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Discussion du texte de loi

  • 1ère séance du jeudi 7 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1
    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Avant de passer à la suite de l’examen des amendements, mes chers collègues, je souhaite appeler tous les membres de l’Assemblée au respect de la présidence de séance. Je suis sensible aux hommages que vous rendez directement ou indirectement à la façon dont je conduis les débats,…

    M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est bien normal !

    M. le président. …mais, que j’exerce cette fonction ou que je la délègue à l’une ou l’un des vice-présidents de l’Assemblée n’y change rien : diriger les travaux dans l’hémicycle est toujours une tâche très difficile, dont tous les vice-présidents, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, s’acquittent avec conscience et impartialité.

    Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    M. le président. Vous admettrez que cette tâche est pour le moins ardue dans le débat en cours. C’est pourquoi j’invite chacun d’entre vous, sur tous les bancs, à en tenir compte.

    Rappel au règlement

    M. le président. Conformément à ce qui est devenu une tradition depuis le début de la discussion, la parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Je souhaiterais, monsieur le président, soulever deux points.

    Votre homologue au Sénat, Jean-Pierre Bel, a indiqué qu’il lui paraissait possible et préférable que le Sénat, quand il en sera saisi, adopte ce texte conforme. Cela pose un problème quant à la suite de nos travaux, quant à la qualité de la loi, quant au respect de la cohérence et des avancées réalisées par le Gouvernement pour corriger un certain nombre d’incohérences du texte. Je pense en particulier aux déclarations du Gouvernement sur l’attribution du nom patronymique, reconnaissant aimablement que le texte tel qu’il était rédigé n’était pas très heureux puisque renversant le principe selon lequel, ordinairement, c’est le nom du père qui se transmet et les deux noms en cas de demande expresse. Or si, par malheur, le Sénat votait conforme, nous serions confrontés à une réelle difficulté.

    Ensuite, j’appelle l’attention de l’Assemblée et du Gouvernement sur les déclarations du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, qui a déclaré : « Une telle réforme aurait exigé du cousu main ; le problème, c’est qu’on a fait du prêt-à-porter », tout en précisant : « sans préjuger de ce que nous [le Conseil constitutionnel] déciderons. » Cela fait parfaitement écho à nos interventions : plutôt que de dupliquer une situation juridique existante, nous aurions dû, mesdames les ministres, inventer, faire preuve d’innovation pour apporter, à la fois aux couples homosexuels et aux enfants dont ils peuvent avoir la charge, une réponse juridique mieux adaptée et aussi, lorsque c’était possible, améliorer la réponse juridique pour les couples composés d’un homme et d’une femme, les familles qu’ils constituent et leurs enfants. Je trouve la déclaration du président du Conseil constitutionnel intéressante et elle dit bien la situation dans laquelle nous nous trouvons : vous avez préféré le prêt-à-porter au cousu main.

    M. le président. Pour le moment, monsieur Mariton, vous comprendrez que, en tant que président de cette institution, je demande à l’Assemblée de travailler sans tenir compte ni du Sénat ni du Conseil constitutionnel. Faisons notre travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    MM. Jean-Christophe Cambadélis et Bernard Roman. Voilà !

    M. le président. Et mieux nous le ferons, Mme la garde des sceaux l’a souligné à plusieurs reprises, en évoquant certes nos divergences, mais en tâchant, y compris l’opposition, de veiller à ce que la qualité du texte soit la meilleure possible, moins nous aurons de difficultés avec les institutions mentionnées.

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements n° 2260 et identiques, à l’article 4.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2260.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais avant tout lever une incertitude puisqu’un certain nombre de nos collègues ont pris très aimablement des nouvelles de ma santé : le débit de Poisson se porte très bien ! (Sourires.)

    M. Jean-Yves Caullet. Il est frais !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes prêts pour engager une nouvelle séance dans des conditions tout à fait normales.

    Je suis heureux, par ailleurs, de donner à Mme la ministre chargée de la famille des nouvelles de la pétition des psychanalystes face à l’égalité des droits et au mariage pour tous, qu’elle évoquait hier soir. Aux 1 826 signataires qu’elle mentionnait hier s’en sont ajoutés deux. Il s’agit d’éminents psychiatres et psychanalystes : le premier s’appelle Psycho – tout un programme –, le second Choupinou Tutu. Je vous invite à vous rendre sur le site de la pétition pour constater qu’il s’agit de deux psychanalystes éminents, reconnus dans leur métier de manière incontestable. Vous me permettrez par conséquent d’accorder un crédit assez limité à ce genre de démarche.

    M. Bernard Roman. Et le docteur Dhuicq, a-t-il signé cette pétition ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Le présent amendement porte sur l’article 456 du code civil. Aucun terme de l’article balai, matériellement, ne s’applique à l’article 456. C’est une manière de montrer que l’article balai, d’un point de vue législatif, n’est pas rédigé correctement. Voilà pourquoi, monsieur le président, le présent amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3864.

    M. Xavier Breton. Je reviens sur l’intervention de notre collègue Mariton à propos des déclarations du président du Sénat, qui illustrent tout à fait la méthode choisie par la majorité socialiste depuis le début de la discussion : le passage en force, le refus d’organiser un véritable débat public. Si le débat a bien lieu, ce n’est pas grâce à vous, chers collègues de la majorité, mais grâce à la société, qui s’en est emparée elle-même. Vous êtes des députés godillots qui votez tous les amendements qu’on vous demande et nous allons avoir désormais un Sénat godillot auquel on va demander de voter conforme.

    Cela pose un vrai problème. Il est difficile, sur un tel sujet, de voir le Parlement réduit à exécuter les ordres. Pas nécessairement ceux de l’exécutif, car on sait que le président Hollande s’interroge sur de nombreux aspects de ce projet, et surtout sur sa logique qui conduira inéluctablement à l’assistance à la procréation et à la gestation pour autrui, nous y reviendrons. Je relève en attendant de nombreuses réticences parmi vous. On se rend bien compte que vous êtes muselés, que vous n’avez pas le droit à la parole, et, quand on évoque des sujets qui font appel à des convictions, nous n’avons aucun échange, aucune possibilité de discuter sur le fond, à de très rares exception près. Encore une fois, mes chers collègues, je vous invite à participer complètement au débat.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4919.

    M. Hervé Mariton. L’article 456 du code civil concerne le conseil de famille des majeurs en tutelle. Là aussi, nous pensons que de meilleures dispositions auraient pu être prises pour mieux répondre à l’union de personnes de même sexe et à la filiation. Il est donc possible de mieux faire que ce que prévoit le texte.

    Puis-je profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler, si cela n’a pas déjà été fait, un passage de l’avis du Conseil d’État tel qu’il est publié aujourd’hui sur le site de La Vie ? Le Conseil d’État souligne les failles de l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi : « Elle ne traite pas, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009, des questions multiples et complexes que soulève l’ouverture de l’adoption aux conjoints de même sexe, tant dans le cadre de l’adoption internationale que, plus généralement, au regard de l’appréciation que les autorités compétentes seront amenées à faire de l’intérêt de l’enfant et qui est opérée, en droit positif, de manière concrète, au cas par cas. »

    Ce que vous reproche le Conseil d’État, ce sont les lacunes graves de l’étude d’impact, et c’est la démonstration que nous apportons, amendement après amendement lors de l’examen de l’article 4. L’article balai, par définition, vous a empêchés d’apprécier au cas par cas les dispositions sur lesquelles nous entendons revenir.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Il est bon que nous entrions dans le vif du sujet. Les amendements défendus par l’opposition visent à empêcher l’application de la disposition interprétative aux articles signalés puisque cette disposition interprétative ne s’applique pas à la totalité du titre VII – qui contient les termes « père » et « mère » –, ce que nous ne cessons de répéter depuis des mois. Par conséquent, l’article indique bien que la disposition interprétative « s’applique à… », « à l’exception des dispositions du titre VII ».

    Les amendements de l’opposition reviennent à vouloir ajouter des articles auxquels la disposition interprétative ne doit pas s’appliquer.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes donc d’accord.

    Ces amendements identiques veulent ajouter au titre VII, donc exclure de l’application de la disposition interprétative, l’article 456 du code civil.

    M. Hervé Mariton. Pour faire mieux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour faire mieux, nous en jugerons lorsque nous examinerons de quoi il s’agit. Les auteurs de ces amendements nous indiquent que pour les couples de même sexe, on ne pourra pas appliquer l’article 456.

    Cet article traite du conseil de famille et précise : « Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection de la personne – je dis bien : « de la personne », vous n’avez entendu ni le mot « mère » ni le mot « père », ni encore les mots « époux » ou « épouse » – ou la consistance de son patrimoine le justifient […]. » Plus loin, l’article dispose : « Le juge désigne les membres du conseil de famille en considération des sentiments exprimés par la personne protégée […]. » Il n’est donc question que de la personne dans cet article, mais l’opposition nous explique qu’il est nécessaire d’empêcher l’application de la disposition interprétative.

    Vous comprendrez dans ces conditions que l’avis du Gouvernement soit défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur le vote des amendements no 2260 et identiques, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. J’émets un souhait au début de cette nouvelle séance : il serait tout de même intéressant que le rapporteur et le Gouvernement répondent effectivement et concrètement aux interrogations du groupe UMP. J’ai eu le bonheur de participer aux dernières séances et, chaque fois qu’une question était posée, nous avons eu l’impression qu’aucune réponse n’était apportée.

    Au-delà, il est important de savoir qu’aujourd’hui la société dans son ensemble est en train de se saisir de ce dossier. Je citerai seulement l’association lyonnaise Cosette et Gavroche, qui a notamment commis un livre sur les états généraux de l’enfant – il faut savoir que Lyon est à la pointe du combat dans lequel nous nous sommes engagés. Je vous invite à lire ce livre, mes chers collègues socialistes. Lisez-le, imprégnez-vous en et vous comprendrez peut-être qu’il est bon, à un moment donné, d’être capable de s’affranchir de la consigne de vote de son parti politique pour pouvoir, en son âme et conscience, voter en ayant un seul objectif en tête : l’intérêt de l’enfant. Bien évidemment, nous défendons ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

    M. Yannick Favennec. « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante », conseillait en son temps Portalis. En supprimant les mots « père » et « mère » du code civil, et en gommant ainsi le caractère hétérosexué de la filiation, vous touchez à un principe que le Conseil constitutionnel pourrait être amené à juger comme un principe fondamental, reconnu par les lois de la République. En effet, l’altérité sexuelle des époux et des parents, eu égard à sa constance et à son importance en droit français, remplit parfaitement les conditions fixées par le Conseil constitutionnel.

    D’ailleurs, dans les années 1980, le doyen Carbonnier n’excluait pas que certaines dispositions du code civil puissent se voir reconnaître un caractère constitutionnel, parce qu’elles exprimeraient un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, que le Conseil constitutionnel a pris sous sa protection. Ce n’est pas parce que vous voulez donner à cette loi un caractère symbolique qu’elle pourra échapper à une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, qui a toujours rempli son office, celui de rappeler aux représentants du peuple que la loi doit respecter la Constitution. Aussi, si vous continuez sur la voie où vous souhaitez engager notre assemblée avec cet amendement balai, vous ne pourrez faire l’économie d’une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2260, 3864 et 4919.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 142

    Nombre de suffrages exprimés 141

    Majorité absolue 71

    Pour l’adoption 49

    Contre 92

    (Les amendements nos 2260, 3864 et 4919 ne sont pas adoptés)

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.

    M. le président. Non, monsieur Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Il s’agit d’un vrai rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Vous n’allez pas nous réduire au silence !

    M. le président. N’insistez pas. Vous aurez un prochain rappel au règlement à 16 heures : je vous le programme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez, je viens d’en discuter avec un quelques-uns. J’ai parfaitement compris que certains d’entre vous ont parfois la volonté d’utiliser les rappels au règlement pour préciser leur position, avec une tonalité plus politique que lors de la discussion des amendements.

    M. Marc Le Fur. Mais il s’agit d’un vrai rappel au règlement !

    M. le président. Eh bien vous attendrez. Quand j’ai ouvert la séance, j’ai eu droit à quatre demandes de rappel au règlement : je considère que c’est une manière de dévoyer notre ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2133.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, nous louons tous votre manière de présider ces débats. Je remercie également notre collègue Laurence Dumont d’avoir bien voulu vous succéder au perchoir hier soir. Je vous sais gré de prévoir qu’aucun incident susceptible de justifier un rappel au règlement ne se déroulera avant 16 heures. Néanmoins, s’il devait en être autrement, je fais confiance à votre sens de la justice pour apprécier les circonstances.

    Madame la ministre, vous nous avez habitués à davantage de précision. Vous nous dites que vous ne voulez pas que l’amendement balai s’applique à l’article 456, car les personnes ne seraient plus protégées ; telle a été, en substance votre réponse.

    L’amendement balai prévoit que, là où il est écrit « père » et « mère », « aïeul » et « aïeule », « veuf » et « veuve », « branche paternelle » et « branche maternelle », « époux », « mari », « femme » et « beaux-parents », il faut lire « parents », au sens générique. Mais enfin, madame la garde des sceaux, aucun de ces termes n’apparaît dans l’article 456.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh oui !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cela signifie que l’amendement balai n’a aucune utilité pour cet article, qu’il est complètement superfétatoire et qu’il ne sert donc à rien d’y inclure l’article 456. Il y a là une imprécision d’écriture. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter votre réponse en l’état, madame la garde des sceaux. L’amendement est défendu, monsieur le président.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’habitude, vous êtes meilleur que cela !

    M. le président. Sur l’amendement n° 2133 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3714.

    M. Xavier Breton. J’hésite à défendre cet amendement, tant je suis impatient d’entendre la réponse de Mme la garde des sceaux.

    Je voulais revenir, comme notre collègue Mariton, sur les propos qu’a tenus le président du Conseil constitutionnel. S’il est certain que ces propos n’engagent absolument pas le Conseil constitutionnel, ils éclairent tout de même notre débat sur l’article 4, puisque le président du Conseil constitutionnel regrette que la loi relève davantage du « prêt-à-porter que du cousu main ». C’est bien ce que nous disons : la technique de l’article 4, que vous avez choisie par défaut, lorsque vous vous êtes rendu compte des réticences, voire des résistances, que la société française opposait à la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d’articles de notre droit, cette technique de l’article balai a consisté, précisément, à balayer tout le code. C’est bien la logique du prêt-à-porter qui a prévalu, là où il aurait effectivement fallu du cousu main, étant donné la diversité des situations juridiques et des situations personnelles.

    L’expression qu’a employée le président du Conseil constitutionnel reflète tout à fait l’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez : il s’agit d’un passage en force. À l’Assemblée nationale, il y a les députés godillots, et bientôt ce texte passera au Sénat, devant les sénateurs godillots, mais le Conseil constitutionnel, lui, ne sera pas godillot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4158.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement est en parfaite cohérence avec notre approche, selon laquelle il vaut mieux inventer, innover et faire du cousu main.

    En réalité, l’article 460 paraît assez bien adapté à la situation. Si nous ne sommes pas favorables au mariage et si nous préférerions une autre formule, nous pensons cependant que l’union d’une personne en curatelle ou en tutelle doit pouvoir être célébrée, quelle que soit son orientation sexuelle. Si le contrat d’union civile était mis en place, nous ne verrions aucun inconvénient à ce qu’il puisse être conclu avec une personne en tutelle ou en curatelle. Il faut évidemment en prévoir les conditions juridiques, et celles qui sont exposées à l’article 460 paraissent assez adaptées. Mais au mariage, nous préférons le contrat d’union civile.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable, avec une précision pour M. Poisson.

    Monsieur le député, vous prétendez que la disposition interprétative est superfétatoire s’agissant de cet article, qui ne comporte pas les mots « père » et « mère ». Mais non ! Il serait superfétatoire s’il disait qu’il faut lire « parents », même lorsque les mots « père » et « mère » n’apparaissent pas. Là, oui, il serait superfétatoire.

    Par ailleurs, il est bien précisé que la disposition ne s’applique pas au titre VII : cela signifie qu’elle ne s’applique pas aux mentions qui peuvent être faites du « père » et de la « mère » à l’intérieur du titre VII, et ceci pour la raison très simple que le titre VII porte sur la filiation, la filiation biologique. En dehors du titre VII, la règle s’applique quand vous rencontrez les mots « père » et « mère », mais, si vous ne les rencontrez pas, qu’est ce que vous voulez en faire, enfin ? Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    M. François Vannson. Monsieur le président, sauf le respect que je vous porte, je n’ai pas bien saisi le sens de l’intervention préliminaire que vous avez faite à l’ouverture de la séance.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous dites cela alors que vous êtes arrivé en cours de route !

    M. François Vannson. Vous avez rappelé que le Parlement est indépendant, et je souscris totalement à cette déclaration. En revanche, il va de soi que les textes que nous votons dans cette assemblée doivent être conformes à la Constitution, et c’est le cas aussi de cette loi ordinaire. C’est la raison pour laquelle je trouve un peu curieux que l’on évacue d’un revers de manche les positions et les remarques du président du Conseil constitutionnel.

    M. le président. Il n’y a jamais eu de remarque a priori de la part du Conseil constitutionnel.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

    M. François Vannson. Nous avons, certes, un champ de compétence, mais le problème de la constitutionnalité des lois est un vrai problème, qui doit éclairer nos débats.

    Par ailleurs, votre refus d’accorder des rappels au règlement me paraît également curieux, parce que l’évolution de nos débats peut susciter, de notre part, des rappels au règlement : si vous les refusez d’emblée, nos débats sont quelque peu contraints. Cela dit, il va de soi que j’apporterai un soutien actif aux amendements défendus par nos collègues. Je pense que notre assemblée est en train de voter un texte totalement irréversible pour l’avenir de notre société, et je souhaiterais que l’on prenne en compte ce caractère irréversible. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Merci monsieur Vannson. Je tiendrai naturellement compte de vos remarques, mais je suis persuadé que ceux de vos collègues qui sont les plus assidus depuis de très longues journées ont compris mes remarques sur les rappels au règlement.

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2133, 3714 et 4158.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 159

    Nombre de suffrages exprimés 159

    Majorité absolue 80

    Pour l’adoption 53

    Contre 106

    (Les amendements nos 2133, 3714 et 4158 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2137.

    M. Jean-Frédéric Poisson. À ce stade de nos débats, je voudrais rappeler une nouvelle fois les quatre questions auxquelles le Gouvernement n’a pas encore répondu de manière précise. La première porte sur le traitement des exequatur dans le cadre de l’article 310 du code civil ; la deuxième sur la rédaction et la présentation des livrets de famille ; la troisième sur l’écriture des actes d’état civil. La quatrième, enfin, porte sur le Pacs : comme notre collègue Mariton vous l’a demandé hier soir, en fin de séance, je voudrais savoir s’il sera ou non ouvert aux mineurs. Sur ces quatre questions, madame la garde des sceaux, madame la ministre de la famille, nous aimerions avoir des réponses précises.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3730.

    M. Xavier Breton. Après les propos du président du Conseil constitutionnel et du président du Sénat, je voudrais vous faire part de ceux qu’a tenus le président du Comité consultatif national d’éthique. Le problème qui est au cœur de cette loi, c’est qu’avec le principe d’égalité et l’ouverture d’un droit à la filiation artificielle, la logique veut que nous allions vers l’assistance à la procréation pour convenance personnelle. Le groupe socialiste avait d’ailleurs prévu d’intégrer la PMA dans ce texte : il y a donc bien un lien direct entre les deux.

    Le Comité consultatif national d’éthique s’est autosaisi de cette question – il n’a pas été saisi par le Président de la République, contrairement à ce qui a pu être dit –, à la suite, notamment, d’une demande formulée par notre président de groupe, Christian Jacob, au mois d’octobre.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Il s’est autosaisi, mais à la suite d’une demande…

    M. Xavier Breton. À présent, nous discutons du calendrier et il est important que nous y voyions clair. Une loi sur la famille est annoncée, qui va s’articuler étroitement avec le texte qui nous intéresse ici, notamment sur les questions d’adoption et de filiation. Il est donc important de savoir comment les choses vont s’orchestrer. À ce sujet, le président du Comité consultatif national d’éthique a indiqué qu’il répondrait à la question sociétale que pose la procréation médicalement assistée au mois d’octobre.

    Madame la ministre de la famille, le projet de loi sur la famille est-il reporté au mois d’octobre, ou bien va-t-il être déposé au mois de mars, comme cela était initialement prévu, sans inclure la PMA, de manière à laisser au CCNE le temps de se prononcer ?

    M. Bernard Roman. Et votre amendement, quel est-il ?

    M. Xavier Breton. Il s’agit d’un point important : pour discuter de ce texte, et notamment de l’article 4, qui pose un problème, nous avons besoin de savoir de quelle manière vont s’articuler ces dispositions. Nous attendons une réponse claire, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 2137 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4160.

    M. Hervé Mariton. J’ai lu avec attention les déclarations de Mme Najat Vallaud-Belkacem, comme d’usage le mercredi après le Conseil des ministres. J’ai trouvé qu’elles ajoutaient à la confusion et à l’incohérence. Elle s’est engagée à ce qu’un texte incluant la famille et la PMA soit présenté. À quoi sert la saisine du Comité consultatif national d’éthique sur la PMA si le Gouvernement s’engage d’ores et déjà à ce que la PMA figure dans le texte ? Le Comité national d’éthique risque de s’interroger sur la nature de la mission qui lui est confiée.

    S’agissant de mon amendement, je le retire, car je n’ai aucune objection à ce que l’article 462 du code civil demeure. Il concerne le Pacs, et je crois que le dépôt de cet amendement était une erreur.

    (L’amendement n° 4160 est retiré.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Exception faite de l’amendement de M. Mariton, qui a été retiré, avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

    M. Jean-Pierre Barbier. Depuis quelques jours, nous parlons de mariage, de famille et d’enfants et nous débattons d’une loi qui aura des conséquences sur la société, que chacun jugera positives ou négatives selon sa sensibilité.

    Nous n’obtenons pas de réponse aux questions que nous posons inlassablement. Nos collègues de la majorité pensent que nous faisons de l’obstruction, mais à cela, je répondrai simplement que chacun voit le monde à son image.

    Mes chers collègues, nous continuerons à le faire, malgré la menace que court chaque membre de l’opposition d’être mentionné dans vos tweets. Mais je souhaite attirer votre attention sur une chose : regardez les commentaires orduriers que cela provoque sur internet. Je ne mets pas en cause vos tweets, mais voyez ce qui est écrit. Je trouve que cela est grave, parce que notre société traverse une crise économique, financière, mais aussi une crise morale.

    Tout ce que vous faites sur la toile ne contribue pas à rétablir un climat d’unité au sein de notre société.

    M. Bernard Roman. Sur quoi porte votre amendement ?

    M. Jean-Pierre Barbier. Le projet de loi sur lequel nous voterons mardi aura bien évidemment un caractère normatif quand à la famille de demain sous toutes ses formes : hétérosexuelle, monoparentale, homosexuelle.

    Depuis quelques jours, j’ai écouté vos arguments, chers collègues de la majorité, ainsi que ceux du Gouvernement. Je les ai entendus, et j’ai acquis une conviction : nous commettons une erreur ! Attendons les états généraux de la famille, sous toutes ses formes, étudions à ce moment-là les différentes formes de contrat, adaptées aux différents modes de vie de nos concitoyens. Attendons les avis du Conseil d’État, du Comité d’éthique. Ainsi, avec tous ces avis, mais aussi le vôtre, parce que nous ne vous entendons pas, nous pourrons construire demain une société fraternelle.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2137 et 3730.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 150

    Nombre de suffrages exprimés 148

    Majorité absolue 75

    Pour l’adoption 47

    Contre 101

    (Les amendements n° 2137 et 3730 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1935.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à vous présenter mes salutations.

    Nous avons arrêté nos travaux cette nuit à quatre heures du matin. Cela ne m’a pas empêché d’écouter le président du Sénat répondre aux questions de Jean-Michel Aphatie à la radio ce matin. Ces propos sont essentiels, car il a déclaré qu’il souhaitait que le Sénat votât conforme.

    C’était la raison de ma demande de rappel au règlement, car cela affecte directement nos travaux. Cela veut dire qu’il n’y aura pas de deuxième lecture à l’Assemblée. Nous n’aurons donc aucune possibilité de modifier le texte. Et comme nous n’examinons pas vraiment les choses, ce qui n’est qu’un brouillon va être gravé dans le marbre de la loi. Ces propos sont donc très importants.

    M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il a raison !

    M. Marc Le Fur. La garde des sceaux en convient elle-même : l’article 4, qui se substitue à la rédaction initiale du Gouvernement, n’est pas rédigé de façon satisfaisante. Tout le monde en convient : l’article 2 sur les noms de personnes n’est pas applicable pour des raisons de bon sens évidentes. Notre collègue Germain proposait même que le choix entre le nom de la mère et du père soit fonction des jours pairs et impairs. Voyez où nous en sommes !

    Il faut que nous cessions de traiter ce texte ainsi. Nous devons aller au fond des choses, il faut que nous réexaminions un certain nombre d’articles. Il n’est pas encore trop tard pour obtenir, si ce n’est une rédaction idéale, au moins une rédaction convenable.

    Les propos du président du Sénat ont donc des conséquences directes sur le déroulement de nos travaux. Pourquoi tient-il de tels propos ? Parce qu’il veut bien évidemment que le texte soit adopté avant la grande manifestation du 24 mars ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1935 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1987.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais apporter à nos débats la lecture du chapitre trois d’un document préparatoire à l’avant-projet de loi sur la famille dont nous parlons dans cet hémicycle depuis maintenant quelques jours.

    Je souhaite le porter à la connaissance de l’Assemblée car, parmi nos interrogations figure la façon dont le fait familial et la question du mariage sont traités par le Gouvernement.

    Nous avons fait émerger, dans les jours précédents, que les questions de la gestation pour autrui et de la procréation médicalement assistée étaient traitées d’une manière qui manquait de cohérence à nos yeux. Nous avons mieux compris maintenant.

    Dans cet avant-projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit de la famille, il y a énormément de dispositions modifiant le code civil. Ce chapitre trois, intitulé « dispositions relatives au mariage » prévoit trois modifications du code civil visant à modifier la manière dont le mariage pourrait être célébré, qu’il s’agisse du lieu de célébration ou des articles dont la lecture est faite par les officiers d’état civil. C’est le fameux article 220 dont nous avons parlé hier, et il est vrai qu’il serait bon de le retirer de la cérémonie, même si par ailleurs il faudrait y réfléchir plus avant.

    Vous nous aviez annoncé un projet de loi pour le mois de mars ou d’avril, c’est-à-dire très prochainement. Je suis donc très surpris, alors que nous parlons du mariage depuis deux semaines, de trouver dans cet avant-projet de loi qui est porté à notre connaissance des dispositions que nous aurions pu traiter dans le présent projet de loi.

    Je ne comprends pas pourquoi, par souci de cohérence du texte, nous n’en avons pas profité pour traiter ensemble des dispositions qui concernent à l’évidence le même sujet.

    Ma surprise, mesdames les ministres, porte sur la méthode, comme dans le cas de la PMA et de la GPA, bien que je convienne que les sujets diffèrent.

    L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3647.

    M. Xavier Breton. En complément aux propos de notre collègue Poisson sur l’intelligibilité de la loi, et son articulation avec d’autres projets, je voudrais revenir sur les propos de Mme Vallaud-Belkacem à l’issue du conseil des ministres. Elle a indiqué que l’élargissement de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe figurerait dans le projet de loi sur la famille.

    Nous en prenons note, nous savons que vous voulez cette PMA pour convenance personnelle. Mais de deux choses l’une : soit c’est après l’avis du Comité consultatif national d’éthique, et alors le projet de loi sur la famille ne sera pas présenté au mois de mars. Soit ce projet est déposé au mois de mars, incluant l’assistance médicale à la procréation, mais alors l’avis du Comité consultatif d’éthique n’a pas d’importance.

    M. Bernard Roman. Et votre amendement, sur quoi porte-t-il ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Attendez, ça va venir ! (Sourires)

    M. Xavier Breton. Après les députés socialistes godillots, après le Sénat godillot, aurons-nous un Comité consultatif national d’éthique godillot ? On connaît votre volonté de passer en force avec ce texte. Les propos du président du Sénat préconisant un vote conforme montrent bien que vous avez peur de la société française.

    La manifestation du 13 janvier a eu lieu, celle du 24 mars s’annonce, vous essayez de passer en force. Mais plus vous essaierez de passer en force, plus la résistance sera forte.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3968.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement porte sur le mandat de protection future. C’est une réponse à la situation dans laquelle se trouvent deux adultes, dont l’un, ayant la charge d’un enfant, s’interroge sur son devenir dans l’hypothèse de son décès.

    Ces propos me permettent de rappeler que contrairement à ce que certains évoquent en prétendant que nous méprisons la situation des enfants, qui seraient aujourd’hui sans aucune protection en cas de décès du parent car l’autre membre du couple ne pourrait plus s’en charger, tout ceci est faux.

    Cet amendement de suppression est dû à ce que le dispositif de l’article 477 du code civil fait référence aux père et mère, il est donc profondément touché par l’article balais, ce qui nous paraît inapproprié.

    Je rappelle que le mandat de protection future existe grâce à l’article 477 du code civil. C’est une bonne disposition qui, d’ores et déjà, produit des effets concrets. Si ces effets peuvent être améliorés, ce qui est sûrement le cas, cela exige des dispositions législatives spécifiques, le prêt-à-porter dont parle le président Jean-Louis Debré, et non pas la méthode trop globale et peu adaptée de l’article balai.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je ferai observer à M. Mariton que l’article 477 du code civil évoque déjà les parents, puisque son alinéa trois commence ainsi : « Les parents ou le dernier vivant des père et mère […] ». Il ne mentionnera plus que les parents, tout simplement, nous simplifions donc sa rédaction.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Une famille, ce n’est pas seulement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. Vous savez que cette phrase a été prononcée par Mme Guigou le 3 novembre 1998 à l’occasion de l’examen du Pacs.

    Cette phrase est extrêmement intéressante parce qu’elle exprime ce que nous essayons inlassablement de vous répéter en défendant la notion de père et de mère.

    Je vous entendais tout à l’heure répondre à une question de Xavier Breton que nous disions toujours la même chose. C’est normal que nous y revenions sans arrêt, parce que nous voudrions avoir clairement votre calendrier en tête. C’est pourquoi, depuis deux semaines, nous vous demandons sans arrêt quand viendront la PMA et la GPA, qui sont au cœur de cette réflexion.

    Je comprends que vous vous interrogiez sur les raisons qui nous poussent à revenir sans arrêt sur les articles qui citent les termes de père et de mère. Je regrette que nous ne travaillions pas sur l’alliance civile, parce qu’elle constituait un moyen de préserver ce qui nous paraît essentiel, c’est-à-dire la notion de « père et mère » dans l’adoption, tout en traitant le problème, qui est réel, de l’union des couples homosexuels. Nous regrettons qu’il n’y ait pas de travail sur ce point, cela aurait été beaucoup plus intéressant.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1935 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 149

    Nombre de suffrages exprimés 148

    Majorité absolue 75

    Pour l’adoption 52

    contre 96

    (Les amendements nos 1935, 1987, 3647 et 3968 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2263.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais porter à la connaissance de l’Assemblée ce passage de l’avis du Conseil d’État qui a été reproduit ce matin dans un hebdomadaire prestigieux.

    Le Conseil d’État y répond, d’une certaine façon, à l’interrogation que nous formulons depuis le démarrage de ces débats sur l’impact éventuel de ce texte, au-delà des seuls couples de personnes de même sexe. Vous prétendez qu’il n’a pas d’impact alors que nous considérons que tout le monde est affecté par ce projet de loi.

    Le Conseil d’État nous donne raison puisqu’il écrit : « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux, et compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l’étude d’impact qu’un tel changement apportera à un grand nombre de législations, dans l’ordre pratique comme dans l’ordre symbolique, le Conseil d’État souligne l’importance qui s’attache au maintien, dans son périmètre actuel, d’un projet qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe dans les mêmes conditions que pour les autres couples, sans changer en rien les règles applicables à ces derniers ».

    C’est une des multiples raisons pour lesquelles nous continuons de nous bagarrer contre ce projet de loi.

    L’amendement est ainsi défendu.

    M. le président. Sur l’amendement n° 2263 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3865.

    M. Xavier Breton. Je profite de cet amendement pour aller un peu plus loin sur les questions de calendrier. Nos interrogations sont différentes selon les amendements que nous défendons, mais vos réponses sont identiques puisque vous ne nous opposez que le silence.

    Madame la ministre chargée de la famille, je vous ai déjà interrogée sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique et sur son articulation avec le projet de loi sur la famille. Je voudrais maintenant aller un peu plus loin. Le président du Comité consultatif, Jean Claude Ameisen, a déclaré que ce pourrait être au Parlement de se prononcer sur l’organisation éventuelle d’états généraux sur l’assistance médicale à la procréation. Avez-vous un avis sur cette question ? Y aura-t-il bien des états généraux, comme nous en étions convenu – c’est en tout cas ce que j’avais compris il y a quelques heures ? Quelle lecture faites-vous de l’article des lois de bioéthique relatif à l’organisation de ces états généraux ?

    M. Bernard Roman. Quel est le rapport avec votre amendement ?

    M. Xavier Breton. Qui doit organiser ces états généraux ? Il serait intéressant que notre collègue Alain Claeys, qui a participé à l’organisation de précédents états généraux, puisse également nous donner son avis sur cette question. Qui doit prendre l’initiative des états généraux ? Comment ? Le Gouvernement y sera-t-il favorable ? Il est important d’étudier les modalités d’organisation de ces états généraux : y seront en effet abordées non seulement l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de personnes de même sexe, mais également des questions à la fois médicales et sociétales, comme la conservation des ovocytes par la technique de la vitrification, le maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes et la prise en charge par notre système de protection sociale des assistances à la procréation non médicales. Ces sujets très importants s’inscrivent dans la logique du texte que nous discutons.

    Nous souhaiterions y voir un peu plus clair. Madame la ministre déléguée chargée de la famille, nous attendons avec une impatience grandissante votre réponse.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4923.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement concerne l’établissement, la vérification et l’approbation des comptes du tuteur. Je crains qu’il ne puisse y avoir, au quatrième alinéa de l’article 510 du code civil, un risque de contradiction entre le mot « parent » tel qu’il est utilisé dans cet alinéa et le même mot tel que vous l’employez dans l’article balai. Il ne me paraît pas évident qu’au quatrième alinéa de l’article 510 du code civil, « parent » signifie « père et mère » – sinon, cela eût été indiqué ainsi. Je pense que l’acception des mots « parent », « allié » et « proche » dans cet article du code civil peut être différente. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’une erreur juridique, mais cet article comporte au minimum une incertitude qui mériterait d’être levée.

    J’ajoute une observation sur le déroulement de nos travaux, monsieur le président. La nuit dernière, la présidence a levé la séance à quatre heures du matin, et nous avons repris nos travaux à quinze heures. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi la présidence n’a pas levé la séance à une heure, ce qui aurait permis de reprendre nos travaux à neuf heures trente et de gagner une heure de débat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opposition ne fait pas d’obstruction,…

    M. Bernard Accoyer et M. Philippe Briand. C’est vous qui faites de l’obstruction ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. …puisque c’est la présidence elle-même – que je respecte – qui a pris l’initiative de cet horaire de travail forcé jusqu’à quatre heures du matin. En adoptant cette organisation, vous supportez en réalité des coûts plus élevés, et vous avez surtout abrégé nos travaux d’une heure. Une levée de la séance à une heure aurait coûté moins cher et aurait permis à tout le monde de dormir normalement, tout en gagnant une heure de travaux, puisque nous aurions pu reprendre nos débats ce matin dès neuf heures trente. Je ne comprends pas les raisons d’une telle obstruction de la part de la présidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Laurence Dumont. Vous avez refusé de terminer l’examen des amendements à l’article 4 !

    M. le président. Je suis sûr que la vice-présidente a voulu permettre aux uns et aux autres, après quelques jours très difficiles, de connaître une grasse matinée. (Sourires.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oui, cela nous a fait du bien !

    M. François Vannson. Ça mérite un rappel au règlement !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable également.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Permettez-moi de regretter que, depuis maintenant plusieurs jours, le Gouvernement et la majorité fuient le véritable débat. Nous apportons dans cette discussion un certain nombre d’arguments, mais nous n’obtenons pas de réponses à nos questions, ni de véritables échanges. C’est dommage, et je pense que nos concitoyens apprécieront.

    Vous utilisez sans cesse l’argument – même s’il ne s’agit pas à mon sens d’un véritable argument – selon lequel ce projet de loi respecterait le cours de l’histoire, comme s’il existait un cours de l’histoire inexorable et une forme de déterminisme à la fois historique et social. En fait, vous devriez véritablement réfléchir avant d’utiliser un tel argument. En effet, derrière cet argument se cache en réalité une idée extrêmement pernicieuse, qui est le déni même de l’action politique. Si tout est déterminé par avance, alors ce que nous faisons ici est un simulacre. Vous devriez vraiment y réfléchir à deux fois avant d’utiliser un tel argument, parce que si nous sommes dans un simulacre, nous sommes en train de leurrer nos concitoyens…

    Mme Laurence Dumont. Parole d’expert !

    M. Patrick Hetzel. …et, pire encore, nous nous leurrons nous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2263, 3865 et 4923.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 160

    Nombre de suffrages exprimés 159

    Majorité absolue 80

    Pour l’adoption 59

    Contre 100

    (Les amendements identiques nos 2263, 3865 et 4923 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), pour soutenir l’amendement n° 5253 rectifié.

    M. Bernard Accoyer. Je m’inscris contre !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit simplement d’un amendement rédactionnel en vue de corriger un pluriel maladroit.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Excellent amendement !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous allons voter pour : cela nous fera tout drôle ! (Sourires.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

    M. Bernard Accoyer. J’interviens contre cet amendement qui a été présenté de façon quelque peu succincte, chacun en conviendra. Il est vrai que le rapport est l’addition de non-dits et de confusions ; dans ces conditions, la présentation d’un amendement de clarification est en réalité une provocation à l’égard de l’Assemblée nationale !

    M. Yannick Favennec. Il a raison !

    M. Bernard Accoyer. Ce texte est une succession de confusions et de non-dits : confusion entre mariage et adoption, confusion entre adoption et procréation médicalement assistée, et confusion entre procréation médicalement assistée et gestation pour autrui.

    M. Bernard Roman. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

    M. Bernard Accoyer. Dans ces conditions, cet amendement du rapporteur apparaît quelque peu excessif ou provocateur ! M. Binet multiplie d’ailleurs, dans son rapport volumineux en deux tomes qui atteint près d’un millier de pages,…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il a fait un bon travail !

    M. Bernard Accoyer. …les allusions qui montrent bien que, derrière ce texte présenté de façon tout à fait anodine comme un changement sans conséquence sur la société, se cachent en réalité un changement profond et une révolution de notre code civil. C’est contre cela que nous nous élevons ! C’est cela que nous ne pouvons accepter, en l’absence d’un grand débat et de la recherche d’une solution alternative comme celle d’une alliance civile qui aurait permis de dégager sur ces bancs et dans le pays une large majorité.

    À l’heure où le pays est confronté à tant de difficultés et où nous avons tellement d’autres priorités, il est tout à fait désolant de voir tout le temps et toute l’énergie…

    M. Jean-Claude Perez. Dites-le vite !

    M. Bernard Accoyer. …que le Gouvernement et sa majorité consacrent à une telle manipulation, avec un objectif tant discuté et si regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 5253 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cette demande de scrutin public me laisse le temps de préciser qu’il n’y a rien de révolutionnaire à mettre au singulier « conjoint survivant ». Il n’y a généralement qu’un seul conjoint survivant : …

    M. Jacques Myard. Et en cas de polygamie ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. …il s’agit donc bien sûr de corriger une maladresse rédactionnelle.

    Monsieur Accoyer, il était inutile de consacrer une heure à ce sujet !

    M. le président. Monsieur Mariton, vous avez demandé un scrutin public sur cet amendement, mais je l’ai annoncé il y a seulement quarante-cinq secondes. Dois-je attendre les cinq minutes règlementaires ?

    M. Marc Le Fur. C’est la règle !

    M. Hervé Mariton. Je propose de passer au vote.

    M. François Vannson. Rappel au règlement ! (Sourires.)

    M. le président. Vous en seriez capable !

    Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 5253 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 154

    Nombre de suffrages exprimés 151

    Majorité absolue 76

    Pour l’adoption 92

    Contre 59

    (L’amendement n° 5253 rectifié est adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 4747.

    M. Damien Abad. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle avec nos autres amendements.

    Je profite de cette intervention pour vous exposer ma position sur ce texte. Beaucoup d’amendements à l’article 4 visent à repréciser la portée juridique et les conséquences des principes qui ont été affirmés. Nous aurions pu être plusieurs députés de l’opposition à ne pas forcément voter contre ce texte. Le problème, madame la garde des sceaux, est que vous avez commis trois erreurs dans la présentation de ce texte. Votre première erreur concerne la consultation, dont tout le monde a constaté, y compris sur les bancs de la majorité, qu’elle avait manqué sur un vrai sujet de société. Force est de constater que la comparaison avec les lois de bioéthique ne joue pas en votre faveur. La deuxième raison des difficultés que nous éprouvons sur ce texte est l’impact de celui-ci et l’effet domino qu’il pourrait avoir sur la société, au-delà de la simple question du mariage. Enfin, nous considérons que ce texte n’est pas une priorité alors que la situation économique est grave.

    Nous avons proposé une solution alternative constructive : celle de l’alliance ou de l’union civile, pouvant être liée à un référendum sur la question du mariage ou de l’adoption. Vous n’avez voulu ni de l’union civile ni du référendum. Vous avez refusé d’entendre la volonté du peuple : vous aurez donc une opposition unie, forte et rassemblée contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous l’avez dit, monsieur Abad : il s’agit d’un amendement de cohérence avec un amendement précédemment rejeté par notre assemblée. Il n’a donc plus lieu d’être : l’avis de la commission est défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.

    M. le président. La parole est à M. François Vannson.

    M. François Vannson. Je ne fais pas un rappel au règlement : je présente juste une petite analyse. Pour ma part, j’ai été très sensible aux travaux et à la communication que nous a adressée M. Bertrand Vergely, universitaire de haut rang, professeur en khâgne et à Sciences Po. Cet homme a toujours eu une vision très éclairée sur les sujets de société. J’invite tous les parlementaires à lire sa contribution. Il conclut celle-ci en affirmant que le mariage gay, qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour, n’est pas raisonnable. La remise en cause de la distinction entre l’homme et la femme, ravalée au rang de pratique sexuelle, n’est pas non plus raisonnable. Toutes ces analyses sont de nature à éclairer nos débats.

    (L’amendement n° 4747 n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 87.

    M. Marc Le Fur. Nous abordons ici l’un des amendements les plus symboliques, puisque c’est de la cérémonie de mariage qu’il s’agit. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Chaque couple se souvient de cette cérémonie, et chacun peut en mesurer l’importance. Mes collègues développeront notre argumentation.

    En réponse aux propos de notre collègue Hervé Mariton, je souhaite simplement faire une observation. M. Mariton a demandé pourquoi nous avons travaillé cette nuit jusqu’à quatre heures, et pourquoi nous n’avons pas siégé ce matin. Il y aurait à cela une raison que je n’ose imaginer, monsieur le président, mais je vous la livre néanmoins : je devais présider la séance de ce matin ! (Rires sur de nombreux bancs.)

    Mme Laurence Dumont. Vous n’auriez pas pu défendre vos amendements ! (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Le président de l’Assemblée aurait pu prendre le relais pour me permettre de défendre mes amendements.

    M. Xavier Breton. Quel sectarisme !

    M. Marc Le Fur. Mais loin de moi l’idée d’imaginer une telle hypothèse.

    M. Bernard Accoyer et M. Christian Jacob. Non ! C’est impensable bien sûr !

    M. Marc Le Fur. Si le Sénat vote le texte conforme, mes chers collègues,…

    M. Bernard Accoyer. Cela veut dire qu’il ne sert à rien !

    M. Marc Le Fur. …alors qu’il n’a pas été préparé et que le travail en commission a été très médiocre, nous ne pourrons pas l’examiner en deuxième lecture dans notre assemblée.

    Pourquoi le législateur, le constituant a-t-il imaginé une deuxième lecture ? Parce que la loi doit être peaufinée, travaillée, ciselée. En l’occurrence, on va faire du brut, du médiocre, du quelconque, alors que nous parlons du code civil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. Monsieur Le Fur, vous ne pouvez imaginer une seule seconde que nous aurions voulu nous débarrasser de votre talent ! (Sourires.)

    La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n° 166.

    M. François Vannson. Je soutiens bien évidemment les propos de notre collègue Le Fur. En effet, la cérémonie du mariage n’est pas un acte anodin. Or nous avons le sentiment que rien n’a été préparé dans le texte et que nous sommes dans la confusion la plus totale.

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    M. François Vannson. Il va de soi que je soutiens cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 219.

    M. Bernard Deflesselles. Je veux revenir, à l’instar de deux de mes excellents collègues, sur la déclaration d’un haut personnage de l’État qui n’est autre que le président du Sénat, M. Bel. Sur une radio nationale, il a déclaré ce matin que le Sénat pourrait voter conforme. Cela signifie ni plus ni moins qu’il fige le débat et fait la preuve que le Sénat ne sert à rien !

    M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

    M. Bernard Deflesselles. Nous revenons aux heures sombres de notre République,…

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    M. Bernard Deflesselles. …lorsque M. Jospin disait que le Sénat était une anomalie. Rappelez-vous, mes chers collègues de gauche !

    Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’alinéa 8 de l’article 4, qui prévoit de remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ». Votre projet de loi vous oblige à supprimer ces mentions sexuées du code civil.

    Il s’agit de supprimer la jolie formule du code civil prononcée par l’officier de l’état civil : « il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ». Mes chers collègues, tout cela ne sera plus possible. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’aliéna 8 de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 379.

    M. Yves Albarello. L’ensemble de votre texte, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, n’est que maladresse, et pas simplement l’amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur tout à l’heure.

    Les conséquences de ce texte ne sont à l’évidence pas approfondies. l’examen de cet article en est la preuve. C’est pourquoi, comme mes collègues, je persiste et signe : il nous faut impérativement supprimer l’alinéa 8.

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr.

    M. Yves Albarello. Ce texte, je le répète, n’est pas abouti. Et s’il devait y avoir, comme le disait Marc Le Fur, un vote conforme au Sénat, nous aurions un texte incompréhensible.

    Mes chers collègues, la clarté est dans les rangs de l’opposition.

    M. Christian Jacob. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 315.

    Mme Dominique Nachury. Depuis de nombreuses heures, nous voulons mettre en évidence les imprécisions et les incohérences du projet, liées à la méthode utilisée et au refus de prendre le temps nécessaire pour élaborer un texte important au plan social.

    Dans l’alinéa 8, il est proposé de remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ». Rappelons que cet article porte sur le déroulement de la cérémonie du mariage et, dans son dernier aliéna, dispose que l’officier d’état civil, « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme. Il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage et il en dressera acte sur le champ ». Il lui faudrait donc prononcer le mot « époux ». Pour les hommes, un ou deux, cela convient, mais pour les femmes, une ou deux, cela pose question. Faudra-t-il aussi interpréter la loi ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bonne question.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 415.

    M. Hervé Mariton. Nous sommes dans une situation assez comparable à celle où nous étions à propos de l’article 371-1 du code civil, à la différence que le Gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait un problème, alors qu’il l’avait manifestement oublié à l’article 371-1.

    Pourquoi avez-vous décidé de dispenser l’officier d’état civil de dire « mari et femme » à deux personnes de même sexe – et dans ce cas, vous ne lui demandez pas d’interpréter le code civil –, mais de projeter les mêmes personnes en tant que père et mère ? Le Gouvernement a compris que lorsque l’officier d’état civil mariait deux personnes de même sexe, il ne pouvait s’adresser à eux en tant que mari et femme. Mais il a oublié de penser qu’il ne pouvait pas non plus s’adresser à eux en tant que père et mère. Vous l’avez d’ailleurs, madame la garde des sceaux, avec toute la courtoisie nécessaire pour la majorité, implicitement admis, et avez renvoyé à la discussion au Sénat. Mais nous voilà maintenant sous la menace d’un vote conforme du Sénat.

    M. François Vannson. Exact.

    M. Hervé Mariton. Ce qui veut dire que le code civil va réussir ce tour de force de dire aux gens qu’ils ne sont plus « mari et femme, mais qu’ils restent « père et mère » !

    M. Xavier Breton. Quel aveu !

    M. Bernard Accoyer. Incroyable !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 428.

    M. Christian Jacob. Je rebondirai sur les arguments d’Hervé Mariton.

    Au départ, vous envisagiez de modifier l’ensemble des articles du code civil qui faisaient référence à des mentions sexuées, soit environ cent soixante-huit articles. Vous auriez remplacé les mots « père et mère » par « époux », « mari et femme »par « couples de même sexe ». Mais vous ne le faites pas s’agissant de l’article 371-1. Lorsque l’officier d’état civil mariera un couple d’homosexuels, selon vos vœux, et qu’il fera référence à l’article 371-1 relatif à l’autorité parentale, ce couple homosexuel sera désigné en tant que « père et mère » ! Avouez que la situation est compliquée et qu’elle peut être très mal ressentie par ce couple d’homosexuels.

    M. François Vannson. Oui, c’est de la discrimination !

    M. Christian Jacob. En revanche, au moment de l’échange de consentements lorsqu’il leur sera demandé de se prendre pour mari et femme, on parlera alors d’époux ! L’incohérence est totale.

    Pourquoi ? Vous avez voulu un article balai, mais sans le soumettre au Conseil d’État. Je note, madame la garde des sceaux, que son avis commence à devenir public, un journal en a ce matin diffusé assez largement quelques extraits.

    M. Jacques Myard. La situation est inadmissible.

    M. Christian Jacob. Il serait temps, madame la garde des sceaux, de franchir le pas et de le rendre public.

    On voit bien les problèmes auxquels vous avez été confrontés. Et vous vous contentez de supprimer les mentions sexuées dans cinq articles seulement. On est en pleine incohérence en raison de cette mauvaise rédaction juridique.

    M. Jacques Myard. Mauvaise foi !

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Christian Jacob. Si, chose invraisemblable, le Sénat adoptait le texte conforme, cela poserait la question de son existence politique. Au-delà, comment corriger les imperfections de votre texte ?

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 473.

    M. François de Mazières. Je souhaite faire référence à un article fort intéressant du sénateur Philippe Bas publié dans La Croix, articledans lequel il répond à votre grand argument, à savoir que nous sommes terriblement ringards.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est une tendance ! (Sourires.)

    M. François de Mazières. Il montre qu’il n’y a de ringardise ni à droite ni à gauche et que l’histoire le démontre. L’ouverture du droit de vote aux femmes en 1945, c’est de Gaulle.

    M. Jacques Myard. De Gaulle, pas vous !

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Le Conseil national de la résistance !

    M. François de Mazières. L’autorisation de la pilule, c’est la loi Neuwirth en 1967. En 1972, la reconnaissance des enfants naturels, etc. On ne peut donc pas nous accuser d’être constitutionnellement ringards !

    Le deuxième argument que vous développez est celui de l’égalité. Nous, nous disons que le problème, c’est l’égalité pour les enfants : pour l’enfant adopté d’avoir droit à un père et une mère. Pour vous, c’est l’égalité du désir de l’adulte. Pour notre part, nous privilégions le droit de l’enfant sur le droit du désir de l’adulte.

    Je souhaite également insister sur les prises de positions passionnantes de Michel Rocard, pour qui le Pacs aurait pu suffire, ou encore ceux de Mme Agacinski.

    Il est pour le moins regrettable – et je reprends la conclusion de Philippe Bas – de ne pas remettre au goût du jour le contrat d’union civile pour réellement s’intéresser aux problèmes actuels des couples homosexuels et maintenir le fondement de notre civilisation, à savoir le mariage dans un couple hétérosexuel.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 532.

    M. Patrick Ollier. Nous nous situons au plan du droit. Je ne veux pas faire de politique…

    Mme Annick Lepetit. Mais non !

    M. Patrick Ollier. .Au plan du droit, nous sommes dans la plus grande confusion, monsieur Roman.

    M. Bernard Roman. Je n’ai rien dit, pour une fois !

    M. Patrick Ollier. Nous sommes dans la confusion, l’incohérence et même le quiproquo. Qui est responsable de ce quiproquo ? L’article 4.

    Cet article a sans doute été élaboré avec beaucoup de bonne foi par la commission, je ne le mets pas en doute, mais il n’a pas été – et pour cause – validé par le Conseil d’État. La logique de la construction de la loi se heurte à des incertitudes provoquées par des réflexions de bonne foi dans le cadre des travaux de la commission. J’en sais quelque chose : pendant dix, j’ai présidé une commission dans cette assemblée et il m’est arrivé aussi d’être confronté à des erreurs, qui ont conduit à des incohérences de droit. Mais il faut être capable de les reconnaître publiquement.

    En l’occurrence, votre incohérence touche à la symbolique de la cérémonie publique du mariage. L’annonce que le Sénat souhaiterait voter le texte conforme ajoute à la gravité de la situation car nous ne pourrions plus discuter du texte. Imaginez les réactions du Conseil constitutionnel ! Je vous mets en garde contre la sanction. Pour l’éviter, je vous invite à davantage de travail, à des discussions approfondies pour mieux construire la loi.

    M. Bernard Accoyer. Excellent !

    M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n° 619.

    M. Yves Foulon. Nous sommes toujours dans la même situation. Nous n’avons aucune réponse à nos interrogations. Nos collègues socialistes sont aphones et ne souhaitent pas nous parler.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Il n’y a rien à répondre !

    M. Yves Foulon. Le président de la commission est absent et le rapporteur ne répond pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vous en prie.

    M. Yves Foulon. Quant au Gouvernement, il répond de façon méprisante quelquefois, ou ne répond pas du tout.

    Nous continuons de défendre nos amendements qui nous permettent de dire que ce texte de loi est mauvais pour les Français.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1038.

    M. Philippe Cochet. Le travail parlementaire suppose des échanges. Certes, nous pouvons poursuivre dans le monologue. Mais je vous demande de vous arrêter sur le monologue de l’officier d’état civil dans nos 36 000 mairies. Nous, qui sommes parfois également maires, devrons faire face à la demande des officiers d’état civil qui s’interrogent, comme nous, sur la manière de procéder.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Ce ne sera plus le cas avec la fin du cumul.

    M. Philippe Cochet. C’est une vraie question.

    Avec ce texte qui tient du bricolage, nous mettrons les agents de l’État dans une situation invraisemblable. Pour la régler, quelle réponse avons-nous ? Le silence.

    Mes chers collègues, si telle est votre conception du travail parlementaire, vous devriez, je le dis franchement, faire autre chose. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Un parlementaire qui s’est donné pour mission de se taire fait offense à ceux qui ont voté pour lui et à ce pour quoi nous sommes élus, c’est-à-dire faire une bonne loi. Voilà pourquoi, monsieur le président, je soutiens cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Geneviève Gaillard. N’importe quoi !

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1310.

    M. Yves Nicolin. L’article 4 pose des problèmes qui ne sont pas aujourd’hui mesurés, madame la garde des sceaux, madame la ministre de la famille. Ils vont entraîner des effets négatifs pour beaucoup d’enfants – vous savez comme je suis attaché aux sujets concernant l’adoption – mais aussi pour les futurs époux eux-mêmes. Après avoir voulu supprimer, chaque fois que cela était possible, les mots « père » et « mère », vous voulez maintenant supprimer les mots « mari » et « femme » au profit du terme générique « époux » qui ne satisfera personne.

    Je rebondis sur ce qu’a dit mon collègue Philippe Cochet quant à l’embarras dans lequel vous allez plonger tous les officiers d’état-civil, tous les élus lorsqu’ils devront célébrer le mariage de deux « époux » comme s’il s’agissait d’êtres totalement asexués. Quelquefois, les propres enfants des futurs mariés assistent à la cérémonie. Désormais, ils ne comprendront plus rien : ils seront entrés dans la salle des mariages en étant les enfants d’un père et d’une mère, ils en sortiront en étant les enfants de deux « époux ».

    Nous en sommes à dénaturer le mariage, pour faire plaisir à une minorité, en donnant des signaux extrêmement négatifs à beaucoup d’autres personnes. C’est tout à fait regrettable

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1442.

    M. David Douillet. D’heure en heure, je suis de plus en plus consterné par ces débats. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Il faut que les Français le sachent : vous politisez la vie de futurs enfants, ceux des couples de même sexe qui vont adopter ou qui auront recours à la GPA. Vous provoquerez des plaies ouvertes. Ces plaies peuvent exister chez des couples malheureusement victimes d’accidents de la vie, mais là vous les provoquez sciemment, à des fins politiciennes. Voilà la vérité !

    Un enfant, quel que soit l’amour que pourra lui porter un couple de même sexe, aura toujours ce manque biologique d’un père ou d’une mère. Croyez moi !

    M. David Douillet. Cet enfant qui démarrera sa vie avec des questions auxquelles personne ne peut répondre, pas même son papa ou son papa bis, pas même sa maman ou sa maman bis – « de qui suis-je issu ? » subira des séquelles profondes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il y a des enfants malheureux dans les familles hétérosexuelles !

    M. David Douillet. La recherche d’un père ou d’une mère biologique est un principe fondamental dans la pédopsychiatrie, vous le savez très bien. À un moment de la vie de ces enfants, ce besoin se fera sentir, c’est une certitude. Et vous porterez la responsabilité de leurs cicatrices.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Oh !

    M. le président. S’il vous plaît, monsieur Cambadélis, vous ne faites pas le poids ! (Rires.)

    M. David Douillet. Tout cela pour que de petits groupuscules votent pour vous, car c’est cela la vérité : vous allez saccager la vie d’enfants à des fins électoralistes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Jean-Claude Perez. Votre intervention n’est pas très glorieuse !

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2229.

    M. Pierre Lequiller. Je suis effaré des conditions dans lesquelles nous débattons d’un sujet aussi important, qui touche à ce qu’il y a de plus sacré : le mariage, l’enfant, la vie, le don de la vie. Vous n’avez pas consulté le Comité consultatif national d’éthique, vous n’avez pas organisé d’états généraux, vous ne mettez pas à notre disposition l’avis du Conseil d’État et le Sénat va s’abstenir d’entrer dans le jeu alors que ce texte touche à la PMA, à la GPA et à d’autres questions fondamentales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Mme Élisabeth Guigou. Ce n’est pas vrai, nous sommes raisonnables !

    M. Pierre Lequiller. En outre, vous commettez des fautes juridiques, comme celle de soustraire dans la formule très solennelle de la célébration du mariage les mots de « mari » et « femme » pour les remplacer par le mot « époux » – je ne sais d’ailleurs pas quels mots vous utiliserez lorsqu’il s’agira de deux femmes.

    Nous le voyons bien, ce texte est bâclé et idéologiquement dangereux. Je demande que l’on revienne à une étude de fond, comme on l’a fait pour d’autres lois, la loi Leonetti ou les lois de bioéthique : le législateur a pris son temps, l’Assemblée puis le Sénat se sont prononcés, l’avis du Conseil d’État a été communiqué. Ou alors, il faut aller vers un référendum pour que le peuple se prononce lui-même.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3017.

    M. Gérald Darmanin. Cet article a une incidence directe sur la cérémonie du mariage et touche tout particulièrement les élus et les officiers d’état civil. Mais il me paraît très étonnant que l’on évoque la possibilité d’un vote conforme au Sénat, et ce pour trois raisons.

    Par trois fois, vous avez montré votre défiance envers les maires et les élus locaux.

    Premièrement, vous avez refusé la clause de conscience aux élus alors que, dans toutes les circonscriptions, certains d’entre eux, quel que soit leur bord politique, ont demandé qu’elle s’applique.

    Deuxièmement, avec un certain mépris, vous avez mis l’accent sur le fait que la cérémonie devait être républicaine comme si certains élus en France n’organisaient pas des cérémonies républicaines.

    Troisièmement, vous avez insisté sur le fait que le procureur de la République avait la surveillance des actes des élus, comme si ce n’était pas une évidence que les élus, dans leur quasi-totalité – à part M. Mamère en d’autres temps – respectent la loi de la République.

    Il est donc urgent d’adopter ces amendements.

    Il est aussi urgent de faire comprendre à nos amis sénateurs – et il y a bien longtemps que la gauche n’a plus de majorité dans la Haute chambre, comme l’ont montré les votes de ces derniers mois – qu’il leur faudra discuter de ce texte, et que nous pourrons, en deuxième lecture, continuer à l’améliorer, ou du moins tenter d’améliorer ce qui est améliorable.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3070.

    M. Patrick Hetzel. La rédaction de l’alinéa 8 montre combien ce projet de loi a été improvisé. C’est la raison pour laquelle nous proposons sa suppression.

    Ce qui est plus frappant, c’est que si vous aviez entendu notre plaidoyer en faveur du contrat d’alliance civile, portée par la proposition de Daniel Fasquelle, nous ne serions pas aujourd’hui en train de devoir amender et bricoler un texte qui ne fait absolument pas consensus.

    Je crois que vous ne mesurez pas à quel point vous prenez une lourde responsabilité en persistant dans votre erreur.

    Aujourd’hui, la France est dans une situation critique. Nos concitoyens attendent que le Gouvernement crée de la concorde et fasse en sorte qu’il y ait des sujets de consensus. Il s’agit d’un véritable sujet de société, vous avez même parlé de sujet de civilisation, madame la ministre. Vous avez raison. Seulement, les sujets de civilisation ne se traitent pas à la hussarde, bien au contraire, ils se traitent dans l’apaisement, dans le calme et l’harmonie. Or, avec l’union civile, il y avait une possibilité de créer de la concorde et de l’harmonie. Vous portez une responsabilité très lourde en divisant là où l’on peut rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3166.

    M. Bernard Accoyer. Cet alinéa fait partie de ces dispositions qui devraient conduire le Conseil constitutionnel à annuler le cœur du dispositif que le Gouvernement veut imposer à marche forcée au pays.

    En effet, nous pouvons considérer que l’union d’un homme et d’une femme qui constitue le mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. L’article 144 du code civil le spécifie et d’innombrables autres articles contiennent les mots « père » et « mère », ce qui signifie par conséquent qu’un couple est composé d’un homme et d’une femme.

    Ce point est d’une importance extrême, qui nous conduit à nous interroger sur les déclarations du président du Sénat. Comment peut-il prétendre, s’agissant d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, que le Sénat votera conforme ce texte avant même qu’il ait fini d’être examiné, amendé et adopté par notre assemblée ?

    Dans ces conditions, une nouvelle fois, nous pourrions, à la suite du général de Gaulle, nous interroger sur l’utilité de la deuxième chambre. Surtout, nous devrions nous inquiéter de la fragilisation de la procédure, concernant un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3260.

    M. Jacques Myard. Vous voulez rayer d’un trait de plume ce qu’est l’histoire de l’humanité. Se prendre pour mari et femme renvoie à l’altérité institutionnelle du mariage, quel que soit le lieu, quelle que soit la forme politique, quelle que soit la culture, quelle que soit la religion des hommes et des femmes qui font le genre humain. Nous sommes au cœur de l’absurdité de votre projet. Marier deux êtres de même sexe, c’est un oxymore : c’est une contradiction dans les termes mêmes.

    Voilà pourquoi cet alinéa doit être supprimé. Vous croyez créer un monde nouveau. En réalité, la terre va se dérober sous vos pieds. Un jour ou l’autre, un tremblement de terre vous balaiera ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Jean-Claude Perez. Et d’immenses multitudes de criquets se répandront sur la surface de la terre !

    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 3317.

    M. Thierry Mariani. Je ne reviendrai pas sur le bricolage de ce texte, mes collègues l’ont fait excellemment.

    Je voudrais vous dire ce que je ressens, après la journée d’hier où j’ai manqué ces débats parce que j’assistais avec certains autres de mes collègues à la réunion de la grande commission parlementaire France-Russie. Combien de familles françaises vont-elles être privées de l’adoption d’un enfant à cause de la loi que nous sommes en train de voter, compte tenu de la réaction de certains pays ?

    Il faut savoir – et je parle sous le contrôle d’Yves Nicolin qui est spécialiste de ces sujets – que 80 % des adoptions en France se font à l’étranger, et que le plus gros contingent d’enfants provient de la Fédération de Russie.

    Le président de la Douma, Sergueï Narychkine, a lui aussi laissé clairement entendre mardi à Paris que la Russie pourrait durcir ses règles d’adoption pour la France. Le représentant pour les droits de l’homme du ministère des affaires étrangères russe a déclaré que la reconnaissance du mariage homosexuel en France et en Angleterre « réduit les chances pour les Français et les Britanniques d’adopter des enfants issus de Russie ».

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Depuis quand doit-on obéir aux diktats de la Russie ?

    M. Thierry Mariani. Quel paradoxe : pour satisfaire une minorité, on risque de priver certaines familles qui ont entamé depuis des années une procédure de la possibilité d’adopter un enfant, car certains responsables étrangers – et on peut les comprendre, les parlements sont souverains – n’ont pas envie de confier leurs nationaux à des couples homosexuels en France. Permettez-moi à cette occasion de me faire l’interprète de l’inquiétude de ces familles.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est votre lecture !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3345.

    M. Xavier Breton. Cet amendement vise lui aussi à supprimer l’alinéa 8 de l’article 4, revenant sur la suppression d’une jolie formule du code civil, qui dispose que l’officier d’état civil recevra la déclaration que les mariés se prennent pour mari et femme.

    Vous voulez supprimer l’expression « mari et femme » : il y aura donc bien un impact, pas seulement pour les couples de même sexe, mais également pour les couples de sexes différents, qui ne pourront plus être appelés par l’officier d’état civil dans cette déclaration « mari » et « femme ».

    Je souhaite également prolonger la discussion sur l’article 371-1, lequel prévoit toujours le maintien des mots « père et mère ». Ma question est donc la suivante : s’agit-il de l’aveu que vous êtes contre le mariage, mais pour la filiation ? Nous l’aimerions, car ce serait déjà un progrès dans la discussion puisque les mots « père et mère » seraient réservés aux couples de sexes différents, tandis que le mot « époux » s’appliquerait au mariage.

    C’est aussi l’occasion de montrer quel bricolage vous faites avec ce texte. Encore une fois, nous nous inquiétons de la position du président du Sénat, qui souhaite un vote conforme. Par cette position, il montre qu’existe une interrogation sur l’utilité même du Sénat, si celui-là devait voter conforme ce texte bricolé ; et au-delà de son utilité, ce serait l’existence même du Sénat qui serait remise en cause.

    Nous pouvons collectivement remercier M. le président du Sénat d’avoir braqué les projecteurs sur la première lecture : nous serons très attentifs et très vigilants afin de nous assurer que le Sénat a encore une utilité dans ce pays, qui justifie pleinement son maintien.

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3389.

    Mme Catherine Vautrin. Le Président de la République a incontestablement mesuré l’importance de l’institution du mariage. Tel était finalement le sens de la clause de conscience, dont nous ne savions pas jusqu’où il entendait la porter ; mais pourquoi ne pas imaginer que, pour lui, cette institution peut être importante ?

    À ce stade, même si nous acceptons de reconnaître que le code civil ne mentionne pas expressément le fait que le mariage unit deux personnes de sexes différents, il est absolument clair qu’il le sous-entend.

    Ce qui nous gêne finalement aujourd’hui, c’est que nous pouvions parfaitement conserver cette institution et créer par ailleurs un outil de rassemblement : l’alliance civile.

    M. Jacques Myard. Eh oui !

    Mme Catherine Vautrin. Le texte aurait existé, il aurait reconnu des droits et apporté des réponses.

    Vous avez choisi la solution de la division, et cela ne fait que continuer car, quand on lit les intentions du Sénat, on se rend compte que les maires avaient particulièrement raison d’être très inquiets. Nous pressentons aujourd’hui que la discussion se déroulera à l’Assemblée, la volonté de la majorité étant d’éviter le débat au Sénat.

    Incontestablement, il ne faut pas conserver ce projet de loi, et supprimer l’alinéa 8 permet de conserver cette jolie formule. Voilà ce qui nous conduit aujourd’hui, voilà le sens de cet amendement.

    M. Yves Censi. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3496.

    M. Daniel Fasquelle. Il y a un manque total d’écoute de la part du Gouvernement et de la majorité, cela a déjà été souligné ; écoute des Français, mais également écoute des maires.

    Madame Bertinotti, vous nous avez intégralement lu hier la pétition des psychanalystes ; très franchement, vous n’avez pas regardé les noms des signataires ! À plusieurs reprises ne figure qu’un simple prénom, et parmi ces signataires figurent des psychanalystes qui aujourd’hui encore n’appliquent pas les recommandations de la Haute autorité de santé pour le traitement des enfants autistes.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

    M. Daniel Fasquelle. Je crois vraiment que ce n’était pas une bonne référence : vous feriez mieux de lire la pétition des maires pour l’enfance, signée par de très nombreux maires qui condamnent votre projet de loi et notamment la disposition dont nous débattons en ce moment.

    Absence d’écoute également à l’égard des parlementaires, qui demandent tout d’abord le retrait de la circulaire Taubira : elle reconnaît en effet la gestation pour autrui et, adossée au projet de loi que nous examinons, encourage à recourir aux mères porteuses et à la GPA à l’étranger.

    De plus, ils réclament à nouveau l’avis du Conseil d’État : les parlementaires ont le droit d’avoir accès à cet avis ! Vous le cachez parce qu’il dit des choses qui vous sont désagréables : c’est un manque de courage et de transparence !

    Par ailleurs, nous voudrions également prendre connaissance du projet de loi de Mme Bertinotti sur la famille. Il traitera – accrochez-vous bien ! – du statut du beau-parent, de l’adoption et de diverses questions qui concernent directement le sujet dont nous débattons aujourd’hui.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

    M. Daniel Fasquelle. En conclusion, retirez tout simplement ce projet de loi ! Mettons tout à plat, organisons des états généraux, débattons d’autres solutions, comme l’alliance civile proposée par plusieurs de mes collègues.

    Le moyen d’organiser une meilleure reconnaissance des couples homosexuels existe évidemment, tout comme il est possible de permettre à ces couples d’accueillir des enfants dans de meilleures conditions. Mais ce que vous proposez n’est certainement pas la voie à suivre, et nous le condamnons.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n° 3691.

    M. Jean-Pierre Vigier. Depuis quelques jours, nous débattons du projet de loi de mariage pour tous. Je voudrais rappeler, encore et encore, que ce texte est un écran de fumée. Il ne traite pas des sujets attendus par les Français que sont l’économie et l’emploi.

    M. Sébastien Denaja. Et alors ? De quoi traitent vos amendements ?

    M. Jean-Pierre Vigier. L’ égalité des droits, oui, mais pas de cette façon ! Depuis le début de la discussion, vous ne répondez pas à nos questions, il n’y a aucune écoute, et vous avez refusé la demande de référendum.

    Le mariage, oui ! Mais le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme. De cette union naît un enfant, avec un père et une mère. Pour les couples homosexuels, il suffisait de modifier et d’adapter le Pacs ou, comme cela vient d’être dit, de créer l’alliance civile.

    Je vous répète que vous privilégiez le droit à l’enfant sur le droit de l’enfant. Vous déstructurez les valeurs de notre société, ce qui est très grave. Je demande donc la suppression de cet alinéa.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3914.

    M. Yves Censi. Mes chers collègues, je crois que le Gouvernement, depuis plusieurs jours, ne sait plus sur quel pied danser. Vous êtes en effet, mesdames les ministres, confrontées à un véritable paradoxe auquel vous n’avez pas eu le courage d’apporter une solution, cela a été dit à maintes reprises.

    Pour en revenir à la question de la filiation, chacun se souvient que, dans la première version du texte, vous aviez d’abord tenté de supprimer toute référence au père et à la mère. Puis, face à l’énormité de la tâche et à la naissance de ce monstre linguistique – un peu comme la novlangue d’Océania dans 1984 de George Orwell, cette langue inventée pour éviter toute critique –, vous en êtes revenues à une autre position – le fameux amendement balai – reposant sur ce que Mme la garde des sceaux a appelé la « logique interprétative ».

    Ainsi, lorsqu’on dit « père » et « mère », chacun doit, en fonction de sa vie intime, comprendre qu’une mère peut être un homme et qu’un père peut être une femme. Vous avez refusé de modifier le code civil, ce qui est le comble du déni et de l’évitement.

    Par ailleurs, dans la formule que vous supprimez, vous appliquez une autre logique tout aussi grave qui, en supprimant la phrase : « ils veulent se prendre pour mari et femme », vise à supprimer le principe de l’altérité sexuelle.

    À l’origine, l’idée, à laquelle nous serions parvenus avec l’alliance civile, était de créer une reconnaissance du couple homosexuel. Or, avec ce texte, vous n’opérez plus du tout une reconnaissance : vous désintégrez l’altérité sexuelle du code. Cette solution totalement différente a un impact sur l’ensemble des couples de notre pays, à l’opposé de ce que vous aviez affirmé, parce que vous êtes enfermées dans le déni et le refus de voir la vérité depuis le début de la discussion de ce texte.

    Mme Élisabeth Guigou. Rien que ça ! Les ministres n’ont pas arrêté de vous répondre !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ah bon ?

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4121.

    Mme Claude Greff. Je suis présente depuis le début de ces débats et, malheureusement, je n’ai pas eu de réponse à toutes mes interventions !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, vous n’étiez pas là tout le temps !

    Mme Claude Greff. Je compte vraiment sur vous, mesdames les ministres, pour répondre à mes propos.

    Je sais pourquoi, et je crois que la population dans sa globalité le comprend, vous ne pouvez pas dire « mari » et « femme » : c’est tout simplement parce que vous vous enfoncez dans le mensonge.

    M. François Vannson. C’est sûr !

    Mme Claude Greff. En fait, votre but premier est de transformer notre société, comme cela a toujours été la volonté de la gauche lorsqu’elle est arrivée au pouvoir.

    Je regrette que vous utilisiez les homosexuels en leur faisant croire à une égalité. Celle-là n’existe pas puisque, de fait, dans votre projet de loi, nous pourrons écrire pour certains « père » et « mère », et pour d’autres « parents de même sexe ».

    Alors, oui : je suis triste pour les homosexuels, qui méritaient vraiment mieux que cette loi,…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors là, on ne sait plus quoi répondre !

    Mme Claude Greff. …qui non seulement ne répond pas du tout à cette volonté d’égalité, mais qui crée en outre un vrai simulacre– tout comme votre loi ! – de cérémonie.

    Je me méfie toujours de ce fameux packaging qui semble beau. Nous répétions souvent une phrase, dans notre jeunesse : « Il est sympa, il est attirant ! ». Mais méfiez-vous des conséquences !

    Madame la ministre, j’aimerais bien que vous répondiez un jour aux députés, et surtout à l’ancienne secrétaire d’État à la famille qui a beaucoup travaillé avec les homosexuels,…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas ce qu’ils nous ont dit !

    Mme Claude Greff. …avec lesquels nous avions trouvé une véritable voie, qui n’opposait personne mais répondait à la demande tout à fait légitime de reconnaissance dans notre société.

    M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4312.

    M. Claude Sturni. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon opposition à ce projet de loi. J’ai l’honneur de faire partie de ces nombreux députés qui sont également maires. C’est avec de tels textes que l’on mesure le mieux la complémentarité de ces deux mandats.

    Légiférer, travailler la loi, ciseler le texte, pour reprendre une très belle expression de l’un de nos collègues, lorsqu’on a la possibilité d’améliorer le texte gouvernemental en s’appuyant sur l’expérience du terrain, celle des femmes et des hommes maires ou adjoints au maire, c’est l’occasion d’enrichir le débat, de soulever les bonnes questions, concernant notamment la mise en œuvre concrète des textes, dans la vie réelle.

    Encore faut-il ne pas être hermétique ! Encore faut-il ne pas travailler dans la hâte, comme je le rappelais cette nuit ! Encore faut-il ne pas vouloir passer en force ! Encore faut-il ne pas prendre le risque de bâcler la rédaction des articles prétendument « balais », mais qui sont particulièrement importants, comme on l’aura compris.

    Alors oui, aujourd’hui, les députés présents sur nos bancs tentent d’améliorer le texte qui nous a été soumis. À titre personnel, mais aussi au nom de ces dizaines de milliers de maires et d’adjoints au maire qui remplissent consciencieusement leur fonction d’officier d’état civil, et qui auront à appliquer ce texte tellement perfectible, je vous invite, mes chers collègues, à reprendre votre texte de loi parce qu’il est fondamentalement à revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. Ressaisissez-vous !

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4722.

    M. Gilles Lurton. Cet amendement tend, comme nous l’avons déjà précisé, à supprimer l’alinéa 8 de l’article 4 visant à remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ».

    Cet article illustre encore une fois la suppression de l’altérité sexuelle dans notre société. Vous restez fidèles à votre idéologie en ne tenant pas compte d’une grande partie de nos concitoyens qui restent attachés à cette très belle formule du code civil : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme. Il prononcera au nom de la loi qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ ».

    Une fois encore, pour une minorité de couples de même sexe, à laquelle je reconnais depuis le début de cette discussion le droit à une reconnaissance juridique, que nous aurions pu satisfaire par une union civile, vous imposez votre idéologie aux couples hétérosexuels. Vous persistez à sous-estimer toutes les conséquences qu’elle entraînera sur le code civil et sur l’ensemble des textes qui régissent notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 87 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 5138.

    M. Damien Abad. Avec la suppression de l’alinéa 8 de l’article 4, nous sommes au cœur du sujet, au cœur des risques que font courir la surexposition et la surexploitation de sujets de société dans notre pays, entraînant des conséquences juridiques majeures.

    Comme vous le savez, 70 % des Français considèrent que la question du mariage pour tous n’est pas prioritaire.

    Dès lors, ma question est simple : pourquoi dites-vous d’un côté que ce n’est pas grave, que le mariage gay va dans le sens de l’histoire et qu’il s’agit juste d’acter dans le droit un certain nombre de faits, et de l’autre que cela est urgent – si cela n’a rien de grave ?

    Deuxième question : comment se fait-il que l’on rencontre autant de résistance chez vous ? Nous avons pu constater qu’il y avait beaucoup d’allers-retours de la part du Gouvernement, beaucoup d’hésitations sur la PMA, la GPA et d’autres sujets encore.

    Tous ces amendements sur le code civil et sur la portée juridique des divers principes qui seront adoptés illustrent les hésitations et les balbutiements de ce gouvernement.

    Il est important de revenir à nos fondamentaux et à nos priorités, c’est-à-dire l’action économique et sociale. Après « le mariage pour tous », il est temps de s’occuper enfin de « l’emploi pour tous ».

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions sur l’alinéa 8 de l’article 4 que vous nous invitez à supprimer.

    La disposition générale d’application ou article balai a vocation à se substituer aux très nombreuses coordinations qu’opérait l’article 4 du projet de loi dans sa version initiale. Néanmoins, la commission a pris la décision de maintenir un certain nombre de coordinations. C’est le cas des mots « mari et femme » qui sont remplacés par le mot « époux » aux articles 75 et 108 du code civil. Quant aux mots « leur beau-père et belle-mère », ils seront remplacés par les mots « leurs beaux-parents ».

    La logique est tout simple : ces mots figurent très peu souvent dans le code civil. Par exemple, hors du titre VII, les mots « mari et femme » sont employés à deux reprises, et les mots « leur beau-père et belle-mère » ne sont présents qu’une seule fois. Il était donc logique de maintenir ces coordinations et de les sortir de l’article balai.

    Bien évidemment, la commission est défavorable à ces amendements identiques.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les députés de l’opposition contestent, avec ces amendements, une disposition du texte issu des travaux de la commission.

    Je donne lecture du dernier alinéa de l’article 75 du code civil : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »

    M. Bernard Accoyer. En clair ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est peut-être pas clair, mais en tout cas c’est ce que dit le code civil. En vérité, vous êtes en train d’en faire une histoire pour se faire peur la nuit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Il s’agit du code civil, tout de même !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais quand on vous entend commenter la disposition, on voit vraiment que vous en faites toute une histoire !

    Je le répète, actuellement le code civil précise que : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ». L’article 4 propose de modifier ce texte par les mots : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux ».

    Mme Dominique Nachury. Ce n’est pas la même chose !

    M. Hervé Mariton. On supprime les mentions sexuées du code civil !

    M. le président. Monsieur Mariton, je vous demande de laisser la garde des sceaux s’exprimer. Vous répondrez ensuite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Toutes ses interventions sont interrompues : ce n’est pas possible !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout qu’ils prétendent que je ne réponds pas ! Or chaque fois que je leur réponds, ils protestent pour étouffer ma voix !

    De nombreux maires nous ont indiqué qu’ils disent déjà « se prendre pour époux ». Qu’est-ce qu’il a de moins joli, ce mot « époux », que les termes « mari et femme » ?

    M. Thierry Mariani. Si c’est la même chose, alors pourquoi les modifier ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit donc simplement de remplacer les mots « mari et femme » par les mots « époux ».

    Monsieur Mariani, s’agissant de la décision russe, je préfère le commentaire qu’a fait M. Mariton à deux reprises, parlant avec une très grande fermeté d’attachement à des valeurs et à une éthique, plutôt que de brandir les raisons pour lesquelles la Russie a pris cette décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Et quand la ministre me répondra-t-elle ?

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

    M. Yannick Favennec. Plus que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, c’est bien la filiation qui est au centre de notre travail législatif.

    Vous avez tenté de brouiller les pistes en découpant votre projet de loi en fractions censées être moins visibles. Mais personne n’est dupe : aujourd’hui c’est l’adoption, demain ce sera la PMA et après-demain la GPA.

    Avec votre loi, vous allez imposer à ces futurs enfants une voie de filiation impossible, sans origine, génératrice de contradictions tant sur un plan juridique que sur un plan humain et psychologique. L’enfant de couple homosexuel n’aura pas droit à une origine réelle mais à une origine absente. À la case père ou mère, il y aura un blanc, ce qui n’est pas simple à porter.

    Vous pouvez bidouiller comme vous voulez la famille, grâce à un savant montage juridico-médical, vous allez créer des orphelins qui ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’un acte juridique délibéré, et vous en porterez la responsabilité. Vous privilégiez le droit à l’enfant plutôt que le droit de l’enfant. C’est pourquoi le groupe UDI votera ces amendements identiques.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

    M. Pierre Morel-A-L’Huissier. À mon tour, je veux dénoncer la procédure suivie sur ce texte. Vous avez refusé une commission élargie, vous avez rejeté en commission deux amendements que j’avais déposés, le premier qui portait sur la saisine du Comité consultatif national d’éthique, alors que le Président de la République l’a saisi sur la GPA, et le second sur la saisine du Défenseur des droits. Vous avez refusé le recours au référendum et vous décidez aujourd’hui que le débat sera tronqué au Sénat par un vote conforme.

    Nous dénonçons ce comportement et nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question dite de société, comme nous avons saisi le Conseil d’État sur la circulaire GPA.

    Nous aurions évidemment trouvé un consensus avec l’union civile ou l’alliance civile. Vous restez campé dans un combat idéologique, ce que je regrette.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Cela fait des jours que nous débattons sur ce sujet…

    M. Philippe Gosselin. Et ce n’est pas fini !

    Mme Marie-George Buffet. …et je crois que nos échanges sont intéressants. Mais au-delà du débat dans cet hémicycle, celui sur l’accès aux droits pour toutes et tous parcourt la société depuis des années.

    Si les discriminations envers les couples homosexuels reculent, nous sommes en retard pour faire en sorte que la loi reconnaisse cette réalité. Ne prenons donc pas plus de retard et allons-y !

    Vous voulez faire appel au Comité consultatif national d’éthique. Mais je rappelle que ce projet de loi porte sur le mariage et l’adoption, ce qui n’appelle pas une intervention du Comité ; quant à la PMA, les lois sur la bioéthique sont revenues à plusieurs reprises sur ce sujet. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi nous aurions besoin de ce comité puisque David Douillet a déjà dit qu’on politisait la vie des enfants, que les plaies seront ouvertes, qu’il y aurait d’énormes blessures, et que nous faisions tout cela au nom de la politique : il a donc déjà tiré tous les enseignements.

    M. David Douillet. Absolument !

    M. Yves Censi. C’est vraiment le discours du comité central !

    Mme Marie-George Buffet. Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. Myard. Avec cette loi, nous ne gommons pas le mariage, il demeure. Au contraire, nous lui donnons sa pleine étendue, sa pleine réalité…

    M. Yves Nicolin. Baratin !

    Mme Marie-George Buffet. …en l’ouvrant à toutes celles et tous ceux qui veulent construire un projet commun et une vie sur la base de leur amour réciproque.

    Enfin, et je partage les propos que vient de tenir Mme la garde des sceaux, face à l’homophobie d’État, je veux bien que l’on écoute ce qu’ont dit les représentants de la République de Russie…

    M. Thierry Mariani. Vous êtes une spécialiste !

    Mme Marie-George Buffet. …mais ce qui m’intéresserait, c’est ce qu’ont répondu les représentants de la France pour lutter contre l’homophobie et pour être aux côtés des hommes et des femmes qui se battent en Russie contre ces lois iniques. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 87 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 200

    Nombre de suffrages exprimés 200

    Majorité absolue 101

    Pour l’adoption 77

    contre 123

    (L’amendement n° 87 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 relatif au bon déroulement de notre séance.

    Madame la garde des sceaux, vous indiquez que plusieurs élus vous avaient confié, semble-t-il, qu’ils ne prononçaient pas les articles du code civil.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai dit cela, moi ?

    M. Christian Jacob. Oui, vous avez dit, et le compte rendu de nos débats en fera foi, que plusieurs élus vous avaient dit qu’ils prononçaient déjà les mots « époux et épouse » et non pas, comme cela figure dans le code civil, les mots « mari et femme ». Cela veut donc dire que vous laissez la possibilité à des officiers d’état civil d’interpréter le droit et le code civil.

    M. Daniel Fasquelle. C’est un vice de forme !

    M. Christian Jacob. Or je vous rappelle que vous êtes garde des sceaux. Je n’imagine pas un instant qu’un officier d’état civil, dans l’exercice des responsabilités qui sont les siennes, lise au moment d’une cérémonie officielle autre chose que les articles du code civil.

    De manière ironique, vous renvoyez l’un de nos collègues à la lecture du texte. Mais, contrairement à vous, madame la garde des sceaux, nous avons lu votre texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Quand vous dites qu’il est écrit dans le texte « époux et épouse », c’est faux ! Il est écrit seulement « époux », ce qui est totalement différent. C’est la négation de l’altérité sexuelle, et c’est sur ce point que nous nous battons.

    On peut jouer sur la forme, faire des numéros pour la presse, mais il faut être exact. Or vous n’êtes pas exacte, ce qui est particulièrement grave pour une garde des sceaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. J’interviens au titre de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, relatif à l’organisation de notre séance.

    Je crois que chacun est soucieux de la façon dont se déroule notre débat et de l’image qu’il peut donner. Nous avons tous des convictions, les uns souhaitent défendre un texte auquel ils tiennent particulièrement tandis que les autres se battent pour faire valoir leurs arguments afin qu’ils puissent être entendus.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur Le Roux !

    M. Bruno Le Roux. Je ne peux me satisfaire de certaines expressions, comme celle qui qualifie notre débat de naufrage.

    J’ai souhaité regarder attentivement les quelque 2 300 amendements encore en discussion. En réalité, il y en a 145, puisque beaucoup sont identiques. Je ne prétends pas dire qu’il y en aurait de meilleurs que d’autres.

    Mme Claude Greff. Et ce ne serait pas vrai !

    M. Bruno Le Roux. Ces 145 amendements deviennent 2 300 amendements simplement par la multiplication des signatures. Sur le fond, il n’y a que 145 amendements.

    Le groupe socialiste est disponible pour voir comment on peut vraiment discuter sur le fond ces 145 amendements, comment on peut réorganiser notre séance pour que le débat puisse avoir lieu sur le fond chaque fois que vous le souhaitez, et sur chacun de ces amendements, mais je souhaite qu’il soit mis fin à l’obstruction.

    Je rappellerai enfin ce qui était dit dans un clip de l’UMP en 2009 : le droit d’amendement est fondamental, son détournement est humiliant pour le Parlement…

    M. Philippe Gosselin. On ne le détourne pas !

    M. Bruno Le Roux. …et néfaste pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Claude Goasguen. Nemo auditur propriam turpitudinem allegans !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Toujours sur la base de l’article 58.

    Monsieur Le Roux, ce qui a permis d’avancer au cours de ce débat, c’est justement le fait que si 95 % du groupe UMP sont opposés % à ce texte, chaque orateur utilise des arguments différents.

    Mme Claude Greff. Eh oui !

    M. Christian Jacob. Vous savez que le droit d’amendement est un droit fondamental du député et qu’il est hors de question de le remettre en cause. Du reste, je ne pense pas que telle soit votre intention.

    Le fait d’avoir pu examiner 2 500 amendements a permis de faire éclater la vérité sur de nombreux sujets. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Sans ce débat, nous n’aurions pas soulevé l’incohérence et la fragilité juridique de la circulaire sur la GPA. Sans ce débat, nous n’aurions pas fait reculer le Gouvernement sur la PMA. Sans ce débat, nous n’aurions pas dénoncé l’imbroglio juridique dans lequel nous sommes, et nous n’aurions pas non plus montré l’inapplicabilité d’un certain nombre d’articles, on l’a vu au sujet de l’article 371-1 du code.

    S’il suffisait qu’un seul collègue pose la question ! Mais on voit bien que les réponses ne sont pas apportées. C’est par le renforcement de l’argumentation qu’on finit par obtenir des réponses. Sans ce débat, nous n’aurions pas apporté la démonstration que vous alliez faire encourir, si le texte était voté, à des couples d’homosexuels étrangers des risques au pénal chez eux ! C’est cela que vous avez fait voter !

    Nous avons besoin de temps pour faire éclater la vérité.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    M. Christian Jacob. C’est ce que nous avons réussi à faire et je pense que nous allons encore avoir l’occasion de le faire. Nous le faisons au rythme qui est le nôtre.

    Sur l’organisation de la séance et sur le coût que cela pourrait représenter, parce que j’ai aussi entendu cet argument, rien n’obligeait à siéger cette nuit jusqu’à quatre heures du matin et à ne pas siéger ce matin.

    Mme Claude Greff. Exactement !

    M. Christian Jacob. Le temps de séance était le même.

    Enfin, sur l’argument selon lequel nous occupons le temps au moment où il y a des sujets économiques et sociaux plus importants, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas inscrit d’autres textes à l’ordre du jour ? Le Gouvernement n’a rien dans son ordre du jour ! Nous allons donc continuer ce débat avec le temps qui convient, pour qu’il se déroule sereinement sous votre présidence, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Merci, monsieur le président. Je crois que nous devrions écouter ce que vient de demander Bruno Le Roux, et je voudrais dire deux ou trois choses à mes collègues de droite.

    Il nous restait effectivement, en début de séance, 2 439 amendements à examiner. Je constate que, sur le grand projet que vous aviez proposé, qui était la nouvelle alliance… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

    La sainte alliance, si vous préférez…

    M. Christian Jacob. Vous préférez l’alliance fraternelle ?

    M. Alain Tourret. Sur ce sujet, vous avez déposé un seul amendement. Vous aviez la possibilité de la défendre, vous ne l’avez pas défendu. En revanche, vous venez de déposer 1 120 amendements à l’article 4. C’est votre droit, mais actuellement vous êtes ankylosés. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

    Je constate qu’actuellement nous sommes dans un véritable naufrage et je ne veux pas que ce naufrage soit collectif. C’est pourquoi je vous propose, aux uns et aux autres, qu’au cours d’une suspension de séance nous puissions nous rencontrer pour discuter de la suite des débats.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, puis je suspendrai la séance.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, mes chers collègues, sur ce texte que d’aucuns jugent extrêmement important, le choix a été fait de ne pas organiser de grand débat public national pendant les mois qui ont précédé le débat à l’Assemblée nationale. C’est une option qui a été prise.

    Pour autant, depuis que la discussion a démarré à l’Assemblée nationale, on voit le débat qui prospère aussi en dehors de l’Assemblée. Il n’y a pas une journée sans un débat, une chronique, des réunions publiques, des émissions, tout un développement de ce débat sur le mariage pour tous que s’approprient beaucoup de nos concitoyens, beaucoup d’intellectuels, beaucoup d’universitaires, beaucoup de ceux qui ont envie de parler sur ce sujet.

    L’ampleur du débat à l’Assemblée nationale est une chose, mais elle doit être considérée aussi à l’extérieur, et le temps qui est pris n’est pas du temps perdu : on voit bien l’émotion que suscite ce texte à l’extérieur. Si par nos travaux nous permettons à ce débat de prospérer, alors ces travaux ne sont pas inutiles. Si de plus, comme il a été annoncé, ce débat va être expédié au Sénat dans quelques semaines, alors le débat à l’Assemblée prend également tout son sens : on ne peut pas passer à côté d’un texte comme celui-ci, sans prendre le temps de laisser chacun s’exprimer, à l’Assemblée nationale et en dehors de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Il est fondé sur l’article 58, alinéa 1er, relatif au déroulement de nos séances. L’opposition est très inquiète des propos tenus par M. Le Roux, le président du principal groupe de la majorité. Il a donné l’impression que nos amendements l’exaspéraient et qu’il trouvait que le débat durait trop longtemps. Mais l’opposition tient à avoir des réponses aux questions qu’elle pose, et c’est le seul motif de la durée de nos débats.

    Je me demande toutefois s’il n’a pas une arrière-pensée : n’est-il pas en train de suggérer que le Gouvernement pourrait faire appel à des principes constitutionnels ou au règlement de l’Assemblée pour écourter le débat ?

    M. François Brottes. C’est l’expérience qui parle, monsieur Ollier !

    M. Patrick Ollier. C’est une question que notre groupe est en droit de se poser. M. le ministre des relations avec le Parlement étant là, je serais heureux qu’il nous dise si les propos de M. Le Roux doivent être interprétés ainsi, ou si le débat peut aller jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’opposition aura défendu pied à pied, avec pugnacité, l’ensemble des amendements qu’elle a déposés. J’ai exercé cette fonction, je sais qu’il est parfaitement dans le secret de la procédure et capable de nous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur Ollier, je vous rappelle que vous souteniez en 2009 la procédure du temps programmé.

    M. Patrick Ollier. On est en 2013 !

    M. Bruno Le Roux. Elle avait pour justification l’idée que le droit d’amendement était fondamental et que son détournement était humiliant pour le Parlement et néfaste pour la démocratie. Mais je ne traite pas de l’éventualité d’aller plus loin demain dans l’utilisation des possibilités constitutionnelles, quand je propose de débattre de chaque série d’amendements identiques sur le fond et non plus amendement par amendement.

    Une seconde remarque : depuis le début du débat, la majorité est majoritaire dans l’hémicycle, ce qui est totalement normal, mais il apparaît qu’à chaque scrutin public, que ce soit sur la motion référendaire, sur les motions de procédure ou sur les amendements, le taux de mobilisation de l’opposition est toujours très inférieur à celui de la majorité. Nous avons publié les chiffres cet après-midi : il est inférieur à 50 %.

    M. Bernard Deflesselles. Mais la majorité est muette !

    M. Bruno Le Roux. Il ne faudrait pas que l’obstruction masque la faible mobilisation qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je rappelle qu’en Conférence des présidents, nous n’avons pas retenu le temps législatif programmé.

    M. Bernard Deflesselles. Cela ne nous a pas échappé.

    M. le président. J’ai déjà dit à plusieurs reprises ce que j’en pensais, mais nous irons au bout du débat. Le week-end est prévu, ne perdons donc pas de temps !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 90.

    M. Marc Le Fur. Nous n’avons pas eu de réponse à la question posée par M. Ollier.

    Un grand journal du soir titrait : « Le naufrage du débat ». Notre collègue Tourret a repris cette expression mais, pour ma part, je parlerais plutôt de Titanic. Nous commémorions l’an dernier le centième anniversaire du naufrage du Titanic… Tout y est ! Le Titanic, c’est la confiance dans des choix technologiques – ici, la PMA et la GPA –, l’illusion d’un progrès et puis, concrètement, un pseudo-progrès confronté à la réalité des icebergs ! On se heurte à la nature, ici à la famille, qui existe. Le Titanic, c’est aussi un capitaine qui a choisi la mauvaise route, celle du nord !

    M. Yves Durand. Qu’avez-vous contre le Nord ? (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Il a choisi la route des icebergs alors qu’il y en avait d’autres plus au sud, plus faites de compromis, mais vous n’en avez pas voulu. La réalité vous rattrape, mes chers collègues. Vous avez commis l’erreur de choisir un mauvais plan de course, l’erreur théorique de vous accrocher à des certitudes qui ne collent pas avec la réalité. Nous, nous vous rappelons le réel, nous vous rappelons qu’il y a des familles en France et qu’elles sont attachées à l’altérité ; le couple, c’est un homme et une femme qui élèvent les enfants. Vous, vous n’en voulez pas, mais réfléchissez pour éviter tout ce qui risque d’arriver. L’ultime solution pour vous en sortir, c’est d’escamoter le débat. Le vote conforme au Sénat veut dire que le débat y sera escamoté et qu’il n’y aura pas de deuxième lecture ici. Tout cela pour éviter l’impact, gigantesque sans doute, de la manifestation du 24 mars.

    Évitons le destin du Titanic, il en est encore temps, avant de devoir prononcer l’évacuation du Palais-Bourbon, monsieur le président. (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François Vannson.

    M. François Vannson. Cet amendement s’inscrit évidemment dans la parfaite logique de ce que viennent de défendre les orateurs précédents.

    J’avais demandé tout à l’heure la parole pour un rappel au règlement, qui m’a été refusé. Je saisis donc l’occasion pour vous dire deux choses, monsieur le président. Vous avez dit en propos liminaire que vous étiez attaché à ce que notre assemblée puisse délibérer tranquillement, sereinement, en toute indépendance, et je vous en sais gré. Mais la position de votre homologue au Sénat n’est pas tout à fait la même et nous, parlementaires de l’opposition, avons bien du mal à accepter que le débat y soit tronqué alors que l’on attendait que la Haute Assemblée, par sa sagesse, enrichisse la discussion.

    Ensuite, ce qui m’a aussi particulièrement contrarié, c’est que nous avons demandé à Mme la garde des sceaux de rendre publiques les réserves du Conseil d’État, et nous apprenons qu’un grand quotidien du soir vient de les publier. Nous considérons qu’il est tout de même regrettable, même si nous sommes bien sûr attachés à l’indépendance de la presse et si nous reconnaissons son professionnalisme, que l’Assemblée n’ait pas été éclairée comme elle le méritait.

    M. Daniel Fasquelle. C’est humiliant !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souhaite préciser les choses afin qu’il n’y ait pas de faux débats. Le Gouvernement n’a pas demandé l’urgence sur ce texte et a donc prévu deux lectures devant chaque assemblée. Les deux sont programmées. Le Gouvernement ne peut évidemment pas faire de pronostic sur ce qui se passera au Sénat mais, au vu de ses travaux préparatoires, il apparaît que celui-ci exercera pleinement sa compétence et que nous aurons donc bien une nouvelle lecture. La procédure parlementaire, comme le débat actuel, ira jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le ministre !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 221.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.

    M. Bernard Deflesselles. Vos précisions, dont je vous remercie, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, sont tout de même quelque peu en contradiction avec ce qu’a dit le président du Sénat, mais nous verrons… Pour ma part, je suis surpris de la déclaration de l’estimé président du groupe socialiste, M. Bruno Le Roux, que j’ai trouvé mieux inspiré en d’autres temps. Il nous explique qu’il a revisité nos 2 300 amendements. Mais je vous invite, chers collègues socialistes, à revisiter les 138 000 amendements que vous aviez déposés sur le projet de loi « Énergie ». Rappelez-vous.

    M. Hervé Mariton. Eh oui !

    M. Bernard Deflesselles. Vos amendements étaient, eux, des copiés-collés où n’était changé qu’une virgule ou qu’un point. C’est toute la différence avec le travail qu’a accompli le groupe UMP sur le présent texte.

    Je voudrais revenir sur le fond de l’article 4 puisque nous sommes ici au cœur du débat. S’il s’agit, avec l’alinéa 9, de rendre asexué l’article 108 du code civil, l’ensemble de l’article 4, dit « article balai », crée une insécurité juridique, laquelle s’ajoute aux déclarations problématiques du président Bel ce matin. Et puis, mes chers collègues de la majorité, comment pouvez-vous rester muets, voués au silence, sur un projet qui bouleverse nos rapports sociaux ?

    Enfin, madame la garde des sceaux, vous avez dit tout à l’heure qu’ici, nous faisions des histoires. Non, nous faisons la loi.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 319.

    Mme Dominique Nachury. L’alinéa 9 modifie l’article 108 du code civil pour substituer aux mots : « Le mari et la femme », les mots : « Les époux ». Rappelons que cet article concerne la possibilité d’un domicile distinct « sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ». Il est vrai que dans le langage courant on utilise facilement l’expression « les époux », mais cette entreprise de gommage systématique des sexes m’amène à m’interroger sur l’effacement de l’altérité et des différences. Depuis longtemps, le combat des homosexuels est fondé sur le droit à la différence, et ce combat est légitime. Aujourd’hui, on veut nier les différences, et je ne suis pas sûr que tous se retrouvent sur ce nouveau positionnement.

    M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 385.

    M. Yves Albarello. Mes chers collègues, devant une telle cacophonie, devant une telle impréparation, et pour vous éviter de rencontrer l’iceberg qui a été signalé par Marc Le Fur, il y a une solution : mettre le paquet sur le contrat d’union civile. On vous le répète depuis des semaines, mais vous n’entendez rien. Je ne peux personnellement me résoudre à accepter qu’au travers de cet article, on rende asexués le mari et sa femme. Je suis maire depuis plus de vingt-cinq ans, j’officie régulièrement, et il me sera à l’avenir impossible, à la fin de la cérémonie, d’en venir à l’instant privilégié du maire, qu’il autorise à embrasser la mariée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Caullet. C’est élégant !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n°417.

    M. Hervé Mariton. La majorité doit manifestement revisiter son texte tant nous démontrons, amendement après amendement, certaines difficultés concrètes. Celles-ci pourraient être considérées comme vénielles parce qu’elles relèvent pour l’essentiel de la langue française, mais elles doivent être regardées.

    Non, madame la ministre, mari et femme, cela ne veut pas dire la même chose, en tout cas cela n’a pas exactement la même acception qu’époux et épouse. L’article 75 du code civil – même si nous sommes ici sur l’article 108 – place de nouveau l’officier d’état civil dans une situation impossible quand il va parler d’époux à la place de mari et femme, potentiellement devant deux femmes.

    Madame la ministre, tant à l’article 75 qu’à l’article 108 – auquel se réfère le présent amendement, même si le problème est un peu moins grave parce qu’il ne s’agit pas d’une notification à l’oral –, vous auriez pu prévoir époux et épouse. Au demeurant, les deux termes ne sont pas symétriques en français car, comme vous le savez, le masculin embrasse le féminin.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et avec plaisir !

    M. Hervé Mariton. Dire époux en parlant de deux personnes de sexe différent peut signifier l’époux et l’épouse – même s’il est assurément plus élégant et plus fort de dire mari et femme – ou deux hommes, mais en aucune manière deux femmes. Notre maire qui aura déjà dit à deux femmes que l’autorité parentale appartient à père et mère, leur dira ensuite qu’elles sont les époux…

    Je voulais vous rappeler – et cela aurait pu faire l’objet d’un rappel au règlement – une disposition de la Constitution. L’article 2 de la Constitution dispose que la langue de la République est le français. Pour l’intelligibilité de la loi, il serait bien qu’elle fût rédigée en français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n°432.

    M. Christian Jacob. À propos de cet alinéa 9, je reviens sur l’argumentation que j’avais utilisée pour le précédent aliéna. Nous étions dans la même disposition : l’article balai vise à éviter de retirer les rédactions sexuées dans certains articles, pour que l’on entende époux ou couple de personnes de même sexe lorsqu’il est écrit père et mère ou mari et femme. Mais pourquoi l’avoir fait pour certains articles du code civil et pas pour d’autres ?

    Cela pose un vrai problème de rédaction et de compréhension de la loi. Les remarques du Conseil d’État, dont vous ne nous avez pas donné connaissance, auraient pu constituer un avis éclairé permettant de parvenir à une bonne rédaction.

    Pourquoi ne pas tenir compte de cela et pourquoi avoir choisi pour certains articles de maintenir la rédaction telle qu’elle est, tout en disant qu’il faut entendre l’inverse ? Pourquoi avoir modifié la rédaction d’autres articles comme le prévoit cet alinéa 9 ? Je pense qu’il serait utile que Mme la garde des sceaux nous réponde mais aussi M le rapporteur. Puisque Mme Taubira s’est souvent désengagée sur le mode « ce n’est pas mon texte, c’est celui de la commission », que le rapporteur nous explique clairement ce qui a guidé ses choix.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n°474.

    M. François de Mazières. Monsieur Bruno Le Roux, les 145 amendements dont vous nous avez parlé sont soutenus par de très nombreux députés de l’opposition parce que nous avons vraiment le sentiment que le débat a été bridé.

    Nous avons beaucoup insisté car nous avons l’impression que vous avez fait de la tactique en permanence : sur le calendrier, sur le fait de ne pas parler de la PMA et de la GPA, sur l’amendement balai. Pour nous, ce dernier point est le plus choquant, ce qui explique que nous y revenions sans arrêt : c’est le cœur, là où l’on abandonne les concepts de père et de mère.

    Revenons aux fondements de notre République et prenons d’abord la notion l’égalité. Nous défendons la vraie conception juridique de l’égalité : quand il y a des différences par rapport à la conception de l’enfant, la vraie égalité consiste à les traiter.

    Examinons ensuite la notion de fraternité. Ce qui nous frappe, c’est qu’on est en train de diviser, alors que nous avions proposé un débat sur l’union civile pour, au contraire, essayer de viser la vraie fraternité, c’est-à-dire de prendre en compte les cas particuliers tout en gardant l’unité de notre République.

    Enfin, venons-en à un point fondamental : la liberté. Monsieur Le Roux, vous nous reprochez de manquer un peu de discipline. Nous, ce qui nous choque, c’est l’ultra-discipline que vous imposez, l’absence de liberté de pensée et de vote sur cette question fondamentale où c’est la personne qui doit juger et non pas seulement son parti.

    M. Christian Jacob. Exactement !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n°533.

    M. Patrick Ollier. Tout d’abord, je voudrais remercier M. le ministre des relations avec le Parlement qui, en sa qualité, a très clairement indiqué qu’il n’y aurait pas de procédure constitutionnelle particulière et que le débat se déroulerait selon le rythme des amendements déposés. Merci !

    S’agissant de l’article 108, je voulais revenir sur ce qu’a décrit M. Mariton avec beaucoup de talent : le ridicule de la situation dans laquelle va se trouver l’officier d’état civil – parler d’époux devant deux femmes – ; les questions de compatibilité avec la langue française.

    Cela étant, sans changer le code civil, nous aurions pu prendre des mesures spécifiques pour les couples de personnes de même sexe et gérer le problème. Mais votre obstination, pour satisfaire les droits légitimes d’une minorité, à faire passer tous les futurs mariés, quel que soit leur sexe, sous les fourches caudines d’une loi qui uniformise le système est une erreur grave.

    L’imprudence commise par M. Bel ce matin, qui sème le trouble dans les esprits des députés, ajoute à la confusion car ce texte va avoir besoin des navettes, d’être travaillé encore afin que nous arrivions à bonne loi.

    Enfin, vous voulez soumettre la majorité aux lois de la minorité. J’y reviens, madame la garde des sceaux, je sais que cela vous fait rire.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne ris pas ! Pourquoi passez-vous votre temps à me faire des procès ? Je vous regarde mais est-ce que je ris ? Vous avez un problème.

    M. Patrick Ollier. Vouloir l’égalité par la suppression de la différence des sexes, cela s’appelle la théorie du genre, que l’on voit cheminer petit à petit dans chacun des articles de ce projet de loi.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°620.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir aussi sur les formules que doivent prononcer les maires lors d’un mariage. Comme je l’ai fait cette nuit, je vous avoue ma surprise.

    On a opposé une fin de non-recevoir à notre demande de liberté de conscience pour les maires, arguant, qu’en la circonstance, ceux-ci ne sont pas incarnés, qu’ils ne sont pas des hommes et des femmes mais qu’ils représentent la loi, qu’ils sont des écharpes. Puisque seule compte l’écharpe tricolore dont ils sont ceints, qu’ils ont une compétence liée en tant qu’officiers d’état civil, on leur dit : vous devez accomplir telle ou telle tâche.

    Je m’étonne donc que le rapporteur vienne aujourd’hui reconnaître aux maires une liberté d’ajustement du code civil. Ajuster le code civil au gré des circonstances, cela m’inquiète un peu car cela peut entraîner une rupture d’égalité : en fonction de telle ou telle sensibilité du maire, de telle ou telle commune, les propos ne seront pas les mêmes. Je ne parle évidemment pas du petit mot d’accueil aux mariés, que chacun personnalise, mais je parle de la cérémonie que notre collègue Tourret a voulue désormais républicaine.

    M. Alain Tourret. C’est un acquis remarquable !

    M. Philippe Gosselin. L’acquis, mon cher collègue, se juge dans la durée. Pour le moment, la loi n’est pas adoptée. Seulement cette partie du texte l’est. On verra et on jugera l’acquis un peu plus tard.

    En tout cas, il me paraît qu’une cérémonie républicaine, avec un officier d’état civil qui aurait compétence liée, est incompatible avec cette liberté d’appréciation de la lecture du code civil. J’en appelle à la raison pour que nous ayons des écharpes pensantes mais je crois que cela ne suffira pas.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n°1042.

    M. Philippe Cochet. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, qui ne rapporte pas grand-chose pour l’instant, je vais suivre votre logique : supprimons la cérémonie, à la limite ! Le texte actuel a dû être rédigé par Pierre Dac, Fernand Raynaud ou éventuellement Pierre Desproges. Nous arrivons à un tel degré d’incohérence, chers collègues, que deux personnes du même sexe s’entendront tenir un langage en total décalage. Alors poussons l’absurdité jusqu’au bout ou, si nous sommes raisonnables, arrêtons la cérémonie, ce sera beaucoup plus simple, et vous pourrez marier de manière officielle. Mais, s’il vous plaît, ne tournez pas en ridicule les maires et les officiers d’état civil.

    M. Jean-Pierre Barbier et M. Patrick Labaune. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n°1091.

    M. Claude de Ganay. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré sur RTL, le 7 novembre dernier : « les mots père et mère ne vont pas disparaître du code civil, pour la simple raison que le mariage de couples hétérosexuels ne disparaît pas. »

    Le Gouvernement fait-il preuve d’honnêteté intellectuelle quand il essaie de faire croire aux Français qu’en ayant voulu supprimer la quasi-totalité des mots père et mère dans le code civil, et a fortiori dans tous les autres codes, ces mêmes mots et la valeur symbolique qu’ils représentent n’auraient pas d’impact sur notre société ? Vous rendant compte de l’impact désastreux de cette suppression auprès de nos concitoyens, vous avez proposé un article balai qui n’est qu’un abus de langage et un enfumage législatif du Gouvernement.

    M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n°1140.

    M. Alain Moyne-Bressand. Nous ne comprenons pas grand-chose au texte tel qu’il nous est présenté, il faut bien le reconnaître. Ces jeunes, qui sont dans les tribunes, et que nous avons également accompagnés lors de la manifestation contre le mariage pour tous, demandent de la clarté. La clarté, entre un homme et une femme, c’est une union, un mariage. Ce n’est pas le cas dans ce texte.

    Si nous avions attendu les états généraux de la famille avant d’examiner ce texte, nous aurions pu nous exprimer, nous expliquer, y voir un peu plus clair et ainsi donner une ligne de conduite à nos concitoyens. Ce n’est pas le cas. Vous ne tenez compte ni des états généraux de la famille, ni de l’avis du Conseil d’État que nous réclamons, ni du Comité consultatif national d’éthique. Nous sommes dans le flou et c’est pour cela que nous continuerons à nous opposer à ce texte.

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n°1314.

    M. Yves Nicolin. Si nous voulons le maintien des mots mari et femme dans le code, c’est parce qu’il existe une différence, en particulier affective, pour l’enfant entre le père et la mère. De nombreux travaux scientifiques universitaires prouvent qu’un père et une mère ne manipulent pas l’enfant de la même façon, le verbe manipuler étant pris dans son sens étymologique, bien sûr : du latin médiéval manipulare, c’est-à-dire conduire par la main. C’est bien d’en revenir au latin s’agissant de ce projet de loi qui nous le fait perdre…

    On doit se référer pour cela aux toutes premières expériences du bébé. Un père, aussi maternant soit-il, ne sera jamais comme une mère. Autrement dit : l’homme n’est pas une femme comme les autres, et inversement.

    Je n’invente pas cela, mais je cite un psychologue clinicien en psychiatrie de l’enfant et doctorant en psychopathologie.

    Mme Sandrine Mazetier. Peut-on avoir son adresse ? (Sourires)

    M. Yves Nicolin. C’est dire que par rapport à certains noms, que vous avez cités, de psychiatres qui ont signé une pétition, il peut lui aussi faire référence.

    Madame la ministre, vous avez dit que votre texte n’entraînerait aucune conséquence pour les couples hétérosexuels. Nous sommes bien au cœur de ce débat où nous essayons, bien que vous ne vouliez pas nous entendre, de vous démontrer que votre texte a aussi des conséquences pour les couples hétérosexuels. C’est la raison pour laquelle nous défendons ces amendements.

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n°1452.

    M. David Douillet. Mon amendement demande la suppression de l’alinéa 9 qui tend à rendre asexué l’article 108 du code civil.

    J’aimerais que vous me répondiez une bonne fois pour toutes sur les conséquences de ces décisions du Gouvernement. Une fois encore, je reviens sur leurs conséquences dramatiques pour des enfants qui vivront un manque terrible, celui d’un père ou d’une mère, selon les cas. Cet amour maternel ou paternel qui manquera, où iront-ils le puiser ?

    J’aimerais enfin que vous me répondiez aussi sur ce que vous allez mettre en place – du moins, je l’espère – pour lutter contre la GPA. Je vous l’ai dit cette nuit, la gestation pour autrui permet, certes à des milliers de kilomètres de notre pays, à des réseaux mafieux de réduire des femmes à un esclavage absolument honteux et scandaleux. Pour quelques centaines d’euros, des ventres féminins sont loués par de riches personnes. Pour 8 000 euros, on se paie le luxe de louer un ventre en profitant de la misère, on tient en esclavage les femmes. C’est terrible.

    M. Daniel Fasquelle. Eh oui. Bravo !

    M. David Douillet. Qu’allez-vous faire contre cela ? À aucun moment, vous ne répondez à cette question.

    M. Philippe Cochet. Où est la ministre de la femme ?

    M. David Douillet. Au contraire, vous avez signé une circulaire qui valide cette démarche en permettant, lorsque la filiation est établie, de délivrer un certificat de nationalité. C’est tout simplement irresponsable et scandaleux.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2231.

    M. Pierre Lequiller. Je pense que si nous avions pris le temps de la discussion et de l’échange, si vous aviez pris le temps de l’écoute, nous aurions abouti à une solution qui a été adoptée en Allemagne comme dans de nombreux pays européens, celle de l’alliance civile. Cette solution permettait d’améliorer la situation des couples homosexuels sans mettre à bas le mariage.

    Dans l’alinéa 9 de l’article 4, vous proposez de remplacer les mots : « le mari et la femme » par le mot « époux ». Ce terme est, en français, inapproprié dans le cas de deux femmes, vous auriez dû indiquer « épouses ». Encore une fois, lors de la cérémonie, le maire se trouvera dans une situation anormale.

    En nous exprimant sur le fond, nous avons heureusement permis que les vrais sujets entrent dans ce débat, je veux parler des problèmes de l’adoption, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.

    Je veux le redire, comme l’a fait à l’instant David Douillet : il est absolument nécessaire, madame la garde des sceaux, que vous preniez une circulaire demandant aux procureurs de poursuivre ceux qui ont recours à la gestation pour autrui et livrent ainsi à la marchandisation le corps de la femme, aussi bien en France qu’à l’étranger. Je m’étonne, madame la garde des sceaux, que vous n’ayez jamais répondu à cette demande.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3026.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur, nous avons essayé à plusieurs reprises dans ce débat d’expliquer que l’amendement balai – mais cela est vrai aussi pour les articles précédents – aboutissait à créer des fictions. Le texte que vous défendez introduit un décalage entre le langage du droit et la situation réelle vécue par les personnes.

    Avec l’amendement balai, nous sommes au cœur de ce problème. Ainsi que l’a parfaitement démontré mon collègue M. Mariton, ce texte illustre la dichotomie entre ce que dit le droit et la réalité vécue par les personnes à qui cela s’adresse, en l’occurrence les personnes qui se marient confrontées aux mots du maire.

    Je vous fais crédit, madame le garde des sceaux, de votre volonté d’écrire le droit comme il faut. Nous avons tous ce souci. Vous avez rappelé dans le débat que telle était certainement aussi notre intention. Précisément, personne ne peut se satisfaire d’un droit qui comporterait des failles ou créerait des fictions et qui aurait pour conséquence de mal prendre en compte ou de ne pas prendre en compte certaines situations.

    Compte tenu de ce qui précède, je vois mal, en premier lieu, comment on peut imaginer de laisser le texte en l’état ; et en second lieu, comment le Sénat pourrait avoir une position si politisée qu’il ignore les failles du texte que nous mettons en lumière. C’est pourquoi je ne peux envisager que nous ne parvenions pas finalement à avancer dans le sens que nous souhaitons au travers de certains de ces amendements.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3071.

    M. Patrick Hetzel. Il n’y a de sens que dans la différence. Cette question revient souvent. Je crois que vous avez du mal à entendre l’altérité. Nous avons une conception de l’altérité qui nous amène à penser qu’un homme et une femme, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas la même chose biologiquement, ni socialement. Avec cet article, vous cherchez en réalité à le nier.

    Il est impressionnant de voir à quel point vous pouvez vous entêter. Cela montre que vous ne voulez pas véritablement nous entendre. Votre mutisme grandissant, votre refus de répondre montrent aussi de toute évidence un véritable malaise aujourd’hui dans votre majorité ; c’est de plus en plus frappant au fil de ces débats. Vous ne savez plus où vous allez. Vous êtes en perdition. Il n’y a plus de cap. Le Gouvernement oscille entre différentes positions tout au long du débat.

    Il est saisissant de voir que là où nous avions besoin de calme et de sérénité, vous avez jeté le doute et le trouble. Le doute pourrait être positif, s’il ne concernait pas les fondamentaux de notre société et le droit civil. Douter alors que l’on rédige le code civil, c’est dramatique. Nous devrions avoir un peu plus d’égards pour nos concitoyens.

    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 3322.

    M. Thierry Mariani. Je ne voulais pas intervenir pour ne pas prolonger les débats, ce n’est pas mon style, monsieur le ministre. Ayant été mis en cause, fort courtoisement d’ailleurs par madame la garde des sceaux et moins courtoisement par Mme Buffet, je voulais revenir sur mon intervention précédente. Je n’ai jamais parlé d’homophobie. Je disais que 80 % des adoptions par les familles françaises sont faites à l’étranger. Parmi elles, 10 % ont lieu dans un pays qui annonce très clairement – comme peut-être d’autres pays le feront – qu’il remettra en cause la possibilité pour les familles françaises d’adopter des enfants ressortissants du pays si la France modifie ses règles. C’est le droit de la France que de modifier sa législation comme c’est celui de ce pays ou d’autres que de faire savoir qu’il est attentif au sort de ses ressortissants. Contrairement à ce que vous m’avez répondu, madame la ministre, il n’y avait aucune contradiction avec les propos de M. Mariton qui traitaient d’un autre sujet, en l’occurrence de lois condamnant l’homophobie. Je n’ai à aucun moment évoqué l’homosexualité ou l’homophobie. J’ai seulement parlé d’adoption.

    Quant à Mme Buffet, elle a réagi beaucoup moins courtoisement. Mais il est vrai qu’elle a tant soutenu ce pays dans le passé qu’elle en rajoute peut-être pour se faire pardonner (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    En conclusion, cet échange illustre bien ce débat. J’ai parlé très sereinement d’un sujet, l’adoption, en demandant si certains de nos concitoyens ayant entamé des procédures d’adoption allaient voir ces procédures bloquées en conséquence du vote de votre loi. Mais on est immédiatement caricaturé.

    M. Pascal Popelin. L’opposition se caricature très bien toute seule.

    M. Thierry Mariani. Mme Buffet en est l’exemple même lorsqu’elle qualifie mes propos d’homophobes. Il faut arrêter le terrorisme intellectuel. L’opposition a le droit de répondre.

    Mme Marie-George Buffet. Moi aussi.

    M. Thierry Mariani. Mme Buffet, je veux bien que vous me répondiez tout de suite.

    M. le président. Mme Buffet répondra à tout le monde.

    M. Thierry Mariani. Je pense que mes propos ne contenaient aucune attaque contre quiconque.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3347.

    M. Xavier Breton. Pourquoi souhaitons-nous des débats approfondis sur l’article 4 ? Parce que cet article 4, dit article balai, est en fait un piège qui est en train de se refermer sur vous.

    Vous avez voulu apporter une réponse politique à des problèmes juridiques et vous ne parvenez pas à vous en sortir.

    Vous disposiez pourtant de l’avis du Conseil d’État qui vous déconseillait de proposer une réponse transversale trop large. L’étude d’impact indiquait également que les adaptations devaient porter sur les cas strictement nécessaires. Vous avez balayé cela d’un revers de main. Aujourd’hui vous voyez les problèmes juridiques éclater.

    Mais vous créez aussi un problème politique. Notre collègue Poisson l’a rappelé, l’article 4 rédigé par l’amendement balai est une fiction – il faut faire « comme si » –. C’est aussi un appauvrissement puisque vous êtes incapable de nommer des situations différentes. C’est enfin une lâcheté parce que vous n’avez pas le courage de dire à un couple homme-femme qu’ils sont mari et femme, à un couple d’hommes qu’ils sont deux maris et à un couple de femmes, qu’elles sont deux femmes ou deux épouses. Comme vous ne parvenez pas à nommer les choses, parce que vous êtes incapable de penser la différence, cela se retourne contre vous.

    C’est le naufrage, auquel nous assistons actuellement, de cet article balai qui vous met en difficulté. Nous attendons de votre part des réponses, des réponses claires et non pas seulement des vociférations ou des onomatopées.

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3390.

    Mme Catherine Vautrin. L’objet de cet amendement est de supprimer l’alinéa 9. Avec cet alinéa 9, vous cherchez à supprimer toute référence sexuée dans les règles du mariage, en l’occurrence en matière de domicile.

    D’après l’avis du Conseil d’État – plus exactement les éléments dont nous disposons par la presse qui s’en est fait l’écho puisque le ministre des relations avec le Parlement nous a confirmé que le Gouvernement ne voulait pas rendre public cet avis –, je lis la chose suivante qui me paraît tout à fait en rapport avec cet amendement : « Le Conseil d’État met en garde le Gouvernement d’une façon plus générale sur l’impact du projet sur les mariages hétérosexuels » ; puis « le Conseil d’État souligne l’importance qui s’attache au maintien, dans son périmètre actuel, d’un projet qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe dans les mêmes conditions que pour les autres couples, sans changer en rien les règles applicables à ces derniers ».

    M. Patrick Ollier. Voilà la vérité !

    Mme Catherine Vautrin. C’est précisément ce que vous ne faites pas avec cet alinéa 9. Nous comprenons donc pourquoi vous entretenez le flou en refusant de donner l’avis du Conseil d’État. D’autres ont dit beaucoup mieux que moi en d’autres temps : « quand c’est flou, il y a un loup ». Nous y voilà ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3498.

    M. Daniel Fasquelle. Je voulais faire un rappel au règlement. Vous ne me l’avez pas accordé, donc je profite de cette prise de parole pour faire une mise au point à l’attention de notre collègue Le Roux qui malheureusement n’est plus là. Il nous a fait des remarques sur la présence des uns et des autres dans cet hémicycle. Mais notre président de groupe, Christian Jacob, est présent depuis le début, en permanence, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) à la différence de M. Le Roux qui fait des interventions à éclipses pour nous lancer des propos désagréables et disparaître ensuite.

    M. Patrick Ollier. C’est un intermittent de l’hémicycle !

    M. Daniel Fasquelle. S’agissant de la présence, je comprends, au vu de la mobilisation des uns et des autres, l’inquiétude de M. Le Roux qui nous demandait grâce tout à l’heure. J’ai fait le calcul : nous étions 34, vous étiez 38.

    M. Christophe Borgel. Vous savez donc compter !

    M. Daniel Fasquelle. En termes de mobilisation, vous n’avez donc pas de leçon à nous donner.

    Nous sommes ici soudés, nous tenons tous le même discours. Nous faisons des propositions que vous refusez d’écouter. De votre côté, cela craque, cela part dans tous les sens, qu’il s’agisse de la procréation médicalement assistée ou de la gestation pour autrui. Nous avons assisté aujourd’hui à un nouveau couac absolument incroyable lorsque M. Vidalies a repris au vol le président du Sénat afin de corriger ses propos.

    C’est absolument stupéfiant : entre les deux assemblées, entre le Gouvernement et le Parlement, à l’intérieur du Gouvernement, à l’intérieur de votre majorité, cela part dans tous les sens. Ce n’est pas un naufrage, chers collègues, c’est un fiasco (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. Quel talent !

    M. Daniel Fasquelle. M. Le Roux a également parlé d’humiliation. Mais la vraie humiliation est celle que vous subissez depuis dix jours : la circulaire sur la gestation pour autrui dont madame la ministre n’a pas dit un mot alors qu’elle était déjà signée, le projet de loi sur la famille qui est diffusé dans la presse, l’avis du Conseil d’État qui l’est également avant même d’être transmis aux parlementaires. C’est cela l’humiliation ! Mettez fin à cette humiliation : retirez votre texte et ouvrez enfin un vrai débat avec les parlementaires et avec les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. C’est dur d’entendre la vérité.

    M. le président. La parole est à M. Censi. Calmez-vous !

    Un député du groupe UMP. Le ministre a demandé la parole.

    M. le président. Pardon. Merci de m’aider à présider. M. le ministre, vous avez la parole.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je ferai simplement deux observations.

    Je rappelle juste un principe constitutionnel. J’ai dit quelle était la volonté du Gouvernement – pas d’urgence, deux lectures – ; le Gouvernement n’a bien sûr aucune appréciation à porter sur la nature du débat qui se déroulera au Sénat.

    Et puis, monsieur Fasquelle, vous venez de nous dire, dans une envolée dont vous avez le secret : « Ça craque de partout chez vous ! »

    M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le seul problème, c’est une interview donnée par un sénateur UMP – je dis bien UMP, monsieur Fasquelle –, qui est publiée aujourd’hui. Il se prononce pour le mariage, pour la GPA et pour la PMA. C’est publié aujourd’hui ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle. Il y a la liberté de conscience, chez nous !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous feriez donc mieux de vous occuper de ce qui se passe dans vos rangs. Je sais bien que cela vous ennuie. (Tumulte prolongé sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Fasquelle ! Ne vous mettez pas dans ces états ! Je me préoccupe de votre santé.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Alors, pourquoi une telle crispation aujourd’hui ? La question est gênante, je le comprends. (Exclamations réitérées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Fasquelle, ne me faites pas un malaise en séance ! Allez, ça va, maintenant ! Monsieur Fasquelle, c’est la dernière fois que je vous le dis !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. On pose à M. Milon, qui est sénateur UMP, auteur d’un rapport, la question suivante : « Pourquoi, selon vous, le sujet déclenche-t-il une telle crispation aujourd’hui ? » C’est une bonne question, qui peut s’adresser à un certain nombre d’entre vous. M. Milon répond : « La crispation vient essentiellement de l’Assemblée nationale » ; c’est un sénateur UMP qui le dit. Et d’ajouter : « Elle s’explique aussi par le fait que l’on parle aujourd’hui […] pour des couples d’hommes [de] de la question de l’adoption [pour] les couples homosexuels [et qu’elle] fait l’objet du même blocage pour les opposants au projet de loi. Mais arrêtons de fantasmer sur des situations dans lesquelles l’enfant se porte […] bien. » Je laisse cela, qui émane non pas du Gouvernement mais d’un sénateur UMP, à votre appréciation.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je veux rappeler à M. le ministre qu’il est, au titre de ses fonctions, responsable devant le Parlement. Vous êtes, monsieur le ministre, à disposition du Parlement,…

    M. Bernard Roman. Il s’est fait interpeller !

    M. Christian Jacob. …et vous n’êtes pas là, monsieur le ministre, pour porter des jugements sur les parlementaires.

    M. Jean-Claude Perez. Vous aviez qu’à ne pas l’interpeller !

    M. le président. Monsieur Perez, gardez votre calme !

    M. Christian Jacob. Ensuite, je veux éclairer le Gouvernement sur le mode de fonctionnement de l’UMP. Nous, nous avons un principe, celui de la liberté de conscience, de la liberté de vote, de la liberté d’expression ; je note que ce n’est pas le cas au Parti socialiste. C’est la raison pour laquelle, par exemple, j’ai laissé un temps de parole important à notre collègue Franck Riester. Je l’ai toujours dit : je suis en désaccord avec lui, en revanche, je me battrai jusqu’au bout pour qu’il ait toute latitude pour s’exprimer dans cet hémicycle. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Quand, au groupe socialiste, tous ceux qui sont contre ce texte sont purement et simplement interdits de parole, interdits de dépôt d’amendements, c’est là qu’il y a un vrai problème de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quant à nous, eh bien, chacun a la liberté de s’exprimer comme il l’entend, qu’il soit sénateur ou député. C’est là la différence fondamentale entre nous.

    Cela dit, encore une fois, vous n’avez pas, monsieur le ministre, dans l’exercice des responsabilités qui sont les vôtres, à porter de jugement sur les parlementaires.

    M. le président de l’Assemblée nationale avait, dans une interview, exprimé le souhait que l’Assemblée ne soit pas une assemblée de godillots. Il semble, hélas, que la majorité ne réponde pas à ce souhait, et j’ai compris que cela pouvait aussi, parfois, être l’état d’esprit qui règne au Gouvernement.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Sur l’amendement n° 90 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3931.

    M. Yves Censi. Puisque nous sommes regardés par nos concitoyens et que M. le ministre a fait une remarque qui n’a pas grand-chose à voir avec les amendements, je reviendrai sur deux points importants.

    Nous avons été accusés, notamment par notre collègue Roman – c’est une habitude –, de ringardise. La droite n’aurait pas droit à la parole sur ces sujets parce qu’elle aurait toujours défendu les forces réactionnaires contre le progrès.

    Je rappelle donc simplement quelques éléments historiques pour nos concitoyens.

    Le droit de vote, qui l’a donné aux femmes ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. De Gaulle !

    M. Yves Censi. C’est de Gaulle, en 1944.

    La pilule, qui l’a autorisée ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Neuwirth !

    M. Yves Censi. C’est Neuwirth, en 1967.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et c’est nous qui votions !

    M. Yves Censi. Qui a accordé les mêmes droits aux enfants nés hors mariage qu’aux demi-frères et demi-sœurs conçus dans le mariage ?

    Un député du groupe UMP. C’est nous !

    M. Yves Censi. C’est Pompidou, en 1972.

    L’interruption volontaire de grossesse, c’est Simone Veil, sous Giscard d’Estaing. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Yves Censi. Le divorce par consentement mutuel, la majorité à dix-huit ans, c’est Valéry Giscard d’Estaing ! (Mêmes mouvements.)

    Mes chers collègues, cela fait mal, mais écoutez-moi. Au moins, cela vous inspirera.

    Les premières lois de bioéthique, c’est Édouard Balladur. Et n’est-ce pas Jacques Chirac qui a proscrit l’acharnement thérapeutique ? Quant à la proclamation des droits des personnes handicapées, bien sûr, c’est Jacques Chirac. La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, qui combat notamment les propos homophobes, c’est également Jacques Chirac. Enfin, c’est une loi de 2004 – c’est donc le fait de Jacques Chirac – qui sanctionne pénalement les propos homophobes.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Sarko n’a rien fait, alors !

    M. Yves Censi. Enfin, monsieur le ministre, vous citez un sénateur UMP qui exprime des positions qui ne sont pas celles de l’ensemble du groupe. Chez vous, c’est totalement l’inverse : les parlementaires n’ont pas le droit de s’exprimer individuellement. C’est d’eux que vous devriez vous occuper (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et des membres du Gouvernement qui, personnellement et donc officiellement…

    M. le président. Merci !

    La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n°4128.

    Mme Claude Greff. La majorité a tout de même un sacré culot ! Nier que c’est Simone Veil qui nous a apporté le droit à l’interruption volontaire de grossesse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Durand. C’est la gauche qui l’a voté !

    M. Bernard Roman. Vous voulez qu’on aille voir l’analyse du scrutin ?

    M. Jean-Claude Perez. Mme Veil a pleuré, à cause de vous !

    Mme Claude Greff. Franchement, mes chers collègues, quelle dérive ! Et votre mémoire vous fait défaut.

    Monsieur le président, je dois dire à Mme la ministre qu’elle manque considérablement de respect à nos concitoyens et aux maires. Un sondage nous apprend que tout craque, aujourd’hui, dans la majorité (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), et que, malheureusement, vous êtes amenés, chers collègues, à défendre une proposition d’un François Hollande qui, même là, ne tient pas sa promesse, puisqu’il a retiré la PMA de ce projet de loi.

    Bien au-delà, 61 % des maires souhaitent en effet que le Gouvernement suspende l’examen du projet de loi pour laisser la place au débat. Pire, c’est le cas de 36 % des maires de gauche et de 45 % des maires divers gauche, ce qui montre que la majorité présidentielle est en train de craquer et qu’elle n’est plus unie. Franchement, ne voyez-vous pas que nous sommes aujourd’hui face à un problème politique ? Si le Sénat nous dit que la loi sera votée conforme, c’est tout simplement parce que les sénateurs sont dépendants des élections locales, en particulier municipales. Quand 61 % des maires demandent d’arrêter l’examen de ce projet, cela montre une fragilité politique, la fragilité de votre majorité qui, on le voit, n’est à l’origine d’aucun amendement. Cela montre bien que vous ne voulez tenir que… quoi donc ? La proposition de François Hollande ! Vous êtes au-dessous de votre devoir de parlementaires, qui est de débattre ici dans l’hémicycle et…

    Un député du groupe SRC. Parlez pour vous !

    M. le président. Merci !

    La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4314.

    M. Claude Sturni. Je m’apprêtais à défendre mon amendement mais l’argumentaire de mes collègues est particulièrement complet. Pour n’en citer qu’un, je renvoie aux propres propos de M. Mariton défendant son amendement n° 417.

    On aura bien compris pourquoi je parlais tout à l’heure d’un texte à revoir fondamentalement. Je suis évidemment déçu, très déçu, car nous comprenons de mieux en mieux, au fil des heures de ce débat, l’importance de cet article balai qui devait régler tous ces détails. Je suis déçu à titre personnel, mais je le suis aussi pour nos collègues officiers d’état civil, qui devront appliquer ces textes.

    Mon collègue Philippe Cochet a parlé tout à l’heure du ridicule de la situation dans laquelle nous allons les mettre. Il a raison ! Je prie ces milliers d’officiers d’état civil de nous excuser par avance, ou plutôt de vous excuser, car c’est bien vous, chers collègues de la majorité, qui ne voulez pas améliorer ces articles bien souvent perfectibles, même à la marge, même sur des éléments totalement ridicules de votre texte. Si vous n’étiez pas si momifiés, si vous n’étiez pas si verrouillés, vous auriez, de vous-mêmes, déposé des amendements pour rectifier tous ces petits détails.

    Un député du groupe UMP. Eh oui !

    M. Claude Sturni. Enfin, oui, nous avons, dans notre groupe, la liberté de conscience, la liberté de vote. J’aimerais bien que l’on en revienne, conformément à ce que le Président de la République avait dit au congrès des maires, à la liberté de conscience également pour les maires et pour les officiers d’état civil.

    M. Philippe Cochet et M. François de Mazières. Très bien !

    Un député du groupe UMP. Liberté pour les maires !

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4723.

    M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 4 de votre projet, qui a pour objet de remplacer, au premier alinéa de l’article 108 du code civil, les mots « mari et femme » par les termes « les époux ». La phrase « Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie » serait ainsi remplacée par la phrase « Les époux peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »

    Je m’interroge sur l’opportunité de nier dans la loi une donnée fondamentale vécue par tant de Français. Par ce texte, vous reniez, au sein même du code civil, la réalité vécue par la grande majorité de nos concitoyens en tant que « mari et femme », en tant que « père et mère ». En retirant les mots de « mari » et de « femme », ce projet de loi heurte profondément un grand nombre de personnes que je rencontre. La formulation qui en résulterait ne correspond pas à la réalité de ce que vivent la majorité de nos concitoyens.

    M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 5150.

    M. Damien Abad. Cet article 4 démontre bien que le projet de loi a des conséquences pour les couples hétérosexuels, pour la famille et pour tous les fondements de notre société. Remplacer les termes « mari et femme » par « époux », ce n’est pas anodin, sauf à considérer, effectivement, que le code civil n’a point de valeur.

    Et je rejoins moi aussi mon collègue Mariton sur le fait que vous n’employez pas les termes distincts « époux » et « épouse ». C’est quand même paradoxal pour une majorité qui se veut, par ailleurs, l’apôtre de la parité !

    C’est vrai, cet article balai porte bien son nom : il balaie vraiment les fondements de notre société. Ce n’est pas seulement nous qui le disons, ce sont aussi les maires. Effectivement, pour abonder dans le sens des propos tenus par Claude Greff, 52 % des maires sont opposés au projet de loi, et 61 % souhaitent que le Gouvernement suspende son examen.

    C’est bien la preuve que plus nous avançons dans le débat, plus le texte suscite d’oppositions. Plus nous avançons dans le débat, plus ceux qui étaient, comme moi, modérés et s’interrogeaient sur le texte et son fondement même adoptent une position hostile. Interrogez-vous donc sur la manière dont vous menez les débats, interrogez-vous sur la manière dont vous mettrez ce projet de loi en œuvre, interrogez-vous sur la manière dont vous êtes en train de créer des fractures dans la société, bien au-delà des clivages politiques. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne répèterai pas les arguments que j’ai avancés lors de l’examen des précédents amendements. L’amendement n° 90 et les amendements identiques procèdent de la même logique.

    Néanmoins, je tiens à relever dans votre exposé des motifs la présence d’un vocable qu’il m’a été, ces derniers jours, reproché d’employer. Vous évoquez en effet les « mentions sexuées du code civil ».

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je tiens donc à souligner que nous sommes au moins d’accord sur les mots.

    Par ailleurs, comme, je le sens, un certain nombre de mes amis de la majorité souhaitaient que des choses soient précisées sur ce vote, le 20 décembre 1974, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur l’IVG par 277 voix contre 192. Le projet a recueilli toutes les voix de la gauche. En revanche, au sein de la majorité, seuls 70 députés sur 290 ont voté la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. Mais le Gouvernement était de droite ! C’est embêtant, hein ?

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames et messieurs les députés, M. Nicolin nous a invités à revenir au latin. Revenons-y donc, pour retrouver l’origine du mot « mari » : mas, maris, qui signifie « mâle », ainsi que l’origine du mot « femme », qui vient de femina, feminæ. Ces mots viennent de l’empire romain…

    M. Claude Goasguen. On parlait déjà latin à Rome sous la république, bien avant l’empire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mot mariage vient également de mas, maris, par l’intermédiaire de matrimonium, matrimonii. C’était un régime patriarcal : la femme n’ayant pas d’existence juridique, elle n’était désignée que par son sexe.

    M. Claude Goasguen. Non !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle passait de la tutelle de son père à celle de son mari.

    Un député du groupe SRC. L’âge d’or, en somme !

    M. Claude Goasguen. C’est faux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mot « époux » vient du latin sponsus, sponsi, dérivé du verbe spondere qui signifie s’engager solennellement, promettre solennellement. Le mot « époux » implique donc un principe d’égalité entre les deux conjoints, et un engagement solennel de l’un et de l’autre. Voilà le sens premier que l’on retrouve en revenant au latin, voilà la charge historique et symbolique des mots « mari » et « femme », pour lesquels vous avez un attachement apparemment irréductible.

    Je vous rappelle par ailleurs que le code civil actuel compte 304 occurrences du mot « époux ». Le texte sur lequel nous travaillons n’en ajouterait que deux, aux articles n° 75 et 108. Cela permet de relativiser un peu l’effondrement que vous nous accusez d’organiser ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

    Le mot « époux » se retrouve déjà dans deux articles majeurs du code civil. D’abord, à l’article 212 : (Mmes et MM. les députés récitent progressivement avec Mme la garde des sceaux) « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

    M. le président. On voit bien qui sont les cumulards ! (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ensuite, à l’article 213 : (Mmes et MM. les députés récitent à nouveau avec Mme la garde des sceaux) « les époux assurent ensemble la direction morale… »

    Mmes et MM. les députés. « …et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Excellent !

    Mme Catherine Vautrin. Comme quoi le cumul des mandats peut être bénéfique !

    M. Philippe Gosselin. Vous voyez bien, madame la ministre, pourquoi il sera difficile de changer les textes !

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, seule Mme la garde des sceaux a la parole.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous accusez d’introduire de la fiction dans le code civil. Pardonnez-moi de vous rappeler qu’il existe déjà quelques fictions dans le code civil.

    Mme Claude Greff. Lesquelles ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La première d’entre elles, c’est la présomption de paternité.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas une fiction !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Selon le code civil, le mari est présumé être le père de tout enfant né dans le mariage.

    M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une fiction, c’est une présomption !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, c’est une présomption, fondée sur un fait biologique.

    M. Claude Goasguen. Rien à voir !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si : la preuve en est que cette présomption peut être contestée. Que cela vous déplaise est une autre affaire…

    M. Claude Goasguen. Encore heureux, qu’elle puisse être contestée : c’est le cas de toutes les présomptions !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il arrive donc que cette présomption de paternité soit contestée, et qu’une preuve soit apportée qui la renverse. De grands juristes ont dit de la présomption de paternité qu’elle assurait la « paix des familles ».

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ? Quel rapport ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un élément fondamental, auquel le Gouvernement n’a pas touché, non plus que la commission.

    En 2005, des sondages et des études ont été réalisés à ce sujet : 39% des hommes et 25% des femmes mariés se sont déclarés infidèles. Comme je viens de le dire, la présomption de paternité est fondée sur un fait biologique et constitue donc du point de vue juridique un élément de preuve. Cet élément de preuve permet, éventuellement, de contester une paternité. Cela se fait désormais avec des tests ADN : environ 4% des enfants ne sont pas ceux du mari de la mère. Selon certaines estimations, il s’agirait de 8% des enfants. Pourquoi dis-je cela ? Parce que la vie c’est la vie, et les gens vivent leur vie ! Arrêtez donc de dresser un temple à la famille immuable, basée sur des éléments constamment prouvés biologiquement !

    M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas dit cela !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Personne ne dit cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le code civil comporte d’autres fictions, comme l’adoption plénière…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Les adoptés ne sont qu’adoptés ! On ne change pas leur ADN !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis désolée de vous contredire, mais l’adoption plénière est une fiction organisée par la loi, et encadrée par le droit ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Absolument ! Que cela vous plaise ou pas ! L’adoption internationale en est une ! Les parents ne sont pas tenus de mettre un terme à cette fiction. Nous trouvons mieux, pour notre part, que les parents disent à leurs enfants qu’ils les ont adoptés. Nous avons reçu des associations d’enfants adoptés qui nous ont confié – je pense notamment à certaine jeune femme d’origine coréenne – qu’on ne leur a pas dit tout de suite qu’ils étaient adoptés. Voilà une fiction flagrante ! Nous pensons d’ailleurs qu’une politique publique devrait accompagner les parents au cours de l’adoption, et les aider à décider quelle est la meilleure attitude à adopter.

    Pardonnez-moi à nouveau : la PMA pour les couples hétérosexuels est également une fiction !

    M. Bernard Deflesselles. Incroyable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une fiction encadrée par le droit, mais une fiction tout de même !

    M. Patrick Ollier. Qu’a dit M. Le Roux sur la PMA ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’en est une, qui est clairement encadrée par le droit, car le droit interdit au donneur toute revendication en matière de filiation. C’est écrit dans le code de la santé publique et dans le code civil.

    M. Hervé Mariton. Mais enfin, c’est contraire à la réalité !

    M. Jean-Claude Perez. Vous n’écoutez même pas la ministre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Douillet, je veux bien entendre vos leçons. Pardonnez-moi, j’aurais préféré ne pas avoir à le faire, mais puisque vous venez à la charge aujourd’hui et me donnez des leçons sans la moindre nuance, je rappellerai un certain passage de votre autobiographie, L’âme du conquérant : « On dit que je suis misogyne. Oui, je suis misogyne, mais tous les hommes le sont, sauf les tapettes. » Vous écrivez également : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de valorisant. »

    Tout cela devrait vous inciter à plus de nuance et de modestie. Avis défavorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Avis défavorable sur les amendements.

    M. Jean-Claude Perez. Eh alors ? Elle a raison ! Il fallait le dire !

    M. Arnaud Leroy. Allez échanger des cartes Panini dans la cour de récréation !

    M. Patrick Ollier. Ces mises en cause personnelles sont choquantes !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Merci, monsieur le président. (Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Pour le moment, c’est Mme Marie-George Buffet qui a la parole. Nous allons terminer les interventions sur ces amendements. Monsieur Fasquelle, s’il vous plaît, ne criez pas comme ça. Franchement, ce n’est ni agréable, ni bon pour l’image du Parlement ! (Protestations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

    Écoutez, quatre personnes sont inscrites pour répondre à la commission et au Gouvernement : Mme Marie-George Buffet, M. Thierry Solère, M. Claude Goasguen et M. Jean-Yves Le Bouillonec. Je vous propose d’écouter ces réponses, puis de voter, après quoi je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non, non ! Tout de suite !

    M. le président. Bon, d’accord, allez-y.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, depuis plusieurs jours nous voyons les faiblesses de Mme la garde des sceaux et assistons à ses dérapages, incapable qu’elle est de nous répondre sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). À plusieurs reprises elle a commis des erreurs de droit portant sur l’interprétation du code civil, qui ont été corrigées par nos collègues. La seule réponse que nous donne Mme la garde des sceaux, toutes les deux heures, c’est de faire une sortie provocatrice ! La manière dont elle vient de se conduire envers notre collègue est inadmissible. Elle donne lecture de ragots colportés par la presse…

    M. Arnaud Leroy et M. Jean-Claude Perez. Ce n’est pas des ragots, c’est dans son livre !

    M. Christian Jacob. C’est une attaque personnelle. On attend d’un garde des sceaux qu’il soit capable de répondre en droit, et qu’il ne s’enferme pas dans la provocation.

    M. Jean-Claude Perez. Elle a bien fait, il fallait le dire !

    M. Christian Jacob. Depuis huit jours, à chaque fois qu’elle est incapable de répondre en droit, Mme la garde des sceaux répond par la provocation ! Son attitude est inacceptable, monsieur le président. Je vous demande une suspension de séance. Croyez-moi, la séance ne se déroulera pas bien tant que Mme la garde des sceaux restera sur cette position ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas fini, monsieur Jacob : j’en ai encore pour vous !

    M. le président. La suspension de séance est de droit, puisque c’est le président de groupe qui la demande. Voulez-vous une suspension immédiate, ou pouvez-vous attendre que l’on vote la série d’amendements identiques ?

    M. Christian Jacob. Tout de suite !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Je m’adresserai d’abord à notre collègue M. Mariani. Je répète ce que j’ai déjà dit. En Russie, il existe une homophobie d’État et une répression contre les couples homosexuels. M. Mariani a fait état de propos sur l’adoption tenus, lors d’une réunion, par certains représentants de la République de Russie. J’ai donc posé à M. Mariani une question très claire : qu’ont répondu les représentants de la République française lors de ce débat sur l’adoption ? Je pense, en effet, que la France doit être aux côtés de celles et ceux qui, en Russie, se battent contre cette homophobie d’État. Je ne vois donc pas ce qui peut choquer mon collègue Mariani.

    Ensuite, je ne vois pas pourquoi on essaie, dans ce débat, de se lancer à la figure les différences qu’il y a dans la majorité ou dans l’opposition. Que des individus, de chaque côté de cet hémicycle, aient une opinion sur des questions qui touchent autant à l’humain que celles que nous abordons, aujourd’hui, c’est tout à fait normal ! Les positions des uns et des autres peuvent évoluer. Je remarque d’ailleurs, chers collègues de l’opposition, que vous avez, tout à l’heure, revendiqué avec force le vote de l’IVG, alors qu’à l’époque vous y étiez opposés ! Vous avez donc vous-mêmes évolué sur cette question !

    Pourquoi n’essayons-nous pas de débattre sur le fond, sur le bien-fondé d’ouvrir le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels, au lieu de mener ce combat d’amendements sur des articles du code civil ? Essayons de discuter sur le fond et n’en restons pas aux arguments que vous opposez depuis le début sur l’état naturel, sur le fait qu’un couple doit être composé d’une femme et d’un homme avec, pour objectif, la procréation. Voyons la réalité telle qu’elle est aujourd’hui, et discutons-en !

    M. le président. La parole est à M. David Douillet. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. David Douillet. Madame la garde des sceaux, je ne m’abaisserai pas à votre niveau. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) En ces lieux, il ne devrait pas y avoir place pour une telle médiocrité ! Ce manque de contrôle de soi traduit, en réalité,…

    M. Jacques Myard. Une faiblesse !

    M. David Douillet. …une énorme faiblesse !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est vrai ou ce n’est pas vrai, ce que vous avez dit ?

    M. David Douillet. Je vous pensais à la hauteur de votre fonction ! Mais tel n’est malheureusement pas le cas !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Avez-vous tenu ces propos, oui ou non ?

    M. David Douillet. Qu’un ministre de la République attaque personnellement un parlementaire, cela n’a aucun sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mme Buffet, vient de le dire : parlons du fond ! C’est exactement ce que je vous demande depuis le début ! S’agissant de la GPA, comme vous n’avez pas d’argument et comme vous manquez de courage pour affronter la réalité, vous préférez m’attaquer personnellement !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Assumez ce que vous avez dit, cher collègue !

    M. David Douillet. C’est totalement lamentable, madame la garde des sceaux !

    M. Yannick Favennec. Ça la fait rire !

    M. David Douillet. Je suis triste pour mes collègues de la gauche que vous les représentiez !

    M. Nicolas Bays. Pas nous ! On en est fiers !

    M. David Douillet. Je suis triste pour le Président de la République que vous ayez ce genre de réflexions ! Je suis triste que la France ait, en son sein, un ministre qui ait si peu de considération pour l’opposition, pour des gens qui essaient de faire prévaloir l’intérêt national sur les intérêts personnels. C’est malheureusement ce qui vous caractérise, madame la garde des sceaux !

    Je vous demande donc une dernière fois, instamment, quelles dispositions vous allez prendre pour lutter contre la GPA. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Vous ne nous répondez pas, et, bien au contraire, vous avez rédigé une circulaire pour l’encourager ! Vous aurez toute votre vie sur votre conscience le malheur d’innombrables femmes, à l’étranger, qui sont des esclaves par leur ventre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

    M. Claude Goasguen. Je n’ai pas, pour ma part, abusé de mon temps de parole, monsieur le président.

    Je tiens à expliquer les raisons pour lesquelles le débat sombre dans le naufrage, comme l’a écrit un journal du soir. C’est que le texte est un naufrage !

    M. Arnaud Leroy. Ce n’est pas ce que dit l’article !

    M. Claude Goasguen. Ce texte est un naufrage parce qu’il ment. Depuis le début, vous mentez aux Français. Ce texte, d’une part, n’est pas un texte sur le mariage, mais sur le mariage et l’adoption. S’il y a un domaine qui est au cœur même du droit civil, c’est bien celui du droit des personnes. Or, depuis le début de ce débat, nous n’avons obtenu aucune réponse juridique ! Nous avons eu des invectives, des réponses lyriques, des réponses funambulesques. On se croirait, par moments, dans une bande dessinée. On nous dit que la présomption d’innocence est une fiction. On confond le code civil et Tintin ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Selon vos dires, le droit romain aurait été monolithique. Pour avoir enseigné le droit romain assez longtemps, je vous signale qu’il existe trois sortes de mariage en droit romain. Si vos conseillers techniques sont fatigués, ce qui est possible, je vous épargne cette critique, sachant que, lisant des notes, vous n’êtes pas obligée d’en juger l’exactitude. Vous nous répondez aussi en nous lisant le code civil. C’est bien ! Mais, si vous croyez que cela suffit à expliquer un certain nombre de faiblesses de votre texte, vous vous trompez. Or les Français, quant à eux, ne s’y trompent pas. J’en veux pour preuve les sondages – 52 % des maires – et les manifestations de centaines de milliers de personnes. Si vous croyez que vous allez vous en sortir comme ça, vous vous trompez.

    Vous avez, de plus, la manie de faire croire aux Français que ce texte irait dans le sens de la norme internationale. Non seulement c’est faux, mais le mariage que vous êtes en train d’instituer est unique au monde. Les dix pays qui ont adopté le mariage homosexuel – dix pays sur 250, les 240 autres étant quantité négligeable, n’est-ce pas ? – traitent du mariage et non de l’adoption. Dans un pays comme le Royaume-Uni, qui vient de voter une réforme sur ce point, il existe plusieurs sortes de mariages. Cela n’a donc rien à voir !

    Enfin, les conséquences de votre texte en matière de droit international privé sont considérables, non seulement sur l’adoption, nous l’avons souligné, mais également sur ce que la doctrine juridique appelle les « mariages boiteux ». Qu’est-ce qu’un « mariage boiteux » ? En cas de mariage homosexuel, si une des deux personnes est étrangère et originaire d’un pays qui interdit l’homosexualité et le mariage homosexuel, soit vous serez contraints de modifier l’état civil de la personne, auquel cas l’État sera en droit de faire un recours devant une juridiction internationale ; soit, vous maintiendrez l’état civil et vous condamnerez cette personne à des peines pénales si, par malheur, il retourne chez elle !

    M. le président. Je vous remercie.

    M. Claude Goasguen. Essayez de l’expliquer aux Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tenais, pour ma part, à dire aux Français que nous avons l’intention d’adopter ce texte qui est, en tous points, conforme aux obligations du législateur, s’agissant du code civil.

    Vous faites grief au texte de vouloir remplacer les termes « mari et femme » par « époux ». Je prendrai l’exemple de l’article 75 que vous avez querellé dans un amendement précédent. Il décrit l’intégralité des obligations de l’officier d’état civil, dont celle de dresser procès-verbal. Le terme « mari et femme » n’apparaît qu’une fois dans cet article : pour le reste, c’est le mot « époux » qui y figure. Ainsi, le texte dispose que l’officier de l’état civil interpellera « les futurs époux » d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage. Et il reçoit de chaque partie la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux. Car je me permets de vous rappeler que, si le dernier alinéa de l’article 75 comporte, certes, la mention « mari et femme », l’acte de mariage, quant à lui, comporte la mention : « Ils ont déclaré, l’un après l’autre, vouloir se prendre pour époux. » Vous ne pouvez donc pas prétendre, chers collègues, que la modification que notre rapporteur a proposée au texte ébranle, dans la célébration, la notion même de mariage.

    J’ai voulu faire un peu de droit, et veuillez m’en excuser, monsieur le président, mais je tenais à dire que ces questions posées depuis plusieurs heures sur ce sujet sont réglées depuis longtemps en droit. Cela démontre, s’il en était besoin, que nous sommes bien loin des bouleversements.

    Certes, Le Monde parle de naufrage, mais il faudrait, cher collègue, que vous lisiez la suite de l’article qui indique : « L’UMP se demande comment sortir du piège. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 90 et ceux qui lui sont identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 175

    Nombre de suffrages exprimés 175

    Majorité absolue 88

    Pour l’adoption 67

    Contre 108

    (L’amendement n° 90 et ceux qui lui sont identiques ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 92.

    M. Marc Le Fur. Je tenais tout d’abord à dire, à l’occasion de la défense de cet amendement, que je suis personnellement fier d’appartenir à la même assemblée et au même groupe que David Douillet (Applaudissements sur nombreux bancs du groupe UMP), qui a porté les couleurs de la France, qui a illustré le drapeau tricolore,…

    M. Arnaud Leroy. Et alors ?

    M. Marc Le Fur. …à un moment où d’autres militaient pour l’indépendance de la Guyane !

    M. Bernard Roman. Il ne faut pas laisser dire cela !

    M. Marc Le Fur. Donc, bravo David Douillet ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Nous évoquons, mes chers collègues, l’article 206 du code civil que vous voulez réformer : « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère… »…

    M. Arnaud Leroy. Oh, lâchez-nous avec les belles-mères !

    M. Marc Le Fur. Dans ce texte, vous voulez, une fois de plus, comme je l’ai déjà dit, supprimer les belles-mères ! Mais, curieusement, vous changez aussi le sens des mots, puisque vous conservez le mot « gendre », qui cesse d’être l’époux de la fille, mais qui devient indifféremment l’époux de la fille ou l’époux du fils.

    Donc, extraordinairement, vous modifiez le sens des mots, vous modifiez le vocabulaire. Vous heurtez Littré, Larousse et quelques autres.

    Dans votre logique prométhéenne, vous vous croyez tout permis, et tout est possible. Non, il y a des réalités naturelles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 224.

    M. Bernard Deflesselles. Nous sommes bien sûr au cœur du sujet avec l’article 4, cet article dit balai, qui crée une insécurité juridique. Mais, monsieur le président, souffrez que j’interpelle M. le ministre chargé des relations avec le Parlement. Il s’est permis tout à l’heure, ainsi que la garde des sceaux, de porter des jugements sur les parlementaires de l’UMP, en particulier M. Milon, sénateur du Vaucluse. Vous remarquerez qu’avec beaucoup de délicatesse, nous ne portons pas de jugement sur les députés socialistes qui sont contre ce texte, qui, eux, sont muselés et obligés de courber l’échine devant le président du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, êtes-vous du côté du président du Sénat, M. Bel, qui veut museler le débat au Sénat – dans le même sens, M. Jospin disait, il y a une quinzaine d’années, que le Sénat était une anomalie de la République –, ou du côté de Mme Guigou, ancienne garde des sceaux, qui, il y a une quinzaine d’années, nous jurait, la main sur le cœur, après le vote du PACS, qu’il n’y aurait rien, ni mariage, ni adoption, ni PMA, ni GPA ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 321.

    Mme Dominique Nachury. L’alinéa 10 de l’article 4 modifie l’article 206 du code civil, qui concerne l’obligation alimentaire envers les beaux-pères et belles-mères. Il faudrait maintenant lire « beaux-parents ». Cependant, le début de l’article reste inchangé, « Les gendres et belles-filles ».

    Il me semble que gendre veut dire mari de la fille, et belle-fille femme du fils. Dès lors, dans un couple de personnes de même sexe, le conjoint du fils et la conjointe de la fille ne sont pas concernés. Ou alors, il faut encore interpréter la loi. Ou encore, considérer que le conjoint du fils est une belle-fille et la conjointe de la fille un gendre. Ou encore, changer les définitions portées par tous les dictionnaires.

    M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 393.

    M. Yves Albarello. Après avoir supprimé le mari et la femme, on supprime le beau-père et la belle-mère. Mais où s’arrêtera-t-on ? On voit bien ici la limite de l’exercice.

    Vous avez une possibilité de sortir de cette impasse, mes chers collègues socialistes, on vous l’explique depuis des jours, en renforçant le contrat d’union civile. Voilà la voie que vous devez suivre si vous voulez éviter un naufrage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 435.

    M. Christian Jacob. Cet amendement concerne l’article 206 du code civil, et nous exprimons toujours la même logique de cohérence. Pourquoi avoir gardé les mots de « père » et « mère » dans un certain nombre de cas, comme dans l’article 371-1, qui a été évoqué encore tout à l’heure par quelques-uns de nos collègues, et proposer ici une modification ? Il y a un vrai problème de cohérence et de compréhension de la loi dans sa globalité. Dans certains articles, vous supprimez les références sexuées, ce qui est le cas pour l’article 206, dans lequel vous supprimez « beau-père » et « belle-mère » pour les remplacer par « beaux-parents », et, dans d’autres, au contraire, vous laissez la référence au père et à la mère. Tout cela nuit à la compréhension de la loi.

    Notre argumentation est donc la même, et vous ne nous avez jamais répondu sur le fond. Pourquoi avoir traité différemment ces articles ? C’est la réponse que nous attendons de vous, monsieur le rapporteur, puisque nous avons bien compris que Mme la ministre se désengageait et considérait que c’était de la responsabilité de la commission. Comme nous n’avons pas d’explications de la ministre, expliquez-vous, monsieur le rapporteur.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 420.

    M. Hervé Mariton. Les propos que vous avez tenus tout à l’heure sont graves, madame la garde des sceaux.

    Non, la PMA n’est pas une fiction. Déjà, à l’évidence, elle n’en est pas une pour la très grande majorité des couples qui en bénéficient avec les gamètes de l’un et l’autre des membres de ce couple. Vous rendez-vous compte de votre propos ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais des donneurs.

    M. Hervé Mariton. Dans le plus grand nombre de PMA, il n’y a pas de donneur extérieur au couple.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai.

    M. Hervé Mariton. Mesurez-vous la responsabilité que vous prenez à l’égard de ces couples – et les autres sont égaux en dignité – qui bénéficient du concours de la médecine avec les gamètes de l’un et de l’autre en leur disant que c’est une fiction ?

    Si les membres de mon groupe permettaient à l’orateur de s’exprimer, ce serait un vrai progrès.

    M. le président. Chers collègues du groupe UMP, laissez parler l’orateur.

    M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, vis-à-vis d’un couple qui vit une difficulté personnelle intense et profite du secours de la médecine, mesurez votre propos !

    Vous parlez également de fiction pour la présomption de paternité. Non, la présomption de paternité n’est pas une fiction – comme vous l’avez dit, d’ailleurs, car souvent votre logique est curieuse et vos développements contredisent vos résumés. La présomption de paternité, c’est un principe, et ce principe, en effet, peut être contredit.

    Enfin, quelle provocation, madame la ministre de la famille, de changer la composition du Haut conseil de la famille en plein milieu de nos débats, pour servir vos objectifs, pour servir votre idéologie ! Ce n’est pas convenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 475.

    M. François de Mazières. J’avais envie de dire exactement la même chose qu’Hervé Mariton. Car deux choses m’ont profondément choqué.

    Jusqu’à présent, madame la ministre, vous avez été habile, trop habile. Mais là, vous avez dit le fond de votre pensée, sur deux éléments essentiels, fondamentaux.

    Vous avez dit tout d’abord que la présomption de paternité était une fiction. Mais, madame la garde des sceaux, toute notre société est construite sur cette présomption de paternité. Tout le droit est construit sur cette présomption de paternité. C’est dingue, ont dû penser les notaires s’ils vous ont entendue.

    Nous sommes enfin au cœur du débat. Il y a là un problème fondamental et c’est la raison pour laquelle nous nous battons depuis des heures et des heures sur cette notion de père et de mère. Nous sommes intégrés dans une histoire familiale, et les conséquences psychologiques sur l’enfant sont fondamentales. Le pédopsychiatre Flavigny nous a répété sans cesse qu’il fallait s’intégrer dans une histoire familiale, même quand il y a malheureusement des difficultés pour la conception.

    Vous avez également déclaré que la PMA était une fiction. Et là aussi, je partage les propos d’Hervé Mariton. Pensez à tous ces couples en détresse qui ont dû avoir recours à la PMA. Aujourd’hui, on parle de « PMA sociale ». Mais vous imaginez les conséquences, vous voyez la folie dans laquelle nous sommes ?

    Vos propos ont dévoilé ce qui constitue le cœur, le fondement de notre critique. Là, nous étions vraiment à l’essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 534.

    M. Patrick Ollier. Tout à l’heure, M. Le Roux nous a demandé à quoi servaient nos amendements. De manière répétitive, certes, fastidieuse pour vous, certes, ils servent à obliger le Gouvernement à répondre. Il ne le fait pas mais nos amendements nous permettent d’expliquer notre position.

    C’est comme si je vous disais, madame la garde des sceaux, que M. Le Roux était une fiction en tant que président de groupe. M. Jacob est présent en permanence dans le débat, M. Le Roux n’est pas là. Est-ce une fiction ? Non, parce qu’il peut revenir tout à l’heure. La PMA n’est pas là aujourd’hui mais, avec votre texte, nous savons qu’elle sera là demain.

    Voici justement M. Le Roux qui arrive (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je l’en félicite.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas une fiction !

    M. Patrick Ollier. Ce n’est plus une fiction. La PMA arrivera demain, ce ne sera pas non plus une fiction.

    Pour détendre l’atmosphère, je dirai que c’est comme si, au banc du Gouvernement, on avait Robert Lamoureux dans Papa, la bonne et moi, parce que vous en êtes arrivés à une forme de confusion qui confine au comique.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bruno Le Roux. J’ai entendu M. Ollier. Je voudrais saluer en face de moi les intermittents de la présence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est le groupe UMP, qui n’a pas une seule fois réussi à se mobiliser plus que le groupe socialiste sur un scrutin public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Patrick Ollier. Vous êtes la majorité, c’est normal !

    M. Philippe Gosselin. Et vous avez fait traîner le débat mardi parce que vous étiez minoritaires !

    M. Bruno Le Roux. …qui nous parle de fiction ! Assumez, mes chers collègues ! Vous voulez faire croire à l’opinion publique que vous voulez à tout prix repousser ce texte qui concerne un problème de société, et, pour la plupart des scrutins, vous n’êtes pas capables de mobiliser plus de 30 % des députés de votre groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il n’y a pas un seul scrutin public depuis le début pour lequel vous vous êtes davantage mobilisés que le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vous êtes majoritaires !

    M. Bruno Le Roux. Je ne parle pas en nombre, je parle en proportion du groupe, pour vous ramener à vos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 622.

    M. Philippe Gosselin. Je m’étonne des propos de M. Le Roux qui, absent, revient comme un deus ex machina, sauf qu’il n’a rien d’un deus. Nous avons été très présents et ce n’est pas chez nous qu’il y a eu une évaporation de vingt ou vingt-cinq suffrages, en pleine nuit, après le rappel à l’ordre du président Bartolone sur l’intérêt pour chacun d’appuyer sur son propre boîtier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Alors les leçons, monsieur Le Roux, vous les gardez, ou alors vous les faites avec discernement.

    M. Bruno Le Roux. On vous a vu tricher, monsieur Gosselin !

    M. Philippe Gosselin. C’est formidable. Il fallait le dire à ce moment-là et pas maintenant, par invective.

    M. Bruno Le Roux. On l’a dit, et on le redit !

    M. Philippe Gosselin. Je n’ai pas bougé d’ici ! Quoi qu’il en soit, il y a eu vingt-cinq suffrages en moins chez vous après le rappel à l’ordre du président.

    Le pacte républicain, je vous le dis une fois de plus, est abîmé par la suppression des termes « père » et « mère ». Vous êtes en train de vous renier, mesdames, messieurs de la majorité, comme nous l’avons dit hier soir et je voudrais y revenir quelques instants. Vous êtes en train de passer du social-libéralisme au social-individualisme. Vous qui vous targuez de défendre la res publica, l’intérêt collectif, l’intérêt commun, vous êtes en train de l’abîmer. Je le pense très réellement. Peut-être que certains d’entre vous n’en ont pas conscience mais, pour que la République existe, elle doit avoir une démarche collective, elle doit respecter un certain nombre d’éléments de base fondamentaux, et la famille, même si elle est bien sûr diverse aujourd’hui, et non pas monolithique, elle reste attachée à cette notion de « père » et de « mère ».

    Elle permet, cette notion, de vivre ensemble. Elle permet le bien commun. Au final, je crois que vous êtes en train de vous renier…

    M. le président. Merci.

    M. Philippe Gosselin. J’y reviendrai, monsieur le président.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il sera très court, monsieur le président, et de pure forme. Je rappelle simplement à notre collègue Bruno Le Roux que nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès de la présidence pour que nos collègues de la majorité n’utilisent pas d’autres boîtiers que le leur au moment du vote. J’ai demandé plusieurs fois à ce que les déroulements des votes soient visionnés…

    M. Bruno Le Roux. Nous l’avons fait aussi !

    Mme Claude Greff. Vous avez beaucoup triché !

    M. Christian Jacob. …parce que quelques-uns de nos collègues de la majorité s’égaraient sur les boîtiers voisins.

    Par ailleurs, la récente interprétation du règlement sur les suspensions de séance permet désormais que celles-ci interviennent alors que la procédure de vote est engagée. C’est votre majorité qui l’a souhaité, monsieur Le Roux. Cela signifie que, si des parlementaires arrivent en nombre important d’un côté de l’hémicycle, le président peut suspendre la séance. Je pense que ce n’est pas une bonne chose, mais la décision a été prise en Conférence des présidents. En d’autres termes, pour que le public comprenne bien, le coup du rideau n’est plus possible.

    M. Claude Goasguen. Hélas !

    M. Christian Jacob. Quant à la présence des parlementaires de l’opposition, monsieur Le Roux, elle est effective et nous avons l’intention qu’elle continue à l’être. Je constate un peu de faiblesse dans vos rangs,…

    M. Bruno Le Roux. Ça va, merci !

    M. Christian Jacob. …mais je ne doute pas que vous aurez la capacité de mobiliser vos collègues. Cela nous offre d’ailleurs le plaisir de vous voir siéger parmi nous. Merci de votre présence, monsieur Le Roux, mais ne revenez pas sur la participation et surtout sur les procédures de vote : nous aurons l’occasion de visionner les vidéos !

    M. Bruno Le Roux. Les tricheurs, on les connaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous les connaissons mieux que vous !

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1047.

    M. Philippe Cochet. Avant que M. Le Roux ne quitte l’hémicycle, je souhaite intervenir sur la forme et sur le fond.

    Sur la forme, le masque est tombé, madame la garde des sceaux. Lorsque vous avez interpellé de manière éhontée l’un de nos collègues, vous avez montré ce qu’était votre vision des gens qui s’opposent à ce texte. Il y a un côté haineux... (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Marc Le Fur. Exactement !

    M. Philippe Cochet. …qui n’est pas nécessaire lorsque l’on défend des convictions. Je pense que vous devriez présenter des excuses à notre collègue. Je suggère même, monsieur le président, que M. le Premier ministre, comme il a eu l’occasion de le faire avec d’autres ministres, contacte Mme la garde des sceaux afin de la rappeler à l’ordre sur le respect dû aux membres du Parlement français.

    Sur le fond, comme cela a été rappelé, le recours à la notion de « fiction », madame la garde des sceaux, signifie que vous êtes en train de commettre un mensonge d’État et que nous, législateurs, allons l’avaliser. C’est inimaginable. Mesurez-vous, chers collègues, où nous allons ?

    Tout à l’heure, madame la garde des sceaux, vous avez voulu, par vos propos, ridiculiser les maires, notamment sur l’impossibilité de rendre compréhensible l’union de deux personnes de même sexe. Vous fragilisez l’édifice républicain. Aujourd’hui, non seulement vous fragilisez la famille, mais vous mettez la patrie en danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. Thierry Mandon. Et l’Europe, elle va bien ?

    M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n° 1096.

    M. Claude de Ganay. « Une belle-mère, c’est une dame qui donne sa ravissante fille en mariage à un monstre horrible et dépravé (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR)…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quelle horreur !

    M. Claude de Ganay. …pour qu’ils fassent ensemble les plus beaux enfants du monde. » Je vous rassure : ce n’est pas de moi, c’est une citation d’Alphonse Karr.

    Au-delà de ce trait d’humour, l’alinéa 10 supprime du code civil toute allusion à la belle-mère et au beau-père. Peut-être pensiez-vous apaiser ainsi les relations de milliers d’époux avec leurs belles-mères, mais il est regrettable que toute allusion de parenté par alliance disparaisse de l’article 206. Madame la garde des sceaux, n’oubliez pas nos belles-mères ; les couples homosexuels en auront. Ne poussez pas la logique de l’absurde jusqu’au bout. Réfléchissons à un nouveau projet de loi garant des responsabilités et des particularités de tous. Les valeurs de l’égalité en sortiront renforcées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Assaf. Quel talent !

    M. Alexis Bachelay. Quelle force de conviction !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 1060.

    M. Philippe Vitel. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner la définition du « gendre » chez moi, en Provence, dans le beau pays de Pagnol et Mistral.

    M. Nicolas Bays. Avé l’accent !

    M. Philippe Vitel. On emploie l’expression « entrer en gendre » pour dire « se marier, habiter dans la famille de sa femme et éventuellement prendre la succession du beau-père ». Avec ce texte, cela va devenir sacrément compliqué !

    Je suis un peu l’opinion publique et j’ai le sentiment qu’elle est en train de comprendre que beaucoup de choses ne vont pas, dans ce texte. Aujourd’hui, 61 % des maires souhaitent la suspension de l’examen du projet de loi. C’est un fort pourcentage, d’autant plus que, parmi ces maires, 36 % sont de gauche et ils sont 45 % si l’on inclut les divers gauche. Chers collègues, je crois donc qu’il est temps de suspendre ce débat ou, plus simplement, de donner la parole au peuple. Vive le référendum ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Alexis Bachelay. Vive la France !

    M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n° 1148.

    M. Alain Moyne-Bressand. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1317.

    M. Yves Nicolin. Nous assistons, avec ce texte, à un véritable hold-up de mots. Vous supprimez les mots « père », « mère », « mari », « femme », et, à cet alinéa, « belle-mère » et « beau-père ». Mais il y aura toujours un être qui continuera à reconnaître l’homme et la femme, et les discriminera : c’est l’enfant.

    J’ai cité tout à l’heure une étude importante. Il existe pour l’enfant une différence affective entre un père et une mère. Les mêmes études scientifiques prouvent que l’enfant est sensible aux timbres de voix, aux textures de peau, évidemment différentes pour le père et la mère. Très tôt, l’enfant discrimine l’attitude du père et celle de la mère, à des rythmes, à des manières de le porter et de s’adresser à lui. On imagine d’ailleurs mal un enfant se blottir sur le sein de son père. Très tôt, l’enfant identifie père et mère par des sensations ; qui peut le nier ? Il faut bien avoir conscience que ses premières expériences s’impriment dans le cerveau en construction et fonde les bases du repérage sexuel du futur adolescent et adulte en devenir. Non, madame la garde des sceaux, les hommes ne sont pas des femmes comme les autres. Alors pourquoi vouloir des termes génériques identiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1465. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Le retour !

    M. David Douillet. Quel accueil formidable ! Je suis content de vous faire tellement plaisir.

    M. Nicolas Bays. On vous aime !

    M. David Douillet. Vous voulez faire disparaître du code civil les mots « beau-père » et « belle-mère », comme ceux de « père », « mère », etc. Mais ne vous inquiétez pas : la GPA le fait pour vous !

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    M. David Douillet. Lorsqu’une femme indienne exploitée par des réseaux mafieux accouche, on lui retire tous ses droits vis-à-vis de son enfant. Forcément. On fabrique même une mère fictive qui sert de prête-nom auprès des autorités indiennes ; c’est d’ailleurs comme cela que ces dernières ont découvert ces pratiques sur leur sol.

    D’une certaine façon, madame la garde des sceaux, je vous comprends : ce n’est pas facile de prendre une décision. Il faut avoir du courage et ce n’est pas simple, surtout quand il s’agit, d’un côté, de l’avenir et du bonheur d’un enfant, par un certificat de nationalité française, et, de l’autre, de l’avenir d’une femme, même si elle est à des milliers de kilomètres. J’ai parlé de l’Inde mais j’aurais pu aussi bien évoquer l’Ukraine.

    Il faudra bien qu’au cours du débat vous ayez le courage de nous répondre à ce sujet. Je pense d’ailleurs que notre ancien collègue, M. Vallini, aurait eu ce courage, lui qui a conçu le programme du candidat Hollande pour la justice et qui espérait le siège que vous occupez aujourd’hui ; il aurait eu le courage d’affronter les vraies réalités, et il n’aurait pas commis l’erreur irresponsable d’émettre la circulaire dont vous êtes l’auteur.

    M. Bernard Roman. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est affligeant !

    M. Christian Jacob. Avouez qu’au fond vous êtes d’accord avec ce que vient de dire M. Douillet !

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3021.

    M. Gérald Darmanin. Permettez-moi de faire remarquer qu’il est très courageux – je pense notamment à notre collègue Nicolas Bays – de vilipender David Douillet quand il se trouve à quelques dizaines de mètres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. David Douillet. Je suis pacifique, rassurez-vous !

    M. Gérald Darmanin. C’est un constat, et j’avais déjà remarqué, dans mes fonctions antérieures, que l’on est souvent courageux quand on se trouve assez loin de lui ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    L’article opère un nettoyage : il balaye du lexique du code civil les mots « beau-père » et « belle-mère ». Marc Le Fur a relevé, avec l’humour et l’intelligence qui le caractérisent, que vous tuez Jules Sandeau, Labiche, Feydeau…Plus généralement, vous tuez en partie la langue française. Vous l’avez dit vous-même, madame la garde des sceaux, ce texte est une révolution, une « réforme de civilisation » ; vous pourrez donc indiquer à M. Le Bouillonnec qu’il a tort de nous répondre que ce sont des détails.

    J’ai été très choqué d’entendre tout à l’heure notre collègue dire que l’UMP était tombée dans le « piège » du texte, comme s’il ne s’agissait que d’un calcul politique ! À l’heure où le nombre de nos compatriotes chômeurs s’accroît de plus de mille par jour, où les chiffres de la délinquance augmentent, où M. Montebourg, malgré son talent, est plus le ministre du verbe que celui de la réindustralisation de la France, il y a bien en effet un côté « piégeux » dans ce que fait le Gouvernement. Je ne sais pas si c’est son inconscient qui a parlé, mais M. Le Bouillonnec, s’il m’a choqué, a au moins eu le mérite de relever que ce texte est un piège pour l’opposition. Mais l’opposition réagit à l’ordre du jour du Gouvernement, et nous nous battrons jusqu’au dernier amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3030.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’associe aux excellentes remarques de vocabulaire de notre collègue Dominique Nachury. Je souhaite par ailleurs, madame la garde des sceaux, rebondir sur vos propos au sujet des « fictions ». Je suppose qu’il y a un malentendu, car je ne peux croire que vos propos doivent être entendus dans toute leur portée. La présomption de paternité est le résultat d’un engagement légal : ce ne peut être une fiction. L’adoption est un transfert d’autorité parentale des parents biologiques vers les parents adoptifs : ce ne peut être une fiction,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si : pour la filiation !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …ou alors il n’y a pas d’adoption. L’assistance médicale à la procréation – je me réfère en particulier à la très émouvante intervention de la présidente de la commission des affaires sociales dans l’hémicycle l’autre jour – ne peut être une fiction : il y a des enfants qui naissent.

    Notre point de désaccord sur le sujet, c’est que si, par l’accompagnement juridique de ces différentes réalités, certaines situations sont incluses dans le droit alors qu’elles sont, à l’origine, d’une autre nature, elles ne sauraient toutefois être appelées des fictions. Dès lors qu’intervient l’engagement des personnes de façon pleine et entière – sur l’adoption plénière et, au-delà, les deux types d’adoption –, on ne peut parler de fiction.

    C’est pourquoi il y a au moins un malentendu de vocabulaire ; je peux vous faire ce crédit. Le malentendu, c’est quand vous dites : « Nous ne touchons pas à la présomption de paternité. »

    Mais, si les mots ont un sens, madame la garde des sceaux, la présomption de paternité pour les couples de femmes, cela va quand même être difficile à apprécier !

    Quand on se souvient de cet hémicycle il y a quelques jours, de l’énergie et de l’enthousiasme de sa majorité pour ajouter, sur la sollicitation de M. Tourret, comme un sceau nouveau – mais l’était-il vraiment ? – l’adjectif « républicain » dans la célébration des mariages, supposant que ces cérémonies n’étaient pas déjà républicaines, cela prouve bien que les mots ont un sens et un poids.

    Votre texte, madame la garde des sceaux, est effectivement une source de fictions, ne serait-ce que relativement à cette présomption de paternité pour les couples de femmes.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3072.

    M. Patrick Hetzel. Permettez-moi de revenir à mon tour sur cette question de la présomption de paternité.

    Comme vient de l’indiquer M. Poisson, nous sommes arrivés à un point crucial dans notre discussion, qui montre bien que nous avons raison de chercher des reformulations et de persister dans nos interrogations, car ce que nous entendons là est particulièrement surprenant.

    Le rôle d’un gouvernement est d’avoir un projet politique. Lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, il convient alors d’inscrire dans le droit ce projet politique. Mais il est essentiel que cette inscription juridique soit conforme à un certain nombre de règles.

    Or la situation actuelle est particulièrement surprenante, parce que nous avons l’impression que vous vous appropriez cette fameuse maxime d’André Laignel – « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires » –, en faisant complètement fi de tous les aspects juridiques, pourtant constitutifs de notre code civil.

    M. Claude Goasguen. Et le droit des personnes, surtout !

    M. Patrick Hetzel. C’est sur le fond qu’il y a un véritable problème : si nous avons du mal à nous comprendre, c’est que vous ne voyez pas que ce projet de loi pose un grand nombre de problèmes juridiques et techniques.

    Toutes ces approximations sont dangereuses et indignes d’un projet de la République.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3265.

    M. Jacques Myard. Au fur et à mesure du débat, nous ne pouvons que constater l’incohérence juridique de ce texte et les confusions qu’il crée. Je ne peux donc que me rallier à tout ce qui a été dit précédemment, car nous ne sommes pas dans la fiction mais bien dans une réalité humaine.

    Je n’avais pas compris l’annonce faite par le Premier ministre, il y a quelques jours, de l’ouverture d’une « salle de shoot », comme disent les journalistes. Mais maintenant, j’ai compris. Pour faire avaler un texte aussi incompréhensible, incongru et absurde, il faut vraiment fumer la moquette.

    M. Sébastien Pietrasanta. C’est ridicule ! Comme d’habitude.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3350.

    M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur la réponse de madame la garde des sceaux, notamment sur cette notion de fiction, qui est particulièrement intéressante : soit vous ne dites rien – et vos silences sont alors éloquents –, soit vous parlez, suscitant alors une confusion et des troubles.

    Il est grave, madame la garde des sceaux, de dire que l’AMP est une fiction : 94 % des cas d’AMP sont faits avec les gamètes des couples concernés – ce sont les chiffres pour 2011 de l’Agence de la biomédecine. Affirmer à ces 94 % de couples qui utilisent l’AMP, que cette procréation est une fiction, c’est un mensonge.

    Je vous invite donc, madame la garde des sceaux, à démentir ce propos que vous avez tenu.

    Ou alors, vous parlez des 6 % restants, qui effectivement font appel à des gamètes ou à des embryons issus d’un don. Toutefois, ici encore, il est grave de parler de fiction : la fiction dont on parle à l’article 4, n’est une fiction que dans le droit.

    Quand vous dites « père et mère » à propos d’un couple d’hommes qui deviendront parents, vous n’allez pas leur demander qu’il y ait, dans leur tête, un père et une mère – cela pourrait susciter un procès pour homophobie.

    La différence avec l’AMP avec tiers donneur, c’est que si dans les deux cas la fiction est dans le droit, elle relève également ici de la psychologie, puisqu’il faut adhérer à une démarche consistant à « faire comme si ». Vous n’allez pas demander aux couples de personnes de même sexe d’adhérer au fait d’être mari et femme : vous le demandez uniquement dans le droit. Pour l’AMP, l’adhésion est nécessaire dans la psychologie de ces personnes.

    Alors, madame la garde des sceaux, vos numéros de cinéma toutes les deux heures, ça va. Mais parlez-nous de la réalité humaine !

    M. Bernard Roman. Oh ! Un peu de respect !

    M. le président. Sur l’amendement n° 92 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3500.

    M. Daniel Fasquelle. Mme la garde des sceaux nous a parlé de fiction en droit, de présomption de paternité ou d’adoption plénière, mais elle a oublié un élément très important, rappelé l’an dernier par la Cour de cassation et qui change tout : depuis le droit romain, auquel vous avez fait référence, madame la ministre, les fictions reposent sur le principe de vraisemblance. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle, par exemple, l’adoption est limitée à partir d’un certain âge.

    Ce principe de vraisemblance est essentiel et fonde depuis toujours les fictions en droit. Ne nous dites pas que votre texte ne change rien à ce qui existe depuis toujours, puisque c’est faux : tous ceux qui vous entendent ici en ont conscience.

    En rompant le principe de vraisemblance, vous allez détourner ces fictions, et en particulier l’adoption, à des fins que nous ne partageons pas. Le rapporteur a ainsi déclaré que « les couples homosexuels font des enfants » ; or pour arriver à cet objectif que nous ne partageons pas, nous allons devoir détourner des instruments juridiques et techniques, comme la PMA et la GPA.

    Il existait une autre voie que vous n’avez pas voulu suivre. Certes, les débats se prolongent, non sans agacer M. Le Roux ; mais si nous avons ces débats ici, c’est parce que nous n’avons pas pu les avoir ailleurs, alors que notre pays méritait un grand débat national et des états généraux. Notre proposition relative à l’alliance civile méritait d’être entendue. Une autre voie était possible. Celle que vous nous proposez est extrêmement dangereuse.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3949.

    M. Yves Censi. Puisque nous sommes dans la fiction, je voudrais puiser à bonne source, en vous citant à nouveau une analyse de Sylviane Agacinski, qui répondait à Mme la ministre de la famille lorsque celle-ci s’interrogeait sur les nouvelles formes de filiation, tant hétérosexuelle qu’homosexuelle. Mme Agacinski répond la chose suivante : « Elle substitue au caractère sexué des parents leur orientation "sexuelle." ». Vous créez une confusion entre les deux.

    M. Claude Goasguen. Hélas !

    M. Yves Censi. Un homme homosexuel reste un homme, il ne devient pas une mère du fait de son orientation sexuelle.

    « Selon le modèle traditionnel, poursuit Mme Agacinski, un enfant est rattaché à un parent au moins, généralement la mère qui l’a mis au monde, et si possible à deux, père et mère. Y compris dans l’adoption, la filiation légale reproduit analogiquement le couple procréateur. […] Elle en garde la structure.

    « C’est ainsi que l’on peut comprendre l’anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss lorsqu’il écrit que "les liens biologiques sont le modèle sur lequel sont conçues les relations de parenté". Or on remarquera que ce modèle n’est ni logique ni mathématique (du type : 1+1), mais biologique et donc qualitatif (femme + homme) parce que les deux ne sont pas interchangeables. C’est la seule raison pour laquelle les parents sont deux. »

    Autrement dit, les parents sont deux parce qu’il y a une polarité. Lorsque vous employez le terme de « parents » s’agissant d’un couple de même sexe, vous vous trompez. Car si ces personnes sont bien au nombre de deux, il reste qu’il n’y a pas de polarité entre elles. Il n’y a pas de « parents » lorsqu’il n’y a pas un homme et une femme. C’est pourquoi nous nous opposons à votre projet de loi de la première à la dernière ligne.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1565.

    M. Christophe Guilloteau. Le président Le Roux nous disait tout à l’heure que certains députés travaillaient plus que d’autres. Vous savez, j’appartiens à la commission de la défense. Et pour intervenir dans le débat sur un texte comme celui-ci, le vouloir. Je le veux, parce que je suis un député comme les autres, et aussi un père de famille.

    Ce texte m’interpelle, parce que lorsqu’on y parle de GPA, de mariage pour tous, je ne m’y reconnais pas. L’élu rural que je suis ne connaît pas de telles situations dans sa circonscription ; toutefois, ce n’est pas pour cette raison que je le condamne, mais parce que votre texte ne me convient pas.

    Hier, je demandais à Mme la garde des sceaux si elle n’était pas le dernier violon du Titanic. Monsieur Le Roux, le dernier violon du Titanic suppose la présence d’un orchestre : vous êtes peut-être le chef d’orchestre. Au début j’avais l’impression que vous étiez à la tête d’un bel orchestre. Mais votre public a disparu, ainsi que vos musiciens. Aujourd’hui, votre orchestre a plus à voir avec la batterie-fanfare de mon canton.

    Mme Catherine Lemorton. Il va apprécier !

    M. Bruno Le Roux. C’est déjà terminé ? Cela valait bien la peine de venir de la commission de la défense !

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4132.

    Mme Claude Greff. Je vais défendre cet amendement à la méthode Taubira.

    M. Nicolas Bays. Sans le talent !

    Mme Claude Greff. …

    M. Sébastien Pietrasanta. C’est ridicule !

    Mme Claude Greff. …

    M. Nicolas Bays. Bravo !

    M. Christian Assaf. Quel talent !

    Mme Claude Greff. C’est tout à fait cela : voilà mon amendement défendu. Il fallait vous montrer combien le Gouvernement a peu d’intérêt pour le Parlement, et combien le Gouvernement a le souhait de nous imposer son idéologie, avec une volonté un peu trop forte, en méprisant, en négligeant le peuple,…

    M. Alexis Bachelay. C’était mieux au début de votre intervention, madame Greff !

    Mme Claude Greff. … et en tout cas ses représentants Vous cassez tout. Je ne comprends plus rien. Que voulez-vous ? Vous avez détruit et vous détruisez tout ce que notre société a construit, au nom d’un principe hypothétique d’égalité.

    Je le répète : vous ne répondez pas au principe d’égalité, vous stigmatisez, vous créez l’homophobie.

    Monsieur le président, je vais conclure la défense de mon amendement comme je l’ai commencée, à la méthode Taubira : …

    Mme Catherine Lemorton. Quel talent ! Pauvre d’elle… Elle ne sait pas ce qu’elle fait.

    M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4316.

    M. Claude Sturni. On a voulu caricaturer ce débat (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC), en refusant de répondre à nos questions, en restant sourds à nos interpellations. La majorité dans cet hémicycle s’est sans doute consolée en se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Toutefois, mesdames et messieurs de la majorité, vous constatez que ce mauvais moment dure, et plus longtemps que ce que vous auriez imaginé.

    De notre côté, nous nous disons que ces heures de débat enrichiront, sinon le texte qui sera voté par l’Assemblée nationale, du moins les débats futurs de nos collègues de la chambre haute, dans quelques temps.

    Le nouveau député que je suis va faire confiance aux sénatrices et aux sénateurs, qui vont, je n’en doute pas, travailler avec l’énergie et la sagesse qu’on leur prête habituellement.

    L’article 24 de notre Constitution attribue au Sénat la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. Je fais donc confiance à nos collègues pour obtenir les réponses que nous, députés, n’avons pas obtenues, mais que beaucoup d’autres élus attendent, ceux qui vont devoir mettre en œuvre la loi.

    Les sénatrices et les sénateurs sauront être particulièrement attentifs aux besoins de leurs électeurs : les maires, leurs adjoints, tous ces officiers d’état civil qui devront obtenir des réponses pour pouvoir faire efficacement leur travail.

    Compte tenu de la sagesse de nos collègues sénateurs, je me dis même que cette majorité de maires, 61 % selon le dernier sondage…

    M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue.

    M. Pascal Popelin. C’était déjà bien assez !

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4724.

    M. Gilles Lurton. Moi aussi j’ai beaucoup de mal à comprendre tout cela et je ne suis même pas sûr que nos collègues de la majorité aient travaillé autant que nous pour préparer tous ces amendements,…

    M. Pascal Popelin. Ce sont tous les mêmes !

    M. Gilles Lurton. …pour rédiger les termes de cet article au demeurant fort compliqué.

    Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10 de l’article 4 qui prévoit, à l’article 206 du code civil, de remplacer les mots : « leur beau-père et belle-mère » par les mots : « leurs beaux-parents ». Encore une fois, il s’agit, dans votre proposition, de rendre asexuées les obligations qui naissent du mariage vis-à-vis des ascendants, niant une nouvelle fois la réalité de notre société. Les beaux-parents remplaceront désormais le beau-père et la belle-mère à l’article 206 du code civil qui dispose : « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés. »

    Encore une fois, madame la garde des sceaux, à travers votre volonté de permettre à deux personnes de même sexe de se marier, vous avez sous-estimé les conséquences de votre décision sur l’ensemble du droit français.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5274.

    M. Guillaume Larrivé. Depuis dix jours et presque dix nuits, nos débats se tiennent dans une atmosphère assez étrange. Les députés de l’opposition développent des arguments politiques, juridiques, rationnels variés. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton. Ce sont toujours les mêmes

    M. Guillaume Larrivé. En face, les députés de la majorité s’enferment dans le mutisme, comme s’ils étaient muselés ou aphones. Ils s’expriment néanmoins de manière assez…

    M. Pascal Popelin. Atterrée !

    M. Guillaume Larrivé. …créative sur les réseaux sociaux. Je citerai à cet égard un message de notre collègue Yann Galut, qui nous interpellait ainsi il y a quelques heures : « Adresse à l’UMP et à ses députés : cela fait dix jours et dix nuits que l’on débat (…), ne pensez-vous pas qu’il faut arrêter ? »

    M. Yves Censi. Et voilà !

    M. Guillaume Larrivé. Eh bien, mes chers collègues, je pense en effet qu’il faut arrêter. Il faut que le Gouvernement retire ce projet inutile (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce projet de division. Il faut que le Gouvernement travaille sur un projet consensuel, avec nous, sur l’alliance civile. Je pense surtout, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, que la priorité de votre action, celle que les Français attendent sur le terrain, ce serait plutôt une politique pénale efficace, de nature à réduire la délinquance.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai du mal, chers collègues de l’opposition, à comprendre votre cohérence. Voilà deux jours que vous nous expliquez, à propos de l’article 4, qu’en utilisant la méthode de l’article balai, nous manquons de courage…

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …en ne remplaçant pas les mots « père » et « mère » par le mot « parents ». Aujourd’hui, vous vous offusquez parce que nous remplaçons les mots « beau-père » et « belle-mère » par le mot « beaux-parents ». Je ne comprends pas la logique.

    Mme Claude Greff. On aime les belles-mères, c’est tout !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je rappelle que l’article 206 du code civil encadre l’obligation alimentaire vis-à-vis de ces beaux-pères et belles-mères. C’est dans cet article que se trouve la seule mention, dans le code civil, de ces deux mots : « beau-père » et « belle-mère ». Nous les remplaçons donc, en cohérence, d’ailleurs, avec le texte initial du Gouvernement, par le mot « beaux-parents ».

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne disons pas que ce n’est pas cohérent !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Voilà bientôt une heure que nous discutons du remplacement de ces mots qui apparaissent à ce seul endroit dans le code civil.

    Pour vous rassurer,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr…

    M. Erwann Binet, rapporteur. …en reprenant les propos mesurés que vous avez employés pour contester cette modification sémantique, je vous dirai qu’il ne s’agit pas d’un hold-up de mots. Nous n’allons pas abîmer le pacte républicain, ce n’est pas un mensonge d’État et la patrie n’est pas en danger. Avis défavorable.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à madame la rapporteure pour avis.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour donner l’avis de la commission des affaires sociales, saisie pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Nous parlons famille depuis maintenant près de cent heures. Vous nous avez reproché l’installation, ce matin, du Haut conseil de la famille. Vous devriez plutôt vous en réjouir puisque ce Haut conseil, qui existe d’ailleurs depuis 2009, a réalisé de nombreux travaux, très intéressants, et dont chacun a pu s’enrichir. Le Premier ministre en a rappelé la mission : conduire une réflexion d’ensemble sur la politique familiale.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi en avez-vous modifié la composition ?

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous pourrions tous être heureux qu’il en soit ainsi et que M. Fragonard, président délégué depuis 2009, en soit aujourd’hui le président à part entière. Nous devrions donc plutôt nous en réjouir.

    Mme Claude Greff. Justement pas !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a parfois des erreurs de casting !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ensuite, je ne vois pas pourquoi vous reprocheriez à la majorité de reprendre des citations des uns et des autres alors que, de votre côté, vous ne vous en privez pas.

    À mon tour de vous livrer une citation, extraite d’un livre dont certains reconnaîtront le titre, L’âme du conquérant : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de valorisant. Pour l’équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. C’est un homme de gauche qui a écrit cela !

    Mme Sandrine Mazetier. Mais non, c’est David Douillet !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reviendrai sur l’idée de fiction. Vous savez parfaitement, monsieur Poisson, que je parle de fiction juridique. Vous le savez si bien que M. Breton affirme lui-même que cette fiction existe mais qu’elle suppose l’adhésion psychologique, que M. Fasquelle affirme lui aussi que cette fiction existe mais qu’elle repose sur une vraisemblance du droit. Nous savons donc bien de quoi nous parlons.

    La fiction juridique, c’est un concept établi par le grand juriste Jhering, qui explique très clairement qu’il s’agit d’un « mensonge technique consacré par la nécessité ». Lorsque je parle de fiction, je parle bien de fiction juridique et non pas de fiction de la réalité des familles et des personnes.

    N’inversons pas les rôles ! Depuis des jours et des nuits vous ignorez, vous rayez d’un trait de plume l’existence des familles monoparentales,…

    M. Hervé Mariton. Mais pas du tout !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour vous en tenir à la famille avec le père et la mère.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas dire cela, madame la garde des sceaux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous niez une réalité sociologique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui a inspiré des progrès dans notre droit. Lorsque le législateur, en 1972, met un terme à la distinction – donc à une discrimination – entre les enfants légitimes et les enfants naturels, il fonde lui-même sa décision sur ce qu’il appelle la vérité sociologique. Cette vérité sociologique, elle est complexe, diverse, il nous faut en convenir.

    Seulement, vous ne voulez pour votre part convenir que de l’existence de la famille avec le père, la mère et le ou les enfants.

    M. Hervé Mariton. Mais non !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a donc des fictions juridiques dans notre droit. Quand je dis que nous avons maintenu la présomption de paternité, vous savez parfaitement qu’il y avait une demande de présomption de parenté, vous savez que des amendements ont été présentés et que le Gouvernement les a repoussés : nous décidons de maintenir la présomption de paternité et, pour les couples de même sexe, nous refusons d’introduire une présomption de parenté. Pourquoi ? Parce que la présomption de paternité est fondée sur un postulat juridique qui repose, lui, sur une réalité biologique. Et c’est cette réalité biologique qui permet de contester. Dans un couple de même sexe, il n’y a pas la base qui permettrait de contester. Sur ce fondement, le Gouvernement a rejeté les amendements en question.

    M. Yves Censi. C’est paradoxal !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, ce n’est pas paradoxal, c’est parfaitement cohérent. De toute façon vous utilisez les mots pour dire exactement le contraire de ce qu’ils signifient. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais oui, vous êtes quelques-uns à le faire, et cela depuis des jours.

    Alors cessez d’inverser la réalité. La réalité, c’est que certains d’entre vous tiennent des propos d’une grande violence. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je veux bien que le fait de citer des mots inscrits dans un livre signé vous paraisse violent, mais je n’invente rien. Par contre, quand la même personne nous accuse de saccager la vie d’enfants pour des raisons électoralistes,…

    M. Christian Jacob. Tenez compte du contexte !

    M. Yves Nicolin. Souvenez-vous de ce que vous avez écrit en Guyane dans votre jeunesse !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …c’est une violence vis-à-vis du Gouvernement, vis-à-vis de ma personne, ce qui est absolument sans importance, mais c’est surtout une violence vis-à-vis des enfants. C’est une violence vis-à-vis des enfants que de supposer que leurs vies sont saccagées. Qu’est-ce qui vous permet de supposer cela ? Cessons d’inverser les choses. L’usage par certains d’entre vous de certains mots est, depuis plusieurs jours, depuis plusieurs nuits, absolument regrettable. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Il y a de votre part une négation de la réalité de certaines familles, de la construction de liens familiaux, de l’amour qui existe dans ces familles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), une négation de cette vérité sociologique qui est la diversité des familles,…

    M. Philippe Gosselin. Nous n’avons pas nié cette diversité, enfin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …une mise en cause de la façon dont certains enfants ont grandi – la présidente de la commission des affaires sociales vous l’a rappelé il y a plusieurs nuits de cela.

    Donc, encore une fois, arrêtez d’inverser les choses. Je vous réponds en droit, je vous réponds sur la façon dont, justement, le droit a apporté des réponses construites à des réalités humaines diverses. Que cela ne vous convienne pas, je veux bien l’admettre, cela ne pose aucun problème. Cela fait des jours et des nuits que vous dites qu’on ne vous répond pas. Plus on vous répond, plus vous affirmez qu’on ne vous répond pas, et vous pensez arriver à transformer ces affirmations en vérité. Cet exercice peut se poursuivre.

    L’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Thierry Solère.

    M. Thierry Solère. Madame la garde des sceaux, vous ne nous répondez jamais en droit, Claude Goasguen vous l’a dit très précisément. C’est cela, notre problème. Vous passez votre temps à citer un livre qui date de vingt ans, avec des propos de notre collègue Douillet cueillis à la sortie des vestiaires.

    Pour ma part, plutôt que de vous servir des citations hasardeuses, je reprendrai les propos de l’un de nos collègues : « Je ne remets pas en cause la logique de groupe, de travail collectif et de soutien à une majorité pour mettre en œuvre son programme ; mais, et je l’ai toujours exprimé, y compris au président de mon groupe, certains sujets revêtent une dimension anthropologique qui dépasse les rapports de force politiques. Le projet de loi sur le mariage pour tous, quand il traite de filiation, en fait partie, comme celui à venir sur la fin de vie. Sur ces sujets, je revendique la liberté pour chaque député de s’exprimer librement et de se prononcer en conscience au nom de son intime conviction, qu’elle ait ou non une inspiration religieuse, ce qui est mon cas. Il n’existe pas de mandat impératif. »

    Mes chers collègues, ces propos sont de notre collègue Bernadette Laclais, députée socialiste de la quatrième circonscription de Savoie.

    M. Bernard Roman. Cette citation a déjà été produite hier, il fallait venir en séance, mon cher collègue !

    M. Thierry Solère. Monsieur le président Le Roux, le président Jacob vous rappelait tout à l’heure que nous assumions, nous, notre diversité : M. Riester s’est exprimé, Mme Kosciusko-Morizet veut s’abstenir sur ce texte. Levez donc l’interdiction faite à chaque parlementaire de votre groupe de voter en conscience sur ce texte important.

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    M. Jean-Frédéric Poisson. La liberté avant tout !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

    M. Jean-Louis Touraine. Nous entendons régulièrement une demande de référendum et je rappelle pour l’ixième fois que la Constitution ne le permet pas pour les questions sociétales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à la différence des questions sociales. L’exégèse en a très bien été faite par Jacques Toubon qui explique que c’est le seul moyen de garantir que le référendum ne soit pas utilisé à des fins populistes,…

    M. Claude Goasguen. Il a dit le contraire !

    M. Jean-Louis Touraine. …ce que personne ici, bien sûr, ne souhaiterait.

    Ensuite, si j’ai une infinie tolérance pour des points de vue différents, je regrette d’avoir entendu sur les bancs de l’opposition des propos beaucoup moins tolérants. Intolérance, bien sûr, vis-à-vis des personnes à orientation sexuelle différente,…

    M. Yves Censi. Ça ne va pas, non ?

    M. Jean-Louis Touraine. …qui seraient privées du droit au mariage et n’auraient droit qu’à un sous-mariage. Intolérance vis-à-vis des enfants qui, vivant dans des familles de type un peu différent, n’auraient droit ni à la reconnaissance ni à l’épanouissement,…

    M. Yves Censi. C’est du crétinisme !

    M. Jean-Louis Touraine. …alors que, quand on examine des études rigoureuses – et non pas le scientisme que j’ai entendu depuis malheureusement plusieurs jours –, toutes concluent qu’il n’y a aucun inconvénient, ni sur le plan intellectuel, ni sur le plan affectif, ni non plus concernant l’orientation.

    M. Yves Censi. Ce n’est pas gagné, hein !

    M. Jean-Louis Touraine. C’est ce qu’ont démontré l’association – conservatrice – des pédiatres américains, mais aussi des travaux de M. Golombock au Royaume Uni, de M. Brewaeys et Penning en Belgique,…

    M. Philippe Cochet. Des études démontrent le contraire !

    M. Jean-Louis Touraine. …de Gartrell et Chan aux États-Unis et de bien d’autres études menées ailleurs, dans tous les pays qui ont déjà légiféré de façon positive en ce sens.

    J’ai aussi entendu des propos intolérants vis-à-vis de nos voisins britanniques. Cette anglophobie est choquante. Travaillistes et conservateurs se sont réunis pour voter un texte comme nous pourrions le faire ici. On entend dire que les Britanniques, en général, seraient des gens guidés par le seul utilitarisme. Je suis navré de rappeler à mes collègues que les Britanniques ont plus d’ancienneté que nous en matière bioéthique,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. En effet, ils ont voté la GPA !

    M. Jean-Louis Touraine. …que sur ces sujets, ils ont pris des décisions qui sont tout sauf utilitaristes et que, pour ne citer qu’un exemple, dans le domaine de la transplantation, là où, en France, à des fins utilitaires que j’accepte très volontiers, on demande un consentement présumé du donneur, les Britanniques, pour préserver encore plus l’intérêt des familles, demandent une autorisation explicite.

    Ne disons pas que les Britanniques sont utilitaristes : ils sont, sur le plan des libertés, très en avance sur nous…

    M. Philippe Gosselin. Ils sont très en retard, du point de vue de l’éthique.

    M. Jean-Louis Touraine. …et nous serions heureux d’avoir ici le même niveau de tolérance que de l’autre côté de la Manche.

    M. Claude Goasguen. On aura tout vu ! Des socialistes français qui votent David Cameron !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 92 et ceux qui lui sont identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 172

    Nombre de suffrages exprimés 171

    Majorité absolue 86

    Pour l’adoption 63

    Contre 108

    (L’amendement n° 92 et ceux qui lui sont identiques ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. Avant de nous séparer pour une pause qui sera la bienvenue, je donne la parole à M. Mariton pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Je crois que ce débat exacerbe les difficultés que nous avons parfois à dialoguer au sein de cette assemblée, tout en stimulant le talent de certains d’entre nous.

    Madame la garde des sceaux, vous avez assurément beaucoup de talent dramatique, mais il y a tout de même, en général, un problème de logique dans ce que vous nous exposez. Il y a en tout cas un vrai problème de démocratie, si vous partez du postulat que nos mots expriment le contraire de ce que nous pensons, ou que ce que nous pensons est le contraire de nos mots.

    Cette manière de disqualifier ceux qui peuvent penser différemment de vous – nous sommes dans l’opposition – rend en réalité impossible tout dialogue et toute discussion. Il ne peut pas y avoir de discussion parlementaire, si vous partez du présupposé que nos mots n’ont pas de sens. Vous qui aimez bien manier les mots, acceptez que lorsque nous utilisons un mot, il a son sens. Les discussions que nous avons eues tout l’après-midi ont été l’occasion de vous rappeler à la réalité de notre langue.

    Madame la garde des sceaux, la PMA n’est pas une fiction, elle n’est pas même une fiction juridique, pour les 94 % de parents qui pratiquent la PMA sur leur propre patrimoine génétique : acceptez cela. Vous essayez de vous raccrocher à l’idée de fiction juridique, mais ce n’est pas plus une fiction technique, qu’une fiction humaine ou juridique. C’est la réalité de la transmission du patrimoine génétique de deux parents, qui ne peuvent d’aucune manière entendre le terme de « fiction ». Je pense qu’à l’égard de ces parents, par décence et parce qu’ils sont souvent dans des situations difficiles, il serait bien, soit que vous vous excusiez, soit que vous assumiez…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une manie !

    M. Hervé Mariton. Sans doute l’excuse est-elle fondamentalement contraire à votre caractère, mais il y a là une réalité humaine et une réalité scientifique qu’on ne peut pas nier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

  • 2e séance du jeudi 7 février 2013

    15 janvier 2018

    Présidence de Catherine Vautrin

    vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 39 à l’article 4 et aux amendements identiques.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 94.

    M. Marc Le Fur. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, mes chers collègues, je tiens à livrer à l’ensemble des personnes présentes cet élément d’information : les chiffres d’audience de nos débats sur LCP indiquent qu’ils sont très suivis puisque l’on évoque, ce qui est à l’honneur de l’Assemblée, 2,6 millions de téléspectateurs. Or parmi ces derniers, certains nous ont fait part de leurs réactions, et je voudrais à cet égard revenir sur des propos tenus par la garde des sceaux concernant la présomption de paternité. Celle-ci a en effet déclaré qu’il s’agissait d’une fiction. J’en avais été surpris et un certain nombre de personnes m’ont dit avoir été choquées.

    Cette présomption de paternité n’est pas une fiction. C’est la condition de la stabilité des familles, à savoir que le père, dans un mariage, n’a pas à prouver sa paternité. Et si elle peut être contestée, ce n’est toujours que pour des raisons très spécifiques. C’est également important pour les enfants. Dans notre société, bon nombre d’enfants ne connaissent pas leur père. Beaucoup d’entre vous certainement partagent cette expérience de recevoir dans leur permanence des pères désarmés, qui se sentent inutiles. Ils ont un besoin d’enfant qu’ils ne peuvent satisfaire car, en froid avec leur compagne, ils ont perdu tout contact avec leurs enfants.

    Le propre de la famille est d’assurer les conditions de la stabilité fondée sur la présomption de paternité, qui est une évidence et non pas une fiction. Je tenais à le rappeler après avoir pris connaissance des émouvants témoignages qui me sont parvenus durant notre pause.

    Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 327.

    Mme Dominique Nachury. Mesdames les ministres, mes chers collègues, l’alinéa 11 de l’article 4 propose de modifier l’article 601 du code civil, qui porte disposition sur l’usufruit. Il dispose : « les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Il faudrait dorénavant lire « parents » au lieu de « père et mère ».

    Mais le début de l’article 601 demeure : « Il donne caution de jouir en bon père de famille ». Faudra-t-il aussi un jour revenir sur cette notion de bon père de famille, retenue dans le langage commun et qui pourrait heurter certains ou certaines ? Avouez que supprimer « père » et laisser « bon père de famille » est assez cocasse.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 402.

    M. Yves Albarello. Madame la garde des sceaux, après le mari et la femme, après le beau-père et la belle-mère, il s’agit maintenant de rendre asexuées les obligations de l’usufruitier.

    C’est la raison pour laquelle il faut conserver la notion de père et mère que vous voulez supprimer et c’est pourquoi nous souhaitons que cet alinéa 11 soit supprimé.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 423.

    M. Hervé Mariton. Je relis l’article 601 du code civil que mes collègues ont évoqué : « Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ». Cette partie de l’article restant sans changement, la notion de bon père de famille survit donc à votre révolution, madame la garde des sceaux.

    Je poursuis ma lecture : « cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Ici, « les mots père et mère » sont remplacés par « parents ». Nous sommes là dans le cadre de l’une des occurrences que le Gouvernement n’a pu éviter.

    Chacun comprend que l’objectif du Gouvernement dans cet article 4 a été d’effacer une critique politique majeure. Vous avez donc inventé l’amendement-balai, mais sans l’appliquer à un certain nombre d’articles, pour lesquels vous avez souhaité une rédaction explicite. Elle est probablement plus sûre juridiquement, mais n’enlève rien à l’erreur politique et sociale qui consiste à remplacer « père et mère » par « parents ».

    Par ailleurs, je n’ai toujours pas obtenu du Gouvernement d’autres exemples d’utilisation de l’amendement-balai sur des textes importants. Il serait bon, si l’on veut que les mots aient un sens, que le Gouvernement ait l’obligeance de nous dire s’il existe des exemples d’amendements-balai sur des réformes aussi importantes que celle qui nous réunit.

    M. Yann Galut. Je demande la parole, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut.

    M. Yann Galut. Madame la présidente, j’ai été interpellé tout à l’heure par mon excellent collègue Guillaume Larrivé. Je souhaite donc, sur le fondement de l’article 58, alinéa 4, de notre règlement, avoir la parole en fin de séance pour un fait personnel.

    Mme la présidente. J’en prends bonne note, mon cher collègue.

    La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 476.

    M. François de Mazières. Madame la garde des sceaux, vous avez répondu tout à l’heure à nos interrogations en parlant de la fiction de la PMA et de la présomption de paternité. Si pour notre part nous nous battons pour les mots de père et mère, c’est parce que nous croyons que ce ne sont pas des fictions.

    Selon vous, nous nierions la diversité. Nous avons, nous, le sentiment que de votre côté, vous niez l’importance de la famille constituée d’un père et d’une mère, telle que nous la connaissons depuis des millénaires. C’est cette négation de la famille qui nous pose problème.

    Nous ne nions pas aujourd’hui la complexité de la situation, et c’est pour cela que nous avons proposé l’alliance civile. Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible de travailler dans cette direction et maintenir ce qui fait le socle de la famille telle qu’elle a toujours existé et à laquelle les Français sont très attachés, tout en essayant de réfléchir sur les cas difficiles qu’il faut savoir prendre en considération.

    Mme la présidente. Monsieur Jacob, j’aurais dû vous donner la parole avant M. de Mazières pour soutenir l’amendement n° 438. Je vous prie de m’en excuser. Vous avez la parole

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, j’ai volontiers laissé mon collègue François de Mazières intervenir brillamment avant moi.

    L’article 601 du code civil, qui fait référence à la gestion en bon père de famille, notion souvent utilisée en droit, porte sur les obligations de l’usufruitier. J’ai eu l’occasion de soulever le problème lors de la défense d’amendements précédents, mais le rapporteur ne nous a toujours pas répondu : pourquoi l’impasse a-t-elle été faite sur certains articles ? Pourquoi avez-vous laissé avec l’amendement-balai les références sexuées dans certains articles et pas dans d’autres ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je m’en suis déjà expliqué !

    M. Christian Jacob. Non, vous ne nous avez rien expliqué.

    M. Bernard Roman. Mais si, il a déjà répondu !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je recommencerai.

    M. Christian Jacob. Vous avez remplacé la notion de père et mère par le terme de parents en conservant la référence au bon père de famille. Si cette expression ne nous choque pas, ce qui nous choque, c’est l’incohérence de ce texte puisque certains articles du code civil font l’objet de modification tandis que d’autres restent en l’état. Pourquoi cette absence de cohérence ? Est-ce parce que le Conseil d’État n’a pas été saisi de l’article-balai, sachant que concernant les autres articles, vous n’avez vraisemblablement pas tenu compte de son avis – nous ne pouvons le vérifier faute d’avoir l’intégralité du décret du Conseil d’État .

    Cette remarque me donne d’ailleurs l’occasion de vous demander à nouveau d’intervenir auprès du Premier ministre pour qu’il rende public l’avis du Conseil d’État.

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 535.

    M. Patrick Ollier. Nous sommes toujours dans l’incohérence ou la confusion, appelez cela comme vous le voulez, madame la garde des sceaux.

    On peut très bien comprendre ce que vous avez souhaité faire, mais le problème, ce sont les aberrations juridiques sur lesquelles cela débouche. Nous sommes toujours dans la logique, que je dénonce depuis le début de ce débat, qui consiste à instaurer l’égalité par l’effacement de la différence des sexes.

    Vous supprimez les termes de père et mère à l’article 601 du code civil sans toucher à l’expression « bon père de famille ». Si un couple de jeunes femmes mariées, dès lors que cette loi serait votée, souhaite acheter un appartement, l’acte notarié fera état de la gestion « en bon père de famille », selon l’expression régulièrement utilisée chez les notaires. Comment allez-vous alors expliquer à ce couple de jeunes femmes qu’elle doit gérer l’appartement en bons pères de famille ? Il y a là une contradiction sémantique. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

    Mme la présidente. Seul M. Ollier a la parole.

    M. Patrick Ollier. Merci de l’autorité avec laquelle vous présidez, madame la présidente.

    Madame la garde des sceaux, comment, je le répète, allez-vous alors expliquer aux couples de jeunes femmes qu’elles doivent gérer leur appartement, ou tout autre bien qu’elles auraient acheté, en bons pères de famille ? Je souhaiterais obtenir une réponse sur ce point de sémantiques.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Jacob a déjà répondu à votre question, monsieur Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je n’écoute que vous, madame la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est nouveau !

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 623.

    M. Philippe Gosselin. L’actualité me permet de revenir sur l’article 310 du code civil puisque le journal La Croix publiera demain matin une très intéressante tribune de deux magistrats qui lancent un pavé dans la mare.

    M. Alain Tourret. Un journal de curés !

    M. Philippe Gosselin. Cela a beau être un journal de curés, lorsqu’une tribune est rédigée par des magistrats, j’y prête attention, surtout quand ces magistrats soulignent des risques sérieux d’inconstitutionnalité. Nous avons déjà cité Têtu, L’Humanité, Le Monde, Le Figaro, Marianne je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas citer La Croix. Je crois que nous avons même cité les Annales socialistes de 2004, c’est dire que notre largesse d’esprit est incommensurable.

    Je reviens à cette tribune de deux magistrats, M. Laurent Bayon et Mme Marie-Christine Le Boursicot, qui soulèvent des risques d’inconstitutionnalité qui pourraient entraîner un effondrement du texte souhaité par le Gouvernement.

    On peut nous reprocher, bien que je défende une vision contraire, de défendre un point de vue politique, mais ces magistrats expriment un point de vue juridique, celui que j’ai essayé de mettre en avant à plusieurs reprises depuis mercredi par touches successives.

    Mme la présidente. Votre temps d parole est épuisé, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je continuerai donc à m’expliquer par touches successives. (Sourires.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n° 1153.

    M. Alain Moyne-Bressand. L’article 301 du code civil donne caution de jouir en bon père de famille. Que signifie cette expression ? J’aimerais, mes chers collègues, que vous ayez davantage de bon sens, surtout de bon sens paysan.

    Le droit de la famille est déjà très compliqué, et nous allons le compliquer davantage. Avez-vous demandé l’avis du Conseil supérieur du notariat, qui était à même de vous donner les informations nécessaires ? À tous les niveaux, les élus et les juristes auront beaucoup de mal à clarifier certains points de cet article déjà extrêmement complexe. Je souhaite donc que le Conseil supérieur du notariat soit interrogé sur ce sujet.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1051.

    M. Philippe Cochet. Cet amendement tendant à supprimer l’alinéa 11 de l’article 4 semble tout à fait adéquat. Une fois de plus, on peut remarquer, madame la garde des sceaux, que vous avez mis à mal, avec ce texte, les agents d’état civil et les maires. Vous êtes maintenant en train de mettre à mal les notaires. Vous voulez vraiment mettre à mal notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Luc Drapeau. Qui êtes-vous pour parler à la place des maires ?

    M. Philippe Cochet. C’est un vrai souci ! Comment pouvez-vous élaborer un texte comportant autant de lacunes, et refuser à chaque fois de répondre à l’opposition qui vous pose des questions toutes simples, de bon sens ?

    L’un de nos collègues évoquait tout à l’heure la fatigue d’un certain nombre de vos conseillers. Vu l’impréparation de votre texte, il serait judicieux de le retirer, comme le demandent d’ailleurs 61 % des maires de France, ce qui n’est quand même pas rien !

    Mme Brigitte Bourguignon. Et les citoyens, ils en pensent quoi ?

    M. Philippe Cochet. Les différents orateurs qui se sont succédé ont expliqué en détail les lacunes que comporte ce texte. Si je puis me permettre, madame la garde des sceaux, je vous suggère de faire preuve de bon sens et d’arrêter de mettre notre pays à feu et à sang ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. Jean-Luc Drapeau. Pyromane !

    M. Bernard Roman. Ambulance !

    M. Jacques Myard. Corbillard !

    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1567.

    M. Christophe Guilloteau. C’est très curieux : on a l’impression qu’il y a, dans cet hémicycle, le côté gauche qui sait et le côté droit qui devrait se taire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    Mme Brigitte Bourguignon. Exactement !

    M. Philippe Gosselin. Ils le reconnaissent, madame la présidente !

    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Guilloteau. (Mêmes mouvements.)

    Mes chers collègues, seul M. Guilloteau a la parole. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Gosselin. Le discours de la gauche, c’est : « Taisez-vous, la droite ! »

    Mme la présidente. Monsieur Guilloteau, merci de bien vouloir poursuivre. (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Gosselin. On ne lâchera rien !

    M. Christophe Guilloteau. Ces comportements le montrent bien : depuis que nous examinons ce texte, il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

    M. Claude Sturni. Les sachants !

    M. Christophe Guilloteau. En effet : les sachants.

    Mme Jacqueline Fraysse. Il n’y a que vous qui parlez !

    M. Christophe Guilloteau. Je ne suis pas sûr que le million de personnes descendues dans la rue il y a quelques jours, et qui manifesteront de nouveau le 24 mars, partagent votre avis.

    M. Jean-Yves Caullet. Et ceux qui sont favorables au projet de loi, vous n’en parlez pas ?

    M. Christophe Guilloteau. Il y a ici des hommes et des femmes élus par le peuple, qui sont là pour défendre leurs opinions !

    M. Bernard Deflesselles. Madame la présidente, faites respecter l’ordre !

    Mme la présidente. Tout va bien, monsieur Deflesselles.

    M. Christophe Guilloteau. Chers collègues, je souhaite retrouver un peu de sérénité dans les débats car, parfois, on tombe au fond du gouffre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1490.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore avec l’occurrence en question un exemple de la fiction que nous évoquions avant la levée de la séance de cet après-midi, madame la garde des sceaux. Mes collègues ont parfaitement montré pourquoi le maintien dans les textes de la notion de bon père de famille relevait effectivement – en tout cas, de mon point de vue – de cette fiction.

    Si vous me le permettez, madame la garde des sceaux, j’aimerais poursuivre notre échange sur ce sujet. La notion de fiction n’est acceptable dans le droit qu’en raison de sa vraisemblance.

    À la réflexion, on peut admettre – ce qui n’est pas ma position – cette vraisemblance dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation à l’intérieur du couple.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai déjà dit : avec tiers donneur. Vous relirez le compte rendu au Journal officiel, monsieur Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je me réfère par exemple à l’ouvrage de Michel Tort, Le désir froid, dans lequel l’auteur compare ces techniques de procréation au regard de la notion de vraisemblance.

    On ne peut maintenir dans le droit une connexion avec la réalité que lorsque la vraisemblance est maintenue. Si l’on accepte cette hypothèse de départ, l’assistance médicale à la procréation, l’adoption voire la présomption de paternité – je le concède dans le cadre de mon argumentation, mais pas au-delà – ne sont acceptables que parce qu’elles sont vraisemblables. Dans notre amendement, nous contestons précisément le manque total de vraisemblance entre la situation décrite dans le texte et la « réalité réelle », si je puis m’exprimer ainsi.

    Ainsi mon amendement est-il défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2234.

    M. Pierre Lequiller. Depuis le début de ce débat…

    M. Thomas Thévenoud. Vous n’étiez pas là ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe !

    M. Yann Galut. Vous savez de quoi vous parlez, monsieur Myard !

    M. Bernard Roman. C’est assez juste !

    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Lequiller.

    M. Pierre Lequiller. Depuis le début de ce débat,…

    M. Jean-Yves Caullet. Vous n’étiez pas là !

    M. Pierre Lequiller. …vous nous dites : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Cette phrase est la plus antidémocratique qui ait jamais été prononcée.

    Je souligne moi aussi les aberrations juridiques, l’incohérence et la confusion contenues dans ce texte. Effectivement, l’expression « bon père de famille » ne peut pas s’appliquer à un couple de femmes – et je ne parle pas des risques sérieux d’inconstitutionnalité que cela comporte.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Conseil constitutionnel se prononcera !

    M. Pierre Lequiller. Enfin, je souhaite que vous consultiez le Conseil supérieur du notariat, car ce texte pose des problèmes sur le fond comme sur la forme.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3267. (« Ah ! » sur divers bancs.)

    M. Bernard Roman. Détachez-le !

    M. Yann Galut. Virez-le !

    M. Bernard Roman. Libérez M. Myard !

    Mme la présidente. Seul M. Myard a la parole.

    M. Jacques Myard. Aujourd’hui, en tripotant le code civil comme vous le faites, madame la garde des sceaux,…

    M. Bernard Roman. Oh ! Un peu de respect !

    M. Jacques Myard. …vous êtes tombée dans le ridicule de Labiche. Il faut respecter les concepts. De la même manière que l’on parle « d’une » sage-femme et non « d’un » sage-femme alors qu’il existe des hommes sages-femmes, il y a un bon père de famille. Le bon père de famille est né de vingt siècles de pratique, et même davantage.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il n’a rien compris !

    M. Jacques Myard. Aujourd’hui, en voulant supprimer ce genre de concept, vous êtes profondément ridicules. Je dis bien : vous êtes ridicules. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Votre problème, c’est que vous êtes prisonniers de votre vocabulaire idéologique.

    M. Yann Galut. Réactionnaire !

    M. Jacques Myard. Écoutez-moi, camarade ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Écoutez-moi, monsieur Galut : en matière d’âneries, vous avez le premier prix ! (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente. Monsieur Myard, s’il vous plaît.

    M. Jacques Myard. Je vous le dis très franchement, mes chers collègues : il y a un moment où il faut savoir en finir…

    M. Yann Galut. C’est toujours le même discours !

    Mme la présidente. Monsieur Galut, écoutez M. Myard.

    M. Jacques Myard. …avec ce type d’âneries comme l’article-balai, et revenir à un peu plus de sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3353.

    M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur les propos de Mme la garde des sceaux qui a assimilé l’assistance médicale à la procréation à une fiction.

    M. Bernard Roman. C’est vous qui dites cela !

    M. Xavier Breton. Non, ce n’est pas moi qui ai dit que l’assistance médicale à la procréation était une fiction : c’est Mme la garde des sceaux. monsieur Roman, suivez nos débats !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais du cas d’un tiers donneur ! Je peux y revenir.

    M. Xavier Breton. Dans cette fiction, il y a la question de la vraisemblance.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

    M. Xavier Breton. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Frédéric Poisson,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est un peu plus cohérent, lui !

    M. Xavier Breton. …la vraisemblance consiste à rendre une réalité crédible, à faire comme si cette chose pouvait exister. Or nous sommes là dans l’invraisemblance : deux hommes ne peuvent pas avoir d’enfant, et deux femmes ne peuvent pas avoir d’enfant. Il s’agit peut-être d’un point de divergence entre nous : dans ce cas, il faut que nous nous en expliquions. En tout cas, on ne peut pas créer une fiction sur ce sujet, n’en déplaise à M. Roman.

    Par ailleurs, affirmer que l’assistance médicale à la procréation est une fiction est une injure faite aux femmes qui ont des enfants avec un lien de filiation, puisqu’elles ont accouché de ces enfants.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Arrêtez !

    M. Xavier Breton. Certes, ces derniers ont été conçus soit avec les propres gamètes du couple, soit avec les gamètes d’un tiers donneur femme ou homme, mais ils sont bien leurs enfants. Ce n’est pas une fiction, c’est la réalité des choses.

    Madame la garde des sceaux, au-delà de vos envolées auxquelles nous avons droit toutes les deux heures,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle mauvaise foi insupportable !

    M. Xavier Breton. …je voudrais que vous nous expliquiez votre vision de l’assistance médicale à la procréation. À défaut, Mme la ministre déléguée chargée de la famille pourra nous donner ces explications, puisque ce sujet relève plutôt de son domaine de compétences, et que l’on ne parle pas seulement de principes de droit mais aussi de réalités humaines. Quelle est votre vision de l’assistance médicale à la procréation ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mme Bertinotti pourra vous répondre, mais cela ne servira à rien !

    Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4137.

    Mme Claude Greff. Qui trop embrasse mal étreint. À trop demander, madame la garde des sceaux, vous finirez peut-être par ne rien obtenir.

    Je suis assez surprise par le comportement de mes collègues socialistes. Tout à l’heure, l’un d’eux a décrié le journal La Croix en le qualifiant de « journal de curés ». (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Marie Beffara, M. Erwann Binet, rapporteur et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est vous qui avez dit cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je crois que l’expression venait plutôt de la partie droite de cet hémicycle…

    Mme Claude Greff. Non : c’est un collègue socialiste qui a dit cela. Il est là, assis devant moi, mais je ne connais pas son nom.

    M. Philippe Gosselin. Il risque de rester dans l’ombre encore longtemps !

    Mme Claude Greff. Dois-je vous rappeler, monsieur le député, que Mme la garde des sceaux vient d’accorder un bel entretien à ce journal que vous avez qualifié de « journal de curés » ? Je trouve d’ailleurs assez curieux, madame la garde des sceaux, que le journal La Croix ait pris connaissance de larges extraits de l’avis rendu par le Conseil d’État alors qu’au Parlement, le président du groupe UMP et l’ensemble de mes collègues vous réclament cet avis !

    Ce qui me surprend avec votre volonté de rendre asexués les hommes et les femmes, c’est que vous vous évertuez à supprimer l’égalité – en faveur de laquelle je me suis toujours battue – entre l’homme et la femme en supprimant une fois de plus les mots de « père » et « mère. Je ne comprends pas l’objectif de votre projet de loi, si ce n’est de réduire la société à une « non-identité ».

    Comme je l’ai dit tout à l’heure, la gauche a l’habitude de vouloir transformer la société, mais elle n’en mesure jamais les conséquences. Il en est ainsi, par exemple, des 35 heures,…

    M. Yann Galut. Il y avait longtemps !

    M. Alexis Bachelay. Il ne manquait plus que cela dans le débat !

    Mme Claude Greff. …qui étaient soi-disant une belle loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) : on en voit aujourd’hui les conséquences, comme pour toutes les lois que vous avez malheureusement pu mettre en place en France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Relier les 35 heures au mariage pour tous, c’est quand même très fort !

    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4320.

    M. Claude Sturni. Nous avons noté, grâce à la remarquable intervention de mon collègue Christophe Guilloteau, qu’il y avait dans cet hémicycle d’un côté les « sachants » et d’un autre un côté les« apprenants ». Il est vrai, chers collègues de la majorité, que nous avons une grande soif d’apprendre et de comprendre votre logique, parce qu’il faut bien reconnaître qu’après toutes ces heures de débat, nous n’avons toujours pas compris votre raisonnement. Sans doute est-il flou, et sans doute cache-t-il le fond de votre pensée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Si votre fatigue ou votre lassitude ne devait pas nous permettre d’être éclairés, je ne doute pas que nos amis sénateurs seront sensibles à vos explications. À défaut, ils seront certainement sensibles aux attentes des 61 % des maires de notre pays qui demandent au Gouvernement de suspendre l’examen du projet de loi pour laisser la place au débat.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 94 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4725.

    M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 11 de l’article 4, faisant référence à l’article 601 du code civil relatif aux obligations de l’usufruitier, qui dispose : « Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Vous voulez rendre ces dispositions asexuées en y remplaçant les mots « père et mère » par le terme « parents », tout en maintenant la notion de bon père de famille. Qu’en sera-t-il dans le cadre d’un mariage de deux femmes, qui pourront considérer cette notion de « bon père » comme discriminatoire ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5275.

    M. Guillaume Larrivé. Je félicite M. le rapporteur pour sa créativité et son inventivité. Il réussit en effet le tour de force de maintenir l’expression « père de famille » dans un article du code civil tout en supprimant dans ce même article les mots « père et mère » pour les remplacer par le terme « parents ».

    Si la loi est votée, il faudra enseigner cet article dans les facultés de droit. Peut-être même pourriez-vous songer à faire breveter ce résultat de votre imagination ! Après le passage de Mme Taubira à la Chancellerie, le code civil sera une sorte de manteau d’arlequin masquant une partie du réel, en dévoilant une autre.

    M. Bernard Roman. C’est dur d’accepter le mariage pour tous !

    M. Guillaume Larrivé. Tout cela commence à s’apparenter à de la loufoquerie.

    M. Philippe Cochet. Très bien.

    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je tiens d’abord à rendre hommage aux journaux La Croix et La Vie qui ont le plus rendu compte de nos débats pendant ces derniers mois. Il était important de le dire plutôt que d’entendre, de part et d’autre de l’hémicycle, proférer des choses désagréables à leur encontre.

    M. Christian Jacob. À gauche, pas à droite !

    M. Patrick Ollier. Exactement : ce n’est pas nous qui avons dit des choses désagréables à leur endroit !

    Mme Claude Greff. C’est n’importe quoi, monsieur le rapporteur !

    Mme la présidente. Merci, chers collègues, de bien vouloir écouter le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il est bon, en début de séance, de rappeler l’esprit général de l’article-balai. Il s’agit d’une disposition placée en tête des livres I et III du code civil pour une application générale aux couples de même sexe et aux familles homoparentales, dans chacun des articles comprenant des termes sexués.

    S’agissant du livre II dont l’article 601 fait partie, une seule occurrence sexuée apparaît. Nous avons choisi dans ce cas de suivre simplement les coordinations engagées par le Gouvernement dans le projet de loi initial et de remplacer les mots « père et mère » par le terme « parents ».

    L’expression « père de famille » ne changera évidemment pas, monsieur Myard, avec l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, car il a un sens générique compris par tous les juristes.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

    Mme Claude Greff. Et lorsqu’il y aura deux femmes ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, les femmes seules doivent déjà gérer leur logement en « bon père de famille ».

    Mme Claude Greff. Où est l’égalité ? N’importe quoi !

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est une référence admise et comprise par tous qui est symptomatique du vocabulaire utilisé dans le code civil. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui.

    Mme Claude Greff. Je ne suis pas un bon père de famille, mais une bonne mère de famille !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Madame Greff, si vous voulez bien m’entendre,…

    Mme Claude Greff. Non !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …la notion de bon père de famille a évolué avec notre droit et avec ce que l’époque exige comme norme comportementale du père de famille : le père de famille de 2013 n’est pas le même qu’il y a deux cents ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Merci d’écouter le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est symptomatique de la capacité de notre droit à évoluer en fonction du sens que l’on donne aux mots.

    Avis défavorable à l’ensemble des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Je suis une mère de famille, pas un bon père de famille !

    Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements identiques.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable du Gouvernement.

    J’appuie les arguments présentés par le rapporteur concernant l’expression « bon père de famille », qui est en effet une expression du langage courant bien que, je le concède, il soit étonnant qu’à la suite de plusieurs réformes du code civil, elle n’ait pas disparu. Elle est liée au droit des contrats et de la propriété, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Jacob, et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai dit à M. le ministre Ollier que vous lui aviez répondu par anticipation lorsqu’il m’interrogeait. Cette expression qui relève du droit de la propriété est en tout cas complètement étrangère au droit de la famille, sachant tout de même que les lois Quillot de 1982 relatives aux baux ont remplacé l’expression « bon père de famille » en « jouissance paisible des lieux loués ».

    La vérité sociologique veut ainsi qu’il y ait dans ce pays des femmes seules qui achètent des biens et qui sont ainsi, en qualité de propriétaires, confrontées à cette expression.

    M. Patrick Ollier. C’était l’occasion de régler le problème.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons toutefois une petite revanche, peut-être quelque peu dérisoire : les hommes qui, de plus en plus, épousent le métier de sage-femme continuent à être appelés « sage-femme » ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Faudra-t-il, comme le souhaite Mme Mazetier, débaptiser les écoles maternelles ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne sais pas si cela peut vous consoler, mais je pense comme vous que l’expression en question n’a plus grand-chose à faire dans le droit de la famille.

    Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. Puisque mes collègues de l’opposition développent toujours les mêmes arguments, je répéterai à mon tour des choses qui ont déjà été dites.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas grave. On n’est pas pressé.

    M. Serge Janquin. J’ai entendu dire que nous voulions changer l’ordre des choses. Mais, mes chers collègues, les choses ont changé (Rires sur les bancs du groupe SRC) sans qu’on les accompagne, sans que vous le vouliez ; malgré vous peut-être, mais elles ont changé.

    Notre projet est de réinterpréter la société telle qu’elle est en tenant compte d’un principe majeur, celui de l’égalité républicaine.

    M. Jacques Myard. Il n’y a pas d’égalité !

    M. Serge Janquin. Voyez vos collègues conservateurs britanniques. Ils vont plus vite que vous. Ils font moins d’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Votre modèle, c’est la monarchie ?

    M. Serge Janquin. Dans quelques années, nos enfants nous diront que nous avons mené en 2013 un combat du siècle d’avant.

    M. Jacques Myard. Au contraire, un combat d’avant-garde !

    M. Serge Janquin. Je vous en prie, avançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Myard. À reculons !

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 94, 327, 402, 423, 476, 438, 535, 623, 1153, 1051, 1567, 1990, 2234, 3267, 3353, 4137, 4320, 4725 et 5275.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 179

    Nombre de suffrages exprimés 179

    Majorité absolue 90

    Pour l’adoption 46

    contre 133

    (Les amendements identiques nos 94, 327, 402, 423, 476, 438, 535, 623, 1153, 1051, 1567, 1990, 2234, 3267, 3353, 4137, 4320, 4725 et 5275 ne sont pas adoptés .)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aux suivants !

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3034.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous abordons les questions liées à la succession. À cette occasion, je repose les quatre questions sur lesquelles nous n’avons toujours pas obtenu de réponse précise.

    M. Bernard Roman. Quatre !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous êtes un auditeur attentif de nos débats, monsieur le premier questeur, quoiqu’un peu trop spectateur à notre goût : on aimerait vous entendre davantage. (Sourires .)

    Première question : au titre de l’article 310, comment traite-t-on l’exequatur ? La question a été posée plusieurs fois.

    Deuxième question : comment traite-t-on la présentation et la rédaction des livrets de famille ?

    Troisième question : comment rédige-t-on les actes d’état civil ?

    Quatrième question : a-t-on oui ou non l’intention d’ouvrir la possibilité pour les mineurs de s’engager dans le cadre d’un PACS ?

    Ces quatre questions étant des conséquences pratiques très directes des dispositions proposées à l’Assemblée nationale, nous aimerions avoir des réponses précises.

    (L’amendement n° 3034, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1986.

    M. Marc Le Fur. Nous sommes toujours à l’intersection du droit et du vocabulaire.

    M. Bernard Roman. Il parle comme un livre !

    M. Marc Le Fur. À ce propos, je vous renvoie aux écrits de la psychanalyste Marie Balmary : « En ce qui concerne le mot mariage, si l’on institue qu’il veut désormais dire à la fois union des personnes de sexe différent et union de personnes de même sexe, comment nos esprits vont-ils se débrouiller de cette confusion ? Comment expliquerons-nous aux enfants que semblable et différent – une chose et son contraire –, c’est la même chose sans provoquer les mille questions et remarques de ces enfants ? »

    Elle ajoute : « Remarques dont sont capables des intelligences, comme Freud les aimait, non encore intimidées par une éducation qui les empêche de réfléchir. »

    Je trouve ces éléments de réflexion très beaux. À force de vouloir changer les choses, on est en train de changer les mots. Respectons-les, c’est le propre de l’humilité nécessaire au législateur.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1992.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore un cas d’inutilité de l’article-balai. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Si vous voulez la parole, n’hésitez pas, chers collègues. Participez, je vous en prie.

    L’article 731 du code civil dispose : « La succession est dévolue par la loi aux parents et au conjoint successibles du défunt dans les conditions définies ci-après. » Voilà un bon motif de retirer cet article de l’opération de balayage. Les mots visés par l’article-balai ne figurant pas dans cet article, on peut le retirer sans danger et dans un souci de cohérence.

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2391.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens sur l’intéressante tribune de l’excellent journal La Croix qui informe des difficultés que pourrait soulever ce texte. Ses deux auteurs, qui sont magistrats, font une contestation non pas politique, mais juridique du texte d’autant plus intéressante qu’elle s’appuie sur les réserves émises par ailleurs par le Conseil d’État. Petit à petit, les pièces du puzzle sont en train de se reconstituer : nous aurons bientôt une vue d’ensemble d’une œuvre pour le moins inachevée.

    Depuis le début des débats, le Gouvernement comme la majorité répètent à l’envi qu’il n’est pas question de toucher au titre VII du code civil, mais uniquement à la partie concernant l’adoption, notamment l’adoption plénière – l’adoption simple ne posant pas de difficulté majeure. Il est donc important de noter la convergence qui existe entre les réserves et les risques d’inconstitutionnalité soulevés par ces magistrats et les remarques émises par le Conseil d’État.

    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je souhaiterais insister sur ces éléments, mais Mme la présidente ne semble pas vouloir m’accorder les quelques minutes qui me seraient nécessaires.

    Mme la présidente. Vous y reviendrez à l’occasion d’un prochain amendement.

    M. Philippe Gosselin. Mme la présidente est sévère, mais juste. (Sourires .)

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3651.

    M. Xavier Breton. M. Janquin qui a parlé avec des trémolos dans la voix de la République a pris pour seul exemple, l’exemple le vote de nos collègues britanniques ! Chacun connaît la longue tradition républicaine des Britanniques !

    M. Jean-Yves Caullet. Parlez du texte.

    M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur l’assistance médicale à la procréation. À défaut de réponse de Mme la garde des sceaux, je vais m’adresser à Mme la ministre de la famille, en charge de la famille comme l’indique l’intitulé de son ministère, pour lui demander si elle considère que l’assistance médicale à la procréation est une fiction, ce qui ne manquera pas d’intéresser les dizaines de milliers de couples qui ont eu des enfants par ce biais.

    Mme la garde des sceaux s’est-elle trompée, ce qui peut arriver à tout le monde, ou êtes-vous d’accord, madame la ministre, avec cette conception ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3991.

    M. Hervé Mariton. L’article 729-1 du code civil concerne l’indignité successorale, formulation qui est un peu datée – m’est avis d’ailleurs que l’on aura à reparler de l’avis du Conseil d’État !

    Les enfants adoptés par deux parents de même sexe auront un état civil qui fera apparaître qu’ils sont nés de deux parents de même sexe.

    Aujourd’hui il est possible aux parents de dire ou de ne pas dire qu’ils ont adopté : je vous renvoie à toute l’évolution sociologique et humaine qui a conduit à souligner qu’il était important de dire la vérité à l’enfant et de construire la famille autour de la réalité, loin de l’approche napoléonienne où toute l’histoire de l’adoption était gommée. Bref, avant, on cachait l’adoption ; aujourd’hui, on peut ou non l’assumer. Le choix est ouvert.

    Seulement, un couple de même sexe n’aura pas le choix de ne pas dire l’adoption alors qu’un couple hétérosexuel l’aura. Vous créez donc une inégalité entre enfants adoptés, critiquée, je crois, par le Conseil d’État.

    M. Philippe Gosselin. C’est une discrimination !

    M. Hervé Mariton. J’aurais aimé avoir l’appréciation du Gouvernement sur ce point.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous arrivons à une longue série d’amendements qui visent à soustraire les couples de même sexe et les familles homoparentales de l’application de l’article-balai, plus précisément du nouvel article 718 du code civil, en tête du livre III intitulé « Des différentes manières dont on acquiert la propriété ».

    Il n’y a aucune raison de le faire. C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces amendements.

    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je vais répondre sur ce qui concerne directement l’objet de la loi : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Car depuis le début de nos débats, il est question de bien d’autres choses – certains ont même évoqué les 35 heures ou le libéralisme. Je ne savais pas que cette loi allait donner prétexte à refaire le monde.

    M. Jacques Myard. C’est vous qui le refaites !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je reviendrai sur deux points en particulier.

    S’agissant de l’expression « faire famille », j’aimerais d’une certaine manière en être l’auteur, mais il se trouve que les sociologues l’utilisent depuis des années. Cela recouvre une évidence, une de ces évidences qu’il vous faut accepter : aujourd’hui, il existe une diversité des modèles familiaux. Je crois même, monsieur Jacob, qu’il y a une dizaine d’années vous l’avez vous-même reconnu. Et lors de la dernière campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy lui-même parlait de cette diversité. Il faut accepter de voir la société française telle qu’elle est.

    M. Philippe Gosselin. Personne ne le conteste !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Deuxièmement, il est de mauvaise méthode d’opposer filiation biologique et filiation sociale. Il vous faut reconnaître qu’il existe des filiations sociales, qui n’ont rien à voir avec l’homosexualité. Les enfants adoptés connaissent ces deux types de filiation, même si les parents adoptants deviennent les parents. L’univers psy a, à une époque, défendu la thèse qu’il fallait taire à l’enfant qu’il avait été adopté. Aujourd’hui, les psychologues reconnaissent la nécessité pour l’enfant de connaître son histoire.

    M. Hervé Mariton. Cela n’a rien à voir.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Mariton, il faudra bien à un moment donné que vous vous mettiez en cohérence avec vous-même. Vous ne pouvez pas brandir sans arrêt l’argument du droit de l’enfant et en avoir une approche à géométrie variable selon qu’il s’agit de familles homoparentales ou hétéroparentales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    De la même façon, pour les enfants nés de PMA, laquelle, je le répète est aujourd’hui autorisée en France pour les couples hétérosexuels,…

    Mme Claude Greff. Pour raisons médicales !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …il y a bien une différence entre filiation biologique et filiation sociale.

    M. Bernard Deflesselles. Mais ça n’a rien à voir !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que cela à voir !

    Pour finir, je ne suis pas sûre que vous rendiez service à l’ensemble des familles, je dis bien à l’ensemble des familles, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, et à l’ensemble des enfants, qu’ils soient adoptés, qu’ils soient nés d’une PMA, qu’ils vivent dans des familles monoparentales ou encore recomposées. Car le véritable défi de notre droit, c’est d’apporter une protection et une sécurisation juridiques aux différents modèles familiaux qui existent aujourd’hui dans nos sociétés, que cela vous plaise ou non. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    (Les amendements identiques nos 1986, 1992, 2391, 3651 et 3991 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2138.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je défends cet amendement avec d’autant plus de facilité, madame la présidente, que je l’ai défendu précédemment en faisant une erreur dans ma liasse. Le rapporteur a eu la bonté de ne pas le faire remarquer, et je l’en remercie.

    Madame la ministre, j’ai vous ai écoutée attentivement : je n’ai pas l’impression que sur nos bancs, nous ayons jamais contesté qu’il y ait différentes manières de vivre en famille, qu’il y ait différents modes de filiation, qu’il y ait différentes façons d’accueillir un enfant.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous progressons alors !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, personne n’a besoin de ce genre de remarque pour le savoir. Figurez-vous que, comme je l’ai dit l’autre jour, certains d’entre nous peuvent avoir des histoires personnelles qui les mettent aussi en contact avec ces réalités, je suis désolé que vous l’ignoriez.

    Mme Claude Greff. C’est dingue, quand même !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ne prétendez pas nous apprendre quoi que ce soit sur ce registre, si vous le voulez bien. Cette accusation d’aveuglement portée à l’encontre de vos contradicteurs n’est pas acceptable.

    Enfin, je comprends que l’évocation de la notion de libéralisme dans un débat comme le nôtre vous surprenne. Toutefois, à la suite de l’échange que nous avons eu hier avec Marie-George Buffet, je redis que le choix politique qui est le vôtre de donner droit à toutes les manières de vivre personnelles, à toutes les formes de désir individuel et de les faire entrer presque coûte que coûte dans le droit, renvoie à une conception où l’individu est souverain. Or cette conception correspond historiquement au libéralisme philosophique, que vous le vouliez ou non.

    Que vous ne l’assumiez pas, je peux le comprendre. Pourtant telle est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2418.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens toujours à cette excellente tribune qui sera publiée demain.

    Ses auteurs nous alertent sur les risques d’inconstitutionnalité du projet de loi. Ils prennent pour point de départ la fameuse décision du Conseil constitutionnel à une question du 28 janvier 2011 faisant suite à une question prioritaire de constitutionnalité. Ils ne contestent pas la compétence du législateur en matière de mariage, y compris pour les personnes de même sexe. Moi non plus, du reste : nous aurions simplement préféré un référendum et regrettons que des états généraux n’aient pas été organisés mais je fais partie de ceux qui pensent que le Parlement a toute légitimité en ce domaine.

    En revanche, les auteurs soutiennent – et je fais mienne cette thèse qui est dans la continuité de mes arguments des deux derniers jours – qu’il n’en va pas de même en matière de filiation. C’est là que les difficultés apparaissent.

    J’en reviens à l’article 310 du code civil – c’est pour cela que je demandais avec tant d’insistance quel modèle d’acte d’état civil Mme la garde des sceaux pourrait nous présenter – qui fixe un principe essentiel du droit français de la filiation, c’est-à-dire l’altérité.

    Or l’amendement-balai exclut expressément non seulement l’article 310, mais aussi l’ensemble du titre VII du code civil qui est consacré à la filiation. Cela a des conséquences juridiques majeures que je vous exposerai lors de la défense de mon prochain amendement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2698.

    M. Marc Le Fur. Madame la présidente, j’ai le sentiment que nous progressons, les ministres répondent. Nous avons un débat : nous ne sommes pas d’accord, mais nous avons des éléments de réponse et c’est intéressant.

    Je profite de la présence de notre excellent ministre chargé des relations avec le Parlement pour revenir sur l’information de la matinée : à savoir que le président du Sénat souhaitait aboutir à un vote du conforme du Sénat. Vous imaginez bien que cela crée pour nous tous des difficultés puisqu’un tel vote impliquerait qu’il n’y aurait qu’une seule et unique lecture dans notre assemblée comme si l’urgence avait été déclarée. Autrement dit, ce serait la dernière fois que le texte serait examiné dans notre hémicycle.

    Vous avez fait deux réponses, monsieur le ministre, et je vous en sais gré.

    La première nous a plutôt plu, puisque vous nous avez indiqué que ce n’était pas souhaitable et que cela ne se ferait pas.

    M. Bernard Deflesselles. Ce n’était pas aussi clair !

    M. Marc Le Fur. Dans votre seconde réponse, vous avez indiqué avec la même justesse que vous ne pouviez pas vous engager pour autrui, puisque par définition cette décision relèvera de la seule majorité sénatoriale. Cela crée une difficulté pour nous : est-ce la dernière fois que nous examinons ce texte ? Les titres éloquents de la presse – « naufrage », « Titanic » – montrent bien qu’il existe beaucoup de difficultés de rédaction. Peut-être les exagérons-nous, mais convenez que vous ne les minorez pas. Mme la ministre elle-même a expliqué que la formule de l’article-balai n’était pas une solution qu’elle avait initialement préconisée. Et l’avis du Conseil d’État a mis en avant les difficultés liées au recours à une telle formule avant même qu’elle ne soit mise en œuvre.

    Monsieur le ministre, nous voulons être rassurés : nous voulons une deuxième lecture qui ne porte pas à la marge sur un seul article, mais qui soit exhaustive et nous permette de retravailler tous ensemble. Cela prendra du temps, nous le savons bien, mais c’est nécessaire.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3731.

    M. Xavier Breton. Je voudrais profiter du fait que Mme la ministre de la famille veuille bien participer à nos débats pour l’interroger sur un autre point.

    Il est dommage que nous n’ayons pas eu de débats publics qui auraient permis à toutes les Françaises et à tous les Français de débattre de ces sujets passionnants, notamment de nos conceptions de la filiation et de la famille. Nous allons pouvoir un peu creuser ces questions à partir des éléments que Mme la ministre nous a indiqués car chacune de ses interventions recèle une mine d’informations passionnantes qui nous permettent d’échanger même si nous avons des conceptions opposées.

    Toutefois Mme la ministre n’est pas revenue sur l’assistance médicale à la procréation. Est-ce une fiction, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, ou pas ? Des dizaines de milliers de couples qui y ont eu recours attendent votre réponse. Pour nous, il ne s’agit ni d’une fiction juridique ni d’une fiction psychologique. Il nous paraît grave d’employer un tel mot quand il s’agit, non de principes éthérés du droit, mais de la vie des femmes.

    Je vous invite donc, madame la ministre, à nous donner votre avis si vous en avez un.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4162.

    M. Hervé Mariton. À partir de l’alinéa 12 de l’article 4, il s’agit d’une sorte de nouvel article-balai, qui concerne un ensemble de dispositions sur la propriété.

    L’article 731, qu’il s’agirait de retirer de l’amendement-balai, porte sur les successions. Il est rédigé de telle sorte, à dire vrai, que cela ne change pas grand-chose qu’il soit ou non soumis à l’amendement-balai.

    Il n’y a donc pas de difficulté particulière à soutenir cet amendement.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Vous avez affirmé, madame la ministre, que l’expression « faire famille » était maintenant admise. Pour nous, « faire famille » ne veut rien dire, car c’est une notion extrêmement vague. En revanche, vous aviez dit précédemment, et cela a beaucoup plus de valeur, que les couples homosexuels et hétérosexuels font famille de la même façon « grâce à la PMA ».

    Nous en revenons ainsi au cœur du sujet qui nous préoccupe : il existe en effet une approche différente dans la manière de fonder la famille, car nous sommes inquiets des dérives possibles de la PMA et de la GPA. Sur ces points-là, vous ne nous avez pas répondu, puisque vous vous contentez de dire que « nous verrons après ». Or, nous voyons bien qu’il fallait voir avant !

    Nous en revenons toujours à cette critique fondamentale, qui justifie que l’on débatte systématiquement de la notion de « père et mère », et qui porte sur la méthode.

    Sur le plan juridique, de nombreuses zones de flou existent. Un travail en amont aurait dû être effectué au préalable sur cette question – comment fait-on famille ? – plutôt que d’affirmer, comme vous le faites, que l’on fait famille « grâce à la PMA », ce qui nous pose un problème éthique grave.

    Ensuite, des questions de fond se posent sur le plan de l’intime, à la différence du plan juridique qu’il faut combiner avec l’intime. La démonstration en avait été apportée sur les bancs de la gauche par M. Azerot, lequel avait expliqué de façon éblouissante que l’enfant ne devait pas devenir un objet.

    (Les amendements identiques nos 2138, 2418, 2698, 3731 et 4162 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2265.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article est traité dans le même esprit que la question de la succession. Comme pour un certain nombre d’articles précédents, il n’y a pas lieu de lui appliquer le « balayage » opéré par cette partie de l’article 4, puisque les différents termes concernés par ce balayage n’apparaissent pas dans le texte de l’article du code civil.

    L’amendement est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2440.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens sur cet élément important du titre VII sur la filiation, qui n’est pas englobé dans l’amendement-balai – le fameux article tour de passe-passe qui croit faire disparaître les termes « père et mère », ou s’y emploie du moins avec un peu d’habileté, mais ne réussit pas totalement à convaincre.

    L’article 310 dispose : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. ». Cet article n’étant pas modifié par l’amendement-balai, je souhaite, m’appuyant encore une fois sur la tribune dont j’ai donné lecture lors de mes interventions précédentes, que Mme la garde des sceaux m’explique comment elle parviendra à concilier la situation des enfants adoptés par des couples de même sexe en adoption plénière avec les « rapports avec leur père et mère » prévus par les dispositions relatives à la filiation.

    Par ailleurs, comment peut-on concilier cela avec des éléments essentiels du droit civil de la filiation, alors que ce texte pourrait contrevenir au droit public international ? Il existe clairement un risque d’inconstitutionnalité de l’adoption plénière, telle qu’elle est présentée aujourd’hui. L’adoption plénière étant en outre intimement liée au mariage, l’inconstitutionnalité de l’un entraînerait l’inconstitutionnalité de l’autre.

    J’aimerais vraiment sur ces questions, que je pose depuis trois jours, obtenir des réponses précises, parce que les difficultés sont réelles.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3867.

    M. Xavier Breton. La filiation est au cœur de notre texte, même si le Gouvernement a essayé de le cacher par manque de courage. En effet, le titre, qui devait être « ouvrir le mariage et l’adoption » – donc, la filiation – « aux couples de personnes de même sexe », est devenu simplement « le mariage », et ce alors même qu’il concerne bien la filiation.

    Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille – avec qui les échanges sont rares, mais passionnants – concernant la diversité des modèles familiaux. Personne ne songe à les nier, et nous en connaissons autour de nous. Il n’y a donc aucun problème – personne n’a le monopole de ce sujet.

    En revanche, je trouve que la notion de « faire famille » relève d’une vision très prométhéenne de la famille. Quelles en sont les limites, en termes de nombre, d’âge, etc. ? Avez-vous des limites au « faire famille », madame la ministre ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4974.

    M. Hervé Mariton. Dans son intervention, notre collègue Gosselin a souligné un progrès – qui aurait pu répondre à un certain nombre des problèmes auxquels nous cherchons à apporter une solution, mais que le Gouvernement a choisi de rejeter – dans la distinction plus explicite faite entre l’adoption plénière et l’adoption simple.

    Le présent amendement, qui concerne un chapitre sur les droits des parents en l’absence de conjoint successible, précise que la loi ne distingue pas selon les modes de filiation. J’ai évoqué tout à l’heure cette situation nouvelle qui veut qu’un enfant adopté par un couple de même sexe saurait nécessairement qu’il est adopté, alors qu’un enfant adopté par un couple de sexes différents, lui, pourrait ne pas le savoir.

    Mme la ministre de la famille me répond qu’aujourd’hui tous les psys disent qu’il est préférable de le savoir. J’entends bien ; mais il existe une petite différence entre une obligation, tant légale que de fait, d’une part, et les conseils d’un psy, d’autre part.

    J’ajoute qu’aujourd’hui, les parents ont le choix du moment et de la manière de faire. Quand bien même cette nouvelle approche des psys triompherait, il n’en demeure pas moins que certains parents seront dans l’obligation immédiate et instantanée de révéler l’adoption quasiment dès le début, tandis que d’autres pourront, dans le dialogue avec l’enfant et avec le psy, choisir le moment et la manière.

    Il y a là une grande inégalité. Dans un cas, il s’agit d’un fait brutal imposé par la situation créée par le texte ; dans l’autre, les parents sont libres de la manière et du moment.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Vous devriez poursuivre votre raisonnement jusqu’au bout !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dire que vous vous plaignez que je ne vous réponde pas, monsieur Mariton, alors que je passe mon temps à cela ! Non seulement je refais sans cesse les mêmes réponses, mais je vous réponds en droit, ce que vous refusez d’entendre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout cas, le fait que vous vous répétiez ne change rien à la réalité ! Mais permettez-moi de répondre d’abord à M. Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Vous allez encore vous fâcher !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, j’avais vraiment l’impression d’avoir répondu, à plusieurs reprises, à votre question concernant l’article 310, particulièrement le 310-3. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une impression : c’est une certitude !

    Je répète donc que le 310 se trouve dans le titre VII.

    M. Philippe Gosselin. Justement : il est exclu de l’article-balai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pourquoi est-il dans le titre VII ? Parce qu’il concerne la filiation – et j’ajoute même la filiation « biologique », car le code civil ne le précise pas : il s’agit de la filiation qui concerne les couples hétérosexuels.

    Cet article n’est de ce fait pas concerné par la disposition interprétative car il ne concerne que les couples hétérosexuels. Je ne comprends donc pas pourquoi, depuis trois jours, vous tenez absolument à lier cette disposition aux couples homosexuels.

    M. Philippe Gosselin. Je vous l’expliquerai à nouveau.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne le sais que trop que vous allez à nouveau me poser la question !

    M. Philippe Gosselin. J’essaierai de vous la présenter autrement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pourtant pas une recette gastronomique !

    Les enfants adoptés par des couples homosexuels sont quant à eux soumis à l’article 354 du titre VIII, qui établit les conditions de transcription du jugement d’adoption dans les actes d’état civil.

    Je n’arrive donc pas à comprendre votre question. J’ai presque envie de vous dire, avec amitié, que vous avez décidé de camper dans le 310 ! Cela fait trois jours que vous ne voulez pas en sortir ! Plus je vous répète que le 310 concerne le titre VII sur la filiation, plus vous vous agrippez au 310 !

    M. Xavier Breton. C’est que vous n’êtes pas assez persuasive !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le 310 concerne les familles hétéroparentales ; mais pour les familles homoparentales, il faut se référer au 354, qui se trouve dans le titre VIII !

    Concernant l’exequatur, monsieur Poisson, dans l’état actuel du droit, je vous répondrai, comme à M. Gosselin qui m’a également interrogée sur ce sujet, que la Cour de cassation a refusé avec raison de transposer un jugement d’exequatur, puisque l’état actuel de notre droit ne le permet pas. Lorsque l’état de notre droit le permettra, l’exequatur sera alors reconnu et donc exécuté, en application des engagements que la France a contractés avec d’autres pays.

    Je répondrai maintenant à la question posée par M. Breton – je sais bien que ce dernier reviendra sur le sujet même si je lui réponds puisque c’est ainsi que les choses fonctionnent depuis une semaine. (Sourires.)

    Ce n’est faire injure à personne que de répéter que l’assistance médicale à la procréation relève d’une fiction juridique. D’ailleurs, vous avez vous-même reconnu l’existence de cette fiction juridique, à condition qu’il y ait une adhésion psychologique. M. Fasquelle a ajouté une condition de vraisemblance – que M. Poisson a répétée avec insistance.

    Je rappelle encore une fois que, dans les cas d’assistance médicale à la procréation, la fiction juridique existe. Elle est en outre encadrée par le droit, car le code civil précise que le donneur ne peut se prévaloir de son don pour revendiquer la filiation.

    M. Hervé Mariton. Mais si c’est le père ? Neuf fois sur dix, il s’agit du père !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’arrête pas de dire que cela ne concerne que les cas de tiers donneurs, monsieur Mariton !

    M. Hervé Mariton. Alors précisez-le !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je le précise depuis mon premier propos ! C’est quand même inouï !

    M. Hervé Mariton. Non !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Vous pouvez tous le vérifier ! Heureusement, les débats sont publics. Mais cela ne vous empêchera pas de revenir dix fois dans la nuit sur ce sujet, et encore pendant le week-end !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne sommes pas comme ça ! (Sourires.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quand on lira le compte rendu, on pourra en faire un sketch !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le répète, ce n’est faire injure à personne que de parler de fiction. Cela souligne au contraire une double générosité : celle du donneur, qui consiste à donner au couple infertile la possibilité de procréer, et celle des parents qui élèvent cet enfant en sachant qu’ils le doivent au don généreux et altruiste d’une tierce personne.

    Voilà en quoi il s’agit d’une fiction juridique : en disposant très formellement que le donneur ne pourra réclamer aucun droit de filiation, le droit organise la sécurité de cette fiction. Je ne vois vraiment pas quel problème cela pose. Mais j’attends tout de même la prochaine question sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Ne les relancez pas, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

    La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Puisque nous sommes à nouveau dans un long cycle d’amendements répétitifs groupés par séries de cinq ou six, j’informe nos concitoyens qui sont dans les tribunes et ceux qui nous regardent sur Internet qu’il nous reste encore 1 693 amendements à examiner, dont seulement 138 réellement différents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand.

    M. Alain Moyne-Bressand. Madame Narassiguin, c’est le jeu de la démocratie que de pouvoir s’exprimer et nous continuerons à le faire.

    M. Philippe Cochet. Et nous sommes en pleine forme !

    M. Alain Moyne-Bressand. Ces amendements ont pour objet de clarifier des textes compliqués, flous. Après avoir écouté Mme la ministre, on a bien vu que les interrogations étaient nombreuses en matière de filiation.

    Tout à l’heure, j’ai proposé que le Conseil supérieur du notariat puisse donner son avis sur tout ce qui concerne les successions, les filiations. Nous regrettons en effet que ce texte n’ait pas été travaillé en amont par les états généraux de la famille, par le Conseil d’État et par le Conseil supérieur du notariat.

    Voilà pourquoi je soutiens ces amendements.

    (Les amendements identiques nos 2265, 2440, 3867 et 4974 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Madame Narassiguin, je vous informe que depuis vingt et une heures trente nous avons examiné 127 amendements.

    M. Bruno Le Roux. Ils étaient identiques, mais bravo quand même !

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2271.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu.

    Je veux cependant profiter de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler quelques souvenirs que nous avons vécus les uns et les autres. Certes, je ne peux pas reprocher à Mme Narassiguin de ne pas les avoir vécus directement puisqu’elle nous a rejoints il y a quelques mois seulement.

    M. Pouria Amirshahi. C’est mesquin !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je fais notamment référence – événement auquel j’ai assisté alors que je n’étais pas très loin de la place qu’occupe M. Binet aujourd’hui – aux 11 000 amendements qui avaient été déposés sur le texte relatif à la réforme des retraites.

    M. Bernard Deflesselles. On était là !

    Mme Sandrine Mazetier. Nous, on en est fiers !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois donc pas pourquoi, madame Mazetier, vous nous reprochez aujourd’hui de défendre jusqu’au bout les amendements que nous avons déposés.

    Mme Sandrine Mazetier. Notre cause était juste ! Et l’on n’a pas toujours respecté mes droits à l’époque !

    Mme la présidente. Monsieur Poisson, veuillez poursuivre. Mme la vice-présidente Mazetier connaît trop le règlement pour ne pas vous laisser parler.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est pour cela que je sais qu’elle m’écoutera, et je l’en remercie.

    J’ai alors dû subir comme quelques autres de mes collègues la présentation de milliers d’amendements, tous répétitifs également. La seule chose qui les différenciait était le nom du premier signataire.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vrai !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si monsieur Le Bouillonnec ! Vous en aviez signés et parfois vous en avez défendus !

    Je veux bien qu’on nous fasse le coup de l’indignation, de l’amnésie, de l’obstruction, mais nous sommes tous d’accord pour dire que c’est une manière pour l’opposition de s’exprimer. Le président de la commission des lois a été cité à cet égard, pas plus tard qu’hier dans cet hémicycle, et il faut le remercier pour sa clarté.

    En tout cas, cela ne m’empêche pas de défendre cet amendement.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires familiales et sociales. Voilà une intervention pour le moins capitale !

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2441.

    M. Philippe Gosselin. Je vais essayer d’expliquer autrement les choses pour trouver le moyen de me faire comprendre.

    Le mariage de personnes de même sexe aura pour conséquence l’établissement d’actes de naissance dont les parents seront deux femmes ou deux hommes. Cela révèle immédiatement l’existence d’une adoption plénière alors que la substitution de filiation n’est pas identifiable pour une adoption par un homme et une femme.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Quelles conséquences en tirez-vous ?

    M. Philippe Gosselin. Que c’est discriminatoire, sauf à modifier les articles 310 et subséquents du code civil. Mais comme vous avez fait le choix de ne pas toucher à la filiation, tout cela ne tient pas la route.

    Telle que vous la présentez aujourd’hui, l’adoption encourt de grands risques d’inconstitutionnalité.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Voilà un raisonnement tortueux !

    M. Philippe Gosselin. Non, c’est un raisonnement juridique. Cela montre que l’amendement-balai n’a pas résolu un grand nombre de questions. Cela me rappelle une réplique dans un film bien connu : « C’est très tordu mais bougrement intelligent ». Réfléchissez quand même avant que Pignon ne revienne à la charge !

    M. Bernard Deflesselles. Le Pignon du dîner de Cons !

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2883.

    M. Marc Le Fur. Je veux demander à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement s’il y aura ou non une deuxième lecture dans cette Assemblée. Pour qu’il y en ait une, il ne faut pas en effet que le texte soit adopté conforme par le Sénat.

    Ce n’est pas pour permettre à l’opposition de s’exprimer que nous voulons une deuxième lecture, mais pour peaufiner le texte. C’est parce que l’avis du Conseil d’État précise que la disparition des termes « père et mère » et « mari et femme » pose des problèmes de fond. Le Gouvernement n’a consenti un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale – c’est l’option prise par l’amendement de la commission qui a abouti à l’article-balai.

    Par anticipation, le Conseil d’État a dit, et c’est une bonne chose, qu’il faut être explicite, que le lecteur du code civil doit pouvoir lire la loi. Or avec l’amendement-balai il ne le pourra pas puisqu’il devra se référer en permanence à une forme de note de bas de page. Il y a bien un vrai risque d’inconstitutionnalité.

    Il faut donc pouvoir réexaminer le texte à l’occasion d’une deuxième lecture. Voilà pourquoi il faut absolument que le texte ne soit pas voté conforme par le Sénat.

    Ce raisonnement me paraît imparable,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il l’est !

    M. Marc Le Fur. …et je remercie par avance le ministre de me répondre.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3868.

    M. Xavier Breton. Madame la garde des sceaux, je vous remercie sincèrement pour votre réponse, si tant est que vous vouliez bien accepter ma sincérité.

    Soit vous vous étiez mal exprimé, soit c’est nous qui avions mal compris. En tout cas, on voit bien que les échanges permettent de s’entendre et je prends acte de votre réponse sur l’assistance médicale à la procréation au sens large avec ou sans tiers donneur.

    Je veux revenir sur la réponse faite tout à l’heure par Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Nous sommes d’accord, il y a des modèles familiaux divers et nous en connaissons tous autour de nous. Le problème c’est de savoir si les désirs des adultes doivent être sans limite. Pour notre part, nous fixons des limites fondées sur l’altérité sexuelle dans la reconnaissance du mariage puis de la procréation. Nous avons aussi des limites historiques en matière d’âge, de liens de parenté, etc. Pour votre part, quelles limites donnez-vous au « faire famille » ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4977.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement concerne l’ordre des héritiers. J’appelle votre attention, madame la garde des sceaux, sur le fait que la multiparenté qui répond à votre vision politique des familles crée des schémas complexes qui impliquent tant de personnes qu’à un moment ce n’est même plus la peine de s’interroger sur l’ordre des héritiers. C’est la notion même d’héritage qui disparaît dans une parenté complexe.

    Pour que l’héritage soit légitime, il faut partir d’un principe linéaire. Mais la réalité de la vie fait que la loi a prévu que l’ordre des héritiers soit plus compliqué que simplement entre le père ou la mère et les enfants.

    La parenté complexe sort de ce principe simple. Quand il y a beaucoup de parents, quand le lien est distendu entre les parents et les enfants du fait des schémas compliqués que vous appelez avec le présent projet et sans doute avec d’autres comme celui sur la famille, je crains que ce soit la notion même d’héritage qui disparaisse. Je ne m’accorde pas tout à fait avec les préventions libérales d’un certain nombre de mes collègues, mais votre projet est fondamentalement individualiste et matérialiste. L’enfant répond à un désir d’enfant, mais la notion d’héritage n’a plus beaucoup de sens s’il n’y a pas de lignée. Or c’est la lignée qui justifie l’héritage.

    En réalité, c’est la notion même d’héritage que votre vision de la famille détruit.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je veux répondre à M. Le Fur qui m’a posé la même question à deux reprises, ce qui m’a laissé le temps de réfléchir.

    Mon choix est simple, monsieur Le Fur : soit je vous réponds d’un point de vue juridique, soit je décide au contraire d’entrer dès à présent dans l’histoire en n’étant plus ministre dès demain. (Sourires.)

    Vous demandez en effet au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement si le présent texte sera voté conforme par le Sénat. Si je vous réponds oui, ma carrière s’arrête là et elle ne marquera pas plus avant l’histoire. Je vois à votre sourire, monsieur Le Fur, que vous avez vous-même conscience des conséquences de votre question ! (Sourires.)

    La seule chose que je peux vous dire à ce stade, c’est que le Gouvernement a écarté l’urgence sur ce texte et que dans notre calendrier, nous avons prévu deux lectures. Bien entendu, le Sénat est libre de faire ce qu’il veut, et je n’ai pas de commentaire à faire en la matière au nom de la séparation des pouvoirs. Simplement, j’ai une conviction, que vous pouvez déduire de mes propos. Sur un texte d’une telle importance, nous irons naturellement jusqu’au bout de la procédure législative.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, nous souhaitons vous garder !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Merci !

    Les amendements identiques nos 2271, 2441, 2883, 3868 et 4977 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1989.

    M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je comprends bien que vous ne puissiez pas prendre d’engagement, même au nom du Gouvernement, si ce n’est d’aller au fond des choses pour aboutir à un meilleur texte s’agissant notamment de l’adoption simple – je ne parlerai pas de l’article 1er car il est éminemment politique. Nommer des adoptés simples va devenir très compliqué avec toute cette série possible de noms.

    Les précisions que vous avez fournies sont nécessaires car, je le répète, ce texte a été insuffisamment préparé en termes d’auditions, de débat public, sachant par ailleurs que le président Jacob n’a pas obtenu satisfaction concernant sa demande de commission spéciale.

    C’est d’autant plus bête que l’audience télévisuelle de nos débats démontre l’intérêt de l’opinion : si on avait su créer un vrai débat – qu’il soit ou non tranché en votre faveur –, notre démocratie en aurait été grandie. Je regrette vraiment que, partant d’une pétition de principe qui n’était qu’un slogan de campagne, vous ayez voulu aller vite plutôt que susciter le débat. Peut-être était-ce pour des raisons politiciennes, pour masquer de vraies difficultés – je ne vous fais pas un procès d’intention, mais on voit bien que vous en traversez quelques-unes aujourd’hui. La famille méritait ce débat. Il a fallu deux ans pour rédiger le code civil. On pouvait se donner un petit peu de temps.

    Mme la présidente. L’amendement n° 1989 de M. Jean-Frédéric Poisson est défendu.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2392.

    M. Philippe Gosselin. Vous m’obligez, madame la garde des sceaux, à revenir sur mes explications, mais c’est après tout un devoir de législateur. Je pense cependant qu’aussi bien vous-même que votre cabinet avez compris – ce n’est pas possible autrement.

    Puis-je vous inviter à repartir de la base ? Nous sommes bien d’accord, l’adoption plénière a pour fondement la loi de 1966. Or, que nous dit cette dernière ? Que l’adoption plénière est calquée sur la filiation biologique puisque la substitution est complète.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous sommes d’accord.

    M. Philippe Gosselin. Les deux arrêts d’exequatur du 7 juin 2012 que j’évoquais mercredi et encore hier, visent l’article 310 du code civil ; Or, il ne s’agit pas en l’occurrence des conditions de l’adoption, mais de celles de la filiation, la loi de 1966 ayant expressément prévu que l’adoption plénière était calquée sur la filiation biologique.

    Au nom de l’égalité, vous avez à de multiples reprises, depuis des semaines et des jours que nous sommes réunis ici, refusé toute alliance civile ou tout contrat civique, ne mettant en avant que le mariage pour tous. Tel était votre slogan : mêmes droits, mêmes devoirs !

    Mme la présidente. Merci, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. J’y reviendrai, madame la garde des sceaux, à l’occasion d’un prochain amendement.

    Mme la présidente. Sur les amendements nos 1989 et identiques, je suis saisie par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3654.

    M. Xavier Breton. Je souhaite poursuivre le dialogue que nous avons avec Mme la ministre de la famille sur la diversité des modèles familiaux. Si nous sommes d’accord s’agissant de leur diversité, nous avons un problème avec l’expression « faire famille ». (« Encore ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qu’entendez-vous, madame la ministre, par « faire famille » ? Avec l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes du même sexe, existe-t-il des limites à ce « faire famille » ? Je vous ai déjà posé la question : est-ce que les désirs des adultes doivent avoir ou non des limites ? Si oui, lesquelles ?

    Je prolongerai ma question, sans vouloir faire de la répétition. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mes chers collègues, nous faisons acte d’approfondissement.

    Madame la ministre de la famille, est-ce que, selon vous, l’État a à juger de la manière de « faire famille » ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4001.

    M. Hervé Mariton. Il s’agit ici de la succession des enfants à leurs père et mère. Le Gouvernement semblait à cet égard un peu perplexe lors de ma dernière intervention, mais quand vous avez un père, une mère et des enfants – notre vision un peu simplette selon vous de la famille –, on sait qui est héritier. On est à plein dans la légitimité de la succession. En revanche, en compliquant les schémas avec ce que vous appelez les « beaux-parents », vous répartissez d’autant le patrimoine, fragilisant ainsi la logique successorale si bien qu’à un moment, quand il y a beaucoup d’héritiers, il n’y a plus d’héritier. Pas uniquement parce que vous divisez l’héritage entre un grand nombre de personnes, mais parce que la légitimité même de la succession disparaît.

    J’ai cité le laboratoire d’idées du PS. Quand on a beaucoup de parents, posez-lui cette question : à quels parents doit-on l’obligation alimentaire ? Il répondra : les deux premiers dans l’ordre chronologique.

    D’une manière semblable, en compliquant le schéma parental, vous vous retrouverez en matière d’héritage avec des problèmes de compensation entre les différents parents et à des schémas si compliqués à résoudre qu’ils feront la fortune des notaires. Et l’idée même de l’héritage devenant plus fragile, le législateur se sentira beaucoup plus légitime à aggraver la fiscalité. La société ne comprendra pas alors très bien pourquoi avec le droit d’adopter c’est l’héritage qui disparaît.

    Puis-je vous rappeler par ailleurs, madame la garde des sceaux, que vous n’avez pas répondu à ma question sur l’inégalité entre parents d’enfants adoptés selon qu’il s’agit de couples homosexuels ou hétérosexuels ? Autant le couple homosexuel n’a pas le choix du moment auquel, dans sa relation à l’enfant, il lui explique sa parenté, puisque l’annonce lui est imposée, autant le couple hétérosexuel s’il a sans doute l’obligation psychologique de donner l’information, a au moins le choix du moment. Cette inégalité est soulignée par l’avis du Conseil d’État et elle lui paraît grave : elle justifie une réponse du Gouvernement.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Indépendamment de ces amendements, sur lesquels la commission a émis défavorable, je souhaite participer à l’effort d’explication concernant l’interrogation de M. Gosselin.

    M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas gagné !

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 310 du code civil dispose : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux. » Notre collègue estime que dans ces conditions il n’est pas applicable aux couples de même sexe puisque le titre VII est exclu de l’article-balai. Or il est rendu applicable à la filiation adoptive par l’article 358 selon lequel « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre. » Tous ces enfants, y compris ceux qui sont dans des familles homoparentales, se verront donc appliquer l’article 310. Je ne vois pas où est le problème.

    Avis défavorable sur les amendements.

    M. Philippe Gosselin. La jonction des deux n’est pas bonne, mais nous aurons fait notre travail de législateur !

    M. Jacques Pélissard. Nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte, mais presque !

    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. Mariton qui s’inquiète des incidences de ce texte sur le droit des successions, plus précisément du fait que plus il y a des formes de filiation différentes, plus le patrimoine risque de se diviser, selon la formule de droit ancienne : plus il y a d’héritiers, moins il y a d’héritage. Je suis un peu surpris par sa démonstration. Elle a en effet présidé à ce qui a probablement été l’un des plus gros scandales souvent oublié du droit de la famille en matière d’héritage, je veux parler des droits du conjoint survivant. Il est en effet extraordinaire qu’il ait fallu attendre 2001 pour que le conjoint survivant, au sein de ces couples qui font des enfants et dont vous faites une sorte de modèle idéal, ne soit plus oublié !

    M. Bernard Roman. La proposition Vidalies !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Jusqu’à cette date, il passait en effet après les frères et sœurs du défunt dans l’ordre de l’héritage. Il n’avait alors pratiquement aucun droit dans la succession. Il a fallu attendre, je le répète, 2001 pour que nous déposions une proposition de loi en la matière. Or ce texte, que j’ai préparé, a dû faire face, non pas dans cette assemblée, mais dans d’autres instances, à une résistance intellectuelle forte fondée sur la notion de protection foncière. Dans ce modèle magnifique de famille que vous évoquez et qu’il faudrait préserver aujourd’hui après avoir traversé notre histoire au cours des siècles, le conjoint survivant avait, en matière de filiation et de patrimoine, surtout le droit, car il s’agissait le plus souvent des épouses, de faire des enfants : quand il s’agissait de leur donner des droits patrimoniaux, elles étaient exclues et renvoyées très loin dans la hiérarchie des héritiers au niveau des cousins germains. Cette vision qui s’est imposée de façon extraordinaire jusqu’en 2001, c’est celle que d’une certaine façon vous reprenez. Heureusement, nous avons changé la loi.

    Quant à la démonstration sur la situation différente des enfants, selon que les enfants sont du même lit ou de lit différent, les droits du conjoint survivant ne sont pas les mêmes puisque dans le premier cas – et le législateur a eu bien raison – le conjoint survivant a l’usufruit de la totalité et, dans le second cas, pour ne pas créer un conflit entre lui et les enfants, le quart en pleine propriété. Si les enfants sont à égalité de droit, ils ont bien un traitement juridique différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. Voilà plusieurs fois que l’on évoque l’expression « faire famille ». Je demande à mes collègues de bien réfléchir à la manière de l’utiliser car, incontestablement, malgré les discours que l’on entend chez certains bons apôtres sur les droits des homosexuels « que l’on respecte », il y a derrière son utilisation l’idée que ces gens-là, mon bon monsieur ils ne peuvent pas faire famille. Cela me fait penser à cette chanson de Jacques Brel : « Faut vous dire, Monsieur / Que chez ces gens-là / On n´cause pas. »

    Si, mesdames et messieurs, ces gens-là ça cause, ça vit, ça a des joies et de bonheurs, mais ça a aussi des souffrances et cela à la mesure de ce type d’expression que vous employez. Faites-y très attention.

    Cela me fait également penser à la controverse de Valladolid : les esclaves ont-ils une âme ? S’ils n’ont pas d’âme, ils n’ont pas de droits. Au fond, c’est la même question qui est soulevée ici, celle de la dignité du genre humain.

    M. Sylvain Berrios. Vous allez trop loin !

    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Allons jusqu’au bout de cette expression « faire famille ». Tout à l’heure, je parlais de son utilisation par des sociologues, mais même dans les milieux chrétiens c’est une expression qui est utilisée. Depuis longtemps, certains considèrent en effet que la famille n’est pas simplement le lieu du maintien d’un ordre social, mais que les familles, y compris les familles chrétiennes, sont traversées par des évolutions de société qui vont bien au-delà de la vision très traditionnelle que l’opposition nous présente depuis des jours et des jours.

    Je la mets donc en garde de ne pas être dépassée par ces milieux chrétiens qui estiment que la réflexion sur le « faire famille » doit se faire indifféremment des sociologues.

    Avis défavorable.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1989, 1995, 2392, 3654 et 4001.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 183

    Nombre de suffrages exprimés 183

    Majorité absolue 92

    Pour l’adoption 51

    contre 132

    (Les amendements nos 1989, 1995, 2392, 3654 et 4001 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, je demande une suspension de séance au titre de l’article 58 de notre règlement.

    Mme la présidente. Elle est de droit.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

    Mme la présidente. La séance est reprise.

    Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    Mme la présidente. L’amendement n° 1996 de M. Jean-Frédéric Poisson est défendu.

    Monsieur Le Fur, je vous vois prêt à défendre l’amendement n° 2001.

    M. Marc Le Fur. Toujours prêt, madame la présidente !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est son côté scout ! (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Toute allusion à des organisations de jeunesse serait sans aucun fondement. (Sourires.)

    Je n’aime pas l’expression « faire famille ».

    Mme Christine Pires Beaune. C’est bien dommage !

    M. Marc Le Fur. D’abord parce qu’il vaut mieux ne pas multiplier les formules de ce genre – quand on peut éviter d’employer le verbe faire, ce n’est pas plus mal ; ensuite parce qu’elle donne un tour très artificiel à la famille. Dans ma conception, la famille est également une chose très naturelle et peut prendre des tours divers : on a connu la famille nucléaire, puis la famille clan, la grande famille, etc. Quoi qu’il en soit, revenons au droit naturel : cette expression m’a valu certains ricanements, mais que les ricaneurs se rendent compte que c’est une notion essentielle dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

    M. Marc Le Fur. Je l’y ai recensée trois fois : au début de la déclaration : « Les représentants du peuple français […] ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme » ; à l’article II : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme » ; à l’article IV : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels, etc. ».

    C’est la meilleure façon de résister à l’emprise des autres hommes : le droit naturel est une protection contre les excès de la société, les excès des États,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

    M. Marc Le Fur. …les excès des tiers. Comprenez-le bien : c’est une protection, et directement l’héritage des Lumières. On retrouve la même notion dans les déclarations des colonies américaines rédigées, souvent d’ailleurs dans les mêmes termes, quelques années auparavant. Retenons que cette notion demeure le fondement juridique de notre droit. Ce n’est pas une pétition de principe qui remonte à longtemps ; c’est un élément de la Constitution. Cela implique d’admettre que si la famille est une construction politique et juridique, c’est aussi la nature.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le droit naturel et la loi naturelle, ce n’est pas la même chose.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2001 et ceux qui lui sont identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. L’amendement n° 2393 de M. Philippe Gosselin est défendu.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3660.

    M. Xavier Breton. Il est effectivement important que nous ayons des échanges sur ce sujet qui est au cœur du projet de loi. Je me méfie, moi aussi, de l’aspect artificiel induit par ce « faire famille », où la famille serait ramenée à une construction. On ne peut pas aller jusque-là. En même temps, je vois bien, madame la ministre déléguée, les évolutions de la famille à travers des parcours personnels ou familiaux, la mutation des valeurs de la société ou encore sous la pression du monde économique. Je vous renvoie au livre de Luc Ferry qui explique fort bien qu’aujourd’hui, celui qui a sûrement le plus intérêt à cette déstructuration des structures familiales, c’est sans aucun doute le monde capitaliste : qui dit familles décomposées et recomposées dit plus de voitures, plus de logements, plus d’équipements, etc. il y a donc un intérêt économique à la déstructuration des familles. Je vous invite tous, chers collègues, à lire ce livre très intéressant. La famille est à coup sûr amenée à évoluer, nous sommes d’accord là-dessus.

    La seule question est de savoir quel est le rôle de l’État face à ces évolutions. Doit-il simplement accompagner et valider les évolutions en cours ou doit-il en encourager certaines et surtout fixer des limites et des interdictions : où s’arrête le faire famille ? Au-delà de l’ivresse des mots, il est important d’avoir un cadre politique. Le rôle d’un ministre n’est pas seulement de faire des discours mais c’est également de mettre en place une politique. Quel est, madame la ministre, le cadre dans lequel le faire famille que vous prônez s’inscrira ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4013.

    M. Hervé Mariton. Il est ici question de la situation particulière où les père et mère sont amenés à hériter de leur enfant. Dans une conception que d’autres ici ont qualifiée de naturelle, on a affaire à un schéma linéaire : l’enfant peut hériter de ses parents et, de manière assez symétrique quoique plus exceptionnelle, les parents peuvent hériter de l’enfant.

    Mais qu’en est-il dans l’appréhension qui est la vôtre, la satisfaction donnée au désir d’enfant ? Êtes-vous sûr que la justification du fonctionnement que je viens de décrire joue dans les deux sens ? Si l’on a eu un enfant dans le seul but d’étancher son désir d’enfant, quelle légitimité a-t-on alors à hériter de lui ? Dans le désir d’enfant, vous n’avez pas la même logique de responsabilité.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Quelle ineptie !

    M. Hervé Mariton. Quand vous avez un enfant, vous ne faites pas enfant. Ce n’est pas tant l’exercice d’une liberté qu’une responsabilité. En contrepartie de cette responsabilité, il n’est pas absurde, si par malheur votre enfant décède avant vous, que vous héritiez de lui. Mais dans votre logique, celle du désir d’enfant, je ne vois pas quelle est la base philosophique, en quelque sorte, qui justifierait que l’ascendant – adoptif en l’occurrence et en particulier au sein d’un couple de personnes de même sexe – hérite de lui. Dès lors qu’on s’est borné à épanouir un désir d’enfant, pourquoi devrait-on hériter de ce qui n’a été que la cause de l’épanouissement ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous pourriez parler en français ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. À ce stade, au bout de dix jours de débats, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le pays compte 10 000 chômeurs supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Seul M. Cochet a la parole !

    M. Philippe Cochet. Il se trouve que je suis père de quatre enfants et maire d’une commune de 40 000 habitants.

    M. Nicolas Bays. C’est une femme Barbara Gould ! (Sourires.)

    M. Philippe Cochet. Il y a quelque chose de scandaleux à continuer à discuter (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) sur un texte aussi mal préparé…

    Mme la présidente. Merci de laisser M. Cochet poursuivre, mes chers collègues.

    M. Philippe Cochet. Je vous remercie de m’applaudir parce qu’en tant que père de quatre enfants et maire d’une commune de 40 000 habitants, j’ai fait partie des 61 % des maires de France qui demandent la suspension de ce texte pour que nous puissions enfin travailler sur des sujets qui concernent les Français, c’est-à-dire le chômage ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien alors, arrêtez !

    M. Alexis Bachelay. Retirez donc vos amendements poubelles !

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2001, 1996, 3660 et 4013.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 150

    Nombre de suffrages exprimés 150

    Majorité absolue 76

    Pour l’adoption 41

    contre 109

    (Les amendements nos 2001, 1996, 3660 et 4013 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2276.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la division d’honneur !

    Mme la présidente. Allons !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Détendez-vous madame la présidente, tout va bien. (Sourires.)

    Mon amendement porte sur l’article 737 du code civil et il est défendu.

    Tout à l’heure, j’avais perdu de vue notre collègue Janquin dans l’hémicycle, il m’en excusera, mais maintenant je le vois, j’en suis heureux.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est normal, nous sommes nombreux !

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai que vous êtes si nombreux que l’on peut vous perdre. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Puis-je continuer, madame la présidente ?

    Mme la présidente. Continuez, monsieur Poisson, et ne répondez pas.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas répondu.

    Mme la présidente. Il n’y a pas de conversations personnelles, mais une seule prise de parole pour tout l’hémicycle. Merci de bien vouloir continuer, monsieur Poisson !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, madame la présidente. Je voulais profiter de cette défense d’amendement pour m’étonner que nos collègues de la majorité fassent fréquemment référence à l’Angleterre.

    Durant les débats de ces derniers jours, nous avons entendu la majorité invoquer la République. Nous avons vu avec quelle énergie et quel enthousiasme elle a voulu absolument ajouter que les cérémonies devaient se faire dans le respect des rites républicains. Comment ne pas les comprendre ?

    Vous avouerez dès lors, mes chers collègues, qu’il y a quelque chose de cocasse à vous voir faire référence à ce qui se passe dans une monarchie, certes parlementaire, par ailleurs dotée d’une religion d’État – ce qui ne correspond pas tout à fait à votre modèle laïque, convenez-en –…

    M. Serge Janquin. Certes !

    M. Jean-Yves Caullet. Et malgré cela !

    M. Nicolas Bays. La laïcité est une religion d’État !

    M. Jean-Frédéric Poisson. En Angleterre, le mariage civil, c’est-à-dire en dehors de l’église anglicane, représente une infime minorité de situations. Je m’étonne donc de voir nos collègues de gauche prendre ce qui se passe chez nos amis d’outre-Manche comme une référence, car je ne vois pas ce qu’il y a de comparable entre nos deux pays.

    M. Yann Galut. Quel argument !

    M. Philippe Gosselin. Je viens de l’expliquer, monsieur Gallut. Si vous aviez daigné m’accorder quelques secondes de votre attention, vous l’auriez compris.

    M. Serge Janquin. C’est parler pour ne rien dire…

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2276 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2887.

    M. Marc Le Fur. Ceux qui veulent s’exprimer dans les rangs socialistes ou écologistes peuvent parfaitement le faire.

    M. Bernard Roman. Merci !

    M. Marc Le Fur. Il vous suffit de lever la main et la présidente vous donnera très vraisemblablement la possibilité de vous exprimer contre nos amendements. N’hésitez pas !

    Je remercie M. le ministre Vidalies pour ses réponses, mais je voudrais revenir sur un sujet majeur : notre demande de référendum qui a été refusée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Baumel. Vous en avez déjà parlé tout à l’heure !

    M. Yann Galut. Tous les jours ! Et ça fait dix jours que ça dure !

    M. Marc Le Fur. Le référendum, cela ne fait pas dix jours : cela figure dans la Constitution de 1958 et cela a été initié par le général de Gaulle.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça ne lui a pas réussi !

    M. Marc Le Fur. Il avait contre lui vos grands anciens, en particulier Monnerville qui l’avait accusé de forfaiture, chacun s’en souvient. Mais nous, nous sommes attachés au référendum parce que nous croyons à la volonté populaire.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Que tenez-vous à la main, un parchemin du Moyen âge ?

    M. Marc Le Fur. Le droit naturel est l’une de nos bornes ; la volonté populaire en est une autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne sommes pas omnipotents et, à entendre certains, encore moins omniscients. Au lieu de crier, lisez ce qui se passe… (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Baumel. Bavardage, blocage, obstruction !

    Mme la présidente. Laissez M. Le Fur s’exprimer !

    M. Marc Le Fur. Madame la présidente, nous avions bien commencé, mais quelques excités se rendent compte qu’ils ont tort, qu’ils sont sur le Titanic au moment où il commence à couler !

    M. Philippe Baumel. C’est vous qui coulez !

    M. Marc Le Fur. Que dit le professeur Daugeron sur le référendum ? Que les obstacles opposés au référendum ne tiennent pas.

    M. Serge Janquin. Nous sommes le peuple souverain !

    M. Marc Le Fur. Premier obstacle : c’était dans le programme du Président de la République. Cela n’interdit évidemment pas une option référendaire et ce n’est pas parce que c’est dans le programme du Président de la République que cela doit nécessairement s’appliquer. Nous ferons bientôt la liste de tous les éléments du programme Président de la République qui n’ont pas donné lieu à applications.

    M. Philip Cordery. Il nous reste cinq ans !

    M. Marc Le Fur. Nous attendons encore un peu, mais nous la ferons. Je reviendrai sur l’article 11 de la Constitution en prochaine semaine…

    Mme la présidente. La prochaine fois !

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3869.

    M. Xavier Breton. Je voudrais poursuivre le débat avec Mme la ministre de la famille et inviter mes collègues de la majorité à y participer. N’ayant pas eu l’occasion de faire un grand débat public et citoyen, nous le faisons ici. Si vous avez des idées sur la manière de faire famille, allez-y, dites-nous quelles sont vos convictions !

    Madame la ministre, j’en étais à l’expression « faire famille ». Je suis d’accord si l’on parle des évolutions de la famille dans l’histoire, sociétales ou socio-économiques, ou des limites à une vision purement prométhéenne, puisqu’il n’y a pas de construction artificielle dans la famille. Accordons-nous donc sur l’expression faire famille.

    Dès lors, l’État doit-il poser des limites à ce faire famille ? La réponse que vous aviez donnée dans une interview au magazine Têtu, en août 2012, n’était-elle qu’une transcription de journaliste ? « L’État n’a pas à juger de la manière de faire famille », aviez-vous dit. Maintenez-vous cette phrase ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4980.

    M. Hervé Mariton. L’article 737 du code civil traite du cas où l’enfant décède après ses père et mère.

    Tout à l’heure, le ministre Vidalies a souligné à juste titre que, jusqu’à une époque récente, la situation du conjoint survivant était assez mal traitée par la loi. S’il existait heureusement des formules assez accessibles pour résoudre cette difficulté, la législation actuelle est sans doute préférable.

    De la même façon, pour les couples de personnes de même sexe et pour les enfants dont ils peuvent avoir la charge, s’il n’y a pas de réponse automatique de la loi, il y a souvent des réponses permises par la loi afin de veiller aux intérêts de l’enfant et à ne pas léser d’autres héritiers potentiels.

    L’automatisme, monsieur le ministre, n’est pas en toute chose la bonne réponse. Je le dis avec beaucoup de constance, mais sans bien convaincre Mme Taubira qui devait pourtant méditer et partager cette réflexion. On ne trouve pas forcément les bonnes réponses dans l’imitation et la duplication.

    Oui, les procédures actuelles de droit conférées aux conjoints survivants sont meilleures que celles qui existaient antérieurement. Cependant, l’intervention contractuelle était possible, elle n’était pas si compliquée que cela et elle permettait de régler bien des situations. Nous ne sommes pas passés de la nuit au jour…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas loin !

    M. Hervé Mariton. Reste que la situation actuelle est meilleure. Prenons garde toutefois en légiférant dans le domaine des relations familiales qui peuvent être compliquées : s’il faut parfois protéger le faible, on aurait tort d’écarter systématiquement le juge. C’est pour cette raison que j’ai toujours été très défavorable à la déjudiciarisation du divorce, cas typique où le juge est bien le protecteur du faible.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est aussi mon avis.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord sur ce point !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je constate que le magazine Têtu voit son nombre d’abonnés augmenter, c’est intéressant !

    M. Alexis Bachelay. Mariton fera la couverture le mois prochain !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’État doit reconnaître et protéger tous les modèles familiaux qui sont respectueux des valeurs de la République, et ce sont elles qui mettent les limites. C’est pourquoi tout votre discours sur la polygamie, l’inceste, etc. ne tient pas, pour la bonne raison que ces pratiques sont contraires aux valeurs de la République.

    Nous n’avons pas à intervenir ensuite puisque ce sont nos concitoyens qui décident de divorcer, de se remarier, de se pacser, de se dépacser puis de se marier. L’État n’a pas à dire si c’est bien ou pas, mais à mettre du droit, de la protection, de la sécurisation juridique. Je le répète : l’État doit reconnaître et protéger tous les modèles familiaux respectueux des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Madame la ministre de la famille, je souhaiterais que vous m’indiquiez exactement comment est organisé le test qui permet de s’assurer que les modèles familiaux sont respectueux des valeurs de la République. Nous les avons tous en partage, en tant que citoyens. Vous êtes dans une présentation un peu animiste des choses : autant je comprends qu’un citoyen ait le respect des valeurs de la République, par responsabilité, choix, engagement, autant il faut m’expliquer ce qu’est un modèle familial respectueux de ces mêmes valeurs. À quels tests allez-vous soumettre les modèles familiaux pour vous assurer qu’ils sont conformes aux valeurs de la République ? Vous avez une appréhension un peu curieuse des choses…

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n os 2276, 2887, 3869 et 4980.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 165

    Nombre de suffrages exprimés 165

    Majorité absolue 83

    Pour l’adoption 42

    contre 123

    (Les amendements n os 2276, 2887, 3869 et 4980 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1999.

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai oublié de saluer l’arrivée au banc des commissions du vice-président Le Bouillonnec. Je l’en remercie.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça fait un moment qu’il est là !

    M. Christian Jacob. Avant, il était à sa place, maintenant il est au banc !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Et je salue son arrivée au banc, madame la présidente de la commission des affaires sociales.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au banc de Poisson… (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Elle est amusante, celle-là ! J’espère que le compte rendu l’aura notée !

    Mme la présidente. Si M. Poisson pouvait intervenir sur le fond, cela nous éviterait de perdre du temps.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis tellement ravi de voir mes collègues s’égayer un peu, madame la présidente !

    Mme la présidente. Laissez les bancs de poissons à leurs auteurs ! Veuillez continuer.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous progressons : la question sur les exequatur a reçu une réponse. En restent trois à ce stade, je les repose : comment les livrets de famille seront-ils libellés ? Comment les actes d’état civil seront-ils écrits ? Comptez-vous, en tirant les conséquences de votre projet de loi, ouvrir aux mineurs la possibilité de signer un PACS ? Voilà les trois questions qui restent sans réponse.

    L’amendement n° 1999 est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2008.

    M. Marc Le Fur. Je reviens sur la nécessité d’un référendum. Le Président de la République peut prendre cette initiative : l’article 11 de la Constitution le permet.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et c’est reparti !

    M. Marc Le Fur. Madame Lemorton, tout se passait bien, que vous arrive-t-il ?

    M. Christian Kert. Elle s’est lâchée !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous me mettez de bonne humeur !

    Mme la présidente. Monsieur Le Fur, laissez la présidente de la commission des affaires sociales rire toute seule et continuez.

    M. Marc Le Fur. Comme elle était prise d’une certaine hilarité…

    Mme la présidente. Peu importe, ce n’est pas le sujet.

    M. Marc Le Fur. Nous sommes partisans du référendum. Selon l’article 11, le Président peut en prendre l’initiative. La seule véritable raison qu’on nous oppose est que l’article fait référence au social alors que notre sujet est sociétal. Cet argument ne tient pas puisque le mot sociétal est un néologisme qui n’était pas employé en 1958 et pas davantage en 1962, lorsque l’article 11 a été utilisé pour la première fois. En outre, la famille, c’est aussi du social. Ce n’est pas seulement des allocs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman et M. Yann Galut. C’est affligeant !

    M. Marc Le Fur. Qu’est ce qui vous prend, mes chers collègues ? Puisqu’il s’agit de social, cela doit permettre au Président de la République d’envisager de soumettre cette réforme à un référendum. Je n’ai pas eu le temps, j’essaierai de le faire dans les jours prochains, d’aller consulter les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, regroupés à l’initiative du constitutionnaliste M. Maus en plusieurs tomes. Nous pourrons voir comment a été rédigé l’article 11 et constater que cet article a fait consensus lors de sa rédaction. Vous êtes les héritiers de Guy Mollet, lui aussi était dans cette affaire : la SFIO existait, il a voté l’article 11 de la Constitution. Mais je comprends que 1956, Guy Mollet, cela vous gêne un peu…

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3663.

    M. Xavier Breton. Je veux continuer l’échange avec Mme la ministre déléguée car cela montre l’intérêt d’un véritable débat. On vu que sur l’expression « faire famille », qui suscitait une incompréhension, peut-être de mon fait, nous sommes parvenus à un rapprochement après que Mme la ministre a formalisé la position du Gouvernement.

    « L’État n’a pas à juger la manière de faire famille », aviez-vous déclaré au magazine Têtu ; vous venez de préciser : dans les limites du cadre républicain. Nous pouvons nous accorder sur ce point. Je ne vais pas vous embêter en vous demandant si la limitation à deux du nombre de mariés fait partie de ce cadre républicain, quoiqu’on puisse se poser la question : quel est le caractère républicain d’un mariage à deux ? Est-ce à dire que l’altérité sexuelle est un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Qu’est-il posé dans le cadre républicain ? Est-ce le nombre deux sans considération du sexe ? Y a-t-il une considération de sexe ? Il y a matière pour s’interroger sur les limites posées du cadre républicain. J’y reviendrai plus loin.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1999 et les amendements identiques, Je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4030.

    M. Hervé Mariton. Je reviens sur un point évoqué plus tôt dans la journée qui a donné lieu à une réponse assez vive de Mme la ministre déléguée, mais peu satisfaisante à mon goût : je veux parler de l’évolution de la composition du Haut conseil de la famille.

    Vous vous êtes flattée, madame la ministre, de ce que le Haut conseil de la famille était réuni, et c’est effectivement une excellente chose. Mais vous en avez modifié la composition, en diminuant notamment la proportion de représentants des associations familiales au profit d’organisations syndicales ou de groupes représentant telle ou telle catégorie de familles telles que vous les concevez.

    M. Christian Assaf et M. Philippe Baumel. Des noms !

    M. Hervé Mariton. Cette modification n’est pas le fruit du hasard : la revendication des organisations syndicales est assez ancienne. Il me semble que la composition antérieure, avec une plus forte présence des représentants des associations familiales, correspondait mieux à la fonction même du Haut conseil de la famille. Nous savons, hélas ! quelles peuvent être ses orientations aujourd’hui. Quel qu’ait été le moment de sa nomination, je pense que nous ne sommes, pour l’essentiel, pas tout à fait en phase avec celui qui est aujourd’hui son président.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est vous qui l’avez nommé !

    M. Hervé Mariton. Je le sais.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ah !

    M. Hervé Mariton. Oui, et ce n’était pas une bonne idée (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC), je le dis comme je le pense. J’ai toujours dit que ce n’était franchement pas une bonne idée, même après avoir discuté avec l’intéressé pour préparer un rapport sur la famille pour le groupe UMP il y a deux ans.

    Vous avez donc le président qui convient, mais cela ne vous suffit pas : alors vous changez la composition du Haut conseil. Et probablement aurez-vous ainsi plus facilement son agrément aux réformes que vous souhaitez.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1999, 2008, 3663 et 4030.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 166

    Nombre de suffrages exprimés 166

    Majorité absolue 84

    Pour l’adoption 42

    contre 124

    (Les amendements n os 1999, 2008, 3663 et 4030 ne sont pas adoptés.)

    M. Nicolas Bays. Ils sont de moins en moins nombreux ! C’est une boucherie !

    M. Alexis Bachelay. Arrêtez le massacre !

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2892.

    M. Marc Le Fur. Je reviens sur le référendum (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre refus du référendum témoigne d’une méfiance à l’égard du peuple, ce n’est pas autre chose. Nous, nous faisons confiance au peuple. L’histoire de nos grands anciens démontre que nous en tirons toutes les conséquences, y compris quand cette décision populaire peut être négative comme pour le référendum de 1969.

    M. Jean-Yves Caullet. Et le 6 mai, ce n’était pas un référendum ?

    M. Marc Le Fur. Vous refusez donc le référendum, vous refusez le peuple. Nous avions introduit dans la révision constitutionnelle de 2008 la possibilité d’organiser un référendum d’initiative populaire sur certains sujets, avec des conditions évidemment, mais nous pensions que le peuple doit pouvoir s’exprimer.

    Je me souviens, pour y avoir participé, des débats consécutifs à cette révision en 2011 au terme desquels nous avons voté la loi organique qui permet désormais d’aller vers un référendum d’initiative populaire. Mais celui-ci reste soumis à des conditions relativement exigeantes : un cinquième des parlementaires, un dixième de la population, ce qui constitue une difficulté objective. Je me rappelle les critiques des socialistes à l’époque, M. le Bouillonnec ne me démentira pas, qui les trouvaient trop exigeantes, à tel point que le texte n’est toujours pas adopté au Sénat.

    Vous refusez, et c’est grave, donc toute capacité d’initiative du peuple. Le texte de l’Assemblée est désormais au Sénat. Je ne verrais que des avantages à ce que vous me répondiez, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, ne serait-ce que pour corriger certaines des erreurs : je ne prétends pas à la science infuse ni à l’exhaustivité. En tout état de cause, vous considériez que notre texte était insuffisant et malgré cela, vous ne l’avez pas adopté au Sénat, où il ne restera qu’une « petite loi » sans effet tant qu’il n’aura pas été adopté dans les mêmes termes.

    Allons plus loin, allons au bout des choses : Démontrez-nous votre volonté de faire adopter un dispositif permettant l’initiative populaire sur certains sujets. Cette initiative doit évidemment être contrainte, limitée et organisée, cela va de soi. De grandes démocraties ont mis en place un mécanisme analogue. La France aune tradition du référendum, héritage du gaullisme.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 3872 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3872.

    M. Xavier Breton. Je poursuis mon propos de tout à l’heure sur le « faire famille ». Nous sommes d’accord pour admettre que le « faire famille » est limité a minima par le cadre républicain. Le problème, c’est que ce « faire famille » a une dimension prométhéenne qui va de pair et fait écho à la notion de droits : autrement dit, des droits y sont attachés. Quelles sont les limites qui s’appliquent à ces droits, notamment pour ce qui touche à l’enfant ? Notre cadre républicain permet-il, oui ou non, de limiter un droit à l’enfant ? Si oui, quelles sont ces limites ? Il est important que nous puissions nous accorder sur ces sujets. Vous avez fait le choix de la division quand il faudrait rechercher l’unité de notre pays et la réconciliation pour définir notre conception de la famille et de la politique familiale. Des voies existent, notre échange le prouve. Je répète ma question : quelles sont dans le cadre républicain les limites au « faire famille » qui ouvrent un droit à l’enfant ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je réponds à M. Le Fur qui a posé une question sur le référendum d’initiative populaire qui faisait effectivement partie de la réforme constitutionnelle. On ne peut pas dire que la loi organique nécessaire pour sa mise en œuvre a été adoptée dans la précipitation : lors de notre arrivée, elle était déjà depuis un certain temps au Sénat sans avoir été inscrite à l’ordre du jour par l’ancienne majorité… Ce temps est révolu, ce texte va venir à l’ordre du jour du Sénat dans les prochaines semaines, et je peux d’ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement le regardera dans une démarche positive.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2892 et 3872.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 167

    Nombre de suffrages exprimés 167

    Majorité absolue 84

    Pour l’adoption 43

    contre 124

    (Les amendements nos 2892 et 3872 ne sont pas adoptés.)

    M. Michel Pouzol et M. Jean-Luc Drapeau. Cela baisse, cela baisse ! L’étau se resserre !

    Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir éviter de hurler dans l’hémicycle, chers collègues.

    M. Alexis Bachelay. On ne hurle pas, madame la présidente, c’est l’émotion !

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2026.

    M. Marc Le Fur. Je voudrais revenir sur les questions essentielles de la PMA et de la GPA. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Vous n’avez vraiment rien à dire !

    M. Marc Le Fur. PMA et GPA ne sont, au moins théoriquement, pas admis par vous, chers collègues de la majorité. Et pour ce qui nous concerne, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, nous sommes contre la PMA et la GPA.

    On cite souvent la presse parisienne. Je reprendrai pour ma part un article de Ouest-France, qui pose la question de la PMA et de la GPA, mais qui pourrait aussi concerner la question de l’euthanasie, qui pose la question de la PMA et de la GPA, disais-je, en droit national au regard d’une réalité internationale. C’est, finalement, le sujet qui est au cœur de nos diverses préoccupations. L’auteur de cet article, un dénommé Le Guay – cela ne s’invente pas –, est un philosophe. Son propos est extrêmement intéressant, et je vous en livre quelques extraits : « Le débat sur le mariage homosexuel ébranle les frontières de notre monde juridique. Par principe, le droit énonce ce qui est acceptable ou refusé sur un territoire donné. Il procède d’une certaine idée morale. Ainsi en est-il de la gestation pour autrui. Elle est massivement refusée en France. Or, [c’est une réalité,] des enfants naissent à l’étranger », issus de GPA, des enfants dont les parents sont français. Il y a un problème théorique, il y a aussi un problème pratique qui se pose à l’égard de ces enfants, chacun le comprendra.

    Plus loin, l’auteur remarque que les règles touchant à la PMA sont très différentes d’un pays à l’autre, et qu’il en est de même pour le suicide assisté et l’euthanasie.

    J’en veux pour preuve ce qui se passe entre la France et l’Espagne, par exemple, pour la PMA. Les règles sont très différentes. On me dit, mesdames les ministres, monsieur le ministre, que vous voulez vous en prendre aux gens qui prônent le départ vers l’étranger, l’utilisation des techniques étrangères. Des articles sont déjà parus dans la presse à ce sujet il y a de cela quelque temps. Nous souhaiterions savoir comment on peut faire. On me donne l’exemple d’un médecin qui travaille en France et qui, quand il doit réaliser un acte interdit chez nous,…

    Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Le Fur !

    M. Marc Le Fur. …renvoie à son cabinet de Barcelone. Cela pose un problème…

    Mme la présidente. Merci !

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3664.

    M. Xavier Breton. Je crois que l’on peut considérer nos échanges sur le « faire famille » comme provisoirement clos. Je note simplement que nous n’avons pas eu de réponse sur les limites posées au droit à l’enfant dans un cadre républicain. Il faudra que nous revenions sur ce point, mais je ne voudrais pas avoir l’air d’empêcher les débats de progresser. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    J’en viens donc à un deuxième point que vous avez évoqué dans votre intervention de tout à l’heure, madame la ministre déléguée : la question des filiations. Au risque de déplaire à Mme la garde des sceaux en reprenant cette notion de pilier qu’elle méprisait hier,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai simplement dit qu’il y en avait deux.

    M. Xavier Breton. …je maintiens qu’il y a bien plusieurs filiations : une filiation « physiologique », pour reprendre votre terme, et une filiation « sociale ». Derrière le physiologique, il y a le biologique, mais je n’aime pas trop l’idée, je préfère la notion de filiation corporelle. Cela dépasse le seul aspect génétique : cela passe aussi par le corps, notamment par un acte d’amour, par une grossesse, par un accouchement, toutes réalités corporelles.

    La filiation que vous dites « sociale » est plutôt à mon sens une filiation affective et éducative, à l’intérieur du foyer ; mais il est une autre filiation sociale, c’est la reconnaissance par la société. On pourrait donc débattre de la question de savoir s’il y a finalement deux ou trois piliers, mais peu importe.

    La question qui m’intéresse, madame la ministre, c’est de savoir comment vous articulez ces deux filiations. Sont-elles alternatives, complémentaires, exclusives ? J’aimerais avoir votre avis sur cette question importante filiation.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2026 et 3664.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 159

    Nombre de suffrages exprimés 159

    Majorité absolue 80

    Pour l’adoption 41

    contre 118

    (Les amendements nos 2026 et 3664 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2028.

    M. Marc Le Fur. Je reviens à cet article tout à fait passionnant du philosophe Le Guay, paru dans Ouest France.

    Comment concilier une règle et des objectifs nationaux avec un monde qui s’internationalise ? La question vaudrait pour de multiples sujets, elle vaut aussi pour la PMA, la GPA et de nombreuses préoccupations de nature éthique.

    « Les principes de notre code civil, écrit Damien Le Guay, peuvent-ils s’appliquer aux Français, où qu’ils soient ? De toute évidence, non. Une certaine “délocalisation morale” existe qui autorise ailleurs ce qui est interdit ici. Nous ne pouvons pas interdire ce qui se passe hors de nos frontières. Et les Français, à l’étranger, ne sont pas des citoyens-bulles régis partout par nos seules lois. » Mes préoccupations sont parfaitement expliquées.

    « D’où l’émergence d’un “tourisme juridique”, poursuit-il. Faute d’obtenir ici les doits qu’ils réclament, certains les cherchent et les trouvent à l’étranger. » Nous sommes confrontés à cette difficulté : nos règles nationales ne valent que sur un territoire donné, elles ne valent pas pour l’ensemble de des citoyens français : celui qui va à l’étranger, chacun l’imagine, n’est pas suivi à la trace par nos policiers. Se pose donc le problème – M. Le Guay l’exprime très bien – du tourisme juridique.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3665.

    M. Xavier Breton. Je continue sur la question des filiations.

    Nous entendons bien qu’il y a plusieurs sortes de filiations, qu’elles ont des effets en droit, et pas seulement d’ailleurs ; elles ont des effets sur la construction de chaque personne, chaque famille. Pour que nos échanges progressent, madame la ministre de la famille, ma question est la suivante : la société doit-elle se fixer pour objectif l’unité ou la dissociation de ces filiations ?

    (Les amendements identiques n° 2028 et 3665, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2896.

    M. Marc Le Fur. Je poursuis la lecture du texte du professeur Le Guay. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    « D’où l’émergence d’un “tourisme juridique”. Faute d’obtenir ici les doits qu’ils réclament, certains les cherchent et les trouvent à l’étranger. Pas de GPA en France ? Ils vont en Inde, aux États-Unis ou en Ukraine. »

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En Serbie !

    M. Marc Le Fur. Avec toutes les conséquences que cela a, avec une attitude à l’égard de ces peuples et à l’égard de ces femmes proprement scandaleuse. Vous le dites : essayez de le traduire dans les faits.

    Le professeur Le Guay continue : « Est-ce moral – au sens de l’acceptation par tous des lois communes ? Non. Est-ce possible ? Oui. Devant cette sorte d’incivilité juridique pour convenance personnelle, la question est la suivante : jusqu’à quel point devons-nous accepter la loi commune, la faire nôtre ? Jusqu’à quel point en refuser les conséquences ? » Je trouve que le sujet de la loi commune et de ses conséquences est parfaitement posé.

    Je poursuivrai tout à l’heure.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3875.

    M. Xavier Breton. Sans réponse de Mme la ministre chargée de la famille, je continue sur les questions de filiation. Je crois important de savoir quel objectif nous visons, ou alors il faut admettre que c’est indifférent, qu’il importe peu que l’on dissocie les filiations ou, à l’inverse, que l’on cherche le meilleur équilibre possible. Il y a plusieurs conceptions, et je crois important que le Gouvernement puisse se situer par rapport à celles-ci.

    L’une, la mienne, que je crois partagée sur les bancs de l’opposition, est qu’il faut rechercher une harmonie entre cette filiation physiologique, corporelle, et la filiation sociale. Pourquoi ? Parce que c’est le schéma qui est préférable, parce que c’est celui qui convient le mieux à l’épanouissement des enfants, qui savent qu’ils sont nés de parents, de leurs gamètes, que ce sont cet homme et cette femme qui les élèvent et qui sont reconnus dans la société comme étant leurs parents. Bien sûr, il y a des accidents de la vie, je ne le nie pas, et je ne soutiens pas pour autant que tous les enfants dont la vie s’inscrit dans ce schéma sont heureux.

    Simplement, est-ce un schéma préférable, est-ce le schéma sur lequel fonder notre droit ? Nous croyons que oui, car nous pensons que cette unité dans la filiation permet d’éviter des souffrances quand il manque un de ses piliers. Je vous pose donc encore une fois la question : ce schéma d’une filiation qui permette de réconcilier la dimension physiologique, corporelle, la dimension affective, éducative, et une dimension sociale ou juridique est-il, pour vous, le bon schéma ? Ou pensez-vous qu’il faille promouvoir un autre schéma dans notre société ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je voudrais répondre à M. Mariton sur le Haut conseil de la famille, mais il n’est plus là…

    Il est quand même assez stupéfiant de voir contester l’introduction d’un collègue « petite enfance » dans le Haut conseil de la famille. Ou alors, que l’on m’explique que la petite enfance ne doit pas tenir une place importante dans notre politique familiale ! Qui peut regretter enfin que les personnalités qualifiées soient un peu plus nombreuses, compte tenu, précisément, de la diversité de nos modèles familiaux et donc des visages très pluriels des familles ?

    Je veux rappeler à M. Mariton que le Haut conseil de la famille n’a pas vocation à donner un blanc-seing aux diverses réformes. C’est avant tout un organe de réflexion et de concertation.

    Enfin, la façon dont a été mis en cause Bertrand Fragonard…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est honteux !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …est assez choquante, je tiens à le dire. C’est un haut fonctionnaire qui a œuvré de manière très républicaine pendant plus de trente ans, sous tous les gouvernements, au service de la politique familiale. Je trouve ce type de propos particulièrement déplacé.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Bien sûr, nous soutenons ces amendements.

    Je veux faire comprendre à nos collègues de la majorité que le sujet est grave. Nous discutons de choses sérieuses. Ricaner comme ils l’ont fait plusieurs fois témoigne d’un manque de respect à l’égard du législateur, mais surtout des Français.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et répéter trois cents fois la même chose, c’est quoi ?

    M. Philippe Cochet. Alors, mesdames et messieurs de la majorité, un peu de respect pour les Français ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Serge Janquin. Allons !

    Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues !

    (Les amendements identiques nos 2896 et 3875 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2294.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu, et je voudrais porter au débat le point de vue d’un avocat parisien, Geoffroy de Vries.

    M. Yann Galut. Vous savez, les avocats…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je note que vous adressez vos salutations à la profession, monsieur Galut.

    Voici ce qu’il nous dit à propos de l’argument tiré de la nécessaire protection de l’enfant : « Le mariage et, en conséquence, l’adoption permettraient, selon les partisans du projet, d’assurer aux enfants d’adultes de même sexe une protection juridique inexistante à ce jour. Il n’en est rien.

    « Tout d’abord, de quels enfants parle-t-on ? Il ne s’agit pas des enfants dont les deux parents sont connus, et qui vivent avec leur père ou leur mère et le partenaire de même sexe de l’un ou l’autre. Ces enfants-là sont dans une situation de famille recomposée, tout comme ceux de parents divorcés et remariés, à ceci près que le père ou la mère vit désormais avec un compagnon de même sexe. »

    « Ces cas ne nécessitent pas de disposition juridique particulière, car l’enfant a toujours un père et une mère, quelle que soit leur orientation sexuelle. Il s’agit d’enfants qui n’ont qu’un seul parent légal et qui vivent avec ce parent et son partenaire de même sexe. Dans certains cas, l’enfant a pu être adopté par son père ou sa mère en France ou à l’étranger. Il n’a qu’un seul parent, bien qu’il soit élevé par sa mère et sa compagne, ou par son père et son compagnon. Dans d’autres cas, l’enfant élevé par sa mère et sa compagne a été conçu délibérément en le privant de père au moyen d’une insémination par donneur anonyme, et ce, à l’étranger et en contradiction avec la loi française, qui à ce jour n’autorise la PMA que pour les couples homme-femme.

    « De même, l’enfant élevé par son père et son compagnon et issu d’une femme donneuse d’ovocytes, a été porté par une femme porteuse et a été privé de mère, et ce en contradiction avec la loi française qui interdit le recours aux mères porteuses. »

    « Autrement dit, si ces enfants n’ont qu’un seul parent, c’est… »

    Mme la présidente. Merci, monsieur Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je continuerai tout à l’heure, madame la présidente.

    Mme la présidente. Bien sûr ! Mais pour l’instant, nous en restons là.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2906.

    M. Marc Le Fur. Je reprends ce que disait M. Le Guay. L’interdiction de la PMA au niveau national et la libre circulation des populations font apparaître un phénomène de tourisme juridique. Comment serait-il possible de suivre l’ensemble des Français ? Ce qui est vrai de la GPA et de la PMA peut valoir pour d’autres activités, mes chers collègues. Cela pose un problème de fond.

    « Devant cette sorte d’incivilité juridique pour convenance personnelle, la question est la suivante : jusqu’à quel point devons-nous accepter la loi commune, la faire nôtre ? Jusqu’à quel point en refuser les conséquences ? Ces petits arrangements avec les interdits nationaux posent problème à notre droit. Certains le font même pour tester des zones grises, et les rendre plus souple. »

    Parfois, certaines attitudes militantes mettent en cause la loi nationale, la défient en jouant sur les différences de législations entre pays. Cela pose un problème de fond. Alors, que faire ? Être intransigeant, mais jusqu’à quel point ?

    Vous disiez très justement, madame la garde des sceaux, que cette intransigeance pose problème. En effet, la naissance d’un enfant à l’étranger, issu de l’une de ces techniques, d’un parent français, pose objectivement une difficulté, nous ne la nions pas.

    Faut-il pour autant être laxiste au point d’accepter les conséquences de ce que l’on interdit par principe ? Accepter les conséquences de principes que l’on réprouve, cela s’appelle de l’hypocrisie. Or c’est l’attitude que nous sommes en train d’organiser à l’égard d’un certain nombre de pratiques. C’est de l’hypocrisie : on affiche un principe sans en tirer aucune conséquence, ni pénale ni de quelque autre ordre que ce soit. Faut-il se résigner, et s’aligner sur le droit des autres pays ? Mais alors c’est le plus libéral qui finit toujours par l’emporter. Suivre cette logique revient à accepter toujours le plus petit commun dénominateur.

    Mme la présidente. Merci, monsieur Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Je poursuivrai cette démonstration un peu plus tard.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3882.

    M. Xavier Breton. Je remercie Mme la ministre de la famille de sa réponse au sujet du Haut conseil de la famille. Je ne lui répondrai pas à la place de mon collègue Hervé Mariton, qui a dû nous quitter, mais je me permettrai de revenir sur le sens de sa question, telle que je l’ai comprise.

    M. Mariton ne s’est pas étonné que le Haut conseil de la famille comprenne des représentants pour le domaine de la petite enfance. À aucun moment il n’a prononcé les mots « petite enfance » : vous n’aviez donc aucune raison de vous en scandaliser, madame la ministre. En revanche, vous n’avez pas répondu sur le fait qu’on avait réduit représentation des associations familiales dans la nouvelle composition du Haut conseil de la famille, ce sur quoi portait justement son interrogation.

    Je tenais à préciser ce point pour la justesse et la clarté de nos débats.

    (Les amendements identiques nos 2294, 2906 et 3882, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2287.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il va continuer sa citation !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

    Je poursuis donc la citation que je tire du Livre blanc des États généraux de l’enfant portant sur le mariage de personnes de même sexe, édité par l’association Cosette et Gavroche : « Autrement dit, si ces enfants n’ont qu’un seul parent, c’est le plus souvent parce qu’ils ont été voulus comme tels par des personnes qui invoquent désormais, au soutien de leurs revendications, cette situation pourtant délibérée, puisqu’il leur a fallu adopter un enfant seul, ou se rendre à l’étranger pour utiliser un procédé interdit par la loi française. »

    « Pour autant, et contrairement à ce qu’indiquent les partisans du projet, ces enfants ne sont pas dans une situation de vide juridique. Ils sont tout d’abord égaux en droits avec tout autre enfant. Le droit français ne s’applique pas aux enfants en fonction, notamment, de l’orientation sexuelle des parents, ou des modalités de leur venue au monde. Par contre, le compagnon du père ou de la mère n’a pas de droit automatique sur l’enfant concerné. C’est d’ailleurs normal, puisqu’il n’est pas le parent de l’enfant. Le code civil prévoit pourtant des solutions aux problèmes avancés. Ainsi, grâce à la tutelle testamentaire, le parent légal de l’enfant peut désigner, en cas de décès, son partenaire comme tuteur de l’enfant. La nomination du tuteur se fait de façon simple, soit par une déclaration devant notaire, soit sous forme de testament olographe selon l’article 403 alinéa 2 du code civil. Pour permettre un partage des droits sur l’enfant, le droit civil autorise, depuis une loi du 4 mars 2002, la délégation partage de l’autorité parentale, prévue par l’article 377 du code civil. »

    Je continuerai cette citation lors de ma prochaine intervention ; l’amendement n° 2287 est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2444.

    M. Philippe Gosselin. J’ai quitté quelques instants l’hémicycle pour vérifier plusieurs éléments, afin de revenir…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ah ! (Sourires.)

    Mme Annick Lepetit. Cela se voit !

    M. Philippe Gosselin. Eh oui, vous nous obligez à donner le meilleur de nous-mêmes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Dites plutôt le pire !

    M. Philippe Gosselin. Je vois que vous en doutez encore !

    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Rassurez-vous : nous ne sommes peut-être pas encore au maximum ! Nous verrons bien si le principe de Peter est vérifié. Je ne doute pas que certains ici soient excellents en jus de crâne.

    M. Alain Tourret. En Normandie, c’est plutôt le cidre…

    M. Philippe Gosselin. Cher collègue Tourret, je n’ai pas bien entendu ce que vous venez de dire, mais j’ai saisi le mot « Normandie ». Cela suffit amplement à faire mettre au garde à vous le patriote normand que je suis, en attendant que les léopards héraldiques rugissent pour rappeler notre belle province… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Quel rapport ?

    M. Philippe Gosselin. J’y viens, j’y viens ! Nous sommes pour la France des diversités, où les léopards normands peuvent rugir et rappeler leur période glorieuse : n’oubliez pas que la Normandie fait partie des plus anciennes provinces de France. Elle fut rattachée au royaume en 1204 ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Luc Drapeau. On est en République !

    M. Philippe Gosselin. Je viens donc au fait. Laissez-moi revenir, madame la présidente, au point de départ : la loi de 1966. La prochaine fois, prenez-vous-en à votre collègue Tourret. Il ne faut pas tenter le diable : je n’y suis pour rien !

    M. Alain Tourret. Le diable, lui ?

    M. Philippe Gosselin. Laissez-moi terminer, chers collègues…

    Mme la présidente. Concluez, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. L’amendement n° 2444 est défendu.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    (Les amendements identiques nos 2287 et 2444, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2296.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ah, la suite de l’histoire ! Nous sommes en haleine !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je termine donc la citation que j’avais commencé à lire tout à l’heure de cet avocat parisien : « S’il existe des difficultés non résolues par loi, il suffirait de quelques aménagements législatifs pour y remédier, mais ce ne peut être une raison pour prévoir l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. »

    Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais porter à la connaissance de l’Assemblée nationale. C’est également ce que nous disons depuis l’ouverture des débats sur ce projet de loi : l’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe ne répond à aucune nécessité de droit. Il ne s’agit pas d’une nouvelle traduction du principe d’égalité qu’il serait nécessaire d’inscrire dans la loi. On ne peut pas plus arguer de la nécessité de prendre en compte toutes les situations familiales de manière égale. Tous ces arguments ne tiennent pas !

    Nous sommes face à un choix politique, qui ne répond pas à des nécessités de droit, car le droit actuel permet déjà de traiter les situations que vous visez. C’est ce que nous répétons depuis le début.

    L’amendement n° 2296 est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2447.

    M. Philippe Gosselin. Mon tour de parole revient vite, c’est formidable !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut dire que vous avez déposé tellement d’amendements…

    M. Philippe Gosselin. Ne me tentez pas, vous jouez contre vous ! Nous ne sommes pas pressés, nous !

    Je reprends donc le fil de mon raisonnement. Dans la loi de 1966, l’adoption plénière est calquée sur la filiation biologique. Voilà pourquoi, en résumé, c’est l’article 310 du code civil qui était visé par les deux arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2012.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’était déjà le cas avant !

    M. Philippe Gosselin. Oui, tout à fait ! Mais attendez, le reste qui est important.

    Ce que je disais tout à l’heure, et que j’essaye à présent de reformuler autrement, c’est qu’au nom de l’égalité, la loi veut faire entrer les adultes dans le droit commun. Votre discours l’illustre, avec des formules comme celle de « mariage pour tous ». Mais la loi ne peut tout à la fois garantir le droit commun aux adultes et en faire sortir les enfants. C’est pourtant à cela que revient votre projet !

    M. Serge Janquin. On ne fait sortir personne du droit commun !

    M. Philippe Gosselin. Vous voulez faire sortir les enfants du droit commun de la filiation. Il y a donc une vraie difficulté : dans ce cas, la loi leur donne un état civil marqué par l’orientation sexuelle des parents. Cela ne peut pas fonctionner.

    J’en reviens, pour la dernière fois…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oh non, pas la dernière fois ! Quel dommage ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Nous aurons vraiment joué notre rôle de lanceurs d’alerte. J’en reviens donc à ma dernière demande : quels actes d’état civil allez-vous proposer ? Confirmez-vous qu’il y aura bien deux actes d’état civil, et trois livrets de famille ? Ces questions très précises n’ont toujours pas de réponse.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3224.

    M. Marc Le Fur. Mon collègue Philippe Gosselin ayant évoqué la Normandie, je me dois de défendre la Bretagne, rattachée beaucoup plus tardivement à la France : il a fallu pour cela que deux rois de France épousent successivement Anne de Bretagne, Charles VIII et Louis XII.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et les enfants, là-dedans ?

    M. Marc Le Fur. Chacun sait cela ! Il fallut encore que la fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, Claude de France, épousât François Ier pour que cette union devînt définitive. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On sent la consanguinité arriver !

    M. Marc Le Fur. Que voulez-vous, chacun a son histoire, permettez-moi d’évoquer la mienne, celle de la région dont j’ai le bonheur d’être issu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Silence, s’il vous plaît, mes chers collègues.

    M. Marc Le Fur. Mon collègue Urvoas pourrait me reprendre si jamais je commettais des erreurs. D’autres collègues ont des attaches dans cette région qui nous est chère.

    L’objet de mon amendement est de poursuivre le propos développé très intelligemment par M. Le Guay qui observe un certain « tourisme juridique », et se demande comment y faire face. Il craint qu’à force de tolérer des conséquences, tout en continuant d’affirmer des principes contraires, on cède chaque fois un peu plus au libéralisme ambiant. De cette manière, la norme minimale l’emporterait.

    La mauvaise monnaie chasse la bonne, apprend-on en économie. C’est exactement ce qui se passe en droit ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Serge Janquin. Qu’entendez-vous par « mauvaise monnaie » ?

    M. Marc Le Fur. Dans un monde mondialisé, c’est la règle la moins contraignante qui domine. En matière économique, vous combattez cette logique, mais vous vous en accommodez pour ce qui est de la GPA. C’est pourtant exactement la même chose ! Je pose là une question de fond ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Arnaud Leroy. Dans ce cas, il faudra voter la réforme bancaire !

    M. Philippe Baumel. On verra cela la semaine prochaine !

    M. Marc Le Fur. À partir du moment où les personnes sont libres de circuler, c’est la règle minimale qui s’applique. C’est cela que vous tolérez ! (Mêmes mouvements.) C’est cela que vous prônez de manière hypocrite, en énonçant des principes sans en tirer les moindres conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    (Les amendements identiques nos 2296, 2447 et 3224, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2297.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Puisque nous évoquons la Bretagne, je tourne mon regard vers mes collègues Clergeau, Lemorton, Urvoas, Janquin, Le Bouillonnec, ainsi que vers M. le ministre des relations avec le Parlement et Mme la garde des sceaux : peut-être vous souvenez-vous d’avoir entendu, au cours de la précédente législature, notre collègue breton Rogemont nous à détailler les différentes manières d’accommoder le homard.

    Mme Marie-Françoise Clergeau. C’était il y a longtemps !

    M. Jean-Frédéric Poisson. À l’époque, cela vous avait fait beaucoup rire, nous un peu moins. Souffrez donc, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, que les rôles soient aujourd’hui inversés ! Comme disait M. le président Urvoas, cela fait partie de la règle du jeu !

    J’en viens à présent aux risques juridiques qu’entraîne l’article que nous examinons, et plus particulièrement aux aspects relatifs à la mise en cause de la présomption de paternité. Je poursuis ma citation de Me de Vries, que je terminerai dans ma prochaine intervention.

    « Le mariage postule la filiation biologique en vertu de la présomption de paternité selon laquelle tout enfant né d’un couple marié est présumé être le fruit de l’union de ce couple. » C’est l’article 312 du code civil, que nous étudions en ce moment. Je vois le rapporteur qui acquiesce, ce dont je le remercie.

    « Cette présomption peut être renversée par la preuve que le mari n’est pas le père. » C’est que nous rappelait Mme la garde des sceaux un peu plus tôt. « Or, dans le cas d’époux de même sexe, ce lien de parenté biologique est impossible. C’est la raison pour laquelle le projet de loi maintient cette présomption pour les couples de personnes de sexe différent sans l’appliquer aux couples homosexuels. » Nous comprenons très bien pourquoi. « Il y aura, alors, deux types de mariages et un risque de contentieux à venir au motif de la discrimination entre le “mariage homosexuel” et le “mariage hétérosexuel”. À titre d’exemple, un mari pourrait désavouer l’enfant qu’il n’a pas désiré, même s’il est le père biologique, en arguant que l’application de la présomption de paternité aux seuls couples de personnes de sexe différent est discriminatoire ou non conforme au principe d’égalité avec les couples homosexuels ! »

    L’amendement n° 2297 est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2448.

    M. Philippe Gosselin. Pardonnez-nous cette bataille entre les territoires situés au nord et au sud du Couesnon, mais mon collègue Le Fur est mitoyen de la Normandie : je lui rappellerai donc la bataille d’Hastings en 1066 ! À cette époque glorieuse de l’histoire de la Normandie, l’Angleterre nous était soumise ! Ce n’est pas rien ! Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si le dauphin était duc de Normandie jusqu’à la veille de la Révolution française, ce qui a marqué la primauté de cette belle province ! Enfin, il faut parfois être fier de ses racines : cela n’offense nullement les autres, puisque cela ne leur enlève rien.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Et en plus, cela occupe le temps !

    M. Philippe Gosselin. C’est d’ailleurs le principe même du mariage que vous tentez de nous proposer : cela qui n’enlève rien aux autres. Vous voyez que mes propos avaient bien un lien avec le sujet qui nous préoccupe ce soir !

    Nous nous sommes quittés hier soir sur quelques considérations d’Aude Mirkovic. Vous avez été nombreux à me demander de revenir sur l’explication des enfants croisés, car il est vrai que c’était quelque peu compliqué. Je le fais donc bien volontiers, ce qui nous permettra de reprendre le cours de cette intéressante causerie dont je suis simplement le porte-parole. Notre collègue Coronado lui-même était allé jusqu’à tweetté que c’était particulièrement intéressant.

    M. Sergio Coronado. Ça a changé depuis !

    Mme la présidente. N’interpellez pas vos collègues dans l’hémicycle, monsieur Gosselin ! Si M. Coronado veut s’exprimer, il demandera la parole !

    M. Philippe Gosselin. Je ne l’interpellais pas, madame la présidente. Je faisais simplement remarquer que M. Coronado avait apprécié la teneur de mes propos !

    Si quatre personnes qui se sont investies dans un projet parental se considèrent, chacune, comme parent à part entière, sur quels critères objectifs les juges vont-ils départager les revendications de ces quatre personnes sur un même enfant ? Dès lors que la référence à la biologie est abandonnée pour intégrer le concept de parent de même sexe, la parenté sociale, comment un juge pourra-t-il départager objectivement les candidats à cette parenté sociale ? Et l’article que je citais de se conclure ainsi : si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parent d’un même enfant, ils ne sont plus l’homme et la femme à l’origine de l’enfant. La filiation n’est plus définie en relation avec l’enfantement,…

    Mme la présidente. Je vous remercie de conclure !

    M. Philippe Gosselin. Je termine ma phrase, madame la présidente.

    …qu’il soit réel ou symbolique comme en cas d’adoption, et la filiation se retrouve réduite à une relation d’éducation ou d’affection.

    J’y reviendrai plus tard. L’amendement n° 2448 est défendu !

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3226.

    M. Marc Le Fur. Nous devons vraiment échanger avec Philippe Gosselin, car, sur ces sujets de Bretagne-Normandie, nous avons beaucoup de choses à nous dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La Normandie était une province sans Parlement, tandis que la Bretagne en avait un : c’était extrêmement différent ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    En matière fiscale aussi, il existait des singularités extrêmement intéressantes. En Bretagne, nous étions dispensés de payer la gabelle ! Cela a eu une conséquence très concrète et très objective en matière culinaire : faute de gabelle, le sel n’était pas cher et le beurre salé a été la conséquence logique de cette disposition fiscale à laquelle nous étions très attachés et que nous enviaient très régulièrement les Normands ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je dispense ce propos sur la Bretagne devant vous tous dans le seul but de répondre à mon collègue Gosselin. Il m’a interpellé de manière presque violente, je me devais de le faire !

    M. Jean-Luc Drapeau. À quand les recettes de crêpes ? Parlez-nous du Poitou :

    M. Marc Le Fur. Je reviens à cet article de M. Le Guay sur le tourisme juridique qui aboutit au libéralisme : « Difficile de renoncer à ses principes et d’accepter que des vérités en deçà des Pyrénées soient erreurs au-delà ! Difficile aussi de se laisser dire son droit par d’autres. » C’est ce à quoi la France est exposée. « Et, pourtant, il semblerait que la porosité des frontières conduise de plus en plus à un patchwork des pratiques aboutissant à une harmonisation progressive des droits. » Et M. Le Guay de conclure : « L’avènement d’une sorte de world morale, une regrettable morale, mondiale, libérale-libertaire !

    Mme la présidente. L’amendement n° 3885 de M. Xavier Breton est défendu.

    (Les amendements identiques, nos 2297, 2448, 322 et 3885, repoussés par le Gouvernement et la commission, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2298.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je continue la citation de Me de Vries dans le Livre blanc des états généraux de l’enfant publié par l’Association Cosette et Gavroche. Je le cite : « Si on supprimait la présomption de paternité pour tous les couples, cela reviendrait à instaurer officiellement la dissociation entre conjugalité et procréation et viderait le mariage de son sens. Quel sens peut avoir un mariage civil qui, en refusant de régler la transmission naturelle de la vie, n’honore plus la promesse de fidélité des époux ? Et si on imaginait de prévoir alors une “présomption de parentalité” pour tous les couples, la filiation ne reposerait plus sur les liens de sang présumés (filiation biologique) mais sur le comportement du conjoint et sa volonté (qui peut changer) d’être désigné comme parent (filiation dite sociale). Cette présomption pourrait alors être renversée par un conjoint par la preuve du défaut de projet parental. On ne peut que constater la difficulté de remettre en cause le principe français de présomption de paternité et surtout de l’appliquer, autant que faire se peut, au cas des couples de personnes homosexuelles. Il est évident que, quelle que soit l’option choisie, des contentieux apparaîtront, ainsi que des drames humains. »

    L’amendement n° 2298 est défendu, madame la présidente !

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2449.

    M. Philippe Gosselin. Je traite, vous l’avez bien compris, de la question de l’homoparentalité et des difficultés liées à la filiation.

    La filiation n’étant plus définie en relation avec l’enfantement, se développe une filiation réduite à d’autres éléments tels que l’éducation et l’affection. Cela signifie que tout adulte investi dans le projet éducatif au sens large pourra réclamer la reconnaissance de sa qualité de parent ; c’est évidemment la question du droit des tiers, envisagée ici sous un angle particulier. Puisqu’il ne sera pas possible de départager les différents candidats à la parenté, on pourra alors allonger le nombre des parents. Ainsi, l’homoparentalité, telle qu’elle est présentée, conduit nécessairement – et c’est un point vraiment essentiel – à la multiparentalité, évidemment réclamée par les associations de parents gays et lesbiens. Cette multiparentalité pose évidemment problème. Nous avons établi quelques comparaisons avec l’étranger. Ainsi, au Canada, certains enfants ont déjà trois parents légaux : la mère, la conjointe de la mère et le père biologique, d’où ce qui a été dit hier et avant-hier, et qui a suscité quelque étonnement : je veux parler de cette remarque de notre rapporteur, lequel évoquait un maximum de quatre parents. Nous ne sommes pas, ici, dans le cas d’une adoption simple, la situation est beaucoup plus complexe. Cela nous mène donc à trois parents légaux, ce qui soulève une vraie difficulté. Le parti écologiste est souvent en pointe sur toutes ces questions, c’est le cas en Belgique, aux Pays-Bas, c’est encore le cas en France et cela l’a été en Suède. Il faut lui reconnaître une certaine cohérence. Ainsi, aux Pays-Bas un débat se déroule actuellement. Après avoir accepté l’idée des parents de même sexe, c’est maintenant le parti écologiste qui réclame au gouvernement la possibilité de reconnaître officiellement trois personnes ou plus comme parents d’un même enfant pour tenir compte de la réalité sociale de la multiparentalité. Ces propos illustrent parfaitement le fait qu’on explose la filiation en introduisant l’adoption telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3227.

    M. Marc Le Fur. Je voudrais mettre en exergue un témoignage, toujours à propos de la PMA. Après vous avoir détaillé le propos du professeur Le Guay, j’aimerais maintenant que nous écoutions le professeur Jean-Philippe Wolf qui dirige le Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humains de l’hôpital Cochin à Paris. Nous pouvons considérer que c’est une autorité dans ce domaine. Il explique ses réticences et les difficultés auxquelles il est confronté. Que chacun veuille bien écouter. Il parle de la PMA pour les couples homosexuels. « Je n’y suis pas hostile d’un bloc […] mais je vois plusieurs arguments pour le contester. Tout d’abord, les homosexuels, en général, ont-ils un droit à l’enfant comme on peut avoir un droit au logement ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « Doit-on, ensuite, employer des moyens médicaux hyper-sophistiqués pour créer un enfant répondant à ce désir, quitte à le placer d’emblée dans une situation un peu bancale ? » Et de poursuivre : « Ce n’est pas parce qu’une “PMA business” s’est développée en Belgique, en Espagne ou ailleurs, qu’il faut faire pareil. »

    À propos de la “PMA business”, je vous ai parlé tout à l’heure de ces médecins qui partagent leur activité entre la France et l’Espagne : quand ils ne peuvent agir en France, ils se rendent en Espagne, et ce avec les mêmes clients. C’est tout de même un sujet de fond ! Je reviens aux propos du professeur Wolf : « Je ne dis pas que certains de mes confrères sont des monstres, mais ils répondent à une demande, ils ne se placent pas le terrain éthique. De plus, les homosexuels vont réclamer le même droit, c’est-à-dire la gestation pour autrui à laquelle je suis totalement opposé. »

    Mme la présidente. Je vous remercie de conclure, monsieur Le Fur !

    M. Marc Le Fur. Que se passe-t-il si la femme meurt en couches ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable !

    Mme la présidente. La parole est à M. Céleste Lett.

    M. Céleste Lett. Je ne vous parlerai pas de la Lorraine, mes chers collègues…

    M. Philip Cordery. Est-ce bien utile ?

    M. Céleste Lett. Même si elle n’a été rattachée qu’en 1766, la Lorraine n’en demeure pas moins une terre de valeurs traditionnelles à l’image de la Bretagne et de la Normandie !

    Notre collègue Marc Le Fur a signifié, en début de séance, combien les Français manifestaient de l’intérêt à nos débats.

    Mme Annick Lepetit. Les pauvres !

    M. Céleste Lett. Je dirai même que, plus ils écoutent l’opposition, plus ils ont conscience que ce projet de loi est funeste, néfaste et contre-nature ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est vrai que nous faisions face parfois, hier, à de l’indifférence, parce que nos concitoyens ne mesuraient pas les conséquences de ce texte. C’est parce que l’opposition sait mettre le doigt sur les incohérences de ce texte et sur son impréparation que les Français en prennent aujourd’hui conscience. Un grand débat sous la forme d’états généraux aurait été nécessaire.

    Mme la garde des sceaux insistait hier sur le sens des mots ; aujourd’hui, elle s’en affranchit bien facilement. Elle triche avec les mots « père, mère, parents », avec les genres et les sexes, avec les singuliers et les pluriels. Il est heureux que nos excellents juristes de l’opposition sachent l’expliquer. Sans doute permettront-ils, demain, aux sénateurs socialistes d’apporter des corrections, évitant peut-être à ce texte d’être inconstitutionnel.

    Mme la présidente. Je vous remercie !

    M. Céleste Lett. Je sais que le droit est difficile et qu’il est parfois tordu, mais la morale peut le tirer vers le haut. Les socialistes font l’inverse, ils le tirent vers le bas : (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    (Les amendements identiques nos 2298, 2449 et 3227, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à la série suivante d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2299.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Puisque nous examinons entre trente et quarante-cinq amendements à l’heure, je fais à nouveau l’inventaire des trois questions qui restent à ce stade sans réponse : l’écriture et la présentation des livrets de famille, la rédaction des actes d’état civil et l’ouverture ou non du PACS pour les mineurs, conséquence des dispositions que vous êtes en train d’inscrire dans ce projet de loi.

    L’article 756 n’est pas concerné par l’amendement-balai. Il convient donc de l’en exclure.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2450.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens toujours à cette question de l’homoparentalité, avec son corollaire, la multiparentalité. C’est un vrai sujet. On nous dit qu’on ne veut pas modifier le cadre « traditionnel » de la famille, tout en reconnaissant, et nous n’avons jamais dit le contraire, que les familles sont aujourd’hui diverses. C’est la réalité ; nul ne la conteste. Les familles monoparentales existent. Nous n’avons aucune nostalgie d’une version parfois idéalisée de la famille du XIXe siècle.

    M. Yann Galut. On ne dirait pas… Vous ne tiendriez pas ce genre de propos sinon !

    M. Philippe Gosselin. Pour autant, doit-on aller jusqu’à la multiparentalité ? C’est une question évidemment très importante. On voit que l’on ouvre une porte, et dans les bribes des projets de réforme du code de la famille qui seront présentés d’ici à quelques mois dans la loi sur la famille, un certain nombre d’éléments nous inquiètent.

    Je ne sais pas si on fera famille à ce moment-là, je ne sais pas si on fera problème ou fausse route mais, en attendant, cette multiparentalité qui se développe au Canada ou aux Pays-Bas sera vraisemblablement invoquée assez rapidement comme un modèle : que ce sont toujours ces modèles étrangers qui sont mis en avant, avec, toujours, ce glissement éthique vers le bas, ce dumping éthique.

    Évidemment, c’est une perte de sens de la relation de filiation…

    Mme la présidente. Merci !

    M. Philippe Gosselin. Je poursuivrai tout à l’heure.

    (Les amendements identiques nos 2299 et 2450, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à la série suivante.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2301.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais compléter ce que vient de dire M. Gosselin sur la multiparenté, en vous citant toujours le Livre blanc des états généraux de l’enfant, publié par l’association Cosette et Gavroche, page 53 :

    « Cette substitution de la “parenté sociale” à la parenté biologique qui limite le nombre des parents à deux (père et mère), va logiquement avoir pour effet d’augmenter le nombre de parents. Beaucoup d’enfants ont trois ou quatre “parents sociaux”, en alternance ou sous le même toit, lesquels éduquent l’enfant et se considèrent comme parents à part entière et à égalité – par exemple lorsqu’un couple d’hommes s’est entendu avec un couple de femmes pour avoir des enfants croisés. Comment alors départager les différents candidats à la parenté s’il n’y a plus de critères objectifs pour trancher les conflits de parenté si ce n’est en allongeant le nombre de parents ?

    « Ce qui a pu se passer dans des États étrangers ayant autorisé le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels est d’ailleurs très révélateur. Au Canada, la Cour d’appel de l’Ontario a allongé la liste des parents d’un enfant en 2007 : deux femmes homosexuelles avaient décidé d’avoir un enfant avec l’assistance d’un ami, tout en convenant que les deux femmes auraient la charge principale de l’enfant et que le père resterait impliqué dans sa vie. Après la naissance de l’enfant, la Cour a déclaré la compagne de la mère troisième parent de l’enfant, au même titre que la mère et le père biologique. »

    Je continuerai tout à l’heure, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2451.

    M. Philippe Gosselin. Vous noterez avec intérêt que les informations que M. Poisson et moi vous apportons se complètent parfaitement : sans avoir les mêmes références de page et de livre, nous arrivons aux mêmes conclusions, un arrêt de 2007 au Canada qui reconnaît officiellement trois personnes, et on pourra aller au-delà.

    À partir du moment où la porte est ouverte, il n’y a pas de raison d’arrêter. Le rapporteur estime souhaitable d’arrêter à quatre mais, sincèrement, dans votre logique, ce n’est pas nécessairement une ineptie d’aller à cinq ou six, et nullement par provocation, si ce sont des relations d’éducation, des relations affectives qui sont mises en avant. On voit tous les jours des gens qui se séparent plusieurs fois. Viennent dans ma permanence des familles qui se retrouvent dans une situation inextricable. Le géniteur n’est en quelque sorte pas le père et il y a des liens affectifs dans des familles pluri-recomposées avec, parfois, trois ou quatre lits différents et des enfants élevés successivement par trois ou quatre conjoints de la mère. On peut vouloir assurer une certaine stabilité affective mais, au-delà d’une certaine limite, cela devient ingérable.

    Il me paraît donc important de conserver la notion classique de filiation, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a fait attention à ne pas toucher au titre VII, mais la brèche ouverte notamment par l’adoption plénière risque d’entacher l’ensemble.

    J’y reviendrai par la suite.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3230.

    M. Marc Le Fur. Je continue de vous citer les propos du professeur Wolf, qui dirige le CECOS à Cochin :

    « Ce n’est pas parce qu’une “PMA business” s’est développée en Belgique, en Espagne ou ailleurs qu’il faut faire pareil. » C’est le sujet de fond parce que cela pose de multiples problèmes.

    « De plus, les homosexuels vont réclamer le même droit, c’est-à-dire la gestation pour autrui à laquelle je suis totalement opposé. Que se passe-t-il si la femme meurt en couches – objectivement, ce sont des problèmes que l’on va rencontrer. Qu’arrive-t-il si l’enfant est trisomique et que personne n’en veut, ni la mère qui l’a porté, ni les parents qui l’ont conçu ? » Je vous ai montré l’autre jour un contrat de gestation pour autrui prévoyant le remboursement de l’éventuel avortement si l’enfant ne correspondait pas au cahier des charges en quelque sorte. « Quelles répercussions pour les enfants de la mère porteuse qui la verront enceinte ? Sans compter que lorsque l’on paie les gens, on ouvre la porte à toutes les dérives comme ce bébé qu’une mère porteuse avait voulu vendre au plus offrant sur Internet ! » Ce ne sont pas des hypothèses d’école. Regardez sur un certain nombre de sites, je les avais présentés l’autre jour mais il faudra que je les représente car, visiblement je n’ai pas été assez clair.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous avez oublié que la GPA était interdite en France ! Nous sommes contre, vous le savez très bien !

    M. Marc Le Fur. Se pose aussi la question de l’appariement, mais j’y reviendrai dans ma prochaine intervention.

    (Les amendements identiques nos 2301, 2451 et 3230, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à une autre série.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2021.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Après l’expérience du Canada, l’expérience de la Californie et des Pays-Bas. En effet, le Parlement de l’État de Californie a récemment voté une loi –à laquelle, cependant, le gouverneur a opposé son veto – prévoyant la possibilité de reconnaître légalement comme parents les différents adultes qui se considèrent comme tels et qui s’investissent auprès d’un enfant. Les Pays-Bas devraient examiner prochainement la question de la multiparenté afin de reconnaître officiellement trois personnes ou plus comme parents d’un même enfant.

    Tout cela prouve que les questions que nous posons, même à cette heure avancée de la nuit, sur les conséquences de l’article 4 ne sont pas des fausses questions. Ces problèmes se posent ailleurs. Au moment où, ce qui se comprend, monsieur Goldberg, vous prenez volontiers des références dans des pays étrangers pour soutenir votre thèse,…

    M. Daniel Goldberg. Pas seulement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pas seulement mais aussi dans les pays étrangers. Il est de notre responsabilité de vous alerter sur les risques qu’encourent les familles qui sont dans notre pays et sur la situation de notre droit si vous introduisez dans le code civil les dispositions que vous soutenez.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2044.

    M. Marc Le Fur. J’ai eu le privilège d’appartenir dans la législature précédente à la commission bioéthique. Nous avions examiné un certain nombre de questions touchant à la PMA et à la GPA, sous l’autorité du président Claeys. Je regrette d’ailleurs qu’il n’assiste pas ce soir à nos travaux car il apporterait une expérience déterminante, ainsi que M. Bapt. Les contacts qu’ils ont eus les ont amenés à faire preuve d’une extrême prudence sur ces questions, prudence que je ne retrouve pas chez notre rapporteur en particulier, qui, on le sait, est très ouvert à ces évolutions – trop, me semble-t-il.

    À l’occasion de ce travail, j’ai appris, ce que l’opinion ne sait pas toujours, que l’essentiel – 92 % – des assistances médicales à la procréation se faisaient au sein du couple, le père et la mère fournissant les gamètes et la médecine les aidant à avoir un enfant. On comprend bien qu’en termes génétiques, les choses ne sont pas fondamentalement changées, puisqu’il s’agit du père et de la mère.

    Dans 8 % des cas, cela devient un peu différent puisqu’un seul des deux fournit des gamètes. Cela pose alors le problème de l’appariement. Comment associer le sperme donné par un individu anonyme et l’ovule de la maman ? Il y a une vraie difficulté parce que l’on est proche de l’eugénisme mais aussi parce qu’il peut y avoir des attitudes racialement assez limites. On comprend parfaitement que l’on ne va pas implanter un sperme issu d’une personne européenne chez un sujet d’origine africaine…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela ne s’appelle pas une implantation, cela s’appelle une insémination !

    M. Marc Le Fur. Mais le risque est grand de voir organiser une demande : fera-t-on préciser à la famille quelles sont ses préférences. Et on pourrait dire par exemple que l’on veut un blond aux yeux bleus, puisque c’est généralement le message que l’on reçoit.

    (Les amendements identiques nos 2021 et 2044, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à la série suivante.

    L’amendement n° 2023 est défendu par M. Jean-Frédéric Poisson.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2047.

    M. Marc Le Fur. La question de l’appariement pose des problèmes dont on parle peu, mais qui avaient été évoqués avec beaucoup d’intelligence par M. Claeys dans notre commission.

    Voici ce que dit le professeur Wolf quand on lui demande comment il répondra aux demandes si une loi ouvre la PMA aux homosexuelles « Avec sympathie, comme on essaie toujours de le faire ici. Après une loi, il y a des décrets d’application et les bonnes pratiques médicales. Pour la question de l’appariement, il est difficile d’avoir une réponse précise. Je suppose qu’avant de sélectionner le donneur de sperme, on demandera aux femmes : “Comment imaginez-vous votre enfant ?” et qu’on essaiera de correspondre aux souhaits exprimés s’ils ne sont pas trop farfelus. »

    Nous avons là un vrai sujet. On associe souvent le don de sperme au don de sang ; mais, dans le don de sang il y a anonymat total, y compris pour le médecin, qui ne sait pas d’où il vient. Dans une logique de génétique, la difficulté est autrement plus considérable.

    Je suis très surpris que la gauche, souvent en avance sur ces questions ethniques, ne soit pas plus révulsée par des pratiques qui semblent se répandre par ce biais.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Deux minutes !

    Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous remercie de votre aide, mais soyez assurés que nous sommes très loin des deux minutes.

    M. Arnaud Leroy. Faites réviser votre chronomètre !

    Mme la présidente. C’est celui de l’Assemblée, et il est révisé à chaque séance.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3669.

    M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur les différentes dimensions de la filiation. Mme la ministre de la famille a parlé – ce ne sont pas les termes que, personnellement, j’aurais utilisés mais cela simplifiera les choses, pour progresser dans la discussion – d’une filiation physiologique et d’une filiation sociale.

    Nous considérons que l’unité de ces deux filiations est le schéma préférable. Cela ne signifie pas que c’est le seul, ni que toutes les familles qui répondent à ce schéma soient parfaites ; mais c’est dans ce cadre que l’on peut construire une filiation solide sans solliciter un pilier plus que l’autre.

    Une deuxième option consiste à prendre un malin à plaisir à dissocier ces filiations, pour couper l’homme de ses racines. C’est la logique qui vise à « casser les déterminismes », pour reprendre les termes de Mme la garde des sceaux, qui considère que tout déterminisme est mauvais. C’est la logique qui vise à complètement déraciner la personne, notamment dans le cadre de sa généalogie. Ce n’est clairement pas notre conception. Ce que je souhaite savoir, c’est si cette conception qui dissocie au maximum les filiations physiologique et sociale est celle que le Gouvernement entend promouvoir avec ce projet de loi et, plus généralement, dans sa politique familiale.

    (Les amendements identiques nos 2047 et 3669, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2060.

    M. Marc Le Fur. Je constate que notre rapporteur argumente toujours aussi peu ses réponses. C’est pourtant la fonction propre d’un rapporteur que de dire le pourquoi, le comment, les conséquences, mais on ne le lui a sans doute pas expliqué, et il se contente donc de ce simple mot : « défavorable ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il le prononce d’ailleurs…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Avec talent !

    M. Marc Le Fur. …avec l’accent nécessaire : au début, nous n’entendions pas le « dé- » et nous croyions donc entendre « favorable », mais ça s’est amélioré depuis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Après avoir, à l’appui d’exemples, évoqué la PMA, je voudrais revenir à un sujet majeur : l’adoption. Celle-ci est de plus en plus difficile. L’adoption internationale se ferme et se fermera plus encore au terme de cette loi : certains pays ne confieront plus d’enfants à des familles françaises qui aspirent à l’adoption.

    Je voudrais vous lire l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’adoption lorsque celui-ci a été sollicité sur la loi.

    M. Yann Galut. Vous l’avez déjà lu !

    M. Xavier Breton. Ce n’est pas le même passage !

    M. Marc Le Fur. Détrompez-vous, je ne l’ai encore pas lu.

    « Consulté sur le projet de loi tendant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe conformément aux prévisions du code de l’action sociale et de la famille, article L. 148-1 – cela a le mérite d’être précis –, le Conseil supérieur de l’adoption a apporté le 9 janvier 2013 sa contribution sur les effets de cette réforme en matière d’adoption. » Vous voyez que c’est récent.

    « Le Conseil constate que le mariage entraînerait automatiquement la possibilité pour des personnes mariées de même sexe d’adopter ensemble un enfant, ou pour le conjoint de même sexe d’adopter l’enfant de son époux ou épouse. Il se montre globalement très réservé à l’égard de ces possibilités car l’adoption est avant tout une mesure de protection des enfants privés durablement de famille dont la finalité est de donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille. »

    M. Philippe Cochet. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3670.

    M. Xavier Breton. Je souhaite poursuivre sur le thème de l’articulation entre les deux dimensions de la filiation évoquées par Mme la ministre de la famille : filiation physiologique et filiation sociale. Nous pensons qu’il faut essayer de concilier les deux. D’autres pensent qu’il faut, par malin plaisir, les dissocier. Une troisième solution, c’est l’indifférence, l’absence de préférence entre l’harmonie de ces deux piliers ou leur dissociation. Peut-être est-ce là le choix du Gouvernement. Cela peut être une option, qui s’entend tout à fait, mais elle a des conséquences, nous le verrons, sur certains choix de politique familiale ainsi qu’en termes de techniques de procréation. Je souhaite une réponse du Gouvernement sur l’articulation entre la filiation physiologique et la filiation sociale.

    (Les amendements identiques nos 2060 et 3670, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 3231 et 3890.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3231.

    M. Marc Le Fur. Je crois l’avis du Conseil supérieur de l’adoption tout à fait essentiel. J’ai indiqué qu’il se montre très réservé « car l’adoption est avant tout une mesure de protection des enfants privés durablement de famille dont la finalité est de donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille. »

    Le Conseil rappelle ensuite les différentes conventions internationales ratifiées par la France, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous avons insisté dans nos amendements, il y a quelques jours, sur la nécessité de nous référer très clairement à cette convention, et l’opposition regrette qu’une telle référence ne soit pas systématique car elle constitue à nos yeux une protection pour les familles et les enfants concernés.

    Je poursuis : « Le Conseil supérieur de l’adoption renouvelle son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant. » Le problème est posé : ce sont les deux sujets qui nous rassemblent. Comment se fait la conciliation entre les deux ? « Il précise qu’il ne s’attache pas à l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption mais aux conséquences qu’aurait pour l’enfant l’instauration d’un double lien de filiation à l’égard de parents de même sexe, lui conférant deux mères ou deux pères. » Tel est bien le sujet : la filiation et la sortie de l’altérité qui nous semble être un élément majeur, comme j’ai eu l’occasion de le dire et de le redire, en mobilisant pour cela Léon Blum, à quoi M. Bloche a répondu et je lui en sais gré. Il n’empêche que Léon Blum était très clairement un apôtre de cette altérité nécessaire.

    Je reviendrai, madame la présidente…

    Mme la présidente. À tout à l’heure, monsieur Le Fur. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3890.

    M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur ces questions de filiation, car le choix que nous ferons aura des conséquences sur la procréation. Si l’on considère que le pilier physiologique n’a aucune importance et que seule compte la dimension sociale, il est clair qu’il n’y aura plus de limites en termes de procréation et de techniques de procréation. Réduire la filiation à sa seule dimension sociale, c’est considérer que peuvent être parents tous ceux qui sont capables d’élever, d’accompagner un enfant. Soyons clairs : personne ne remet en cause la capacité de chacun à pouvoir élever un enfant, mais la question est de savoir comment on a cet enfant. Si l’on ne considère que seule la dimension sociale, un droit à l’enfant s’ensuivra, et l’on aura recours aux techniques de l’assistance médicale à la procréation ou de la gestation pour autrui. Nous voyons donc bien que la conception de la filiation est importante, car elle détermine le positionnement que l’on aura sur ces techniques.

    La conception au cœur du texte, notamment au cœur de l’article 4, avec la suppression des mots « père » et « mère » et leur remplacement par l’article-balai, ouvre un droit à l’enfant qui débouchera sur la PMA pour convenance personnelle et sur la GPA. C’est pourquoi il est important que vous vous déterminiez ici sur ces questions.

    (Les amendements identiques nos 3231 et 3890, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2165.

    M. Marc Le Fur. Je cite à nouveau l’avis du Conseil supérieur de l’adoption : « Pour la majorité des membres du Conseil supérieur de l’adoption, la possibilité de prononcer une adoption plénière au profit de deux personnes de même sexe constituerait un bouleversement majeur du droit de la filiation, aujourd’hui fondé sur l’altérité sexuelle des parents – nous l’avons dit et redit ; je sais que c’est un point de divergence dans cette assemblée mais permettez-nous de réaffirmer ce principe qui nous semble majeur et essentiel pour les enfants – en privant l’enfant de toute possibilité de se voir conférer un parent de l’autre sexe. Certains s’interrogent ainsi sur les conséquences et le devenir de ces enfants, notamment sur leur construction identitaire en l’absence de référent parental de sexe opposé. »

    L’altérité n’est pas seulement un élément constitutif du couple ; elle est nécessaire à l’éducation et à la filiation. C’est ce que dit clairement le Conseil supérieur de l’adoption. Nous avons affaire à des enfants fragilisés : susceptibles d’être adoptés, ils ont connu des histoires parfois pénibles, difficiles ; ce sont des enfants qui, de ce fait, doivent être plus accompagnés que d’autres. À défaut d’avoir des parents, comme les autres, il convient qu’ils puissent avoir des parents qui ressemblent aux autres. D’où la nécessité de l’altérité plus particulièrement pour eux.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3672.

    M. Xavier Breton. En l’absence de réponse, je voudrais approfondir cette question des filiations. Mme la ministre a évoqué une filiation physiologique et une filiation sociale. Au sein de cette dernière existent peut-être deux dimensions, et il conviendrait que nous nous accordions. Il y a tout d’abord une filiation sociale au sens de reconnaissance par la société : c’est le lien de père ou mère à enfant telle qu’établie dans l’état civil, avec tous les droits et devoirs qui y sont attachés. L’autre aspect, que j’ai cru percevoir dans les propos de Mme la ministre, c’est une filiation éducative et affective, ce qui se passe dans le foyer et même au-delà, dans la vie quotidienne. Il serait important de savoir si, aux yeux du Gouvernement, ces deux aspects sont identiques ou si, au contraire, il y a bien deux dimensions. Cela aurait des conséquences très concrètes sur notre droit, avec une filiation reposant non plus sur deux, mais sur trois piliers. Il serait intéressant d’échanger sur cette question.

    (Les amendements identiques nos 2165 et 3672, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous passons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3233.

    M. Marc Le Fur. Le Conseil supérieur de l’adoption évoque évidemment le point très spécifique de l’adoption internationale, qui représente aujourd’hui, d’après les chiffres qui nous parviennent, environ 80 % des enfants adoptés. Nous avons des relations étroites avec certains pays, mais d’autres se ferment, pour diverses raisons, par exemple parce qu’ils atteignent un certain niveau de vie qui permet à des familles du pays d’adopter des enfants. Notre crainte est que l’adoption internationale se ferme encore un peu plus. Nous l’avons évoqué, et même à gauche vous ne pouvez ignorer le problème.

    Voilà ce qu’en dit le Conseil supérieur de l’adoption : « En ce qui concerne l’adoption internationale, le Conseil supérieur de l’adoption constate que la plupart des pays refusent les candidatures des couples de même sexe. Dans les pays qui les acceptent, les enfants proposés ne correspondent pas toujours aux souhaits des candidats à l’adoption. » Nous le savons : c’est le sujet des enfants en attente d’adoption et qui ont déjà quelques années, qui ne suscitent pas, de ce fait, l’attention spontanée des couples susceptibles d’adopter. Ces enfants n’en méritent pas moins une attention particulière car les traumatismes qu’ils ont pu vivre sont accentués ; pensez à la situation de la Roumanie, notamment dans la période de l’après-Ceausescu.

    « Face à cette réalité, le Conseil supérieur de l’adoption insiste sur la nécessité de la transparence : cacher le fait de vivre avec une personne de même sexe pourrait avoir de graves répercussions, dont l’ensemble des candidats célibataires pourraient ensuite pâtir. » Les célibataires français en effet seraient nécessairement assimilés aux homosexuels et pourraient se voir refuser l’adoption dans un certain nombre de pays – la majorité, je le crains.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3891.

    M. Xavier Breton. Pour prolonger ces questions sur la filiation, et en l’absence de réponse du Gouvernement sur l’articulation entre la filiation biologique et la filiation sociale – qui se divise en deux : la filiation juridique et la filiation affective et éducative –, je voudrais revenir sur l’altérité sexuelle.

    Tout se tient, de fait : c’est pourquoi ce texte est relatif au mariage et à la filiation. Nous défendons l’altérité sexuelle dans le mariage, question au cœur de l’article 1er dont nous avons débattu, mais également dans la filiation, qui fait l’objet de l’article 4.

    L’altérité sexuelle s’inscrit dans la problématique de la filiation par la dimension physiologique : peut-être que des progrès scientifiques remettront en cause la nécessité de l’altérité sexuelle sur le plan physiologique – sujet abordé il y a quelques jours par M. Mariton –, mais pour l’instant cette filiation corporelle repose sur l’altérité sexuelle : voilà un point sur lequel nous pourrions nous accorder. J’y reviendrai plus loin.

    (Les amendements identiques nos 3233 et 389, repoussés par la commission et le Gouvernement ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3234.

    M. Marc Le Fur. Certains membres du Conseil supérieur de l’adoption, dont l’autorité n’est contestée par personne, je l’espère, considèrent que, pour les enfants déjà élevés par des couples de même sexe, l’adoption par le conjoint peut répondre à l’intérêt de l’enfant. Il faut effectivement distinguer l’enfant né dans le couple et celui qui y serait arrivé grâce à l’adoption de type international.

    Enfin, « le Conseil souhaite qu’une réflexion de fond soit engagée en vue d’une réforme globale de l’adoption, afin de mieux garantir en toutes circonstances l’intérêt de l’enfant. » C’est l’intérêt de l’enfant qui doit nous guider : non pas le droit à l’enfant, dans lequel celui-ci n’est qu’un objet, mais le droit de l’enfant, où il est véritablement sujet. Voilà la différence majeure que nous avons souvent répétée, tant elle nous semble essentielle.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3893.

    M. Xavier Breton. Je veux poursuivre sur le problème de l’insertion de l’altérité sexuelle dans les piliers de la filiation.

    Nous avons vu que l’altérité sexuelle était indispensable dans le cadre de la filiation physiologique ; la question porte sur les dimensions affective et éducative. Personne, je le répète, ne remet en cause la capacité d’un homme ou d’une femme à élever et à aimer un enfant.

    La question se pose au niveau du couple – un homme et une femme, deux femmes, ou deux hommes. Les études nous montrent qu’il faut être prudents, car les résultats sont contrastés. Nous ne devons pas avoir de réponse définitive : si certaines études ont été menées, non sans défauts de méthode soulignés notamment lors des auditions en commissions des lois, qui concluent dans un sens, d’autres tendraient à prouver le contraire, mais avec d’autres incertitudes.

    Nous devons surtout rester prudents. La question de savoir si le manque pour l’enfant de l’une des deux dimensions sexuelles peut avoir un impact sur son éducation reste en suspens, et j’aimerais avoir votre avis afin que nous progressions sur ce terrain.

    (Les amendements identiques nos 3234 et 3893, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3247.

    M. Marc Le Fur. Pour rompre la litanie des avis d’autorité, j’en reviens à quelque chose de plus futile : la lecture de Paris-Match. La revue évoque une situation qui nous intéresse directement : celle d’un enfant arrivé dans le couple constitué par Sir Elton John, l’artiste bien connu, qui a soixante-cinq ans, et David Furnish, qui en a cinquante. Ils ont déjà des enfants, mais un nouvel enfant vient de rejoindre cette famille, grâce à une GPA – le coût de l’opération nous est même donné. Ce cas peut être d’une certaine manière exemplaire pour des gens modestes ou des gens qui manquent de références. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. Des gens modestes ou des gens qui manquent de références ?

    M. Jean-Luc Drapeau. Vous prenez les gens pour des imbéciles !

    M. Yann Galut. Comment peut-on dire des choses pareilles ?

    M. Marc Le Fur. Ce qui est surprenant, et un peu triste, …

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est limite !

    M. Marc Le Fur. Ce n’est pas limite du tout. Il peut y avoir des gens qui manquent de références…

    Voilà l’exemple, dans la jet-set où l’argent permet tout, d’un enfant issu d’une GPA, exemple valorisé par une certaine presse. Ce qui est pénible à lire, dans cet article, c’est l’explication que donne le couple des deux pères, en quelque sorte, relativement au choix du prénom : « On a choisi Joseph comme prénom, car ça nous plaisait à tous les deux – et c’est très bien –, parce que c’était le nom d’un chien qui a longtemps vécu avec nous et auquel nous étions très attachés ».

    Le voilà, l’enfant-caprice, l’enfant-objet, dont nous ne voulons pas !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

    M. Alexis Bachelay. Abonnez-vous à Voici !

    Mme Brigitte Bourguignon. À Gala !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3896.

    M. Xavier Breton. L’article 4 organise la suppression, dans de nombreux articles de loi, des noms de « père » et « mère », « mari » et « femme », etc., autrement dit de l’altérité sexuelle dans notre droit, ce qui provoque une résistance très forte dans notre société. Il serait intéressant d’en chercher les raisons, car si le problème est celui de l’altérité sexuelle dans notre droit, il se pose également dans notre conception de la parenté et de la filiation.

    Cette altérité est indispensable, d’un point de vue physiologique ; son absence peut poser problème dans le cadre éducatif, mais une question importante demeure, qui témoigne des insuffisances des études menées – je pense à celle qui a été conduite en Allemagne, sur laquelle Mme Narassiguin va peut-être m’éclaire : les couples homosexuels qui ont élevé ces enfants étaient-ils mariés ou non ?

    (Les amendements identiques nos 3247 et 3896, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3243.

    M. Marc Le Fur. Vous ne m’écoutez pas mes chers collègues.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais si !

    M. Marc Le Fur. Je n’arrive pas à vous convaincre, hélas.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Jean-Luc Drapeau. On ne sera pas convertis !

    M. Marc Le Fur. Écoutez ceux qui longtemps vous guidèrent, vous inspirèrent : je pense à Michel Rocard, personnage considérable de notre histoire et surtout de votre histoire socialiste, s’il en est ! Mais y a-t-il encore des rocardiens ? On ne sait pas trop. Y en a-t-il ici ?

    Mme la présidente. Veuillez poursuivre, s’il vous plaît !

    M. Marc Le Fur. Toujours est-il que Michel Rocard nous appelle à la plus grande prudence. De fait, il se prononce en faveur du mariage homosexuel dans un entretien, mais contre l’adoption. Il se trouve finalement sur une ligne plus proche de la nôtre que de la vôtre. Cela signifie que c’est quelqu’un de libre, quelqu’un d’expérience…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et de Gaulle, il en pensait quoi ?

    M. Marc Le Fur. Un homme qui a aussi une expérience familiale et qui, en dépit de tout cela, considère que les enfants sont un autre domaine, …

    Mme Sandrine Mazetier. Un spécialiste !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est sûr, quand on ne peut plus en faire…

    M. Marc Le Fur. …un autre degré d’exigence, une autre responsabilité et que de tout cela il faut tenir compte, y compris quand on est législateur.

    C’est pourquoi nous avions, dans l’opposition, envisagé une autre solution, qui permettait le mariage sans que les enfants aient à pâtir de cette évolution juridique que nous refusons. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Michel Rocard : n’enterrez pas trop vite ceux qui naguère vous ont guidés !

    M. Philippe Cochet. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3897.

    M. Xavier Breton. Michel Rocard et Lionel Jospin, malgré les désaccords que j’ai avec eux, ont une pensée digne d’être entendue. J’ai l’impression qu’une rupture est en train de se faire, parfois à votre corps défendant, avec cette tradition.

    Très clairement, leur exigence politique, comme celle de Jacques Delors – quand bien même je suis en désaccord avec leurs choix économiques ou sociaux – est foncièrement respectable. Aujourd’hui, si j’étais de gauche, je m’interrogerais sur leur message, qui ressortit à une conception de la politique que vous balayez d’un revers de main.

    Sincèrement, mes chers collègues, prenez le temps de réfléchir et de lire en toute conscience le message qu’ils vous adressent.

    (Les amendements identiques nos 3243 et 3897, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3249.

    M. Marc Le Fur. J’ai évoqué Michel Rocard, je voudrais revenir sur une autre personnalité qui vous a longtemps inspirés : Lionel Jospin, qui a été Premier ministre de la France…

    Mme Karine Berger. Merci de nous le rappeler !

    M. Marc Le Fur. …pour reprendre la formule de l’un de ses prédécesseurs, ministre dans ce gouvernement. Lionel Jospin exprime également ses réserves sur cette évolution juridique : c’est à vous qu’il adresse ce message, mes chers collègues, en sollicitant de votre part la plus grande prudence.

    Il le dit très clairement : lorsqu’il est venu évoquer le rapport de sa commission sur la rénovation de la vie politique, son idée fondamentale était que l’humanité est structurée entre des hommes et des femmes, non pas selon des préférences sexuelles.

    Essayez de méditer cela. Voilà un homme libre, un homme d’expérience qui, pendant cinq ans, a assumé des responsabilités considérables dans notre pays, à la si difficile fonction de Premier ministre. Sachez l’écouter ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Arnaud Leroy. Quel talent !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3899.

    M. Xavier Breton. Dans nos échanges avec Marc Le Fur, nous sommes au cœur du texte : moins dans son fondement juridique que politique. Il y a en effet aujourd’hui cette idéologie du gender, dont nous aurons l’occasion de reparler souvent : que ce soit à l’occasion de ce projet de loi sur le mariage, au moment de la loi sur l’école, avec la loi sur la famille… Il va falloir que nous ayons un débat sur cette théorie, car les informations manquent.

    M. Patrick Bloche. C’est un fantasme ! On ne fait pas un débat sur un fantasme !

    M. Xavier Breton. S’il y a un bon côté – les études de genre, utiles, apportent beaucoup aux recherches universitaires et sociologiques –, l’idéologie du genre toutefois pose problème.

    Certains d’entre vous en ignorent les conséquences et ces débats devraient permettre de montrer le glissement qui nous guette.

    Des personnalités comme Lionel Jospin sont tout à fait lucides sur la question, notamment grâce à son épouse, Sylviane Agacinski, qui combat cette idéologie quand elle verse dans l’excès. Or cet excès est au cœur du présent texte. Encore une fois, nous devrons prendre le temps d’en débattre, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi ou d’autres textes qui suivront. Il faut surtout que la société s’empare de ces sujets car on est en train d’imposer une idéologie sans qu’aucun débat public ne soit organisé. Eh bien, comptez sur nous pour le faire.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    (Les amendements identiques nos 3249 et 3899 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3252.

    M. Marc Le Fur. Mesdames et messieurs les ministres, vous n’écoutez pas les scientifiques, vous n’écoutez pas les instances officielles de l’adoption, vous n’écoutez pas vos grands anciens ; au moins écoutez le peuple !

    M. Philippe Cochet. Très juste : le peuple a toujours raison !

    M. Marc Le Fur. Il existe une fédération nationale de la médaille et de la famille française. Plusieurs d’entre vous, j’imagine, participent à des cérémonies que je trouve pour ma part émouvantes, en particulier lors de la fête des mères – que vous voulez peut-être aussi supprimer.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vu que c’est une fête d’origine pétainiste, on pourrait !

    M. Marc Le Fur. Au cours de ces cérémonies, on remet la médaille de la famille française à certaines femmes et certains hommes. Ce sont des gens du peuple, des gens qui ont parfois rencontré beaucoup de difficultés pour élever leurs enfants et qui pourtant n’ont rien demandé. Ce ne sont pas ceux que vous fréquentez dans les cortèges, qui défilent avec des banderoles pour solliciter je ne sais quels droits ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont ceux qui essaient de faire leur devoir, en essayant d’offrir à leurs enfants un petit peu plus que ce qu’ils ont eu eux-mêmes durant leur enfance. Ce sont des gens qui tiennent leur place. Le premier terme qui me vient à l’esprit quand je pense à eux, c’est celui de dignité.

    Or tous ces gens sont regroupés dans une fédération qui exprime son hostilité à votre texte. Sachez écouter le peuple ! Ne tombez pas dans les travers qui caractérisent par exemple l’association Terra Nova consistant à faire l’impasse sur le peuple au profit des bobos. Écoutez le peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3901.

    M. Xavier Breton. Ces débats sur la théorie du gender que nous commençons d’avoir et qui se prolongeront pendant des semaines et des mois…

    M. Patrick Bloche. C’est un fantasme !

    M. Xavier Breton. Si c’est un fantasme, expliquez-moi pourquoi, mon cher collègue.

    M. Nicolas Bays. Allez vous coucher !

    M. Xavier Breton. Ce n’est pas en dévalorisant les gens et en leur disant d’aller se coucher qu’on fera avancer le débat. En fait ces questions vous font peur. Eh bien, nous vous imposerons le débat.

    C’est du reste pourquoi, avec notre collègue Virginie Duby-Muller, nous avons rédigé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’introduction sans aucun débat de la théorie du gender dans notre pays. Encore une fois, n’ayez pas peur du peuple, comme l’a très bien dit notre collègue Marc Le Fur !

    M. Alexis Bachelay. Nous n’avons pas peur du peuple !

    M. Xavier Breton. Cette théorie est susceptible d’avoir des conséquences énormes dans des pans entiers de notre droit, de notre société. Aussi, je m’adresse à mes collègues de gauche qui ne sont pas des militants de cette théorie, lesquels ne sont que quelques-uns parmi eux.

    M. Alexis Bachelay. Merci !

    M. Xavier Breton. Prenez donc le temps d’écouter : ce n’est pas parce que nous sommes des députés du groupe UMP et que nous sommes à droite que nous avons obligatoirement tort. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    (Les amendements identiques nos 3252 et 3901 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3259.

    M. Marc Le Fur. J’en reviens à la fédération nationale de la médaille de la famille française qui déclare : « Nous avons un devoir envers toutes ces familles qui croient dans le mariage, socle de la société. Nous ne pouvons accepter sans rien dire que le mariage perde sa substance – l’union d’un homme et d’une femme. »

    C’est dit simplement, clairement, de manière objective ; mais on a l’impression que vous refusez d’écouter le peuple, que vous vous enferrez dans une logique. Le propre de la gauche, c’est de faire prévaloir la théorie sur la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3915.

    M. Xavier Breton. Mettons de côté la théorie du gender – nous avons tout le temps pour en débattre, quoiqu’il y ait urgence par rapport aux enjeux de société –, et revenons-en à la question de la filiation et de l’altérité sexuelle, qui est au cœur de l’article 4. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Luc Drapeau. Pensez au peuple !

    M. Xavier Breton. Je rappelle à nos collègues qui vocifèrent que l’article 4 vise à sortir d’une grande partie notre droit toute référence à l’altérité sexuelle, altérité dont j’aimerais du reste que vous nous parliez afin que nous puissions connaître votre conception, si vous en avez une.

    L’amendement-balai ayant été conçu en raison des résistances de la société, il convient dès lors de savoir ce que devient cette altérité sexuelle dans le mariage – référence que vous avez refusée à l’article 1er –, mais également dans la filiation, via l’adoption, les techniques d’assistance à la procréation ou encore la gestation pour autrui. Au-delà de la filiation physiologique, ce sujet est l’objet de polémiques pour ce qui est de la filiation affective et éducative. Reste donc la filiation sociale, juridique.

    De récentes études parues en Allemagne ont tâché de répondre à la question de savoir si les enfants, dans le cadre de ces familles de couples de personnes de même sexe, avaient été bien ou mal élevés. Il s’agissait notamment de savoir si ces enfants étaient élevés par deux hommes ou par deux pères – je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne la distinction. Je pense en particulier à l’un de nos collègues sur les bancs de la majorité, mais je ne citerai personne car je ne veux pas provoquer de fait personnel ! (Sourires.) En tout cas, je souhaite savoir si des éléments de cette étude sont en possession du Gouvernement.

    M. Arnaud Leroy. De quelle étude parlez-vous ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (Les amendements identiques nos 3259 et 3915 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une dernière série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 96.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement me donne l’occasion de reprendre ma démonstration, ou tout au moins de me faire l’écho de ce cri du cœur qui vient du fond de nos provinces, (Rires sur les bancs du groupe SRC) –cela vous fait rire, évidemment –,…

    M. Alexis Bachelay. C’est vous qui nous faites rire !

    M. Marc Le Fur. …je veux parler de ce cri des personnes médaillées de la famille française : « Gardons le mariage pour les hommes et les femmes qui veulent s’engager durablement l’un envers l’autre devant la société ; ils acceptent de prendre ce risque pour donner la vie à des enfants. »

    C’est tellement simple que cela vous paraît naïf, mais c’est faussement naïf, c’est en fait très intelligent et très profond. Il ne faut pas confondre la naïveté avec la simplicité. La simplicité est dans ces mots que chacun entend, mais que vous ne voulez pas entendre, enferrés que vous êtes dans une logique dont vous mesurez enfin, j’espère, en ce début de journée, les difficultés.

    M. Philippe Cochet. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 228.

    M. Bernard Deflesselles. Tout le monde a bien compris qu’avec l’article 4 nous sommes au cœur du débat, mes chers collègues, encore qu’appelé « article balai » il soit mal nommé.

    Comme on l’a vu tout au long de ces débats, il présente une insécurité juridique qui se double d’une insécurité politique. Et non seulement le refus du Premier ministre de lever l’anonymat sur l’avis du Conseil d’État…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Lever l’anonymat ?

    M. Bernard Deflesselles. …nous pose problème, même si cette juridiction n’a pas été saisie de l’article 4, cette insécurité politique est renforcée par la déclaration du président du Sénat qui, ce matin, expliquait qu’une seule lecture par assemblée serait la bienvenue.

    Autrement dit, s’il n’y a qu’une seule lecture ici à l’Assemblée nationale, nous devons continuer à approfondir le débat. Prenons en le temps. Continuons cette discussion fort importante, car si nous étions privés d’une deuxième lecture, le peuple se trouverait privé du débat.

    Cette inquiétude politique se double elle-même d’une inquiétude qui vient de la profondeur de nos provinces, exprimée par les maires. Vous avez pris connaissance de ce sondage de l’IFOP paru hier montrant que 52 % des maires sont contre ce projet et que 61 % d’entre eux souhaitent que le Gouvernement arrête ce débat pour l’approfondir.

    Mme Brigitte Bourguignon. Et les citoyens ?

    M. Bernard Deflesselles. Voilà, mes chers collègues, une leçon à méditer. Continuons tout simplement à travailler d’arrache-pied et à approfondir le débat !

    Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 332.

    Mme Dominique Nachury. Mesdames et monsieur les ministres, monsieur le rapporteur nous arrivons au terme de l’examen de l’article 4. Nous nous sommes attachés à relever les imprécisions et les incohérences liées, je le répète, à la méthode choisie pour élaborer et travailler ce texte. Nous aurions eu grand bénéfice à prendre le temps nécessaire et aussi grand intérêt à choisir la voie d’un texte plus global sur la famille, distinguant conjugalité et parenté. En raison de votre choix de nombreuses incohérences et, surtout, de nombreuses incertitudes demeurent sur ce qui est établi aujourd’hui et sur ce qui sera possible demain.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 409.

    M. Yves Albarello. Devant le caractère imprécis du terme « parent », qui crée de l’incertitude juridique, quid des articles 731 et 734 du code civil relatifs aux droits de succession et qui se réfère aux parents par une définition tout autre ? Ils visent jusqu’au sixième degré les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers, les ascendants autres que les père et mère et les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

    Vous comprendrez que, devant cette insécurité juridique, nous demandions la suppression de l’alinéa 16.

    M. Bernard Deflesselles. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1054.

    M. Philippe Cochet. Je regrette que la ministre de la famille soit partie. Il s’agit tout de même ici d’un sujet qui concerne la famille.

    Je voudrais tout d’abord féliciter nos collègues Le Fur et Breton qui, depuis un certain temps, expliquent dans le détail ce que vous vous refusez à comprendre et à voir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. Cela dure depuis dix jours !

    M. Philippe Cochet. Nos collègues ont essayé de faire appel à votre bon sens ; il semblerait que ce soit quelque chose d’impossible.

    Comme vous ne parlez pas – il est tout de même extraordinaire d’avoir une majorité qui ne parle pas ! –, j’espère au moins que vous avez lu l’excellent livre blanc commis par l’association lyonnaise Cosette et Gavroche dont les travaux ont été suivis par de nombreux députés lyonnais . Mesdames et messieurs de la majorité, si vous aviez lu ce document, peut-être auriez-vous progressivement réussi à comprendre que vous faites fausse route.

    M. Nicolas Bays. Rendez-nous Le Fur !

    M. Philippe Cochet. Hier soir, nous avions 10 000 chômeurs de plus depuis que nous discutons de ce texte. Aujourd’hui, nous en avons 11 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n° 1103.

    M. Claude de Ganay. Cet amendement est l’occasion pour moi de réitérer mon opposition à cet article 4.

    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1575.

    M. Christophe Guilloteau. Comme nous avons à cette heure-ci le temps de faire quelques lectures, je parcourais les propos d’un éminent juriste parisien, Anne-Guillaume Serre, avocat à la cour, qui écrit : « Il ne s’agit pas d’interdire au législateur de modifier le code civil, c’est son rôle, pour autant que ces modifications soient justifiées et cohérentes car le code civil n’est pas une compilation de textes mais un ensemble construit et logique. Or ce projet n’est ni justifié ni cohérent. »

    Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1717.

    Mme Véronique Louwagie. Je citerai à mon tour le document qui a été publié dans le cadre des états généraux de l’enfant, plus particulièrement des extraits des dernières pages : « Nous affirmons que dans ce projet de loi, l’intérêt de l’enfant n’est pas une considération primordiale du législateur. C’est la revendication d’adultes qui seraient satisfaites. Les questions que nous soulevons dans notre argumentaire ne trouvent pas de réponse autre que : la société s’adaptera. Cela ne nous paraît pas une réponse satisfaisante parce qu’elle est insuffisante. S’il faut faire évoluer la législation pour prendre en compte certaines situations familiales qui existent de fait, le législateur » – c’est-à-dire nous, mes chers collègues – « doit garder à l’esprit que s’il existe plusieurs façons de vivre la famille aujourd’hui, toutes ne sont pas équivalentes du point de vue des enfants qui sont parfois les victimes des choix des adultes. »

    Nous réitérons, par le biais de cet amendement, notre regret que l’alliance civile que nous proposions n’ait pas été retenue.

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1755.

    M. Guillaume Chevrollier. Si le code civil ne mentionnait pas expressément que le mariage unit deux personnes de sexe différent, c’est que tout le code civil le sous-entend. En témoigne le fait qu’il est nécessaire de supprimer des mentions sexuées du code civil pour pouvoir ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    Cet alinéa montre une fois de plus que, contrairement, mesdames les ministres, à ce que vous n’avez pas cessé d’affirmer, vous supprimez bien les notions de père et de mère, au profit du mot « parents ». Vous refusez de reconnaître que ce texte introduit des modifications importantes qui concernent tout le monde, puisque notre droit est modifié. Ainsi, quel sens donner à l’expression « jouir en bon père de famille » ? Encore une chose qu’il va nous falloir proscrire pour cause de discrimination car, par principe, cette expression deviendra non avenue pour les couples homosexuels composés de deux femmes.

    Revenez donc sur ce texte destructeur de tout ce qui fait l’équilibre de notre société, et tournez-vous vers ce que nos concitoyens attendent de vous, ce qui devrait être votre priorité, la priorité de la représentation nationale, à savoir le redressement économique de notre pays.

    Mme la présidente. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3180.

    M. Céleste Lett. Il est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3357.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3976.

    M. Yves Censi. Il est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4323.

    M. Claude Sturni. Madame la garde des sceaux, permettez-moi, à cette heure tardive, de vous redire, avec beaucoup de plaisir, à quel point nous sommes fiers de chercher à creuser ce texte. Nous continuerons à le faire demain et après-demain, tant que nous n’aurons pas mis au jour tout ce que ce texte change, tout ce qu’il révolutionne, même, dans nos références et dans notre code civil.

    S’agissant de l’article 4, nous avons eu largement l’occasion d’expliquer qu’il n’était pas un article balai, mais qu’il changeait fondamentalement nos références. Aujourd’hui, à cette heure tardive, je voudrais seulement déplorer une nouvelle fois que, par obstination, vous n’ayez pas souhaité créer les conditions d’un consensus. Comme beaucoup de collègues sur ces rangs, je regrette que nous n’ayons pas réussi à aller vers cette alliance civile, qui aurait, je n’en doute pas, contribué à assainir le débat.

    Mme la présidente. Sur l’article 4, Je suis saisie par les groupes SRC et UMP d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5276.

    M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, nous abordons la onzième journée de débat.

    M. Nicolas Bays. La faute à qui ?

    M. Guillaume Larrivé. Il s’agit du texte le plus longuement débattu à l’Assemblée nationale depuis le début du quinquennat de M. Hollande, parce que le Président de la République et le Gouvernement on fait le choix de lui donner la priorité et d’en faire une urgence absolue, comme si la représentation nationale devait se concentrer, pendant près de quinze jours, sur un seul sujet, une seule question, une seule obsession,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Karine Berger. Il fallait venir en commission des finances !

    M. Philip Cordery. Qui a déposé tous ces amendements ?

    Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues.

    M. Guillaume Larrivé. …celle d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

    Je vous le dis comme je le pense, et comme on me le dit sur le terrain, dans la circonscription dont j’ai l’honneur d’être l’élu : le choix du Président de la République et du Gouvernement n’est pas un choix raisonnable. Plutôt que de mobiliser l’Assemblée nationale jour et nuit sur cette question, le pouvoir exécutif, qui est à l’initiative de ce texte, serait mieux avisé de s’intéresser au chômage ; il serait mieux avisé de lutter contre l’insécurité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) ; il serait mieux avisé d’écouter les Français ; il serait mieux avisé de dire la vérité ; il serait mieux avisé, enfin, d’agir en responsabilité. (Mêmes mouvements et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96, 228, 332, 409, 1054, 103, 1575, 1717, 1755, 3180, 3357, 3976, 4323 et 5276.

    (Les amendements identiques nos 96, 228, 332, 409, 1054, 103, 1575, 1717, 1755, 3180, 3357, 3976, 4323 et 5276.)

    Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie de demandes d’explications de vote.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Philippe Gosselin. Au terme de ces quatre jours de débat sur l’article 4, au cours desquels l’opposition a essayé de mettre au jour un certain nombre de failles, je voudrais revenir très rapidement sur les difficultés que pose ce texte.

    C’est une chose de voter un projet politique, de le voter largement, et de s’en réjouir – c’est ce qui s’est passé samedi avec l’article 1er, puis avec l’article 2, relatif à l’adoption –, mais c’en est une autre de trouver le bon dispositif juridique, celui qui permettrait de sécuriser l’ensemble de nos concitoyens, tout particulièrement ceux qui seront les nouveaux bénéficiaires du droit au mariage et à l’adoption plénière.

    Plusieurs d’entre nous ont mis en évidence des failles : Hervé Mariton l’a fait à plusieurs reprises, comme Xavier Breton, Jean-Frédéric Poisson et moi-même, ainsi que l’ensemble de nos collègues, que je remercie.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Vous oubliez Marc Le Fur !

    M. Philippe Gosselin. Vous avez parfaitement raison ! Mais je ne vous ferai pas le plaisir de revenir sur le débat qui oppose Normands et Bretons...(Sourires.)

    Tous nos collègues ont essayé de démontrer que ce texte présente des failles, qui ne permettront pas une application correcte du droit, et qui, au final, perturberont même le choix politique que vous avez fait.

    Ce choix, ce n’est pas le nôtre. Cela a été dit à plusieurs reprises sur les bancs des groupes SRC et écologiste : il y a, c’est vrai, deux conceptions de la société qui s’affrontent, et qui se déclinent sur le terrain de la politique familiale. Vous savez cela, et nous aurons l’occasion d’y revenir, avec le nouveau projet de loi du Gouvernement. Nous craignons que, par un effet domino, nous ayons bientôt la PMA, puis la GPA, malgré les dénégations des uns et des autres – la circulaire sur la GPA et le va-et-vient permanent sur la PMA alimentent nos craintes.

    C’est au nom de ces failles, de ces lacunes et de cet amendement-balai, que le groupe UMP votera contre l’article 4.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

    M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous venons de débattre longuement de l’un des articles phares du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    Loin d’être anodin, cet article est au cœur de notre débat. Il n’est pas, comme certains ont voulu nous le présenter, une simple coordination technique permettant d’accorder notre code civil avec l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Dans sa rédaction initiale, cet article visait, ni plus ni moins, à remplacer les termes « père » et « mère » par le terme asexué de « parents », et cela dans cinquante-deux articles du code civil. Il s’agissait également de procéder à d’autres substitutions, tendant notamment à remplacer « le mari et la femme » par « les époux », ou encore à supprimer les références aux branches maternelles et paternelles

    Lorsqu’il a vu les inquiétudes qu’un tel bouleversement de notre droit de la famille pouvait légitimement susciter, le rapporteur a intégralement réécrit l’article 4, rendant ainsi applicables les dispositions sexuées aux couples de même sexe. Au-delà de l’incertitude juridique qui l’entoure, cet amendement n’est en réalité qu’un écran de fumée, un langage destiné à masquer la réalité. Car au fond, le résultat est le même : ces dispositions nient l’altérité sexuelle, elles tentent de la gommer et de la dissimuler derrière des termes qui veulent faire oublier que la nature humaine est liée à cette altérité sexuelle. Elles reposent sur une conception de la société qui n’est pas la nôtre. Il faut toucher aux lois d’une main tremblante, conseillait en son temps Portalis. J’ajouterai : surtout en matière de droit du mariage et de la filiation. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI, madame la présidente, votera contre l’article 4.

    Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

    M. Sergio Coronado. Chers collègues de l’opposition, au début de notre discussion, vous avez donné des accents de croisade à nos débats… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Vous allez rallumer le feu, cher collègue !

    M. Sergio Coronado. …puisque la loi naturelle et l’ordre symbolique ont été vos principales références. C’est un débat qui nous occupe sans doute depuis le siècle des Lumières, puisque notre République est le fruit de ce mouvement, au terme duquel le pouvoir temporel s’est affranchi du pouvoir spirituel. Vos interventions ne portaient pas directement sur le texte, car vous avez finalement semblé assez peu intéressés par les dispositions contenues dans le texte présenté par le Gouvernement.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas dire cela !

    M. Sergio Coronado. Ce fut tout de même un débat intéressant : nous avons pu vous écouter et vous entendre, et parfois même vous répondre.

    M. Bernard Deflesselles. Vous, on ne vous a pas beaucoup entendus !

    M. Sergio Coronado. Vous avez ensuite multiplié les références et vous nous avez servi, pêle-mêle, Dalida, Guy Béart, Sylviane Agacinski et Georgina Dufoix.

    M. Sylvain Berrios. Vous oubliez Michel Rocard !

    M. Sergio Coronado. Ce soir, chers collègues, vous avez choisi des références un peu plus douteuses. Un petit livre intitulé Les états généraux de l’enfant a été pour vous une mine de citations. On y trouve des phrases extraordinaires, d’une violence inouïe, que je voudrais citer, pour celles et ceux qui ne l’ont pas eu entre les mains et pour celles et ceux qui nous écoutent et qui pourront, à juste titre, être scandalisés. « S’il est vrai qu’un parasite est une personne qui vit aux dépens d’autrui, les homosexuels mariés auront donc un double comportement parasitaire. » Cette phrase figure dans le texte qui vous a servi, ce soir, de référence principale.

    M. Guillaume Larrivé. Personne n’a dit cela sur les bancs de l’opposition !

    M. Sergio Coronado. À ce stade de nos débats, je n’ai qu’une certitude, chers collègues : la caricature que vous donnez de vous-mêmes a fait fuir jusqu’à vos amis – je ne vois nulle part François Fillon, Laurent Wauquiez, Valérie Pecresse.

    M. Marc Le Fur. Et vos deux coprésidents, où sont-ils ?

    M. Sergio Coronado. Vous n’avez pas intérêt à continuer dans cette voie ; nous n’avons rien à y gagner et le Parlement n’en sort pas grandi.

    M. Philippe Cochet. On va continuer !

    M. Sergio Coronado. Vous avez lutté, vous avez argumenté, vous avez bataillé, mais je peux vous dire que ce combat est vain, car vous avez, face à vous – et c’est assez rare pour être souligné –une majorité rassemblée…

    Mme la présidente. Merci de conclure.

    M. Sergio Coronado. …une majorité déterminée (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) une majorité unie et fière de ce texte, une majorité qui a l’amour de l’égalité, une majorité qui, mardi prochain, fera en sorte que les couples de personnes de même sexe aient accès au mariage, une majorité qui fera voter ce texte, fière de ce qu’elle a fait, fière des débats qu’elle a conduits, et fière de ses ministres. (Les députés du groupe écologiste et certains députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

    M. Alain Tourret. À ce moment de la nuit, après des dizaines d’heures de réflexion, je voudrais d’abord m’adresser à nos collègues de l’opposition. Ils ont fait ce qu’ils ont jugé utile, une obstruction qui, à mon sens, n’a pas servi à grand-chose.

    M. Claude Goasguen. Ben voyons !

    M. Alain Tourret. C’est une grande tradition, mais elle ne vient pas, comme ils nous l’ont dit tout à l’heure, de quelques grands anciens de leurs rangs, comme Simone Veil. Je voudrais simplement leur rappeler le vote qui a eu lieu le 20 décembre 1981 sur la dépénalisation de l’homosexualité, qui fut un vote important. Un seul député de droite ne s’est pas opposé à cette dépénalisation et, parmi ceux qui ont voté contre, il y a encore deux grandes personnalités dans leurs rangs : l’un occupe le poste de maire de Marseille et l’autre est un ancien premier ministre. Selon moi, cela veut dire beaucoup.

    M. Céleste Lett. Cela ne veut rien dire !

    M. Alain Tourret. Aujourd’hui, nous votons l’article 4. Il est la suite du vote par lequel nous avons fait en sorte que le mariage soit désormais ouvert aux couples de personnes de même sexe. Vous n’étiez même pas cent à vous y opposer !

    Il y a eu ensuite le vote sur l’adoption. Cela a été un grand vote, car je continue de penser que l’adoption, en France, a connu un grand échec et qu’il y a peut-être là un nouveau paradigme qui permettra de retrouver le chemin de l’adoption.

    Ensuite il y a eu le problème des noms, puis celui des mentions de « père » et de « mère ». Je veux dire aujourd’hui avec force que je suis fier de soutenir un gouvernement qui soutient cette loi.

    M. Céleste Lett. Contre les Français !

    M. Alain Tourret. Je veux dire aujourd’hui avec force que je suis fier d’avoir participé, avec toute la commission, au travail qui a été fait. Je veux vous dire, messieurs de l’opposition, que vous venez de rater le chemin de l’histoire, et que vous avez eu tort. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Cochet. C’est sexiste ! Il faudrait dire « mesdames et messieurs de l’opposition » !

    Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Corinne Narassiguin. Je voudrais remercier les ministres qui ont été, pendant ces dernières journées, d’une patience extraordinaire et d’une pédagogie admirable, ainsi que tous les députés de la majorité qui sont restés très mobilisés ces trois derniers jours au cours desquels nous avons fait du surplace, examinant près de 1 350 amendements d’obstruction.

    L’obstruction peut avoir son utilité dans les travaux parlementaires quand elle sert à faire avancer les débats.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous m’expliquerez ce paradoxe !

    Mme Corinne Narassiguin. Malheureusement, quand elle ne sert qu’à faire perdre du temps, ceux qui la pratiquent ne font pas honneur à ceux qui attendaient de leur part un débat de fond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Et les lacunes du texte que nous avons mises en avant ? Le nom volé ? Ces trois jours de débat ont permis de révéler beaucoup de choses !

    M. Xavier Breton. Arrêtez les leçons, nous ne sommes plus dans le débat !

    Mme la présidente. Laisser l’oratrice terminer s’il vous plaît !

    Mme Corinne Narassiguin. Nous avons réussi à rester mobilisés pendant ces derniers jours dans l’hémicycle, mais aussi à faire avancer les autres dossiers qui préoccupent les Français, notamment la régulation bancaire sur laquelle s’est penchée hier soir la commission des finances, réunion à laquelle malheureusement aucun député de l’UMP n’était présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Nicolas Bays. Ils ne travaillent pas !

    M. Philippe Gosselin. Il avait été décidé qu’il n’y aurait pas de réunion de commission pendant la séance plénière !

    Mme Corinne Narassiguin. Toutes nos priorités sont en ordre : nous travaillons pour redresser la France et nous continuons notre chemin convaincu et déterminé vers l’égalité.

    M. Philippe Cochet. Et les mille nouveaux chômeurs par jour ?

    Mme Corinne Narassiguin. Nous, députés de la majorité, voterons ensemble, unis, ce grand texte mardi prochain. Je vous donne rendez-vous demain et pendant le week-end pour finir l’examen de ce texte avant un grand vote historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 163

    Nombre de suffrages exprimés 163

    Majorité absolue 82

    Pour l’adoption 121

    contre 42

    (L’article n° 4 est adopté.)

    (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, je voudrais répondre à M. Coronado sur le fondement de l’article 58 de notre règlement.

    Monsieur le député, vous avez accusé l’opposition d’avoir fait état d’un document dans lequel on trouverait une certaine phrase que je ne me souviens d’ailleurs pas d’avoir citée ou de l’avoir entendue de la part de mes collègues,.

    Mme Catherine Coutelle, rapporteure pour avis. Il n’a pas dit que vous l’aviez citée !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Permettez madame, je suis encore libre de mes propos partout où je suis, y compris dans cet hémicycle.

    M. Pouria Amirshahi. M. Coronado aussi !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Coronado, vous êtes un homme cultivé et fin, vous connaissez donc certainement cette célèbre phrase de Richelieu : « Donnez-moi quatre lignes de l’écriture d’un homme, et je me charge de le faire pendre. »

    Je regrette que vous n’ayez pas jugé bon de préciser que le document en question est une compilation d’interventions, qui n’engagent pas tous ceux qui y puisent des références. Sinon on ne pourrait plus citer ni les dictionnaires, ni l’encyclopédie, ni aucun ouvrage dans cet hémicycle sans encourir les foudres de celui qui trouverait un propos qui ne lui convient pas 350 pages plus loin.

    M. Nicolas Bays. Cela les cautionne quand même !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas demandé la parole pour un fait personnel parce que vous ne me visiez pas. Mais j’ai été le premier à citer ce document dans cette enceinte.

    Je ne crois pas avoir jamais tenu un propos depuis le début de ces débats qui ait offensé quiconque. Et je ne comprends pas qu’à cette heure – certes tardive, mais vos propos sont enregistrés – vous ayez besoin d’expliquer votre position en haranguant l’opposition après avoir été frappé du syndrome du prêcheur, celui que connaissent bien les pasteurs et les prêtres qui le dimanche matin tancent au titre des absents les fidèles présents.

    Je regrette que nous terminions cette séance ainsi. Si l’on peut avoir des désaccords – nous n’avons d’ailleurs pas cessé de les exprimer dans cette enceinte –, nous avons simplement pour notre part tâché de montrer que ce texte comportait des incohérences, des risques et des faiblesses. Nous continuerons de le faire.

    J’admire d’ailleurs l’optimisme de notre collègue Mme Narassiguin qui considère que nous voterons l’ensemble du texte mardi. Nous verrons bien ce qu’il en est.

    Mme la présidente. Merci de conclure.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas intérêt, en tout cas ce n’est pas mon souhait, à sans cesse aller chercher l’adversaire sur le plan personnel. Le débat juridique doit être d’une tout autre volée, et je regrette que M. Coronado n’ait pas choisi de nous rejoindre à cette hauteur-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    2
    Fait personnel

    Mme la présidente. En application de l’article 58, alinéa 4, du règlement, M. Galut a demandé la parole pour un fait personnel.

    La parole est à M. Yann Galut.

    M. Yann Galut. Mes chers collègues, j’ai été mis en cause par mon collègue Guillaume Larrivé qui a lu à l’Assemblée nationale un tweet dans lequel j’indiquais que je souhaitais que ce débat cesse.

    La soirée que nous venons de vivre – notamment la dernière intervention de notre collègue Poisson annonçant que l’obstruction allait continuer et que nous ne serions peut-être pas dans la capacité de voter ce texte mardi prochain, alors que nous nous étions tous engagés, m’avait-il semblé, à faire en sorte que le vote solennel ait lieu mardi – me conforte dans l’idée qu’après onze jours de débat, quatre cents heures de discussion, après avoir étudié 3 000 amendements, après avoir permis à l’opposition, et c’est normal, de s’exprimer,…

    M. Bernard Deflesselles. C’est maintenant que vous vous en rendez compte !

    M. Yann Galut. …nous devons passer à une autre étape.

    Nous étions quelques-uns à nous intéresser, parallèlement à cette séance, à ce qui s’est passé en commission des finances.

    M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas un fait personnel !

    M. Yann Galut. Alors que les commissaires socialistes étaient présents avec toute la gauche pour discuter de la loi bancaire, en particulier des paradis fiscaux et des frais bancaires, les députés de l’UMP, eux ne l’étaient pas.

    M. Philippe Gosselin. Nous avions un accord pour qu’il n’y ait pas de réunion de la commission pendant la séance publique !

    M. Yann Galut. Vous prolongez le débat de manière inutile,…

    M. Guillaume Larrivé. Dites à M. Ayrault de retirer le texte !

    M. Yann Galut. …répétant en boucle « Adoption », « PMA », « GPA » !

    Nous sommes déterminés à mener le débat et à faire en sorte qu’il se termine rapidement afin que nous votions le texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    3
    Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente. Prochaine séance, vendredi 8 février à dix heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le vendredi 8 février 2013, à deux heures dix.)

  • 1ère séance du vendredi 8 février 2013

    15 janvier 2018

    Présidence de Mme Sandrine Mazetier

    vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à dix heures.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant à l’amendement n° 4355 portant article additionnel après l’article 4.

    Après l’article 4

    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 4355, 4357, 4359, pouvant donner lieu à une présentation commune.

    La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Ces trois amendements répondent au même principe. En 1998, nous avons voté le PACS. Ce fut une très grande réforme qui, désormais, fait l’unanimité. Je souhaite aujourd’hui que nous toilettions le PACS. Il ne s’agit pas d’en faire l’équivalent du mariage, en instaurant une cérémonie républicaine ou en revenant sur le principe de la rupture conjointe. Mais le PACS, aujourd’hui, ne confère pas le droit d’user du nom de son partenaire, ne créé pas de vocation successorale, n’emporte aucun effet sur la nationalité, n’autorise pas à lui seul la délivrance de plein droit d’un titre de séjour et ne permet pas au partenaire survivant de percevoir une pension de réversion.

    Ces amendements visent à moderniser le PACS en lui permettant d’emporter effet sur la nationalité, de créer une vocation successorale et d’autoriser à lui seul la délivrance de plein droit d’un titre de séjour.

    Ils ne sauraient tomber sous le coup de l’article 40 puisqu’ils n’entraînent aucune charge financière supplémentaire pour l’État.

    L’on pourrait m’opposer qu’il s’agit là d’un cavalier législatif. Je ne le pense vraiment pas. Dès lors que l’on s’intéresse au mariage, l’on s’intéresse obligatoirement au PACS.

    C’est donc avec beaucoup de confiance que je soumets à la discussion ces trois amendements qui nous permettront de renforcer le PACS.

    Rappelons que le PACS a été le grand succès…

    M. François Vannson. Ouh là là !

    M. Alain Tourret. …de ces dernières années. Il y a aujourd’hui en France 250 000 mariages et 210 000 PACS, contre seulement 20 000 PACS la première année où nous l’avons voté. Le succès du PACS a été décuplé et il serait très utile qu’il se modernise pour rester une alternative au mariage, aussi bien pour les homosexuels que pour les hétérosexuels.

    Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteurde la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous avons déjà eu ce débat en commission. C’est vrai, le PACS recueille un succès considérable, dans notre pays, surtout parce qu’il offre un régime intermédiaire entre le concubinage qui n’emporte quasiment aucun droit ni devoir, et le mariage dont nous nous préoccupons depuis maintenant plusieurs jours. Il nous a paru nécessaire de maintenir ce régime intermédiaire comme étant d’ailleurs souvent, pour les couples, un préalable au mariage.

    Dans ce contexte, il ne serait pas opportun de modifier aujourd’hui les contours du PACS.

    Par ailleurs, nous ne sommes pas, avec ce texte, dans le champ du PACS, et vos amendements m’apparaissent hors sujet.

    Avis défavorable sur ces trois amendements.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. C’est bien que vous preniez les devants, monsieur le député, parce qu’il est toujours extrêmement désagréable, pour le Gouvernement, de faire remarquer à un parlementaire que son amendement est un cavalier législatif, surtout quand le parlementaire est expérimenté, comme vous l’êtes. Cela étant, c’est un moyen d’appeler l’attention sur une disposition qui vous tient à cœur.

    Votre premier amendement vise à ce que le PACS permette d’attribuer la nationalité française au partenaire étranger mais ce projet de loi tend à ouvrir l’adoption et le mariage aux couples de personnes de même sexe et il serait bon que nous en restions là.

    Les problèmes que vous soulevez par cet amendement et les deux autres sont réels même si je partage largement l’avis du rapporteur de préserver la nature très différente, sur le plan juridique comme conjugal, des trois régimes qui permettent aux personnes de s’unir. Le PACS, tel qu’il est conçu aujourd’hui, obéit à un régime contractuel particulier.

    Il est évident qu’il faudra l’améliorer. Vous nous avez alertés sur ce point à plusieurs reprises et nous en avons convenu. Le texte que nous soumettra la ministre de la famille offrira un cadre juridique plus approprié à vos propositions.

    Pour ce qui est de votre proposition sur la nationalité, il faudra réfléchir plus avant. Votre exposé des motifs, tout comme la rédaction de cet amendement, sont bien construits. Cela étant, si l’on peut vraiment avancer sur les deux autres points, celui-ci donnera probablement lieu à quelques débats.

    Le sujet est d’importance mais ce texte n’est pas le plus adapté pour le porter. Je vous invite par conséquent à retirer vos amendements qui trouveront davantage leur place dans le texte sur la famille. Je vois d’ailleurs Mme la ministre de la famille approuver.

    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Compte tenu des explications données par Mme la garde des sceaux et approuvées par Mme la ministre de la famille, je retire mes trois amendements.

    M. Philippe Cochet. À la botte ! Bientôt secrétaire d’État ?

    M. Patrick Labaune. À la soupe !

    (Les amendements nos 4355, 4357 et 4359 sont retirés.)

    Mme la présidente. Nous en arrivons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 1924.

    M. Hervé Mariton. Il s’agit d’un amendement de précision et de bon sens, pour bien différencier les situations : « Lorsque le mariage est contracté entre une femme et un homme, les époux portent respectivement le nom de mère et père », quand ils sont, de fait, parents.

    « Lorsque le mariage est contracté entre deux personnes du même sexe, elles portent l’une et l’autre le nom de parent », quand un enfant est né.

    Plusieurs députés UMP. Regardez MM. Tourret et Le Roux qui se serrent la main ! C’est l’union sacrée !

    M. Hervé Mariton. J’en profite pour intervenir sur les amendements qui ont été retirés. Il serait très périlleux de rapprocher le PACS du mariage. Au fond, pourquoi n’a-t-il pas été possible d’améliorer la condition des personnes homosexuelles dans le cadre du PACS ? Tout simplement parce que ces évolutions auraient concerné à la fois les personnes homosexuelles et les personnes hétérosexuelles alors que les personnes hétérosexuelles disposent déjà du mariage.

    Si l’on attachait constamment au PACS des droits supplémentaires, l’on aurait vite fait d’en faire un contrat qui accorderait les mêmes droits que le mariage, sans les obligations. Ce ne serait pas une situation heureuse.

    C’est pour cette raison que nous nous sommes retrouvés ces dernières années face à un blocage que nous n’avons pas su surmonter, ce qui était une erreur. Nous ne pouvions pas améliorer le PACS au-delà d’une certaine limite sans vider le mariage d’une part importante de sa substance propre. Mais le Gouvernement n’a pas été pour autant capable de créer une formule adaptée aux couples homosexuels. Le Gouvernement s’est retrouvé dans une pure logique de duplication.

    Si l’on peut apporter des améliorations ponctuelles au PACS, il est essentiel de ne pas le réformer en profondeur pour ne pas créer une union qui emporterait les droits du mariage sans les obligations. Ce serait une très mauvaise initiative et, à cet égard, les amendements de notre collègue étaient fâcheux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils ont été retirés ! Nous en discuterons lors du projet de loi sur la famille, patientez, monsieur Mariton !

    M. Hervé Mariton. Je suis rarement patient ! (Sourires)

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 4252.

    M. Marc Le Fur. Permettez-moi tout d’abord de vous saluer, madame la présidente, de saluer nos ministres, le président de la commission des lois, assidu au banc, ainsi que la rapporteure de la commission des affaires sociales, notre rapporteur et l’ensemble des personnes présentes.

    Je n’ai pas voulu intervenir en réponse à M. Tourret qui prenait date dans une carrière qu’on lui promet flatteuse et qu’il mériterait d’ailleurs ! Cela étant, son amendement offrirait une possibilité supplémentaire d’accéder à la nationalité française. Or, c’est dans un autre cadre que nous devons avoir ce débat ! Nous voyons se multiplier les voies d’accès à la nationalité, à commencer par la circulaire dont nous avons largement débattu. Restons prudents et n’examinons pas de telles dispositions au détours d’une séance matinale mais d’une façon plus globale.

    Je souscris bien évidemment à la présentation que M. Mariton a faite de son amendement. En effet, les mots comptent.

    Comme vous nous avez laissé un peu de liberté, j’ai pu écouter France Culture ce matin vers 7 heures. Les intellectuels qui y étaient réunis le déclaraient : les mots comptent. Or, celui de mariage perd de son sens en ce qu’il fait référence au mari. Ils ont suggéré le mot de « pérage », puisqu’il pourrait y avoir deux pères.

    Les termes de « mari » et « femme » n’auraient pas beaucoup de signification non plus, aussi ont-ils rappelé ceux de « compère » et « commère » qui, pour le coup, existent déjà dans la langue française et pourraient s’adapter à une telle situation.

    Vous voulez changer les mots, vous voulez changer les choses, vous voulez changer ce qui représente des évidences pour nos compatriotes. Prenez garde et utilisez les mots qui conviennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1924 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous demandez que l’on différencie les dénominations des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent quand ils sont parents : les uns s’appelleraient « parents » et les autres « père » et « mère ».

    Deux problèmes se poseraient. Tout d’abord, l’adoption de cet amendement conduirait à créer deux catégories de couples, ce que nous nous refusons à faire en faisant entrer dans l’institution du mariage les couples de personnes de même sexe aux côtés des couples de personnes de sexe différent.

    Par ailleurs, vous présupposez, vous préjugez, vous anticipez le fait que deux époux auront des enfants, ce qui ne sera pas systématiquement le cas.

    Avis défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.

    Vous avez cette volonté, inextinguible semble-t-il, de distinguer entre les couples, mais surtout vous désignez les couples homosexuels en tant que parents même s’ils n’ont pas d’enfants, ce qui est tout de même assez singulier.

    Puis, il y a de votre part le souci, que vous avez montré pendant plusieurs jours, dans la précision de l’écriture du droit, en particulier dans le code civil. La notion de parent figure déjà dans le code civil. Vous introduisez une espèce de synonyme. Vous serez obligé, monsieur Le Fur, si vous allez jusqu’au bout de votre logique, de faire un article-balai pour expliquer les cas où l’on entendra « parents » au sens de « parents » et les cas où l’on entendra « parents » du seul fait qu’il s’agit de couples de même sexe.

    Pour toutes ces raisons, qui sont liées tant à la technicité du droit qu’à l’irrationalité et à l’incohérence de cet amendement, le Gouvernement émet un avis défavorable.

    M. Jean-Yves Caullet. C’est lumineux !

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1924 et 4252.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 69

    Nombre de suffrages exprimés 69

    Majorité absolue 35

    Pour l’adoption 16

    contre 53

    (Les amendements identiques nos 1924 et 4252 ne sont pas adoptés.)

    Article 4 bis

    Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4 bis.

    La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. L’article 4 bis, comme l’article 4, est un article dit « balai » dont l’objet est de tirer les conséquences de l’article 1er sur les différents codes. Nous avons déjà passé en revue le code civil à l’article 4. L’article 4 bis est un article technique de coordination.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Il s’agit en effet d’un article-balai, mais il est moins innocent qu’il n’y paraît.

    D’abord, l’article 4 bis précise que l’ensemble des dispositions s’applique dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution. Voilà une bien curieuse écriture ! Car l’article 73 de la Constitution dispose que les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d’outre-mer. Je ne comprends pas pourquoi le législateur juge utile de préciser dans cette loi qu’elle s’applique dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.

    C’est un point extrêmement important.

    Les collectivités d’outre-mer qui sont régies par l’article 73 de la Constitution sont des collectivités dont le droit intègre naturellement – c’est le droit de la République – les dispositions que nous discutons en ce moment. Soit il faut considérer qu’il y a une évolution du droit qui s’applique dans les collectivités d’outre-mer et qui nous conduit, chaque fois que nous légiférons, à dire expressément que le droit s’applique, « y compris dans les collectivités régies par l’article 73 ». Ce serait alors une évolution institutionnelle majeure, une vraie révolution pour un grand nombre de collectivités d’outre-mer de la République, et en particulier pour les départements d’outre-mer - ou alors la disposition que vous nous proposez est totalement inutile. En tout cas, elle est dangereuse dans son principe, car soit elle a un sens et c’est une révolution institutionnelle, laquelle, en réalité, détruit la notion de département d’outre-mer, soit elle n’est pas utile et vous feriez mieux de la retirer.

    D’ailleurs, vous avez, dans une logique juridique plus solide ou institutionnellement plus rassurante, prévu des dispositions expresses pour les collectivités régies par l’article 74, citant spécifiquement la Nouvelle-Calédonie et les terres australes. Vous n’avez pas cité la Polynésie française qui connaît une situation juridique particulière en la matière.

    J’aimerais comprendre l’intention de la majorité à expliciter l’application de la loi dans les départements d’outre-mer alors que, ordinairement, on ne le fait pas, car cela va de soi.

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Assaf.

    M. Christian Assaf. À l’image de l’article 4, l’article 4 bis, au-delà des aspects techniques et juridiques et les arguments déjà invoqués, est dans la philosophie de notre projet de loi.

    À travers cet article-balai pour les codes autres que le code civil, nous voulons ici, une fois de plus, faire en sorte que les mariages de couples homosexuels trouvent leur traduction dans tous les codes, et ce – pour en finir avec l’exclusion – dans un esprit d’inclusion.

    M. Hervé Mariton. Ça n’a pas de sens !

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Je voudrais revenir sur la question qui a été évoquée rapidement hier, en m’appuyant sur un article très intéressant paru aujourd’hui dans le journal La Croix et qui traite de l’analyse juridique à propos de l’article 310 du code civil. Les juristes disent que l’adoption plénière fait bénéficier l’enfant d’un nouvel état civil qui ne le distingue pas des autres enfants. C’est le principe de base de l’adoption plénière.

    Toutefois, un problème se pose pour l’enfant d’un couple homosexuel. L’adoption plénière lui donne un état civil qui le fait apparaître comme né de personnes de même sexe, ce qui va à l’encontre d’un des principes essentiels du droit français en matière de filiation, celui de l’altérité sexuelle, qui a été reconnu récemment par la Cour de cassation dans un arrêt de 2011.

    Pour que l’adoption plénière soit valide, il faudrait réformer l’article 310 du code civil qui dit que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs père et mère.

    Je trouve l’argumentaire très pertinent et j’aimerais que l’on nous réponde de façon juridique et précise. D’ailleurs, on retrouve, semble-t-il, les mêmes réserves dans l’avis du Conseil d’État.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Avec l’article 4 bis, nous sommes dans la même logique que celle que nous avons eue lors de l’examen de l’article 4.

    Les questions que nous avons posées restent en suspens, et notamment celle-ci : quelle validité donner au plan juridique aux dispositions de l’article-balai ? Je pense à l’avis très réservé du Conseil d’État au niveau juridique et à l’étude d’impact qui, a priori, met en lumière les risques de la technique de l’article-balai.

    Nous n’avons pas eu de réponse sur ce point. On sent bien que le Gouvernement est gêné par cet article-balai. Il a laissé la commission s’en servir alors que, nous l’avons démontré au cours des dernières heures de débat, cette technique comporte des risques juridiques très importants. Au-delà de sa dimension politique, l’article-balai repose sur une fiction, il fait preuve d’un manque de courage et il concourt à l’appauvrissement de la loi. Nous persistons à le dire et nous attendons des réponses claires car, avec les difficultés provenant de cet article, c’est le problème du positionnement de la majorité qui est posé.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. À l’article 4, nous nous sommes tous, dans l’opposition, placés en défenseurs vigilants du code civil, telles les Vestales gardant le feu à Rome ! (Sourires.) Si vous le voulez, je peux développer sur les Vestales.

    M. Jean-Yves Caullet. La similitude m’avait échappé !

    M. Marc Le Fur. C’étaient des jeunes filles vierges issues des meilleurs milieux de l’aristocratie romaine.

    Cela étant, mes chers collègues, nous quittons le code civil puisque vous avez imaginé, avec l’article 4 bis, un article-balai pour tout le reste de notre législation ! Le code civil, c’était, bien sûr, l’essentiel puisque c’est le fondement de l’organisation de notre société et de la famille. Mais l’ensemble des autres codes, cela compte ! Or là nous entrons directement dans le social. Madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, vous ne pourrez plus rester muette puisque bon nombre des codes sont sociaux. Nous entrons directement dans les dispositions sociales évoquées dans l’article 11 de la Constitution. Donc, l’argument sociétal ne pourra pas nous être opposé. Et comme vous touchez à l’essentiel de la législation au travers des multiples codes qui régissent notre organisation sociale, nous avons l’occasion, article par article, de défendre nos positions.

    Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie. L’article 4 bis, comme l’article 4 que nous venons d’examiner, tire les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe en remplaçant, dans différents textes législatifs les mots « père et mère » par le terme « parents ». Ces articles donnent lieu à la suppression de plusieurs mentions sexuées dans le code civil. Il convient de rappeler que, dans la version initiale du présent projet de loi, dix-huit articles étaient consacrés à des suppressions de mentions sexuées.

    Une autre solution, certes juridique et tirée du droit comparé, en l’occurrence le droit espagnol, a conduit retenir l’article-balai. Nous nous rendons compte, à ce stade, qu’un certain nombre de difficultés apparaissent, que certaines situations n’ont pas été retenues et que nous n’avons pas pris le temps de tout étudier. À ce niveau, nous regrettons que n’ait pas été retenu le principe de l’alliance civile qui laissait le mariage aux couples de personnes homme et femme et reconnaissait une union qui aurait été exclusivement destinée aux couples homosexuels et n’aurait pas entraîné de difficultés particulières.

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

    M. Guillaume Chevrollier. L’article 4 bis de ce projet fait partie du subterfuge trouvé pour rendre moins choquantes les répercussions du projet de loi. Car sur ce projet, vous avancez masquées et vous faites preuve, reconnaissez-le, d’hypocrisie.

    En effet, ce texte qui, dans son titre initial, annonçait clairement qu’il s’agissait de l’ouverture et de l’adoption pour tous, a aujourd’hui pour seul objectif le mariage.

    Vous avancez masqués, car les projets qui se sont succédé deviennent de plus en plus édulcorés pour ne pas choquer nos concitoyens et ne pas les mobiliser. Cela étant, la mobilisation sur le terrain reste importante, vous le verrez le 24 mars prochain.

    M. Marc Le Fur. Tout à fait !

    M. Guillaume Chevrollier. Ainsi, au début du projet, vous envisagiez de parler de « parent 1 » et « parent 2 », ensuite de « parent » au singulier, puis au pluriel, pour remplacer les belles expressions de « mari et femme » et de « père et mère ».

    Vous avancez masqués, car vous ne parlez pour l’instant que de mariage, alors que, par la suite, vous chercherez à nous imposer la PMA et la GPA. Pourtant, vous savez que nos concitoyens n’en veulent pas. Ils veulent que les enfants gardent le droit d’être élevés par un père et une mère. Ils ne veulent pas que des femmes soient amenées à vendre leur ventre et que des enfants soient achetés.

    J’ai été particulièrement choqué qu’un certain nombre de ministres du Gouvernement actuel aient participé à une réception au théâtre du Rond-Point il y a quelques jours, réception organisée et financée par une personne qui a osé dire que louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine ne faisait guère de différence… C’est inadmissible, honteux !

    M. Bernard Roman. Et Nadine Morano ?

    M. Guillaume Chevrollier. Est-ce la France que vous voulez nous offrir ? Est-ce la conception de la femme que vous voulez donner en exemple ? Nous n’en voulons pas !

    Nous voulons une France où le droit des enfants soit reconnu, où l’enfant reste au centre de notre société, une société qui ne lui ôte pas les repères dont il a besoin, une société où son intérêt soit défendu. Laissons à tous les enfants le droit d’être élevés par un père et une mère et ne créons pas de discriminations entre les enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

    M. Jacques Alain Bénisti. Il y a le droit civil, mais il y a aussi les droits de l’enfant. Le critère déterminant tant pour l’agrément des candidats à l’adoption que pour le prononcé de celle-ci par le juge, c’est évidemment l’intérêt de l’enfant. Je vous rappellerai simplement la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant qui prévoit dans son article 21 que les États parties qui autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière.

    L’étude d’impact qui accompagne aujourd’hui le projet de loi ne traite pas, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009, et notamment les articles 39 et 44 de la Constitution, des questions multiples et complexes que soulève l’ouverture de l’adoption aux conjoints de même sexe tant pour cet article 4 bis, dans le cadre de l’adoption internationale, que plus généralement au regard de l’appréciation que les services et autorités compétentes seront amenés à faire de l’intérêt de l’enfant et qui est opéré en droit positif de manière concrète et surtout au cas par cas.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. L’article 4 bis poursuit la construction juridique qui met en musique l’article 1er de ce projet, article politique qui constitue le cœur même de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe, même si curieusement celle-ci ne figure par dans l’intitulé du projet de loi. Il s’agit donc d’une mise en œuvre juridique dont nous avons déjà eu l’occasion de dire, à propos de l’article 4 et de ses conséquences sur le code civil, qu’elle est pour le moins étonnante. Sans doute cet article balai se voulait-il complet, après avoir soulevé un certain nombre de difficultés sur la disparition des termes « père » et « mère », mais en réalité il est imparfait. Nous avons essayé de le démontrer et je le rappelle simplement pour mémoire, car cet argument sous-tend nos amendements à venir. Il fragilise juridiquement la construction souhaitée par le Gouvernement.

    Nous avons évoqué ces failles juridiques au cours des séances et des nuits précédentes. Le journal La Croix en fait part ce matin encore dans une tribune signée par deux juristes, qui, bien entendu, ne se prononcent pas sur les aspects politiques mais mettent en avant les failles liées à l’adoption, la filiation et l’acte d’état civil, relativement en particulier à l’article 310 du code c civil sur lequel je suis revenu à plusieurs reprises.

    Avec l’article 4 bis, nous en venons à d’autres difficultés, failles et interrogations qui provoquent notre stupeur. Son application à l’ensemble des collectivités d’outre-mer constitue pour moi une vraie interrogation, compte tenu de la répartition des compétences opérée par les articles 73 et 74 de la Constitution. Cela ne laisse pas de m’interpeller, comme on dit trivialement.

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 98.

    M. Marc Le Fur. Les interventions de mes collègues le confirment, cet article ne tient pas. C’est pourquoi cet amendement a pour objet d’en demander la suppression. Il ne tient pas en raison de ses dispositions relatives à l’outre-mer, pour des raisons évidentes parfaitement exposées par quelqu’un qui a une autorité singulière dans ce domaine puisqu’il a été ministre de l’outre-mer, Hervé Mariton.

    La question de l’outre-mer est classique. Dans les DOM, la loi nationale s’impose sans qu’il soit nécessaire de le préciser. Dès lors, pourquoi le faire ? Dans les territoires d’outre-mer, c’est tout autre chose : le législateur doit être explicite. Nous nageons donc en pleine confusion. Si j’insiste sur la question de l’outre-mer, c’est parce que c’est un motif classique d’annulation par le Conseil constitutionnel.

    Mais il est une autre instance de la République que vous n’avez pas consultée avant la rédaction de cet article et dont nous n’avons pas suffisamment parlé, c’est le Conseil économique et social, également environnemental depuis quelques années. Nous le négligeons souvent dans cet hémicycle, alors même que ses travaux sont passionnants. Il a une légitimité singulière en matière sociale et à propos des codes qui vont nous occuper dans les heures et les jours à venir. À propos du code civil, j’en conviens, le Conseil économique et social n’avait pas cette légitimité que j’évoque à l’occasion de l’article 4 bis.

    Je rappelle que le Conseil économique et social est une création de 1946 et que les Français y sont tellement attachés qu’en 1969, même si je le regrette à certains égards, ils manifestèrent leur attachement au Conseil économique et social en répondant non au référendum proposé par le général de Gaulle qui aurait eu pour effet de le rapprocher du Sénat. Cette institution de la République, à laquelle les Français sont attachés, vous ne la consultez pas. En avez-vous peur ? De même, vous n’avez pas voulu consulter d’autres instances à la légitimité encore moins contestable. Cette consultation me semble nécessaire.

    Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson pour soutenir l’amendement n° 171.

    M. François Vannson. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 4 bis qui pose un certain nombre de problèmes juridiques évoqués par les orateurs précédents. Je voudrais une fois encore attirer l’attention de Mme la ministre sur les réserves croissantes qui se font entendre au fil des débats, dans la presse et ailleurs, émises en particulier par le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’État. Il me semble qu’il aurait été souhaitable, afin que cette assemblée puisse travailler sérieusement, que vous exposiez très clairement ces réserves, madame la ministre. Cela aurait permis à la majorité de profiter de ce débat pour améliorer le texte et à l’opposition de disposer de tous les éléments nécessaires pour y apporter sa contribution.

    L’article 4 bis nous fait entrer dans le dur de l’impact social de ce texte. Nous risquons de voter un texte qui s’appliquera avec les plus grandes difficultés du monde, en particulier aux différents codes. Cela donnera de faux espoirs à certains de nos concitoyens qui attendent ce texte. Nous allons vers de graves difficultés. Une nouvelle fois, madame la ministre, je pense qu’il serait bon que nous prenions le temps d’étudier sereinement toutes ces réserves du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello pour soutenir l’amendement n° 418.

    M. Yves Albarello. Je voudrais rappeler à madame la ministre le caractère imprécis du terme « parent », comme elle l’a justement fait elle-même hier soir. Qu’est-ce qu’un parent au sens du droit actuel ? Quel sens aura-t-il demain ? Je pose la question.

    Étymologiquement, le terme « parent » vient de parens, celui qui a mis au monde. Le parent est donc au sens premier le père ou la mère par le sang. Mais le droit contemporain ne définit pas le parent juridique. Quand le terme apparaît, il se définit alors par référence aux notions auxquelles il est associé et celles-ci ne visent pas nécessairement la situation de père et de mère. Ainsi, pour définir les titulaires de l’autorité parentale, l’article 371 du code civil mentionne sans ambiguïté les parents après avoir désigné le père et la mère. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet article soit supprimé.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 430.

    M. Hervé Mariton. Comme je le disais tout à l’heure, il n’y a aucune raison de mentionner dans ce texte les collectivités visées par l’article 73 de la Constitution. Plus exactement, il y a là une sorte de provocation du Gouvernement. Il est en effet des territoires de la République où le projet du Gouvernement est plus particulièrement et plus intensément critiqué qu’ailleurs, ce sont les départements d’outre-mer et vous le savez, madame la ministre. À tel point que c’est spécialement parmi les députés d’outre-mer que l’opposition au texte au sein de la majorité s’exprime. L’un de nos collègues du groupe GDR a fait l’autre jour une intervention tout à fait remarquable à ce sujet.

    M. Marc Le Fur. Exceptionnelle !

    M. Hervé Mariton. Quel sens de la provocation ! Vous savez que les départements d’outre-mer, aussi bien leur population que leurs élus locaux et parlementaires, figurent parmi les collectivités les plus rétives et les plus hostiles à votre texte. Vous n’aviez pas besoin de les faire figurer dans le texte. Je pense même qu’il vous est interdit de mentionner l’article 73 comme vous le faites et que le Conseil constitutionnel repoussera cette disposition. L’application va de soi, c’est la règle constitutionnelle. Les collectivités d’outre-mer sont les plus rétives à votre texte et vous poussez la provocation jusqu’à les citer explicitement. Vous avez tout de même un sens de la provocation et une volonté de faire souffrir qui va au-delà du raisonnable !

    Mme Corinne Narassiguin. Laissez donc l’outre-mer !

    M. Hervé Mariton. Voici des territoires qui ne veulent pas de votre texte, où il s’appliquera constitutionnellement si par malheur la loi est votée, mais vous avez la volonté de leur infliger une double peine : non seulement la loi s’appliquera parce que c’est la règle mais on le dit bien que cela soit superfétatoire, parce que cela vous plaît. Ce n’est pas comme cela que l’on fait la loi et c’est, madame, particulièrement irrespectueux des collectivités d’outre-mer, des parlementaires qui les représentent comme de leur population. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est une forme d’infantilisation !

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 478.

    M. François de Mazières. J’approuve une nouvelle fois ce qu’a développé notre collègue Philippe Gosselin. Je reviens à ma question de tout à l’heure qui, bien qu’essentielle, est restée sans réponse. Le raisonnement est très simple. L’adoption plénière crée une vraie inégalité. Vous avez dit que c’est une fiction, mais c’est en réalité la base : vous créez une inégalité entre les enfants. On voit bien que vous vous êtes bien gardés de toucher au titre VII relatif à la filiation. Cela aurait été politiquement difficile car tout votre argumentaire est fondé sur une séparation nette des questions du mariage et de la filiation. Or l’article 310 est fondé sur ce principe. Il dispose que « tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère ». Il y a donc là un point difficile qui demande des explications claires. Voilà pour les aspects juridiques.

    Ce qu’on entend sur les ondes me semble compléter cette démonstration. J’entendais ce matin, sur une grande radio, l’annonce d’un film qui doit être mis en diffusion la semaine prochaine. Il s’agit d’un documentaire sur deux hommes qui ont recours à la GPA aux États-Unis auxquels une fermière du Wisconsin loue son ventre. Ce témoignage est étonnant. Il commence par dire qu’il s’agit en fin de compte de quelque chose d’assez naturel et s’achève par une question assez gênante du journaliste, pourtant très bienveillant : combien cela a-t-il coûté ?

    M. Jean-Luc Moudenc. Absolument !

    M. François de Mazières. On voit bien qu’au-delà des problèmes juridiques que nous soulevons et qui appellent une réponse se trouvent des questions éthiques fondamentales qui appellent également des réponses, sincères si possible.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti pour soutenir l’amendement n° 614.

    M. Jacques Alain Bénisti. J’aimerais vous interpeller, mesdames les ministres, au sujet de l’adoption plénière dans les territoires d’outre-mer. Il faut rappeler qu’elle a pour effet de supprimer juridiquement la filiation par le sang pour lui substituer un nouveau lien de filiation découlant évidemment du jugement qui l’a prononcé. Madame la garde des sceaux ne m’écoute pas. Si nous ne sommes là que pour la parade… (Sourires.)

    L’acte de naissance d’origine de l’enfant est remplacé par un nouvel acte établi à partir des éléments du jugement d’adoption, sans aucune référence à la filiation réelle de l’intéressé, alors même que la filiation est un élément essentiel d’identification biologique, sociale et juridique pour chaque individu. L’état civil ainsi reconstitué mettra nettement en évidence, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose la filiation. Le Conseil d’État, comme vous le savez, vient d’attirer à nouveau l’attention du Gouvernement d’une part sur les conséquences de cette situation au regard de la question délicate et toujours débattue de l’accès aux origines et d’autre part sur les précautions qu’il conviendra de prendre dans la rédaction des actes de naissance en cause.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 633.

    M. Philippe Gosselin. Fidèle à moi-même, je demanderai ce matin si nous avons des nouvelles du Conseil d’État mais d’abord du président de la commission des lois. J’espère que le président Urvoas n’est pas souffrant…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Il était là tout à l’heure, contrairement à vous !

    M. Philippe Gosselin. Il était là tout à l’heure ? C’est donc moi qui l’ai manqué ! Dommage ! Je me réjouis en tout cas que les nouvelles soient bonnes !

    Si je souhaite évoquer à nouveau l’avis du Conseil d’État, c’est pour revenir sur les motifs d’inconstitutionnalité qui sont évoqués depuis quelque temps et qui ont été très clairement exposés dans la tribune publiée dans La Croix.

    Il faut en effet rappeler qu’outre l’atteinte à l’ordre public international et à des éléments essentiels du droit de la filiation – rappelés par les deux arrêts du 7 juin 2012 –, les motifs d’inconstitutionnalité de l’ensemble du texte sont nombreux. Je pense au non-respect d’un certain nombre de conventions internationales…

    M. Marc Le Fur. Dont la convention internationale des droits de l’enfant !

    M. Philippe Gosselin. …– absolument, mon cher collègue – et au Préambule de 1946, dont Hervé Mariton a rappelé la place qu’il réserve à la mère. De surcroît, selon l’expertise très intéressante du professeur Delvolvé, ce texte porterait atteinte à certains des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. C’est un élément très important pour la suite de nos débats.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet pour soutenir l’amendement n° 1059.

    M. Philippe Cochet. Comme le rappelait M. Mariton, la France est une et indivisible. Pourquoi stigmatiser les collectivités d’outre-mer ? Leurs représentants, qui sont, me semble-t-il, majoritairement de votre sensibilité politique, s’en offusquent. Ils ne partagent absolument pas votre conception du mariage et de l’adoption. Pour eux, c’est un véritable cas de conscience.

    Je vous appelle donc une nouvelle fois, chers collègues de la majorité, à invoquer votre clause de conscience et à vous affranchir des consignes de vote que vous impose le parti socialiste : libérez votre conscience ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Yann Galut. Nous soutenons le texte, et nous l’assumons !

    M. Philippe Cochet. Prenez exemple sur nos collègues d’outre-mer, qui n’ont pas la même conception de la famille que vous. Vous vous honoreriez à ne pas être à la botte d’un parti politique qui sert des intérêts, lesquels restent d’ailleurs à prouver, et une idéologie. (Mêmes mouvements.) Pensez à ce qui doit nous guider : l’intérêt de l’enfant. Le mot : « mariage » a un sens.

    La majorité est aphone, elle n’ose pas s’exprimer. Est-elle en pleine introspection ? Si tel est le cas, elle trouvera peut-être, – qui sait ? –, la bonne direction à suivre.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie pour soutenir l’amendement n° 1719.

    Mme Véronique Louwagie. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, à plusieurs reprises, vous avez souligné que le projet de loi n’aurait pas d’impact sur les couples hétérosexuels. Or, il n’en est rien, et je vais vous en faire la démonstration.

    Les conséquences du texte seront en effet redoutables en matière d’adoption – et il s’agit ici, non pas d’avis ou d’opinion, mais de faits. Le délégué du Kremlin aux droits de l’enfant a ainsi clairement indiqué que la possibilité accordée aux couples de l’Hexagone d’adopter des enfants russes sera réduite. Je déplore une telle orientation, mais vous ne pouvez pas contester qu’elle prouve l’impact qu’aura le projet de loi sur les couples hétérosexuels.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1757.

    M. Guillaume Chevrollier. Dans sa version initiale, le projet de loi comportait dix-huit articles de coordination qui visaient à supprimer des mentions sexuées, ce que vous avez essayé de nier. Ainsi, les mots : « mari » et « femme » étaient remplacés par « époux » et les mots : « père » et « mère » par « parents », non seulement dans le code civil, mais aussi dans le code de l’action sociale, le code de la défense, le code de l’environnement, le code des impôts. Le nombre des textes qu’il faut modifier montre combien ces termes sont essentiels et combien ces références structurent notre société.

    L’article 4 bis précise, sur le même modèle que l’article 4, que les dispositions législatives en vigueur, à l’exception du code civil, s’appliquent aux conjoints de même sexe lorsqu’elles font référence aux mari et femme, aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère et aux conjoints survivants, lorsqu’elles font référence aux veuf et veuve.

    Cette solution juridique a permis de supprimer quinze articles du projet de loi. Il s’agit d’un artifice habile, qui ôte ipso facto à l’opposition la possibilité de vous dire combien, par ce texte, vous allez fragiliser les fondements de notre société.

    Les défenseurs du mariage pour tous se heurtent, ici, à la réalité juridique. Il est en effet strictement impossible de dire que le mariage, tel qu’il est actuellement défini dans le code civil, peut être ouvert sans autres conséquences juridiques aux couples de personnes de même sexe. On veut nous faire croire que dans l’ensemble de la législation existante, « père et mère » veulent dire : deux hommes ou deux femmes, pour pouvoir réaliser cette réforme à droit constant. Mais cette fiction juridique se heurte manifestement au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi. Vous niez la réalité, vous refusez la différence naturelle, la différence sexuée. Ce texte aura pour conséquence de priver les enfants des repères qui ont été les nôtres. Belle vision progressiste de la société !

    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller pour soutenir l’amendement n° 2238.

    M. Pierre Lequiller. L’adoption plénière, qui fait bénéficier l’enfant d’un nouvel état civil qui ne le distingue pas des autres enfants, pose un problème juridique majeur s’agissant de l’enfant d’un couple homosexuel, puisqu’elle lui donne un état civil le faisant apparaître comme né de deux personnes de même sexe. Cela va à l’encontre d’un principe essentiel du droit français de la filiation, celui de l’altérité sexuelle.

    Pour rendre l’adoption plénière valide dans un tel cas, il aurait fallu réformer notre droit de la filiation, notamment l’article 310 du code civil, qui précise que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs père et mère. Or, vous vous êtes refusés à le faire, car vous vouliez donner l’impression qu’il était possible de donner de nouveaux droits aux couples de personnes de même sexe sans porter, comme vous n’avez cessé de le répéter, une quelconque atteinte au droit de la filiation.

    Votre approche conduira à établir un état civil spécifique pour les enfants d’homosexuels. Or, une loi ne peut à la fois faire rentrer les adultes dans le droit commun du mariage et faire sortir les enfants du droit commun de la filiation. Ce texte comporte donc de nombreux motifs d’inconstitutionnalité. Non seulement il est mauvais sur le fond, mais il est mal ficelé.

    Mme la présidente. La parole est à M. François Scellier pour soutenir l’amendement n° 2541.

    M. François Scellier. On voudrait nous faire croire que le mariage tel qu’il est actuellement défini par le code civil peut être ouvert, sans autre conséquence juridique, aux couples de personnes de même sexe. Or, l’article 4 bis du texte de la commission, qui permet de supprimer quinze articles du projet de loi initial, montre bien que cette ouverture entraîne des modifications considérables, dont la constitutionnalité peut d’ailleurs être mise en cause. C’est la raison pour laquelle il y a lieu de supprimer l’article 4 bis.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3359.

    M. Xavier Breton. J’aurai l’occasion de revenir sur l’article 4 bis. Je veux profiter de l’arrivée de notre collègue Coronado pour évoquer les propos qu’il a tenus hier soir avant la levée de la séance. J’ai en effet été choqué de la manière dont il a procédé, extrayant d’un ouvrage qui avait été utilisé par certains de mes collègues une phrase qu’ils n’ont jamais citée. Ces méthodes d’intimidation relèvent de la malhonnêteté intellectuelle, et nous les désapprouvons.

    Elles me rappellent votre intervention en commission des lois, le 16 janvier dernier, lorsque vous nous avez dit que, si nos propos n’étaient pas homophobes, nos pensées l’étaient peut-être.

    M. Sergio Coronado. Pas du tout !

    M. Xavier Breton. Nous ne supportons pas une telle intimidation. Le flicage de la parole et de la pensée, ce n’est pas notre méthode. Participez au débat sur le fond, dites-nous quelle est votre conception de la filiation et de la parenté, plutôt que d’user de méthodes intellectuellement malhonnêtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marc Le Fur. Ce sont des méthodes dignes de la Stasi ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Yann Galut. C’est honteux. Vos propos sont scandaleux !

    M. Philippe Gosselin. C’est la manipulation qui est scandaleuse, monsieur Galut !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression de l’article 4 bis ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Les arguments que je vais exposer vaudront pour les amendements suivants.

    Comme cela a été rappelé, l’article 4 bis est le second article qui comporte des dispositions d’application générale : c’est le second article-balai. Il s’applique, non pas au code civil – c’était l’objet de l’article 4 – mais à l’ensemble de la législation. Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Ainsi que je l’ai indiqué lors de l’examen de l’article 4, il était extrêmement difficile d’envisager une coordination générale exhaustive de l’ensemble de notre droit suite à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

    L’article 4 bis prévoit trois cas de figure différents.

    Tout d’abord, il est prévu que l’ensemble des dispositions législatives s’appliquent aux conjoints et aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence respectivement aux mari et femme et aux père et mère, sans hiérarchie ou prérogative particulière de l’un ou de l’autre.

    En revanche, l’article 4 bis ne sera pas applicable aux dispositions – nous en avons déjà parlé et cela suscitera peut-être quelques réactions de l’opposition – qui visent la femme en tant que personne du sexe féminin – par exemple lorsqu’il s’agit d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes – ou la mère, non pas en tant que personne ayant un lien juridique avec ses enfants mais en tant que personne qui porte l’enfant – par exemple dans les dispositions relatives au congé de maternité, au droit à l’allaitement dans le code du travail, à l’accouchement sous X ou à l’accès aux origines. Il ne s’appliquera pas non plus au père lorsqu’il est fait référence au « père de naissance », notamment dans les textes relatifs à l’accès aux origines.

    Enfin, il existe un certain nombre de dispositions auxquelles l’article 4 bis ne sera pas applicable, mais qu’il est nécessaire de modifier pour permettre leur application aux couples de personnes de même sexe. Tel est le cas notamment des articles qui mentionnent le père et la mère, en faisant référence à une hiérarchie ou à des prérogatives particulières de l’un ou de l’autre. Je pense notamment aux dispositions du code de la sécurité sociale, modifié par l’article 14 du texte de la commission, relatives au congé d’adoption ou aux majorations d’assurance vieillesse.

    L’article 4 bis relève de la même philosophie que l’article 4 : il vise à faire entrer les couples de personnes de même sexe dans notre droit au plan symbolique. C’est l’esprit dans lequel nous avons travaillé et il était important pour la commission de le réaffirmer.

    Quant à la référence à l’article 73 de la Constitution, monsieur Mariton, elle est effectivement superflue, mais elle ne constitue pas en soi un motif d’inconstitutionnalité pour le Conseil constitutionnel.

    M. Philippe Gosselin. Ne soyez pas si présomptueux !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cette référence a été introduite à l’article 4 bis à la suite d’un échange que nous avons eu avec le ministère des outre-mer et s’explique par la mention qui est faite de l’article 74 dans le II de cet article. Sans doute cette précision permet-elle de répondre à vos interrogations.

    La commission est évidemment défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de l’article 4 bis.

    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Depuis plusieurs jours, vous essayez de nous faire croire que nous serions en contradiction avec la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Je ne puis que vous conseiller de la relire intégralement et, si vous l’invoquez, de le faire sans tronquer les phrases que vous citez. Ainsi, quand vous avez cité l’article 21, monsieur Bénisti, vous n’auriez pas dû vous arrêter après les mots « Les États parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière », mais également nous donner lecture de la suite : « et veillent à ce que l’adoption d’un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l’adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l’enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux (…) ».

    L’opposition a déposé 442 amendements sur l’article 4 bis, en invoquant exactement les mêmes arguments que pour l’article 4 : le projet de loi nierait l’altérité sexuelle, rien de moins. Cette attitude peut s’expliquer de deux manières : soit l’opposition poursuit sa stratégie de ralentissement du débat, soit elle est de bonne foi, auquel cas elle aurait vraiment manqué de vigilance au cours des législatures précédentes. En effet, cela fait très longtemps que le terme « parent » supplante ceux de « père » et de « mère » dans notre droit. Dans le code de l’action sociale et des familles, par exemple, le terme « parent » apparaît 132 fois, contre 47 fois seulement pour le terme « mère » et 38 fois pour le terme « père ». On constate la même prééminence dans le code de la sécurité sociale et dans le code de la santé publique.

    Pour finir, je constate que M. Salen a déposé un amendement n° 1275, visant à supprimer l’article 4 bis. Peut-être a-t-il oublié qu’à la fin de la précédente législature il a été le rapporteur, pour la commission des affaires sociales, d’une proposition de loi qu’il avait déposée avec plusieurs de ses éminents collègues, particulièrement actifs dans notre débat – notamment MM. Le Fur, Gosselin et Meunier. Adoptée dans l’enthousiasme le 25 janvier 2012, cette proposition de loi était intitulée « Proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade ». Sur la base de cette constatation, j’ai tendance à penser que l’attitude de l’opposition s’explique par la première hypothèse que j’ai formulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

    M. Gilles Lurton. Je vous remercie de me donner la parole, madame la présidente, d’autant que je pense l’avoir mérité, compte tenu de mon assiduité depuis le début de ce débat.

    Après ces quelques heures de repos, j’ai vraiment le sentiment, ce matin, que plus nous avançons, plus nous détricotons le code civil et, plus largement, le droit français. J’ai eu la chance d’être élevé par un père magistrat, qui m’a appris que chaque phrase, chaque mot, chaque virgule avait un sens, et que la moindre imprécision pouvait avoir des conséquences néfastes sur toutes les décisions rendues ensuite par la justice. Je plains donc les magistrats qui auront à appliquer ce texte. Le jour où il nous faudra revenir sur ces dispositions – ce qui me paraît inéluctable –, j’espère que vous vous souviendrez des amendements que nous avions déposés.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il nous est soumis une série d’amendements visant à supprimer l’article 4 bis, qui a pourtant son utilité pour préciser l’application de certaines dispositions, en particulier de la disposition interprétative introduite par la commission.

    Monsieur Mariton, si vous avez formulé des observations parfaitement fondées, vous n’avez cependant pu vous empêcher de faire un procès d’intention au Gouvernement qui, selon vous, se livrerait à une provocation compte tenu de la position de certains parlementaires. En réalité, il n’y a aucune provocation, pour la bonne et simple raison que le texte dont nous débattons est issu des travaux de la commission – à laquelle vous avez participé, monsieur le député. Pour autant, je ne me désolidarise pas de la disposition que vous critiquez. Lorsque j’ai rappelé à certains parlementaires que nous travaillions sur le texte de la commission, résultant des choix faits par ses membres, on m’a déjà accusée de prendre mes distances. Non, je ne fais que rétablir la vérité : en vertu du règlement de l’Assemblée, nous travaillons sur le texte de la commission. Vous ne pouvez donc pas accuser le Gouvernement d’avoir fait de la provocation au sujet d’une disposition qui ne vient pas de lui.

    Pour le reste, les arguments que vous avez exposés sont pertinents, et nous aurons l’occasion d’y revenir quand nous débattrons d’amendements que vous avez déposés. Pour ce qui est des amendements de suppression de l’article 4 bis, le Gouvernement a émis un avis défavorable, en réaffirmant sa solidarité totale avec les travaux de la commission.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 98 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. François Vannson.

    M. François Vannson. Madame la présidente, je crois que nous ne devons pas renoncer à attirer, une nouvelle fois, l’attention de la représentation nationale sur les dangers d’un texte qui remet en cause les éléments fondateurs du mariage, à savoir l’altérité des sexes et la présomption de paternité. Demain, l’application de ce texte va se traduire par des inégalités entre les enfants adoptés de parents hétérosexuels et ceux adoptés de parents homosexuels, des inégalités qui seront source de contentieux.

    Par ailleurs, en termes de droit international, les étrangers de même sexe qui vont se marier en France et adopter des enfants dans le cadre de tel ou tel dispositif vont se trouver dans une situation juridique incertaine lorsqu’ils décideront de retourner dans leur pays d’origine, avec le risque de devoir faire face à des recours.

    Enfin, madame la ministre, je veux attirer votre attention sur l’aspect irréversible de ce texte. Nous avons le sentiment d’examiner un texte qui s’apparente à un fusil à un coup : notre démocratie est ainsi faite qu’une fois qu’il aura été adopté, nous ne pourrons plus revenir en arrière.

    M. Bernard Roman. Copé a dit le contraire !

    M. François Vannson. Il sera très difficile à une représentation nationale dominée par une autre majorité que celle d’aujourd’hui de revenir en arrière : nous n’allons pas, du jour au lendemain, démarier les couples ou reprendre à des parents d’enfants adoptés leur titre de parents. Je le répète, nous vivons des heures graves, qui ne seront pas sans conséquences pour l’avenir. Il n’est pas trop tard pour prendre les dispositions qui s’imposent, mes chers collègues – en réexaminant, pourquoi pas, ce texte après davantage de débats.

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98, 171, 418, 430, 478, 614, 633, 1059, 1719, 1757, 2238, 2541 et 3359.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 102

    Nombre de suffrages exprimés 102

    Majorité absolue 52

    Pour l’adoption 38

    contre 64

    (Les amendements identiques nos 98, 171, 418, 430, 478, 614, 633, 1059, 1719, 1757, 2238, 2541, 3359 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 3036.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons posé hier trois questions portant sur la rédaction des livrets de famille, des états civils, et l’ouverture éventuelle du PACS aux mineurs, des questions qui, à l’heure où je parle, n’ont pas obtenu de réponse. Plus généralement, il est évident que les conséquences du texte que nous examinons, notamment du fait de l’application de la méthode « balai » aux articles 4 et 4 bis, ouvrent la porte à un certain nombre de réalités que sont la remise en cause ou l’affaiblissement de la présomption de paternité, ainsi que le traitement de la multiparenté.

    Bref, les questions que nous avons posées à l’article 4 se posent de la même manière à l’article 4 bis.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (L’amendement n° 3036 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 2247, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5395.

    M. Hervé Mariton. Je veux d’abord dire que la multiparenté, évoquée à l’instant par M. Poisson, n’est pas de la fiction. Ainsi une dépêche nous apprend-elle, aujourd’hui, qu’un juge du comté de Miami vient d’autoriser l’adoption d’une petite fille par trois personnes, à savoir un couple de femmes et un homme.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chez nous, cela reste de la fiction !

    M. Hervé Mariton. Dès lors que l’on s’éloigne des schémas familiaux ordinaires, on entre dans des schémas qui affaibliront la présomption de paternité, la notion d’héritage et nombre d’autres éléments importants de la vie de notre société.

    L’amendement n° 2247 a simplement vocation à mettre le rapporteur en cohérence avec lui-même. Je lui reconnais l’honnêteté d’avoir assumé que la référence aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 était superfétatoire – cela dit, si elle est superfétatoire, il vaut mieux la retirer, monsieur le rapporteur !

    Je souhaite poser à nouveau à Mme la garde des sceaux une question qui lui a déjà été posée hier, à savoir pourquoi la circulaire relative à la GPA portait la mention « Hexagone ». Ma question est tout à fait directe et innocente : je ne comprends pas ce qui justifie que l’on déroge à l’usage, en vigueur jusqu’à présent, d’utiliser le terme de « métropole ». S’agit-il de marquer une nouvelle distinction entre la métropole et l’outre-mer ? La nouvelle terminologie a-t-elle vocation à faire jurisprudence au ministère de la justice ? Plus largement, l’administration française est-elle condamnée à s’interdire l’emploi du terme « métropole » utilisé jusqu’à présent, y compris par le Président de la République, qui envoie ses vœux à ses concitoyens de métropole et d’outre-mer ?

    De la même manière que nous avons pu apparaître, il y a quelque temps, un « s » au mot « outre-mer » – ce qui n’était pas une idée très heureuse –, va-t-on voir le mot « hexagone » supplanter définitivement celui de « métropole » ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce le cas, et peut-on imaginer qu’une disposition alors superfétatoire peut être abandonnée ?

    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 2247 et pour exposer le sous-amendement n° 5395.

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission peut émettre un avis favorable à votre amendement n° 2247, monsieur Mariton (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à la condition de le sous-amender, comme je vous en fais la proposition avec le sous-amendement n° 5395.

    Le fait de supprimer, comme vous le faites, à l’alinéa 1 de l’article 4 bis, les mots « métropolitaine ainsi que dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution », peut sous-entendre que les collectivités relevant de l’article 74 ne sont pas en France, ce qui certainement pas votre intention. Je vous propose que les mots « en France » fassent partie des mots à supprimer du premier alinéa de l’article 4 bis, qui serait donc ainsi rédigé : « I. – L’ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l’exception des dispositions du code civil, s’applique également : »

    Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 5395, la commission est favorable à votre amendement n° 2247.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. C’est tout de même un moment historique de nos débats !

    M. Philippe Cochet. Enfin !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il faut le savourer !

    M. Hervé Mariton. Je pense qu’il faut le savourer.

    Le rapporteur, explicitement et courageusement, le Gouvernement, avec beaucoup plus de prudence, reconnaissent qu’il y avait quelque chose de superfétatoire et, sur le principe, d’assez périlleux, dans la rédaction issue des travaux de la commission. Voilà qui en effet pouvait justifier les dizaines d’heures de débat que nous venons de vivre, au moins pour permettre d’assurer la cohérence de l’organisation de la République, de la métropole, de l’outre-mer, en particulier des collectivités d’outre-mer couvertes par l’article 73 de la Constitution, une cohérence à laquelle nous sommes tous attachés : le rapporteur envisage de soutenir un amendement de votre serviteur. Si je peux me permettre de personnaliser les choses, un amendement Mariton va être voté par l’Assemblée au cours de ce débat – peut-être ne devrais-je pas le dire, par superstition (Sourires) –, si nos collègues ne poussent pas la malice jusqu’à contredire le rapporteur exprès. Je ne sais pas quel sera l’avis du président de la commission, mais je dois vous avouer que je ne m’y attendais pas. J’en suis ravi. J’accepte le sous-amendement de M. le rapporteur.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2247, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 5395 et l’amendement n° 2247 ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Évidemment, de fait, la commission n’a pas étudié le sous-amendement, mais il va de soi que la puissance de conviction d’Hervé Mariton ne peut pas être prise en défaut et, après onze jours de vie commune, nous sommes saisis par la grâce et donnons un avis favorable. L’ensemble des collègues qui comprennent l’intérêt juridique de cet amendement voteront naturellement avec un plaisir non dissimulé le sous-amendement du rapporteur pour avoir enfin la possibilité de voter un amendement déposé par M. Mariton.

    M. Philippe Cochet. C’est un bon début !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je souligne d’ailleurs que, depuis onze jours, sur la défense de tous ses amendements, celui-ci a l’incroyable énergie de présenter à chaque fois une argumentation différente, ce qui, n’étant pas un fait si courant, mérite d’être salué.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 5395 et l’amendement n° 2247 ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes à un moment de grande concorde à l’Assemblée nationale.

    M. Philippe Cochet. Provisoire ! (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, comme de toute façon il vous faut chercher querelle au Gouvernement, vous trouvez toujours une accroche, un angle d’entrée, une emprise…

    M. Hervé Mariton. Ceci est juste !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, c’est juste que vous cherchiez querelle au Gouvernement… Ce n’est pas juste, c’est exact.

    M. Hervé Mariton. Vous pouvez nous rejoindre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous le répète, mais pas pour me désolidariser de la commission. Je réaffirme que le travail de la commission a été de très grande qualité ; ce travail, c’est vous, les parlementaires, qui le faites, c’est vous qui votez le texte. Par conséquent, le Gouvernement n’est pas l’auteur de cette disposition.

    J’ai dit sans faire d’effort que votre observation était pertinente. Je vous crois trop perspicace pour avoir besoin de dizaine d’heures pour démontrer l’utilité d’une observation pertinente ; vous dites en effet que les dizaines d’heures de débat ont été utiles pour aboutir à cela. Je ne vais pas vous submerger de compliments, monsieur Mariton, vous-même demanderiez grâce. (Sourires.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez encore de la marge, madame la ministre !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas ce que vous disiez hier ! Je vous dénoncerai publiquement, si vous m’y contraignez.

    Monsieur Mariton, vous faites une autre observation au sujet de la circulaire quant à l’emploi des mots « métropole » et « hexagone ». C’est une discussion que nous pouvons avoir de façon très honnête, très libre, et probablement très intéressante. Les termes sont marqués. S’il est exact que le terme « métropole » est plus fréquemment utilisé, il est tout aussi exact qu’il relève totalement du vocabulaire de l’empire colonial. La métropole désigne, d’une part, la grande ville, et, d’autre part, la France métropolitaine par opposition aux colonies. Cette dernière référence apparaissait dans tous les textes de loi où il était question de métropole, dans tous les discours politiques et dans le langage courant ; la métropole est un concept totalement lié à l’empire colonial, et ce, je le répète, indépendamment de la métropole comme grande ville.

    Ce terme continue d’être utilisé, mais sans être contesté il peut être interrogé. Depuis environ une quinzaine d’années, le terme « hexagone » est employé, certes moins fréquemment que celui de « métropole », mais de plus en plus. On ne le trouve pas dans des textes de droit en tant que tel, mais il apparaît dans les textes à caractère juridique et les discours politiques. Je ne sais pas si ce mot tendra à s’imposer ni combien de temps cela prendra, mais il n’y a pas là un sujet de tension ou de friction.

    S’agissant du sous-amendement, il me paraît indispensable, tout comme l’amendement. Sous réserve que l’Assemblée adopte le sous-amendement, le Gouvernement émettra un avis favorable à votre amendement, monsieur Mariton, parce que l’argumentation que vous avez présentée est parfaitement fondée.

    (Le sous-amendement n° 5395 est adopté.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2247, tel qu’il a été sous-amendé.

    M. Pascal Popelin. On va voter un amendement Mariton !

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 93

    Nombre de suffrages exprimés 93

    Majorité absolue 47

    Pour l’adoption 93

    Contre 0

    (L’amendement n° 2247, sous-amendé, est adopté.)

    Mme la présidente. L’amendement est adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jacques Alain Bénisti. Victoire !

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Madame la présidente, je veux remercier le Gouvernement, le président de la commission des lois et le rapporteur de la sagesse dont ils ont fait preuve pour faire en sorte que la loi soit claire et cohérente avec l’organisation de nos institutions.

    Madame la ministre, ce que vous venez de dire sur l’emploi des termes « hexagone » et « métropole » est évidemment une déclaration politique majeure. Il est vrai que le président Valéry Giscard d’Estaing avait, en son temps, largement utilisé l’expression « hexagone » et c’est l’un de ceux qui l’ont le plus employée ; d’ailleurs, ce n’est pas nécessairement, tout giscardien que j’aie été – dans ma tendre jeunesse –, la manière la plus élégante de désigner notre pays.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, en effet.

    M. Hervé Mariton. Pouvez-vous m’expliquer, dans ce cas ? Vous dites que le mot « métropole » a une connotation coloniale que le mot « hexagone » n’a pas.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui !

    M. Hervé Mariton. M. le Président de la République, – du moins je le pense, mais on pourrait reprendre le texte au besoin – lorsqu’il a adressé ses vœux aux Français le 31 décembre dernier au soir, les a adressés aux Français de métropole et d’outre-mer.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et de l’étranger !

    M. Hervé Mariton. Il a ensuite, à l’occasion d’une émission sur France Ô, adressé ses vœux spécifiquement à nos concitoyens d’outre-mer. Voulez-vous donc signifier que chaque fois que M. le Président de la République adresse ses vœux aux Français de métropole et d’outre-mer, l’utilisation du terme de « métropole » est une référence coloniale ? On pourrait en dire de même du Gouvernement, car on ne peut pas imaginer que chaque ministère ait sa terminologie, à plus forte raison – éminemment – s’il s’agit du vôtre : vous êtes garde des sceaux, ministre de la justice.

    Cela veut-il dire que, demain, dans la suite du raisonnement politique que vous venez de rappeler, le terme « métropole » sera proscrit et celui d’« hexagone » s’imposera systématiquement ? C’est tout de même une question majeure. Nous devons être éclairés sur ce point. L’usage est en effet de parler de métropole ; est-ce que l’usage change, dans ce cas nous devons nous y conformer, ou est-ce qu’il est maintenu, et alors ceux qui le respectent souffrent le procès d’expression coloniale que vous avez souligné, madame la ministre ?

    Mme la présidente. Je souligne simplement que cette intervention n’avait rien à voir avec le déroulement de la séance.

    M. Philippe Gosselin. C’est une question importante !

    Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je crains qu’emporté par son succès récent, M. le ministre Mariton ne se laisse aller à quelques sophismes qui ne sont pas indispensables.

    Monsieur Mariton, en évoquant M. Giscard d’Estaing, vous renvoyez l’usage du terme « hexagone » à une époque plus lointaine encore que je ne le fais puisque j’ai mentionné une quinzaine d’années. Je l’ai dit dans mon propos tout à l’heure : les mots ont leur sens, ils ont leur période de naissance, ils portent leur contenu. J’ai toutefois ajouté que le mot métropole est le plus fréquemment utilisé et qu’on peut avoir un débat intellectuel sur ce point. Vous voulez quant à vous en faire un débat politique…

    M. Hervé Mariton. Mais que va-t-il y avoir désormais sur les documents des ministres ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et un point de divergence entre la présidence de la République et la chancellerie ; il n’y en a pas ! Les termes ne sont pas utilisés – je l’ai dit moi-même – indifféremment, ni en termes de constance ni en termes de contenu. Pour tout vous dire, je considère que le terme « hexagone » renvoie à une conception à la fois physique et géographique ; je ne trouve pas que c’est le mot le plus heureux sur le plan musical. Toutefois les deux termes sont utilisés, ne venez donc pas nous faire une démonstration rhétorique à laquelle vous donnez, par extension, une signification politique. N’inventez pas un problème qui n’existe pas !

    M. Hervé Mariton. Mais qu’écrira un fonctionnaire demain ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mot métropole a une histoire, comme tous les mots ont une histoire, comme « principe de précaution » a une histoire, une histoire qui fait que quand vous l’introduisez dans un texte comme le nôtre, vous transportez quelque chose d’extrêmement contestable. J’enfonce une porte ouverte en vous disant que les mots ont une histoire. N’inventez donc pas des histoires parce que les mots ont une histoire !

    M. Hervé Mariton. Qu’écriront les fonctionnaires ?

    Article 4 bis (suite)

    Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet pour soutenir l’amendement n° 5254 rectifié.

    M. Erwann Binet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Favorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

    (L’amendement n° 5254 rectifié est adopté.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 3037.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Du fait que nous sommes vendredi, il n’est pas interdit d’espérer qu’un amendement de M. Poisson puisse être adopté. (Sourires.) Je laisse cette décision à la sagacité de notre assemblée.

    Je reviens sur l’argument que je développais tout à l’heure au sujet de l’article-balai : monsieur le rapporteur, vous avez expliqué voilà quelques instants dans une de vos interventions sur un amendement que vous aviez choisi cette méthode parce qu’il n’était pas possible de modifier les occurrences une par une. Ai-je bien compris ce que vous avez dit ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’était difficile !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis un peu surpris parce que, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, vous aviez le choix entre la méthode que vous utilisez maintenant et celle que vous avez décrite tout à l’heure en la qualifiant de difficile. De mon point de vue, cette dernière eût été beaucoup plus précise sur le plan du droit.

    Ce que nous disons depuis maintenant quelques heures, c’est que la méthode de l’article-balai a certes l’avantage de couvrir l’ensemble du champ, mais qu’elle le fait parfois de manière inutile – cela a été montré pour un grand nombre d’articles du code civil au cours des débats de la nuit dernière, d’hier et d’avant-hier – et en introduisant des imprécisions et des risques juridiques, en particulier sur la question de la parenté multiple. Je m’étonne donc que, bien que l’exercice eût été difficile, vous n’ayez pas choisi une telle méthode, que j’aurais bien entendu contestée sur le fond puisqu’elle n’aurait en rien modifié l’esprit du texte, mais qui aurait été sur le plan juridique, matériel, beaucoup plus précise. Cela pose à nouveau la question de la méthode choisie pour écrire ce projet de loi.

    (L’amendement n° 3037, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2460.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur les propos précédemment échangés entre notre collègue Mariton – il le fera sans doute lui-même par la suite – et Mme la garde des sceaux.

    C’est vrai que les mots ne sont pas neutres. Chaque terme a, en principe, un sens, mais on cherche actuellement, avec les articles 4, 4 bis et les autres, à nous faire perdre le sens des mots. Au demeurant, c’est le principe même de l’article-balai : on ne veut plus dire « père et mère » donc on adopte une formule qui ramasse l’ensemble mais, en réalité, les textes sont précis. On ne peut pas non plus heurter de front la réalité juridique. Le mariage n’est pas la carte Navigo ! Ce n’est pas comme on veut, quand on veut. On ne peut pas l’ouvrir à d’autres types de couples que les couples hétérosexuels sans le détruire ou lui faire perdre radicalement sa substance.

    Cela affaiblit l’ensemble de l’institution.

    Les mots, disais-je, ont une importance ; quand on parle de l’« hexagone », de la « métropole » et de l’« outre-mer », cela a un sens particulier. Il serait important – mais je pense qu’Hervé Mariton y reviendra – de connaître les instructions qui seront données aux fonctionnaires dans le cadre d’une circulaire. Dira-t-on que cette circulaire s’adresse à la métropole et aux outre-mers, ou à l’hexagone et aux outre-mers ? Ce n’est pas la même chose.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si !

    M. Philippe Gosselin. Il serait intéressant de savoir quel est le point de vue et, le cas échéant, les connotations, voire les affects que l’on met derrière les mots.

    Je veux bien admettre, en effet, que les mots expriment aussi des points de vue et des sentiments ; de fait, ils sont rarement neutres ; on n’emploie pas indistinctement l’un ou l’autre. À cet égard, nos échanges sur ce projet de loi sont peut-être aussi l’occasion de redonner de la précision – notamment quand il s’agit de la justice, avec les implications que cela peut avoir –, en métropole comme en outre-mer.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2460 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2591.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je développerai la même argumentation que mon collègue : M. Gosselin a parfaitement expliqué que c’est toujours la même méthode qui est à l’œuvre, une méthode qui crée des problèmes auxquels nous ne voyons pas le début d’une solution.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3272.

    M. Marc Le Fur. Les mots ont un sens ; le débat que nous avons eu sur les mots « métropole » et « hexagone » n’est pas simplement anecdotique.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il vous fallait de la matière pour ce matin !

    M. Marc Le Fur. Si vous évoquez l’« hexagone », vous oubliez une partie de nos compatriotes, à savoir les Corses. Yves Albarello et moi-même avons été choqués, de même, sans doute, que beaucoup de ceux qui nous écoutent. Quitte à parler d’« hexagone », il faudrait dire « l’hexagone et la Corse » – je vous épargne les îles bretonnes, dont je pourrais vous donner la liste. (Sourires.)

    À l’évidence, ce n’est pas la même chose. Utilisons donc le mot « métropole », qui est le terme adéquat ; il a un sens et est d’ailleurs utilisé très largement par nos compatriotes de l’outre-mer.

    Cela dit, je voulais évoquer quelqu’un qui se lève contre votre projet de loi, en particulier contre ce qui concerne la famille – je m’adresse donc plus particulièrement à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Il s’agit de Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat très connu, spécialisé dans les questions de famille, qui président du tribunal pour enfants de Bobigny. Il est également très marqué à gauche.

    M. Jacques Alain Bénisti. Absolument !

    M. Marc Le Fur. Quand nous évoquons son nom, c’est généralement pour le dénoncer.

    M. Pascal Popelin. Sauf que là, cela vous arrange d’en parler !

    M. Marc Le Fur. Eh bien, écoutons ce que dit sur le sujet quelqu’un qui a croisé des enfants brisés par les troubles familiaux qu’ils ont subis : « Je suis opposé à la reconnaissance de deux pères ou de deux mères et à la disparition de la référence au biologique : si demain des personnes veulent élever ou concevoir un enfant à trois, comment le leur refuser ? »

    Vous nous riez au nez quand nous vous le disons ; écoutez au moins vos amis, ceux qui ont la même sensibilité politique que vous !

    M. Philippe Cochet. Très bien !

    M. Jacques Alain Bénisti. Excellent !

    M. Marc Le Fur. La même personne ajoute : « Concrètement, il n’y a pas d’enfants à adopter en France. Et l’adoption internationale va être globalement très compliquée pour les couples homosexuels. »

    Cela aussi nous le disons, mais, pour vos oreilles, nos mots ne sont pas pertinents. Écoutez au moins ce magistrat dont chacun connaît la sensibilité, mais dont je voulais saluer aussi, en cette occasion, l’honnêteté et le courage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3917.

    M. Xavier Breton. Avec cet article 4 bis, nous restons dans la logique de l’article-balai, lequel visait à résoudre la difficulté, à nier l’altérité sexuelle dans le mariage comme dans la filiation.

    Tout à l’heure, notre collègue M. Mariton évoquait une affaire récente en Floride. Ce cas est intéressant car il montre bien que nos débats actuels ne sont pas totalement abstraits. Vous évoquez de prétendues avancées. Eh bien, il faut que nous voyions leurs conséquences.

    Je voudrais aller un peu plus loin en détaillant cette affaire intervenue en Floride. Un juge du comté de Miami s’est prononcé en faveur de l’adoption d’une petite fille de vingt-deux mois par trois personnes : un couple de femmes mariées et un homme homosexuel. Le magistrat a décidé que les noms des trois parents seraient inscrits sur le certificat de naissance de l’enfant : celui du père biologique qui a fourni le sperme avec lequel a été faite l’insémination artificielle, et ceux des deux mères.

    M. Philippe Cochet. Pauvre enfant !

    M. Xavier Breton. Cette décision de justice met fin à une procédure de près de deux années entre les deux femmes, âgées respectivement de 43 ans et 38 ans, et le père biologique, autrefois ami du couple.

    M. Bernard Roman. Quel est le rapport avec l’amendement ?

    M. Xavier Breton. Les plaignantes faisaient valoir qu’un accord verbal avait été passé avec le donneur, aux termes duquel l’enfant ainsi conçu serait adopté par la deuxième mère et élevé par les deux femmes. Mais, peu après la naissance, le père biologique avait fait savoir qu’il entendait voir sa paternité reconnue et qu’il ne souhaitait pas être un simple donneur de sperme.

    Bien sûr, au vu de l’état de notre droit, nous n’en sommes pas là. Telle n’est pas la question. Il s’agit simplement de dire que, quand on nie l’altérité sexuelle, quand on « bidouille » des procréations, on en arrive à des cas comme celui-là. En effet, derrière le prétendu principe d’égalité que vous invoquez, il y a des réalités humaines ; il y a des personnes ayant des attentes, des désirs ou des besoins, mais le rôle de la société est de savoir leur dire non.

    Je voudrais donc connaître l’avis du rapporteur et du Gouvernement sur ces cas. Quelle est, concrètement, votre position ? Quelles limites allez-vous mettre dans notre droit pour que nous ne connaissions pas de telles décisions de justice ?

    M. Philippe Cochet et M. Marc Le Fur. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 5057.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement est, au fond, une manière de dire que nous ne sommes pas favorables à cet article,…

    M. Pascal Popelin. C’est une manœuvre dilatoire !

    M. Hervé Mariton. …auquel nous essayons de soustraire quelques parties.

    C’est l’occasion pour moi de demander au Gouvernement comment il envisage le rapport entre l’article 4 bis, qui étend les mesures à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques et l’article 23, lequel amène à appliquer les dispositions du présent texte « en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises », mais seulement pour les « articles 1er à 4 et 22 », ce qui exclut l’article 4 bis.

    Je dois dire – mais le Gouvernement ou la commission m’apporteront sans doute des explications – que j’ai quelques difficultés à comprendre comment s’articulent l’article 4 bis et l’article 23. Au demeurant, ce dernier pose un certain nombre de questions de fond, comme l’avait souligné notre collègue M. Fritch en commission des lois : des concertations ont-elles eu lieu avec les assemblées des territoires visés par cet article ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je devine dans les propos de M. Mariton une tentative pour que nous ayons un accord sur une autre de ses suggestions, mais je ne crois pas que ce sera le cas.

    En ce qui concerne votre question très pertinente, l’article 23 concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption, tandis que l’article 4 bis en aborde les conséquences en matière de coordination dans la législation. Il s’agit donc de deux niveaux distincts.

    M. Hervé Mariton. Certains auront-ils donc les causes mais pas les conséquences ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il y a donc d’un côté le sujet qui nous préoccupe directement, à savoir l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe pour ces collectivités – c’est l’article 23 – et, de l’autre, les conséquences, avec l’article 4 bis.

    M. Hervé Mariton. Pourquoi les conséquences seraient-elles nécessaires pour les uns mais pas pour les autres ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous y reviendrons, monsieur Mariton, mais je crois avoir été clair : on n’est pas du tout au même niveau législatif.

    Ces amendements sont les premiers d’une série de 297 par laquelle vous souhaitez soustraire une à une de leur application aux couples de même sexe et aux familles homoparentales les dispositions de notre droit français. Cela va évidemment à rebours de la volonté de la majorité et du Gouvernement. Au nom du principe d’égalité, nous voulons qu’il y ait les mêmes droits et les mêmes devoirs pour toutes les familles et pour tous les couples, qu’ils soient composés de personnes de sexe différent ou non.

    L’ensemble de ces amendements ne correspond évidemment pas à ce souci d’égalité. Il s’agit, dans la logique de ce que vous nous dites depuis le début de ces discussions – notamment sur l’article 4 –, d’établir une distinction entre les différents types couples et de familles. C’est précisément ce que nous ne voulons pas. La commission est donc défavorable à ces amendements, comme elle le sera aux suivants.

    Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ces amendements identiques visent l’article 211-6 du code de l’action sociale et des familles, lequel ne fait aucune mention des mots « mari », « femme », « père » ou « mère ».

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes bien d’accord !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je rappelle donc que, dans le code de l’action sociale et des familles, le terme « parents » apparaît 132 fois, contre seulement 47 pour celui de « mère » et 38 fois pour celui « père ».

    Vous nous saisissez donc d’un amendement qui n’a aucun rapport avec votre argumentation.

    M. Philippe Gosselin et M. Jean-Frédéric Poisson. Avec quel tact cela est dit !

    Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Nous entamons l’examen d’une série d’amendements qui ont pour objet de rendre inefficace la disposition-balai dans le code de l’action sociale et des familles.

    Comme vient de le dire très justement Marie-Françoise Clergeau, l’article 211-6, relatif aux conditions de constitution des unions locales d’associations familiales dans le département, ne mentionne à aucun moment les mots « père » et « mère ». La question ne se pose donc même pas. Avis défavorable.

    M. Marc Le Fur. Respectez-nous un peu !

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Permettez-moi, madame la ministre, de dire mon étonnement. Je vous ai posé deux fois une question. Or vous n’avez jamais daigné me répondre, fût-ce d’un simple petit mot ou en me disant : « Circulez, le Conseil constitutionnel répondra. »

    Je m’étonne donc, car l’intérêt de ces discussions est tout de même de pouvoir aller au fond. Que nous répondez-vous au fond sur le problème qui a été soulevé par des juristes compétents sur la constitutionnalité, au regard de l’article 310 du code civil, de l’ouverture de l’adoption plénière pour les enfants de couples homosexuels ? Il y a là un vrai problème de cohérence qui nous pose question. Nous vous le démontrons, par ailleurs, au moyen d’un certain nombre de cas concrets – j’en ai évoqué moi-même et j’ai eu l’occasion d’entendre à la radio une démonstration assez étonnante de ce qui peut d’ores et déjà se passer.

    Essayez donc de nous répondre concrètement sur ce point, car nous avons l’impression, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire sur d’autres sujets, que vous fuyez, habilement, je dois l’avouer, les vraies questions – je veux parler de la PMA ou de l’article-balai, qui est un moyen extrêmement habile d’éviter des interrogations et des problèmes de cohérence juridique. Vous fuyez de nouveau une question qui vous est posée de façon répétée. Madame la ministre, répondez, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2460, 2591, 3272, 3917 et 5057.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 101

    Nombre de suffrages exprimés 101

    Majorité absolue 51

    Pour l’adoption 38

    contre 63

    (Les amendements identiques nos 2460, 2591, 3272, 3917 et 5057 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2461.

    M. Philippe Gosselin. J’en reviens, à travers cet amendement, aux difficultés qu’il y a à ne pas vouloir dire les choses.

    Si, en termes de communication et d’affichage, le mariage pour les personnes de même sexe veut dire quelque chose, il n’est pas possible, en réalité, de l’organiser juridiquement, compte tenu de notre législation et de la manière dont elle est appliquée aujourd’hui aux couples hétérosexuels.

    Essayer de faire autrement, c’est subvertir de l’intérieur le mariage, lequel, encore une fois, n’est pas un simple contrat ou la reconnaissance de l’amour entre deux personnes de même sexe, que, répétons-le, personne ne conteste. On modifie la nature du mariage – il est important de le rappeler une nouvelle fois. On ne peut pas ouvrir le mariage à d’autres catégories de couples sans le détruire ou lui faire dire radicalement autre chose que ce qu’il dit aujourd’hui ; c’est une modification substantielle.

    Dans le domaine juridique, la conséquence est la suivante : si l’on veut faire croire que « père » et « mère » signifient « deux hommes », tout en restant à droit constant, on butte nécessairement – cet article 4 bis en est la preuve – sur des dispositions où cette assimilation n’est pas possible.

    En les excluant, vous créez une discrimination réelle, afin de cacher le désir de supprimer une discrimination rêvée. Cela ne laisse pas d’interroger. L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n°2596.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie d’avance Mme la rapporteure pour avis de bien vouloir nous expliquer en quoi l’amendement précédent introduit une discrimination, eu égard au fait que les mots visés à l’article 4 bis ne se trouvent pas dans l’article L. 211-6 du code de l’action sociale et des familles. Retirer cet article du « balayage » prévu à l’article 4 bis n’emporte aucun effet discriminatoire, ou alors nous ne nous comprenons pas bien. J’aimerais avoir son sentiment sur ce sujet.

    Avec l’application de l’amendement-balai, une incertitude pèse sur le fait de savoir s’il faut, dans le deuxième alinéa de l’article 221-4 du code de l’action sociale et des familles, entendre « parents » à la place de « père et mère », dans la mesure où l’on ne sait pas combien ils seront à terme.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3285.

    M. Marc Le Fur. Mme Bertinotti, qui se lève lorsqu’il s’agit de questions portant sur la famille, répondra peut-être aux propos du juge Jean-Pierre Rosenczveig, l’un des plus grands spécialistes de droit de la famille, chargé de ces questions dans un lieu, le tribunal de Bobigny, réputé pour ne pas être simple.

    Ce propos est en lien direct avec notre débat, puisque nous évoquons la famille, les responsabilités du conseil général et les responsabilités du juge dans ce domaine : « La conception d’un enfant via la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui suit donc inéluctablement. » C’est ce que nous disons. Il poursuit : « L’insémination avec donneur et la GPA posent la question de la filiation biologique. » C’est ce que nous disons. Il demande encore : « Le spermatozoïde ou l’ovule ne sont-ils que de la matière ou un élément de vie ? » La question est parfaitement posée. « En bon laïque, j’ai tendance à penser qu’ils ne sont pas n’importe quoi. » Nous ne sommes pas dans du matériel génétique, mais dans un élément constitutif de la vie. Il déclare encore : « Qu’advient-il de cette vie intra-utérine dont les psys nous serinent l’importance depuis des décennies ? » La GPA ne pose pas seulement la question de l’échange d’argent contre la vente ou la location d’un ventre, mais aussi celle de la vie intra-utérine, celle de l’enfant lorsqu’il est porté par la mère qui l’accueille, alors qu’il n’est pas directement le sien. « Une femme peut-elle se réduire à son utérus ? », conclut le magistrat.

    J’espère, madame la ministre de la famille, que vous réagirez aux propos de celui qui est le juge le plus compétent sur les questions de famille, et qui, de plus, est l’un de vos amis politiques.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n°3918.

    M. Xavier Breton. Le rapporteur a annoncé par avance que la commission émettrait un avis défavorable sur la présente série d’amendements. Cela montre combien le dialogue est difficile depuis plusieurs jours. Je regrette, une nouvelle fois, l’absence d’un débat public et citoyen.

    Je voudrais, à ce propos, rappeler les résultats d’un sondage paru hier : 61 % des maires – 36 % des maires de gauche et 45 % des maires divers-gauche – souhaitent que le Gouvernement suspende l’examen du projet pour laisser la place au débat.

    M. Bernard Deflesselles. Eh oui ! Il faut écouter les maires !

    M. Xavier Breton. Les maires vont se retrouver en première ligne pour appliquer et mettre en œuvre les dispositions des différents codes. L’attente est très forte. Je vous appelle à aller au fond des choses dans cet hémicycle, à ouvrir un débat dans la société, et non à le fermer comme vous le faites depuis plusieurs jours.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 5197.

    M. Hervé Mariton. Madame la rapporteure pour avis, vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises pour souligner que, dans le code de l’action sociale et des familles, le mot « parents » figurait à plusieurs reprises. Vous avez même expliqué qu’il avait supplanté ceux de « père et mère ». « Supplanté » est un terme assez dur et inexact, dans la mesure où il s’agit juste d’une plus grande occurrence.

    Sans doute le débat d’aujourd’hui est-il l’occasion de mettre les choses au point. Le législateur, de gauche ou de droite, a adopté – à tort – une approche indistincte, remplaçant dans certains cas les termes de « père » et de « mère » par celui de « parents ». Peut-être considérait-il que c’était là pure commodité. Mais cela s’est transformé en approche idéologique. Il nous faudra probablement insister pour que les termes de « père » et de « mère » soient maintenus dans cette loi et réécrire un certain nombre d’autres textes de la République afin d’énoncer cela de manière plus claire.

    Il était évident pour tout le monde que « parents » signifiait « père et mère », mais comme certains veulent désigner par le mot de « parent » une réalité différente, il faudra sans doute être plus précis demain dans la loi de la République et écrire à nouveau « père et mère ». Oui, il y a eu une faiblesse lexicale, qui s’est transformée en faiblesse idéologique. Aujourd’hui, nous ne sommes plus faibles du tout !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente.Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie. Je voudrais revenir sur l’esprit des articles 4 et 4 bis, qui donnent lieu à des suppressions de mentions et à des remplacements de termes dans le code civil. Comme on a pu le constater lors des débats, cela entraîne des imprécisions et une complexification de la lecture de celui-ci. Les conséquences sur le code civil sont considérables et donnent lieu à des bouleversements juridiques, dont je doute que nous ayons mesuré tous les effets.

    Je reviendrai sur le cas de l’obligation alimentaire, prévue à l’article 206 du code civil, lequel date de 1803. Avec l’application de l’article-balai, nous créons une obligation alimentaire pour les gendres et les belles-filles des couples de même sexe. L’impact est donc important. Nous nous focalisons beaucoup sur les couples, mais pas sur tous les effets concernant les descendants, notamment les gendres et les belles-filles.

    (Les amendements identiques nos 2461, 2596, 3285, 3918 et 5197 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2464.

    M. Philippe Gosselin. Après ces précisions sémantiques, je voudrais revenir aux arguments d’inconstitutionnalité. J’ai dit qu’un certain nombre de principes étaient violés, notamment l’ordre public international, comme deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012, se fondant sur l’article 310 du code civil, l’ont démontré. J’ai aussi rappelé que le préambule de la constitution de 1946 évoquait la mère et son rôle particulier.

    S’agissant des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le professeur Delvolvé a mis en avant une difficulté sur laquelle il faudra revenir. Depuis des générations et l’origine du code civil, les termes de « père et mère » et de « mari et femme » sont constamment reconduits et reconnus par les régimes et les républiques successifs. Pierre Delvolvé démontre brillamment qu’il y a dans cette altérité un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Autrement dit, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe serait possible, à condition de modifier auparavant la Constitution. Le Président de la République souhaite convoquer le Congrès pour réformer les institutions, peut-être devra-t-il aussi se poser cette question ?

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3332.

    M. Marc Le Fur. Je reviens sur les propos de quelqu’un que vous aduliez naguère, aux positions duquel vous adhériez lorsqu’il proposait que l’on sorte les délinquants de prison et que l’on naturalise un certain nombre de gens, et qui, aujourd’hui, vous choque.

    Voici donc ce que dit le juge Rosenczveig, chargé des enfants : « Le Gouvernement aurait pu proposer une union civile, indépendante des questions de parentalité. Le projet de loi actuel débouche de toute façon sur une remise en cause des filiations, la filiation étant en effet plurielle. Il faut distinguer la parentalité génétique, gestatrice, sociale, juridique et affective. » Tels sont les bouleversements que vous nous proposez. Chacun d’entre nous est un mille-feuille, chacun doit écouter des propos de cette nature et y réfléchir. Monsieur le rapporteur, je suis quand même surpris que le juge qui traite le plus des questions d’enfance n’ait même pas été auditionné par notre commission.

    M. Philippe Gosselin. Il n’allait pas dans le sens souhaité !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3925.

    M. Xavier Breton. Ce que vient de dire notre collègue Le Fur montre bien que les auditions ont été partiales et que n’ont été auditionnés que ceux qui allaient dans le sens du projet de loi. Les organismes indépendants, comme les représentants des professions juridiques, dans des conditions d’audition très différentes, nous ont mis en garde contre un texte bâclé, mal préparé. Encore une fois, ces témoignages devraient interroger nos collègues de la majorité.

    Je voudrais revenir sur le sondage qui a été réalisé auprès des maires, et qui met en évidence la demande d’un débat de la part de personnes pourtant en première ligne et donc très informées. Il y a bien un débat dans la société, que nous animons, mais de débat officiel point. Ce sondage montre aussi que 52 % des maires sont opposés au projet de loi légalisant le mariage et l’adoption pour les couples de personnes de même sexe. Leur opposition porte bien sur l’ensemble du projet, et pas seulement sur les questions de filiation.

    Vous me rétorquerez que cela signifie que 48 % des maires sont plutôt favorables. Oui, une division existe, et c’est sur cela que je voudrais insister. Vous êtes en train d’opposer les Français les uns aux autres. La responsabilité d’un Gouvernement, d’une majorité, surtout en période de difficultés économiques et sociales, est de concentrer les efforts et de rassembler les Français sur ces urgences, non pas de les diviser sur d’autres priorités qui portent sur le fonctionnement de notre société. On devrait, au contraire, rechercher sur ce qui nous rassemble, notamment s’agissant de la politique familiale, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir en défendant les prochains amendements. Vous êtes en train de diviser les Français, c’est une lourde responsabilité que vous endossez là.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2464 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Alors que nous abordons les articles du code de l’action sociale et des familles, je suis particulièrement étonnée que vous refusiez d’accorder les mêmes droits et les mêmes protections aux enfants, qu’ils soient issus de couples de personnes de sexes différents ou qu’ils soient issus de couples de personnes de même sexe. Il y a là une certaine contradiction : alors que vous vous faites les défenseurs absolus de l’intérêt supérieur de l’enfant, vous n’en tenez pas compte ici. Je trouve cela tout à fait regrettable. Avis défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

    M. Jacques Alain Bénisti. Ce que vient de dire Marc Le Fur est extrêmement important, car cela pointe les effets dévastateurs de votre projet de loi. Nous parlons depuis des heures de l’intérêt des adultes et des avantages qu’ils en retireront, mais nous voici rappelés à l’ordre, après le Conseil supérieur de l’adoption, après l’INSERM, après l’Ordre des médecins, par les pédopsychiatres, qui récoltent les aléas des défaillances de la famille et qui accueillent ce qu’ils appellent les « enfants de la dérive ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Rien à voir !

    M. Jacques Alain Bénisti. Madame la garde des sceaux, c’est l’un de vos plus brillants magistrats qui le dit, le juge Rosenczveig, qui se trouve en bout de chaîne et reçoit ces enfants privés de repères, souvent issus de familles déstructurées,…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ça veut dire quoi ? De quels enfants parlez-vous ?

    M. Jacques Alain Bénisti. …des familles où le père ou la mère sont partis. Votre texte, à force d’amalgames, ne fera qu’accroître la souffrance de ces enfants à la dérive ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il n’y a pas que les enfants qui soient à la dérive !

    Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

    M. François Vannson. Le président de la commission des lois et les rapporteurs font des notions d’égalité et de droit un usage à géométrie variable, notamment lorsqu’elles concernent les enfant.

    Cela m’étonne, car que pourra-t-on opposer à un enfant adopté demain par un couple de mères ou de pères, s’il attaque l’État français pour rupture d’égalité par rapport à un enfant adopté par un couple hétérosexuel ? C’est un cas flagrant d’inégalité…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. L’adoption par les célibataires existe déjà !

    M. Marc Le Fur. C’est une partie du problème !

    M. François Vannson. Mais nous parlons ici d’un couple d’hommes qui pourra demain adopter un enfant, comme le pourra également, Dieu merci, un couple hétérosexuel. Or cet enfant pourra avoir le sentiment d’avoir été traité de manière inéquitable par rapport à l’enfant qui a bénéficié d’un père et d’une mère.

    M. Marc Le Fur. Très bonne question !

    M. François Vannson. C’est la raison pour laquelle je trouve votre texte particulièrement scabreux, d’autant qu’il accroît l’insécurité juridique.

    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Les juges de Bobigny vont être ravis d’entendre la droite leur délivrer ainsi des satisfecit, alors que pendant des années cette même droite les a accusé de laxisme en leur mettant tout les maux de la société sur le dos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Arrêtez donc d’utiliser les gens selon votre bon vouloir !

    Ces enfants à la dérive dont vous parlez, pourquoi sont-ils en difficulté ? Trop souvent parce que leurs familles sont déstructurées par les problèmes sociaux qu’ont provoqués vos politiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Trop souvent parce que ces familles sont en déshérence, car vous les avez privées de papiers leur permettant d’élever correctement leurs enfants ! Trop souvent parce qu’il leur manque un logement décent !

    M. Jacques Alain Bénisti. Mais non !

    M. Philippe Gosselin. Elle ne peut pas s’en empêcher !

    Mme Marie-George Buffet. Ne mélangez pas tout ! Les difficultés de ces enfants n’ont rien à voir avec la loi que nous allons voter et qui doit ouvrir l’adoption aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2464, 3332 et 3925.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 125

    Nombre de suffrages exprimés 125

    Majorité absolue 63

    Pour l’adoption 36

    contre 89

    (Les amendements identiques nos 2464, 3332 et 3925 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2465.

    M. Philippe Gosselin. Il est défendu, madame la présidente, mais je préfère utiliser mon temps de parole pour rebondir sur les propos de Mme Buffet, que je trouve assez extraordinaires. Elle est évidemment montée immédiatement au créneau, et je conçois qu’elle soit embarrassée lorsque nous citons des personnes d’autant moins contestables qu’elles ont d’ordinaire d’autres prises de position, mais dont les propos ont d’autant plus de valeur à nos yeux qu’on ne peut les taxer de partialité.

    Il est par ailleurs piquant d’entendre invoquer, jusque dans ce débat, l’héritage de ces dernières années, le chômage en hausse et ses conséquences sur la famille. Mais la déstructuration de la famille ne date pas d’hier ! Remontons à 1981, époque où le parti communiste était au pouvoir et a fait voter un certain nombre de lois…

    M. Philippe Cochet. Les électeurs en ont tiré les conséquences !

    M. Philippe Gosselin. Depuis trente ans la droite et la gauche ont gouverné à tour de rôle, et les problèmes que connaît la famille ne sont pas liés à l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Si toutefois vous voulez faire commencer notre histoire récente au quinquennat de Nicolas Sarkozy, je n’y vois pas d’inconvénient, mais Mme Buffet devrait néanmoins se débarrasser de ses œillères.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3431.

    M. Marc Le Fur. Madame Buffet, vous êtes dans cette logique déterministe qui est celle de vos grands ancêtres, mais je connais des tas de familles modestes, voire pauvres, qui élèvent parfaitement leurs enfants, quels que soient les sacrifices qu’il leur en coûte. Et ces enfants sont bien mieux armés pour affronter la vie que des enfants issus de familles privilégiées mais déstructurées pour de multiples raisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le vrai déterminisme, c’est l’attention, l’amour que portent les enfants à leur famille, c’est la capacité de rester unis dans l’adversité pour élever ses enfants ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Cela vaut pour toutes les familles !

    M. Marc Le Fur. J’en reviens au juge Rosenczveig et à ce qu’il dit sur l’importance de la vie intra-utérine : « Une femme peut-elle se réduire à son utérus ? Sans compter que celles qui portent ces enfants sont rarement issues de grandes fortunes. Quoi qu’il en soit, en France, la matière humaine est hors contrat. Un enfant ne se commande pas pour 15 000 euros. Je ne porte aucun jugement sur le mal de l’enfant, mais les situations qui s’amorcent relèvent d’égoïsmes d’adulte. » Tout est dit. Nous sommes dans une logique qui conforte les égoïsmes, au lieu de rechercher ce que les uns appellent l’intérêt général, les autres le bien commun. « Faites ce qu’il vous plaît », dit-on à ces gens-là, en se contentant de les encadrer vaguement. Le juge Rosenczveig a bien compris les effets négatifs d’un tel laxisme et les excès auquel cela aboutira.

    M. Philippe Cochet. Bravo !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3927.

    M. Xavier Breton. Les propos de Mme Buffet nous permettent des échanges intéressants sur nos visions respectives de la famille. Madame Buffet, vous avez du mal, semble-t-il, à penser la famille comme un lieu d’épanouissement et de protection.

    Mme Marie-George Buffet. Au contraire !

    M. Xavier Breton. Vos origines marxistes vous poussent à défendre une analyse socio-économique de la famille et à combattre la famille bourgeoise. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais pour nous, la famille n’est pas un lieu de reproduction des inégalités ; elle est, au contraire, un lieu d’épanouissement et de protection.

    Mme Marie-George Buffet. Encore faut-il en avoir les moyens !

    M. Xavier Breton. La famille permet aux enfants de grandir, d’être élevés et de trouver ensuite leur place dans la société. On connaît certes les difficultés rencontrées par certaines familles, notamment monoparentales. Elles ne sont nullement liées à l’incapacité du père ou de la mère qui élève seul ses enfants – personne ici ne met en cause la capacité de chacun à élever des enfants –, mais à des conditions matérielles et financières objectivement difficiles, à quoi s’ajoutent des manques d’ordre psychologique et affectif. Les études montrent bien les conséquences de ces manques sur le développement des enfants et sur leur insertion dans la société. C’est la raison pour laquelle, au-delà des considérations socio-économiques, nous défendons notre conception de la famille.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’espère que, lorsque l’on parle de familles déstructurées, on ne vise pas les familles homoparentales, car j’ai eu le sentiment qu’un léger glissement s’opérait…

    M. Bernard Deflesselles. Mais non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh bien, si ce n’est pas le cas, j’en prends note et me félicite de cette évolution.

    Quant aux enfants qui seront adoptés par des couples homosexuels, puisque nous allons voter cette loi tendant à instaurer l’égalité et que le regard de la société aura changé sur les familles homosexuelles, ils ne se demanderont même pas pourquoi ils n’ont pas grandi dans une famille avec un père et une mère.

    M. Jacques Alain Bénisti. Utopie !

    M. Xavier Breton. Vous niez l’altérité sexuelle !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Ils seront simplement très heureux de bénéficier de beaucoup d’amour !

    Je trouve dommage, quoi qu’il en soit, que vous n’ayez pas parlé de l’amendement, qui concerne les centres maternels. Peut-être est-ce là encore un point qui ne vous intéresse pas.

    Enfin, comme l’a déjà dit le rapporteur, l’article 4 bis s’applique lorsque les mots « père et mère » sont employés de façon conjointe. Or cet amendement parle de ce qui relève de la mère et de ce qui relève du père. Il n’y a donc pas matière à discussion, et l’avis du Gouvernement est défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello.

    M. Yves Albarello. Madame la garde des sceaux, dans le cadre de la réforme de civilisation que vous menez à marche forcée, j’aimerais savoir ce que vous pensez de cette proposition d’une élue socialiste – et non des moindres – de la huitième circonscription de Paris (Sourires), qui suggère de débaptiser les écoles maternelles, au motif que cette terminologie serait trop sexiste, pour les nommer d’un terme plus neutre ? Cette proposition pourrait-elle, à terme, être applicable à l’ensemble de notre pays ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est gentil d’être venu !

    (Les amendements identiques nos 2465, 3431 et 3927 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2466.

    M. Philippe Gosselin. Je poursuis mon argumentation sur la constitutionnalité de l’amendement-balai et, plus généralement, de l’ensemble des dispositions tendant à la mise en œuvre juridique de ce projet politique que nous combattons.

    J’évoquais tout à l’heure un certain nombre de points d’inconstitutionnalité. Je souhaite y ajouter deux ou trois autres éléments qui n’ont pas encore été soulevés et qui me paraissent importants. À mon sens, ces dispositions violent le principe constitutionnel de clarté de la loi et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi. Ces deux principes importants ont été notamment reconnus au huitième considérant de la décision n° 2001-455 DC. Je pense qu’il s’agit d’arguments qui pourraient prospérer, en les combinant peut-être à la violation du premier alinéa de l’article 2 de notre Constitution, qui dispose que le français est la langue de la République. J’aurai l’occasion d’y revenir dans le cadre de la défense d’un prochain amendement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3442.

    M. Marc Le Fur. Il est important d’entendre ce que dit le juge Rosenczveig au sujet de l’union civile. Écoutez bien ses propos, qui vous feront un peu mal : « Le Gouvernement aurait pu proposer une union civile, indépendante des questions de parentalité. Le projet de loi actuel débouche de toute façon sur une remise en cause des filiations. » Il ajoute : « Si l’enjeu était de simplifier la vie des couples homosexuels et de protéger les enfants, cela aurait pu passer par une loi sur le statut du tiers. En France, 1 à 1,5 million d’enfants sont élevés par un parent qui n’est pas leur parent biologique. Qu’importe du coup leur sexualité. La loi aurait pu établir la délégation d’autorité parentale, pour que tout adulte qui vit avec un enfant puisse exercer les actes usuels. »

    Voilà des pistes qui n’ont pas été creusées, et qui constituaient autant de solutions alternatives à ce texte, dont chacun se rend maintenant compte qu’il est mauvais, non seulement dans son article 4 bis, mais aussi dans son article 4. Et je ne parle pas des dispositions sur les noms, qui auront maintenant une longueur disproportionnée.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ces dispositions existent depuis 2002, monsieur Le Fur ! Vous l’avez déjà oublié !

    M. Marc Le Fur. Il faudra non seulement avoir une bonne mémoire pour les retenir, mais aussi, pour certains, les inscrire sur un papier avant de les décliner ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous devons obtenir des réponses aux excellentes questions du juge Rosenczveig, un juge de gauche mais courageux. Croyez bien que nous autres, députés de l’opposition, sommes ouverts à toutes les sensibilités : ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec le juge Rosenczveig sur certains sujets – ces désaccords subsistent – que nous n’adhérons pas à ce qu’il écrit sur le sujet qui nous réunit aujourd’hui.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3929.

    M. Xavier Breton. Je reviens sur la réponse de Mme la ministre de la famille. Aller au fond des choses permet de progresser dans la discussion : cela montre tout l’intérêt d’un débat ouvert que nous aurions pu avoir dans la société.

    Si j’ai bien compris, madame la ministre, vous avez affirmé que les gens ne regarderont plus les familles homoparentales différemment des familles où les enfants vivent avec un père et une mère. Je suis d’accord avec vous : à terme, il n’y aura plus de regards de réprobation. Ma génération a connu la même évolution au sujet des enfants de couples divorcés, qui étaient souvent relégués au fond de la classe et regardés avec réprobation ; ce n’est heureusement aujourd’hui plus le cas. Je suis persuadé que, si cette loi s’applique, ces regards réprobateurs auront disparu dans vingt ou trente ans.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est donc une bonne loi !

    M. Xavier Breton. Je le dis très sincèrement. En revanche, il existera toujours une différence objective, que vous niez pourtant. C’est bien le problème ! Une famille avec un père est objectivement différente d’une famille sans père.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais c’est déjà le cas pour les familles monoparentales !

    M. Xavier Breton. Que l’on en tire des conclusions ou non, on ne peut nier ces différences objectives. Nous pensons que celles-ci sont à l’origine d’autres différences, en matière d’éducation et de construction des personnalités.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On ne va tout de même pas jeter ces enfants à la mer !

    M. Xavier Breton. Encore une fois, il faut aller au fond des choses. Cette égalité que vous voulez et que vous annoncez sera effectivement inscrite dans la loi, elle se traduira sans aucun doute dans les mentalités, mais il y a une chose qui résistera : ce sont les corps. Vous ne pouvez pas changer les corps ! Comme le disait un juriste, le Parlement britannique peut tout faire, sauf changer un homme en femme. C’est peut-être votre intention mais, pour le moment, c’est impossible.

    Cette différence objective touche à l’altérité sexuelle. Vous dites qu’il n’y a pas de différence entre un enfant élevé dans une famille avec un homme et une femme et un enfant élevé dans une famille constituée de deux hommes ou de deux femmes. Or il y a bien une différence : c’est l’altérité sexuelle. Vous la niez, et c’est tout le sens de votre combat. Vous êtes des militants de la théorie du gender. Nous ne sommes pas d’accord, et nous allons continuer à débattre.

    Mme Françoise Dubois. Certains hommes sont plus féminins que certaines femmes !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable également.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Au point où nous en sommes, il faut peut-être citer Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »

    M. Yves Albarello. Bravo !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Quelle culture !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Quel talent oratoire !

    M. Philippe Cochet. Mes chers collègues, nous sommes au cœur du problème. Notre débat montre bien que cette maxime de Boileau n’est pas du tout respectée dans ce texte. C’est incompréhensible ! « Père et mère » et « mari et femme » ne veulent pas dire « deux hommes » ou « deux femmes ».

    Plus c’est compliqué, plus il faut revenir aux fondamentaux ! Madame la garde des sceaux, les fondamentaux montrent bien que le texte que vous défendez aujourd’hui devant la représentation nationale n’est pas interprétable correctement. Comme 61 ou 62 % des maires de France, je vous invite une fois de plus à retirer votre texte.

    Gardez bien en mémoire cette maxime de Boileau ! Cela simplifierait les débats, et les Français pourraient enfin avoir une position claire. Vous pourriez également – pourquoi pas ? – renoncer à faire adopter ce texte au Parlement et recourir au référendum : nous participerions alors au débat de manière totale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Albarello. Très bien !

    (Les amendements identiques nos 2466, 3442 et 3929 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2467.

    M. Philippe Gosselin. Après avoir évoqué, il y a quelques instants, la violation du principe constitutionnel de clarté de la loi et de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi définis par le Conseil constitutionnel dans une décision de 2001, je veux insister sur la violation du premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, qui dispose que : « La langue de la République est le français. » Cet argument rejoint la remarque de notre collègue Philippe Cochet qui a invoqué nos grands auteurs comme Boileau.

    Comment la loi peut-elle si manifestement faire dire à des termes clairs – « père » et « mère » – le contraire de ce qu’ils signifient ? Je suis tenté d’invoquer un principe de réalité, qu’il faudrait faire reconnaître par le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. L’expression « père et mère » ne peut pas désigner deux hommes ou deux femmes ! Le Parlement ne peut pas tout se permettre !

    On peut comprendre que vous ayez un projet politique relatif au mariage et à l’adoption : c’est le choix de votre majorité, que nous ne partageons pas, et qui ne nous éloigne pas tant sur les aspects relatifs à l’union que sur ceux qui touchent à la filiation. Cependant, dès lors que vous voulez agencer juridiquement votre projet politique, vous devez choisir des termes appropriés. Dans l’article 4 bis comme ailleurs, l’amendement-balai ne satisfait pas complètement à cette nécessité.

    Madame la ministre déléguée chargée de la famille, notre objectif n’est pas de saucissonner votre texte. Nos contestations à l’article 4 bis, qui touchent au code de la santé publique et au code de la famille et de l’aide sociale, se situent dans la logique de notre opposition de départ aux conséquences politiques de votre projet. Il s’agit d’une déclinaison logique et normale : nous ne nous focalisons pas sur ce point particulier, mais nous en discutons maintenant parce qu’il est à l’ordre du jour.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3447.

    M. Marc Le Fur. Je reviendrai plus tard sur les propos du juge Rosenczveig : je laisse au Gouvernement le temps de préparer sa réponse.

    En attendant, je souhaite vous faire part d’un sondage IFOP qui vient d’être publié et que je trouve assez intéressant. Il indique que 55 % des Français estiment qu’une famille composée de deux adultes du même sexe n’est pas une famille comme les autres. Ce pourcentage n’est pas gigantesque : on peut donc concevoir que nos opinions soient partagées. En revanche, ce sondage comporte une autre question, basée sur la situation suivante : « Vous êtes amené à disparaître. Vous souhaitez que votre enfant connaisse une existence satisfaisante. » Les réponses à cette question, plus personnelle, sont spectaculaires : les personnes ayant des enfants de moins de quinze ans se tourneraient massivement – à 98 % – vers des familles avec un couple homme-femme s’ils se trouvaient dans l’incapacité de s’occuper de leur progéniture en cas de décès.

    Ainsi, quand il s’agit des enfants des autres, les Français ont des opinions partagées, mais quand on les interroge sur eux-mêmes – sur leur filiation, la chair de leur chair, la prunelle de leurs yeux, ce qu’ils ont fait de mieux dans leur vie comme beaucoup d’entre nous le pensent à propos de leurs propres enfants –, ils tiennent un tout autre propos : 98 % d’entre eux souhaitent que leur enfant ait, à défaut d’eux-mêmes, un papa et une maman de substitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3932.

    M. Xavier Breton. Je reviens sur un autre sondage, que j’ai déjà évoqué tout à l’heure. Nous aurons l’occasion d’analyser en détail celui que vient de citer Marc Le Fur, mais je souhaite terminer l’examen de celui qui a été effectué auprès des maires à propos de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes. 64 % des maires y sont défavorables. On sait bien que cette question est liée au texte que nous discutons, puisque le groupe SRC voulait déposer un amendement à ce sujet.

    Ce refus des maires et d’une grande partie de la société constitue pour moi l’occasion, madame la ministre, de vous poser quelques questions. Quand la loi sur la famille sera-t-elle examinée ? L’assistance médicale à la procréation figurera-t-elle ou non dans ce texte ? Ce point est important, parce qu’il donne un peu de sens et de perspective à nos débats.

    On sent bien qu’il y a une résistance très forte sur ce sujet. Nos débats auront déjà permis de le reporter à une loi ultérieure, laquelle est apparemment elle aussi reportée à une date ultérieure, puisque nous attendrons l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Des états généraux seront organisés sur cette question. Je ne sais pas encore si le sujet est reporté aux calendes grecques ; en tout cas, il l’est à plusieurs mois. Notre débat aura donc au moins permis de ne plus évoquer la question de l’assistance médicale à la procréation pour le mois de mars. Je voulais acter ce point très important, et rappeler l’hostilité des maires et d’une grande partie de notre société à cette mesure.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet.

    M. David Douillet. Cet article 4 bis remet en question les fondamentaux. Comme l’ensemble de cette loi, il fait disparaître un certain nombre de valeurs. Il favorise des possibilités qui existent déjà, qui sont utilisées par des personnes qui enfreignent la loi en ayant notamment recours à la GPA, et qui réduisent malheureusement certaines femmes à l’état d’esclaves.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes bien placé pour défendre le statut des femmes, monsieur Douillet !

    M. David Douillet. Ce projet de loi n’a pas été suffisamment examiné.

    Il n’y a pas eu suffisamment de consultations, de travail de fond sur les conséquences du projet de loi.

    Notre société n’acceptera pas la décadence en laissant des réseaux mafieux profiter de la circulaire de Mme la garde sceaux pour prospérer.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Quelle mauvaise foi !

    M. David Douillet. Qu’allez-vous mettre en œuvre, madame la garde des sceaux, pour colmater la brèche que vous avez ouverte avec votre circulaire ? Qu’allez-vous faire pour que les femmes ne deviennent pas des esclaves ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes mal placé !

    M. David Douillet. Je comprends que c’est difficile, car le choix est compliqué, mais il y a urgence car le sujet est grave.

    M. Marc Le Fur. Vous pouvez répondre, madame la garde des sceaux !

    (Les amendements identiques nos 2467, 3447 et 3932 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques.

    L’amendement n° 2468 est-il défendu, monsieur Gosselin ?

    M. Philippe Gosselin. Votre tentative était habile, madame la présidente. (Sourires.) Vous êtes dans votre rôle de présidente, mais sans vouloir vous chagriner, je défendrai mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous devriez vous réjouir, monsieur Cambadélis, que nous échangions quelques amabilités avec Mme la présidente ! Je respecte la présidence : on peut se combattre politiquement et respecter les individus. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Parlez-nous de votre amendement !

    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je cède à votre amicale pression. C’est dire si je suis discipliné. (Sourires.)

    Le moment venu, il faudra soumettre au Conseil constitutionnel un certain nombre de principes auxquels votre texte contrevient manifestement. J’ai évoqué le principe de la clarté de la loi, l’objectif de valeur constitutionnelle de l’intelligibilité, de l’usage du français. Car nous sommes devant un dilemme qu’il faudra résoudre.

    Si l’on cherche à respecter la clarté du droit, il faut alors assumer le « changement de civilisation », et je reprends là les termes de Mme la garde des sceaux, que vous voulez imposer. Mais pour surmonter les problèmes créés par la volonté de remédier à une prétendue discrimination – je dis bien « prétendue », notre rapporteur ayant affirmé à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas de discrimination juridique, mais qu’il s’agissait d’une volonté politique –, on crée d’autres discriminations bien réelles, celles-là, là où il n’y en avait pas.

    Autrement dit, il y a une discrimination au sens politique qui n’est pas d’ordre juridique. Mais en voulant faire cesser une discrimination qui n’existe pas, on en crée une bien réelle. Le Conseil constitutionnel aura à s’y intéresser. Je développerai la suite de mes arguments en présentant mon prochain amendement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3452.

    M. Marc Le Fur. Permettez-moi, madame la présidente, de m’associer aux propos laudatifs de mon collègue Gosselin ! (Sourires.)

    Je reviens aux propos du juge Rosenczveig, que vous n’avez pas reçu, monsieur le rapporteur, pas plus qu’il ne l’a été par le président de la commission. Si je me trompe, dites-le moi.

    En revanche, en d’autres temps, il a été reçu par un ministre de la famille, Christian Jacob, qui a vous a précédé dans les fonctions qui sont actuellement les vôtres, madame la ministre. À cette époque, il n’y avait pas d’exclusive. On ne recevait pas seulement ceux qui parlaient comme il était demandé que l’on parle. Tout le monde était reçu. Les temps changent, les mœurs changent. En tout cas, nous, nous sommes ouverts, accueillants aux différentes sensibilités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Nous sommes respectueux de la liberté de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. C’est pour vous un sujet d’étonnement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui !

    M. Marc Le Fur. J’ai moi-même revendiqué ma liberté de vote sur certains sujets, monsieur le président Jacob,…

    M. Christian Jacob. Absolument !

    M. Marc Le Fur. …et je prends date pour d’autres débats. (Sourires.)

    Je reviens au juge Rosenczveig, celui que nous avons bien souvent taxé de laxisme. Que dit-il ? « Les enfants ont droit à l’autorité parentale. Ce n’est pas une contrainte, mais un droit. Chaque père, chaque mère le sait, le meilleur service qu’il rend à ses enfants, c’est d’exercer son autorité parentale, de ne pas céder nécessairement. L’éducation est l’art de fixer des bornes et de les faire respecter. Ces bornes doivent évoluer au rythme de l’âge de l’enfant. Puis, à un moment, l’enfant s’éloigne, c’est dans l’ordre des choses.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Et alors ?

    M. Marc Le Fur. « Mais le propre de l’éducation, c’est l’autorité parentale qui doit s’exercer à bon escient. »

    Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un homme que l’on a parfois qualifié de laxiste. C’est le juge Rosenczveig. J’y reviendrai car il dit encore d’autres choses remarquables.

    M. Philippe Gosselin. Le suspense est insoutenable ! (Sourires.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3933.

    M. Xavier Breton. Je reviens sur les éléments du sondage dont vient de nous parler Marc Le Fur.

    Nos concitoyens s’expriment par le biais des sondages, n’ayant pu le faire dans le cadre d’un vrai débat public. Nous sommes obligés d’entendre leurs voix et de nous attarder sur leurs propos.

    Dans certains sondages, les questions sont abstraites et portent sur l’ouverture de droits à d’autres. « Êtes-vous oui ou non favorables au droit pour les couples de même sexe de se marier ? » La question aurait pu être : « Êtes-vous favorables au mariage des couples de même sexe ? » L’introduction de la notion de droit dans la question oblige les personnes interrogées à répondre oui, du moins, celles qui n’ont pas vraiment de conviction.

    Mais lorsque les questions sont plus personnelles, plus concrètes et touchent les gens dans leur vie quotidienne, les réponses sont tout à fait différentes : on arrive à une quasi-unanimité.

    Cela ne signifie pas qu’il faille suivre de tels sondages qui s’inscrivent peut-être trop dans le registre de l’émotion, de l’affectif. Nous ne devons pas légiférer uniquement par rapport à de tels critères. Mais nous ne pouvons pas non plus légiférer en se référant seulement à l’abstraction et à l’idéologie.

    En tout état de cause, nous devrions tenir compte de ces sondages qui expriment à la fois une volonté d’ouverture de droits et une résistance très forte à la négation de l’altérité sexuelle que vous voulez imposer à la société. La voie médiane aurait été d’opter pour l’union civile, mais vous l’avez refusée. Vous avez choisi, et nous le déplorons, de diviser les Françaises et les Français, c’est votre responsabilité. Nous étions favorables à des solutions permettant de nous retrouver. Quoi qu’il en soit, d’après les sondages, les Françaises et les Français sont très réticents à l’idée de négation de l’altérité sexuelle.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Êtes-vous si démunis qu’il vous faille invoquer des personnalités qui viennent de la gauche ? Vous avez évoqué Léon Blum, Michel Rocard…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il a le droit d’exprimer son avis !

    M. Philippe Gosselin. Il l’a très bien fait dans une interview à Valeurs actuelles !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Maintenant, c’est au tour du juge Rosenczveig, que j’ai du reste longuement reçu, et pas seulement pour parler de la question du mariage et de l’adoption. Car le juge Rosenczveig s’intéresse plus largement à la protection de l’enfance, à l’évolution du droit de l’enfant. Pour ma part, j’ai le plus grand respect pour lui et je ne me permettrais pas d’instrumentaliser ses propos.

    Avis défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Revenons-en aux questions de droit. Philippe Gosselin a insisté sur le principe d’altérité. Aux termes de la Cour de cassation, c’est très clair : un principe essentiel du droit français de la filiation, c’est celui de l’altérité.

    Par rapport à l’adoption plénière, on crée une fiction juridique. Et il est très difficile de reconnaître l’altérité, avec deux pères ou deux mères. Cela conduit à toucher au titre VII en particulier l’article 310 du code civil qui dispose que : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère », puisqu’il est bel et bien institué une nouvelle forme de filiation. J’aimerais connaître votre avis, car la question sera posée au Conseil constitutionnel.

    Vous venez de nous reprocher, madame la ministre, d’évoquer des personnalités de gauche. Vous ne vous êtes pas privée de citer l’ancien garde des sceaux M. Toubon qui se serait déclaré défavorable à un référendum sur la question. Je vous conseille de l’appeler pour vérifier s’il a réellement tenu de tels propos. Pour ma part, je l’ai fait car à force de l’entendre évoqué, il n’était pas inutile d’avoir son opinion. Il ne pense absolument pas ce que vous dites, au contraire.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne pense pas ce qu’il a écrit ?

    M. François de Mazières. Il pense au contraire que le référendum était naturel sur une question aussi fondamentale, qui remet en cause un ordre juridique.

    (Les amendements identiques nos 2468, 3452 et 3933 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    Vous avez la parole, monsieur Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2469.

    M. Philippe Gosselin. Ce petit intermède, madame la présidente, va nous ramener au français, « langue de la République », et au sens des mots.

    Soit on cherche à respecter la clarté du droit et on assume le changement de civilisation que l’on veut imposer, mais, pour surmonter les problèmes créés par la volonté de remédier à une prétendue discrimination, on crée d’autres discriminations, bien réelles, là où il n’y en avait pas.

    Soit on veut à tout prix l’éviter en faisant passer un message politique apparemment simple – mariage pour tous, adoption –, mais au prix de la confusion juridique la plus totale – même pour un juriste –en faisant dire aux mots l’inverse de ce qu’ils veulent dire. Pour des raisons de droit, il est important de ne pas adopter l’article 4 bis, ni les suivants, pas plus que l’on n’aurait dû adopter l’article 4.

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2644.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous en sommes à l’article qui prévoit les modalités d’inscription et l’enregistrement des enfants dans les services d’aide sociale. Le balayage, méthode choisie par la commission, aura indubitablement pour conséquence de mettre ces services dans l’embarras lorsqu’il faudra lire « parents » au lieu de « père et mère » et que le nombre de parents sera supérieur à deux.

    Je profite de l’occasion, madame la présidente, pour vous donner des nouvelles de la pétition des psychanalystes vantée dans cet hémicycle par Mme la ministre avant-hier soir. J’avais annoncé hier la signature de deux nouveaux éminents psychanalystes : Psycho et Choupinou Tutu. (Sourires.) Je suis heureux d’annoncer à notre assemblée que ces deux éminents psychanalystes ont été amenés à résipiscence, puisque leur nom a été retiré de la liste. Mais deux nouveaux et très importants psychanalystes de notre pays ont signé cette pétition : Marc Le Fur et Jean-Frédéric Poisson ! (Nouveaux sourires.)

    Madame la présidente, j’aimerais que nous fassions référence à des choses sérieuses. Quand on s’appuie sur des pétitions en arguant du fait qu’elles sont signées en très grand nombre, il faut faire attention. Nous avons le droit, madame la ministre, de citer des personnes émanant de vos rangs.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne faites que cela ! (Sourires.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3456.

    M. Marc Le Fur. Signalons deux erreurs : première erreur, je n’ai pas signé la pétition ; deuxième erreur, plus criante encore, je ne suis pas psychanalyste pas plus que je ne suis en analyse – certes, je parle beaucoup mais debout, et non allongé sur un divan… (Sourires.)

    S’agissant du juge Rosenczveig, je remercie Mme la ministre de m’avoir répondu : je crois que nous progressons dans le débat. Si l’absence de réponse du rapporteur ne m’étonne nullement car son attitude est constante, je suis toutefois surpris que Mme Clergeau n’ait pas manifesté la volonté de me répondre car nous touchons là à des sujets concernant la famille. En tant que présidente de la commission, j’aurais aimé avoir son sentiment sur ce sujet.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais je ne suis pas présidente de la commission !

    M. Marc Le Fur. Ce magistrat dit une autre chose très intéressante. Et je ne l’instrumentalise pas : les propos que je rapporte font partie d’un débat public qui l’opposait à Serge Portelli, que je vous invite à votre tour à citer. Nous pouvons parfaitement en faire état car s’il a avancé ces thèses publiquement, c’est pour participer de manière citoyenne, comme vous dites, au débat. Cet autre point concerne le droit aux origines, question majeure insuffisamment débattue, que nous retrouverons à l’occasion de la discussion de la loi relative à la famille et de la loi relative à la bioéthique. Je le développerai ultérieurement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3936.

    M. Xavier Breton. Mme la ministre ayant montré son empressement à répondre à Frédéric Poisson à propos de la pétition des psychiatres, je vais considérer mon amendement comme défendu et attendre sa réponse.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je me félicite que M. Le Fur et M. Poisson aient signé cette pétition… Que dit-elle ? Qu’il ne faut pas instrumentaliser la psychanalyse pour défendre l’idée qu’il n’y aurait qu’un seul modèle familial. Je pense que nous progressons. Nous n’entendrons plus citer certains psychanalystes ou certains psychiatres à l’appui de certaines thèses. Et côtoyer Mme Delaisi de Parseval et d’autres grands psychanalystes, voilà qui est tout à l’honneur de M. Le Fur et de M. Poisson.

    Par ailleurs, j’aimerais souligner que les mots ont toujours évolué. Il y a quelque temps encore, il était question de « modes de garde » s’agissant de la petite enfance ; aujourd’hui, on parle de « modes d’accueil » car l’on considère qu’il ne s’agit pas simplement de garder les enfants mais aussi de les éveiller. Et je trouve intéressant que Sandrine Mazetier pose la question de la pertinence de la dénomination « école maternelle ». Dans nos crèches, nous voyons de plus en plus de pères : maternent-ils ? Vous voyez que le sens des mots peut évoluer avec la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie. Je voudrais exprimer des regrets sur la procédure que le Gouvernement a retenue s’agissant de cette grande question de société. Nous venons de parler de pétitions. Nous savons que beaucoup de Français auraient voulu s’exprimer à travers un référendum.

    Un sondage IFOP commandé par le collectif des Maires pour l’enfance montre que 52 % des maires sont opposés au projet de loi et que 64 % d’entre eux sont opposés à l’accès des couples de femmes à la PMA. Plus important encore : 61 % des maires demandent au Gouvernement de suspendre l’examen du projet de loi pour laisser le temps au débat, soit quasiment deux tiers des maires.

    M. Nicolas Bays. Le sondage portait sur moins de cinq cents maires !

    Mme Véronique Louwagie. Nous constatons tous que les citoyens s’organisent au travers de manifestations, de pétitions. Les Français essaient de s’exprimer, de manière individuelle, ou autour de structures.

    Je réitère ma question : pourquoi ne pas avoir donné la parole aux Français ? Pourquoi ne pas avoir voulu organiser un référendum ?

    (Les amendements identiques nos 2644, 3456 et 3936 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2648.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous remercie, madame la ministre de la famille, pour vos félicitations. Vous comprendrez bien que le ralliement à cette pétition de Marc Le Fur et de moi-même n’était pas autre chose qu’un souhait, sinon de la tourner en dérision, du moins de la moquer. Vous vous êtes réclamée de la masse de signatures qu’elle avait recueillies, mais si l’on peut y ajouter son nom sans avoir de compétences sur le fond, cela laisse quelques doutes sur le crédit que l’on peut lui accorder. C’est ce que je voulais montrer en signalant cette double signature en forme de farce.

    Notre amendement touche aux dispositions qui définissent les conditions dans lesquelles les parents pourraient retirer leur enfant des services de l’aide sociale à l’enfance. Je redis que compte tenu des risques que fait peser votre amendement-balai sur l’accroissement non maîtrisé du nombre de personnes pouvant être désignées par le terme de parent, cet article pose à terme des problèmes de sécurité juridique quant aux relations entre l’enfant, ses divers parents et les services de l’aide sociale. L’enjeu est tout sauf anodin, et il conviendrait que la loi apporte davantage de sécurité.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3467.

    M. Marc Le Fur. Je n’ai toujours pas de réponses de Mme Clergeau aux propos du juge Rosenczveig qui s’est exprimé publiquement, à bon escient, dans des circonstances singulières puisque le débat dans la société civile a précédé le débat dans notre assemblée.

    Si j’ai pris pour habitude de convoquer ici Jaurès, Blum, Rocard, Rosenczveig et quelques autres, c’est que lorsque l’on veut convaincre ses interlocuteurs – et mon but est bien de convaincre –, il est préférable de recourir à des références qui signifient quelque chose pour eux. Il me semble donc légitime que nous les utilisions. Si j’avais fait référence à Monseigneur Vingt-Trois – qui, du reste, a dit des choses remarquables sur cette question –, je ne suis pas convaincu que vous auriez été très sensibles à ses propos. Tandis que citer certains de vos héros et de vos saints peut peut-être ébranler vos esprits et vous faire évoluer.

    La société peut évoluer. La force de la conviction joue, j’en suis certain. Je suis convaincu qu’autant que vous êtes, vous êtes en mesure d’évoluer. Certains d’entre vous ont déjà beaucoup évolué, c’est bien normal.

    Essayons de procéder de cette façon, et répondez-nous. Pour l’instant, vous semblez insensible, vous restez coite, alors que je suis convaincu que vous avez tous les arguments pour répondre. Si vous ne répondiez pas, certains douteraient que vous ayez toutes les capacités pour le faire, même si ce n’est pas mon cas.

    Le propre du Parlement, c’est l’échange tranquille, paisible, …

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et pas le monologue sans fin !

    M. Marc Le Fur. …où chacun s’adresse à l’autre en essayant d’utiliser les arguments qui sont susceptibles de le faire évoluer.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3937.

    M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille concernant les citations que nous faisons de grandes consciences de la gauche.

    D’abord, j’ai été un peu surpris que vous affirmiez que citer un auteur, c’était l’instrumentaliser. Cela le serait si nous retirions les phrases citées de leur contexte. Or, Marc Le Fur a pris le temps d’aller au fond des choses, notamment pour ce qu’a pu dire M. Rosenczveig. Il s’agit donc avant tout d’un apport au débat.

    Par ailleurs, si nous sommes amenés à citer des personnalités de gauche comme Sylviane Agacinski, Lionel Jospin ou Michel Rocard, c’est aussi pour vous éviter le supplice des citations de personnalités de droite.

    Mais ce que nous voulons dire avant tout, c’est que le sujet n’est ni de gauche ni de droite. Il concerne toutes les Françaises et tous les Français. C’est au-delà des clivages que peuvent avoir lieu des réflexions sur la conception de la famille. Or vous avez pris la responsabilité de diviser les Français sur ce sujet. La notion d’altérité sexuelle, la conception de la famille et de la filiation font appel à des valeurs qui se situent au-delà des clivages politiques et vous avez voulu confiner le débat à l’intérieur de ces clivages en le réservant au Parlement. Nous voulions un débat devant les Françaises et les Français qui leur aurait permis de dire ce qu’ils pensaient. Encore une fois, vous avez préféré faire le choix de diviser, qui plus est dans un contexte de difficultés économiques. C’est une double responsabilité que vous portez.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

    M. Christophe Guilloteau. Je pensais que nos débats seraient plus sereins, même s’il y a eu, ce matin, une forme d’ouverture avec, pour la première fois, le vote de l’un de nos amendements – il a fallu toutefois s’y prendre à plusieurs reprises.

    Je voudrais revenir sur un épisode que j’ai vu en boucle à la télévision : l’attaque dont a été l’objet notre collègue David Douillet. Je sais bien qu’il est capable de se défendre tout seul, physiquement comme intellectuellement.

    M. Nicolas Bays. Surtout physiquement !

    M. Christophe Guilloteau. Mais cet homme qui a fait résonner autant de fois La Marseillaise (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Cela ne l’immunise pas contre les erreurs !

    M. Christophe Guilloteau. ...qui a fait vibrer la France en lui donnant des médailles, qui a été décoré par le Président de la République au nom de la Nation, qui a choisi de faire une deuxième carrière, une carrière politique, qui a été élu et réélu, j’aimerais rappeler qu’il est ici par la volonté du peuple : ses électeurs l’ont choisi pour les représenter et pour lui permettre de s’exprimer comme il le souhaite.

    Madame la ministre, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler que, vous, vous êtes ici par la volonté d’un homme, grâce à un coup de tampon. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    (Les amendements identiques nos 2648, 3467 et 3937 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2652.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’article L. 224-10 du code de l’action sociale a trait à la succession des anciens pupilles. Puisque qu’aux termes de l’article-balai il faut lire les mots de « père et mère » au sens plus large de « parents », je redemande – et je le ferai inlassablement jusqu’à ce que l’on ait compris comment le Gouvernement traite cette situation – qui ces mots désigneront. Car il faut bien voir que l’altérité sexuelle ne constituant plus une limite à la constitution des couples de parents, nous nous retrouverons immanquablement avec plus de deux parents pour le même enfant, comme on l’observe déjà dans les pays qui ont adopté une législation similaire. Comment sera, dès lors, organisée la succession ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3741.

    M. Marc Le Fur. Nous n’avons toujours pas de réponses aux propos du juge Rosenczveig. Permettez-moi de le resituer, madame Clergeau : il s’agit du juge chargé de la famille et de l’enfance au tribunal de Bobigny, …

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je le sais bien !

    M. Marc Le Fur. …un lieu qui n’est pas neutre, dans un département, chacun le sait, très exposé.

    Mme Marie-George Buffet. Ah bon ?

    M. Marc Le Fur. Ce n’est pas un juge parmi d’autres. Sauf erreur de ma part, il a exercé cette fonction depuis trente ans, en vertu du principe de stabilité des membres de la magistrature.

    Il connaît donc parfaitement son sujet et a pu, en outre, constater l’évolution dans son département.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Que ne l’avez-vous écouté précédemment !

    M. Marc Le Fur. Il a vu des milliers d’enfants, dont certains sont aujourd’hui des adultes, confrontés à des difficultés considérables – économiques pour partie, j’en conviens, madame Buffet ! Je ne nie pas la réalité économique, bien que je combatte toute forme de déterminisme ; mais ces difficultés sont économiques pour partie, car ce n’est pas la seule explication.

    Il faut compter également avec le traumatisme de parents qui, venant de très loin, ont du mal à s’adapter à la société moderne et sont confrontés à des enfants qui, eux, la découvrent. Ces parents ont de ce fait du mal à exercer leur autorité parentale – ne le nions pas !

    M. Pascal Popelin. Quel est le rapport ?

    M. Pouria Amirshahi. Vous êtes hors sujet !

    M. Marc Le Fur. C’est l’une des difficultés majeures auxquelles notre pays est confronté, particulièrement dans ces départements que vous connaissez bien, madame Buffet – que vous connaissiez bien, devrais-je dire, puisque les communistes ne sont plus majoritaires au conseil général depuis que le président Bartolone a fait le nécessaire pour que les socialistes l’emportent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Tels sont les éléments que je voulais vous communiquer. En tout état de cause, madame Clergeau, il serait bon que nous disposions des éléments de réponse, que nous sachions ce qu’en pense la commission et sa présidente. Sinon, nous commencerions à espérer que nos arguments finissent par porter et que vous cherchez simplement à vous donner le temps de la réflexion avant de répondre.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est tellement fumeux que vous allez devoir reposer votre question !

    Mme la présidente. L’amendement n° 5240 est-il défendu, monsieur Mariton ?

    M. Hervé Mariton. Je vais le défendre, madame la présidente ! Je sais bien qu’il faut avancer, mais point trop n’en faut !

    Je suis très alarmé par ce que j’ai lu ce matin dans la presse, madame la ministre de la famille, concernant les intentions du Premier ministre en matière de restriction des prestations familiales.

    Le Gouvernement souhaite en effet, d’une manière générale, faire des économies ; compte tenu des politiques que vous menez depuis quelques mois maintenant, il est grand temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Valérie Rabault. Que dire de vos politiques ?

    M. Hervé Mariton. Lorsque le Gouvernement veut faire des économies, nous approuvons ! Mais lorsque le Gouvernement veut économiser plus particulièrement sur la politique familiale, nous n’approuvons pas !

    La plupart des pays du monde cherchant à réaliser des économies dans un domaine donné commencent par réduire les dépenses. Or, si j’en crois l’article du journal Les Échos présentant l’orientation fixée par le Premier ministre, votre gouvernement, même s’il n’est pas seul responsable, renoue avec la pratique habituelle de notre pays qui consiste à prévoir d’un côté des économies – plus ou moins intelligemment – et, parce qu’on ne résiste pas à l’envie de se vendre, à engager d’un autre côté des dépenses supplémentaires.

    M. Pouria Amirshahi. Économisez votre parole !

    M. Hervé Mariton. Pensez-vous, madame la ministre, que la priorité, en termes d’économies à réaliser, soit de massacrer la politique familiale ? Et, dès lors que vous avez décidé de réduire les dépenses, pensez-vous qu’offrir des cadeaux supplémentaires soit dans l’air du temps ?

    Le mot « cadeau » est peut-être maladroit, d’ailleurs : je le retire, car il est rare qu’une prestation soit totalement illégitime. Mais, alors qu’existe un impératif absolu d’économies et que vous vous apprêtez à faire subir durement, rudement, à un certain nombre de nos concitoyens les économies que vous envisagez de faire sur la politique familiale, est-il indispensable d’inventer des prestations nouvelles et des droits nouveaux ?

    J’ai demandé que ce texte, dans lequel l’imagination et l’invention auraient été bienvenues, privilégie le cousu main au prêt-à-porter, plutôt que de dupliquer maladroitement et de mettre dans le même dispositif ce qui, raisonnablement, eût été mieux satisfait et mieux traité avec une réponse adaptée.

    M. Marc Le Fur. Bien sûr !

    M. Hervé Mariton. Mais, si vous savez inventer des dépenses, vous ne parvenez pas à imaginer de réponses aux besoins de nos concitoyens. Quand il s’agit d’engager des dépenses nouvelles, au besoin en supprimant ce qui répond depuis des décennies à la demande de nos concitoyens en termes de politique familiale, apparemment vous savez et vous voulez le faire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas votre fibre habituelle !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Mariton, je vous suggère de me poser la question lors d’une séance de questions au Gouvernement, car cela n’a rien à voir avec la loi sur le mariage et l’adoption. Avis défavorable.

    M. Marc Le Fur. Il y a une cohérence dans tout cela !

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Pendant que j’écoutais les non-réponses apportées aux différents orateurs, je regardais la définition du mot « famille » : une famille est « une communauté de personnes réunies par des liens de parenté existants ».

    Dans le cadre du présent débat, cette définition montre bien que la notion de famille soulève une véritable interrogation, comme l’a rappelé très justement notre collègue Mariton : existera-t-il encore demain un ministre de la famille ?

    La conception même de la famille, sa structuration, telle qu’elle existe ou telle que vous la concevez, sont au quotidien remises en cause. Cela commence aujourd’hui par ce texte, cela se traduira plus tard par une politique dite « familiale » ; mais finalement, madame la ministre, êtes-vous consciente que l’élément le plus faible, le plus fragile de notre société, à savoir l’enfant, est aujourd’hui en jeu ?

    Combien de fois le mot « enfant » a-t-il été prononcé au cours de nos débats, mes chers collègues ? Il serait intéressant de le vérifier, car il est de notre rôle de protéger la personne la plus faible de notre société. Je pense que la conception même de la famille que vous mettez en œuvre dans ce texte met en danger ce que nous avons de plus cher, c’est-à-dire les enfants.

    (Les amendements identiques nos 2652, 3741 et 5240 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2608.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles a pour objet les modalités de transmission d’informations préoccupantes sur les mineurs en danger.

    Cet article spécifie, dans son dernier alinéa, que « sauf intérêt contraire de l’enfant, le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées ».

    Je vous repose donc la même question que tout à l’heure, madame la garde des sceaux : comment vous assurerez-vous que le nombre de personnes concernées par cette transmission, ou sollicitées à l’occasion de cette transmission, sera effectivement limité à deux, dans la mesure où le texte que vous nous soumettez aujourd’hui ne fixe pas de limite ?

    J’aimerais donc obtenir une réponse à cette question. L’amendement est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 3288.

    M. Marc Le Fur. Une fois de plus, je n’ai pas obtenu de réponse concernant les interrogations du juge Rosenczveig. Je vous invite à les lire, à échanger et à trouver les éléments de réponse ; peut-être la pause qui approche vous permettra-t-elle de le faire !

    En tout état de cause, on ne peut pas ignorer un avis aussi circonstancié, aussi pertinent, d’un homme qui a consacré toute sa vie professionnelle aux enfants les plus atteints, les plus déstructurés ; un homme qui, sur certains sujets, j’en conviens, ne partage pas nos analyses, mais qui mérite au moins une réponse. Ses propos, j’en suis convaincu, interpelleront nombre de personnes qui, à gauche, l’écoutaient souvent sur d’autres sujets.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est devenu une passion de plus en plus folle, même si elle est récente !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (Les amendements identiques nos 2608 et 3288 ne sont pas adoptés.)

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures dix.)

  • 2e séance du vendredi 8 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à une série d’amendements identiques à l’article 4 bis.

    Article 4 bis (suite)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3318.

    M. Marc Le Fur. Nous présentons de nombreux amendements qui portent sur des éléments majeurs de notre législation et de notre organisation sociale. Nous avons traité du code civil et démontré la manière dont il était pollué par les évolutions législatives que le Gouvernement et la majorité préconisent. Nous avons aussi démontré que l’article-balai n’était pas satisfaisant, et le Conseil d’État l’avait d’ailleurs dénoncé par anticipation. Quand on veut modifier la loi, on le fait de manière explicite et non pas de manière masquée. Désormais, pour lire le code civil, il faudra avoir des notes en bas de page, ce qui, chacun en conviendra, ne contribuera pas à sa lisibilité.

    Et puis nous en arrivons, avec l’article 4 bis, à une série de codes que vous allez transformer en étendant aux couples homosexuels les droits objectifs qu’ils prévoient. Nous dénoncerons au fil des amendements de tels transferts, considérant qu’il y a là déséquilibre. De plus, bon nombre des articles concernés ont été préalablement négociés avec les partenaires sociaux ou différentes instances alors que, à ma connaissance, aucune des modifications proposées n’a donné lieu à la moindre concertation, qu’il s’agisse, comme ici, du code de l’action sociale et des familles, ou d’un autre. Une fois de plus, une telle manière de procéder n’est pas satisfaisante. La rédaction des articles n’ayant pas donné lieu préalablement à des échanges avec les partenaires habituels, le travail préparatoire a donc été bâclé, tout le monde désormais en convient. Nous le redirons à l’occasion de la présentation des différents amendements.

    Mes respects de l’après-midi, monsieur le président.

    M. le président. Les miens aussi, monsieur Le Fur.

    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 3318.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 3318 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2472.

    M. Philippe Gosselin. Au-delà de l’absence de saisine des instances compétentes évoquée par mon collègue Le Fur à l’instant, au-delà de l’aspect politique du texte lui-même, il y a des difficultés juridiques, nous ne cessons de le répéter et nous continuerons. Ce sera l’occasion de revenir sur un certain nombre de questions qui restent pendantes, par exemple les certificats d’actes de naissance.

    À travers cet amendement, je souhaite que les termes « père » et « mère » ne soient pas exclus du code de la défense car cela aurait des implications importantes. C’est aussi un signal donné à nos forces armées : il ne faut pas perturber l’avancement de leurs opérations.

    (L’amendement n° 2472, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2473.

    M. Philippe Gosselin. Nous avions souhaité un large débat public en un maximum de temps, afin d’associer l’ensemble des partenaires concernés. Ainsi, nous avions évoqué des états généraux – d’autres formules étaient envisageables – mais on voit bien que les saisines possibles n’ont pas été opérées, et voici à quoi cela conduit : des approximations et un amendement-balai qui a eu pour effet apparent, par un tour de passe-passe, de faire disparaître les termes « père et mère ». Mon amendement vise à les rétablir à l’article L. 4123-15 du code de la défense en excluant ledit article du champ d’application du I de l’article 4 bis.

    (L’amendement n° 2473, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Dans une autre série d’amendements identiques, la parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3948.

    M. Xavier Breton. L’article 4 bis fait écho à l’article 4, l’article-balai, et à ses incertitudes juridiques. En l’espèce, mon amendement porte sur l’article L. 4138-7 du code de la défense et s’inscrit dans le prolongement total des propos de mon collègue Philippe Gosselin, rapporteur.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

    (L’amendement n° 3948, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3767.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne le code de la défense. Mon intervention pourrait d’ailleurs s’apparenter à un rappel au règlement, monsieur le président. En effet, je tiens à le souligner, toutes nos commissions auraient dû être consultées : la commission des affaires étrangères puisqu’on a vu l’impact de ce texte sur l’adoption internationale et nous en avons d’ailleurs débattu à plusieurs reprises, la commission du développement durable et toutes les autres soit, en l’espèce, la commission de la défense. Je suis surpris qu’elles ne l’aient pas été. Je rappelle que quand toutes les commissions sont concernées, le principe est qu’une commission spéciale est constituée. Ce fut souvent le cas pour les textes de loi à dimension éthique. Rappelez-vous, monsieur le président, que nous en avions créé une, lors de la précédente législature, pour la révision des lois bioéthiques…

    M. François Scellier. C’est vrai.

    M. Marc Le Fur. …ainsi que pour les textes extrêmement délicats touchant à la fin de vie, et je tiens à saluer le travail fait alors par notre collègue Jean Leonetti.

    Or ici, on n’en a pas constitué. La démonstration est faite, encore un peu plus, que nous aurions dû travailler cette affaire. Et encore, si les commissions saisies avaient bien travaillé… Mais on m’apprend, madame Clergeau, que la réunion de la commission des affaires sociales n’a duré que deux heures à deux heures et demi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce vrai ? Alors que nous, nous travaillons des dizaines d’heures en séance.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des affaires sociales est plus productive ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. C’est du productivisme, madame la ministre ! (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. En plus, Mme Clergeau ne dit rien. On voit que ce texte est un brouillon, et quand on a un brouillon, on recommence pour aboutir à un travail sérieux. Et c’est ce que nous vous proposons de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Vous avez raison, monsieur Le Fur : la réunion de la commission n’a pas duré très longtemps, d’une part, parce que toute la majorité travaille déjà de manière collective régulièrement, d’autre part, en raison de l’attitude de M. Guaino. Il représentait apparemment l’ensemble de l’UMP, et il est parti du principe que ce n’était pas aux députés de continuer à discuter de ce texte mais au peuple d’en décider. À ce titre, il s’est levé, ainsi que l’ensemble des députés de l’UMP présents, et a quitté la réunion.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. On en apprend de belles…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je rappelle que M. Arnaud Richard, membre de l’autre groupe de l’opposition, l’UDI, est, lui, resté jusqu’à la fin. Si vous pensez que le débat n’a pas eu lieu dans cette commission, c’est parce que vos collègues n’en ont pas voulu et que nous, de notre côté, nous étions déjà tous d’accord sur ce texte. Voilà l’explication de la durée de la réunion. Il est important que nos concitoyens sachent que l’UMP n’a pas voulu de débat en commission des affaires sociales.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Très juste !

    (L’amendement n° 3767 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3952.

    M. Xavier Breton. L’amendement vise l’article L. 423-15 du code de l’environnement, code lui aussi concerné par le nouvel article-balai. Pour rebondir sur les propos de mon collègue Le Fur, je regrette que la commission du développement durable n’ait pas été saisie ou qu’une commission spéciale n’ait pas au moins été constituée. Celle-ci aurait permis un travail transversal. On sait que l’éducation est un aspect important du mariage et de la filiation, et pourtant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, où je siège, n’a pas non plus été saisie. Il a fallu que je permute avec un collègue pour pouvoir suivre les travaux de la commission saisie au fond, ce qui est regrettable. La commission spéciale eût été un bon moyen de procéder, comme lors de l’examen des textes bioéthiques, mais vous avez voulu passer en force et empêcher le débat. Nous le regrettons et c’est pourquoi je défends cet amendement.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Je tiens à réaffirmer notre opposition évidemment totale à ce projet de loi. Je voulais relire à notre assemblée, parce que c’est toujours un plaisir, les propos tenus par Mme Guigou en 1998. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il y a quinze ans !

    M. Éric Woerth. On ne les avait entendus qu’en début de débat et il faut que chacun puisse se rafraîchir un peu la mémoire. (Mêmes mouvements.)

    Je la cite : « Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. C’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. C’est aussi la promesse et la venue de l’enfant, lequel nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et ne se terminera pas avec nous. […] Mais il fallait aussi bien marquer qu’au regard de l’enfant, couples homosexuels et hétérosexuels sont dans des situations différentes. La non-discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice, et d’ailleurs constitutive de l’humanité, c’est bien celui de la filiation. » Voilà ce qu’elle disait, d’ailleurs plutôt mieux que la plupart d’entre nous. Elle avait beaucoup réfléchi sur le sujet. J’ai donc un très grand plaisir à verser à nouveau sa contribution à ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (L’amendement n° 3952 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    Pour soutenir l’amendement n° 2477, la parole est à M. Philippe Gosselin, que je vois prêt à se lever...

    M. Philippe Gosselin. Prêt à bondir, monsieur le président ! (Sourires.) L’amendement est défendu. Je veux revenir sur la réponse de Mme Clergeau : ce n’est pas parce que l’opposition a estimé nécessaire de quitter la réunion, considérant que les conditions pour travailler et échanger n’étaient pas réunies, que la majorité n’aurait pas pu y passer plus de temps.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. La majorité travaille !

    M. Philippe Gosselin. Sans adresser de critiques acerbes à une commission dans laquelle je ne siège pas, on peut s’étonner de la durée assez brève de la réunion sur un tel sujet, même si la durée ne fait pas forcément la qualité. Je rappelle, sous le contrôle de son président ici présent, que nous avons siégé dix-huit heures en commission des lois, et j’ajoute que je n’ai manqué jusqu’ici aucune séance dans l’hémicycle depuis le début de nos débats. Deux heures seulement pour examiner un tel projet…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Personne chez vous n’était là pour défendre ses amendements !

    M. Philippe Gosselin. …démontre qu’il aurait fallu une commission à la composition bien plus large. Nous verrons tout à l’heure que le code général des impôts est également impacté sans que la commission des finances n’ait été sollicitée pour avis. C’est une des faiblesses de la procédure adoptée. Elle est parfaitement constitutionnelle, j’en conviens, mais plus discutable sur le plan politique.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Je continue la lecture du discours de Mme Guigou (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.), tenu le 3 novembre 1998, parce c’est un discours fondateur sur ce sujet : « Notre société ne protège pas assez l’enfant et en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, elle le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. Un enfant a droit à un père et une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. D’ailleurs aujourd’hui, la situation de l’enfant légitime qui vit avec ses deux parents est plus proche de la situation de l’enfant naturel qui vit lui aussi avec ses deux parents que de celle de l’enfant légitime de deux parents divorcés ou séparés. […] Enfin, certains ajoutent encore une menace : le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! » Elle dit cela en 1998 ! « Ceux qui le prétendent n’engagent qu’eux-mêmes. Le Gouvernement a, quant à lui, voulu que le pacte ne concerne pas la famille. Il n’aura donc pas d’effet sur la filiation. Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. » Je note que cette dernière phrase a donné lieu à des « applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste ». C’est extrait du compte rendu analytique de l’Assemblée nationale.

    M. Guy Geoffroy et M. Marc Le Fur. Bravo ! Applaudissez à gauche !

    (L’amendement n° 2477, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Avant d’en venir à une nouvelle série d’amendements identiques, je suis sûr que vous vous joindrez tous à moi pour souhaiter un joyeux anniversaire à M. Censi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3806.

    M. Marc Le Fur. Je m’associe à ces bons vœux, et je crois d’ailleurs que tu as dû déjà recevoir un message de ma part, mon cher Yves…

    Plusieurs députés. « Mon chéri » ?

    M. Marc Le Fur. Mais non : mon cher Yves ! (Exclamations et rires sur tous les bancs.)

    M. Guy Geoffroy. Ils vont se marier ; ils seront les premiers !

    M. Yves Censi. Je suis très ouvert d’esprit !

    M. le président. Je me disais que le mariage pour tous commençait à convaincre M. le Fur !

    M. Marc Le Fur. C’est le premier dérapage, monsieur le président !

    M. le président. Venons-en à votre amendement…

    M. Marc Le Fur. Nous venons d’avoir connaissance des travaux du Sénat qui organise ses auditions après le scrutin du 12 février, ce qui pose un problème parce qu’il préjuge du vote, ce qui est un peu contraire à tous les principes républicains puisque, par définition, on ne connaît pas par avance le résultat d’un scrutin. C’est le propre de la démocratie.

    Toujours est-il que le Sénat organise ses auditions et qu’il recevra notamment Mme Agacinski. En l’état de mes informations – monsieur le rapporteur, vous vous allez peut-être me contredire –, la commission des lois n’a pas reçu Mme Agacinski à l’Assemblée nationale.

    M. Philippe Gosselin. C’est dommage !

    M. Éric Woerth. C’est une erreur !

    M. Marc Le Fur. Cela pose un problème de fond, monsieur le président, parce que l’on va accréditer l’idée, qui nous dessert tous, que le Sénat serait un meilleur législateur (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) parce qu’il écoute un certain nombre de personnes.

    M. Éric Woerth. Absolument !

    M. Marc Le Fur. Or, faire en sorte que l’Assemblée nationale soit au moins au niveau du Sénat, ne relève pas de nous mais de vous, monsieur le président.

    Monsieur le rapporteur, je crains que la comparaison avec le sénateur Michel, qui fut d’ailleurs député ici, vous soit un peu défavorable, parce que les sénateurs vont faire un travail certainement plus objectif, long et exhaustif. Ce n’est pas bon.

    Que l’opinion sache qu’une personne aussi compétente – et qui ne partage pas nos opinions d’une manière générale – soit reçue en audition au Sénat alors qu’elle ne l’a pas été dans une commission de l’Assemblée nationale qui prétendait pourtant vouloir travailler, ce n’est vraiment pas à mettre à votre crédit, monsieur le rapporteur.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. Patrick Ollier. Vous pourriez répondre de temps en temps, monsieur le rapporteur !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Juste pour le plaisir d’informer M. le député Le Fur, j’indique que j’ai reçu à la chancellerie M. Rosenczveig et aussi, longuement, Mme Agacinski.

    Puisque vous semblez avoir le souci d’avis contradictoires, je vous informe que, dans toute la série d’auditions que nous avons conduites à la chancellerie avec Mme la ministre de la famille, Mme Dominique Bertinotti, nous avons entendu des personnalités qui, pour certaines d’entre elles, ont eu l’opportunité de s’exprimer publiquement pour dire à quel point elles étaient opposées à ce projet de loi. Nous avons entendu des personnalités et des associations favorables ou défavorables au texte, d’autres qui étaient encore dans l’expectative et s’interrogeaient, d’autres qui y étaient très fermement hostiles.

    Vous n’interpelliez pas le Gouvernement mais puisque c’est lui qui a initié le projet de loi, je vous informe que le texte a quand même été nourri d’auditions de personnalités diverses.

    M. Marc Le Fur. Cela est encore plus cruel pour l’attitude de la commission !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne parviendrez pas à créer un conflit entre le Gouvernement et la commission…

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas notre intention !

    M. le président. S’il vous plaît, ne coupez pas la garde des sceaux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout pas en morceaux ! Je reconnais que, depuis plusieurs jours, vous déployez des efforts assez méritoires pour essayer d’obtenir ce résultat. Il n’est absolument pas accessible.

    Quant à l’amendement, le Gouvernement lui donne un avis défavorable. Je rappelle quand même, respectueusement, que dans la série d’amendements que vous présentez, certains n’ont vraiment pas lieu d’être, notamment ceux qui portent sur des articles où aucune référence n’est faite à la notion de père et mère.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Absolument !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le signale parce que, depuis plusieurs jours, nous constatons que les amendements sont les supports qui vous permettent de prendre la parole.

    Je suis absolument persuadée que la plupart d’entre vous, en raison de leur conception de la démocratie et de leur préoccupation de législateur, souhaitent aboutir au meilleur texte possible. Vous continuerez à ne pas l’aimer mais puisqu’il sera dans le code civil, vous souhaitez que ce soit le meilleur texte possible.

    Mais je crois qu’il est bon que, de temps en temps, je rappelle le contenu de cette masse d’amendements qui servent de support au débat. Nous avons bien vu que l’exercice a un peu changé de nature, que la défense des amendements sert essentiellement à lire de très longs extraits de discours de personnalités de gauche pour le cas où nous les ignorerions.

    M. Philippe Gosselin. Nous puisons aux meilleures sources !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les amendements ne sont pas défendus. Ils sont l’occasion de nous instruire sur les propos des uns et des autres, identifiés comme ayant une pensée de gauche.

    M. Guy Geoffroy. C’est pour vous rafraîchir la mémoire.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez le droit de disposer de vos deux minutes comme vous l’entendez. J’avoue avoir le privilège, en la circonstance, de disposer d’un temps de parole illimité. J’ai donc le plaisir de préciser le contenu de vos amendements puisque l’arbitrage auquel vous êtes contraints vous interdit de le faire, sauf à sacrifier votre lecture d’extraits de discours. Je confirme donc que le Gouvernement émet un avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Madame la ministre, je ne résiste pas au plaisir de vous donner satisfaction puisque vous appeliez de vous vœux la poursuite de la lecture d’un texte fondateur : la déclaration de Mme Guigou dans cette enceinte, il y a quinze ans (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.).

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Grâce à vous, on le connaît par cœur !

    M. Guy Geoffroy. « Un couple, hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont tracé les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individuel en indiquant que les procréations médicalement assistées ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant. » Ces propos étant ponctués, selon le compte rendu, d’applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.

    Et Mme Guigou de poursuivre : « Je reconnais que des homosexuels doivent continuer à s’occuper des enfants qu’ils ont eus même s’ils vivent ensuite avec un ou une compagne du même sexe, car la paternité ou la maternité confère des obligations qui ne peuvent cesser. » Et à ce moment-là, les applaudissements des bancs des groupes communiste et RCV se joignent à ceux du groupe socialiste.

    Je termine mon propos dans le cadre de mes deux minutes de temps de parole. Mme Guigou indique ensuite : « Or c’est une chose de maintenir un lien de parenté déjà constitué entre parents et enfants, c’en est une toute autre de permettre, en vertu de la loi, l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels. »

    Je pense que cela devrait vous permettre de retrouver le bon sens qui vous a échappé depuis quelques jours.

    M. Patrick Ollier. Très bien !

    (L’amendement n° 3806 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2697.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous parlons toujours du code général des impôts, de l’article 4 bis et des répercussions de la méthode-balai.

    Merci, madame la garde des sceaux, d’avoir fait l’exégèse de nos propres travaux et contributions à ce débat. C’est mon tour de rappeler ici que vous aviez deux choix possibles.

    Votre choix initial, dans le projet de loi qui a été transmis à l’Assemblée nationale, consistait à remplacer matériellement, article par article et soigneusement, tous les mots sexués par des expressions qui permettaient de les embrasser dans un genre indifférencié.

    Le choix de la commission des lois est différent : un amendement dit balai qui a pour effet d’être moins sûr juridiquement mais plus acceptable politiquement parce que les effets sont moins spectaculaires.

    Le premier choix était indéfendable sur le plan politique et c’est sans doute la raison pour laquelle la commission, avec votre accord, a changé de pied. Effectivement, nous avons alerté sur le fait que les mots sexués allaient disparaître des différents codes que nous sommes en train d’examiner depuis quelques jours. Mais le choix qui a été fait par le rapporteur – dire que les mots à caractère sexués devraient être lus également comme s’ils étaient indifférenciés – produit des insécurités juridiques, d’ailleurs peut-être par tant aujourd’hui que demain.

    C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, nous avons déposé tous ces amendements que nous défendons avec l’énergie – dont nous ne manquons pas – que l’heure tardive parfois nous laisse. Je vous le redemande : Comment traiterez-vous l’accroissement très possible du nombre de parents pour un même enfant, à partir du moment où vous ne fixez plus l’altérité sexuelle comme limite à la composition du mariage ? L’amendement est ainsi défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Il aurait été inconvenant à l’égard de Mme Guigou de ne pas terminer la lecture de son texte parce qu’il est extrêmement complet et cohérent. Je vous propose donc d’entendre la suite.

    « Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? » demande Mme Guigou. « Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant. Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité. » Ces propos étant ponctués d’applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste.

    M. Patrick Ollier. Elle parle d’or, ce ne sont plus les mêmes qui sont là !

    M. Guy Geoffroy. « C’est ce point de vue que je prends en considération, et non le point de vue des couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels », explique Mme Guigou. Tout est dit.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Monsieur Geoffroy, je vous respecte beaucoup. J’ai eu l’occasion de travailler avec vous pour construire la loi contre les violences faites aux femmes et je sais aussi le travail que vous avez fait pour l’abolition de la prostitution.

    Cela étant, je vous rappelle que les citations de Mme Guigou datent de quinze ans ! Imaginez-vous qu’un individu puisse évoluer dans ses positions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On n’est pas obligé d’avoir un esprit fossilisé, on peut évoluer en quinze ans, monsieur Douillet.

    Lorsque je suis arrivée au ministère de la jeunesse et des sports en 1997, c’était la première fois que l’on donnait un agrément à une association qui parlait de la défense des enfants des familles homosexuelles, le MAG. J’ai déposé d’abord une proposition de loi sur le mariage, en étant très interrogative sur la filiation et l’adoption. Puis, en consultant les associations et les personnes concernées, ma position a évolué. J’ai alors déposé une deuxième proposition de loi, sur l’adoption et la filiation.

    Arrêtez de citer des propos datant de quinze ans car Mme Guigou a eu l’occasion d’exprimer sa position actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    (L’amendement n° 2697 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3972.

    M. Xavier Breton. En réponse à Mme Buffet, ce que je retiens des propos de Mme Guigou, ce n’est pas leur calendrier mais leur force. Cette force demeure dans le temps.

    En défendant avec constance et énergie nos amendements, nous nous interrogeons sur la régularité juridique de l’amendement balai, notamment quant à ses implications sur le reste de notre droit.

    À ce propos, je veux relire l’avis du Conseil d’État pour le mettre en perspective avec l’amendement balai. Cet avis indique que la disparition des termes « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les diverses législations, telle qu’elle résulte du projet du Gouvernement, a une valeur symbolique importante que le Conseil d’État ne sous-estime pas – c’est l’aspect politique dont parlait notre collègue Poisson à l’instant. L’avis précise ensuite que le Conseil d’État n’a consenti à un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale, c’est-à-dire au fameux article balai. Il est ajouté que le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de poursuivre l’examen de l’ensemble des législations pour tirer les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

    Nous vous demandons si le travail d’examen des incidences sur l’ensemble des branches de notre droit, notamment le code général des impôts sur lequel porte le présent amendement, a été fait suite à l’adoption par la commission des lois de cet article-balai le 16 janvier dernier.

    M. Patrick Ollier. C’est du bon sens !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Drapeau.

    M. Jean-Luc Drapeau. Il est vrai qu’on peut évoluer dans le temps. En revanche, je ne crois pas tellement à la force qui reste dans le temps.

    Et puis, on peut revenir sur des propos tenus dans le temps et se grandir en admettant qu’ils ont bien été prononcés. Il faut le dire, c’est important. Celui qui reconnaît avoir dit certaines choses à un moment et qui est prêt à revenir dessus redore son image.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas entendu Mme Guigou dire qu’elle regrettait…

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Je ne vais pas revenir sur les propos de Mme Guigou. Madame Buffet, je partage votre point de vue, on peut évidemment changer d’avis. On peut s’interroger sur la nécessité d’un taux d’imposition à 45, 55 ou 75 %. Ce sont des questions sur lesquelles on peut faire évoluer sa position.

    Mme Marie-George Buffet. C’est un autre sujet.

    M. Éric Woerth. Sur des sujets aussi importants que l’altérité sexuelle, l’avenir de l’enfant ou le choix d’une société à la fois ouverte, permissive mais qui pose aussi des repères, on a aussi le droit de ne pas changer d’avis parce que l’opinion qu’on exprime est alors une expression fondamentale. Quand Mme Guigou demande pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait une mauvaise solution, elle ne répond pas « parce que ce couple est homosexuel » – la question n’est pas là, il a le droit de le faire, il a le droit d’être heureux et tout le monde est content pour eux –. Elle dit : « parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir, la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant. » C’est un propos fort, ce n’est pas un propos de circonstance ou un propos daté. C’est cela que nous voulons dire.

    (L’amendement n° 3972 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3828.

    M. Marc Le Fur. Pour que les choses soient claires, je rappelle que la commission des affaires sociales a travaillé, à peine deux heures, une heure et demie je crois. La commission saisie au fond, la commission des lois, n’a pas auditionné des personnalités aussi incontournables que Mme Agacinski. Les autres commissions n’ont pas été saisies. Ainsi, je constate que la commission des finances n’a pas été saisie des éléments fiscaux dont nous débattons. Je partage la réflexion de M. Woerth : ceci est grave !

    Nous contrevenons de la sorte à l’un des objectifs fixés de manière solennelle par le Conseil supérieur des impôts qui a insisté sur la nécessité de l’intelligibilité de la loi fiscale. Notre collègue Poisson le disait précédemment pour le code civil, la loi fiscale doit être comprise du contribuable, sinon nous en réservons la compréhension à quelques personnes très fortunées qui pourront disposer de conseils et d’avis divers et variés qu’ils paieront largement. En revanche, nous interdisons à des contribuables modestes d’accéder facilement au code des impôts. Ce faisant, nous nuisons non seulement à l’intelligibilité de la loi fiscale mais aussi à l’égalité devant l’impôt. Nous offrons une possibilité d’information spécifique à certains et l’ignorance aux autres. C’est la preuve – l’avis du Conseil d’État le disait déjà – que la solution de l’article-balai, qu’il s’agisse de l’article 4 ou de l’article 4 bis, consistant à indiquer de quelle façon comprendre une disposition, est une solution malsaine, me semble-t-il, pour l’intelligibilité de la loi. Or, l’intelligibilité de la loi est aussi la base de la démocratie.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je voulais répondre à M. Poisson mais il ne s’est pas exprimé cette fois-ci. Je le ferai la prochaine fois qu’il prendra la parole.

    M. le président. La parole est à M. David Douillet.

    M. David Douillet. Bien sûr qu’on change en vingt ans ! Évidemment et heureusement !

    M. Michel Lefait. Si c’est dans le bon sens…

    M. David Douillet. C’est trop facile de sortir de leur contexte des extraits d’un livre comme vous l’avez fait me concernant. On connaît le procédé. C’est très efficace mais de courte durée. Les gens ne sont pas dupes.

    Heureusement que l’on change. Mme Guigou a probablement changé mais je m’interroge : où est-elle ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas la première fois que nous nous faisons référence à elle. Moi je suis là pour vous répondre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes là depuis hier seulement.

    M. David Douillet. J’aimerais voir Mme Guigou. J’aimerais qu’elle puisse, comme moi, vous dire qu’on change en vingt ans, qu’on peut dire des choses à une certaine époque et évoluer.

    Si je n’avais pas évolué, je ne pourrais pas m’arc-bouter sur la nécessité de protéger les femmes à qui on impose la gestation pour autrui. Je vous le redis encore une fois. J’aimerais avoir une réponse. Dès que je l’aurai, je n’en parlerais plus. Ne vous inquiétez pas.

    M. Jean-Luc Drapeau. Avez-vous changé ?

    M. David Douillet. Bien sûr que j’ai changé, je vous le dis.

    M. Bernard Roman. En mal !

    M. Jean-Yves Caullet. Encore un effort !

    M. David Douillet. C’est normal. On évolue. C’est le sens de la vie. Sinon je ne serais pas ici. Je ne serais même pas élu.

    Ce que je ressens, c’est que bon nombre d’entre vous, malheureusement, n’ont pas pu venir s’exprimer librement ici. Mme Guigou n’est pas là.

    M. Jean-Luc Drapeau. Et chez vous ?

    M. David Douillet. De notre côté, les choses sont claires.

    M. Philippe Cochet. Le parti socialiste est un parti de godillots !

    M. David Douillet. C’est dommage car l’Assemblée, le Parlement, sert à cela, à confronter les différences. Il existe des différences de point de vue dans vos rangs. Ceux qui ont été mis de côté voire bridés, nous aurions aimé les entendre. Ils se sont exprimés il y a quelques années ; il serait bon de leur poser de nouveau la question aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je maintiens que Mme Guigou aurait eu sa place dans ce Parlement et aurait dû être présente puisqu’elle est parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (L’amendement n° 3828 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Fréderic Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2743.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement concerne le code des pensions civiles et militaires de retraite et les questions du cumul et de la réversion des pensions. Cela me permet d’interroger de nouveau Mme le garde des sceaux sur la définition actuelle et future de la notion de parents mais il me semble que la réponse ne tardera plus maintenant.

    Je voulais dire à notre collègue Buffet, dans le temps qui me reste pour défendre cet amendement, monsieur le président, qu’il n’est pas choquant que quelqu’un change d’avis sur un sujet même difficile ou sur un principe. C’est ce que j’ai dit dans mon intervention après la motion référendaire de Laurent Wauquiez.

    Notre interrogation ne porte pas sur la personne de Mme Guigou mais sur la fermeté et la solidité des principes sur lesquels le garde des sceaux, et non pas Mme Guigou personnellement, s’appuyait à l’époque pour faire cette déclaration. Je comprends qu’à titre personnel elle ait changé d’avis.

    M. Pierre Lequiller. Elle n’était pas homophobe.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne mets pas en cause l’engagement de l’actuel garde des sceaux, mais elle apporte en réponse des garanties avec la même solidité que Mme Guigou il y a quinze ans. Or, on constate que quinze années plus tard, ces garanties ont cédé ou ne valent plus. On est donc en droit de s’interroger sur ce qu’il en sera dans quelques années des garanties qu’on nous donne aujourd’hui. L’amendement est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député Poisson, je n’aurais pas la cruauté de vous rappeler sur combien de sujets l’ancien Président de la République, du haut de la solennité de sa fonction suprême, a pris des positions qu’il a abandonnées pour des positions contraires quelques mois ou années après.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Le Président actuel aussi.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il appartient aux parlementaires de défendre Mme Guigou. Mais puisque je siège ici depuis la première minute, je peux dire pour la gouverne de M. Douillet que j’ai fréquemment vu Mme Guigou. Vous étiez présent aussi, vous savez donc à quel point Mme Guigou a été présente et active, elle s’est exprimée à la tribune. Il n’y a pas la moindre ambiguïté ni sur la clarté de ses propos et la fermeté de ses positions, ni sur son assiduité à nos travaux.

    Vous m’interrogez sur le nombre de parents. Je ne vous ai pas répondu jusqu’à présent car je n’ai pas compris quelle est la source de votre inquiétude, à l’exception de l’exemple que vous avez donné d’une décision judiciaire prononcée à Miami. Vous convenez que nous ne légiférons pas pour Miami et que les décisions de Miami ne font pas jurisprudence en France. Cette référence mise à part, je ne comprends pas la source de votre inquiétude. Je vous rappelle que ce texte de loi ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe à droit constant. Les conditions posées pour l’adoption plénière et l’adoption simple sont maintenues.

    Pour l’adoption plénière qui efface la filiation antérieure à l’adoption, il y aura deux parents comme c’est le cas aujourd’hui. Pour l’adoption simple qui maintient la filiation antérieure, s’il y a un seul parent biologique et un seul parent qui sollicite l’adoption simple, il y a aura deux parents ; s’il y a deux filiations établies et qu’un seul parent demande l’adoption simple, il y aura trois parents ; s’il y a deux filiations établies et deux parents qui demandent l’adoption simple, il y aura quatre parents. Le maximum est donc de quatre. Je vois que M. Gosselin va beaucoup plus vite que ma propre souplesse intellectuelle ne me le permet.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est très souple aussi. C’est l’une de ses qualités essentielles.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est coutumier du fait.

    Voilà pourquoi je ne comprenais pas la source de votre inquiétude.

    M. Marc Le Fur. Pouvez-vous répéter ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous fais confiance pour relire le compte rendu, monsieur Le Fur.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Mme Guigou a changé d’avis mais ce n’est pas un simple changement d’avis, c’est une révolution copernicienne. Elle a complètement transformé son avis. Celle qui s’exprimait en 1998 siégerait aujourd’hui sur nos bancs ; elle serait une des premières oratrices à s’opposer au texte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est inadmissible !

    M. Jean-Christophe Cambadélis. On ne va pas épiloguer sur Mme Guigou.

    M. Éric Woerth. Outre son opinion fondamentale sur l’enfant et le couple, il faut retenir de ce qu’elle dit une autre chose très importante quand elle affirme : « vous votez le PACS mais cela n’ira pas plus loin. Il n’y aura jamais l’adoption, ni la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui. »

    Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance ? Vous nous dites la même chose aujourd’hui : nous permettons le mariage et l’adoption mais nous n’autoriserons jamais la gestation pour autrui ; nous permettrons peut-être un jour la procréation médicalement assistée. Comment peut-on croire cela ? La gestation pour autrui est inscrite en filigrane dans votre texte. Mme Guigou, votre prédécesseur, Mme la garde des sceaux, avait dit exactement la même chose sur le PACS.

    (L’amendement n° 2743 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2483.

    M. Philippe Gosselin. Pour répondre à Mme le garde des sceaux, j’anticipais le résultat de quatre parents dans le cas d’une adoption simple. Nous sommes dans une logique que je ne conteste pas puisque l’adoption simple n’a pas pour effet de substituer la nouvelle filiation à la filiation biologique d’origine ; elle a pour conséquence de reconnaître ces quatre parents. Je ne le conteste pas. Mais nous débattons de la question plus large de l’homoparentalité qui, par l’adjonction de parents sociaux, remet à plat le cadre préétabli.

    Avec l’adoption simple, nous ne sommes pas dans le même schéma. C’est ce que je tenais à préciser, tout comme M. Poisson.

    Je conclurai, dans le peu de temps qui me reste, en évoquant les propos de Mme Guigou. Je ne lui reproche pas tant les propos qu’elle a tenus voici quinze ans – je reconnais effectivement que l’on peut évoluer et chacun appréciera cette évolution comme il l’entend – que l’inquiétude que cela soulève. En effet, lorsque l’on a soutenu une thèse, il y a quinze ans, et que l’on affirme le contraire aujourd’hui, cela prouve, même si l’on a, certes, le droit de changer d’opinion, qu’il n’y a pas de constance. Donc quand on affirme, la main sur le cœur, qu’il n’est pas question d’introduire la GPA, je suis très inquiet. En effet, il y a à peine deux ans, nous avons introduit, lorsque nous avons révisé la loi de bioéthique, l’interdiction de la recherche sur l’embryon, en l’assortissant de quelques dérogations. Or le Sénat, en catimini, a voté, avant Noël, contre ce principe. Nous allons donc revenir à l’autorisation si le texte présenté à l’Assemblée nationale le 28 mars est adopté. Admettez qu’il y a des vérités plutôt contingentes et en pointillés ! Vous comprendrez peut-être alors mieux les raisons de notre grande inquiétude. L’encre des lois de bioéthique est à peine sèche, et ces lois sont à peine promulguées que, déjà, par le biais d’une proposition de loi – sorte d’esquive qui prouve le manque de courage – ce qui a été voté est contredit. La parole des uns ou des autres dans ce cadre est effectivement facile à mettre en doute et est de nature à nous interroger.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    Le fait que M. Gosselin soit revenu sur la GPA m’a rappelé que je n’avais pas répondu à M. Douillet sur ce même thème. Je vous informe simplement, monsieur le député, que la question m’est posée depuis une dizaine de jours et que j’y ai répondu douze fois, mais je vous répondrai très volontiers une treizième fois. Je ne le fais pas uniquement parce que vous posez la question, mais parce que j’ai affirmé, le 16 janvier, devant la commission des lois que le Gouvernement ne tolérerait pas la moindre éraflure au principe d’ordre public d’indisponibilité du corps humain.

    M. David Douillet. Mais vous allez poursuivre !

    M. le président. Monsieur Douillet !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y a pas la moindre ambiguïté sur ce sujet, monsieur Douillet. La circulaire porte sur la délivrance d’une pièce administrative et n’attribue, en aucune façon, la nationalité française pour la simple raison qu’elle concerne des enfants français…

    M. Marc Le Fur. Adoptés par leur père !

    M. le président. Monsieur Le Fur !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …dont la nationalité est déjà établie. Par conséquent, le jeu qui a consisté à faire croire que cette circulaire était favorable à la GPA s’est asséché, épuisé, tari !

    M. Marc Le Fur. Non ! Et je vais y revenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous vous faisons, bien sûr, confiance pour y revenir ! En effet, vous faites référence aux mêmes thèmes depuis le premier jour du débat !

    Un mystère demeure pour moi : c’est que vous ne parvenez pas à raccorder le clonage ! En effet, c’est le député Fenech qui l’a introduit !

    M. Marc Le Fur. Il a eu raison !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sa démonstration m’a paru aussi peu crédible que celles sur la PMA et sur la GPA. Depuis plus de huit jours, vous réintroduisez la PMA et la GPA, quelles que soient les réponses qui vous sont apportées, mais pas le clonage, cela me semble mystérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le clonage ne prend pas et il y a peu de chances que la téléportation prenne !

    Telles sont les réponses que vous fait le Gouvernement. Je m’attends maintenant à ce que la question soit de nouveau posée, parce que j’ai pu constater que les réponses les plus précises ne vous conviennent pas. Vous devez, bien évidemment, alimenter le débat ! Je répète, sans vous faire de mauvaise manière, que vos interventions ne portent pas sur les amendements que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je n’ai pas l’intention de prolonger le débat. Je souhaiterais toutefois également vous interroger sur ce sujet précis, madame la garde des sceaux.

    Dans ce texte, on l’a compris, vous voulez créer l’égalité totale en supprimant la différence des sexes. S’agissant de la filiation, vous supprimez la notion d’engendrement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non ! Personne ne supprime l’engendrement, monsieur le député !

    M. Patrick Ollier. Vous mettez en place la parenté sociale. À partir de là, vous créez une énorme discrimination. En effet, l’égalité totale, que vous prévoyez dans ce texte, puisque vous avez refusé d’opter pour l’alliance civile, soulève une difficulté. Ainsi, un couple de femmes pourra éventuellement avoir un enfant grâce à la PMA, car l’évolution est en marche. Expliquez-moi, madame la garde des sceaux, comment vous concevez l’égalité totale, lorsque l’on sait qu’un couple d’hommes ne pourra forcément pas avoir d’enfant ? Vous ne nous ôterez pas de l’esprit que vous serez confrontée à cette exigence d’égalité de la part de ces couples d’hommes et que vous n’y résisterez pas. Vous nous dites que Mme Guigou a le droit de changer d’avis. Qui nous dit, madame que, si Mme Guigou a pu changer d’avis en dix ans, vous ne changerez pas d’avis dans, les cinq ans ?

    Un député du groupe SRC. C’est vous qui allez changer d’avis !

    M. Patrick Ollier. Comprenez notre inquiétude ! Votre démonstration repose sur la confiance. Or vous êtes les chantres de l’égalité et vous créez une discrimination ! Donc, vous ne réglez pas le problème !

    (L’amendement n° 2483 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3979.

    M. Xavier Breton. Nous aurons ultérieurement l’occasion de débattre de nouveau de la gestation pour autrui. Reconnaissez, madame la garde des sceaux, que votre circulaire est source d’incertitudes juridiques que nous pourrons approfondir. De plus, sa parution était inopportune en termes de calendrier politique, j’ajouterai même que c’était une provocation.

    Par cet amendement à l’article 4 bis, nous posons de nouveau la question de l’intelligibilité de la loi. Je fais, ici, référence à l’amendement-balai voté en commission et devenu l’article-balai – article 4 – adopté par notre assemblée. Comment la loi peut-elle être intelligible lorsque les nouveaux termes n’ont pas la même signification que la rédaction d’origine ? Cette interrogation vaut pour les différents codes. C’est ce que nous nous attachons à démontrer.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    M. François de Mazières. Vous avez précisé tout à l’heure qu’il était hors de question de recourir à la GPA et que vous vous engagiez sur ce point.

    Or le processus est en marche ! C’est le seul problème ! Ce matin, j’écoutais à la radio ce témoignage de deux hommes, lesquels ont été filmés alors qu’ils faisaient des démarches pour concevoir un enfant, lequel sera porté par une fermière habitant aux États-Unis. Un documentaire leur sera d’ailleurs consacré la semaine prochaine. Ce témoignage était présenté par le journaliste comme une évolution quelque peu inéluctable. Le processus est donc en marche et vous en avez parfaitement conscience, madame la garde des sceaux. Donc cette sorte de contrainte, que vous accompagnez discrètement, vous amènera à cette révolution que nous condamnons. Nous avons, en effet, entendu l’inverse de ce que vous souteniez pour la PMA, madame la garde des sceaux. Ainsi, Mme Bertinotti et M. le rapporteur nous ont-ils parlé du grand concept de « faire famille ». Nous nous sommes tellement entendus réciproquement que vous m’avez déjà entendu l’évoquer ! J’y reviens ! Quand on parle de « faire famille » et que l’on procède, grâce à la PMA, pour un couple homosexuel comme pour un couple hétérosexuel, on a déjà tout dit !

    (L’amendement n° 3979 n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3892.

    M. Marc Le Fur. Ceux qui changent me font revenir à la mémoire la chanson « Je n’ai pas changé ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne ressemblez pas à Julio Iglesias !

    M. le président. Je vous rassure, M. Le Fur n’a pas l’intention de chanter…

    M. Marc Le Fur. Je n’ai, pour ma part, pas l’intention de changer sur ces sujets, parce que je pense qu’ils sont essentiels !

    Je partage d’ailleurs ce non-changement avec notre rapporteur dont l’avis est constant. Mais chacun conviendra que c’est un avis de carence !

    Je reviendrai sur les propos de notre collègue Drapeau : il a raison, on peut évoluer. Nous devrons d’ailleurs poursuivre notre conversion, car les liens avec les Deux-Sèvres existent ! Le problème, c’est que, souvent, les pétitions de principe solennelles sont là pour justifier des évolutions quelques années après. Nous l’avons constaté, s’agissant de Mme Guigou. La pétition de principe nous convient, mais elle est suivie d’évolutions diverses. Vous avez, en effet, pris l’habitude, particulièrement sur les sujets d’éthique, d’édicter la norme à partir de l’exception. On prend une exception, on tire le fil et on en fait une règle. Ensuite, la règle antérieure devient elle-même condamnable. Le système est donc toujours le même. On le constatera, demain, pour la PMA et la GPA. La digue a déjà sauté pour la PMA, puisque vous parlez de maintenir quelques contraintes. La digue a également sauté pour la GPA, puisque, si la pétition de principe demeure, les conséquences objectives n’existent plus. Ainsi, les médecins, tout comme les sites, qui y concourent ne sont pas poursuivis. Au lieu d’accumuler des pétitions de principe, donnez-nous des cas concrets de sanctions et de poursuites. Vous n’en serez que plus crédibles !

    (L’amendement n° 3892, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3983.

    M. Xavier Breton. Cet amendement à l’article 4 bis concerne le code de procédure pénale. Nous devons mesurer tout ce que balaie le fameux article -balai. Les interrogations sont les mêmes, même si elles prennent un relief particulier du fait de l’importance du domaine de la procédure pénale. En effet, l’exigence de clarté et d’intelligence est peut-être encore plus essentielle qu’ailleurs, puisque cela concerne l’exercice des libertés de nos concitoyens. On ne peut donc tolérer le moindre flou, la moindre zone d’ombre.

    (L’amendement n° 3983, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3985.

    M. Xavier Breton. Cet amendement concerne également le code de procédure pénale. Il est défendu.

    (L’amendement n° 3985, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4548.

    M. Philippe Meunier. Je tenais à vous faire part de mon plaisir de me retrouver parmi vous et de répondre, notamment, aux attentes de Mme Taubira, laquelle s’est inquiétée de mon absence mercredi soir !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi ? Vous ne m’avez pas manqué !

    M. Philippe Meunier. Après avoir assuré aux Français, lors des débats de l’époque, que le PACS était largement suffisant pour répondre aux attentes de certains, vous déclarez, aujourd’hui, que vous ne légaliserez en aucun cas la GPA.

    Je vous lirai une tribune parue dans Le Monde daté du 13 décembre 2010 : Gestation pour autrui : un cadre contre les dérives. « Au XXIe siècle, la fondation d’une famille est l’expression d’une volonté, c’est-à-dire de la conjonction d’une liberté individuelle et d’un projet partagé. La venue au monde d’un enfant résulte de cette liberté et de ce projet. Encadrer la gestation pour autrui, c’est reconnaître que cette liberté et ce projet ne s’arrêtent pas aux frontières biologiques. Des parents, des géniteurs, une gestatrice peuvent permettre, ensemble, la venue au monde d’un enfant. Il revient à la société de fixer le cadre nécessaire à la protection de cette liberté. »

    Mes chers collègues, cette tribune a été cosignée par l’actuel porte-parole du Gouvernement : Najat Vallaud-Belkacem ! Ma question est simple, mesdames, messieurs. Quand cesserez-vous de prendre les Français pour ce qu’ils ne sont pas ?

    Cet amendement est ainsi défendu.

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    (L’amendement n° 4548, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3987.

    M. Xavier Breton. Cet amendement, comme celui de M. Meunier, porte sur le code de la sécurité sociale. C’est également essentiel, car nous savons qu’un débat existe sur la possibilité ou non d’organiser un référendum sur la politique économique et sociale. Ce projet de loi a un impact non seulement sur l’ensemble des dimensions de notre société, mais également sur la sécurité sociale.

    Nous devrions examiner de manière plus approfondie cet impact sur l’ensemble de notre législation, y compris dans le domaine social. L’importance de cet impact constitue encore un nouvel argument en faveur de l’organisation d’un référendum sur ce sujet, référendum que les Françaises et les Français attendent.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable. Je vous rappelle que l’article 351-4 du code de la sécurité sociale ne fait référence ni aux maris et femmes, ni aux pères et mères, ni aux veufs et veuves.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il n’est donc pas concerné par l’article 4 bis de ce projet de loi. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 14 prévoit une adaptation spécifique du texte relatif à cette majoration, afin de garantir l’extension de l’avantage familial de retraite aux couples de personnes de même sexe.

    (L’amendement n° 3987 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2490.

    M. Philippe Gosselin. Cet amendement se rapporte également au code de la sécurité sociale, qui est très important. En effet, c’est parce que ce projet de loi a un effet sur les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la famille, que l’avis du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales a été sollicité. C’est l’occasion de rappeler que cet avis a été négatif.

    Je tiens à faire remarquer que le Gouvernement a passé outre cet avis négatif, comme il en a le pouvoir. Il est toutefois étonnant que l’avis éclairé d’une instance aussi importante que la CNAF soit ainsi écarté, alors qu’il mettait en évidence les difficultés causées par ce texte et son caractère totalement inapproprié.

    (L’amendement n° 2490, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3990.

    M. Xavier Breton. Le problème d’intelligibilité de la loi posé par cet article-balai concerne le code de la sécurité sociale d’un point de vue juridique, d’une part, mais également d’un point de vue pratique. Nous savons bien que le domaine de la protection sociale est important pour nos concitoyens : il s’agit de droits et de prestations qui leur sont accordés. Il y a, en la matière, un grand besoin de clarté. Le texte qui nous est proposé rend au contraire les choses plus floues, plus ambiguës. L’exigence d’intelligibilité de la loi figure bien sûr dans l’ordre constitutionnel, mais elle concerne également la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est pour cela que nous défendons cet amendement.

    (L’amendement n° 3990, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2833.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement propose d’exclure du champ d’application de l’article-balai l’article 521-2 du code de la sécurité sociale. C’est l’occasion de rappeler – comme l’a brillamment fait mon collègue Gosselin il y a quelques instants – l’avis plus que réservé du Conseil d’État, l’avis très critique du Conseil national des barreaux et l’avis négatif de la CNAF sur ce texte. En d’autres termes, beaucoup des institutions en charge des sujets concernés par ce projet de loi ont rendu un avis négatif. Nous débattons donc d’un texte que beaucoup d’institutions de notre pays regardent d’un œil plus que critique. C’est d’ailleurs la position que nous défendons depuis le début de l’examen de ce projet.

    Madame le garde des sceaux, je vous remercie de la réponse que vous m’avez donnée tout à l’heure. Depuis le début de l’examen de ce texte, vous m’avez entendu…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Attentivement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …plusieurs fois, c’est le moins qu’on puisse dire. Vous m’avez écouté attentivement, c’est vrai. Je n’ai jamais prétendu que ce texte contient des dispositions permettant qu’un enfant ait un nombre de parents supérieur à deux, comme vous l’avez dit.

    Moi aussi, je vous ai écoutée très attentivement. Mais, de même que pour la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, nous craignons que ce texte, que vous voulez faire adopter au Parlement, ne contienne pas de garde-fous suffisants pour nous prémunir ultérieurement contre des situations problématiques. Rien, dans ce projet, ne prémunit contre des évolutions que nous contestons dans leur principe et dans leur application. Voilà ce qui est en cause !

    Vous avez cité l’exemple de la législation de l’État de Floride, dont mon collègue Breton a également parlé ; j’ai moi-même évoqué le Canada, la Californie et les Pays-Bas. Dans ces trois cas, on voit bien que le droit n’a pas permis de contenir ces évolutions, auxquelles ces États sont actuellement confrontés. Je l’ai déjà dit : je ne remets pas en cause vos intentions. Si nous sommes plus qu’inquiets, c’est en raison des conséquences ultérieures qu’emporte ce texte.

    L’amendement est défendu.

    Mme Laure de La Raudière et M. Yves Censi. Bravo !

    (L’amendement n° 2833, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4035.

    M. Marc Le Fur. Merci, mesdames les ministres, pour vos réponses. Nous n’obtenons pas de réponse à toutes nos questions, mais enfin nous parvenons à obtenir quelques éléments. Cela vous distingue très sensiblement de M. le rapporteur, qui pourrait au moins nous dire, de temps en temps, quelques mots du vocabulaire socialiste habituel tels que « égalité », « durable » ou « République ». Ces mots seraient les bienvenus !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Parler pour ne rien, voilà ce que vous voulez !

    M. Marc Le Fur. Pour notre part, nous manifestons notre attachement au code de la sécurité sociale. C’est une création de la Libération, d’après le programme du Conseil national de la Résistance. Cette création a été portée par le général de Gaulle, poursuivie par la IVe République et amplifiée par la Ve République. Je parle sous le contrôle de Patrick Ollier, qui a pris une grande part dans les législations relatives à la sécurité sociale.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Depuis 1945, bien entendu !

    M. Marc Le Fur. Quand l’on s’avise de légiférer dans le domaine de la sécurité sociale, il faut respecter un certain nombre de règles. La première d’entre elles concerne la famille : le code de la sécurité sociale – comme, d’ailleurs, le code des impôts – est fondé sur la cellule familiale et non pas sur l’individu.

    M. Guy Geoffroy. C’est ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel.

    Mme Laure de La Raudière. C’est en effet très important.

    M. Marc Le Fur. Sachons-le ! Redisons-le clairement : c’est très important ! Sachons également dire que le code de la sécurité sociale, s’il nous appartient et si nous pouvons légitimement le modifier, appartient également aux forces vives – comme l’on disait autrefois – de la société : aux syndicats, aux partenaires sociaux. Or vous ne les avez pas consultés, pas plus que le Conseil économique, social et environnemental.

    Les grands sujets ont tellement dominé les débats que l’on a oublié d’aborder ces éléments. Ils ne sont pourtant pas des points de détail, même si, du point de vue des principes, ils sont moins engageants. De fait, on ne tient pas compte de l’avis des partenaires sociaux. Ce n’est pas une bonne chose. Nous développerons ce point dans notre saisine du Conseil constitutionnel sur ce texte, dans l’hypothèse funeste où la procédure d’examen par le Parlement irait à son terme.

    (L’amendement n° 4035, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à…

    M. Philippe Gosselin. M. Gosselin !

    M. le président. Non, monsieur Gosselin, vous n’êtes signataire d’aucun des amendements identiques de cette série. Je vous donnerai la parole tout à l’heure, sur un amendement dont vous serez signataire

    La parole est donc à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4561.

    M. Philippe Meunier. Chers collègues de la majorité, nous savons qu’une partie d’entre vous est en désaccord avec ce texte.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Philippe Meunier. Je sais bien que, dans l’hémicycle, vous soutiendrez toujours le contraire. Mais nous en parlons à la buvette, nous en discutons… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Rires sur divers bancs.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Certains y passent beaucoup de temps !

    M. Philippe Meunier. Nous savons tout comme vous que vos chefs ont préféré envoyer en première ligne un rapporteur à peine élu,…

    M. Jérôme Guedj. Quelle attitude méprisante !

    M. Philippe Meunier. …pour ne pas subir eux-mêmes les foudres des Français, lorsqu’ils apprendront les conséquences incalculables de ce texte pour leurs noms de famille et l’avenir de leurs enfants.

    Nous vous le rappelons avec force : un parlementaire n’a pas de mandat impératif ; il a non seulement le droit mais aussi le devoir de voter en conscience.

    L’amendement est défendu, M. le président.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vu la force des arguments avancés pour défendre le contenu de l’amendement, l’avis du Gouvernement est défavorable…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

    (L’amendement n° 4561 n’est pas adopté.)

    M. le président. Sur une nouvelle série d’amendements identiques, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2495.

    M. Philippe Gosselin. Après les propos violemment modérés tenus par mon collègue Meunier,… (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Des propos modérément violents !

    M. Philippe Gosselin. …je paraîtrai bien terne. Oui, vous connaissez mal notre collègue Meunier : il est violemment modéré.

    L’amendement n° 2495 démontre une fois encore que le passe-passe que vous avez choisi vous fait manquer un grand nombre d’articles. Il est vrai que la solution légistique, c’est-à-dire la modification directe des dispositions concernées, avait l’inconvénient de rendre apparente la suppression de très nombreuses occurrences des termes « père et mère » afin de les remplacer par « parents ». Cette méthode légistique avait au moins l’avantage de balayer – au sens propre du terme, c’est-à-dire examiner successivement – l’ensemble des articles concernés par l’article 1er de ce projet qui ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    On commet ainsi des oublis. Tenant compte également de l’avis négatif de la Caisse nationale des allocations familiales, directement concernée par ce texte en ce qu’il touche les familles, je vous propose de voter cet amendement.

    (L’amendement n° 2495, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4004.

    M. Xavier Breton. Cet amendement porte toujours sur l’article balai, et plus précisément sur l’article 4 bis de ce projet de loi. Permettez-moi de reprendre le fil des propos tenus par M. Le Fur au sujet de ces amendements qui portent sur le code de la sécurité sociale. La famille est au cœur de ce code.

    Le code de la sécurité sociale témoigne d’une conception de la famille héritée de la fin de la seconde guerre mondiale, qui faisait consensus dans notre pays. Nous assistons au début du déchirement de ce consensus, et nous le regrettons vraiment : en période de difficultés économiques et sociales, il est important que des éléments assurent l’unité et la cohésion de notre pays. La politique familiale est assurément un de ces éléments de cohésion.

    C’est l’occasion pour nous de revenir sur la modification de la composition du Haut conseil de la famille, qui vient d’être annoncée par le Gouvernement. Nous regrettons que la parité entre, d’un côté, les représentants des assurés sociaux et des employeurs, et de l’autre, les représentants du mouvement familial, ne soit plus respectée. En effet, désormais, les représentants du mouvement familial seront moins nombreux. Le Gouvernement envoie là un signe très négatif, alors qu’il veut remettre en cause les principes mêmes de notre politique familiale.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    (L’amendement n° 4004, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4164.

    M. Marc Le Fur. Comme Xavier Breton l’a parfaitement dit, en polluant en quelque sorte le code de la sécurité sociale, vous affectez la politique familiale ! Cette politique familiale, définie par le Conseil national de la Résistance, mise en place par le général de Gaulle, était jusqu’à présent consensuelle. Elle comprend deux piliers majeurs. Le premier pilier est fiscal : c’est le quotient familial. L’impôt sur le revenu est ainsi apprécié selon le rapport entre le revenu et les charges familiales. Vous remettez en cause cela : nous en avions débattu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. Vous remettez également en cause le deuxième pilier de la politique familiale, à savoir les allocations familiales. À terme, ce sujet aussi est concerné, puisque vous comparez des couples homosexuels à des couples hétérosexuels. Cela pose une vraie difficulté.

    Je crains également, comme beaucoup de familles, qu’à l’occasion de la loi sur la famille d’autres choses soient remises en cause, comme le congé familial et le congé parental d’éducation. J’espère, madame Bertinotti, que votre conduite infirmera ces craintes : je ne demande que cela. Beaucoup de femmes tiennent à ces acquis, notamment les plus modestes d’entre elles ; elles estiment que ces dispositifs leur sont d’une grande aide, en particulier quand l’enfant est tout petit.

    La politique familiale, c’est également la politique de la petite enfance. J’y reviendrai. Vous n’en parlez pas, monsieur le rapporteur. Il est vrai que, comme vous ne parlez de rien, vous ne risquez pas de parler de la petite enfance…

    M. Jean-Christophe Cambadélis. M. le rapporteur est imperturbable !

    M. Marc Le Fur. Des évolutions majeures sont pourtant intervenues dans le domaine de la petite enfance. Les familles sont accompagnées afin que les femmes puissent travailler, et que les jeunes enfants soient pris en charge par d’autres structures. Je me suis beaucoup battu – avec d’autres – pour les assistantes maternelles.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oh non !

    M. Marc Le Fur. Sachez qu’avant 2002, rien n’existait !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ségolène Royal s’est beaucoup investie en 2001 !

    M. Marc Le Fur. Nous étions dans un système de non-droit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous avons voté la loi de 2005 sur les assistantes maternelles…

    M. le président. Merci.

    (L’amendement n° 4164, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3998.

    M. Xavier Breton. Il s’agit toujours du code de la sécurité sociale, et je voudrais poursuivre la réflexion sur la modification du Haut conseil de la famille. En effet, il n’est pas anodin de publier une circulaire sur la gestation pour autrui en pleine discussion d’un projet de loi qui amènera inéluctablement l’assistance à procréation et la gestation pour autrui. On ne modifie pas le Haut conseil de la famille alors que nous sommes en train d’examiner un texte qui traite de mariage et de filiation sans avoir des intentions.

    Alors, madame la ministre chargée de la famille, pourquoi avoir modifié ce Haut conseil de la famille ? Surtout, pourquoi l’avoir modifié en ce sens ? Je prenais l’exemple des représentants du mouvement familial qui, maintenant, seront proportionnellement moins nombreux, ce qui est un très mauvais signal adressé à toutes les associations familiales de notre pays. Je vous demande également pourquoi avoir augmenté de sept à dix le nombre de personnalités désignées par la ministre chargée de la famille en raison de leur compétence et de leur expérience. Trois personnes de plus désignées par le Gouvernement, je crains que ce ne soit une tentative d’orientation, de prise en main du Haut conseil de la famille ! On connaissait les députés godillots, on connaît le Sénat godillot – c’est le Sénat tel que le voit son actuel président –, connaîtrons-nous un Haut conseil de la famille godillot ?

    L’amendement est ainsi défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je le répète, tout ce qui concerne le Haut conseil de la famille ressort des questions d’actualité. Elles seront donc de plus en plus nombreuses sur ce thème puisque, après celles sur les prestations familiales, nous aurons donc celles sur le Haut conseil de la famille.

    Je précise simplement qu’il faudrait quand même manifester un peu de respect pour l’ensemble des membres du Haut conseil de la famille : je ne suis pas sûre que M. Fondard et M. Deroussen soient ravis des propos qu’ils entendent sur ces bancs.

    M. Bernard Deflesselles. On n’a rien contre eux ! Nul n’est personnellement visé !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement, la question de la circulaire est de nouveau soulevée, cette fois sous l’angle du calendrier. Je rappelle que j’ai annoncé la publication imminente de cette circulaire le 16 janvier dernier, en commission des lois. Les travaux de la commission étaient diffusés en direct sur La Chaîne parlementaire et les comptes rendus de cette réunion sont sur le site de l’Assemblée nationale.

    J’ai fait cette annonce en réponse à un amendement.

    M. Patrick Ollier. Oui, un amendement de M. Coronado !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai indiqué, au début de cette réponse, que le Gouvernement ne tolérerait pas la moindre éraflure au principe de l’indisponibilité du corps humain.

    Vous vous demandez maintenant si c’est bien le moment, après avoir accusé cette circulaire, premièrement, d’octroyer la nationalité française, ce qui, en droit, est totalement faux, et, deuxièmement, d’adresser des messages d’encouragement. Qu’auriez-vous donc dit, mesdames et messieurs, si la circulaire avait été prise maintenant ? Vous nous auriez fait tous les procès, notamment celui de vous avoir laissé vous engager dans l’examen d’un texte de loi que vous étiez à un moment au bord d’adopter parce qu’il semblait effectivement fondé sur l’égalité. Vous auriez alors prétendu que cette circulaire – oh ! la circulaire ! – vous en empêchait. Et qu’auriez-vous dit si cette circulaire avait été publiée après l’adoption du texte ?

    Convenez que le sujet qui compte c’est le contenu de cette circulaire et que, si le contenu est sérieux, la question du calendrier ne se pose pas.

    Je suis prête, en tant que garde des sceaux, à prendre tous les coups que vous voulez donner, puisque, en tout état de cause, ils s’arrêtent juste avant de porter. Viendra un moment où vous cesserez d’instrumentaliser cette circulaire. Il vous reste encore trois ou quatre jours pour l’instrumentaliser, et vous le ferez, je n’en doute pas une seconde.

    Il y a cependant un moment où vous cesserez, de même que vous cesserez de faire croire qu’elle octroie la nationalité. Vous finirez par convenir qu’elle concerne des enfants français, des enfants dont la nationalité française a été établie, qu’elle traite d’une dizaine de cas par an, et que le gouvernement en place au cours du précédent quinquennat a lui aussi traité une dizaine de cas par an. Lorsque les ministres concernés, à l’époque, se sont exprimés, ils l’ont fait sur la même base : la nationalité est établie sur une base probante, elle produit des droits dans notre pays, parmi lesquels l’inscription à l’école, l’exercice de l’autorité parentale, l’accession aux droits sociaux, l’accession aux droits successoraux, le droit au certificat de nationalité française.

    Vous finirez par en convenir. Le temps travaille contre vous, ce n’est plus l’affaire que de quelques jours. Je suis sûre que la raison reviendra.

    Maintenant, invoquer la question du calendrier, c’est en deçà de tout.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Je suis étonné des attaques du Gouvernement contre le Haut conseil de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous le respectons parfaitement, et je l’ai moi-même réuni à plusieurs reprises, cela ne prête pas à la controverse. Je suis donc un peu surpris des déclarations de Mme Bertinotti.

    S’agissant de la circulaire, admettez, madame la garde des sceaux, que c’est une maladresse. Alors, c’est vrai, nous en avons également un peu parlé, mais enfin, vous en parlez beaucoup ! Vous êtes toujours sur la défensive sur ce sujet, vous n’êtes pas à l’aise, cela se voit bien. La circulaire est publiée à un moment particulier et donne le sentiment que vous vous acheminez vers une acceptation de la gestation pour autrui ; c’est bien là la difficulté. Qu’il y ait un certain nombre de cas à résoudre, nous voulons bien l’admettre, mais cela ne nécessite pas une circulaire de ce type qui, au moment où nous examinons ce projet de loi, revêt évidemment un caractère symbolique, ce qui nous inspire de vives craintes pour l’avenir.

    Enfin, nous ne serions pas en train de discuter de tous ces sujets, de parler des différents codes, des atteintes à la sécurité sociale si l’étude d’impact avait été correctement faite. Le Conseil d’État, dans son avis, la met d’ailleurs en cause, considérant qu’elle n’est pas suffisamment sérieuse et fondée. Je sais bien que les études d’impact peuvent être différentes selon le texte – elles ne sont pas toujours très utiles – mais, sur un texte de cette nature, aussi fondamental, qui peut transformer notre société, une étude d’impact doit être faite avec sérieux. Cela n’a pas été le cas de celle-ci.

    (L’amendement n° 3998 n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4148.

    M. Marc Le Fur. Je me permets, madame la garde des sceaux, de revenir à cette fameuse circulaire, parce qu’il y a quelque chose que je ne comprends pas.

    Vous dites que, finalement, on ne fait que constater la nationalité. Tel est, me semble-t-il, votre raisonnement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas mon raisonnement, c’est le droit !

    M. Marc Le Fur. Comment cela se passe-t-il concrètement ? L’enfant naît dans un pays où la gestation pour autrui est admise. Sa mère – je veux dire, soyons clairs : celle qui a porté l’enfant, mais qui n’est pas la mère au sens génétique du terme – le déclare non pas à son nom mais au nom des deux personnes avec qui elle a contracté. Parmi ces deux personnes, il y a le père, qui est français.

    À partir d’une règle du pays où la GPA est légale, vous faites donc le lien entre l’enfant qui vient de naître et son père français. Vous transcrivez cela en affirmant que le père est incontestablement français. Mais le père est français parce que c’est le pays qui reconnaît la GPA qui a fait que cet enfant a un père français reconnu !

    Je ne conteste pas la nationalité du père,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas la nationalité du père, c’est la nationalité de l’enfant !

    M. Marc Le Fur. …je conteste la paternité de cet enfant né d’une GPA, tandis que vous, en admettant la nationalité du père, ne contestez plus la paternité par GPA. Le raisonnement me semble absolument imparable, et je suis convaincu, si je me trompe, que vous saurez m’expliquer les choses, mais je ne crois pas trop me tromper.

    (L’amendement n° 4148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. J’en viens à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4610.

    M. Philippe Meunier. Nous sommes, madame la garde des sceaux, dans une enceinte républicaine, je ne dirai donc pas que vous nous prenez pour des enfants de chœur. Mais il ne faudrait pas non plus non prendre pour des perdreaux de l’année ! Vous parlez très bien, certes, vous nous expliquez qu’il n’y a aucun problème, aucun souci, mais vous me faites penser à M. le président de la commission des lois, qui s’est levé l’autre soir pour nous expliquer, la main sur le cœur, qu’il avait même inscrit sur la profession de foi distribuée à ses électeurs qu’il défendrait ce projet de loi. Heureusement, grâce à la sagacité de Patrick Ollier, nous avons eu la profession de foi entre les mains et nous avons constaté que le projet de loi que vous défendez aujourd’hui n’y figure aucunement.

    Vous avez donc, certes, un talent oratoire, madame la garde des sceaux, mais il ne faudrait pas non plus nous prendre…

    M. Guy Geoffroy. Pour des imbéciles !

    M. Philippe Meunier. …pour ce que nous ne sommes pas.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    (L’amendement n° 4610 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4010.

    M. Xavier Breton. Je reviens, à l’occasion de la défense de cet amendement, sur la composition du Haut conseil de la famille. Vous avez choisi, madame la ministre, différentes personnalités, en raison de leur compétence et de leur expérience, et l’on sait que le Haut conseil de la famille sera amené à jouer un rôle important dans la redéfinition de la politique familiale.

    Or, figure notamment parmi les personnalités nommées une ethnologue chargée de recherche en anthropologie sociale au CNRS, Mme Anne Cadoret, qui s’intéresse à la parenté plurielle. J’aimerais savoir ce que vous pensez d’une sienne affirmation sur la famille : « je ne vois pas où est l’anthropologie […] dans le fait qu’il faut la rencontre entre des gamètes mâles et femelles, et que l’enfant soit porté par une femelle […] pour qu’il advienne sur terre ».

    Est-ce cela, votre vision de l’anthropologie, madame la ministre ?

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. Patrick Ollier. Ça continue !

    M. Yves Censi. Vous pourriez vous lever, quand même !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je m’étonne, monsieur le président, que, depuis plusieurs jours que nous examinons en séance un texte dont je rappelle qu’il est celui de la commission, nous n’entendions jamais le rapporteur répondre aux questions posées. J’ai été dix ans président d’une commission de l’Assemblée nationale, celle des affaires économiques, et je n’ai jamais entendu – enfin, « entendu »… c’est une façon de parler – un rapporteur aussi silencieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Peut-être serait-il de bon ton, monsieur le président de la commission des lois, de faire comprendre au rapporteur qu’il doit respecter l’opposition, peut-être serait-il de bon ton qu’il puisse argumenter en réponse aux arguments de poids qui sont les nôtres. Il n’est pas normal qu’il ne réponde jamais, absolument jamais, aux questions que nous posons.

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2899.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit désormais du code du travail et de la manière dont les mineurs doivent être représentés devant les prud’hommes. Cela pose la question de savoir qui est parent et qui sera donc, à terme, fondé à représenter le mineur devant les tribunaux.

    L’amendement est ainsi défendu.

    J’en profite pour retirer deux séries d’amendements : l’amendement n° 2505 et les amendements identiques, ainsi que l’amendement n° 2506 et les amendements identiques. Ils portent sur la question de confier les enfants aux vagabonds et il me paraît donc pertinent qu’ils ne soient pas discutés.

    (Les amendements identiques n°s 2505, 2909, 4015, 4174 et 4621 sont retirés, de même que les amendements identiques et les amendements, ainsi l’amendement n°s 2506, 2913, 4017, 4177 et 4622)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2899 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux répondre à M. Ollier. Je trouve particulièrement désagréable, monsieur Ollier, que vous nous donniez des leçons, alors que, depuis le début de cette série, pas moins de 297 amendements ont le même exposé des motifs ! En tant que rapporteur, et compte tenu du travail fait par la commission, je trouve cela assez déplaisant.

    Par ailleurs, pour pouvoir évaluer le travail de la commission, monsieur Ollier, il eût été judicieux que vous participiez à ses auditions et à ses réunions.

    M. Patrick Ollier. Je n’en suis pas membre !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cette remarque vaut également pour M. Le Fur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (L’amendement n° 2899, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. J’en viens à une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4172.

    M. Marc Le Fur. Je remercie monsieur le rapporteur de s’être exprimé. On peut le faire de manière articulée, ce n’est pas un problème.

    Cependant, vous n’avez pas de chance, car je ne suis pas membre de la commission des lois.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nos travaux étaient ouverts à tous !

    M. Marc Le Fur. En revanche, s’il y avait eu une commission spéciale, j’aurais pu en faire partie ; j’eus ce privilège lorsque nous traitions de bioéthique.

    Ce qui est intéressant, c’est que vous avez augmenté le nombre des personnalités qualifiées au sein du Haut conseil de la famille.

    M. Breton a évoqué les propos tenus par l’une des personnes qualifiées qui vient d’être nommée, qui ne voit pas où est l’anthropologie dans le fait qu’il faut la rencontre entre des gamètes mâles et des gamètes femmes et que l’enfant soit porté par une femelle pour advenir sur terre. Voilà les personnes que vous nommez !

    Au-delà des mots, c’est le grand retour de la génétique. Vous expliquez que la famille, c’est de plus en plus social, que c’est l’amour qui compte, mais la PMA, c’est le grand retour de la génétique. La PMA est souvent l’alternative à l’adoption, qui, par définition, est le contraire de la génétique. Dans 92 % des PMA, on utilise les gamètes de l’homme et celles de la femme du couple, et ce n’est que dans 8 % des cas qu’intervient un tiers donneur, mais c’est en tout état de cause le retour de la génétique, comme pour les mères porteuses.

    Ne tirez donc pas argument du social pour dénoncer la génétique, c’est vous qui êtes en train d’organiser son retour. C’est au mieux un contresens, ou une malhonnêteté, mais je préfère parler de contresens.

    (L’amendement n° 4172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous passons à la série suivante d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4014.

    M. Xavier Breton. Il faudra voir dans quel contexte ont été tenus ces propos mais, avec une telle conception, il n’y a aucun obstacle à la gestation pour autrui.

    Encore une fois, le fait de nommer des personnes militant pour la gestation pour autrui au sein du Haut conseil de la famille prend une perspective toute particulière avec nos débats. Nous l’avons montré depuis le début, le texte créant un droit artificiel à la filiation pour les couples de personnes de même sexe, et l’adoption ne permettant pas de combler ce désir qui sera créé, les couples de personnes de même sexe auront recours à l’assistance à la procréation et à la gestation pour autrui, d’abord à l’étranger pour combler ce désir d’enfant, que nous ne nions pas.

    Au-delà des aspects juridiques, madame la garde des sceaux, le calendrier politique de votre circulaire était un signe d’encouragement à la GPA et répondait en plus à un député dont le groupe, on le sait, comprend des personnes qui sont favorables à la gestation pour autrui.

    Tout cela a donc un sens. Nous insistons encore une fois sur ce point, nous allons vers l’assistance à la procréation pour convenance personnelle et vers la gestation pour autrui, tout concorde dans ce sens. Nous tirons un signal d’alerte en direction de nos collègues et de nos concitoyens.

    (L’amendement n° 4014, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 2505 et les amendements identiques, ainsi que l’amendement n° 2506 et les amendements identiques, ont été retirés.

    Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4018.

    M. Xavier Breton. Le code du travail doit bien sûr être intelligible, mais c’est également dans la vie quotidienne de nos concitoyens qu’il y aura des incertitudes et des ambiguïtés.

    Le travail est un élément important dans notre société. C’est un moyen d’épanouissement personnel mais également un moyen de vivre ensemble, sur le plan économique comme au sein de la société. Il est vraiment dommage que l’on crée des ambiguïtés et cela renforce notre demande que soit organisé un référendum.

    C’est bien l’ensemble de la politique du pays, économique, sociale, à tous les niveaux, qui est touchée par ce projet de loi, qui pouvait faire l’objet d’un référendum.

    (L’amendement n° 4018, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4626.

    M. Philippe Meunier. Nous revenons sur la GPA. C’est un dossier essentiel, parce qu’il est caché.

    Dans la commission bioéthique, tout a été mis sur la table. L’ensemble des commissaires se sont réunis de nombreuses heures. Nous avons tous discuté de nos positions, respectables, et nous avons pu en sortir par le haut.

    Pour ce projet de loi, il n’y a pas eu de commission spéciale et nous n’avons pas pu faire la part des choses. Nous savons bien, et vous ne pouvez pas dire le contraire, qu’il y a au sein de ce gouvernement de nombreux partisans de la GPA, Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du Gouvernement, dont j’ai cité le nom tout à l’heure, mais aussi la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, et bien d’autres.

    Les Français sentent donc bien que vous avancez masqués, cachés. Communiquez l’avis du Conseil d’État pour que tous les parlementaires l’aient entre les mains et que nous puissions en débattre librement, avec nos convictions. La majorité tranchera, mais débattons et dites les choses.

    (L’amendement n° 4626, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous passons à la série suivante.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2919.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pour la bonne information de notre assemblée, les articles dont nous discutons en ce moment sont des dispositions pénales du code du travail relatives à l’emploi des enfants. Ainsi, l’article L. 7124-30 sanctionne toute personne autre que le père et la mère de l’enfant qui emploie des mineurs pour des activités de cirque.

    Le Gouvernement m’a répondu tout à l’heure qu’à droit constant, il n’y avait aucune difficulté mais nous maintenons que l’évolution rapide du droit ne pourra pas être contenue par les principes qui sont mis en œuvre dans ce texte et que, à terme, il y a une incertitude quant aux catégories et à l’identité des personnes qui seront effectivement soumises à cette interdiction et de celles qui auront le droit d’employer leurs enfants dans les activités de cirque.

    (L’amendement n° 2919, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Dans la série suivante d’amendements identiques, la parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4202.

    M. Marc Le Fur. M. Meunier a bien raison d’évoquer l’avis du Conseil d’État. Des extraits ont été publiés hier dans la presse, d’autres ce matin. Visiblement, nous avons levé un lièvre il y a quelques jours et le Conseil d’État présente des réserves multiples. Le sujet maintenant, ce n’est plus simplement cet avis, qui commence à être pour partie connu, c’est le fait qu’il ne soit pas publié.

    Le professeur Drago, dont chacun connaît les compétences en matière de droit public, a déclaré que, sur tous ces points, le Conseil d’État a émis de fortes réserves, mais qu’on ne les connaît pas toutes alors que le Gouvernement a toutes les cartes en main. Le débat parlementaire est ainsi déséquilibré entre la majorité et l’opposition. L’importance d’un tel débat pour l’avenir des familles en France nécessite que la représentation nationale connaisse complètement le contenu de l’avis du Conseil d’État. Cet avis est destiné au Gouvernement, il lui appartient de placer le débat au bon niveau en rendant public cet avis. Il lui appartient de rendre public cet avis.

    Nous demandons solennellement au Premier ministre de rendre public cet avis du Conseil d’État pour éclairer les Français sur les enjeux de ce projet de loi. C’est l’intelligibilité et la clarté de la loi auxquelles les Français ont droit.

    Faites votre devoir, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement.

    (L’amendement n° 4202, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4632.

    M. Philippe Meunier. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ne veut pas transmettre cet avis. Depuis quelques jours, il sort extrait par extrait et nous l’aurons bientôt entièrement à notre disposition en achetant nos quotidiens. Je ne comprends pas cette obstination. Expliquez pourquoi vous n’avez pas voulu le sortir. En avez-vous peur ? Que voulez-vous cacher aux Français ? Comme pour la GPA, avancez-vous masqués ?

    M. Guy Geoffroy. Bonne question !

    (L’amendement n° 4632, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Dans une nouvelle série d’amendements identiques, la parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4206.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne le code du travail applicable à Mayotte et je pose à nouveau très solennellement la question de l’applicabilité de la loi à l’outre-mer français, où, chacun le sait, c’est un sujet sensible. Nous avons l’impression que vous ne voulez pas nous dire comment elle s’appliquera dans les différents départements d’outre-mer, en Guyane, aux Antilles, à Mayotte, et dans les territoires d’outre-mer. Nous devons le savoir.

    Si vous ne voulez pas tout nous dire, c’est parce que, on le sait, on le sent, nos collègues de l’outre-mer, toutes tendances confondues, sont l’expression de la population de cet outre-mer lointain qui a gardé des valeurs familiales, des valeurs de bon sens que nous apprécions, et que cette opinion est on ne peut plus hostile à l’évolution que vous préconisez. Elle sait en effet que, dans ces périodes difficiles, et elle en connaît plus que d’autres, plus que sur le territoire métropolitain ou hexagonal – je vous laisse le choix, madame la ministre – la solidarité familiale doit s’exprimer, donc être cohérente.

    Nous souhaitons savoir comment tout cela va s’appliquer à l’outre-mer. Mon propos valait pour le code du travail mais il vaut évidemment pour d’autres codes. Cela me semble important pour nos compatriotes, qui nous regardent, en métropole ou en hexagone et outre-mer.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Monsieur Le Fur, qui vous préoccupez avec tant de sollicitude des outre-mer, la loi s’y appliquera comme sur l’ensemble du territoire de la République.

    Vous avez effectivement entendu un député des outre-mer se préoccuper de l’application de ce texte de loi. Il semble que vous n’ayez pas entendu deux députées des outre-mer qui, avec une grande clarté, une grande force de conviction et une grande cohérence morale, se sont prononcées en faveur de ce texte.

    La loi s’appliquera parce qu’il n’y aura pas de régime d’exception pour les outre-mer.

    Certes, à l’exception notable de ceux de M. Poisson, la plupart des amendements, qui concernent le code du travail, ne sont pas défendus pour leur contenu, mais je vous fais tout de même observer qu’ils concernent l’article 14 et n’ont même pas leur place à l’article 4 bis, mais peu importe. L’exercice supporte de nombreuses fantaisies depuis plusieurs jours, il survivra à celle-ci.

    Monsieur Meunier, vous demandez pourquoi le Gouvernement ne transmet pas l’avis du Conseil d’État. J’ai expliqué à plusieurs reprises, probablement une bonne douzaine de fois, le statut du Conseil d’État et de son avis. Le Premier ministre peut décider de le rendre public…

    M. Guy Geoffroy. Qu’il le fasse !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …mais la règle de droit est qu’il est soumis au Gouvernement pour l’éclairer.

    M. Guy Geoffroy. On vous le demande !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous dites que vous en avez eu connaissance en achetant votre journal. Je crois que c’est le cas depuis deux jours au moins. Vous disposez donc de cet avis que votre président de groupe a brandi dans cet hémicycle à peu près deux jours avant qu’un journal ne le diffuse, mais vous continuez à le réclamer, parce que vous ne trouvez pas matière à vos protestations.

    Vous nous dites « l’avis étant publié dans un journal, pourquoi le Gouvernement ne le remettrait-il pas ? ». Mais pourquoi alors, lorsqu’il y a des violations du secret de l’instruction, au lieu d’ouvrir une enquête pour savoir qui a violé la loi, ne lèverait-on pas le secret de l’instruction ? Pour des législateurs, franchement, c’est une question étonnante !

    M. Christian Bataille. Il faut aussi appliquer la loi de 1905 en outre-mer !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Allez le leur dire !

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Je suis désolée de vous contredire, madame la garde des sceaux, mais aucun d’entre nous n’a entre les mains l’avis complet du Conseil d’État. Vous avez vous-même dit que le Premier ministre avait toute latitude pour rendre cet avis public. Ma question est donc simple : puisque nous vous confirmons que nous n’avons pas ce document et que nous souhaitons l’avoir, quelles sont les raisons fondamentales pour lesquelles le Premier ministre a décidé de ne pas répondre à notre sollicitation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (L’amendement n° 4206 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4027.

    M. Xavier Breton. Nous arrivons presque à la fin des amendements sur l’article-balai. Ces amendements ont été l’occasion d’aller au fond, sur l’ensemble des codes, et je crois que grâce à cette discussion, l’avis du Conseil d’État résonne avec plus d’écho encore qu’au début.

    Le Conseil d’État, je le rappelle, a précisé que la diversité des situations appréhendées lui paraissait faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale. Nous n’avons jamais ignoré, madame la garde des sceaux, vos réticences concernant le principe du balayage, nous les avons bien vues en commission : vous avez fait, pour la défense de cet amendement-balai, le minimum syndical, si j’ose dire. La commission prend donc la responsabilité de cette méthode. À la lecture de nos différents amendements, qui ont fait le tour des codes concernés, les propos du Conseil d’État, je le répète, résonnent de façon bien plus puissante qu’au début de nos interventions. L’amendement est défendu.

    (L’amendement n° 4027, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4029.

    M. Xavier Breton. Ce n’est pas seulement l’avis du Conseil d’État qui résonne d’un écho plus puissant, mais aussi l’étude d’impact fournie par le Gouvernement en annexe du projet de loi. J’en rappelle le contenu, page 26 : « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires » – je souligne ces deux termes – « afin d’adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu’ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » Il est également indiqué : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l’application à tous les couples. » Ces lignes prennent un écho autrement plus important après l’examen des amendements, qui nous aura permis d’aller au fond.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Même avis.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Madame la garde des sceaux, il n’y avait ni arrogance, ni fantaisie dans la question que je me suis permis de vous poser il y a quelques minutes. Constatant qu’elle n’a pas reçu de réponse, je me permets de la formuler à nouveau : alors que le Premier ministre a toute latitude pour délivrer à l’opinion l’avis du Conseil d’État, pour quelles raisons a-t-il décidé de ne pas le faire ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Mme Brigitte Bourguignon et M. Michel Pouzol. Lisez le Figaro !

    (L’amendement n° 4029 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4213.

    M. Marc Le Fur. Nous ne vous lâcherons pas, mesdames les ministres, sur l’avis du Conseil d’État. Quand les rapports entre l’exécutif et le législatif sont fondés sur le secret, la méfiance, la dissimulation,…

    M. Bernard Roman. C’est la loi !

    M. Marc Le Fur. …il y a un problème de fond. Vous nous imposez le secret. C’est d’une autre époque…

    M. Michel Pouzol. La vôtre !

    M. Marc Le Fur. …peut-être de celle du président Mitterrand (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celle du général de Gaulle, celle de Georges Pompidou. Mais nous sommes au vingt et unième siècle ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Meunier. Très bien !

    M. Jean-Marie Le Guen. Pas tout le monde ! Suivez mon regard !

    M. le président. S’il vous plaît ! Cela s’est très bien passé jusqu’à présent, continuons !

    M. Marc Le Fur. Nous vivons à une autre époque ! Celle de la transparence, de la vérité. Adhérez à votre siècle !

    M. Luc Belot. Vous aussi !

    M. Marc Le Fur. Adhérez à votre millénaire ! Vous vous êtes trompés d’époque. L’époque, elle est à nous, et nous avons bien l’intention de la garder ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    (L’amendement n° 4213, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Sur le vote de l’article 4 bis, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4641.

    M. Philippe Meunier. Marc Le Fur a parfaitement raison. Pourquoi cette absence de transparence ? Nous avons demandé la constitution d’une commission spéciale pour travailler ensemble sur ce projet de loi et faire le point sur tous les problèmes : vous n’en avez pas voulu. Sur la GPA, vous cachez la vérité aux Français puisque nous savons qu’un certain nombre de membres du Gouvernement y sont favorables. Enfin, au sujet de l’avis du Conseil d’État, Mme la garde des sceaux nous dit : « Vous n’avez qu’à lire la presse. » Nous sommes un Parlement du vingt et unième siècle, comme vient de le rappeler Marc Le Fur. Nous devons avoir l’avis du Conseil d’État, surtout si la presse l’a à sa disposition. Je vous rappelle qu’aucun parlementaire ici présent n’a reçu cet avis. La connaissance que nous en avons provient uniquement d’extraits pris dans la presse, ou de M. Touraine, qui apparemment l’a eu, lui, à sa disposition. C’est un scandale, madame la garde des sceaux : vous ne pouvez vous en sortir comme cela ! L’amendement est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement étant sourd à mes demandes répétées, je voudrais m’adresser à M. le rapporteur pour lui poser une question, à laquelle je suis persuadé qu’il répondra. L’avis du Conseil d’État, monsieur le rapporteur, vous a-t-il été communiqué ?

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a déjà répondu !

    M. Guy Geoffroy. Ayant été rapporteur d’un nombre assez important de textes durant les deux précédentes législatures, j’ai parfois sollicité du Gouvernement la communication des avis du Conseil d’État pour m’aider dans mon travail. Je suppose que vous l’avez fait aussi, et que l’on vous a donné satisfaction. Par conséquent, puisque vous avez eu l’avis, qu’est-ce qui vous empêche, à vous, notre rapporteur, de nous le faire connaître ?

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nos collègues de l’opposition sont des révolutionnaires, au sens astronomique du terme. En astronomie, la révolution, c’est le temps que l’on met pour revenir à son point de départ. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le temps de révolution de M. Meunier est de dix jours.

    M. Philippe Cochet. C’est insultant !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela fait dix jours que j’ai répondu à la question : la commission des lois n’a pas eu communication de l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Voilà une réponse précise, vous en conviendrez !

    (L’amendement n° 4641 n’est pas adopté.)

    M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’article 4 bis.

    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit. Même si le groupe UDI a une totale liberté de vote sur l’ensemble de ce texte et des amendements, chacun sait, à l’issue des débats sur cet article 4 bis, que, dans la rédaction initiale du texte, dix-huit articles procédaient, sous couvert de coordination, à la suppression de termes sexués. Le projet de loi prévoyait notamment de remplacer les mots « père et mère » par « parents ». Devant les interrogations légitimes de l’opinion publique ainsi que d’une majorité non négligeable de députés, le rapporteur a retenu comme solution la suppression pure et simple d’une quinzaine d’articles après l’article 4 bis.

    Ainsi, cet article 4 bis prévoit, sur le même modèle que l’article 4, que les dispositions législatives en vigueur autres que celles du code civil s’appliquent aux conjoints de même sexe lorsqu’elles font référence aux mari et femme ; aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère ; aux conjoints survivants de même sexe lorsqu’elles font référence aux veufs et aux veuves.

    À l’issue des différents exposés, les questions posées par les députés n’ont pas reçu de réponses précises, notamment s’agissant de l’avis du Conseil d’État. Le Gouvernement propose un texte qui vise à approuver le mariage pour tous, mais il n’a pas répondu à une question essentielle pour nous, à l’UDI, sur la vision de la société qu’il entend proposer aux Français. La société que je défends est une société du « bien vivre ensemble », qui garantit l’égalité des droits et accepte les différences. Je ne retrouve pas, ni dans le texte ni à l’article 4 bis, ces notions d’égalité et d’acceptation des différences en faveur du « bien vivre ensemble » pour lequel nous sommes nombreux à nous battre, au groupe UDI, considérant que la cellule familiale et l’esprit de famille sont l’espace de régulation et de médiation qui facilite ce « bien vivre ensemble ». Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article 4 bis est en quelque sorte la deuxième victime, dans ce projet de loi, de la technique du balayage, chère par ailleurs à nos collègues David Douillet et Patrick Ollier ici présents. (Sourires.) Cette méthode, je l’ai dit, crée un risque juridique pour les personnes concernées. En demandant à tous les citoyens de lire « parents » où se trouvent « père et mère », nous introduisons – même si ce n’est pas forcément dans les intentions du Gouvernement ou de la majorité – le risque de ne plus maîtriser, à terme, notre capacité à limiter par le droit la composition des familles à deux parents et deux seulement.

    Mme Laure de La Raudière. Exactement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cela s’est produit dans d’autres pays, où les jurisprudences évoluent, après qu’ont été ouvertes les mêmes failles que nous ouvrons. À terme, tous les articles que nous avons balayés, dans le code civil, le code du travail, le code de la sécurité sociale et les autres, créeront des situations à risque. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’article 4 bis.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4 bis.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 175

    Nombre de suffrages exprimés 175

    Majorité absolue 88

    Pour l’adoption 121

    contre 54

    (L’article 4 bis, modifié, est adopté.)

    Après l’article 4 bis

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2257.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement fait référence au code de l’action sociale et des familles.

    Comme je l’ai dit ce matin, il y a eu au fil des années un certain nombre d’évolutions auxquelles il faudrait prêter une plus grande attention. La transformation du code de l’action sociale et de la famille en code de l’action sociale et des familles sera un jour à revoir.

    L’amendement propose de préciser que : « L’éducation de l’enfant incombe, sauf application de dispositions législatives expresses, à son père et à sa mère. Dans le cas où la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère, le père ou la mère assume seul cette responsabilité ».

    Il est important de rappeler ainsi les choses. Après les débats que nous avons déjà eus, cette précision n’a rien d’inutile.

    Bien sûr, l’auteur de l’amendement ne peut pas déposer de sous-amendement, mais si j’en avais la possibilité – et si cet amendement devait prospérer – il faudrait songer à corriger « à son père et à sa mère » en « à ses père et mère ». Il me semble, je l’ai déjà dit, que dans la rédaction très précise du code civil, l’expression commune « ses père et mère » a une force propre qu’il est important d’affirmer. Le tout vaut parfois plus que la somme des parties.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement, au risque de vous décevoir, monsieur Mariton, ne prospérera pas. En proposant cette nouvelle rédaction, vous fermez la définition de la famille et imposez un schéma qui n’est plus celui de toutes les familles de France, notamment des familles homoparentales. Votre amendement reflète votre logique constante, visant à exclure les familles homoparentales.

    Il me semble très présomptueux de la part du législateur de déterminer une définition de la famille.

    Comme je l’ai déjà dit, les familles homoparentales et les couples de même sexe existent dans notre pays, sans avoir besoin de notre autorisation pour « faire famille », pour reprendre une de vos expressions favorites.

    En revanche, ils ont besoin de nous pour disposer des mêmes droits que toutes les autres familles, et c’est ce à quoi nous nous employons depuis bientôt cent heures.

    C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous souhaitons effectivement l’égalité des droits pour toutes les familles, y compris les familles homosexuelles.

    Votre amendement en outre, monsieur Mariton, confond la filiation, l’autorité parentale et l’éducation.

    C’est pourquoi la commission des affaires sociales lui a donné un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cette précision ne me semble pas utile, parce qu’elle est déjà satisfaite par les dispositions du code civil relatives à la définition de l’autorité parentale.

    Selon l’article 371-1, l’autorité parentale qui découle de l’établissement du lien de filiation appartient aux parents de l’enfant, notamment pour le protéger et assurer son éducation. Aussi est-il clair que les parents de l’enfant sont les premiers responsables de son éducation.

    Je partage l’avis des deux rapporteurs : cet amendement tend à exclure les parents de même sexe et, par conséquent, à mettre en échec le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Avis donc défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement n’exclut personne : nous aimons tous les Français et nous voulons reconnaître toutes les situations familiales. Tout ce qu’il dit, c’est qu’il y a une situation ordinaire…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est bien cela, oui.

    M. Hervé Mariton. …qui est celle d’un modèle familial : « l’éducation de l’enfant incombe à ses père et mère ».

    Toutefois, il existe d’autres situations familiales, également légitimes et estimables, avec lesquelles nous devons être solidaires. Nous n’arrêterons pas de le dire jusqu’au bout de ce débat, et même après, si par malheur la loi devait être votée : nous aimons tous les Français ; nous aimons toutes les situations familiales ; nous aimons tous les enfants.

    Cependant, il vaut mieux apporter des réponses juridiques plus adaptées à la diversité de cette situation. Votre modèle unique n’est pas une bonne réponse : vous l’avez créé pour défendre un dogme, un symbole, mais ce sont en réalité les situations familiales que vous avez décrites que vous abîmez le plus.

    (L’amendement n° 2257 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 4405, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

    Mme Marie-George Buffet. Cet amendement s’inscrit dans la démarche de progrès de la loi qui nous est soumise ouvrant le mariage et l’adoption à toutes et à tous.

    Il entend lever les difficultés que les familles homoparentales rencontrent pour adhérer à l’Union nationale des associations familiales ou à toute autre structure représentative des familles, afin d’y être officiellement intégrées.

    Aujourd’hui, les associations de familles homoparentales voient leurs demandes d’affiliation à ces structures représentatives parfois contestées.

    Le sous-amendement déposé par le rapporteur propose de substituer la notion d’identité sexuelle à celle de genre, qui certes fait débat. Pourtant cette notion d’identité de genre est reconnue comme un principe par plusieurs instances internationales – le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ou le Conseil de l’Europe, dans sa résolution 1728 – afin de faire reconnaître l’expérience intime et personnelle du genre, tel qu’il est vécu par chacun, et de protéger les milliers de personnes victimes dans le monde de discriminations diverses. Ces personnes doivent pouvoir vivre sereinement, grâce à une reconnaissance juridique nouvelle.

    J’accepterai bien sûr ce sous-amendement, qui permet en lui-même déjà une avancée.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission et pour soutenir son sous-amendement n° 5368.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je partage sur le fond l’objectif poursuivi par votre amendement.

    Toutefois, lors des discussions menées dans le courant de l’été sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel, nous avions eu un échange sur l’identité de genre et l’Assemblée avait décidé de maintenir la notion d’identité sexuelle. C’est donc par cohérence avec notre législation actuelle que j’ai souhaité déposer ce sous-amendement. Le sens demeure identique. Je vous remercie de lui avoir donné votre accord.

    La commission a donné un avis favorable à l’amendement de Mme Buffet, sous réserve de cette modification.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous proposez de modifier la loi afin de lever les difficultés que connaissent les associations de familles homoparentales pour être reconnues comme associations familiales et pouvoir adhérer aux unions départementales des associations familiales.

    En l’état du droit, une association formée de parents vivant en couple homosexuel ne peut déjà pas se voir refuser l’adhésion à une UDAF pour ce seul motif, car elle regroupe à tout le moins des « personnes physiques ayant charge légale d’enfants par filiation ou adoption », cas prévu au troisième tiret de l’article L. 211-1 du code de l’action sociale et des familles.

    À supposer même que cette interprétation ne soit pas partagée aujourd’hui par toutes les UDAF, le présent projet de loi lèvera pour l’avenir cette difficulté. D’une part, il n’y aura aucun doute que pourront adhérer des associations formées de couples homosexuels mariés avec ou sans enfants – l’article L. 211-1 parle de « familles constituées par le mariage et la filiation » et de « couples mariés sans enfant » ; d’autre part, la portée plus générale du projet est de reconnaître légalement l’existence des familles homoparentales : je ne doute pas que l’UNAF et les UDAF sauront tirer toutes les conséquences qui s’imposent.

    Il n’est donc pas nécessaire, pour résoudre le problème que vous soulevez, d’ajouter la disposition que vous indiquez, puisque de telles discriminations sont de toute façon déjà interdites de manière générale. Il n’en reste pas moins vrai que, compte tenu d’un passé récent, votre demande semble fondée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Parlement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Ce dispositif va-t-il obliger les associations familiales protestantes, catholiques ou d’autres associations ayant une dimension cultuelle à ouvrir leurs structures indépendamment de leur choix propre ? La rédaction de l’amendement semble aller clairement en ce sens.

    J’ai déjà expliqué que vous alliez créer des possibilités importantes de contentieux s’agissant de mariages religieux.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela n’a rien à voir !

    M. Hervé Mariton. Cela a tout à voir, madame la ministre !

    Le législateur anglais a été attentif à rappeler que l’église anglicane – et tout culte, à vrai dire – pouvait continuer à refuser le mariage de personnes de même sexe. Or, vous n’avez pris aucune précaution de ce type. Il y a là un nid à contentieux. De la même façon, vous créez un nid à contentieux dans le secteur associatif : en effet, la question des associations familiales cultuelles se posera immédiatement.

    Votre amendement est dans la droite ligne du coup de force du Gouvernement concernant le changement de composition du Haut conseil de la famille et la diminution du poids relatif des associations familiales en son sein.

    Par ailleurs, Mme Clergeau pourrait-elle nous éclairer sur la définition d’une famille homosexuelle, expression qu’elle a employée tout à l’heure ?

    Enfin, monsieur le rapporteur, il y a, me semble-t-il, un problème grammatical dans votre sous-amendement. Le texte qui en résulte est « sans distinction ou liée à l’orientation ou identité ». Je ne suis pas certain que cette expression soit juste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Le groupe écologiste apporte son soutien à l’amendement de Mme Buffet et au sous-amendement.

    J’ai en mémoire les déclarations de Claude Greff, malheureusement absente aujourd’hui, quand elle était ministre de la famille : elle avait dit aux associations de familles homoparentales qu’elle ne pouvait pas les reconnaître comme associations familiales, parce qu’elles ne bénéficiaient pas d’une reconnaissance juridique. Le texte va faire changer cette situation, et c’est une très bonne chose.

    Le débat autour des expressions « orientation sexuelle » et « orientation de genre », nous l’avons déjà eu à l’occasion du texte relatif au harcèlement sexuel. J’avais dit à l’époque que je ne partageais pas le choix du Gouvernement, car l’expression d’identité sexuelle ne signifie pas grand-chose et contrevient aux textes internationaux, notamment aux principes de Djakarta ou aux dispositions européennes.

    Je partage la position de Mme Buffet : il est temps en effet que l’orientation de genre soit reconnue par nos textes.

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il ne s’agit pas, monsieur Mariton, par cet amendement d’obliger quelque association familiale que ce soit à accepter une famille : cela dépend de ses statuts. Il s’agit de prévoir l’adhésion des associations de familles homoparentales au sein des UDAF.

    Rien ne va donc changer dans les statuts des associations familiales, puisqu’il ne s’agit que de permettre l’adhésion des associations familiales homoparentales aux UDAF.

    M. Xavier Breton. Les procès sont déjà prêts…

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le rapporteur a parfaitement raison : nous parlons de l’adhésion des associations aux UDAF et non de l’adhésion des familles aux associations. M. Mariton ne doit pas faire la confusion.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. L’exposé sommaire fait bien référence à l’UNAF et à « toute autre structure représentative des familles ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je prends au sérieux l’amendement de Mme Buffet ! Je ne fais qu’en lire l’exposé des motifs, auquel on peut se fier, sauf à considérer que Mme Buffet écrit n’importe quoi, ce que je ne pense pas. Même si nos opinions divergent sur le fond, sa contribution au débat a toujours été d’une grande qualité et il a toujours été intéressant de débattre avec elle, ce qui explique que je sois attentif à son exposé des motifs et que je donne l’alerte.

    Je suis d’autant plus inquiet que la théorie du genre est inscrite dans l’amendement initial. La défense qu’en a faite M. Coronado n’était, de surcroît, pas de nature à me rassurer.

    Enfin, les associations ne nourrissent pas nécessairement de préjugé homophobe mais si d’aventure cela arrivait à l’une d’elle, la loi serait là pour la sanctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Laure de La Raudière. Bravo !

    M. le président. Par une très grande indulgence, je vous accorde la parole, M. Larrivé, mais pour moins de deux minutes car vous partagerez votre temps de parole avec M. Censi.

    M. Guillaume Larrivé. Juste le temps de soulever deux difficultés constitutionnelles.

    Rappelons d’abord, notamment au parti communiste français, que la liberté d’association est un principe constitutionnel reconnu comme tel depuis 1971.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c’est une réponse à M. Mariton !

    M. Guillaume Larrivé. Il apparaît donc difficile d’imposer à une association l’adhésion de tel ou tel groupe.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Mais non !

    M. Guillaume Larrivé. Surtout, et cela vaut pour l’ensemble des articles additionnels qui nous seront désormais soumis, l’objet de votre projet de loi sur le mariage et l’adoption n’a pas vocation à modifier les structures associatives. Il s’agit d’un cavalier et nous soulèverons ce moyen devant le Conseil constitutionnel.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

    M. Yves Censi. Vous intentez là un faux procès aux UNAF. Monsieur Coronado, cet amendement introduit une précision évidemment non avenue parce qu’aujourd’hui les UDAF ne demandent aucune information susceptible de les faire tomber sous le coup d’une plainte pour discrimination liée à l’orientation sexuelle ou même à l’identité sexuelle. Les seuls critères demandés sont ceux qui permettent de dénombrer les personnes ayant un lien de filiation ou d’adoption avec un enfant et formant ainsi une famille.

    Mme la ministre le sait puisqu’elle a donné droit à une UDAF qui refusait l’adhésion d’une association de familles homoparentales pour ne pas avoir voulu lui communiquer ces données alors même que ce sont celles qui permettent d’établir le lien entre les adultes et les enfants. En aucune façon le refus ne trouvait là sa source dans une quelconque discrimination.

    Sauf à considérer que cet amendement a pour seule finalité de combattre, comme d’habitude, un présupposé selon lequel les UDAF et l’UNAF n’appliqueront pas la loi demain, il est inutile.

    Il faut savoir par ailleurs, et je vous renvoie au code de l’action sociale et des familles, que depuis la loi sur le PACS, le conseil d’administration de l’UNAF a donné pour instruction aux UDAF de reconnaître les familles dont les parents seraient liés par un PACS.

    Cet amendement est accusatoire et totalement inutile.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    (Le sous-amendement n° 5368 est adopté.)

    (L’amendement n° 4405, sous-amendé, est adopté.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Eh bien !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures quarante.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 13 bis

    M. le président. Nous en venons aux inscrits sur l’article 13 bis.

    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre Vidalies, vous êtes bien seul au banc du Gouvernement…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est une présence de qualité !

    M. Marc Le Fur. L’article 13 bis est comme les autres : dans une logique que nous n’acceptons pas, il prend des dispositions certes de détail, mais qui ne sont pas satisfaisantes.

    Je suis issu d’une circonscription dominée par l’agriculture et je reçois dans ma permanence énormément d’agriculteurs en difficulté, qui connaissent des soucis, dont les exploitations sont menacées. Ce n’est pas comme dans les régions céréalières ! L’élevage souffre dans notre pays, chacun le sait. Cela étant, les régions céréalières ont aussi d’excellents députés…

    Mme Catherine Vautrin. Et elles ont parfois des difficultés !

    M. Marc Le Fur. Bien sûr, mais pas vraiment en ce moment…

    Toujours est-il que lors de mes rencontres avec les agriculteurs, personne ne me parle de ce sujet. Personne ne demande une évolution sur ces questions de société. Les agriculteurs demandent des réponses gouvernementales sur d’autres sujets, réponses qu’ils n’obtiennent pas.

    C’est pour cela qu’au nom de ces gens, je le dis, ne nous trompons pas de débat ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Si vous voulez faire quelque chose pour les agriculteurs, puisque l’article 13 bis est relatif au code rural,il y a bien d’autres choses à faire que d’étendre ses dispositions aux familles homoparentales. Objectivement, je n’ai eu, dans le monde agricole, aucune demande de cette nature.

    C’est pourquoi cet article me semble déplacé dans la loi dont nous débattons aujourd’hui.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

    Mme Marie-Lou Marcel. Cet article permet de mettre à jour le code rural et de la pêche maritime.

    En effet, l’article 732-10 de ce code prévoit que seules les personnes de sexe féminin peuvent bénéficier d’une allocation de remplacement pour l’arrivée d’un enfant adopté.

    Le présent texte neutralise cet article en remplaçant le mot « femme » par « personne ». Il permet donc l’indemnisation sans considération du sexe du bénéficiaire.

    Cet article montre bien que ce projet de loi, contrairement à ce qu’affirment sans cesse nos collègues de l’opposition, est bien du cousu main et non du prêt-à-porter.

    En outre, pour aller à l’inverse de ce que vient de dire M. Le Fur – et je suis moi-même élue d’une circonscription rurale – il permet de mettre l’accent sur la question de l’homosexualité dans le monde rural. Il n’y a aucune raison pour que ce sujet soit tabou ou, pis encore, ignoré par la loi.

    Comme le dit François Purseigle, spécialiste du monde agricole : « Il est très difficile pour les agriculteurs d’avouer leur homosexualité, beaucoup plus que dans les milieux urbains. Leur solitude est beaucoup plus grande que celle des homosexuels qui vivent en ville parce qu’ils la cachent ».

    Ce texte de loi accorde les mêmes droits à tous et n’en retranche à aucun.

    C’est ce qui nous sépare de nos collègues de l’opposition qui tentent de diviser les Français en jouant sur des peurs irrationnelles et en faisant croire que l’octroi de droits à certains entraînerait la perte de droits pour d’autres.

    En accordant le droit au mariage pour tous, nous permettons à toutes et tous de bénéficier du droit à l’indifférence, auquel tout un chacun a droit quant à son orientation et à sa vie sexuelle, maritale et familiale.

    C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à adopter l’article 13 bis qui met l’accent sur des problématiques réelles liées à la ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je ferai deux observations.

    D’abord, nous sommes en pleine contradiction avec le Préambule de la Constitution de 1946, qui consacre la place de la mère. Le rapporteur, dans une interprétation hasardeuse sur le fond et maladroite sur la forme, nous a dit qu’il ne s’agissait pas de la mère de filiation, mais de la mère qui porte l’enfant. Nous l’avons dit, entre la mère qui porte l’enfant et la mère porteuse, le glissement est, hélas, facile !

    Cela étant, monsieur le rapporteur, non, le Préambule de la Constitution de 1946 ne fait pas de distinction. Aussi, quand vous supprimez le mot « femme » pour le remplacer par le mot « personne », on n’est selon moi ni dans l’esprit, ni dans la lettre du Préambule de 1946.

    À dire vrai, votre amendement-balai est une procédure factice. Vous tentez de répondre avec de la fausse monnaie à l’objection des citoyens relative à la suppression des mots « père » et « mère » dans le code civil. Ils pourraient vous retourner l’objection que vous supprimez le mot « femme », y compris dans une procédure d’adoption qui suppose de se projeter vers la notion de mère. Mais peu vous importe, vous supprimez !

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l’article 13bis.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 101.

    M. Marc Le Fur. J’ai déjà développé le contenu de mon amendement, je ne vais donc pas y revenir trop longtemps. Le propre de l’action publique, c’est d’établir des priorités et de savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire. Objectivement, dans cette affaire, nous sommes dans l’accessoire ! Il faut aller à l’essentiel. Si vous voulez faire quelque chose pour le monde agricole, battez-vous pour la PAC ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Très bien ! Travaillez un peu !

    M. Marc Le Fur. Donnez-nous un budget correct de l’agriculture ! Faites en sorte que les éleveurs ne soient plus les grands oubliés ! Et comme vous n’êtes pas en mesure de faire tout cela, vous vous perdez dans des détails, vous vendez des illusions, multipliez les écrans de fumée !

    Voilà la réalité. Cet article en est même la confirmation caricaturale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et cela vaut bien évidemment pour l’ensemble du texte, l’opinion est en train de le comprendre ! Sous prétexte de militantisme communautaire pour les uns, de pure politique pour les autres, vous êtes en train de passer à côté des préoccupations des Français, en particulier dans le monde agricole. Certains sauront s’en souvenir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Pouzol. Vous parlez pour ne rien dire !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Holà ! Des menaces ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 431.

    M. Hervé Mariton. Nous venons d’apprendre qu’un accord a été signé à Bruxelles sur les perspectives du budget européen. Cet accord, qui est une défaite en rase campagne de votre majorité,…

    Mme Brigitte Bourguignon. Quel est le rapport ?

    M. Hervé Mariton. …inclut une diminution du budget de 3 %, malgré la position défendue par le Gouvernement de la République et par le Président.

    M. Guy Geoffroy. Il arrivait pourtant les muscles gonflés !

    M. Hervé Mariton. Cela donne beaucoup de sens aux propos tenus à l’instant par Marc Le Fur. On peut et on doit se poser toute question relative à la politique familiale et à la famille sous l’angle du code rural, qui inclut en effet un certain nombre de dispositions à ce sujet. Il n’est pas anormal que vous vous soyez posé la question de la transposition de votre dispositif au code rural pour les matières qui le concernent.

    Mais au monde rural, et en particulier aux agriculteurs, salariés agricoles et institutions agricoles visés par le code rural, votre construction apporte davantage de problèmes que de solutions, y compris aux couples de personnes homosexuelles et aux enfants dont ils pourraient avoir la charge, et qui plus est dans un contexte de difficultés qui vont aller s’aggravant avec l’accord budgétaire qui vient d’être signé. L’Union européenne n’est pas exonérée d’effort budgétaire et quand nous devons maîtriser les finances publiques en France, nous devons aussi les maîtriser, dépenses et recettes, à Bruxelles !

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    M. Jean-Pierre Blazy. Quel est le rapport ?

    M. Hervé Mariton. Il reste que le résultat auquel vous parvenez est en pleine contradiction avec le traité de stabilité et de coopération, et avec ce que vous aviez promis avant l’accord qui vient d’être signé à Bruxelles !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !

    M. Philippe Martin. Ces gens ont abandonné les agriculteurs pendant dix ans !

    M. Marc Le Fur. Pas vous, monsieur Martin ! Pas vous !

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 479.

    M. François de Mazières. Nous en revenons toujours à la problématique fondamentale qu’est la conception de la famille. Notre critique et double. D’une part, nous pensons qu’il faut préserver l’altérité en matière d’adoption, et les moyens que la société met à disposition des familles pour la favoriser. D’autre part, nous craignons des dérives, en particulier celles de la PMA et de la GPA.

    Au fond, vous proposez une société extrêmement individualiste. Le désir adulte y passe avant tout. C’est très étonnant car votre discours se veut toujours généreux, mais à y regarder de plus près, il aboutit à une société centrée sur le nombril de la personne adulte et non sur l’enfant.

    Nous avons là une pensée assez totalitaire, je vous le dis franchement. Ce que vous êtes en train d’imaginer sur la famille nous inquiète beaucoup. Ce que nous entendons sur la modification de la composition du Haut conseil de la famille également. Vous déroulez inexorablement ce raisonnement et c’est cela qui nous inquiète. C’est pour cela qu’à chacun de ces amendements, nous revenons pointer le vrai danger.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1064.

    M. Philippe Cochet. La contribution du rapporteur à ce débat, et je ne parle pas ici de Mme Clergeau, est selon moi proche de zéro. On a rarement vu, sur un texte aussi important, un rapporteur aussi discret – faute d’avoir réuni en temps et en heure sa commission sans doute. C’est un problème.

    Je me pose une question légitime : les membres du Gouvernement ici présents ne pensent-ils pas, au fond d’eux-mêmes, « familles, je vous hais » ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Philippe Meunier. Très bien !

    Mme Marie-George Buffet. C’est incroyable !

    M. Nicolas Bays. Quelle finesse…

    M. Philippe Cochet. La fragilité de ce texte est manifeste, tout comme la volonté de détricoter la cellule familiale, qui a toujours su résister à tout totalitarisme, à toute idéologie, à tout projet de la détruire. Mesdames et monsieur les ministres, la cellule familiale restera solide, en dépit de toutes les agressions que vous lui faites subir. C’est une institution qui, en dépit de votre volonté de la remettre en cause, restera profondément ancrée, en particulier dans les campagnes. L’amendement est soutenu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 538.

    M. Patrick Ollier. Nos amendements se justifient, comme on vient de l’entendre. Votre stakhanovisme consistant à traquer, sous prétexte de coordination, des mots comme « femme » a quelque chose d’aberrant.

    Je voudrais revenir sur ce qu’a dit fort justement mon collègue Mariton il y a quelques instants. Il y a quelques jours, vous applaudissiez M. Cameron, qui a défendu devant la chambre des communes un texte sur l’égalité similaire à celui que vous défendez aujourd’hui sur le mariage. Allez-vous recommencer alors qu’il vient, lui, d’applaudir à l’accord européen qui vient d’être conclu et qui sacralise un budget tout à fait contraire aux intérêts de la France ?

    Mme Catherine Vautrin. Et aux campagnes françaises !

    M. Patrick Ollier. Ce budget prend le contre-pied de la position du président Hollande et du Gouvernement ! Continuez-vous à applaudir M. Cameron ?

    Mme Valérie Rabault. On verra ce qu’il a dit !

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1186.

    Mme Laure de La Raudière. Puisque cet article traite de l’adoption, parlons d’adoption. La législation et la pratique de l’adoption forment, depuis l’après-guerre et les lois de 1966, un édifice très cohérent dont le but premier est d’assurer à la personne adoptée une parfaite sécurité quant à sa filiation. Une fois le jugement prononcé, il n’y a plus aucune différence entre une filiation adoptive et une filiation naturelle et l’enfant s’inscrit complètement dans la lignée familiale de ses parents. C’est très important et très rassurant pour un enfant dont l’histoire personnelle a déjà connu une rupture fondamentale. Cela répond au désir et au besoin primordiaux de l’enfant adopté, qui est bien d’être un enfant comme les autres malgré sa particularité. Il veut que sa place dans la famille soit indiscutable.

    À cette fin, les critères de vraisemblance de la filiation posés aujourd’hui par la loi, quant aux âges respectifs des parents et des enfants en particulier, ne sont pas du tout accessoires. Ils contribuent à rendre la filiation adoptive semblable à la filiation naturelle. Ils présentent aussi l’avantage, que l’enfant adopté ressent fortement, de ne pas le mettre en situation d’avoir à prendre la défense de sa filiation. Il n’y a pas ses vrais parents et ses faux parents, il n’y a que ses parents. Pour le reste, son histoire relève de l’expérience intime. Le dispositif actuel, remis en cause par ce projet de loi, prend soin que la filiation adoptive soit biologiquement vraisemblable et évite ainsi que ne s’ajoute la stigmatisation à la différence intime de la personne adoptée.

    Mais ce projet de loi nous fera automatiquement sortir de ce cadre lorsque deux personnes de même sexe pourront être désignées comme les parents d’un enfant. Il est à craindre que l’on ne fragilise ainsi tout l’édifice en lui faisant perdre sa cohérence. Ces points sont d’ailleurs soulevés par l’avis du Conseil d’État, du moins ce que nous avons pu en lire dans les journaux. Puisque M. Touraine semble en avoir eu connaissance et que le sujet de l’adoption est extrêmement important, je demande à nouveau au Gouvernement de communiquer cet avis du Conseil d’État à l’ensemble de la représentation nationale. Nous sommes persuadés que si vous le cachez et s’il est pire que ce qui a fuité dans la presse,…

    M. le président. Merci.

    La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1432.

    M. Nicolas Dhuicq. En rejoignant l’hémicycle, c’est un sentiment de tristesse qui m’envahit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tristesse de mon maître en pédopsychiatrie, qui m’alertait sur les conséquences funestes de ce projet de loi. Tristesse devant une démocratie qui semble vouloir adopter ce rêve fou d’un homme nouveau, sans racines, histoire ni généalogie et auquel on dénie même l’inconscient dans sa construction ontologique. Car vous niez non seulement la biologie, mais aussi l’inconscient de ces enfants dont vous allez compliquer la tâche !

    Tristesse aussi car à cette œuvre de destruction majeure que vous programmez aujourd’hui s’ajoute le bouleversement des rythmes scolaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous allez imposer à nos communes, aux maires et aux départements ruraux qui ont en charge les enfants d’innombrables dépenses pour augmenter ces rythmes scolaires.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Cela n’a rien à voir ! Hors sujet !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes bien loin du texte !

    M. Nicolas Dhuicq. J’étais cette nuit dans un canton de ma circonscription qui compte 1 800 habitants pour 25 communes. Ils sont inquiets, voire affolés de voir qu’à Paris des députés socialistes soutiennent une loi aussi folle, niant la réalité de l’être humain et de la construction d’un enfant. Oserez-vous, dans les années à venir, regarder ces enfants et vos descendants ? Je ne le crois pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous donnez des frissons, monsieur Dhuicq !

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1504.

    M. David Douillet. Tous les chemins mènent à Rome. Et, malheureusement, tous les articles de ce texte mènent irrémédiablement à la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Surtout celui-là, puisqu’il s’agit d’adoption ! C’est évident !

    M. Michel Pouzol. Ben bien sûr !

    M. David Douillet. Admettez-le !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parle-t-on toujours du même texte ?

    M. David Douillet. Lorsqu’un couple de personnes de même sexe aura un désir d’enfants, bien normal et naturel lorsqu’on s’aime mais que la nature lui refuse, il sera obligé, s’il ne veut pas de l’adoption, de s’en remettre à la contre-nature pour le coup, c’est-à-dire de recourir à la PMA ou à la GPA.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La contre-nature ? Je ne me lancerais pas là-dedans !

    M. David Douillet. Tout cela est très compliqué. S’il n’y avait pas de réseaux mafieux,… (« Oh ! »sur les bancs du groupe SRC.) Ils existent, ne le niez pas !

    Mme Brigitte Bourguignon. Nous ne sommes pas d’accord !

    M. David Douillet. Vous n’êtes pas d’accord ? On peut donc alimenter les réseaux mafieux, c’est ce bien ce que vous dites ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut que vous le compreniez une bonne fois pour toutes. Je n’aurai de cesse de vous le répéter parce que je veux que vous compreniez. Cette question est importante et bien réelle. Il faut faire quelque chose ! C’est d’une logique implacable, cette loi conduit à la GPA. Cette pratique va réduire les femmes en esclavage. Elle existe déjà, malheureusement. Il faut donc la limiter et la contrôler. S’il vous plaît, madame la garde des sceaux, qu’allez-vous faire pour lutter contre ce phénomène ? S’il vous plaît !

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1609.

    M. Christophe Guilloteau. Je déplore que la notion d’enfant soit foulée aux pieds par certains. Madame la garde des sceaux, pourquoi vous refusez-vous à nous communiquer l’avis du Conseil d’État ? M. Meunier l’a dit, nous en sommes réduits à le découvrir par petits bouts dans la presse – heureusement, il existe une presse bien pensante pour alimenter les parlementaires.

    En outre, nous sommes trois élus du Rhône à être présents, et très frustrés car notre collègue Touraine a indiqué qu’il disposait de cet avis. Force est donc de constater que certains députés sont mieux traités que d’autres. Madame la garde des sceaux, je vous en conjure, demandez au Premier ministre qu’il rende public l’avis du Conseil d’État : il nous manque cruellement pour ces débats !

    M. Philippe Meunier. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1595.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement de suppression ayant été défendu par mes collègues, je souhaiterais, une fois n’est pas coutume, faire une remarque sans lien avec notre débat, afin d’assurer de notre soutien total l’ensemble des agriculteurs français qui sont très gênés – pour ne pas dire davantage – par le fait que notre pays vient de perdre une position forte dans les débats budgétaires européens.

    Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur l’amendement n° 4405, qui a été adopté juste avant la suspension de la séance. Si je salue la cohérence de nos collègues Buffet et Coronado, je m’inquiète de cette interprétation nouvelle de la liberté d’association, puisque les associations devront accueillir en leur sein des adhérents le cas échéant contre leur volonté. Le principe de la liberté associative, qui est un droit constitutionnel garanti et reconnu, me paraît ainsi tordu. Je voulais donc dire ma tristesse que l’Assemblée ait adopté une telle mesure.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1721.

    Mme Véronique Louwagie. Puisque nous examinons l’article 13 bis et qu’il nous en reste cinq à discuter, je souhaiterais évoquer l’avis du Conseil d’État.

    Préalablement à son examen, le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, comme le fait traditionnellement la haute juridiction administrative pour tous les projets de loi. Certes, cet avis consultatif est confidentiel et n’est rendu public que si le Premier ministre le décide. Nous n’avons donc eu de cesse de réclamer cette publicité, en vain. Or, il est nécessaire, car il est encore temps, que cet avis soit publié pour informer la représentation nationale et les Français, d’autant que la presse s’en fait l’écho.

    Ne pas publier cet avis laisse présumer que le Gouvernement n’est pas serein quant à la construction juridique de son projet de loi, et cette situation nous inquiète. Cette volonté de ne pas communiquer l’avis du Conseil d’État, cette absence organisée de transparence inquiètent les Français. Nous avons connu le Gouvernement plus prompt à publier des avis divers et variés. C’est pourquoi nous réitérons notre demande.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1760.

    M. Guillaume Chevrollier. L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement ce congé d’adoption appartient en propre à la femme. Par cet article, la majorité poursuit donc son entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation de termes neutres, tels que « époux », « parents », « conjoints », « assurés », « titulaires », au détriment de termes aussi importants et aussi fondateurs pour notre société que ceux de « mari », « femme », « père » et « mère ».

    Cet article est une des nombreuses conséquences de l’octroi du droit à l’adoption aux couples de personnes de même sexe, droit que la majorité des Français, fidèles à leur bon sens paysan, réprouvent. Ce droit à l’adoption occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

    Comme le disait fort justement Mme Guigou, alors garde des sceaux, notre société ne protège pas assez l’enfant et, en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, elle le soumet trop souvent aux seuls désirs de l’adulte. Un enfant a droit à un père et une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents.

    Ces phrases ne sont pas sorties de leur contexte, comme voulait le faire croire leur auteur la semaine dernière.

    Certes, notre société a évolué, mais les droits et les besoins des enfants, eux, non. Vous n’avez pas à leur faire supporter le poids de l’égoïsme et de l’individualisme. Nous sommes là pour défendre les plus vulnérables d’entre nous : les enfants. Que prévoyez-vous pour eux ? Des procréations de convenance, sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant, toujours selon les mots de Mme Guigou.

    Vous venez déjà de reconnaître par décret les naissances illégales d’enfants conçus à l’étranger avec le recours la GPA, avant de légaliser l’ouverture de la PMA et la GPA dans notre pays. Vous reniez donc ce que vous disiez en 1998, à savoir qu’il n’y aurait pas d’après-PACS, que le PACS ne serait pas une valise à double fond, comme le disait Mme Guigou à l’époque. Mensonge, double mensonge, triple mensonge…

    M. le président. Merci.

    La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2241.

    M. Pierre Lequiller. L’article 13 bis contribue à l’effacement de l’altérité sexuelle voulu par le Gouvernement et sa majorité, qui généralisent les termes neutres et flous que sont « époux », « parents », « conjoints ». Aux yeux du Gouvernement mieux vaut l’indifférencié plutôt que les termes sexués. Je doute que les couples hétérosexuels comme les couples homosexuels soient si désireux d’une telle négation. Je doute que ceux qui, dans la population, soutiennent ce projet de loi imaginent un tel gommage des différences sexuelles. Celui-ci relève d’une théorie sournoise, défendue par un lobby extrêmement minoritaire : la théorie du genre.

    L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement, ce congé d’adoption appartient en propre à la femme. En clair, ce texte vient donner une suite légale à des actes actuellement encore illégaux en France, puisque l’on vous répète depuis le début de la discussion que le projet de loi entraînera l’ouverture de la PMA et la GPA ; on voit bien la suite arriver.

    Nous connaissons la volonté des députés de la majorité et du Gouvernement de légaliser l’accès des couples de personnes de même sexe à la PMA. Nous connaissons les positions des ministres du Gouvernement sur la question de la GPA, notamment celles de Mme la ministre de la famille, en charge du futur texte sur la famille. Si le Gouvernement pouvait faire cette modification par décret, comme il l’avait prévu dans l’étude d’impact du projet de loi, il l’impose aujourd’hui dans la loi.

    Je terminerai en disant que j’ai déjà assisté à des débats de société mettant en jeu l’éthique. Je crois que nous devons, en la matière, nous inspirer du passé, lorsque nous discutions tous ensemble, au-delà des divisions entre gauche et droite, de l’intérêt général. Je crois que…

    M. le président. Merci, mon cher collègue.

    La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2540.

    M. François Scellier. Madame la garde des sceaux, l’on ne peut être que pour la suppression de l’article 13 bis dès lors que l’on désapprouve l’ensemble du texte que vous voulez nous imposer, puisqu’il n’est que la conséquence de la disposition principale pour le régime des exploitants agricoles.

    Par ailleurs, je me demande pour quelle raison le Gouvernement se refuse à publier l’avis du Conseil d’État ; il m’aurait permis, dans ce domaine, de mieux comprendre le texte et, peut-être, de l’approuver.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2965.

    M. Philippe Meunier. Je regrette que M. Urvoas ne soit plus là. Comme plus tôt cette semaine lorsqu’il a évoqué sa profession de foi, il a fait son numéro de cirque, cette fois en nous parlant d’astronomie. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Qu’il profite bien du temps présent, car la roue tourne.

    Mes chers collègues de la majorité, vous avez ouvert la boîte de Pandore. Vous avez décidé de casser la famille de France, c’est votre choix : vous avez été élus en 2012 et vous êtes majoritaires dans cet hémicycle. Mais il va falloir tenir cinq ans. Une manifestation nationale est organisée pour le 24 mars prochain.

    Demain, vous remettrez sur la table le droit de vote des étrangers et vous continuerez ainsi durant de longs mois à tenter d’abaisser la France. Poursuivez donc dans cette voie ! Les échéances électorales approchent et les Français sauront s’en souvenir.

    M. Pascal Popelin. Tout en finesse !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3360.

    M. Xavier Breton. Je voudrais, à mon tour, revenir sur l’amendement n° 4405 de Mme Buffet, qui a été voté par notre assemblée. Les débats ont été en effet très révélateurs de la volonté d’une partie de la majorité d’aller dans le sens de l’idéologie du gender. Certes, des réticences s’expriment encore, mais elles sont de pure forme – le rapporteur a indiqué que le Gouvernement n’avait pas encore donné son accord. On y va tout droit.

    Quant au contenu de l’amendement, il traduit la volonté de Mme la ministre de la famille de mettre au pas le mouvement familial à l’occasion de la définition d’une nouvelle politique familiale. S’immiscer dans l’organisation du mouvement familial comme vous venez de le faire par cet amendement est un très mauvais signal. En outre, cet amendement remet en cause la liberté associative. Aveuglés par votre idéologie, vous allez brider les libertés. On peut espérer que les sénateurs, qui se veulent les défenseurs de la liberté, sauront s’en souvenir et refuseront le vote conforme qu’a récemment souhaité le président du Sénat, qui veut un Sénat godillot.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4038.

    M. Yves Censi. Je souhaiterais souligner le glissement progressif du langage de la majorité. Tout à l’heure, Mme la rapporteure pour avis a parlé de « familles homosexuelles ». Non ! L’homosexualité est une orientation sexuelle tout à fait louable, que l’on peut, sinon consacrer, du moins instituer par une union.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je n’ai jamais parlé de familles homosexuelles !

    M. Yves Censi. Nous consulterons les comptes rendus des débats : vous évoquez sans arrêt les familles homosexuelles. Or, il n’y a pas de famille homosexuelle, mais des personnes qui peuvent avoir des inclinations et éprouver un amour homosexuel.

    Nous entrons officiellement dans une ère où, d’un côté, au plan social, que ce soit en politique ou dans les conseils d’administration, on tient de plus en plus compte du sexe des personnes – et c’est heureux ! C’est un progrès – et où, de l’autre, paradoxalement, la mention du sexe est effacée des dispositions du code civil relatives à la filiation. Ainsi, aujourd’hui, tout est sexué, sauf les parents ! Vous vous situez intellectuellement dans un univers totalement abstrait ; vous êtes confrontés au mur du paradoxe. Vous avez ainsi inventé la filiation homoparentale, comme l’a très bien expliqué Mme Agacinski.

    Si, à la théorie des genres – car vous pensez forcément résoudre le paradoxe de la filiation par la théorie des genres – on ajoute le droit anglo-saxon – pour lequel c’est le fait qui fait droit : ce qui existe doit être reconnu – et l’égalitarisme, on peut considérer que vous reconnaissez déjà quasi officiellement, dans un simple exposé sommaire, la PMA et la gestation pour autrui. Ça, c’est de la rationalité ! Vous nous reprochez d’agiter des peurs irrationnelles, mais c’est vous qui êtes irrationnels et coupables d’inexactitude intellectuelle.

    M. Claude Goasguen. Très bien !

    M. le président. Sur le vote de l’article 13 bis, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4729.

    M. Gilles Lurton. Madame la garde des sceaux, vous persistez dans votre logique en rendant asexués un certain nombre de termes de notre droit sans pour autant les modifier, faisant ainsi courir un grand risque à notre droit et à ceux qui l’appliqueront.

    À l’article 13 bis, vous prévoyez d’attribuer l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération de sexe, alors que, jusqu’à présent, le congé d’adoption appartenait en propre à la femme. Rien de choquant a priori, mais votre problème est purement grammatical : le mot : « mère » ne convient pas à un couple de même sexe, surtout quand il s’agit de deux hommes, lesquels peuvent bien entendu bénéficier des mêmes droits que les autres. Par cet article, vous niez une réalité qui est un des fondements de notre société, celle d’une famille composée d’un père, d’une mère et de leurs enfants.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5100.

    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, en temps ordinaire, je n’aurais pas demandé la parole, les collègues qui se sont exprimés avant moi sur l’article 13 bis et ses conséquences en matière d’adoption ayant été, comme toujours, excellents. Si je le fais, c’est que j’ai à nouveau trouvé, dans mon courrier d’aujourd’hui, deux lettres provenant de deux familles différentes comprenant chacune un père et une mère, et un enfant adopté.

    Comme d’autres reçues précédemment, ces lettres exprimaient à la fois une interrogation et une inquiétude devant ce projet de loi, considérant le caractère extrêmement particulier et délicat de l’œuvre éducative, de l’œuvre de construction de l’enfant à laquelle doivent se livrer ses parents, père et mère d’enfant adopté.

    Cette question est fondamentale et je voudrais, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous demander très sérieusement, du fond de notre réflexion et de notre cœur, de mettre à notre disposition ce que le Conseil d’État en a dit. Tout à l’heure, M. Urvoas a dit que la commission n’avait pas reçu communication de l’avis du Conseil d’État. Je lui pose la question, ainsi qu’au rapporteur : peuvent-ils demander, au nom de la commission et de l’Assemblée, à pouvoir disposer de cet avis ? Dans la négative, peuvent-ils nous faire part des raisons pour lesquelles ils ne souhaitent pas le faire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Mme Laure de La Raudière. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5309.

    M. Thierry Benoit. On voit bien jusqu’où nous conduit ce texte, et il me semble vraiment que nous ne prenons pas les choses dans le bon ordre. À partir d’un texte initial portant sur le mariage pour tous, nous en arrivons à la question de l’adoption dans le cadre du régime agricole ; en permettant l’adoption aux couples de même sexe, nous en arrivons à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale.

    J’aurais estimé préférable que tous ces sujets soient abordés dans le cadre d’une réflexion beaucoup plus profonde et globale, répondant aux questions suivantes : qu’est-ce que la famille en France en 2013 ? Que fait la France pour renforcer la famille et l’esprit de famille en termes de prestations sociales, d’adoption, d’aspects juridiques, de succession et autres questions patrimoniales ? Telles sont les questions auxquelles nous devrions nous efforcer de répondre au terme d’une réflexion qui, de mon point de vue, n’a pas sa place dans le cadre de l’examen d’un texte portant sur le mariage pour tous.

    Ces questions sont fondamentales et, dès lors que nous aurons adopté le texte qui nous est soumis, nous n’aurons plus du tout la même vision de la famille en France, c’est pourquoi l’article 13 bis doit être rejeté.

    Mme Laure de La Raudière. Très bien !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 13 bis tire les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans quatre articles du code rural et de la pêche maritime relatifs aux droits en matière d’indemnisation du congé d’adoption pour les travailleurs non salariés agricoles. Issu d’un amendement de la commission des affaires sociales, il a reçu un avis favorable de la commission des lois. Mme la rapporteure pour avis s’exprimera sur ce point dans un instant.

    La commission des lois est, bien entendu, défavorable aux amendements de suppression de cet article.

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est effectivement à l’initiative de la commission des affaires sociales qu’a été adopté l’amendement ayant abouti à l’article 13 bis. Je rappelle qu’il vise à adapter le congé d’adoption aux couples d’adoptants de même sexe pour le régime des exploitants agricoles, dans le même esprit que la modification opérée par l’article 14 pour le régime général – ces dispositions étant prises dans un souci de cohérence entre les différents régimes.

    Il s’agit de passer d’un congé d’adoption appartenant en propre à la mère, qui peut choisir de le partager avec son époux, à un congé partagé entre les deux parents à leur convenance. D’ores et déjà, le congé peut être attribué au père si la mère ne travaille pas ou si elle est d’accord pour le lui céder. Désormais, les couples auront le choix d’attribuer la totalité du congé à l’un ou l’autre des conjoints, à l’exception des onze jours supplémentaires, qui ne sont attribués que si les deux prennent un congé.

    La commission des affaires sociales est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 13 bis.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’article 13 bis est une mesure d’égalité des droits, permettant d’accorder un congé d’adoption aux exploitants agricoles sans considération de leur sexe ou de la composition du couple. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article.

    (Les amendements identiques nos 101, 431, 479, 1064, 538, 1186, 1432, 1504, 1609, 1595, 1721, 1760, 2241, 2540, 2695, 3360, 4038, 4729, 5100 et 5309 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir l’amendement n° 4913.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est un amendement rédactionnel qui propose une clarification de l’article 13 bis. Il s’agit de distinguer, dans deux articles différents du code rural, d’une part le congé de maternité, attribué par définition à une femme, et d’autre part le congé d’adoption, qui peut être accordé à l’un des parents indépendamment de leur sexe ou réparti entre les deux.

    (L’amendement n° 4913, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 13 bis, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 152

    Nombre de suffrages exprimés 150

    Majorité absolue 76

    Pour l’adoption 104

    contre 46

    (L’article 13 bis, amendé, est adopté.)

    Article 14

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, inscrit sur l’article 14.

    M. Guy Geoffroy. L’article 14 est extrêmement révélateur de la contradiction permanente dans laquelle se complaisent le Gouvernement et sa majorité. En effet, il est une chose qui résiste, et qui vous amène à un énorme paradoxe : je veux parler des règles grammaticales, que votre projet de loi ne remet pas – ou pas encore – en cause. Ainsi, à l’article L. 331-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « la femme assurée » sont remplacés par les mots : « l’assuré » – au masculin, la règle grammaticale voulant que ce genre l’emporte sur le féminin.

    M. Hervé Mariton. Le masculin embrasse le féminin !

    M. Guy Geoffroy. La tendance actuelle – à laquelle nous souscrivons, comme vous semblez le faire d’ordinaire – veut que, de plus en plus, on identifie les femmes titulaires d’une fonction par un vocable féminin plutôt que masculin. Ainsi, en ce qui concerne un métier que je connais bien pour l’avoir exercé longtemps, alors que nous disions jadis « Mme le proviseur », nous disons maintenant « Mme la proviseure ». Or, dans le texte de votre projet de loi, la « femme assurée » n’existe plus : elle est gommée et remplacée par « l’assuré ». Une belle victoire, assurément !

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l’article 14.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 104.

    M. Marc Le Fur. Dans un souci de cohérence, l’amendement n° 104 vise à la suppression de l’article 14 : non que nous y soyons particulièrement opposés, mais il s’inscrit dans une logique que nous combattons.

    Les préoccupations des habitants de la circonscription que j’ai l’honneur de représenter ici, où l’agriculture tient une large place, sont, je peux vous l’assurer, très éloignées de notre débat. Quand ces personnes auront connaissance de la teneur de notre débat, alors qu’elles sont confrontées à des difficultés considérables, mais d’une tout autre nature, je ne suis vraiment pas sûr qu’elles soient animées des meilleurs sentiments à votre égard ! Regardez un peu les derniers résultats des élections des chambres d’agriculture, vous pourrez constater que les syndicats les plus proches de vos sensibilités sont loin d’y avoir obtenu de bons résultats : en fait, ils ont fait l’objet d’un rejet très net par le monde agricole, qui les considère complices d’une politique dont ils ne veulent pas. Ceux de nos collègues qui ont été élus dans un département majoritairement rural devraient se méfier – je pense notamment à la circonscription de Redon, mais il y en a bien d’autres… À mon avis, ils prennent de gros risques en prenant position en faveur d’un texte qui va heurter l’essentiel du monde agricole.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 236.

    M. Bernard Deflesselles. Avec la généralisation de termes neutres tels qu’« époux », « parent », « conjoint » et maintenant « assuré » ou « titulaire », l’article 14 poursuit l’entreprise de négation de l’altérité sexuelle qui est le propre du projet de loi dont nous débattons. L’insécurité juridique induite par ce texte se transforme en inquiétude politique, une inquiétude que la majorité n’a pas levée.

    Selon deux récents sondages IFOP, 52 % des maires sont opposés à l’idée du mariage entre personnes de même sexe, et 61 % d’entre eux souhaitent que le Gouvernement stoppe ce débat afin d’approfondir la réflexion. Un troisième sondage IFOP montre que, pour 55 % des Français, une famille composée de deux adultes du même sexe n’est pas une vraie famille.

    Cette insécurité politique donc, vous la laissez perdurer, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, d’abord en refusant que le Conseil d’État nous livre sa vision du texte, alors qu’il aurait été normal que les parlementaires de tous bords en aient connaissance, ensuite par votre déclaration consécutive aux propos du président du Sénat, qui affirmait il y a deux jours qu’une seule lecture dans chaque chambre était suffisante.

    M. Pierre Lequiller. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 429.

    M. Yves Albarello. Je voudrais m’adresser à nos collègues socialistes, bien silencieux depuis le début de ce débat. Plus précisément, rebondissant sur les propos tenus tout à l’heure au sujet de Mme Guigou, dont la pensée a évolué au cours des quinze dernières années, je voudrais maintenant faire référence à la pensée de quelqu’un…

    M. Philippe Martin. Qui n’a pas évolué depuis quinze ans ?

    M. Yves Albarello. Peut-être, mais en tout cas que vous avez soutenu pendant des années, et qui a exercé les plus hautes fonctions dans notre pays puisqu’il a été Premier ministre : je veux parler de Michel Rocard. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il a longtemps été une référence pour vous.

    M. Rocard dit que le PACS « aurait pu suffire » et, plus résigné qu’enthousiaste, ajoute qu’« il y a un moment historique qui exige qu’on remette du calme dans notre communauté homosexuelle qui a été secouée. Il faut y aller et officialiser cette reconnaissance et cette dignité. » Pour autant, il considère que le PACS était une idée admirable. S’estimant « pas du tout expert (...) sur le problème juridique lié à la situation des enfants », Michel Rocard porte tout de même un jugement hostile à l’adoption par des couples homosexuels : « tout ça », dit-il, « me paraît dangereux. Pour l’adoption, il me semble que ce n’est pas souhaitable, donc je ne suis pas pour ».

    Je vous invite, mes chers collègues à bien méditer ces paroles d’un éminent Premier ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Martin. C’est promis ! On s’y met dès qu’on a une minute !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 434.

    M. Hervé Mariton. Certaines entreprises privées ont anticipé un dispositif de cette nature, faisant usage de la liberté qui est la leur en ce domaine. Il en va tout autrement quand des collectivités publiques en font de même – j’avais d’ailleurs évoqué cette question lors de l’audition de M. le président du conseil général de l’Essonne.

    Mesdames les ministres, si le projet est voté, il sera la loi de la République. Mais tant que la loi n’est pas votée, elle n’est pas la loi. Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelle a été l’attitude du Gouvernement et quelle est celle qu’il entend prendre après les décisions de tel exécutif local. Car anticiper une loi, c’est contraire à la loi.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. La loi est votée !

    M. Hervé Mariton. Il y a eu en effet un vote à l’occasion du PLFSS pour 2013, si je ne dis pas de bêtise, vous avez raison, madame la rapporteure pour avis. Je transforme donc ma question : le vote intervenu dans le cadre du PLFSS couvre-t-il complètement l’anticipation de la loi dont nous discutons aujourd’hui ou est-ce que seules les dispositions dont nous parlons aujourd’hui couvrent la situation du conseil général de l’Essonne, par exemple, ou d’autres collectivités publiques ?

    Notez bien que la loi de financement de la sécurité sociale a été votée postérieurement aux décisions d’un certain nombre de collectivités publiques – dont le conseil général de l’Essonne, par exemple –, de sorte que son entrée en vigueur ne régularise en rien la situation de ces dernières.

    Je résume : des collectivités publiques ont anticipé la loi, que ce soit la loi de financement de la sécurité sociale ou le projet de loi dont nous parlons. L’anticipation de la loi, dans un cas comme dans l’autre, c’est illégal. Je souhaite savoir ce qu’a été l’attitude du Gouvernement face à de telles illégalités.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 480.

    M. François de Mazières. Nous proposons un amendement de suppression de l’article 14 qui, en fait, désexualise le code de la sécurité sociale en matière de congé d’adoption et de durée d’assurance pour l’enfant. Il est important de signaler que les études d’impact sont tout de même extrêmement limitées. Nous vous l’avons d’ailleurs souvent dit, en vous demandant des précisions.

    On a très peu évoqué – ce qui est normal, puisque cela paraît trivial par rapport à l’enjeu essentiel de civilisation – les questions financières, un point que nous aimerions souligner au travers de cet amendement. En effet, étant donné que vous avez inversé le calendrier logique, nous ne savons pas – ou plutôt, nous ne le savons malheureusement que trop bien – ce que vous allez faire en ce qui concerne la PMA et la GPA, deux pratiques qui, si elles étaient autorisées, induiraient un coût important pour la sécurité sociale.

    Si on avait appliqué un raisonnement logique en statuant dans un premier temps sur la PMA – cela a été fait en parole, mais ensuite reporté –, on disposerait aujourd’hui de ce qui nous fait actuellement défaut : une étude d’impact intelligente et responsable vis-à-vis des Français.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1072.

    M. Philippe Cochet. Concernant l’article 14, dont nous demandons la suppression, je me permets une fois de plus d’insister sur votre entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation des termes neutres tels que « époux », « parents », « conjoints » et, désormais, « assurés » ou « titulaires ». Comme cela vient d’être dit, une fois de plus, je pense que ce texte n’est pas prêt pour être voté. Le travail qui est mené depuis maintenant plusieurs jours montre les difficultés que pose ce texte, son impréparation et, surtout, la nécessité de l’éclairage de l’extérieur.

    Au demeurant, on voit de plus en plus de Français s’intéresser au projet et en comprendre toutes les problématiques masquées. Comme l’avait souligné à plusieurs reprises M. Guaino, à un moment ou à un autre, il faut quand même laisser ceux dont nous tenons notre légitimité trancher sur ce sujet. Puisque vous êtes si sûrs de ce texte, nous avons du mal à comprendre pourquoi vous refusez le référendum, car il vous permettrait de vous expliquer non seulement dans cet hémicycle, mais aussi, au-delà, devant l’ensemble des Français.

    Comme on le dit, il y a toujours un bon sens paysan chez les Français.

    M. Philippe Martin. La terre ne ment pas ? C’est ça ?

    M. Philippe Cochet. Au regard de ce bon sens, des questions tout à fait légitimes pourraient être posées au Gouvernement, ce qui éviterait de discuter d’un texte mal préparé, mal ficelé et, surtout, mal estimé, en particulier sur l’aspect financier, comme l’ont indiqué les différents orateurs de notre groupe.

    Au-delà de la suppression de cet article, je pense que le plus simple serait de reporter l’examen du texte, comme 61 % des maires de France le demandent.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 539.

    M. Patrick Ollier. L’article que nous examinons concerne les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance.

    Chers collègues de la majorité, vous avez compris que nous n’étions pas d’accord avec votre texte ; du moins je l’espère. Si tel n’est pas le cas, nous vous le répéterons. Surtout, nous vous en expliquerons les raisons en ce qui concerne la filiation, car c’est un des problèmes que pose cet article.

    Vous voulez la filiation par volonté, par intention – ce qu’on appelle la « parenté sociale » –, vous voulez supprimer la référence à l’engendrement de l’enfant comme origine de la filiation ; c’est votre droit. Et puisque vous êtes majoritaires, vous nous l’imposerez.

    Cependant, les alinéas 11 et 12 de l’article 14, qui figurent à la page 10 du projet de loi, disposent : « Le cinquième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : “Lorsque les deux parents sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux.” » Nous voulons bien admettre, comme vous nous l’expliquez depuis le début, que vous refusez la GPA ; nous pouvons le comprendre. Mais expliquez-moi qui, lorsque les deux parents sont de même sexe – non pas les parents adoptants, mais bien les deux parents –, est considéré comme étant parent de même sexe ? On peut le comprendre lorsqu’il s’agit de deux femmes et que la PMA est autorisée, puisque c’est ce que vous souhaitez. Mais comment les deux parents peuvent-ils être de même sexe si ce sont deux hommes ? À moins d’exclure ce cas de figure de l’article et d’instaurer une discrimination grave vis-à-vis des couples d’hommes, vous n’avez d’autre moyen que d’accepter la GPA qui, naturellement, peut en faire effectivement deux parents de même sexe, comme deux femmes peuvent être parents de même sexe avec la PMA.

    Je comprends que cela vous fasse rire, madame la garde des sceaux,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une de vos phrases qui m’a fait rire, monsieur le ministre.

    M. Patrick Ollier. J’essaie en effet de mettre un peu d’humour dans mes phrases pour vous détendre, car nous apprécions beaucoup vos sourires, et même vos fous rires. Mais vos fous rires ne peuvent pas constituer des réponses aux questions que nous posons. J’aimerais une réponse sur l’alinéa 12 de l’article 14, madame la ministre, et j’espère qu’elle sera précise. Je vous en remercie par avance.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez dit : « Comment les parents peuvent-ils être de même sexe si ce sont deux hommes » ! Si j’avais prononcé ces mots, vous auriez ri !

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1188.

    Mme Laure de La Raudière. Mesdames les ministres, la réalité de l’adoption en France, c’est dix couples en attente pour un enfant adoptable, et des pays d’origine qui ne sont pas prêts à confier des enfants à des couples de personnes de même sexe. Vous en êtes bien conscientes, je le sais. Alors, inévitablement, la question se pose de savoir qui seront les enfants qui pourront être adoptés, après l’éventuel vote de la loi, par les couples homosexuels se pose. Quelques pupilles de l’État, peut-être. Et après ?

    Après, inévitablement, vous ouvrez la boîte de Pandore de la PMA et de la GPA, parce qu’il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter par rapport aux demandes de ces parents. C’est cohérent, c’est logique ; c’est votre logique. C’est d’ailleurs pour cela que nous combattons ce texte de loi depuis une dizaine de jours maintenant.

    Or, pour les personnes adoptées qui nous ont apporté leur témoignage et dont la naissance a été le résultat d’une PMA ou d’une GPA, ces pratiques ne sont pas anodines. Qu’ils connaissent ou non les détails de leur histoire, que cette histoire soit douloureuse ou apaisée, c’est toujours une histoire humaine. Que raconteront les parents à leurs enfants issus de PMA ou de GPA ? Là encore, madame la ministre, nous aimerions, sur tous ces points, avoir des réponses et connaître l’avis du Conseil d’État.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1433.

    M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, dans cette Assemblée qui est encore nationale – on ne sait jamais, avec la novlangue, à force de vouloir réduire les signifiants pour en faire une bouillie idéologique sans aucun sens, cela pourrait changer –, je veux souligner que les citoyens britanniques ont le droit, jusqu’au 12 mars de cette année, de contribuer au débat public que la Chambre des communes a à peine entamé.

    M. Pascal Terrasse. Ça fait un an !

    M. Nicolas Dhuicq. Alors que, de ce côté-ci de la Manche, nous avons une absence de référendum, de l’autre côté, du 12 février au 12 mars, les citoyens britanniques peuvent participer par écrit aux débats auprès de leurs représentants de la Chambre des communes.

    M. Pascal Terrasse. Ils l’ont fait en France de la même manière !

    M. Nicolas Dhuicq. Et contrairement à la désinformation que véhicule l’ensemble des médias de ce pays, la Chambre des communes n’a pas adopté ce qui est encore un projet de loi, parce que le travail parlementaire n’a pas encore réellement commencé. Il ne s’agissait que de la deuxième lecture, qui correspond à notre discussion générale. Et, je le répète, une fois que ce travail sera achevé, il y aura une troisième lecture, puis la Chambre des Lords aura son mot à dire.

    Alors, mes chers collègues, à force d’affaiblir la démocratie française, à force d’avoir un président normal, vous êtes en train de détruire ce pays, de le ridiculiser au sein de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Martin. Où étiez-vous ces dix dernières années ?

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1515.

    M. David Douillet. La vérité, c’est que depuis le début de nos débats, vous avez montré votre jusqu’au-boutisme. Nous respectons votre posture idéologique, nous sommes au Parlement. Vos réponses nous le confirment : ce que vous cherchez avec ce texte, en réalité, c’est non pas de répondre à des situations concrètes, humaines et respectables, mais de répandre cette idéologie égalitariste dans ce qu’elle a de pire. Il s’agit de nier l’évidence. Votre conception de l’égalité nie la différence, elle la refuse en bloc. Et cela, je n’arrive pas à le comprendre, nous n’arrivons pas à le comprendre.

    Le code civil, vous l’aseptisez complètement alors que c’est bien évidemment dans cette richesse de la différence qu’on a construit nos familles, nos sociétés. Et cette aseptisation de nos codes, de notre loi, nous causera bon nombre de problèmes dans des centaines de cas de figure. Elle amènera inéluctablement, implacablement, des citoyens qui s’aiment, qui auraient pu vivre leur homosexualité d’une manière pleine et remplie, à devenir des hors-la-loi. Évidemment ! On vous le répète ! Inéluctablement, cette mauvaise posture vis-à-vis de l’humain les amènera à être complices d’un drame qui se déroule en partie en Ukraine et en Inde, un drame dans lequel – et c’est inacceptable – des gens seront exploités et leur corps utilisé. C’est tout simplement impossible, intolérable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1598.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu. Je vous répète toutefois, chers collègues de la majorité, ce que nous avons déjà eu l’occasion de développer ici : ce sont les conséquences très prévisibles de ce texte qui nous poussent à vous alerter de manière répétitive sur des choses que vous ne voulez pas – je vous en ai déjà donné le crédit et nous vous avons entendu, en tout cas la majorité d’entre vous –, c’est-à-dire le risque porté à terme par ce texte quant à la gestation pour autrui.

    J’ai bien compris que vous ne la souhaitiez pas, personne ne la veut. Ce que je dis là n’est pas tout à fait exact, puisque certains des membres du Gouvernement et de la majorité y sont favorables – qu’elle soit encadrée ou non, c’est un problème de forme, et non de fond.

    Nous le répétons inlassablement, avec les forces non pas qui nous restent, monsieur le président, mais que nous avons encore à mettre à disposition du Parlement. De notre point de vue, un tel risque est largement ouvert par ce texte et par les principes qui le fondent et que nous ont présentés depuis le début de cette discussion la garde des sceaux, le rapporteur et le président de la commission des lois.

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1617.

    M. Christophe Guilloteau. D’un mot, je voudrais revenir sur le volet agricole de l’article 13 bis, où il est question de congé maternité.

    Étant élu d’une zone rurale, je peux m’autoriser à observer la question avec intérêt. Cela dit, je ne suis pas sûr que ce soit la préoccupation première du monde rural. Pour qu’il y ait des congés maternité, il faudrait d’abord qu’il y ait un service de remplacement efficace.

    Je souhaite également revenir à ce qu’a dit mon collègue M. Le Fur, élu comme moi d’une zone rurale, à savoir le résultat des élections d’hier dans les chambres d’agriculture. Vos amis politiques ont pris une déculottée. J’y vois le signe d’un rejet global de la politique que vous menez. Vous verrez d’ailleurs que le phénomène s’amplifiera dans la rue le 24 mars, avec certainement un nombre de manifestants plus important qu’il y a quelques jours à Paris.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1722.

    Mme Véronique Louwagie. En définitive, le présent projet de loi continue de décliner la généralisation de terminologies neutres telles qu’« époux », « parents » ou « conjoints ». Désormais, avec l’article 14, ce sont les mots « assurés » et « titulaires » qui sont pris en compte.

    Les conséquences pratiques de cette neutralité sémantique et juridique ne sont pas suffisamment appréhendées, comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises. Nous ne disposons pas de suffisamment de recul pour observer les effets induits par ces modifications juridiques, qui sont plutôt d’ailleurs des bouleversements. Or notre code civil, personne ne pourra le contester, n’a pas de besoin d’une révolution ; il doit s’appliquer avec clarté. Rendre neutres des concepts revient à rendre floues des règles juridiques qui ne peuvent ni ne doivent l’être.

    Par ailleurs, comme nous vous le faisons inlassablement observer, le projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

    Le véritable objet du texte devrait être l’adoption de l’enfant du conjoint. Le texte finalement présenté aujourd’hui donne une suite légale à des actes encore illégaux actuellement en France. La volonté des députés de la majorité de légaliser l’accès des couples de même sexe à la PMA vient alourdir le dispositif et me conduit à soutenir cet amendement tendant à supprimer l’article 14.

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1761.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet article étend aux couples de même sexe les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance.

    Le texte poursuit son entreprise de négation de l’altérité sexuelle. Ce projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

    De plus, cette coordination des droits parentaux est l’occasion de rappeler que les conséquences financières relatives à l’équilibre du régime général de la sécurité sociale, des régimes alignés et des régimes de la fonction publique en matière de pensions de réversion ne sont pas présentées dans l’étude d’impact. Si les conséquences financières d’un projet de loi ne sauraient certes, en elles-mêmes, en justifier le rejet, il n’en est pas moins très dommageable que le Parlement ne puisse pas être éclairé sur ce point et que le Gouvernement ignore ces demandes, lesquelles se sont vu infliger des fins de non-recevoir en commission des lois.

    De plus, nous savons tous que les adoptions seront rares, du fait du manque d’enfants adoptables, mais aussi parce que beaucoup de pays ne voudront plus confier leurs enfants à la France à cause de l’application de ce projet de loi – s’il est voté.

    Outre que cette loi compliquera encore plus l’adoption pour les couples hétérosexuels, elle aura des suites que tout le monde devine plus ou moins à longue échéance, comme cela a déjà été dit un certain nombre de fois pendant le débat, à savoir la PMA et, après, la GPA.

    On voit donc bien que cette loi a pour but de répondre pour répondre aux désirs des adultes, sans prendre en compte l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi je défends la suppression de cet article 14.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2242.

    M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas votre faute, monsieur le président, mais ce débat, qui aurait dû être la recherche d’un compromis, est complètement dévoyé. Sur un enjeu aussi grave, il aurait fallu un vrai dialogue et non pas un affrontement politique. En effet, cela relève d’une décision que chaque député doit prendre en conscience, au-delà de son appartenance politique. C’est ce que nous faisons, au groupe UMP, autour de Christian Jacob : le respect de la liberté de conscience est chez nous de tradition sur les sujets de société.

    Pour M. Le Roux, qui l’a déclaré publiquement, c’est tout le contraire. Il devrait pourtant méditer la fameuse phrase de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » M. Le Roux a ouvertement dit qu’il y avait discipline de vote, ce qui signifie en gros : « Je vous intime d’être d’accord avec moi, quoi que vous dise votre conscience. »

    Quant à Mme la ministre de la famille, elle se montrait choquée, avant le déjeuner, que nous ayons cité Mme Agacinski, Mme Georgina Dufoix, Mme Guigou, M. Rocard, M. Jospin ou même Léon Blum. Mais qu’y a-t-il de choquant, madame la ministre ?

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, vous avez de bonnes références !

    M. Pierre Lequiller. Ce débat aurait dû dépasser les clivages politiques.

    J’ai pour ma part un immense regret : celui qu’un tel bouleversement n’ait pas été l’occasion d’un grand débat, dans le pays comme dans cet hémicycle, avec la recherche d’un consensus. Mais, pour trouver le consensus, encore faut-il ne pas arriver de façon sectaire, avec une vérité révélée. Si l’on n’est pas d’accord avec vous, on est homophobe – ou homosceptique – et ringard.

    S’il y avait eu ce grand débat avec liberté de vote et liberté de conscience, on aurait sans doute abouti à un texte d’équilibre pour plus d’égalité pour le couple homosexuel, sans remise en cause de l’institution du mariage – je pense bien sûr à l’union civile. Le Président de la République ne se serait pas retrouvé au bout de six mois avec, contre ce texte, la plus grosse manifestation depuis trente ans.

    M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2539.

    M. François Scellier. Notre opposition à cet article 14, dont nous demandons la suppression, est en cohérence avec notre attitude depuis le début de la discussion du texte de loi. Nos collègues ont largement démontré les motifs de notre opposition ; je n’y reviendrai donc pas.

    Que le projet de loi tire les conséquences du texte pour adapter des dispositifs comme le droit au congé d’adoption et la majoration des durées d’assurance est logique, comme il l’est pour moi de refuser l’article 14 et de demander sa suppression.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2967.

    M. Philippe Meunier. Nous sommes tous attachés à notre socle républicain et nous partageons tous les mêmes valeurs fondamentales qui sont constitutives de notre régime. Cela dit, il y a deux choses auxquelles nous n’acceptons pas que l’on touche : les enfants et, à travers le droit de vote, la souveraineté du pays.

    Avec ce projet de loi, vous avez décidé de transgresser ces frontières que nous avions jusqu’à présent en commun. Vous avez fait votre choix ; vous en assumerez la responsabilité. M. Lequiller a dit tout à l’heure que l’on aurait pu débattre au-delà de nos clivages politiques, de républicains à républicains, en confrontant nos idées, comme nous avons pu le faire sur la bioéthique lors de la commission spéciale. Mais vous avez fait le choix de l’affrontement, du clivage. Je note par exemple l’absence de clause de conscience pour vos parlementaires, puisqu’ils n’ont pas le choix : ils sont obligés de voter le texte.

    Mme Brigitte Allain. Personne ne nous oblige à rien !

    M. Philippe Meunier. Il faudra en assumer toutes les conséquences. Certains d’entre vous s’amusent et sourient. Je vois ici des députés qui ont une longue histoire politique et un beau parcours, avec des engagements forts. Ils savent que l’histoire se fait parfois avec difficulté. Il nous revient, dans l’Assemblée, de respecter les autres ; cela vaut aussi pour ceux qui sont dans la majorité. Vous n’avez pas voulu le faire. Dont acte ! Vous êtes majoritaires. Il y aura une manifestation le 24 mars prochain et vos votes auront d’autres conséquences ; il faudra les assumer.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4049.

    M. Yves Censi. Contrairement à ce que vous laissez entendre, il n’y a pas eu de débat sur la filiation dans notre pays. Pendant que nous parlons, défile sur les écrans de l’Assemblée un bandeau où il est écrit : « Projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe ». Je crois que vous n’avez pas osé dire qu’il s’agissait non seulement du mariage, mais aussi de l’adoption, sauf à penser que vous considérez – comme nous, au fond – que le mariage et la filiation sont consubstantiels. Dans les deux cas, il y a un paradoxe qui n’a pas été débattu.

    Quels en sont les résultats ? Ce sont, comme on le voit dans l’article 14, le déni, le renoncement et le non-dit de votre part – et encore je pèse mes mots. À chaque fois que nous aurions dû évoquer le sujet de la filiation, vous avez retiré tout caractère sexué au texte des codes.

    Vous substituez au caractère sexué l’orientation sexuelle. C’est pour cela que, petit à petit, le caractère sexué disparaît de nos codes. C’est un peu comme si l’on disait aux enfants : maintenant, il n’y a plus de papa et de maman, il faut nous appeler « parents ». Or il s’agit là d’un déni. Je vous rappelle que, quand il n’y a pas de caractère sexué, il n’y a pas non plus de sexualité. Vous ne rendez donc service ni aux personnes homosexuelles, ni aux personnes hétérosexuelles.

    Je voudrais demander de nouveau à Mme Clergeau pourquoi elle a utilisé, tout à l’heure et les jours précédents, l’expression « famille homosexuelle ». C’est là un beau symbole de la confusion dans laquelle vous êtes.

    Enfin, j’ai une question à poser à Mme la garde des sceaux, qui a souvent invoqué les « familles monoparentales ». C’est, là encore, un glissement de langage : comme si les familles monoparentales étaient les familles où il y a un père ou une mère, et…

    M. le président. Merci.

    Sur le vote de l’article 14, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4730.

    M. Gilles Lurton. Cet article 14 étend aux couples de même sexe les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance. Encore une fois, nous devons discuter d’un article qui entend remettre en cause l’altérité sexuelle.

    Madame la ministre, vous nous dites que nous parlons de ce qui n’existe pas dans ce projet. Vous nous dites que la PMA et la GPA ne sont pas dans ce texte et que, en conséquence, nous n’avons pas à en parler.

    Vous nous dites encore, à propos des paroles prononcées par Mme Guigou il y a quinze ans, qu’il est possible d’évoluer. Eh bien, comment voulez-vous que nous ayons confiance en vos propos ? Qui nous dit que, d’ici quelques mois, vous n’allez pas revenir devant nous pour légaliser l’ouverture aux couples de même sexe de la procréation médicalement assistée et de la GPA en nous expliquant que, depuis le vote de ce texte, vous avez évolué ?

    M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5310.

    M. Thierry Benoit. Le Gouvernement suit sa logique : il est favorable au mariage pour tous ; je suis quant à moi favorable à un contrat d’union civile.

    De la même façon, vous êtes favorable à l’adoption pour tous ; je n’y suis pas favorable.

    L’article 14 – c’est la raison pour laquelle je défends sa suppression – s’oppose à un principe de réalité pour l’enfant, à savoir la notion de père et de mère. À travers cet article, plusieurs questions qui n’ont pas trouvé de réponse sont de nouveau soulevées – elles tournent autour de la filiation. L’égalité, oui, mais nous avons des responsabilités et un devoir en matière législative et réglementaire, celui de clarifier la notion de filiation.

    L’article 14 entraîne aussi des conséquences financières dont l’étude d’impact n’a pas cerné les contours.

    De plus, jusqu’à aujourd’hui, notre politique sociale laissait une place prépondérante et privilégiée à la mère, à la maman. Or on voit bien que, avec cet article et avec l’orientation que vous prenez, cette place privilégiée réservée à la maman dans notre pays va être déstructurée.

    Sur l’ensemble de ce texte, je partage pour ma part l’avis d’un autre breton, M. Bernard Poignant, qui est très attaché aux notions de père et de mère, au sens où on les entend aujourd’hui quand on parle de la famille.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 14 du projet de loi ouvre le bénéfice du congé d’adoption et de la majoration de la durée d’assurance vieillesse à tous les adoptants, sans considération de leur sexe.

    Nous prenons acte et tirons toutes les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en modifiant neuf articles du code de la sécurité sociale relatifs, d’une part, aux droits en matière d’indemnisation du congé d’adoption pour les salariés relevant du régime général de la sécurité sociale et pour les travailleurs non salariés relevant du régime des indépendants ou des praticiens et auxiliaires médicaux, et, d’autre part, aux règles de répartition de la majoration de la durée d’assurance vieillesse entre les parents adoptifs.

    En voulant supprimer cet article, vous êtes évidemment cohérents avec votre opposition à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. La commission, de son côté, est tout aussi cohérente : elle a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression, dont elle souhaite qu’ils soient repoussés.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet article tire les conséquences de l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe sur le code de la sécurité sociale, et plus précisément, comme l’indiquait à l’instant M. le rapporteur, sur deux dispositifs où il existe un régime différent pour la mère et pour le père, ce qui oblige à définir le régime applicable lorsqu’il y a deux mères ou deux pères adoptifs : le congé d’adoption et la majoration de durée d’assurance pour enfant dans la constitution des droits à retraite.

    Le congé d’adoption bénéficie aujourd’hui, en cas d’adoption par un couple, en priorité à la mère. Il peut être partagé avec le père ; dans ce cas, sa durée est bonifiée. Dorénavant, il est ouvert également aux deux parents, quel que soit leur sexe, à charge pour eux de le partager dans des conditions qui seront précisées par décret ; dans ce cas, sa durée continuera d’être bonifiée.

    La majoration de durée d’assurance pour enfant est attribuée au père ou à la mère. Une telle rédaction rend impossible le partage de cet avantage entre les membres d’un couple de même sexe, d’où des adaptations nécessaires pour garantir les mêmes droits à tous les couples mariés. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Étant de nature ni tourmentée ni paranoïaque, je préfère considérer que je n’ai pas été suffisamment explicite, tout à l’heure, dans la question que j’ai posée au rapporteur et au président de la commission des lois. Je le dis d’autant plus que le rapporteur a motivé son avis sur l’amendement de suppression de façon tout à fait cohérente et complète.

    Je vais donc tenter d’être très clair dans la formulation de ma question, en espérant obtenir enfin une réponse de la part du président de la commission ou du rapporteur. La commission des lois a-t-elle l’intention, en notre nom, de demander au Gouvernement la transmission de l’avis du Conseil d’État ? Dans le cas contraire, le président de la commission ou le rapporteur peuvent-ils nous faire connaître les raisons de ce refus ? J’espère avoir été suffisamment clair pour ne pas avoir à intervenir de nouveau, et surtout, ne pas devenir paranoïaque. (Sourires.)

    M. le président. Pour éviter que cela soit, la parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis trop soucieux de la santé mentale de Guy Geoffroy pour lui refuser une réponse ! (Sourires.)

    Monsieur le député, je n’ai pas l’intention de demander transmission de l’avis du Conseil d’État, et je vais vous dire pourquoi. Le Conseil d’État se prononce sur l’avant-projet qui lui est soumis par le Gouvernement, agissant ainsi comme son conseiller.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien vu !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il a donc donné un avis sur l’avant-projet transmis par le Gouvernement : je n’imagine pas un instant que si cet avis avait comporté des préconisations ou des réserves, le Gouvernement n’en eût pas tenu compte. Il est donc logique de penser que le texte qui a été transmis à la commission tenait compte de l’avis du Conseil d’État. Voilà pourquoi, à ce stade, l’avis du Conseil d’État m’intéresse assez peu.

    Il m’intéresse d’autant moins que les travaux que mène notre assemblée depuis onze jours ne portent pas sur le projet de loi transmis par le Gouvernement, mais bien sûr le texte tel qu’il a été adopté par la commission.

    M. Christian Jacob. Ce n’est plus une ficelle, c’est une corde à nœuds !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Comme il ne vous a pas échappé que la commission avait modifié bien des éléments du projet de loi gouvernemental, je ne vois pas en quoi l’avis du Conseil d’État, qui doit remonter à plusieurs semaines voire à plusieurs mois, pourrait présenter un quelconque intérêt pour nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    (Les amendements nos 104, 236, 429, 434, 480, 1072, 539, 1188, 1433, 1515, 1598, 1617, 1722, 1761, 2242, 2539, 2967, 4049, 4730, 5310 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

    M. Guillaume Larrivé. Sur le fondement de l’article 58 de notre règlement, je souhaite informer notre assemblée que les députés du groupe UMP, comme nous l’avions publiquement annoncé, ont déposé en fin d’après-midi au greffe de la section du contentieux du Conseil d’État une requête en excès de pouvoir contre la circulaire par laquelle Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, a, de manière contournée, partiellement légalisé les conventions de mères porteuses.

    À cette requête en excès de pouvoir déposée par les députés du groupe UMP se joindront un certain nombre d’associations de défense de la famille, provenant de plusieurs départements, tant l’émotion est grande dans le pays depuis la publication de cette circulaire. C’est donc devant le Conseil d’État qu’un débat juridique serein aura lieu. Nous aurons, pour le coup, une réponse de la section du contentieux du Conseil d’État sur cette question très sensible et très délicate. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Article 14 (suite)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3009 rectifié et 4346.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3009 rectifié.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

    Je veux saluer ici la finesse et l’habileté du président de la commission des lois. Il a expliqué à l’Assemblée nationale que, parce que le texte dont nous débattons est celui de la commission, d’une part, et parce que, par hypothèse, l’avis du Conseil d’État ne portait « que » sur le texte transmis par le Gouvernement, d’autre part, cet avis ne serait pas d’une utilité législative de première importance.

    Mais l’homme de culture que vous êtes, monsieur Urvoas, pourrait, ne serait-ce que pour la culture juridique de l’Assemblée, outrepasser ces propos ! Personnellement, je trouverais intéressant, un jour peut-être, d’avoir ce document complet entre les mains. L’amendement est défendu.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous l’aviez dit comme ça… (Sourires.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4346.

    M. Marc Le Fur. Je suis quelque peu ébahi par les propos du président de la commission. En gros, il nous explique que, fort de ses certitudes, il n’a besoin de l’avis de personne. En fait d’avis, il s’agit quand même de celui du Conseil d’État, une institution de la République, le conseiller juridique du Gouvernement !

    Monsieur Urvoas, vous refusez de demander cet avis, mais, ce faisant, vous refusez de le communiquer aux commissaires, et au-delà, à l’ensemble des députés. Ce n’est pas très convenable ! Vous nous dites : « Je suis sûr de moi, je n’ai besoin de personne. Je m’accroche à mes certitudes ! »

    M. Yves Albarello. Quelle arrogance !

    M. Marc Le Fur. Cela me rappelle une formule de Céline…

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Eh bien, bravo ! Ça ne m’étonne pas de vous !

    M. le président. Laissez conclure M. Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Je conclus : « Accrochez-vous à vos préjugés, ils vous tiennent chaud. »

    (Les amendements identiques nos 3009 rectifié et 4346, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4341.

    M. Marc Le Fur. Je persiste à penser que ce refus n’est pas seulement l’affaire du président de la commission des lois : il concerne l’Assemblée tout entière et met en cause le sérieux de nos travaux. Comme je l’ai répété ces derniers jours, cet avis met en garde contre les dérives potentielles d’un certain nombre d’initiatives parlementaires, et, par anticipation, contre les risques que représenterait l’adoption d’éventuels articles balais. En soi, cet avis nous intéresse. De plus, c’est un avis officiel. Je continue de croire que si l’on ne nous le transmet pas, c’est que l’on nous cache quelque chose. Et en ne nous le donnant pas, l’on crée une inégalité entre les parlementaires.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je voudrais d’abord faire une observation sur la tonalité générale et sur les arguments développés tout au long de cet après-midi, qui portaient notamment sur la différence d’appréciation qui existerait entre le monde urbain et le monde rural, lequel serait empreint de bon sens, attaché aux traditions.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le bon sens paysan !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ainsi s’expliquerait l’opposition de ce monde rural dont les députés du groupe UMP ont décidé qu’ils étaient les porte-parole.

    Je vous renvoie au sondage publié aujourd’hui, qui plonge d’ailleurs le Gouvernement – mais aussi la majorité, j’imagine – dans une grande perplexité, car plus le débat avance, plus vos arguments sont connus des Français et plus le nombre de personnes favorables à l’ouverture du mariage augmente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Deflesselles. C’est faux !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il faudrait que cela continue encore quelque temps, car nous atteignons des chiffres très élevés : selon le sondage de l’IFOP publié aujourd’hui sur le site internet atlantico, 66 % des Français sont favorables au mariage des couples homosexuels.

    Mme Laure de La Raudière. Et combien à l’adoption ?

    M. Yves Censi. Il n’y a pas eu de débat sur l’adoption !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il est intéressant de noter que les personnes de moins de 35 ans sont favorables à 78 % à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, alors que, parmi les plus de 65 ans, seulement 44 % y sont favorables.

    M. Hervé Mariton. Ce ne sont pas des citoyens, peut-être ?

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ils sont citoyens comme les autres. Je donne simplement lecture du sondage. Mais le plus intéressant – je veux dire, le plus intéressant pour vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, pour nourrir votre réflexion –, ce sont les différences géographiques. Sur l’agglomération parisienne, 64 % des personnes sont favorables à l’ouverture du mariage.

    M. Philippe Meunier. C’est le Marais !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Elles sont 66 % dans les communes urbaines de province. Et leur chiffre atteint 69 % dans les communes rurales ! C’est donc bien dans ces communes-là que l’on trouve aujourd’hui le plus de personnes favorables. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Je pense que cela devrait nourrir votre réflexion, sinon sur le texte, du moins sur l’effort qui vous reste à faire.

    J’en viens à l’avis du Conseil d’État. Quelqu’un, ici, est cohérent et fidèle au point de vue qu’il a toujours défendu sur cette question qui touche à l’organisation de nos institutions : c’est M. Le Fur.

    Comme vous le savez, l’article 39 de la Constitution confère au Conseil d’État ce rôle de travail consultatif sur les projets, avant qu’ils ne soient présentés en Conseil des ministres. Depuis le Consulat, l’avis du Conseil d’État est secret. Simplement, le Premier ministre, s’il l’estime utile, peut le communiquer.

    M. Hervé Mariton. Aujourd’hui, il le doit !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur la nature juridique de ces avis du Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a précisé à deux reprises qu’il ne s’agissait pas de documents administratifs. En ce sens, personne ne peut saisir la commission d’accès aux documents administratifs. Le Conseil constitutionnel a aussi précisé que le Conseil d’État, dans ce travail, ne pouvait jamais être considéré comme co-auteur de la loi ; sa responsabilité ne peut donc être recherchée.

    Lors des débats sur la réforme constitutionnelle de 2008, M. Le Fur avait défendu, avec quelques autres d’ailleurs, l’idée que nous devions changer la règle afin que cet avis devienne un élément du débat parlementaire. Certains de ceux qui interpellent aujourd’hui le Gouvernement s’étaient, à l’époque, opposés à cette proposition de M. Le Fur, au nom du respect de la tradition républicaine et de nos principes. Je n’aurai pas, naturellement, la cruauté de les nommer.

    Je pense qu’ils avaient raison. Ce n’est pas une question qui oppose la droite et la gauche ; il faut bien en mesurer les enjeux et se demander, chaque fois que nous avons ce débat, pourquoi, depuis le Consulat, sous toutes les Républiques, quelles qu’aient été les majorités, cette règle n’a pratiquement connu aucune exception. Je n’en connais qu’une, dans un passé récent : elle concernait le débat sur la Corse et s’expliquait parce que l’avis touchait à des questions constitutionnelles. Sinon, jamais en dix ans, sur aucun texte, votre majorité n’a communiqué l’avis du Conseil d’État, et elle a eu raison.

    Monsieur Geoffroy, vous avez laissé entendre que, dans la pratique, la règle du secret était levée au profit du rapporteur, ce qui est un peu singulier. Admettons, dans ce cas, qu’il y ait une forme d’amnistie collective.

    La question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir si l’UMP a changé de position depuis 2008 et si vous estimez désormais nécessaire une réforme constitutionnelle qui remette en cause le caractère confidentiel de l’avis du Conseil d’État. Mais chacun doit bien mesurer que cela modifierait radicalement la nature de cet avis. En effet, quand le Conseil d’État éclaire aujourd’hui le Gouvernement sur un projet de loi, il le fait avec toute la liberté que lui procure la confidentialité de son avis. Si l’on décidait que cet avis doit être porté au débat, il deviendrait un document administratif, communicable à tous, sur la place publique, ce qui priverait le Conseil d’État d’une liberté à laquelle il est très attaché, puisque l’avis qu’il rend deviendrait une prise de position dans le débat public.

    Rouvrir le débat sur le sujet ne serait pas illégitime, mais une modification de la règle aujourd’hui en vigueur serait lourde de conséquences. Quoi qu’il en soit, c’est pour la raison que j’ai dite que le Premier ministre a décidé de ne pas lever la confidentialité. Et à moins que les responsables de l’UMP nous révèlent que leur position a totalement changé, je pense que nous avons sur le sujet des positions proches.

    Je prie ceux qui ont déjà entendu cette démonstration de bien vouloir m’excuser de l’avoir répétée, mais vous connaissez, pour en avoir offert une parfaite illustration aujourd’hui, la maxime de Léon Blum à propos des hommes politiques : « Finalement, on n’a le choix qu’entre se répéter ou se contredire. » Je pense que, sur cette question, l’UMP, aujourd’hui, a décidé de se contredire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (L’amendement n° 4341 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3012 rectifié.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

    (L’amendement n° 3012 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2999.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Que le ministre des relations avec le Parlement ne s’excuse pas de redire ce qu’il a déjà dit l’autre jour en des termes identiques ! Nous sommes toujours heureux en effet que le Gouvernement s’adresse à la représentation nationale, monsieur le ministre.

    J’aurais néanmoins aimé qu’une lecture plus précise des sondages montre combien, si les Français sont ouverts à l’idée du mariage entre personnes du même sexe, ils restent, sur la question de la filiation et de l’adoption,…

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Partagés.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Partagés, c’est peu dire, monsieur le ministre. Et lorsqu’ils auront découvert ou compris l’ensemble des conséquences vers lesquelles nous entraîne ce texte – ce à quoi aura servi ce long débat –, leur opposition en sera renforcée.

    On le sait depuis longtemps, l’opinion publique est majoritairement favorable au mariage entre personnes dd même sexe. Soit. Pour la filiation et l’adoption, c’est beaucoup plus compliqué, notamment car cela met en jeu l’altérité sexuelle comme principe fondateur de l’organisation sociale. L’objet de cet amendement est donc de la préserver.

    (L’amendement n° 2999, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2990 rectifié et 4337.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai à M. Le Fur le soin de défendre ces deux amendements.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse, une fois de plus circonstanciée et précise mais qui comporte, me semble-t-il, un sophisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En l’occurrence, nous ne vous demandons pas de changer la règle selon laquelle le Gouvernement n’a pas l’obligation de nous communiquer l’avis du conseil d’État. Car s’il n’en a pas l’obligation, il en a la faculté. Or nous ne demandons pas non plus à ce qu’il use de cette faculté sur l’ensemble des projets de loi, mais sur celui que nous sommes en train d’examiner. C’est un projet singulier, particulièrement important, comme en témoigne la durée – onze jours – de nos débats, et qui suscite dans le pays une attention très particulière.

    Nous vous demandons donc qu’en la circonstance, le Gouvernement fasse usage de cette faculté. Vous pouvez refuser, nous en convenons, et nous ne pouvons pas contester juridiquement cette décision ; en revanche, nous pouvons la contester politiquement, au nom de la transparence et de l’importance du débat. En outre, tout secret risque d’entraîner une inégalité entre les parlementaires, ce qui nous peine.

    Pour ma part, il est vrai que, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, j’allais plus loin, puisque j’étais même prêt à faire évoluer ce principe au nom d’une conception moderne de la transparence. Mais c’est un autre débat. Il ne faut pas confondre l’exception circonstancielle que nous vous demandons et la réforme de la règle elle-même que je préconisais.

    J’ajoute que, dans le passé, plusieurs avis ont fini par être publiés, parfois longtemps après – ce qui est un peu différent, j’en conviens –, mais parfois assez vite. J’en appelle à tous les juristes qui pourraient m’entendre, pour qu’ils m’envoient sur mon mail de l’Assemblée des éléments de réponse circonstanciés, de façon à ce que je puisse relancer le débat, car il me semble que nous avons connu, depuis dix ans, d’autres exceptions. Mais je ne peux pas en dire plus, parce que, en cet instant, je ne les ai pas en tête.

    M. le président. Cet appel au peuple est une preuve supplémentaire que l’on ne peut pas supprimer le wifi dans l’hémicycle ! (Sourires.)

    (Les amendements identiques nos 2990 rectifié et 4337, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4330.

    M. Philippe Martin. Il a trouvé un autre sophisme !

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Il va demander l’avis du Conseil d’État !

    M. Marc Le Fur. Une question reste pendante, monsieur le ministre, c’est celle du référendum ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une question juridique mais une question politique, à laquelle nous n’avons pas eu de réponse. L’importance du sujet justifie qu’une initiative en ce sens soit prise. Certes, c’est une initiative qui, en l’état actuel de notre droit, relève du Président de la République, mais je saisis l’occasion de cet amendement – dont l’objet est vraisemblablement assez éloigné de la question du référendum – pour poser de nouveau cette question.

    M. Pascal Terrasse. Il faut lire le livre de Wauquiez !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable à cet amendement qui ne porte pas sur le référendum mais sur l’indemnisation des conjoints.

    (L’amendement n° 4330 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2988 rectifié.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes dans les articles L. 613-19-1 et L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale. L’objet de cet amendement est identique à celui des amendements précédents : il vise à maintenir le principe de l’altérité sexuelle comme un des principes de notre droit. L’amendement est ainsi défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 2988 rectifié n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 14.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 147

    Nombre de suffrages exprimés 147

    Majorité absolue 74

    Pour l’adoption 105

    Contre 42

    (L’article 14 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Article 16 bis

    M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16 bis.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Cet article dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié avec une personne de même sexe. Cela part d’une bonne intention, mais nous nous demandons, dans l’hypothèse où, par malheur, cette loi serait votée, pourquoi cette protection devrait être réservée aux personnes mariées. Il n’y a aucune raison pour qu’un salarié pacsé ou célibataire ne soit pas eux aussi protégés, face aux législations inacceptables de certains États qui pénalisent ou incriminent l’homosexualité.

    Nous vous proposerons donc des amendements bien davantage protecteurs des libertés que ne l’est votre projet, pour faire en sorte que toute personne puisse refuser une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité. Ils apporteront la démonstration que l’opposition entend davantage protéger les personnes que ne le fait la majorité.

    Vous vous êtes enfermés dans le seul sujet du mariage, certes important, mais la liberté et la protection doivent être assurées bien au-delà. La question des législations éthiquement et moralement inacceptables, manifestement contraires aux droits de l’homme, doit être étendue. Certains de nos concitoyens peuvent ainsi être amenés à rencontrer, dans certains pays, des difficultés graves du fait de leurs pratiques ou convictions religieuses. Il faut que nous y réfléchissions. Je ne dis pas qu’il est facile de trouver une réponse législative, mais, qu’il s’agisse des orientations sexuelles ou des convictions religieuses – et d’autres enjeux peuvent apparaître –, il importe de pouvoir, dans certains pays, préserver nos concitoyens d’une atteinte grave aux droits de l’homme ou à la dignité humaine. Je pense, par exemple, à la charia, question qui avait été abordée au moment de l’ouverture de la base française à Abu Dhabi.

    Voilà en tout cas un exemple précis qui démontre que le groupe UMP est bien davantage protecteur des libertés et des choix professionnels des homosexuels que ne l’est la majorité.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le début était mieux que la fin !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Je dois vous avouer que je suis perturbé par la question de M. Mariton, et je tiens à le dire. En effet, j’aurais au moins inclus dans la loi, aux côtés des personnes mariées, les personnes pacsées, car finalement, leur situation est exactement la même. Dès lors, il est parfaitement concevable que le code du travail les autorise elles aussi à refuser une mutation, à partir du moment où c’est véritablement un problème de conscience qui se pose à la personne.

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

    M. Noël Mamère. Monsieur le président, mes chers collègues, on peut dire que l’amendement n° 2040 de M. Mariton est très astucieux parce qu’il pointe effectivement un problème, mais notre collègue oublie qu’il y a des conventions internationales dont les normes juridiques s’imposent au droit national. Il est vrai que, si on suit la logique de son exposé, il est tout à fait justifié d’étendre le champ de l’article 16 bis à d’autres domaines, par exemple au droit d’exercer sa religion librement. Vous avez cité la charia, mon cher collègue, on pourrait aussi mentionner le problème récurrent des Coptes en Égypte ou, parmi bien d’autres exemples, le cas des baha’is en Iran. Mais la question est ici celle du mariage.

    Il faut savoir distinguer les questions. Celle qui est posée aujourd’hui, c’est la protection de deux personnes de même sexe qui ont fait le choix de se marier. Elles doivent avoir le droit de refuser une mutation dans un pays où l’homosexualité est criminalisée. Et d’autre part, des combats sont menés et des conventions internationales signées pour la décriminalisation de l’homosexualité. Prenons l’exemple de l’Égypte : encore dans son printemps arabe, dans sa révolution, elle est toujours un pays dans lequel l’homosexualité est considérée comme un crime. Rappelons qu’en France, nous avons attendu 1981 et François Mitterrand pour la décriminaliser et qu’elle figurait dans la Classification internationale des maladies mentales jusqu’en 1983. Il reste de nombreux pays dans lesquels l’homosexualité est encore considérée comme un crime.

    Y a-t-il discrimination lorsque l’on décide, dans une loi sur le mariage, que le couple de même sexe ou l’un de ses membres pourra refuser une mutation dans un pays où l’homosexualité est criminalisée ? Bien sûr. Mais je ne pense pas que cela puisse être mis sur le même plan que la question, beaucoup plus générale, des atteintes aux droits de l’homme qui ne concernent pas que les homosexuels. Car en général, lorsque les homosexuels sont criminalisés, ils ne sont pas les seuls à subir des atteintes aux droits de l’homme.

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. J’ai moins d’expérience à la commission des lois que mon collègue Noël Mamère et j’ai sans doute besoin de quelques explications supplémentaires. L’amendement de M. Mariton est malin, mais pas uniquement car, dans les pays où l’homosexualité est assimilée à un crime, la question n’est pas celle du statut conjugal des personnes concernées, mais simplement celle de leur orientation sexuelle. La question soulevée par notre collègue Mariton n’est donc pas totalement dénuée de pertinence.

    M. Hervé Mariton. Vous pouvez même dire qu’elle est très pertinente, mon cher collègue !

    M. Sergio Coronado. J’attends des explications plus précises et plus concrètes de la part du rapporteur et de la garde des sceaux : dans quelle mesure une personne homosexuelle pourra-t-elle refuser une mutation ? Quel sera le statut de la protection dont elle pourra bénéficier ? Par l’amendement que défendra ma collègue Massoneau, nous souhaiterons élargir cette protection aux couples pacsés.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Je note avec intérêt, suite à l’intervention d’Hervé Mariton et aux amendements que nous avons déposés sur cet article qui est loin d’être anodin, une prise de conscience par certains de nos collègues du fait que nous pouvons tomber d’accord sur certains sujets, même si nous restons en profond désaccord sur l’essentiel du texte.

    Je pars d’un adage bien connu : qui peut le plus peut le moins. À défaut de la suppression de cet article – ce qui pourrait se justifier, parce qu’il est restrictif et qu’il crée des discriminations –, nous proposons d’en faire un article qui, à l’occasion d’un projet de loi très contesté dans ses fondements, fera avancer la cause de la non-discrimination au profit des personnes homosexuelles. Mais quand certains proposent d’étendre le champ d’application de cet article uniquement aux personnes pacsées, cela m’amène à poser une question : qu’en est-il du cas de deux hommes ou de deux femmes qui ont fait le choix, et souhaitent le maintenir, de ne pas traduire leur union par un quelconque acte, ni PACS aujourd’hui ni mariage – si par malheur cela était possible demain ? Voter cet article reviendrait à leur dire implicitement que pour pouvoir être protégés, ils auraient dorénavant obligation de se pacser ou, pire – pardonnez-moi de le dire ainsi –, de se marier.

    La sagesse de notre assemblée en serait renforcée si, en contrepartie de l’abandon de nos amendements de suppression, tout le monde se mettait d’accord sur l’amendement n° 2040 de M. Mariton, qui prévoit, pour toutes les personnes homosexuelles, un droit nouveau, celui de refuser une mutation dans un pays où leur orientation sexuelle serait criminalisée. Cette illustration du « qui peut le plus peut le moins » serait une bonne œuvre que nous ferions, au terme de ce débat, pour l’ensemble de nos concitoyens concernés.

    M. Philippe Le Ray. Très bien !

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l’article 16 bis.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 106.

    M. Marc Le Fur. M. Mariton nous a engagés dans un débat tout à fait passionnant et je crois que l’on pourra avancer. Il soulève une vraie question : nous sommes dans une société mondialisée, mais où les droits ne sont pas les mêmes partout. Cela concerne l’homosexualité, certes, mais aussi bien d’autres engagements, en particulier les engagements religieux. Muté en Arabie Saoudite, vous ne pouvez absolument pas pratiquer un culte chrétien, même si vous êtes diplomate, et un clerc ne peut être autorisé à s’y rendre. L’Arabie saoudite pose même des questions pour savoir si vous n’êtes pas d’origine juive. Que l’on réfléchisse globalement à la question. Mais il n’y a aucune raison d’isoler la situation des homosexuels, dont je ne nie pas la difficulté, par rapport à d’autres. Ce n’est pas parce que nous débattons aujourd’hui de la protection de l’homosexualité que nous devons la limiter aux seuls homosexuels :…

    M. Jean-Marie Le Guen et M. Bernard Roman. Mais nous sommes d’accord !

    M. Marc Le Fur. …il y a les discriminations liées aux engagements religieux, au sexe, ou à d’autres éléments qui ne me viennent pas spontanément à l’esprit. Il faut être exhaustif, et il ne faut pas, d’une manière ou d’une autre, singulariser une certaine catégorie de personnes.

    L’autre obstacle à la disposition proposée, c’est que notre pays n’a pas vocation à donner des leçons au monde entier. Il faut donc que nous protégions nos ressortissants sans distribuer aux autres pays des bons points et des mauvais points, quitte à provoquer des conflits avec nombre d’entre eux.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 238.

    M. Bernard Deflesselles. Je profite de la défense de mon amendement pour répondre, si vous me le permettez, au ministre des relations avec le Parlement. Il nous a fait tout à l’heure une lecture très approfondie des sondages et je me dois d’apporter quelques rectifications.

    Monsieur le ministre, un sondage de l’IFOP a été publié avant-hier, un autre de l’IFOP et un du CSA l’ont été aujourd’hui. Vous avez omis celui d’avant-hier, sur les maires : il montre que 52 % des maires sont opposés au mariage d’un couple de même sexe, et 61 % souhaitent que le Gouvernement interrompe la discussion du projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le sondage CSA, fait à la demande des familles, est très intéressant : 55 % des Français pensent qu’une famille composée de deux adultes de même sexe n’est pas une famille. Monsieur le ministre, il est vrai que 60 % – et non 66 % – des Français sont pour l’ouverture du mariage, vous avez raison. Mais vous avez omis la phrase suivante : « Les résultats sont plus spectaculaires quand les questions se font plus personnelles. Ainsi, les personnes ayant des enfants de moins de quinze ans se tourneraient massivement – à 98 % – vers des familles avec un couple homme-femme s’ils se retrouvaient dans l’incapacité de s’occuper de leur progéniture en cas de décès. » Cela veut bien dire que l’adoption des enfants n’est pas un sujet aussi simple que vous le promettez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je crois que mes arguments ont été assez largement entendus et partagés sur les bancs de cet hémicycle. Personne ne doit revendiquer de droits d’auteur : nous sommes en train de construire et nous essayons, pour notre part, d’apporter des idées. La suppression de l’article ne me paraît pas la meilleure idée, parce qu’il vaut mieux avoir une protection que pas de protection du tout.

    M. Guy Geoffroy. C’est clair ! Mais il faut une protection pour tous !

    M. Hervé Mariton. Cela étant, il serait bon que la commission et le Gouvernement s’expriment, par souci de cohérence, avant le vote sur la série d’amendements de suppression de l’article, ce qui nous permettrait de savoir comment avancer par la suite.

    La suppression de l’article 16 bis n’est pas une bonne idée, disais-je, et même si la problématique de la protection va évidemment au-delà de l’orientation sexuelle, reconnaissons que dans ce texte, on ne peut pas tout traiter. La protection que nous apporterions à des personnes auxquelles serait proposée une mutation dans un pays où l’homosexualité est incriminée, quel que soit leur statut conjugal ou contractuel, quelle que soit leur orientation sexuelle, affichée ou pas – elle n’a pas nécessairement vocation à être sur la place publique –, constituerait déjà un progrès important.

    Mais je souhaite que la commission et le Gouvernement nous précisent, avant le vote de cette série d’amendements, comment ils perçoivent ce sujet important, qui pourrait être l’occasion d’un vrai progrès pour nos concitoyens.

    M. Guy Geoffroy. C’est un sujet consensuel !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 278.

    M. Philippe Le Ray. Je voudrais revenir un instant sur les engagements du candidat Hollande car je crois sincèrement qu’il partait d’une très bonne intention : donner des droits nouveaux et défendre l’égalité entre chaque citoyen. Malheureusement, pris dans son élan, pris par ses promesses électorales, il a cédé au chantage d’une minorité. Il a eu d’ailleurs le réflexe tout naturel, lors du Congrès des maires, de revenir un petit peu en arrière.

    Mesdames les ministres, mes chers collègues de la majorité, vous avez cassé l’institution du mariage, et surtout, vous avez refusé l’alliance civile, tout en ouvrant des brèches, au point d’être tellement pris dans votre élan qu’on en arrive à cet article où vous créez une inégalité in fine. En effet, c’est une discrimination inversée que de créer le droit de refus de mobilité géographique uniquement pour des raisons liées à l’orientation sexuelle, alors qu’on sait très bien, mes collègues viennent de le rappeler, que des couples composés d’un homme et d’une femme peuvent, eux aussi, dans certains pays, être confrontés à une hostilité, notamment pour des raisons d’ordre cultuel.

    Plutôt que de supprimer l’article, je suis d’accord avec M. Mariton sur ce point : il faudrait amender cette disposition créant un droit de refus.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 481.

    M. François de Mazières. Je rejoins Hervé Mariton : nos amendements de suppression ne sont pas la solution idéale. La discussion de cet article est intéressante parce qu’elle met l’accent sur la dimension internationale du sujet. L’avis du Conseil d’État a encore été évoqué tout à l’heure, et il se trouve qu’il a été distillé par La Vie. On y lit que le Conseil d’État prévoit des conséquences assez graves sur les conjoints étrangers : « En outre, l’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages que la doctrine a qualifiés de “boiteux”, en ce qu’ils produisent des effets en France mais s’avèrent nuls selon la loi étrangère des époux. Dans des hypothèses exceptionnelles, mais qui doivent être prises en considération, ces mariages pourraient même exposer certains étrangers à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. »

    L’hebdomadaire La Vie relayait cette question : « Que se passerait-il en effet si un Iranien, marié à un Français et résidant en France à ce titre, divorçait et se voyait forcé de retourner dans son pays d’origine ? » C’est une question grave évoquée par Noël Mamère tout à l’heure. Et l’hebdomadaire de citer l’avis : « Le Conseil d’État invite donc le Gouvernement à informer les officiers d’état civil, afin de leur permettre d’alerter l’étranger concerné des conséquences que pourrait avoir sur celui-ci son mariage avec une personne de même sexe, s’il venait à être connu de ses autorités nationales, surtout en cas de retour dans son pays d’origine. »

    La question est importante. Elle explique pourquoi les maires demandent un temps supplémentaire pour l’examen de ce projet de loi. Nous en revenons ainsi à la question posée pour l’article 371-1 du code civil. Au fond, ceux qui ont vraiment travaillé la loi, ce qui est souvent le cas des maires, demandent…

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1144.

    M. Philippe Cochet. Je regrette que le ministre des relations avec le Parlement soit parti. C’est un homme brillant mais, juste avant la séance de quinze heures, il intervenait dans une émission de télévision où un journaliste lui a demandé : « Est-ce que la mascarade qui est en train de se dérouler au Parlement va continuer ? » Il n’a pas réagi.

    M. Jean-Marie Le Guen. Et alors ?

    M. Philippe Cochet. C’est inquiétant. Quand on est ministre des relations avec le Parlement, on défend le travail des parlementaires. Or, avec son amendement n° 2040, notre collègue Mariton met le doigt sur quelque chose qui montre une fois de plus que votre texte n’est pas suffisamment travaillé, et c’est tout à son honneur.

    Tout cela met un terme aux critiques que vous formulez à l’égard de nos collègues de l’UMP qui travaillent sur ce texte depuis longtemps et qui essaient de vous faire comprendre qu’il n’est pas adapté. Nous avons là une illustration précise de ce qu’est vraiment un travail parlementaire. J’espère que le ministre des relations avec le Parlement pourra répondre sur ce point.

    Le travail que nous faisons doit être au service de la France et des Français. Si la majorité fait preuve d’arrogance et nous regarde souvent avec condescendance, la pratique montre que nous avons au contraire toute notre place. Vu l’état d’impréparation de ce texte, vous devriez écouter les maires de France qui demandent la suspension de l’examen de ce texte.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Prendre la parole pour dire ça ? Franchement, il valait mieux se taire.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1189.

    Mme Laure de La Raudière. Cet article 16 bis soulève un vrai sujet, finalement beaucoup plus large que celui qui est visé dans sa rédaction. Vous en avez d’ailleurs conscience ; certains collègues de la majorité l’ont évoqué ; notre collègue Mariton l’a très bien exposé.

    Le problème posé est celui de la protection du salarié face à une demande de mobilité au sein de son entreprise dans un pays où ce même salarié sera condamné soit en raison de son orientation sexuelle, soit pour diverses autres causes comme ses convictions religieuses.

    Nous souhaitons que cet article puisse être élargi pour couvrir au moins, puisque nous sommes dans le cadre d’un texte sur le mariage de personnes de même sexe, tous les homosexuels confrontés à une situation où leur entreprise leur demande d’accepter une mobilité dans un pays condamnant l’homosexualité. Je pense qu’il est de votre responsabilité de nous écouter sur ce sujet. Sinon, des homosexuels pacsés ne seraient pas protégés, par exemple. Cela n’a pas de sens. Cet article fournit aussi un exemple supplémentaire de votre impréparation globale sur ce texte.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1434.

    M. Nicolas Dhuicq. Finalement, avec ce texte, vous êtes dans les déliaisons dangereuses : vous êtes en train de rendre impossibles les rencontres qui fondent une vie d’homme ou de femme. L’expression « déliaisons dangereuses » n’est pas de moi, mais j’ai un lien avec l’auteur du livre qui porte ce titre. Et pour poursuivre sur le même thème, je me demande quel sera le fil rouge de la vie de ces enfants à venir.

    En effet, et nous l’avons démontré au cours des débats, votre loi amènera inéluctablement à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Et pour les couples d’hommes, au nom du souci de l’égalité que vous poussez jusqu’à l’égalitarisme, elle conduira donc automatiquement à la gestation pour autrui.

    M. Céleste Lett. Exactement !

    M. Nicolas Dhuicq. Quelle sera la scène primitive de ces enfants à venir pour leur permettre de se construire ? Quels seront les liens et les contacts, quels seront les repères identificatoires auxquels ils auront droit ? Quels seront les cadres dans lesquels ils pourront progresser et devenir des adultes responsables, voire des parlementaires ?

    Encore une fois, vous complexifiez inutilement la vie des enfants à venir. Vous êtes vraiment dans la déliaison, qui fait référence à l’état limite. Je trouve que ce texte pousse réellement à l’indifférenciation et à l’état limite généralisé.

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1625.

    M. Christophe Guilloteau. Si je compte bien, cela fait onze jours que nous examinons ce texte et nous avançons à petits pas, puisque nous en sommes à l’article 16 bis, et celui-ci vaut son pesant de gratons.

    À un moment où la France compte 1 000 chômeurs de plus par jour, on va se préoccuper du fait que les ressortissants de certains pays pourraient être en situation inconfortable. Je rappelle qu’il n’y a que dix pays dans le monde qui reconnaissent le mariage entre hommes ou entre femmes, ce qui va nous amener à avoir quelques difficultés de droit à régler avec les autres. Je ne suis pas sûr que l’on soit dans la vraie réalité…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le sujet non plus !

    M. Christophe Guilloteau. …et je ne suis pas sûr que ce soit ce que les Français attendent aujourd’hui. Cette France qui va si bien, à en croire nos amis socialistes, n’est pas franchement celle dans laquelle je vis. Mes électeurs ont d’autres préoccupations. Ils veulent de la sécurité, de l’emploi, des élus qui parlent de vérités mais certainement pas de ce genre de choses. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.) Chers collègues, nous ne devons pas vivre dans le même monde. Il y a le monde des bisounours où tout va bien, et il y a l’autre monde.

    Enfin, chers collègues, je pense qu’il est temps de se ressaisir et de faire en sorte que ce texte soit retiré ou remplacé.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Carrément !

    M. Philippe Cochet. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1723.

    Mme Véronique Louwagie. L’objectif poursuivi par cet article est louable, nous avons eu l’occasion de le dire. Nous pourrions retenir deux points : l’égalité que vous prônez depuis le début pour justifier ce texte sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe ; un principe de droit qui est l’égalité des salariés. En définitive, avec cet article 16 bis, vous créez deux discriminations : entre les personnes hétérosexuelles et les personnes homosexuelles dans une même entreprise ; entre les personnes mariées et celles qui ne le sont pas.

    Cet article montre une impréparation. Parmi les questions qui restent pendantes, je vais vous en poser une : qu’en est-il de la possibilité ou non de l’existence d’une information relative à l’orientation sexuelle du salarié dans son dossier personnel ? Dans une entreprise, s’il y a une proposition de mutation dans un pays condamnant pénalement l’homosexualité, il y aura des notes, des échanges entre l’entreprise et le salarié. Qu’en est-il de la conservation de ces échanges, de ces notes dans le dossier personnel du salarié ?

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1763.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet article prévoit que si un salarié dont le contrat contient une clause de mobilité géographique est marié avec une personne de même sexe, il peut refuser une mutation dans un pays condamnant pénalement l’homosexualité.

    L’inscription dans la loi de ce droit au refus est préjudiciable à plus d’un titre. Il peut créer un sentiment d’injustice chez les couples mariés hétérosexuels qui sont, de fait, davantage sujets à la mobilité. Surtout, il crée une discrimination entre les couples homosexuels : ceux qui sont mariés peuvent refuser de droit la mobilité, ceux qui ne le sont pas ne le peuvent pas, y compris les pacsés.

    Voilà donc que pour répondre à une prétendue inégalité, vous continuez à créer des discriminations entre les couples homosexuels eux-mêmes, d’une part, et entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, d’autre part.

    Vous créez aussi des inégalités entre les enfants : il y aura ceux qui pourront être élevés par un père et une mère, et les autres. Retirez donc ce texte inopportun et dangereux pour notre société.

    M. Céleste Lett et M. Philippe Cochet. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2968.

    M. Philippe Meunier. La différence entre M. le président de la commission des lois et M. le ministre des relations avec le Parlement, est que le premier ment sur sa profession de foi alors que le second interprète les résultats des sondages en fonction des circonstances et des intérêts du Gouvernement et du parti socialiste.

    Allons jusqu’au bout de la logique du Gouvernement. Puisque les sondages sur le mariage pour les homosexuels sont bons, comme l’indiquerait le dernier sondage de l’IFOP, il faut donc adopter cette loi dès demain, explique le Gouvernement. Il devrait lire aussi les sondages de popularité du Président de la République et du Premier ministre, qui sont exécrables, et en tirer également toutes les conséquences, c’est-à-dire demander leur départ.

    L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3018.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, avec votre permission, je vais peut-être prendre un peu plus de temps que d’habitude. Comme je n’ai pas beaucoup torturé le règlement de l’Assemblée nationale jusqu’ici, j’espère que vous ferez preuve de mansuétude à mon égard.

    Mes chers collègues, je demande la suppression de cet article pour les raisons suivantes.

    D’abord, je critique sa place dans le code du travail. Vous le situez après deux articles destinés à protéger les personnes qui sont amenées à faire état de l’existence de discriminations ou à les juger : l’article L. 1132-3 et l’article L. 1132-3-1 qui désignent ces deux types de personnes. Je ne vois pas en quoi des personnes qui seraient elles-mêmes victimes de discrimination seraient concernées par un article situé à cet endroit du code. Il y a un problème de cohérence concernant la place de cet article. Le président de la commission des lois conviendra avec moi que la place d’un article dans un code a son importance et qu’il faut y veiller.

    Deuxièmement, le texte même de cet article pose question car, mes collègues l’ont dit avant moi, il ouvre des discriminations à l’égard des personnes homosexuelles qui ne sont pas mariées, mais aussi à l’égard des personnes homosexuelles qui sont seules. Notre collègue Sergio Coronado ne m’en voudra pas de le citer à ce propos, lui qui a eu le courage – c’est ce que j’estime en tout cas à titre personnel – de faire état de son homosexualité publiquement dans la presse. Son orientation sexuelle personnelle est donc publiquement connue. Du fait de cette publicité, je ne vois pas en quoi il serait moins en danger, en étant muté par un éventuel employeur dans un État qui incrimine l’homosexualité, qu’un couple d’homosexuels mariés ou pacsés. Précisons que les personnes pacsées ne sont pas concernées par la rédaction de cet article.

    Par ailleurs, beaucoup d’autres personnes encourraient des dangers dans certains États pour des motifs religieux, ethniques, politiques, de compétences scientifiques, etc. Il y a des tas de risques dans le monde économique qui, joints aux risques pénaux liés à la situation du droit dans certains États, ne sont pas désignés dans cet article. Parce que l’article ne désigne pas ces risques et qu’il se limite à une certaine catégorie de personnes, il affaiblit la protection qui est due à toutes les autres.

    Troisièmement, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure pour avis, j’ai dit en commission des lois que la situation visée par cet article était couverte, ce qui est heureux. À ce stade, je vais apporter quelques éléments de réponse à notre collègue Coronado qui soulevait la question tout à l’heure. Et c’est la seule question.

    Pourquoi cette situation est-elle couverte ? Parce que, dans le code du travail, l’article L. 4121-1 dispose : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Je ne veux pas rappeler à cette assemblée que, en droit, la formulation à l’indicatif vaut impératif : l’employeur a donc l’obligation de prendre les mesures nécessaires.

    De plus, si elle n’est pas respectée, cette obligation constitue une faute pénale au sens de l’article 121-3 du code pénal ; elle relève de la mise en danger d’autrui au sens de l’article 223 du code pénal ; elle peut constituer une faute inexcusable au sens de l’article 452 du code de la sécurité sociale. À tout le moins, il y a une obligation de résultat de l’employeur, y compris pour la protection de la santé psychique des salariés au sens d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 2005.

    Cette obligation de résultat s’impose à tous les employeurs vis-à-vis de leurs salariés quels que soient leur état, leur compétence et leur orientation sexuelle. C’est très précisément dit dans l’article qui traite des discriminations.

    Au bout du compte, mes chers collègues, cet article me pose vraiment problème pour toutes ces raisons. Il ouvre la possibilité d’un raisonnement a contrario : parce qu’on écrit quelque chose sur les personnes homosexuelles à ce stade et que l’on précise leur état en ne mentionnant pas toutes les autres, on affaiblit la protection juridique de toutes les autres. Les juristes et les avocats connaissent ce type de raisonnement.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. Jean-Frédéric Poisson. En l’état, même si nous le complétons, même si nous l’amendons, je prétends qu’en voulant renforcer la situation de certaines personnes qui sont désignées ici, nous affaiblissons la portée du droit.

    Cela me paraît grave. Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous dire à plusieurs reprises dans ce débat, madame la garde des sceaux : cette manière d’écrire la loi prouve que ce texte ne concerne pas que les personnes homosexuelles mais concerne tout le monde. C’est pourquoi je demande la suppression de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3194.

    M. Céleste Lett. Un des arguments de la majorité en faveur de ce projet de loi consiste à dire que ce texte était une promesse du candidat François Hollande. C’est juste, mais c’est un peu court. Le Président a été élu avec cinquante et quelques pour cent des voix. C’est encore un peu court, mais cela confère une petite légitimité.

    M. Philippe Martin. Petite légitimité ?

    M. Céleste Lett. Élu à 61 %, je pense avoir au moins la légitimité de défendre ici les valeurs que j’ai défendues pendant ma campagne devant mes concitoyens. Je ne suis pas le seul à être dans ce cas. Acceptez donc que nous répétions sans cesse nos arguments.

    M. Pascal Popelin. Mais changez-en !

    M. Céleste Lett. L’autre argument de la majorité est celui de l’égalité, ou de la suppression des discriminations. Il me semble pourtant que nous allons créer encore davantage de discriminations. Notre collègue vient d’en faire la démonstration sur le problème de la mobilité. Mais les discriminations entre les couples d’hommes et les couples de femmes posent aussi question.

    Quant à l’égalité, elle n’est pas toujours synonyme de justice. Ne pensez-vous pas qu’il eut été prioritaire de travailler sur d’autres engagements du candidat Hollande, notamment l’emploi. Le chômage crée davantage d’inégalités,…

    M. Philippe Martin. Quel dommage que vous ne vous en soyez pas occupés pendant dix ans !

    M. Céleste Lett. …qui déstructureront bien plus la famille que l’impossibilité pour deux hommes ou deux femmes de se marier ou d’adopter un enfant.

    Madame la garde des sceaux, je veux citer un homme politique que vous connaissez trop bien pour l’avoir fait perdre hier, Lionel Jospin : « Il n’est pas nécessaire d’institutionnaliser automatiquement les mœurs », disait-il. Que votre projet de loi fasse encore perdre la gauche demain ne me gêne pas. Ce qui me dérange plus, voire ce qui me révolte, c’est que toute notre société y perdra.

    Chers collègues de la majorité, vous avez peut-être la force du nombre mais vous n’avez pas la puissance de la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une réelle supplique : retirez ce funeste projet !

    M. Philippe Martin. C’est quoi, cette histoire de « petite légitimité » ?

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3396.

    Mme Catherine Vautrin. Je crois qu’Hervé Mariton a vraiment soulevé le problème de fond. Chacun comprend que vous cherchez avec cet article à éviter que des couples de personnes de même sexe subissent des discriminations lorsqu’ils partent dans un pays dont la législation n’est pas conforme à la déclaration des droits de l’homme.

    Le problème est que cela ne correspond pas à ce qui est écrit. L’article tel qu’il est rédigé peut très clairement causer un certain nombre de ruptures d’égalité. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la solution proposée par Hervé Mariton dans l’amendement n° 2040, qui tend à simplement à supprimer la fin de l’alinéa 2 de l’article 16 bis, c’est-à-dire les mots : « s’il est marié avec une personne de même sexe ». Nous répondons ainsi à l’objectif de protéger des salariés qui sont potentiellement menacés, sur lequel nous pouvons nous entendre, me semble t-il.

    C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement et, comme Hervé Mariton l’a demandé, monsieur le président, je souhaite entendre le Gouvernement avant la fin de cette série d’amendements pour voir comment nous pouvons avancer sur la rédaction de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5102.

    M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5312.

    M. Thierry Benoit. Nous sommes dans un débat très intéressant et très important. Même si les discussions sur ce texte peuvent apparaître très longues aux Français, ce texte aura au moins eu le mérite de lever certains tabous, il faut quand même le reconnaître.

    Il aura aussi été l’occasion pour le Parlement français – nous, à l’UDI, le disons depuis le début de cette discussion – de rappeler la nécessaire lutte contre toutes les formes de discrimination à l’endroit des personnes homosexuelles.

    Je pense que le Gouvernement va supprimer l’article 16 bis qui permet aux personnes homosexuelles mariées ou pacsées de refuser d’être mutées dans des pays dans lesquels elles estiment que leur homosexualité peut les mettre en danger. Cela constitue une différenciation et une inégalité par rapport à des personnes homosexuelles qui ne seraient ni mariées, ni pacsées.

    Il faudrait que nous puissions proposer, et c’est le sens de l’amendement d’Hervé Mariton, une sorte de clause d’objection de conscience dont le salarié pourrait arguer sans avoir à indiquer que son refus d’aller à l’étranger est motivé par son orientation sexuelle ou sa conviction religieuse. Il serait bon que le Gouvernement puisse travailler en ce sens : instaurer une clause de conscience dont pourrait se prévaloir toute personne qui se sent menacée lorsqu’elle est mutée à l’étranger.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux d’abord vous dire ma satisfaction devant cette discussion, qui est vraiment intéressante.

    L’article 16 bis, qui résulte d’un amendement de la commission des affaires sociales, reconnaît à un salarié la possibilité de refuser une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité. Dans la plupart des cas, il s’agit de salariés dont le contrat comporte déjà des clauses de mobilité. Il n’y a donc pas de discrimination, comme je l’ai entendu, entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels qui refuseraient des mutations. Ils sont à égalité, puisque cela concerne des couples, homosexuels ou hétérosexuels, dont l’un des membres a dans son contrat une clause de mobilité.

    Nous avons conscience des difficultés qui peuvent, dans l’absolu, se poser pour des personnes qui, parce qu’elles sont homosexuelles mais pas mariées, parce qu’elles sont chrétiennes – cela peut être le cas dans certains pays –, ou parce qu’elles sont femmes, pourquoi pas, auraient des réticences légitimes à refuser ces mutations. Mais l’article L. 1132-1 du code du travail protège déjà les salariés contre ce type de discriminations.

    Qu’est ce qui justifie alors que l’on prévoie ce que j’appelle une objection, une protection supplémentaire offerte à ces couples mariés ? C’est tout simplement le fait que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe va inscrire dans leur état civil, dans leurs papiers, leur homosexualité. Aujourd’hui, aucun d’entre nous n’est capable de déduire d’aucun document objectif l’homosexualité d’une personne. Cela va changer. Pour certains de nos compatriotes, l’homosexualité sera désormais inscrite dans leur état civil. Ce dernier sera utilisé pour obtenir des visas ou des aides dans les pays dans lesquels ils pourraient être mutés. C’est un fait objectif. Ce n’est pas le cas pour une personne qui serait chrétienne. D’ailleurs, l’employeur lui-même ne peut deviner la religion d’un salarié. C’est évidemment la même chose pour les femmes.

    La différence entre ces personnes tient à ce que la personne homosexuelle mariée se trouvera en infraction dès lors qu’elle posera le pied sur le tarmac du pays dans lequel elle est mutée et qui condamne l’homosexualité. C’est très différent de la situation des autres salariés dont vous parlez. Mais je conçois que ces problèmes existent.

    C’est pour cette raison que nous avons souhaité instaurer cette objection. Je précise que l’idée nous est venue, à Marie-Françoise Clergeau et à moi-même, à la suite d’un mail que nous avons reçu parmi tant d’autres. Nous avons reçu les personnes concernées, qui nous ont exposé concrètement ces difficultés-là. Leurs préoccupations semblent être partagées sur tous les bancs de notre assemblée.

    Il faut que nous ayons conscience d’une différence essentielle pour les couples de même sexe. L’ouverture du mariage à ces personnes va créer quelque chose qui n’existait pas dans notre pays : dans les papiers officiels, l’homosexualité figurera. Il faut en tenir compte, notamment dans les situations visées par ce nouvel article.

    Voilà la raison pour laquelle la commission a évidemment émis un avis défavorable aux amendements de suppression.

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ils’agit d’un sujet très important, que nous abordons malheureusement en fin de séance. Il est très positif de pouvoir échanger sur ce sujet. Je ne vais pas reprendre tous les arguments avancés par Erwann Binet.

    Il est vrai qu’on peut se poser la question de savoir pourquoi une disposition spécifique est prévue pour les personnes mariées avec une personne de même sexe, et non pas pour les personnes homosexuelles en général. Erwann Binet y a répondu. Mais la question se pose aussi dans le cas du PACS, car celui-ci est également inscrit sur l’acte de naissance. Ce sont les deux cas, le mariage et le PACS, dans lesquels l’état civil indique clairement l’homosexualité. C’est le premier point.

    Deuxième point : avec cette loi, nous créons une situation nouvelle, qui n’a pas pu être prise en compte par les salariés qui ont déjà signé une clause de mobilité dans leur contrat de travail.

    Je rappelle que l’article L. 1132-1 du code du travail protège les salariés contre les discriminations en général, y compris les discriminations en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle. Comme l’a dit M. Poisson, l’article L. 4121-1 prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés.

    S’agissant de la mise en œuvre des clauses de mobilité et des atteintes qu’elles peuvent porter au salarié ou à son conjoint, je rappelle la jurisprudence : le juge vérifie que la mise en œuvre d’une clause de mobilité par l’employeur est loyale, qu’elle ne constitue pas une sanction déguisée et qu’elle se justifie par l’intérêt de l’entreprise. Le juge vérifie même, lorsque la mise en œuvre de la clause porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, que cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le sujet.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur l’amendement de suppression. Elle proposera d’étendre aux personnes pacsées la disposition déjà adoptée par la commission pour les couples mariés.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Deux sujets sont imbriqués dans la discussion : d’une part, l’article 16 bis, et d’autre part, les amendements de suppression.

    Nous avons entendu les interrogations de M. Mariton, qui a considéré que la suppression de l’article n’était pas la réponse aux questions qui se posent.

    Nous avons également entendu l’observation de M. Poisson sur la place de cet article. Vous avez raison, la question de la place dans un code est importante et je crois qu’effectivement elle se pose ici. La difficulté porte sur le moment auquel on considère les choses. Si l’employeur s’oppose au refus du salarié d’être muté, la place est bonne. Si l’employeur ne s’y oppose pas, la place n’est pas logique.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien résumé. C’est tout le problème.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une difficulté. Nous allons voir s’il existe une place plus adaptée aux deux situations. Dans le cas où l’employeur s’oppose, la place est tout à fait justifiée.

    Comme l’a expliqué le rapporteur, et comme l’a ensuite précisé la rapporteure pour avis, nous serons face à une situation nouvelle, celle de couples de personnes de même sexe qui sont mariées. L’état civil rend flagrante leur orientation sexuelle. Il est important que ces personnes-là puissent être protégées si elles ont une clause de mobilité dans leur contrat. Il faut savoir que dans certains pays, l’homosexualité est punie de la peine de mort ; il ne s’agit pas d’un délit mineur ou d’une amende à payer.

    Mme Catherine Vautrin. Nous sommes d’accord.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’article prend donc en compte l’évidence de l’orientation sexuelle du fait de l’état civil, s’agissant d’un couple de personnes de même sexe mariées.

    Se pose également la question, soulevée par le rapporteur, des couples liés par un pacte civil de solidarité. Vous examinerez plus tard un amendement visant à prendre en considération la situation de ces couples.

    Madame Vautrin, permettez-moi au passage, car je n’ai pas eu l’occasion de le faire, de saluer la présidence que vous avez assurée durant notre séance d’hier soir et que j’ai trouvée d’excellente qualité (Applaudissements sur tous les bancs.)

    Vous proposez, plutôt que la suppression intégrale de l’article, de supprimer la fin de la phrase : « s’il est marié avec une personne de même sexe ». Sauf qu’il faut motiver l’opposition à la mobilité. Si un État incrimine l’homosexualité, il faut avancer une raison pour refuser d’y aller.

    Je ne vous cacherai pas que le Gouvernement considérait, au départ, que notre jurisprudence, à défaut de notre législation, protège les personnes concernées. Deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, l’un de 2007 et l’autre de 2008, ont donné raison à des salariés qui refusaient une mobilité pour ces motifs. Cependant, la jurisprudence protège a posteriori. Le texte proposé dans l’article vise à les armer a priori, de façon à ce que ces personnes puissent s’opposer à ces mobilités à risques.

    Le sujet est sérieux, et aucun d’entre nous n’est totalement sûr que nous le traitons de la façon la plus complète possible.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Alors, ça, c’est vrai, je n’en suis pas sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La réponse proposée est précise et, à mon avis, correcte, mais, s’agissant de la question de savoir pourquoi on ne protègerait pas éventuellement une personne célibataire, un problème se pose : elle serait contrainte à faire état de son orientation sexuelle.

    M. Thierry Benoit. Tout à fait !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On ne peut pas, dans le souci de protéger une personne, l’obliger à rendre publique son orientation sexuelle. Dans le cas d’un couple marié de personnes de même sexe, l’évidence est là. Une personne célibataire n’a, elle, aucune raison de faire savoir à son employeur qu’elle ne veut pas aller dans tel pays parce qu’elle est homosexuelle. Elle peut le faire de sa propre initiative, mais la loi ne peut pas le prévoir.

    En ce qui me concerne, je pense que cette disposition est indispensable pour les couples homosexuels, de même que son extension – c’est l’objet de l’amendement n° 4914 qui sera examiné ensuite – aux couples liés par un pacte civil de solidarité. En revanche, je m’interroge à propos des célibataires : nous souhaitons les protéger, mais nous n’avons pas, pour autant, à les exposer inutilement.

    Pour ces raisons, je propose que nous maintenions les dispositions de l’article 16 bis et que nous approfondissions un peu la question des célibataires, encore que je ne voie pas, pour ma part, comment trancher entre la liberté de taire son orientation sexuelle et une protection juridique.

    Voilà ce que j’avais à dire avant de me prononcer sur les amendements, si, d’aventure, ils étaient maintenus.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. C’est un débat important.

    Vous dites, madame la garde des sceaux, qu’il faut une raison pour refuser d’aller dans un pays où existe une incrimination de l’homosexualité. Ce propos est audible, mais vous demandez ainsi à la personne d’afficher son orientation sexuelle.

    Plusieurs députés du groupe SRC. On parle de couples mariés !

    M. Hervé Mariton. Si je peux me permettre, le mariage de deux personnes de même sexe – c’est un point auquel je pense maintenant et que l’on aurait peut-être pu évoquer davantage au cours du débat – dit-il explicitement (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC)… Non, ce n’est pas si drôle que ça. Le mariage de deux personnes de même sexe dit-il explicitement une orientation sexuelle permanente, éternelle, constante ? On ne va pas ouvrir ce débat à cet instant, mais…

    M. Jean-Yves Caullet. Le mariage de deux personnes de même sexe ne le dit pas plus, et pas moins, que le mariage traditionnel !

    M. Hervé Mariton. Mais je me suis peut-être un peu éloigné du sujet.

    L’enjeu est suffisamment important pour que nous puissions tout à fait souscrire à un amendement qui n’émane pas de nous. Ce n’est pas une question de droits d’auteur – excusez-moi de le formuler de cette manière. Il s’agit de chercher la meilleure protection des personnes. Pour ma part, je pense qu’elle ne passe pas par la signature de la reconnaissance d’une orientation sexuelle.

    J’entends qu’il y a les personnes mariées et les personnes pacsées – car, si le PACS est un contrat privé, il est inscrit en marge de l’acte de naissance –, mais il y a aussi des personnes qui vivent en union libre et des personnes célibataires qui mènent leur vie. Je comprends qu’un certain nombre de protections existent mais, vous le dites vous-même, tout cela conduit à des contentieux qu’il me paraîtrait préférable de résoudre par une législation explicite.

    Si l’on protège les mariés, protégeons aussi, dites-vous, les personnes pacsées. C’est une question que l’on aurait pu se poser en amont, mais, si l’examen de ce projet de loi est l’occasion de la résoudre, tant mieux. Cependant, si l’on protège des personnes pacsées, je ne comprends pas pourquoi on ne protègerait pas des personnes en union libre. Au-delà même des conditions développées par Mme Clergeau, qui sont les conditions de la mutation, pourquoi ne pas permettre d’emblée – je reconnais que c’est un pas important, mais cela me paraît fort – à un salarié à qui l’on propose une affectation dans un pays incriminant l’homosexualité, quelle que soit sa situation conjugale du moment, et qui au demeurant peut évoluer dans le temps, de disposer d’une protection ?

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Tout d’abord, madame la rapporteure pour avis, l’obligation qu’ont les employeurs d’assurer la sécurité et de protéger la santé de leurs salariés prime de loin leur obligation d’utiliser les clauses de mobilité de manière loyale, et heureusement ! Car le droit des salariés est beaucoup plus mis en cause quand ils sont mis en danger que quand on est déloyal à leur égard. En termes d’importance, l’article L. 4121-1 du code du travail l’emporte donc sur toute autre disposition.

    Ensuite, je le répète, madame la garde des sceaux, quelle que soit la manière dont vous rédigez cet article – je suis pour ma part en faveur de sa suppression pure et simple, et ne soutiens aucune forme d’amendement –, je pense qu’un risque de raisonnement a contrario existe : aucune des catégories de personnes qui ne seront pas précisément visées dans cet article ne pourra refuser la mobilité géographique, que ce soit dans le cadre de ces dispositions ou pour toute autre raison.

    Je le dis au rapporteur, qui n’est pas d’accord avec moi, mais c’est bien son droit : l’article L. 1132-1 du code du travail, qui traite des discriminations, prévoit toutes les situations de discrimination, y compris les discriminations en raison de l’orientation sexuelle. Nous en avons même ajouté une lorsque nous avons adopté le texte sur le harcèlement sexuel l’été dernier.

    Le droit actuellement en vigueur, qu’il s’agisse de la législation ou de la jurisprudence, est protecteur. Je le redis : ce qui prime dans cette affaire, c’est un principe extrêmement fort, l’obligation qui pèse sur l’employeur d’assurer la sécurité de ses salariés. C’est cela qui est en cause.

    Dernier point, je ne vois pas pourquoi une personne homosexuelle célibataire, dont l’homosexualité n’est connue de personne, serait plus en danger qu’une personne homosexuelle célibataire qui aurait fait connaître par ailleurs, publiquement, son orientation sexuelle, par exemple par voie de presse ou par une action militante. Je le répète donc : le droit actuel couvre ces situations. À vouloir l’écrire comme vous le faites, vous affaiblissez en réalité toutes les personnes qui pourraient, pour un motif ou pour un autre, être en danger dans un autre pays que la France.

    Pour cette raison, je maintiens mon amendement de suppression.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux répondre à M. Poisson.

    Le droit considère qu’aucune modification du contrat de travail ne peut être illimitée ni provoquer un bouleversement. Vous ne pouvez donc pas dire que le fait de protéger les couples mariés de personnes de même sexe pénalisera les couples hétérosexuels, car ces personnes sont aussi protégées. Le fait de protéger des couples homosexuels dont l’orientation sexuelle est évidente ne fragilise pas la protection des autres, puisque celle-ci est liée au fait qu’aucun changement ne peut être illimité ni provoquer un bouleversement profond.

    Deuxième point, je vous rappelle que le code du travail traite du mariage. En effet, un certain nombre de droits sont ouverts du fait du mariage, et ce sont les conventions collectives qui, à l’occasion, vont étendre ces droits à d’autres situations, notamment aux personnes liées par un pacte civil de solidarité.

    L’orientation sexuelle des couples mariés est évidente. Je ne comprends pas M. Mariton lorsqu’il s’interroge à ce propos : lorsque deux personnes de même sexe sont mariées, cela ne dirait pas forcément leur orientation sexuelle ?

    M. Hervé Mariton. Elles ont pu se marier pour des raisons patrimoniales !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Allons bon ! En tout cas, l’employeur – ou toute autre personne – qui prend connaissance de l’état civil des personnes en question n’en déduira pas d’hypothétiques « raisons patrimoniales », mais plutôt une orientation sexuelle probable !

    Je pense qu’il faut donc maintenir cette disposition, et je maintiens qu’elle ne fragilise en rien la protection des célibataires, ni celle des couples hétérosexuels.

    Effectivement, la question que nous nous posons concerne aussi les personnes qui relèvent de l’union de fait, c’est-à-dire de ce que le code civil appelle le concubinage, mais la différence entre, d’une part, des personnes mariées ou pacsées et, d’autre part, des concubins, c’est qu’il y a un document.

    M. le président. Bien, madame la garde des sceaux. Je pense que l’Assemblée est suffisamment éclairée. On peut considérer que vous ne soutenez pas ces amendements de suppression ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ça, non ! J’y suis fort défavorable !

    (L’amendement n° 106 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures trente.)

  • 3e séance du vendredi 8 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2040 à l’article 16 bis.

    Article 16 bis

    M. le président. Nous en venons à l’article 16 bis.

    Mes chers collègues, si chacun d’entre nous y met un peu de bonne volonté, nous pourrons terminer l’examen de ce projet de loi dans la nuit. C’est donc vous qui déterminerez l’heure de la nuit à laquelle nous terminerons nos débats.

    M. Patrick Ollier. On peut y arriver, monsieur le président.

    M. le président. Je vois que chacun a bien compris mon message. Je sais que M. Mariton doit déguster une omelette aux truffes : autant qu’il soit en forme pour cette dégustation !

    M. Patrick Ollier. Il doit la déguster dimanche !

    M. le président. Justement, il pourra se reposer samedi. Il faudra ensuite qu’il nous en rapporte un petit peu, pour que nous puissions la goûter.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2040.

    M. Hervé Mariton. Nous avons largement débattu du fond de cette question tout à l’heure, en fin de séance.

    Permettez-moi de poser une question supplémentaire. Imaginons un couple, ou une personne, auquel ou à laquelle on propose une mutation à l’étranger. Ce couple – marié ou non – ou cette personne a des enfants, dont un ou plusieurs sont homosexuels.

    Ce foyer est composé de parents, ou simplement d’un parent, ainsi que d’enfants, dont au moins un est homosexuel.

    M. Erwann Binet, rapporteur et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. On a compris !

    M. Hervé Mariton. Cet enfant serait de fait concerné par la mutation de son ou de ses parents.

    Madame la ministre de la justice, je pense que cette question est sérieuse. Vous pourriez y prêter attention. Il y a une grande différence entre la rédaction que je propose et celle du texte de la commission ; je dis cela sans esprit partisan. Cette différence réside dans le fait que ma formulation permet à la personne mutée de refuser sa mutation parce que son enfant homosexuel serait en danger dans le pays où on lui propose d’aller. Votre formulation, à l’inverse, ne permet de protéger que la personne mariée, ou éventuellement pacsée. Je me permets de rappeler cela.

    Les salariés non pacsés ou mariés seront-ils obligés de courir ce risque, au seul motif que nous aurions décidé de ne pas étendre la protection à tous les Français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Votre amendement, monsieur Mariton, propose de supprimer la fin de l’alinéa 2 de l’article 6 bis, après le mot « homosexualité ».

    Je vais lire cet article, car tous les termes sont importants : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié avec une personne de même sexe. » Avec l’amendement n° 2040, vous rendriez inefficaces les clauses de mobilité de tous les salariés, qu’ils soient homosexuels ou non, dans le cas d’une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité.

    M. Hervé Mariton. C’est exact.

    M. Erwann Binet. C’est excessif ! Vous avez pour habitude de tirer d’abord trop court, pour ensuite ajuster votre tir. Pour une fois, vous tirez beaucoup trop loin ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    C’est une image que vous employez régulièrement, monsieur Mariton. Vous tirez beaucoup trop loin : c’est une évidence !

    M. Hervé Mariton. L’école Polytechnique est historiquement une école d’artillerie ! (Sourires.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. À la lumière des échanges que nous avons eus tout à l’heure, l’avis du Gouvernement est clairement défavorable.

    M. Jean Glavany. Eh oui ! Ça suffit comme ça !

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Je trépigne d’impatience en attendant de savoir ce que M. le rapporteur nous dira de l’amendement n° 2027, lorsque notre collègue Hervé Mariton le présentera dans quelques minutes. Cet amendement répond précisément aux insuffisances que vous reprochez à l’amendement n° 2040. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

    À l’occasion de la discussion de cet amendement, je vous invite à réfléchir à la certitude que vous avez laissé paraître tout à l’heure. Vous avez en effet utilisé une formule qui m’a laissé très perplexe, celle de l’évidence de l’acte d’état civil. J’aurais pu relever cette formule tout à l’heure, mais mes deux collègues auteurs de l’amendement avaient toute légitimité pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    Vous considérez que l’acte d’état civil établit de manière certaine, assurée et définitive, une évidence quant à l’orientation sexuelle des personnes qui y figurent. Je ne suis pas persuadé que cette certitude soit aussi inébranlable que cela. Nous pourrions tous citer des exemples, tirés de notre expérience personnelle, qui tempèrent cette certitude. Je compte parmi mes amis de très longue date un couple marié, hétérosexuel, ayant eu trois enfants. La conjointe a quitté le domicile conjugal, son mari et ses enfants pour rejoindre sa compagne. Le mariage n’ayant pas été immédiatement dissous, l’acte d’état civil ne correspondait plus, pendant un certain temps, à l’orientation sexuelle de la personne en question.

    Je me permets de vous donner cet exemple pour faire valoir une chose : nous souhaitons que la protection des personnes homosexuelles ne se réduise pas au cadre du mariage. Voilà à quoi tendent nos arguments, et les amendements que nous défendons.

    (L’amendement n° 2040 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2027.

    M. Hervé Mariton. L’artillerie est avant tout affaire de géométrie. (Sourires.)

    M. Jean Glavany. C’est un spécialiste qui parle !

    M. Hervé Mariton. Cela me paraît évident. Je réponds à la préoccupation de M. le rapporteur : comme l’a annoncé Guy Geoffroy, j’ajuste le tir. J’ajoute donc à ma proposition de rédaction la mention suivante : « s’il est homosexuel ». J’avoue avoir eu quelque réticence à proposer cette formulation, car elle implique que les personnes concernées énoncent leur orientation sexuelle.

    Cependant, puisque vous n’avez pas accepté mon amendement précédent, celui-ci me paraît apporter une moins mauvaise solution. Certes, il pourrait être formulé un peu différemment. Mais s’il devait être adopté, la navette parlementaire permettrait de l’améliorer encore. Le principe, au moins, serait acquis.

    Avec cet amendement n° 2027, la personne homosexuelle serait protégée, et pourrait éventuellement protéger ses enfants. Au moment de la discussion de l’amendement précédent, n° 2040, vous ne m’avez pas répondu sur ce point : votre dispositif est totalement inefficace pour protéger la famille dans son ensemble, et les enfants homosexuels en particulier.

    Quoi qu’il en soit, cet amendement corrige le tir. J’espère que vous y serez favorable. Il est cependant vraiment dommage que vous n’ayez pas accepté l’amendement précédent. Le contenu de cet amendement pourrait être corrigé, puis intégré à l’un des amendements que vous présenterez plus tard. Il s’agira alors d’allonger le tir de votre amendement, qui est peut-être un peu court. L’amendement proviendra alors du groupe socialiste, et non du groupe UMP. Dans ce cas, nous pourrions nous aussi le voter.

    M. le président. Monsieur le rapporteur, cet amendement est-il un boulet ? (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Oh ! Fait personnel ! (Sourires.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un amendement canon, monsieur le président ! (Sourires.)

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je pense que vous tirez encore une fois trop loin.

    Ma réponse portera également sur votre préoccupation – que je comprends – concernant les enfants de ces familles, qui s’expatrient avec leurs parents. Vous proposez à présent d’ouvrir la protection de l’article 16 bis à toute personne homosexuelle, et non plus seulement aux personnes homosexuelles mariées ou pacsées, dont nous parlerons tout à l’heure. Nous nous situons là dans le cadre des relations de travail. Cet article donne la possibilité aux salariés d’émettre une objection à leur mutation dans un État incriminant l’homosexualité.

    Il faut objectiver cette protection, il faut qu’elle soit concrète, pratique. Pardonnez-moi, mais je ne vois pas comment un homosexuel pourrait prouver qu’il l’est, ni comment les employeurs pourraient contrôler que leurs employés disant être homosexuels le sont ! Le mariage permet d’éviter cet écueil. J’entends bien les arguments de M. Geoffroy, mais ils ne portent que sur des cas marginaux. Le mariage, parce qu’il établit dans l’état civil la réalité de la relation entre deux hommes ou deux femmes, tend à démontrer leur homosexualité.

    M. Guy Geoffroy. S’ils sont mariés !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Oui, cela ne concerne pas le Pacs.

    M. Hervé Mariton. Il fallait donc accepter l’amendement n° 2040 !

    M. Erwann Binet, rapporteur. En l’occurrence, nous visons clairement les incriminations en vigueur dans certains pays, qui sont précisément dénombrés : il y en a 88 dans le monde, dont huit où les homosexuels encourent la peine de mort.

    Marie-Françoise Clergeau et moi souhaitons vraiment objectiver la situation des personnes qui sont homosexuelles et ne peuvent pas le cacher car cet état de fait est inscrit dans leur état civil. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Geoffroy, si j’entends bien l’exemple que vous avez donné…

    M. Guy Geoffroy. C’est un cas parmi d’autres !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout à fait ! Justement, ce n’est qu’un cas parmi d’autres !

    Projetons-nous dans la situation future, lorsque ce projet de loi sera adopté. Le fait est que deux personnes de même sexe pourront être mariées. Le document d’état civil que ces personnes pourront être amenées à communiquer à leur employeur fera apparaître qu’elles ont épousé une personne de même sexe. Cela me paraît être une bonne preuve de leur homosexualité. À partir de là, on peut faire des gammes…

    M. Guy Geoffroy. Non, madame la ministre ! De grâce, restons sérieux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela paraît tout de même évident !

    Notre souci actuel est de protéger des personnes dont l’état civil établit qu’elles ont épousé une personne de même sexe. Il ne s’agit pas de se préoccuper de l’homosexualité des employés : je suis tout à fait hostile au fait d’inscrire dans la loi des mentions telles que « s’il est homosexuel ».

    M. Philippe Le Ray. Très bien ! Vous avez raison !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Notre souci est de savoir si des documents d’état civil établissent qu’une personne a épousé une autre personne de même sexe. Sur la base de ces documents d’état civil, son orientation sexuelle est évidente : il n’y a pas besoin d’un coming out, ni d’un aveu, d’une explication, ou de quoi que ce soit pour la prouver ! Nous devons protéger ces personnes-là.

    Les personnes dans cette situation dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité doivent être en mesure de faire prévaloir leur sécurité. Pour cela, elles doivent pouvoir objecter leur homosexualité pour ne pas être affectées dans des pays la réprimant. Je ne vois pas où est la difficulté.

    Vous nous dites que les documents d’état civil ne garantissent pas toujours l’orientation sexuelle des personnes concernées à un moment donné. Oui, il y a des cas de mariages qui se terminent au bout de soixante-cinq ans de vie commune, et des couples qui restent mariés bien que les conjoints ne vivent plus ensemble. D’autres couples divorcent au bout de six mois.

    Comme l’a dit un député de l’opposition – il me semble que c’était M. Mariton, au cours des débats en commission des lois –, il ne faut pas comparer le Pacs et le mariage, car le mariage est a priori une institution stable. Certes, le mariage va de pair avec le droit de divorcer, et la liberté de se marier ne se conçoit qu’avec la liberté de défaire le mariage : je n’ai jamais cessé de le répéter. Il n’en demeure pas moins qu’a priori le mariage est une institution stable. Si un acte d’état civil fait apparaître un mariage entre deux personnes de même sexe, l’orientation sexuelle de ces personnes est d’une certaine façon affichée. Notre souci est de les protéger. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 2027 n’est pas adopté.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 13.

    Mme Véronique Massonneau. Comme cela a déjà été dit par plusieurs orateurs, l’article 16 bis vise à empêcher le licenciement d’une personne mariée à un conjoint de même sexe qui refuserait une mutation dans l’un des 80 États incriminant l’homosexualité. L’homosexualité est malheureusement encore passible de la peine de mort dans sept de ces États.

    Cet amendement, semblable à celui de Mme Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, propose d’élargir cette nécessaire protection aux salariés partenaires d’un PACS conclu avec une personne de même sexe. Le fait d’être pacsé figure en mention marginale sur l’acte de naissance de chaque partenaire. Il s’agit de protéger ces personnes en cas de refus de mutation. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2025.

    M. Hervé Mariton. Nous essayons de faire des progrès, même partiels. Je dois dire que je ne comprends plus votre attitude. Les différents groupes de cette assemblée ont, sur ce projet de loi, des positions différentes. Alors que nous arrivons à la fin de nos débats, nous assistons à une sorte de raidissement partisan assez compliqué à décrypter.

    L’amendement n° 13 propose d’étendre cette disposition aux partenaires pacsés en essayant d’ajuster le tir et l’amendement n° 2025 suggère de l’appliquer aux partenaires de pacte civil de solidarité. L’amendement des Verts, tout en étant moins bon que notre amendement initial, est utile, parce qu’il couvre la situation de l’enfant homosexuel et celle des partenaires pacsés, que ce soit deux hommes, deux femmes ou un homme et une femme.

    Je précise parce qu’il semble y avoir un certain trouble…

    M. le président. C’est le moins que l’on puisse dire !

    M. Hervé Mariton. Par cet amendement, nous proposons de préciser non pas si le salarié est marié avec une personne de même sexe, mais s’il est marié ou pacsé. L’amendement ainsi rédigé ne fait aucune référence au mariage de personnes de même sexe.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir l’amendement n° 4914.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je crois que l’amendement que je vais vous présenter va nous mettre tous d’accord !

    Nous avons tous bien compris que le fait d’être homosexuel n’est pas une réalité juridique, alors qu’il convient de se baser sur des faits juridiques. Ce qui est vrai pour le mariage de personnes de même sexe l’est également pour le Pacs liant des personnes de même sexe.

    Je propose donc d’ajouter au deuxième alinéa de l’article 16 bis, après le mot « marié » les mots : « ou lié par un pacte civil de solidarité » ; la phrase se lisant ainsi : « marié ou lié par un pacte civil de solidarité », ce qui paraît parfaitement logique et cohérent avec toutes les discussions que nous avons depuis, maintenant, plus d’une heure.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements nos 13, 2025 et 4914 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ces trois amendements apportent la même précision. La volonté est la même et nous sommes tous d’accord. Seules les formulations diffèrent. L’amendement de M. Mariton emploie le mot « pacsé ». Or, si ce mot est employé dans le langage courant, il n’est pas juridiquement satisfaisant, car il n’existe pas dans notre droit. Il en va de même de l’amendement de M. Coronado. Un Pacs est un contrat et l’on ne peut être partenaire d’un Pacs. La formulation juridiquement consacrée, « ou lié par un pacte civil de solidarité » – et je pense que nous sommes tous d’accord – , est celle reprise par l’amendement de Mme Clergeau. C’est pour cette raison que la commission a donné un avis défavorable aux deux premiers amendements et a donné un avis favorable à celui de Mme Clergeau.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’esprit de ces trois amendements est exactement le même, il s’agit juste d’une question de formulation. Le Gouvernement approuve la démarche. Il a simplement choisi, parmi ces trois amendements, celui qui a été rédigé par Mme la rapporteure pour avis, auquel il donne donc un avis favorable, cet avis favorable n’étant que virtuel pour les deux autres.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Autant mon amendement initial était bien rédigé, autant je ne suis pas certain que l’amendement que j’ai précédemment défendu l’était parfaitement ! J’avais en effet en tête que l’on précise : « dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié ou pacsé. » Je prends bien entendu en compte l’observation syntaxique du rapporteur. L’amendement n° 13 propose quant à lui de préciser : « s’il est marié ou pacsé avec une personne de même sexe ». Autant nous souhaitons apporter une réponse à toutes les situations, autant – et je m’exprime à titre personnel – il ne me paraît pas judicieux d’apporter une protection aux seules personnes mariées ou pacsées avec une personne de même sexe, parce que cela ne répond pas aux configurations concrètes que j’ai évoquées tout à l’heure, à savoir la situation de l’enfant homosexuel. Un amendement précisant « marié ou pacsé » sans apporter davantage de précisions, mais couvrant un grand nombre de situations, nous conviendrait, même s’il semble préférable d’offrir la protection à tous : mariés, pacsés, concubins, célibataires. Mais, tel que le texte est actuellement rédigé, il est trop restrictif. Par conséquent, en ce qui me concerne, je ne soutiendrai pas l’amendement de Mme Clergeau dont le ciblage est trop étroit puisque exclusivement réservé aux couples de même sexe.

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. L’amendement de Mme Clergeau est à mon sens parfait. Il est fort bien rédigé et il prend en compte les deux situations : ceux qui sont mariés et ceux qui sont pacsés, car il y a un acte. Quant aux autres, cela ne les élimine pas. En effet, la jurisprudence, comme cela a pu se passer, par exemple, en matière de préjudice moral lors d’accidents de voiture, s’est d’abord appliquée aux personnes mariées, puis aux concubins et, enfin, à ceux qui démontraient par tous moyens devant le tribunal qu’ils se trouvaient dans la même situation que s’ils étaient mariés. Les homosexuels qui ont une vie continue ensemble, mais qui ne sont pas liés par un Pacs ou par un contrat de mariage, pourront démontrer la pérennité de leur situation et, à partir de ce moment, obtenir leur protection devant les tribunaux. J’espère que ces précisions qui figureront au Journal officiel leur serviront.

    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

    M. Noël Mamère. Nous soutiendrons l’amendement présenté par Mme la rapporteure, mais nous aurions préféré que vous proposiez de sous-amender notre amendement. Vous auriez, ainsi, pu accepter un amendement émanant des écologistes sur un sujet fondamental et qui a fort bien été expliqué par M. le rapporteur et par Mme la garde des sceaux en réponse aux explications de M. Mariton, qui n’étaient pas faites sous la forme d’une injonction.

    Vous avez fait effectivement quelques gammes sur ce sujet, pour reprendre l’expression très judicieuse de Mme la garde des sceaux. On ne pouvait pas imaginer accorder une protection à des couples homosexuels mariés sans l’étendre au pacte civil de solidarité.

    M. Hervé Mariton. Et aux autres !

    M. Noël Mamère. Nous avons déjà parlé des autres ! Nous n’allons pas recommencer le débat ! Les arguments invoqués me paraissent extrêmement justes. Ce que vous avez soutenu ne peut pas faire partie de ce texte de loi,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr que si !

    M. Noël Mamère. …car c’est un autre sujet qui pourrait trouver sa place dans des lois sur la protection des droits de l’homme.

    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

    M. Serge Janquin. Je me réjouis de constater que, sur tous les bancs de cette assemblée, on s’inquiète de la situation des homosexuels mutés à l’étranger. On compte encore soixante-dix-huit pays qui répriment vigoureusement l’homosexualité, laquelle est passible de la peine de mort dans sept d’entre eux.

    Cette préoccupation est donc légitime. Cela dit, l’amendement présenté par Mme Clergeau est le seul à être cadré en droit. Je propose donc de s’y rallier, puisqu’il répond à la préoccupation de chacun.

    M. le président. L’amendement n° 13 est-il maintenu, monsieur Coronado ?

    M. Sergio Coronado. Comme l’a dit M. Mamère, nous acceptons la proposition de la rapporteure.

    M. le président. Donc vous retirez cet amendement ?

    M. Noël Mamère. Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Mamère.

    M. Noël Mamère. Construire l’État de droit, c’est aussi faire de la politique, pardonnez-moi de vous le dire ! Sur la question du mariage des personnes de même sexe, je pense que ceux qui siègent sur nos bancs ont une certaine longueur d’avance. Cela fait des années que nous attendions le vote d’un tel texte. Si je fais le compte de tout ce qui a été discuté depuis plus d’une semaine, je constate qu’aucun amendement des écologistes n’a été repris par le Gouvernement. Donc, vous vous prononcerez sur notre amendement et nous voterons celui de Mme Clergeau, mais, pour une question de principe, nous ne retirons pas notre amendement !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58.

    Si je comprends bien, M. Mamère maintient un amendement dont il n’est pas le signataire, puisqu’il est présenté par M. Coronado.

    M. Noël Mamère. Si !

    M. le président. Cet amendement a plusieurs signataires ; sinon, je ne lui aurais pas donné la parole.

    M. Christian Jacob. Comment allez-vous arbitrer au sein du groupe écologiste, alors qu’un des signataires maintient l’amendement tandis que l’autre le retire ? Je pose cette question pour éclairer le débat !

    M. le président. Monsieur Jacob, à partir du moment où il n’y a pas consensus au sein du groupe, je soumets l’amendement au vote de l’Assemblée.

    (L’amendement n° 13 n’est pas adopté.)

    (L’amendement n° 2025 n’est pas adopté.)

    (L’amendement n° 4914 est adopté.)

    (L’article 16 bis, amendé, est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Dolez. Très bien !

    Article 21

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, inscrit sur l’article.

    M. Hervé Mariton. L’article 21 traite de la situation de la collectivité départementale de Mayotte qui peut justifier, compte tenu de sa situation particulière, une réponse spécifique.

    Pour une fois, le Gouvernement examine un peu finement les situations et essaie de leur adapter son projet. Toutefois, ce texte ne nous satisfait globalement pas. Je le rappelle, parce que votre regard est curieux, madame la garde des sceaux. Notre collègue de la Martinique s’est exprimé à la tribune avec force, talent et conviction contre le texte. Or vous nous avez répondu que nombreux étaient ceux qui y étaient favorables. J’ai cru comprendre qu’au sein du groupe GDR, bien que je n’aie pas à intervenir en son nom,…

    M. Marc Dolez. J’espère bien !

    M. Hervé Mariton. …de très nombreux parlementaires, tous n’étant d’ailleurs pas issus d’outre-mer, étaient défavorables à ce texte.

    M. Matthias Fekl. Ils ont un nom !

    M. Hervé Mariton. Nous les respectons tous. Mon propos n’est pas désagréable. Je ne vous comprends pas.

    Nous espérons qu’au Sénat beaucoup de parlementaires d’outre-mer – qui sont plus nombreux au sein du groupe socialiste – pourront exercer leur liberté, et que cela permettra de faire échec au texte.

    M. Céleste Lett. C’est moins sûr !

    M. Hervé Mariton. Vous ne pouvez pas affirmer, madame la garde des sceaux, que très peu de nos collègues y sont opposés, car c’est le cas d’un très grand nombre d’entre eux et vous le savez !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas dit cela et ce n’est pas une question arithmétique !

    M. Hervé Mariton. Ne m’interrompez pas, madame la garde des sceaux, parce que je ne vous interromps, pour ma part, que lorsque c’est absolument nécessaire ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Vous venez d’accorder cinq secondes supplémentaires à M. Mariton !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ne parlez pas en mon nom, je ne vous interromprai pas.

    M. Hervé Mariton. Un grand nombre de parlementaires, de maires et de citoyens ne souhaitent pas ce texte, et la lecture de France-Antilles ces dernières semaines le démontrait clairement. C’est la loi de la République. Nous avons débattu de l’article 73 de la Constitution. Je rappelle simplement cette opposition.

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements tendant à supprimer l’article 21.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 440.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cela nous manquait !

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je suis heureux de vous entendre enfin !

    Ce texte est critiqué par le plus grand nombre de nos concitoyens d’outre-mer, prenez-en conscience, mes chers collègues. Si, par malheur, il est voté, ce sera une loi de la République, mais il est important qu’elle soit comprise dans le plus grand nombre de territoires. Une loi dont on sait qu’elle est insupportable pour de nombreuses raisons dans une partie significative du territoire n’est pas une bonne loi, et les dispositions particulières que vous proposez pour Mayotte n’y changent rien. Le Gouvernement devrait donc s’interroger davantage.

    J’ai d’ailleurs compris que, par exemple, celui de nos collègues qui a succédé sur nos bancs à Victorin Lurel n’avait pas toujours exprimé un grand enthousiasme pour ce texte.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors ?

    M. Hervé Mariton. Mesurez-vous le courage que cela demande…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui. Il en faut !

    M. Hervé Mariton. …à un député siégeant ici en tant que suppléant de l’un des membres du Gouvernement de dire son opposition au texte ?

    M. Philippe Martin. Cela vous laisse pantois !

    M. Hervé Mariton. Non. Dans notre groupe, chacun s’exprime librement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chez nous aussi !

    M. Hervé Mariton. Je souhaiterais simplement que vous teniez compte de cette objection, que, comme cela a été le cas à différentes périodes de notre histoire, vous voyiez là un élément précurseur d’une sagesse remarquable et que cela vous amène à retirer votre texte.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 452.

    M. Christian Jacob. Hervé Mariton vient d’y faire allusion, on voit combien il est difficile pour nos collègues de la majorité qui ont envie d’avoir la même position que nous, c’est-à-dire de refuser ce texte, de s’exprimer. Ils ont été interdits de temps de parole dans la discussion générale, ils n’ont pas eu le droit de déposer des amendements. Nous n’avons pas pu les entendre parce que leur expression a été verrouillée.

    En fait, un grand nombre d’entre eux, et on le voit outre-mer, ne se retrouvent pas dans ce texte, pour les mêmes raisons que nous. La PMA, les mauvaises rédactions et les incohérences du code civil, les risques encourus par les couples homosexuels étrangers venant se marier en France qui pourraient être condamnés au pénal dans leur pays d’origine, les difficultés pour le nom patronymique, les problèmes de rédaction de l’amendement balai, les références sexuées supprimées dans certains articles mais pas dans tous, et, fondamentalement, le droit à la filiation et le débat sur l’adoption, avec la PMA et la GPA, tout cela fait qu’il y a aujourd’hui un rejet. C’est la raison pour laquelle nous souhaitions que soit organisé un référendum.

    Nous sentons bien qu’il y a une opposition globale à ce texte, et l’intérêt du débat que nous avons eu, c’est d’avoir pu la faire émerger. J’invite donc mes collègues de la majorité qui ont envie de nous rejoindre, qui ont le même socle de convictions que nous, à s’exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Jean Glavany. Des noms !

    M. Christian Jacob. …notamment ceux d’outre-mer, et je salue mon collègue du groupe communiste qui a pu s’exprimer.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 762.

    M. Frédéric Reiss. L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales en cas de couple de deux personnes de même sexe.

    Actuellement, à Mayotte, priorité est donnée à la mère pour la désignation de l’allocataire des prestations. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames, et cela me semble très important.

    Depuis le début des débats, la majorité prône l’égalité des droits pour tous. On voit bien que le texte n’a pas été suffisamment travaillé et qu’il y a des dommages pour tous, y compris à Mayotte, et ce pour permettre le mariage de quelques-uns. Il faut donc supprimer cet article.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1147.

    M. Philippe Cochet. Nous souhaitons évidemment supprimer l’article 21 mais, au-delà de cet article, il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux.

    Il y a des gens dans cet hémicycle qui sont très heureux de ce texte. C’est bizarre, mais des millions de Français qui ne participent pas à nos travaux, qui auraient aimé participer à un moment ou à un autre à des débats nationaux, considèrent qu’il n’est ni fait ni à faire. Ils ont tout à fait raison étant donné qu’à mon avis il aura du mal à être promulgué.

    J’en veux pour preuve le malaise que l’on sent dans votre majorité. On a rarement vu en effet un tel mutisme.

    Ce mutisme peut s’expliquer de deux façons. Soit c’est une conviction propre et, en dépit des différents arguments des orateurs de l’UMP, vous n’avez pas été convaincus, soit vous vous affranchissez de la règle principale qui doit être celle d’un parlementaire, voter en son âme et conscience. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. Philippe Cochet. Nous pouvons en parler tout à fait librement à l’UMP. Cela fait dix ans que je suis élu, jamais nous n’avons eu une consigne de vote. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Sur un sujet de société de cette importance, vous vous grandiriez, mesdames, messieurs de la majorité, à retrouver cette capacité de voter en votre âme et conscience car, une fois que vous aurez voté, vous aurez toute votre vie mauvaise conscience. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1435.

    M. Nicolas Dhuicq. Vous poursuivez vraiment dans les particules élémentaires. Décider que l’allocataire sera la première personne qui fera la demande, c’est totalement surréaliste.

    Les droits, la paternité varieront en fonction des différents partenaires et, inéluctablement, vous arriverez à avoir des enfants qui auront trois ou quatre parents, avec la confusion que vous instaurez en permanence, cette destruction de la paternité, de la famille, de la filiation, des patronymes. Au bout du compte, où se trouve l’enfant dans vos positions de principe ?

    Vous êtes en train de rendre extrêmement complexe la vie de ces enfants. Un grand nombre d’entre eux arriveront certainement à faire leur parcours de vie, mais vous allez augmenter le nombre de celles et ceux qui seront dans la souffrance, pour céder au désir de quelques adultes de se perpétuer par l’intermédiaire d’un enfant, non pas pour l’enfant, mais simplement pour eux-mêmes.

    Alors, de grâce, essayez d’entendre raison et expliquez aux Français ce que vous êtes réellement en train de faire, de détruire, de détricoter, de dissocier. Vous êtes vraiment dans les déliaisons, dans la destruction de ce qui fait l’humain, mes chers collègues, et vous devriez prendre un autre ton. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1191.

    Mme Laure de La Raudière. L’article 21 prévoit une adaptation spécifique pour le territoire de Mayotte.

    On voit bien que les dispositions concernant la filiation sont compliquées. Une question reste en suspens, comme dans le reste du territoire national : la présomption de paternité ne pouvant s’appliquer aux couples de même sexe, quelle place faut-il réserver aux tiers, c’est-à-dire aux parents biologiques, qu’ils soient connus ou anonymes, et, quand un enfant d’un couple de même sexe voudra accéder au nom de son parent biologique, cela fera-t-il un troisième parent ? Comment allez-vous gérer cette situation particulière ? Qu’est-il prévu aussi en matière d’état civil ? Les actes de naissance et les livrets de famille seront-ils les mêmes pour tous les enfants ou feront-ils selon les cas l’objet d’aménagements particuliers ?

    Nous attendons encore des réponses à un grand nombre de questions, mesdames les ministres.

    Nous attendons également encore et toujours l’avis du Conseil d’État. Nous vous le réclamerons de façon continue jusqu’à la fin de cette séance.

    M. Jean Glavany. Et même après !

    Mme Laure de La Raudière. Ce qui a fuité dans la presse n’était pas très rassurant et nous pensons que, si vous nous refusez l’accès au reste de l’avis, c’est que cela doit être pire et que vous cachez quelque chose à la représentation nationale et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1599.

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai deux convictions après nos débats de cet après-midi.

    Nous avons adopté un sous-amendement et un amendement qui, de mon point de vue, je le répète, remettent en cause la liberté d’association qui figure dans la Constitution. En forçant toutes les associations, et je ne me souviens pas qu’il y ait des restrictions dans les rédactions que nous avons adoptées, à assurer la représentation en leur sein des familles homoparentales, nous réduisons la liberté de s’associer garantie par la Constitution.

    Par ailleurs, j’ai la conviction, madame la garde des sceaux, que, par l’article 16 bis que nous avons adopté tout à l’heure, même avec l’amendement de Mme Clergeau, nous affaiblissons la protection juridique de toutes les personnes qui ne sont pas spécifiquement mentionnées dans cet article et nous ouvrons la voie à des raisonnements a contrario devant les tribunaux. Puisque seules sont protégées les personnes qui sont en danger dans les pays étrangers du fait de leur homosexualité, les autres ne le sont pas, et je maintiens que cela affaiblit le droit des personnes.

    Je suis donc triste de constater que, conformément à ce que nous disons depuis le début de ces débats, votre texte a beaucoup de conséquences pour toutes les personnes qui ne sont pas directement concernées par la fondation de couples homosexuels, et que cela affaiblit le droit de nos concitoyens.

    Il y a encore trois questions en suspens à ce stade des débats, mais je les préciserai dans une intervention ultérieure.

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1629.

    M. Christophe Guilloteau. Projetons-nous dans le moment d’après, avez-vous dit tout à l’heure, madame la garde des sceaux. J’ai essayé de me projeter dans le texte suivant et je suis allé chercher le projet n° 631, relatif à l’élection des conseillers départementaux, qui a été transmis par le Premier ministre au président de l’Assemblée nationale. Son examen a du reste mal commencé puisqu’il a été rejeté par le Sénat.

    Vous proposez à l’article 2 que chaque canton d’un département élise au conseil départemental deux membres de sexe différent. Je savais qu’il y avait le mariage pour tous, je vois que l’on n’a pas le canton pour tous. Ou ce texte est discriminatoire ou il fera l’objet de nombreux recours.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Lamentable !

    M. Christophe Guilloteau. Je suis très inquiet pour Manuel Valls, qui va présenter ce texte dans quelques jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1765.

    M. Guillaume Chevrollier. L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales en cas de couple de personnes de même sexe. Actuellement, priorité est donnée à la mère. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers de ce territoire. Le projet de loi prévoit pour les couples de personnes de même sexe la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire.

    Cet article me donne l’occasion de vous rappeler l’intervention de notre collègue Nestor Azerot, député de la Martinique, dont le plaidoyer était valable pour tout l’outre-mer. Dans leur grande majorité, nos concitoyens d’outre-mer ne veulent pas de ce texte, comme ceux de métropole, d’ailleurs. Nestor Azerot l’a exprimé avec une force, une conviction et un courage qui méritent l’admiration.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. Guillaume Chevrollier. Que nous a-t-il dit ? Que le mariage donne « un cadre juridique à une donnée naturelle » qui est la procréation, que ce texte va « fragiliser l’édifice » sur lequel notre société s’est construite, qu’il provoque « une cassure morale », qu’avec ce texte vous niez la réalité, vous prônez l’individualisme, vous refusez « la différence naturelle », « la différence sexuée », que « c’est la nature et non le droit qui refuse aux homosexuels d’avoir des enfants ». Ces propos de bon sens, fruit d’une conviction profonde et sincère, montrent bien que ce texte crée une réelle fracture. Je vous demande donc une nouvelle fois de renoncer à ce projet nocif et déstabilisant pour notre société et pour les enfants. Donc, supprimez cet article.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1724.

    Mme Véronique Louwagie. Je voudrais, à propos de l’article 21, conduire une réflexion sur la liberté de conscience, et je vous propose, chers collègues de la majorité, de méditer, d’ici à mardi, la définition suivante : la liberté de conscience, cela signifie que l’on ne peut contraindre un citoyen à faire ce que sa conscience lui interdit au fond de lui-même parce qu’il ne se reconnaît pas intimement dans l’action que ses fonctions lui imposent. Cette question pourrait paraître choquante mais elle ne l’est pas ; le Président de la République lui-même, le 20 novembre dernier, a déclaré : « Il y a toujours la liberté de conscience. » On comprend bien que celle-ci permet de déroger à la loi commune pour une raison fondamentale dont la valeur est reconnue au niveau constitutionnel. Cette exception révèle le danger des lois particulières, tel que le projet qui nous est présenté, qui veulent imposer à tous un point de vue guidé par des intérêts particuliers, une doctrine, en quelque sorte, ou des principes dans lesquels tous les Français ne se reconnaissent pas.

    Le propos du Président de la République est révélateur, même s’il l’a retiré. Il révèle une vérité d’évidence : ce projet de loi n’est pas, dans l’esprit du premier des Français, un texte dans lequel chaque Français, chaque élu municipal, peut se reconnaître. Ce texte ne peut être considéré recueillir un large assentiment du peuple français. Il défend des intérêts particuliers, c’est-à-dire que c’est le contraire d’une loi commune. Je veux ici souligner qu’une loi qui veut promouvoir des intérêts particuliers, en nous faisant croire qu’ils sont l’intérêt commun, blesse le sens commun des Français, c’est-à-dire leur conscience. Chacun l’a bien compris, les mots « liberté de conscience » sont inscrits, qu’on le veuille ou non, dans ce projet de loi.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2034.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. J’avoue que je comprends de moins en moins la logique du Gouvernement dans ce texte.

    M. Jean Glavany. Ça nous rassure !

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Depuis le début, pour corriger les inégalités, vous niez les différences. Or vous reconnaissez qu’il existe à Mayotte une règle spécifique qui protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames. Pour les couples homosexuels, vous prévoyez que la désignation se fasse d’un commun accord. Cela peut encore se concevoir, pour l’égalité, mais là où ça se corse, c’est quand les membres du couple ne sont pas d’accord. Alors, c’est celui qui court le plus vite et qui arrivera le premier à la préfecture pour demander le bénéfice de l’allocation qui l’emportera. À situation différente, traitement différent. Or Mme Bertinotti a, en commission des lois le 18 décembre, appelé discrimination toute différence ne donnant pas accès aux mêmes droits. J’aimerais donc que l’on m’explique.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1971.

    M. Jacques Lamblin. Nous voyons, avec l’article 21, que le texte est extrêmement difficile à faire appliquer dans les différents territoires de la République. Personnellement, si j’y résiste, ce n’est absolument pas pour des raisons politiques, mais uniquement parce que ce texte comporte une révolution anthropologique sous-jacente dont beaucoup de ceux qui vont le voter ne mesurent pas l’importance.

    Pour illustrer mon propos, permettez-moi d’apporter le regard du biologiste sur la PMA.

    M. Jean Glavany. Ce n’est pas le sujet !

    M. Jacques Lamblin. Dans quelques années, moins de cinq ans, on saura, je vous le signale, faire faire un enfant à deux femmes sans le secours des cellules d’un homme.

    M. Jean Glavany. On en reparlera ! N’allez pas trop vite !

    M. Jacques Lamblin. La technique avance. Il ne faut pas raisonner à science constante.

    Ensuite, un texte ne fonctionne pas toujours pour ceux-là seulement auxquels il est destiné. Qu’est-ce qui vous permet de penser que seuls les couples homosexuels auront recours à la PMA banalisée ?

    M. Jean Glavany. Ce n’est pas le sujet !

    M. Jacques Lamblin. Je vois très bien des femmes seules décider de fonder une famille, tout simplement parce qu’avec la libéralisation de la PMA pour convenance personnelle elles le pourront sans même avoir à chercher un conjoint, homme ou femme. Et nous verrons une catégorie sociale se développer à un niveau que vous n’imaginez sans doute pas aujourd’hui. Vous devriez évaluer les conséquences sur le plan de l’organisation sociale…

    M. le président. Merci, monsieur Lamblin.

    M. Jean Glavany. Hors sujet !

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2250.

    M. Pierre Lequiller. Cet article prévoit un dispositif spécial à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales dans un couple de personnes de même sexe. Aujourd’hui, la mère conserve la priorité pour être allocataire. Cette règle spécifique à Mayotte existe dans le but de protéger les droits des femmes et des enfants, notamment, on l’a dit, dans les foyers polygames.

    Le projet de loi prévoit pour les couples homosexuels dans ce département la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire. Le Gouvernement considère donc que Mayotte a une situation différente du reste de la France. Il admet ici qu’à une situation différente puisse s’appliquer un traitement différent.

    Nous savons que nos concitoyens, comme les parlementaires, d’outre-mer sont fortement opposés à ce texte. Le Gouvernement nous rétorque depuis le début qu’il serait le fervent défenseur de l’égalité pour tous et que nous serions des opposants à l’égalité des droits parce que nous admettons qu’il existe une différence de situation entre les couples hétérosexuels, susceptibles de procréer, et les couples homosexuels, dans l’incapacité biologique de le faire, ainsi qu’entre le droit de l’enfant et le droit à l’enfant qu’il veut instaurer par cette loi.

    Nous avons vu le Président de la République lui-même hésiter, et il a raison car c’est un sujet extrêmement sensible. Il a oscillé pendant un ou deux jours sur la liberté de conscience, il a décidé de détacher la PMA de ce texte alors qu’elle devait y être jointe, enfin il a décidé de reporter le texte sur la PMA en fin d’année. Cela signifie qu’il y a au sommet de l’État des hésitations sur ce texte.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2970.

    M. Philippe Meunier. À la reprise de la séance, notre président de groupe ainsi que Laure de La Raudière ont demandé la communication de l’avis du Conseil d’État. Nous avons bien compris que vous aviez décidé de le cacher aux Français. M. le président de la commission des lois nous parlera peut-être d’astronomie ou de sa profession de foi ; nous nous résignons au fait que vous ne produirez pas ce document. Ce n’est pas grave : nous nous donnerons rendez-vous le 24 mars prochain dans les rues de Paris.

    Je reprends à mon compte les propos de Philippe Cochet. Nous avons bien compris aussi, chers collègues de la majorité, que vous avez le pistolet sur la tempe : vous n’avez pas votre liberté de vote, puisque les commissaires politiques du parti socialiste vous ont intimé l’ordre de voter ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), faute de quoi vous n’aurez pas d’investiture en 2017.

    M. Luc Belot. Arrêtez de fantasmer !

    M. Philippe Meunier. Nous l’avons lu et relu dans de multiples parutions. Or laissez-moi vous dire que ce n’est pas parce que vous aurez l’investiture du parti socialiste en 2017 que les Français oublieront ce que vous êtes en train de faire aux familles de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3203.

    M. Céleste Lett. En lisant cet article, dont nous souhaitons la suppression, je me disais qu’au motif de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, vous créez des discriminations. Vous êtes, avec ce texte, en train de créer une usine à gaz, car sur le fond comme sur la forme vous faites défaut. Nous avons, au sein de l’opposition, d’éminents juristes. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ils ont démontré qu’ils avaient des arguments. Nous aurions pu les mettre à votre disposition pour mieux échafauder ce texte.

    J’ai envie, sous forme d’humour, de vous faire une proposition. Puisque vous êtes constamment obligés de prévoir des dispositifs particuliers – à cet article 21 pour Mayotte –, j’aurais aimé qu’il en soit prévu un pour la Lorraine. Cela permettrait aux Lorrains de s’affranchir de votre texte funeste.

    Mme Chaynesse Khirouni. Non ! Pas la Lorraine !

    M. Céleste Lett. Pour éviter toutes ces discussions, retirez ce texte qui n’a pas de raison d’être. C’est une fausse révolution.

    M. Jean Glavany. Ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine, monsieur le président !

    M. Céleste Lett. Je le disais il y a quelques jours : c’est une révolution copernicienne à l’envers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4851.

    Mme Geneviève Levy. Nous avons dit les nombreuses contradictions et difficultés juridiques attachées à ce texte, au-delà même des convictions de chacun. Pour l’article 21, comme pour la plupart des autres articles, l’étude d’impact a été bâclée et ne permet en aucun cas la sécurité juridique que nous sommes en droit d’attendre de la part du législateur.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5103.

    M. Guy Geoffroy. Nous sommes à l’antépénultième article de ce texte. En approchant de la fin, nous approchons également de l’évidence des limites de votre exercice de législation virtuelle. Dans cet article en apparence anodin, il est question de couples mariés réunissant deux personnes de même sexe et de la décision concernant la désignation de l’allocataire. Tout va bien quand les deux membres du couple sont d’accord, mais la disposition que vous entendez faire voter à cet article concerne la situation où le couple n’est pas d’accord. Il vous fallait trouver une solution. S’il n’y a pas d’accord, c’est qu’il y a un problème, et pour vous c’est celui qui courra le plus vite, c’est-à-dire celui qui sera le plus intéressé à être allocataire, qui se verra attribuer ce droit. Réfléchissez aux conséquences concrètes de ce que vous êtes en train de décider. Je vous aurais bien proposé, puisque vous êtes dans la législation virtuelle, un tirage au sort, à la courte paille,…

    M. Jean Glavany. Cela a existé !

    M. Guy Geoffroy. …ou par ordre alphabétique ; cela aurait été au moins aussi objectif, sans être aussi dangereux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5313.

    M. Jean-Christophe Fromantin. L’article 21 est intéressant en ce qu’il montre un changement de regard sur ce qui était demeuré jusqu’alors un invariant : les allocations étaient véritablement organisées dans l’intérêt de l’enfant.

    Dans cet article spécifique à Mayotte, on voit que le critère est moins l’intérêt de l’enfant que l’égalité des deux personnes composant le couple de même sexe. Ce changement d’appréciation de l’allocation est intéressant, puisque son critère n’est plus la présomption de maternité, et tout ce que cela implique pour l’enfant, mais le principe d’égalité, qui gouverne la destination de l’allocation.

    Cet article 21 marque un changement dans la manière dont est perçu l’intérêt de l’enfant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 21 a pour objet d’adapter les règles applicables dans le département de Mayotte, et plus précisément relativement à la désignation de la personne allocataire de la prestation familiale. Il s’agit d’une adaptation nécessaire au cadre de Mayotte ; c’est pourquoi la commission a repoussé vos amendements de suppression.

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je reviens plus précisément sur la question des prestations familiales à Mayotte pour rappeler un certain nombre d’éléments.

    Les couples de même sexe sont d’ores et déjà traités de la même manière que les couples hétérosexuels pour l’ouverture du droit aux prestations familiales : celle-ci repose en effet sur la notion de charge effective et permanente de l’enfant, qui est une notion de fait indépendante du statut matrimonial du couple.

    En métropole, l’allocataire est celui des deux membres du couple qu’ils désignent d’un commun accord. À Mayotte en revanche, c’est la mère qui est, de manière systématique, désignée comme allocataire des prestations familiales. Cette règle spécifique à Mayotte a été conçue pour protéger les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames.

    Remarquez que le statut personnel coutumier à Mayotte autorisait la polygamie, mais que cette disposition a été abolie pour l’avenir le 1er janvier 2005 : il subsiste de ce fait des ménages polygames, même s’il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date.

    Lorsque les deux membres du couple sont de même sexe, il va de soi que cette règle ne trouve pas à s’appliquer. C’est pourquoi l’article 21 propose, comme en métropole, le principe de la désignation de l’allocataire d’un commun accord par les deux membres du couple.

    En cas de conflit, l’allocataire serait celui qui en a fait la demande le premier. Cela ne veut toutefois pas dire, comme j’ai pu l’entendre, que l’un des deux parents prendrait l’autre de vitesse pour le priver de son droit à l’allocation. De fait, la règle ne sert qu’à définir qui est le destinataire des paiements pour l’ensemble de la famille parmi les deux parents ayant également droit aux allocations, car tous deux ont la charge effective et permanente de l’enfant – si un seul l’a, la question ne se pose pas.

    Ce dispositif permet donc d’une part de préserver le dispositif spécifique prévu à Mayotte, au bénéfice des femmes qui subissent des situations de polygamie ; d’autre part, de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe en édictant une règle simple et identique à celle qui est en vigueur en métropole.

    Dès lors, la suppression de cet article créerait une insécurité juridique et mettrait les couples concernés comme les organismes gestionnaires dans une situation inextricable ; c’est pourquoi notre avis est défavorable.

    M. le président. Sur l’article 21, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Mariton a avancé, sans autre justificatif que l’intervention de M. Azerot, que la majorité de la population d’outre-mer, et ses députés, serait hostile à ce projet de loi, en suggérant un bâillonnement dont il ne peut apporter la preuve.

    Monsieur Mariton, vous avez entendu à la tribune M. Azerot, qui a effectivement défendu un point de vue différent, plus proche du vôtre que de celui de la gauche…

    M. Hervé Mariton. J’en ai aussi discuté avec M. Letchimy !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Peut-être, mais il serait préférable de laisser M. Letchimy s’exprimer lui-même.

    Nous avons tous entendu M. Azerot, qui a défendu son point de vue avec force, mais vous semblez ne pas avoir entendu une force que j’ai pour ma part trouvée supérieure : celle de Mme Orphé, députée de La Réunion, celle de Mme Bareigts, députée de La Réunion également, ou celle d’autres députés qui ont fait savoir leur adhésion à ce texte et qui ont participé à des votes dans l’hémicycle, notamment sur l’article 1er – pensons à Mme Berthelot, pour la Guyane, à MM. Fruteau et Vlody, pour La Réunion, ou à M. Said, pour Mayotte.

    Bien sûr, outre-mer comme ici, des citoyens sont hostiles à ce projet de loi – personne n’a jamais avancé qu’il faisait l’unanimité. Toutefois, vous avez raison : il existe des difficultés particulières aux outre-mer, liées à l’histoire de ces territoires, à la construction de leur identité collective et aux schémas de représentation, qui font que la protestation est un peu plus forte.

    Cependant, vous devez entendre que ceux qui adhèrent à ce texte le font avec une force plus grande encore (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), compte tenu du fait qu’ils proviennent de cette même histoire, de cette même construction de l’identité collective, de ces mêmes schémas de représentation.

    Vous nous disiez qu’il faudrait pour l’outre-mer, parce qu’un député a dit à la tribune qu’il était opposé au texte, envisager un dispositif d’exception ; mais si le texte est voté, c’est bien sur l’ensemble du territoire national qu’il sera applicable.

    Vous nous dites que dans d’autres circonstances on a su tenir compte des outre-mer. Assurément. Dois-je vous rappeler que la loi du 19 mars 1946, qui a fait de ce qu’on appelait les quatre vieilles colonies – la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion – des départements français, n’a pas appliqué les lois sociales ? Il a fallu attendre une loi de 2000, présentée par Lionel Jospin…

    M. Hervé Mariton. L’excellent Lionel Jospin ! Vous avez été bien ingrate avec lui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. …pour que le SMIC soit aligné dans les outre-mer. Les voilà les exceptions dont vous parlez ! Il y a d’autres exceptions : vous savez qu’à Mayotte, par exemple, les allocations familiales ont été plafonnées à trois enfants ; en Guyane, à Saint-Martin, à Mayotte, on a supprimé le deuxième niveau de juridiction pour les expulsions et créé une disposition qui rendait le recours non suspensif en cas de prononcé d’expulsion.

    Nous préférons mettre un terme à ce genre de dispositifs exceptionnels réservés aux outre-mer – de même pour certaines gardes à vue.

    Aussi sans doute ce texte n’est-il pas évident pour les outre-mer, ni pour les maires qui auront à prononcer ces mariages, mais il faut que les maires aient le courage de les célébrer ; car si c’est difficile pour une partie de la société dans les outre-mer, si c’est difficile pour une partie des maires outre-mer, combien ce doit l’être encore plus pour les personnes homosexuelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) S’il y a des territoires pour lesquels nous ne devons pas tolérer la moindre exception, c’est bien dans les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. C’est un programme, madame la ministre ! J’entends que Lionel Jospin a heureusement étendu les prestations sociales outre-mer ; je vous ai ensuite trouvée bien ingrate à son endroit.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. C’est plus bas que le niveau zéro…

    M. Hervé Mariton. Vous avez développé un programme : est-ce à dire que le Gouvernement entend supprimer l’ensemble des mesures adaptées à l’outre-mer que vous avez citées – notamment le caractère non suspensif de l’expulsion dans certaines collectivités – et que nous venons d’entendre un discours de politique générale des outre-mer ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement s’engage-t-il à abroger ces dispositifs ? Dois-je vous rappeler, madame Taubira, que malheureusement la moitié des expulsions se font chaque année outre-mer, et que, sur cette moitié, une moitié concerne Mayotte ? Ce sont des décisions toujours difficiles, mais souvent nécessaires.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et le sujet ?

    M. Hervé Mariton. Je réponds aux déclarations de Mme la ministre car elles me paraissent très graves ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce que le Gouvernement entend mettre en cause les moyens juridiques qui permettent de mener une politique indispensable de gestion des flux migratoires ?

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Je suis très gênée que vous utilisiez l’outre-mer pour conforter votre position dans ce projet de loi…

    M. Guy Geoffroy. C’est de la provocation !

    Mme Corinne Narassiguin. Vous proposez une rupture républicaine avec les outre-mer (Protestations sur les bancs du groupe UMP) sur les valeurs fondamentales de notre République que sont l’égalité et la liberté. Je suis également scandalisée que vous repreniez à votre compte les propos choquants de M. Azerot, qui a utilisé la lutte contre l’esclavage…

    M. Hervé Mariton. Il n’a pas le droit ?

    Mme Corinne Narassiguin. …pour justifier son refus de l’égalité des droits pour les homosexuels (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors que vous vous appliquez à ignorer les interventions dans l’hémicycle des députées Ericka Bareigts et Monique Orphé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) qui ont avec beaucoup de conviction apporté leur soutien à ce projet de loi, au nom de la lutte contre toutes les discriminations. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, dont plusieurs députés de ces groupes se lèvent pour applaudir.)

    (L’amendement n° 45 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n° 5257.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il ne s’agit que d’un amendement rédactionnel.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.

    (L’amendement n° 5257 est adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour une explication de vote sur l’article 21.

    M. Philippe Folliot. Au-delà de cet article et des éléments spécifiques à l’outre-mer, je voudrais m’exprimer sur ce texte, en rappelant combien la position de l’UDI a été depuis le début particulièrement responsable. Notre groupe a déposé moins d’une centaine d’amendements, guidé par la volonté d’exprimer sa position dans le plus grand respect.

    « Jamais fortune n’a trahi pays rassemblé » a dit le général de Gaulle en son temps. Au travers de ce débat où est mis en exergue ce qui nous divise et nous oppose, j’exprimerai un regret à titre personnel : celui de n’avoir pas su dégager une position intermédiaire qui nous aurait permis d’aller vers l’égalité des droits à laquelle nous sommes tous attachés, tout en sauvegardant un certain nombre de principes et de valeurs auxquels nous tenons tout autant.

    Il aurait été important de dépasser ce jeu de rôles auquel nos concitoyens assistent depuis quelques jours, avec une majorité qui reproche à l’opposition de faire ce qu’elle-même faisait lorsqu’elle était à sa place, sous la précédente législature, et inversement. Je ne crois pas que ce soit bon pour l’image du Parlement. Dans ce cadre là, au travers de l’union civile et d’un véritable statut du beau-parent, nous aurions pu parvenir à une solution beaucoup plus consensuelle qui aurait permis de rassembler plutôt que de diviser.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 21.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 213

    Nombre de suffrages exprimés 213

    Majorité absolue 107

    Pour l’adoption 140

    contre 73

    (L’article 21 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Après l’article 21

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 5018.

    M. Patrick Ollier. Je pense, chers collègues, que vous devriez être tous d’accord avec cet amendement que je qualifierai de précaution ; ou de précision, comme vous voulez.

    Il vise à compléter l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique pour préciser, dans le cadre des lois sur des sujets éthiques, les conditions dans lesquelles sont organisés les états généraux.

    Vous n’ignorez pas qu’à plusieurs reprises le président de notre groupe a demandé en notre nom que se tiennent des états généraux, ce qui n’a pas été fait. Cette demande n’ayant pas abouti, nous vous proposons de préciser la loi pour que tout projet de réforme contenu dans un projet de loi, une proposition de loi, voire un amendement, sur des problèmes éthiques ou des questions de société, soit précédé d’un débat public sous forme d’états généraux.

    Je pense à des sujets particulièrement délicats comme la génétique, la recherche sur des embryons, l’assistance médicale à la procréation. Nous savons en effet que nous cheminons peu à peu vers la PMA et la GPA et il convient de bien préciser la route à suivre, notamment dans le débat démocratique qui doit précéder une telle réforme.

    Tel est l’objet de cet amendement.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Ollier, vous voulez étendre l’obligation d’organiser des états généraux de la bioéthique à tout projet de réforme, quel que soit son véhicule, projet de loi, proposition de loi, voire amendement.

    Permettez-moi simplement de vous rappeler une discussion qui a eu lieu voici quelques années, lors de la dernière révision de la loi sur la bioéthique. Un débat s’était tenu entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour décider si la convocation des états généraux de la bioéthique devait être facultative, ce qui était la position de l’Assemblée nationale, ou obligatoire.

    Je veux vous lire les mots que Jean Leonetti, le rapporteur de l’époque, avait prononcés pour éclairer la commission : « La commission des affaires sociales du Sénat a transformé la possibilité d’organiser un débat public préalable en une obligation. Or, il appartient à la seule Constitution, précisée le cas échéant par les lois organiques, de définir la procédure législative. En rendant obligatoire la tenue en amont de la discussion de certains projets de réforme, cette disposition serait susceptible de faire obstacle aux prérogatives de la Constitution ».

    C’est à la lumière de ces précisions d’évidence que la commission a rendu un avis défavorable.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons. Outre qu’il s’agit là d’une prérogative constitutionnelle, l’article 1er de la loi qui a créé le Comité consultatif national d’éthique – le CCNE – a défini son champ de compétences, à savoir la biologie, la médecine et la santé.

    Ce texte est bien fait et son application ne pose aucun problème depuis presque une dizaine d’années. Nous ne voyons pas la nécessité de le modifier.

    Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je m’attendais hélas à cette attitude mais comprenez nos inquiétudes quand, après un débat entre le Premier ministre et la ministre de la famille, nous entendons ici M. Le Roux nous expliquer que, quoi qu’il advienne, le groupe socialiste souhaitant la PMA, elle sera votée ! Et cela se fera probablement par voie d’amendement. Or il nous semble qu’une telle réforme dans le domaine de la bioéthique ne peut être décidée dans notre législation qu’après avoir organisé un débat public sous la forme d’états généraux.

    Ou bien, madame la garde des sceaux, prenez devant nous l’engagement que ce processus sera respecté par le Gouvernement, quel que soit le vecteur qui servira à porter ce projet, afin de nous rassurer quant à la tenue de ces états généraux.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens à faire à M. Ollier la courtoisie de répondre à ses nouveaux arguments.

    Tout d’abord, vous ne pouvez pas vous prévaloir des propos d’un président de groupe. Par ailleurs, le fait que le CCNE se soit autosaisi devrait vous prouver qu’il n’hésite pas à user de cette faculté.

    M. Patrick Ollier. Trois jours avant !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons donc toutes les raisons de faire confiance à cette structure et de penser qu’elle exerce une vigilance suffisante…

    M. Patrick Ollier. Tardive !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour que, dans l’hypothèse extrêmement improbable où le Gouvernement ne la saisirait pas, elle s’autosaisisse. Je vous invite à faire confiance au CCNE comme nous le faisons.

    Rappelons par ailleurs que depuis une dizaine de jours, doués d’une aptitude visionnaire collective, vous voyez derrière ce texte…

    M. Hervé Mariton. La PMA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien voilà ! La PMA, la GPA, le clonage et tout le reste !

    M. Hervé Mariton. Mais c’est vrai !

    M. Patrick Ollier. C’est de la prudence !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous n’avez eu de cesse de nous demander pourquoi nous n’avions pas consulté le CCNE sur ce texte qui ne relève ni de la biologie, ni de la médecine, ni de la santé. Ou alors, si c’est le cas, il faut nous l’expliquer !

    Pendant une dizaine de jours, vous n’avez pas cessé de nous faire ce reproche qui n’a pas lieu d’être puisque nous travaillons sur un texte qui ouvre l’adoption et le mariage aux couples homosexuels.

    Nous sommes dans ce contexte et, je vous le répète, nous faisons confiance au CCNE, qui fonctionne admirablement depuis sa création en 2004. Nous vous invitons à lui faire confiance aussi.

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. J’ai déjà répondu à cette question dans le débat. Le Parlement ne sera pas appelé à statuer tant que le Comité consultatif national d’éthique n’aura pas rendu son avis. C’est clair et net.

    M. Marc Le Fur. Et sera-t-il tenu compte de cet avis ?

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. La décision, ensuite, n’appartiendra qu’au Parlement.

    M. Régis Juanico. Très bien !

    M. Hervé Mariton. La majorité ne nous rassure pas !

    M. Patrick Ollier. C’est un aveu, cela !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Mariton, je veux bien, depuis le départ, entendre vos arguments. Nous avons souvent des débats entre nous, cela fait des années que ça dure. Mais je vais vous rappeler au moins un principe qui devrait nous rassembler. C’est un principe républicain et démocratique. Parce que la majorité d’aujourd’hui ne vous plaît pas, à longueur de séances vous essayez de trouver une autre source de légitimité ! Je préfère vous dire que vos propos sont graves. Pour arriver à vos fins, vous êtes prêts à abandonner vos principes, ce qui est tout à fait inacceptable. Nous nous engageons sur le respect de la vie et nous ne prendrons pas de décision, mais ensuite, les seuls qui pourront décider pour le peuple français, ce seront les députés, sur tous les bancs ! C’est ainsi que cela se fera.

    M. Hervé Mariton. Mais enfin !

    (L’amendement n° 5018 n’est pas adopté.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement n°5328.

    M. Jean-Paul Tuaiva. Je voudrais vous parler des particularités de la Polynésie. Depuis le début de la semaine, j’ai retenu les propos de Mme la garde des sceaux : le droit à l’égalité doit s’appliquer sur tous les territoires de la République. Je le conçois très bien mais, madame la garde des sceaux, vous savez comme moi que l’outre-mer a ses spécificités. Par la force des choses, nous sommes tributaires de certains facteurs, liés à l’éloignement, à notre culture. Vous êtes bien placée pour le comprendre, madame la garde des sceaux.

    Je suis ici au nom des Polynésiens qui affirment encore aujourd’hui que nous sommes contre ce projet de loi du mariage pour tous. Pourquoi ? Tout simplement parce que, du fait de nos spécificités, nos mœurs n’évoluent pas au même rythme que chez vous.

    Savez-vous que la loi sur l’IVG n’a été appliquée en Polynésie française que vingt-sept ans après la métropole…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est bien dommage !

    M. Jean-Paul Tuaiva. …malgré l’opposition de l’Église ? Savez-vous que l’on ne peut toujours pas se pacser en Polynésie, quinze après que nos compatriotes de la métropole ont pu en bénéficier ?

    M. Jérôme Guedj. Hélas !

    M. Jean-Paul Tuaiva. Les Polynésiens ne sont pas hostiles à l’évolution de la société, mais elle doit se faire à un autre rythme qu’en métropole. Avant même de vouloir étendre les dispositions du mariage homosexuel à la Polynésie française, il serait plus judicieux d’y rendre applicables la totalité des dispositions relatives au Pacs.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Bernard Deflesselles. Il vient de loin, laissez-le s’exprimer !

    M. Jean-Paul Tuaiva. Les articles 515-1, 515-2 et 515-8 du code civil, qui définissent et règlent les modalités du Pacs, issus de la loi du 15 novembre 1999, n’ont toujours pas été étendus à la Polynésie Française. De fait, il est impossible de faire enregistrer un Pacs au greffe du tribunal de Papeete, faute de registre.

    Cet amendement tend par conséquent à compléter les dispositions manquantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en commission avec M. Fritch.

    Nous ne pouvons pas étendre le Pacs en Polynésie parce que cela ne relève pas de la compétence du législateur national. Le Pacs relève du droit des contrats et des obligations et donc de l’Assemblée de Polynésie française, d’une loi du pays.

    Nous pouvons, sur le territoire, définir le droit des personnes et c’est ce que nous faisons avec le mariage ouvert aux couples de personnes de même sexe. En revanche, je le répète, il n’est pas possible d’ouvrir le Pacs à la Polynésie depuis l’Assemblée nationale.

    C’est pour cette raison, monsieur Tuaiva, que la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, nous avons entendu que vous étiez hostile à l’application de cette loi. Mais il se trouve que ce texte concerne l’état des personnes et qu’en la matière, c’est l’État qui est compétent. Les dispositions s’appliquent donc d’emblée au territoire de Polynésie.

    S’agissant du Pacs, vous regrettez qu’il ne soit pas applicable en Polynésie, mais il relève du droit des contrats, qui est une compétence territoriale en vertu de la loi organique du 27 février 2004. Il appartient donc au territoire de prendre éventuellement des dispositions pour qu’un régime équivalent soit adopté en Polynésie.

    Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont été saisis à plusieurs reprises, et notamment – vous vous en souvenez sans doute –, à l’occasion de la transcription sur place par un notaire d’un Pacs qui avait été souscrit en métropole et qui devait être transcrit en Polynésie. La seule disposition d’extension a concerné la transcription dans l’état civil.

    Pour le reste, nous avons eu un échange avec votre collègue Fritch à l’occasion des travaux de la commission des lois. Nous lui avons indiqué que le Pacs, relevant du droit des contrats, était une compétence territoriale. Nous avons proposé à M. Fritch une séance de travail à la Chancellerie. Je maintiens cette invitation et, si vous le souhaitez, monsieur le député, je l’élargis à vous-même, afin que nous puissions travailler ensemble à l’élaboration d’un texte visant à instaurer en Polynésie un régime équivalent au Pacs.

    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

    M. Jean-Paul Tuaiva. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.

    Nous souhaiterions qu’il y ait quelques séances de travail, car nos juristes locaux disent que ce texte concerne l’état des personnes. La décision doit donc être prise par le gouvernement central.

    M. Philippe Cochet. Il faut renvoyer le texte en commission !

    (L’amendement n° 5328 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela vous manquait, chers collègues !

    M. Hervé Mariton. J’aurais préféré, monsieur le président, ne pas avoir à le faire. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Sans doute le Gouvernement est-il fatigué, sans doute le ministre chargé des relations avec le Parlement l’est-il davantage encore, mais moi non, et notre groupe non plus !

    Vous avez dit, monsieur le ministre : « Pour arriver à vos fins, vous êtes prêt à abandonner vos principes. » Qu’avais-je dit dans mon intervention ? « La majorité ne nous rassure pas ».

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’est pas ce que vous avez dit !

    M. Hervé Mariton. Si, j’ai dit que la majorité ne nous rassurait pas.

    Monsieur le ministre, je ne suffirai pas à résoudre votre problème.

    Un membre de l’opposition a le droit et, quand il le croit, le devoir de dire : « La majorité ne nous rassure pas ». Oui, monsieur le ministre, nous avons des principes. Non, monsieur le ministre, notre cause n’est pas une cause perdue, contrairement à ce qu’a dit M. Urvoas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) méprisant nos débats et nos positions. Oui, monsieur le ministre, nous voulons écrire demain de meilleures pages pour les couples d’homosexuels, pour la famille et pour tous les enfants de notre pays. Enfin, je le répète, votre majorité et votre gouvernement ne nous rassurent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. À ce stade du débat et après l’échange qui vient d’avoir lieu, monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    M. le président. J’attendais que vous me la demandiez, monsieur Jacob !

    La séance est suspendue pour cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 22

    M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits sur l’article 22.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Accomplir à l’étranger quelque chose qui est illégal en France ne vaut pas sauf-conduit pour la République. J’ai assez peu parlé, madame la ministre, de la circulaire GPA au cours de ce débat.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ah non ! Pas maintenant !

    M. Hervé Mariton. J’en ai peu parlé jusqu’à présent, d’autres l’ont fait mieux que moi. Mais en l’espèce il y a bien une analogie. La circulaire GPA consiste à régulariser en France des situations illégales établies en toute responsabilité par ceux qui les ont souhaitées. Là, il s’agit de régularisation de mariages accomplis à l’étranger en contradiction avec la loi française. Est-il donc bien logique d’engager une régularisation systématique de ces mariages ?

    De deux choses l’une. Soit le mariage tel qu’il a été contracté à l’étranger produit ses effets en France sans qu’on ait besoin d’y revenir et on est alors dans la pleine conséquence de votre texte. Soit il faut envisager une mesure expresse, comme vous nous le demandez, c’est donc que les choses ne se feraient pas automatiquement et c’est ce qui s’appelle une régularisation. De cette régularisation, nous ne voulons pas. L’effet automatique serait cohérent, sinon c’est de la régularisation, appelons-la par son nom. C’est l’objet de cet article et nous y sommes défavorables.

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. L’article 22 est très attendu des Français vivant à l’étranger dans des pays où le mariage est déjà ouvert, parfois depuis de nombreuses années, aux couples de personnes de même sexe, en particulier en Amérique du Nord, circonscription dont je suis l’élue, dans plusieurs États des États-Unis et au Canada.

    Mme Geneviève Levy. Dans quelques États !

    Mme Corinne Narassiguin. C’est vrai aussi en Europe et ailleurs. Il importe que ces unions existantes soient reconnues par la France, que ces familles n’aient pas à repasser par de nouveaux actes pleins et entiers, que ces couples n’aient pas à se remarier devant un officier d’état civil français et qu’ils n’aient pas à adopter leurs propres enfants. Il importe donc que la transcription soit aussi simple que possible dans les consulats.

    C’est un acte très attendu de la France par des familles qui veulent maintenir leur lien avec notre pays, voire préparer un retour en France. C’est pourquoi nous soutenons absolument cet article et nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. Je crois très sincèrement qu’avec l’article 22 ce texte atteint son paroxysme. Il est non seulement stupide dans ses fondements éthiques et républicains mais juridiquement assez préoccupant. Ce texte va permettre à un couple formé de deux personnes de même sexe, dont l’une est de nationalité française et l’autre non, voire arrivée sur le territoire de notre pays en situation irrégulière, de bénéficier d’une régularisation quasi automatique par transcription de mariage. Vous êtes vraiment là au bout de l’exercice consistant à tout permettre et autoriser. Excusez-moi de revenir avec légèreté sur un sujet qui vous a beaucoup embêtés, mais je serais vraiment très intéressé de savoir ce que le Conseil d’État a dit de cet article 22 !

    M. Philippe Houillon. Eh oui !

    M. Guy Geoffroy. Je suis persuadé qu’il en a dit des choses qui ne sont pas totalement conformes à ce que vous allez prétendre dans quelques minutes. Par ailleurs, madame la ministre, je ne peux qu’appuyer l’argument avancé par Hervé Mariton. L’article 22, c’est la poule et l’œuf. A-t-il vu le jour avant votre circulaire GPA ou est-il curieusement rattaché à ce qu’on pourrait appeler sa dynamique ? Tout cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était pas aussi grave. Mais cela ne prête vraiment pas à sourire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pas davantage que vos caricatures !

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 112.

    M. Marc Le Fur. Vous vous êtes fait applaudir tout à l’heure, madame la ministre, par les députés de la majorité, députés aux ordres aussi muets que dociles ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous vous êtes fait applaudir sur l’outre-mer, ; or, à cette heure, il n’y a pas un seul député d’outre-mer de la majorité, car ils n’adhèrent pas à votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    D’autres l’ont dit, comme nos collègues Gibbes et Tuaiva ! La scène 3 de l’acte IV ne passe vraiment pas.

    L’article 22, c’est le comble, monsieur le rapporteur. On contrevient au principe de la non-rétroactivité des lois ainsi qu’au principe fondamental selon lequel un mariage s’apprécie au regard de la loi personnelle des parties en vigueur au jour de la célébration. Et enfin, ne nous leurrons pas, mes chers collègues, c’est une porte ouverte, une de plus, à l’immigration clandestine ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est beaucoup pour un seul article ! Ce projet de loi est un brouillon, cet article 22 est un super-brouillon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 242.

    M. Bernard Deflesselles. Le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a rappelé tout à l’heure la saga du Comité d’éthique et de la PMA. Il nous a demandé de lui faire confiance, bien sûr !

    Rappelons que c’est le président Jacob qui le premier a écrit au comité d’éthique le 12 octobre, puis à nouveau au mois de janvier. Nous avons ensuite appris que le Président de la République avait saisi le comité d’éthique, précipitamment, trois jours avant le dépôt du projet de loi à l’Assemblée. C’était un peu précipité, vous en conviendrez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’affaire de la PMA a suivi, quand l’estimable M. Le Roux nous a dit qu’elle ferait l’objet d’un amendement à la loi sur la famille si nécessaire.

    Mme Chaynesse Khirouni. Mais non !

    M. Bernard Deflesselles. Dans le discours de Phnom-Penh, le Premier ministre s’est permis de recadrer violemment la ministre de la famille : il n’est plus possible d’adopter la PMA, il faut attendre au moins huit mois ! Enfin, on nous annonce que la loi sur la famille sera discutée vraisemblablement avant la fin de l’année. Vous nous demandez de vous faire confiance. Il y a un principe très simple que vous connaissez : la confiance n’exclut pas la vigilance.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 442.

    M. Hervé Mariton. Il nous faut être clairs pour le futur. Certains considèrent que cette loi est irréversible, ou du moins crée un fait irréversible. Non ! En démocratie, ce que la loi fait, la loi peut le défaire, dans le respect des personnes.

    Un député du groupe UMP. Absolument !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Et le Pacs ?

    M. Hervé Mariton. Si cette loi devait être votée, ce que nous regretterions, des personnes seraient mariées et des enfants adoptés dans ce cadre. Nous le respecterions. Néanmoins, si par bonheur, non pour nous mais pour notre pays, les Français nous faisaient confiance en 2017, nous aurions à réécrire cette loi, comme l’a bien dit François Fillon l’autre jour.

    M. Thierry Benoit. Tout à fait !

    M. Hervé Mariton. Nous aurions à écrire une nouvelle page, qui permettra d’apporter une vraie réponse aux couples de même sexe et aux éventuels enfants vivant avec eux.

    Mme Martine Pinville. J’en doute !

    M. Hervé Mariton. Nous devons être clairs vis-à-vis de nos concitoyens et dire que nous respectons les personnes, car ce serait une insulte à leur égard d’oublier ce qui a été fait pendant quatre ans, même sur le fondement d’un mauvais texte, mais que nous aurons pour ambition d’écrire une nouvelle page de notre droit afin d’apporter les réponses dont ces personnes ont besoin et dont notre pays est digne, une page que nous voulons écrire mieux que vous.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 483.

    M. François de Mazières. Tout à l’heure, madame Narassiguin, vous avez remporté un succès facile. Néanmoins, vous avez rappelé l’un des moments les plus étonnants que nous ayons vécus durant la centaine d’heures que nous avons passées ensemble ; je veux parler du témoignage de notre collègue Azerot. Seulement, il n’a pas du tout dit ce que vous avez prétendu qu’il avait dit. Il n’a pas mis en cause le principe d’égalité – toujours l’égalité ! –, il a indiqué que le texte touchait à l’égalité des enfants et faisait de l’enfant un objet, ce qui pour lui, élu des DOM-TOM, est insupportable. Et il a ajouté que, dans les territoires d’outre-mer, l’histoire des familles est essentielle et qu’il est fondamental que l’enfant s’intègre dans une histoire familiale.

    Nous touchons là au cœur de nos convictions, que nous défendons depuis des heures et des heures, car ce texte nous ébranle profondément, ainsi que tous les Français qui sont derrière nous et qui ont été si nombreux dans les rues, à Paris et dans les autres villes de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Et ce n’est pas fini !

    M. François de Mazières. Il a dit également qu’homme de gauche, il n’avait pas été élu pour voter un texte qui divise, mais pour traiter de sujets graves : la crise, l’emploi. Voilà ce qu’a dit notre collègue ! Il est important que l’on respecte l’avis de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 453.

    M. Christian Jacob. Que l’article 22 prévoie une dérogation prouve bien que, dans l’esprit des rédacteurs du code civil, le mariage devait être contracté par un homme et une femme et en aucun cas par deux personnes de même sexe. De même, écarter la loi personnelle relève également d’une dérogation, ce qui démontre là aussi que, dans l’esprit des rédacteurs du code civil, le mariage devait unir un homme et une femme.

    Cette raison juridique est l’une de celles pour lesquelles nous avons décidé de défendre l’alliance civile, laquelle permet d’apporter une réponse en matière de solennité et de protection juridique – je pense notamment à la compensation en cas de dissolution de l’union. Quand notre collègue Daniel Fasquelle a mené une réflexion et travaillé sur ce sujet avec plusieurs professeurs de droit, il l’a fait dans cet état d’esprit : le mariage est une institution à laquelle il ne faut pas toucher. Il est prévu pour un homme et une femme, et non pour deux personnes de même sexe.

    C’est l’erreur que vous avez commise dès le départ. Vous vous en tenez à un dogme et vous refusez d’écouter, préférant vous enfermer dans vos errements juridiques. L’article 22 est une démonstration de l’erreur juridique que vous commettez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais bien qu’on nous dise pourquoi c’est une erreur juridique !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 513.

    M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, je ne voudrais pas avoir l’air d’insister, mais je suis obligé d’y revenir : que vous le vouliez ou non, votre fameuse circulaire sur la GPA reconnaît les conséquences d’un acte illégal, puisqu’elle autorise la délivrance d’un certificat de nationalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. François de Rugy. Quel est le rapport avec l’article 22 ?

    M. Patrick Ollier. La GPA est illégale en France.

    Au titre du parallélisme des formes, on pourrait considérer que l’article 22 est aussi la validation d’un acte illégal, puisqu’il est actuellement illégal, pour des personnes du même sexe, de se marier, et que cette disposition vise à régulariser les mariages contractés entre des personnes de même sexe avant l’entrée en vigueur de la loi. En définitive, vous nous demandez de voter une sorte de loi d’amnistie.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais lisez donc le texte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Monsieur Le Bouillonnec, puis-je terminer sans que vous m’interrompiez, s’il vous plaît ? Vous étiez calme jusqu’à présent. Qu’est-ce qui vous arrive ?

    M. Guy Geoffroy. La majorité fait de l’obstruction !

    M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous allongez nos travaux.

    Poursuivez, monsieur Ollier.

    M. Patrick Ollier. Mon premier argument, je viens de le présenter, se situe au plan des principes : le texte valide des actes illégaux commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. C’est une forme de loi d’amnistie,…

    M. Bernard Roman. Eh non !

    M. Patrick Ollier. …qu’on le veuille ou non, et, sur le plan des principes, cela me choque.

    Mon deuxième argument a trait à la mise en œuvre de cette disposition. Je souhaite que l’on prenne en compte le fait que des mariages boiteux existent – le Conseil d’État y fait allusion dans ce qu’on a pu lire de son avis – et que le texte peut encourager les filières organisées d’immigration. Je tenais simplement à le faire remarquer.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 766.

    M. Frédéric Reiss. L’article 22 est de nouveau un modèle du genre. En le lisant, on croit rêver ! Pourtant, combien de fois a-t-on entendu qu’il fallait faire le droit avec rigueur ?

    M. Guy Geoffroy. Là, c’est du droit à la rigueur !

    M. Frédéric Reiss. Une fois de plus, on met la charrue avant les bœufs.

    À l’instar de la circulaire de Mme la garde des sceaux – une préfiguration de la GPA, que la majorité va finir par légaliser –, cet article est la porte ouverte à tous les abus. L’article 22 reconnaît en effet les mariages homosexuels formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Et pourquoi pas les mariages célébrés illégalement en France, du côté de Bègles par exemple ?

    M. Patrick Ollier. Mamère a déserté !

    M. Frédéric Reiss. Décidément, la majorité n’est pas à une contradiction près. Au-delà du mariage, ce qui l’intéresse, c’est l’adoption et le droit à l’enfant. C’est un engrenage infernal, car l’adoption pour tous conduira à la PMA pour tous et à la gestation pour autrui pour tous.

    M. David Douillet. Absolument !

    M. Frédéric Reiss. Madame la garde des sceaux, les Français ne veulent pas de votre projet de civilisation ; la civilisation actuelle leur va très bien. Or le mariage entre un homme et une femme en est le fondement. Il faut donc supprimer l’article 22. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1149.

    M. Philippe Cochet. Il est minuit six et, depuis six minutes, il y a 1 000 chômeurs de plus en France. Depuis que nous examinons ce texte, la France compte 12 000 chômeurs supplémentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Mes chers collègues, j’ai été très choqué par les quolibets venus des bancs de la majorité quand notre collègue Ollier a évoqué des sujets aussi importants. Je veux bien que, lorsqu’on est dans la majorité, on rigole. Mais prenez-vous conscience de ce que vous faites ? Réveillez-vous ! Notre collègue de Polynésie vous a rappelé ce qu’est la vraie vie. Vous niez la réalité, comme si elle n’existait pas. Mais réveillez-vous, bon sang de bois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Au reste, il me semble que plus le débat avance, plus vous doutez de votre vote final. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Philippe Martin. Dans vos rêves !

    M. Philippe Cochet. C’est la pugnacité du groupe UMP qui vous fait douter. Et si nous sommes si pugnaces, c’est parce que nous défendons une institution, le mariage, et que nous avons en tête ce sur quoi nous devons veiller nuit et jour : l’intérêt de l’enfant.

    Vous, vous n’avez qu’un objectif : dynamiter la famille. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1193.

    Mme Laure de La Raudière. L’article 22 offre la possibilité de régulariser les mariages de couples de même sexe régulièrement formés à l’étranger. Étant opposée au texte, je propose, par souci de cohérence, de supprimer cet article.

    Mesdames les ministres, monsieur le ministre, nous regrettons votre dogmatisme sur ce sujet. Nous pensons que si la majorité avait bien voulu écouter un peu plus nos arguments dès l’automne, nous aurions pu nous retrouver pour répondre aux attentes des couples homosexuels et des familles homoparentales. Hélas, vous avez choisi de passer en force, en prenant des risques juridiques évidents, notamment en ouvrant l’adoption plénière aux couples homosexuels. C’est du reste la raison pour laquelle vous ne voulez pas rendre public l’avis du Conseil d’État.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1436.

    M. Nicolas Dhuicq. Puisque le texte nous invite à voyager, je me demande quel sera le destin des mariages contractés en Californie, compte tenu des recours déposés devant la Haute Cour de cet État.

    Mais voyageons dans le temps et imaginons ce qui se passera dans soixante ans, lorsque tous les grands textes de l’humanité auront été revisités à la lumière des bouleversements de la paternité que vous provoquez : Jacob sera « parent » d’Abraham, Énée sera « parent » d’Anchise, Priam « parent » d’Hector et Pélée « parent » d’Achille. Cela n’a aucun sens, n’obéit à aucune raison, à aucune logique ! Que deviendront Le Roi Lear de Shakespeare et les grands classiques français ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Eduardo Rihan Cypel. Commencez par les lire !

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

    M. Nicolas Dhuicq. Chers collègues de la majorité, vous aurez continué à imposer la novlangue et l’on peut se demander si cette assemblée sera toujours une assemblée nationale. Pour ma part, j’en doute fortement. Vous bouleversez la culture, la civilisation, les repères, et vous n’avez que rires et quolibets à la bouche. Vous n’avez aucune conscience, aucune éthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous oubliez nos maîtres, représentés ici sur la tapisserie de L’École d’Athènes et grâce auxquels nous faisons vivre la démocratie, démocratie que vous êtes en train de tuer et de laminer ! Vous oubliez que les enfants s’inscrivent dans une filiation, une généalogie, une histoire. Vous oubliez tous les grands textes de l’humanité.

    Vous êtes morts, mes chers collègues (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), car vous voulez un monde mort, puisque ce n’est que dans la mort qu’apparaît la véritable égalité. Nous, nous sommes vivants et nous sommes pour la liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir.)

    M. le président. Monsieur Douillet, profitez de ce moment d’enthousiasme. (Sourires.)

    Vous avez la parole, pour soutenir l’amendement n° 1528.

    M. David Douillet. L’article 22, qui permet la reconnaissance du mariage des couples de personnes de même sexe valablement formé à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte, est en contradiction avec la loi, qui veut que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient au regard de la loi personnelle des parties au jour de la célébration.

    Par ailleurs, je voulais revenir sur vos propos, madame Narassiguin. J’ai eu l’honneur d’être secrétaire d’État aux Français de l’étranger (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Olivier Dussopt. Ils vous ont oublié !

    M. David Douillet. …secrétariat d’État dont la création avait été promise par tous les candidats à l’élection présidentielle, promesse qui n’avait jamais été tenue. Les Français de l’étranger avaient donc énormément de choses à dire au secrétaire d’État que j’étais. Du reste, je suis très heureux que le président Hollande ait conservé ce secrétariat d’État, après les nombreuses critiques dont il a fait l’objet de votre part.

    Mme Corinne Narassiguin. C’est un ministère de plein exercice, aujourd’hui !

    M. David Douillet. C’est la preuve que certaines bonnes idées ont été reprises.

    Lorsque j’occupais ce poste, je n’ai jamais reçu le moindre mail, la moindre demande…

    Mme Corinne Narassiguin. Vous ne l’avez occupé que deux mois !

    M. David Douillet. Trois mois, madame, vous ne savez pas compter.

    La vérité, c’est que, depuis le début de ce débat, vous cherchez des faire-valoir. Même au sein de la communauté homosexuelle, les avis sont très partagés sur le mariage homosexuel. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous avez cédé à des lobbies, comme l’a fait le Président de la République lorsque, devant les maires de France, il a expliqué qu’il leur laisserait une certaine liberté, avant de revenir, dès le lendemain, sur ses engagements…

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1601.

    M. Jean-Frédéric Poisson. La première partie de l’article 22 dispose que tout mariage célébré à l’étranger dans les formes et sous les conditions prévues pour la célébration des mariages en France – quant à l’état civil des futurs époux, aux conditions de célébrations, au consentement, à la présence physique des époux, etc. – doit être transcrit en droit français.

    La deuxième partie de l’article – celle qui nous pose problème, madame la ministre – dispose que ces mariages sont transcrits en droit français et deviennent valides du fait même qu’ils sont transcrits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’ayez pas l’air étonné, chers collègues, je suis bien en train de rappeler le contenu du texte ! Ce qui est problématique, c’est qu’à partir du moment où il y a une demande de transcription, puis un entretien, lors duquel on vérifie que les conditions requises sont réunies, on considère que le mariage est valide, même s’il ne respecte pas la loi des personnes dans le pays d’origine de l’un des deux époux.

    Et ne venez pas nous dire que de telles conditions ne vont pas créer un phénomène d’appel à l’égard de personnes étrangères qui voudraient venir vivre en France ! Comme on le sait, certaines personnes sont prêtes à tout pour venir s’installer chez nous, tant il y fait bon vivre. Je comprends les précautions légitimes que vous avez prises en rédigeant cet article mais, très franchement, inciter les ressortissants de pays étrangers au non-respect de la loi de leur pays d’origine et considérer que l’État français peut, d’un coup de gomme, faire disparaître ce non-respect de la loi, ne me paraît tout de même pas normal.

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1631.

    M. Dominique Tian. Et moi, alors, monsieur le président ? Je n’ai pas le droit de m’exprimer ?

    M. le président. Monsieur Tian, j’ai appelé le premier signataire de l’amendement n° 1601, à savoir M. Poisson. Si vous vouliez prendre la parole, il fallait vous mettre d’accord avec votre collègue.

    Vous avez la parole, monsieur Guilloteau.

    M. Christophe Guilloteau. Madame la ministre, notre collègue Nicolas Dhuicq a exprimé son inquiétude tout à l’heure, ce qu’il n’aurait peut-être pas fait si l’avis du Conseil d’État était venu répondre à ses interrogations.

    Je voudrais dire à notre collègue Le Bouillonnec, qui est parti – ah non, je l’aperçois là-bas –…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, je suis là, et depuis le début, contrairement à vous !

    M. Christophe Guilloteau. …que je le connaissais avocat, mais pas procureur, car ce soir il s’est transformé en procureur, et cela me dérange. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Allons, mes chers collègues !

    M. Christophe Guilloteau. Tout à l’heure, il a été fait mention du mariage célébré par Noël Mamère à Bègles. Pour ma part, je considère qu’il vaut mieux un bon contrat chez un notaire qu’un mauvais mariage à Bègles. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Sergio Coronado. Quel talent !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1725.

    Mme Véronique Louwagie. À la lecture de l’article 22, je ne peux m’empêcher de penser au mariage blanc (« Ah ! sur les bancs du groupe SRC), dont je vous rappelle la définition : c’est un mariage de complaisance, contracté dans d’autres buts que la vie commune. On parle de mariage blanc dans les pays où le mariage est basé sur le libre consentement, quand les époux mentent sur leurs intentions.

    L’utilisation la plus souvent citée du mariage blanc et la plus vigoureusement combattue sur le plan légal est celle d’un immigrant qui épouse une personne du pays dans lequel il souhaite immigrer, dans l’unique but d’obtenir certains avantages – par exemple l’autorisation de séjour dans le pays concerné, l’attribution d’un logement ou l’obtention de la nationalité de la personne épousée.

    En France, nous combattons le mariage blanc. Lorsque le maire a connaissance d’un délit ou qu’il suspecte les personnes se présentant à lui de vouloir contracter un mariage blanc, il ne peut s’y opposer ; toutefois, la loi a prévu une situation lui permettant de saisir le procureur. Au contraire, l’article 22 va favoriser « l’escroquerie sentimentale », c’est pourquoi je propose, avec l’amendement n° 1725, de supprimer cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1656.

    M. Olivier Marleix. Par votre récente circulaire, madame la ministre, vous avez demandé au parquet de prendre acte de la GPA à l’étranger. Avec l’article 22, vous nous demandez de prendre acte de mariages contractés à l’étranger entre personnes de même sexe. Dès lors, je m’étonne que vous ne nous demandiez pas de valider également le mariage célébré par notre éminent collègue Noël Mamère à Bègles en 2004 – une affaire toujours pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme, me semble-t-il.

    C’est une étrange conception du rôle du Parlement que la vôtre, madame la ministre : manifestement, vous voyez notre assemblée comme une chambre d’enregistrement chargée de donner un blanc-seing, a posteriori, à toutes sortes d’initiatives jusqu’à présent interdites par la loi. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 22. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1768.

    M. Guillaume Chevrollier. L’article 22 vise à permettre la reconnaissance des mariages entre couples de même sexe, valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Cela constitue une contradiction avec la loi, qui veut que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient au regard de la loi personnelle des parties en vigueur au jour de la célébration. Cet article constitue donc une entorse au principe de non-rétroactivité.

    D’autre part, en reconnaissant les effets du mariage entre couples de même sexe valablement formés à l’étranger à l’égard des enfants, l’article 22 est contraire aux principes essentiels de la filiation, reposant sur l’altérité des sexes des géniteurs des enfants. Il contournerait également la loi française en donnant une suite légale à des actes illégaux en France. Cela devient une pratique coutumière de votre gouvernement, après la circulaire parue si opportunément pendant nos débats, portant sur les conditions de délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de Français après recours à la fameuse gestation pour autrui.

    Enfin, l’article 22 crée une discrimination entre les enfants élevés par des couples homosexuels mariés en France et ceux élevés par des couples homosexuels mariés à l’étranger. Arrêtez les dégâts ! Ce texte, censé mettre fin à une prétendue inégalité entre des couples de différentes natures, ne rétablit pas l’égalité, mais n’apporte au contraire que discrimination, inégalité et déséquilibre. Il faut donc supprimer l’article 22, ainsi que l’ensemble du projet de loi dont il fait partie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1972.

    M. Jacques Lamblin. Je veux commencer par poser une question à nos collègues de la majorité : mes chers collègues, pensez-vous que la détermination dont nous faisons preuve depuis une dizaine de jours n’est motivée que par des raisons politiques et la volonté de vous contredire ? (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Votre réponse en dit long sur votre état d’esprit et, pour tout dire, cela me paraît insensé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean Glavany. Nous aussi, nous avons des convictions !

    M. Jacques Lamblin. Pour nous, votre texte est grave pour ce qu’il contient, mais aussi et surtout pour ce qu’il ne contient pas, mais ne manquera pas d’appeler.

    Quand un texte est faible, il est détourné, et l’article 22 n’échappera pas à la règle, comme cela a déjà été décrit. De même, si vous libéralisez la PMA, si cette technique devient une opération de convenance, les femmes homosexuelles ne seront pas les seules à y avoir recours : je vous affirme que des femmes seules y auront recours également, ce qui va se traduire par l’émergence d’une nouvelle catégorie dans la société.

    Je suis maire d’une ville de 20 000 habitants où, selon un récent rapport de l’INSEE, on compte 500 couples avec enfants de moins que précédemment, et 300 familles monoparentales – autrement dit des familles subies.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Pas toujours !

    M. Jacques Lamblin. Avec l’ouverture de la PMA, ces familles monoparentales seront des familles voulues.

    Vous ouvrez ainsi la porte à l’eugénisme : des femmes choisiront sur catalogue l’homme qui leur convient le mieux ! Réfléchissez bien à cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Régis Juanico. Incroyable !

    M. Jean Glavany. N’importe quoi !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2037.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Nous avons bien compris la tactique du Président de la République et de son gouvernement, consistant à inonder les esprits de réformes sociétales afin de masquer les vrais problèmes, notamment les plans sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « C’est la réalité ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Ainsi, le texte sur les banques, que nous allons examiner à partir de la semaine prochaine et qui aura des conséquences calamiteuses sur les TPE et les PME, s’ajoute à l’envolée vertigineuse des impôts et à la chute non moins vertigineuse du pouvoir d’achat. On a l’impression que votre ambition se résume à détricoter tout ce que nous avions fait ; or tout ne méritait sans doute pas d’être ainsi réduit à néant.

    À court d’idées, vous finissez par aller chercher ce qui se fait à l’étranger mais est interdit en France. Pensez-vous que c’est ainsi que vous réduirez les inégalités en suivant l’évolution de la société ? Mais de quelle société ? Vous nous dites qu’il n’y a pas de loi naturelle, seulement les lois de la République. Mais sur quelles républiques étrangères prenez-vous modèle ? Supprimez l’article 22, ne serait-ce que pour montrer que vous croyez en votre projet : vous laisserez ainsi aux personnes mariées à l’étranger la joie de se marier légalement en France – si elles ne sont pas déjà divorcées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2916.

    M. Philippe Meunier. Article après article, la majorité détruit le droit de la famille. Non contents de cela, vous sombrez dans l’arrogance et n’écoutez pas l’opposition, passant votre temps à rire et à vous moquer de nous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai même vu, tout à l’heure, une députée du groupe socialiste manger une barre chocolatée dans l’hémicycle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Jean Glavany. Quel scandale !

    M. Philippe Meunier. …ce qui, au point d’abaissement où vous êtes parvenus, ne signifie peut-être plus grand-chose pour vous.

    De la même manière, vous avez abaissé notre pays en commençant par détruire les lois voulues par Nicolas Sarkozy et votées par notre Parlement, notamment celles relatives aux heures supplémentaires. Aujourd’hui, c’est au droit de la famille que vous vous attaquez avec le mariage pour tous – et demain, ce sera le droit de vote des immigrés. Continuez ainsi : nous vous donnons rendez-vous dans les rues de Paris le 24 mars prochain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n° 2983. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Allons, mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !

    Vous avez la parole, monsieur Houillon.

    M. Philippe Houillon. Personnellement, l’article 22 me paraît très utile (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour les futurs étudiants en droit, car il constitue un exemple frappant d’un article totalement contraire aux principes élémentaires, de droit interne et de droit international privé.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est sûr !

    M. Philippe Houillon. Je le trouve également utile en ce qu’il illustre, s’il en était besoin, que tout le texte qui nous est soumis est plus proche de l’arthrose que d’un dispositif juridique. L’arthrose, c’est une maladie des articulations…

    M. Régis Juanico. Et de l’UMP !

    M. Philippe Houillon. …qui se traduit par des douleurs lors des mouvements. Or ce texte sera connecté à tant d’autres sujets, comme l’a écrit le Conseil d’État, que cela va finir par faire mal. Retirez donc ce texte, tout du moins l’article 22, contraire à tous les principes, notamment en matière d’état civil des personnes. À défaut, vous allez créer beaucoup plus de problèmes que vous ne prétendez en régler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 3085.

    Mme Valérie Lacroute. Comme cela a été dit à plusieurs reprises, l’article 22 vise à permettre la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Mais quelle contradiction avec la loi ! Et, surtout, quel fossé avec la vie des Français ! Depuis plusieurs heures, depuis plusieurs jours nous discutons du texte dans cet hémicycle, mais, sincèrement, avez-vous interrogé les Français ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guy Geoffroy. Ils n’en veulent pas !

    Mme Valérie Lacroute. Avez-vous interrogé vos administrés sur leurs souhaits ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les avez-vous consultés ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.) Pour ma part, je reviens de ma circonscription et je peux vous dire qu’ils ne sont pas du tout dans cet état d’esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Oui, ils sont favorables à l’avancée que représente l’union civile entre deux hommes ou deux femmes, mais ils ne souhaitent ouvrir à ces couples ni l’adoption, ni la PMA, ni la GPA.

    C’est pour cette raison que nous sommes là ce soir et que nous vous demandons de supprimer cet article en adoptant cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3148.

    M. Sylvain Berrios. Après douze jours de débat, je trouve des vertus à ce texte.

    Il a des vertus parce qu’il révèle votre volonté de piétiner l’institution du mariage et, de fait, la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il révèle que votre volonté politique n’est qu’idéologique, à un point tel qu’elle nie l’altérité homme-femme, notamment dans la procréation, dans le fait de donner la vie.

    Il a des vertus parce qu’il révèle votre sens des priorités : en douze jours, 12 000 chômeurs de plus ont été comptabilisés. Y avait-il urgence à légiférer maintenant ?

    Il a des vertus parce qu’il révèle l’état de votre majorité, laquelle, parce qu’elle est divisée, est en réalité muselée. Aujourd’hui, vous n’avez plus le droit d’intervenir : voilà la vérité !

    Ce projet révèle votre capacité à tordre la loi, à écrire des textes complètement tordus qui ne simplifient rien et qui compliqueront l’ensemble du code civil et du droit de la famille.

    Enfin, ce texte a des vertus parce qu’il révèle au grand jour votre capacité à contourner la loi française ; c’est le cas de l’article 22, qui autorise à l’étranger ce qui est interdit sur le territoire français. C’est pourquoi il faut supprimer cet article et, au-delà, l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3205.

    M. Céleste Lett. Mes chers collègues, voilà encore un article qui démontre combien votre loi est une révolution à l’envers. Pour aller dans le même sens que mes prédécesseurs, je dirai que vous pulvérisez non seulement le droit, mais aussi la famille. Et tout ceci par souci de clientélisme ; car ce n’est rien d’autre que cela !

    Mariage, adoption, PMA, GPA : voilà votre ligne d’évolution, votre ligne de progrès ! Depuis le début, depuis que nous abordons le sujet de la PMA et de la GPA, je pense au livre d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) que notre excellent collègue François de Mazières a évoqué il y a quelques jours et que j’ai travaillé voilà une trentaine d’années avec une classe pendant un trimestre.

    M. Arnaud Leroy. Il n’a pas tant de pages que cela, pourtant !

    M. Céleste Lett. Et j’ai le souvenir de sentiments partagés entre, d’un côté, une admiration pour les progrès scientifiques et, de l’autre, une forme de révulsion pour ce que pouvait être la société de demain. Permettez-moi de vous lire quelques extraits de ce qu’Aldous Huxley écrivait en 1951, vingt ans après la parution du livre – ce peut être l’occasion de se cultiver pour certains (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : « Aujourd’hui, il semble pratiquement possible que cette horreur s’abatte sur nous dans le délai d’un siècle ». Il évoque un « totalitarisme supranational, suscité par le chaos social résultant du progrès technologique ». Si M. le président m’accorde encore trente secondes…

    M. le président. Merci, monsieur Lett.

    La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3514.

    M. Daniel Fasquelle. Ces débats ont permis de comprendre que la majorité est décidément fâchée avec le droit français. Hier encore, nous avons eu un débat surréaliste avec Mme la ministre à propos des fictions en droit. Chers collègues de la majorité, vous êtes fâchés avec le droit comparé, parce que le modèle majoritaire en Europe n’est pas celui que vous proposez aujourd’hui. C’est celui de l’union civile, de l’alliance civile, que nous avons défendu et que nous continuerons de défendre.

    Vous êtes en outre fâchés avec les textes internationaux : votre texte n’est par exemple pas conforme à la convention de New York sur les droits de l’enfant, en particulier à l’article 7, alinéa 1, qui concerne le droit de l’enfant à connaître ses origines.

    Enfin, vous êtes fâchés avec le droit international privé ; tous les spécialistes, tous ceux qui se sont intéressés à cette question – et ils l’ont fait avec effroi – le disent. Un universitaire affirme par exemple que la règle de l’article 202-1 du code civil tel que proposé par le projet de loi « pose autant de problèmes qu’elle en résout. Elle risque surtout de multiplier les mariages boiteux ». C’est le cas également de cet article 22 : on peut se poser aujourd’hui des questions sur les mariages concernés, sur l’application du texte dans le temps, en France et à l’étranger, à l’égard des personnes concernés et des tiers.

    On le voit bien, votre texte est bâclé. Grâce à l’opposition, nous avons eu un débat depuis quinze jours dans cet hémicycle, le débat que vous avez refusé aux Français. Celui-ci était nécessaire pour montrer les incohérences de ce texte et celles de la majorité, qui concernent notamment la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Ces pratiques, en réalité, vous les favorisez : par l’effet de votre texte et de la circulaire de Mme Taubira, il sera très facile demain de se rendre dans les pays où elles existent déjà, de les faire pratiquer, puis de revenir en France afin d’établir une double filiation à l’égard de deux hommes ou de deux femmes. Ainsi, des enfants seront définitivement privés du droit de connaître leur père ou leur mère naturels.

    Tout cela est décidément scandaleux, justifierait que vous retiriez votre texte – il n’est pas trop tard ! – et que nous ayons enfin un vrai et grand débat digne de notre démocratie et de notre pays.

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour soutenir l’amendement n° 4003. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Quel accueil !

    Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, je vais défendre mon amendement mais avec la résignation de ceux qui savent qu’il ne sera pas adopté et que nous ne serons pas entendus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    En effet, le Gouvernement, sur ce texte, n’a pas choisi l’apaisement ; il a choisi le clivage. Il n’a pas choisi le dialogue, la réflexion et le consensus ; il a choisi la fermeture. Pourquoi ? Nous aurions pu nous retrouver – Valérie Lacroute l’a très bien dit – sur une proposition d’union civile, qui aurait pu faire consensus.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est discriminatoire !

    Mme Valérie Pecresse. Pour la filiation, il était urgent de réfléchir. Il fallait prendre le temps, on le voit bien aujourd’hui. Les associations de défense des droits des homosexuels ont toujours été totalement transparentes sur cette question. Elles ont toujours dit qu’elles voulaient l’égalité de tous les droits : le droit à l’adoption, mais aussi le droit à la filiation biologique, le droit à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, le droit à la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.

    M. Bernard Roman. Non, c’est faux !

    Mme Valérie Pecresse. Alors, le Gouvernement louvoie, il est dissimulé et ne nous dit pas la vérité. Il ne nous dit pas, surtout, jusqu’où il veut aller. Alors pourquoi se précipiter ? Pourquoi avancer ainsi en creusant un clivage qui va fracturer la société française ?

    Eh bien, je vais vous dire pourquoi vous le faites : pour fabriquer un écran de fumée, pour souder une majorité qui est déçue par toutes les promesses non tenues de François Hollande et par l’incompétence de ce dernier à gérer la France et à résoudre les vrais problèmes économiques et sociaux de notre pays, en particulier celui du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà pourquoi vous ne voulez pas prendre le temps sur cette loi !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3582.

    M. Xavier Breton. Cet amendement de suppression de l’article 22 est une manière de souligner une nouvelle fois l’impréparation de ce texte. Comme nous l’avons dit, et on le voit à nouveau dans cet article comme dans les précédents, l’étude d’impact est largement insuffisante et le projet comporte nombre d’imprécisions juridiques qui suscitent des interrogations.

    Ce texte est également improvisé : vous écrivez une page blanche sans en mesurer toutes les conséquences, tous les impacts. Nous serons quant à nous très attentifs aux conséquences juridiques de ce projet de loi.

    Cependant, puisque M. le ministre chargé des relations avec le Parlement est présent et qu’il nous a indiqué, quant au calendrier d’examen de la loi sur la famille, que nous aurions à nous prononcer après l’avis du Comité consultatif national d’éthique, j’aimerais lui poser deux questions précises.

    Premièrement, monsieur le ministre, y aura-t-il oui ou non des états généraux sur cette question ? J’ai cru comprendre que oui ; dans cette hypothèse, pouvez-vous nous préciser s’ils auront bien lieu après l’avis du CCNE ?

    Deuxièmement, l’assistance à la procréation sera-t-elle inscrite dans le projet de loi sur la famille qui sera déposé fin mars ou l’examen d’une telle mesure sera-t-il renvoyé ultérieurement à la remise de l’avis du CCNE ? Là aussi, c’est important, parce que je pense que des accords ont été passés au sein de votre majorité, et nous voudrions les connaître.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4130.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Bon anniversaire !

    M. Yves Censi. Mes chers collègues, l’article que nous examinons déroule finalement comme un jeu de domino ce que vous avez transformé comme un fait générateur, c’est-à-dire l’ensemble de la structure familiale.

    Une question ne cesse pourtant de me tarauder et continue, j’en suis sûr, de tarauder les Français ; peut-être le Gouvernement pourra-t-il enfin y répondre : pourquoi le Président de la République a-t-il évoqué un problème de conscience devant les maires ?

    M. Guy Geoffroy. C’est qu’il en connaît un lui-même ! Il n’y croit pas lui-même !

    M. Yves Censi. Pourquoi a-t-il ouvert le débat en évoquant la question de la liberté de conscience ?

    Je pense que, par principe, le Président de la République n’est pas un lâche ; il n’a donc pas agi ainsi pour éviter de se faire siffler par les maires ou pour chercher à les calmer. Vous conviendrez également avec moi que, sans être homophobe – personne ne peut imaginer qu’il le soit –, et nous ne le sommes pas plus que lui, le Président de la République a quand même un problème de conscience.

    Pensez-vous par ailleurs qu’il trouverait gênant d’accorder des droits supplémentaires aux couples homosexuels ? Assurément pas, tout comme nous, au demeurant. Penserait-il alors qu’une personne homosexuelle serait incapable d’élever des enfants ? Non, pas du tout, pas plus que nous. Et pourtant, il a un problème de conscience.

    Il faut essayer de comprendre pourquoi le Président de la République a évoqué cette question. Il a souligné ce problème puis a laissé faire ses ministres et sa majorité, en demandant toutefois au Premier ministre, à un moment donné, de recadrer Mme la ministre déléguée chargée de la famille sur la PMA ; je crois que les mots du Premier ministre sont exactement ceux-là : « Elle ne peut pas dire ça ». J’ai mon idée sur ce point…

    M. le président. Merci. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4731.

    M. Gilles Lurton. Si cet article a pour objet de permettre la reconnaissance des mariages de couples de personnes de même sexe valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte, il illustre aussi, à l’instar des articles précédents, le manque de préparation de votre projet.

    Je ne comprends pas qu’un tel texte, qu’un tel article n’aient pas été soumis à la commission des affaires étrangères. Pour ce qui me concerne, avant le vote de cet article et, à plus forte raison, de ce texte dans sa totalité, je souhaiterais connaître l’avis du ministre de l’intérieur sur de telles dispositions. Nous ne l’aurons malheureusement pas, tant est grande votre hâte de faire voter ce projet à tout prix, dans les délais les plus brefs, au risque d’avoir un texte bâclé.

    Eh bien, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, je souhaite que nous n’ayons pas un vote conforme au Sénat et que nous puissions revenir sur ce texte en deuxième lecture.

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4806.

    M. Alain Leboeuf. Les articles 171-1 et suivants du code civil définissent les règles du mariage des Français à l’étranger. L’article 171-1 traite du mariage contracté en pays étranger entre Français ou entre un ressortissant français et un étranger.

    L’article 22 du projet de loi a pour effet de reconnaître le mariage entre personnes de même sexe, acte qui peut faire l’objet d’une transcription. En revanche, il n’évoque pas la reconnaissance du mariage entre personnes de sexe différent, introduisant ainsi une inégalité défavorable aux couples de sexe différent qui se sont mariés à l’étranger. Ce faisant, il encourt un risque d’inconstitutionnalité. Pour ne pas prendre ce risque, je vous propose donc de supprimer cet article.

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4852.

    Mme Geneviève Levy. Là encore, avec cet article, on trouve matière à inquiétude juridique, et je suis désolée d’avoir à le redire. Comment pouvons-nous participer à ce type de démarche alors que notre rôle est de sécuriser la situation de nos concitoyens ? Et je pense que si l’avis du Conseil d’État nous est caché avec tant d’ardeur, c’est très certainement que dans sa sagesse et avec ses compétences, le Conseil d’État a bien perçu tous les risques auxquels nous exposions nos concitoyens. La loi n’est pas là pour les exposer à de tels risques, y compris juridiques.

    Pensez-vous, mesdames et messieurs de la majorité, protéger nos concitoyens avec un article organisant ce qui est proscrit dans notre droit, à savoir la rétroactivité des lois ? Cela me paraît aller totalement à l’encontre de ce pour quoi nous avons choisi de nous engager, c’est-à-dire essayer d’apaiser la situation pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5104.

    M. Guy Geoffroy. Je suggère à nos collègues de la majorité de ne pas nous donner l’occasion, en retardant nos débats, de montrer à l’opinion publique qui nous écoute et nous regarde combien cet article 22 est révélateur de toutes vos obsessions. Permettez-moi de vous le dire, madame la garde des sceaux, en reprenant une formule que vous avez utilisée tout à l’heure et que je vous renvoie au ras du filet : avec cet article 22, vos obsessions montent en gamme.

    C’est d’abord l’obsession de la « modernitude » : on prend à l’étranger tout ce qu’il y a de plus scabreux, de plus incertain, de plus incorrect sur le plan juridique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) au regard des principes fondamentaux de notre droit, bien installé sur ses bases ; et, comme il faut être le meilleur, on tord encore le cou à ce qui est déjà bien aléatoire.

    C’est aussi votre obsession de la régularisation : tout ce qui est irrégulier doit être régularisé. Qu’en est-il des étrangers en situation irrégulière ? On va les régulariser, parce que l’humanitarisme nécessite qu’on le fasse. Qu’en est-il des procréations médicalement assistées ? Pour elles, on n’a pas besoin de le faire, mais on se rattrape avec la gestation pour autrui – c’est votre circulaire GPA, madame Taubira, la circulaire de l’obsession de la régularisation.

    M. Razzy Hammadi. Quelle démagogie !

    M. Guy Geoffroy. Avec cet article, enfin, c’est l’obsession de tout ce que nous, nous n’acceptons pas, et que vous allez rendre légal rétroactivement. Imaginez-vous le symbole que constitue cet article 22 : parmi les premiers mariages entre personnes de même sexe qui existeront dans nos actes civils, il y aura bel et bien une bonne quantité de mariages, illégaux avant la loi, qui seront transcrits grâce à elle. Bel exemple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5315.

    M. Arnaud Richard. Vous nous reprochez, mes chers collègues, d’avoir déposé 5 000 amendements : votre record, établi à 123 000 amendements, est donc loin d’être battu !

    Vous faites le choix de la loi du plus fort, alors que la société n’est pas prête à accepter le changement que vous lui imposez. Vous faites le choix de la PMA, de la GPA et certains même celui de la téléportation.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah ! ça y est, voilà le clonage !

    M. Bernard Roman. On y a eu droit !

    M. Arnaud Richard. Voilà votre changement. Pour ma part, je milite pour une société qui accepte les différences, alors que vous ne voyez que par l’égalitarisme.

    Quitte à être perçu comme un conservateur, je dois dire que je suis très frappé par l’amateurisme, la faiblesse juridique et la méconnaissance des conséquences de ce texte.

    Par votre circulaire, vous prenez acte de la GPA à l’étranger ; avec l’article 22 – je le répète après Guy Geoffroy –, c’est presque l’asile pour tous. M. Lurton l’a lui aussi souligné : c’est la régularisation par l’égalitarisme.

    Un ancien Premier ministre issu de vos rangs a pu dire que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde mais qu’elle devait savoir en prendre fidèlement sa part. Je pense, mes chers collègues – et j’en reviens au sujet de notre texte – qu’avec cet article vous allez trop loin.

    M. Yves Censi. S’il n’y avait qu’avec celui-là !

    M. Arnaud Richard. Tout comme M. Geoffroy, je pense que vous allez trop loin, parce que vous ne mesurez pas les conséquences de cet article.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements de suppression ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Comme on l’a rappelé, l’article 22, qui n’a d’ailleurs pas été modifié par la commission, précise les conditions de reconnaissance et de transcription des mariages contractés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que je l’ai entendu dire, de cautionner ou d’amnistier des pratiques illégales,…

    M. Guy Geoffroy. Mais si ! Vous êtes emportés par votre délire !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …ou des escroqueries sentimentales. Ces mariages ont évidemment été célébrés le plus légalement du monde dans les pays concernés.

    L’intérêt de cet article réside dans le fait que la validité du mariage s’apprécie au jour de la célébration et que, à défaut de disposition spécifique, le mariage d’un Français avec une personne de même sexe célébré à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi ne pourrait produire aucun effet dans notre pays après son vote.

    M. Guy Geoffroy. Et alors ? Ils se marieraient de nouveau après la promulgation de la loi !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Naturellement – on l’a rappelé, mais je le précise de nouveau – les mariages seront reconnus en France à la date de leur célébration, sous réserve du respect des règles générales relatives à la qualité requise pour pouvoir contracter mariage et aux conditions de nullité.

    La commission a donc donné un avis défavorable sur l’ensemble des amendements de suppression.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement nous ne parlons pas du même article. Il est vrai que depuis quatre, cinq ou six jours – au moins – vous nous parlez de toutes sortes de sujets en présentant des amendements dont vous ne dites mot. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous procédez exactement au même exercice pour cet article, dont je vais rappeler le contenu. L’article 22, qui figurait dans le texte du Gouvernement et a donc fait l’objet de l’examen par le Conseil d’État, lequel semble vous tenir tellement à cœur…

    M. Guy Geoffroy. Et qu’a-t-il dit ?

    M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien, si l’avis n’avait pas été favorable, ce texte ne serait pas là ; ce n’est pas plus compliqué que cela, monsieur Geoffroy ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Cet article 22, disais-je, contient deux dispositions. La première consiste à faire en sorte qu’un mariage régulièrement célébré à l’étranger produise des effets sur les époux et sur les enfants en France. Cela veut dire, entre autres, que l’autorité parentale joue, et que l’inscription à l’école est possible. Les effets vis-à-vis des tiers ne se produisent qu’à partir de la transcription.

    Dans les deux cas, l’article précise bien entendu que cela vaut « sous réserve du respect » des dispositions du code civil français. Autrement dit, quelle que soit la loi sous laquelle le mariage a été célébré, si les conditions du mariage valables en France, à savoir les conditions d’âge – avoir dix-huit ans –, sans oublier le consentement ou encore les obligations en matière d’assistance, car tous les articles afférents du code civil sont mentionnés, il n’est pas considéré comme valable en France. En clair, la première disposition, qui produit des effets vis-à-vis des époux et des enfants, est soumise aux conditions légales du mariage en France, telles qu’établies dans le code civil.

    La deuxième disposition de l’article 22 concerne la transcription de ce mariage dans l’état civil français, qui est déjà prévue par le code civil, à telle enseigne que l’article lui-même indique les conditions dans lesquelles elle peut être effectuée, à savoir celles fixées par les articles 171-5 et 171-7.

    Je vous signale d’ailleurs que, parmi les conditions de transcription du mariage prévues par le code civil, des procédures de contrôle sont déjà prévues. De quoi s’agit-il – ou plutôt, de qui s’agit-il ? Sont concernés les mariages célébrés régulièrement à l’étranger, soit entre deux Français, soit entre un Français et un étranger.

    M. Patrick Ollier. Y compris des personnes avec lesquelles il est illégal de s’unir !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quels sont les pays concernés ?

    Depuis quinze jours, vous n’arrêtez pas de dire que seule une poignée de pays a ouvert le mariage aux couples de même sexe. Les pays concernés sont donc cette poignée d’États qui ont ouvert le mariage aux couples de même sexe. Le flux migratoire que vous dénoncez, les hordes qui sont à nos portes, ne sont que des fantômes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guy Geoffroy. Arrêtez votre cinéma !

    Mme Laure de La Raudière. C’est une honte !

    M. Philippe Le Ray. Les fantômes n’ont pas de sexe !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si nous vous suivons et si nous abrogeons l’article 22, que se passera-t-il ? Un mariage célébré, par exemple, entre un Français et un Belge – puisque la Belgique a ouvert le mariage aux couples de même sexe –, célébré légalement en Belgique et qui doit être conforme aux dispositions du code civil français, deviendra nul. Le Français et le Belge seront obligés de divorcer pour pouvoir se remarier.

    Ensuite, il est intéressant de se souvenir de l’article 1er du texte, lequel contient des dispositions concernant la loi personnelle. Vous vous souvenez certainement que j’ai eu l’occasion d’expliquer que les autres pays qui avaient ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ont pris la même disposition que le Gouvernement vous propose dans ce texte et qui a été votée avec l’article 1er. Cette disposition fait qu’un Français peut épouser…

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Un fantôme ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …un Belge, un Espagnol ou un Hollandais dans le pays concerné, et cela légalement, selon la loi de ce pays. En effet, les États en question ont fait comme nous, c’est-à-dire établi une dérogation à la loi personnelle.

    Il s’agit donc des effets d’un mariage légalement célébré,…

    M. Dominique Tian. Non, justement : pas légalement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vérifié comme étant conforme à notre code civil, concernant deux Français ou un Français et un ressortissant d’un pays figurant parmi cette infime poignée qui a ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ; ce mariage produit d’abord ses effets sur les époux et sur les enfants, et ensuite, à partir de la transcription, sur les tiers.

    M. Guy Geoffroy. Quel gloubi-boulga ! Même Casimir n’aurait pas mangé ça !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà de quoi il s’agit. Il est évident que nous ne parlions pas du même article. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

    M. Dominique Tian. Le groupe UMP n’est pas vraiment rassuré par les explications du rapporteur, qui étaient d’ailleurs très brèves, et l’est encore moins par celles de Mme la ministre.

    Nous voulons signaler que ces personnes se sont mariées illégalement. (« Non ! sur les bancs du groupe SRC.) Au regard du droit français, elles ont profité de l’existence de quelques pays qui autorisaient ce type de mariage, tout en sachant que ces unions ne seraient pas reconnues en France.

    Cela pose d’ailleurs un problème moral : ne faut-il pas demander à ces personnes de revenir devant l’officier d’état civil français pour recueillir de nouveau leur consentement ? Après tout, elles ont peut-être été d’accord à un moment de leur vie, et cela à l’étranger ; ce mariage n’avait pas beaucoup d’importance, puisqu’il n’était pas reconnu sur le territoire national. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    M. Dominique Tian. Il faut peut-être qu’elles réaffirment leur consentement. On ne peut pas présumer de l’existence de leurs sentiments maintenant que les conséquences sont opposables sur le territoire national.

    On pourrait presque se demander si un mariage célébré au petit matin à Las Vegas est vraiment valable s’il n’a pas à nouveau fait l’objet d’une cérémonie en France. On peut par exemple se marier par défi ! Il nous paraît assez normal que le sentiment soit réaffirmé devant l’officier d’état civil.

    Par ailleurs, vous parlez d’un mariage légal sur le territoire où il a été célébré. Si les exemples belge et hollandais peuvent paraître valables, il y a d’autres pays où l’état civil est incertain. Toutes les précautions ont-elle été prises ? A-t-on vérifié que l’état civil était valable ? A-t-on mesuré les conséquences vis-à-vis des tiers ? Comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, quand on fait un mariage en France, l’officier d’état civil, l’adjoint au maire, prend des précautions, vérifie qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc.

    M. le président. Sur l’article 22, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à François de Rugy.

    M. François de Rugy. J’étais présent lors de nos débats lundi, mardi, mercredi, avant de m’absenter pour rentrer à Nantes jeudi. Je suis de retour aujourd’hui vendredi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et je dois dire que je ne suis pas dépaysé !

    Les mêmes sont toujours là : le Breton est toujours là, Le Fur, qui est breton aussi, est toujours là, le Normand Gosselin est toujours là, le Poisson qui fraie parfois en eaux un peu troubles est toujours là… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Quel humour !

    M. François de Rugy. …et celui qui a été surnommé « le troll de l’Assemblée » est toujours là. J’ai noté aussi que Mme Pecresse avait changé, mais uniquement du point de vue vestimentaire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Voilà donc que l’article 22 traite des mariages célébrés à l’étranger. Je me disais bien, lorsque je l’ai lu, que cet article allait vous inspirer, chers collègues de l’opposition. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Quelques députés se lèvent.)

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

    M. le président. Chers collègues, asseyez-vous, je vous prie. Je donnerai la parole au président Jacob avant le vote. Monsieur de Rugy, veuillez terminer votre propos.

    M. François de Rugy. Il faut quand même qu’il y ait quelques interventions de la majorité !

    Lors du précédent mandat, j’avais présenté un amendement qui visait à reconnaître les contrats équivalents au Pacs conclus à l’étranger. Je me souviens que plusieurs d’entre vous, chers collègues de l’opposition, poussaient déjà des cris d’orfraie, s’alarmant du fait que nous allions reconnaître des droits équivalents à ceux du mariage.

    Cet amendement a fini par être adopté, grâce au soutien de Jean-Paul Delevoye, qui, après avoir été parlementaire RPR, était alors médiateur de la République, et de la garde des sceaux de l’époque, Rachida Dati, qui n’est peut-être plus en odeur de sainteté chez vous aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais d’où sort-il, celui-là ?

    M. François de Rugy. Avec l’article 22, nous faisons la même chose pour le mariage. Ça ne m’étonne pas beaucoup que ça vous dérange.

    M. Bernard Deflesselles. C’est vous qui nous dérangez ! Que venez-vous faire ici ?

    M. François de Rugy. On a bien compris depuis le début de cette discussion qu’avec vous, quand on est homosexuel, il vaut mieux se faire discret. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Être homosexuel et vouloir se marier, là, c’est trop ! (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

    Alors en plus, être étranger, homosexuel et vouloir se marier, faut quand même pas exagérer ! (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés UMP. Scandaleux !

    M. François de Rugy. Nous, notre boussole, notre seule boussole dans ce débat, c’est l’égalité, l’égalité, encore l’égalité et toujours l’égalité ! C’est ce que nous défendons avec l’article 22 ! (Mêmes mouvements.)

    M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !

    M. le président. Non, monsieur Mariton, je vais donner la parole à votre président de groupe ; il n’y aura pas deux rappels au règlement.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58. La discussion sur l’article puis la défense des amendements se sont déroulées dans un climat qui n’est pas acceptable.

    Nos collègues ont dû affronter en permanence des quolibets. Pas un seul représentant de la majorité ne s’est levé pour intervenir sur le fond.

    M. Xavier Breton. Ils n’en ont pas le droit !

    M. Christian Jacob. J’ai cru comprendre que les députés de la majorité étaient muselés et qu’en bons godillots, ils n’ont qu’un droit, celui de se taire. Chers collègues, j’avoue que vous l’avez respecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur de Rugy, vos propos sont inacceptables. On peut tout entendre, on peut être en désaccord. Mais les procès que vous venez de faire en homophobie, les propos que vous venez de tenir à l’instant sont minables et indignes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Minables, oui !

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance. Mais je vous le dis très clairement : nous ne reprendrons pas les débats dans des conditions normales tant que M. de Rugy n’aura pas présenté d’excuses ! (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés UMP. Très bien !

    M. Christian Jacob. Ce sera suspension de séance sur suspension de séance, incident sur incident. M. de Rugy devra s’expliquer ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Je demande aux présidents de groupe de me retrouver dès la suspension de séance pour faire le point sur le déroulement de nos travaux. Il est 1 heure 05 : nous ne prolongerons pas cette séance s’il est impossible d’arriver à son terme.

    Plusieurs députés UMP. Des excuses ! Des excuses !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le samedi 9 février 2013 à une heure cinq, est reprise à une heure vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 22 (suite)

    M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

    M. François de Rugy. Dans ce débat, depuis maintenant près de deux semaines, nous avons entendu beaucoup de choses, et il est des propos qui, parfois, peuvent être ressentis comme blessants ; c’est regrettable.

    J’ai nommé tout à l’heure certains collègues – avec humour, j’espère qu’ils l’auront compris. J’ai du respect, sinon toujours pour leurs idées, du moins pour leur engagement. L’engagement des députés, quels qu’ils soient, est toujours respectable dans ces débats.

    Il me semble qu’à ce stade avancé de nos discussions, ce n’est pas la peine d’en rajouter ou d’en dire plus, et la sagesse nous invite à continuer de débattre dans un climat calme et serein des deux côtés.

    M. le président. Monsieur de Rugy, dois-je comprendre que vous vous excusez des propos que vous avez tenus et qui ont pu en blesser certains ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. On n’a rien compris !

    M. Jean Glavany. C’est une bonne interprétation, monsieur le président !

    M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

    M. François de Rugy. Mes chers collègues, nous n’allons pas faire un débat sur le débat, cela est sans intérêt. J’ai dit les choses le plus clairement possible, comme il est d’usage, puisque ce n’est pas la première fois que nous connaissons des incidents de séance, y compris au cours de ce débat. Ce n’est pas la première fois que des propos ont pu dépasser leur intention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je vous l’ai dit, comme je l’ai d’ailleurs dit au président Jacob lors de la suspension de séance, je regrette ces propos. Ce n’est donc pas la peine de s’attarder plus longuement sur ce point. (Approbation sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

    M. le président. Monsieur de Rugy, je pense que tout le monde a pris acte de vos propos, et je propose de poursuivre nos travaux.

    La parole est à M. Arnaud Leroy.

    M. Arnaud Leroy. Je voulais simplement apporter quelques précisions sur l’ouverture des droits pour nos compatriotes qui vivent à l’étranger. Je suis moi-même élu dans une circonscription hors de France et je vous rassure : ce texte concerne également des Européens, et pas uniquement des personnes susceptibles de venir s’installer en France.

    Je voulais également rassurer M. Dhuicq : je vis au Portugal, je suis fréquemment en Espagne, et là-bas la société ne s’est pas effondrée : en dehors de l’économie, tout fonctionne plutôt bien.

    Vous invoquiez tout à l’heure la beauté de notre édifice et son histoire. Nous, peuple français, nous avons, juste après la Révolution, brandi les idéaux des Lumières et la Déclaration des droits de l’homme pour exporter nos valeurs et nos idées. Aujourd’hui, nous devons être capables d’être réceptifs à ce qui se fait ailleurs. Il ne s’agit pas de faire la course à la mode ou au progrès mais de recevoir des valeurs que nous n’avons pas toujours été capables de promouvoir les premiers. Aujourd’hui, nous avons la capacité et le devoir des les importer, au nom de l’égalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

    M. Philip Cordery. Au terme de l’examen de ce projet de loi, après dix jours de débats, nous avons fait avancer l’égalité pour tous. Je souhaite qu’elle ait avancé pour tous, y compris pour les Français qui vivent et sont mariés à l’étranger, et doivent pouvoir rentrer dans notre pays. Car beaucoup de nos compatriotes se sont exilés à l’étranger pour se marier et avoir des enfants, parce qu’ils ne pouvaient pas le faire ici.

    M. Philippe Cochet. Quel aveu !

    M. Philip Cordery. Je rencontre régulièrement ces couples, en Belgique ou aux Pays-Bas. Ils doivent aujourd’hui pouvoir faire reconnaître leur mariage et leur famille dans notre droit. L’article 22 permettra aux couples mariés à l’étranger de bénéficier de l’avancée sociale que représente cette loi, et ils pourront rentrer en France la tête haute, avec les mêmes droits et la même sécurité juridique que les autres Français. L’égalité pour les couples qui veulent se marier, nous l’avons votée ; alors, votons maintenant l’égalité pour les couples déjà mariés !

    Chers collègues, vous nous traitez enfin de godillots, mais nous sommes fiers, sur nos bancs, de voter cette loi. C’est notre honneur. Nous avons des valeurs différentes, mais acceptez notre fierté de voter une loi que des milliers de couples attendent depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je considère que l’assemblée est suffisamment éclairée.

    Je vous propose de voter à main levée sur la série des amendements identiques tendant à supprimer l’article 22.

    (L’amendement n° 112 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 4781.

    M. Guy Geoffroy. Mesdames les ministres, mes chers collègues, j’espère que vous accepterez d’être suffisamment attentifs pour comprendre qu’avec cet amendement nous vous donnons une dernière chance de vous sortir du bourbier juridique et sociétal dans lequel vous vous êtes laissés engluer et voulez enliser la société française. L’amendement vise à réintroduire, à l’occasion de la régularisation des fameux mariages de l’article 22, cette notion à laquelle nos concitoyens deviennent de plus en plus attachés, celle de l’alliance civile. Vous leur aviez vendu dans la précipitation d’un programme électoral le mariage pour tous, la modernitude, et ils semblaient d’accord… Mais quand ils ont compris que, derrière le mariage, il y avait l’adoption, ils ont commencé à être moins d’accord ; quand ils ont saisi que, derrière l’adoption, il y avait probablement la PMA – votre président de groupe se faisait fort qu’elle passerait –, ils ont commencé à ne plus être d’accord du tout ; et maintenant que l’on régularise la GPA, madame la garde des sceaux, ils sont vent debout !

    Nos concitoyens sont par contre d’accord pour qu’un statut plus stable et plus protecteur soit accordé aux couples de personnes de même sexe vivant ensemble, et l’alliance civile leur permettrait de l’obtenir sans qu’il y ait ce lien destructeur de la société, destructeur d’une bonne partie de l’avenir des enfants concernés, ce lien de filiation. Cette dernière chance que l’opposition vous donne, saisissez-la, parce qu’elle ne se produira pas deux fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de cohérence avec un amendement instaurant une alliance civile qui a été rejeté au début de nos travaux. Par cohérence, la commission l’a donc repoussé.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un amendement de coordination avec un dispositif qui n’a pas été adopté. Avis défavorable.

    (L’amendement n° 4781 n’est pas adopté.)

    M. Philippe Le Ray. C’est dommage !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 22.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 226

    Nombre de suffrages exprimés 226

    Majorité absolue 114

    Pour l’adoption 151

    contre 75

    (L’article 22 est adopté.)

    Après l’article 22

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 4858, 5349 et 5357, portant article additionnel après l’article 22.

    La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 4858.

    M. Patrick Ollier. C’est un amendement qui me semble de bon sens. Madame la ministre, j’ai lu l’étude d’impact et il apparaît qu’il y a un certain nombre de dépenses induites. Elle présente quelques lacunes, mais elle est précise sur ce point. Ainsi, à la page 40 : « « L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe entraînera une augmentation du nombre de mariages célébrés. […] Tous les services d’état civil communaux verront une augmentation de leur activité, […] ces “nouveaux actes” également reproduits dans le livret de famille augmenteront tout autant l’activité et les frais de fonctionnement des services de l’état civil. » ; à la page 41 : « En l’état actuel du projet de loi, les éditeurs de logiciels contactés indiquent que la modification du logiciel métier « état civil » aura un coût qu’ils ne peuvent encore évaluer. » Bref, combien de formulaires faudra-t-il transformer ? Tout cela représente des sommes certainement importantes alors que les communes, on le sait, sont soumises aujourd’hui à des diminutions des dotations de l’État et ont des problèmes financiers. Je rappelle que l’article 6 de la LOLF prévoit qu’il peut y avoir des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales. Puisque l’État impose des dépenses supplémentaires aux communes, l’amendement propose qu’elles bénéficient de compensations à due concurrence.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5349.

    M. Hervé Mariton. Même s’il ne sera pas nécessairement considérable, il y aura un coût lié au projet de loi : l’augmentation des frais de fonctionnement des services de l’état civil, la croissance des délivrances d’actes. Il y aura aussi d’évidence le coût de l’interprétation du code civil à laquelle, de manière assez inattendue, la garde des sceaux nous a invités plusieurs fois. Chaque maire va devoir réfléchir, demander des conseils, réunir des groupes de travail pour savoir comment adapter les énoncés assez bancals que vous y avez installés. Tout cela a un coût financier, mais surtout un coût en termes de qualité et de bonne gestion de nos collectivités et des actes d’état civil que nous accomplissons en tant qu’officier d’état civil. Nous voulons respecter tous nos concitoyens, mais dans des conditions qui soient respectueuses d’eux et non pas dans celles que vous voulez nous imposer.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 5357.

    M. Marc Le Fur. À l’occasion de la défense de cet amendement, je voudrais revenir sur mon argumentation concernant l’article 22 car je n’ai pas pu la développer tout à l’heure en raison du délai de deux minutes.

    L’article 22 contrevient à un principe fondamental de notre République : le principe de laïcité. Prenons le cas des monarchies scandinaves : elles présentent la double caractéristique de rester dans un système de confusion entre l’État et les églises protestantes, mais en même temps celles-ci sont très ouvertes et marient des couples homosexuels. Il y a quelques années, une église protestante a marié un Français et, en vertu de l’article 22, nous allons transcrire en droit français la décision de cette église parce qu’elle a valeur légale dans le pays d’origine. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître un mariage étranger, mais de le transcrire. Nous serons alors fondamentalement en rupture avec notre principe de laïcité. Pour ma part, j’y vois un argument supplémentaire contre ce texte, et ce sera l’un des moyens que nous développerons dans notre recours devant le Conseil constitutionnel, et une difficulté majeure : vous rompez avec cette laïcité que vous avez en permanence à la bouche mais, la démonstration en est faite, vous ne la respectez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean Glavany. C’est bien la première fois qu’il utilise cet argument !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements prévoient un prélèvement sur recettes de l’État en faveur des communes afin de compenser les charges découlant de l’augmentation des frais de fonctionnement des services de l’état civil. Mais il faut tout de même raison garder, car le nombre de mariages de personnes de même sexe sera vraisemblablement peu conséquent. C’est en tout cas ce qu’on a observé dans tous les pays qui l’ont ouvert, notamment en Europe.

    M. Nicolas Dhuicq. Tout ça pour ça !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ce prélèvement sur recettes serait donc bien inutile. Avis défavorable.

    M. Guy Geoffroy. L’argument n’est pas très juridique !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Messieurs les députés, vous proposez un prélèvement sur les recettes de l’État de façon à transférer aux communes les ressources budgétaires qui permettraient de faire face à l’afflux catastrophique de charges induites par les nouveaux mariages.

    M. Patrick Ollier. Vous le reconnaissez vous-même !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais donner quelques chiffres et vous verrez bien que ces considérations sont infondées arithmétiquement, monsieur Ollier. Indépendamment des vertus visionnaires extraordinaires que j’ai pu percevoir à travers certains propos, le Gouvernement n’a évidemment pas les moyens de prévoir exactement combien de mariages seront célébrés pour des couples de même sexe. Il demeure que nous disposons de quelques éléments de comparaison, à prendre bien sûr avec précaution, en voyant ce qui s’est passé dans les pays qui ont ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe depuis plusieurs années, depuis pratiquement douze ans pour la Belgique, le dernier pays étant l’Espagne, depuis sept ans déjà. Dans ces pays, les mariages de couples de même sexe ont oscillé entre 2 % et 2,5 % du total. Si on fait les mêmes projections pour la France, compte tenu du nombre d’habitants et surtout du nombre de célébrations annuelles, cela devrait donner aux environs de 4 800 à 6 000 mariages annuels. Les dotations que l’État transfère aux communes devraient évidemment leur permettre de couvrir les frais. Je crois que la France en a la capacité. Je ne vois donc pas quelle est la nécessité de créer ce prélèvement sur recettes de l’État mais, bien entendu, il est permis d’avoir une approche catastrophiste de ce qui va se passer. Avis défavorable.

    (Les amendements identiques nos 4858, 5349 et 5357 ne sont pas adoptés.)

    Article 23

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, inscrit sur l’article.

    M. Hervé Mariton. L’article 23 précise que certaines dispositions de la loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Polynésie française et dans les terres australes et antarctiques françaises. C’est la suite de la discussion que nous avions tout à l’heure sur l’outre-mer. Notre collègue du groupe UDI a exprimé avec beaucoup de force, comme notre collègue Fritch l’avait fait en commission des lois, une opinion très défavorable – même si je sais que la réaction n’est pas forcément la même en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

    J’ajoute que, s’agissant de ces territoires, il n’y a pas l’automaticité d’application des départements d’outre-mer au titre de l’article 73, et le législateur aurait pu imaginer une autre réponse que celle de l’extension du dispositif. Vous faites le choix de passer en force pour son application dans ces territoires. Vous devez faire attention. La situation particulière de la Polynésie a été rappelée puisque, le Pacs étant un contrat, il relève du droit du pays et n’a pas été intégré dans le système juridique polynésien. Le droit de la République, pour reprendre votre expression, madame la ministre, va faire passer immédiatement de l’absence de Pacs à ce mariage, dans un territoire qui par ailleurs vit très bien la réalité de couples de même sexe, sans discriminations ni revendications particulières. Vous imposez, vous contraignez, vous voulez passer en force.

    M. le président. La parole est à M. Jean Glavany.

    M. Jean Glavany. À l’occasion de la discussion générale du dernier article, en tant que très ancien parlementaire – moins ancien que certains, n’est-ce pas monsieur le président ? – je voudrais livrer quelques réflexions.

    Moins présent que certains mais plus que beaucoup d’autres tout au long de ces séances, je dois dire mon respect, mon estime et mon admiration pour celles et ceux qui n’ont cessé d’élever le débat. C’est en particulier le cas de Mme la garde des sceaux, Mme Taubira, qui n’a cessé d’élever le débat dans toutes ses interventions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je voudrais que la représentation nationale lui en soit reconnaissante.

    Qu’avons-nous vécu pendant toutes ces heures ? Un nouvel épisode de ce vieux et long débat sur l’égalité des droits. Nous en avons vécu d’autres épisodes, certains d’entre nous ici. Avec Bernard Roman, je parlais tout à l’heure de débats que nous avons vécus, il y a quatorze ans, à propos du Pacs.

    M. Patrick Ollier. On est sur l’article 23, sur Wallis et Futuna !

    M. Jean Glavany. Permettez-moi de vous dire, sans agressivité, que nous avons entendu exactement les mêmes arguments, les mêmes mots, les mêmes professions de foi, les mêmes enthousiasmes, les mêmes indignations…

    M. Guy Geoffroy. Et Mme Guigou alors !

    M. Jean Glavany.… pour que quatorze ans plus tard, on vienne nous proposer de faire le contrat d’union civile.

    À propos de ce combat pour l’égalité des droits, je vous invite, mes chers collègues, à aller voir le film Lincoln de Steven Spielberg.

    M. Hervé Mariton. On n’a pas le temps !

    M. Jean Glavany. Vous verrez que dans les débats parlementaires de l’époque, aux États-Unis, vous retrouverez aussi les mêmes indignations, les mêmes cris, les mêmes expressions que j’ai entendues dans cet hémicycle. C’est donc une vieille histoire.

    Pour dire les choses simplement : nous n’allons retirer aucun droit à aucun citoyen.

    M. Hervé Mariton. Visiblement, vous n’avez pas suivi le débat !

    M. Jean Glavany. Nous n’allons limiter aucun droit. Nous allons ouvrir un droit nouveau pour une catégorie de citoyens, les homosexuels : nous allons leur offrir le droit de se marier. Nous sommes pour, vous êtes contre. Je pense à tous ces homosexuels de France, à ceux qui hier se cachaient avec honte, à ceux qui aujourd’hui vont être fiers et soulagés d’avoir ce nouveau droit…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et le temps de parole !

    M. Jean Glavany.… et à ceux qui demain, nos enfants, peut-être vos enfants, messieurs…

    M. Patrick Ollier. Ce n’est pas le sujet !

    M. Jean Glavany.… nous jugeront en se disant : certains nous ont ouvert un droit, d’autres nous l’ont refusé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements de suppression de l’article 23. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 113.

    M. Marc Le Fur. Sauf erreur de ma part, madame la ministre, je n’ai pas entendu de réponse à ma question sur le respect du principe de la laïcité dans la transcription de certains actes réalisés dans des pays où l’Église et l’État ne sont pas séparés, notamment dans les pays scandinaves où les mariages de Français qui ont pu se réaliser vont être transcrits directement en droit français. Merci de me fournir des réponses.

    Si j’insiste, c’est parce que nous n’avons pas de réponses sur certains sujets. Nous n’en avons jamais de la part du rapporteur ; nous en avons parfois de la part de la ministre et je lui en sais gré, mais ce n’est pas toujours le cas. Je me permets donc d’insister pour obtenir les réponses que nous n’avons pas obtenues.

    Quant à M. Glavany, que nous n’avons pas beaucoup vu pendant les débats, il arrive, il repart. Je salue l’ancien ministre qu’il fut, mais ce n’est pas en schématisant, en caricaturant, en faisant des comparaisons avec je ne sais quelle période de l’histoire américaine que le sujet est là.

    M. Patrick Ollier. C’était un discours de la IIIe République !

    M. Marc Le Fur. Les évolutions américaines et anglaises, il est vrai, vous inspirent beaucoup. Vous vous êtes réclamés des successeurs de Mme Thatcher tout au long du débat, avec une vraie logique : vous êtes à la conjonction d’une option libérale et libertaire (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC), conséquence lointaine de soixante-huit et d’un capitalisme débridé.

    Quant à nous, nous sommes soucieux de certains droits que nous considérons comme des droits naturels, expression qui figure dans la Déclaration de 1989. Nous y sommes attachés et nous avons développé ce sujet inlassablement durant les 105 heures de débats. J’ai eu le privilège de défendre 197 amendements à l’occasion de ce débat…

    M. Jean-Jacques Bridey. C’est le dernier !

    M. Marc Le Fur.… et j’ai bien l’intention de continuer à le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L’opposition s’est honorée en défendant cette logique et elle n’est pas seule : nous sommes au tout début d’un long combat qui sera repris dans l’opinion, bien au-delà de nous-mêmes. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n°443.

    M. Yves Albarello. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 447.

    M. Hervé Mariton. Si le Gouvernement veut écouter les parlementaires, j’espère que l’amendement qui sera présenté un peu plus tard par nos collègues du groupe UDI sera adopté. Je crois, en particulier dans la logique de l’article 74 de la Constitution, qu’il est bien venu de respecter le sentiment profond des collectivités d’outre-mer pour un texte de ce type, madame la garde des sceaux. Les compliments des uns n’interdisent pas d’écouter ceux que je souhaite vous adresser.

    L’intervention de notre collègue Glavany était intéressante parce qu’elle faisait écho à celle de Marc Le Fur. Monsieur Glavany, ce que nous avons vu au fil de ce débat et ce que vous venez de résumer remarquablement, c’est la référence au passé. Pour notre part, nous voulons construire une solution moderne, adaptée, imaginative. À cet égard, Mme la garde des sceaux ne puise pas suffisamment dans ses références littéraires. Elle nous invite à un peu de folie…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton !

    M. Hervé Mariton. Il n’en faut pas trop mais il faut suffisamment d’audace pour sortir de la duplication et des stéréotypes dans lesquels vous vous enfermez en voulant absolument calquer une institution, quitte à ce que ce ne soit pas la meilleure réponse pour les personnes auxquelles nous souhaitons être attentifs. C’est vraiment très dommage. Vous avez une approche individualiste, matérialiste. Nous pensons simplement que l’avenir n’est pas là. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 484.

    M. François de Mazières. À notre collègue Lamblin, vous avez répondu tout à l’heure en un chœur admirable : oui, c’est politique. En fait, j’ai l’impression qu’on n’a vraiment rien compris. On a vu des millions de Français…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Des millions !

    M. François de Mazières.… manifester en disant clairement que leurs motivations n’étaient pas politiques mais qu’elles étaient liées à des convictions très profondes, ancrées en eux. Réduire cela à une démarche politique est une faute.

    Monsieur Glavany, vous avez parlé d’égalité.

    M. Jean Glavany. Oui !

    M. François de Mazières. On revient toujours à ce concept d’égalité. Soyons clairs : cette égalité va nécessairement conduire à la PMA et à la GPA.

    M. Jean Glavany. Mais non !

    M. François de Mazières. C’est évident parce que, si vous voulez que cette égalité s’exerce réellement, il faudra bien qu’il y ait des enfants, alors que la capacité d’adoption est extrêmement limitée. Voilà ce qui inquiète les Français, cette espèce d’univers de science-fiction qui ne connaît pas de limites.

    Céleste Lett a évoqué Le Meilleur des mondes de Huxley, écrit en 1931. Les héros s’appellent Marx et Lénina parce que ce livre décrit et démontre la dictature du plaisir. Que sommes-nous en train de faire ? Nous répondons au désir de l’adulte, à tous les désirs de l’adulte ; nous défendons l’égalité des désirs de l’adulte. Cela peut conduire à des dangers réels et vous le savez parfaitement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. La machine infernale !

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 770.

    M. Frédéric Reiss. Il faut évidemment supprimer cet article 23.

    Ce projet de mariage pour tous divise notre pays et c’est pourquoi les Français n’en veulent pas ni outre-mer ni en métropole. Avec ce projet, on a l’impression que le mariage va devenir un bien de consommation. Mes chers collègues de la majorité, vous ne mesurez pas les dégâts que va faire ce mariage pour tous, notamment aux enfants qui n’auront pas eu la chance d’avoir un père et une mère.

    Nous connaissons tous des cas d’enfants abandonnés, élevés avec amour dans des familles d’adoption et qui, une fois devenus adultes, souffrent énormément du fait de ne pas connaître leurs géniteurs. D’ailleurs, lors des auditions effectuées par le rapporteur, les adoptés ont dit clairement que la clé de l’adoption repose sur l’identification des enfants à leurs parents. Ce sont pleinement et entièrement nos parents, disent-ils, justement parce qu’ils représentent de manière crédible le père et la mère que nous n’avons pas pu avoir.

    Avec ce projet de loi, vous avez tout faux. C’est pour cela que nous nous y opposons fermement et vigoureusement jusqu’à la fin.

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1151.

    M. Philippe Cochet. Je ne vais pas revenir sur notre vision de ce texte, qui n’est qu’un brouillon, et nous savons pertinemment que cette loi ne sera pas promulguée. La seule question qui vaille est celle-ci : mes chers collègues de la majorité, jusqu’où voulez-vous aller ?

    M. Guy Geoffroy. Ils ne le savent pas eux-mêmes !

    M. Philippe Cochet. Cette question est primordiale. À entendre les commentaires, je pense qu’il y a deux types de parlementaires dans cet hémicycle : les passifs et les actifs (Murmures et sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Sur un sujet comme celui-ci, dans une enceinte où ont été adoptées les plus belles lois, où la protection du plus faible a toujours été mise en avant, M. Glavany donne des conseils et veut jouer au vieux sage. Monsieur Glavany, un peu de décence ! Vous n’avez participé à rien, vous avez simplement été un spectateur. Permettez-moi, pour une fois, de vous adresser un message, chers collègues de la majorité : arrêtez d’être des spectateurs…

    M. Jean Glavany. Nous avons adopté des articles tout le temps !

    M. Philippe Cochet.… devenez des acteurs et ayez uniquement en tête l’intérêt de l’enfant. Nous sommes là pour préserver l’intérêt des enfants, alors arrêtez d’être passifs et devenez enfin acteurs. Une chose est certaine : le combat ne fait que commencer parce que, pour nous, les enfants passeront avant tout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1194.

    Mme Laure de La Raudière. Je reviendrai d’un mot sur le sujet de l’adoption. On a l’impression que vous n’avez pas consulté les professionnels de l’adoption pour faire ce projet de loi.

    Plusieurs députés du groupe UMP. M. Glavany s’en va !

    Mme Laure de La Raudière. Au revoir, monsieur Glavany !

    M. Philippe Cochet. Il vient donner des leçons et il s’en va !

    Mme Laure de La Raudière. À chaque fois que nous les avons écoutés, les professionnels de l’adoption se sont opposés fermement à l’adoption plénière en raison de risques juridiques, pour les enfants et sur les processus d’adoption.

    C’est sur ce sujet, j’en suis sûre, que le Conseil d’État a rendu un avis négatif et je vous demande à nouveau, avant la fin de l’examen de ce texte, de bien vouloir éclairer la représentation nationale. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, il s’agit d’enfants adoptés, donc d’enfants que vous savez fragiles. Je suis la porte-parole de ces enfants à adopter (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et je vous demande, s’il vous plaît, de bien vouloir nous donner l’avis du Conseil d’État sur ce point.

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1437.

    M. Nicolas Dhuicq. Au début de ce débat, nous entendions beaucoup parler d’amour, sans doute avec énormément de confusion parce que nous n’avons qu’un seul mot quand les Grecs en avaient quatre pour décrire les différents sentiments.

    Dans le même temps, j’entends parler beaucoup de valeur. Effectivement, il y a des différences de valeur et des valeurs différentes. Certains ici pensent que la France est née il y a deux siècles, d’autres pensent qu’elle est plus que millénaire.

    Certains veulent créer un homme nouveau, d’autres pensent que créer un homme nouveau est un rêve dangereux. Il serait dommageable que ce soit un système démocratique qui fasse naître ce rêve fou d’un homme nouveau.

    Certains veulent mettre des limites et un cadre, d’autres cèdent à l’hubris, au désir de toute-puissance, sans voir qu’ils ouvrent des portes vers un inconnu redoutable, vers l’eugénisme, vers des digues qui vont sauter parce que, oui, viendra le choix des embryons, des ovocytes et des spermatozoïdes, en fonction de critères aberrants. Un certain roi de Prusse avait commencé à emprunter cette voie et cela s’est mal terminé, comme vous le savez.

    Celles et ceux qui défendent ici les repères, les cadres, la limite et in fine la loi, doivent être entendus et écoutés. En tout cas, je crois que les peuples les entendront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1536.

    M. David Douillet. Il s’agit de supprimer l’article relatif à l’application de ce texte outre-mer. Notre collègue Edouard Fritch a très bien expliqué les problèmes posés en prenant l’exemple de la Polynésie où le Pacs n’est malheureusement toujours pas appliqué.

    On a vraiment le sentiment – cet article en est encore la preuve – que vous jouez définitivement aux apprentis sorciers. Je ne sais pas si vous avez vu ce célèbre film de Walt Disney.

    M. Razzy Hammadi. Chacun ses références.

    M. David Douillet. Elle est aussi bonne que les vôtres. Comme dans ce film, tout va s’emballer, vous n’allez plus rien maîtriser, vous allez être dépassés. La première chose qui va vous exploser à la figure, et nous exploser à la figure, sera le recours à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui qui, je le rappelle, est illégale dans notre pays.

    Le recours à ces procédés va multiplier le nombre d’enfants qui existent déjà, mais parce qu’ils sont victimes des accidents de la vie. On en connaît bien malheureusement les causes.

    Vous allez fabriquer des enfants qui vont souffrir chaque jour de leur différence. Vous allez me rétorquer que, précisément, vous faites des lois pour que ces différences soient gommées. C’est faux ! Parce que ils ne liront pas cette différence dans les yeux des autres mais ils la vivront profondément en eux. Le manque d’un père ou d’une mère se ressent au plus profond de soi-même. Vous en serez responsables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1602.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’article 23, madame la ministre, est cohérent avec le reste du texte que vous défendez devant nous. Il est compréhensible que vous souhaitiez voir les dispositions de ce projet s’appliquer dans les territoires d’outre-mer cités dans cet article.

    Personne ne peut vous faire le reproche d’assurer la cohérence de votre projet, c’est une affaire entendue. Que nous soyons nous-mêmes dans la cohérence au regard de notre position de départ est là aussi la moindre des choses.

    Il y a au moins un point sur lequel nous sommes en désaccord. Il y a dans les territoires d’outre-mer des résistances vives. Je n’y vis pas, je les connais peu, je ne sais pas dire si cette résistance est majoritaire ou minoritaire, je n’en sais rien. J’ai simplement entendu nos collègues ultramarins qui se sont exprimés en commission ou à cette tribune. On comprend à tout le moins qu’il y a une certaine forme de division des populations dans ces territoires, qui doit recouvrir à peu près celle que nous connaissons en France métropolitaine. Je comprends que cette résistance puisse étonner. Il y a dans ces territoires des traditions qui sont encore vives et sont souvent imprégnées de culture religieuse, qu’elle soit d’origine ou qu’elle soit syncrétique en fonction des histoires locales. Il y a aussi le mélange de religions anciennes, de religions européennes et de coutumes locales. Et ces territoires résistent longtemps et fortement.

    Je tiens à vous dire, pour que nous soyons d’accord sur ce constat qu’un certain nombre de Français, ici en métropole, résistent à votre texte pour les mêmes raisons.

    Au nom même de la résistance des métropolitains à ce texte, j’épouserai donc volontiers la résistance des ultramarins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien.

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1641.

    M. Christophe Guilloteau. L’amendement est défendu. Nous arrivons à l’article 23. Ce soir, au onzième jour des débats, nous vivons une séance un peu particulière. J’ai raté une matinée pour aller dans ma circonscription, mais je ne l’ai pas fait en donnant des leçons comme l’a fait tout à l’heure le président d’un groupe.

    Je veux revenir sur les propos de M. Glavany qui est ancien dans cette maison, mais je suis seulement un peu moins ancien que lui. C’est dommage qu’il soit parti. Son intervention était intéressante. En dépit de mon expérience, je peux dire que c’est la première fois que je vois un tel spectacle. Onze jours sur un texte comme celui-ci…

    Un député du groupe SRC. La faute à qui ?

    M. Christophe Guilloteau. Non, ce n’est pas de notre faute, cher collègue. L’opposition essaie de faire son travail parce qu’elle a été élue pour cela. À chaque fois que nous proposons quelque chose, nous avons forcément tort. Un seul amendement a été accepté. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour la démocratie. Vous êtes entêtés. Nous avons demandé l’avis du Conseil d’État dont certains disposent ici, nous n’avons pas pu l’avoir. Nous demandons à la majorité de nous respecter, ce qui n’a pas toujours été le cas. Nous avons assisté à une scène un peu particulière de la part d’un questeur à l’égard d’un de mes collègues. J’avoue que parfois nous avons touché le fond. J’espère que les prochains jours verront un peu de sérénité. Depuis le début, ce texte n’était pas nécessairement utile, il ne l’était ni pour la France, ni pour les Français. Cela aurait évité ce que nous avons connu dans cet hémicycle. Cela aurait évité de voir un million de personnes descendre dans la rue et recommencer certainement plus nombreux le 24 mars (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1666.

    M. Olivier Marleix. Au-delà de la suppression de l’article 23, je crois que le retour de notre collègue Jean Glavany sur le Pacs ne manque pas de pertinence. Il a peut-être entendu les mêmes remarques de l’opposition, les mêmes inquiétudes qu’à l’époque du Pacs. Mais nous, nous avons entendu les mêmes réponses de la part du Gouvernement, les mêmes dénis. Mme Guigou disait : « le mariage homosexuel, jamais ! ». Aujourd’hui, c’est Mme Taubira qui nous dit : « la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, jamais ! » Nous savons ce qu’il en est.

    M. Guy Geoffroy. Paroles, paroles.

    M. Olivier Marleix. Au nom de l’égalité des droits qui vous est si chère, qui est l’alpha et l’oméga de votre pensée politique, ce sont les prochains débats auxquels vous nous allez nous amener immanquablement. Je regrette qu’aujourd’hui vous ne l’assumiez pas et que nous ayons un débat tronqué. Vous vous en tenez à ce qui figurait sur vos tracts électoraux, comme si on pouvait passer du tract à la loi sans prendre le temps du débat.

    Dans ce débat, je trouve surprenant le silence depuis dix jours de nos collègues du groupe socialiste qui sont là pour lever et baisser la main, mais surtout pas pour débattre, pour faire avancer le texte. Pourtant, après huit mois de législature, il serait utile, on commence à s’en rendre compte, que ce qui était inscrit sur vos tracts soit un tout petit peu plus réfléchi, plus travaillé et plus débattu. C’est à cela que sert l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1726.

    Mme Véronique Louwagie. Nous allons achever d’ici quelques heures les travaux sur l’ensemble des articles du projet de loi. J’étais inquiète avant le début des débats de la division des Français qui s’opérait sur ce texte. À l’issue des débats, mon inquiétude persiste puisque le Gouvernement aura avec ce texte clivé et opposé les Français. Cela est vraiment regrettable car le rôle d’un Président de la république et d’un gouvernement est au contraire de rassembler, de trouver un consensus, d’unir et de proposer des solutions qui contribuent à réunir les Français.

    Si certains Français sont favorables au mariage, il n’en va pas de même pour la filiation. L’absence de prises de position précises sur la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée ainsi que la circulaire sur la GPA contribuent à perturber les Français. Vous n’avez pas traité toutes ces questions. Nous ne savons toujours pas où le Gouvernement veut aller sur un certain nombre de questions.

    Je regrette que vous n’ayez pas accepté l’union civile car cette idée était à même de rassembler. Elle permettait l’ouverture de droits sociaux et patrimoniaux aux personnes homosexuelles ainsi que l’officialisation et la publicité de l’union en mairie. L’intérêt supérieur de l’enfant aurait été considéré. Nous aurions eu une avancée forte, avec de nouveaux droits, sans créer de différence au sein d’un même statut et sans remettre en cause les droits de tous. Je crois que nous sommes passés à côté de quelque chose qui aurait pu être fort (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1769.

    M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement me permet de rappeler une nouvelle fois qu’outre-mer, plus qu’ailleurs, ce projet ne fait pas l’unanimité. Ce texte y fait l’objet de vives critiques comme l’a brillamment exposé notre collègue Bruno Nestor Azerot. Il l’a exprimé avec force, avec conviction, avec un courage qui mérite notre admiration. Ces propos pleins de bon sens et sincères montrent bien que ce texte crée une réelle fracture.

    Je viens donc vous demander une nouvelle fois de renoncer à ce projet nocif et déstabilisant pour notre société et pour les enfants.

    Ce débat dont j’aurais souhaité, comme une majorité de Français, qu’il se déroule dans le cadre d’états généraux, a été suivi par un grand nombre d’entre eux. Croyez bien qu’une armée de Français va rester mobilisée sur ce texte, au-delà du vote à l’Assemblée nationale, inévitable compte tenu des forces politiques, et en particulier le 24 mars (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1973.

    M. Jacques Lamblin. Je suis cohérent avec moi-même. J’ai proposé des amendements de suppression à chaque article, y compris sur l’article 23, dans la mesure où je suis hostile pour des raisons éthiques à l’ensemble de ce texte de loi.

    Premièrement, ce texte est le maillon d’une chaîne qui nous emmène vers l’indifférenciation des individus sur le plan sexuel dans notre société, à un horizon plus ou moins lointain.

    Deuxièmement, vous affirmez résoudre un problème d’inégalité entre individus. Ce que vous appelez inégalité est, en fait, différence. Vous confondez inégalité et différence. Pour résoudre ce problème, vous créez trois autres inégalités entre les enfants, selon qu’ils auront père et mère, deux pères ou deux mères.

    Troisièmement, et c’est un élément important, ce texte appelle inexorablement, toujours au nom de l’égalité, les processus de conception médicalement assistée, les mères porteuses pour les hommes candidats à la maternité, si j’ose dire, et la procréation médicalement assistée pour les femmes.

    Je vous reproche de nous répondre de deux manières seulement : par la ruse pour le Gouvernement qui refuse souvent de répondre ; par le silence pour la majorité. Ce n’est pas une manière de mener un débat sur un sujet aussi important que celui-là.

    Enfin, j’en termine par là, je voudrais vous poser une ultime question : pensez-vous que nous avons suffisamment de recul sur le devenir des enfants nés artificiellement dans des couples homosexuels ? Pour le moment, les enfants qui vivent dans des couples homosexuels sont nés de relations hétérosexuelles. Pour eux, nous avons du recul. Nous n’avons aucun recul pour les autres, parce que cela fait seulement quelques années...

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2042.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Puisque nous arrivons à la fin de ce texte, je voudrais rappeler et redire que j’ai été choqué par l’agressivité de la majorité. Il n’y a pas eu de vrai débat. La majorité sur ce texte manque considérablement de sérénité et a souvent recouru à l’invective.

    Je pense que l’outre-mer, qui est bien souvent oublié en métropole, n’a pas besoin de ce texte qui est une agression contre sa richesse et sa diversité culturelles.

    La métropole n’en a pas besoin non plus. Il y a fort à parier qu’avant la fin de l’année, la procréation médicalement assistée pour les couples lesbiens sera autorisée. Ensuite, au nom de l’égalité, avant la fin de cette législature, sans doute, la gestation pour autrui pour les couples gays sera permise.

    On peut regretter qu’il n’y ait pas eu de débat mais un long, très long monologue de l’opposition. Heureusement que l’opposition était là pour éclairer un peu les Français sur ce texte !

    Il faut retirer pas seulement l’article 23 mais la totalité du texte (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2262.

    M. Pierre Lequiller. Je suis, moi aussi, contre l’article 23. Plus généralement, je veux dire à M. Glavany que, si, depuis dix jours, nous sommes présents à toutes les séances, c’est que nous sommes venus défendre nos valeurs. Nous sommes, nous, pour l’éthique, pour la morale,…

    Un député du groupe SRC. Laquelle ?

    M. Pierre Lequiller. …pour la défense de l’enfant face aux progrès non encadrés de la science. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Vous, vous êtes pour une utilisation de convenance de la science au détriment de l’intérêt de l’enfant, de la morale et de l’éthique.

    M. Jean Glavany. Ce n’est pas caricatural du tout !

    M. Pierre Lequiller. Vous, vous voulez une société où les enfants n’auraient plus le droit d’avoir un père et une mère, ne pourraient plus remonter à leur origine biologique. Vous, vous voulez une société où les adultes ont librement accès au désir d’enfant, sans vous interroger sur la psychologie de l’enfant, son besoin d’altérité. Vous acceptez, sans avoir pris le temps d’y réfléchir, une société d’éprouvettes, de banques de sperme, de ventres loués et de manipulations génétiques. Vous acceptez, pour faire plaisir à un lobby d’homosexuels qui vous demande déjà la PMA et la GPA, une société d’accès de convenance à l’enfant, ce qui est déjà pratiqué de façon lucrative et scandaleuse, par exemple aux États-Unis d’Amérique.

    Pour moi, les choses sont claires : je ne veux pas d’une société qui perd ses repères éthiques, je veux une société qui sache encadrer les progrès de la science sans jamais oublier la nécessité, au-dessus de tout, de défendre l’être le plus fragile, l’enfant. (Mêmes mouvements.) Si nous sommes là, depuis dix jours, malgré les quolibets…

    M. le président. Merci !

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2972.

    M. Philippe Meunier. Mesdames et messieurs de la majorité, nous ne vous reprochons pas d’avoir un projet – vous en avez le droit le plus absolu –, comme nous avons le nôtre. Ce que nous vous reprochons, c’est d’avancer masqués et de dissimuler ce projet aux Français. J’en veux pour preuve les déclarations de Mme Guigou lors du débat sur le Pacs : il n’y aura pas de loi supplémentaire, affirmait-elle. Aujourd’hui, nous avons un projet de loi pour le mariage des personnes de même sexe.

    Ensuite, c’est, à propos de la PMA, Mme la ministre chargée de la famille qui déclare que la PMA figurera dans la prochaine loi famille. M. le Premier ministre déclare, de Phnom Penh : « Non, non, non ! Il faudra qu’on en discute ! » On verra la suite.

    Après cela, c’est Mme la garde des sceaux, qui prétend qu’il n’y aura jamais la GPA … et qui signe la circulaire.

    Voilà quelle est la réalité ! Vous avancez masqués, vous dissimulez la vérité aux Français et puis, de temps en temps, dans vos propos, le fond se révèle. L’orateur socialiste de tout à l’heure l’a d’ailleurs très bien exprimé en disant qu’avec cette loi les couples d’homosexuels ne seraient plus obligés de partir à l’étranger pour se marier et – j’insiste sur ce « et » – avoir des enfants.

    M. Guy Geoffroy. Eh oui !

    M. Philippe Cochet. C’est un aveu !

    M. Philippe Meunier. Tout est dit : aujourd’hui, ils partent à l’étranger pour se marier et avoir des enfants, ce qui veut dire PMA et GPA.

    Alors arrêtez de mentir aux Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3208.

    M. Céleste Lett. Votre façon juste et équilibrée de présider vous a contraint tout à l’heure, la mort dans l’âme, à me couper la parole. Quand je dis « la mort dans l’âme », c’est parce que vous avez bien senti que, sur les bancs de la majorité, certains étaient frustrés parce que je n’ai pas pu terminer mon propos. (Sourires sur de nombreux bancs.)

    Je profite de l’occasion que me donne l’amendement pour achever de citer ce magnifique livre d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, que François de Mazières et moi-même avons déjà cité. Écoutez-moi bien, c’est important : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois et nous nous trouvons actuellement » – il écrit cela en 1951 – « devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ? » Lorsque Jules Verne écrivait De la Terre à la Lune ou Le Tour du monde en quatre-vingts jours, il nous donnait de l’espoir ; nos spationautes et nos navigateurs ont récemment montré ce que l’homme est aujourd’hui capable de faire. Dans le domaine qui nous intéresse, il s’agirait plutôt d’une régression, et Aldous Huxley a eu cette conscience et a vu que la science s’opposait, en l’occurrence, à la morale. D’où cette réflexion.

    Je souhaiterais aujourd’hui que nos amis de la majorité aient cette conscience et contribuent non seulement à supprimer cet article, mais aussi à repousser ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3411.

    M. Xavier Breton. Avec cet amendement, nous voulons souligner à nouveau les interrogations que continue de susciter ce texte sur le plan juridique, notamment en raison de ses incohérences. Il suscite aussi des interrogations quant à la réforme de la famille que vous voulez mener, dont nous estimons qu’elle est une révolution. S’agissant de son acte II, je veux poser à nouveau la question à M. le ministre des relations avec le Parlement, qui nous a donné des éléments de calendrier, mais des éléments incomplets : y aura-t-il, oui ou non, des états généraux pour l’ouverture de l’assistance à la procréation pour convenance personnelle ? Nous savons que vous avez peur du débat avec les citoyens. Certes, vous avez parlé d’un avis du Comité consultatif national d’éthique, c’est un premier pas, mais y aura-t-il ces états généraux qui permettront aux citoyens de participer au débat ?

    Deuxième point, l’assistance à la procréation pour convenance personnelle sera-t-elle intégrée dans le projet de loi sur la famille qui est prévu pour le mois de mars ? Vous l’aviez annoncé. Vous savez qu’il y a des résistances très fortes, ici, dans cet hémicycle, mais également dans la société. Avez-vous entendu ces réticences ? Attendrez-vous l’avis du Comité consultatif national d’éthique et les états généraux pour intégrer l’assistance à la procréation dans le projet de loi ?

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3516.

    M. Daniel Fasquelle. J’ai écouté avec attention notre collègue Glavany. Je l’ai trouvé peu élégant d’ailleurs, car, s’il a cité Mme Taubira, il aurait pu citer aussi Mme Bertinotti, qu’on n’a peut-être pas suffisamment entendue, d’ailleurs, dans ces débats. Elle est effectivement chargée de la famille et prépare un texte à ce sujet. Or il est bien question, ici, de mariage et de filiation. Pour reprendre votre expression, madame la ministre, il s’agit bien de « faire famille ».

    D’ailleurs, on a mis les choses à l’envers. On aurait d’abord dû traiter du droit de la famille, examiner ce texte sur la famille, et, ensuite, traiter du sujet sur lequel porte le présent projet.

    Par ailleurs, j’ai retrouvé un article de presse, paru dans La Voix du Nord, qui correspond tout à fait à ce que M. Glavany a dit tout à l’heure et dont l’auteur est quelqu’un qui ne tient jamais de propos excessifs : « Chez certains partisans du mariage pour tous, c’est la bonne conscience dégoulinante qui déconcerte. La vérité, le progrès, l’équité, l’humanité et la modernité sont de leur côté. Ils sont si sûrs d’avoir raison qu’ils font peur. » C’est vrai, vous me faites peur, mes chers collègues. Vous n’avez pas mesuré, monsieur Glavany, toutes les conséquences de ce texte. Vous venez ici nous parler de la reconnaissance des couples homosexuels. Certes, c’est une partie du sujet, mais vous omettez complètement l’autre partie du sujet, qui est au moins aussi importante : la filiation, les conséquences du texte pour les enfants.

    Vous prétendez que le texte n’enlèvera de droits à personne, mais, bien évidemment, c’est complètement faux ! Pour établir une filiation, pour faire ce que dit M. Binet, pour faire que les couples homosexuels aient des enfants, on aura recours à un tiers qu’on effacera ensuite, qu’on gommera, qu’on fera disparaître. On établira une double filiation définitive avec les deux parents – deux hommes ou deux femmes – et on recourra à la PMA et à la GPA. Vous allez donc effectivement porter atteinte à des droits très importants, des droits de l’enfant, des droits de la femme, et ce texte n’a rien à voir, de ce point de vue, avec le Pacs. Le débat est d’une autre nature, en raison de ses conséquences.

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4732.

    M. Gilles Lurton. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 23 du texte, qui prévoit son application aux territoires d’outre-mer. Il montre aussi les contorsions auxquelles vous êtes obligés pour appliquer ce projet à l’ensemble du territoire national. Il démontre que le texte est mal préparé, mal rédigé, seulement dicté par une idéologie.

    Je n’ai sans doute manqué que très peu d’heures de ce débat et je n’ai eu pour ambition, chaque fois que je suis intervenu, que celle de vous démontrer qu’il fallait remettre l’ouvrage sur le métier. Oui, nous devons permettre aux personnes homosexuelles de bénéficier d’une égalité de droit. Cela ne passait pas forcément par un tel texte, dont les conséquences juridiques seront préjudiciables et qui divise plus les Français qu’il ne les unit, ce qui devrait pourtant être l’objectif de tout ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy , pour soutenir l’amendement n° 4854.

    Mme Geneviève Levy. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, pourquoi faire une loi si, comme l’a dit M. le rapporteur il y a quelques instants, le nombre de mariages est très faible ? Vous avez d’ailleurs confirmé, madame la garde des sceaux, ces propos.

    Très récemment, comme un certain nombre d’entre vous certainement, je me suis rendue dans la classe du député junior. Les élèves m’ont demandé ce qu’était une loi, et j’ai essayé d’expliquer le plus simplement possible qu’une loi devait s’appliquer au plus grand nombre d’entre nous et non répondre aux aspirations de quelques-uns. Je crains fort que ce que nous faisons présentement ne soit à l’opposé de ce qui devrait être notre travail.

    Et puis, sauf erreur de ma part, vous ne m’avez pas répondu, madame la garde des sceaux, lorsque j’ai évoqué l’aspect rétroactif de certains articles de cette loi.

    M. Philippe Le Ray. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5105.

    M. Guy Geoffroy. L’article 23, dernier article du projet de loi, est vraiment le bouquet final. C’est celui qui nous permet de découvrir une des plus fortes et des plus caractéristiques obsessions du Gouvernement et de la majorité, l’obsession de la transgression : aller le plus loin possible, flirter avec ce qui est quasiment inacceptable. Et vous invitez les collectivités d’outre-mer, avec leurs spécificités, avec leur besoin d’être considérées dans leur singularité, à une marche forcée.

    Ce texte est un cheval de Troie, rebaptisé ou rhabillé. C’est aujourd’hui un ensemble de poupées russes. La première, c’est le titre : le mariage, pour les personnes de même sexe. Ouvrez la poupée russe, il y en a une deuxième : c’est l’adoption. Ouvrez-la, et vous trouvez la troisième : la PMA. Ouvrez cette dernière, et vous trouvez la quatrième : la GPA. Cette poupée russe, vous l’avez bien déguisée, bien dessinée, elle est séduisante, mais elle est surtout dangereuse. Retirez l’article 23 ! Retirez l’ensemble de votre projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement n° 5316.

    M. Jean-Paul Tuaiva. Mon amendement est un amendement de coordination avec un précédent qui étend à la Polynésie française l’application des dispositions relatives au Pacs. J’ai bien reçu l’invitation de notre ministre pour que nous puissions régler cet imbroglio juridique.

    En outre, l’amendement a pour objet de supprimer l’article 23 qui vise à appliquer à la Polynésie l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Tantôt, j’ai énuméré un certain nombre de spécificités, de motivations, de valeurs, de données culturelles. J’ai bien entendu, également, les motivations qui sont les vôtres, madame la ministre.

    Je veux cependant évoquer encore quelques spécificités de la Polynésie. Savez-vous à quel point l’ancrage de la religion dans nos familles est fort ? Un certain nombre de difficultés et de problèmes, liés au contexte économique et social, à la drogue et à l’alcool, sont résolus par nos pasteurs et nos religieux. Je sais très bien que l’État est là pour garantir la laïcité sur tous les territoires de la République, mais nous devons également être à l’écoute des spécificités des collectivités d’outre-mer, notamment de la Polynésie.

    Au nom des Polynésiens et au nom de la conscience morale et humaine, je vous demande, madame la ministre, de refuser l’application de ce texte à la Polynésie, ou de la différer. C’est ce que veulent les Polynésiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’article 23, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 23 prévoit l’application des dispositions du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises. Ces dispositions ont vocation à s’y appliquer dans la mesure où elles relèvent des compétences de l’État et non des collectivités concernées. Évidemment, le Gouvernement et la majorité souhaitent que l’ouverture de l’institution du mariage aux couples de personnes du même sexe soit appliquée sur l’ensemble du territoire de la République. La volonté d’égalité sur l’ensemble du territoire de la République, monsieur Geoffroy, n’est pas une transgression !

    L’avis de la commission est bien entendu défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. Breton, car il y a confusion. Monsieur le député, il semble que vous n’ayez pas retenu les précisions que j’ai données il y a déjà plusieurs jours déjà. Le texte de loi sur la famille ne sera examiné en conseil des ministres qu’en fin d’année, après que nous aurons eu connaissance de l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Je ne peux pas être plus clair à ce sujet.

    Des états généraux seront organisés. J’ai rappelé que la décision d’organiser ces états généraux est de la responsabilité du Comité consultatif national d’éthique lui-même, après avis des commissions parlementaires compétentes. Si le comité en décide ainsi, le Gouvernement s’associera à l’organisation des ces états généraux. Je ne peux être ni plus clair, ni plus précis.

    Avis défavorable sur ces amendements.

    M. Xavier Breton. Merci, monsieur le ministre.

    M. Christian Jacob. C’est une belle victoire pour l’UMP !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de répondre à quelques interrogations précises.

    Je commencerai par celles qui ont été exprimées en dernier, par M. Tuaiva. J’entends toutes les considérations que vous exposez ; je ne les ignore pas. Je ne prétends pas non plus les atténuer. Je pense simplement qu’il s’agit d’une liberté, d’un droit qui est ouvert à une catégorie de citoyens. Je ne vois pas quelles raisons pourraient justifier le refus d’ouvrir ce droit. Il s’agit simplement d’admettre que les personnes homosexuelles des outre-mer peuvent se marier si elles le souhaitent. Il ne s’agit pas de défaire le mariage des hétérosexuels, ni de leur demander de devenir homosexuels. Il ne s’agit pas non plus de forcer les personnes à se marier, mais d’ouvrir un droit et de reconnaître une liberté.

    Je le répète : je sais les difficultés, je les entends. Mais je sais aussi les difficultés des personnes qui souffrent de leur marginalisation, de leur exclusion, du regard très pesant que la société porte sur elles. Le simple fait de proclamer cette liberté, de reconnaître ce droit, allégera cette pesanteur sociale et permettra à ces personnes de se sentir plus profondément membres de la collectivité des citoyens.

    Il est possible que d’autres personnes, dans les territoires d’outre-mer, soient choquées par cela. C’est concevable. Mais le fait que certaines personnes soient heurtées par les choix d’autres personnes justifie-t-il que l’on établisse des degrés différents de citoyenneté ? Le fait que quelques personnes soient choquées, du fait de leurs représentations et de la difficulté qu’elles ont à concevoir un couple de personnes de même sexe, justifie-t-il que l’on instaure ou que l’on maintienne une inégalité ?

    Nous traitons avec les plus grandes précautions les difficultés de certaines personnes à concevoir des couples de personnes de même sexe. Nous devons faire attention, afin qu’elles n’aient pas le sentiment que la société perd pied.

    Pour ma part, je crois que l’application de cette loi contribuera au contraire à ce que la société elle-même s’interroge sur son rapport aux personnes homosexuelles. Je ne sous-estime donc pas les difficultés que vous soulevez. Comme vous l’avez dit, ces difficultés sont à replacer dans un contexte marqué par une forte empreinte de l’Église catholique. Cela reste vrai, même si les sociétés des outre-mer sont de plus en plus marquées par la présence d’autres confessions.

    M. Hervé Mariton. Les évangéliques !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’empreinte de l’Église catholique y reste cependant la plus importante. C’est peut-être d’ailleurs encore plus vrai dans le Pacifique que dans l’océan Indien ou dans les Amériques. Dans ces sociétés, l’Église catholique a aussi contribué à la cohésion sociale, et assuré l’éducation. Dans un certain nombre de territoires d’outre-mer, et plus particulièrement dans des territoires enclavés, les premières écoles ont été ouvertes par le clergé. Nous ne négligeons pas cela, nous ne le nions pas, nous ne le sous-estimons pas.

    Cependant, il y a dans ces sociétés – comme dans toutes les sociétés du monde – des personnes homosexuelles. Ces personnes sont des citoyens à part entière. L’État français est garant du respect des droits et des libertés : il n’y a pas de raison d’en exclure ces personnes. Je suis absolument persuadée que les responsables politiques feront un effort à cet égard. Si, du fait de cette loi, certaines personnes considèrent qu’il faut manifester encore plus d’agressivité envers les homosexuels, je fais confiance aux élus de ces territoires pour dire que cela n’est pas acceptable. Même si cela les dérange, même si ces élus-là n’ont pas voté cette loi, il n’est pas acceptable que l’on exclue et que l’on discrimine. Je pense donc que les choses se passeront quand même correctement. Je suis néanmoins très attentive à vos observations.

    Il semblerait que la date de la première réunion dont j’ai parlé tout à l’heure soit fixée. J’espère que vous pourrez participer à cette première réunion avant de repartir pour la Polynésie. Si ce n’est pas le cas, merci de faire savoir très vite à la chancellerie les dates de votre prochain séjour en métropole afin que nous puissions fixer une date. Ce rendez-vous est pris en public, et il sera honoré !

    M. Philippe Meunier. Puisque de toute façon vous n’écouterez pas ce que vous dira M. Tuaiva …

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite également répondre à une question que Mme Levy m’a posée à propos de la rétroactivité de cette loi. Dans certains pays, des mariages ont pu être célébrés légalement du fait de la dérogation que ces pays consentent au regard de ce que l’on appelle la loi personnelle. L’article 22 de ce projet de loi prévoit que les mariages célébrés légalement dans ces pays sont reconnus dans leurs effets à l’égard des époux comme des enfants. Toutefois, ils ne sont reconnus que s’ils sont conformes aux conditions du mariage et aux obligations qu’il entraîne, telles qu’elles sont prévues par notre code civil. Sous ces conditions, ces mariages sont reconnus à partir de la promulgation de la présente loi.

    On peut donc considérer qu’il y a une part de rétroactivité. Pour ce qui est de la transcription des mariages, il n’y a pas de rétroactivité, car c’est à partir de la transcription que les effets vis-à-vis des tiers seront reconnus.

    Il faut simplement retenir qu’en droit français, le principe de non-rétroactivité est essentiel et intangible en droit pénal. Ce principe établit clairement que les lois ne peuvent être rétroactives, sauf si la nouvelle loi est plus clémente que la précédente. Mais le texte que nous examinons porte sur les droits civils : le principe de non-rétroactivité ne pose pas de problème en la matière.

    M. Le Fur m’a posé une autre question à propos de pays où le mariage est religieux, comme le Danemark, la Suède et la Norvège, je crois. Il faut savoir que dans ces pays, le mariage religieux produit les effets d’un mariage civil. La loi de ces pays le prévoit, y compris pour les couples hétérosexuels. La transcription en droit français des mariages de couples hétérosexuels réalisés dans ces pays se fait dans les conditions précisées aux articles 171-5 et 171-7 du code civil. Il faut donc que les conditions de transcription soient respectées, et que le mariage religieux célébré dans ces pays produise les mêmes effets civils que le mariage français.

    M. Hervé Mariton. En tout cas, cela veut dire que le mariage ne se compare pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, je ne veux pas passer mon temps à comparer. À plusieurs reprises, vous vous êtes vous-même pris dans les contradictions de la comparaison. Vous nous avez dit que les autres pays ayant ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe ne sont qu’une petite poignée. Vous avez également dit que la transcription des mariages réalisés dans ces pays-là provoquera des flux migratoires.

    La France a fait évoluer son droit en fonction de la manière dont elle a construit sa conception de l’égalité. L’histoire du mariage en France a suivi cette trajectoire générale. L’ouverture de l’adoption et du mariage aux couples de personnes du même sexe se base sur ce patrimoine de valeurs, et je considère qu’elle s’inscrit dans la longue histoire de l’institution du mariage en France. Le mariage a évolué en lien avec les valeurs républicaines, la laïcité et l’égalité.

    M. Jean Glavany. Très bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Rendez-moi cette justice de reconnaître que j’ai présenté les choses sous cet angle-là dès le premier jour de nos débats.

    L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe. Avec ce texte et la méthode que vous avez employée, vous avez délibérément choisi de créer une fracture dans la société française. Une autre voie était possible : à l’UMP, nous l’avons réclamée à cor et cri. Cette voie était celle de l’organisation d’un grand débat dans notre société, et de la création d’une mission à l’image de celle qu’avait menée notre collègue Jean Leonetti sur la fin de vie. Une telle mission aurait pu nous permettre de parvenir à un consensus. Ce consensus aurait été basé sur la nécessité de reconnaître aux couples de personne de même sexe une certaine forme de conjugalité, et de reconnaître officiellement l’amour homosexuel. Un certain nombre de droits équivalents à ceux du mariage auraient pu être attribués à cette nouvelle forme de conjugalité. Nous aurions examiné, au sein de cette mission, la question de savoir s’il fallait appeler cette nouvelle institution « mariage » ou « alliance civile ». Vous auriez pu trouver des soutiens jusque sur nos bancs.

    Un certain nombre d’entre nous auraient pu vous soutenir sur l’ouverture de l’adoption simple aux couples de personnes du même sexe, car l’adoption simple ne rompt pas la filiation naturelle. En revanche, il est une ligne jaune que nous ne voulions pas franchir : celle de l’adoption plénière qui, elle, crée une fiction juridique. La méthode employée conduit notre société à une véritable rupture. Cela se traduira à nouveau dans quelques semaines dans les rues de notre pays. On peut le regretter : malheureusement, ce débat a été mené à la hussarde. Au lieu de créer une union pour tous, votre méthode cause la division de tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

    M. Razzy Hammadi. Tout d’abord, je voudrais m’adresser à mon camarade, M. Lequiller…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Votre collègue, pas votre camarade !

    M. Razzy Hammadi. Collègue et néanmoins camarade, notamment de la commission des affaires européennes.

    Monsieur Lequiller, au cours de l’échange que nous venons d’avoir, vous avez utilisé des termes qui peuvent, de mon point de vue, choquer. Je l’ai été moi-même. Je pense que l’on ne peut pas employer les termes de « lobby homosexuel ». J’ai essayé d’être attentif, tout au long du débat, aux arguments de l’opposition. Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent qu’il y a, d’un côté, de dangereux homophobes, et de l’autre ceux qui défendraient les homosexuels, sous prétexte que nous défendons, de ce côté-ci de l’hémicycle, le mariage pour tous.

    C’est donc avec une sensibilité particulière, monsieur Tuaiva, que je souhaite m’adresser à vous. Je n’ai pas toujours, au long de mon parcours personnel et politique, été en faveur du mariage pour tous. Je le suis depuis maintenant quelques années. Vous voulez un débat qui soit à la hauteur : je m’exprime avec sincérité, honnêteté, et avec une sensibilité personnelle. Nous arrivons à l’article 23. Nous allons bientôt voter cette loi ; elle sera adoptée grâce aux voix de la majorité et recueillera peut-être quelques voix de l’opposition, mais elle s’appliquera à tous les Français. En conséquence, il faut prendre en compte les différentes sensibilités, les appréciations culturelles, les traditions. Je vous l’ai dit : cela a été le cas pour moi-même. Je veux également vous dire que la quête de l’égalité émancipe autant que l’égalité elle-même. C’est à cela que nous avons affaire !

    J’entends certains parlementaires de l’opposition parler des manifestations prévues le 24 mars. Alors que nous arrivons à la fin de ce débat, je vous dis sincèrement que nous avons tous vocation à faire appliquer la loi, quelles qu’aient été nos positions dans cet hémicycle. Nous devrons tous veiller à ce que le non-respect de cette loi, une foi qu’elle aura été votée, ne stigmatise pas des catégories entières de la population.

    M. le président. Monsieur Hammadi, il faut conclure.

    M. Razzy Hammadi. C’est là notre responsabilité, non pas seulement de citoyens, mais de républicains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    (L’amendement no 113 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement n° 5330.

    M. Jean-Paul Tuaiva. Cet amendement est défendu !

    (L’amendement n° 5330, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 23.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 224

    Nombre de suffrages exprimés 224

    Majorité absolue 113

    Pour l’adoption 152

    contre 72

    (L’article n° 23 est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Marc Dolez et M. André Chassaigne. Très bien !

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, depuis quelques jours, la gestation pour autrui et la circulaire de Mme la garde des sceaux reviennent régulièrement dans notre débat.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je tiens juste, pour la bonne information de chacun d’entre nous dans cette discussion, à vous inviter à naviguer sur internet pour vous prouver le côté extrêmement sensible de ces débats. J’ai cherché sur Google « mères porteuses »…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Jean-Christophe Fromantin. …et je suis tombé sur un site ukrainien appelé BioTexCom qui propose les services de mères porteuses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous apprends qu’il y a une promotion de printemps à 9 000 euros au lieu de 12 000 euros. Mais, surtout, mes chers collègues, la circulaire de Mme la garde des sceaux figure déjà sur le site.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et voilà !

    M. Jean-Christophe Fromantin. On dit donc aux Français qui désirent recourir aux mères porteuses que cela devient facile, puisqu’une circulaire permet de le faire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Fromantin…

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je vous invite à aller sur le site, la circulaire y figure déjà ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. C’est un cavalier de règlement intérieur ! Je vous remercie !

    Après l’article 23

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune, deux amendements identiques, nos 541 et 2674, et une série d’autres amendements identiques.

    La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 541.

    M. Patrick Ollier. M. Fromantin vient de nous apporter la preuve de ce que nous affirmons depuis onze jours. Les Ukrainiens n’ont pas tardé à se servir de cette circulaire pour faire la promotion de ce que nous refusons.

    Vous l’avez compris, nous ne souhaitons pas que ce texte soit voté et que ces dispositions soient prises. Nous avons demandé un débat, il n’y en a pas eu. Nous avons réclamé un référendum, il n’y en a pas eu.

    Par cet amendement n° 561, nous proposons, donc, de reporter l’application de la loi au lundi suivant le deuxième tour des élections municipales de mars 2014 pour faire en sorte que ces prochaines élections municipales nous permettent d’avoir un débat démocratique et servent de référendum.

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 2674.

    M. Gilles Lurton. Il est défendu.

    M. le président. Nous en venons aux amendements identiques. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4214.

    M. Xavier Breton. Cet amendement vise, effectivement, a insister de nouveau sur le refus de la clause de conscience qui pourrait être accordée aux maires et aux adjoints. Nous avons eu un très long débat sur ce sujet au cours duquel nous nous sommes opposés. En effet, le Gouvernement et sa majorité ont refusé cette clause de conscience évoquée par le Président de la République devant les maires lors du congres des maires de novembre. Nous avons été très choqués par ce refus absolu de mettre en œuvre cette liberté de conscience. Le système que nous proposions permettait, tout en respectant cette liberté de conscience, d’assurer, en cas de refus d’un maire ou d’un adjoint, l’application de la loi sur tout le territoire national grâce à des solutions alternatives. En effet, la conception de la famille, de la filiation est une affaire de conscience qui engage chacune et chacun d’entre nous.

    Cet amendement prévoit, en conséquence, de reporter l’application de la loi pour les officiers de l’état civil après les élections à venir, puisque les élus d’aujourd’hui ne se sont pas engagés sur ce point, au moment des élections.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 4282.

    M. Olivier Marleix. Cet amendement est défendu !

    M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 4565.

    Mme Valérie Lacroute. En tant que nouvelle parlementaire, monsieur Glavany, j’ai eu le sentiment de recevoir, pendant ces journées de débat, des leçons de morale, des leçons d’histoire, des leçons d’égalité, des leçons tout court. Mais j’ai aussi eu le sentiment que le Gouvernement avait commis une grave erreur en ne consultant pas les maires en amont et en refusant de lancer un vrai débat public sur le mariage, la famille et la filiation. De très nombreux maires inquiets à l’idée d’être obligés, demain, de marier deux hommes ou deux femmes, ont revendiqué, au nom de la liberté de conscience, le droit de ne pas appliquer la loi. On peut comprendre qu’ils aient voulu, dès aujourd’hui, signifier leur refus de se prêter, demain, à ce qui leur apparaît comme un dévoiement de l’institution du mariage. Le Président de la République, lui-même, sensible à leur malaise, avait annoncé, en novembre dernier, son intention d’introduire une clause de conscience dans le texte gouvernemental. Dès le lendemain, le Président s’est repris en affirmant que la loi devait s’appliquer partout, dans toutes les communes. Effectivement, dans une République qui se conçoit bien, il n’est pas acceptable qu’un maire puisse se dispenser d’obéir à la loi de la République. Mais ce qui est choquant dans cette affaire, ce n’est pas la réaction des maires, c’est qu’ils aient été acculés à cette réaction par le refus du Président de la République d’organiser un débat national. Les maires vous appellent au dialogue, à la sagesse et à la raison.

    C’est ainsi qu’il est proposé, dans cet amendement, de différer au lendemain du deuxième tour des prochaines élections municipales de mars 2014, l’application de votre loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 4687.

    M. Nicolas Dhuicq. Il y a peut-être dans ma pensée et celle de plusieurs autres un personnage sans doute inconnu pour beaucoup d’entre nous : le cinquième comte de Gonister. Ce cinquième comte de Gonister n’apparaît pas chez les Monty Python, quoi que je me demande, parfois, si le Gouvernement ne répond pas au ministry of silly walks, pour ceux qui connaissent le Monty Python’s Flying Circus, excellente œuvre d’éducation publique chez nos cousins. Ce cinquième comte de Gonister apparaît chez Aldous Huxley, dans un roman traduit en français sous le titre Jouvence. Il a atteint 200 ans dans un état totalement dégradé parce qu’il a cherché à tout prix l’immortalité. Depuis que la sexualité existe, nous l’avons déjà dit, Eros et Thanatos cheminent de concert. Dans cette volonté que vous avez de répondre aux désirs de quelques adultes qui n’aiment que le miroir d’eux-mêmes, il y a, sans doute, un refus inéluctable de la mort et, au bout du compte, vous entrez dans quelque chose de profondément inhumain qui lie la sexualité, non pas à la mort pour permettre le renouvellement des générations, mais qui répond à ce profond désir d’immortalité. C’est pour cela que vous allez ouvrir des digues que vous ne pourrez, à terme, plus contrôler. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4746.

    M. Philippe Meunier. L’information que vient de nous communiquer notre collègue Fromantin est d’une extrême importance. Cela signifie que ce que nous affirmons, depuis le début de ces débats, s’avère. En effet, sur ce site internet ukrainien, la circulaire de Mme la garde des sceaux est en ligne et donc apporte une solution aux Français. C’est extrêmement grave ! J’en appelle à tous nos compatriotes. C’est la démonstration que nous avons raison ! Vous avez ouvert la boîte de Pandore ! Il ne restera plus que le 24 mars pour que cette loi ne soit pas promulguée, comme celle sur l’école libre en 1984 ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4770.

    M. François de Mazières. Nous demandons, effectivement, l’application de la clause de conscience. Elle nous a été refusée après cet imbroglio et les allers et retours du Président de la République. Nous ne le répéterons pas.

    En revanche, un sondage récent indique que 61 % des maires – et c’est énorme – souhaitent que l’on prenne le temps de mieux élaborer cette loi et de débattre. Nous devons prendre conscience que les maires se sont posé des questions.

    Notre amendement propose donc de donner un peu plus de temps pour approfondir cette loi. Nous avons d’ailleurs évoqué des problèmes lors de nos longues discussions et, notamment, l’article 71-1.

    Donc, faisons preuve de sagesse et prenons le temps, ce que demande une très grande majorité des maires de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 5351.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mes collègues ont déjà expliqué le contenu de cet amendement, et je partage, bien entendu, leur avis.

    Je veux également dire mon inquiétude, s’agissant de l’information que nous a livrée, voici quelques instants, notre collègue Fromantin et confirmer tous les problèmes que pose cette circulaire. Je n’y reviens pas.

    Il nous a été beaucoup expliqué, lors de nos échanges, que notre débat était issu d’une volonté de la majorité de respecter les engagements du Président de la République. Soit ! Je ferai donc deux remarques. Premièrement, cet amendement est également issu, je ne sais si on peut dire d’une promesse, en tout cas d’un propos très fort tenu par le même Président de la République devant les maires. Deuxièmement, je ne comprends pas très bien la sélection qui est faite entre les différents engagements du Président de la République, c’est-à-dire ceux que la majorité entend respecter et ceux que le Président et sa majorité ne respectent pas.

    Considérant que le tri est fait selon un critère que je ne comprends pas, je considère qu’après tout, on pourrait aussi bien respecter les propos du Président de la République tenus devant les maires. Je le dis à M. Glavany qui rit à cette heure ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 5360.

    M. Pierre Lequiller. Cet amendement répond, en fait, à la préoccupation évoquée par le Président de la République devant les maires, mais cela n’a duré que deux jours. Le Président de la République manque visiblement d’assurance sur le sujet, puisqu’il a reculé à trois reprises : lorsqu’il est revenu, deux jours plus tard, sur ses propos tenus devant les maires ; lorsqu’il a décidé de ne pas inscrire la PMA dans ce texte, alors qu’il était fortement question que nous légiférions sur ce sujet dans le présent projet de loi ; enfin, lorsque le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a informés que nous n’examinerions la PMA qu’en fin d’année.

    Le Président de la République ayant profondément divisé l’opinion, nous avons assisté, au bout de six mois de mandat, c’est tout de même une remarquable performance, à la plus grosse manifestation depuis trente ans ! Pour y avoir participé, je voudrais insister sur le fait qu’elle était extrêmement calme, déterminée mais calme.

    Avec cette perspective de la loi sur la PMA, nous risquons d’avoir en fin d’année une division de plus en plus forte et un nombre de plus en plus grand de manifestations. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne vais évidemment pas revenir sur les très nombreux échanges que nous avons eus il y a plusieurs jours au sujet de la clause de conscience des maires.

    Cohérente avec les avis qu’elle avait donnés à cette occasion, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements, jugeant qu’il n’y avait aucune raison de reporter l’application de ce texte. Il est assez surprenant et décalé de soumettre l’accès de nos concitoyens à des droits aussi importants que le mariage et l’adoption à un renouvellement municipal.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les raisons que nous avons longuement développées puisque le débat a déjà eu lieu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

    M. Guy Geoffroy. L’opposition aura fait tout le travail puisque, même sur cette question, nous faisons celui que la majorité aurait dû faire. Cette disposition que nos collègues ont présentée, quel est son nom ? C’est l’amendement Hollande ! C’est l’amendement qui correspond à l’engagement du Président de la République, un engagement certes éphémère, mais un engagement tout de même devant les maires de France. Nous faisons le job, nous proposons l’amendement Hollande. De grâce, ne le trahissez pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj. Les maires de France appliqueront bien évidemment la loi, et je veux saluer tous les maires, y compris ceux présents sur les bancs de l’opposition, qui, avec justesse et discernement tout au long du long débat qui est intervenu dans la journée de dimanche sur la liberté de conscience, ont reconnu que cette disposition s’imposerait à eux, au nom, le cas échéant, de l’adage dura lex sed lex, mais qui, surtout, en bons républicains, la mettront en œuvre.

    Le débat, nous l’avons eu, il a été long et, puisque c’est probablement ma dernière intervention après onze jours de présence et des dizaines d’heures dans cet hémicycle, je veux dire comme tant d’autres que nous y avons appris bien des choses.

    Nous y avons appris la force et l’opiniâtreté des élus de l’opposition, et je salue ceux qui ont sincèrement déployé leurs arguments.

    Ce débat, vous le vouliez. Par moments, il a été peut-être un peu phagocyté, embolisé par l’obstruction. Il a parfois été abîmé et un peu gâché par des paroles que nous aurions préféré ne pas entendre,…

    M. Guy Geoffroy. La parole est libre !

    M. Jérôme Guedj. …mais l’épaisseur de ces murs et de ces tentures les gardera, je l’espère, au sein de cet hémicycle.

    Nous y avons surtout vu une majorité mettre en œuvre avec détermination un engagement pris devant les Français, n’en déplaise à ceux qui, pourtant, sanctifient le suffrage universel mais voudraient oublier la force d’une élection présidentielle.

    Nous y avons vu des députés soudés, solidaires, une jeune génération de députés à laquelle j’appartiens, pour laquelle c’était le baptême du feu.

    Nous y avons vu enfin un gouvernement autour de sa ministre, Christiane Taubira, à qui je veux dire très simplement : nous vous aimons, madame Taubira. Nous aimons la générosité, le talent, l’impétuosité que vous avez mis à défendre ce texte. Vous incarnez si naturellement, si évidemment, cette République émancipatrice, cette République généreuse, celle que nous aimons tous, autour de ce beau mot de sept lettres, qui ne rapporte pas beaucoup au scrabble mais qui n’a pas de prix, égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vous avez oublié deux ministres !

    M. le président. Sur les amendements n°s 4214, 4282, 4565, 4687, 4746, 4770, 5351 et 5360, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    (Les amendements identiques nos 541 et 2674 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je pense que vous êtes tous d’accord pour que nous n’attendions les cinq minutes réglementaires avant le scrutin public. (Approbation.)

    Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4214 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 178

    Nombre de suffrages exprimés 178

    Majorité absolue 90

    Pour l’adoption 62

    contre 116

    (Les amendements n°s 4214, 4282, 4565, 4687, 4746, 4770, 5351 et 5360 ne sont pas adoptés.)

    M. Guy Geoffroy. Cela se resserre !

    M. le président. Nous passons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2014.

    M. Hervé Mariton. L’étude d’impact a été extrêmement lacunaire. Ce projet de loi est engagé à découvert et il sera important d’en faire une évaluation. Nous proposons qu’il soit adopté à titre expérimental pour une durée de cinq ans. C’est cohérent avec notre proposition d’apporter lors de la prochaine législature une meilleure réponse au problème posé.

    La réponse apportée par ce projet est mauvaise. Les situations créées dans l’intervalle devront être respectées, mais la loi devra être récrite. Autant l’indiquer maintenant très clairement.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2344.

    M. Nicolas Dhuicq. Pour rester dans les mêmes références, nous sommes face aux chevaliers du « Ni ! ». À l’heure tardive de trois heures cinq, la soirée ne fait que commencer. Je ne vais pas déterrer la hache des steppes, nous avons vu déjà il y a quelques nuits que de beaux noms comme Von Pickendorf ou Zara risquaient de disparaître du dictionnaire.

    J’ai beaucoup hésité à signer cet amendement. Nous avons l’habitude de considérer qu’il faut trois générations pour créer des dégâts psychologiques après un secret de famille. De ce fait, j’ai toujours dit que les études seraient sans doute beaucoup trop compliquées pour trouver ne serait-ce qu’un facteur de vulnérabilité. Néanmoins, elles ne seront jamais non plus positives en raison du temps nécessaire avant d’obtenir un résultat, délétère ou non. Nous vous demandons donc d’être prudents et d’adopter cet amendement.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2981.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3560.

    M. Xavier Breton. Nous abordons une série d’amendements qui nous permettront de mesurer votre volonté. Après nous avoir divisés au sein de cet hémicycle, avoir divisé les maires, les Françaises et les Français, avez-vous maintenant la volonté de rassembler les Français ? Après avoir pris la décision d’ouvrir le mariage et l’adoption, donc la filiation, aux couples de personnes de même sexe, êtes-vous bien dans une logique de rassemblement ?

    Nous vous proposons que cette loi soit adoptée à titre expérimental pour une durée de cinq ans, pour deux raisons.

    Premièrement, il y a, nous l’avons démontré, de grandes incertitudes juridiques parce que le projet a été préparé trop rapidement. L’étude d’impact n’a pas été réalisée dans de bonnes conditions et nous pourrons voir dans cinq ans si toutes ces imprécisions, ces incertitudes juridiques ont eu ou non des conséquences.

    Deuxièmement, il y a des interrogations sur les conséquences sociétales. Elles seront peut-être à moyen terme mais, dans un premier temps, à cinq ans, nous pourrions déjà faire un premier point. Nous savons qu’il y a des controverses sur les études réalisées sur les enfants élevés par des couples de même sexe. Ce serait l’occasion d’aller un peu plus loin dans le contenu de ces études.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4288.

    M. Marc Le Fur. Mes collègues l’ont déjà excellemment défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, pour deux raisons, parce qu’une telle disposition est anticonstitutionnelle et parce qu’elle est inopportune.

    Elle est anticonstitutionnelle parce que l’expérimentation est extrêmement encadrée par la jurisprudence constitutionnelle. Il y a trois conditions. L’expérimentation doit être limitée dans le temps, ce que vous ne prévoyez pas, elle doit avoir pour objectif une application générale à terme, ce dont, visiblement, vous ne voulez pas, et sa nature et sa portée doivent être strictement définies par le législateur, ce que vous ne faites pas.

    Par ailleurs, elle est inopportune. On peut tout de même s’inquiéter des conséquences qu’elle pourrait avoir pour les couples, pour les familles concernées – on parle tout de même de l’état des personnes, du code civil –, à la perspective de revenir en arrière sur des droits que nous voulons leur attribuer par ce texte.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous prenez tout de même d’étranges libertés avec les lois de la République.

    Les amendements précédents tendaient à différer l’application de la loi au lendemain des élections municipales alors qu’elle aurait été adoptée par les deux chambres du Parlement. C’est étrange et sans précédent.

    Quant à ces amendements, une expérimentation n’est pas comparable avec les révisions telles qu’elles sont conçues pour les lois de bioéthique. Vous parlez d’expérimentation alors qu’il s’agit de droits et de libertés. Le Gouvernement y est évidemment défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. En 1919, dans ce même hémicycle, on parlait d’expérimenter le droit de vote des femmes aux élections locales, le temps de faire leur éducation politique. Par prudence, par précaution, on les a privées du nom de citoyennes et de la dignité qui va avec, ceci jusqu’en 1944.

    Plusieurs députés du groupe UMP. De Gaulle !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Leur physiologie, leur éducation, leur infériorité, leur nature leur interdisaient, paraît-il, l’exercice de leurs droits. Pourquoi ? Parce qu’il fallait qu’elles en soient dignes, parce qu’elles étaient réputées naturellement inférieures et incapables.

    C’est cette infériorité supposée naturelle qui, pendant des siècles, a justifié l’oppression du peuple par les privilégiés. C’est la présomption d’incapacité, c’est cette même invocation de la nature qui a poussé l’un de nos collègues de l’UMP à faire une analogie pour le moins hasardeuse.

    Mes chers collègues de l’UMP, si vous revenez un jour, peut-être en 2050, vous aimez tellement la science-fiction, vous prendrez vos responsabilités politiques sans avoir à faire des Français des objets d’expérimentation sociale. C’est peut-être à vos propos que le principe de précaution et de prudence que vous invoquez devrait s’appliquer. Je note que vous n’êtes jamais revenus sur le Pacs et même que vous l’encensez maintenant.

    Je voudrais terminer par cette phrase de Montesquieu : l’amour de la démocratie, c’est celui de l’égalité. Comme, dans cette enceinte, nous sommes tous des démocrates, je pense que nous allons voter cette loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. D’abord, la devise de la République, c’est liberté, égalité, fraternité et il faudrait le rappeler à ceux qui ne nous parlent que d’égalité. C’est une vertu importante mais elle est encadrée par les deux autres, et la fraternité est au centre de notre position sur ce projet, comme le sont aussi la liberté et l’égalité.

    Depuis quelques années, l’expérimentation est prévue par la Constitution. C’est d’ailleurs notre majorité qui l’y a introduite. Je ne suis pas sûr, monsieur le rapporteur, qu’il y ait tant de jurisprudence constitutionnelle sur ce point. La réalité, et c’est en partie notre faute, mais cela deviendra rapidement la vôtre, c’est qu’assez peu d’initiatives ont été prises en matière d’expérimentation ; trop peu, car l’idée est bonne, en vertu de son pragmatisme.

    Ces amendements ont le mérite d’être clairs. Nous voulons, monsieur le rapporteur, préserver les situations juridiques qui auront été construites dans le laps de temps intermédiaire. J’y suis revenu plusieurs fois et c’est dommage que vous ne l’ayez pas entendu. Nous disons qu’il faudra, dans cinq ans, trouver une meilleure solution. Qui pourrait s’opposer à une telle idée ? Pour répondre à Mme Chapdelaine, cela devrait nous rassembler tous et cet amendement devrait être voté à l’unanimité. C’est clair vis-à-vis des citoyens : on expérimente l’application de cette loi-ci – il appartiendra à un autre Parlement d’en définir une autre – dans un délai de cinq ans. Quand on écrit les lois de bioéthique, on assume de les réviser selon des procédures très sûres ; en écrivant cette loi, il n’est pas absurde de penser que nous devrons la réviser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    (Les amendements identiques nos 2014, 2344, 2981, 3560 et 4288 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série de cent quinze amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 64.

    M. Marc Le Fur. Merci, madame la ministre, pour votre réponse sur la laïcité. Nous progressons. Il est tout de même surprenant que ce soit la droite qui vous oblige à la dialectique, laquelle devrait vous venir naturellement.

    Notre collègue David Douillet a parlé de Walt Disney. Le plus beau film de Walt Disney, c’est La Belle et le Clochard, hymne à l’altérité s’il en est, altérité sexuelle et altérité sociale, qui vont souvent de pair. Le refus de l’altérité, que vous prônez avec le mariage homosexuel, aboutit bien souvent au narcissisme, au refus du hasard de la rencontre, de l’inattendu de l’amour. Mes chers collègues, que serait une société où tout serait programmé, jusqu’à l’enfant lui-même ? C’est ce qu’il faut que nous évitions. Le hasard a ses charmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 197.

    M. Bernard Deflesselles. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 263.

    M. Philippe Le Ray. Tout d’abord, monsieur le président, je vous remercie pour la tenue des débats au cours de ces dix jours passés ensemble. (Applaudissements sur divers bancs.) En revanche, permettez-moi de revenir sur le comportement de nos collègues écologistes. Tout à l’heure, monsieur de Rugy, vous avez eu des mots…

    M. Éric Alauzet. Il s’est excusé !

    M. Jean Glavany. Ne revenons pas là-dessus !

    M. Philippe Le Ray. Vous vous êtes excusé mais je souhaite à nouveau dénoncer votre comportement sectaire. Quand je vois ce qui se passe depuis quelque temps à Notre-Dame-des-Landes, au lieu de nous donner des leçons de démocratie, donnez-les à vos amis ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Je souligne aussi le comportement, plutôt grave, de Noël Mamère il y a quelques jours. Cela n’a pas été relevé dans l’Assemblée, mais M. Mamère, d’une façon insultante, a fait le signe de croix en nous regardant. Je trouve cela extrêmement désobligeant et irrespectueux, et je tenais à le signaler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) J’ai le droit de m’exprimer, chers collègues : je ne vous insulte pas, je dénonce !

    J’en viens à l’amendement. Le Gouvernement doit à mon avis remettre au Parlement un rapport sur les conséquences du texte pour l’adoption internationale. Vous n’ignorez pas que votre choix aura des conséquences sur les possibilités d’adopter en France. M’occupant, dans mon département, de l’adoption, je sais que les familles qui souhaitent adopter s’inquiètent de l’éventualité de la fermeture de certaines frontières pour l’adoption. De nombreux pays sont farouchement opposés au choix que vous prônez ; il faut le redire car beaucoup de Français méconnaissent totalement ce point.

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    M. Philippe Le Ray. Dans l’opposition, nous sommes très choqués par vos choix. Vous allez, sous prétexte d’égalisation, nous déraciner de nos valeurs. À mon avis, vous apportez de mauvaises réponses à de vrais problèmes.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 373.

    M. Hervé Mariton. Il y aura des conséquences en matière d’adoption ; cela a été dit de manière très forte lors des auditions de la commission. L’adoption internationale sera fermée pour les couples de même sexe. L’Afrique du Sud, a-t-on appris, ne s’y opposerait peut-être pas, mais c’est la seule exception.

    Lors de l’audition de l’Agence française de l’adoption, un des responsables, assez vite repris par son chef, a exprimé l’idée que les difficultés de l’adoption internationale auraient pour effet de dégrader les relations de l’agence avec les pays concernés, ce qui aurait des conséquences pour les couples hétérosexuels. En outre, les célibataires se verront aussi refuser l’adoption, compte tenu du soupçon, justifié ou non, qui pèsera sur eux. Bref, nous assisterons à une dégradation considérable des conditions de l’adoption. C’est un des points sur lesquels ce projet de loi impacte tous les Français. Vous prenez une responsabilité extrêmement grave.

    J’ajoute que certains pays, sachant qu’une adoption peut échouer, que l’enfant peut être réadopté – c’est un point que nous avons examiné plus tôt dans notre discussion –, refuseront l’adoption y compris pour des couples hétérosexuels, ne sachant si, dans l’hypothèse d’un échec de l’adoption, l’enfant ne sera pas ensuite adopté par un couple homosexuel. Bref, il faut absolument évaluer cette dimension du problème.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 463.

    M. François de Mazières. Je crois que tout a été dit sur les risques en matière d’adoption.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

    M. François de Mazières. Si je prends la parole, c’est que j’ai reçu beaucoup de courriels de parents ayant adopté. Ceux-ci m’ont transmis des chiffres, notamment sur la Belgique, où, après l’introduction du mariage pour les homosexuels, un effondrement des capacités d’adoption a été constaté.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est faux !

    M. François de Mazières. Il est nécessaire de conduire une étude sérieuse. Il faut être conscient qu’aujourd’hui en France 25 000 familles attendent d’adopter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 630.

    M. Christophe Guilloteau. Malgré l’heure tardive, qui pousse certains dans des retranchements parfois un peu curieux, entre les interventions de notre collègue Nicolas Dhuicq qui nous emmènent loin parfois dans la philosophie et les déclarations de Jérôme Guedj à Mme la garde des sceaux, je voudrais redire que ce texte bouleversera la société.

    M. Sergio Coronado. Dans le bon sens !

    M. Christophe Guilloteau. Je n’en suis pas sûr, nous verrons.

    L’un de nos collègues a dit tout à l’heure que l’UMP pourrait reprendre le pouvoir en 2050. Par le jeu de l’alternance politique…

    M. Daniel Fasquelle. Vive les élections !

    M. Christophe Guilloteau. …et à la vitesse où vous perdez vos électeurs, je pense que nous y reviendrons avant cette date.

    M. Jean Glavany. On parie ?

    M. Christophe Guilloteau. Et je suis convaincu qu’il faudra de nouveau légiférer sur ce texte.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 694.

    M. Frédéric Reiss. L’adoption par les couples de personnes de même sexe, compte tenu du recul de l’adoption internationale, se reportera inévitablement sur l’adoption nationale. Nous avons défendu, sans succès, un amendement qui s’opposait à tout quota. Le choix d’une famille pour un enfant, et non l’inverse, doit considérer l’intérêt majeur de l’enfant ; c’est primordial. Le rapport que nous demandons est donc indispensable.

    J’en profite pour rappeler ce qu’est aujourd’hui le couple. Le Robert le définit comme un homme et une femme unis par des relations affectives et physiques. La notion de couple repose sur un principe de différenciation et d’altérité. Un couple de personnes de même sexe ne veut donc rien dire.

    Dans les débats qui nous ont occupés durant près de quinze jours, je voudrais dire combien il est important de donner de la valeur aux mots. Nous avons montré à l’article 4 que la disparition des mots « père » et « mère » au profit du mot « parents » est une supercherie linguistique et un mensonge. Un parent désigne étymologiquement les deux personnes que sont le père et la mère, qui, conjointement, sont à l’origine de toute naissance.

    Le problème de ce projet de loi n’est pas tellement le mariage, on l’a bien compris, mais l’adoption d’enfants par deux personnes de même sexe. Même si la majorité s’en défend, ce projet conduira, tant la pression sera grande, à la PMA et à la GPA, dont les Français ne veulent pas.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1002.

    Mme Laure de La Raudière. Ces amendements demandent au Gouvernement un rapport au Parlement avant le 1er septembre. La date est bien choisie puisque nous savons à présent que la loi « Famille » sera présentée à la fin de l’année. Nous aurons ainsi le rapport avant la présentation de cette loi, et c’est important.

    L’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels va diminuer pour tous les couples le nombre d’enfants à adopter, car certains pays d’Afrique noire, d’Europe de l’Est, ou encore la Chine, sont farouchement opposés à l’idée de faire adopter leurs enfants par des couples homosexuels et pourraient désormais refuser que leurs enfants soient adoptables en France.

    Ce serait aussi l’occasion de toiletter les dispositions concernant l’adoption internationale, qui en ont bien besoin, les règles en vigueur aujourd’hui en France étant particulièrement archaïques. Saisissez l’occasion de nous remettre ce rapport d’ici au 1er septembre.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1175.

    M. Philippe Cochet. Il faut mesurer, pour des personnes qui veulent adopter, l’angoisse que ces démarches représentent, les années d’effort, et surtout l’espoir. Avec ce texte, et c’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement, vous allez ruiner l’espoir de milliers de parents français qui rêvent depuis longtemps d’adopter un enfant. Il faut que vous mesuriez ce que vous êtes en train de faire ce soir.

    M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1242.

    M. David Douillet. Cela fait des jours que j’essaye de vous alerter. Notre collègue Jean-Christophe Fromantin vient de découvrir – et je suis triste d’apprendre cette nouvelle ce soir – que, sur un site ukrainien, votre circulaire sert de publicité à la GPA. Je vous le dis depuis des jours, madame la garde des sceaux. Vous avez découvert comme moi ce site avec votre circulaire, n’est-ce pas ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je connais vos obsessions…

    M. David Douillet. Voilà qui est grave, madame la garde des sceaux. Je comprends que vous l’avez écrite afin de protéger les droits de l’enfant, pour qu’ils aient un père, mais rédigez au plus vite une nouvelle circulaire pour mettre un coup d’arrêt à ce type de réactions et éviter de favoriser la GPA.

    Ce que nous voulons, c’est protéger des femmes ; car il s’agit du commerce du corps humain : nous en avons la preuve, désormais.

    Je voudrais dire à M. Glavany que, pour servir une minorité, vous avez ouvert une porte avec un char d’assaut, quand nous aurions pu, en nous alliant, l’ouvrir ensemble.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1377.

    M. Dominique Tian. Vous n’avez sans doute pas mesuré toutes les conséquences de votre projet de loi sur l’adoption internationale.

    Nous recevons en effet beaucoup de mails et de courriers de personnes en attente d’adoption, qui s’inquiètent des conséquences de cet article 23.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1415.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous avons largement fait la démonstration de l’équation infernale : 5 000 enfants adoptés en France, parmi lesquels 4 000 qui viennent de l’étranger – et 300 environ de la seule fédération de Russie dont l’ambassadeur avait été tout à fait clair en annonçant, il y a quelques mois, la fermeture de l’adoption aux Français, quelle que soit leur orientation sexuelle.

    Cette situation de pénurie ne manquera pas de conduire à la PMA qui, elle-même, au nom du principe d’égalité, mènera inéluctablement à la GPA.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1550.

    M. Olivier Marleix. Parmi les gens qui ont été les plus blessés par ce projet de loi, se trouvent les familles en attente d’adoption. Elles ont en effet cru qu’il y aurait un grand nombre d’enfants adoptables, en France ou à l’étranger, grâce à l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe.

    Or il n’en est rien : 25 000 familles attendent ainsi douloureusement de pouvoir adopter. Un rapport est urgent.

    Je voudrais revenir sur ce site édifiant que M. Fromantin nous a signalé. Il existe en France, madame la garde des sceaux, un code de déontologie médicale, qui interdit la publicité sur les actes médicaux. Or il s’agit bien ici de publicité, et pis, de racolage, avec des catalogues de mères porteuses en ligne.

    J’espère que, maintenant que madame la garde des sceaux est informée, le Gouvernement engagera des poursuites à l’égard de ces sites, certes étrangers mais rédigés en français, à destination des Français, pour vanter des pratiques médicales interdites dans notre pays.

    Nous serons vigilants, car ce genre de pratique est illégal. Puisse le Gouvernement les sanctionner.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1664.

    Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement doit remettre un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2013 sur les conséquences du projet de loi sur l’adoption internationale.

    Au regard du projet de loi et de toutes les conséquences en matière d’adoption, il est important de pouvoir évaluer les impacts : il ne s’agit de rien moins que de respect à l’égard de tous ceux qui se battent en vue d’adopter.

    Je voudrais vous proposer un témoignage que j’ai lu dans un quotidien : nous y découvrons, face au projet de loi, la perplexité d’un couple qui a vécu ce parcours de l’adoption. « Lorsque mon épouse et moi avons adopté un enfant, les services sociaux nous ont toujours dit ce que nous avons toujours considéré, bien entendu, comme une évidence, à savoir que cette démarche n’avait pas pour objectif de nous satisfaire, mais de donner des parents à un enfant. » Or, actuellement, c’est tout l’inverse qui se produit : l’intérêt naturel de l’enfant est sacrifié au profit des revendications de certains. Que l’on ne vienne pas nous dire que cela vaut mieux pour les enfants que de demeurer abandonnés : trop de couples hétérosexuels restent durant de longues années dans l’attente de l’attribution d’un enfant.

    Par respect pour toutes les démarches réalisées par ces parents qui ont réussi ou non à adopter, il me paraît important qu’un rapport sur l’évaluation de la situation puisse être rendu.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1735.

    M. Guillaume Chevrollier. L’étude d’impact n’est pas satisfaisante pour cet article ; et je rappelle l’impérieuse nécessité pour le législateur de disposer de bonnes études d’impact, afin d’avoir des lois qui soient en phase avec les réalités et les attentes de notre pays.

    Ce n’est que de cette façon que nous pourrons rapprocher les citoyens et le politique, contrairement à ce que fait cette loi qui est fondamentalement déconnectée des attentes de la population et de l’intérêt général.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1951.

    M. Jacques Lamblin. La très mauvaise nouvelle, ce soir, c’est le lièvre levé par M. Fromantin : voilà qui est terrible pour vous.

    M. Jean Glavany. Terrible ! Terrible !

    M. Jacques Lamblin. Ce site ukrainien révèle qu’il n’est pas besoin d’attendre 2050, comme le disait tout à l’heure Mme Chapdelaine : il aura suffi de huit jours pour que cette affaire soit internationalisée.

    Aussi, grâce à vous, quelques Ukrainiennes supplémentaires vont-elles vendre leurs bébés. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean Glavany. Retirez le « grâce à vous » !

    M. Jacques Lamblin Vous stimulez un marché ! Vous devez vous poser des questions : certes, vous allez gagner la bataille législative, mais ce sera une victoire à la Pyrrhus.

    David Douillet, qui est tout sauf un petit garçon, vous l’a demandé avec humilité et sincérité : mais si vous ne voulez pas nous répondre, répondez au moins en vous-mêmes, en votre âme et conscience. Réfléchissez aux problèmes que vous vous préparez, car ils faudra bien les résoudre dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n°2038.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n°1892.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2937.

    M. Philippe Meunier. Ce projet de loi se termine par un naufrage : l’utilisation de la circulaire Taubira par ce site ukrainien en fait la démonstration.

    Tout est dit. Nous vous avons alerté pendant plus de dix jours ; désormais, les faits sont là, et ils sont têtus.

    Cela ne semble pas vous troubler, monsieur Glavany ; mais cela m’étonne peu. J’ai cité plus tôt en effet une tribune parue dans le Monde en 2010 dont les cosignataires prônaient le recours à la GPA : on peut y trouver les noms de Mme Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, de Mme Filippetti, ministre de la culture, ou de M. Vidalies, ministre des relations avec le Parlement. Tout est dit ! Voilà pourquoi cela ne vous choque pas, mes chers collègues.

    Toutefois, pour nous le combat continue. Il va se poursuivre en deuxième lecture, si le Sénat assume ses responsabilités, puis avant la promulgation de la loi, le 24 mars prochain, dans la rue avec tous les Français désireux de défendre les familles de France.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n°2975.

    M. Philippe Houillon. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3126.

    M. Sylvain Berrios. Cela est stupéfiant : on nous dit que l’on prend exemple sur l’étranger, en expliquant que cela se fait ailleurs. Des dispositions spécifiques ont ainsi été prises tout à l’heure pour contourner la loi française, par anticipation. Et lorsque l’on vous dit qu’il se passe à l’étranger des choses particulières par la grâce d’une circulaire de Mme la garde des sceaux, vous, qui êtes habituellement muets, vous nous accusez de faire de l’obstruction ou de mettre de l’huile sur le feu ?

    Or la vérité est tout autre : nous pouvons apprécier en temps réel la portée de vos actes. Il est plus qu’urgent d’arrêter la catastrophe que vous avez déclenchée ou tout du moins d’en prendre conscience.

    Vous avez un devoir de conscience vis-à-vis de tous les Français et de toutes les femmes dans le monde.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°3275.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3482.

    M. Daniel Fasquelle. Votre projet de loi détourne l’adoption plénière, puisque vous contournez le principe de vraisemblance, qui a toujours inspiré le droit français de la filiation. D’ailleurs, le Conseil d’État, pour ce que nous avons pu lire de son avis, que vous n’avez pas eu le courage de nous livrer – quel manque de transparence ! –, « attire l’attention du Gouvernement sur la question délicate et toujours en débat de l’accès aux origines ». Cette coupure définitive avec la famille naturelle est le vrai problème posé par l’adoption plénière. Vous avez absolument méprisé depuis le début, et ce malgré nos alertes, un autre mouvement profond de la société qu’il faut aussi entendre : la volonté de connaître ses origines, celle de connaître son père et sa mère – possibilité garantie par la Convention de New-York sur les droits de l’enfant. Or vous avez passé cet aspect sous silence…

    M. Germinal Peiro. Cela n’a rien à voir !

    M. Daniel Fasquelle. Bien sûr, Germinal Peiro, que c’est dans le sujet ! Si vous n’avez pas compris cela, vous n’avez pas compris toutes les conséquences de ce texte.

    En outre, vous rendez avec ce texte l’adoption plus difficile : tel est l’objet de notre amendement. Ces difficultés favoriseront fatalement le recours à la PMA puis à la GPA, de même que la circulaire de la garde des sceaux, qui est un encouragement clair à faire appel à la GPA à l’étranger.

    Les voilà, les effets de votre texte : le mépris des droits des enfants désireux de connaître leurs origines ; l’encouragement au recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, ce qui est proprement scandaleux – songez-y !

    Oui, bien évidemment, à une meilleure reconnaissance des couples homosexuels !

    Oui, à de nouveaux droits pour les enfants dans les familles homosexuelles !

    Non à ce que vous mettez en place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n°3658.

    M. Yves Censi. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n°4430.

    Mme Claudine Schmid. Au début de nos débats, j’étais déjà intervenue sur les conséquences qui pourraient découler de cette loi en matière d’adoption internationale. Elle pourrait en effet porter préjudice aux couples hétérosexuels qui cherchent à adopter un enfant. Il est nécessaire que nous puissions avoir une connaissance approfondie de l’attitude des organismes en charge des procédures d’adoption face aux États qui permettent aux couples homosexuels d’adopter.

    Si vous rejetiez cet amendement, madame la ministre, je serais amenée à croire que vous avez quelque chose à cacher aux couples en attente d’enfant.

    Cette loi, vous l’aurez compris durant ces douze jours de débats, pêche sur la problématique des enfants. En raison des hautes fonctions qui sont les vôtres, vous ne pouvez pas les occulter. Cette loi a pour objectif de répondre aux demandes de quelques adultes – c’est vous-même qui l’avez dit. Faites en sorte que les enfants ne vous demandent pas des comptes dans quelques années. J’en appelle à votre cœur de mère.

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n°4791.

    Mme Geneviève Levy. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n°5083.

    M. Guy Geoffroy. Mes collègues l’ont dit, mais je voudrais le répéter. Vos atermoiements sur la PMA et votre phénoménal loupé en forme de provocation sur la GPA vous conduisent aujourd’hui à commettre une autre faute, celle du mensonge. Mensonge vis-à-vis des familles hétérosexuelles qui attendent un enfant, mensonge surtout à l’égard des familles homosexuelles, à qui vous donnez l’illusion qu’elles pourront adopter, mais à qui vous refusez de dire que vos erreurs, vos excès, vos cachotteries, leur ferment la porte de l’adoption internationale.

    Et que dire du pire des scandales, que nous avons découvert ce soir sur un site ukrainien !

    Madame la ministre, êtes-vous en mesure de prendre ici, devant nous, ce soir, l’engagement de dénoncer publiquement l’utilisation scandaleuse par un site marchand ukrainien de la circulaire dont vous êtes la signataire ? Je sais que vous allez répondre.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n°5207.

    M. Alain Leboeuf. Madame la garde des sceaux, je voudrais vous donner un exemple concret des conséquences de votre circulaire.

    Avant-hier, je recevais chez moi un couple de personnes homosexuelles qui ont eu la chance de pouvoir acheter un enfant au Canada. Ils me disaient tout le bien qu’ils pensaient de votre circulaire qui allait enfin leur permettre de régulariser leur enfant. Et l’autre de se réjouir de pouvoir enfin, grâce à cette circulaire, se voir aussi reconnaître un droit à l’enfant. Ils se sont aussitôt remis à chercher sur leur site une Canadienne à exploiter.

    On ne cesse de vous le démontrer depuis le début : cette circulaire devient incitative et ce soir, nombreux sont les exemples qui ont pu être apportés au débat.

    Ce que je vous dis, je l’ai vécu avant-hier soir.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable pour deux raisons.

    Au terme de l’article 24 de la Constitution, le contrôle de la mise en application des lois appartient au premier chef au Parlement. C’est un devoir que nous ne pouvons renoncer à exercer.

    Par ailleurs, la date du 1er septembre 2013 pour évaluer les conséquences de ce texte…

    M. Marc Le Fur. On les connaît déjà, les conséquences !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …en matière d’adoption internationale ne me paraît pas idéale dans la mesure où il faut compter au minimum neuf mois avant d’obtenir un agrément, et entre trois et cinq ans avant le jugement d’adoption. Je crains que le rapport du 1er septembre 2013 ne soit bien vide.

    Avis défavorable.

    M. Daniel Fasquelle. Vous n’avez qu’à sous-amender pour changer la date !

    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il faut à présent que vous cessiez de fantasmer : vous savez très bien que les possibilités d’adoption conjointe resteront limitées compte tenu du faible nombre d’enfants adoptables en France, comme à l’étranger d’ailleurs, et du refus d’un grand nombre de pays de confier des enfants à des couples homosexuels.

    C’est donc vraisemblablement l’adoption de l’enfant du conjoint qui sera privilégiée et qui permettra ainsi à un grand nombre de parents sociaux de voir enfin reconnu leur lien de filiation avec l’enfant qu’ils élèvent.

    Ces enfants ne seront plus à part parce que leurs parents seront enfin reconnus légitimes et que leur famille sera protégée.

    M. Daniel Fasquelle. Complètement à côté de la plaque !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je voudrais que l’on se rende bien compte de la réalité actuelle de l’adoption internationale.

    Elle connaît en effet une forte chute depuis plusieurs années puisque nous sommes passés de 4 000 enfants adoptés en France en 2006 à moins de 2000 en 2011, sans que les couples homosexuels y soient pour quoi que ce soit.

    Cette baisse du nombre d’enfants adoptables est liée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’adhésion des pays d’origine à la convention de La Haye s’est traduite par un meilleur contrôle des procédures, au niveau en particulier de l’adoptabilité des enfants. Vous devez y être très sensibles, vous qui êtes si attachés à l’intérêt supérieur de l’enfant.

    Ensuite, le décollage économique constaté dans la plupart des pays d’origine pousse ceux-ci à faire adopter par les nationaux leurs propres enfants.

    Enfin, le profil des enfants adoptables a évolué : la majorité de ces enfants sont, aujourd’hui, ce que l’on appelle, de manière peu heureuse, des enfants « à besoins spécifiques », c’est-à-dire des enfants âgés de six ans ou plus, qui posent des problèmes de santé, présentent un handicap ou sont en fratrie. Or, pourquoi tant de candidatures ne sont-elles pas satisfaites ? Parce que les projets d’adoption ne correspondent pas à la réalité de l’adoption. Si vous voulez rendre service aux couples en demande d’adoption, il conviendrait peut-être de réfléchir à un meilleur parcours des familles adoptantes pour leur faire comprendre cette évolution et qu’elles sachent exactement ce qu’elles peuvent espérer.

    Pour revenir à la question posée, je suis désolée, mais le projet de loi n’aura pas d’impact pour les couples hétérosexuels puisque, comme il vous a déjà été dit, les pays d’accueil doivent impérativement se plier aux critères fixés par les seuls pays d’origine concernant le profil des candidats à l’adoption. De fait, les couples de personnes de même sexe ne seront pas candidats dans des pays n’autorisant pas ces candidatures et ne bloqueront pas la candidature des couples hétérosexuels.

    M. Christian Jacob. Si, car ces pays pourraient nous fermer leurs portes !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Par ailleurs, aucun pays d’origine n’a pris de mesure de rétorsion à l’égard des couples hétérosexuels, voire même de l’ensemble des candidats, suite au vote d’une loi autorisant l’adoption par des couples de personnes de même sexe.

    Nous pouvons vous citer les exemples de la Belgique ou des Pays-Bas. Je sais bien qu’il ne faut pas aller chercher des références à l’étranger, mais ces pays appartiennent tout de même, pour reprendre l’un de vos termes, à la même civilisation et les phénomènes rencontrés dans ces pays ressemblent aux nôtres. Il est donc judicieux de s’intéresser à la situation de ces pays frontaliers.

    Je vous ferai enfin remarquer que les adoptions internationales ont augmenté en Espagne depuis l’entrée en vigueur de la loi autorisant l’adoption et le mariage par des couples de personnes de même sexe. L’Espagne est même passée devant la France en ce domaine.

    Vous voyez bien qu’il n’y a pas de lien entre l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe et la baisse des adoptions.

    Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. Elle n’a jamais autant parlé, la ministre !

    M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

    Mme Chaynesse Khirouni. Nous connaissons la situation difficile des parents qui souhaitent adopter un enfant mais, vous le savez, la majorité des adoptions seront intrafamiliales, aussi cette loi ne portera-t-elle pas préjudice aux couples hétérosexuels. N’attisez pas les peurs, ne cherchez pas à diviser les Français.

    Comme à l’époque pour le divorce, l’IVG, le Pacs, ces textes soulèvent des questions, des débats, mais l’histoire nous a démontré que ces lois n’ont pas bouleversé la société ni provoqué le chaos. Nous sommes convaincus aujourd’hui que la société est prête.

    J’ai entendu des députés de l’opposition s’écrier : « Si par malheur cette loi était votée… ». Ce ne sera pas par malheur que cette loi sera votée…

    M. Christian Jacob. Cela, on ne le sait jamais !

    Mme Chaynesse Khirouni. ….mais parce que nous sommes en démocratie et qu’une grande majorité des députés de cette assemblée représentative du peuple l’aura souhaité. J’espère que vous en êtes convaincus.

    M. Philippe Cochet. Consultez le peuple dans ce cas !

    M. Marc Le Fur. Organisez un référendum si vous n’avez pas peur du peuple !

    Mme Chaynesse Khirouni. Je souhaite rassurer nos collègues : dans nos rangs, à gauche, au sein de notre groupe, nous sommes fiers du travail que les ministres et nos collègues ont mené, et nous sommes fiers de voter cette loi historique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Nous arrivons à la fin de nos amendements et l’opposition jette ses dernières forces dans la bataille.

    M. Marc Le Fur. Vous nous réveillez !

    M. Sergio Coronado. Je crois que le débat a honoré le Parlement, même si nous avons pu avoir parfois l’impression qu’il se prolongeait inutilement. C’est sans doute le souvenir ému des pains au chocolat à la buvette qui nous fait rester aussi longtemps dans l’hémicycle.

    Puisque vous êtes souvent revenus sur cette question, je voudrais vous dire que nous aurons certainement ce débat sur la PMA, et même sur la GPA, dans les prochaines années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Nous y voilà !

    M. Sergio Coronado. Laissez-moi finir, ce n’est pas une agression mais simplement une remarque. Nous l’aurons parce que ce débat existe dans le pays, et la question se pose même en votre sein. J’ai rappelé voici quelques jours la proposition de loi que vos collègues de l’UMP ont déposée au Sénat. Ce débat existe et il mérite d’être mené avec des arguments sérieux et rationnels. J’espère que nous l’aurons.

    Il ne mérite pas en revanche que l’on exploite la peur, surtout par des mensonges.

    Vous êtes intervenus à plusieurs reprises sur cette question mais je voudrais vous renvoyer simplement à une dépêche AFP du 16 octobre 2011 qui annonçait que, suite à un imbroglio avec une famille française, l’Ukraine avait décidé de réserver l’accès à la GPA aux nationaux. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier. Ce que vous avez avancé ne correspond pas à la réalité. C’est juste une façon de continuer à agiter les fantasmes pour effrayer les Français.

    Nous aurons ce débat, mais nous l’aurons le moment venu en espérant qu’il ne serve pas de prétexte à l’exploitation des fantasmes et des peurs inutiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jérôme Guedj. C’est un faux site !

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Au moment où se terminent ces débats…

    M. Hervé Mariton. Il reste encore une liasse d’amendements !

    M. Alain Tourret. …et alors même que nous serons amenés à prendre la parole mardi prochain, je voudrais juste rappeler que j’ai participé à tous les débats sur le Pacs, qu’ils ont donné lieu à des échanges très intéressants et que je tiens, moi, à saluer la qualité des débats que nous avons eus ces derniers jours. Même si certains peuvent parler d’obstruction, il n’en reste pas moins que, globalement, l’opposition a joué son rôle, la majorité aussi et ce n’était pas si facile que cela pour nous. Car nous ne pouvions pas vous répondre à tout moment, faute de quoi nous aurions eu trois semaines ou un mois de plus de débat.

    M. Dominique Tian. Il y a encore trois heures de débat !

    M. Alain Tourret. Ensuite, je voudrais dire à l’opposition qu’elle s’est trompée de schéma. Elle aurait pu faire une opposition constructive en défendant beaucoup mieux la proposition qu’elle faisait sur son alliance ou sur son contrat d’union civile.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne l’avez pas voté !

    M. Alain Tourret. Bien sûr que je ne l’ai pas voté !

    La façon d’agir de l’opposition a été de nous mitrailler, non de construire. En cela, je crois qu’elle s’est trompée.

    Je veux dire aussi que j’ai été très fier de vous avoir, monsieur le président, pour diriger les débats.

    M. le président. Je vous remercie !

    M. Alain Tourret. J’ai suis également très fier de deux ministres d’exception, du rapporteur et d’un certain nombre de responsables qui se sont parfaitement prononcés.

    Partageons tous ce bonheur en cette fin de soirée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Tourret, vos compliments me flattent ; cela fait toujours plaisir. Mais je voudrais vous indiquer à tous qu’au rythme où nous allons, nous en avons encore pour quatre heures de débat. Nous conclurons donc tout à l’heure. Pour le moment essayons d’avancer !

    Je vous propose une suspension de séance après avoir mis ces amendements aux voix.

    (L’amendement no 64 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Je vous rappelle le dialogue que j’ai eu tout à l’heure eu avec M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

    M. le ministre a dit : « Pour arriver à vos fins, vous êtes prêt à abandonner vos principes. » Je lui ai rappelé ce que j’avais dit dans mon intervention : « La majorité ne nous rassure pas ». M. Vidalies m’a répondu : « Ce n’est pas ce que vous avez dit ».

    Je remonte le fil du compte rendu provisoire et, à la page précédente, mon intervention est clairement indiquée : « La majorité ne nous rassure pas ».

    Mon propos était clair, il a été transcrit par le compte rendu. Manifestement, M. Vidalies avait mal entendu. Ce n’est pas une affaire d’État, mais cela ne justifiait pas son propos.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatre heures cinq, est reprise à quatre heures dix.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Après l’article 23 (suite)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1614.

    M. Marc Le Fur. La conséquence inéluctable du mariage homosexuel, c’est, en cas de veuvage, le versement de la pension de réversion.

    Si nous étions riches et si nos systèmes de retraite étaient opulents… Mais c’est loin d’être le cas ! Mes chers collègues, nous sommes tous députés dans des circonscriptions. Comme moi, vous recevez des veuves dont les revenus sont modestes et dont les pensions de réversion, pour peu qu’elles appartiennent au régime général ou au régime agricole, sont très faibles. À peine leurs droits propres dépassent-ils un certain seuil qu’elles n’ont plus de pension de réversion.

    Il faut que ces veuves sachent qu’une partie des maigres avantages dont elles disposent va être captée par d’autres, du fait du mariage homosexuel.

    Nous le disons clairement, notre pays, en matière de retraite et de droits de réversion, avait d’autres priorités. La priorité, en matière de réversion, c’était la justice pour permettre des solutions plus égales d’un régime à l’autre. Les inégalités existent, car certains régimes sont plus favorables que d’autres en matière de réversion.

    Or au lieu de progresser vers plus de justice et d’égalité, on va donner un privilège à certains au détriment des autres.

    Nous tenions à le dire clairement, c’est la conséquence logique et inéluctable, mais très négative, du mariage homosexuel que vous voulez imposer au pays alors que le pays n’en veut pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1812.

    M. Patrick Ollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1976.

    M. Jacques Lamblin. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3417.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1463.

    M. Olivier Marleix. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4761.

    M. François de Mazières. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4794.

    M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 4813.

    Mme Laure de La Raudière. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5181.

    M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    (L’amendement n° 1614 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1341.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1467.

    M. Olivier Marleix. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1540.

    M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1618.

    M. Marc Le Fur. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1774.

    M. Guillaume Chevrollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1818.

    M. Patrick Ollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1977.

    M. Jacques Lamblin. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2164.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2270.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2569.

    M. Hervé Mariton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2888.

    M. Philippe Meunier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3419.

    M. Xavier Breton. Il s’agit de montrer à nouveau les carences de l’étude d’impact. Cet amendement vise à ce qu’un rapport soit rendu sur le sujet.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 4367.

    M. Olivier Marleix.Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4762.

    M. François de Mazières. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4796.

    M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 4815.

    Mme Laure de La Raudière. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    (L’amendement n° 1341 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en arrivons à une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1345.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1470.

    M. Olivier Marleix. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1621.

    M. Marc Le Fur. Il est défendu, mais avec insistance ! (Rires.)

    M. le président. Je prends note de l’insistance, monsieur Le Fur !

    La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1775.

    M. Guillaume Chevrollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1822.

    M. Patrick Ollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1978.

    M. Jacques Lamblin. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2167.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2272.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu avec beaucoup d’insistance !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2575.

    M. Hervé Mariton. Le projet de loi proposé par le Gouvernement aura des conséquences fiscales. On peut d’ailleurs imaginer, même si ce ne sera pas le cas le plus courant, qu’une partie des mariages qui seront contractés le seront aussi dans un but patrimonial, pour avantager les détenteurs de patrimoine et, en matière de succession, désavantager l’État. Cela aura un coût. Il est important de l’évaluer.

    Je me suis un peu attardé à la buvette et souhaite dire un mot de l’amendement précédent. Il souligne la nécessité d’un rapport sur les prestations de retraite en matière de majoration pour enfants. En effet, plus la définition de la famille est éloignée de ce que nous appelons la famille ordinaire – les autres étant des familles « extraordinaires » –, plus grand est le nombre de bénéficiaires potentiels des majorations pour enfants. C’est sympathique, mais compte tenu des contraintes qui pèsent sur les finances sociales, il est à craindre que l’extension du champ n’amène une mise en cause du principe même des majorations pour enfants.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2893.

    M. Philippe Meunier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3421.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 4369.

    M. Olivier Marleix.Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 4763.

    M. François de Mazières. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4797.

    M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5183.

    M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    (L’amendement n° 1345 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1537.

    M. Nicolas Dhuicq. À la fin de l’examen de ce projet de loi, l’idéologie délétère qui nie l’altérité et la différence des sexes apparaît enfin au grand jour, en quelque sorte. (Sourires) Par déni et par hubris, vous allez créer d’immenses difficultés pour les enfants de ce pays.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1585.

    M. Dominique Tian. Cet amendement présenté par Jean-Frédéric Poisson et moi-même résulte de notre lecture des documents d’évaluation. Nous nous sommes rendus compte qu’en matière de réversion de pensions d’invalidité au conjoint survivant, l’existence du mariage de personnes de même sexe aura évidemment pour conséquence d’importantes augmentations de budget. Jusqu’à présent en effet, ni le Pacs ni le concubinage n’ouvraient droit à cette pension de réversion.

    Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe engage donc des sommes conséquentes. Il nous paraît donc très important de disposer d’études chiffrées afin d’éclairer la représentation nationale. C’est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1675.

    M. Marc Le Fur. Même argumentation. Amendement défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1785.

    M. Guillaume Chevrollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1982.

    M. Jacques Lamblin. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2212.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2280.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2609.

    M. Hervé Mariton. Le genre est apparu ce matin dans nos débats. Il est clair que ce n’est pas une invention du groupe UMP dans ses amendements. Ce sont des membres de la majorité qui mettent en avant une approche de genre. Cela conduit en réalité à une vision très individualiste de la famille, qui est exactement celle dont nous ne voulons pas. Cela justifie ces amendements, que mon collègue Breton défendra avec plus de talent encore.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2924.

    M. Philippe Meunier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3499.

    M. Xavier Breton. C’est un amendement important. Nous voyons bien que le genre plane au-dessus de nos débats. Pour autant, il nous faut l’aborder de manière décontractée, dirai-je. Les études de genre comportent des aspects très positifs, qui consistent à déterminer les inégalités trouvant leur origine dans les données physiques de chacune et chacun d’entre nous. Cela permet de mettre en place des politiques publiques visant à réduire ces inégalités. Mais au-delà d’un certain point, ces études deviennent une théorie puis une idéologie. C’est sur ce point qu’un débat me semble nécessaire afin d’éviter les accusations de fantasme. Si fantasmes il y a, autant en débattre.

    Sur ce sujet, la majorité n’est pas à l’aise à l’heure actuelle, comme l’a montré la réponse du rapporteur à l’amendement de notre collègue Buffet. Ce n’est pas le moment de marquer l’identité de genre dans notre législation, disait-il, le débat ayant eu lieu lors de la loi sur le harcèlement sexuel. Or que fait le Gouvernement aujourd’hui, en particulier la ministre déléguée aux droits des femmes ? Un programme d’action gouvernemental contre les violences et les discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Autrement dit, ce que l’on se refuse à mettre dans la loi prend la forme de plans nationaux qui vont s’appliquer partout, y compris dans les écoles. Cela me semble être un vrai problème.

    Nous souhaitons donc en débattre. S’il s’agit de fantasmes, nous les dégonflerons, sinon nous pourrons débattre très concrètement. Nous aurons d’ailleurs ce débat à l’occasion de plusieurs lois, car l’idéologie du genre inspire quelques militants qui manipulent une grande majorité. Nous souhaitons amener le débat sur la place publique et nous y arriverons progressivement. Autant avoir ce débat ensemble, mes chers collègues !

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 4351.

    M. Olivier Marleix. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4809.

    M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 4846.

    Mme Laure de La Raudière. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5192.

    M. Guy Geoffroy. Je ne voudrais pas faire une redite de l’excellente démonstration de Xavier Breton. Je déplore qu’au lieu de poser franchement ces problèmes sur la table entre parlementaires et acteurs responsables de la vie publique, nous ayons une tendance croissante à ne mettre en avant que les aspects les plus pernicieux de la théorie du genre. Il faut tordre le cou à ces aspects les plus pernicieux afin de pouvoir bien mettre en évidence les éléments de structuration intellectuelle de la démarche, qui peuvent être utiles pour mieux écarter ceux qui sont en effet extrêmement dangereux.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. On ne peut pas se contenter d’un silence sur une question comme celle-là. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Bloche. Le débat a déjà eu lieu ! C’est un fantasme !

    M. Patrick Ollier. Ce n’est pas un fantasme, c’est essentiel !

    M. Xavier Breton. Prenez la parole et débattons, monsieur Bloche ! Il s’agit d’un refus du débat ! Vous alimentez les fantasmes ! Votre silence est tout à fait éloquent. Vous avez peur de vous aventurer sur ce terrain ! Mais nous n’allons pas vous lâcher. Ce n’est qu’un début, sachez-le ! Nous aurons l’occasion d’aller très loin, en particulier au sein de votre commission à l’occasion de votre loi sur l’école, monsieur le président Bloche ! Nous aurons l’occasion d’en débattre, sachez-le ! Vous avez peur de débattre de ce sujet. Si comme vous le dites ce sont des fantasmes, parlons-en et dégonflons-les ! Vous ne faites que les alimenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marc Le Fur. Répondez, vous qui avez réponse à tout !

    (L’amendements no 1537 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 4265 rectifié.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 4344 rectifié.

    M. Patrick Ollier. Je complète ce qu’a dit M. Breton sur la théorie du genre. Elle avance de manière insidieuse et nous l’avons dénoncée depuis le début de ce débat. Vous n’échapperez pas à un débat sur ce sujet. Vouloir l’égalité par la suppression de la différence des sexes, voilà la théorie du genre. Vouloir supprimer la référence à l’engendrement pour établir la filiation et faire découler celle-ci de l’envie et du projet parentaux, voilà la théorie du genre. Nous poursuivrons notre action afin que ce débat puisse avoir lieu sur la place publique.

    Quant aux rapports, j’ai souvenir, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, que vous en étiez très demandeurs lorsque vous étiez dans l’opposition. Nous vous avons souvent entendu demander des rapports à l’occasion de la défense d’amendements. Il est légitime que l’opposition demande des rapports pour être instruite de la mise en œuvre ou des conséquences d’une loi. Nous avons très souvent accepté vos demandes de rapports. Et là, alors que nous avons besoin d’informations sur la mise en œuvre de la loi, j’observe que depuis le début vous n’avez encore accepté aucun rapport qui permettrait au Parlement d’être éclairé sur cette mise en œuvre. Je tiens à le signaler. Je trouve cela peu démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4348 rectifié.

    M. Hervé Mariton. En effet, nous avons manifestement besoin d’informations supplémentaires sur le contexte international du projet de loi.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4522 rectifié.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 5356.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    (Les amendements identiques nos 4265 rectifié, 4 344 rectifié, 4 348 rectifié, 4 522 rectifié et 5 356 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4332.

    M. Xavier Breton. Nous souhaitons poser la question de la gestation pour autrui, car nous savons qu’elle est inscrite dans ce texte fondé sur le principe d’égalité et ouvrant un droit à la filiation pour les couples de personnes de même sexe. Comme l’adoption ne suffira pas à répondre à ce droit à la filiation, des pratiques d’assistance à la procréation et de gestation pour autrui auront cours, à tout le moins à l’étranger. La circulaire du 25 janvier dernier de Mme la garde des sceaux va y encourager. Nous en avons eu ce soir la preuve.

    Nous considérons que la gestation pour autrui est une atteinte à la dignité humaine. Ce sont des termes forts, mais c’est notre conviction, qu’il y ait ou non marchandisation du corps. La gestation pour autrui n’a pas même à être encadrée. Ce que nous souhaitons, c’est que la France joue un rôle pilote dans la lutte contre la GPA. J’ai bien noté que les membres du Gouvernement tout comme le rapporteur se disent défavorables à la GPA. Nous voulons plus. Ils doivent dire : nous ne sommes favorables à la GPA ni dans ce texte ni dans les suivants et nous y sommes tout à fait opposés.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais oui !

    M. Xavier Breton. C’est une atteinte à la dignité humaine en général et à celle des femmes en particulier. Voilà pourquoi nous voulons voir la France en tête de la lutte contre la gestation pour autrui, comme elle se veut en tête dans bien d’autres domaines. Voilà qui nous honorerait. L’heure de vérité a sonné. Nous ne voulons plus de grands discours, mais votre position de fond. Nous savons que certains membres de la majorité comme du Gouvernement sont favorables à la gestation pour autrui. Nous attendons une parole claire et précise qui fasse de la France, en particulier dans le cadre de l’ONU, un pays pilote de la lutte contre la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Guy Geoffroy. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5058.

    M. Hervé Mariton. Si l’on en croit le refus un peu laborieux de la GPA par le Gouvernement, exprimé après qu’un certain nombre de ministres ont pris position en sa faveur, et quand on connaît par ailleurs les dissensions qui traversent la majorité à ce sujet, on a besoin d’être rassuré et de se situer au niveau international. Si la France porte une vision plus forte que d’autres pays pour l’interdiction de la gestation pour autrui, il lui faut agir, en particulier dans le cadre de l’assemblée générale des Nations unies. C’est une manière à la fois de prouver la sincérité du Gouvernement et de faire valoir notre vision dans le monde. Un refus de cet amendement par le Gouvernement serait de très mauvais augure.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. Patrick Ollier. C’est mauvais signe !

    Un député du groupe UMP. C’est incroyable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Vous ne vous en sortirez pas comme cela ! C’est l’heure de vérité et je comprends que certains commencent à souffrir. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mesdames les ministres, nous vous demandons de vous positionner sur la gestation pour autrui. Monsieur Vidalies, nous ne vous le demandons pas : nous savons que vous y êtes favorables ; vous l’avez écrit. Dont acte !

    M. Germinal Peiro. Arrêtez votre cinéma !

    M. Xavier Breton. Voulez-vous que je cite la tribune, publiée dans Le Monde en 2010, dans laquelle M. Vidalies se déclare pour la gestation pour autrui ? Voulez-vous que je cite les cosignataires de cette tribune ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il s’agit de Gérard Bapt, Patrick Bloche, Olivier Dussopt, Aurélie Filippetti, Jean-Marie Le Guen, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Alain Vidalies, Najat Vallaud-Belkacem. Je vous lis un extrait de cette tribune : « La venue au monde d’un enfant résulte de cette liberté et de ce projet. Encadrer la gestation pour autrui, c’est reconnaître que cette liberté et ce projet ne s’arrêtent pas aux frontières biologiques. » Cela vous fait rire, monsieur Vidalies ? Vous l’avez écrit ! « Des parents, des géniteurs, une gestatrice peuvent permettre ensemble la venue au monde d’un enfant. Il revient à la société de fixer le cadre nécessaire à la protection de cette liberté. » Vous l’avez écrit. C’est ce que vous voulez et ce que vous êtes en train de préparer. Assumez vos positions !

    M. Yves Censi. On comprend le problème de conscience du Président Hollande !

    M. Xavier Breton. Dans son plan national, Mme Vallaud-Belkacem veut faire de la France un pays pilote dans la lutte contre l’homophobie et contre les discriminations liées aux identités de genre. Faites de la France un pays pilote dans la lutte contre la gestation pour autrui. Nous attendons votre réponse ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. Marc Le Fur. Le silence est révélateur !

    (Les amendements identiques nos 4332 et 5058 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4333 et 5062.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4333.

    M. Xavier Breton. Il s’agit d’inciter le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport qui présenterait les propositions qu’il pourrait soumettre au Président de l’Union européenne – car nous devons être pilotes dans la lutte contre la gestation pour autrui au niveau international, et particulièrement au niveau européen –, au Président du Conseil européen et au Président de la Commission européenne, afin qu’ils prennent une position solennelle sur l’interdiction de toute pratique de gestation pour autrui avant la prochaine journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre 2013.

    Là aussi, nous attendons des initiatives. Votre silence serait fort éloquent. À un moment, les masques tombent. La gestation pour autrui, vous n’êtes pas contre, ou alors dites-le. Et, une fois que vous l’aurez dit, montrez-le ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5062.

    M. Hervé Mariton. La France peut et doit militer au sein de différentes instances contre la gestation pour autrui. La cause est importante. Tous les pays n’ont pas la même approche que nous de cette question, mais, quand on a une vision forte sur des enjeux éthiques de cette nature, on peut souhaiter la faire partager. C’est le sens de l’universalisme de notre pays, qui est une de ses forces. L’universalisme français s’est exprimé de différentes manières au cours de l’histoire, et c’est là une belle occasion d’exprimer à nouveau nos valeurs universelles.

    Je le dis à nouveau, si le Gouvernement refusait de s’engager à œuvrer contre la gestation pour autrui au plan international et européen, ce serait de très mauvais augure.

    Vous nous avez dit, au-delà de la diversité de vos positions individuelles : « La GPA, non ! » Mais nous savons d’expérience que, lorsque vous dites : « Jamais », cela peut signifier quelques mois ou quelques années... S’il vous plaît, acceptez cet amendement : nous apprécierions cet engagement. Si vous le refusiez, vous prendriez une lourde responsabilité, pour la France et les familles de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. Xavier Breton. Ils baissent tous la tête !

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 4333 et 5062, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    M. Xavier Breton. Je ne vais pas répondre à un silence. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, nous attendons votre parole ; elle est cruciale.

    Encore une fois, la logique qui conduit de votre texte à la gestation pour autrui a été démontrée. Nous n’entendons plus Mme la garde des sceaux ricaner en évoquant le clonage. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Chacun a le nez sur son téléphone et se demande comment en sortir.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Par le haut !

    M. Xavier Breton. Eh bien, sortez-en en nous répondant !

    N’ayez pas peur de débattre, mes chers collègues. Vous ne voulez pas débattre de l’idéologie du gender, de la gestation pour autrui. Vous êtes incapables de débattre. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Yves Censi. Répondez-nous au moins sur la tribune !

    M. Xavier Breton. Je sais que c’est difficile, mais nous, nous avons envie de débattre. Nous aimons le débat, nous avons voulu qu’il ait lieu dans la société autour de ce texte ; vous l’avez refusé. Aujourd’hui, nous suscitons un débat sur l’idéologie du gender et la gestation pour autrui ; vous le refusez encore. Vous avez un plan – tout est calculé – et nous allons le démonter.

    M. Jean Glavany. Allons !

    M. Xavier Breton. Oui, monsieur Glavany, et nous avons tout notre temps. Nous sommes déjà parvenus à faire reporter l’examen de l’assistance médicale à la procréation, que vous vouliez inscrire dans ce texte, à la fin de l’année. Dans les semaines et les mois à venir, nous continuerons à débattre. Vous, vous n’en êtes pas capables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Notre conception de la société n’est pas facile à expliquer ; elle ne se résume pas, comme la vôtre, à un slogan : « L’égalité, l’égalité, l’égalité ! » Elle est plus complexe, c’est vrai ; elle s’appuie sur la réalité humaine, et la réalité humaine résiste. Venez débattre avec nous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 4333 et 5062.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 193

    Nombre de suffrages exprimés 193

    Majorité absolue 97

    Pour l’adoption 62

    contre 131

    (Les amendements identiques nos 4333 et 5062 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons aux amendements au titre.

    Titre

    M. le président. Sur le titre, je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 250.

    M. Bernard Deflesselles. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 279.

    M. Philippe Le Ray. Fidèle aux bonnes intentions du Président Hollande, le Gouvernement se retrouve véritablement piégé par son clan sectaire, composé notamment des écologistes, qui sont du reste souvent contre-nature. (Sourires sur les bancs des groupes SRC et écologiste) Je vous en prie, un peu de respect ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe écologiste.) Vous êtes piégés, chers collègues de la majorité, parce que vous avez ouvert certaines portes. Dès lors que vous avez refusé cette solution moderne qu’est l’alliance civile, demain, logiquement, d’autres revendications seront exprimées, notamment l’ouverture de la PMA et l’autorisation de la GPA, qui seront réclamées au nom de l’égalité. Vous avez beau ricaner et contester les questions que nous posons depuis dix jours, vous serez face à cette réalité.

    En revanche, cette loi, je vous l’accorde, permettra peut-être de résoudre les problèmes liés à l’homoparentalité, puisqu’il suffit que la mère ou le père ait la possibilité légale de déléguer son autorité parentale à sa compagne ou à son compagnon.

    M. le président. Merci, monsieur Le Ray.

    M. Philippe Le Ray. C’est, selon moi, le seul point positif de ce texte.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 450.

    M. Hervé Mariton. Nous avons un projet alternatif : l’alliance civile.

    M. Pascal Popelin. Et nous ne l’avons pas voté !

    M. Hervé Mariton. Il est dommage que le Gouvernement n’ait pas eu le courage et le bon sens d’innover et d’apporter une réponse pragmatique aux besoins des couples de personnes de même sexe et des enfants dont ils peuvent avoir la charge, tout en respectant les principes fondamentaux de la famille, de la paternité, de la maternité et de l’égalité des enfants. Le Gouvernement a préféré le dogmatisme, une approche symbolique. Avec ce texte, vous offrez une satisfaction de court terme, car il ne fonctionnera pas correctement dans la durée. Vous proposez de la fausse monnaie à nos concitoyens, qui méritaient mieux que votre projet.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 486.

    M. François de Mazières. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 516.

    M. Patrick Ollier. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 809.

    M. Frédéric Reiss. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1159.

    M. Philippe Cochet. Réveillez-vous, mes chers collègues ! Notre ami Breton a évoqué le fond du sujet.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et là, on va toucher le fond !

    M. Philippe Cochet. En entamant ce débat, vous pensiez, au fond de vous-mêmes : pourvu qu’ils dérapent, qu’ils prononcent le mot de trop, que cela se passe mal ! Manque de chance, vous avez eu en face de vous des personnes qui ont discuté sur le fond (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), qui ont argumenté de manière concrète et qui, surtout, ont démontré que vos préjugés n’avaient rien à voir avec la réalité.

    Grâce à cette première partie du débat, le peuple de France va désormais se saisir d’un certain nombre de sujets. Si, au départ, un certain nombre de nos concitoyens n’avaient peut-être pas perçu toutes les conséquences de votre texte, votre volonté de masquer certaines choses, mesdames les ministres, vous reviendra comme un boomerang. Le peuple de France a en effet besoin de débats, de transparence et de clarté. C’est pourquoi je vous demande de vous réveiller, chers collègues de la majorité. Ce sera nécessaire !

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1198.

    Mme Laure de La Raudière. Défendu !

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1646.

    Mme Véronique Louwagie. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Christophe Guillotin… (« Guilloteau ! » sur les bancs du groupe UMP),M. Guilloteau, pardon. Remarquez, avec ce que vous nous faites vivre… (Rires.)

    M. Christophe Guilloteau. À cette heure, vous êtes pardonné, monsieur le président.

    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Guilloteau.

    M. Christophe Guilloteau. Ce texte va être voté, et je le regrette.

    M. Bernard Deflesselles. Il ne l’est pas encore !

    M. Christophe Guilloteau. Mais le débat va reprendre. Nous avons appris, grâce à la discussion de ce texte, les horreurs qui circulent sur internet. La société française, les hommes et les femmes de notre pays, vont se dresser contre ce qui est pour moi l’horreur de l’horreur. Nous sommes en train d’engendrer un système contre-nature.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1676.

    M. Olivier Marleix. Défendu !

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1975.

    M. Jacques Lamblin. Quand nous vous avons demandé tout à l’heure de vous engager par rapport aux mères porteuses, vous n’avez répondu que par la ruse et le silence. En agissant ainsi, vous montrez que j’avais raison d’affirmer que, grâce à vous, des femmes allaient vendre leur bébé en Ukraine.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2051.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. Mes chers collègues, je voudrais vous donner connaissance d’une tribune de presse signée par Béla Farago, magistrat honoraire, qui montre en quoi l’évolution du vocabulaire sur le sujet est de nature à faire évoluer la pensée.

    Selon le nouveau texte, le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. Cette définition du mariage est d’ailleurs assez paradoxale : elle utilise deux fois le mot « sexe » dans le but même de désexualiser l’institution du mariage, en le rendant indifférent à la différenciation sexuelle. En fait, les auteurs du texte n’ont pas pu résister à la tentation du bavardage idéologique, ce péché du droit postmoderne. Il aurait suffi, en réalité, de dire que le mariage est contracté par deux personnes. Mais il fallait marquer la victoire de la théorie du genre, obnubilée par le sexe, surtout s’il s’agit du même.

    Toujours est-il que l’invalidation du sens commun et l’abrogation de son expression dans nos vénérables dictionnaires ne sont pas un événement anodin. En effet, désormais, le mariage hétérosexuel, union de l’homme et de la femme, n’a plus de nom. Pour en parler, il faudra passer par des périphrases, spécifier qu’il s’agit de l’un des trois types possibles de mariage – hétéro, et non gay ou lesbien. L’alliance des deux sexes différents, des deux moitiés de l’humanité, va ainsi perdre sa spécificité par le kidnapping en cours du concept qui lui est propre.

    Toute la connotation traditionnelle, culturelle, spirituelle, qui s’est attachée à la notion de mariage, sera déstabilisée, principalement pour les générations futures, dont on préformate ainsi le langage et, par là même, la pensée. Il s’agit donc bien d’une révolution anthropologique profonde, dont l’ampleur ne doit pas être masquée, la promotion d’un homme nouveau, l’individu autoproduit, choisissant sa sexualité, plus attiré par la mêmeté que par l’altérité, allant au bout de toutes les manipulations que les sciences biomédicales rendent possibles. Cette révolution est en marche, elle est en train de prendre possession de notre langage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2976.

    M. Philippe Meunier. Ce qu’a dit notre collègue Breton tout à l’heure est très important. Vous n’avez pas voulu le débat, vous n’avez pas voulu la commission spéciale, vous n’avez pas voulu dévoiler la décision du Conseil d’État, vous n’avez pas voulu le référendum, bref, vous n’avez rien voulu, si ce n’est nous imposer un projet de loi, parce que vous êtes majoritaires dans cet hémicycle. Certes, c’est votre droit le plus absolu, mais nous verrons bien comment les choses vont s’arranger par la suite.

    Le Sénat va se saisir de ce projet de loi, qui va ensuite poursuivre son parcours. Je regrette que vous n’ayez pas voulu débattre avec nous de tous ces sujets importants car nous aurions pu, comme nous l’avions fait dans le cadre de la commission bioéthique, débattre tous ensemble : c’était très intéressant, nous avions alors beaucoup appris les uns des autres. Mais telle n’était pas votre intention, et c’est dommage, car en agissant ainsi, vous avez clivé la société. Je vous donne donc rendez-vous le 24 mars à Paris, avec tous les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4150.

    M. Yves Censi. Défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5107.

    M. Guy Geoffroy. Je veux m’excuser auprès du Gouvernement pour l’erreur que j’ai commise tout à l’heure en indiquant, au sujet de l’alliance civile, que c’était la dernière chance que nous vous offrions de sortir du pétrin dans lequel vous vous êtes mis – mais surtout, ce qui est plus grave, dans lequel vous avez mis la société française.

    Je m’étais trompé car, en fait, la dernière chance, c’est maintenant, mes chers collègues, que vous devez la saisir ! J’en profite pour vous demander une nouvelle fois, madame la garde des sceaux, d’accepter de répondre à la question que je vous ai posée tout à l’heure : êtes-vous, oui ou non, déterminée à dénoncer officiellement, publiquement, avec la plus grande détermination, l’utilisation de votre circulaire par le site ukrainien dont nous avons parlé durant une bonne partie de la soirée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean Glavany. Si c’est vrai… Il reste encore à démontrer qu’il ne s’agit pas d’une tentative de manipulation.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3520.

    M. Daniel Fasquelle. Nous avons bien compris que la voie choisie par la majorité n’était pas la bonne, du fait des effets négatifs qu’elle produit, au-delà du mariage, sur la filiation, l’adoption plénière, la gestation pour autrui – avec la circulaire de Mme la garde des sceaux qui encourage la GPA à l’étranger – et, bien évidemment, la PMA. Cette loi aboutit surtout à retirer des droits, qu’il s’agisse du droit aux origines, du droit des femmes à voir leur corps protégé, du non-recours aux mères porteuses : ce sont bel et bien des droits que vous enlevez à des individus.

    Une autre voie, beaucoup plus raisonnable et à l’écoute des Français, est celle de l’alliance civile, que nous avons proposée et proposons à nouveau. Célébrée en mairie, elle constituerait une vraie reconnaissance pour les couples homosexuels, avec un vrai régime, des obligations patrimoniales et extrapatrimoniales, l’intervention d’un juge et la possibilité d’un acte notarié venant compléter ce que prévoit la loi. Cette alliance civile, ajoutée à des droits nouveaux pour les parents homosexuels, mais aussi leurs enfants, constituerait une voie équilibrée, permettant la reconnaissance des couples homosexuels, avec de meilleures garanties pour les enfants ainsi que pour celui qui vit avec le père naturel ou la mère naturelle de ses enfants. Cette voie est à l’écoute des Français qui souhaitent réserver le mariage à la seule union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille, à l’écoute également des Français qui souhaitent une meilleure reconnaissance pour les couples homosexuels et les enfants élevés par ces couples.

    Je regrette également que nous n’ayons pu avoir ce débat, que nous n’ayons pas cherché ensemble cette voie d’équilibre, qui n’est pas une voie marginale en Europe, au contraire : choisie par un très grand nombre d’États, notamment par l’Allemagne, elle est majoritaire. Il nous est encore possible de l’emprunter tous ensemble, je vous lance un dernier appel en ce sens : écoutons-nous, écoutons les Français et trouvons ensemble une voie de consensus et de rassemblement, plutôt qu’une voie de division comme vous le proposez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5278.

    M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, au terme de ces douze jours et douze nuits de débat, j’ai le sentiment que nous avons accompli notre devoir collectif qui était d’y participer. Nous l’avons fait, les uns et les autres, avec nos mots, avec notre cœur et notre sensibilité.

    J’ai également le sentiment d’une occasion manquée, car je suis convaincu qu’un accord très large, rassemblant tous les bancs de l’hémicycle, aurait pu se construire autour de l’idée de l’amélioration des droits et devoirs des personnes de même sexe faisant le choix de vivre en couple dans la durée – ce que nous appelons l’alliance civile, ou union civile. Nous avons essayé d’ouvrir cette voie, mais vous avez refusé de faire le chemin avec nous, uniquement parce que le Président de la République et le Gouvernement ont fait et assumé le choix d’une profonde division du peuple français. Des millions de Français ont été heurtés dans leur sensibilité et dans leur histoire personnelle, parce que ce texte, bien au-delà de la question des couples de personnes de même sexe, heurte leur conception de la famille.

    Je conclurai par quelques mots très simples. Mesdames les ministres, il faut que le Gouvernement se ressaisisse. Quand les Français viennent nous voir dans nos permanences, ils ne nous disent pas : « Il faut que vous légalisiez le mariage homosexuel ». Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils attendent de vous, le Gouvernement et la majorité, que vous répondiez à leurs attentes, notamment à la priorité numéro un, la question du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de proposer un nouveau titre pour notre projet de loi, eEn coordination avec les amendements relatifs à l’alliance civile que vous aviez déposés, et que notre assemblée a rejetés : la commission est donc défavorable à ces amendements.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

    M. Philippe Martin. Conformément à l’avis que viennent d’exprimer M. le rapporteur et Mme la ministre, notre groupe est défavorable à ces amendements.

    Par ailleurs, m’exprimant au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je voudrais, alors que nous arrivons à la fin de ce débat, m’adresser d’abord à vous, monsieur le président (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas encore fini !

    M. Philippe Martin. …afin de vous exprimer nos remerciements pour votre présidence brillante, intelligente, attentive. (Applaudissements sur tous les bancs – Les députés du groupe SRC et du groupe écologiste se lèvent pour acclamer M. le président.)

    M. le président. Merci, mes chers collègues, cela me touche vraiment.

    M. Philippe Martin. Je ne voudrais pas manquer de remercier également ceux qui vous ont suppléé, fût-ce de manière très brève : Laurence Dumont, Catherine Vautrin et Christophe Sirugue. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    J’adresse également mes remerciements aux fonctionnaires et aux personnels de l’Assemblée nationale pour le travail qu’ils ont accompli durant tout ce débat (Mêmes mouvements), ainsi qu’à tous les collaborateurs de l’Assemblée nationale, qui ont travaillé dur sur ce texte.

    Je veux saluer nos collègues de l’opposition pour leur courage et leur pugnacité…

    M. Hervé Mariton et M. Dominique Tian. Mais ce n’est pas l’heure !

    M. Philippe Martin. Je vous salue, monsieur Mariton, pour votre pugnacité et votre courage…

    M. Hervé Mariton. Merci !

    M. Philippe Martin. …ainsi que le président Jacob, qui a été présent très longtemps sur ces bancs, même si l’opposition a parfois été un peu répétitive.

    Je veux, mes chers collègues, saluer avec beaucoup de force notre rapporteur Erwann Binet (Les députés du groupe SRC et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent longuement M. le rapporteur – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP.)

    Merci également à celle qui a été la porte-parole de notre groupe pour ce texte, Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Merci à notre rapporteure pour avis, Marie-Françoise Clergeau, et à nos deux présidents de commission, Catherine Lemorton et Jean-Jacques Urvoas, pour la précision de leurs réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Merci également aux ministres, qui auront été, durant tout ce débat, présents et nombreux, notamment Christiane Taubira, que je remercie tout particulièrement au nom du groupe socialiste. (Les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP.)

    Enfin, m’adressant à vous, députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, je vous remercie pour votre présence constante durant ce débat, pour votre courage, pour votre argumentation. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Une femme, un homme, disait Victor Hugo, n’est grand que s’il ne tient sa grandeur ni de l’obéissance, ni du commandement. Mes chers collègues, je vous le dis ce soir : votre grandeur, vous ne l’avez tenue dans ce débat ni de l’obéissance, ni du commandement, mais de votre conviction et de la fierté que nous avons à faire progresser l’égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    (Les amendements identiques nos 250, 279, 450, 486, 456, 516, 809, 1159, 1198, 1646, 1663, 1676, 1975, 2051, 2976, 4150, 5107, 3520 et 5278 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 de notre règlement et porte sur le bon déroulement de notre séance.

    Au risque de casser l’ambiance, je vous annonce que nous souhaitons continuer sereinement le débat sur les amendements qu’il nous reste à examiner.

    Cela étant, nous ne sommes pas contre le fait de devenir majoritaires ; vous pouvez maintenant aller fêter comme il se doit la fin de vos débats. Quant à nous, nous allons continuer.

    Titre (suite)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5109.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je ne veux pas casser l’ambiance, mais je crois que tous les points de vue qui ont été exprimés pendant ce débat, dont beaucoup étaientde bonne foi, sincères et de conviction, méritaient tous d’être écoutés et considérés.

    C’est la raison pour laquelle ce changement de titre est important pour la plupart des élus du groupe UDI. Nous pensons en effet qu’il y avait finalement un point de conflit dans ce texte : l’adoption plénière. Le retrait de celle-ci et la considération des propositions d’union civile et de statut de beau-parent, que nous avons défendus au travers de ces débats, auraient pu finalement permettre de trouver une position relativement convergente répondant à la plupart des cas et des problèmes qui se posent dans notre pays par rapport à l’union et l’envie d’union de couples de personnes de même sexe.

    Le débat a eu lieu, les points de vue et les convictions ont été exprimés et il est dommage, comme l’ont dit certains de mes collègues, que la rencontre ne se soit pas opérée au cours des débats. Je pense que l’opinion n’a pas saisi la portée de l’adoption plénière, ses conséquences sur la PMA et la GPA et, surtout, la rupture filiative, un point essentiel qui méritait d’être mis en avant, ce que nous avons réussi à faire.

    J’espère que nous parviendrons, au travers des nouvelles séquences qu’ouvrira ce débat, à revenir sur ce risque que présente l’ouverture de l’adoption plénière aux couples homosexuels.

    M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n°5295.

    M. Arnaud Richard. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Ce serait pourtant un bon amendement.

    Monsieur Martin, nous pourrions nous joindre à certaines de vos félicitations, en particulier celles que vous avez adressées au président Jacob. (Sourires.) Mais le moment que vous avez choisi revêt un caractère – chacun choisira – plaisant ou discourtois ; cela ressemblait à un gag. Autant je trouve très bien de féliciter comme vous l’avez fait, autant, quand on le fait, le choix du moment n’est pas indifférent. Nous sommes loin d’avoir terminé nos travaux et la manière dont vous l’avez fait est tout de même une signature assez cavalière à l’égard de ces derniers. Un tel comportement se croit plaisant, mais je crains qu’il soit plutôt un peu arrogant, ou alors je ne vous ai pas compris, et je peux l’entendre. Sont encore en discussion des amendements importants sur le titre, qui est un enjeu de ce débat. Aurait-il été si compliqué d’attendre la fin des travaux pour exprimer vos remerciements avec encore plus de force et d’esprit de rassemblement ?

    Monsieur le président, je ne sais pas s’il sera dans l’usage de notre maison que désormais les félicitations soient exprimées cinquante amendements avant la fin de la discussion pour s’assurer que le public soit là et que trop de monde ne soit pas parti ; je ne trouve pas que cela soit très adroit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Il y aura du monde jusqu’au bout, monsieur Mariton, vous verrez. Je mets aux voix les deux amendements identiques.

    (Les amendements nos 5109 et 5295 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 248.

    M. Bernard Deflesselles. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 448.

    M. Hervé Mariton. Il y a un problème majeur quant au titre du texte. « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » : c’est très caractéristique de la ruse avec laquelle le Gouvernement et la majorité ont agi tout au long de ce débat, des demi-vérités qui nous ont été servies, pour le dire aimablement.

    En termes de communication, ce qui a été vendu à nos concitoyens, c’est le mariage pour tous. Le mariage apparaît en effet dans le titre, mais le projet emporte des conséquences également pour les couples de personnes de sexe différent et pour l’adoption et la filiation, dont il n’est aucunement question dans le titre. Il y a là un problème de lisibilité de la loi, de décence. Qu’un Gouvernement, qu’une majorité jouent comme cela sur trois contenants distincts, trois acceptions pas totalement déconnectées mais réellement distinctes – le mariage pour tous étant vendu au grand public, le mariage pour les couples de même sexe aux parlementaires et, dans la réalité, le lien établi entre le mariage, la filiation et l’adoption –, voilà, monsieur le président, qui ne devrait pas être reproduit à l’avenir.

    Quand on cherche l’adhésion au mariage pour tous, on oublie sciemment de dire aux Français qu’il s’agit aussi de l’adoption et de la filiation. Vous savez bien sûr pertinemment que nos concitoyens sont majoritairement favorables au mariage pour les couples de personnes de même sexe mais défavorables à l’adoption et à l’établissement de la filiation pour ces couples. Vous auriez pu avoir le courage, l’honnêteté d’assumer votre texte dans son titre mais vous ne l’avez pas fait. Il y a là une tromperie et je pense que nos concitoyens peuvent un jour vous le reprocher.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 485.

    M. François de Mazières. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 515.

    M. Patrick Ollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 807.

    M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1156.

    M. Philippe Cochet. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1332.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Lorsque j’ai défendu cet amendement en commission au mois de janvier, le rapporteur, dans sa réponse, m’a dit que c’était une provocation. Autrement dit, le fait de traduire simplement dans le titre la vérité du contenu du texte est considéré par le rapporteur comme de la provocation.

    Alors de deux choses l’une : soit nous n’avons pas le droit de dire la vérité sur le contenu de ce texte, soit – mais cette hypothèse ne tient pas – le rapporteur ne se serait lui-même pas rendu compte de ce que contient celui-ci. Puisque c’est impossible, j’en conclus que la chose qui dérange sur le projet de loi que nous terminons d’examiner en première lecture, c’est évidemment son contenu réel et le fait de le dire.

    On voit bien, chers collègues, mesdames, monsieur les ministres, que votre gêne de tout à l’heure – pour ne pas dire davantage – sur la gestation pour autrui permet de boucler la boucle et nous donne raison sur toute la ligne. Cela justifie que nous ayons tenu la longueur des débats pour faire émerger ces différentes questions et nous donne raison sur le fond de nos arguments. Sans cela, quelqu’un aurait dit, il y a quelques minutes, qu’il n’était pas question de laisser place à ces techniques qui sont d’une telle horreur.

    Au terme de ces plus de cent heures de débat – le président nous donnera sans doute bientôt la durée totale de nos échanges –, nous en arrivons à ce que le titre que nous proposons, qui est la simple vérité, ne puisse même pas être considéré comme le titre réel du projet de loi. Car si on attribuait à ce dernier son titre réel, le rejet de l’opinion n’en serait probablement que plus important.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1404.

    M. Nicolas Dhuicq. Lorsque l’on connaît les liens qui se nouent entre la mère et l’enfant dans ce qu’on appelle la dyade dès les premières semaines de vie, dans un couple de femmes auxquelles vous allez offrir la procréation médicalement assistée, quel sera le nom du père, quel sera le père qui séparera la mère de l’enfant ? Car la place du père est bien fragile ; il n’existe pas s’il n’existe pas dans la parole de la mère.

    Quelle sera la scène primitive de ces enfants nés de procréation médicalement assistée ? Et, en fin de compte, vous aurez la possibilité quelque part dans le monde de récupérer un ovocyte, de prendre le matériel génétique d’un second ovocyte pour faire un œuf, et d’implanter celui-ci dans le ventre d’une femme. Et à ce moment-là vous aurez définitivement coupé tout lien qui fait la dualité de l’être humain et vous aurez aussi porté un coup fatal à la fonction masculine et à la fonction paternelle. En effet, que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel, c’est bien cette dernière fonction qui est la plus fragile. Et dans l’ordre symbolique des choses c’est bien ce que vous avez montré en attaquant les patronymes, la filiation et la question de la paternité.

    C’est un coup terrible qui est porté à l’humanité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1196.

    Mme Laure de La Raudière. Nous regrettons et nous dénonçons la méthode du Gouvernement, qui, en proposant ce texte de loi, n’a pas cherché la voie du consensus pour répondre aux attentes des couples homosexuels et a fait le choix de passer en force, quitte à fracturer la société française. Quel dommage ! Nous vous l’avons pourtant dit : il y avait une voie pour le consensus. Vous n’en avez pas voulu, vous avez rejeté notre proposition d’alliance civile. Nous le regrettons.

    Par cet amendement, nous souhaitons seulement adopter un titre qui corresponde à la réalité du contenu du projet de loi. Vous pourriez au moins accepter cet amendement, puisqu’il reflète la vérité de vos intentions.

    Nous faisons appel à vous, chers collègues de la majorité, à votre conscience de députés, à votre liberté de vote, puisque ce que nous proposons correspond à la réalité du texte. Vous n’avez aucun argument pour nous refuser cela aujourd’hui.

    À présent, monsieur le président, selon une expression chère à Mme Dumont, souffrez que je vous présente mes félicitations pour la conduite de ce débat.

    M. le président. Merci beaucoup, madame de la Raudière. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1657.

    M. Christophe Guilloteau. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1669.

    M. Olivier Marleix. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1728.

    Mme Véronique Louwagie. Je serai brève, monsieur le président. Je rappelle simplement l’hésitation du Gouvernement et de la majorité sur ce titre. Préalablement au débat, nous avions le mariage pour tous. Ce titre a évolué, mais il ne permet pas aujourd’hui, compte tenu de l’omission du terme « adoption » – car c’est une omission – de traduire la vérité du contenu du texte, alors même que nous avons un engagement de transparence vis-à-vis des Français.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1770.

    M. Guillaume Chevrollier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1974.

    M. Jacques Lamblin. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2046.

    M. Jean-Charles Taugourdeau. L’égalité des droits, c’est le respect des différences. La tolérance n’est pas de gommer les différences, mais de les reconnaître. Mesdames, messieurs les députés de la majorité, dans certains domaines, comme celui des végétaux, vous êtes contre toutes les formes de pulvérisation, mais pulvériser la filiation dans le genre humain ne vous gêne apparemment pas.

    Je retiens que vous pensez qu’il n’y a pas de loi naturelle mais seulement des lois de la République. Nous en reparlerons dans le domaine économique. J’espère que vous saurez évoluer avec la société, qui veut pouvoir travailler.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2266.

    M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2973.

    M. Philippe Meunier. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3415.

    M. Xavier Breton. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4139.

    M. Yves Censi. Monsieur le président, j’en profite pour vous remercier à nouveau de vos bons souhaits d’anniversaire de cet après-midi.

    Je crains que, sur ce texte, qu’il l’ait voulu ou non, le Gouvernement n’ait avancé masqué. Cela a-t-il été par stratégie ou par peur, nul ne le sait, mais la question de la PMA a été abordée extrêmement bruyamment pendant quelques semaines, jusqu’à ce que le Premier ministre lui-même demande aux ministres de la mettre en veilleuse pour que le mot ne soit plus prononcé et que l’on s’enferme dans un non-dit.

    Lorsque nous avons évoqué la question du mariage et que nous avons demandé s’il pouvait y avoir deux maris ou deux femmes dans un couple, la solution était extrêmement simple : il a suffi de supprimer les mots « mari » et « femme » du code civil pour se contenter du mot « époux ». Lorsque nous avons questionné sur la possibilité d’avoir deux pères ou deux mères, les mots « père et mère » ont été bannis du vocabulaire. Et aujourd’hui, après vous être réfugiés dans le non-dit sur ces points cruciaux, vous récidivez s’agissant du titre lui-même. Vous savez en effet que si les Français sont tout à fait favorables à l’institution de l’amour des couples homosexuels, ils ne le sont pas pour ce qui est de la filiation. Vous avez donc très simplement retiré la question de l’adoption du titre du projet de loi.

    C’est pourquoi celui-ci est en réalité un texte de non-dits qui, bien sûr, à un moment, explosent à grands fracas. C’est ce qui risque de vous arriver. Pour l’éviter, il faut changer le titre de ce projet de loi.

    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3214.

    M. Céleste Lett. Ces remerciements m’ont semblé un peu prématurés. En effet, l’élaboration d’une loi est quelque chose de très long ; ce soir, nous ne sommes pas encore à la fin.

    Je voudrais pour ma part remercier les nombreux Français qui continuent à nous faire confiance. Je veux qu’ils sachent que le chemin est encore long et qu’ils gardent confiance, parce que nous continuerons à nous battre contre ce projet funeste que la majorité nous a proposé dans cette première étape du processus législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4856.

    Mme Geneviève Levy. Il est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5106.

    M. Guy Geoffroy. Il faut adopter cet amendement car il porte en lui la vérité de votre texte.

    La vérité, c’est que vous avez fait entrer par effraction,…

    M. Jean Glavany. Ben voyons ! Sommes-nous des cambrioleurs ?

    M. Guy Geoffroy. …à travers votre projet de loi et sous couvert d’un titre mensonger, l’adoption – pour aujourd’hui, mais comme vous vous apprêtez à partir en laissant la porte ouverte, c’est pour que puissent entrer subrepticement la PMA, puis la GPA. D’ailleurs, madame la ministre, est-ce le fait du hasard ? Vous avez déjà mis vos gants, comme si vous vouliez quitter cet hémicycle sans laisser d’empreintes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Pascal Popelin. C’est minable !

    M. Guy Geoffroy. Je voudrais une ultime fois vous poser la question que je vous ai déjà posée trois fois. Si vous n’y répondez pas, nous allons devoir commencer à nous demander si vous ne cautionnez pas ce que nous vous demandons de dénoncer.

    Acceptez-vous de dénoncer publiquement, ici même, ce que nous avons mis à nu tout à l’heure grâce à notre collègue M. Fromantin, c’est-à-dire l’utilisation de votre circulaire par un site internet qui fait des choses absolument scandaleuses ?

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est un faux !

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3518.

    M. Daniel Fasquelle. Le titre du projet de loi est tout à fait révélateur, tout comme les grands discours que nous avons entendus quand nous avons ouvert ces débats. Vous avez systématiquement mis l’accent sur la reconnaissance des couples homosexuels au nom de l’égalité et vous avez escamoté une partie du débat qui est pourtant essentielle, à savoir ce qui touche à la filiation.

    Tout le mérite de l’opposition, au cours de ces journées, a été justement de braquer le projecteur sur ce point qui est le plus important – la filiation, c’est-à-dire en définitive les enfants, les droits des enfants et ceux des femmes.

    Si vous ne voulez pas écouter l’opposition, vous auriez pu au moins écouter l’avis du Conseil d’État. Maintenant que nous en avons eu connaissance par petits morceaux, on comprend mieux pourquoi vous avez voulu le cacher : il a lui-même attiré votre attention, sur plusieurs points, sur les conséquences de votre projet de loi en matière de filiation.

    Il faut assumer, c’est-à-dire modifier votre titre : votre texte porte à la fois sur le mariage et sur la filiation. Il faut aussi assumer toutes les conséquences de ce que vous êtes en train de mettre en place – je veux parler de celles de l’adoption plénière. En effet, demain, des enfants viendront vous voir et vous pointeront du doigt. Ce texte n’a rien à voir avec le Pacs, car il comporte des conséquences en matière de filiation. Ces enfants vous diront qu’ils souhaitent établir une filiation avec leur père ou leur mère naturelle. Que leur répondrez-vous ? Que direz-vous aux enfants qui seront nés après le recours à la PMA ou à la gestation pour autrui ? Le jour où ces enfants vous pointeront du doigt, vous aurez peut-être des regrets d’avoir voté comme vous vous apprêtez à le faire.

    Une dernière fois, madame la ministre, retirez votre circulaire. Vous ne pouvez pas encourager comme vous le faites le recours à la GPA à l’étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 5234.

    M. Alain Leboeuf. Il est défendu.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

    M. Hervé Mariton. C’est beaucoup dire !

    Monsieur le président, je souhaite, comme nous tous ici, saluer votre présidence.

    Sur ce texte, nous espérons encore vous convaincre, ou bien que vos collègues sénateurs soient convaincus, pour qu’il ne devienne pas loi de la République. De toute manière, si d’aventure il le devenait, ce ne serait pas pour nous, d’évidence, la fin de l’histoire, en raison des enjeux importants qu’il aborde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    (L’amendement no 248 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 4865.

    M. Patrick Ollier. Si vous le permettez, monsieur le président, j’en profiterai pour défendre en même temps l’amendement n° 4869.

    M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

    M. Patrick Ollier. Tout d’abord, je voudrais vous dire, monsieur le président, que j’ai beaucoup apprécié votre manière de présider au cours de ces douze jours, en particulier pour la façon dont vous avez défendu les droits de l’opposition. Si vous vous souvenez des conversations que nous avons eues à ce sujet, j’ai fait une référence à Jacques Chaban-Delmas, que je suis heureux de réitérer ici ce soir.

    Nous arrivons au terme de ces douze jours de séance et ces amendements sont des amendements de vérité. En effet, il y a tromperie sur les conséquences de ce texte lorsqu’on lit l’intitulé de ce projet. Or nous y sommes, madame la garde des sceaux ! Vous avez parlé d’un changement de civilisation. Dans ce débat, parmi tous les points que nous avons voulu aborder et sur lesquels vous ne nous avez jamais répondu, il y en a trois qui me tiennent à cœur.

    D’abord, la suppression de la référence à l’altérité pour, comme vous dites, « faire famille ».

    Ensuite, le fait que vous vouliez à tout prix – on peut le comprendre, mais on peut aussi le combattre – l’égalité par la disparition de la référence à la différence des sexes.

    Enfin, la suppression de la référence à l’engendrement pour la filiation, laquelle est pour vous une envie, un projet parental, une éducation. Mais, dans cette conception, l’engendrement disparaît. Nous ne sommes pas d’accord. Le titre du texte ne correspond pas à cette vérité qui émerge au fur et à mesure des articles qui ont été votés.

    À cet égard, je regrette votre attitude. Nous avons essayé de débattre avec vous pendant ces douze jours ; vous avez refusé de le faire. Nous sommes dans un hémicycle ; on appelle nos réunions des débats. Disons plutôt que ce furent des séances, car, de débat, il n’y en eut pas. Les questions sont restées sans réponses.

    M. Jean Glavany. Oh !

    M. Patrick Ollier. Le groupe socialiste n’est jamais intervenu pour répondre aux questions que nous avons posées. Vous avez, comme nous, le droit d’avoir des opinions et de vous exprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le président de la commission des lois, vous avez passé douze jours dans le silence le plus complet. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) De votre part, monsieur le rapporteur, ce fut à peine mieux.

    Quant à vous, madame la garde des sceaux, vous êtes restée dans un mutisme qui nous a beaucoup inquiétés, car vous avez esquivé les questions de fond.

    Voilà pourquoi nous souhaitons que le titre soit changé et que l’on en choisisse un qui corresponde à la vérité du texte que vous avez voté, car les Français doivent savoir à quoi il correspond.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable aux deux amendements. Néanmoins, monsieur Ollier, je veux dire ma tristesse que nous finissions sur un amendement qui tend à changer le titre de notre projet de loi en : « projet de loi abolissant l’altérité sexuelle en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et instaurant un droit à être parent au détriment du droit de l’enfant ». Je trouve dommage que nous terminions sur cette note-là.

    M. Daniel Fasquelle. C’est la vérité !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Non, ce n’est pas la vérité. Le vote, je pense, rétablira cette vérité.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

    (Les amendements nos 4865 et 4869, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, l’heure est maintenant venue de vous remercier, vous et vos vice-présidents, pour la manière dont vous avez conduit les débats. Il y a eu beaucoup de passion dans cet hémicycle, parfois même de la colère. Or nous avons toujours eu au perchoir une présidence impartiale. Merci donc à tous ceux qui ont présidé. (Applaudissements.)

    Je veux aussi remercier l’ensemble des services et des agents de l’Assemblée, qui ont eux aussi largement contribué au bon déroulement de nos débats. (Mêmes mouvements.)

    Mon ton va changer un peu. Madame la ministre, je vous ai vu vous retourner tout à l’heure pour saluer. Mais ce ne sont ni les Césars, ni les Oscars, ni les Victoires de la musique ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guy Geoffroy. Exactement !

    M. Christian Jacob. Nous quittons le débat sur ce texte avec de la tristesse – je vous le dis comme nous le ressentons. En vous en prenant à l’institution du mariage, vous avez voulu satisfaire des désirs d’adultes, au détriment du droit des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    C’est aussi, à ce stade, l’occasion de dire quelle a été notre fierté, à l’UMP, de porter cette bataille parlementaire. Nous avons voulu que ce soit une bataille parce que nous étions opposés à ce texte. Si elle n’avait pas duré autant, un certain nombre de choses n’auraient pas été révélées.

    J’ai été très souvent interrogé en salle des quatre colonnes, comme nous l’avons tous été. On m’a demandé comment je qualifierais ce débat en un mot. À chaque fois, j’ai répondu : « révélateur ». Ce débat a été révélateur. Selon nous, cette bataille a permis que l’opinion publique connaisse maintenant les dangers de votre circulaire. De fait, elle conduit à la reconnaissance de la GPA ; que vous le vouliez ou non, c’est bien cela qu’il y a dedans. C’est pour cela que nous l’avons condamnée avec autant de passion et que nous sommes tant de fois revenus sur ce sujet.

    C’est aussi une victoire car nous vous avons fait reculer sur la PMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela a permis, dans ce débat, de montrer quels étaient les risques, mais aussi de démontrer les fragilités, les fractures, les fissures au sein de votre majorité et du Gouvernement. Nous avons aussi montré que ce n’est pas demain la veille que l’on trouvera la PMA dans un texte voté par cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Enfin, nous avons réussi à démontrer toutes les incohérences juridiques qu’il y a dans ce texte, lesquelles reflètent l’impréparation, le manque de débat en amont et la mauvaise qualité de la rédaction – beaucoup de mes collègues, bien plus experts que moi dans ce domaine, l’ont souligné.

    Ces trois points – révéler les dangers sur la GPA, vous faire reculer sur la PMA et apporter la démonstration de la mauvaise rédaction du texte – sont ce que ce débat parlementaire a permis de révéler. C’est pourquoi nous sommes fiers d’avoir mené cette bataille, de la même façon que nous continuerons à le faire. Aujourd’hui, nous allons transmettre le texte à nos amis sénateurs. Nous leur disons de mener au Sénat la même bataille que nous avons conduite ici. Surtout, nous appelons les Français à se mobiliser le 24 mars, parce que le combat n’est pas terminé et nous entendons bien continuer sur cette lancée. Si quelques téléspectateurs ou quelques suiveurs sur Twitter nous entendent ou nous voient encore, je leur donne rendez-vous le 24 mars ; nous serons ensemble dans la rue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, je veux vous renouveler mes remerciements, mais surtout vous dire ma profonde admiration pour la qualité de la présidence à chaque fois que vous avez été au perchoir, pour votre attention et votre extrême vigilance, pour la bonne tenue de nos travaux et le bon déroulement de nos discussions.

    Je salue aussi les présidences assurées par l’un des vice-présidents et par les deux vice-présidentes, qui ont été tout à fait à la hauteur de cette lourde responsabilité, sur un texte difficile, avec des échanges aussi tendus. La qualité constante de la présidence a contribué très fortement à détendre l’atmosphère, à concilier parfois et à faire en sorte que nous puissions conduire ces travaux à leur terme.

    Je veux remercier et saluer les personnels de l’Assemblée nationale et les personnels des groupes, qu’il s’agisse des groupes de la majorité ou de l’opposition. Ces fonctionnaires ne comptent pas leur temps. Ils ont le sens du service public et savent ce que c’est de se donner, de se dévouer. Ils ont été là, heureux d’être là, sans exaspération, sans montrer un seul instant que ces débats pouvaient leur paraître trop longs ou fastidieux. Ils nous ont donné la très belle image de ceux qui servent la loi et la fabrication de la loi.

    La qualité des travaux de la commission s’est reflétée pendant ces presque deux semaines de débats dans le travail du rapporteur, Erwann Binet, qui s’est fortement engagé. Je salue le parrainage – c’est le terme le plus attachant qui me vient à l’esprit – du président de la commission des lois, qui s’est contraint à intervenir le moins possible (Sourires sur les bancs du groupe UMP), mais qui a été très présent, compte tenu de tout ce qu’il avait produit sur ce texte.

    Je veux remercier et féliciter Corinne Narassiguin pour son travail, qu’elle a entamé depuis plusieurs mois déjà. Je remercie aussi les parlementaires de l’ensemble des groupes de la majorité, que j’ai rencontrés au mois de juin pour débuter nos travaux sur ce texte. Je peux témoigner de la dynamique majoritaire admirable qui s’est fait jour pendant ces deux semaines, aussi bien dans le groupe SRC que dans les trois autres groupes de la majorité. (« Et nous ? » sur les bancs du groupe UMP.)

    Tous, vous avez œuvré en commun, soucieux d’avancer, forts de vos convictions, dans des circonstances extrêmement difficiles. Nous savons à quel point certains d’entre vous ont piaffé pendant ces débats, désireux d’exposer leurs convictions, de s’exprimer afin que leurs électeurs, eux aussi, les entendent. Vous avez renoncé à tout cela afin que nous puissions avancer, travailler, faire en sorte que ce texte, tout simplement magnifique, (« Ah ? » sur les bancs du groupe UMP) puisse progresser et que nous parvenions au terme de son examen.

    Je veux saluer Dominique Bertinotti, pour sa présence constante et ses interventions de très grande qualité. Merci, madame la ministre, d’avoir montré à quel point, depuis le premier jour, vous vous êtes impliquée sur ce texte. Ce que vous avez apporté a été significatif et votre présence a montré ce qu’est un Gouvernement solidaire, impliqué sur des textes de progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, vous n’étiez pas tenu d’être aussi présent. Vous imaginez à quel point notre gratitude est grande pour votre présence amicale et, surtout, efficace. Chacune de vos interventions, de toute clarté, a été déterminante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Je veux remercier également le président du groupe SRC, Bruno Le Roux, ainsi que tous les orateurs.

    Je me tourne vers les députés de l’opposition pour saluer – ils savent que je le fais avec beaucoup de sincérité – ceux qui, depuis les premières heures, se sont fortement impliqués, ceux qui ont bataillé pied à pied. J’ai noté dans la dernière intervention de M. le président Jacob les restes d’une acrimonie que j’ai entendue tout au long de ces deux semaines. Mais c’est sans importance, car tout cela va s’évaporer.

    Ce qui restera, c’est le contenu, le fond, la grande tenue des interventions d’un certain nombre de députés, présents depuis la première heure, et qui ont tenu bon jusqu’à la dernière minute. Merci d’avoir montré le sérieux avec lequel vous prenez ce texte de loi, l’importance que vous attachez à la qualité de la loi que nous fabriquons. J’ai beaucoup apprécié la façon dont vous vous êtes battus, forts de vos convictions et de vos idées. Il vous a parfois fallu meubler – c’était inévitable –, mais certains d’entre vous ont contribué à ce que cet exercice législatif soit un grand et bel exercice.

    Nous voilà maintenant au terme de l’examen d’un texte que nous avons élaboré ensemble et que vous aurez, j’espère, grand plaisir à voter. C’est la fin d’une véritable bataille pour expliquer et convaincre. La meilleure réponse que nous ayons obtenue, je crois, est l’évolution plus claire, plus forte encore, de l’opinion publique en faveur de ce texte. Il n’y a plus d’ambiguïté.

    M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La société française, fortement impliquée depuis déjà plusieurs mois, a participé aux débats, dont l’initiative a été prise aussi bien par les parlementaires de la majorité que par ceux de l’opposition, certains ayant accepté d’intervenir dans des débats contradictoires. La société française s’est approprié ces débats.

    Une expression m’a beaucoup surprise, celle de « bon sens paysan ». La première fois que je l’ai entendue, j’ai sursauté : comment peut-on nous expliquer que ce peuple si cultivé, si érudit, si politisé raisonne sur un sujet de société avec un « bon sens paysan » ?

    M. Hervé Mariton. Mais enfin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le ministre chargé des relations avec le Parlement est venu montrer combien forte est l’adhésion dans la société rurale française. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Quelques députés du groupe UMP se lèvent.)

    Cette adhésion est plus forte encore que dans les milieux urbains. Voilà tout simplement la preuve que le peuple français ne se contente pas du bon sens paysan. Il a du bon sens, certes, il entretient un rapport au territoire et à la réalité, mais il sait constamment s’élever au-dessus de la contrainte du territoire, au-dessus de ces fameuses lois naturelles, qui n’ont rien à voir avec les droits naturels, au-dessus de tout déterminisme et d’un destin déjà écrit. Ce peuple a toujours montré dans son histoire qu’il savait se hisser, s’élever. Il vient à nouveau de le démontrer. Je crois que c’est le plus beau cadeau que nous pouvions recevoir. C’est à vous que nous le devons. Merci ! (Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)

    M. le président. Mes chers collègues, je souhaite me joindre aux remerciements et je le fais au nom du vice-président et des vice-présidentes qui ont présidé ces travaux. Je dois dire que, vu d’ici, le nombre de députés qui ont participé à toutes ces séances était impressionnant. À un moment où d’aucuns, sur des relents de populisme, ont tendance à s’attaquer à la représentation nationale, nous avons donné collectivement un bon exemple de ce que peut être l’Assemblée nationale, cœur battant de la démocratie, y compris dans un débat sur une question de société telle que celle-là.

    Quels qu’aient été les moments difficiles que nous avons pu connaître – ils tiennent à la dynamique de groupe et aux longues heures que nous avons passées ici –, il y a eu de part et d’autre des échanges de points de vue. Ensemble, nous avons renforcé la démocratie, démontrant que, loin des comités Théodule, nous pouvons mener, devant les Français, de véritables débats à l’Assemblée nationale.

    Élus, personnels de la maison, membres des différents cabinets, je veux, moi aussi, vous remercier, et vous donner une idée du travail effectué : nous avons siégé durant 24 séances, sur dix jours. La durée totale de nos discussions a été de 109 heures et 30 minutes. Nous avons examiné 4 999 amendements.

    Nous avons achevé aujourd’hui l’examen des articles du projet de loi. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auraient lieu le mardi 12 février, après les questions au Gouvernement. Nous aurons donc l’occasion de nous revoir ! (Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)

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    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, mardi 12 février, à quinze heures :

    Questions au Gouvernement ;

    Vote solennel sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;

    Proposition de résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale relative à la co-présidence paritaire des groupes politiques ;

    Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;

    Discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le samedi 9 février 2013, à cinq heures quarante.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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