit de faire en sorte que si le Parlement vote une loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe ces derniers puissent effectivement se marier sur l’ensemble du territoire. Maintenant, vous pouvez toujours continuer à vous défier du Gouvernement jusqu’au dernier jour du quinquennat, mesdames, messieurs les députés de l’opposition : c’est un autre sujet… Mais en aucun cas vous ne pouvez invoquer une divergence partisane pour priver des citoyens des droits que la loi leur confère.

    Il s’agit donc simplement d’aller au bout de la réforme : si le mariage et l’adoption sont ouverts aux couples de même sexe, ceux-ci doivent pouvoir faire reconnaître leurs droits et se marier là où la loi encadre les possibilités de mariage. Mme Genevard, M. Pélissard et les autres auteurs de ces amendements identiques souhaitent au contraire avec diligence que les possibilités de refus de célébration d’un mariage soient élargies ; mais il en sera ainsi.

    Le Gouvernement maintient donc un avis défavorable sur ces amendements.

    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs qui souhaitent s’exprimer en réponse au rapporteur et au Gouvernement, je vous informe que sur l’amendement n° 316 et les autres amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Bernard Accoyer.

    M. Bernard Accoyer. Nous sommes nombreux à être surpris, parfois même déçus par les réponses du rapporteur. Tout à l’heure, il accusait les maires de demander – ou de ne pas demander – des certificats d’aptitude parentale ; cette fois-ci il a dérapé à nouveau en allant un peu plus loin encore.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas un dérapage, c’est une réponse !

    M. Bernard Accoyer. Cela n’a rien d’amusant, monsieur le rapporteur, car avec ces amendements qui évoquent la clause de conscience pour les officiers d’état civil, il s’agit tout simplement pour les élus de la nation que nous sommes de dénoncer la confusion qui caractérise ce texte et les non-dits qui s’y multiplient.

    Ouvrir le droit au mariage et à l’adoption, c’est automatiquement ouvrir le droit à la PMA, qui dans ces conditions sera en réalité une PMA de convenance personnelle.

    M. Nicolas Bays. Mais c’est faux !

    M. Bernard Accoyer. Au demeurant, si ce droit à la PMA n’était pas accordé par la loi, il le serait par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité : dès que le mariage sera ouvert à la fois aux couples de sexe différent et aux couples de sexe identique, l’égalité des droits prévaudra et le Conseil constitutionnel, saisi par une QPC, accordera à ces derniers le droit à la PMA, ou du moins exigera qu’il leur soit accordé par le législateur.

    De la même façon, ultérieurement et par un mécanisme identique, le droit à la GPA sera immanquablement accordé aux couples formés de deux hommes, qui exigeront de bénéficier des mêmes droits que les couples formés de deux femmes. C’est cette confusion, c’est ce mensonge, ce sont ces non-dits (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste) qui nous portent à demander l’utilisation de cette clause de conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

    Mme Isabelle Attard. Il y a maintenant trois heures, M. Marc Le Fur parlait de compromis ; mais celui-ci existe déjà. M. Hervé Mariton quant à lui évoquait la conciliation ; mais celle-ci existe déjà entre la conscience et le fait d’exercer la fonction de maire. Personne n’est contraint d’être maire et lorsqu’un maire ne souhaite pas remplir les fonctions d’officier d’état civil, il peut également démissionner. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Heureusement qu’il y a les écologistes pour nous aider à faire avancer le débat juridique !

    Mme Isabelle Attard. Un officier d’état civil est là pour appliquer la loi, pas pour faire part de ses opinions politiques sur le mariage pour tous une fois que celui-ci sera inscrit dans la loi. Et si demain une ou un maire de ma circonscription refuse de marier un homme et une femme parce qu’ils possèdent tous deux une carte au Front national (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je veillerai personnellement à ce que cela se sache ou qu’il ou elle soit suspendu. Je ne tolérerai ni discrimination politique ni discrimination sexuelle. La conscience, chers collègues, c’est l’affaire du mariage religieux ; le code civil, lui, n’est que l’émanation de la loi.

    M. Philippe Meunier. Vous êtes des fossoyeurs !

    M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

    M. Alain Claeys. Monsieur Jacob, depuis deux jours, vous parlez de la PMA et de la GPA et vous faites un procès d’intention au Gouvernement en prétendant que ce sont des réformes cachées.

    M. Bernard Accoyer. L’AMP figure à la page 93 du rapport !

    M. Alain Claeys. Monsieur Jacob, pourquoi avez-vous saisi le Comité consultatif national d’éthique afin qu’il organise des états généraux sur la PMA ? Je crois pouvoir donner une réponse – vous la compléterez : c’est pour vous faire une opinion, car vous considérez que c’est un sujet important. Le CCNE s’est autosaisi sur ce sujet il y a dix jours…

    Mme Catherine Vautrin. Parce que vous ne l’avez pas saisi !

    M. Alain Claeys. …non seulement pour savoir s’il faut ouvrir la PMA à des couples homosexuels, mais aussi plus largement au sujet des problèmes graves qui se posent quant à la pratique de la PMA ; c’est un parcours difficile pour les femmes, les centres sont inégaux en termes de réussite en France. D’autres questions comme celle de la congélation d’ovocytes seront également examinées.

    Le Président de la République souhaite lui aussi que le CCNE se saisisse de ce sujet. Dans l’édition datée d’hier d’un fameux quotidien du soir, le président du CCNE a déclaré que cette question justifiait « une réflexion de fond de la société, qui pourrait prendre la forme d’états généraux. » Je vous le dis ce soir et c’est l’avis du groupe socialiste : organisons ces états généraux ! Avez-vous peur de ces états généraux ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Vous les avez refusés ! Ça fait un mois qu’on les demande !

    M. Alain Claeys. C’est vous, députés de la précédente majorité, qui, lors des discussions sur la loi relative à la bioéthique, avez proposé cela ! Arrêtons donc de faire des procès d’intention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Laissez-moi terminer ! Vous reconnaissez que ce sujet, sur lequel nous menons nous aussi une réflexion, est difficile, compliqué. Le Comité consultatif national d’éthique est là pour donner un avis et des états généraux peuvent être organisés.

    M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement les refuse depuis des mois ! C’est ahurissant !

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

    M. François Rochebloine. Les propos du rapporteur m’ont paru particulièrement choquants ; sans doute ont-ils dû dépasser sa pensée. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Bien sûr qu’un maire peut déléguer à ses adjoints ou aux conseillers municipaux ; tout le monde le sait ! Mais lorsque dans une commune, le maire, les adjoints et les conseillers municipaux refusent de célébrer le mariage, que se passe-t-il ? On peut les comprendre ! C’était ma première remarque.

    M. Nicolas Bays. Ils sont hors la loi !

    M. François Rochebloine. Je souhaiterais au moins, comme cela a été dit tout à l’heure par mon collègue Paul Salen, que cette loi ne puisse s’appliquer qu’à partir des prochaines élections municipales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les élus actuellement en poste ne pouvaient s’attendre à cette situation ; on leur impose donc quelque chose qu’ils n’ont pas nécessairement souhaité.

    M. Guy Delcourt. Ridicule !

    M. François André. Ce n’est pas un argument !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Pour éclairer nos débats je rappellerai plusieurs éléments à notre collègue Alain Claeys.

    Tout d’abord, je suis surpris, car vous êtes d’ordinaire très attentif aux débats, monsieur Claeys ; mais peut-être vous êtes-vous absenté un moment. J’ai interrogé à plusieurs reprises Mme la garde des sceaux pour savoir quand et comment elle entendait organiser les états généraux ; elle ne m’a pas répondu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guy Delcourt. C’est vous qui n’écoutez pas !

    M. Christian Jacob. Je reprendrai simplement les choses dans l’ordre : j’ai écrit au Président de la République et au Premier ministre le 12 octobre pour demander la saisine du Comité national consultatif d’éthique. Le Premier ministre ne m’a jamais répondu ; le Président de la République, plus courtois, m’a fait quant à lui indiquer, par la voix de son directeur de cabinet, qu’il ne sollicitait pas le Comité. Il a ensuite reçu le président du CCNE qui, lui-même, s’est saisi de la question, mais trois jours seulement avant le texte.

    M. Bernard Roman. C’était au sujet du mariage !

    M. Christian Jacob. Mais ce que nous souhaitions, c’était que le Comité soit saisi trois mois auparavant, de façon à ce qu’il puisse éclairer ces débats !

    Pour ce qui est des états généraux, monsieur Claeys, vous m’interrogez et me prenez à témoin pour savoir quand nous allons les organiser. J’ai demandé aux ministres de le faire, mais ils ne répondent pas ! Ils sont sans voix, incapables de répondre. Mme la garde des sceaux est incapable de répondre au sujet de la PMA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous l’avons interrogée dix fois, cinquante fois ; pas une fois elle n’a répondu à cette question ! Si vous pouviez joindre votre voix à la mienne pour qu’enfin la garde des sceaux nous donne son point de vue sur la PMA pour convenance personnelle, nous serions heureux de l’entendre ! Mais pour le moment, nous avons un Gouvernement muet qui refuse de répondre aux questions.

    Monsieur Claeys, aidez-nous, faites-en sorte que le Gouvernement réponde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

    Mme Pascale Crozon. Je pense à tous ceux de nos concitoyens qui suivent actuellement nos débats et je ne peux que m’inquiéter de l’image déplorable de la classe politique que vous leur donnez. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous trompez les Français en voulant leur faire croire qu’il y a dans le projet de loi des propositions qui n’existent pas.

    M. Christian Jacob. M. Claeys lui-même en parle ! Écoutez-le !

    M. Patrick Ollier. Vous n’écoutez pas ce qui est dit !

    Mme Pascale Crozon. Je voudrais rappeler que les officiers d’état civil sont avant tout des élus du peuple, chargés de faire appliquer la loi au nom du peuple et en aucun cas selon leur convenance personnelle. Les électeurs attendent de leurs élus non pas qu’ils se considèrent au-dessus des lois mais qu’ils soient exemplaires.

    Vous défendiez en commission la liberté de conscience au nom d’une loi naturelle qui s’imposerait à la loi de la République. Voilà maintenant que, sous prétexte d’éviter toute accusation d’homophobie, vous voulez autoriser toutes les autres discriminations. On comprend mieux maintenant que vous cosigniez des amendements avec ceux qui revendiquent la même liberté de conscience pour appliquer la préférence nationale…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vous dérivez !

    Mme Pascale Crozon. …mais cela ne m’étonne pas, notamment venant de M. Mariton. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Julien Aubert. Ce n’est pas un peu fini ? Qu’est-ce que cela signifie ?

    M. Philippe Cochet. On ne peut pas accepter cela !

    M. le président. Allons, monsieur Cochet, ne vous mettez pas dans un tel état !

    Mme Pascale Crozon. Très franchement, si la République est telle que vous la concevez, alors je ne comprends pas quel sens ont pour vous les mots de liberté, d’égalité et de fraternité qui ornent le fronton de nos mairies. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Il serait bon de revenir au texte exact des propos du Président de la République – vous les écouterez sans doute avec plus de respect que vous ne nous écoutez : « […] la loi s’applique pour tous dans le respect néanmoins de la liberté de conscience. » Le Président de la République a fait cette déclaration devant le Congrès des maires de France en réponse à la question qui lui était posée au sujet de la réflexion sur la réforme du mariage.

    Quand M. le rapporteur dit être troublé, et quand Mme Crozon dit être gênée pour les personnes qui suivent nos débats, nos collègues semblent oublier qu’hier soir, le rapporteur Binet a déclaré considérer que les couples hétérosexuels et les couples homosexuels faisaient des enfants de la même façon, grâce à la PMA ! Je pense que de très nombreux Français se sont alors trouvés extrêmement perturbés. La question de la liberté de conscience se pose par rapport à une déclaration comme celle-ci, qui est au cœur de nos débats : l’enfant va-t-il devenir un objet ? Va-t-on, pour certains enfants élevés par des couples homosexuels, faire le choix qu’ils aient à grandir sans père ou sans mère ? Croyez-vous qu’une telle question ne mérite pas qu’on fasse application de la liberté de conscience ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Vous essayez constamment de nous ridiculiser, alors même que nous débattons de questions touchant à l’essentiel. Ainsi, quand nous posons des questions touchant à l’éthique, vous répondez par des boutades ! Soyez sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Ça, c’est du fond !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    M. Philippe Gosselin. Et Mme Touraine, elle pourrait peut-être répondre ? Encore faudrait-il qu’elle soit là, mais elle semble plutôt faire partie des ministres fantômes de la République !

    M. le président. Allons, monsieur Gosselin !

    Vous avez la parole, madame la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai déjà assisté, monsieur Jacob, à quelques poussées de caractère de votre part dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), des démonstrations dont vous ne vous privez pas depuis le début de ce débat. Votre stratégie, qui se confond avec une tactique, consiste à échapper au débat en évoquant systématiquement la PMA et la GPA (Mêmes mouvements)…

    M. François Rochebloine. Vous ne manquez pas de souffle !

    M. le président. Allons ! Mme la garde des sceaux vous a écoutés, vous pourriez en faire de même quand elle s’exprime !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et même, grâce à M. Fenech, le clonage, même si, pour ce dernier thème, vous n’avez pas encore adopté l’automatisme consistant à le raccrocher à tous les sujets que nous abordons.

    Puisque vous m’interpellez d’une manière si vigoureuse, je veux simplement vous dire que l’exercice auquel vous vous livrez est pathétique. Nous travaillons sur un projet de loi portant sur le mariage et l’adoption pour tous et avançons sur le contenu du texte. Que vous choisissiez d’échapper totalement au débat en étant physiquement présents, mais intellectuellement dans un autre espace, relève de votre libre choix. Pour ce qui nous concerne, nous traitons de ce texte et de rien d’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Nous allons procéder au scrutin…

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement, monsieur le président !

    M. le président. Nous verrons cela après le scrutin, monsieur Jacob.

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 62, 123, 225, 316, 370, 462, 520, 597, 689, 942, 1146, 1414, 1734, 2582, 2936, 3211, 3266, 3324, 3653, 3287, 4643, 4721, 4790, 4955, 5205 et 5267.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 315

    Nombre de suffrages exprimés 311

    Majorité absolue 156

    Pour l’adoption 95

    Contre 216

    (Les amendements nos 62, 123, 225, 316, 370, 462, 520, 597, 689, 942, 1146, 1414, 1734, 2582, 2936, 3211, 3266, 3324, 3653, 3287, 4643, 4721, 4790, 4955, 5205 et 5267 ne sont pas adoptés.)

    (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, Mme la garde des sceaux vient d’interpeller l’opposition en l’accusant d’être physiquement présente mais intellectuellement absente.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non, dans un autre espace !

    M. Bernard Accoyer. Je lui laisse la liberté de ses propos : après tout, c’est son droit de juger ainsi les représentants de la Nation. Mais je voudrais l’interpeller sur un autre aspect.

    Le Gouvernement a choisi une procédure qui conduit le président de séance à couper la parole à chaque orateur au bout de deux minutes. Il devient du coup impossible, en si peu de temps, de développer les arguments qui conviendraient. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si le Gouvernement avait accepté l’application du temps législatif programmé, il aurait certainement eu beaucoup de mal à répondre à des arguments exposés avec tout le temps nécessaire. Ce refus d’entrer dans le débat est tout à fait révélateur de la confusion et du mensonge qui, en réalité, président à l’examen de ce texte. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur le président Accoyer, je reconnais votre finesse et votre grande connaissance du règlement ; mais j’imagine quelle aurait été la réaction de l’opposition s’il avait été décidé de faire application de la procédure de temps programmé : sans doute aurait-on alors entendu parler de débat escamoté. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. William Dumas. Il a la mémoire courte !

    M. le président. Quand nous examinons une série de soixante-dix-huit amendements identiques, comme cela vient d’être le cas, vous conviendrez qu’il faut un minimum de cohérence pour permettre l’avancée du débat.

    La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 4 de notre règlement et porte sur le bon déroulement de notre séance.

    À Mme la garde des sceaux, qui vient de dire que j’étais physiquement présent, mais intellectuellement absent.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non, dans un autre espace !

    M. Philippe Martin. On va tout de même finir par se poser la question !

    M. Christian Jacob. Mes capacités intellectuelles sont, je l’assure, intactes, et à sa totale disposition pour répondre à chacune de ses questions : je suis prêt à parler d’adoption, de PMA, de GPA, de mariage. Le problème, c’est que vous ne fournissez aucune réponse aux questions que l’on vous pose, madame la garde des sceaux ! Peut-être êtes-vous, vous-même, dans un autre espace. En tout état de cause, nous ne comprenons pas votre apparente fragilité, votre incapacité à répondre aux questions que l’on vous pose depuis quatre jours. C’est votre rôle, que de nous répondre afin d’éclairer la représentation nationale !

    Tout à l’heure, nous avons vu Mme la ministre de la santé faire une courte apparition, juste le temps de la photo, et s’enfuir dès que nous avons voulu lui poser une question (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Pourquoi une telle attitude ? Pourquoi se lâcher autant sur Twitter et ailleurs pour expliquer ses positions sur la PMA ou la GPA, et rester à ce point muette devant la représentation nationale ? Qu’est-ce qui, aujourd’hui, rend les membres du Gouvernement incapables de s’exprimer dans cet hémicycle sur les questions qui nous préoccupent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Il nous faudrait sortir du quiproquo où nous sommes enfermés, monsieur le président. Si nous faisons ces rappels au règlement, c’est pour rappeler au Gouvernement les principes d’un bon déroulement de séance.

    Si nous demandons une clause de conscience, c’est parce qu’il y a une inquiétude face aux problèmes qui se posent. Ces problèmes, madame la garde des sceaux, ne tiennent pas au fait que nous débattons d’un texte sur le mariage, mais au fait que la filiation se trouve au cœur de ce texte, et surtout aux conséquences qu’il induit.

    Nous attendons donc les réponses que nous estimons être en droit d’obtenir au sujet de la PMA et de la GPA – point sur lequel vous nous avez donné quelques explications. Nous avons besoin, pour former notre jugement, d’être bien certains que ce texte ne cache pas d’autres dispositions qui viendraient dénaturer le mariage. Et tant que nous n’aurons pas obtenu les réponses que nous attendons, nous continuerons à poser des questions.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Roman. Un certain nombre d’entre vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition sont, disons-le, contre le mariage homosexuel. Mais vous n’osez pas l’avouer franchement, prétendant que ce n’est pas le mariage qui vous gêne, mais seulement les enfants et l’adoption. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Eh oui : les conséquences du mariage !

    M. Bernard Roman. Du coup, à chaque fois vous rebondissez sur d’autres débats, et qui ne sont d’ailleurs pas forcément liés à celui du mariage pour tous.

    Lorsque vous nous assenez ce que vous présentez comme une vérité, à savoir que la question de la PMA serait étroitement liée à celle du mariage des homosexuels, monsieur Accoyer, je vous renvoie à une superbe étude de droit comparé effectuée par la commission des lois du Sénat : elle fait apparaître que dans tous les pays du monde, sauf deux, la PMA a été disjointe des textes sur le mariage. Si vous affirmez que la France est une exception, c’est parce que cela vous arrange tactiquement, en vous évitant de répondre à la vraie question : au nom de l’égalité, êtes-vous, oui ou non, favorables à ce que tous les hommes et toutes les femmes aient accès au mariage, quelle que soit leur orientation sexuelle. Comme vous n’osez pas dire non, vous cherchez des subterfuges. Mais nous ne serons pas dupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. N’importe quoi !

    M. le président. Mes chers collègues, je vous propose une suspension de séance de cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Après l’article 1er (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 19.

    Mme Annie Genevard. Dans l’hypothèse où aucun membre du conseil municipal ne souhaiterait célébrer le mariage, cet amendement prévoit que les futurs époux saisissent le procureur de la République, qui pourra adresser une injonction au maire de la commune afin que le mariage puisse y être célébré.

    Ce serait une façon pour le Gouvernement, s’il acceptait cet amendement, d’aller jusqu’au bout de sa logique. Le maire souhaitant exercer sa liberté de conscience pourrait, de même que ses adjoints, ne pas célébrer un mariage…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’en a pas le droit !

    Mme Annie Genevard. …sauf sur injonction du procureur. Les choses auraient le mérite de la clarté.

    M. Marcel Rogemont. Au lieu de penser au maire, pensez aux citoyens qui veulent se marier !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission a émis un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Le contenu de cet amendement est semblable à celui des précédents et la demande de désobéissance est la même. D’autant qu’il s’agit d’une demande d’impunité…

    M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier. La clause de conscience vient d’être rejetée, mais répétons les choses, puisqu’elles ne semblent pas toujours bien comprises sur les bancs de l’opposition.

    Où voulez-vous nous entraîner avec votre amendement, sous couvert de l’application de cette clause de conscience ? Faut-il vous rappeler qu’un officier d’état civil agit au nom de l’État et doit faire appliquer les lois de la République ? Lorsqu’il considère qu’il va prendre un acte illégal, il en réfère au procureur ou au préfet, selon le cas. Mais c’est précisément au regard de la loi qu’il fonde son refus. Dans le cas présent, vous proposez aux maires de faire le contraire, c’est-à-dire de s’écarter de la loi par conviction personnelle.

    En réalité, sous couvert de clause de conscience, et vous savez bien que le principe constitutionnel que vous évoquez ne peut s’appliquer à un agent public, vous nous proposez d’inscrire dans la loi des dispositions d’exception, qui tournent le dos aux principes républicains d’égalité, de liberté et de fraternité et au principe d’unité de l’État, qui veut que la loi s’impose à l’ensemble du territoire.

    Cet amendement tente de rattraper la situation ingérable que provoquerait l’application de la clause de conscience, que nous venons de rejeter.

    Enfin, il est consternant que des législateurs tentent, par cet amendement et les précédents, d’inviter les maires à se soustraire à une exigence. C’est mal connaître les élus locaux et peu les respecter que de faire valoir une clause de conscience, et ce qui va avec, et de laisser accroire qu’ils souhaitent s’inscrire dans une démarche antirépublicaine, alors que leur fierté, qu’ils soient ruraux ou urbains, est précisément de servir la République et les lois qui la font vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Il ne s’agit pas de se dérober à la loi.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Si !

    Mme Annie Genevard. Ce n’est pas le sens de cet amendement. Nous en sommes parfaitement d’accord, la loi doit être appliquée en tous points du territoire. Une procédure d’injonction au maire par le procureur de la République peut être envisagée ; bien entendu, si le maire persiste dans son refus, il y aura véritablement faute.

    (L’amendement n° 19 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1372 et 3373.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1372.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement procède du même esprit que ceux que nous venons d’examiner. Comme l’ont signalé un certain nombre de nos collègues, un des motifs pour lesquels cette demande d’objection de conscience ou de retrait est légitime tient au fait que le mariage de personnes de même sexe est essentiellement lié à certaines pratiques, notamment l’assistance médicale à la procréation, et que celles-ci suivraient mécaniquement l’adoption de ce projet.

    Fantasmes et inventions, nous dit-on. Mais, chers collègues, je suis un lecteur attentif du rapport de M. Binet. Je me reporte donc aux pages 91 et suivantes, où je lis : « Les auditions ont mis en évidence le lien très fort existant entre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe et l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes. Celle-ci s’impose comme une nécessité, parallèlement à l’ouverture du mariage et de l’adoption à l’ensemble des couples de même sexe, et ce pour trois raisons : un enjeu d’égalité et de liberté (…) ; un enjeu de cohérence (…) ; un enjeu de santé publique ».

    Nous ne pouvons pas imaginer qu’en raison de l’importance de ces enjeux et de la nature même de ce lien, l’AMP ne découle pas par essence du mariage des personnes de même sexe. C’est donc au nom de ce lien et des raisons développées préalablement que je soutiens cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3373.

    M. Hervé Mariton. Les amendements que nous avons défendus précédemment étaient meilleurs, car ils préservaient mieux l’équilibre que nous recherchons dans la mise en œuvre de la liberté de conscience. Mais comme ils ont été refusés, il est important de soutenir le présent amendement.

    Je me permets de reprendre la ligne de défense de M. Poisson : puisque le rapporteur indique l’enchaînement qui conduit à l’AMP, plutôt que d’amener l’officier d’état à se poser trop de questions d’ordre éthique sur la nature de l’acte auquel il serait associé, mieux vaut qu’il ait la liberté, dès l’amont, de refuser de marier des personnes de même sexe.

    Par ailleurs, monsieur le président, je me permets à nouveau de regretter le tourisme de séance que pratique Mme Touraine. Alors que le débat la concerne à bien des égards et que nous attendons d’elle des réponses, la ministre de la santé est venue faire un petit tour dans l’Assemblée puis s’en est allée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs de l’UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je répondrai sur l’AMP à l’occasion des amendements qui, plus tard ce soir, y ferons référence. La question n’est pas de savoir quel lien il peut y avoir entre l’AMP et le mariage de personnes de même sexe – le rapport en traite, je l’assume et je le redirai tout à l’heure –, mais de comprendre quel est le lien entre l’AMP et la clause de conscience du maire. Ce lien-là est plus distendu et suscite chez moi, comme chez mes collègues de la majorité, des interrogations.

    La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements, car ils procèdent du même esprit que les précédents. De surcroît, monsieur Poisson, je vous avais signalé en commission une coquille dans le texte de votre amendement, que vous n’avez pas corrigée : un officier d’état civil doit refuser de célébrer un mariage entre couples de personnes de même sexe, ce qui nous ferait quatre personnes… La polygamie est interdite dans notre pays ! (Sourires.)

    M. Jacques Myard. Pourquoi, après tout ?

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable : il n’est pas concevable que les maires, officiers d’état civil, puissent être dispensés de célébrer le mariage de personnes de même sexe.

    Si un maire nourrit des soupçons ou possède des indices lui laissant penser qu’un mariage pourrait être annulé ou qu’il ne s’accomplirait pas dans les conditions prévues par le régime du mariage dans le code civil, la loi prévoit qu’il puisse saisir le procureur de la République.

    M. Hervé Mariton. Ça fonctionne mal !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En revanche, il n’est pas concevable qu’il échappe à l’obligation que lui impose la loi, et il n’est pas concevable que le Gouvernement donne un avis favorable à l’organisation de l’impunité de maires qui décideraient de ne pas célébrer un mariage.

    Si la loi est votée, elle s’appliquera. C’est tout. Si les maires s’y opposent, j’ai rappelé tout à l’heure quelles seraient les procédures prévues à leur encontre dans le code civil. J’ajoute que s’y opposer uniquement pour les couples de même sexe, c’est pratiquer une discrimination, et donc s’exposer à ce que les personnes concernées, tout à fait fondées à considérer qu’elles sont victimes de discrimination, se réfèrent à des dispositions du code pénal pour faire respecter leurs droits, c’est-à-dire leur égalité de citoyen.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis très étonnée par la tournure que prennent nos débats, comme le sont sans doute les Françaises et les Français qui nous regardent. La majorité répète que l’opposition fait de l’obstruction,…

    M. Guy Delcourt. C’est bien ce que vous faites !

    Mme Marie-Christine Dalloz. …qu’elle n’est pas dans le fond du débat, qu’elle n’a rien compris, qu’elle est forcément rétrograde, voire homophobe…

    M. Patrick Mennucci. C’est vous qui le dites !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Ces jugements ne grandissent personne ! Et je voudrais rappeler à ceux de mes collègues de la majorité qui étaient là sous la précédente législature qu’ils n’ont jamais été traités avec un tel mépris par la majorité de l’époque. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jamais !

    En second lieu, ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord avec vos dogmes que l’on a forcément tort. On a le droit de défendre et d’exprimer une autre vision, elle est aussi respectable que la vôtre.

    Enfin, je vous entends dire que les Français sont tous d’accord sur ce projet et que la majorité d’entre eux est derrière vous…

    M. Julien Aubert. C’est faux !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Mais savez-vous quelles sont les préoccupations de la majorité des Français ? D’abord le chômage, ensuite l’insécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez bien noyer les problèmes des Français dans un sujet de société, mais vous devriez au moins reconnaître que, même si le maire est officier d’état civil, il reste un homme ou une femme et qu’il doit pouvoir garder sa liberté de conscience !

    M. le président. Sur les amendements identiques, nos 1372 et 3373, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Thomas Thévenoud.

    M. Thomas Thévenoud. Je ne reviendrai pas sur l’amendement de M. Poisson, dont M. Mariton lui-même reconnu a qu’il était de moindre qualité que les précédents. Quant à Mme Dalloz, elle se trompe manifestement de projet de loi et de débat. Je voudrais en revanche insister sur la liberté, puisqu’on en a beaucoup parlé depuis quelques heures.

    Le mariage est un acte de liberté. Vous avez rappelé et démontré, madame la garde des sceaux, que l’histoire du mariage en France est liée à l’avancée des grandes libertés publiques. Je voudrais citer un poète, qui a écrit en 1942, dans la clandestinité, les vers suivants : « Et par le pouvoir d’un mot / Je recommence ma vie / Je suis né pour te connaître / Pour te nommer / Liberté. » C’était Paul Éluard.

    Ce mot que nous recueillons quand nous sommes officiers d’état civil, c’est le mot « oui », le mot du consentement. Et je voudrais dire à nos concitoyens qui nous écoutent, homosexuels ou hétérosexuels, que, dans les 36 000 communes de France, une fois que cette grande loi d’égalité aura été votée,…

    M. Jacques Myard. Elle ne l’est pas encore !

    M. Thomas Thévenoud. …ils trouveront toujours un élu de la République pour recueillir leurs consentements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Cochet. Ce n’est pas sûr !

    M. Thomas Thévenoud. J’entends les maires de ma circonscription qui me disent de plus en plus nombreux, même quand ils n’approuvent pas les objectifs de cette loi, qu’ils officieront et qu’ils recueilleront ce consentement. Pour une raison toute simple : c’est que les maires des 36 000 communes de la République ont des droits, des devoirs, et qu’ils comptent les exercer et s’y soumettre. Ils recueilleront le consentement de tous leurs concitoyens qui souhaiteront se marier.

    M. Henri Jibrayel. Ce sont de vrais républicains !

    M. Thomas Thévenoud. Les époux se doivent mutuellement fidélité, respect, secours et assistance. Le mariage est un ensemble de droits et de devoirs. Quand on est maire, on a des droits mais aussi des devoirs, les élus le savent et ils nous le disent ! Oui, cette loi est une grande loi d’égalité des droits et des devoirs.

    M. Céleste Lett. C’est faux !

    M. Thomas Thévenoud. C’est aussi une grande loi de liberté : quand une partie de la société est plus libre, c’est toute la société qui est plus libre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Frédéric Reiss. Et le chômage ? Ne crée-t-il pas des inégalités ?

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1372 et 3373.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 264

    Nombre de suffrages exprimés 264

    Majorité absolue 133

    Pour l’adoption 73

    contre 191

    (Les amendements nos 1372 et 3373 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série de vingt-sept amendements identiques et de l’amendement n° 1850, pouvant être soumis à une discussion commune.

    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 883.

    M. Patrice Martin-Lalande. Nous refusons de créer par la loi la plus lourde des inégalités en instaurant deux catégories d’enfants : ceux qui ont un père et une mère, et ceux qui ont deux parents masculins ou deux parents féminins.

    Quand on constate le degré zéro de fiabilité de l’annonce, pourtant positive, faite par le Président de la République lors du congrès des maires sur la liberté de conscience, on ne peut qu’être très inquiets des réponses confuses ou gênées, sinon de l’absence de réponse du Gouvernement, sur la PMA et la GPA, alors qu’il s’agit de questions directement liées aux décisions que nous prendrons en matière de mariage.

    Il a été rappelé à plusieurs reprises qu’il ne s’agit pas de priver les citoyens de telle ou telle commune du bénéfice de la future loi, ce qui serait naturellement scandaleux, mais de permettre de faire partout appliquer la loi par des officiers d’état civil en toute liberté de conscience.

    Pour que la loi soit appliquée partout, notre amendement prévoit que si aucun officier de l’état civil n’accepte de célébrer un le mariage dans une commune, le représentant de l’État dans le département use de son pouvoir de substitution et désigne, en tant qu’officier d’état civil ad hoc, un agent public relevant de son pouvoir hiérarchique. Ainsi, quelle que soit la situation, la loi s’appliquera dans toutes les communes. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de l’adopter.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 1473.

    M. Philippe Gosselin. Je rappelle que le maire connaît un dédoublement fonctionnel : il est à la fois l’exécutif de la commune et un agent de l’État. C’est à ce dernier titre qu’il organise la collecte de l’état civil et des données du recensement, notamment pour les journées défense et citoyenneté. Dans ce cadre, il est soumis au pouvoir hiérarchique du préfet

    Faire jouer le pouvoir de substitution du préfet, qui pourrait désigner un fonctionnaire remplissant les fonctions d’officier d’état civil ad hoc, permettrait une application très avantageuse de la clause de conscience, reconnue par la Constitution, puisque nul ne serait privé du droit octroyé à tous par la loi. Il n’y aurait pas discrimination mais simplement la possibilité, pour les officiers d’état civil, de faire jouer leur clause de conscience et de satisfaire ainsi l’aspiration du Président de la République, à laquelle chacun aura à cœur de répondre favorablement.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1544.

    M. Nicolas Dhuicq. Ceux de nos compatriotes qui nous écoutent doivent être particulièrement perplexes.

    M. François André. Ça, c’est vrai !

    M. Nicolas Dhuicq. D’abord parce qu’ils constatent qu’il va bientôt falloir de nombreux exégètes pour comprendre la pensée et la parole du chef de l’État. Plus encore, parce qu’il en sera de même pour le Gouvernement, qui procède par omissions et par non-dits.

    M. Marcel Rogemont. Contentez-vous de comprendre la loi, et de la faire !

    M. Nicolas Dhuicq. Au nom de l’égalité, vous créez une inégalité première entre hommes et femmes. Au nom de quoi deux femmes seraient-elles meilleures que deux hommes pour élever un enfant ? Il n’y a aucune raison de le penser.

    À partir du moment où vous ouvrez le mariage aux couples de même sexe, et avec lui, inéluctablement, le droit à la procréation médicalement assistée,…

    M. Jean-Pierre Dufau. À l’adoption !

    M. Nicolas Dhuicq. …vous ouvrirez ce droit aux couples masculins. Cela va créer une confusion entre parent biologique, géniteur, parent social et j’en passe.

    M. Jean-Pierre Dufau. C’est déjà le cas !

    M. Nicolas Dhuicq. C’est ainsi que, dans certains pays, des enfants se retrouvent avec plusieurs parents, plusieurs mères.

    Comment ces enfants pourront-ils se construire ? C’est une question suffisamment grave pour que la représentation nationale donne aux maires de ce pays la possibilité de réfléchir et de refuser, par éthique, ce type de cérémonie, et ce quelle que soit ma position républicaine personnelle et celle de la majorité de mes collègues qui célébreront ces mariages.

    Que vais-je dire aux deux cent dix-huit maires de ma circonscription, hommes ou femmes, hétérosexuels ou homosexuels, qui m’interrogent ? Que nous avons voté une loi qui est une loi d’attente, avant une seconde loi sur la PMA ? C’est inconcevable ! Mes chers collègues, entendez la voix de l’opposition !

    M. Bernard Roman. Arrêtez !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1637.

    M. Marc Le Fur. Mme Crozon a tout à l’heure parfaitement posé les termes du débat, en remarquant que l’opposition croyait en un certain nombre de lois naturelles. Tout à fait ! L’homme, la femme, l’altérité dans le mariage, nous y croyons.

    M. Marcel Rogemont. Nous aussi !

    M. Marc Le Fur. Nous croyons que ces lois naturelles constituent des bornes pour le législateur et pour l’humanité, et nous croyons également que la conscience des uns et des autres constitue une borne pour le législateur et pour l’humanité.

    C’est ce que nous disons au travers de cette disposition, et nous ne sommes pas les seuls : le Conseil constitutionnel le dit également dans une décision de 77…

    M. Bernard Roman. 1877 ?

    M. Marc Le Fur. « Nul ne doit être inquiété par ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble l’ordre public. » Plus précisément encore : « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, ses opinions ou ses croyances. » Cela signifie que vous ne pourrez pas sanctionner un maire qui refusera pour des raisons de conscience de célébrer une telle union.

    M. Bernard Roman. Être maire n’est pas un emploi !

    M. Marc Le Fur. Ayons donc l’esprit pratique. Permettons aux maires d’exercer leur liberté de conscience, tout en permettant aux couples homosexuels de se marier, si la loi est adoptée. C’est une solution propice à la paix sociale et à la pacification des esprits que nous vous proposons ; ne la refusez pas.

    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2777.

    M. Georges Fenech. Madame la garde des sceaux, vous nous avez tout à l’heure accusés d’être intellectuellement ailleurs, bien que physiquement présents.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Dans un autre espace !

    M. Georges Fenech. Mais étions-nous intellectuellement ailleurs lorsque nous avons appris que la majorité avait l’intention de déposer un amendement cosigné par les deux tiers du groupe SRC sur la procréation médicalement assistée ?

    M. Bernard Roman. Nous en parlerons demain !

    M. Georges Fenech. Vous nous avez ensuite annoncé en commission des lois, madame la garde des sceaux, que vous envisagiez un deuxième texte qui intégrerait la PMA dans le code de la famille. Cela a été confirmé, me semble-t-il par le Premier ministre, à moins, là encore, que je n’aie été ailleurs…

    M. Philippe Gosselin. C’est Roman qui est ailleurs !

    M. Georges Fenech. Par conséquent, comprenez bien notre inquiétude devant un texte global – en réalité saucissonné – sur de tels sujets. Cela justifie la clause de conscience et explique aussi l’inquiétude grandissante d’une majorité des Français aujourd’hui, d’autant plus que votre projet de loi est tronqué dans son appellation : vous l’appelez « mariage pour tous » alors qu’il devrait s’intituler « mariage pour tous et enfants à la carte », ce qui nous inquiète énormément. M. Claeys avait raison : disons-nous la vérité. Répondez à toutes les questions auxquelles vous ne répondez pas, madame la ministre, alors qu’elles ont été clairement posées à nouveau tout à l’heure par le président Jacob. En un mot : êtes-vous en train de préparer un projet de loi sur la PMA dans le code de la famille ? Nous avons besoin d’avoir la réponse.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est le sujet !

    M. Michel Pouzol. Vous le verrez au printemps !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2907.

    M. Philippe Meunier. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, les Français se rendent compte depuis quelques mois que vous cherchez à les diviser, ce qui vous permet de faire oublier le chômage qui augmente mois après mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non seulement vous les divisez, mais en plus vous refusez la clause de conscience, vous refusez d’entendre le peuple. Si vous continuez dans le viol des consciences et dans le déni, il faudra alors en assumer toutes les conséquences.

    En 1984, majoritaire à l’Assemblée, François Mitterrand avait compris que la concorde civile était supérieure aux ultras de sa majorité. Malheureusement, aujourd’hui, nous avons un président de la République et une assemblée aux ordres d’une minorité agissante. Il est temps de vous ressaisir, de retrouver le sens de la République et de l’intérêt général en adoptant cet amendement pour la clause de conscience. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 3083.

    Mme Valérie Lacroute. Cet amendement est l’occasion, après le « moi Président » du candidat à la Présidence de la République en mai 2012, de donner la parole aux maires.

    Moi maire, je demande la liberté de conscience ; moi maire, je demande que l’on protège les droits de l’enfant ; moi maire, je refuse la PMA et la GPA ; moi maire, je demande à connaître la position des ministres présents dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marcel Rogemont. Vivement le non-cumul : ainsi vous serez maire et plus députée !

    Mme Valérie Lacroute. Les maires sont élus comme le Président de la République : par le peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De plus, la grande majorité d’entre eux n’ont pas inscrit dans leur programme, en 2008, l’engagement no 31 du candidat François Hollande. Pour preuve, de nombreux maires et d’autres élus étaient présents cet après-midi dans les différentes manifestations qui ont eu lieu en France.

    M. Yann Galut. C’était un scandale !

    Mme Valérie Lacroute. L’objet de cet amendement n’est pas d’interdire aux couples de même sexe de s’unir dans nos mairies.

    M. François André. Ben voyons !

    M. Marcel Rogemont. Vous voulez leur pourrir la vie, c’est tout !

    Mme Valérie Lacroute. D’ailleurs, l’article 1er a été adopté après…

    M. le président. Merci !

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3270.

    M. Xavier Breton. Hier soir, lors de la discussion de l’article 1er, on a pu voir, à travers la négation de l’altérité sexuelle dans le mariage que le Gouvernement et votre majorité revendiquent, votre incapacité à penser à la fois l’égalité et la différence. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, vous n’arrivez ni à articuler ni à penser la différence.

    Aujourd’hui, avec le refus de la liberté de conscience pour les maires, vous montrez votre incapacité à penser et à articuler le collectif et le personnel, à penser à la fois le fonctionnement de l’État et le respect des personnes. Pourtant, les dispositifs que nous vous proposons permettraient à la fois l’application de cette loi sur tout le territoire national et le respect de la liberté de conscience. Dès lors, pourquoi les refusez-vous ? La raison est toujours la même : vous pensez que le droit pour un enfant à être accueilli par un père et une mère, l’altérité sexuelle et la non-marchandisation du corps ne relèvent pas de la conscience personnelle ; eh bien nous, nous pensons tout au contraire qu’ils en en relèvent. C’est pourquoi je défends cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4765.

    M. François de Mazières. Il est vrai, mes chers collègues, que vous devez penser que nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur cette clause de conscience (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    M. François André. Ça, c’est vrai !

    M. François de Mazières. …mais il est essentiel que vous ayez bien en tête que les maires sont véritablement troublés par ce projet de loi. « Moi maire », disait notre collègue ; on pourrait dire : « Nous les maires ». Et si nous revenons sans arrêt sur cette question, c’est parce que notre devoir est de représenter ces centaines de milliers de Français qui ont manifesté.

    M. Yann Galut. Dans l’hémicycle, vous êtes député, pas maire, mon cher collègue !

    M. François de Mazières. Vous avez enfin l’occasion de faire un tout petit geste : reconnaître qu’un très grand nombre de Français sont profondément choqués par cette évolution et admettre que vous ne détenez pas totalement la vérité. Depuis plusieurs jours, vous nous assénez des vérités totales ; et nous, nous essayons désespérément de vous faire comprendre que nos convictions sont blessées, et que des millions de Français sont derrière nous. Ne serait-ce que pour cette raison, faites ce geste, acceptez enfin ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1850.

    M. Patrick Ollier. Je suis personnellement surpris de voir combien la majorité doute de notre sincérité. Le problème est bien là : vous mettez en permanence en doute la sincérité de notre engagement.

    M. Jean-Pierre Dufau. Moi, je n’ai aucun doute !

    M. Patrick Ollier. Quel est le lien entre la clause de conscience et la PMA, nous a-t-on demandé tout à l’heure. C’est très simple, et c’est vous-même qui l’avez établi, monsieur le rapporteur, à la page 91 de votre rapport, en expliquant que le lien entre le mariage et la PMA était indissociable – je schématise. Mme Touraine, dans le quotidien Métro, a dit à peu près la même chose. La clause de conscience en découle. Le problème n’est pas dans le fait que nous proposons l’alliance civile et vous le mariage, mais dans le fait que la filiation se trouve au milieu de votre dispositif. Or vous refusez de nous répondre sur le deuxième épisode – après le mariage, la PMA –, et sur le troisième épisode, la GPA. Car il y en aura bien un troisième : je ne vois pas comment vous refuserez aux couples homosexuels masculins le fait d’avoir eux aussi des enfants. Le problème, pour nous, est dans le lien entre votre réforme et la filiation ; et tant que vous ne répondrez pas aux questions portant sur l’avenir du dispositif, nous aurons une réticence sur le principe du mariage que vous proposez, d’où la clause de conscience. Nous sommes déterminés à obtenir des réponses. À défaut, nous demandons le droit de faire usage de la clause de conscience au nom de la liberté.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Mêmes arguments, même avis : défavorable. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, tout en s’étonnant du contenu de ces amendements qui objectivement visent à mettre les maires sous tutelle.

    Je rappelle que le projet de loi prévoit des situations exceptionnelles où un maire et ses adjoints refuseraient de célébrer un mariage, et dispose que le préfet se substitue, délègue ou fasse injonction, ou encore que le procureur de la République intervienne. Mais c’est prévu, je le répète, pour des situations exceptionnelles. Or avec vos amendements, vous êtes en train d’organiser la tutelle des maires. En fait, prévoyant que des maires ne seront pas assez républicains, pas assez respectueux de la loi, et seront tentés de ne pas célébrer, vous voulez inscrire d’ores et déjà dans la loi que le représentant de l’État les rappellera à l’ordre ou prendra des dispositions alternatives… Venant de personnes qui défendent à ce point les maires, qui se plaisent à souligner – ce que nous pensons déjà profondément – à quel point ce sont des officiers d’état civil sérieux et responsables, cette organisation de leur tutelle m’étonne très fortement. Par conséquent, le Gouvernement reste défavorable à cette soi-disant clause de conscience.

    M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

    M. Rémi Pauvros. Le groupe SRC rejettera ces amendements pour trois raisons.

    Premièrement, j’entends depuis tout à l’heure parler des maires. M. Pélissard, président de l’AMF, a toujours le souci de reconnaître le pluralisme de la représentation des maires au sein de son association,…

    M. Bernard Roman. Tout à fait !

    M. Rémi Pauvros. …et je tiens à dire aux intervenants précédents que je ne les ai pas mandatés pour parler en mon nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En tant que maire de ma ville, j’assume mes responsabilités. Je souhaite qu’ils aient le même souci que le président Serge Pélissard et je leur demande de ne plus parler au nom des maires, mais d’un certain nombre d’entre eux qu’ils ont le droit de représenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous demande, au nom du pluralisme, d’en finir avec cette instrumentalisation des maires.

    Deuxième raison : devant les habitants de ma ville, je ne serais pas fier d’envisager de faire appel à un procureur de la République pour qu’il vienne siéger dans ma mairie, au nom de mon conseil municipal, afin de procéder à une célébration dont j’ai accepté la responsabilité en me présentant aux élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Enfin, troisième raison : célébrer en conscience un mariage pour tous, avec tous, me rendra très heureux de faire vivre ainsi les valeurs de la République pour protéger l’amour et lui permettre de vivre en dehors de la clandestinité. C’est ma conscience à moi, et je ne suis pas le seul maire à penser ainsi dans cet hémicycle. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 883 et les autres amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Pour la précision de nos débats, car je trouve que certains sont parfois très approximatifs avec le droit, je rappelle au collègue qui vient de s’exprimer que le maire ne marie pas au nom du conseil municipal, mais au nom de l’État, au titre du dédoublement fonctionnel.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Justement !

    M. Henri Jibrayel. Et au nom de la loi !

    M. Philippe Gosselin. Le droit n’aime pas l’approximation, c’est une machine. Si on veut être précis, il faut l’être jusqu’au bout.

    Chers collègues de la majorité, à cette heure déjà bien avancée de cet après-midi, vous avez une nouvelle chance inouïe, celle de pouvoir rattraper vos votes négatifs de tout à l’heure. Je le redis une dernière fois : il y a une vraie difficulté que le Président de la République lui-même a reconnue. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vois qu’avec vous, la tolérance, c’est plutôt pour les autres, à moins de croire que les propos de M. Le Roux sont plus tolérants que les nôtres. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Monsieur Gosselin, ne tombez pas dans la provocation.

    M. Philippe Gosselin. Vous avez raison de me rappeler à l’ordre, monsieur le président.

    Le chef de l’État lui-même, disais-je, a reconnu lui-même cette difficulté. Je rappelle que la clause de conscience existe pour les médecins ; je ne tournerai pas en dérision ce que le rapporteur a fort bien dit à ce propos, mais il ne nous avait pas échappé que les maires ne devenaient pas à ce titre gynécos ou autres. Il y a aussi l’objection de conscience, reconnue depuis les années soixante-dix et, un peu plus lointainement, la théorie dites des baïonnettes intelligentes, d’ailleurs introduite dans le droit pénal. On ne peut pas réduire le maire à une potiche revêtue d’une écharpe et qui ne pourrait exprimer la moindre opinion ni le moindre sentiment.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Philippe Gosselin. Je conclus en réaffirmant qu’il faut organiser cette clause de conscience pour permettre l’application des principes de valeur constitutionnelle que nous défendons.

    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. Mes chers collègues, je m’adresse en particulier à Patrick Ollier, maire depuis bien des années. Je l’ai été longtemps moi aussi. Je ne suis plus que maire délégué, mais je reste investi des fonctions d’officier d’état civil.

    Et par conséquent, il sait aussi bien que moi que les maires sont des sortes de Janus aux deux visages : d’une part, citoyens hommes et femmes, chargés d’un exécutif municipal par la confiance de leurs concitoyens ; d’autre part, représentants de l’État dans leurs fonctions d’officiers d’état civil qu’ils peuvent déléguer dans l’ordre du tableau en principe à leurs adjoints…

    M. Philippe Gosselin. Les adjoints sont des officiers d’état civil de droit !

    M. Serge Janquin. …ou par délégation spéciale à leurs conseillers municipaux. Dans cette fonction-là, mon cher collègue, ils ne sont rien d’autres, même ceints de leur écharpe et devant la Marianne, que la parole de l’État…

    M. Philippe Gosselin. C’est de l’approximation juridique !

    M. le président. Monsieur Gosselin, s’il vous plaît.

    M. Serge Janquin. …pour rappeler les articles du code civil sur le mariage. Ils ne sont rien d’autre que l’oreille de l’État pour entendre les consentements. Ils ne sont rien d’autres que les scribes, les greffiers de l’État pour apposer leur signature à côté de celle des conjoints et des témoins.

    M. Patrick Ollier. Même les greffiers ont une conscience !

    M. Serge Janquin. Ils ne sont rien d’autre que cela, mais autant que cela. Par conséquent, dans ces fonctions d’officier d’état civil, ils sont tenus de respecter la loi pour qu’elle soit appliquée uniformément sur tout le territoire de la République au bénéfice de tous les citoyens et de toutes les citoyennes de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 883, 1473, 1544, 1637, 2777, 2907, 3083, 3270 et 4765.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 272

    Nombre de suffrages exprimés 272

    Majorité absolue 137

    Pour l’adoption 73

    contre 199

    (Les amendements identiques nos 883, 1473, 1544, 1637, 2777, 2907, 3083, 3270 et 4765 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement n° 1850 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 51 et 4510, pouvant être soumis à une discussion commune.

    La parole est à M. Julien Aubert, pour défendre l’amendement n° 51.

    M. Julien Aubert. Monsieur le président, depuis le début de cette séance, j’essaie d’introduire un peu de droit…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Prétentieux !

    M. Julien Aubert. … et je suis au regret de constater que, pour l’instant, on ne m’a pas beaucoup répondu.

    L’un des objectifs de cet amendement sur la liberté de conscience, c’est d’équilibrer le droit qui est fait aux couples de même sexe et le droit à la liberté de refuser d’exercer de manière personnelle le mariage. C’est une notion d’équilibre.

    Je crois percevoir, dans les argumentaires développés par la majorité, l’idée qu’en réalité cette liberté de conscience n’a pas lieu d’être parce que cette grande avancée sociale que serait le mariage homosexuel viendrait mettre un terme à des discriminations. Je voudrais vous prouver que vous avez tort sur le plan juridique, en citant notamment la Cour européenne des droits de l’homme qui, comme vous le savez, est à la pointe du progrès sur notre continent.

    Dans l’arrêt Schalk et Kopf contre Autriche, relatif au refus de célébrer un mariage civil pour un couple homosexuel, la Cour a admis que, même si la relation des requérants relève de la vie familiale, comme pour les couples hétérosexuels, la Convention n’oblige pas un État à ouvrir le droit au mariage aux couples de même sexe, le mariage ayant des connotations sociales et culturelles profondément ancrées qui diffèrent largement d’une société à l’autre.

    En d’autres termes, la Cour a reconnu la possibilité pour un maire de ne pas célébrer un mariage entre personnes du même sexe. Surtout, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas de violation de l’article 12 de la CEDH sur le droit au mariage, ni de l’article 14 sur l’interdiction de discrimination, ni de l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Cela a été confirmé dans la fameuse affaire des mariés de Bègles.

    En d’autres termes, si vous pouvez être en faveur du mariage entre personnes du même sexe, vous ne pouvez pas étayer votre argumentaire sur le fait qu’on viendrait mettre fin à une discrimination : c’est juridiquement faux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président, comme pour les amendements précédents.

    M. Julien Aubert et M. Gérald Darmanin. C’est un peu court !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes toujours dans le même débat, monsieur le président. Pour les mêmes raisons qu’exposées sur les amendements précédents, le Gouvernement émet un avis défavorable.

    (L’amendement n° 51 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4510.

    Mme Annie Genevard. Il est défendu.

    (L’amendement n° 4510, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 18, 5114 et 5317.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 18.

    Mme Annie Genevard. Je fonde de grands espoirs sur cet amendement, car il me semble que nous pourrions nous retrouver sur cette formulation.

    Lorsque le maire est absent ou empêché, il peut naturellement déléguer la célébration de mariages à un adjoint ou, à défaut, à un conseiller municipal.

    Mais en réalité, très souvent, le maire délègue à un conseiller municipal même s’il n’est pas absent ou empêché, notamment dans les grandes villes où il est commun d’établir ce qu’on appelle un tour d’astreinte, un tour de garde. Dans ce cas, il se peut qu’un conseiller municipal célèbre des mariages.

    Nous proposons donc, madame la garde des sceaux, de formaliser cette délégation, de la formaliser, sans faire mention d’une quelconque clause de conscience, afin que le code des collectivités territoriales permette au maire de déléguer à un conseiller municipal la célébration d’un mariage pour une durée temporaire et limitée.

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est déjà le cas !

    Mme Annie Genevard. Non, c’est formellement en cas d’empêchement ou d’absence.

    M. François André. Eh bien alors c’est de l’hypocrisie !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5114.

    M. Jean-Christophe Fromantin. L’argumentaire est à peu près le même. Ces amendements, par rapport aux précédents, apportent une nuance qu’il faut apprécier : ils n’introduisent pas une clause de conscience, ils organisent les conditions de la liberté de conscience.

    Cette nuance est importante, car peut comprendre que la clause de conscience dérange nos collègues. En revanche, organiser les choses pour que la liberté de conscience puisse opérer dans le cadre de la délégation que l’on a pour le mariage me semble de nature à constituer un élément de compromis.

    Cet élément de compromis est d’autant plus nécessaire que Jean-Pierre Michel, le rapporteur du projet de loi au Sénat, déclare à propos de la GPA qu’il s’agit de « faire évoluer la société, petit à petit, au fur et à mesure qu’évolue la science. » Je suis choqué par cette approche. Le mariage est un cadre protecteur qui établit la filiation, ce n’est pas une institution qui a pour objectif de suivre les évolutions de la science. Je tenais à le rappeler, car je crois que l’on fait vraiment fausse route.

    M. le président. Sur les amendements n° 18, 5114 et 5317, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5317.

    M. Arnaud Richard. Les motivations de mon amendement sont assez proches de celles de mon collègue. J’y ajouterai toutefois quelques éléments.

    Madame la garde des sceaux, cet amendement nous semble de bon sens. Au-delà de la clause de conscience, il évoque une pratique assez régulière : la possibilité pour le maire de déléguer, par arrêté, à des conseillers municipaux, la célébration de mariages sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints.

    Cette précision permettrait de remplir la proposition peut-être subconsciente du Président de la République relative à la clause de conscience, de manière assez diplomatique.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La logique du code général des collectivités territoriales distingue les fonctions de conseiller municipal et d’adjoint. Ces amendements reviendraient précisément à les fusionner les deux fonctions.

    M. Philippe Gosselin. Mais non ! Il n’y connaît rien !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis sensible, monsieur Fromentin, à votre souci d’organiser les choses pour permettre aux maires de ne pas marier des couples de même sexe. Mais les choses sont déjà organisées : dans la pratique, les conditions d’empêchement ou d’absence sont appréciées de manière large et souple, ce qui fait qu’en aucun cas, un maire ou un adjoint n’est obligé de marier telle ou telle personne. C’est pourquoi la commission a repoussé ces trois amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, tout simplement parce qu’il s’agit toujours du même débat. Un compromis n’est pas possible.

    En fait, vous nous avez joué une partition : la première demande, c’est la clause de conscience ; la deuxième, c’est la tutelle du maire par le parquet ; la troisième, c’est que le maire puisse déléguer sans justifier de rien du tout.

    M. Jacques Myard. Hollande l’a dit !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On n’organise pas des subtilités pour permettre aux maires d’échapper à la loi, point. Nous maintenons cet avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, si je reprends les propos du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), il dit que des possibilités de délégation existent. Il reconnaît donc que, corrélé à la notion de liberté de conscience, il y a la question de la délégation.

    De plus, la formulation que nous vous proposons permet de ne pas piéger le Gouvernement et, en même temps, de respecter la volonté des maires. En effet, nous proposons d’insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le maire peut déléguer par arrêté à des conseillers municipaux la célébration de mariages, sous sa surveillance et sa responsabilité, sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints. » Notez que nous précisons bien « des » conseillers municipaux, car il ne s’agit pas de déléguer à tous les conseillers municipaux, ce qui poserait le problème de la partition des responsabilités.

    La formulation générale retenue ne heurte finalement personne. Conformément aux propos tenus par le Président de la République, nous respectons la liberté de conscience sans que cette notion soit expressément insérée dans le code des collectivités territoriales. Il y a là quelque chose qui peut être accepté par les deux parties, si j’ose dire.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    Mme Annie Genevard. Mais si !

    M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

    M. Arnaud Richard. Le rapporteur nous a dit que l’article L 2122-18 du code général des collectivités territoriales était apprécié de manière souple, ce qui prouve qu’il y a matière à discussion. Il nous semble qu’exclure les conditions d’absence et d’empêchement du maire dans l’appréciation de la délégation constitue une bonne solution.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. Avec mon collègue Guillaume Chevrollier, je dois le confesser devant le président de groupe, je suis pour une certaine PMA : « pour une meilleure argumentation » du rapporteur… Autant Mme la garde des sceaux prend soin de répondre aux arguments, autant vos avis nous laissent sur notre faim, monsieur le rapporteur !

    Il est un argument que la majorité n’a pas encore entendu : les propos du président de la République au congrès des maires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme je pense que vous ne les avez pas encore entendus, je vais vous relire les propos du Président de la République : « Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies et il y a toujours la liberté de conscience. » (Mêmes mouvements.)

    M. Nicolas Bays. Mauvais comédien !

    M. Gérald Darmanin. Quand il fait des déplacements en France ou à l’étranger, le Président de la République est accompagné de ministres. Ils ne l’accompagnent pas seulement pour l’écouter sagement mais, puisque le Président de la République ne peut pas venir dans notre hémicycle, pour nous répondre et éventuellement justifier ses propos, dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de l’exécutif.

    M. Bernard Roman. Mais pas du tout !

    M. Gérald Darmanin. Le Président de la République est accompagné pour pouvoir donner l’information à la représentation nationale.

    Les ministres sont venus, mais ils ne sont pas restés extrêmement longtemps au banc du Gouvernement. Alors que les maires et les élus subissent des attaques – si c’est votre manière de préparer les sénatoriales, c’est plutôt bien parti ! – il est tout de même étonnant que Mme Lebranchu ne soit pas là pour nous expliquer (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) la position du Gouvernement sur le discours du Président de la République lors du congrès des maires de France. Si vous ne répondez pas, je suppose que d’autres élus pourront redire quels étaient les propos du Président de la République au congrès.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 18, 5114 et 5317

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 260

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 72

    contre 188

    (Les amendements identiques nos 18, 5114 et 5317 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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