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Discussion du texte de loi

  • 2e séance du lundi 4 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (nos 344, 628, 581)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement, comme c’est souvent le cas en début de séance.

    M. Marc Le Fur. Mon intervention a deux objets, monsieur le président : d’abord vous présenter mes respects du soir et saluer l’ensemble des personnes présentes et en particulier Mme la ministre chargée de la famille. Deuxième raison : obtenir une réponse à une question que j’avais posée à l’occasion d’un précédent rappel au règlement que j’ai effectué à 16 heures. L’article 2 organisant la nouvelle procédure en matière de nom résulte d’un amendement parlementaire. Cet amendement occasionne des dépenses dans les services de l’état civil et dans toutes les administrations : puisque les noms seront beaucoup plus longs, il va falloir modifier l’ensemble des formulaires.

    Mme Marie-George Buffet. Ça va coûter de l’encre !

    M. Marc Le Fur. S’il s’était agi d’une initiative gouvernementale, je n’aurais rien à dire, mais il s’agit bien d’une initiative parlementaire. Or nous sommes soumis à l’article 40, qui nous interdit d’être à l’initiative de dépenses publiques.

    Ma question est précise, elle a été formulée dans les mêmes termes à 16 heures. Je comprends parfaitement qu’on n’ait pas pu me répondre alors, mais il est 21 heures 30, nous ouvrons une soirée qui sera j’imagine sympathique, conviviale et fructueuse : en tout état de cause, je souhaiterais avoir des réponses.

    M. le président. Monsieur Le Fur, vous me pardonnerez, mais j’avais l’argumentaire pour vous répondre en fin de séance et je ne l’ai plus au moment où je vous parle. Je vous promets de vous le donner pendant la séance. (Sourires.)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 4.

    Article 4

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. « Article 4. Le code civil est ainsi modifié : […] les dispositions […] s’appliquent également aux parents de même sexe, lorsqu’elles font référence aux père et mère. » Tout est dit !

    L’habileté du rapporteur de la commission des lois permet d’un trait de répondre à l’objection de ceux qui vous disaient, mesdames les ministres, que, dans plus de cent cinquante occurrences, on faisait disparaître dans le code civil la notion de « père » et de « mère ».

    Mais si ce coup de trait est nécessaire, c’est bien, madame la garde des sceaux, contrairement à ce que vous avez dit le dimanche 13 janvier au soir à la télévision, que cette suppression existait bien, même si elle est aujourd’hui moins fréquente.

    Mais cette méthode, dite de « l’article-balai », écrit une véritable fiction : peut-on construire la parenté de couples du même sexe, pour autant qu’on entre dans votre raisonnement, derrière cette idée et cet énoncé : « Les dispositions s’appliquent également aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère » ? On fait comme si.

    C’est une méthode particulièrement cavalière, peu respectueuse des couples du même sexe, dont l’usage en droit est connu pour quelques dispositions techniques. Dans la réforme supprimant la profession d’avoué, on remplace « avoué » par « avocat ». Dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, on remplace « vidéosurveillance » par « vidéoprotection ».

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Qui a fait cela ?

    M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas au niveau de ce débat. C’est par ailleurs une approche qui ne nous apporte aucune évaluation et, cela a été dit lors des auditions en commission, la méthode de l’article-balai, outre qu’elle est peu commune pour des questions fondamentales de cette nature, fait courir le risque important d’aller trop loin, d’être trop court et de ne pas couvrir l’ensemble des situations.

    En outre, cette révolution du texte, modifié en un grand nombre d’articles, venant à l’extrême fin de la discussion qui aura duré plusieurs mois en commission, n’a pas été soumise à l’ensemble des acteurs, à l’ensemble des professionnels qui ont eu à connaître du texte.

    Bref, l’article-balai vous permet d’être un peu plus élégants, de répondre à un certain nombre de risques politiques, mais il ne répond pas aux risques juridiques : c’est une méthode cavalière pour résoudre un problème grave. Ce n’est pas à la hauteur de votre projet et cela confirme hélas les inquiétudes que nous avons s’agissant d’une construction fictive et dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. L’article est important, puisqu’il a entraîné en commission la suppression d’une dizaine d’articles qui étaient très contestés par l’opposition. Il reste néanmoins un article technique de coordination, qui était nécessaire pour mettre en accord le code civil avec l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples du même sexe.

    Nous avons pris en compte dans les travaux préliminaires – et je salue là l’excellent travail qui a été fait par le rapporteur sur ce point – l’avis de certains juristes et des notaires sur le double sens du mot « parent ». Le travail des parlementaires, c’est de compléter, de préciser, d’amender les textes du Gouvernement : c’est ce qui a été fait.

    Quant au message politique, il y a eu beaucoup de désinformation…

    M. Xavier Breton. D’information !

    Mme Corinne Narassiguin. … sur le fait que nous voudrions supprimer les mots « père » et « mère » du dictionnaire : contre ce faux procès, il était important de montrer qu’en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes du même sexe, nous ne changerons rien à la vie des couples hétérosexuels et de leur famille.

    M. Hervé Mariton. Fiction !

    Mme Corinne Narassiguin. Il était très important de faire passer ce message pour la clarté du débat. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi l’opposition a déposé autant d’amendements de suppression de cet article : elle devrait se réjouir de son existence.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois. Ce ne sera une surprise pour personne, après notre conversation de cet après-midi.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, je vous demande la clôture de la discussion sur l’article 4 en application de l’article 57 alinéa 1er du règlement. Compte tenu du fait qu’il y a plus de mille amendements déposés sur cet article, les collègues qui sont à l’origine de ces mille amendements répétitifs pourront s’exprimer longuement.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Comme nous vous l’avons demandé tout à l’heure avec d’autres collègues des petits groupes, nous souhaitons que soit maintenue la possibilité pour chaque groupe de s’exprimer au début de l’examen de chaque article. Cela ne prendrait pas beaucoup de temps et ce serait la moindre des choses que chacun de nos groupes puisse s’exprimer.

    Sinon, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    M. le président. Monsieur Fromantin, c’est peut-être de là que vient l’incompréhension dans notre communication de tout à l’heure : la demande qui m’était parvenue portait sur les explications de vote sur l’article.

    Mme Marie-Louise Fort. Dans SRC, il y a « républicain » ?

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis pour l’application stricte de l’article 57, alinéa 1er : clôture de la discussion après que deux orateurs se sont exprimés, un pour et l’autre contre.

    M. Xavier Breton. Vous fuyez le débat !

    M. Marc Le Fur. Circulez, il n’y a rien à voir !

    Article 4 (suite)

    M. le président. La clôture vient d’être proposée en vertu de l’article 57 du règlement. Deux orateurs d’avis contraire sont effectivement intervenus. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 57 du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat.

    Je consulte l’Assemblée.

    (La clôture est adoptée.)

    M. le président. Je prononce donc la clôture de la discussion sur l’article. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Dans le respect de la diversité des groupes de notre assemblée, monsieur le président, le groupe UMP considère que la demande du groupe UDI n’avait rien d’indécent. Le président de la commission des lois a sans doute le droit de provoquer le mouvement qu’il provoque, mais il ne dit pas beaucoup et n’écoute pas beaucoup !

    En satisfaisant la demande du groupe UDI, en dépit de votre volonté de forcer les travaux et d’organiser un coup de force dans cette assemblée, vous respecteriez au moins un peu la forme.

    Par ailleurs, sans manquer en rien de respect au président de la commission des lois, je souhaite que, sur cet article qui a mis à bas tout le travail de la commission, l’apport du président de la commission des lois ne se limite pas à cela : certes, il y a un rapporteur, mais il pourrait y avoir une valeur ajoutée du président de la commission des lois un peu plus ambitieuse que la simple volonté de museler l’Assemblée.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour une minute. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    (La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-deux, est reprise à vingt et une heures quarante-quatre.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Mon intervention se fonde sur l’article 58 relatif au déroulement de la séance. Monsieur le président de la commission des lois, vous avez parfaitement le droit d’invoquer l’article 57, je ne discute pas la légitimité de votre demande. Mais nous sommes dans un débat qui se veut démocratique. Monsieur le président, vous nous avez demandé d’apaiser le débat. Nous vous avons entendu et je vous remercie au passage pour la qualité de votre présidence. Vous nous avez demandé d’accélérer le débat. Nous sommes prêts à le faire parce que nous ne voulons pas faire de blocage, mais nous voulons pouvoir argumenter. Lorsque, sur un article aussi important, les députés qui interviennent n’ont que deux minutes au lieu de cinq précédemment, il faut comprendre qu’ils soient plus nombreux à s’inscrire.

    M. Fromantin, pour le groupe UDI, demande simplement que vous acceptiez qu’un orateur de chaque groupe puisse s’exprimer, et non pas seulement un orateur pour et un orateur contre. Ce n’est pas faire injure au règlement, monsieur le président de la commission des lois, d’accepter qu’au lieu d’avoir quarante intervenants, il y en ait quatre ou cinq, représentant chacun un groupe. Je pense que c’est légitime.

    Si nous entrons dans un rapport de force, monsieur le président, l’opposition va changer d’attitude et, au lieu d’aller tranquillement et assez rapidement vers la fin des débats, et nous sommes d’accord, nous ferons en sorte de faire durer le plaisir, mais le plaisir pour qui ? Pas pour la démocratie en tout cas.

    Le groupe SRC est en train de supprimer le R de son appellation (Protestations sur les bancs du groupe SRC) car une telle attitude n’est pas républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. Comme je le disais à M. Fromantin, monsieur Ollier, je me suis engagé auprès des petits groupes à ce qu’il y ait une explication de vote sur tous les articles, ce qui n’est pas prévu. Le groupe UDI pourra donc s’exprimer à la fin de l’examen de l’article.

    M. Charles de Courson. C’est extraordinaire ! C’est généreux !

    M. Philippe Gosselin. On lui fait une aumône ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Pour le reste, nous n’allons pas reprendre un débat qui a eu lieu cet après midi, avec les mêmes causes et les mêmes effets.

    Monsieur Le Fur, il y a dans un rapport d’information sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, à la page 89, la réponse que vous cherchiez : Pour qu’une charge soit qualifiée comme telle au sens de l’article 40, il faut qu’elle soit directe et certaine. Ce principe dégagé par les présidents successifs de la commission des finances a été à plusieurs reprises confirmé par le Conseil constitutionnel, par exemple à l’occasion de sa décision n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003, dans laquelle il a jugé que « l’augmentation du nombre de sénateurs […] a une incidence directe et certaine sur les dépenses du Sénat, lesquelles font partie des charges de l’État ».

    C’est d’ailleurs ce qui m’a été répondu par la commission des finances lorsque l’un des amendements a été adopté.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner ces éléments et je vous en sais gré. Je les connaissais. Les choses sont claires. La dépense occasionnée par l’article 2 pour les services de l’état civil dans les communes et les différentes administrations, qui devront réorganiser totalement leurs formulaires, est clairement directe et certaine.

    Nous sommes donc en train de contrevenir à l’article 40 de la Constitution. Je rappelle à ceux qui n’étaient pas là tout à l’heure que l’article 2 résulte d’un amendement de l’un de nos collègues et est donc soumis à l’article 40. Il entraîne une dépense puisqu’il faudra organiser différemment les services de l’état civil dans les communes et, comme la taille des noms sera multipliée par deux, refaire l’ensemble des formulaires. La dépense est donc clairement directe et certaine et je ne vois donc pas comment cet amendement a pu passer le filtre de l’article 40.

    M. le président. Monsieur Le Fur, adressez-vous à la présidence de la commission des finances puisque ce n’est pas l’argument qui a été employé. Je donnerai tout à l’heure la parole au président de la commission des lois s’il a besoin de le certifier.

    La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Lesterlin. Fondé sur l’article 58, pour répondre à l’interpellation de M. Ollier.

    Son argumentation sur la clôture de la discussion serait recevable si les amendements qui suivent n’étaient pas systématiquement des amendements de suppression de l’article. Déposer de tels amendements, ce qui est le cas depuis la reprise de nos débats cet après-midi, c’est un moyen pour parler de l’article. L’opposition a donc satisfaction.

    M. Lionel Tardy. Quand on n’a pas déposé d’amendement de suppression, comment fait-on ?

    M. Bernard Lesterlin. Si elle veut parler plus longuement, ses représentants n’ont qu’à venir en plus grand nombre pour défendre les amendements de suppression qu’ils déposent systématiquement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bernard Lesterlin vient de dire une partie de ce que j’avais l’intention de vous répondre, monsieur Ollier.

    M. Lionel Tardy. Quand on n’a pas déposé d’amendement de suppression, comment s’exprime-t-on ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis assez surpris que ce ne soit pas selon vous une attitude républicaine : je ne fais qu’appliquer un règlement dont les socialistes n’ont pas été à l’origine, puisqu’il a été refondé en totalité par Bernard Accoyer, en opposition au groupe socialiste de l’époque.

    M. Patrick Ollier. On se souvient de ce que vous pensiez à l’époque !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je l’avais à l’époque contesté mais je confesse que, depuis, vous m’avez convaincu. (Sourires.) Je fais donc usage de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Ollier. Nous vous avons au moins convaincu de quelque chose !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce qui montre que je peux avancer !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements de suppression de l’article 4.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 84.

    M. Marc Le Fur. L’article 4, c’est ce qu’on appelle l’article-balai.

    Lorsque le texte a été déposé par le Gouvernement, il prévoyait systématiquement de remplacer les mots « père » et « mère » par le mot « parents » et les mots « mari » et « femme » par le mot « époux ». En même temps, on expliquait à l’opinion que ce projet ne concernait que les homosexuels et non les autres familles.

    M. Hervé Mariton. C’était faux !

    M. Marc Le Fur. Circulez, bonnes gens, il n’y a rien à voir. Mais les bonnes gens se sont rendu compte que l’essentiel du code civil était impacté par la réforme et que ce n’était pas simplement une affaire d’homosexuels.

    Le Gouvernement a pris peur, on a imaginé un système d’enfumage.

    M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

    M. Marc Le Fur. On garde « père » et « mère » en disant qu’il faut à chaque fois ajouter « parents ». Le projet modifiait 187 articles, l’amendement du rapporteur en modifie 187. C’est donc exactement la même chose.

    Il s’agissait d’endormir l’opinion…

    M. Régis Juanico. Il faudrait savoir : on enfume ou on endort ?

    M. Marc Le Fur. …et peut-être également, c’est intéressant, d’éviter une nouvelle consultation du Conseil d’État puisque, s’il a certainement été consulté initialement, cela va de soi, il ne l’a pas été à l’occasion de cet amendement.

    On voit donc la difficulté dans laquelle nous sommes. On veut nous tromper. Cette loi concerne toutes les familles de France. Nous en avons fait la démonstration à l’occasion de l’article 2, puisque la réforme de l’organisation des patronymes concerne toutes les familles, et pas simplement, comme certains se l’étaient imaginé, les couples composés de deux hommes ou de deux femmes.

    M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n° 188.

    M. Éric Straumann. Après avoir passé la fin de semaine dans ma circonscription, je me permets de vous faire part de l’incompréhension de nos concitoyens, pour qui cette évolution législative est totalement incompréhensible.

    Remplacer « père » et « mère » par « parents », c’est remettre en cause le fondement du droit de la famille, laquelle constitue notre forme d’organisation sociale depuis des millénaires. Comme l’a souligné M. Le Fur, c’est un article-balai qui supprime des dispositions fondamentales de notre code civil et va saper les fondements de la famille.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 217.

    M. Bernard Deflesselles. Mon argumentaire est un peu le même. On veut nous faire croire, et le Gouvernement y participe largement, que, finalement, père et mère, c’est la même chose que deux hommes ou deux femmes, sous prétexte de rester à droit constant. C’est une fiction juridique, qui se heurte non seulement au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi, mais aussi à l’égalité devant la loi.

    Ce projet de loi opère à l’intérieur même du code civil une distinction entre les catégories de couples, de même sexe et de sexe différent. Il crée ainsi une discrimination entre les couples là où il n’y en avait pas auparavant.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 412.

    M. Hervé Mariton. Vous prenez la responsabilité de fonder le droit sur une fiction. Pour que la loi soit respectée de nos concitoyens, elle doit être authentique. Quand, dans la loi, pour un couple de personnes de même sexe, on fait « comme si », la loi n’est plus authentique, elle n’est plus compréhensible par les plus jeunes générations et elle n’est pas intelligible.

    Article-balai, dites-vous. Dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique, par exemple, il faut remplacer « télécommunications » par « communications électroniques ». Pensez-vous réellement que le code civil peut évoluer de cette façon ? Ce n’est pas digne.

    Non seulement ce que vous construisez, pour habile que ce soit, et ce compliment est parfois ambigu, est une fiction, mais ce n’est pas digne de ce que doivent être l’authenticité et l’intelligibilité du code civil, qui est une règle fondamentale pour tous les Français. On ne construit pas le code civil sur une règle balai, ce n’est pas ainsi qu’il a été construit, ce n’est pas ainsi que vous pouvez le modifier, ce n’est pas ainsi que vous le transmettrez. (Applaudissements les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 531.

    M. Patrick Ollier. Ces dispositions m’étonnent toujours car on aurait parfaitement pu instaurer l’égalité des couples de même sexe avec les autres couples par des moyens différents. Ce qui me choque profondément, c’est que, pour régler un problème qui concerne une minorité, vous imposiez à l’ensemble de la population une règle que les trois quarts d’entre elle ne sont pas prêts à accepter. Je ne comprends pas cette obstination à vouloir faire table rase de ce qui est pour eux un fondement de la famille à travers le mariage. Je comprends très bien que vous souhaitiez régler le problème de la minorité et des couples homosexuels, mais vous prenez un mauvais chemin.

    C’est toujours l’égalité par l’effacement de la différence des sexes, on le comprend très bien, et cette théorie avance systématiquement. Cet article-balai est choquant car, quand on le lit, on comprend que tout ce que vous dites depuis le début ne correspond pas à la réalité.

    Il y a un choix global qui n’est pas acceptable pour nous mais, de plus, quelqu’un a parlé d’enfumage. Il y a en tout cas un manque de vérité dans les propos tenus qui apparaît maintenant avec évidence. Voilà pourquoi je soutiens cet amendement de suppression.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 608.

    M. Philippe Gosselin. On entretient une fiction bien facile. L’article 4 initial était un article de coordination et il égrenait sur plusieurs pages une longue litanie d’articles du code civil essentiellement, où les termes « père » et « mère » disparaissaient au profit de « parents ».

    Les juristes ont lancé l’alerte, les braves gens dont nous parlions tout à l’heure, et nous en faisons partie, se sont étonnés, et vous vous êtes rendu compte que tout cela devenait un peu gênant. Par un tour de passe-passe juridique donnant le sentiment que tout cela ne serait après tout que de la technique parlementaire, de la technique juridique, dans un amendement balai, vous avez mis dans la petite pelle des balayures pas loin de 170 fois à la trappe les termes « père » et « mère », mais vous prétendez que rien ne change puisque les termes « père » et « mère » sont maintenus et qu’ils sont simplement adaptés pour les couples de même sexe.

    En réalité, cela ne change rien. Le code civil, le droit de la famille et de la filiation sont profondément transformés, et ce de manière tellement alambiquée qu’à ce jour le Gouvernement ne sait toujours pas comment seront rédigés les actes d’état civil. On nous propose trois formules de livret de famille : versions A, B et C. Selon que vous serez tel type de famille, on vous sortira tel type de bulletin. Ce n’est pas cohérent. Puisque nous parlons d’unité et d’union, il est grand temps de revenir à un peu plus de considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 724.

    M. Frédéric Reiss. Lorsque nous nous sommes exprimés contre ce projet de loi de mariage pour tous, devenu projet d’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe, deux choses étaient selon moi inacceptables. La première, c’est que toute personne s’exprimant contre ce projet était immédiatement taxée d’homophobie, ce que nous n’acceptons pas car nous luttons contre toutes les discriminations, quelles qu’elles soient.

    M. Christian Jacob. Eh oui !

    Un député du groupe SRC. Ça se voit !

    M. Frédéric Reiss. La seconde, c’était la disparition du code civil des notions de père et de mère, auxquelles nous tenons beaucoup. À la suite de nos remarques est intervenu cet article balai. Si l’on y regarde de près, on voit que les mots « père et mère » sont parfois remplacés par « eux », parfois par « parents », que « l’aïeul et l’aïeule », masculin et féminin, sont remplacés par « les aïeuls » au pluriel, « beau-père et belle-mère » par « beaux-parents », et que le mot « parent » est quant à lui remplacé par « membre de la famille ». C’est totalement surréaliste. Il s’agit d’une mystification, qui ne dupe pas les Français. Voilà pourquoi nous voulons supprimer cet article.

    M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n° 1241.

    M. Daniel Gibbes. Je serai très rapide sur l’amendement, monsieur le président, et j’emploierai mon temps de parole pour un nouveau rappel au règlement.

    Je suis d’accord avec mes collègues : l’article 4 est un article balai. Les défenseurs du mariage pour les couples de même sexe sont ici directement confrontés à la réalité juridique. Sous prétexte de légiférer à droit constant, on nous assure que « père et mère » signifient deux hommes ou deux femmes. C’est contraire au principe de clarté de la loi. Je suis donc pour la suppression de cet article.

    Je souhaite à présent revenir sur les termes employés par Mme la ministre de la famille. En affirmant, madame la ministre, qu’à l’UMP nous montons les hétérosexuels contre les homosexuels, tandis que vous seriez, au PS, pour l’égalité, vous m’avez choqué. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous avons tous des amis ou des membres de notre famille qui sont homosexuels, nous connaissons tous des personnes homosexuelles, et nous respectons tous les individus. Nous essayons de défendre l’idée qu’il faut prendre le temps nécessaire pour faire les choses bien, afin qu’il n’y ait pas de problème.

    Je citerai les propos tenus dans un journal par des pédiatres, des gens neutres. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Ce sont des professionnels qui sont confrontés tous les jours à des situations pertinentes pour notre sujet. Permettez-moi, monsieur le président, d’aller au bout de mon raisonnement : j’ai fait 8 000 kilomètres pour être ici.

    M. le président. Vous perdez du temps !

    M. Daniel Gibbes. Je cite les pédiatres : « Nous savons déjà les difficultés multiples vécues par les enfants adoptés par les familles hétérosexuelles, qui doivent assumer les traumatismes nombreux liés à l’abandon et à la double identité familiale. Il est évident pour nous que le droit de l’enfant doit primer sur le droit à l’enfant. L’adoption est faite avant tout pour donner une famille à un enfant et non l’inverse. » L’important est ce qui suit : « Aucune étude sérieuse et non partisane n’a à ce jour prouvé l’absence de danger à venir d’une telle modification de la cellule familiale. En tout cas, il nous paraît essentiel que le principe de précaution…

    M. le président. Merci, Monsieur Gilles.

    La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 1258.

    M. Paul Salen. En lisant l’article, on s’aperçoit que vous en avez tout changé. C’est la commission des lois qui a permis de ne pas supprimer, pour l’instant, les beaux mots de « père », « mère », « mari » et « femme ». Cet article 4 laisse paraître la véritable intention du Gouvernement : remettre en cause le mariage républicain. Ce texte qui, selon la majorité, va dans le sens de l’égalité, engendrera en réalité de profondes inégalités entre les couples homosexuels et hétérosexuels, et nous verrons d’ici quelque temps qu’il faudra corriger la situation.

    Tout cela au nom d’un droit à l’enfant qui gommera les droits de l’enfant. Je voudrais citer l’avis de l’Académie des sciences morales et politiques : « Aux père et mère de l’enfant, le texte tend à substituer les parents. La parentalité prend ainsi la place de la paternité et de la maternité. Il tend à promouvoir un droit à l’enfant qui fait passer celui-ci de sujet à objet de droit. Il conduit à nier la différence biologique entre les sexes pour lui substituer un droit à l’orientation sexuelle de chacun. » L’Académie des sciences morales a très bien perçu le risque profond de ce texte.

    Je terminerai, non pour la vexer mais pour la féliciter, Élisabeth Guigou, qui avait eu le courage des paroles suivantes : « Je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Je soutiens, comme de nombreux psychanalystes et psychiatres, qu’un enfant a besoin d’avoir en face de lui pendant sa croissance un modèle de l’altérité sexuelle. » C’étaient de sages paroles. Madame la garde des sceaux, vous seriez sage de retirer cet article.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1425.

    M. Nicolas Dhuicq. Il fut un temps où le verbe était créateur, où nous inventions des mots qui correspondaient à notre découverte du monde. Or voici venu le temps de la novlangue (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP),…

    M. Philippe Gosselin. Il a raison !

    M. Nicolas Dhuicq. …le temps où le langage ne correspond plus à la réalité, où le langage est découplé de la réalité, sans aucun esprit créateur, bien au contraire. C’est le temps de l’abolition, de la disparition, de l’absence, de la forclusion, le temps où l’on empêche les individus de croître et de grandir, le temps où l’on confond l’égalité avec l’égalitarisme, le temps où l’on instrumentalise celles et ceux qui ont droit au respect parce qu’ils appartiennent démographiquement à une minorité dont je pense qu’elle a une fonction sociale respectable, qui est une fonction de transgression, laquelle n’est pas forcément dans le pathos, je le répète, mais peut être dans la joie et le bonheur. Cette minorité que vous présentez à tort à travers le prisme des lobbies qui l’instrumentalisent, a droit au respect, mais cela ne passe pas par ce type de texte qui fait disparaître pour elle aussi l’altérité. Sans altérité nous ne serions pas là, sans altérité il n’y aurait pas d’homosexuels et d’hétérosexuels. C’est bien parce qu’il y a altérité que nous nous définissons en fonction de l’autre, qu’il soit le même ou qu’il soit différent. Je refuse cette novlangue parce que c’est l’appauvrissement, la disparition de l’intelligence, parce que c’est le mensonge édifié en vérité pour les enfants. Vous ne remplacerez pas la vérité par le mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Excellent !

    M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 1510.

    M. Lionel Tardy. Je voudrais revenir en quelques mots sur les manifestations de samedi. Puisque nous ne pouvons pas nous exprimer sur l’article, je le ferai sur cet amendement. Je crois que tout le monde peut s’accorder à dire, même si c’est du bout des lèvres pour certains membres du Gouvernement, que les manifestations du 13 janvier et du 2 février ont été un immense succès. Un succès d’autant plus grand qu’elles ont fait descendre dans la rue la France des taiseux, la France qui ne fait pas de bruit, la France bien élevée qui ne veut pas déranger (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP),…

    M. Philippe Gosselin. Très bien !

    M. Yann Galut. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est n’importe quoi !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est de la provocation !

    M. Lionel Tardy. …celle qui bosse et paye ses impôts sans moufter, celle qui n’a jamais commis de plus gros délit que de dépasser le temps imparti par un horodateur, celle qui cède sa place dans les transports en commun et aide les vieilles dames à monter leurs bagages dans le train (Exclamations sur les mêmes bancs), la France dont on ne parle pas au Vingt heures, la France qu’aucun gouvernement ne cherche à ménager tant on la sait docile et respectueuse des lois et de l’ordre établi, la gentille France familiale, catholique ou pas, qu’on prend quelquefois, pour toutes ces raisons, au choix pour une bonne poire ou une vache à lait.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Et l’autre France, c’est quoi ?

    M. Yann Galut. Quelle démagogie !

    M. Lionel Tardy. C’est cette France-là qui est venue manifester en masse, avec ses poussettes surchargées, ses innombrables jeunes perchés sur les chars et ses enfants ravis d’échapper pour une fois aux devoirs du dimanche. C’est cette France-là qui est venue protester, crier et tempêter, et j’en étais témoin samedi. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Écoutez l’orateur, s’il vous plaît !

    M. Lionel Tardy. Fallait-il, pour que ces gens-là sortent de leurs gonds, que la cause les ait scandalisés, touchés, indignés ! Et je vous rassure : parmi eux, aucun professionnel de la manif, pas de vieux routards syndicalistes que l’on voit fondre sur Paris, comme les oiseaux migrateurs, dès que la saison des conflits sociaux arrive. (Mêmes mouvements.)

    Ces manifestants ne sont pas complètement abrutis.

    M. le président. Merci de conclure.

    M. Lionel Tardy. J’ai le temps : deux minutes.

    M. le président. Il vous reste quinze secondes.

    M. Lionel Tardy. Quand ils entendent avancer le chiffre de 340 000 manifestants, ils sentent comme une embrouille. Il faut se méfier, chers collègues, de la France bien élevée et de son côté diesel : un peu longue à chauffer mais qui, lorsqu’elle est lancée – un peu comme les députés dans cet hémicycle – est increvable.

    M. le président. Merci.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1638.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous aurons largement le temps de revenir sur le fond des amendements, et je m’arrêterai donc un instant sur la manière dont, au cours des questions au Gouvernement, lorsque nous avons interrogé à répétition le Gouvernement sur la disparition des termes « père » et « mère » de différents codes, pour quelque 150 occurrences, nous nous sommes entendu accuser de mentir, d’instrumentaliser les choses, de vouloir faire peur aux gens…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est bien vrai !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous l’avez bien dit, madame la garde des sceaux, je vous le confirme !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous instrumentalisez !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bref, toutes sortes de choses peu agréables à entendre.

    Je concède que les mots « suppression » ou « disparition » n’étaient pas justes stricto sensu (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) – attendez, je n’ai pas fini – car il est vrai que ces appellations sont maintenues dans le titre VII ; c’est ce que nous a dit le rapporteur en commission et il ne manquera pas, je pense, de le redire tout à l’heure. Il n’en reste pas moins que, dans les quelque 150 occurrences que j’ai évoquées, ces mots ont purement et simplement disparu, puisqu’ils ont été remplacés. Ou bien le français a un sens – nous écrivons ici la loi – ou bien il n’en a pas. Quand on remplace les mots « père » et « mère », « aïeul » et « aïeule » par d’autres mots, ils disparaissent. Notre débat peut être l’occasion d’apporter cette précision.

    Nous concédons avoir généralisé une volonté qui n’était pas de votre part si globale ou totalisante que nous avons pu le dire. Néanmoins, dans 150 occurrences vous avez voulu faire disparaître ces mots des codes. Nous y avons résisté, nous avons protesté, et nous aurons largement le temps d’y revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1750.

    M. Guillaume Chevrollier. Dans la version initiale du projet, dix-huit articles étaient consacrés à de la coordination, c’est-à-dire à des suppressions de mentions sexuées. Le texte remplaçait les mots « mari et femme » par « époux », « père et mère » par « parents », ce qui a eu un très fort impact dans l’opinion publique, comme nous avons pu le mesurer de nombreuses réunions tenues dans nos circonscriptions. Le projet initial avait d’ailleurs prévu les références « parent 1 » et « parent 2 » mais comme, là aussi, cela avait donné lieu à de nombreuses réactions négatives, vous les avez habilement remplacées par « parent » au singulier et « parents » au pluriel.

    Il est aisé de voir, dans la seconde mouture, l’importance et le nombre de dispositions de notre droit qui font référence à ces termes essentiels de « père » et « mère », de « mari » et « femme ». Le code civil n’est pas le seul concerné ; c’est aussi le cas du code de l’action sociale, du code de la défense, du code de l’environnement, du code des impôts. Toutes ces suppressions ont choqué l’opinion publique, et vous avez eu recours à un artifice – étrange façon de légiférer – avec ce fameux amendement balai, le bien nommé,…

    M. Hervé Mariton. Du balai, monsieur Dubonnet !

    M. Guillaume Chevrollier. …qui constitue un écran de fumée.

    Vous voulez faire croire à la représentation nationale et au peuple de France que « père » et « mère » veulent dire deux hommes ou deux femmes, sous prétexte de rester à droit constant, mais cette fiction juridique se heurte non seulement au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi mais aussi à l’égalité devant la loi. Il crée une discrimination entre les couples là où il n’y en avait pas.

    M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1961.

    M. Jacques Lamblin. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, on vous a accusés à plusieurs reprises d’appliquer le théorème de Laignel. C’est faux ; vous n’avez pas appliqué ce théorème, vous avez fait pire. Ce théorème, je le rappelle : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Vous nous dites quant à vous : « Vous avez tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Vous ne vous embarrassez même pas de nous écouter ; tout simplement, nous avons tort parce que nous sommes moins nombreux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Jacques Lamblin. C’était juste pour calmer le débat !

    Comme nous n’avons même pas la possibilité de nous exprimer (Mêmes mouvements),…

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Jacques Lamblin. …je préfère mettre à profit mon temps de parole pour m’adresser à ceux qui doutent parmi vous ; ils ne sont peut-être pas tous là mais il y en a.

    Je reviens sur le problème de l’adoption. La France n’offrant quasiment aucune possibilité en la matière et les perspectives à l’étranger étant quasi nulles pour les couples homosexuels, ceux-ci n’auront pour unique solution que la conception médicalement assistée.

    M. Marc Le Fur. Exactement !

    M. Jacques Lamblin. Voilà la seule possibilité de créer une famille homosexuelle ! Il est donc inconcevable de faire une telle loi et d’être contre la PMA ou la GPA. Mesdames et messieurs de la majorité, vous êtes ambigus et hypocrites, en proposant cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 2177.

    M. Camille de Rocca Serra. Il faut effectivement supprimer cet article parce qu’il révèle la face cachée de tout ce texte. On veut nous faire croire qu’il ne porte atteinte à rien quand il porte atteinte à tout, car cet article balai porte atteinte à ce qui est essentiel dans notre société : la famille.

    À la fin d’un faire-part de deuil, vous pouvez lire, après l’évocation du père, de la mère, des frères et des sœurs, celle des parents et des alliés. Aujourd’hui, vous êtes au niveau des parents et des alliés et vous portez le testament de la famille française, qui constitue la colonne vertébrale de notre société : le voilà le véritable problème.

    Notre amendement est indispensable, parce que vous touchez à l’essentiel sans régler aucun des problèmes des homosexuels. D’ailleurs, un grand nombre d’entre eux n’attendaient pas cette révolution de la civilisation que vous appelez de vos vœux.

    C’est pourquoi il faut voter notre amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2198.

    M. Pierre Lequiller. Le texte initial de l’article 4, présenté par le Gouvernement en commission des lois, supprimait plus de 150 fois les occurrences de « père » et de « mère ».

    Cependant, pour ne pas choquer l’opinion, réellement inquiète de ce bouleversement concret, à laquelle vous aviez assuré qu’il n’y aurait pas de suppression de ces termes dans le code civil, le rapporteur et la commission des affaires sociales ont décidé d’introduire un amendement balai, de procéder à une réécriture de cet article 4, qui a fait tomber l’ensemble des amendements que nous avions déposés.

    On ne construit pas le code civil sur une fiction juridique. On ne change pas profondément le code civil pour le seul privilège de couples minoritaires.

    Aussi cet amendement balai crée-t-il un chapeau interprétatif, établissant que, chaque fois qu’une disposition sexuée apparaît dans les livres Ier et III – comme « père » et « mère », « aïeul » et « aïeule » ou « veuf » et « veuve » –, elle est remplacée par des substantifs plus généraux, et bien plus flous, « parents », « aïeux » et « veufs ».

    Je ne veux pas que l’on ait honte des très beaux noms de « père » et de « mère » ; j’y suis attaché et je n’accepte pas l’hypocrisie que vous nous proposez.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est de la mauvaise foi évidente.

    M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 2240.

    M. André Schneider. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi de dire que, dans cet article, l’entreprise de démolition de notre code civil continue, ainsi que celle de notre société.

    Hier il était question de changer l’appellation de notre école maternelle ; désormais, il s’agit de changer les noms de « père » et de « mère », d’« aïeul » et d’« aïeule », parmi d’autres. Cet article balai est un article fourre-tout qui cause beaucoup de dégâts.

    Il serait temps de raison garder et de revenir à des choses essentielles. Bien entendu, la majorité souhaite faire passer ce texte – et comme elle est par définition majoritaire, le projet sur le mariage pour tous et l’adoption sera voté –, mais vous accepterez au moins que nous ayons le droit d’être résolument contre. La rédaction de votre texte nous conforte d’ailleurs dans nos positions.

    Je vous demande donc d’approuver nos amendements.

    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 2579.

    M. Georges Fenech. Je voudrais m’exprimer dans la droite ligne de l’intervention de M. Philippe Gosselin, qui s’interrogeait sur ce qui sera mentionné dans les documents d’état civil. Je vous avais déjà posé cette question, qui me semble légitime, en commission, vous demandant si, après le vote de la loi, je devrais vous rendre mon livret de famille sur lequel est portée la mention que je suis le père de mes enfants.

    Si nous vous posons ces questions ce soir, c’est aussi pour que les Français puissent entendre sur ce sujet la clarification que vous ne manquerez pas d’y apporter.

    Quelles seront les différentes formulations retenues dans les différents livrets de famille, si tant est que nous devions arriver à ces différences, quand vous prônez à ce point l’égalité ?

    Je voudrais tout simplement savoir si les textes du code civil font disparaître les notions de « père » et de « mère » et s’il en sera de même dans les livrets de famille.

    Si l’on s’engage dans cette direction, les Français ne l’accepteront pas.

    Je suis convaincu, madame la ministre, que cette loi que vous nous faites voter, la prochaine majorité la défera.

    M. Yann Galut. On disait la même chose du Pacs !

    M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n° 2775.

    M. Élie Aboud. Madame la garde des sceaux, avec cet article, vous avez essayé d’expliquer l’inexplicable : je reconnais que c’était osé.

    Nous avons vu qu’il existe un risque avec le code civil : que faire, alors ? On essaie de jouer avec les mots ou, pardonnez cette expression, on essaie de « bricoler » avec les mots. Malheureusement, cela va plus loin, car c’est avec les fondements de notre société que l’on bricole.

    Tout à l’heure, M. Daniel Gibbes parlait de médecine et de pédiatres – nous nous sommes alors amusés à évoquer la question de la neutralité ; mais je puis vous assurer que tous mes collègues pédopsychiatres, qui se réveillent aujourd’hui, se rendent compte qu’il y a un vrai danger.

    D’ailleurs, je m’adresse à M. Christian Assaf pour lui dire qu’un pédopsychiatre reconnu, qui ne peut être soupçonné de la moindre consanguinité politique avec nous, alerte l’ensemble de la société ; et, madame la garde des sceaux, ce n’est pas du triangle rose qu’il parle, mais d’un triangle noir où est inscrit « SOS danger ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean Glavany. Quel talent !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je veux croire que c’est fortuit.

    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 2845.

    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, si vous avez aimé le célèbre roman 1984 de Georges Orwell, vous adorerez l’article 4.

    Cet article est en effet une parfaite illustration de la novlangue de ce roman, c’est-à-dire d’un langage destiné à déformer la réalité.

    M. Bernard Accoyer. Voilà !

    M. Charles de Courson. Pis encore, il est la stricte application de la grammaire de la novlangue qui se caractérise, je le rappelle pour ceux qui ne sont pas spécialistes de ce roman, par deux grandes particularités : l’interchangeabilité des parties du discours et la régularité – la règle grammaticale ne connaît plus d’exceptions.

    L’article 4 est donc la parfaite illustration de cette novlangue par ceux qui souhaitent nier l’altérité sexuelle, la gommer, la dissimuler dans des termes qui ne veulent pas rappeler que notre nature humaine est liée à cette altérité sexuelle.

    M. Jean Glavany. Qu’est-ce que vous en savez, de la nature humaine ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Charles de Courson. Cher ami, vous illustrez par votre propos un certain – je resterai gentil – sectarisme.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Mais oui !

    M. Patrick Hetzel. Le sectarisme, c’est eux !

    M. Charles de Courson. La lecture de cet article 4 est formidable : il va bientôt être interdit de parler de « père » et de « mère », puisqu’il faut parler de « parents ». Ne parlez plus de votre « belle-mère » ou de votre « beau-père », parlez de votre « beau-parent » ; ne parlez plus de « mari » et de « femme », c’est interdit, vous devez parler d’« époux » ; ne parlez plus de branche « paternelle » et « maternelle », parlez de branche « parentale ».

    Voilà l’illustration de 1984. Georges Orwell a gagné !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2953.

    M. Philippe Meunier. Mme Buffet m’a violemment attaqué, pendant la précédente séance : je vais lui répondre. Chassez le naturel, il revient au galop… Vous avez essayé de m’intenter un petit procès stalinien tout à l’heure (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), pensant, dans le droit fil de votre idéologie, entraîner à vos côtés les idiots utiles qui vous ont accompagnée dans vos tristes combats pendant des décennies.

    Toutefois, vous êtes bien mal tombée, madame Buffet, car je ne ferai aucune autocritique.

    Vous avez sous-entendu que mes propos étaient homophobes ; mais, évoquant les caprices de bobos, madame Buffet, je ne parlais pas des homosexuels.

    D’ailleurs, je vous dénie tout droit de parler en leur nom, car, lors de la manifestation contre votre projet de loi, de nombreux homosexuels ont exprimé leur désaccord avec votre vision de la société. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Gardez vos invectives pour vos propres autocritiques, madame Buffet ! Regardez derrière votre idéologie le long cortège de cadavres qui demandent des comptes à votre parti, pour avoir soutenu autant de dictateurs. Vos leçons de morale, madame Buffet, vous pouvez les garder pour vous !

    M. Yann Galut. Ces gens sont des caricatures !

    M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3069.

    M. Patrick Hetzel. Ce débat devrait être un débat de raison. Or la majorité parle du mariage comme d’un bien de consommation. Ce faisant, elle manifeste une ignorance de ce qu’il est vraiment : il existe en effet un grand flou autour de cette question.

    Permettez-moi de citer M. Noël Mamère, même s’il n’est pas présent à cette heure avancée : certains disent qu’il s’agit d’une « célébration sociale de l’amour » ; or le mariage, dans le droit français, ne possède pas cette vérité anthropologique, puisqu’il relève avant tout de la fondation d’une famille.

    Dans le mariage, c’est d’abord de la question de la filiation et de la parenté qu’il s’agit.

    Mettre en avant une définition sociologique du mariage, comme célébration sociale de l’amour, reviendrait à retirer son fondement social et juridique au mariage : il n’y aurait plus d’articulation de la filiation avec le concept de conjugalité. Or le mariage est la seule institution qui articule les deux.

    Vous me permettrez de rappeler une nouvelle fois les propos du doyen Carbonnier : « la présomption de paternité est le cœur du mariage ». Si l’on supprime cela, il ne reste effectivement qu’une célébration de l’amour.

    L’actuel projet de loi dissocie la filiation et la naissance, puisque la filiation pourrait trouver son origine dans un couple formé par deux hommes ou par deux femmes. Nous devons nous poser une question essentielle : la naissance est-elle encore une source de sens ou n’est-elle qu’un simple résidu technique que la majorité ne parvient pas à supprimer ?

    Que cela vous plaise ou non, vous êtes en train de supprimer la véritable altérité. Vous devriez vous rappeler Paul Ricoeur, que Mme la garde des sceaux cite également très souvent : « Il n’y a de sens que dans la différence. L’altérité est essentielle. » Et vous cherchez à la détruire.

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3162.

    M. Bernard Accoyer. Cette série d’amendements identiques nous donne l’occasion, une nouvelle fois, d’aller un peu plus près de la réalité de ce texte et de sa vérité. Je vais simplement rappeler ce qui est écrit à la page 322 du rapport – on a rarement eu des rapports aussi conséquents, ce qui prouve bien que ce texte est une véritable révolution dans notre code civil – : « Cet article, qui tire les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe au sein du code civil, a été réécrit par la commission […]. » Il crée un certain nombre de coordinations opérées par ledit article. Il faut savoir que le rapporteur a réécrit tout cela pour cacher les réalités, mais celles-ci sont contenues dans le texte initial du Gouvernement. L’article 4 remplace les termes « père et mère » par le terme plus neutre, désexué, de « parents » dans cinquante-deux articles du code civil. Il faut ainsi remplacer les termes « mari » et « femme » par « époux », les mots « aïeul » et « aïeule » par « aïeuls », « beau-père » et « belle-mère » par « beaux-parents », supprimer les références aux branches maternelle et paternelle, remplacer le terme « parents » au sens large par les termes « membres de la famille » ou par « leurs parents ou alliés »… La coordination à laquelle procède l’article 4 se rapporte principalement aux actes de l’état civil, aux conditions de célébration du mariage, à la filiation adoptive, à l’autorité parentale, à la tutelle des mineurs et au droit des successions.

    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

    M. Bernard Accoyer. On voit ainsi qu’il s’agit de cacher la profondeur des réformes imposées au pays par ce texte. Il en va de même pour l’accès direct à la PMA et ensuite à la GPA, avec une question…

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n° 3304.

    Mme Bérengère Poletti. Madame la garde des sceaux, vous nous proposez un article balai, avec quelque 170 modifications de codes, nous l’avons dénoncé à maintes reprises et vous aviez d’ailleurs démenti l’ampleur des modifications. Pourtant, dans le projet de loi, vous faites disparaître « père », mère », « mari », « femme », « aïeul », « paternelle », « maternelle » – même à l’école ! Vous êtes résolument dans ce qu’on appelle en français « les études de genres », pour lesquelles hommes et femmes sont pareils ou ne se construisent dans leur identité que socialement, à tel point qu’il faudrait gommer leurs différences du code civil. Pourtant, hommes et femmes, ce n’est pas pareil. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article balai.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n° 3340.

    M. Philippe Goujon. Madame la garde des sceaux, l’article 4 prévoyait dans sa rédaction initiale la suppression, dans 130 articles du code civil, des mots « père » et « mère » au profit de « parents », et un amendement balai du rapporteur déposé en commission a cherché à occulter le problème par une rédaction plus cachée, plus politiquement correcte. Le problème n’en demeure pas moins tout à fait entier. Notre attachement aux termes de père et de mère n’est pas, comme l’a tourné en dérision le rapporteur le 16 janvier, « chamanique, quasi biblique ». Pour des millions de Français et pour nous tous de ce côté de l’hémicycle, ces mots ont un sens profond, ontologique et anthropologique, et nous les défendons.

    L’amendement du rapporteur introduit en commission prouve qu’il est difficile de remplacer cent cinquante fois les mentions sexuées par des mentions asexuées. Le remplacement des termes crée en effet des fragilités juridiques qu’a rappelées à l’instant le président Accoyer, aux conséquences dangereuses, comme nous le faisait remarquer Annick Batteur lors d’une audition. Vous en avez tenu compte par une correction purement technique et politique car ce texte transformera le mariage, une institution sexuée, en institution asexuée, et produira tous ses effets en matière de statut personnel patrimonial du couple : contribution aux charges du mariage, devoir de secours entre époux, obligation alimentaire, etc. Le terme de parents est un terme générique, vous le savez, qui peut viser d’autres personnes que le père et la mère stricto sensu, au sens de l’article 734 du code civil : les enfants et leurs descendants, les frères et sœurs ou encore les collatéraux. Or le droit des successions et des libéralités ne peut souffrir l’ambiguïté. Le risque est que des personnes puissent se prévaloir du statut de parent pour obtenir, par exemple, une vocation successorale. Il en est de même de l’article 205 du code civil relatif à l’obligation alimentaire des enfants à l’égard de leurs parents ; toute la question est de savoir si cette obligation ne sera pas étendue à toutes les personnes ayant un lien de parenté avec l’enfant, même un lien éloigné. Vous créez là un monstre juridique.

    M. Xavier Breton. Très juste !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n° 3668.

    M. Jean-Pierre Vigier. Ouvrons les yeux :…

    Plusieurs députés du groupe SRC : Oui !

    M. Jean-Pierre Vigier. …ce texte est un écran de fumée qui permet de masquer les vrais problèmes en matière d’économie et d’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui ! à l’égalité des droits mais, s’il vous plaît, pas comme cela. Le mariage a une signification : l’union entre un homme et une femme. Pour l’union entre deux personnes de même sexe, nous pouvions améliorer le Pacs ou créer une alliance civile. Dans l’article 4, vous souhaitez supprimer les mots « père » et « mère » pour les remplacer par « parents ». Vous êtes en train de tuer nos valeurs, notre culture, notre histoire, et de déstructurer notre société.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais non !

    M. Jean-Pierre Vigier. Vous sacrifiez le droit de l’enfant pour privilégier le droit à l’enfant.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oh là là !

    M. Jean-Pierre Vigier. C’est très grave ! Une folie ! C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Françaix. Quel talent !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l’amendement n° 3687.

    M. Bernard Gérard. Le nouvel article 4 introduit un chapeau interprétatif dans le code civil afin que les dispositions faisant référence à « père » et « mère » s’appliquent également aux parents de même sexe. Mais, en fait, ce n’est pas un chapeau interprétatif, c’est un masque, le camouflage d’une fiction : on veut nous faire croire que « père et mère » signifie deux hommes ou deux femmes, alors que ce projet de loi opère bien, à l’intérieur même du code civil, une distinction entre les catégories de couples de même sexe et ceux de sexe différent, créant ainsi une discrimination entre les couples là où il n’y en avait pas auparavant. C’est pourquoi je vous demande à mon tour de bien vouloir supprimer cet article.

    M. Michel Issindou. L’argumentation est modeste !

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 3784.

    Mme Arlette Grosskost. Contrairement à vos dires, madame la garde des sceaux, nous amorçons bien, par l’article 4, une longue série de chasses, ou devrais-je dire de coups de balai, des termes « père », « mère », « mari », « femme », dans notre corpus juridique. Il y a plus de 150 suppressions, m’a-t-on dit.

    J’estime que, par là même, nous entrons pieds joints dans la maternité incertaine. Est-ce là un progrès pour nous, les femmes ? Est-ce pour un tel résultat que nous sommes battues sur tous les bancs ? À présent, mesdames, nous sommes asexuées dans le code civil (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Jean Glavany. Vous confondez la gauche et la droite, madame Grosskost, vous êtes asexuée politiquement !

    Mme Arlette Grosskost. …dans le code général des impôts ou encore dans le code du travail.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous savez très bien que ce n’est pas vrai !

    Mme Arlette Grosskost. Le véritable bouleversement de la société française est bien là. Dès lors, pourquoi plus de parité dans les conseils d’administration ou en politique ? Avec votre loi purement politique, vous tournez sur votre orbite, devant votre public, et vous ne remarquez plus les dégâts collatéraux. L’orientation sexuelle ressortit à la liberté sexuelle de chacun, personne ne dira le contraire, mais la société est faite d’habitudes et d’usages, elle fixe les limites du réel. Serons-nous aussi obligés de supprimer dans le langage courant toute référence à la maternité, à l’instar de ce qui avait été proposé sur certains bancs ? Les mots ont un sens : remplacer la fécondité naturelle par la fécondité sociale sera dorénavant la référence. Le code civil marquera les générations futures du poids de nos égoïsmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3904.

    M. Yves Censi. Madame la garde des sceaux, depuis le début des débats, le Gouvernement joue un jeu de bonneteau permanent. Chaque fois que nous avons essayé de nommer les choses, vous avez eu plusieurs types de réaction. Lorsque nous avons voulu aborder la question de la PMA, vous avez répondu que ce n’était pas dans le texte puisque nos collègues ont renoncé à l’amendement qu’ils devaient déposer. En définitive, Mme la ministre chargée de la famille a indiqué que la disposition figurerait dans un prochain projet de loi sur la famille. Enfin, le Premier ministre dit que nous n’en sommes pas encore là.

    M. Christian Jacob. Il les a recadrés méchamment !

    M. Yves Censi. Pour nous, cela s’appelle « se faire balader ». En ce qui concerne la GPA, c’est exactement la même chose : d’abord, le Gouvernement n’en veut pas, quelques ministres s’expriment ensuite en précisant que c’était une position personnelle ; monsieur le rapporteur, vous êtes à cette fonction bien placé pour savoir ce que cela veut dire : plusieurs ministres sont pour la GPA.

    M. Jean Glavany. Aucun !

    M. Christian Jacob. Si, monsieur Glavany !

    M. Yves Censi. Je le redis : nous nous faisons balader, nous ne savons pas où nous en sommes.

    Enfin, j’en arrive à la question de l’utilisation des mots « père » et « mère ». Quand on s’est ému de la disparition de ces mots, il y a eu trois types de réaction : la première a été comme d’habitude l’insulte, le procès en homophobie, impossible d’en parler sans risque d’être voué aux gémonies ; la deuxième a été la dénégation, c’est-à-dire chez vous le mensonge parce qu’en réalité, dans plus de 170 cas, les termes de père et de mère disparaissent ; enfin, et nous y sommes avec cet article balai, il y a la dissimulation. Je considère, comme mes collègues, que le compagnon d’un père homosexuel ou la compagne d’une mère homosexuelle a tout à fait un rôle d’éducation à jouer ; mais vous, vous êtes tombés dans le confusionnisme et pour échapper aux véritables dénominations, vous avez utilisé des termes génériques.

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Yves Censi. Je rappellerai ce que disait Boileau : « ce qui n’est pas nommé n’existe pas ». En ne les nommant pas, vous supprimez en réalité les termes de père et de mère du code civil ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4079.

    Mme Claude Greff. J’ai vraiment envie de vous dire que vous jouez sur les mots, madame la ministre, et c’est dangereux, car on ne joue pas avec les mots. Ainsi, vous dites que les termes « père » et « mère » n’ont pas été supprimés, mais qu’ils ont disparu… Bref, je n’ai jamais vu un gouvernement mentir autant et avec une telle hypocrisie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob. Eh oui !

    Mme Claude Greff. Méfiez-vous, parce qu’il y aura un effet boomerang. On ne tient pas longtemps en politique quand on trompe le peuple.

    En effet, il y aura bien deux mariages, ceux qui pourront inscrire « père et mère » et ceux qui mettront « parents de même sexe ». Oui, vous créez une discrimination, vous allez même jusqu’à tromper les homosexuels. Depuis quand la loi doit-elle s’occuper de la vie intime, de la vie sexuelle des personnes ? Êtes-vous censés parler au nom des homosexuels ? Mais jusqu’où irez-vous, à quoi jouez-vous ? Où allez-vous entraîner la France ? Mesdames les ministres, monsieur le ministre, les homosexuels ont bien un père et une mère, de même que les enfants à venir qui seront homosexuels. Pourquoi voulez-vous le nier et porter atteinte à l’authentique forme de la famille, basée sur le père et sur la mère. Laissez donc les homosexuels vivre, simplement vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. André Schneider. Vivre leur vie ! Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4655.

    Mme Annie Genevard. Les mots interrogent forcément la réalité qu’ils recouvrent, en l’occurrence les fonctions maternelles et paternelles. Je vais vous livrer, mes chers collègues, quelques-unes des réflexions du professeur Flavigny, que nous avons reçu à l’Assemblée nationale. Monsieur Glavany, il se peut que vous appreniez des choses vous aussi.

    M. Jean Glavany. J’en apprends tous les jours avec vous sur la misère humaine !

    Mme Annie Genevard. Voici ses réflexions : l’enfant sait qu’il vient d’une union sexuée, ce qui va interroger l’enfant, c’est la carence de son père ou de sa mère, d’où le sentiment de culpabilité qu’il peut éprouver et la question qu’il se pose : « Suis-je un mauvais enfant ? » C’est une blessure narcissique pour l’enfant de manquer d’un père ou d’une mère

    Cette loi crée de droit la privation de père ou de mère. Or la loi doit conforter les histoires familiales et non pas les compromettre. Avec la suppression des mots père et mère, c’est aussi la différence des sexes que vous supprimez. Or le père et la mère construisent ce que les pédopsychiatres appellent la romance identitaire de l’enfant, grâce à laquelle il se construit intérieurement.

    En plus, toucher à cela, c’est toucher à l’organisation même de la société. Le plus petit atome social, c’est la relation au sein de la famille. L’amour dans la famille est le bienvenu mais il ne suffit pas. Comment pouvez-vous penser que l’enfant porte sans dommage la carence de l’un de ses deux parents ?

    M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n° 4674.

    M. Jacques Bompard. Vous niez l’altérité humaine, au nom d’une identité inexistante entre l’homme et la femme. En effet, vous êtes prisonniers de la théorie du genre, qui est parfaitement totalitaire car elle nie la réalité des sexes, leur existence, leur fonction et bientôt leur utilité physiologique. Ce dogme nie par suite les besoins qu’ont les enfants d’une mère et d’un père.

    Voyons quelques exemples des résultats de cette utopie. Un chanteur célèbre dit en parlant de son fils adoptif Zacharie : « Il sera dévasté lorsqu’il grandira et se rendra compte qu’il n’a pas de mère. » Ce père adoptif n’a pas le même avis que vous, les tenants de la loi sur le mariage pour tous.

    Autre exemple donné par deux scientifiques américains, Saakvitine et Eisold, qui ont étudié le cas d’un petit garçon adopté par un couple homosexuel. L’enfant identifiant la femme de ménage comme sa mère, celle-ci est renvoyée. L’enfant est alors suivi par un psychiatre qui se rend compte que le jeune garçon fait des économies (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Quand il l’interroge, l’enfant répond qu’il fait des économies pour s’acheter une autre maman.

    Voici la vraie question posée par cette loi : doit-on accepter de forcer un enfant à vivre cela pour faire plaisir à des adultes, pour vous faire plaisir à vous ?

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4829.

    Mme Geneviève Levy. Quand on enlève aux mots leur sens, on perd tout repère tout simplement parce que les mots sont les véhicules de la pensée. Du coup, en bouleversant les mots, on bouleverse les esprits. Au nom de quoi ? Pour satisfaire qui ?

    Mes chers collègues de la majorité, je suis sûre que vous êtes finalement, au fond de vous, pleinement conscients de cela. D’ailleurs, vous avez essayé d’y remédier bien maladroitement, mais personne n’est dupe et, surtout, la confusion demeure. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement de suppression de l’article 4.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement n° 4870.

    M. Pierre Lellouche. J’étais à l’étranger la semaine dernière, j’ai donc raté des débats extrêmement intéressants qui ont passionné la terre entière. Je peux vous assurer que, vu de l’étranger, tout cela est un peu étrange. Qu’un pays qui connaît chaque mois 30 000 chômeurs de plus…

    M. Stéphane Travert. La faute à qui ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. À vous !

    M. Pierre Lellouche. …consacre autant d’énergie et de temps à débattre de la vie sexuelle des Français au lieu de s’intéresser à leur vie professionnelle…

    M. Philippe Martin. Pourquoi ne vous en êtes-vous pas occupés pendant dix ans ?

    M. Pierre Lellouche. …est quelque chose qui interpelle, croyez-moi, beaucoup à l’étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît.

    M. Pierre Lellouche. Votre esprit de tolérance me va droit au cœur.

    L’article 4 est au centre de l’imposture de ce texte. Donner l’égalité des droits à deux personnes adultes de même sexe qui souhaitent vivre ensemble, tout le monde est d’accord là-dessus dans cet hémicycle, dans la France entière. Il n’y a même pas de discussion. Mais dès lors que vous voulez transformer cette alliance en mariage, effectivement, vous changez tout.

    Vous changez l’altérité entre l’homme et la femme, ce qui est quand même la base de la société humaine. Cela vous conduit d’abord à supprimer les mots de père et mère dans l’article 4 ; ensuite, face à la montée des interrogations des Français, cela vous conduit à nier que vous ayez voulu le faire. Vous gommez donc tout cela.

    La négation de l’altérité vous conduit à une deuxième imposture : nier le fait que l’on ne puisse pas créer la vie autrement que par un homme et une femme. Or que faites-vous avec ce texte ? Vous renvoyez la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui à un autre texte.

    C’est donc une double imposture…

    M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement n° 5153.

    Mme Virginie Duby-Muller. Dans la version initiale du texte, dix-huit articles étaient consacrés à de la coordination, afin de supprimer les mentions sexuées. Le texte remplaçait les mots « mari » et « femme » par « époux », les termes « père » et « mère » par « parent 1 » et « parent 2 », impactant ainsi plusieurs codes : le code civil, le code de l’action sociale, le code de la défense, le code de l’environnement, le code des impôts.

    À plus de 150 reprises ces termes étaient donc modifiés, et on supprimait des références parce qu’elles étaient « genrées ». On voit bien ce qui est sous-jacent : la théorie du gender. Finalement, on veut gommer la différence sexuée, considérant qu’elle n’est qu’une construction sociale. Un exemple nous en a été fourni dans une récente question écrite où Mme Mazetier demandait à débaptiser les écoles maternelles pour utiliser un terme plus neutre.

    Même si l’on veut lutter contre les stéréotypes et le machisme ou se battre en faveur de l’égalité hommes-femmes, cela n’implique pas de nier la complémentarité des sexes ou même l’altérité sexuelle.

    La disparition des mots père et mère ayant ému l’opinion publique, le rapporteur a trouvé une solution juridique de repli, calquée sur le modèle espagnol : l’article balai qui fait référence aux parents de même sexe. Cette manipulation est ingénieuse mais finalement dangereuse car c’est un exemple parmi tant d’autres de votre méthode qui consiste à endormir les Français.

    Vous avancez masqués. L’amendement sur la PMA a été retiré par le groupe socialiste mais on sait qu’il reviendra dans le cadre d’un texte sur la famille au mois de mars ou plus tard, car le calendrier est flou. Au nom de votre principe d’égalité, cela va conduire à la GPA, c’est-à-dire à la marchandisation des corps.

    Finalement, on voit bien que cet article est un subterfuge, qu’il ne change rien au fond. C’est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5272.

    M. Guillaume Larrivé. Au septième jour de nos débats, la majorité est définitivement entrée dans la quatrième dimension. Les notions fondamentales de père et de mère sont tellement obscures dans vos esprits que vous avez décidé, bizarrement, de donner un vaste coup de balai dans le code civil pour les mettre à la corbeille.

    À quelques pas d’ici, au Panthéon, Portalis, madame la ministre de la justice, est en train de se retourner dans sa tombe, et il n’est pas le seul. Des centaines de milliers de Français sont heurtés dans leur conscience et ne comprennent pas qu’une majorité des députés, à l’Assemblée nationale, passent des heures et des heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) à discuter de cette absurdité.

    Vous faites le choix de vous aligner sur certaines thèses de Saint-Germain-des-Prés, nous vous le laissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 1306.

    M. Jean-Pierre Door. C’est un amendement important, nous demandons la suppression de l’article 4. Comme je l’ai dit hier soir, s’il y a un effacement de ce que l’on appelle le père et la mère, l’enfant devient SDF – sans domicile filiatif – et cela, je le tiens d’un pédopsychiatre.

    Vous êtes en train d’effacer ce que l’on appelle l’homme et la femme. Faire disparaître les mots père et mère pour les remplacer par parents, sentimentalement, c’est papa et maman qu’on assassine. Et c’est très grave.

    Je viens de chez moi où j’ai dîné avec mon fils et ma belle-fille, qui vont avoir un enfant dans un mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comment ce garçon qui va naître en mars va-t-il appeler son papa, sa maman, son papy, sa mamie ? Je vous pose la question. C’est extrêmement grave et nous sommes profondément choqués. À mon âge, je ne le supporte pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n° 5307.

    M. François Rochebloine. Naturellement, je partage les propos de notre collègue Jean-Pierre Door qui a souligné l’importance de ce sujet. Dans sa rédaction initiale, l’article 4 proposait de remanier en profondeur le code civil en supprimant les termes père et mère.

    Sous la pression des parlementaires de l’opposition et de la rue, vous avez dû réécrire cet article et supprimer pas moins de quinze articles du texte. Deux articles généraux ont ainsi été insérés afin de rendre applicables des dispositions sexuées à des couples de même sexe.

    Cette manœuvre, faite pour masquer la remise en cause profonde de notre société qu’incarne ce projet de loi, révèle son impréparation. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 4.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements de suppression ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je vais prendre un peu de temps pour répondre aux trente-six intervenants qui ont défendu leurs amendements pendant une bonne heure. Cela démontre bien, mesdames et messieurs les députés, que vous êtes muselés, dans cette assemblée.

    M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux de dire cela ! Ce n’est pas un argument, c’est un jugement de valeur !

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 4 du projet de loi a été réécrit par la commission, à mon initiative et avec l’accord du Gouvernement, afin de remplacer les coordinations qu’opère cet article au sein du code civil par deux dispositions générales d’application rendant les dispositions législatives sexuées des livres Ier et III de ce code applicables aux couples de personnes de même sexe.

    M. François Rochebloine. Vous n’avez rien inventé !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il y aura donc deux nouveaux articles à la tête de chacun des livres, qui préciseront désormais que les dispositions de ces livres, lorsqu’elles font référence aux pères et mères s’appliquent – ces références ne sont donc pas remplacées – également aux parents de même sexe. Même logique pour aïeul et aïeule, veuf et veuve, branche paternelle et branche maternelle.

    M. Hervé Mariton. Ça pourrait remplacer, de toute manière !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Mariton, j’ai beaucoup entendu le mot « remplacement », d’où mon insistance. Ce n’est pas un article de remplacement mais une disposition générale d’application qui se veut interprétative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marc Dolez. Exactement !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Prenons l’exemple de l’article 371-1 du code civil : L’autorité parentale « appartient aux père et mère jusqu’à la majorité. » Nous ne changeons rien à cet article.

    Mme Claude Greff. C’est une hypocrisie majeure !

    M. Erwann Binet, rapporteur. L’article balai, comme vous l’appelez, rendra sans changement cette disposition applicable aux couples de même sexe.

    M. Hervé Mariton. C’est de la novlangue !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Non, ce n’est pas de la novlangue, mais je me rends compte que l’on arrive au cœur de votre combat : ces articles sans changement qui nous protègent, vous ne voulez pas les voir appliquer aux couples de personnes de même sexe. Il est là, votre combat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Cet article balai, comme vous dites pour simplifier les choses, présente deux intérêts principaux. Le premier, d’ordre juridique, est né lors d’une audition des notaires à laquelle vous assistiez, monsieur Mariton. Je crois que M. Breton était là aussi, et peut-être M. Poisson.

    Mme Claude Greff. Ne cherchez pas, nous y étions !

    M. Erwann Binet, rapporteur. À plusieurs reprises, les notaires ont relevé les difficultés d’interprétation que suscitaient certaines coordinations opérées dans le projet de loi par le Gouvernement, notamment l’une d’entre elle qui voulait que la dénomination de parent, lorsqu’elle faisait référence à la parenté, fût remplacée par « membre de la famille ».

    Les notaires ont souligné assez vivement que, si ces articles n’étaient pas transformés, ils suscitaient du moins des interrogations quant à leur interprétation.

    La seconde motivation était d’ordre symbolique : puisque nous ne changeons pas ou très peu les dispositions du code civil, nous appliquons le code civil aux couples de même sexe. Nous les faisons rentrer dans le code civil. Symboliquement, c’est formidable ! C’est précisément la philosophie du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Puisque les notaires avaient été à l’origine de cette réflexion,…

    M. Marc Le Fur. C’est la faute aux notaires !

    M. Régis Juanico. C’est ridicule !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …et que celle-ci recoupait un travail de droit comparé que nous menions – nous avons ainsi découvert que les Espagnols avaient traité de cette manière la question dans le codigo civil – , nous avons poursuivi notre travail avec les notaires en leur demandant d’abord s’ils approuvaient le principe d’un article balai. Ils ont répondu le 16 décembre que l’utilité d’une disposition balai qui éviterait d’avoir à opérer un radical changement terminologique était certaine. Nous avons donc travaillé sur l’article balai pendant plusieurs semaines. Nous leur avons envoyé la rédaction retenue dans le texte de la commission. Voilà la réponse de Jean Tarrade, président du conseil supérieur du notariat : « La dernière version de l’amendement à l’article 4 me convient. Comme il a été relevé lors de nos échanges, la profession notariale est favorable à l’introduction dans le code civil de dispositions balais qui évitent d’avoir à redéfinir les notions fondamentales de notre droit positif. »

    Il faudrait que nous puissions nous retrouver au moins sur l’article 4. Avis défavorable de la commission (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. Hervé Mariton. Bientôt, il n’y aura plus de droit positif du tout.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Monsieur Mariton, vous l’avez dit à la tribune mais vous l’aviez dit en d’autres circonstances aussi, que nous avons affirmé que les mots « père » et « mère » ne disparaîtraient pas du code civil.

    Mme Marie-Louise Fort. Vous avez menti.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En réalité, vous avez fait référence à des questions d’actualité mais aussi à des interviews sur les plateaux de télévision et dans les studios de radio, et affirmé que les mots « père » et « mère » disparaîtraient du code civil. Invariablement, le Gouvernement a expliqué que ces mots ne disparaîtraient pas du code civil…

    Mme Claude Greff. Ben voyons !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … que dans le titre VII, relatif à la filiation – on peut préciser éventuellement qu’il s’agit de filiation biologique puisque le terme de filiation tel qu’il est inscrit dans le code civil ne semble pas assez clair pour certains d’entre vous – rien n’a été modifié, nous n’avons cessé de le dire. Nous avons toujours précisé qu’à partir du titre VIII relatif à la filiation adoptive, nous avons procédé aux modifications nécessaires. Je précise d’ailleurs que le terme « parents » est déjà présent dans le titre VIII. Oui, nous avons procédé aux modifications nécessaires parce que nous faisons les lois sérieusement, pour qu’elles soient utiles au citoyen.

    Mme Claude Greff. Ce n’est pas sérieux de ne pas en mesurer les conséquences.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’ouvrons pas un droit, nous ne reconnaissons pas une liberté pour ensuite, par négligence technique et juridique, rendre impossible l’application de ce droit et de cette liberté aux personnes concernées (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Comment avons-nous fait ces modifications nécessaires ? Le Gouvernement, respectueux des règles en toutes circonstances, s’est référé à la légistique, c’est-à-dire à l’ensemble des règles en vertu desquelles s’écrit notre droit. Lorsqu’une disposition introduit des modifications, le principe le plus général est de procéder à un recensement des dispositions modifiées par voie de conséquence. Il s’agit de relever de la façon la plus exhaustive possible toutes les dispositions dans lesquelles il peut être nécessaire d’introduire une précision ou une modification. C’est ce travail important, scrupuleux qui a été effectué par nos administrations – la Chancellerie, parce que le code civil est modifié, mais les administrations d’autres ministères également, d’autres codes étant concernés. C’est ce travail scrupuleux que nous avons fait dans le projet de loi.

    La commission – je le répète et le répéterai à l’envi – a fait un travail sérieux, consciencieux, qui a enrichi le texte.

    Mme Claude Greff. Toujours dans le même sens. On y était.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais il semble que j’y aie été un peu plus longtemps que vous. Peut-être ai-je donc des éléments d’appréciation un peu plus importants… La commission a choisi une autre méthode, qui relève également de la légistique mais qui est moins fréquente. Cette méthode consiste à introduire une disposition interprétative. Au lieu de procéder à un recensement et d’introduire les modifications partout où cela est nécessaire, on indique que tel terme – qui ne disparaît pas – doit être compris de telle manière dans le cas des couples homosexuels. Cela répond au même souci.

    Mme Claude Greff. Il y aura bien deux mariages (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, madame Greff, il y aura simplement autant de mariages que de couples, voilà la différence entre vous et nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Vous créez des discriminations.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois a donc choisi la solution de la disposition interprétative.

    Vous nous parlez de fiction, mais c’est vous qui faites de la fiction. Un député dont j’ai le tort de ne pas avoir retenu le nom nous a dit que dans le premier texte du Gouvernement figuraient les expressions « parent 1 » et « parent 2 ». Vous êtes plus que dans le secret des dieux car le Gouvernement lui-même n’a pas eu connaissance, à aucun moment, du moindre texte dans lequel il ait été question de ces expressions.

    M. Christian Jacob. Vous mentez avec aplomb !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis mardi, vous brandissez la Convention internationale des droits de l’enfant. Vous nous accusez de ne pas respecter les dispositions de cette convention, de faire des manipulations qui remettent en cause des traités internationaux, des conventions bilatérales et multilatérales, y compris cette convention internationale.

    Dans cette convention, puisque les occurrences vous préoccupent à ce point, l’occurrence « mère », puisque c’est ainsi que vous appelez ce joli mot, existe quatre fois ; l’occurrence « père » cinq fois ; l’occurrence « parents » 32 fois. Nous travaillons sur des réalités. Vous n’êtes pas plus attachés que nous aux mots de « père » et « mère ». Vous n’êtes pas plus attachés que nous à la réalité des familles. Vous choisissez seulement de ne pas voir certaines catégories de familles (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur Fenech, vous expliquez qu’en commission vous m’avez demandé s’il serait nécessaire que vous rameniez votre livret de famille. Vous en avez parfaitement le droit, mais les choses ne se sont pas passées ainsi. Vous ne m’avez pas demandé gentiment si, un jour ou l’autre, il serait nécessaire que vous rameniez votre livret de famille. Vous m’avez asséné : « Jamais je ne vous remettrai mon livret de famille pour que vous en enleviez les mots « père » et « mère ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Censi. C’est Sarah Bernhardt !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À quoi je vous ai répondu que je n’aurais jamais la fantaisie ni personnelle ni officielle de vous réclamer votre livret de famille, pour la simple raison que je n’en aurais jamais aucun usage (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.) Vous vous livrez à un psychodrame dans lequel vous vous donnez des rôles. Votre rôle dans ce psychodrame consiste à faire croire que nous allons confisquer les livrets de famille de toutes les familles hétéroparentales et que nous allons les modifier. Mais la réalité va vous rattraper. La vérité va vous submerger et les Français jugeront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je termine sur une note qui, je dois l’avouer, m’attriste.

    Mme Claude Greff. Nous sommes dans Au théâtre ce soir.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député Aboud, vous avez déclaré : « ce ne sera pas le triangle rose, une véritable tragédie » et vous avez ajouté : « ce sera le triangle noir ». Je trouve inqualifiable de faire un mot d’esprit sur une expression pareille (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je veux simplement croire que c’était fortuit, car c’est inqualifiable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Meunier. Voyous !

    M. Christian Jacob. Je demande la parole, monsieur le président.

    M. le président. Monsieur Aboud, si vous voulez intervenir pour un fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Monsieur Jacob, vous connaissez la manière dont nous travaillons ensemble. Je dois faire l’annonce du scrutin afin de respecter le délai réglementaire de cinq minutes. Je vous donnerai la parole ensuite.

    Sur l’amendement n° 84 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et par le groupe Union des démocrates indépendants d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. C’est trop facile, monsieur le président. Je regrette l’indignité avec laquelle s’est exprimée Mme la ministre (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre comportement est indigne, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont les députés de votre camp, les socialistes, qui ont scandaleusement fait référence au triangle rose alors que M. Mariton s’exprimait. Vous reprenez cette expression. Vous êtes indigne des responsabilités que vous exercez ! C’est scandaleux ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. C’est un rappel au règlement au titre de l’article 58 de notre règlement.

    Je voudrais que Mme la garde des sceaux s’explique. On ne peut pas laisser passer des interventions comme celle-là. La référence qui a été faite à l’occasion de la discussion générale a suscité beaucoup de réactions de notre groupe. On avait d’ailleurs demandé une suspension de séance lorsqu’un collègue de la majorité avait fait référence au triangle rose.

    Tout n’est pas permis dans cet hémicycle. Il y a des sujets sur lesquels on peut se retrouver, et jouer sur de telles références est scandaleux et indigne. C’est pour cela que je ne pouvais pas laisser passer les propos de Mme la garde des sceaux, qui utilise ces réactions pour refaire référence à ce sujet et pour essayer à nouveau d’enflammer l’hémicycle.

    Vraiment, je souhaiterais qu’après cette réaction, madame la garde des sceaux, vous nous disiez un mot d’apaisement et qu’on ne reparte pas sur ces bases-là, parce que, bien évidemment, le débat se passera mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Il est normal que, quand on utilise un certain nombre de propos, qui n’ont pas simplement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    Laissez-moi parler, nous sommes dans un débat, nous pouvons utiliser des propos, et l’histoire fait partie de ce que nous pouvons convoquer, sans pour autant être mis en cause, quand nous débattons dans l’hémicycle.

    M. Jean-François Copé. Quand c’est nous, c’est choquant, quand c’est vous, ce sont « des propos » !

    M. Bruno Le Roux. Ce sont plutôt des amalgames, la question du triangle rose a pu être évoquée dans la discussion générale, sans faire référence d’ailleurs, et sans que personne sur aucun de vos bancs ne s’estime montré du doigt par cette expression.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Si ! Si !

    M. Bruno Le Roux. Quand cela a été évoqué, en tout cas, ce n’était en direction d’aucun d’entre vous. Si vous hochez la tête en me disant « si ! », cela montre bien la façon dont vous pensez vous-même être le relais, aujourd’hui, peut-être, d’un certain nombre d’idées. Ce n’était pas la volonté du groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Pour autant, les amalgames qui ont été faits, notamment ce qu’a rappelé Mme la garde des sceaux, dans des propos qui, là, n’étaient pas une référence à l’histoire, cet amalgame entre triangle rose et triangle noir, méritaient, je le pense, la mise au point qui a été celle de Mme la garde des sceaux. Je veux, une fois de plus, par rapport à ce débat et à ce que sous-tend ce débat, lui apporter le soutien total du groupe socialiste pour les propos qu’elle a tenus et qui visent à la clarté du débat. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. C’est pas beau, ce que vous faites !

    M. Bruno Le Roux. Ce qui n’est pas beau, c’est que vous interrompiez sans cesse le débat (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour faire en sorte qu’il sombre de cette façon. Ce qui n’est pas beau, c’est que vous soyez toujours sur des amalgames qui ne sont pas la façon dont nous voulons poser les choses mais qui mesurent bien les conséquences d’un certain nombre de propos que vous avez tenus…

    M. Pierre Lequiller. Que vous avez tenus, vous !

    M. Bruno Le Roux. …et, en l’occurrence, qui ont pu être tenus dans des manifestations, ce que nous avons noté dans cet hémicycle, et nous avons le droit de le faire.

    Alors arrêtez, arrêtez de prendre tous les propos pour vous, menez le débat sur le fond, essayez d’assumer vos positions comme nous le faisons aujourd’hui…

    M. Patrick Ollier. C’est ce que nous faisons !

    M. Bruno Le Roux. …et retrouvons de la sérénité dans ces débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Aboud, si vous voulez la parole pour un fait personnel, vous l’aurez, comme le prévoit le règlement, à la fin de notre séance. Je vous ai inscrit.

    La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Je vais être très bref et je veux m’exprimer avec beaucoup de calme.

    La référence, choquante, humiliante, au triangle rose qui a été faite, elle a été faite par qui ? Elle a été faite par un député de votre groupe, monsieur Le Roux ! Elle a été faite par la garde des sceaux du gouvernement que vous soutenez. C’est donc aujourd’hui à eux que nous demandons d’avoir – je ne parle pas d’excuses – au moins un mot d’apaisement, parce qu’on ne peut pas continuer avec ce niveau de débat, d’invectives et d’insultes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Madame la garde des sceaux, j’attends de vous ce mot d’apaisement !

    M. le président. Je vous propose que l’on écoute maintenant les intervenants qui répondent à la commission et au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président !

    M. Marc Le Fur. Mme la garde des sceaux veut parler !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous donnez des leçons sur le vocabulaire, quand, dans vos rangs, on parle d’« enfants Playmobil » ? Monsieur Aboud, le Journal officiel l’atteste ! Vous dites : « Ce ne sera pas le triangle rose, ce sera le triangle noir ! » Et c’est de moi que vous voulez des propos d’apaisement ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. Bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez pas tout vous permettre dans cet hémicycle ! Vous ne pouvez pas tout vous permettre dans cet hémicycle ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Mes chers collègues, nous n’allons pas reprendre nos travaux dans ce climat. Je propose une suspension de dix minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à minuit.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. La séance est reprise.

    Mes chers collègues, cette suspension a duré plus longtemps que prévu, car nous avons demandé au service du compte rendu de nous transmettre le texte des interventions mises en cause. Ces interventions ont été relues par les uns et les autres. J’estime que l’incident est clos.

    Plusieurs orateurs sont inscrits pour répondre au Gouvernement et à la commission.

    La parole est à M. Étienne Blanc.

    M. Étienne Blanc. Notre groupe ne votera pas cet article, lequel est funeste sur le fond et sur la forme.

    Notre collègue Xavier Breton s’exprimera sur le fond.

    S’agissant de la forme, je considère, pour ma part, qu’un article balai inséré dans le code civil sur un sujet aussi essentiel que le coup porté à l’altérité des sexes n’a pas de sens.

    Monsieur le président de la commission des lois, vous êtes, dans cette maison, le garant d’une véritable institution : le code civil. Ce code civil a structuré, façonné notre société ; son histoire, c’est Cambacérès en 1804, les grands juristes dont les portraits et les statues sont aux portes de notre hémicycle : Cambacérès, bien sûr, Bigot de Préameneu, Tronchet, Portalis... Et voici qu’à la faveur d’un article, vous allez insérer dans notre code civil un principe qui amenuise l’altérité des sexes. Peut-on le faire de cette manière avec un article balai ? Pour ma part, je ne le crois pas.

    Sur le fond, cet article est dangereux et, sur la forme, il est totalement inadapté.

    Monsieur le président de la commission des lois, vous avez reçu, en héritage, ce code civil qui est une œuvre d’art. Balzac et un certain nombre d’auteurs romantiques du XIXe siècle l’avaient sur leur table de chevet…

    M. Dominique Baert. Ça a changé depuis !

    M. Étienne Blanc. …considérant qu’il était une base même de notre société et de notre civilisation, et sa langue un français pur et parfait. Eh bien, voici qu’à la faveur de cet article, le code civil que vous léguerez à vos successeurs aura la physionomie d’un pigeon qui a traversé un ventilateur : il n’aura plus une plume de droite ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Je vais vous décevoir, monsieur Meunier : je n’ai pas le couteau entre les dents, je l’ai oublié dans la cuisine ce matin ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    J’avoue que je ne comprends pas très bien l’argumentation de mes collègues de l’opposition. Toutes ces dernières heures, ces dernières nuits, ils nous ont expliqué que discuter sur les bancs de l’Assemblée d’un texte de loi sur le mariage était une perte de temps et qu’il était plus important de traiter du chômage et des conflits sociaux !

    De nombreux députés du groupe UMP. Eh oui !

    Mme Marie-George Buffet. Franchement, monsieur Jacob, j’ai entendu les orateurs de votre groupe et je les invite à venir avec moi, demain à treize heures trente, pour soutenir les salariés de PSA qui manifestent contre les licenciements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Marie-George Buffet. Dans le même temps, vous nous expliquez que les Françaises et les Français que vous rencontrez ne pensent qu’à une chose : la disparition du code civil des mots de « père et mère » au profit du mot « parents ». (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) En fait, comme vous l’a très bien dit Mme la garde des sceaux, « père et mère » ne disparaissent pas, non plus que « mari et femme ». Cet article précise tout simplement que les couples homosexuels peuvent être concernés par ces termes, et c’est ce que vous ne tolérez pas ! Certes, vous estimez qu’il faut prendre en compte les problèmes des couples homosexuels, mais par des règles qui seraient les leurs. Vous avez inventé un sous-mariage avec votre système d’alliance, vous voulez un système spécial pour l’adoption et il en va de même pour la dévolution des noms ! Vous voulez édicter une règle pour une communauté à la marge, les « bobos » ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Eh bien, cet article propose que, chacun et chacune, hétérosexuel ou homosexuel, ait les mêmes droits ! Tel est le principe de notre République et tel est le sens de cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Dolez. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton. Au-delà de l’incertitude juridique de l’article balai, la question de fond posée par cet amendement est la suivante : un couple d’hommes ou de femmes est-il identique – je dis identique, pas égal – à un couple homme-femme ? Vous nous répondez : oui, parce que vous prétendez nier l’altérité sexuelle, parce que vous êtes aveuglés, illuminés par l’idéologie du gender. C’est pour cette raison que vous étiez prêts à supprimer les mots « père et mère » du code civil. Le problème, c’est que la réalité résiste. Un couple homme-femme n’est pas identique – je n’ai pas dit égal – à un couple de deux hommes ou à un couple de deux femmes. Et, parce que la réalité résiste, c’est aussi la société qui résiste. C’est elle qui s’est levée contre cette suppression des mots « père et mère » dans de nombreux articles du code civil. Mais, pour des idéologues comme vous, il est insupportable de voir la réalité résister, de voir la société résister ! Alors, que vous reste-t-il à faire ? Il vous reste à changer le sens des mots. Vous le faites au détour d’un amendement balai qui fait dire aux mots des choses qu’ils ne disent pas. Le problème, c’est que les mots, comme la réalité et comme la société, résistent aussi ! Que disent les mots de votre amendement balai ? Ils disent aux couples de personnes de même sexe que, dans notre droit, ils ne seront pas nommés « parents », mais qu’ils seront nommés « père et mère ». Dans notre droit, deux hommes ne seront pas nommés « époux », mais ils seront nommés « mari et femme ». Dans notre droit, deux femmes ne seront pas nommées « épouses », mais « mari et femme ». Je suis convaincu que tous les couples de personnes de même sexe apprécieront ! Ils apprécieront ces mensonges ! Ils apprécieront votre lâcheté ! Ils apprécieront votre incapacité à vivre avec la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), votre incapacité à penser la différence et à la nommer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. Xavier Breton. Oui, mesdames, messieurs les députés socialistes, vous êtes des illuminés ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Henri Jibrayel. C’est poussiéreux !

    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, votre argumentaire est faible. En effet, vous invoquez les notaires. Or je ne savais pas, mon cher collègue, que les notaires légiféraient à notre place !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’a jamais dit cela !

    M. Charles de Courson. Il est un peu faible, sur la forme, d’invoquer ce genre d’argument !

    Quant à votre deuxième argument, vous avez expliqué – et vous vous êtes fait applaudir sur les bancs de la majorité – que le code civil s’appliquait aux couples homosexuels. Mon cher collègue, vous n’avez pas dit pourquoi vous ne leur appliquiez pas les autres codes, et en particulier celui de la santé ! Vous n’avez-vous pas tranché ce problème parce qu’il y a une profonde division au sein de la majorité. On sait que, dans votre propre groupe, deux tiers y sont favorables et un tiers y est opposé. Heureusement qu’ils sont là pour vous rappeler un certain nombre de vérités centrales dont l’altérité sexuelle ! On en revient donc toujours au même débat. Il existait deux solutions. Il y avait celle que vous avez empruntée, sans aller jusqu’au bout, qui était ce que vous appelez le mariage pour tous. Encore fallait-il prévoir l’adoption, la PMA et la GPA ! Il y avait une seconde solution, celle que nous avons proposée, et qui aurait été votée au moins à 90 % de l’Assemblée, à savoir l’alliance civile, laquelle donnait les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples mariés, hormis la filiation.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. Charles de Courson. Les députés du groupe UDI sont des gens modérés, qui aiment le débat et la diversité intellectuelle. Mais il y a cette espèce d’ostracisme : nous serions des espèces de zombies qui vivent dans un autre monde ! Samedi, je me trouvais, dans ma circonscription, avec les manifestants. Je peux vous dire qu’ils n’étaient pas des zombies ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Charles de Courson. Il y avait toutes les races, toutes les religions ! La diversité était extrême ! Donc il faut écouter ! Je vous respecte, mes chers collègues. Respectez les autres !

    M. le président. Concluez, monsieur de Courson !

    M. Charles de Courson. Je m’adresserai à Mme la ministre. Elle sait que je la connais depuis de nombreuses années.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est réciproque !

    M. Charles de Courson. Nous avons souvent eu ensemble des débats privés. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Bien sûr !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elle semble ne pas se le rappeler !

    M. le président. Je vous donne cinq secondes, monsieur de Courson !

    M. Charles de Courson. Madame la ministre, dans un débat aussi délicat…

    M. le président. Monsieur de Courson, le temps de parole est de deux minutes pour tous !

    M. Charles de Courson. …il faut respecter la diversité…

    M. le président. Je vous remercie ! C’est pour tout le monde pareil !

    M. Jean Glavany. Les mêmes droits pour tous !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout. Il faut reconnaître à nos collègues de l’opposition une certaine constance dans leur entêtement à refuser l’égalité des droits pour tous. Pour appuyer leurs démonstrations, ils sont prêts à tous les mensonges. Alors qu’ils ont tenté de faire passer le projet de création d’une union civile, certaines et certains, lorsqu’ils ont défendu leurs amendements, ont même voulu faire croire que nous avions introduit une discrimination en instaurant une distinction entre les catégories de couples !

    Je reviens plus précisément à vos amendements. Non, les termes « père et mère » ne disparaissent pas. Répéter cent fois un mensonge n’en fait pas une vérité !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

    M. Jean-Louis Bricout. Vous le savez fort bien, le code civil n’est pas modifié : on l’ouvre aux couples de même sexe. Il s’agit d’une disposition technique et de bon sens, bon sens dont vous semblez visiblement manquer ! Retrouvez-le, plutôt que de créer des peurs artificielles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

    M. Sergio Coronado. Chers collègues, qui peut croire sérieusement que l’article 4 de ce projet de loi supprime l’altérité des sexes ou supprimera les pères et les mères ? Qui peut croire sérieusement que, quand on utilise l’expression « parents », c’est pour promouvoir la théorie du genre ? Je crois que vous étiez un peu fatigués hier soir, et je peux le comprendre, parce que la nuit a été longue, lorsque notre collègue Hervé Mariton, qui, vous le savez, n’est pas un promoteur de la théorie du genre, a présenté les amendements n°s 1922, 1896 et 1900 dans lesquels ne figure pas l’expression de père ou de mère, mais celle de parents. Ce procès que vous intentez, aujourd’hui, au rapporteur et au Gouvernement est infondé et il ne vise qu’à retarder les débats. Je comprends que l’habileté dont a fait preuve le rapporteur, avec cet amendement, vous prive d’une occasion supplémentaire de faire de l’obstruction. C’est de bonne guerre !

    Je voudrais m’adresser solennellement au président de l’Assemblée. L’obstruction ne doit pas, cher président, nous conduire à fermer et à durcir les conditions du débat.

    M. Charles de Courson et M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

    M. Sergio Coronado. Et je conclus. Ce débat nous a permis d’être éclairés, d’apprendre des choses. Je ne le dis pas uniquement parce que j’appartiens à un groupe minoritaire. J’ai le sentiment que les arguments de la majorité commencent à porter. J’en veux pour preuve la déclaration de Nathalie Kosciusko-Morizet qui a annoncé son abstention sur le projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) J’aurais, par conséquent, aimé l’entendre vendredi dernier, si vous lui aviez laissé la parole.

    M. le président. Vous disposez de deux minutes !

    M. Sergio Coronado. Lorsque j’ai entendu notre collègue Lellouche, j’ai également appris des choses sur l’évolution de l’opposition.

    En 1998, lors du débat sur le Pacs, des membres de l’opposition comparaient les couples de même sexe à des animaux de compagnie. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

    M. Sergio Coronado. Des membres de l’opposition proposaient même de les stériliser ! Aujourd’hui, vous ne faites qu’une proposition : le refus de l’égalité des droits. Je crois qu’on avance, chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

    M. Marc Dolez et Mme Marie-George Buffet. Très bien !

    M. le président. Monsieur Coronado, imaginez ce que serait la présidence face à l’opposition, si je ne donnais longuement la parole qu’à ceux qui s’apprêtent à s’abstenir ou à voter le texte ! Ce serait difficile à vivre pour l’opposition tout comme pour moi…

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 84, 188, 217, 412, 531, 608, 724, 1241, 1258, 1425, 1510, 1638, 1750, 1961, 2177, 2198, 2240, 2579, 2775, 2845, 2953, 3069, 3162, 3304, 3340, 3668, 3687, 3784, 3904, 4079, 4655, 4674, 4829, 4870, 5153, 5272, 1306 et 5307.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 319

    Nombre de suffrages exprimés 319

    Majorité absolue 160

    Pour l’adoption 119

    contre 200

    (Les amendements, n°s 84, 188, 217, 412, 531, 608, 724, 1241, 1258, 1425, 1510, 1638, 1750, 1961, 2177, 2198, 2240, 2579, 2775, 2845, 2953, 3069, 3162, 3304, 3340, 3668, 3687, 3784, 3904, 4079, 4655, 4674, 4829, 4870, 5153, 5272, 1306 et 5307, ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2106 et 3020.

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2106.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Mme la garde des sceaux nous a fait tout à l’heure une grande déclaration sur le mode : ne vous inquiétez pas, je veille, rien n’est changé ! Quand je reprends l’article 4, pourtant, je lis que les mots « mari » et « femme » sont remplacés par le mot « époux », les mots « beau-père » et « belle-mère » par les mots « beaux-parents », les mots « père » et « mère » par le mot « parent ». Qu’on arrête donc de nous faire croire que cet article ne changera rien.

    Si le code civil ne mentionnait pas expressément que le mariage unit deux personnes de sexe différent, c’est que tout le code civil le sous-entend, comme le montrent d’ailleurs les suppressions des mentions sexuées nécessaires pour pouvoir ouvrir le mariage aux couples de même sexe.

    Pour mettre en cohérence le code civil avec votre texte, vous êtes obligés d’affecter l’état civil pour désexualiser tous les termes. Or vous eussiez dû renoncer à détricoter le droit de la filiation et les règles de l’état civil. Vous ne devriez pas méconnaître qu’un système de filiation et de parenté – et c’est valable pour l’adoption – doit être plausible et cohérent afin de donner à chacun sa place dans la famille et sa place dans la société.

    Vous remettez en cause cette place de chacun par des dispositions lourdes de conséquences. Parce que les mots ont un sens, je vous demande de renoncer à cet article 4. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (M. Christophe Sirugue remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Christophe Sirugue

    vice-président

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3020.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mme Dalloz vient de très bien exposer les motifs qui me conduisent à soutenir le même amendement. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le détail à la faveur de l’examen des amendements suivants.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Il n’a pas échappé à l’Assemblée que l’article 1er du texte ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe avait été adopté. Il faut donc en tirer les conséquences dans le code civil. L’article 4 est un article de cohérence.

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 2106 et 3020, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’arrive pas à entendre qu’on ne change rien dans le code civil alors que quand on lit l’article 4, toutes les modifications tirent justement les conséquences de l’article 1er. Que ce dernier ait été adopté, madame la garde des sceaux, nous ne pouvons qu’en convenir même si nous ne l’avons pas voté, puisque vous bénéficiez du fait majoritaire – c’est ainsi, c’est la démocratie qui s’est exprimée. Néanmoins, nous sommes en droit de vous dire que l’article 4 modifie énormément l’article 75, l’article 206, l’article 601 et l’article 717 du code civil.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh oui !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Qui plus est, avec la création d’un article 718 qui entend qu’on parle de « parents de même sexe » quand on fait référence aux père et mère, on change bien le code civil. C’est certes une conséquence de l’article 1er mais nous avons le droit de nous opposer à ces modifications parce qu’elles vont profondément changer le code de la famille et le code civil.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2106 et 3020.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 285

    Nombre de suffrages exprimés 285

    Majorité absolue 143

    Pour l’adoption 102

    contre 183

    (Les amendements identiques nos 2106 et 3020 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 1731, 1739, 2352, 3429 et 4056.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1731.

    M. Dominique Tian. Cet amendement vise à insérer, à l’alinéa 3, après la référence : « VII », les mots : « et de l’article 34 ».

    On veut nous faire croire que, dans toute la législation existante, « père et mère » ou « mari et femme » peuvent vouloir dire « deux hommes » ou « deux femmes » sous prétexte d’étendre le mariage et la filiation à des couples de même sexe. Or cette fiction juridique se heurte manifestement aux principes de clarté et d’intelligibilité de la loi. En outre, elle a des conséquences pour tous les couples puisqu’elle vide de son sens la réalité de l’altérité sexuelle et de la filiation biologique.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1739.

    M. Marc Le Fur. Je ne comprends toujours pas pourquoi on est passé d’un texte initial émanant du Gouvernement à un texte émanant de la commission.

    M. Christian Estrosi. Eh oui !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout simplement parce que c’est le règlement !

    M. Marc Le Fur. Comme les explications que vous nous fournissez ne sont pas satisfaisantes, je persiste à penser que la seule finalité de ce changement était de donner l’illusion à l’opinion que les choses ne changeaient pas pour les couples et les familles hétérosexuels et que ce texte ne concernait que les couples homosexuels.

    Or nous faisons ici la démonstration – comme nous l’avons fait pour les noms de famille – que cette affaire concerne l’ensemble des familles de France.

    M. Christian Estrosi. Bien évidemment !

    M. Marc Le Fur. Et nous ne le souhaitons pas. C’est pourquoi, sur chacun des 187 articles concernés, nous allons déposer un amendement…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Et ça, ce n’est pas de l’obstruction ?

    M. Marc Le Fur. …afin que dans chacun de ces 187 articles, on en revienne à la disposition initiale, à celle qui fait toute la force du code civil, comme l’a très bien dit notre collègue Étienne Blanc. Nous l’affirmerons et le répéterons, monsieur le président de la commission, et nous avons bien l’intention d’exercer ce droit. Il est des moments où il faut savoir se battre pour préserver ce qui pour nous reste l’essentiel : papa, maman, père et mère ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Estrosi. Ça, c’est une intervention !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2352.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens sur l’adoption, puisque cet article est de coordination, et profite de l’occasion qui m’est offerte pour demander à nouveau aux ministres comment les registres d’état civil seront tenus, comment les actes d’état civil seront formulés. C’est une question essentielle.

    M. Christian Estrosi. Et même une question pertinente !

    M. Philippe Gosselin. Cette question dépasse le livret de famille, document administratif. L’acte civil a une valeur particulière et vous le savez tous. Nous sommes confrontés ici à une vraie difficulté…

    M. Christian Estrosi. En tant que maire, je le confirme !

    M. Philippe Gosselin. …et je souhaite que Mme la ministre de la famille ou, mieux, Mme la garde des sceaux réponde très précisément sur ce point.

    Je reviendrai sur cette difficulté tout au long de la soirée : nous sommes en train de faire exploser le droit de la filiation et je vous le démontrerai.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. N’importe quoi !

    M. Philippe Gosselin. Soyons très prudents !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3429.

    M. Hervé Mariton. Nous ne pratiquons pas l’obstruction mais nous souhaitons des précisions sur les dispositions « balayées » par l’article 4. Je pense en particulier à l’article L. 34 du code civil qui rassemble des dispositions générales sur les actes d’état civil. Il est important de mesurer la fiction construite par l’article balai. Dois-je rappeler que l’article L. 34 dispose que « les actes de l’état civil énonceront l’année, le jour et l’heure où ils seront reçus, les prénoms et nom de l’officier de l’état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance : des père et mère dans les actes de naissance et de reconnaissance (…) » ?

    Comment allez-vous demain écrire les actes de naissance et de reconnaissance ?

    M. Régis Juanico. Avec un stylo !

    M. Hervé Mariton. Vous allez dire, quand il ne s’agira pas des « père et mère », que c’est « comme si »…

    On ne construit pas une société sur la base d’une fiction car ainsi vous provoquez à la fois l’effondrement de ce qui existe et la fragilité de ce que vous construisez de neuf. Vous abîmez ce qui existe et vous battez de la fausse monnaie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4056.

    M. Philippe Meunier. Avec ce projet de loi, vous détricotez notre code civil. Toutes les familles de France le savent. Elles seront touchées par votre texte néfaste, pour reprendre le qualificatif employé par Étienne Blanc, par votre texte funeste même. Vous ne pouvez plus le nier. C’est la raison pour laquelle nous soutenons ces amendements, souhaitant que nos collègues de la majorité se ressaisissent et nous suivent dans cette démarche.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Si la commission et le Gouvernement avaient fait un petit effort d’attention, ils auraient pu me répondre comme je vais me répondre à moi-même.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bonne idée !

    M. Hervé Mariton. Je vais retirer mon amendement. L’article L 37 ne comporte pas de dimension sexuée et il n’y a donc pas de raison, de mon point de vue, de considérer qu’il y a une alerte sur cet article. Il y en a assurément une sur l’article L. 34, de même que sur bien d’autres, mais pas sur le L. 37.

    Aussi, si vous écoutiez un peu les questions que nous vous posons – et moi-même je confesse qu’il y a manifestement une erreur de ma part –, vous auriez pu me répondre que l’article balai ne pouvait pas concerner l’article L. 37 si l’on s’en tient à sa rédaction : « Les témoins produits aux actes de l’état civil devront être âgés de dix-huit ans au moins, parents ou autres, sans distinction de sexe ; ils seront choisis par les personnes intéressées. »

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. L’article L. 37 n’existe pas !

    M. Hervé Mariton. Comment cela ? Non, c’est bien ce que j’ai indiqué, je confirme ce que j’ai dit et retire mon amendement.

    (L’amendement n° 3429 est retiré.)

    M. le président. Je suis saisi, sur le vote des amendements identiques nos 1731, 1739, 2352 et 4056, d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je me permets de demander à nouveau la parole car je suis d’une bonne foi désarmée : il a suffi que le président et le rapporteur semblent soutenir que je m’étais trompé. Or, après vérification, je confirme mes propos et donc le retrait de mon amendement.

    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir rester à vos places, en attendant le délai nécessaire au déroulement du scrutin public.

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Merci, monsieur le président.

    Je reviens avec beaucoup d’insistance vers madame la garde des sceaux et madame la ministre de la famille, mais ma question s’adresse surtout à la première. Je souhaiterais à nouveau que madame la garde des sceaux nous précise comment seront rédigés les actes d’état civil pour les enfants adoptés par des personnes de même sexe. C’est une question très importante. Je pense que vous allez progressivement voir où je veux en venir, car nous allons au-devant de vrais problèmes. Vous introduisez cet article balai, sans modifier réellement un certain nombre d’articles du code civil. Je vous demande à nouveau de nous fournir quelques explications complémentaires, susceptibles d’éclairer l’Assemblée.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1731, 1739, 2352 et 4056.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 273

    Nombre de suffrages exprimés 273

    Majorité absolue 137

    Pour l’adoption 92

    contre 181

    (Les amendements identiques nos 1731, 1739, 2352 et 4056 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques nos 2402, 4119 et 4388.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2402.

    M. Philippe Gosselin. Cet amendement vise à la suppression partielle de l’article 4. C’est une réponse à l’article balai de notre rapporteur qui, par ce tour de passe-passe, opère forcément quelques redistributions de cartes.

    Je reviens à nouveau vers madame la garde des sceaux, et j’y reviendrai autant que nécessaire. Je souhaiterais au moins que madame la garde des sceaux puisse nous apporter un début de réponse sur la rédaction des actes de l’état civil concernant les enfants adoptés par des personnes de même sexe, parce que cela va réellement avoir une incidence que la loi ne prend pas en compte. Nous allons au-devant de grosses difficultés, et peut-être serons-nous même dans l’impossibilité d’appliquer la loi, si elle vient à être votée.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4119.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est celui-là, qui porte sur l’article 37 !

    M. Hervé Mariton. Oui, j’ai bien compris : j’avais un amendement d’avance. Donc je reprends mon propos de tout à l’heure et je retire cet amendement. Vous voyez : il nous arrive, dans l’opposition, d’être en avance, et dans ce débat en particulier.

    M. Marc Le Fur. Bravo !

    (L’amendement n° 4119 est retiré.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier pour soutenir l’amendement n° 4388.

    M. Philippe Meunier. Madame la garde des sceaux, M. Philippe Gosselin vous a posé une question très importante et nous souhaitons avoir une réponse, s’il vous plaît. Merci.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

    Monsieur Mariton, tout à l’heure, et c’est tout à votre honneur, vous reconnaissiez votre erreur et vous étiez disposé à retirer votre amendement, au point de provoquer un léger trouble. (Sourires). Pour ma part, je n’ai pas été surprise, car il y a eu d’autres erreurs, que nous avons laissé passer : nous avons vu un amendement qui traitait des couples de « sexes différents » : l’accord était juste, mais le substantif était inutilement pluriel. Compte tenu de la masse d’amendements que vous avez déposés, il est normal que des erreurs matérielles de ce type aient pu se produire.

    Monsieur le député Gosselin, vous me dites que vous êtes prêt à répéter indéfiniment vos questions. J’aimerais vous éviter de le faire, mais je ne suis pas sûre d’y parvenir, car l’expérience a montré, depuis mardi, que plus nous vous apportons de réponses, et plus vous répétez vos questions. Je ne comprends pas bien la question que vous posez, ou en tout cas la manière dont vous la formulez…

    M. Philippe Gosselin. Je vais la formuler autrement, alors.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’accord : je vous laisse la formuler autrement et je vous répondrai très volontiers.

    M. le président. Sur les amendements nos 2402 et 4388, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Olivier Véran.

    M. Olivier Véran. Depuis maintenant plusieurs jours, vous vous efforcez de dissimuler le vide de votre argumentaire derrière des procédures qui commencent à devenir indigestes pour tout le monde, car elles sont nappées de mensonges. Ce qui vous dérange, je crois, c’est que la majorité est en train d’atteindre ses objectifs. Quels sont-ils ? D’abord, de créer un droit nouveau, sans en retirer à quiconque ; celui de prôner l’égalité, quand vous préférez à nouveau monter les Français les uns contre les autres…

    M. Philippe Meunier. Ils ne sont pas descendus dans la rue à cause de nous !

    M. Olivier Véran. …celui d’accueillir dans la République tous les enfants de France, quand vous fermez les yeux sur des situations devenues inacceptables ; celui de rendre à la France la place qui était hier la sienne dans le baromètre de la fraternité, quand vous soutenez des positions franchement anachroniques.

    M. Marc Le Fur. C’est du baratin !

    M. Olivier Véran. Durant ces derniers jours, vous avez demandé successivement la suppression du droit d’adoption des célibataires, qui est reconnu depuis 1966, et la remise en cause, pour tous les couples, quels qu’ils soient, de la PMA…

    M. Hervé Mariton. C’est faux !

    M. Olivier Véran. …qui, depuis trente ans, voit naître 50 000 enfants par an en France, et qui est pratiquée partout en Europe. Vous vous battez pour retirer à un parent le simple droit de pouvoir s’appeler un parent. Et demain, qu’allez-vous supprimer ? L’IVG ? Le droit au divorce ? Nous vous attendons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous mentez aux Français ! (Mêmes mouvements) Vous mentez aux Français ! (« Allez ! Allez » sur les bancs du groupe UMP.) Ça vous énerve ? Nous aussi. Je suis, et je resterai, le père de mon fils. Mon épouse est, et restera, la mère de mon fils. Nous sommes et nous resterons les parents de notre fils. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Notre livret de famille ne changera pas. Vous mentez aux Français, mais prenez garde ! Tous les champignons sont comestibles, mais certains le sont une fois seulement. Actuellement, nous frôlons tous l’indigestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Marc Le Fur. C’est complètement ridicule !

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. L’intervention assez curieuse que vient de faire à l’instant l’orateur de l’opposition…

    Plusieurs députés du groupe SRC. De la majorité !

    M. Guillaume Larrivé. …montre que certains membres de la majorité perdent le sens commun. Charles de Courson a évoqué tout à l’heure le roman 1984 de Georges Orwell. J’ai le sentiment que certains des membres de la majorité sont des lecteurs du Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce livre décrit une folie de destruction des livres ; eh bien vous, vous avez la volonté d’effacer, de renier, d’ébranler le code civil, et c’est profondément regrettable. Vous avez décidé, au fond, de céder à une espèce de pulsion de destruction…

    M. Christian Paul. Oh !

    M. Guillaume Larrivé. …et vous en êtes manifestement très heureux. Nous, nous en sommes véritablement très inquiets. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2402 et 4388.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 271

    Nombre de suffrages exprimés 271

    Majorité absolue 136

    Pour l’adoption 87

    contre 184

    (Les amendements n° 2402 et 4388 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Yann Galut. Ça faisait longtemps !

    M. Hervé Mariton. Sous votre contrôle, monsieur le président, je crois que nos collègues devraient maîtriser leur tempérament. Qu’est ce que c’est que cette histoire de champignons vénéneux ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est une phrase de Coluche ! Quelle culture !

    M. Hervé Mariton. Non mais attendez ! Nous considérons qu’il est important de préserver la cohérence et la clarté du code civil, et qu’on ne peut pas faire semblant.

    Même compte tenu de ma maladresse de tout à l’heure, je maintiens qu’il convient de faire le tri entre les dispositions du code civil qui nous paraissent être affectées par votre réforme, parce que ce sont des dispositions sexuées, comme l’article 34, et celle qui ne le sont pas, comme l’article 37.

    Mes chers collègues, quand vous nous parlez de fraternité, si vous suivez Mme Mazetier, qui veut supprimer les écoles maternelles…

    Mme Corinne Narassiguin. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement. Je vous demande de bien vouloir terminer votre propos.

    M. Hervé Mariton. Je conclus, monsieur le président. Je voudrais demander à la majorité comment, dans la novlangue qu’elle ne manquera pas d’imposer à la France, elle va traduire le mot « fraternité ».

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1737.

    M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu. Il s’explique par son exposé sommaire.

    Je voudrais, à mon tour, appeler notre collègue de la majorité qui s’est exprimé tout à l’heure à plus de modération. Les intentions qu’il nous prête ne sont apparues à aucun moment dans nos débats, du moins pas en ma présence, et je ne me suis guère absenté.

    Je le remercie, par ailleurs, d’avoir insufflé un peu d’énergie dans l’hémicycle à l’heure qu’il est. Il commence à se faire tard et nous sommes sensibles à son aide.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1748.

    M. Marc Le Fur. On voit apparaître des choses bizarres, comme le « thermomètre de la fraternité »…

    M. Jean-Yves Caullet et M. Matthias Fekl. Le baromètre de la fraternité, pas le thermomètre !

    M. Marc Le Fur. …comme si cela se mesurait ! Il y a des choses qui ne se mesurent pas, qui relèvent du cœur et des sentiments : évitez-nous ce genre de chose !

    Cet amendement a pour but d’éviter que votre funeste projet ne s’applique à l’article 63 du code civil. Que dit l’article 63 du code civil ? « Avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. » Il s’agit de la publication des bans : les juristes savent combien cet acte est important.

    Eh bien, dans l’hypothèse où un mineur se marierait – cette hypothèse existe encore dans notre code civil, même si ce cas de figure est devenu très marginal –, le code civil indique que l’audition du futur conjoint mineur doit se faire « hors la présence de ses père et mère ». Et vous, vous voulez écrire « parents » : nous ne le souhaitons pas, et c’est pourquoi nous voulons que l’article 63 conserve sa rédaction actuelle. J’y insiste !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2353.

    M. Philippe Gosselin. Cet amendement vise à alerter sur les conséquences qu’aurait sur le droit français l’adoption du texte ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, avec des conséquences très importantes sur la filiation. En cas d’adoption plénière, il y a une substitution complète de filiation. Or les articles de coordination et l’article balai ne permettent pas de répondre à un principe essentiel du droit français de la filiation. Puisque le temps qui m’est imparti est trop court, j’aurai l’occasion d’y revenir. J’ai l’air de brandir une boîte à mystère, mais j’y reviendrai.

    Soyez néanmoins alertés dès maintenant du risque, plus que sérieux, de violation d’un principe essentiel du droit français de la filiation, à la suite d’un certain nombre d’arrêts de la Cour de cassation, dont je ferai part un peu plus tard.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3455.

    M. Hervé Mariton. L’article 63 est intéressant : il présente les dispositions du mariage et il emploie assez peu les mots « père » et « mère ».

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah ! J’allais vous le dire !

    M. Hervé Mariton. Il emploie ces mots de « père » et de « mère » dans la circonstance qu’a évoquée Marc le Fur. Cette circonstance montre que, dans notre droit actuel, quand on parle de mariage, les mots « père » et « mère » ou « mari » et « femme » ne sont pas si souvent employés que cela.

    Mais ils sont tout entiers dans le texte. Sinon, l’évocation, dans le texte relatif aux mineurs, des mots « père » et « mère » n’aurait pas de sens. Quand on désigne les parents d’un mineur qui se marie, on parle bien du père et de la mère. Tout cela montre bien que l’édifice repose sur le mariage d’un homme et d’une femme, et que, dans le cas exceptionnel du mariage d’un mineur, l’articulation se fait avec le père et la mère, dans la succession et le fil des générations.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, jusqu’à maintenant.

    M. Hervé Mariton. Jusqu’à maintenant, en effet.

    Mais comme l’expliquait un amendement précédent que je n’ai pas défendu, le mariage dans le Code civil est bien celui d’un homme et d’une femme, et si ce n’est pas souvent précisé dans la rédaction, c’est parce que cela va de soi.

    M. le président. Veuillez conclure.

    M. Hervé Mariton. L’application du raisonnement de l’article balais à cet édifice le démolit complètement. Si « homme » et « femme » figuraient à chaque article du Code civil, à la limite, la transposition…

    M. le président. Je vous remercie.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4074.

    M. Philippe Meunier. Mes chers collègues, je suis très inquiet pour vous parce que jour après jour, vous êtes en train de rejeter nos amendements. Et plus vous rejetez nos amendements, plus vous décidez nos compatriotes à aller manifester le 24 mars prochain.

    Ressaisissez-vous ! Adoptez nos amendements ! Cela évitera de voir des centaines de milliers de nos compatriotes défiler dans les rues le 24 mars pour repousser votre projet de loi. Il sera adopté par cette assemblée, malheureusement, parce vous êtes majoritaires dans l’hémicycle. Mais vous ne l’êtes plus dans le pays !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. Toutes ces discussions n’auraient pas eu lieu si vous aviez voté l’alliance civile.

    Vous avez, de manière obstinée, souhaité mélanger deux sujets : d’une part la question des droits et des devoirs des personnes de même sexe vivant en couple. Cette question pouvait être traitée par l’alliance civile.

    Et puis vous avez obstinément souhaité traiter une autre question, celle de la filiation. De cette erreur fondamentale commise par le Gouvernement découlent toutes vos difficultés. Si bien que cette nuit, vous vous trouvez contraints, de manière subreptice et presque honteuse, de supprimer les mots père et mère de plus de cent lignes du Code civil.

    Cette faute, mesdames et messieurs les députés de la majorité, les Français vous la feront payer en 2017, lorsque vous deviendrez la nouvelle opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Henri Jibrayel. Vous êtes visionnaire !

    M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli. Tous ces amendements identiques rappellent toujours la même chose : vous refusez une nouvelle définition du mariage, alors même que la finalité de cette institution, laïcisée en 1792 et qui a évolué depuis, n’a jamais cessé de changer depuis 2 000 ans.

    Sous l’antiquité romaine, qui a largement inspiré notre Code civil, le mariage était un acte informel et privé.

    M. Hervé Mariton. Voulez-vous qu’il le redevienne ?

    Mme Marietta Karamanli. Aucun pouvoir public n’avait à le sanctionner. On se mariait alors chez les hommes dits « libres » pour s’enrichir, puis c’est progressivement devenu une coutume.

    Progressivement, tous les chefs ont donné un nouveau sens au mariage. On s’est marié par civisme, pour donner des enfants légitimes et libres et ainsi développer la cité.

    En lieu et place de cette raison, pas vraiment convaincante, la morale des stoïciens et celle des chrétiens ont donné un autre fondement au mariage. Puisqu’il dépasse la période de l’enfantement, il devait y avoir autre chose. Cet autre fondement, c’est de faire vivre ensemble deux êtres raisonnables liés par une sorte d’amitié et une affection durable.

    Que vous le vouliez ou non, aujourd’hui, le cœur du mariage, c’est le couple. C’est ce qui explique le divorce en cas de mésentente. Rappelons qu’en France, aujourd’hui, le nombre de familles monoparentales a considérablement augmenté pour atteindre 1,76 million.

    M. le président. Il faut conclure.

    Mme Marietta Karamanli. Se marier ne tient plus au désir d’un enfant ou de fonder une famille, mais de donner de la force à une union en acceptant de s’engager et de respecter des droits et des obligations propres et réciproques.

    (Les amendements identiques nos 1737, 1748, 2353, 3455 et 4074 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 1756, 1758, 2354, 3457 et 4127.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1756.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement vous donne l’occasion de vous racheter et de faire en sorte que l’article 71 du Code civil échappe à votre infernale logique.

    L’article 71 évoque un sujet qui n’est pas si fréquent, mais très utile : l’acte de notoriété. Il est établi sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document produit qui attestent des prénoms, nom, profession et domicile du futur époux et de ceux de ses père et mère s’ils sont connus, du lieu et, autant que possible, de l’époque de la naissance et des causes qui empêchent de produire l’acte de naissance. Vous voulez remplacer les termes de « père » et « mère » par celui de parents.

    En quelque sorte, l’acte de notoriété se substitue à l’acte de naissance quand celui-ci n’existe pas, quand il a disparu, quand il convient de reconstituer les éléments d’état civil de la personne concernée.

    Nous considérons que c’est l’affaire du père et de la mère, et que ce n’est pas l’affaire des « parents ».

    C’est pour cela que nous vous proposons de conserver la rédaction actuelle de l’article 71, qui nous semble la bonne rédaction, appliquée régulièrement par nos tribunaux sans que cela ne suscite la moindre difficulté, sans que jamais quiconque n’en ait demandé la modification. C’est cette rédaction qui doit être conservée et ne pas évoluer.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1758.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie Mme Karamanli de son intervention, car elle nous donne l’occasion de répéter ce que nous disons depuis le début de ce débat : il y a bien une différence profonde de philosophie entre votre majorité et nous.

    Votre vision du mariage, réduisant désormais le mariage au couple, me paraît très éloignée de la tradition de notre Code civil sur cette réalité. Vous voulez en changer profondément le sens, à défaut d’en changer la forme.

    C’est ce que nous refusons. Je comprends que cela puisse susciter de l’impatience chez nos collègues de la majorité, nous avons connu d’autres soirées dans lesquelles c’est nous qui étions dans cette situation, mais nous profiterons de chaque occasion pour le rappeler.

    Mme la garde des sceaux a raison de nous rappeler à une certaine cohérence suite à l’adoption de l’article 1er, en nous invitant à en tirer les conséquences et à adopter l’article 4. Je comprends son point de vue, mais c’est cette différence philosophique, qui a du sens pour nous, que nous défendrons jusqu’à la fin.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour défendre l’amendement n° 2354.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens donc sur la question de l’adoption plénière, car deux minutes ne sont pas suffisantes pour exposer mon raisonnement, et je ne compte pas me résigner.

    L’adoption plénière opère une substitution totale de filiation. Je me dois maintenant d’être beaucoup plus précis car Mme la garde des sceaux a raison, je ne l’ai sans doute pas suffisamment été : l’article 310-3 du Code civil précise que la filiation se prouve par l’acte de naissance de l’enfant. Vous comprenez donc pourquoi je souhaite savoir comment sera rédigé l’acte de naissance de ces enfants qui seront adoptés de façon plénière par des personnes de même sexe.

    Vous l’avez dit, il y a des difficultés liées à l’état civil. Les enfants de ces couples vont avoir un document d’état civil particulier.

    M. Marc Le Fur. C’est important !

    M. Philippe Gosselin. C’est en effet loin d’être secondaire.

    Ce document particulier d’état civil fera apparaître immédiatement l’orientation sexuelle de ses parents. Or l’état civil d’un enfant n’est pas un élément de son identité. Comment allez-vous résoudre cette contradiction ?

    M. Philippe Martin. Même M. Mariton n’y croit pas !

    M. Philippe Gosselin. Vous aurez la nuit pour y réfléchir, je ne compte pas me laisser intimider par les remarques de mes chers collègues. Mais mon temps de parole étant écoulé, je serai obligé d’y revenir, je suis désolé.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour défendre l’amendement n° 3457.

    M. Hervé Mariton. La question posée par notre collègue Gosselin est importante, et elle mérite une réponse.

    S’agissant de l’article 71, dans la construction du mariage dans le Code civil, il n’est pas souvent rappelé que les époux sont un homme et une femme, mais il est très souvent rappelé, et encore dans cet article, qu’ils ont un père et une mère.

    La construction se fait ainsi, et le renvoi de l’époux ou de l’épouse à ses père et mère est bien une manière de dire que les époux sont mari et femme. Au passage, si par l’article balai vous prévoyez que, quand les personnes sont de même sexe, c’est comme quand on écrit père et mère lorsqu’il s’agit de deux personnes de sexe différent.

    Cela signifie donc que lorsqu’il y a écrit père et mère, c’est comme s’il s’agissait de deux personnes de même sexe ! Votre système tourne complètement en rond. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Guillaume Bachelay. C’est vous qui tournez en rond !

    M. Hervé Mariton. Vous démolissez la construction telle qu’elle existe.

    Dans le dispositif prévu, avec l’article balai et la construction de la loi, un enfant peut avoir deux mères. Et d’autres enfants seront enfants d’un père et d’une mère. Il y a des mères qui veulent être mère de leur enfant, et qui n’imaginent pas que deux personnes puissent être mère, car cela change le sens même du mot de « mère ».

    Le lien entre une mère et son enfant, le sens de ce mot, n’est pas compatible avec le fait qu’un enfant puisse en avoir deux.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour défendre l’amendement n° 4127.

    M. Philippe Meunier. J’aimerais répondre à notre collègue socialiste sur le cœur du mariage. Le cœur du mariage républicain, ce n’est pas le couple, c’est l’union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille afin que les enfants de cette famille aient un père et une mère. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    C’est cela, le mariage républicain. Je ne sais pas comment vous faites pour en arriver aujourd’hui à nous proposer ce projet de loi. (Mêmes mouvements.) Réfléchissez un peu aux conséquences de vos votes !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

    M. Gérard Sebaoun. Très attentif aux débats, j’ai entendu plusieurs intervenants hier et aujourd’hui s’appuyer sur l’argumentation de l’Académie des sciences morales et politiques. Vous avez raison, de votre point de vue, de vous y référer, mais l’Académie des sciences morales et politiques n’est pas un temple progressiste. L’un de ses membres, Mme Chantal Delsol, est une philosophe reconnue, également éditorialiste à Valeurs actuelles et au Figaro.

    M. Hervé Mariton. Et alors ?

    M. Gérard Sebaoun. Dans le Figaro, je préfère lire la chronique d’un ancien ministre de Jacques Chirac, également éminent philosophe, qui s’appelle Luc Ferry.

    M. Hervé Mariton. Et qui a une vision de la famille que nous ne partageons pas !

    M. Gérard Sebaoun. Il a écrit une chronique, dont on peut débattre, exprimant sa conviction en faveur de l’homoparentalité et de l’adoption. Je vous lis simplement ce qu’il nous disait : « S’agissant de ce grand débat, nous ne sommes pas dans une conversation privée où chacun affirmerait haut et fort son avis personnel au nom de son éthique ou de sa religion. Il s’agit d’abord et avant tout d’élargir l’horizon, de se mettre à la place des autres, de saisir tous les points de vue car c’est bien là la première exigence de la loi républicaine. »

    Il me semble que c’est ce que nous faisons ici depuis des mois lors des auditions, depuis longtemps en commission, et sans discontinuer depuis une semaine dans cet hémicycle. Nous avons été rejoints par une tribune parue samedi dans le Monde, signée par des membres éminents de l’UDI comme Jean-Christophe Lagarde, Rama Yade, Yves Jégo ou Chantal Jouanno. Je ne parle pas des membres de l’UMP qui sont très sensibles à nos arguments. Nous avons la conviction de faire avancer le droit de tous les Français, et pas seulement de notre côté de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. L’entreprise de destruction se poursuit à l’intérieur même du système, puisque vous touchez à l’homéostasie profonde du code civil, qui est un ensemble devant avoir une cohérence interne.

    Hier et cet après-midi, nous avons abordé la question de la destruction des noms. Aujourd’hui, M. Mariton, dont la puissance du raisonnement est tellement connue qu’il est écouté au-delà de cet hémicycle (Sourires et exclamations sur divers bancs),…

    M. Bernard Lesterlin. Vous êtes très complémentaires !

    M. Nicolas Dhuicq. …a soulevé une question très importante. Au-delà de la confusion des noms, que nous évoquons depuis plusieurs heures et qui engendrera inéluctablement, au fil des générations, une complexité ingérable, se pose la question du partage des mots « père » et « mère ». En effet, l’ajout d’un « s » au mot « père » ou « mère » ne signifie pas que l’enfant peut avoir réellement deux pères ou deux mères, même si cette fiction est transcrite dans l’état civil. Dans un couple de personnes de même sexe, l’un des parents pourra ne pas souhaiter partager la paternité ou la maternité avec le compagnon qui a élevé l’enfant avec lui ou avec elle. Il s’agit d’une question profonde ! Vous créez de nouveau un déni et une rupture, mais cette fois à l’intérieur même des couples de personnes de même sexe. Adoptez donc notre amendement !

    (Les amendements identiques nos 1756, 1758, 2354, 3457 et 4127 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    Monsieur Mariton, s’il ne s’agit pas d’un vrai rappel au règlement, je vous couperai la parole !

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, cette suspicion n’est pas à la hauteur de la qualité de votre présidence ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Il ne sert à rien de me flatter, monsieur Mariton. Vous avez la parole.

    M. Hervé Mariton. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 50-4, qui dispose que l’Assemblée se réunit en soirée de vingt-et-une heures trente à une heure le lendemain.

    Il est une heure, monsieur le président. Sauf application des dispositions expresses qui permettent de déroger à cette limite horaire, il conviendrait donc de lever la séance.

    Je demande simplement l’application de l’article 50-4 du règlement : cela me paraît bien ressembler à un rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Mariton, je ferai encore examiner la série d’amendements identiques suivante. Je déciderai ensuite de lever la séance ou non.

    M. Hervé Mariton. Dans ce cas, le règlement prévoit que l’Assemblée doit voter !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à une série de cinq amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2049.

    M. Dominique Tian. Certains de nos collègues lisent le Figaro : c’est bien ! Pour ma part, j’ai lu le Monde, où j’ai trouvé aujourd’hui une tribune très intéressante de Sylviane Agacinsky, une philosophe que vous connaissez. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Cet article du Monde est particulièrement intéressant, d’abord parce qu’il est assez méchant à l’encontre d’un certain nombre de membres du Gouvernement, notamment de Mme Taubira. La philosophe évoque notamment « une circulaire pour le moins inopportune » contre laquelle il convient de lutter.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme c’est grave !

    M. Dominique Tian. Mme Agacinsky écrit : « On donne finalement raison à ceux qui contournent délibérément la législation en vigueur ». Madame la garde des sceaux, c’est visiblement votre cas avec cette circulaire, et vous vous expliquerez sans doute avec Mme Jospin. En tout cas, le jugement est assez féroce, et à notre sens tout à fait vrai.

    Certes, Mme Agacinsky est favorable au mariage homosexuel,…

    M. Philippe Martin. Et Nathalie Kosciusko-Morizet ?

    M. Dominique Tian. …mais elle prétend également, en citant Lévi-Strauss, que l’organisation des choses veut qu’il y ait un papa, une maman et des enfants. Elle écrit notamment cette phrase assez féroce mais très vraie : « Les donneurs de sperme et les donneuses d’ovocytes sont d’abord des êtres humains : on dit qu’ils donnent des cellules à "un couple", alors qu’ils contribuent surtout à donner la vie à un enfant, que celui-ci le saura un jour et demandera des comptes. » Il s’agit là d’un propos tout à fait vrai. Nous le répétons à longueur d’amendements : une famille, c’est un papa, une maman, et l’intérêt de l’enfant avant tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2403.

    M. Philippe Gosselin. Je suis désolé de faire durer le suspense bien malgré moi : je reviens à mon explication précédente. C’est d’ailleurs l’illustration d’une limite de la procédure parlementaire : non pas celle du droit d’amendement que nous exerçons, mais celle de son enfermement dans les deux minutes de temps de parole accordé.

    Je reviens donc à mon explication. Si on me laisse quelques secondes de plus, j’arriverai peut-être cette fois-ci… (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    C’est dommage ! On fera donc durer le débat… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Gosselin, pour l’instant, vous avez la parole.

    M. Philippe Gosselin. Les députés de la majorité sont dissipés ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

    M. Philippe Gosselin. Je disais donc que l’article 310-3 du code civil dispose que l’acte de naissance prouve la filiation. Dans le cadre de l’adoption plénière, les enfants des couples de personnes de même sexe auront donc des documents d’état civil spécifiques, puisqu’en vertu du code civil, ces derniers ne pourront pas être identiques à ceux des autres enfants. Cela signifie que l’orientation sexuelle des parents adoptifs ne peut constituer un élément de l’identité de l’enfant adoptif d’un couple de personnes de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yann Galut. C’est confus !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Allez, allez…

    M. Philippe Gosselin. Écoutez bien ! Je vous le redirai. Nous serons peut-être obligés d’attendre le prochain tour, mais je ne suis pas pressé. Je dors peu, mais je vais bien… (Mêmes mouvements.)

    Je ne suis pas pressé : on reprendra demain s’il le faut ! Ce n’est pas un problème ! (Mêmes mouvements.)

    Laissez-moi poursuivre ! Vous n’avez pas encore compris qu’à ce jeu-là, c’est vous qui êtes perdants ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Colette Langlade. Le débat ne vole pas haut !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2594.

    M. Marc Le Fur. Chacun l’aura remarqué : depuis la discussion d’un certain nombre d’amendements, nous avons une réflexion de fond. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous examinons un par un les articles du code civil. Nous ne sommes pas du tout dans l’invective, mais dans le fond des choses ! (Mêmes mouvements.)

    M. Philippe Martin. Ce n’est plus M. Le Fur : c’est M. « le fond » !

    M. Marc Le Fur. Pour M. le rapporteur et Mme la ministre, cela devrait être le moment de nous préciser leurs positions ! On nous reproche d’être schématiques ou théoriques ; or nous examinons maintenant les articles du code civil un par un… Et nous en avons un certain nombre à examiner, puisque j’ai déposé 187 amendements concernant les 187 articles du code modifiés par le projet de loi. J’attends des réponses précises !

    J’ai beaucoup apprécié l’intervention de notre collègue Gérard Sebaoun, et je tiens à l’en remercier, d’autant que j’ai contracté une dette à son égard. M. Sebaoun a évoqué les opinions d’un certain nombre de philosophes, d’intellectuels et d’académies relevant de l’Institut de France, qu’il les partage ou non. Cela nous montre bien que nous aurions dû orchestrer ce débat ! Nous aurions dû nous donner le temps de l’organiser ! Vous en faites la démonstration, mon cher collègue : ce débat n’a pas eu lieu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les uns et les autres ont donc dû spontanément, librement, poser des actes citoyens pour s’exprimer sur cette question ! Ils l’ont fait volontairement, mais c’est nous qui aurions dû organiser ce débat… (Mêmes mouvements.)

    M. Gérard Sebaoun. Le débat, c’est ici et maintenant !

    M. Marc Le Fur. …comme nous avions su le faire à l’occasion de la loi bioéthique. Vous l’avez refusé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Monsieur Sebaoun, vous avez démontré que la bonne méthode était la nôtre !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4124.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement fait référence à l’article 73 du code civil relatif à l’acte authentique du consentement des père et mère lorsque les circonstances l’exigent.

    On nous a beaucoup expliqué – j’ai vu Mme la garde des sceaux réagir sur ce point tout à l’heure – que le code ne contient pas tellement de références à l’homme et la femme qui se marient. Il est cependant très intéressant de noter que, chaque fois que les circonstances l’exigent, les articles du code rappellent le lien du conjoint avec son père et sa mère : c’est cette construction au fil des générations qui fait le mariage. Le mariage n’est pas uniquement une officialisation de l’amour ou un pacte patrimonial, mais aussi une succession des générations.

    J’ai évoqué tout à l’heure le malaise que pouvait ressentir une mère, qui considère entretenir un lien unique avec son enfant, quand on lui dit que d’autres personnes se définissent comme deux mères vis-à-vis d’un enfant. C’est ce lien juridique, psychologique et humain que vous mettez en péril.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4468.

    M. Philippe Meunier. Nous citons tous des philosophes, de droite comme de gauche, pour appuyer nos arguments et étayer nos démonstrations. C’est bien la preuve que ce débat dépasse nos clivages politiciens ! Pendant ces deux semaines de débat, il convient donc de voter en conscience. Or, à chaque fois que nous présentons un amendement, vous le rejetez de façon automatique, comme si vous étiez des machines à voter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes parlementaires : nous n’avons pas de mandat impératif. Mes chers collègues, je vous demande de voter en conscience, et non avec le pistolet sur la tempe ou avec les plus grandes craintes pour les investitures aux élections législatives de 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable également.

    M. Marc Le Fur. Vous fuyez le débat !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Godillots !

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. J’attends toujours d’autres arguments que ceux que nous avons déjà entendus à plusieurs reprises, quelques dizaines voire quelques centaines de fois depuis mardi dernier. Peut-être proposerai-je au groupe SRC d’attendre que M. Gosselin ait terminé son intervention en plusieurs épisodes…

    M. Philippe Gosselin. Je suis d’accord avec vous !

    Mme Corinne Narassiguin. …pour voir s’il convient de faire d’autres commentaires. Pour le moment, je ne vois pas l’intérêt de continuer ce débat à sens unique. Nous continuons de vous donner nos positions, et vous continuez de faire semblant de ne pas les entendre.

    M. Patrick Hetzel. Vous refusez le débat !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous pénétrons de plus en plus profondément au cœur de la confusion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

    M. Nicolas Dhuicq. Entre vous et nous, il y a effectivement une grande différence. Nous croyons qu’il existe des invariants structuraux qui dépassent les siècles et les millénaires, et qui constituent la nature humaine. Ne cherchez pas à faire un homme nouveau à tout prix : vous n’y parviendrez pas !

    L’article 73 du code civil ajoute de la confusion, parce qu’il fait référence au conseil de famille. Or ce dernier intervient dans le cadre d’hospitalisations sous contrainte prévues par le code de la santé publique. Il n’est pas clairement défini, et nous ne savons pas précisément qui y participe. S’agit-il des parents, des neveux, des oncles, des tantes, des nièces ? On l’ignore. L’article 4 du projet de loi parle d’aïeul et de trisaïeul. Imaginez les générations futures : outre la confusion et la disparition des noms, la disparition de la filiation et les conflits entre parents de même sexe dont on a déjà parlé, elles devront subir des confusions supplémentaires à propos du conseil de famille !

    Oui, il y a un vrai problème : vous avez du mal à comprendre que nous considérons qu’il existe des invariants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    (Les amendements identiques nos 2049, 2403, 2594, 4124 et 4468 ne sont pas adoptés.)

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, mardi 5 février à quinze heures :

    Questions au Gouvernement ;

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le mardi 5 février 2013, à une heure quinze.)

  • 1ère séance du mardi 5 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1
    Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

    M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par son Président, M. Soungalo Apollinaire Ouattara. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2
    Questions au Gouvernement

    M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Nous commençons par une question du groupe Union des démocrates et indépendants.

    PMA et GPA

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Ma question s’adresse au ministre qui voudra bien me répondre, compte tenu des positions diverses dans le gouvernement sur la PMA et la GPA. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

    Si, au sein de notre groupe, nous avons des positions différentes sur le mariage et l’adoption, nos attentes sont néanmoins extrêmement fortes sur la PMA et la GPA.

    Or, depuis quelques jours, nous assistons à une cacophonie extraordinaire. La ministre chargée de la famille, la ministre de la santé ou le porte-parole du Gouvernement sont pour la GPA, la position du ministre de l’intérieur est plus nuancée car il craint la GPA, la garde des sceaux est très mal à l’aise et attend une position sur le code de la santé publique, le chef du gouvernement répond qu’il faut attendre la position du comité consultatif national d’éthique, qui, du coup, s’est autosaisi de ce dossier qui gravite au-dessus de nos débats. Enfin, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, nous dit « Moi je considère qu’il s’agit d’un engagement du président de la République. Il en a parlé pendant la campagne électorale et je m’en suis assuré auprès de lui ».

    Notre question est donc extrêmement simple et nécessaire à la sérénité des débats sur le mariage pour tous qui se poursuivent : le Président de la République et son Gouvernement souhaitent-ils oui ou non, et ce quel que soit l’avis du comité national d’éthique, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et, au nom du principe d’égalité que vous évoquez sans arrêt, la légalisation de la GPA ?

    Merci beaucoup de nous donner ces éclaircissements qui sont aujourd’hui nécessaires. (Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, il faut distinguer la réponse du Gouvernement sur la GPA et celle sur la PMA, même si vous avez abordé les deux sujets.

    Sur la GPA, sa position est très précise, le Gouvernement est hostile à la GPA, il ne propose rien sur le sujet, ni dans ce texte ni dans un autre texte à venir. Cela ne peut pas être plus clair et plus simple.

    Sur la PMA, j’ai répondu au nom du Premier ministre que le Gouvernement avait décidé de ne traiter de cette question qu’avec l’ensemble des questions qui seront abordées dans un projet de loi sur la famille que nous déposerons à la fin de l’année après avoir pris connaissance de l’avis du conseil national d’éthique.

    M. François Rochebloine. Ce n’est pas ce qu’il a dit dimanche.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous avez cru déceler des positions différentes du Gouvernement (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI, plusieurs députés du groupe UMP applaudissant), notamment dans la déclaration du Premier ministre.

    Dimanche matin, et je défie quiconque de prétendre que les propos que je vais tenir ne sont pas ceux du compte rendu, Mme Bertinotti a expliqué qu’on ne traiterait de la PMA que dans la loi sur la famille à la fin de l’année.

    Ensuite, vous vous êtes emparés d’une dépêche précisant que Mme Bertinotti ne pouvait dire cela parce qu’il fallait attendre l’avis du conseil national d’éthique.

    Ce que vous avez tous oublié de faire, c’est de voir à quelle question répondait le Premier ministre. Le journaliste indiquait que Mme Bertinotti avait annoncé que le projet serait examiné au mois de mars.

    En réalité, le Premier ministre a toujours dit la même chose et, s’il y avait une erreur, c’était dans la question et non dans la réponse. (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. Pierre Lellouche. Ça rame !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je sais bien que cela vous gêne mais telle est la réalité de la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    PMA et loi sur la famille

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

    Mme Véronique Massonneau. Monsieur le Premier ministre, l’Assemblée nationale examine depuis une semaine un texte historique : le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Je peux vous affirmer, et je pense pouvoir y associer l’ensemble des députés de la majorité, que nous sommes fiers de voter ce texte.

    J’en profite d’ailleurs pour remercier Mme Taubira et Mme Bertinotti pour leur disponibilité et leur travail monumental. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

    Cette loi sera une grande avancée sociétale, une grande avancée pour l’égalité des droits. Et, dans ce schéma d’égalité des droits, nous devons inscrire la procréation médicalement assistée. Car oui, chers collègues de l’opposition, nous sommes obsédés par l’égalité ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

    Autoriser la PMA pour les couples de femmes sera une œuvre d’égalité. J’ai du mal à comprendre les objections émanant des bancs de l’opposition à l’égard de cette pratique. Vous craignez que le nombre d’enfants adoptables diminue : la PMA permettra à des couples de ne pas avoir recours à l’adoption. Vous exigez des parents biologiques : l’une des mères du couple sera la mère biologique de l’enfant. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Vous devriez donc au contraire être les plus grands défenseurs de la PMA !

    La saisine du comité national d’éthique est une procédure qui s’entend, mais je rappelle que l’avis rendu par ce comité est consultatif et non coercitif. (Mêmes mouvements.) Je rappelle également à ceux qui considèrent que la PMA doit s’intégrer à une loi de bioéthique que cette pratique a déjà été abordée dans un tel projet de loi et que celui-ci fut adopté, autorisant ainsi la PMA sur notre territoire. Sous quel prétexte devrait-on alors réviser une pratique existante ?

    La question que je vous pose aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, a un impact au-delà de notre hémicycle et de la simple idéologie politique. Les réponses que vous nous apporterez s’adresseront à toutes ces femmes ayant un désir de famille, et c’est à elles que je pense cet après-midi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aussi, pourriez-vous nous éclairer sur le calendrier à venir concernant la loi « Famille » et nous réaffirmer la volonté du Gouvernement d’y intégrer la PMA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la députée, je vous remercie infiniment de votre question et des éléments qu’elle comporte. Vous avez raison de rappeler que la procréation médicalement assistée est le produit d’une histoire déjà ancienne. C’est en 1973 qu’ont été créés les CECOS, en 1982 qu’a eu lieu la première fécondation in vitro, en 1994 que les premières lois bioéthiques ont défini l’assistance médicale à la procréation : « pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».

    Depuis plusieurs années, environ 1 500 enfants naissent chaque année en France par insémination artificielle. On ne peut donc pas dire que l’on découvre ce qui ressort de la procréation médicalement assistée.

    Un député du groupe UMP. La réponse !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour répondre à votre question (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI) et compléter ce qu’Alain Vidalies vient de dire et de confirmer une énième fois, la loi « Famille » sera présentée à la représentation nationale avant la fin de l’année, la procédure du comité national d’éthique et celle des états généraux n’étant pas incompatibles avec ce calendrier. La question de la PMA sera abordée dans le cadre de cette loi, qui s’adressera indifféremment aux familles hétérosexuelles et homosexuelles. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Et je vous rassure : la majorité et le Gouvernement sont solides et solidaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Difficultés économiques du pays

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le Premier ministre, la situation économique de notre pays est grave. La France traverse une crise, crise que vous avez niée pendant la campagne présidentielle. Vous devez désormais affronter la réalité. Arrêtez d’accuser vos prédécesseurs et de détruire ce qu’ils ont fait. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) La croissance n’est plus là, le chômage atteint des taux inégalés et les plans sociaux se multiplient.

    Votre gouvernement est à la pêche aux repreneurs, mais comment voulez-vous que les repreneurs fassent confiance à un pays qui n’engage pas les réformes structurelles dont il a besoin et qui cloue au pilori les entrepreneurs ? Comment voulez-vous que les repreneurs viennent dans un pays où le nombre des impôts et taxes augmente sans cesse, où prédomine l’instabilité juridique en matière fiscale et sociale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Les médias parlent des grands groupes, mais il vous faut aussi entendre les difficultés de nos PME et TPE. Elles sont inquiètes pour leur avenir, elles n’ont aucune visibilité. L’emploi est là aussi menacé, dans le bâtiment notamment. Or ces entreprises constituent le terreau économique de nos territoires ruraux.

    Vous allez nous répondre « emplois d’avenir », « contrat de génération », mais ce ne sont pas les bonnes solutions. Votre plan de compétitivité n’est pas non plus à la hauteur. Notre pays s’appauvrit ; les Français le vivent. Nos partenaires européens sont inquiets. Notre image à l’international se dégrade.

    Monsieur le Premier ministre, au lieu de saper notre pays avec vos lois sociétales qui divisent profondément les Français, agissez pour le redressement économique, arrêtez l’exil de nos diplômés, de nos créateurs d’entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Créez l’unité nationale autour de vraies réformes courageuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, j’avoue que je ne comprends absolument pas le sens de ce type de question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me tourne vers ceux qui nous regardent. Passer son temps à dénigrer son propre pays (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors qu’il est la cinquième puissance économique du monde, qu’il est le pilier de la construction européenne avec l’Allemagne, et que nous sommes en outre en train d’engager son redressement, c’est un acte antipatriotique, dont la vanité et la vacuité ne peuvent que frapper. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne veux pas rappeler éternellement votre bilan, mais c’est ce gouvernement qui entreprend une politique de redressement après les déficits que vous avez laissés, et en particulier le considérable déficit du commerce extérieur qui signe une perte de compétitivité. L’attractivité de notre territoire reste intacte mais c’est nous qui sommes en train de réparer ce que vous avez défait, non pas pendant cinq ans, mais pendant dix ans ! (Mêmes mouvements.) C’est la leçon du rapport Gallois : vous devriez l’entendre.

    Quant aux politiques structurelles, regardez ce qu’est la situation du pays. L’euro va mieux car nous avons agi afin de le stabiliser, les déficits de réduisent car nous prenons des mesures utiles (Brouhaha sur les bancs des groupes UMP et UDI), et surtout nous sommes en train, avec le pacte de compétitivité, de recréer pour les entreprises les conditions qui leur permettent à nouveau d’investir et d’embaucher.

    M. Yves Nicolin. Baratin !

    M. Céleste Lett. C’est du pipeau !

    Mme Laure de La Raudière. Après avoir augmenté les impôts de 4 milliards !

    M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ce qui a été fait ce matin, lors de la conférence nationale de l’industrie réunie autour d’Arnaud Montebourg.

    Vous parlez d’unité. C’est bien à cela que je vous appelle : unité et dignité. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Les Français qui nous écoutent et nous regardent attendent que nous soyons tous mobilisés aux côtés de nos entreprises, pour la compétitivité du pays, pour l’attractivité de la France.

    M. Jean-Christophe Lagarde. Ils attendent des résultats !

    M. Pierre Moscovici, ministre. Ce redressement, nous l’avons entrepris. Il ira au bout, même si cela vous déplaît ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

    Situation au Mali

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    M. Jean-Pierre Dufau. Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

    La liesse populaire qui a accompagné François Hollande à Bamako…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Y a bien qu’à Bamako !

    M. Jean-Pierre Dufau. …a marqué tous les observateurs.

    L’accueil reçu par le Président illustre le succès de l’intervention française. Comme il s’y était engagé, François Hollande agit à l’opposé des épisodes peu glorieux de la Françafrique : il est intervenu à la demande pressante du Mali et conformément au mandat de l’ONU.

    Aujourd’hui, l’intégrité du Mali est en passe d’être restaurée ; les troupes africaines, maliennes et celles de la MISMA se déploient sur le terrain ; on peut désormais envisager la tenue prochaine d’élections démocratiques et un véritable décollage économique.

    La représentation nationale veut rendre hommage à nos soldats, à leur professionnalisme, à leur courage et à leur engagement. L’implication totale du Président, du ministre des affaires étrangères et de vous, monsieur le ministre de la défense, rencontre le soutien de la nation et de ses représentants.

    La France a été à la hauteur de ses valeurs, de ses principes et de l’Histoire, en engageant ses forces dans l’opération Serval. Nous ne défendons pas un intérêt économique, mais la paix, la sécurité et la stabilité de toute l’Afrique de l’ouest, menacée par des groupes terroristes, islamistes, et les trafiquants de drogue. Nous avons permis à un peuple ami de se libérer du fanatisme.

    Aujourd’hui, l’intervention française est unanimement saluée par la communauté internationale, comme l’a bien exprimé M. Joe Biden, vice-président des États-Unis, lors de son passage en France.

    Monsieur le ministre, si la présence française reste nécessaire le temps qu’il faudra, pouvez-vous nous donner la feuille de route du Président de la République et du Gouvernement, après la réussite de cette première phase de l’opération Serval ?

    M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Vous l’avez observé, monsieur le député Dufau, le Président de la République a reçu à Bamako et à Tombouctou samedi dernier l’accueil enthousiaste…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ça change de la France !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. …d’un peuple qui recouvrait la liberté grâce à l’action de nos forces. Il a été accueilli aux cris de « Vive la France ! », et ces cris s’adressent à nous tous, mesdames et messieurs les députés.

    Ceux qui l’accompagnaient ont ressenti à la fois émotion et fierté : émotion devant ce peuple qui quittait la peur pour la liberté et qui saluait l’action de la France ; fierté du travail accompli par nos armées (Applaudissements sur tous les bancs), qui ont fait preuve de sang-froid, de courage et de lucidité tactique.

    Pour les fréquenter beaucoup en ce moment, je puis vous dire que nos troupes apprécient l’unité nationale qui se fait autour d’elles.

    Malgré notre enthousiasme, nous devons conserver une certaine mesure, car l’opération n’est pas terminée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Je ne livrerai à votre réflexion que deux mots, qui sont les engagements pris par le Président de la République : l’intégrité du Mali et la souveraineté du Mali.

    Cette intégrité – soit l’ensemble du territoire, le nord y compris –, les forces africaines et maliennes nous aideront à la rétablir. Quant à la souveraineté, elle suppose le retour de la démocratie et celui de la réconciliation nationale. Nous avons entendu à cet égard des propos encourageants du Président Traoré : il importe désormais que les Maliens eux-mêmes recouvrent le sens du dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Yves Fromion. Et les Touaregs ?

    PMA

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire .

    M. Xavier Breton. Avant toute chose, je précise à l’attention de M. Moscovici que ce n’est pas nous qui dénigrons notre pays, mais vous qui l’abaissez inexorablement avec votre politique. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP. – Protestations sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Ma question, à laquelle j’associe mon collègue, François de Mazières, s’adresse à monsieur le Premier ministre.

    Notre assemblée examine votre projet de loi sur le mariage et l’adoption par les couples de personnes de même sexe. Or, avec ce texte, vous êtes en train de diviser les Français.

    Alors que notre pays est confronté à de graves difficultés économiques, l’urgence est-elle véritablement de diviser les Français ?

    Pourquoi les diviser sur un sujet où s’affrontent des convictions qui, si elles sont différentes, n’en sont pas moins toutes respectables ?

    Pourquoi diviser les Français sur la politique familiale, qui est l’un des premiers facteurs d’unité et de cohésion dans notre pays ?

    Pourquoi aller les diviser avec la PMA et la GPA ?

    On le sait : votre texte n’est fondé que sur une soi-disant logique d’égalité entre les adultes, alors qu’il va créer une inégalité entre les enfants, dont certains se trouveront, délibérément, privés d’un père ou d’une mère.

    Vous suivez la logique du droit à l’enfant, mais vous niez les droits de l’enfant : or cette logique vous conduira inéluctablement à la PMA, puis à la GPA. Cela, les Français le savent bien et ils le refusent, comme l’ont bien exprimé des centaines de milliers de manifestants.

    Le Gouvernement sent cette colère monter mais ne sait plus comment y répondre. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, vous avez dû, depuis le Cambodge, recadrer à ce sujet l’une de vos ministres.

    Alors que le Président Jacob propose, depuis le 12 octobre, que le comité consultatif national d’éthique émette un avis sur ces sujets de société, le comité vient de se saisir lui-même de la question, parce que ni vous, ni le Président de la République ne l’avez saisi.

    Cependant, le Président Le Roux discrédite cet avis, avant même la tenue des états généraux, avançant que, quoi qu’il en soit, la PMA sera votée coûte que coûte.

    Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de diviser les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. (Vifs applaudissements et acclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. De nombreux députés de ces groupes se lèvent pour applaudir.- Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je dois saluer votre exploit, celui d’être parvenu en deux minutes à faire exactement ce que vous faites depuis six jours : une intervention hors sujet par rapport au projet de loi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous avez abordé une nouvelle fois les questions de la PMA et de la GPA ; par contre, il y manquait le clonage – il faudra en prendre l’habitude.

    Peut-être pourrais-je vous inviter à regarder ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni : c’est aujourd’hui que les conservateurs, vos amis politiques, délibèrent sur le même sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je rappelle qu’il s’agit d’un projet de loi, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ; que l’Assemblée nationale a déjà adopté l’article 1er qui rend effective cette ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

    Probablement allez-vous continuer à mener un autre débat que le débat ; toutefois, nous avançons bien et je profite de la parole qui m’est donnée pour rendre hommage aux députés de la majorité qui sont extrêmement mobilisés, impliqués et qui contribuent à débrouiller toute une propagande à laquelle vous vous livrez depuis bien longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Il me faut également saluer la qualité du travail fourni par les députés de l’opposition, qui sont également très fortement mobilisés, dans l’affrontement, dans l’opposition parfois frontale, dans l’interpellation souvent très vigoureuse ; mais il y a, de manière générale, une bonne tenue dans ces débats.

    C’est donc avec plaisir que je salue le travail qu’effectue l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Usine Goodyear à Amiens

    M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Pascale Boistard. Monsieur le ministre du redressement productif, jeudi 31 janvier 2013, la direction de Goodyear-Dunlop France a rendu public son projet de fermeture de l’usine d’Amiens-Nord qui fabrique des pneumatiques pour l’automobile et le marché agricole. En cumulant tous les équivalents temps plein du site, près de 1 400 emplois seront supprimés, sans compter les emplois induits dans la sous-traitance.

    La direction de Goodyear avait pourtant affirmé dans un communiqué, le mercredi 6 juin 2012, abandonner les licenciements au profit d’un plan de départs volontaires. Il est vrai que le plan social visant à mettre un terme à l’activité de pneus tourisme à l’usine d’Amiens-Nord avait été invalidé plusieurs fois par la justice. Le fabricant américain de pneumatiques avait élaboré ce plan de départs volontaires alors qu’il était en discussion avec le groupe Titan pour lui céder la production de pneus agricoles. Or cette cession n’était pas assortie d’engagements suffisamment fiables aux yeux des salariés, notamment sur la formulation d’une condition de durée de maintien de l’activité industrielle.

    Goodyear se plaît à rappeler sur son site internet les valeurs du groupe : « Si le monde connaît toutes ces mutations, une seule chose ne change pas : le désir universel de protéger ceux qu’on aime. » Ce désir étant universel, pourquoi ne s’étendrait-il pas à tous les salariés de Goodyear et leurs familles ?

    Goodyear doit proposer une solution qui permette au site d’Amiens-Nord d’échapper à l’application d’un plan social. Pour obtenir de Goodyear et de Titan des engagements forts, il faut de la part de l’État des actes forts !

    Aussi, monsieur le ministre, je souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour éviter un désastre et soutenir les salariés qui exigent du repreneur Titan qu’il maintienne, pour une durée déterminée, la fabrication de pneus agricoles dans l’usine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

    M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame Pascale Boistard, le Gouvernement a en effet constaté que Goodyear, jusqu’à présent, a échoué à démontrer la justification de son plan social puisque celui-ci a été annulé à deux reprises, en 2009 et en 2011. C’est un fait que mon ministère a rappelé aux dirigeants de Goodyear France. Nous leur avons rappelé aussi qu’il y avait une solution sur la table : le repreneur Titan. Cela évitait des licenciements et permettait la reprise de l’usine, qui aurait été spécialisée dans les pneus agricoles, une spécialité d’ailleurs ultrarentable et qui rapporte beaucoup d’argent à ceux qui y investissent.

    Nous avons observé que Titan s’était retiré de la discussion. C’est la raison pour laquelle, après avoir rappelé ces vérités à Goodyear, j’ai écrit personnellement au président de Titan, aux États-Unis d’Amérique,(« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) fort notamment des déclarations de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui a déclaré, faisant ainsi œuvre constructive et je l’en ai remercié ce matin,(« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) qu’il était parfaitement possible qu’un plan convenable permette de rassembler l’ensemble des parties autour de la table.

    Le Gouvernement a donc décidé, fort de cette bonne volonté partagée, de trouver une solution partagée permettant qui trouvent leur compte à la fois les salariés, ce qui est tout de même bien le minimum, le territoire que vous représentez, madame Boistard, Goodyear – ce qui était déjà possible au mois de juin – et Titan aussi.

    Le Gouvernement doit poser plusieurs questions à Titan, notamment s’agissant de ce que vous avez évoqué : la pérennité de l’outil industriel. Nous ne voulons pas de fausse reprise. Nous ne voulons pas de faux espoirs. Nous voulons la reconstruction de l’outil industriel laissé en ruines par nos prédécesseurs ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    Priorités gouvernementales

    M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Sylvain Berrios. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

    Monsieur le Premier ministre, l’urgence est une situation qui peut entraîner un préjudice irréparable si un remède n’y est pas apporté dans les plus brefs délais. À la lumière de cette définition issue du Larousse, j’aimerais vous poser plusieurs questions.

    L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), au point de faire siéger l’Assemblée nationale jour et nuit, est-ce une urgence ? Non !

    Reconnaître par voie de circulaire la gestation pour autrui, dite GPA, est-ce une urgence ? Non !

    Abroger la loi Ciotti permettant de suspendre les allocations familiales pour les familles qui n’envoient pas leurs enfants à l’école, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Non !

    Décréter la semaine des quatre jours et demi à l’école sans aucune concertation avec les maires, les enseignants et les parents d’élèves, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Non !

    Abroger la fiscalité anti-délocalisation indispensable à notre économie, est-ce une urgence ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le Premier ministre, chaque mois, ce sont des milliers de Français qui perdent leur travail La seule urgence du pays, qui si elle n’est pas traitée fera des dégâts irréparables, c’est de s’occuper de ceux qui perdent leur travail, et certainement pas vos textes dogmatiques qui ne font qu’exacerber les divisions à un moment où nous avons besoin de nous rassembler dans une union nationale pour sortir le pays de la crise économique dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je n’ai jamais bien saisi comment on pouvait opposer lois sociales et lois sociétales. Toute notre histoire récente, depuis 1945, montre que toutes les avancées sociétales se sont faites conjointement avec les avancées sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En 1944, il y a eu application du programme du Conseil national de la Résistance qui a créé la sécurité sociale, facteur de progrès et fondement de notre politique familiale, en même temps que le général de Gaulle accordait le droit de vote aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Au moment où l’on adoptait le PACS, on votait aussi la CMU et les 35 heures. Vous voyez donc bien qu’il n’y a pas incompatibilité entre réforme sociétale et réforme sociale.

    Enfin, à ceux qui nous accusent de diviser, je tiens à dire que la première des divisions est celle qui vise à maintenir des inégalités. Or la loi sur le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe, c’est bien précisément une mesure d’égalité…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …pour redonner de l’unité à l’ensemble des familles et à l’ensemble de la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

    Loi de séparation et de régulation bancaire

    M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Joëlle Huillier. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, à partir de la semaine prochaine, notre assemblée examinera un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, conformément à l’engagement n° 7 du Président de la République.

    Près de cinq ans après le déclenchement de la crise financière, il était indispensable d’instaurer de nouvelles régulations, afin de mettre un terme à des dérives dangereuses pour nos économies. Nous nous apprêtons à le faire.

    Certains voudraient minimiser le volontarisme du Gouvernement, mais rien ne peut contrer la force de cette évidence : notre majorité est à l’avant-garde de la régulation du secteur bancaire en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    En effet, la séparation entre les activités utiles à l’économie et les activités spéculatives doit permettre de répondre aux besoins de nos entreprises et de nos territoires tout en protégeant les dépôts des épargnants. Le renforcement des outils à la disposition des autorités de contrôle doit aussi permettre de mieux prévenir les crises. Enfin, le plafonnement et l’encadrement des frais bancaires doivent permettre de protéger les Français des abus tarifaires et commerciaux.

    Au cœur de la crise, les États ont soutenu les banques pour éviter qu’elles ne s’effondrent. C’était nécessaire. Mais l’heure est maintenant venue de créer de nouvelles régulations pour mieux protéger nos économies et rééquilibrer les rapports entre les sphères productive et financière.

    Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre les dérives de la finance. Dès le début de la législature, dans le cadre de la réorientation de l’Europe, nous avons obtenu une coopération renforcée, lançant la taxe sur les transactions financières, l’union bancaire et la création d’un superviseur européen. Cet effort de régulation doit se poursuivre.

    Monsieur le ministre, en quoi cette loi va-t-elle permettre de mieux prévenir les crises bancaires et financières ? En quoi va-t-elle rompre avec la logique précédente, qui revenait à privatiser les profits et socialiser les pertes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, le Parlement va commencer à examiner ce texte dès demain en commission des finances.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’y a rien dedans !

    M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un projet de loi important, qui consiste à tirer les leçons de la crise de 2008 afin d’éviter de reproduire les comportements qui ont conduit à faire payer aux déposants et aux contribuables les erreurs commises par les banques, notamment lors de la crise des subprimes.

    Nous nous attaquons à la racine de la crise de 2008, de quatre manières.

    D’abord, le projet de loi vise à protéger les déposants et à empêcher les banques de spéculer avec leur argent : les activités spéculatives seront filialisées et cantonnées. En cas d’erreur, ce ne sont pas les contribuables qui paieront mais les actionnaires et les créanciers.

    Deuxièmement, il s’agit de superviser, pour être en mesure de prévenir et de guérir, voire de sanctionner les erreurs. L’Autorité de contrôle prudentiel, qui deviendra l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, sera renforcée et elle jouera un rôle majeur.

    Troisièmement, il faut interdire les activités purement spéculatives, faites par les banques pour leur propre compte. Ces activités telles que le trading à haute fréquence ou la spéculation sur les matières premières agricoles ne doivent plus exister.

    Quatrièmement, nous voulons protéger les consommateurs, améliorer la condition de ceux qui sont éloignés du système bancaire, surendettés, victimes de commissions bancaires à répétition et sans fondement.

    M. Thomas Thévenoud. Très bien !

    M. Pierre Moscovici, ministre. Voilà le but de ce texte précurseur, comme vous le dites, qui s’inscrit dans le cadre de ce que nous faisons en Europe et que beaucoup regardent avec intérêt. Le Parlement aura l’occasion de l’améliorer, de le densifier encore, par exemple dans le domaine de la lutte contre les paradis fiscaux. Quant à vous, vous pourrez être fiers d’adopter cette première loi européenne de régulation bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

    Gestation pour autrui

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non, pas lui !

    M. Philippe Gosselin. Ma question s’adresse au Premier ministre.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas là !

    M. Philippe Gosselin. Mais je voudrais tout d’abord dire à Mme la garde des sceaux qu’elle a l’ouïe particulièrement sélective. Si elle entend les conservateurs britanniques à propos du mariage homosexuel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), j’aimerais qu’elle les entende aussi parler de leur réforme fiscale. Je suis disposé à lui donner les sonotones dont la majorité voulait nous équiper hier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Thomas Thévenoud. Lamentable !

    M. Philippe Gosselin. Depuis le début des discussions sur le projet de loi instaurant le mariage homosexuel, le Gouvernement ne cesse de répéter, la main sur le cœur, qu’il n’est question de mères porteuses ni de près ni de loin dans ce projet, et que la frontière éthique jamais ne sera franchie.

    Or les débats commencent à peine qu’une circulaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celle du 25 janvier 2013, nous dit que la GPA est possible. Interdite en France, elle devient indirectement légalisée. C’est une invitation à aller à l’étranger, un encouragement au tourisme reproductif, je n’hésite pas à le dire.

    M. Jean-Claude Perez. Inepte !

    M. Philippe Gosselin. C’est une prime à la violation de la loi française. Évidemment la prochaine étape sera de légaliser.

    Quelle est cette société qui accepte de fixer des contrats sur des enfants à naître ?

    Oui, accepter le principe d’un contrat sur un enfant à naître, sur un ventre en état futur d’achèvement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), même pratiqué à l’étranger, revient à piétiner nos valeurs républicaines…

    M. Jean-Claude Perez. Minable !

    M. Philippe Gosselin. …et notre devise, à laquelle vous prétendez pourtant être attachés.

    Dès lors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que le gouvernement français entend renoncer définitivement à la marchandisation des corps, au dumping éthique qui consiste à aligner la législation de la France sur les pratiques européennes ou mondiales les moins-disantes ? Quels engagements, quelles mesures fermes et concrètes allez-vous prendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Gosselin, étant particulièrement assidu dans cet hémicycle depuis mardi vous m’avez forcément entendue une dizaine de fois expliquer que cette circulaire n’est en aucun cas une ouverture à la GPA, et qu’elle n’attribue pas la nationalité.

    M. Yves Nicolin. Mais si !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette circulaire rappelle simplement que lorsque la nationalité est établie – puisqu’elle ne concerne que des enfants français – le certificat de nationalité doit être délivré.

    Vous étiez aussi en commission des lois lorsque, répondant à un amendement sur la GPA, j’ai commencé mon intervention en disant que le Gouvernement ne tolérera pas la moindre éraflure sur le principe d’indisponibilité du corps humain, qui est un principe d’ordre public inscrit dans notre code civil.

    M. Claude Goasguen. C’est cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’y ferons aucune dérogation. Parce que le sujet est sérieux, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler qu’il existe une proposition de loi d’un sénateur UMP favorable à la GPA…

    M. Bernard Roman. Mais oui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur laquelle on n’entend pas de protestations affirmées, récurrentes, répétées de la part des hauts responsables de l’UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Il n’y a donc aucune ambiguïté de la part du Gouvernement, qui respecte, par conviction et parce que nous sommes dans un État de droit, le principe d’ordre public d’indisponibilité du corps humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. Certainement pas, il le viole !

    Retraites agricoles

    M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

    M. Jacques Moignard. Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, pour changer un peu de la tonalité obsessionnelle et harceleuse des questions d’aujourd’hui, j’interroge un gouvernement qui travaille, et plus particulièrement le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

    Quelques jours après la remise du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui préconise des réformes afin de réduire les inégalités face à la retraite, il convient de rappeler la paupérisation grandissante des retraités agricoles. En effet, ces derniers subissent, depuis plusieurs années, un grand décrochage par rapport au niveau de vie des Français. Le montant de leurs retraites reste largement inférieur au seuil de pauvreté, qui est de 959 euros, puisqu’il atteint en moyenne, pour un chef d’exploitation justifiant d’une carrière complète, le seuil critique des 700 euros par mois, et des 500 euros pour son conjoint. Cela contraint la moitié d’entre eux à cumuler emploi et retraite, parfois au-delà de 75 ans.

    La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu l’octroi de 21 à 23 points supplémentaires pour les exploitants victimes d’une longue maladie ou d’invalidité. Désormais, au-delà de ces cas spécifiques, il faut penser à une amélioration de la situation des agriculteurs retraités les plus modestes.

    Le Président de la République s’est engagé à mettre en place des mesures de revalorisation des retraites agricoles. Un plan sur cinq ans est annoncé, comportant six mesures phares, parmi lesquelles figurent l’octroi d’une retraite décente, égale à celle des retraités du régime général, et l’extension du régime de retraite complémentaire aux conjoints et aux aides familiaux.

    Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l’agenda que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour réaliser ce plan quinquennal, afin d’aboutir à une réelle et juste revalorisation des retraites agricoles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et GDR.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

    M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. J’ai bien conscience que ce sujet change des débats actuels, mais il est d’importance. Nous savons tous la faiblesse des retraites que perçoivent les agriculteurs. Elle résulte de choix faits à une époque déjà bien lointaine. Des réformes ont été engagées – mon regard se tourne vers Germinal Peiro et Jean Glavany – pour revaloriser les retraites agricoles.

    M. François Sauvadet. Et sous mon ministère ? C’est scandaleux !

    M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous sommes liés par les engagements du Président de la République que vous avez rappelés, monsieur le député. L’un d’entre eux a déjà été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas raisonnable.

    M. Stéphane Le Foll, ministre. Le travail que nous menons doit s’inscrire dans le cadre général de la discussion qui va s’engager sur les retraites. Les objectifs, en matière de retraite complémentaire obligatoire, notamment pour les femmes et les aides familiaux, ainsi qu’en matière de revalorisation, afin d’atteindre 75 % du SMIC, sont fixés sur le quinquennat. Nous avons mis en place au sein du ministère un groupe de travail…

    Un député du groupe UMP. On est sauvé !

    M. Stéphane Le Foll, ministre. …afin d’examiner les questions du financement et de l’équilibre à trouver pour atteindre cet objectif de justice. Il faudra revaloriser les retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

    Réforme des rythmes scolaires

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le Président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui n’est pas présent. Depuis plusieurs jours, des grèves massives sur les modalités de réforme des rythmes scolaires paralysent de très nombreuses écoles de notre pays.

    Il faut dire que cette réforme suscite de sévères critiques, particulièrement dans votre camp.

    La preuve en est que le secrétaire général du SNUIPP-FSU, principal syndicat du primaire, s’est exprimé en faveur d’un report de la réforme à 2014 et appelle à une nouvelle grève nationale le mardi 12 février, date également choisie par les syndicats minoritaires pour demander un abandon de la loi sur l’école.

    Cette réforme n’a donné lieu à aucune véritable concertation. Le ministre de l’éducation nationale a réussi l’exploit de faire sur ce sujet un large consensus contre lui au sein du Conseil supérieur de l’éducation.

    Pour réussir, cette réforme aurait dû tenir compte de plusieurs paramètres qui ont été totalement ignorés : l’intérêt de l’enfant, la performance scolaire, le mode de vie des familles, les intérêts des enseignants eux-mêmes et le coût pour la collectivité. Chacun sait que cette réforme aura un coût exorbitant pour les finances publiques et, par conséquent, le contribuable et que seules les collectivités en supporteront la charge. Nous, élus locaux, responsables de nos finances, nous le savons ; vous, vous semblez l’ignorer ! Par ailleurs, cette mesure n’a pas de base scientifique incontestable.

    Aussi, allez-vous mener une véritable concertation et, enfin, revoir votre copie, avant de mettre en place cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.

    M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. C’est précisément parce que nous tenons compte de l’intérêt de l’enfant, qui est aussi l’intérêt de l’élève, que nous voulons faire cette réforme, comme vous vouliez la faire il y a encore quelques mois.

    M. François Sauvadet. Qui va payer ?

    M. Jean-Christophe Lagarde. Nous, les communes !

    M. Vincent Peillon, ministre. Vous parlez de concertation, et vous avez raison. Elle a lieu dans le pays depuis un an et demi. Votre groupe parlementaire a été consulté, y compris par le ministre précédent, qui appartient à votre famille politique. Vous vous êtes prononcés pour le retour à la semaine de quatre jours et demi et pour le raccourcissement de la journée.

    Qu’est-ce qui pourrait justifier un tel changement d’opinion, chez un homme de conviction comme vous, en si peu de temps ?

    Chacun sait qu’il faut, dans l’intérêt de l’enfant et dans l’intérêt du pays, conduire cette réforme. Un seul pays au monde accorde si peu de temps scolaire aux enfants, c’est la France. Il faut donc corriger cette erreur faite il y a quatre ans.

    La concertation a été menée cette année pendant plusieurs mois avec l’ensemble des associations d’élus. Nous avons pris en compte leurs demandes ce qui a permis à la commission consultative d’évaluation des normes de donner un avis favorable.

    La consultation commence maintenant sur le terrain. Il faut la mener pleinement, il faut que tout le monde s’y associe. Il n’y a aucune grande réforme, particulièrement d’intérêt général, qui ne soit facile.

    M. Jean-Christophe Lagarde. C’est un constat d’échec.

    M. Vincent Peillon, ministre. En tout état de cause, je me réjouis que l’unité soit en train de se faire : c’est la première fois que je vous entends vous appuyer sur les syndicats Force ouvrière et Sud et soutenir un mouvement de grève dans la fonction publique. Cela montre votre courage, votre persévérance et votre souci de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mal-logement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires. Elle concerne le dix-huitième rapport de la Fondation Abbé Pierre, remis au Président de la République en sa présence.

    Ce rapport sur le mal-logement est édifiant.

    Aujourd’hui, 685 000 personnes sont dépourvues de logement personnel, 3,5 millions se trouvent dans une situation de grande précarité ; dans mon département, l’Aisne, les exemples ne manquent pas. Trop de familles vivent dans l’indignité. Ces familles en difficulté sont souvent la cible de marchands de sommeil peu scrupuleux. Cette situation est insupportable, il nous faut agir, et agir vite.

    Vous le savez, madame la ministre, agir pour le logement est essentiel.

    Essentiel économiquement, car agir pour le logement provoque l’activité du bâtiment et de l’artisanat. C’est donc bon pour l’emploi.

    Essentiel écologiquement, car quand on agit sur la performance énergétique, c’est bon pour la planète.

    Essentiel aussi pour le maintien au domicile de nos aînés, quand on parle d’adapter le logement au vieillissement. C’est bon pour nos aînés.

    Mais, surtout, et je me fais l’écho de Jean-Baptiste André Godin, « le logement est la base du progrès social ». C’est donc essentiel humainement.

    C’est pourquoi le logement demeure l’une des priorités majeures de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle ils nous ont fait confiance au mois de juin dernier. Ils nous ont fait confiance pour lancer un ambitieux programme de construction de 150 000 logements sociaux par an. Ils nous ont fait confiance pour l’encadrement des loyers.

    Les choses avancent, et c’est une première – mais l’urgence demeure. En fin de semaine dernière, vous avez longuement reçu et écouté l’ensemble des acteurs du logement, qui vous l’ont rappelé.

    Une grande loi d’orientation pour le logement est annoncée pour le mois de juin. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer les objectifs qui sont les vôtres et ceux du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement.

    Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je vous remercie, monsieur le député, car votre question permet de saluer le remarquable travail de la Fondation Abbé Pierre. Le dix-huitième rapport est plus qu’une somme : c’est un moment d’alerte et de prise de conscience. Pour la première fois depuis la rédaction de ce rapport, et à sa demande, le Président de la République, vous l’avez rappelé, a reçu le président de la Fondation Abbé Pierre, et je pense que c’est un très bon signal.

    Vous avez également noté, et vous avez parfaitement raison, qu’il faut absolument travailler sur la question structurelle qui nous permettra de lutter contre le mal-logement. Nous avons agi pour répondre à l’urgence. Nous avons agi à l’issue de la conférence de lutte contre la pauvreté pour mobiliser des lieux d’hébergement d’urgence. Mais, pour nous attaquer structurellement à cette question sur l’ensemble des territoires, je proposerai au Parlement de travailler sur une grande loi qui portera à la fois sur les questions de logement et d’urbanisme, avec pour objectif premier de développer l’offre ; c’est absolument impératif.

    Nous travaillerons sur la question foncière, sur des réformes qui permettront de clarifier les procédures d’urbanisme, de simplifier la construction et de faire en sorte de répondre aux besoins en termes d’offre. Nous travaillerons ensuite à l’amélioration de l’accès au logement et de la qualité des logements, par un grand programme de rénovation thermique, que je prépare avec ma collègue Delphine Batho, mais également par une lutte radicale contre l’habitat indigne, contre les copropriétés dégradées ; nous devons donner aux élus et à la puissance publique les moyens d’agir plus efficacement.

    Nous travaillerons également sur l’accès au logement, notamment sur les règles d’attribution et sur le grand chantier de ce progrès social significatif que sera la garantie universelle des loyers, ainsi que sur une vraie modernisation de l’accès au logement, pour simplifier les procédures et les rapprocher des territoires.

    Vous le voyez, ce chemin est très important, essentiel. Puisque vous avez cité Jean-Baptiste André Godin, je veux dire que nous plaçons ce travail sous son égide : ancrer l’utopie dans le réalisme au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Tarif hospitalier

    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.

    L’an dernier, l’activité des hôpitaux a augmenté plus fortement que prévu et conduit sans surprise au dépassement de l’ONDAM fixé pour 2012, inférieur à l’évolution prévisible des dépenses.

    Afin de limiter cet effet inflationniste, vous vous apprêtez à appliquer le fameux mécanisme dit « de régulation prix-volume » instauré par la précédente majorité, qui consiste à baisser les tarifs des actes, donc les recettes, en cas de forte activité.

    M. Yves Nicolin. Eh oui !

    Mme Jacqueline Fraysse. Ainsi, les hôpitaux sont à la fois invités à augmenter leurs actes pour compenser leur déficit budgétaire et pénalisés par la baisse des tarifs de ces mêmes actes si leur activité augmente. Allez-vous décider d’abroger ce mécanisme comptable diabolique ?

    De plus, vous avez annoncé votre intention de baisser de 1,71 % les tarifs des établissements publics et de 0,53 % seulement ceux des cliniques privées, qui de surcroît vont bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi, ce qui n’est pas le cas des établissements publics. Confirmez-vous cette baisse tarifaire ?

    M. Yves Nicolin. Eh oui, le changement, c’est maintenant !

    Mme Jacqueline Fraysse. Le cas échéant, pourquoi ce soutien de plus au privé lucratif, au détriment du service public ?

    Il est temps d’en finir avec la maîtrise comptable des activités de santé instaurée il y a tant d’années par la droite, ainsi qu’avec les suppressions de lits, les fermetures de services et de maternités qui font tant de mal. Il est temps d’abroger la loi hôpital, patients, santé, territoires, comme nous le proposions lors de l’examen du dernier PLFSS, pour donner enfin aux hôpitaux et à ceux qui y travaillent les moyens de remplir leurs fonctions dans la sécurité au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)

    M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

    Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la députée, vous le savez, l’hôpital public est une priorité de notre gouvernement. Actuellement, le chiffrage de ses tarifs est en cours, et les réponses précises que vous me demandez ne seront connues qu’avant la fin du mois de février.

    Je vous demande d’excuser Mme la ministre de la santé qui, comme vous le savez, est actuellement retenue au Sénat. Je peux cependant vous donner quelques précisions.

    Le taux d’évolution de l’ONDAM hospitalier pour 2013 a été fixé à 2,6 %, soit un taux supérieur à ce qu’avait prévu le précédent gouvernement. Ce taux doit permettre de poursuivre le développement d’une offre de soins hospitalière adaptée aux besoins des citoyens. Cette augmentation a représenté un effort très important en faveur du secteur hospitalier et très supérieur à la croissance de la richesse nationale, dans un contexte budgétaire contraint.

    Plusieurs député du groupe UMP. Qu’est-ce que c’est mauvais !

    Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. En ce qui concerne le secteur public, la campagne budgétaire permet en effet de dégager 1,6 milliard d’euros de crédits supplémentaires.

    Le Gouvernement souhaite par ailleurs préserver l’enveloppe des missions d’intérêt général, les MIGAC, qui connaîtront une augmentation de 2 %. Vous le savez, le respect de l’ONDAM est un élément essentiel pour assurer le développement de l’hôpital public dans les meilleures conditions possibles et je vous confirme qu’il est au cœur de la politique nationale de santé que nous mettons en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Politique du Gouvernement

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Gérald Darmanin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre : je suis sûr que, là où il se trouve, il nous entend. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Je ne m’adresse pas seulement à M. le Premier ministre, mais aussi à l’ensemble du Gouvernement. Depuis huit mois, vous avez aggravé le mécontentement des Français. Le mécontentement des salariés, d’abord, à qui vous avez retiré du pouvoir d’achat en revenant sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Le mécontentement des familles, ensuite, en soutenant un projet de loi qui divise la France et dont elle n’a aujourd’hui pas besoin. Le mécontentement des contribuables, enfin, et notamment des retraités, en créant ou augmentant vingt-cinq taxes et impôts. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. Gérald Darmanin. Les Français l’ont compris : votre déclaration d’amour était une déclaration d’impôts ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Aujourd’hui, ce sont les fonctionnaires qui sont en colère. M. Peillon, après avoir voulu légaliser le cannabis, a réussi ce tour de force, pour un ministre socialiste…

    M. Jean Glavany. Respire !

    M. Gérald Darmanin. …de l’éducation nationale, de mettre les instituteurs dans la rue. Aujourd’hui les fonctionnaires sont en colère, car vous refusez de revaloriser leur rémunération. Vous serez responsable de la paupérisation de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) car vous n’avez pas le courage de maîtriser les effectifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues de la majorité, laissez parler l’orateur ! Monsieur Roman, monsieur Martin, laissez-le s’exprimer !

    M. Gérald Darmanin. Sur ce projet comme sur bien d’autres, quand tiendrez-vous vos promesses envers les fonctionnaires et envers tous les Français ? Méditez cette phrase de Charles Péguy : « le triomphe des démagogies est passager ». Il faut avouer, effectivement, que celui de l’irresponsabilité est efficacement, définitivement résolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Vous pataugez ! Cela ne veut rien dire !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, j’ai cru comprendre, en écoutant votre question, que peu de politiques menées par ce gouvernement trouvent grâce à vos yeux.

    M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

    M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pour justifier ce jugement, vous n’hésitez pas à manier le paradoxe. Vous nous reprochez à la fois d’augmenter les impôts et d’être démagogues : comme si augmenter les impôts avait vocation à être populaire ! (Sourires.) Vous nous reprochez de ne pas poursuivre la politique que vous avez menée à l’égard de la fonction publique, alors même que, précisément, la politique que nous menons était espérée par les agents des trois fonctions publiques : d’État, territoriale et hospitalière ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    J’en veux pour preuve la satisfaction de l’ensemble de ces agents, et notamment de ceux de la fonction publique d’État, quand il a été enfin mis un terme à la révision générale des politiques publiques (applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), dont vous avez artificiellement gonflé le bénéfice pour les finances publiques. En réalité, une chose est certaine : vous avez désorganisé la fonction publique, pour un bénéfice en termes d’économies budgétaires tout à fait marginal. Je vous renvoie sur ce point au rapport particulièrement critique de la Cour des comptes, notamment sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

    M. Élie Aboud. Quel culot !

    M. Sylvain Berrios. Avec vous, c’est deux fonctionnaires sur trois !

    M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bref, vous nous reprochez de ne pas avoir fait en huit mois ce que vous n’êtes pas parvenus à faire en dix ans. Tout compte fait, vous espériez beaucoup de nous ; c’est à se demander si, au fond, vous n’avez pas voté pour le Président de la République ! Car je suppose qu’une telle confiance dans la majorité et le Gouvernement a été précédée par des actes politiques en notre faveur.

    M. Philippe Vigier. Vous nagez complètement !

    Mme Catherine Vautrin. Cela n’a aucun sens !

    M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cessez donc, monsieur le député, de manier le paradoxe et attendez de voir les résultats de la politique que nous menons. Nous redressons ce pays, qui en avait bien besoin après dix ans d’incurie et d’erreurs politiques majeures. La France retrouve sa voix en Europe, et ce n’est pas grâce à vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)

    Filière avicole

    M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    M. Richard Ferrand. Cette question, à laquelle j’associe Gwenegan Bui, député du Finistère, s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Mes chers collègues, la Commission européenne vient de décider, de manière hâtive et brutale, de diminuer de moitié les aides à l’exportation de la volaille française, après les avoir déjà diminuées de 30 % en octobre dernier. Avec une célérité inattendue, elle a décidé d’appliquer sans délai cette disposition, du jeudi pour le lundi !

    Très concrètement, deux grandes entreprises françaises se voient privées de plusieurs dizaines de millions d’euros : le groupe volailler Doux, actuellement en redressement judiciaire, et le groupe Tilly-Sabco, en reconquête d’équilibre économique. Les groupes exportateurs ont unilatéralement baissé le prix d’achat des volailles aux éleveurs d’environ 40 euros à 50 euros par tonne, ce qui plonge ces derniers dans une situation de déséquilibre économique. Les ouvriers s’inquiètent du devenir de leurs emplois, les éleveurs s’interrogent sur l’avenir de leurs exploitations, et tous les acteurs de la filière craignent pour sa pérennité. 5 000 emplois sont directement concernés par cette évolution, qui était prévisible mais aurait dû être réalisée progressivement, pour permettre aux mutations de la filière de s’opérer sereinement.

    C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les actions que vous entendez mener pour que la Commission européenne revoie sa copie, et adopte une démarche planifiée selon un calendrier bien défini et supportable. Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter la fragilisation – voire le sacrifice – d’une filière agricole et agroalimentaire essentielle à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

    M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous venez d’une région que je connais bien, et tout particulièrement votre circonscription. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, l’entreprise Doux connaissait les difficultés que vous savez. J’avais bien anticipé cette question des restitutions, qui fait débat depuis vingt ans. L’Europe a pris en 2005 – sous présidence française d’ailleurs – à l’OMC l’engagement d’arrêter les restitutions à l’exportation en 2013. Nous avons engagé une bataille face à la Commission européenne, qui est désormais la seule institution à pouvoir décider. Nous souhaitions retarder l’arrêt des restitutions, qui est de toutes les manières inéluctable – nous en avons déjà discuté. Nous avons donc tenté de retarder cette décision, qui a été prise malgré tout car nous n’avons pas pu former une minorité de blocage.

    Un député du groupe UMP. Quel manque d’influence !

    M. Stéphane Le Foll, ministre. Notre influence, monsieur le député, a notamment permis le retour aux droits de plantation. Elle a permis de modifier une décision que vous aviez vous-même acceptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quand on a de l’influence, on agit !

    Nous sommes d’accord : il ne s’agit pas de défendre les restitutions pour elles-mêmes, mais de permettre à ces entreprises d’assurer leur transition. Pour que cette transition s’opère, il faudra agir de manière transparente et efficace auprès de la Commission européenne. Voilà notre premier objectif.

    Avec Guillaume Garot, nous avons aussi prévu de rencontrer les entreprises ces prochains jours, afin d’examiner ensemble quelles mesures nous pourrons prendre pour leur venir en aide. Ces deux objectifs visent la même finalité : assurer une transition pour faire en sorte que cette activité perdure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    3
    Fixation de l’ordre du jour

    M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 25 février 2013 :

    Débat sur la sécurité sanitaire du médicament ;

    Débat sur les dispositifs d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande dans le bâtiment ;

    Débat sur « le Mali : au-delà de l’intervention militaire, perspectives de reconstruction et de développement » ;

    Questions au ministre de l’éducation nationale ;

    Débat sur le fonctionnement des juridictions prud’homales après la réforme de la carte judiciaire ;

    Débat sur l’avenir des projets d’infrastructures de transport ;

    Proposition de résolution européenne sur l’instrument de réciprocité sur les marchés publics.

    Il n’y a pas d’opposition ?...

    Il en est ainsi décidé.

    4
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.(n°s 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2052 et cinq amendements identiques à l’article 4.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement.

    M. Jacques Myard. Ce rappel au règlement, sur la base de l’article 58, alinéa 1, concerne, bien sûr, l’organisation du débat et la nécessité d’éclairer totalement le Parlement, opposition comme majorité : je veux parler de l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi. De ce que j’en ai entendu dire, il est visiblement important, car il soulève nombre de problèmes et de questions. Même si ce rapport est destiné au Gouvernement aux fins de l’instruire, il me semble utile que la représentation nationale soit également informée. C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, je souhaiterais que ce rapport soit remis à tous les députés. Je vous en remercie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

    M. Alain Tourret. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 de celui-ci et concerne la tenue de nos débats.

    Jour après jour, monsieur le président, mes chers collègues, nous montons d’un cran dans l’intolérance et l’invective. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a trois jours, le rapporteur était gravement mis en cause. Il y a deux jours, c’était Mme la ministre de la famille. Hier, c’était Mme la garde des sceaux. Je ne veux pas savoir qui a raison ou qui a tort. Je m’élève au-dessus de cela. Je rappelle, naturellement, toute l’amitié qui me lie aux trois personnes que je viens de citer. Pour avoir bien regardé nos débats le soir à la télévision, je peux vous dire que tout cela nous ridiculise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jacques Myard. Parlez pour vous !

    M. Alain Tourret. Tout cela annihile le travail de qualité que la majorité tout comme l’opposition réalise ici.

    Tout cela ne sert qu’une chose : le populisme. Il convient d’y mettre fin, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Julien Aubert. Organisez un référendum, dans ce cas !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à six amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n°2052.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous débutons cet après-midi par une série d’amendements qui s’inscrivent dans la suite logique de ceux que nous avons déposés hier pour rappeler notre opposition au texte. Nous avons déjà voté contre l’article 1er, contre les suivants également, pour les motifs que vous connaissez. Nous souhaitons que toutes les occurrences du code civil et des autres codes dans lesquelles les mots « père » et « mère » devront désormais être lus comme des synonymes de « parents », quel que soit leur sexe, échappent à cette précision apportée par l’amendement-balai. Tel est l’esprit des amendements que nous aurons l’occasion de détailler dans l’après-midi.

    L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n°2404.

    M. Philippe Gosselin. Je vous prie d’excuser mes quelques minutes de retard, bien involontaire. Je vais avoir besoin, comme un diesel, d’un petit temps de préchauffage. (Sourires.)

    Nous reprendrons cet après-midi les explications que j’avais commencées à une heure ce matin, et qui ne devaient pas être bien claires, j’en suis désolé. J’aurai l’occasion de revenir sur les demandes concernant les actes d’état civil et la façon dont le Gouvernement compte les présenter. Même si la question relève du domaine règlementaire, il sera par ailleurs important pour la représentation nationale de savoir si différents actes sont envisagés. Les incidences ne seront pas négligeables, en effet, notamment en matière d’adoption plénière, du fait de la substitution des filiations qui s’opère à ce moment-là et de la difficulté de raccrocher aux termes « père » et « mère ». J’y reviendrai plus clairement lors de ma prochaine intervention. Cela m’arrangera d’ailleurs de bénéficier d’un peu plus que deux minutes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On verra bien, nous ne sommes pas pressés et je suis en forme.

    M. le président. Vous avez encore un peu temps si vous voulez poursuivre dès à présent…

    M. Philippe Gosselin. Non merci, cela ira.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n°2598.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à faire échapper l’article 75 à l’application de la loi. Dans cet article, qui concerne la célébration du mariage, le mot « parent » apparaît, mais dans un sens bien différent. Je cite : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l’officier d’état civil, à la mairie, en présence d’au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties… »

    Le code civil a une conception très précise de la notion de parent qui désigne le neveu ou le cousin, au premier, deuxième ou troisième degré. Et vous allez polluer la langue française, la clarté du code civil, en y intégrant deux notions de parents : celle, traditionnelle, de grande famille, et celle, que vous voulez imposer, de père et père ou de mère et mère.

    Il serait nécessaire que cet article, au moins, échappe à votre dispositif et que nous retrouvions le premier sens du mot parent : un cousin, un neveu, mais en aucun cas deux pères ou deux mères.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n°3677.

    M. Xavier Breton. Je voudrais revenir, par cet amendement, sur la validité juridique de celui qui a conduit à cet article-balai. M. Myard le disait très bien, des interrogations juridiques demeurent mais elles pourraient être levées si nous avions connaissance de l’avis du Conseil d’État. A-t-il eu, en particulier, l’occasion de s’interroger sur la pertinence juridique de cet article-balai ?

    Nous aurions aussi aimé connaître l’avis du président de la commission des lois sur son impact juridique. En tant que président de cette prestigieuse commission, il a certainement une opinion indépendante du désir de faire accélérer les débats ou bâillonner l’opposition.

    La question posée par M. Le Fur est importante, on ne peut pas la balayer d’un revers de main.

    Pour toutes ces raisons, nous avons déposé cet amendement et nous attendons des réponses, non pas lapidaires, mais qui aillent au fond des questions posées. Il y en aura d’autres, j’y reviendrai, quant aux conséquences sur notre société.

    Nous attendons donc les réponses de la garde des sceaux, du rapporteur et du président de la commission des lois, et nous demandons à nouveau que nous soit communiqué l’avis du Conseil d’État.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n°4129.

    M. Hervé Mariton. La méthode de l’article-balai, outre qu’elle insulte les couples de personnes de même sexe, décrit une fiction et fragilise les couples de personnes de sexes différents.

    Le risque de l’amendement-balai, je l’ai dit, est de viser trop loin ou trop court. En tant qu’officier d’état civil, dans ma bonne ville de Crest où vous êtes conviés, j’ai toujours plaisir à lire les articles qui doivent l’être quand on marie.

    Je veux vous en lire un que votre projet de loi ne change pas, car il n’est pas visé par l’article-balai. J’ai déjà dit que j’appliquerai la loi mais j’aimerais bien savoir comment je vais faire, concrètement, dans les mairies, quand je me trouverai en présence de deux hommes ou de deux femmes et que je devrai lire l’article 371-1 du code civil : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité… »

    C’est une question très concrète. En ne changeant pas ce dispositif, vous imposez à tous les maires de France de lire ces dispositions quel que soit le couple qui se tiendra devant eux. Face à monsieur et monsieur, madame et madame, il faudra dire que l’autorité parentale appartient aux père et mère. Pouvez-vous imaginer dans quelle situation se trouvera non seulement l’officier d’état civil, ce qui au fond n’est pas si grave, mais surtout le couple sur le point de se marier ?

    Peut-être me trompé-je, mais je ne le crois pas : voilà la loi que vous êtes en train de nous proposer.

    J’invite le Gouvernement à nous répondre fermement et clairement. Nous passerons ensuite au vote car je constate que l’opposition est majoritaire dans l’hémicycle, c’est dire la motivation de la majorité sur ce projet de loi !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n°4393.

    M. Philippe Meunier. Il est défendu.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Olivier Dussopt. Mes chers collègues, ne soyez pas si impatients : il faut bien équilibrer le nombre de rappels au règlement entre ceux de l’opposition et ceux de la majorité

    M. Xavier Breton. Il faut surtout gagner du temps !

    M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, mon rappel est fondé sur l’article 58 alinéa 1, de notre règlement…

    M. Philippe Gosselin. La majorité ne semble pas très mobilisée !

    M. le président. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas abusé des rappels au règlement, elle.

    M. Olivier Dussopt. Je recommence, monsieur le président. Mon rappel est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et a trait à l’intelligibilité de nos débats.

    M. Philippe Gosselin. Dépêchez-vous d’arriver, les gens de gauche !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Olivier Dussopt. Monsieur Gosselin, vous nous avez habitués à plus de retenue, contrairement à vos collègues.

    M. Philippe Gosselin. Ne vous inquiétez pas pour moi.

    M. Olivier Dussopt. Nous sommes partis, grâce ou à cause des manoeuvres dilatoires de l’opposition,…

    M. Jean Leonetti. Il retarde les débats, c’est insupportable !

    M. Olivier Dussopt. …pour examiner une série de 187 amendements identiques, par séries de cinq, portant sur chacune des occurrences des mots « père » et « mère » dont vous avez longtemps craint qu’elles seraient supprimées dans le code civil et dans d’autres.

    M. Patrick Ollier. M. Dussopt veut gagner du temps car la gauche est minoritaire !

    M. Olivier Dussopt. L’amendement-balai aurait dû vous rasséréner, mais ce n’est visiblement pas le cas.

    Je regrette que nous passions autant de temps à répéter en permanence le même débat.

    Monsieur Gosselin, l’objectif principal de mon rappel au règlement était presque de vous faire une proposition. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Je comprends l’embarras de la majorité !

    M. Patrick Ollier. C’est que nous voulons avancer, nous !

    M. le président. Calmez-vous ! Si vous continuez ainsi, je vais devoir suspendre la séance. (Sourires.)

    M. Olivier Dussopt. Tout à l’heure…(Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, cessez donc vos interruptions ! Plus vite M. Dussopt achèvera son propos, moins les députés de la majorité seront nombreux à arriver…

    M. Olivier Dussopt. Monsieur Gosselin, j’attends que vous soyez calmé pour vous faire une proposition honnête.

    M. Philippe Gosselin. Les voilà ! Ils arrivent !

    M. Olivier Dussopt. Vous avez dit tout à l’heure regretter que, sur les 187 amendements que vous pensez défendre, le temps de parole soit limité à deux minutes, vous empêchant ainsi d’aller au fond du sujet.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’a pas dit cela !

    M. Olivier Dussopt. Je peux l’entendre aussi, et si la présidence et le rapporteur en étaient d’accord, vous pourriez retirer tous ces amendements et nous prendrions un temps global pour en débattre.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas Noël !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4179 et 4393 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Comme nous allons passer tout l’après-midi et peut-être une partie de la soirée à discuter les nombreux amendements déposés sur l’article 4, un millier je crois,…

    M. Philippe Gosselin. Ce sont des amendements très importants !

    M. Erwann Binet, rapporteur. …je voudrais tout d’abord rappeler que l’article 4 vise à rendre applicables tous les articles contenant des termes sexués des livres I et III du code civil aux couples de même sexe et aux familles homoparentales. Monsieur Mariton, vous l’avez, en creux, bien rappelé.

    On ne change donc pas une virgule ni un seul mot de ces articles, c’est vrai.

    M. Hervé Mariton. Et comment vais-je faire, alors, avec le 371-1 ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je vais y venir.

    M. Le Fur m’a interrogé sur la polysémie du mot « parent ». Or, elle existe déjà dans le code civil. Ainsi, à l’article 371-1 que M. Mariton a relu tout à l’heure, le sens est clairement celui des deux parents. C’est évident.

    En revanche, dans les dispositions relatives aux successions, le mot « parent » est employé à de très nombreuses reprises au sens de parenté, notamment pour viser les collatéraux. Plus précisément, en droit des successions, le terme « parent » vise jusqu’au sixième degré les enfants, leurs descendants, les père et mère, frères et sœurs et descendants de ces derniers, les ascendants autre que les père et mère et les collatéraux autre que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

    Nous en avons discuté avec les notaires, M. Mariton s’en souvient certainement et j’y ai fait allusion hier. Nous les avons souvent interrogés sur les problèmes qu’ils étaient susceptible de rencontrer en raison de ces deux acceptions. Il s’avère qu’ils n’en sont pas troublés, car ils ont l’habitude de manier ces articles et intègrent dans leur pratique cette polysémie. En revanche, remplacer l’un des termes par « membre de la famille » les aurait perturbés. Or, c’était le parti pris du Gouvernement dans un certain nombre d’articles, et cette modification les gênait davantage que le maintien de la polysémie du mot parent, qui est déjà présente dans notre code civil. Il me paraît important de le rappeler à M. Le Fur. Ce problème ne se posera donc pas plus après le vote du texte qu’il ne se pose aujourd’hui.

    S’agissant de l’article 371-1 du code civil, vous avez rappelé, monsieur Mariton, qu’il était lu devant les couples lors de la cérémonie de mariage. C’est vrai, mais les couples n’ont pas le texte sous les yeux, et quand vous dîtes « aux père et mère », on peut entendre un « s » à père et un « s » à mère, de sorte que l’expression pourrait être considérée de manière générique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Non ! Il n’y en a pas !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Il faut faire confiance aux maires, à leur bon sens, à leur manière de présenter les choses et de les expliquer aux époux. Il n’est pas interdit aux maires d’expliquer ces articles à la lumière de celui que nous allons adopter. Pour ma part, cela ne me choque absolument pas. Les couples homosexuels qui vont venir devant vous pour se marier savent que ces articles leur seront applicables, et ils préfèreront cela plutôt que de ne pas avoir d’articles qui leur soient applicables.

    M. Hervé Mariton. Vous rendez-vous compte de la situation dans laquelle vous allez les mettre ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Bien entendu, la commission a donné un avis défavorable aux amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur les amendements identiques n°s2052 à 4393, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Mme la garde des sceaux pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais faire un point sur la méthode.

    M. Philippe Cochet. Il serait temps !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle que nous avions choisi deux écritures différentes ; le Gouvernement avait choisi une écriture de recensement et la commission, aux travaux de laquelle vous avez participé, a choisi. Le rapporteur a fait une proposition, qui a été soumise au vote et s’est donc imposée. C’est sur ce texte-là que nous travaillons depuis mardi.

    M. Hervé Mariton. Eh oui ! Et il ne fonctionne pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission a choisi l’autre méthode, celle de la disposition interprétative. Permettez donc que j’en reste à ce vocabulaire.

    Une disposition interprétative, cela veut bien dire que l’on interprète. Ne faisons pas semblant de croire que l’officier d’état civil, par exemple, ne serait pas en mesure d’interpréter, dans un cas précis…

    M. Hervé Mariton. Dans le texte à lire ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr ! ne faisons pas comme si l’officier d’état civil n’était pas en mesure d’interpréter, puisque le texte est interprétatif.

    M. Hervé Mariton. Il interprétera ou il lira ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parmi tous les amendements qui suivent, certains vont nécessiter quelques commentaires. Il faudra que nous prenions le temps de les lire pour savoir exactement ce qu’ils signifient de concret et de pratique pour la vie des personnes concernées. Certains, en effet, introduisent des dispositions surprenantes. Nous allons donc entrer dans le détail. Le principe de la série d’amendements que vous avez déposés consiste à contester la disposition interprétative introduite par la commission des lois.

    Je sais que vous allez continuer à faire votre travail d’opposition jusqu’au bout…

    M. Hervé Mariton. Et nous le faisons bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …puisque, lorsque nous vous suggérons de renoncer à certains de vos amendements, vous les maintenez. Personne ne vous conteste ce droit, et vous irez jusqu’au bout.

    M. Hervé Mariton. Parlez du fond !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’en reste pas moins que je suis absolument persuadée que votre souci, comme le nôtre, est que la loi soit bien faite.

    M. Hervé Mariton. Oui, mais là, elle est mal faite !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Car vous-même, monsieur Mariton, ainsi que plusieurs députés de l’opposition, vous avez affirmé que, tout en étant opposés à ce texte de loi, vous l’appliquerez en votre qualité d’officier d’état civil.

    Étant donné que l’Assemblée a adopté l’article 1er de ce texte, je suis persuadée que vous partagez avec nous le souci que toutes les dispositions nécessaires soient prises de façon que la loi soit effectivement applicable.

    Or, la logique de tous les amendements que vous présentez par séries de six est d’empêcher l’application réelle de la loi, de rendre inapplicable l’article 1er de la loi. Voilà la réalité ! C’est pour cette raison que je disais que vous feriez votre travail d’opposition jusqu’au bout. Mais je suis persuadée qu’au-delà de cette opposition, votre souci est de faire une loi applicable,…

    M. Jean Leonetti. Et l’article 371-1 ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que, finalement, vous serez bien content que nous ayons introduit toutes les dispositions nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. C’est un vrai sujet, et vous le reconnaissez. Votre défense de l’amendement-balai dans ce cas d’espèce, madame la ministre, était pour le moins nuancée…

    Le rapporteur nous dit que « père et mère » sont écrits dans le code au singulier, mais que l’on peut sous-entendre un pluriel, et qu’il est loisible à l’officier d’état civil et aux conjoints de le faire…On s’y retrouve comme on peut ! Quant à la ministre de la justice, elle nous dit que nous pouvons interpréter… C’est extravagant ! Nous sommes tout de même en train d’écrire la loi ! Je viens de vous le démontrer, moi qui ne suis ni ministre de la justice, ni président de la commission, ni rapporteur…

    M. Jean Glavany. Heureusement !

    M. le président. Monsieur Glavany, laissez parler M. Mariton !

    M. Hervé Mariton. Au regard de ma pratique en tant qu’officier d’état civil – c’est au passage l’une des vertus du cumul des mandats –, je me demande comment tout cela va fonctionner quand mon devoir sera d’appliquer la loi dans ma commune en lisant cet article si, par malheur, votre loi est votée. Il n’est pas mauvais d’avoir l’esprit pratique… Je lis donc l’article et je me dis que cela ne marche pas ! Je ne pourrai pas dire à deux hommes ou à deux femmes qui sont devant moi que « l’autorité parentale appartient aux père et mère ». Comment vais-je pouvoir leur dire cela ? Comment vont-ils le vivre ? Comment vont-ils me regarder ? C’est extravagant !

    Comme je suis quelqu’un d’assez rigoureux, j’ai demandé si cet article était bien visé par l’amendement-balai ou non. On m’a dit que non. Cet article ne change donc pas d’un iota, ni d’un « s » ni de deux « s ». Nous aurons donc un mariage illisible et inapplicable dans toutes les mairies de France dès que la loi sera votée si par malheur elle l’est. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je respecte beaucoup le combat mené par mes collègues de l’opposition.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Merci !

    Mme Marie-George Buffet. Ils ont mené le combat contre le mariage pour les couples homosexuels, contre l’adoption par les familles homoparentales, avec des arguments que nous avons entendus, notamment à l’article 1er, liés à une certaine conception du mariage basé sur un homme et une femme, la femme étant là pour procréer.

    M. Jean Leonetti. C’est le combat de la logique !

    Mme Marie-George Buffet. Malgré ces amendements, l’article 1er a été voté, instaurant le mariage et l’adoption pour toutes et tous. Je pensais donc que, dans un deuxième temps, sur les articles suivants, nos collègues de l’opposition défendraient des amendements permettant à la loi de mieux s’appliquer. Or je les soupçonne de ne pas avoir accepté l’adoption de l’article 1er…

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

    Mme Marie-George Buffet. …et d’essayer de ralentir le débat par toutes ces séries d’amendements. Ce sont les mauvais perdants de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

    M. Philippe Gosselin et M. Hervé Mariton. Je demande la parole !

    M. le président. Mes chers collègues, nous avons un débat intéressant. J’interprète le règlement de manière large car, normalement, je devrais ne donner la parole qu’à un orateur pour et à un orateur contre. Je vais continuer ainsi, mais à condition que tout le monde respecte le jeu, faute de quoi je reviendrais à une lecture stricte du règlement.

    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme l’ont dit très justement la ministre de la justice et Marie-George Buffet, la majorité a adopté l’extraordinaire réforme que constitue l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous sommes des législateurs, mes chers collègues, et à partir du moment où nous avons fait cela, il nous faut revisiter le code civil car il appartient au législateur, lorsqu’il vote une réforme de société, de faire en sorte que la loi s’applique.

    C’est pourquoi l’ensemble des dispositions des articles 2, 3 et 4 a pour but, je le dis à tous ceux qui nous écoutent, de rendre cette loi applicable. C’est notre responsabilité.

    Monsieur Mariton, je me permets de vous faire part de mon admiration pour votre inépuisable propension à développer des arguments. J’ai sûrement des leçons à recevoir, mais j’en ai donné également en la matière…

    Lorsque vous célébrez un mariage, vous êtes obligé de lire les articles 212, 213, 214 et 215 du code civil, ainsi que l’article 371-1 que vous avez cité tout à l’heure. Ce faisant, vous êtes l’incarnation de la loi. Il vous est sans doute arrivé de lire à des couples qui avaient à leurs côtés de grands dadais de vingt et un ans ces articles portant sur l’autorité parentale et la responsabilité éducative vis-à-vis de ses enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Cela veut bien dire qu’il y a une incarnation du sens de la loi dans le fait de lire les articles du code civil. Quand il s’agit de marier des personnes de soixante-dix ans, vous le faites avec un égal plaisir et vous lisez les mêmes articles sur l’autorité parentale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ils vous regardent en souriant ! Cela veut dire, chers collègues, qu’avec vos arguties – qui ne servent qu’à gagner du temps, nous le comprenons – vous niez quelque chose d’essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quand l’officier d’état civil lit le code civil, il traduit pour nos concitoyens que c’est dans la loi que s’établit le lien du mariage.

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur Mariton, la prochaine fois que vous célébrerez le mariage de personnes âgées avec l’attention que je vous connais, vous ne manquerez pas de vous rappeler ce que je viens de vous dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Peut-être qu’ils auront eu des enfants, avec la PMA !

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je reviens sur cet article que tous les maires ont l’habitude de lire. De mémoire, je crois qu’il a été ajouté par Ségolène Royal.

    M. Jean Glavany. Sur sa proposition !

    M. Christian Jacob. Absolument.

    Au départ, vous aviez l’intention – ce que Mme la garde des sceaux a fortement contesté – de supprimer les références au père et à la mère. Puis vous nous avez dit que vous n’aviez jamais eu cette intention. Mme la garde des sceaux a d’ailleurs déclaré dans cette assemblée qu’elle n’avait jamais eu connaissance d’une telle volonté de supprimer ces références. Soit. Cela étant, ce n’est pas ce que nous avions entendu.

    Vous avez insisté pour maintenir les mots « père » et « mère ». On voit bien, dès lors, l’inapplicabilité de la loi, qui ne découle pas seulement de la lettre, mais aussi du ressenti. Quand vous aurez un couple d’homosexuels en face de vous, deux femmes ou deux hommes, vous les dénommerez « père et mère ». Vous savez bien que le ressenti sera douloureux et offusquant ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la réalité !

    Faites en sorte d’avoir un texte qui soit applicable ! En l’occurrence, vous voyez bien qu’il ne l’est pas.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Tous les maires connaissent cet article, qu’ils lisent très souvent.

    Monsieur le rapporteur, vous dites que, somme toute, le fait qu’il n’y ait pas de « s » n’est pas important puisque c’est interprétatif, mais que nous devrons expliquer qu’il y a un « s »…

    Pardonnez-moi, mais nous sommes ici un certain nombre à avoir fait des études de droit. Quand on voit le nombre d’heures que l’on passe pour savoir s’il y a un « s » ou non, dire que c’est sans importance, franchement, cela fait sourire et, surtout, cela nous inquiète !

    Par ailleurs, nous sommes en train de débattre depuis des heures et des heures. Beaucoup de Français regardent ce débat. Maintenant, ils vont savoir qu’il y a une faille énorme.

    M. Claude Goasguen. Et ridicule !

    M. François de Mazières. Quand nous allons célébrer des mariages, croyez-vous que personne ne nous demandera si nous pouvons leur montrer le texte ? On va nous dire que nous ne sommes pas sérieux et que nous n’appliquons pas la loi. Avouez-le, il y a un gros problème ! Cela démontre une nouvelle fois que votre texte a été fait dans la précipitation.

    Nous vous avons demandé à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, la raison pour laquelle vous ne répondez pas aux questions de base sur la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une nouvelle fois, la précipitation vous conduit dans l’impasse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

    M. Thomas Thévenoud. Merci, monsieur le président. Je souhaite évoquer les conditions de notre débat, qui dure maintenant depuis mardi dernier, soit une semaine. J’en profite pour saluer la présence des ministres au banc et la qualité de leurs interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Xavier Breton. Prétentieux !

    M. Thomas Thévenoud. J’adresse également des félicitations à notre rapporteur, Erwann Binet, qui fait face depuis une semaine à l’obstruction constante de l’opposition de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Voilà qui ressemble à un enterrement de première classe !

    M. Thomas Thévenoud. Obstruction et obsession sont les deux mamelles de l’opposition parlementaire ! Nous avons la chance – mais en est-ce une ?– d’avoir la droite la plus ringarde d’Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. C’est vrai !

    M. Thomas Thévenoud. Même vos amis conservateurs anglais sont en train de voter le mariage des couples de même sexe ! Voilà la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La seule vertu qu’a la durée de ce débat, c’est de nous permettre d’apprécier la variété, la qualité et la diversité des couleurs des pulls de M. Mariton. À la fin de la semaine, nous aurons vu toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Nouvelles et vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Je ne reviens pas sur les termes employés par l’opposition au cours de ce débat. Je me contenterai de faire observer que tous les articles qui restent à discuter sont des articles de coordination avec l’article 1er, que nous avons très largement voté dans cet hémicycle. Nous voterons donc contre vos amendements.

    M. Philippe Gosselin. Ils sont techniques et non politiques !

    M. Thomas Thévenoud. Nous sommes cohérents, fiers et soucieux de progrès ! Nous sommes mobilisés et unis pour faire avancer cette belle cause du mariage pour tous dans notre pays !

    M. le président. Je note que M. Mariton m’a demandé la parole pour un fait personnel à la suite de cette attaque insupportable contre ses habitudes vestimentaires. (Sourires) Il y sera fait droit en fin de séance.

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4129 et 4393.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 293

    Nombre de suffrages exprimés 292

    Majorité absolue 147

    Pour l’adoption 103

    Contre 189

    (Les amendements nos 2052, 2404, 2598, 3677, 4 129 et 4 393 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 2053, 2405, 3679, 4 131 et 4 394.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2053.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier notre excellent collègue de la majorité qui vient de parler, laissant mes collègues de l’opposition s’exprimer sur le fond de ces amendements. Il est parfaitement libre de son appréciation du travail que nous faisons, même si elle s’écarte de celle de la garde des sceaux qui tout à l’heure a reconnu notre légitimité. Nous sommes dans notre rôle lorsque nous bataillons sur ce texte jusqu’à la fin. Je la remercie de sa remarque.

    Il me semble que vous n’avez pas bien compris, mon cher collègue, les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. C’est notre droit le plus strict de défendre nos positions comme bon nous semble. C’est notre droit le plus strict de nous opposer à ce texte jusqu’à la dernière minute. C’est notre droit le plus strict d’utiliser pour ce faire tous les moyens que le règlement de l’Assemblée et son président nous donnent.

    Ainsi, mon cher collègue, n’hésitez pas à intervenir à nouveau comme vous venez de le faire, sur un ton qui frise la provocation. Cela recharge nos batteries et accroît nos forces. Nous avons mal pris la première séquence de cette séance, mon cher collègue. S’il vous plaît, intervenez à nouveau, cela nous fait toujours plaisir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2405.

    M. Philippe Gosselin. On peut en effet se demander si nos collègues ont d’autres arguments que la couleur des pulls de M. Mariton !

    M. Jean Leonetti. Absolument !

    M. Philippe Gosselin. Je me réjouis de découvrir cet après-midi une nouvelle catégorie juridique. Nous avons, paraît-il, dans le code civil des « articles sexués ». J’avoue avoir fait quelques études de droit, et parle sous le contrôle des agrégés ici présents : je n’ai jamais eu connaissance d’« articles sexués ». Certainement, le rapporteur nous éclairera sans tarder. Au reste, avec le texte que l’on nous prépare, seuls les articles seront désormais sexués ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Quant au cœur de mon intervention (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), j’attends toujours une réponse du Gouvernement sur la rédaction des actes de naissance en cas d’adoption plénière. Je rappelle, pour ceux qui ont manqué les épisodes de la nuit, que l’adoption plénière opère une pleine substitution de la filiation biologique au profit des parents adoptifs. Qu’en est-il en cas d’adoption par des parents de même sexe ? L’article 310-3 du code civil précise que l’acte de naissance prouve la filiation. Or les enfants de couples de même sexe auront un acte d’état-civil spécifique, comme il a été dit. Celui-ci fera immédiatement apparaître l’identité sexuelle de ses parents.

    Mes chers collègues, l’orientation sexuelle des parents adoptifs ne peut être un élément de l’identité de l’enfant adopté par un couple de même sexe. Sinon, la prétendue égalité des adultes aurait pour effet de l’état-civil des enfants réellement discriminant, car les enfants adoptés par des couples de même sexe auraient un état-civil distinct de celui des autres enfants. Il ne peut en effet être écrit, dans le cas d’une adoption plénière, qu’ils sont nés de leurs parents. En vertu…

    M. le président. Merci. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Je terminerai plus tard, monsieur le président !

    M. Céleste Lett. Ce n’est pas acceptable, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. J’ai laissé trois minutes à M. Gosselin, au lieu de deux.

    La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3679.

    M. Xavier Breton. Votre générosité vous perdra, monsieur le président !

    M. le président. C’est bien ce qu’on me dit sur les bancs de la majorité !

    M. Xavier Breton. C’est ce que je crois comprendre, monsieur le président… Je voudrais dire à notre collègue Thévenoud que la majorité en voit de toutes les couleurs depuis une semaine, et que ce n’est pas fini !

    La controverse qui vient de s’ouvrir sur l’article 371-1 montre bien l’impréparation de ce texte ainsi que les réticences du Gouvernement à propos de l’amendement-balai ! Je me souviens fort bien, madame la garde des sceaux, que vous n’étiez pas à l’aise en commission des lois, à laquelle j’ai eu le privilège d’appartenir pendant quelques heures à l’occasion de la discussion de ce texte, Vous justifiiez la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d’articles. Selon vous, c’était possible, et c’était le parti pris par le Gouvernement.

    Vous nous avez fait un cours de légistique fort instructif, et déduit du travail de la commission la possibilité de cet amendement-balai et de l’article qui en découle. En réalité, je me demande s’il n’y a pas derrière cela des incohérences juridiques. Pourquoi l’article 371-1 a-t-il été oublié ? Y a-t-il un problème juridique ? Quelles en sont les conséquences juridiques pour les maires amenés marier des couples de personnes de même sexe ? Pourquoi cette réticence du Gouvernement à propos de cet amendement-balai ? J’entends bien qu’on n’y avait pas pensé dès le début et qu’il est l’effet des auditions et voyages à l’étranger. Mais j’aimerais savoir si le Gouvernement est vraiment fanatique de cet amendement et de l’article-balai qui en découle, ou s’il y a des réticences. J’aimerais aussi avoir une explication de fond, ainsi que l’avis du Conseil d’État sur cette disposition.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous ne sommes fanatiques de rien !

    M. Philippe Gosselin. C’est un aveu, madame la ministre !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4131.

    M. Hervé Mariton. Chacun aura apprécié la force démonstrative des arguments de notre collègue socialiste qui parlait tout à l’heure…

    Vous évoquez, mesdames les ministres, ce qui se passe aujourd’hui au Royaume-Uni. Je vous rappelle d’abord que la réforme engagée ne concerne pas le Royaume-Uni, mais l’Angleterre, peut-être le pays de Galles, certainement pas l’Écosse ni l’Irlande du nord.

    M. Jean Glavany. Ça change tout !

    M. Philippe Gosselin. Il importe d’être précis !

    M. Hervé Mariton. Je vous rappelle surtout que la plupart des pays ayant adopté le mariage des personnes de même sexe et que vous présentez comme des modèles à suivre sont, comme l’Angleterre, des pays à religion d’État. La plupart des Anglais qui se marient le font dans un lieu de culte et ne connaissent pas le mariage civil en tant que tel.

    M. Claude Goasguen. Évidemment !

    M. Hervé Mariton. Le mariage civil à la française, comme cela a été dit à plusieurs reprises, y compris par un membre du Gouvernement, a un caractère sacré, au sens républicain du terme, parce que la République en France a su faire émerger des formes propres.

    M. Claude Goasguen. Absolument ! Ce n’est pas le cas en Angleterre !

    M. Hervé Mariton. C’est une caractéristique de la France. C’est l’une des forces de la République. Dans la plupart des pays européens, on se marie dans un lieu de culte et le mariage civil est une forme subsidiaire. Dès lors que la réforme proposée en Angleterre par le gouvernement de M. Cameron, à dire vrai contre la majorité des députés conservateurs, ne concerne pas l’Église anglicane, elle n’a rien à voir avec celle que vous nous proposez. Pour la majorité des Anglais, le mariage, c’est le mariage anglican. Ils n’ont pas à passer à la mairie et votre comparaison ne tient pas.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier pour soutenir l’amendement n° 4394.

    M. Philippe Meunier. Nous comprenons, à entendre les propos tenus tout à l’heure par le rapporteur, que la majorité est en train de créer un code civil à géométrie variable.

    M. Philippe Gosselin. Eh oui ! C’est le droit novlangue !

    M. Philippe Meunier. En fait, chacun pourra comprendre ce qu’il veut de l’officier d’état-civil chargé de les marier. Le père peut devenir la mère, la mère peut devenir le père. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de ce que vous êtes en train de faire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Laurence Dumont. Et vous de ce que vous êtes en train de dire ?

    M. Philippe Meunier. Il est temps de vous ressaisir !

    Nous sommes prêts, monsieur le président, à défendre nos amendements sans prise de parole si vous voulez bien laisser un peu plus de temps à nos collègues lorsqu’ils sont en pleine démonstration juridique, comme le fait très brillamment notre collègue Gosselin. Je vous en remercie par avance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Vous vous placez, mon cher collègue, dans la logique du temps programmé, qui n’a été ni retenue par la Conférence des présidents ni demandée par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est donc le droit commun de notre règlement qui s’applique.

    Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voudrais expliquer le sens de ces amendements, puis répondre à quelques questions qui ne sont pas liées aux amendements eux-mêmes. C’est la loi du genre, pour ainsi dire.

    Ces amendements nous proposent d’insérer à l’alinéa 3, après la référence « VII », les mots « et de l’article 78 ». Autrement dit, ce sont des amendements qui visent à exempter de toute disposition interprétative l’article 78.

    Ce qui figure dans le texte de la commission, c’est : « à l’exclusion du titre VII ». Ce que nous nous obstinons à dire, et tant pis si vous ne voulez pas l’entendre, c’est que nous ne touchons pas au titre VII qui traite de la filiation. J’ai même dit cette nuit que nous devrions ajouter « biologique » entre guillemets, puisque cette précision semble nécessaire pour que nous parvenions à nous comprendre. Le titre VII du code civil traite de la filiation et d’elle seule. Nous ne touchons pas au titre VII, comme nous ne cessons de le répéter. En particulier, nous n’enlevons pas « père » et « mère » du titre VII.

    Certains députés ont pu dire que j’avais eu une appréciation nuancée de la disposition interprétative. Il est vrai que le Gouvernement avait choisi un autre mode d’écriture. Mais la commission a choisi celui-ci, et le Gouvernement ne porte pas d’appréciation sur ce choix.

    M. Dominique Dord. Pourquoi ? Il peut corriger le travail de la commission !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En revanche, il peut vous expliquer, comme je ne cesse de le faire, les raisons de son propre choix.

    Le texte de la commission précise « à l’exception du titre VII », et les amendements que nous examinons depuis tout à l’heure visent à ajouter des exceptions à celle-ci. Ainsi, vous proposez, par ces amendements, d’ajouter : « et de l’article 78 ». Or, cet article dispose que : « L’acte de décès sera dressé par l’officier de l’état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d’un parent du défunt ou sur celle d’une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu’il sera possible. » Cela signifie donc que, pour les couples homosexuels mariés, vous souhaitez interdire la possibilité de déclarer un décès. Voilà ce que vous êtes en train de faire : il faut dire quel est l’objet de ces amendements ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Si, comme vous le proposez, on applique la disposition interprétative à l’exception du titre VII et de l’article 78, soit les couples homosexuels devront être dotés de parents immortels – et il n’y a pas de raison de le penser –, soit ils seront, en droit, dans l’impossibilité d’effectuer des démarches. C’est pourquoi je disais tout à l’heure, sans ironie, que vous allez plaider votre cause et défendre vos amendements jusqu’au bout, mais que vous ne pouvez pas ne pas partager avec nous le souci que le texte soit bien écrit. Or, si nous adoptons des amendements tels que ceux-là, il ne le sera pas.

    Par ailleurs, monsieur Gosselin, puisque c’est par petits bouts (Rires),…

    M. Philippe Gosselin. Je n’y verrai pas une attaque personnelle.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Puisque c’est par petits bouts que vous défendez vos amendements, je vais essayer de vous répondre par petits bouts.

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Cet article-balai – le terme n’est pas très heureux – est pour le moins pittoresque, puisqu’il permet de transformer nombre d’articles de notre code civil sans véritablement les transformer. On a ainsi très bien montré qu’au moment de la cérémonie du mariage, on va devoir expliquer, à propos de l’article 371-1 – qui protège les enfants – qu’il y a un père et une mère et, à propos d’un article suivant, que, par père et mère, il faut entendre parents. Voilà qui est bien compliqué. On pourrait écrire « pères » et « mères », avec un « s » : cela ne déplairait pas à la gauche plurielle (Sourires), mais cela resterait compliqué.

    À notre prétendue volonté d’obstruction correspond votre volonté manifeste d’abstraction : on n’y comprend rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Le groupe de l’Union pour un mouvement populaire m’ayant transmis sa demande un peu tardivement, nous allons attendre quelques instants avant de procéder au scrutin. (« Le rideau ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il nous faut respecter le délai prévu par le règlement. C’est la faute de M. Jacob… (Sourires.)

    M. Christian Jacob. Vous avez raison, monsieur le président. Vous êtes dans votre rôle !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Les députés de la majorité arrivent pour voter !

    M. Jérôme Guedj. Et vous, où étiez-vous ce week-end ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Calmez-vous s’il vous plaît, monsieur Guedj.

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 287

    Nombre de suffrages exprimés 285

    Majorité absolue 143

    Pour l’adoption 100

    contre 185

    (Les amendements identiques nos 2053, 2405, 3679, 4131 et 4394 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 1771.

    M. Marc Le Fur. Mes chers collègues, après l’intervention de M. Thévenoud, je souhaiterais que l’on cesse ces allusions constantes à la couleur des vêtements des uns et des autres (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste) ; c’est déplacé. Bientôt, on fera remarquer que ma chemise est de couleur rose et on en tirera je ne sais quel argument. Tout cela n’a pas de sens : faisons preuve du sérieux qu’exigent nos travaux !

    Je remercie M. le rapporteur de la réponse qu’il m’a faite au sujet des différents sens du mot : « parents » dans le code civil. Voilà la preuve que, lorsque nous discutons article après article et que le rapporteur nous apporte des réponses argumentées, nous progressons. Quant au « s », notre collègue a évoqué la gauche plurielle ; j’ai trouvé, pour ma part, la réponse un peu singulière. (Sourires.)

    Par ailleurs, si, tout à l’heure, notre collègue Myard a évoqué l’avis du Conseil d’État, ce n’est pas pour rien. En effet, la rumeur court dans Paris (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste) que cet avis comporterait un certain nombre de réserves. De deux choses l’une : soit c’est vrai et il faut en tenir compte, soit c’est faux et il faut que nous puissions le constater par nous-mêmes. En tout état de cause, monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, il est indispensable que nous disposions de l’avis du Conseil d’État avant de poursuivre nos travaux.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1777.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis d’accord avec Marc Le Fur sur la nécessité de disposer de l’avis du Conseil d’État, qui, à ce stade de nos débats, me semble être un élément tout à fait essentiel. En revanche, contrairement à lui, j’invite vivement nos collègues de la majorité – je m’adresse en particulier à vous, monsieur Guedj – à continuer à nous invectiver, parfois à nous injurier (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…

    M. Jérôme Guedj. J’ai simplement demandé où se trouvaient certains de nos collègues de l’UMP ce week-end !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …cela nous donne de l’énergie et nous incite à poursuivre dans la voie que nous avons choisie.

    Madame la garde des sceaux, je comprends tout à fait que notre attitude vous décontenance, s’agissant de l’écriture de la loi, mais tout de même ! Je reviens sur la remarque qu’a faite notre rapporteur, tout à l’heure. Je conçois que l’article-balai, méthode dont j’ai bien compris l’articulation et les effets, soit la solution la plus pratique. Celle que vous aviez choisie dans le projet de loi et qui consistait à remplacer purement et simplement les termes de « père » et de « mère » par celui de « parents », était plus difficile à défendre sur le plan politique devant l’opinion, mais elle était plus claire. Là, nous nous trouvons dans une espèce de situation mensongère, puisqu’il faudra systématiquement lire « parents » à chaque fois qu’on lira « père » et « mère » ;

    Nous aurons l’occasion ultérieurement d’aborder des arguments concernant l’intelligibilité et la clarté de la loi, mais reconnaissez que l’article 4 nous place dans une situation très ambiguë.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2355.

    M. Philippe Gosselin. Nous en venons à la « saison 3 » (Sourires) ; je vais maintenant aborder le cœur du problème.

    Les enfants adoptés par un couple de personnes de même sexe auront, disais-je, un état civil distinct des autres enfants, car il ne peut pas être écrit qu’ils sont nés de leurs parents. Cela découle d’un principe essentiel – je dis bien : un principe essentiel – du droit français de la filiation, qui est par ailleurs conforme – et là encore, j’insiste sur ces mots – à l’ordre public international. En effet, la Cour de cassation a livré sa lecture de l’article 310 du code civil dans deux arrêts du 7 juin 2012 qui concernent l’exequatur de deux jugements étrangers d’adoption au profit de ressortissants français. Je peux, car cela a son importance, préciser ce qu’est l’exequatur.

    Un député du groupe SRC. Deux minutes !

    M. Philippe Gosselin. Si vous voulez jouer à ce jeu-là, je vous rappelle que nous ne sommes pas pressés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes dans une enceinte où l’on fait le droit.

    M. le président. Pour le moment, je suis le seul à présider la séance. Poursuivez, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. En deux mots, et sans vouloir être pédant,…

    M. Bernard Roman. Vous l’êtes tout de même !

    M. le président. Monsieur Roman !

    M. Philippe Gosselin. Ne jouez pas à ce jeu-là, mes chers collègues. Si vous le souhaitez, vous remporterez peut-être – car vous avez bien compris que nous n’avons pas dit notre dernier mot – la victoire politique. Encore faut-il l’habiller du juridisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le droit, ce n’est pas de la novlangue, c’est une mécanique précise ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque nous faisons, ici, œuvre de législateur, nous faisons le droit, et il s’agit de bien le faire.

    M. Alain Tourret. Nous ne faisons pas le droit, nous faisons la loi. Ce n’est pas la même chose !

    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. Je précise – mais j’y reviendrai en « saison 4 », ce n’est pas grave – que l’exequatur est une procédure qui permet de rendre exécutoire en France soit une décision de justice étrangère, soit une sentence arbitrale, qu’elle ait été rendue en France ou à l’étranger.

    M. le président. Nous allons en rester là pour le moment, monsieur Gosselin.

    La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 3460.

    M. Hervé Mariton. La difficulté tient au fait que l’on veut appliquer – très imparfaitement, comme nous venons de le voir – la même procédure aux couples de personnes de même sexe qu’aux couples de personnes de sexe différent. La solution aurait consisté à créer, à inventer, une procédure publique adaptée.

    Dois-je rappeler à Mme la garde des sceaux, qui cite Léon-Gontran Damas dans son discours introductif – vous avez de bonnes lectures, chère madame –, que ce poète a très souvent exprimé, dans son œuvre, l’idée que les différences entre les personnes ne devaient pas être niées, mais assumées, acceptées et promues ? Bref, qu’il considérait que la différenciation était préférable à l’identification.

    Vous qui citez un poète prônant que, face à des situations différentes, l’on refuse une assimilation ne correspondant pas à la réalité des choses – ce qui n’attente en rien à la dignité des personnes –, pourquoi cautionnez-vous cette construction extravagante qu’est l’article-balai ?

    Un député du groupe UMP. Ce n’est pas parce qu’elle le cite qu’elle l’a lu !

    M. Hervé Mariton. Cet article reflète bien une volonté d’indentification jusqu’à l’artificiel, jusqu’au factice. Madame la garde des sceaux, revenez à Léon-Gontran Damas !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3513.

    M. Xavier Breton. Les difficultés de coordination du texte avec l’article 371-1 du code civil sont dues en grande partie à un problème touchant l’ensemble du texte, à savoir un manque de concertation. Vous n’avez pas souhaité organiser un débat public, alors que ce débat, qui passionne les Françaises et les Français, existe au sein de la société. Pour notre part, nous avons organisé des réunions dans la France entière, notamment avec l’Entente parlementaire pour la famille, ce qui a amené les médias à s’emparer du sujet – d’où la vague d’articles dans les quotidiens et les hebdomadaires, les émissions télévisées ou radiodiffusées qui passionnent nos concitoyens.

    M. Pascal Popelin. Donc, le débat existe, vous le dites vous-même !

    M. Xavier Breton. Vous avez voulu passer en force et vous êtes en train de le payer, car l’absence de concertation vous a empêchés d’aller au fond du texte. Si vous aviez organisé des états généraux, comme nous l’avons fait avant l’examen de la loi de 2011 relative à la bioéthique – je parle sous le contrôle de Jean Leonetti –, il y aurait eu une consultation par internet, il y aurait eu des réunions régionales, et vous auriez rencontré des maires ou des adjoints, officiers d’état civil qui, s’étant rendu compte que quelque chose n’allait pas, vous auraient fait part de leurs doutes. « Comment les choses vont-elles se passer quand je vais donner lecture de l’article 371-1 du code civil ? », vous auraient-ils demandé.

    Plutôt que de procéder ainsi, vous avez voulu passer en force, avec cet article-balai qui, comme son nom l’indique, devait balayer tous les problèmes. Or, vous pouvez peut-être nier la réalité, mais elle finit toujours par vous rattraper. Nous vous demandons donc une nouvelle fois d’aller devant les Françaises et les Français, qui vont sans doute repérer de nombreuses situations, similaires à celle qui vient d’être évoquée, où votre novlangue vous empêche de décrire la réalité. La concertation est toujours possible, de même que la consultation des Français par référendum, une demande que nous maintenons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier pour soutenir l’amendement n° 4136.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’avis du Conseil d’État est d’importance car, pour continuer à travailler sereinement, nous devons être éclairés. J’espère donc que l’avis du Conseil d’État nous sera communiqué au plus vite, afin de nous permettre de faire avancer ce débat dans les meilleures conditions.

    Je regrette qu’on n’ait pas laissé à Philippe Gosselin le temps de terminer sa démonstration, car il souhaite rappeler un élément essentiel de notre droit, et lorsqu’il aura pu dire tout ce qu’il a à dire, vous serez dans l’obligation de lui répondre, et nous vous écouterons avec une très grande attention.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite donner un avis détaillé sur ces amendements et, du même coup, répondre aux députés qui les ont soutenus, notamment M. Mariton. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons qu’il l’a été aux amendements précédents – mais puisque vous vous répétez, je suis bien obligée de faire de même –, à savoir que la commission a choisi une méthode d’écriture interprétative.

    M. Claude Goasguen. Ça n’existe pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette méthode existe bel et bien : comme je l’ai déjà expliqué devant la commission des lois, où j’ai été interpellée à ce sujet, nous avons simplement eu recours au mode d’écriture le plus courant en légistique. Pour moi, il ne s’agissait évidemment pas de donner des leçons à qui que ce soit, mais lorsque nous vous donnons des explications, neuf fois sur dix – pour ne pas dire onze fois sur dix –, pour nous accuser de vouloir vous donner des leçons ! Je le répète, la commission a fait le choix d’une méthode d’écriture.

    M. Marc Le Fur. Une méthode qui ne vous agrée pas tant que cela, reconnaissez-le !

    M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Le Fur ! En tant que vice-président de notre assemblée, vous connaissez pourtant le règlement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La question n’est pas là, monsieur Le Fur : en fait, le Gouvernement est respectueux du Parlement et de son règlement,…

    M. Dominique Dord. Incroyable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …un règlement en vertu duquel nous débattons, en séance plénière, à partir du texte de la commission.

    Les deux méthodes se valent…

    M. Xavier Breton. Vous ne paraissez pas très convaincue !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …mais si nous avions conservé la première méthode, celle de recensement, je suis sûre que vous n’auriez cessé de nous faire des gammes – sans rien démontrer, au demeurant – sur le risque d’avoir oublié un quart d’article quelque part.

    M. Dominique Dord. La vraie question, c’est de savoir si c’est juste ou pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur la deuxième méthode, la méthode d’interprétation que nous avons choisie, vous faites des gammes sur les problèmes liés à l’interprétation. Mais on n’interprète pas article par article, et vous le savez bien !

    Nous entendons, depuis plusieurs jours, M. Dhuicq nous parler du verbe créateur. Avec vous, cela devient le verbe transformateur : vous prenez le texte issu des travaux de la commission et, plutôt que de dire ce qu’il contient, vous passez votre temps à faire des procès au Gouvernement, et à parler devant les Français de choses qui ne figurent même pas dans le texte. En réalité, la disposition interprétative ne concerne pas des articles, mais précise que le titre VII du code civil est exclu et, sur tout le reste, indique comment les mots doivent être interprétés. Vous ne pouvez donc pas prétendre que tel ou tel article a été oublié, puisque la disposition interprétative a précisément pour objet d’indiquer comment il convient d’interpréter un mot donné à chaque fois qu’il apparaît. Vous pouvez continuer à présenter vos amendements, mais les Français doivent savoir qu’il n’y a pas d’oubli…

    M. Dominique Dord. Si !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que la loi n’a pas été mal écrite, mais simplement écrite selon une méthode particulière, choisie par la commission.

    M. Philippe Gosselin. Prudence !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant à vous, monsieur Mariton, qui avez pris un ton assez grave pour m’interpeller sur Léon-Gontran Damas, un poète guyanais, je le rappelle,…

    M. Hervé Mariton. Tout à fait !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qui, on l’oublie souvent, a siégé ici même,…

    M. Hervé Mariton. C’est exact !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …je dois vous dire que je n’avais jamais assisté à tel détournement de son œuvre.

    Vous m’enjoignez de revenir à Damas, monsieur Mariton,…

    M. Philippe Gosselin. Il faut trouver votre chemin de Damas, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …parce que Damas est le poète de la différence. Avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas est d’abord le poète de la négritude, un courant littéraire et politique.

    M. Hervé Mariton. Oui, je sais tout cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ses écrits en prose comme dans ses rapports à l’Assemblée nationale et dans ses poèmes, Léon-Gontran Damas parle effectivement de la différence et du respect. Mais chez lui, jamais la différence n’est un prétexte justifiant l’inégalité des droits.

    M. Hervé Mariton. Voulez-vous que je vous lise le poème, madame ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ne vous donnez pas cette peine, je connais très bien les poèmes de Léon-Gontran Damas, qu’il s’agisse de Pigments, de Névralgies ou de Black-Label. Je vais d’ailleurs vous dire ce qu’il vous aurait dit, en réponse à ce que vous affirmez – c’est un poème extrait de Black-Label :

    « Nous les gueux/ nous les peu/ nous les rien/ nous les chiens/ nous les maigres/nous les Nègres […]/ Qu’attendons-nous […]/ pour jouer aux fous/ pisser un coup/ tout à l’envi/ contre la vie/ stupide et bête/ qui nous est faite ? »

    Ne pas accorder l’égalité des droits, ne pas reconnaître la liberté, cela revient à dire aux Français : « Qu’attendez-vous pour jouer aux fous contre la vie stupide et bête qui vous est faite » ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. le président. Monsieur Mariton, vous aurez permis la rencontre de la justice et de la poésie ! (Sourires.)

    Sur les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. On ne m’en voudra pas, j’espère, de quitter les chemins de la poésie pour retrouver ceux du droit – ce que je ferai en rappelant que Damas était contre l’égalité artificielle, madame la garde des sceaux.

    M. Hervé Mariton. Tout à fait !

    M. Patrick Ollier. Or, je crois que l’obstination à promouvoir l’égalité par la suppression de la différence des sexes aboutit à une égalité artificielle, et à l’aberration juridique qui nous est aujourd’hui soumise. (Applaudissements quelques bancs du groupe UMP.)

    Pour en revenir à l’article 371-1 du code civil, je voudrais vous poser une question très simple, monsieur le président de la commission des lois et monsieur le rapporteur : avez-vous déjà ressenti l’émotion de celui qui procède à un mariage ? Cette question, je la pose aussi à Mme Buffet et à M. Thévenoud, et je crois que la réponse est non pour chacun d’entre vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Allons, mes chers collègues ! Alors que les jours du cumul des mandats sont désormais comptés, laissez M. Ollier en évoquer les joies ! (Sourires.)

    M. Patrick Ollier. Effectivement, monsieur le président, mon intervention peut aussi se concevoir comme un plaidoyer pour le cumul des mandats…

    Je veux simplement dire à mes collègues que celui ou celle qui procède à un mariage est, en cet instant, pris d’une telle émotion – je parle de ma propre expérience – qu’il doit lire fidèlement les documents qu’il a sous les yeux, ce qui ne lui permet pas de se livrer à la moindre interprétation. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Fauré. N’importe quoi !

    M. Patrick Ollier. Si elle était adoptée, la disposition interprétative serait, en ce qui concerne l’article 371-1 du code civil, à l’origine d’erreurs dramatiques. Cette…

    M. le président. Merci, monsieur Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je termine, monsieur le président…

    M. le président. Vous avez terminé.

    M. Patrick Ollier. Comment, déjà ?

    M. le président. La parole est à M. François Loncle.

    M. François Loncle. Je voudrais, pour ma part, souligner une erreur – probablement involontaire, soyons indulgents – de notre collègue Hervé Mariton. Vérification faite, je suis en mesure de l’assurer que le mariage civil existe bel et bien en Angleterre, et qu’il n’est pas nécessaire de passer devant le pasteur anglican pour le conclure.

    M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit le contraire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Fauré. Si, vous l’avez dit !

    M. François Loncle. En la matière, le gouvernement très conservateur de M. Cameron nous donne un exemple de progrès et d’humanisme, deux vertus qui semblent malheureusement vous faire défaut depuis le début de notre discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Vous avez tort, chers collègues de l’opposition, de parler de passage en force. En disant cela, vous dévalorisez la qualité des débats auxquels nous participons depuis plusieurs jours. Pour ma part, j’écoute ce que vous dites, et c’est ainsi que les choses doivent se faire, par l’écoute et l’échange. Pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître que nous avons un vrai débat parlementaire, auquel nous consacrons tout le temps nécessaire ?

    Monsieur Ollier, je veux vous dire que ce texte ne vise pas à créer une égalité artificielle, qui serait celle niant la différence des sexes. Or, c’est bien parce que nous reconnaissons la différence des sexes que nous reconnaissons les mêmes droits à chacun et chacune, hétérosexuels et homosexuels, dans leurs différences et leur humanité,…

    M. Patrick Ollier. Non, c’est l’effacement de la différence !

    Mme Marie-George Buffet. …en l’occurrence le même droit au mariage et à l’adoption. Ce n’est pas une égalité artificielle, mais une véritable égalité.

    Monsieur Ollier, puisque vous parliez de l’émotion de l’officier d’état civil qui célèbre les mariages, sachez que je n’ai franchement qu’une hâte, puisque j’exerce cette fonction, c’est de pouvoir marier dans quelques semaines des couples homosexuels qui attendent cela depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je souhaiterais tout de même répondre à M. Ollier. Celui-ci nous a rappelé l’émotion qui préside à la célébration de tous les mariages et que partagent tous les élus. Depuis plusieurs années, on lit au cours de la cérémonie un article qui participe grandement au maintien de cette émotion que nous avons tous ressenti en participant aux mariages, l’article 220 du code civil : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour les dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. Elle n’a pas lieu non plus s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. »

    Cet article, qui, disons-le, jette un certain froid dans l’émotion du mariage(Sourires), a été introduit dans liste de ceux dont l’officier d’état civil doit faire lecture aux futurs époux par un amendement au projet de loi portant réforme du crédit à la consommation déposé par M. Diard à la demande de M. Patrick Ollier au titre de l’article 88 du règlement. (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Patrick Ollier. Je le revendique ! Et je peux vous expliquer pourquoi !

    M. Jean Glavany. On est loin de l’émotion !

    M. le président. Monsieur Ollier, s’il s’agit d’un fait personnel, la parole vous sera accordée en fin de séance…

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513, 4136.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 307

    Nombre de suffrages exprimés 307

    Majorité absolue 154

    Pour l’adoption 108

    Contre 199

    (Les amendements identiques nos 1771, 1777, 2355, 3460, 3513 et 4136 ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Pour que la légistique rejoigne la poétique, permettez-moi à nouveau de me référer au poète Damas, qui nous rassemble aujourd’hui…

    M. Marc Le Fur. Il faudrait auditionner M. Damas ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. …et qui a incité les minorités à ne pas chercher à imiter les majorités. Rassurez-vous, madame la ministre, nous n’avons aucune intention d’imiter votre majorité, et ce d’autant moins que vous risquez, avec ce projet de loi, de nous plonger dans « la nuit longue » évoquée par le poète – vous citiez d’ailleurs ces vers l’autre jour –,…

    M. Patrick Bloche. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Hervé Mariton. …tant l’édifice juridique que vous construisez est absolument fragile.

    M. le président. Est-ce un rappel au règlement, monsieur Mariton ?

    M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le président.

    M. le président. Alors venez-en au fait.

    M. Hervé Mariton. Que risquez-vous d’infliger aux officiers d’état civil ? C’est ce que Damas appelle « l’impression d’être ridicule ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Hervé Mariton. Nous ne voulons pas que les officiers d’état civil soient ridicules ; au demeurant, je crains que ce qualificatif ne s’applique au Gouvernement.

    M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement.

    La parole est à M. Christian Jacob, pour un vrai rappel au règlement – du moins, je l’espère.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je m’exprime au titre de l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux.

    Nous avons assisté depuis une semaine à l’apparition de tensions, parfois même de fissures au sein de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; nous l’avons constaté notamment au moment du débat sur la GPA entre le groupe écologiste, d’une part, et le Gouvernement et le groupe socialiste, d’autre part. Ces tensions se sont également exprimées au sein même du Gouvernement avec le rappel à l’ordre du Premier ministre. Nous les voyons maintenant surgir entre le Gouvernement et la commission, puisque Mme la garde des sceaux prend ses distances avec les travaux réalisés par la commission.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non !

    M. Christian Jacob. C’est ce que vous venez de dire, madame la ministre ; les mots ont un sens !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le verbe transformateur !

    M. Christian Jacob. Vous avez dit que vous preniez vos distances avec les travaux réalisés par la commission, notamment quant à la méthode de travail qui a été utilisée.

    Par ailleurs, vous refusez de nous communiquer l’avis du Conseil d’État. Plusieurs de mes collègues l’ont évoqué : il y a d’importantes suspicions sur l’écriture du texte, et il semble en effet que le Conseil d’État ait formulé des remarques très dures à l’encontre de celui-ci. Je voudrais donc que le doute soit levé et que vous rendiez public l’avis du Conseil d’État, afin que nous sachions réellement ce qu’il en est. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À défaut, nous allons passer l’après-midi ou la nuit sur ce texte ; vous voyez bien les imperfections qu’il comporte aujourd’hui ! Une correction est vraisemblablement possible, mais acceptez de rendre public l’avis du Conseil d’État.

    Par ailleurs, afin de vous permettre de mûrir votre réflexion sur ce point, je demande au président une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    M. le président. Avant de faire droit à votre demande, monsieur Jacob, je donne la parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, pendant dix ans nous avons assez souvent demandé les avis du Conseil d’État au Gouvernement, qui nous répondait la plupart du temps que ce dernier agissait en tant que conseil du Gouvernement et que son avis n’était pas public, pour acter que ce fonctionnement correspond à la réalité. Nous pouvons toutefois espérer qu’il puisse en être autrement dans le futur, car cela pourrait également éclairer les travaux de l’Assemblée.

    Monsieur Jacob, j’aimerais vous demander d’arrêter l’obstruction parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Ce sont de vraies questions !

    Mme Claude Greff. C’est de la précision, c’est important !

    M. Bruno Le Roux. J’ai fait un petit calcul et je crois que, si l’opposition changeait de comportement, nous pourrions très certainement progresser dans nos travaux. J’ai compté le nombre de fois où le président du principal groupe d’opposition était intervenu en dehors de la discussion générale, soit dans des interventions soit dans des rappels au règlement. J’ai recensé soixante-quatre interventions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui visaient à mettre en cause pour vingt-trois d’entre elles le Gouvernement et pour vingt d’entre elles un parlementaire de la majorité. Autrement dit, les deux tiers de ces interventions ont été l’occasion de mettre en cause la majorité ou le Gouvernement.

    Vous voulez créer dans cet hémicycle une ambiance délétère et empêcher le Gouvernement et la majorité d’avancer. Quant à nous, nous sommes sereins : ce texte sera voté, le mariage sera permis demain pour les personnes de même sexe et aujourd’hui nous vous demandons d’arrêter la stratégie d’obstruction qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. Nous sommes ici pour défendre nos valeurs, pas pour faire de l’arithmétique !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. Je pense que la demande de M. Jacob est bienvenue : la séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

    Présidence de M. Christophe Sirugue

    vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2054.

    M. Dominique Tian. Cet amendement, cosigné par M. Jean-Frédéric Poisson, a pour objet d’insérer, à l’alinéa 3, après la référence « VII », les mots : « et de l’article 108 ».

    Je ferai référence à Sylviane Agacinski (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui n’a pas été très présente dans les débats depuis tout à l’heure, ce qui est regrettable car sa tribune du Monde nous avait éclairés. L’article publié hier par le Figaro le confirme. Elle y déclare en effet, et je prie mes collègues de gauche de bien écouter : « En réalité, je pense qu’il y a énormément de gens de gauche qui sont extrêmement sceptiques sur ce projet. »

    M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

    M. Dominique Tian. En outre, dans des interviews données sur RTL et dans l’émission Le Grand Journal de Canal Plus, elle s’élève contre l’intoxication idéologique très pesante, très impressionnante, selon laquelle si vous n’êtes pas favorable au projet gouvernemental, vous êtes forcément de droite, réactionnaire, religieux et même intégriste.

    Comme nous ne sommes ni les uns ni les autres cela, je vous propose d’adopter l’amendement déposé par M. Jean-Frédéric Poisson et moi-même.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2611.

    M. Marc Le Fur. J’espère que le Gouvernement nous communiquera l’avis du Conseil d’État. J’ai profité de la suspension pour prendre quelques informations du côté du Palais-Royal. Effectivement, non seulement bruit mais enfle la rumeur selon laquelle cet avis comporterait un certain nombre de réserves.

    Madame la ministre, vous avez implicitement tenu des propos critiques à l’égard de l’article tel qu’il a été réécrit par la commission. La rédaction initiale du Gouvernement avait suscité une certaine hostilité de l’opinion, chacun le sait. Il a été imaginé un dispositif purement politique pour éviter cet excès de critiques et vous considérez que cette nouvelle rédaction pose des problèmes.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas dit ça !

    M. Marc Le Fur. Ne pourriez-vous donc pas d’une manière ou d’une autre l’amender ? Depuis que c’est sur le texte de la commission que nous débattons, c’est au Gouvernement de déposer des amendements, et on l’a vu dans un certain nombre de débats. Il n’est tenu par aucun délai. Vous pouvez donc parfaitement encore en déposer. Vu l’avis du Conseil d’État et les propos que vous avez tenus sur la nouvelle rédaction de la commission, c’est à vous de prendre l’initiative.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4397.

    M. Philippe Meunier. Nous souhaitons avoir l’avis du Conseil d’État pour éclairer nos travaux afin que nous puissions nous prononcer dans les meilleures conditions possibles.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. Sur les amendements n°s 2054, 2611 et 4397, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Claude Goasguen.

    M. Claude Goasguen. Je voudrais essayer de rendre l’article 371-1 un peu clair. Cet article n’est pas neutre, il est lu au moment du mariage. Il a été introduit à la demande de Mme Royal par le gouvernement socialiste. L’article 371-2, lui, ne fait pas référence aux père et mère. Pour la clarté des choses, vous devriez ajuster l’article 371-1 sur lui.

    Vous avez souligné vous-même dans votre discours de présentation du texte, madame la ministre, que le mariage en France avait une caractéristique qu’avait rappelée le doyen Carbonnier, que c’était une institution issue de la Révolution. C’est dire que toutes vos comparaisons avec les mariages des pays étrangers sont caduques.

    Pour être très précis, ce qui se passe en Angleterre n’a rien à voir avec ce qui se passe ici.

    M. Bernard Roman. Ce sont des conservateurs qui votent le mariage entre couples du même sexe !

    M. Claude Goasguen. M. Cameron propose la modification des mariages devant l’église anglicane, mais le mariage n’a pas en Angleterre les conséquences juridiques qu’il a en France puisque c’est un contrat et non une institution et que, par ailleurs, le mariage civil permet à tout individu qui ne veut pas aller devant l’église anglicane de se marier d’une autre manière. L’Espagne, c’est exactement pareil, mais en sens inverse.

    Notre mariage est donc bien spécifique en ce qu’il est issu de la Révolution française. La filiation, l’adoption, tout ce qui fait du mariage une institution est typiquement français. Ne citez donc plus en exemple les évolutions de mentalités et les conséquences juridiques dans les autres pays. Cela ne sert à rien, ce n’est pas du tout la même chose.

    Cela dit, je persiste et signe, dans un esprit positif. Pour éviter les contestations qui naîtront sur l’article 371-1, ajustez-le sur l’article 371-2 et vous éviterez des incompréhensions de la part de ceux qui participeront à ce seul moment où on lit un article qui ferait référence aux père et mère. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 2054, 2611 et 4397.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 210

    Nombre de suffrages exprimés 210

    Majorité absolue 106

    Pour l’adoption 68

    contre 142

    (Les amendements n°s 2054, 2611 et 4397 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous arrivons à une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1783.

    M. Marc Le Fur. Nous attendons toujours votre réponse aux deux questions que nous vous avons posées, madame la ministre, je suis convaincue que vous les avez parfaitement enregistrées. Quelle publicité entendez-vous donner à l’avis du Conseil d’État, puisque cela devient objectivement une difficulté, et quelle est votre attitude envers ce texte qui est une initiative parlementaire puisque le texte initial du Gouvernement était sensiblement différent ?

    Vous évoquez en permanence l’Angleterre conservatrice, mes chers collègues. Vous en êtes réduits, pour justifier votre réforme, à faire appel à ceux que vous dénoncez par ailleurs, les libéraux, les super-libéraux, les ultralibéraux, qui sont dans leur logique peut-être, mais ce n’est pas la nôtre. Nous sommes ici dans une logique organisée, celle de notre pays, celle de la liberté, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) celle de l’organisation républicaine. Vous vous inspirez de monarchies ultralibérales, cela ne convient pas.

    Pour finir sur un trait d’humour, monsieur le président, puisque tout le monde parle de Léon-Gontran Damas, il serait judicieux que nous puissions recevoir en audience et interroger ce monsieur considérable.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1786.

    M. Dominique Tian. C’est un amendement que j’ai co-écrit avec Jean-Frédéric Poisson.

    Je reviens à la lecture du journal Le Figaro et à ce que déclarait Sylviane Agacinski puisque nous avons la chance d’avoir une philosophe plutôt de gauche qui dit des choses que la droite aime bien, un grand nombre de gens de gauche également.

    Elle déclare tout simplement mais c’est important : Si je suis favorable au mariage homosexuel, j’insiste cependant sur la nécessité de distinguer le processus de filiation et le mariage. On ne peut pas faire comme si la logique traditionnelle du mariage pouvait s’appliquer aussi bien dans le cas d’un couple de même sexe que dans le cas d’un couple avec un homme et une femme. Le schéma du rapport parent enfant vient du modèle naturel biologique de la procréation. C’est la raison pour laquelle la filiation, même quand ce ne sont pas les vrais géniteurs, est faite sur ce modèle. C’est une structure qui n’est pas mathématique, ce n’est pas un plus un. Ce n’est pas quantitatif, c’est qualitatif. Les parents, comme les géniteurs, ne sont pas interchangeables.

    C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement et appelons l’attention de nos collègues de gauche sur les difficultés qui se poseront très rapidement. Une philosophe de gauche tient aussi parfois des propos de bon sens qui devraient tous nous réunir dans l’adoption de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2356.

    M. Philippe Gosselin. Un principe essentiel du droit français et de la filiation, qui est du reste aussi un principe de l’ordre public international, découle de l’article 310 du code civil, et deux arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2012 nous le rappellent avec force et insistance.

    Or l’article 4, article-balai, pour éviter par un tour de passe-passe le tourbillon de la suppression des termes « père » et « mère », prend soin de préciser que les dispositions du présent livre s’appliquent également dans divers cas, « à l’exception des dispositions du titre VII ».

    M. Claude Goasguen. Exactement !

    M. Philippe Gosselin. Or l’article 310 du code civil est justement dans le titre VII. CQFD.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’avais l’intention de vous le dire !

    M. Philippe Gosselin. Pourquoi attendez-vous alors aussi longtemps alors que je vous le demande depuis la nuit dernière ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous aimez que les choses durent, et je m’en réjouis sans doute (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais tout de même.

    M. Jean-Claude Perez. Lamentable ! Vaniteux !

    M. Philippe Gosselin. Si vous avez la réponse, donnez-la nous parce que l’article 310 est la pierre angulaire. Si le projet…

    M. le président. Merci.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3515.

    M. Xavier Breton. J’aurais voulu remercier M. Le Roux d’avoir fait l’éloge de notre président de groupe, Christian Jacob, pour sa disponibilité, sa présence, son assiduité. C’est vrai que nous n’avons pas un président à éclipses, et nous nous en félicitons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP),mais j’aurai l’occasion de le lui dire quand il passera en coup de vent dans cet hémicycle.

    Il a parlé d’obstruction. Non. Nous ferions de l’obstruction si nous répétions toujours la même chose (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC), mais ce n’est pas le cas. En allant au fond des choses, nous avons montré qu’il y avait une révolution du nom patronymique. En allant au fond des choses, nous avons vu le ridicule dans lequel vous allez placer les maires et les adjoints et les couples de personnes de même sexe lors de la cérémonie de mariage. En allant au fond des choses comme le fait Philippe Gosselin, nous posons des problèmes de droit.

    Nous attendons des réponses et elles viennent laborieusement ou ne viennent pas du tout. Encore une fois, l’obstruction, ce serait de répéter indéfiniment la même chose. À chaque fois, nous posons des problèmes différents. Nous n’avons donc pas de leçon à recevoir.

    La question de l’article 371-1 me semble très importante. La cérémonie du mariage, Patrick Ollier l’a souligné tout à l’heure, c’est un moment important. Celles et ceux d’entre nous qui ont eu la chance d’en célébrer savent que l’on entre dans la vie des gens, qu’il se passe quelque chose entre l’élu et des gens dans leur parcours de vie. C’est un moment crucial et c’est vrai que les articles qui ont été ajoutés au cours des dernières années n’ont pas contribué à la solennité. Quand on lit l’article 371-1, ou l’article 220 dont vous parliez tout à l’heure, monsieur le rapporteur,…

    M. le président. Merci.

    Sur les amendements n°s 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4145.

    M. Philippe Meunier. En écoutant vos arguments, nous constatons tous qu’il y a une alliance objective entre les libéraux anglais, c’est-à-dire les conservateurs, et les socialistes libertaires ainsi que les écologistes de France, mais ce n’est certainement pas dû au hasard.

    Nous n’avons vraiment pas le même projet de société que le vôtre,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh non !

    M. Philippe Meunier. …nous avons une autre vision de la République. Comme l’a souligné l’un de mes collègues tout à l’heure, pour nous, la République, cela a de l’importance. La France, ce n’est pas l’Angleterre. La France, ce n’est pas la Belgique. La France, c’est la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Pour éclairer l’Assemblée et tous ceux qui nous écoutent, je donne lecture de l’article auquel les députés de l’opposition ne veulent pas appliquer la disposition interprétative : aux termes de l’article 108-2, « le mineur non émancipé est domicilié chez ses père et mère ». En clair, si ces amendements sont adoptés, le mineur non émancipé ne pourra plus résider chez ses père et mère. Pour démontrer son intérêt pour les droits de l’enfant, on a déjà réussi à faire beaucoup mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Monsieur le député Gosselin, je ne vous avais pas répondu car vous n’étiez pas allé au bout de la démonstration que, depuis cette nuit, vous nous livrez par tranches. Ce n’était pas faute de bonne volonté, mais la formulation de votre question était telle que je ne comprenais pas l’angle sous lequel elle était posée !

    Cette fois-ci, vous en avez dit assez pour que je comprenne que vous liez l’article 310 du code civil à la question de l’acte d’état civil. Vous nous indiquez que l’enfant adopté par un couple homosexuel aurait une identité sexuelle problématique. Sauf que le titre VII, auquel appartient effectivement l’article 310, ne traite pas de l’adoption, mais de la filiation biologique. Vous ne pouvez établir un lien entre l’article 310 et l’acte d’état civil en cas d’adoption. C’est seulement lors de votre dernière intervention que j’ai réussi à comprendre votre question !

    Enfin, M. Le Fur souhaitait que l’on auditionnât M. Léon-Gontran Damas. Dois-je préciser qu’il est décédé en janvier 1978 ?

    M. Patrick Ollier. Aux États-Unis, d’ailleurs.

    M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

    M. Yves Censi. Nous en avons donc fini avec la controverse poétique. Nous sommes maintenant à l’heure de vérité. Le Gouvernement a dû, en quelque sorte, négocier entre deux visions opposées. L’une consiste, au titre de parents, à évoquer deux pères ou deux mères. L’autre, que nous défendons, considère qu’il s’agit d’une falsification de la réalité. Je n’évoque pas ici les arguments psychosociaux que nous avons largement développés jusqu’à maintenant.

    Mesdames les ministres, vous n’avez pas osé aller jusqu’au bout – c’est, quelque part, une forme de lâcheté (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – ; vous n’avez pas voulu mettre un « s » aux termes de père et de mère, et vous avez choisi l’ambiguïté. Vous avez fait en sorte de créer dans le droit et d’institutionnaliser la notion de deux pères ou de deux mères, mais surtout sans le dire expressément, car vous savez très bien qu’une partie de la population n’adhère pas à ces idées.

    Avec ce choix ambigu et masqué, vous ne nommez pas les choses. J’ai cité hier Boileau – ce qui n’est pas nommé n’existe pas –, je pourrais aujourd’hui parler de « déni » freudien. Vous imposez ce déni aux enfants et c’est ce qu’il y a de pire. C’est la première fois dans l’histoire qu’un déni est institutionnel et qu’il figure dans le droit.

    M. le président. Merci. La parole est à Mme Monique Orphé.

    Mme Monique Orphé. Permettez-moi tout d’abord de saluer le courage politique des ministres et des rapporteurs qui, depuis une semaine, portent ce débat avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Contre la vision réductrice et simpliste de la famille que l’on veut nous imposer, ils défendent ardemment la nécessité d’accorder les mêmes droits pour ceux qui choisissent de « faire famille » différemment.

    M. Guy Geoffroy. « Faire famille », cela ne veut rien dire !

    Mme Monique Orphé. Je voudrais dire et réaffirmer notre soutien à ce texte au nom des principes fondamentaux de notre République, liberté, égalité, fraternité !

    J’ai entendu un député de l’opposition reprocher à la garde des sceaux son obsession de l’égalité. Une telle obsession n’existe pas. Soit l’on se bat pour que l’égalité s’affirme partout où elle n’existe pas encore, soit l’on accepte une égalité partielle, incomplète, exclusive !

    M. Patrick Ollier. Ce n’est pas d’égalité que vous parlez, mais d’uniformité !

    Mme Monique Orphé. Une société inégalitaire, c’est une société qui n’intègre pas, qui ne respecte pas et ne reconnaît ni la dignité ni les droits de certains de ses membres.

    M. Patrick Ollier. Vous créez de l’inégalité !

    Mme Monique Orphé. Nous ne voulons pas de cette société ! Les propos tenus dans cet hémicycle, les attaques simplistes, les remarques sexistes, l’agitation de peurs infondées, comme la prochaine invasion d’étrangers mariés à des homosexuels, ainsi que les jeux de mots douteux – cet après-midi encore, vous avez parlé de « ventres en état futur d’achèvement » – constituent un spectacle affligeant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Ouvrez les yeux ! Nous sommes loin de l’image idyllique et intemporelle de la famille que vous nous décrivez. Le mariage a évolué, les formes de conjugalité et les manières de « faire famille » aussi.

    M. Christian Jacob. « Faire famille » !

    Mme Monique Orphé. Il faut les accepter, les reconnaître et les nourrir de cette diversité que représente notre société.

    Je veux conclure en disant à l’opposition que je viens d’une île multiethnique et multiculturelle. Je suis heureuse d’y vivre car elle m’a apporté une ouverture d’esprit et appris la tolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 274

    Nombre de suffrages exprimés 274

    Majorité absolue 138

    Pour l’adoption 96

    contre 178

    (Les amendements identiques n° 1783, 1786, 2356, 3515 et 4145 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons maintenant à une série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2057.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous aurons l’occasion, dans les temps qui viennent, de réitérer notre demande d’informations plus précises sur l’avis du Conseil d’État. Celles-ci devraient nous permettre de préciser le contenu de nos travaux, puisque ces juristes éminents ont semble-t-il émis des critiques sévères sur le projet de loi. Il me paraît donc difficile de continuer à débattre sans connaître le point de vue extrêmement éclairé de cette haute institution. L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2407.

    M. Philippe Gosselin. Je reprends la demande, déjà formulée de façon insistante par mes collègues, qui concerne l’avis du Conseil d’État.

    Je reviens sur l’échange que la garde des sceaux et moi-même avions commencé à développer sur l’article 310 du code civil. Voilà une difficulté très importante. Je rappelle que deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012 précisent que l’article 310 du code civil constitue un principe essentiel du droit français de la filiation – chacun pourra peser les termes – et que sa violation représente une atteinte à l’ordre public international. Il s’impose donc de façon absolue à notre droit. Par ailleurs, l’article 310 figure au chapitre VII et n’est pas concerné par l’amendement-balai. Vous me parlez de filiation, mais l’article 310 traite bien de l’acte d’état civil. Avec l’adoption plénière, il y a substitution de la filiation. Cela vous amène, j’y reviens, à établir deux types d’acte d’état civil.

    Mme Claude Greff. Je le dis depuis le début !

    M. Philippe Gosselin. L’un d’entre eux laissera forcément apparaître l’orientation sexuelle des parents, ce qui est une forme de discrimination.

    M. le président. Merci. Sur les amendements n° 2057 et identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3683.

    M. Xavier Breton. Je déplore les conditions de ce débat, qui empêchent d’aller au fond des choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est difficile de développer un raisonnement dans sa totalité et d’obtenir des réponses.

    Nous demandons la transmission de l’avis du Conseil d’État car nous ne pouvons examiner un texte aussi important – une réforme de civilisation – sans disposer de tous les éléments. Nos concitoyens attendent de la transparence. Encore une fois, nous renouvelons notre demande car des problèmes ont été soulevés. Nous aimerions les connaître et pouvoir travailler dessus.

    Je voudrais revenir sur les difficultés, évoquées par M. Mariton, qui pourraient surgir dans l’application de l’article 75 du code civil lors des cérémonies de mariage. Je le disais tout à l’heure avant d’être interrompu, une cérémonie de mariage, pour qui a eu le privilège d’en célébrer, est un moment important pour un élu. Une rencontre a lieu entre notre fonction – la personne qui la revêt temporairement – et les futurs époux.

    On lit aux époux un certain nombre d’articles comme l’article 371-1 et on a même rajouté récemment l’article 220, ce qui ne contribue pas à la solennité du moment. À l’évidence, nous avons du mal à écrire le droit, ce qui est révélateur d’une société qui ne parvient plus à dire les choses clairement. Autrefois, en une phrase – « Les époux se doivent mutuellement fidélité, respect, secours, assistance » –, tout était dit et tout restait à faire. Aujourd’hui, on veut épuiser la réalité dans le droit, sans y parvenir.

    Une complexité encore va se rajouter, puisqu’il nous faudra lire un texte tout en l’interprétant : il faudra, lorsque l’on prononce les mots « père et mère », expliquer que l’on peut entendre « pères » ou « mères ». On voit bien le ridicule des choses. Il nous faut travailler sur la rédaction de cet article.

    M. Marcel Rogemont. Ce qui est ridicule, c’est votre persistance à ne rien comprendre !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4399.

    M. Philippe Meunier. Madame Orphé, ce n’est pas nous qui parlons d’obsession de l’égalité, c’est votre collègue du groupe écologiste qui a déclaré tout à l’heure : « notre obsession, c’est l’égalité ». Vous confondez égalité et égalitarisme. L’égalité, c’est le respect des différences. Mais avec ce projet de loi, vous ne respectez pas les différences, vous mélangez tout, vous confondez tout. Un père, une mère : voilà une différence. C’est cela que nous devons respecter. Avec ce texte, vous ne parlez plus de père et de mère, vous parlez de parents. Vous n’êtes plus dans l’égalité ; vous êtes dans l’égalitarisme. C’est pour cela que nous combattons votre projet de loi.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. Poursuivons dans la littérature. Non, mes chers collègues, les êtres humains ne sont pas des particules élémentaires, quel que soit le talent de l’écrivain. Les êtres humains nouent des liens et des relations les uns avec les autres, ils portent un nom – auquel vous attentez de manière fatale – ils créent des liens, une généalogie, une histoire, une parenté.

    Le français, ce n’est pas un hasard, fut au Grand siècle et au siècle des Lumières la langue de l’ensemble de l’Europe et du monde connu. Vous êtes en train de créer un nouveau langage, qui dissocie les êtres humains les uns des autres. Vous êtes en train de créer, si vous connaissez Heisenberg, le mariage et la parentalité « quantiques » : les positions des uns et des autres seront interchangeables et bougeront au cours des générations. C’est redoutable pour la structuration de la personnalité humaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Nous avons eu hier un débat sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux et j’ai d’ailleurs rejoint en partie les députés de l’opposition.

    Il est inadmissible que l’un de nos collègues, qui plus est vice-président de l’Assemblée nationale, fasse aujourd’hui circuler un texte tronqué, accompagné d’une photo tronquée, qui met en cause un député. Celui-ci, rapporteur du projet de loi sur la Banque publique d’investissement – texte voté à l’unanimité – revient aujourd’hui de sa circonscription où il s’est occupé des salariés de Petroplus, pour lesquels nous tentons d’envisager une reprise qui leur soit favorable. Je trouve cette mise en cause d’un collègue par un autre collègue absolument inadmissible ! (« Scandaleux ! scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il se trouve que Guillaume Bachelay et moi avons en commun une légère calvitie, qui démontre qu’il n’est pas celui que vous montrez du doigt sur cette photo.

    M. Bernard Roman. Monsieur Le Fur, vous n’avez pas votre place ici !

    M. Bruno Le Roux. Je souhaiterais donc, comme je l’ai dit hier, que les députés maîtrisent l’usage qu’ils font des réseaux sociaux et qu’ils ne s’en servent pas pour mettre personnellement en cause leurs collègues. C’est pourquoi je demande, monsieur le président, une suspension de séance, qui permettra à chacun d’accéder à son ordinateur pour mettre un terme à ces attaques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58. J’entends la remarque faite par Bruno Le Roux. Plusieurs de nos collègues ont en effet souhaité que nous travaillions sur cette question des réseaux sociaux, mais il faut, dans ce cas, réunir une conférence des présidents. Ce n’est pas à M. Le Roux de décider seul l’usage que l’on doit faire des réseaux sociaux, ce serait du jamais vu !

    M. Bernard Roman. Marc Le Fur peut supprimer la photo de sa page !

    M. Christian Jacob. Calmez-vous, monsieur Roman ! Allez faire un tour à la buvette, ça vous détendra ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. C’est une honte ! Où est la morale ?

    M. le président. Monsieur Roman, s’il vous plaît.

    M. Christian Jacob. Si le sujet est suffisamment grave, suspendons nos travaux pour une heure et réunissons la conférence des présidents pour en débattre, mais nous n’avons pas à obtempérer devant les ordres et les invectives de M. Le Roux !

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Je n’entends pas réglementer ici l’usage des réseaux sociaux. Je demande simplement à M. Le Fur d’arrêter de diffamer un collègue qu’il nomme mais qui n’est pas celui qui figure sur la photo. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est inadmissible, et il n’y a pas besoin de réunir la conférence des présidents pour avoir, dans cet hémicycle, un comportement responsable ! (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est minable !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2057, 2407, 3683 et 4399.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 268

    Nombre de suffrages exprimés 268

    Majorité absolue 135

    Pour l’adoption 95

    contre 173

    (Les amendements identiques nos 2057, 2407, 3683 et 4399 ne sont pas adoptés.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2061.

    M. Dominique Tian. L’article 4 propose une modification fondamentale du code civil et, au-delà, un changement de civilisation, si l’on en croit Mme Taubira. Quoi qu’il en soit, cet article va surtout poser des problèmes aux élus locaux, aux maires et à leurs adjoints, qui célèbrent les mariages. On veut nous faire croire que, dans toute la législation existante, « père et mère » ou « mari et femme » peuvent vouloir dire « deux hommes » ou « deux femmes », sous prétexte d’étendre le mariage et la filiation à des couples de même sexe. Il n’en est évidemment rien, c’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement.

    M. le président. Sur l’amendement n° 2061 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2657.

    M. Marc Le Fur. Il n’est pas étonnant que le président Le Roux s’en prenne à ma personne (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), puisque, de manière insistante, je demande la transparence sur un élément majeur du dossier, un préalable, à savoir l’avis du Conseil d’État. Il se trouve en effet que cette assemblée, qui réunit les plus grands juristes de France, aurait émis un avis réservé, pour ne pas dire négatif, sur le projet de loi du Gouvernement.

    M. Bernard Roman. Allez voir sur Facebook !

    M. Marc Le Fur. Sur cet avis du Conseil d’État, je souhaiterais entendre quelqu’un qui ne s’exprime jamais sur le fond, alors qu’il est président de la commission des lois, notre collègue Jean-Jacques Urvoas. Il est parfait pour la procédure, mais on ne l’entend jamais sur le fond de la loi, ce qui est surprenant… Je comprends qu’il laisse au rapporteur l’essentiel des réponses, mais vous êtes président de la commission, monsieur Urvoas, et vous n’intervenez jamais sur le fond ! Est-ce par prudence vis-à-vis de la population d’une région que je connais bien, puisque nous sommes tous deux élus de départements bretons ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce plutôt parce que, comme d’autres de vos collègues, de plus en plus nombreux, vous éprouvez des réserves personnelles sur ce texte ?

    Nous avons eu la déclaration de Mme la députée-maire de Chambéry, qui exprime ses réserves sur le texte, les propos de notre collègue Lambert et les déclarations on ne peut plus explicites de nos collègues d’outremer… et vous, monsieur Urvoas, adhérez-vous, oui ou non à ce texte ?

    M. Henri Jibrayel. Provocateur !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3699.

    M. Xavier Breton. La mécanique qui a conduit à la rédaction de cet article-balai conduit à une usurpation, puisque désormais deux hommes ne seront pas nommés époux, mais mari et femme ; deux femmes ne seront pas nommées épouses, mais également mari et femme. Dans la même logique, on ne parlera pas pour un couple de même sexe de parents, mais de père et mère.

    Aux termes de l’article 371-1, vous direz donc aux personnes de même sexe qui viennent célébrer leur mariage devant la société qu’ils sont père et mère… Certes vous allez rétorquer qu’il faut interpréter ces termes mais, encore une fois, vous nommez mal les choses, car les mots, la réalité et la société résistent.

    M. Yves Censi. On ne résiste pas à la réalité !

    M. Xavier Breton. Vous êtes dans le déni de réalité. Réveillez-vous, car votre idéologie égalitaire ne doit pas conduire à effacer le sens des mots ! Expliquez-nous comment vous allez demander aux maires et à leurs adjoints de dire à un couple de personnes du même sexe qu’ils vont être père et mère, tout en leur expliquant que vous voulez parler de deux pères ou de deux mères. Toute l’invraisemblance de votre texte est là !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4402.

    M. Philippe Meunier. Je réitère notre demande concernant la communication de l’avis du Conseil d’État ! C’est nécessaire pour éclairer nos travaux et, si nous voulons avancer sereinement, il nous faut cet avis.

    J’en profite pour rappeler notre position, qui est très claire. Le mariage est pour nous l’union d’un homme et d’une femme, et nous nous battrons jusqu’au bout pour nous opposer à votre projet de loi, qui détruit la famille.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je crois utile une précision qui nous permet de comprendre ce que les députés de l’opposition veulent empêcher. Leurs amendements visent en effet à empêcher l’application de l’article 148 du code civil, selon lequel « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ».

    M. Bernard Roman. Bien joué !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

    M. Philippe Houillon. Pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaiterais interroger Mme la garde des sceaux à propos de l’étude d’impact, qui est loin, selon moi, de répondre aux exigences de la loi organique du 15 avril 2009, prise en application d’un certain nombre d’articles de la Constitution. De mon point de vue en effet, cette étude ne traite pas de questions aussi complexes que l’adoption internationale ou la manière dont s’apprécie l’intérêt de l’enfant. Elle ne traite pas non plus des questions sociales, d’organisation ou d’état civil.

    Le Conseil d’État a forcément dû se prononcer et donner un avis sur ces questions – ce que me confirme votre sourire, madame la garde des sceaux. M. Le Roux nous a répondu tout à l’heure au sujet de l’avis du Conseil d’État mais, s’il ne nous était pas communiqué, vous remporteriez une victoire à la Pyrrhus, car cette loi sera déférée devant le Conseil constitutionnel, qui prendra naturellement connaissance de l’avis du Conseil d’État et appréciera la conformité de l’étude d’impact à ce que requièrent la Constitution et la loi organique de 2009. À un moment donné, le débat aura donc forcément lieu. Pourquoi le retarder ?

    Ma question est donc la suivante : est-ce que, sur cette étude d’impact – mais cela vaut aussi pour tous les autres points sur lesquels nous n’avons pas son expertise alors qu’il peut la donner – le Conseil d’État s’est prononcé ? Si la réponse est oui, qu’a-t-il dit ?

    D’une manière générale, je renouvelle la demande de mes collègues tendant à ce que nous ayons l’avis du Conseil d’État, qui est indispensable à la poursuite de nos travaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2061, 2657, 3699 et 4402.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 280

    Nombre de suffrages exprimés 278

    Majorité absolue 140

    Pour l’adoption 94

    contre 184

    (Les amendements identiques nos°2061, 2657, 3699 et 4402 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2063.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous répétons une nouvelle fois, comme nous le ferons inlassablement, que nous sommes opposés à ce projet. Ces amendements sont à peu près la seule façon pour nous de le dire jusqu’à la fin de ces débats. Nous ne nous lasserons pas de dire notre opposition à l’article 1er et à l’ensemble des articles qui en découlent. À chacune des occasions que nous aurons de le dire, nous le ferons donc ; je comprends que Mme la ministre tienne à préciser les conséquences des amendements que nous déposons, mais de tels amendements font partie du travail parlementaire – je le reconnais bien volontiers à mon tour.

    Cela dit, nous répétons que, d’une manière générale, ce texte place les Français dans une situation qui revêt un caractère mensonger à partir du moment où, dans toutes leurs occurrences dans le code civil – même si Mme la garde des sceaux en a dit la raison –, il faudra lire dans un autre sens que celui qui est le leur les mots de « père » et de mère ». Cela produit, pour beaucoup de raisons que nous avons développées depuis le début de nos débats, une situation qui ne peut être acceptée. L’amendement est donc défendu.

    M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2660.

    M. Marc Le Fur. Chacun l’a bien compris, nous attendons du Gouvernement qu’il nous communique l’avis du Conseil d’État.

    Nous attendons également du président de la commission des lois qu’il donne sa position. En effet, il n’est pas un député socialiste comme les autres : en sa qualité de président de la commission des lois, il doit s’exprimer, non seulement sur la procédure, mais aussi sur le fond. Toute absence de propos donnerait lieu à une interprétation ; nous souhaitons donc qu’il puisse s’exprimer.

    Sur le fond du débat, je vous invite à lire les déclarations de M. Laurent Alexandre, chirurgien urologue, qui est aussi un militant de la PMA et des mères porteuses et qui répond à Mme Agacinski.

    Le propre de la politique est de définir les alternatives qui se présentent. Or, en l’espèce, l’alternative est entre Mme Agacinski – curieusement, c’est nous qui la citons –, laquelle définit des normes de prudence, ou de précaution, pourrait-on dire de manière plus constitutionnelle, et M. Laurent Alexandre, qui nous explique que, bien au-delà de la PMA et des mères porteuses, il y aura bientôt des enfants biologiques porteurs des gènes des deux parents hommes. « La technique des cellules souches […] permet de fabriquer des spermatozoïdes et des ovules à partir de fibroblastes, des cellules que l’on trouve sous la peau. Il est déjà possible de fabriquer un souriceau à partir de deux pères. Le passage de ces techniques à l’espèce humaine est juste une question de temps », explique-t-il.

    Sur toutes ces questions, qui sont relayées par ailleurs par le professeur Henri Atlan, lequel préconise pour sa part l’utérus artificiel, quelle est la réponse de la loi ? Sommes-nous du côté de Mme Agacinski ou bien du côté de ceux qui, comme le professeur Atlan ou le docteur Alexandre, veulent en quelque sorte jouer les apprentis sorciers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3700.

    M. Xavier Breton. Je voudrais relayer la demande de notre collègue Philippe Houillon, qui a très bien montré que l’avis du Conseil d’État était indispensable pour la clarté et l’intelligibilité de nos débats et que, de toute façon, cette publication devait se faire tôt ou tard. Si vous avez quelque chose à cacher, dites-le – c’est tout le sens des questions que nous ne cessons de poser afin que nous puissions aller au fond des choses.

    À travers cet amendement, qui rejoint la logique de ceux qui ont été défendus et de ceux qui le seront par la suite, nous souhaitons démonter la logique de l’amendement qui a conduit à la création de l’article-balai : encore une fois, c’est une imposture que de ne pas nommer les choses comme elles doivent l’être.

    Comme j’aurai l’occasion de le démontrer à travers les amendements suivants, on assiste, avec cet article-balai, à la fois à une fiction, une lâcheté et un appauvrissement. En effet, en ne nommant pas les choses, on appauvrit le sens, on ment à celles et ceux qui entendent ces mots. Il y a lâcheté, de la part de ceux qui les prononcent, à ne pas dire les choses telles qu’elles sont. Je m’attacherai à le démontrer à travers les amendements qui suivront.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4142.

    M. Hervé Mariton. Nous avons demandé – et nous en avons démontré tout à l’heure la nécessité – d’avoir une meilleure évaluation de l’application de l’amendement-balai.

    Je disais, en m’appuyant sur la doctrine, que les amendements-balais comportaient toujours le risque de viser soit trop loin, soit trop court. Le problème qui se pose dans l’application de l’article 371-1 résulte d’évidence d’un amendement-balai qui a visé trop court. En effet, tout à leur affaire d’éviter un trop grand nombre de suppressions des mots « père » et « mère », attentifs aussi à éviter, ce qui serait plus exact techniquement mais évidemment assez pénible à porter politiquement, l’utilisation des mots « parent 1 » et « parent 2 », le Gouvernement et la commission ont été amenés à faire l’impasse sur certaines dispositions.

    Quand vous dites que « père » et « mère » s’entendent des deux personnes, même si elles sont de même sexe, cela fonctionne assez bien à l’écrit – chez le notaire, par exemple –, mais pas à l’oral, comme on l’a bien vu tout à l’heure. Y a-t-il d’autres circonstances de ce type ? Oui, le problème se pose avec l’article 371-1. Je veux rassurer le Gouvernement et la commission : j’en ai trouvé quelques autres – peut-être pas tous –, dont nous parlerons au fil des débats à venir. Si vous nous aidiez à identifier tous les cas similaires, vous nous priveriez d’arguments, mais vous éclaireriez surtout la fabrication de la loi.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4404.

    M. Philippe Meunier. Au prétexte de donner des droits aux couples de même sexe, vous êtes en train de détruire notre code civil et le droit de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Cela faisait longtemps !

    M. Philippe Meunier. Avec la PMA et la GPA, vous vous êtes lancés dans une course infernale. C’est la raison pour laquelle je profite de cet amendement pour rappeler que, le 24 mars, avec tous les républicains, de droite comme de gauche, nous manifesterons pour stopper votre dérive qui remet en cause ce qu’il y a de plus fondamental, à savoir la famille et le droit des enfants d’avoir un père et une mère.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, après avoir précisé de quoi il s’agit. L’article 149 du code civil, que ces amendements tendent à rendre inapplicable, dispose, s’agissant des parents : « Si l’un des deux est mort ou s’il est dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit. »

    Le code prévoit donc aujourd’hui, lorsqu’un mineur a besoin d’une décision de ses parents, que le consentement du second parent suffit si l’un des deux est mort. En clair, avec les amendements de l’opposition, il serait impossible pour ce mineur de mener sa vie, parce que l’on exigerait le consentement du parent décédé ! (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Yves Durand. Eh oui ! Vous devriez avoir honte !

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Depuis plusieurs jours, vous nous parlez de l’adoption, et vous passez de l’adoption à la PMA, de la PMA à la GPA. Maintenant, vous nous parlez de la GPA et de l’utérus artificiel. Vous nous avez même parlé hier de clonage.

    On a l’impression que notre République est entre les mains d’apprentis sorciers. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Ne faites-vous donc pas confiance à notre peuple ?

    M. Christian Jacob. Allez donc devant le peuple, vous verrez ce qu’il en pense !

    Mme Marie-George Buffet. Ne faites-vous donc pas confiance aux législateurs, aux scientifiques et aux médecins ?

    Je vous ferai remarquer, monsieur Jacob, qu’il y a une grande différence entre l’adoption et la PMA, qui sont autorisées par la loi, et la GPA qui est interdite, justement parce que c’est une marchandisation du corps.

    M. Yves Censi. Elle est légale à l’étranger !

    Mme Marie-George Buffet. Nos législateurs et notre peuple feront en sorte que les utérus artificiels et le clonage soient également interdits, parce que nous pensons avant tout à l’humain, et non pas à faire peur comme vous le faites ici depuis des jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. Philippe Cochet. Consultez donc le peuple, alors !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door. Vous prétendez résoudre les problèmes sur le code civil sans l’avis du Conseil d’État, que nous n’avons toujours pas. Je vous le dis clairement : vous n’y parviendrez pas ; tout au contraire, vous allez en créer. L’ensemble du groupe UMP ne cédera pas à ces manœuvres qui visent à satisfaire votre projet.

    Vous ne pouvez pas tout décréter, tout inventer, madame Buffet. Il existe des données naturelles de la famille. Je vous le dis : vous jouez avec le feu ; vous jouez les apprentis sorciers. Parler non plus de père et de mère, mais de deux pères ou de deux mères, c’est irrationnel. Quand on parle non plus de mari et de femme, mais d’époux, on est dans le surnaturel ; c’est même complètement stupide. Avec ce texte, vous allez torturer l’état civil et le livret de famille. Pour notre part, nous nous y refusons.

    Je vous pose la question : est-il vraiment utile, dans ces conditions, de garder un état civil et un livret de famille ? Faites-les donc disparaître ! Nous voterons donc ces amendements identiques.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 2063 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 263

    Nombre de suffrages exprimés 261

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 80

    contre 181

    (Les amendements identiques nos 2063, 2660, 3700, 4142 et 4404 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2064.

    M. Dominique Tian. Je rappelle à Mme Buffet que nous ne sommes pas contre le peuple, puisque nous passons notre temps à réclamer un référendum, ce qui d’ailleurs vous gêne !

    Si vous êtes pour le peuple, organisez donc ce référendum. Les Français seront satisfaits. Comparons d’ailleurs les deux manifestations : 1 million de personnes, d’un côté, contre le mariage pour tous, et 150 000, de l’autre, en sa faveur. Le peuple a parlé !

    Cela fait d’ailleurs longtemps, madame Buffet, que le Parti communiste ne parle plus au nom du peuple, sauf, malheureusement, dans certains pays, où il continue à l’opprimer !

    Cette modification du code civil est importante, comme l’ont indiqué nos collègues. Le présent amendement est donc salutaire. Voilà pourquoi je le soutiens et vous propose de l’adopter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 2064 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2410.

    M. Philippe Gosselin. Pour en revenir au sujet que nous abordions tout à l’heure, l’article 310 du code civil vise – j’y insiste – l’acte d’état civil. La démonstration fondée sur les arrêts de la Cour de cassation conduit, comme vous le savez, à faire une distinction entre deux types d’actes, dont l’un fera apparaître l’orientation sexuelle des parents, ce qui constitue évidemment une discrimination.

    L’amendement-balai revient sur tout cela, ce qui est très bien, mais il n’intègre pas l’article 310. Comment allez-vous respecter ce principe essentiel du droit de la filiation, qui participe également, comme l’affirment les deux arrêts de la Cour de cassation, de l’ordre public international ? Comment allez-vous lever cette contradiction qui, aujourd’hui – je vous le dis très sincèrement – me paraît subsister dans le texte ?

    Il faut un éclaircissement sur ce point précis qui concerne l’ensemble des adoptions plénières, ce qui en fait une partie importante du dispositif. Cela étant, le titre même du projet de loi anticipe peut-être déjà sur le fait que l’adoption ne pourrait pas avoir lieu. Je rappelle en effet, à toutes fins utiles, que, selon son libellé, il concerne uniquement le mariage pour les personnes de même sexe.

    Si c’est une anticipation, vous auriez pu nous le dire plus tôt ; cela nous aurait évité quelques débats. Je pense que ce n’est pas l’objectif du Gouvernement. Toutefois, comment prévoyez-vous de sortir de cette contradiction importante ? Et quels types d’actes d’état civil comptez-vous élaborer et présenter ?

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, relatif au bon déroulement de nos débats.

    Mme Buffet a rappelé à l’instant, de manière enflammée comme à plusieurs reprises déjà, que la GPA était interdite en France. Mais les choses changent depuis la circulaire de Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) Je sais que cela vous gêne !

    M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Jacob !

    M. Christian Jacob. C’est important pour éclairer nos débats !

    M. le président. Je vous demande de terminer.

    M. Christian Jacob. Bien sûr, monsieur le président, mais pas dans ce bruit !

    M. le président. Chers collègues, laissez terminer M. Jacob, s’il vous plaît !

    M. Christian Jacob. Cette circulaire facilite l’obtention d’un certificat de nationalité quand la GPA est avérée, ce qui revient de fait à une reconnaissance de cette dernière. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) On accepte et on reconnaît la GPA réalisée à l’étranger pour ceux qui, je l’ai dit à plusieurs reprises, ont entre 80 000 et 100 000 dollars à dépenser. En revanche, en bons dirigeants de gauche, vous dites aux autres : « Rassurez-vous, bon peuple, pour vous ce sera interdit, à moins que vous n’ayez 100 000 dollars. » Voilà où nous en sommes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2665.

    M. Marc Le Fur. J’aurais aimé répondre à M. Le Roux mais il n’est plus là ; tant pis, ce sera pour plus tard.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Il va revenir !

    M. Marc Le Fur. Je reviens sur les émouvants propos de Mme Buffet. Le peuple, il faut le consulter, c’est ce que nous demandons ! Nous avons, nous, confiance dans le peuple, et nous considérons que certaines pseudo-élites qui s’expriment dans ce débat ont une vision dévoyée des choses ; elles prétendent parler au nom du peuple et déforment la pensée populaire.

    M. Bernard Roman. Il est là, le peuple !

    M. Marc Le Fur. Vous appartenez, madame Buffet, à un grand parti qui, à certains moments de son histoire, a rencontré l’histoire de France, avec d’autres. Je regrette que ce parti soit réduit à n’être plus qu’une force supplétive du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Sans rapport aucun, voici une information relative à la Russie. Pavel Alekseïevitch Astakhov, conseiller chargé des droits de l’enfant auprès du Président de la Fédération de Russie, a réaffirmé que les évolutions législatives en cours entraînaient une réelle menace pour les familles qui attendent, souvent depuis des mois, la possibilité de rencontrer un enfant d’origine russe. Voilà les conséquences de votre texte ! Voilà ce à quoi nous risquons d’aboutir. Mes chers collègues, je vous invite à la plus grande prudence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Sébastien Denaja. Les supplétifs de Poutine !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3702.

    M. Xavier Breton. Avec cet amendement, je souhaite de nouveau montrer que l’article-balai est une fiction, une lâcheté et un appauvrissement. C’est une fiction parce que, même si vous l’écrivez, deux hommes qui se marient ne sont pas « mari et femme ». Deux femmes qui se marient ne sont pas « mari et femme ». Vous laissez ces termes dans notre droit ; c’est une fiction. C’est, ensuite, une lâcheté parce que vous n’osez pas dire à deux hommes qui se marieront qu’ils sont devenus « maris », à deux femmes qu’elles sont devenues « épouses ». C’est, enfin, un appauvrissement parce que vous nommerez de la même manière des réalités qui ne sont pas identiques : non, deux hommes, deux femmes qui se marient ne sont pas « mari et femme ».

    M. Bernard Roman. Vous dites n’importe quoi !

    M. Xavier Breton. Ainsi, cet article-balai est une fiction par rapport à la réalité des choses, une lâcheté vis-à-vis de celles et ceux que vous prétendez défendre, et un appauvrissement des mots, alors que nous savons quelle importance ont ces derniers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4144.

    M. Hervé Mariton. Au moment où se tient la grande commission réunissant députés de notre assemblée et membres de la Douma d’État, il convient, suite aux propos de Marc Le Fur, de confirmer les conséquences que la législation et la politique russes peuvent avoir sur l’adoption internationale d’une part pour des personnes de même sexe, à l’évidence, puisque les autorités russes refusent et refuseront farouchement toute adoption par ces personnes, mais aussi d’autre part pour des personnes de sexe différent, avec un risque de tarissement de cette source d’adoption.

    Analyser les conséquences de la politique russe, ce n’est pas l’approuver. Je crois que nous pouvons être unanimes – car cela va au-delà de l’autonomie politique russe et concerne notre vision des droits de l’homme – à condamner le durcissement de la politique de la Russie dans ce domaine, parfois sous des prétextes de relations internationales qui ont peu à voir avec les conditions de l’adoption, parfois pour exprimer une conviction, que la manière dont elle est mise en œuvre rend illégitime de notre point de vue, en particulier eu égard à ses conséquences pour les couples de personnes de sexe différent.

    Qu’un pays refuse l’adoption pour les couples de même sexe, c’est son droit ; c’est, du reste, notre raisonnement que de considérer qu’un enfant doit avoir un père et une mère. Je peux donc comprendre que les Russes prennent des décisions de ce type, mais la manière dont ils le font, les arguments auxquels ils recourent, l’homophobie…

    M. le président. Merci.

    M. Hervé Mariton. Un instant, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. le président. C’est pareil pour tout le monde, cher collègue.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4406.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, il serait bon que chacun puisse, rapidement, mener ses interventions à leur terme.

    Madame Buffet, je vous remercie, comme hier, de recharger nos batteries à chacune de vos interventions. Vous êtes enflammée, M. Jacob l’a bien dit, et c’est d’ailleurs tout à votre honneur.

    Mme la garde des sceaux a parlé d’un changement de civilisation. Vous parlez de « peuple » ; nous aussi, et nous demandons un référendum. Pourquoi n’organisez-vous pas un référendum ? Avez-vous peur du peuple ? S’il s’agit d’un changement de civilisation, faites le référendum : le peuple tranchera. Or vous savez bien que le peuple français ne veut pas que l’on casse le code civil, que l’on casse le droit de la famille. Il faut en tenir compte dans cet hémicycle, avant d’arriver au 24 mars, ou vous serez obligés, comme en 1984, de revenir sur les décisions prises par les assemblées !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Houillon, s’agissant de l’intérêt de l’enfant, je vous invite à lire la page 24 de l’étude d’impact, et sur les conséquences diplomatiques et l’adoption internationale, les pages 46 et 47.

    M. Philippe Houillon. Ce n’est pas ma question ! Il s’agit du Conseil d’État !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez dit que l’étude d’impact n’avait pas traité ces sujets : pour vous éviter de la lire en entier, je vous communique les pages où il en est question.

    Ces amendements visent à rendre impossible l’application de l’article 150 du code civil, selon lequel « Si le père et la mère sont morts, ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les aïeuls et aïeules les remplacent. » En voulant empêcher l’application de cet article, l’opposition entend que si, dans une famille homoparentale, un mineur perd ses deux parents, on continue d’attendre l’avis des parents.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo ! Il est où, l’intérêt de l’enfant ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis, donc, défavorable.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement sur la base de l’article 58. Madame la garde des sceaux, pour le bon déroulement de nos débats, je souhaite confirmation sur un point. Vous avez bien dit que le Conseil d’État ne s’était pas saisi des textes faisant référence à l’adoption internationale ?

    M. Michel Vergnier. C’est nul !

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Jacob, vous avez été ministre et vous êtes un éminent parlementaire : je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les conditions dans lesquelles un projet de loi gouvernemental est soumis au Conseil d’État. Je ne parlais pas du tout du Conseil d’État. M. Houillon a dit que l’étude d’impact ne traitait pas de l’intérêt de l’enfant ni de l’adoption internationale ; c’est en tout cas ce que j’ai entendu, et je lui ai donc communiqué les pages où il pourra trouver ce qu’il cherche. Le Conseil d’État a été saisi du projet de loi et de l’étude d’impact car nous n’avons pas inventé une nouvelle procédure ; nous nous sommes contentés de respecter celles qui sont en vigueur.

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour expliquer son vote sur la série d’amendements identiques.

    M. Bernard Roman. Les Versaillais !

    M. François de Mazières. Nous n’avons malheureusement toujours pas eu de réponse sur l’application de l’article 371-1 du code civil ; mais peut-être finira-t-elle par venir.

    Je crois à l’importance des mots et je suis très frappé, dans ce débat, par l’apparition de nouveaux concepts. J’ai entendu tout à l’heure l’expression « faire famille ». Cela m’a rappelé une intervention du rapporteur : « On fait faire famille de la même façon pour les couples hétérosexuels et homosexuels grâce à la PMA. » Cela m’avait stupéfié, et je l’avais alors interrogé. On sait également qu’une de nos collègues demande la suppression du mot « maternelle ». Dans la continuité, on demandera sans doute de supprimer le mot « maternité » ! On voit donc pourquoi nous insistons sur l’importance de ces mots de « père » et « mère » : c’est à cause de ce changement profond de civilisation évoqué par Mme la garde des sceaux.

    Vous faites souvent référence, madame la garde des sceaux, à des poètes, et nous vous en rendons hommage. J’aimerais à mon tour renvoyer à un livre célèbre, Le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. Dans la société que décrit ce livre, les mots « père » et « mère » sont des insultes. Au fond, nous sommes en train d’en venir là ; nous sommes en train de dire que les mots « père » et « mère » n’ont pas grande valeur. Et vous savez qu’elle était la démonstration de ce livre : quand tout est codifié par un régime totalitaire, il n’y a plus aucune liberté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

    Mme Corinne Narassiguin. Je m’étonne, chers collègues de l’opposition, de vos propos concernant la Russie, qui reviennent à approuver l’homophobie de l’État russe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. J’ai dit le contraire !

    Mme Corinne Narassiguin. Je m’étonne également de votre incapacité à comprendre le concept d’interprétation. L’article-balai introduit par notre rapporteur vient d’un exemple espagnol. Dans la législation espagnole, ainsi qu’au niveau juridique, la reconnaissance pleine et entière des mariages entre personnes de même sexe ainsi que des familles homoparentales se passe très bien, et ce depuis plusieurs années.

    Puisque nous en sommes aux exemples étrangers, je voudrais vous faire part des résultats d’une étude sur les familles homoparentales commandée par le ministère de la justice allemand et conduite dans deux régions de Bavière, un Land gouverné depuis soixante ans par la coalition conservatrice CDU-CSU. Ce sont 1 059 homoparents ainsi que leurs enfants âgés de dix à dix-huit ans qui ont été interrogés, et parmi les conclusions de cette étude, on voit : « Aujourd’hui est un grand jour pour ceux qui se concentrent sur les faits plutôt que sur les stéréotypes. L’enquête l’a confirmé : là où les enfants sont aimés, ils grandissent bien. L’orientation sexuelle du parent n’est pas essentielle pour une bonne relation parent-enfant. Les enfants vivant avec deux mères ou deux pères se développent aussi bien que dans d’autres structures familiales. » Voilà pour les études que vous réclamiez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2064 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 270

    Nombre de suffrages exprimés 269

    Majorité absolue 135

    Pour l’adoption 82

    contre 187

    (Les amendements identiques nos 2064, 2410, 2665, 3702, 4144 et 4406 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n°2067.

    M. Dominique Tian. Le Président Jacob a eu raison tout à l’heure d’évoquer la légalisation de la GPA, que la circulaire Taubira va de fait introduire.

    Certains juristes ont été surpris de la manière dont cette circulaire, désormais fameuse, a été rédigée,…

    M. Bernard Roman. Quels juristes ?

    M. Dominique Tian. …puisqu’il y est question des instructions données au procureur concernant « l’hexagone et l’outre-mer ». Y aurait-il un droit civil qui s’appliquerait dans l’hexagone et pas outre-mer ou l’inverse ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Mais quels juristes ?

    M. Dominique Tian. Ces juristes ne sont pas nécessairement de droite ou de gauche et ils peuvent dire des choses tout à fait intelligentes quand ils s’étonnent de la circulaire de Mme Taubira. Le problème n’est pas de savoir quels sont ces juristes ou encore ces scientifiques ou ces philosophes : c’est la diversité des opinions qui importe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Ces juristes s’inquiètent de cette nouvelle formulation, pour le moins étrange ; c’est pourquoi je demande à Mme Taubira qu’elle s’en explique.

    M. Bernard Roman. Vous n’avez rien à dire !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2411.

    M. Philippe Gosselin. Chacun a désormais bien compris l’objet de notre question, ainsi que la difficulté à laquelle vous êtes confrontés : il sera impératif de supprimer cette discrimination, telle qu’elle apparaît dans l’état actuel du texte.

    Si je me répète, ce n’est pas pour le plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès lors que ce projet de loi semble devoir être voté, il me semble important pour la sécurité juridique de ceux qui seraient concernés que les termes soient respectés et que l’aspect strictement juridique ne soit pas oublié. Le droit ne peut être une novlangue, et je le dis cette fois très sérieusement.

    Ce qui importe, au-delà des petits mots qui parfois se targuent d’être d’esprit, c’est la qualité de la loi que nous votons. Mes interventions de cet après-midi ne poursuivaient que cet objectif : disposer d’une possibilité juridique complète. Or aujourd’hui, le texte qui résulte de cet amendement-balai ne permet pas de satisfaire le principe de non-discrimination.

    Il existe bien des difficultés. Aussi, au-delà de la réponse que pourra nous faire Mme la ministre, prendrons-nous date pour la suite des événements.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n°2669.

    M. Marc Le Fur. Nous attendons toujours du Gouvernement l’avis du Conseil d’État, ainsi qu’une position de fond sur cette question de la part du président de la commission des lois.

    Par ailleurs, nous évoquions la situation de la Russie, qui pose une vraie difficulté. Toutefois, selon les informations dont je dispose, ce sont également la Chine, mais aussi le Vietnam qui interdiraient l’adoption par des couples homosexuels.

    À bien y regarder, cette liste des pays se révèle tout à fait intéressante ; car, au nom d’un anticléricalisme, voire parfois d’une « cathophobie » caractéristique, vous imputez notre refus à nos valeurs chrétiennes. Or nous voyons bien, à l’énoncé de ces pays qui ne sont pas de tradition chrétienne, que cela n’a rien à voir.

    La Chine, par exemple, est peut-être de tradition confucéenne, ou marxiste, on ne sait plus trop, mais pas chrétienne. Cela signifie que tous les grands systèmes de pensée, toutes les traditions considèrent qu’un enfant doit d’abord pouvoir disposer d’une mère et d’un père et que c’est lui donner toutes ses chances que de lui offrir un tel environnement...

    M. Bernard Roman. Et ceux qui n’en ont pas ?

    M. Marc Le Fur. …protecteur, mais également éducatif. Bien sûr, cette condition n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire.

    Je veux également donner l’avis de l’Académie des sciences morales et politiques, sur lequel nous n’avons pas suffisamment insisté et qui me semble pourtant essentiel.

    Elle observe que la réforme proposée transforme en profondeur le droit français du mariage et de la filiation et se prononce très clairement contre ce dispositif. Elle appelle ainsi l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de respecter dans la loi et dans ses textes d’application le droit des couples hétérosexuels à demeurer maris et femmes.

    Sachons écouter les académiciens.

    M. le président. Sur l’amendement no 2067 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3704.

    M. Xavier Breton. À la suite de M. Le Fur, je veux revenir sur l’impréparation d’un texte qui passe en force aussi bien dans le droit que dans notre société.

    La mauvaise préparation du texte se voit aussi dans la fermeture du débat. Il y a eu, de fait, des auditions organisées par le rapporteur au sein de la commission des lois. Nous y avons participé. Toutefois, elles étaient de deux types : les auditions diffusées sur internet, qui ont bénéficié d’une grande publicité – des auditions militantes, puisqu’il s’agissait de personnes favorables à l’ouverture du mariage et de la filiation aux couples de personnes de même sexe ; et les auditions plus techniques, également intéressantes, mais moins diffusées, lors desquelles nous avons entendu beaucoup de réserves émises par des professionnels du droit, notaires ou avocats, qui nous ont tous dit que nous n’avions pas pris toute la mesure de l’impact de ce texte.

    Nous le constatons d’ailleurs avec cet amendement-balai, ajouté ultérieurement et dont nous avons du mal à évaluer les conséquences. M. Mariton demandait d’ailleurs tout à l’heure si, outre cet article 371-1, il en est d’autres qui pourraient entraîner une confusion préjudiciable tant pour les personnes que pour notre société.

    Bref, ce texte a été fait dans la plus grande impréparation ; c’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4147.

    M. Hervé Mariton. Je veux faire suite à l’intervention de Mme Narassiguin. Nous sommes opposés à l’adoption et à la filiation pour des personnes de même sexe, mais pour autant nous considérons que les arguments homophobes avec lesquels les autorités russes développent leur politique et prennent leurs décisions dans ce domaine sont absolument inacceptables.

    M. Bernard Roman. C’est bien de le dire.

    M. Hervé Mariton. Je n’ai donc pas très bien compris les remarques de Mme Narassiguin, puisque j’avais dit dans mon intervention à peu près la même chose que ce que vous pensez et, en tout cas, le contraire de ce que vous nous avez imputé.

    Il y a hélas aujourd’hui un durcissement du comportement et de la législation russes : nous devons le condamner unanimement, surtout à l’occasion de la tenue de la Grande Commission dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Si, à l’occasion de ce débat qui concerne les personnes homosexuelles, l’Assemblée nationale pouvait dire d’une seule voix qu’elle condamne l’attitude des pays qui développent et durcissent des comportements et des législations hostiles aux homosexuels et manifestement homophobes, cela serait utile et tout à son honneur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Très belle proposition, qui ne peut que faire l’unanimité !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4407.

    M. Philippe Meunier. Philippe Gosselin pose un problème de droit important avec le risque de discrimination que soulève ce texte. La question est d’importance et nous écouterons, madame la garde des sceaux, votre réponse avec la plus grande attention.

    Nous voyons bien, heure après heure, jour après jour, que ce projet de loi est dangereux pour le corps social et pour sa cohésion. Il est donc temps, mes chers collègues, de reprendre votre liberté de conscience. En tant que parlementaires, nous n’avons pas de mandat impératif : le peuple attend de nous cette liberté, que nous soyons de droite ou de gauche.

    Ce projet est trop important pour ne pas dépasser les clivages de nos partis. Réagissez tant qu’il en est encore temps !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. L’article que ces amendements visent à rendre inapplicable et celui selon lequel le père, la mère et, à défaut, les aïeuls et aïeules peuvent faire opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Ce débat nous aura permis d’avancer et de remporter quelques victoires politiques (Rires sur les bancs du groupe SRC) : s’agissant de la PMA, qui n’est pas près de voir le jour dans un texte ; de la GPA ; des incohérences relatives à l’attribution du patronyme – après nos débats, Mme la ministre sera amenée à revoir son texte ; de l’impossibilité à appliquer l’article 371-1.

    Nous nous interrogeons désormais sur les modalités de rédaction du texte et l’avis du Conseil d’État, que vous refusez de nous donner. Heureusement, dans vos services, un certain nombre de personnes sont, semble-t-il, plus souples que vous, puisqu’elles nous ont transmis quelques informations, dont ces extraits que vous n’allez pas manquer de nous confirmer.

    Par exemple, voici ce qui est écrit relativement à la portée du projet : « […] la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux » ou « compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l’étude d’impact (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qu’un tel changement apportera à un grand nombre de législations »… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Je poursuis avec un autre extrait : « L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi ne traite pas, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, des questions multiples et complexes que soulève l’ouverture de l’adoption aux conjoints de même sexe dans le cadre de l’adoption internationale et, plus généralement, au regard de l’appréciation que les services et autorités compétentes seront amenés à faire de l’intérêt de l’enfant et qui est opérée en droit positif de manière concrète au cas par cas ».

    Outre les sujets politiques, dont nous avons pu débattre, madame la ministre, il y a donc un véritable problème d’écriture de la loi et d’impréparation de ce texte. C’est pourquoi je vous demande de publier la totalité de l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2067 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 261

    Nombre de suffrages exprimés 260

    Majorité absolue 131

    Pour l’adoption 80

    contre 180

    (Les amendements identiques nos 2067, 2411, 2669, 3704, 4147 et 4407 ne sont pas adoptés.)

    M. Marc Le Fur. Mme la ministre n’a pas répondu !

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2068.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

    Au risque de vous surprendre, monsieur le président, nous sommes tout à fait attentifs à ce que les droits du Gouvernement soient respectés dans cette assemblée, et nous serions évidemment très intéressés de connaître la réponse de Mme la garde des sceaux.

    J’ajoute à la question du président de notre groupe une question simple : l’avis du Conseil d’État comporte-t-il des réserves importantes sur le projet de loi ? Je pense que vous pourriez répondre à cette question simplement par oui ou par non. Je ne peux pas imaginer que notre président de la commission des lois en ait eu connaissance, sinon il en aurait fait part à la commission. Il n’y a donc que vous, madame la garde des sceaux, qui puissiez répondre.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2412.

    M. Philippe Gosselin. Je n’insisterai pas, car il me semble que Mme la ministre souhaite répondre. La réponse à ma question et à la contradiction que je soulevais ne saurait tarder. Mon amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2672.

    M. Marc Le Fur. Nous sommes effectivement suspendus aux lèvres de Mme la garde des sceaux, qui va nous dire très précisément ce qu’il y a dans l’avis du Conseil d’État et nous en donner communication. La transparence est tout de même un des éléments fondateurs de votre pensée politique, chers collègues socialistes. Et puis nous savons, depuis quelques mois, que « le changement, c’est maintenant ». Désormais, nous devrions donc avoir accès à ce type d’informations.

    En attendant que la ministre s’exprime, je voulais revenir sur l’avis de l’Académie des sciences morales et politiques, dont on connaît l’autorité : « Le projet de loi soulève en outre des questions difficiles du fait que le mariage et l’adoption ne sont ouverts aux personnes de même sexe que dans moins de dix pays appartenant tous à l’Europe occidentale ou à l’Amérique du nord. » Le problème que nous évoquions pour la Russie ou la Chine se pose donc en fait dans la plupart des autres pays du monde.

    Pour le reste, M. Le Roux n’étant toujours pas là, il m’est difficile de lui répondre. J’attendrai le temps qu’il faudra, je suis toujours là. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3705.

    M. Xavier Breton. Nous sommes tous impatients d’entendre la réponse de Mme la garde des sceaux, mais je voudrais revenir un instant sur le droit comparé, en rappelant que des débats similaires se déroulent actuellement chez nos amis et voisins anglais. Ils sont pour vous un exemple, chers collègues de la majorité, puisque vous les citez, mais sachez qu’ils autorisent la gestation pour autrui. On voit bien que la GPA est dans la même logique que ce mariage. De même que vous nous proposez le mariage et la filiation, via l’adoption, pour les couples de personnes de même sexe, il y aura la gestation pour autrui.

    Ce n’est pas en faisant du dumping éthique qu’on arrive à répondre aux questions de société et aux attentes éthiques de nos concitoyens. Il faut des convictions, pas se contenter de regarder ce qui se passe dans les autres pays ou de se servir d’exemples choisis. Cela vaut aussi pour l’étude à laquelle faisait référence Mme Narassiguin : les conditions de mariage et les conditions de filiation ne sont pas les mêmes en France et en Allemagne. Il serait intéressant d’avoir plus d’éléments sur le contenu de cette étude : s’agit-il seulement des capacités affectives et éducatives des couples de personnes de même sexe ? L’impact que peut avoir le mariage de deux hommes ou de deux femmes a-t-il été étudié ? Mais la comparaison est impossible en ce cas puisqu’un tel mariage n’existe pas en Allemagne, ils ont un système d’union civile !

    On voit bien que vous entretenez la confusion avec des études toujours partiales et bien souvent militantes.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4149.

    M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, nous vous demandons d’avoir l’obligeance de nous transmettre l’avis du Conseil d’État. (« Oh » sur les bancs du groupe SRC.) C’est important, en raison de la dimension du sujet. Vous avez vous-même parlé de changement de civilisation. Sans doute, sur des textes de moindre importance, le gouvernement précédent n’a-t-il pas, dans certains cas, accédé à de telles demandes de l’opposition. Mais sans doute le gouvernement de l’époque n’était-il pas parfait ! Si le gouvernement d’aujourd’hui veut démontrer des progrès dans la transparence, pour laquelle il s’est engagé, il a là une bonne occasion.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4408.

    M. Philippe Meunier. Je trouve dommage que, dans une démocratie moderne, il faille attendre la prise de parole du président d’un groupe de l’opposition pour avoir un aperçu de quelques éléments d’un avis du Conseil d’État alors que nous vous demandons de nous le communiquer depuis un certain temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas acceptable. C’est la démonstration que, sur ce projet de loi, vous cachez depuis le début la vérité aux Français. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Fauré. La défense de l’amendement, s’il vous plaît ?

    M. Philippe Meunier. Mais cela date déjà de quelques années, quand Mme Guigou avait déclaré à cette tribune qu’après le PACS, il n’y aurait rien d’autre car celui-ci prenait en compte l’ensemble des dispositifs nécessaires pour équilibrer les droits entre les couples de même sexe et les hétérosexuels… Quatorze ans après, on en est au projet de loi sur le mariage des époux de même sexe, demain, ce sera la PMA et après-demain, la GPA ! Vous êtes dans une telle logique que vous essayez de cacher aux Français la vérité de votre projet. Il est temps de dire la vérité aux Français.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Claude Goasguen. Le code civil !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, le code civil, monsieur le député, parce que c’est bien mon outil de travail.

    Je vais d’abord répondre à M. Philippe Gosselin sur le titre du projet de loi, qui laisserait entendre que, ne mentionnant pas l’adoption, nous aurions déjà voulu régler une contradiction, sur l’article 310 et l’exequatur, et enfin sur les discriminations.

    Le titre repris par la commission est bien celui-ci : « Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ». Vous connaissez assez notre code civil pour savoir qu’en vertu de l’article 343, le mariage emporte l’adoption. On pourrait le mettre explicitement dans le titre, mais cela ne changerait rien. Le Gouvernement a voulu être honnête dès le début : depuis le mois de juin, nous avons systématiquement associé mariage et adoption parce que nous n’avons pas voulu laisser croire aux Français qu’il y avait une distinction. Les Français ont en effet parfaitement le droit d’ignorer que le code civil lie les deux. C’est pourquoi, par honnêteté, nous avons systématiquement mentionné les deux.

    M. Régis Juanico. Eh oui !

    M. Claude Goasguen. Vous ne pouviez pas faire autrement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de l’article 310, je vous répète ce que vous savez : il relève du titre VII relatif à la filiation. Il ne s’agit donc pas d’adoption, ni plénière ni simple. Quant aux jugements d’exequatur que vous évoquez, c’est-à-dire l’application en France de jugements rendus dans un pays étranger, il est normal qu’en l’espèce la Cour de cassation n’autorise pas leur exécution puisque dans l’état actuel du droit et jusqu’à l’application du texte de loi sur lequel nous travaillons, les couples de même sexe n’ont pas le droit de se marier.

    Dernier point : les discriminations. Je n’ai pas besoin de faire de grandes démonstrations pour prouver que les amendements que vous et vos collègues présentez depuis le début de l’après-midi construisent des discriminations.

    M. Claude Goasguen. Mais non ! Ils demandent le statu quo !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils visent à empêcher l’application de toutes les dispositions qui doivent être modifiées pour que le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe produisent leurs effets ! Vous êtes donc en train d’organiser de nouvelles discriminations : heureusement que nous sommes là pour vous en empêcher, vous nous en saurez gré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    Monsieur le président Jacob, vous avez donné lecture d’un extrait de l’avis du Conseil d’État, et pratiquement révélé vos sources : c’est votre responsabilité. Je me permets de vous rappeler que dans nos institutions, dans le cadre de notre droit, l’avis du Conseil d’État est adressé au Gouvernement et n’est pas public.

    M. Christian Jacob et M. Marc Le Fur. Il en fait ce qu’il en veut !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Seul le Premier ministre peut lever la confidentialité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Laure de La Raudière. Appelez-le !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, monsieur Jacob, en tant qu’ancien ministre, en tant que président d’un groupe parlementaire et donc législateur, que vous vous autorisiez à lire des extraits de l’avis du Conseil d’État…

    M. Bernard Roman. C’est scandaleux !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …révèle votre rapport à l’État de droit et aux institutions. (Exclamations sur divers bancs.) J’observe seulement que vous avez omis le premier alinéa, où est mentionné l’avis favorable, et le deuxième alinéa, qui précise que ni les conventions internationales ni le droit constitutionnel ne s’opposent à un tel projet de loi, qui relève de la responsabilité du législateur.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Montrez-le nous !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends parler de transparence, mais en quoi celle-ci vous autorise-t-elle à ne pas respecter la confidentialité d’un rapport du Conseil d’État ? Ou alors, au nom de la transparence, pourquoi pas lever le secret défense, ou supprimer le secret de l’instruction ? Soyez un peu responsables, en tant que législateur. Vous êtes vraiment mal placés pour donner des conseils. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’interviens sur la base de l’article 58 de notre règlement car je constate que Mme la garde des sceaux met en cause le président de notre groupe (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC) au motif qu’il n’aurait pas respecté la confidentialité d’un avis du Conseil d’État. Mais cette confidentialité ne s’impose pas à un parlementaire qui aurait eu communication de ce document.

    Mme Laure de La Raudière. Très bien !

    M. Bernard Roman. Mais si !

    M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, hier, vous avez déjà mis en cause la manière dont un député exerçait sa mission. Ce n’est pas raisonnable de la part d’un membre du Gouvernement. Nous vous respectons, ainsi que Mme Bertinotti, dans l’exercice de vos fonctions. Vous n’avez pas à apprécier la manière dont un parlementaire, fût-il président de groupe, exerce sa mission, ni à apprécier ici le respect d’une confidentialité qui ne s’impose pas à nous.

    M. Marcel Rogemont. Elle s’impose à tout le monde !

    M. Hervé Mariton. Deuxièmement, madame la garde des sceaux, vous avez révélé une partie de cet avis et le président Jacob en a lu une autre : peut-être pourrions-nous arrêter le jeu de piste ? Il se peut que cet avis ne vous soit pas totalement défavorable, mais alors je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement incite la représentation nationale à pratiquer un jeu de piste plutôt que de la laisser simplement en prendre connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. J’entends les explications données par Mme la garde des sceaux, mais je rappelle que l’amendement-balai, qui a abouti à l’article 4 dans le texte de la commission, prévoit expressément dans le code civil un nouvel article 6-1 qui commence par « À l’exception des dispositions du titre VII ». Par conséquent, rien ne prévoit la modification de l’article 310. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Réagissez comme il vous plaît, mes chers collègues, mais « souffrez que je termine ma démonstration », pour reprendre une expression que Mme Dumont ici présente avait utilisée à notre encontre. L’article 310 n’est absolument pas concerné par l’amendement-balai, il n’est donc pas visé par le texte, et vous allez au-devant de difficultés. Nous aurons fait notre travail. Le moment venu, l’avenir jugera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Alain Fauré. La démonstration est nulle !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

    M. Jean-Louis Touraine. Mme la garde des sceaux a bien rappelé les conditions de publication de l’avis du Conseil d’État, après autorisation par le Gouvernement. En la circonstance, l’honnêteté voudrait que l’opposition cite l’avis entièrement et non pas de manière tronquée…

    M. Claude Goasguen. C’est la meilleure !

    M. Jean-Louis Touraine.… en choisissant quelques parties qui déforment la réalité.

    D’ailleurs, ce n’est pas nouveau. Dans le passé déjà, lors des débats concernant l’autorisation de la recherche sur les cellules-souches à visée de progrès thérapeutiques, la droite populaire avait tout simplement omis l’avis du Conseil d’État. À l’époque, le Conseil d’État avait émis un avis favorable à cette recherche, de même que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Académie de médecine et tous ceux qui étaient consultés. Mais à cette époque, la droite populaire ne se préoccupait de suivre aucun de ces avis.

    Aujourd’hui, il se trouve que le Conseil d’État, puisque vous voulez y faire référence, donne un avis nuancé en indiquant les éléments favorables…

    M. Claude Goasguen. On ne le connaît pas !

    Mme Laure de La Raudière. Vous avez l’avis ?

    M. Philippe Cochet. Ils l’ont, c’est scandaleux !

    M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !

    M. Jean-Louis Touraine.… et d’éventuelles réserves que certains pourraient avoir. Dans ces conditions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)…

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues. Veuillez conclure, monsieur Touraine.

    M. Jean-Louis Touraine. Personnellement, je n’ai pas l’avis. Je n’ai que les citations que vous avez sorties de leur contexte, complétées par Mme la garde des sceaux, dont je conclus que vous devriez faire preuve de beaucoup de prudence avec d’invoquer les avis du Conseil d’État.

    (Les amendements identiques nos 2068, 2412, 2672, 3705, 4149 et 4408 ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Notre collègue vient d’évoquer l’avis du Conseil d’État dont manifestement il dispose. Il y a un problème grave à ce que des parlementaires de la majorité disposent de la totalité de l’avis du Conseil d’État pour s’en prévaloir et que les députés de l’opposition n’en disposent que par morceaux, soit ceux qu’il se trouve que nous avons, soit les quelques éléments fournis par le Gouvernement.

    Cette inégalité dans l’information de notre assemblée est absolument inacceptable. Je souhaiterais que le ministre des relations avec le Parlement ou le Premier ministre, président du Conseil d’État, viennent en rendre compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est honteux !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Bays. Ces rappels au règlement sont des manœuvres dilatoires de la part de l’opposition qui manque cruellement d’arguments et qui essaie de gagner du temps.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Sur quel article est fondé votre rappel au règlement ?

    M. Nicolas Bays. Dans le cadre d’un véritable rappel au règlement, j’aimerais rappeler à l’opposition le contenu de l’article 58, alinéa 1 : « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention ». Mais il y a aussi un l’alinéa 2, qui dispose que : « Si manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. » J’aimerais un peu plus, monsieur le président, que soit faite application de cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Cher collègue, il me revient de juger de l’application de l’article 58. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2069.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous allons continuer d’interroger les ministres au banc, surtout après l’intervention de M. Touraine. Quand on connaît son honnêteté intellectuelle, on n’imagine pas qu’il ait pu porter une telle appréciation sans avoir une connaissance complète du document auquel il fait référence.

    Mme Laure de La Raudière. Très bien !

    M. Jean-Frédéric Poisson. De deux choses l’une : ou bien il s’est avancé un peu rapidement, ce qui m’étonnerait de lui, ou alors il a des éléments dont nous ne disposons pas, ce qui m’étonnerait encore plus.

    Madame la garde des sceaux, confirmez-vous que le Conseil d’État émet des réserves importantes dans cet avis ? Si oui, nous aimerions savoir lesquelles. Si non, nous aimerions avoir quelques éléments de confirmation.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2675.

    M. Marc Le Fur. L’intervention de notre collègue Touraine est extraordinaire. De deux choses l’une : soit il commente quelque chose dont il ne dispose pas, ce qui est un comble, et révélateur d’une attitude un peu politicienne, soit il dispose de ce type d’information qui n’a pas été communiquée à l’ensemble des députés de la République, et c’est grave. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Finissons-en ! Que le Gouvernement nous communique les documents, qu’il nous dise ce qu’il en est ! Arrêtons ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. S’il vous plaît, il serait bien que chacun reprenne un peu son calme.

    M. Marc Le Fur. Vous avez en permanence à la bouche le mot transparence. Appliquez la transparence ! Nous avons le droit d’avoir tous les éléments du dossier. Nous avons en particulier le droit de disposer de l’avis des juristes les plus éminents, les plus neutres, les plus compétents de la République. Si vous privez la représentation nationale de ce type d’informations, c’est un déni de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur l’amendements no 2069 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3709.

    M. Xavier Breton. Je profite de cet amendement pour indiquer à M. Touraine que nous ne contestons pas au Parlement le droit d’aller à l’encontre d’avis, du Conseil d’État ou autres – c’est un privilège que nous devons défendre. Mais nous devons avoir les éléments d’information pour travailler dans les meilleures conditions possibles.

    J’ai été assez choqué par ce qui vient de se passer.

    Mme Chaynesse Khirouni. Il ne vous faut pas grand-chose !

    M. Xavier Breton. Il y aurait d’un côté les bons députés, qui auraient accès à l’avis du Conseil d’État et, de l’autre les mauvais députés, qui ne pourraient pas l’avoir.

    Au cours des auditions, nous avons déjà assisté au tri entre les bonnes associations, militantes, qui avaient droit à une publicité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et à être entendues sur le réseau de notre assemblée, et les mauvaises associations qui étaient entendues soit dans le secret de votre bureau, monsieur le rapporteur, soit le matin mais sans diffusion internet dans la salle de la commission des lois.

    Il y a quelques heures, Mme la ministre de la famille triait aussi les Français : les bons, de moins de cinquante ans, qui sont majoritairement favorables à votre projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et les mauvais, qui ont plus de cinquante ans – comme moi, depuis quelques jours – et qui y seraient défavorables. (Mêmes mouvements.)

    M. Alain Fauré. C’est honteux !

    M. Xavier Breton. Arrêtez ce manichéisme. S’il vous plaît, donnez-nous tous les éléments pour que nous puissions juger en âme et conscience de ce projet de loi.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4151.

    M. Hervé Mariton. Mme Narassiguin, il y a quelques minutes, a repris pour la partager la vision du Gouvernement consistant à reconnaître que l’amendement-balai peut poser certaines difficultés, comme nous l’avons constaté avec l’article 371-1, pour en déduire que c’est alors affaire d’interprétation.

    Cette construction juridique me paraît assez audacieuse. On refuse aux maires la liberté de conscience mais on leur demande d’interpréter le code civil et de le bricoler pour arriver à faire un mariage qui ne soit pas insultant à l’égard des personnes qui viennent se marier en mairie.

    Pour autant que l’on accepte cette théorie assez invraisemblable, le Gouvernement pourrait-il nous fournir la liste des dispositions qui, pour être appliquées, supposent de passer par cette interprétation ? Puisque vous sollicitez l’interprétation des officiers d’état civil, au moins que l’on sache sur quelles dispositions !

    Sur celle que je vous ai présentée, la seule réponse qui vous ait permis d’atterrir est celle que je viens de rappeler. Y en a-t-il d’autres ? Pour comprendre le texte, nous avons besoin de le savoir. C’est toute la difficulté de l’amendement-balai qui révolutionne le texte. Pour que nous puissions comprendre, s’il vous plaît, madame la ministre, donnez-nous la liste des interprétations qui seront nécessaires.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4409.

    M. Philippe Meunier. Après le cafouillage sur la PMA, dimanche dernier, voici l’avis caché du Conseil d’État. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob, président de notre groupe, nous communique quelques éléments de l’avis du Conseil d’État, que nous n’avons pas. Mme la garde des sceaux reproche à notre président de groupe de nous communiquer ces quelques éléments. Et M. Touraine prend la parole pour donner une appréciation de cet avis du Conseil d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est incroyable ! Vous rendez-vous compte de la situation ?

    Il est temps de communiquer l’avis du Conseil d’État à l’ensemble de la représentation nationale.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je souhaite que l’on retrouve un peu de sérénité dans cet hémicycle, car il s’agit d’un point important de procédure et de débat entre le Gouvernement et sa majorité, et aussi avec l’opposition. Ce débat entre maintenant dans la plus grande confusion.

    M. Claude Goasguen. Ah oui !

    M. Patrick Ollier. Nous avons insisté depuis plusieurs jours sur certaines incohérences juridiques de ce texte. Nous ne faisons que cela : relever ce que nous considérons comme des incohérences.

    L’avis du Conseil d’État est un élément déterminant. M. Jacob, notre président, a posé des questions sur des extraits qu’il a lus et qui remettent en cause la logique de ce texte…

    M. Claude Goasguen. C’est grave !

    M. Patrick Ollier.… même si l’avis global est favorable.

    M. Yves Censi. Cela jette la suspicion !

    M. Patrick Ollier. La meilleure des solutions, madame la garde des sceaux, est que l’on puisse avoir connaissance de cet avis et l’étudier afin de retrouver la sérénité dans ce débat. Je comprends que cela vous fasse rire, madame la garde des sceaux, mais c’est un droit du Parlement.

    M. Bernard Roman. Pas du tout !

    M. Patrick Ollier. Le Parlement a le droit de demander d’avoir connaissance de l’avis du Conseil d’État.

    M. Bernard Roman. C’est écrit où ?

    M. Patrick Ollier. Ici, nous sommes dans le temple de la démocratie ; la parole y est libre et les questions aussi. Nous aimerions que vous y répondiez sinon, monsieur le président, je pense qu’il vaudrait mieux lever la séance en attendant que le Premier ministre vienne nous dire s’il peut ou non lever le fameux secret sur l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2069 et les amendements identiques.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 256

    Nombre de suffrages exprimés 256

    Majorité absolue 129

    Pour l’adoption 89

    contre 167

    (Les amendements nos 2069, 2675, 3709, 4151 et 4409 ne sont pas adoptés.)

    5
    Faits personnels

    M. le président. M. Le Fur, vous avez demandé la parole en application de l’article 58, alinéa 4, du règlement pour un fait personnel.

    Vous avez la parole.

    M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le président. Et je remercie aussi le président Le Roux d’être revenu après plusieurs heures d’absence. Je lui en sais gré. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Quelle élégance !

    M. Marc Le Fur. Le président Le Roux m’a attaqué tout à l’heure. Ce n’est pas surprenant que je sois, comme d’autres, la cible de M. Le Roux puisque, depuis un certain nombre d’heures, inlassablement, nous demandons la transparence sur l’avis du Conseil d’État en particulier et nous avons bien compris que cela gênait.

    Un tweet a été diffusé – pas par moi, par d’autres – concernant le comportement d’un de nos collègues, coupable d’un péché très véniel au demeurant : on le voit en photo jouer au sudoku ou au scrabble, quelque chose de ce genre. Il se trouve que le tweet m’est parvenu et, je m’en excuse, je l’ai diffusé à quelques amis. Je m’en excuse parce que le tweet identifiait à tort le joueur comme étant Guillaume Bachelay alors qu’il s’agissait de Thomas Thévenoud. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Que Guillaume Bachelay reçoive mes excuses. (Guillaume Bachelay et Thomas Thevenoud se lèvent pour faire apprécier leur différence de chevelure.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

    M. Bruno Le Roux. Cela montre bien toutes les confusions.

    Monsieur Le Fur, si la responsabilité d’un président est d’organiser son groupe, force est de constater, avec les écarts dans les votes que nous connaissons depuis cinq jours, que le nôtre est mieux organisé que le vôtre dans le taux de mobilisation de ses députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) J’invite donc M. Jacob, s’il le souhaite, à passer un peu moins de temps dans l’hémicycle et à mieux organiser les choses à l’extérieur. Mais je n’ai aucun conseil supplémentaire à vous donner.

    Pour le reste, vous faites amende honorable sur la mise en cause d’un député, je m’en réjouis. Compte tenu de ce que vous venez de décrire, vous devez savoir qu’il ne convient pas de jeter l’opprobre sur des députés qui travaillent ici sur la TVA, dans le cadre d’une mission de l’Assemblée nationale. Il nous arrive à tous de devoir faire d’autres travaux en séance, ou de lire des journaux, comme je vous ai déjà vu le faire, monsieur Le Fur. Je vous ai même vu faire autre chose : parler depuis maintenant cinq jours d’un texte de loi qui n’existe pas. Cela ne peut-il pas vous être reproché aussi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Ayez plus d’imagination pour mettre en cause vos collègues, en restant dans le cadre d’un fonctionnement normal de notre assemblée, c’est-à-dire en évitant la diffamation et la mise en cause personnelle. Nous nous en porterons mieux, monsieur Le Fur. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. En application de l’article 58, alinéa 4 du règlement, M. Hervé Mariton a demandé la parole pour un fait personnel. Vous avez la parole, cher collègue.

    M. Hervé Mariton. Je ferai tout d’abord respectueusement observer au président Le Roux qu’en début de séance cet après-midi, nous étions majoritaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il a fallu un très laborieux rappel au règlement de M. Dussopt pour permettre de rameuter les troupes et qu’enfin, vos rangs se renforcent.

    M. Bruno Le Roux. Quelle bonne organisation !

    M. Hervé Mariton. Le fait personnel que je veux évoquer est intervenu lorsque je démontrais que votre future loi est inapplicable dans les mairies de la République. Je disais qu’elle est une insulte aux couples de personnes de même sexe auxquels les maires diront demain que l’autorité parentale s’applique aux père et mère. J’ajoutais que votre texte est mal ficelé.

    M. Claude Goasguen. C’est vrai. Il faut corriger.

    M. Hervé Mariton. Le Gouvernement en est réduit à dire que les maires devront interpréter, comme si chacun d’entre nous, dans sa mairie, interprétait librement le code civil !

    Le collègue socialiste qui est intervenu – je crois qu’il s’agit de M. Thévenoud mais je n’en suis pas certain ; on semble néanmoins me confirmer que c’était bien lui – n’a pas eu d’autre argument à m’opposer que « le problème de Mariton, c’est la couleur de ses pull-overs ». Si le groupe socialiste n’a pas d’autre orateur à proposer qu’un député dont le seul argument, pour justifier de sa lecture du code civil, tient aux vêtements de l’opposition, il est bien mal embarqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas grave.

    En revanche, si la loi de la République est aussi mal ficelée que l’article 371-1, et probablement d’autres dispositions encore, nos concitoyens ont du souci à se faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    6
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

  • 2e séance du mardi 5 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 1787 à l’article 4 et aux amendements identiques.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour défendre l’amendement n° 1787.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chaque jour apporte des éléments d’information nouveaux. Il y a de cela quelques jours, il s’agissait des difficultés gouvernementales quant à la PMA : autant de ministres, autant de positions ! Et puis, il y eut un arbitrage – rendu de Phnom Penh, c’est tout dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –, qui désavoue certains, clairement. Et puis, cette circulaire sur les mères porteuses – il faut employer des mots encore plus compréhensibles pour nos compatriotes que « GPA » –, cette circulaire qui, de fait, valide la GPA. Au lieu de la sanctionner, elle la renforce. (Mêmes mouvements.) On nous assène des pétitions de principe pour nous expliquer que le Gouvernement est contre la GPA, mais, de fait, nous ne voyons aucun élément objectif, aucune mise en place de sanctions, aucune mesure législative qui permette de dire que l’on s’attelle concrètement à cette difficulté.

    Dans ce feuilleton, l’épisode du jour, c’est le refus, à ce stade – il n’est que vingt et une heures trente, peut-être que le Gouvernement pourra nous donner d’autres explications –, de nous fournir, de fournir au législateur cet élément essentiel qu’est l’avis rendu par le Conseil d’État préalablement à nos délibérations. Pourquoi est-ce important ? Parce qu’il s’agit de dispositions essentiellement législatives, parce que le projet de loi a pour objet de modifier l’essentiel des articles du code de la famille, du code civil, parce que le Conseil d’État n’est pas une officine parmi d’autres, mais une instance majeure, essentielle en matière de droit, qui se caractérise par sa neutralité, par sa compétence, que personne ne conteste...

    M. le président. Merci, cher collègue.

    M. Marc Le Fur. J’y reviendrai, monsieur le président.

    M. le président. Je n’en doute pas.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4152.

    M. Philippe Meunier. Notre collègue Le Fur a totalement raison : c’est un feuilleton à rebondissements. Dimanche dernier, le cafouillage de la GPA…ou plutôt de la PMA, la GPA viendra plus tard (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et, aujourd’hui, l’avis caché du Conseil d’État. Je crois que la représentation nationale a besoin de tous les éléments pour pouvoir travailler sereinement, d’autant plus que, apparemment, certains de nos collègues ont l’avis du Conseil d’État, alors que l’opposition n’en a pas connaissance.

    Il est absolument nécessaire, monsieur le président, que la représentation nationale soit informée pour travailler sereinement sur ce projet de loi néfaste, qui, je le répète, détruit le droit de la famille.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3470.

    M. Hervé Mariton. Mesdames les ministres, quelles sont les conséquences concrètes du projet que l’amendement balai ne peut pas effacer ? Elles ne sont pas toutes d’ordre législatif, elles sont aussi d’ordre réglementaire, mais la représentation nationale doit être informée de ce que peuvent être les conséquences du texte.

    Je veux parler de la question du livret de famille. Vous avez développé l’idée qu’il y aurait plusieurs types de livret de famille. Vous avez cependant indiqué que la manière dont les parents, lorsqu’il s’agit de couples de personnes de même sexe, seraient désignés dans les livrets de famille n’était pas arrêtée, du moins était-ce le cas il y a quelques jours. Cela a été soumis à l’arbitrage du Premier ministre : c’est dire la difficulté du sujet et la confusion qui règne.

    Le Gouvernement peut-il nous préciser aujourd’hui de quelle manière les livrets de famille seront rédigés ? À dire vrai, s’il doit y avoir plusieurs livrets de famille, pourquoi tout cela ? Pourquoi une même institution si c’est pour aboutir à des documents différents ? Et il s’agit de documents importants pour nos concitoyens. N’aurait-il pas été plus simple d’avoir deux institutions distinctes ? C’est la proposition que nous avions faite avec le contrat d’union civile.

    Quand le psychologue Serge Tisseron propose, dans la presse, la disparition pure et simple du livret de famille, partagez-vous l’idée que votre texte, madame la ministre, aurait cette conséquence ? Votre projet conduit à plusieurs livrets mais peut-être est-ce si compliqué, peut-être s’agit-il de modèles ou de modes de famille à ce point différents qu’il n’y aurait plus du tout, si l’on suit Serge Tisseron, de livret de famille. Est-ce là une conséquence de votre texte ?

    M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

    M. le président. La parole est Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour un rappel au règlement.

    M. Thierry Benoit. En ce début de séance, je voudrais interroger le Gouvernement, en m’appuyant sur les interventions de Patrick Ollier, du président Jacob et de Marc Le Fur. Les débats que nous avons eus lors de la séance précédente révèlent que certains députés auraient pu être destinataires de l’avis du Conseil d’État. Je pose clairement la question au Gouvernement : est-ce que, oui ou non, certains députés ont été destinataires de cet avis ?

    M. Yannick Favennec. La question se pose, en effet !

    M. Thierry Benoit. Si la réponse est oui, le groupe UDI souhaite, au nom des principes d’équité et d’égalité que défend le Gouvernement, notamment à propos de ce texte, que nous puissions tous en être destinataires.

    M. Yannick Favennec. Très bien !

    M. Thierry Benoit. Si la réponse est non, je souhaite que le Gouvernement puisse lever la confidentialité de cet avis, et que nous puissions en avoir connaissance. Le sujet qui nous occupe aujourd’hui est très important.

    M. Yannick Favennec. Absolument !

    M. Thierry Benoit. Je remercie par avance le Gouvernement pour la qualité et la précision de sa réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. Sur les amendements nos 1787, 3470 et 4152, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    ..............................................................................................

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1787, 3470 et 4152.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 133

    Nombre de suffrages exprimés 133

    Majorité absolue 67

    Pour l’adoption 47

    contre 86

    (Les amendements identiques nos 1787, 3470 et 4152 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2073.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des sceaux, j’ai eu l’honneur de vous poser tout à l’heure la question de savoir si vous aviez constaté ou non, dans l’avis du Conseil d’État sur lequel nous vous interrogeons depuis tout à l’heure, des réserves importantes sur le projet de loi. J’aimerais vraiment que vous puissiez apporter une réponse précise à cette question. Cela me paraît important pour que nous puissions continuer notre débat dans des conditions normales d’information du Parlement, information sur le contenu du projet de loi et sur ses aspects juridiques tels que traités par cette belle instance de notre pays qu’est le Conseil d’État.

    Je souhaite donc, madame la garde des sceaux, vous redire, tout d’abord, notre opposition à votre projet de loi, pour les motifs que nous avons développés. Nous avons encore quelques amendements qui nous permettront de détailler ces raisons, mais, en attendant, j’aimerais avoir votre réponse.

    L’amendement est ainsi défendu, monsieur le président.

    M. le président. Sur l’amendement n° 2073 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3710.

    M. Xavier Breton. Avant la levée de la séance de cet après-midi, j’indiquais que l’amendement qui avait introduit l’article balai était une imposture, parce qu’il révélait une fiction, une lâcheté et un appauvrissement.

    Je voudrais m’attarder sur la fiction. Cette fiction consiste à faire comme si. Avec cet article balai, vous allez demander à deux hommes qui se marient de faire comme s’ils étaient mari et femme. Vous allez demander à deux femmes qui se marient comme si elles étaient mari et femme. C’est une fiction pour les couples de personnes de même sexe. Mais vous allez également demander à la société de faire comme si, de considérer ces deux hommes qui se marient comme s’ils étaient mari et femme, de considérer ces deux femmes qui se marient comme si elles étaient mari et femme.

    C’est une pure fiction et nous vous demandons de revenir sur cette fiction. Nous vous demandons d’appeler les choses par leur nom. Deux hommes qui se marient ne sont pas mari et femme. Deux femmes qui se marient ne sont pas mari et femme, contrairement à ce que vous voulez inscrire dans notre droit.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4155.

    M. Hervé Mariton. En ce qui concerne cette question de l’application de l’article balai, j’ai demandé au Gouvernement s’il pouvait nous indiquer quels étaient les articles concernés par la démarche interprétative qui a été évoquée, pour permettre l’application de l’article 371-1 du code civil. Il ne m’a pas répondu, je me permets donc d’insister poliment.

    S’il s’agit de l’écrit, un notaire, un homme de loi peut expliquer aux personnes concernées que quand les mots « père et mère » figurent dans le code, cela doit être interprété « comme si… ». C’est déjà un peu compliqué à l’écrit, mais admettons. À l’oral, à la cérémonie de mariage, comme on l’a vu, ça ne passe pas. La ministre répond : interprétation. Il sera donc possible à l’officier d’état civil d’interpréter, mais, si on veut m’expliquer ce que veut dire « interprétation » et quelle est la liste des articles concernés par cette démarche, je suis preneur.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4411.

    M. Philippe Meunier. Avec ces amendements, nous essayons de remettre à l’endroit le code civil, que vous êtes en train de détruire article après article. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de les adopter.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Ce rappel se fonde sur l’article 58 du règlement et concerne la tenue de nos débats, notamment toutes les informations que nous devons avoir du Gouvernement. La Chambre des communes britannique vient de voter, il y a quatre heures, par 400 voix contre 175 le principe du mariage homosexuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il nous avait été dit que seuls six pays, et de petits pays, l’avaient adopté, il y en a désormais sept, dont un très grand !

    Alors, madame la garde des sceaux, sur cet élément essentiel pour la bonne compréhension de nos débats, je souhaiterais que vous nous donniez votre interprétation .

    Article 4 (suite)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je voudrais répondre au Gouvernement.

    J’ai interrogé Mme la garde des sceaux et lui ai demandé à plusieurs reprises de rendre public l’avis du Conseil d’État. Pourquoi ? La rumeur court – notre collègue Marc Le Fur l’a dit tout à l’heure – que ce texte comporte des imperfections juridiques graves et que le Conseil d’État en aurait fait état. Il semble que le Gouvernement n’en tienne pas compte et, surtout, refuse de rendre cet avis public. Je souhaite que nous en disposions, afin de légiférer dans de bonnes conditions. Il serait utile à l’ensemble des parlementaires, et notamment à ceux de la majorité, qui n’auraient sans doute pas voté certains articles s’ils en avaient disposé.

    Je vais vous en lire un extrait, puisque j’ai réussi à en obtenir un. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous savez que c’est très difficile.

    M. le président. Chers collègues, puisque nous allons rester plusieurs heures ensemble, je vous demande de bien vouloir garder votre calme et d’écouter les intervenants. La parole est à M. le président Jacob.

    M. Christian Jacob. Vous allez voir si votre avis ne changera pas après que je vous aurai donné lecture de ce que dit le Conseil d’État : « L’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages que la doctrine a qualifiés de "boiteux", en ce qu’ils produisent des effets en France mais s’avèrent nuls selon la loi étrangère des époux. »

    M. Jean-Yves Caullet. Et alors ?

    M. Christian Jacob. « Dans certaines hypothèses – qui doivent être prises en considération – ces mariages pourraient même exposer certains étrangers à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. »

    Avez-vous mesuré le risque de sanctions pénales que vous pourriez faire courir à des personnes qui viendraient se marier en France ? Si vous aviez connu cette information, auriez-vous pris la responsabilité de voter cet article ? Je pense que beaucoup d’entre vous ne l’auraient pas fait !

    Madame la garde des sceaux, je pense qu’il est temps, à présent, de rendre public l’avis du Conseil d’État. Cet avis est trop important pour le déroulement de nos travaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à Mme Michèle Fournier-Armand.

    Mme Michèle Fournier-Armand. L’article 4 bis vise à mettre à plat les dispositions sexuées dans les textes autres que le code civil, afin que, lorsqu’il est fait référence aux termes « mari » et « femme », elles puissent s’appliquer au conjoint du même sexe. Il y a là une logique évidente. Revenir sur cet article serait nier l’ouverture du mariage à tous les couples : cela n’aurait pas de sens. Pour l’opposition, qui passe son temps à donner des leçons de droit (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), cela paraît étonnant. Comme l’ont dit plusieurs de mes excellents collègues de la majorité, en réalité, vous ne supportez pas l’idée qu’il existe des couples de même sexe, ni qu’ils aient les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres parents.

    M. Christian Jacob. Et les conséquences pénales soulignées par l’avis du Conseil d’État, cela ne vous pose pas de problème ?

    Mme Michèle Fournier-Armand. Vous avez une conception injuste de la société, car vous marginalisez des familles et des couples, et une vision inégalitaire des citoyens et des familles devant la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    L’accès au mariage pour tous les couples implique une égalité de traitement, une égalité de protection, une égalité de situation juridique. Cette loi est novatrice, équilibrée et cohérente. Cet amendement est contraire à l’esprit du texte et aux attentes des Françaises et des Français, et c’est pourquoi nous devons le repousser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2073, 3710, 4155 et 4411.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 189

    Nombre de suffrages exprimés 189

    Majorité absolue 95

    Pour l’adoption 71

    contre 118

    (Les amendements nos 2073, 3710, 4155 et 4411 ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, permettez-moi d’intervenir quelques instants sur le déroulement de nos séances. Je souhaite rendre hommage à une grande démocratie, un hommage qui pourrait valoir comparaison avec ce que nous faisons depuis plusieurs jours.

    M. Christophe Guilloteau. Comparaison n’est pas raison !

    M. Bruno Le Roux. Après Alain Tourret, je voudrais à mon tour saluer le vote qui a eu lieu cet après-midi, à la Chambre des communes, par 400 voix contre 175, après une journée de débat. Une journée de débat ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Cela n’a pas été un débat facile, il a soulevé des oppositions. Mais il a duré une journée !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Aucun rapport ! Cela n’a rien à voir !

    M. Bruno Le Roux. Je voudrais également vous faire part de la déclaration du Premier ministre conservateur David Cameron : « Aujourd’hui est un jour important. Je suis un grand adepte du mariage. Il aide les gens à s’engager mutuellement et je pense que c’est la raison pour laquelle les homosexuels devraient pouvoir se marier aussi. C’est un pas en avant pour notre pays et je suis fier que notre gouvernement le fasse. »

    M. Bernard Accoyer. Aucun rapport ! Cela n’a rien à voir !

    M. Patrick Ollier. Et en plus, ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Bruno Le Roux. M. Cameron a fait le cadeau à son opposition travailliste de pouvoir le rejoindre sur ce grand projet. Je souhaite vous faire le même cadeau, chers collègues de l’opposition : que vous puissiez nous rejoindre sur cette grande avancée de société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Ollier. C’est un détournement de procédure. On autorise la majorité à détourner la procédure, c’est inacceptable !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, nous entendons des rappels au règlement qui n’en sont pas. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Le déroulement de notre séance en est gravement perturbé.

    D’autre part, je voudrais étayer mon rappel au règlement, qui, lui, en est un, en apportant des précisions majeures à ce qu’ont annoncé nos collègues Alain Tourret, tout à l’heure, et Bruno Le Roux, à l’instant. Ils se réfèrent à ce qui s’est passé cet après-midi à la Chambre des communes comme à un exemple. Certes, elle vient d’adopter, en première lecture, un texte ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Mais, cher collègue Le Roux, vous devriez savoir que le Royaume-Uni, depuis longtemps, admet, pour les couples de même sexe, la procréation médicalement assistée et le recours aux mères porteuses ! Si c’est votre modèle, ce n’est pas le nôtre ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. Thierry Benoit. Tout à fait !

    M. Bernard Accoyer. C’est précisément pour cela que nous trouvons vos applaudissements outranciers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1790.

    M. Marc Le Fur. Je veux profiter de la présence du président Le Roux – une présence si rare qu’elle n’en a que plus de prix –, pour lui dire qu’il vient de rendre hommage au successeur de Mme Thatcher ! C’est quand même un comble !

    Permettez-moi, à l’inverse, d’évoquer un grand nom : celui de Jaurès. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Lefait. Non, pas vous ! Vous ne pouvez pas !

    M. Marc Le Fur. Je ne passe pas mon temps sur Internet, moi ! Je lis ! Je lis notamment les actes des congrès de l’Internationale socialiste, en particulier celui de 1912. Que disait alors Jaurès, dont la grande voix s’est éteinte le 31 juillet 1914 parce qu’il était contre le politiquement correct de l’époque ? Le politiquement correct de l’époque conduisait au bellicisme. Lui, au nom de son amour pour la paix, s’est battu contre ce politiquement correct !

    M. Bruno Le Roux. Cela n’a rien à voir avec le sujet !

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est n’importe quoi !

    M. Marc Le Fur. Que disait donc Jaurès, en 1912, au congrès de l’Internationale socialiste ? « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots ». C’est ce que vous êtes en train de faire : transformer notre vocabulaire et notre code civil, et rompre avec la nature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Revenez à l’essentiel ! Revenez à Jaurès ! Restez fidèles à vous-mêmes ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 1790, 1791, 3519, 3521 et 4159, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1791.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette que l’estimé président du groupe socialiste, M. Le Roux, ait profité d’un rappel au règlement pour en détourner l’esprit. Vous nous avez suffisamment reproché de l’avoir fait – je ne sais d’ailleurs pas qui l’a fait, au sein de notre groupe – pour vous livrer vous-même à ce genre de conduite ! Monsieur le président, c’est curieux de votre part. J’ajoute que vous, ainsi que l’ensemble de nos collègues ici présents, avez toute latitude de vous inscrire sur les amendements, et pourquoi pas, allez savoir, d’en déposer, afin de participer activement à ce débat. Depuis le début de nos débats, l’examen de ce texte se déroule dans un silence étonnant de la part de votre groupe : je tiens à le signaler.

    M. Bruno Le Roux. C’est que nous sommes d’accord avec le Gouvernement !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pour illustrer cet amendement, je vous donnerai lecture d’un petit livre écrit par plusieurs personnes, dont la juriste Aude Mirkovic que je salue.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’y arrive, chers collègues : permettez-moi d’abord de citer l’auteur. M. Roman, tout à l’heure, nous reprochait de ne pas les citer.

    M. Bernard Roman. J’aime mieux connaître les auteurs ! Une de vos collègues se contentait de citer « certains juristes »…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Dans ce petit essai intitulé De la théorie du genre au mariage du même sexe… l’effet dominos, cette juriste écrit : « Il faut donc réaffirmer avec force qu’être père ou mère n’est pas seulement une référence affective, éducative, culturelle ou sociale. Le terme parents n’est pas neutre : il est sexué. Accepter le concept d’homoparentalité, c’est ôter au mot parents la notion corporelle, biologique, charnelle, qui lui est intrinsèque. Être parent est un état avant d’être une fonction. L’invention du concept de parentalité donne aux couples de personnes de même sexe l’illusion d’être parents, pour satisfaire leur volonté de l’être. Pour reconnaître un droit à l’enfant ou un droit au désir d’enfant, on croit trouver le remède en changeant les mots. » C’est la raison pour laquelle nous nous battons contre ce texte depuis le début. L’amendement est défendu, monsieur le président.

    Mme Catherine Coutelle. C’est pas terrible : personne n’applaudit !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3519.

    M. Xavier Breton. Je m’étonne de la conversion subite de nos collègues socialistes au modèle britannique ! Nous sommes deux pays différents, de traditions juridique et philosophique différentes. Les Anglais ont toujours été attachés à une philosophie utilitariste selon laquelle la fin justifie les moyens. Nous ne partageons pas cette philosophie qui permet de tout obtenir sur la base de l’individualisme et de l’ultralibéralisme !

    Nous avons des exigences. Nous nous inscrivons dans une tradition personnaliste, que nous défendons. Nous souhaitons effectivement que la France continue à être un modèle en la matière : nous sommes fiers des lois sur la bioéthique que nous avons adoptées, et dont les Anglais n’ont pas l’équivalent. Nous sommes fiers de ne pas avoir autorisé la gestation pour autrui, contrairement aux Anglais. Votre subite conversion au modèle britannique est un aveu : elle montre bien que votre modèle, ce sont les pays qui acceptent la gestation pour autrui. Nous, nous la refusons !

    M. Bernard Roman. Vos amis libéraux ont dit oui au mariage homosexuel !

    M. Xavier Breton. Cette démonstration est implacable : elle montre bien que votre vision est totalement opposée à celle de notre société. Il y a une exigence, qui n’est pas facile : il s’agit de dire non aux désirs de chacun, il s’agit de définir le vivre-ensemble, loin de la vision individualiste qui est la vôtre.

    M. Bernard Roman. Vous ramez !

    M. Xavier Breton. Cela nous oppose : nous l’assumons tout à fait. Sachez en tout cas que nous continuerons à défendre cette conception, et que nous sommes fiers d’être en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3521.

    M. Hervé Mariton. Je prends le président Le Roux au mot : oui, monsieur le président, il faut être inventif pour mieux répondre à la situation des personnes homosexuelles.

    M. le président. Monsieur Roman, je vous assure que cela serait plus agréable si vous évitiez de crier comme cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. On n’a pas toujours envie d’être agréable !

    M. le président. Poursuivez, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. Je reprends : oui, monsieur le président Le Roux, il faut être inventif pour apporter de meilleures réponses aux couples de personnes homosexuelles de notre pays. Plutôt que le bricolage que vous nous proposez, il y a le contrat d’union civile que nous proposons, ainsi que l’amélioration du droit des tiers.

    Puis-je vous dédier ce très joli texte, chanté à la fois par Guy Béart, et Dalida en son temps : « Si la France se mariait avec elle-même / Si enfin un jour elle se disait "Je t’aime" / Elle entraînerait la ronde qui épouserait le monde / Si la France s’embrassait, un jour qui sait ? »

    M. Bruno Le Roux. Nous sommes en train de le permettre !

    M. Hervé Mariton. « Pour la rose et le lilas en harmonie / La main gauche et la main droite enfin unies / Le bleuet près du muguet, ce bouquet est jeune et gai / Qui marie toutes les couleurs en quelques fleurs. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau. Justement, c’est ce que nous voulons permettre !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4159.

    M. Philippe Meunier. Mes chers collègues, M. Le Roux cite en exemple le modèle anglais et ses mères porteuses !

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

    M. Philippe Meunier. Chers collègues socialistes, entre la France et l’Angleterre, il y a non seulement la Manche, mais aussi une différence de régime !

    M. Bernard Roman. Oui, mais il y a des conservateurs des deux côtés.

    M. Philippe Meunier. Nous sommes en République, comme l’a d’ailleurs très bien rappelé M. Breton. Notre conception du droit est liée à notre modèle républicain, qui met en avant certaines valeurs, contrairement au modèle anglais qui préfère l’individualisme. Jusqu’à présent, ces valeurs formaient notre socle commun. Avec votre projet de loi, vous transgressez ce socle commun de valeurs ! Vous faites le choix de l’étranger pour essayer d’imposer au peuple français votre vision de la société. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Les libertaires ont pris le pouvoir au sein de la gauche française. J’attends avec impatience de connaître l’avis des maires et conseillers généraux socialistes et communistes qui, eux aussi, ont défendu l’intérêt national quand il fallait le faire !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Ça rame !

    M. Philippe Meunier. Nous avons aussi mené ensemble des combats communs ! Je vous en prie, chers collègues, n’oubliez pas que le mandat parlementaire n’est pas un mandat impératif. Retrouvez votre conscience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.

    M. Dominique Dord. Madame la garde des sceaux, nous avons du mal à comprendre votre système de défense de cet article 4 que nous pilonnons depuis plusieurs heures, maintenant.

    M. Bernard Roman. Il vient d’arriver ! Il n’y pas longtemps qu’il « pilonne » !

    M. Dominique Dord. Vous nous dites que ce texte n’est pas le vôtre, mais que c’est celui de la commission, sans que vous ne l’amendiez. Vous nous dites, s’agissant de cet article, que le Gouvernement a essayé d’être honnête…

    M. Bernard Roman. Le Gouvernement est toujours honnête !

    M. Dominique Dord. …et qu’il a toujours lié mariage et adoption. En fait d’honnêteté, on apprend que le Conseil d’État a rendu un avis connu de certains parlementaires, mais pas de tous ; on apprend également, madame la garde des sceaux, que vous avez pris subrepticement, voici quelques jours, une circulaire concernant la procréation médicalement assistée. On s’aperçoit que vous renvoyez à plus tard dans le droit français cette fameuse PMA. On constate, enfin, dans cet article 4, que vous n’osez pas ôter du code civil les termes de « père » et « mère » et que vous êtes obligée de procéder à une espèce de fiction juridique.

    Vous nous répondez que l’opposition fait de l’obstruction. Nous ne vous cachons pas que nous sommes opposés à ce texte et vous le savez. Nous faisons donc notre travail d’opposants.

    Concernant cet article 4, il ne s’agit pas tellement d’une opposition politique, mais d’une opposition juridique. C’est probablement la première fois, sur un sujet aussi grand public dans le droit français, qu’on utilise la procédure de l’article balai.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas un article, c’est un amendement !

    M. Dominique Dord. Nous contestons cette utilisation de la procédure, quand on sait toutes les difficultés que cela va engendrer.

    Enfin, j’ai compris qu’en tant que maire, j’allais continuer à lire aux nouveaux époux l’article 371-1 du code civil inchangé, aux termes duquel l’autorité parentale appartient aux père et mère. Je lirai donc cet article en l’état au couple homosexuel qui sera face à moi, ce qui sera, à mon sens, insultant pour lui.

    Je terminerai mon propos en disant qu’il y a deux possibilités et je suis sûr que le Conseil d’État vous a dit…

    M. le président. Merci.

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1790, 1791, 3519, 3521 et 4159.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 241

    Nombre de suffrages exprimés 240

    Majorité absolue 121

    Pour l’adoption 87

    contre 153

    (Les amendements identiques nos 1790, 1791, 3519, 3521 et 4159 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1795.

    M. Marc Le Fur. Mes chers collègues socialistes, ne nous y trompons pas, ce n’est pas le gouvernement conservateur qui vous imite, c’est vous qui imitez la logique du gouvernement conservateur britannique. C’est tout à fait cela ! Il vous a précédés dans la PMA et dans la GPA, entre autres ! C’est vous qui suivez cette logique libérale-libertaire ! Je sens d’ailleurs, puisqu’il ne s’exprime pas, un certain flottement du côté du groupe communiste, comme le disait très clairement notre collègue Meunier. Comment ce groupe peut-il s’identifier à ce que vous présentez désormais comme un idéal, à savoir l’Angleterre thatchérienne ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je reviens au Conseil d’État. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le Conseil d’État est une instance juridique, amenée à trancher un certain nombre de contentieux dont il a connaissance soit en première instance, soit en appel, soit en cassation, mais c’est aussi une instance dont le rôle, depuis toujours, est de conseiller l’exécutif. C’était déjà le rôle du Conseil du roi, devenu Conseil d’État sous Napoléon. Le Conseil d’État n’est pas là par hasard, puisqu’il est mentionné à l’article 39 de la Constitution, auquel je vous renvoie. Ainsi, chaque projet de loi, chaque initiative gouvernementale, avant qu’elle ne soit transmise à l’Assemblée nationale ou au Sénat, donne lieu à une consultation du Conseil d’État. Vous comprenez bien que cette consultation, sur un texte de cette importance, est déterminante. Nous souhaitons, en conséquence, disposer de l’ensemble des éléments constitutifs du dossier, donc de tout ce qui peut nous éclairer, monsieur le président. Nous disposons de ce que nous apporte la société civile. Chacun sait la masse d’informations, de documents et d’opinions qui nous parviennent encore aujourd’hui ! Mais nous ne disposons pas d’un élément essentiel. Je souhaiterais que le Gouvernement réponde, enfin, à notre question.

    Mme Corinne Narassiguin. Ce sont toujours les mêmes arguments.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1798.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, ce sont toujours les mêmes, mais si vous êtes épuisée, vous pouvez allez prendre l’air, ma chère collègue. Il n’y a pas de problème.

    Je vais poser pour la huitième fois, je crois, et ce ne sera sans doute pas la dernière – et je vois votre acquiescement, monsieur le président – la même question à Mme la garde des sceaux, ou à Mme Narassiguin. Je ne sais pas si ce n’est pas perdu d’avance, mais enfin, j’essaie quand même.

    M. Christian Eckert. Au fait !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Ne vous impatientez pas, monsieur le rapporteur général, nous avons le temps ! Je me souviens, cher monsieur Eckert, vous avoir entendu vous exprimer de nombreuses fois, lors de la précédente législature, sur des amendements identiques ! Vous étiez aussi peu impatient que nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes ravis de vous voir, monsieur Eckert, mais ne venez pas non plus perturber le déroulement de nos travaux !

    M. Bernard Roman. Vous n’avez rien à dire !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je pose de nouveau la question au Gouvernement. Y a-t-il ou non, dans l’avis du Conseil d’État, des réserves importantes sur le projet de loi ? Si la réponse est oui, nous voudrions savoir lesquelles. Si la réponse est non, il n’est pas très difficile de répondre ! Je suis donc étonné que vous ne vouliez pas donner de suite à cette question, qui est pourtant simple. Mon attente pourrait ainsi être satisfaite par quelques mots de vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous comprendrez que l’absence de réponse de votre part à cette question simple entretient chez nous une certaine forme d’étonnement, pour ne pas dire de soupçon !

    L’amendement est ainsi défendu, monsieur le président.

    M. Bernard Roman. C’était quoi, l’amendement ?

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3527.

    M. Xavier Breton. À l’occasion de cet amendement, je voudrais approfondir la question de la conversion des socialistes à un modèle anglais, car elle me semble révélatrice. Vous prenez comme modèle un pays qui autorise la gestation pour autrui, laquelle est au cœur de notre réflexion, parce qu’elle nous renvoie à la conception que nous avons de la procréation et de la filiation. Or la filiation est inscrite dans ce projet de loi, qui ouvre l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Pour nous, la gestation pour autrui est intolérable.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Pour nous aussi et vous le savez très bien !

    M. Xavier Breton. C’est une atteinte à la dignité humaine, et plus particulièrement à la dignité des femmes. Cette atteinte nous interpelle s’agissant de l’éthique qui anime le droit des pays qui autorisent la gestation pour autrui. Mais ces considérations morales, vous n’en avez rien à faire, parce que vous avez la même philosophie que les pays anglo-saxons, pour qui la fin justifie les moyens. Pour nous la fin ne justifie pas les moyens, c’est un impératif ! Nous sommes opposés à la gestation pour autrui et nous sommes contre les pays qui l’autorisent. Ce n’est pas notre modèle éthique. Le modèle que nous continuerons à défendre, c’est ce que nous faisons, en France, depuis des décennies, avec les lois de bioéthique !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3528.

    M. Hervé Mariton. Nous voyons, amendement après amendement, combien le bricolage de l’article balai ne permet pas au Gouvernement de sortir de son mauvais pas ! Au départ, vous avez construit votre dispositif avec l’idée que les mots de « père » et de « mère » pouvaient disparaître. Notre engagement et celui du peuple de France vous ont amenés à préférer une autre voie. Vous avez compris que faire disparaître aussi souvent les mots de « père » et de « mère » était inacceptable et disqualifiait votre texte auprès du plus grand nombre. Vous avez donc adopté cet amendement balai. Comme nous vous l’avons démontré, cela ne fonctionne pas. Il est grand temps que vous repreniez votre texte et que vous adhériez à notre proposition de contrat d’union civile, proposition qui peut être consensuelle. Plutôt que de cliver notre pays et de vous enfoncer dans un texte factice et impossible dans ses effets et dans ce cadre juridique, s’il vous plaît, reprenez avec moi la très belle chanson de Guy Béart que je peux vous redire ou, une autre fois, vous chanter ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 1795, 1798, 3527, 3528 et 4170, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4170.

    M. Philippe Meunier. Après le cafouillage de dimanche sur la PMA, nous avons, maintenant, l’avis caché du Conseil d’État. Les Français se rendent compte, jour après jour, que vous avancez masqués. Alors, dévoilez votre projet de société, dites la vérité aux Français ! Dites où vous voulez aller ! Ensuite, les Français trancheront !

    M. Michel Pouzol. Les Français ont tranché il y a plus de six mois !

    M. Philippe Meunier. Si vous ne voulez pas le dire aux Français, ils descendront à nouveau dans la rue le 24 mars prochain et ils seront encore plus nombreux que la dernière fois ! Alors, ressaisissez-vous, mes chers collègues !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout. Dans le débat qui nous anime depuis maintenant plusieurs jours, je voudrais revenir sur un point particulier. Certains, sur les bancs de l’opposition, ont quelque peu méprisé les familles adoptantes en jetant la suspicion sur leurs bonnes ou mauvaises intentions lorsqu’elles entrent dans la démarche de l’adoption.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Quand ça ?

    M. Jean-Louis Bricout. Je ne m’appuie pas sur des études, mais sur mon expérience personnelle. D’une part, toutes les précautions sont déjà prises, que ce soit par les services de l’État ou par le conseil général, pour s’assurer que les personnes qui entament une démarche d’adoption veulent le bonheur des enfants. D’autre part, la méconnaissance de son passé et de ses origines est le plus gros souci d’un enfant adopté. Cela lui ronge l’esprit.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

    M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes bien d’accord sur ce point. L’enfant craint même, parfois, de perdre ses parents, ce qui représenterait encore pour lui un moment de rupture. L’enfant a simplement besoin de l’amour et d’une grande attention de ses parents adoptifs qui, pour lui préparer un nouvel avenir, doivent lui raconter une autre histoire : la leur. Je pense que vous êtes loin de penser au bonheur des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Oui, je vous le dis ! Vous ne pensez pas au bonheur des enfants !

    M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

    M. Jean-Louis Bricout. Vous méprisez les familles homosexuelles, lesquelles sont aussi capables qu’un couple hétérosexuel de donner ce bonheur aux enfants ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Oui ! Parfaitement !(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. En définitive, madame la garde des sceaux, dans cet article balai, au nom de l’égalité des droits d’une minorité, vous imposez des changements qui peuvent être traumatisants pour la majorité des Français. C’est inacceptable ! Vous ne créez pas l’égalité, mais l’uniformité. Vous allez ainsi engendrer des situations gênantes pour les personnes concernées, comme mes collègues l’ont démontré au sujet de l’article 371-1 du code civil. Sachez, en dépit de tous les quolibets dont nous sommes victimes, que nous sommes, nous aussi, en faveur de l’égalité. Mais nous voulons rendre les Françaises et les Français égaux d’une autre manière. Si vous aviez accepté l’alliance civile que nous avons proposée, et qui prévoyait des droits égaux en matière sociale, successorale et patrimoniale, nous n’en serions pas là !

    M. Hervé Mariton. Tout à fait !

    M. Patrick Ollier. En effet, vous n’auriez pas charcuté le code civil comme vous le faites, et nous ne serions pas dans cette situation de confusion, d’incohérence et de galimatias !

    Je demande également que la confidentialité qui pèse sur l’avis du Conseil d’État soit enfin levée, et que vous nous transmettiez son avis pour que nous puissions discuter sereinement, en droit, de la solution que vous avez choisie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Roman. Et c’est un ancien président de l’Assemblée nationale qui dit cela ! Mais il faut dire qu’il ne l’a pas été longtemps !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1795, 1798, 3527, 3528 et 4170.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 262

    Nombre de suffrages exprimés 258

    Majorité absolue 130

    Pour l’adoption 88

    contre 170

    (Les amendements identiques nos 1795, 1798, 3527, 3528 et 4170 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

    M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, très franchement, je ne crois pas que l’on puisse continuer à travailler dans ces conditions.

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est vrai !

    M. Daniel Fasquelle. Nous venons de découvrir dans la presse l’avant-projet de loi sur la famille. Cet avant-projet de loi renferme des dispositions invraisemblables, qui concernent directement le projet de loi dont nous débattons. Je citerai, par exemple, les dispositions sur le statut du beau-parent et sur l’adoption. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Comment peut-on continuer à examiner le projet de loi que vous nous soumettez alors que nous n’avons pas eu connaissance de l’avant-projet de loi sur la famille ? Ce n’est pas du bon travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Quant à la PMA, le film continue : absente du projet de loi initial, elle y fut ajoutée grâce à M. Le Roux et ses amis, puis retirée. On nous l’a ensuite annoncée pour mars, puis finalement pour la fin de l’année. Dans l’avant-projet de loi qui circule aujourd’hui, il n’y a pas trace de la PMA.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Vous en avez connaissance, donc ?

    M. Daniel Fasquelle. Que voulez-vous faire exactement, sur ce sujet comme sur les autres ?

    Monsieur le président, je demande, dans le cadre de ce rappel au règlement, que l’on cesse immédiatement nos travaux afin que le Gouvernement puisse se réunir et adopter une position cohérente sur ce sujet, qui est majeur et ne saurait être traité de cette façon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vous signale que, comme l’avait suggéré le président Claude Bartolone, nous reviendrons, pour les uns comme pour les autres, à des rappels au règlement qui concernent le règlement et rien que le règlement.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n°1797.

    M. Marc Le Fur. Je crains que nous ne puissions poursuivre dans cette ambiance, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous égrenons les articles du code, ce qui est tout de même le propre du travail du législateur ! Nous ne recevons aucune réponse chaque fois que nous examinons concrètement un article. Vous évoquez l’Angleterre, une monarchie. Nous sommes en République, et je voudrais ici convoquer la grande voix d’un grand Républicain. Je veux parler de Jean-Pierre Chevènement (Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), à l’égard duquel nous avons, monsieur le président, contracté une dette en 2002, tout comme à l’égard de Mme Taubira.

    M. Olivier Dussopt. Clown !

    M. Marc Le Fur. Que dit M. Chevènement ? « Je pense qu’on a résolu quasiment tous les problèmes, je ne comprends pas très bien la nécessité d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels ».

    M. Jean-François Copé. Et voilà !

    M. Marc Le Fur. Les choses sont claires, limpides. Que dit-il encore, ce grand républicain qui partage votre sensibilité politique, pour l’essentiel ? Que cela « occulte les immenses problèmes que la France doit résoudre par ailleurs ». Il ajoute : « Je pense qu’on occulte l’essentiel à travers des projets dits sociétaux qui ne répondent pas vraiment aux aspirations de la masse ».

    M. Michel Lefait. C’est un dinosaure !

    M. Marc Le Fur. Le vrai problème pour vous, qui va se révéler au fil des jours, au fil des semaines, c’est que vous êtes complètement coupés de la France profonde, du pays réel, de celles et ceux qui essaient d’élever leurs enfants péniblement, qui s’efforcent de leur donner une éducation, de leur inculquer un certain nombre de principes nécessaires pour le corps social. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 1797, 1803, 2360, 3531, 3534 et 4175, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1803.

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’interroge pour la neuvième fois Mme la garde des sceaux : oui ou non,…

    M. Michel Pouzol. Encore !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je continuerai jusqu’au bout, ne vous inquiétez pas ! Vous ne connaissez pas ma ténacité, vous allez l’éprouver.

    Oui ou non, madame la garde des sceaux, l’avis du Conseil d’État émet-il des réserves ? Si oui, quelles sont-elles ? Si non, pourquoi ne répondez-vous pas simplement : « Non, il n’y en a pas » ? Ce ne serait pas une réponse très difficile à donner. Que la garde des sceaux ne nous réponde pas cela, voilà qui nous interpelle.

    J’ajoute que, comme mon collègue Fasquelle, j’ai beaucoup de mal à comprendre comment nous pouvons débattre dans ces conditions de dispositions qui pourraient être percutées par l’avant-projet de loi sur la famille.

    M. Bernard Roman. Complétées !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous êtes optimiste, cher collègue, mais c’est votre nature, je le sais.

    Premier problème : quelle est la cohérence de la politique conduite par le Gouvernement en matière de famille et de filiation ? On a tout de même du mal, beaucoup de mal, à comprendre quelles sont exactement les intentions du Premier ministre et de ses ministres. Très franchement, comment peut-on débattre aujourd’hui de dispositions qui seront peut-être modifiées dans quelques semaines ? J’ai du mal à saisir le sens de cette succession de débats et de projets.

    M. Xavier Breton. Il n’y en a pas !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je redis que, sans disposer de l’avis du Conseil d’État et sans connaître les intentions du Gouvernement, il est très difficile de débattre. Mais nous sommes encore là et nous continuons de nous opposer à ce texte.

    L’amendement est ainsi défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2360.

    M. Philippe Gosselin. Nous avons des faits nouveaux, ce soir, et il faudra les mettre en lumière. Cela étant, ils sont nouveaux pour la majorité, semble-t-il, mais pas pour nous, qui en parlons déjà depuis des dizaines d’heures. Les ministres n’ont cessé de vouloir nous convaincre, à tour de rôle, qu’il y avait deux textes bien distincts et que celui dont nous débattions en ce moment, sur le mariage, n’avait aucun lien avec l’autre.

    Or, s’il y a bel et bien deux textes – nous en avons la démonstration ce soir, mais il nous faut le contenu –, ils entrent dans un projet global. C’est ce que nous disons depuis le début : deux textes, un projet global. Et je ne vois pas comment, ce soir, à ce stade, nous pourrions saucissonner, petit bout par petit bout, un sujet qui appelle une vision d’ensemble.

    Il faut que le Gouvernement, en particulier la ministre de la famille, puisque c’est elle qui pilote ce projet, nous permette de disposer des éléments nécessaires.

    Il serait même raisonnable d’arrêter provisoirement les travaux…

    M. Pierre Lequiller. Ce serait mieux, en effet !

    M. Philippe Gosselin. …pour les reprendre un peu plus tard, d’autant plus que nous attendons toujours l’avis du Conseil d’État qui pourrait éclairer utilement cette assemblée.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3531.

    M. Xavier Breton. Décidément, le feuilleton continue. Depuis maintenant une semaine, nous avons tout eu : la circulaire du 25 janvier qui encourage la gestation pour autrui ; le cafouillage sur l’inscription de l’assistance médicale à la procréation dans ce texte, qui était prévue, réclamée, revendiquée, votée même par le groupe socialiste, avant d’être retirée. En échange, elle devrait figurer dans un projet de loi sur la famille prévu pour le mois de mars, nous indique Mme la ministre. Mais, depuis le Cambodge, le Premier ministre affirme que ce sera plus tard.

    M. Bernard Roman. Vous êtes le troisième à nous le dire, vous radotez !

    M. Xavier Breton. Puis le Président de la République annonce qu’il a saisi le comité consultatif d’éthique. On apprend alors que ce n’est pas lui qui l’a saisi : c’est le comité lui-même qui s’est autosaisi, suite, notamment, à la demande de notre président Christian Jacob.

    Nous avons découvert la révolution que vous vous apprêtez à faire sur la dévolution du nom patronymique, nous avons vu ce que vous vouliez imposer aux maires, aux adjoints et aux couples de personnes de même sexe lors de la cérémonie de mariage.

    M. Bernard Roman. Et l’amendement ?

    M. Xavier Breton. Décidément, cela devient gaguesque. Nous vous invitons à vous reprendre.

    Daniel Fasquelle vient de révéler quelque chose d’important. Ce projet de loi sur la famille, nous l’attendons, parce qu’il donnera toute sa cohérence à votre politique et à notre démonstration, parce qu’il mettra en évidence que nous n’avons pas la même conception que vous, ni sur la gestation pour autrui, ni sur l’assistance médicale à la procréation. Il faut tenir compte de cet élément nouveau, et qu’on aille enfin au fond du débat.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3534.

    M. Hervé Mariton. Les échos publiés à présent sur votre avant-projet de loi, madame la ministre, confirment hélas la stratégie que vous avez adoptée. Vous ne vous contentez pas d’être ministre de la famille, vous voulez être ministre des familles.

    M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

    M. Hervé Mariton. Vous voulez démolir une structure fondamentale de notre société, la cellule de base, qui est une donnée essentielle pendant cette période difficile que nous vivons.

    Votre approche est également celle d’autres de vos collègues. Je citerai, plus largement, sur le plan budgétaire, la lettre de mission que le Premier ministre a adressée au président du Haut conseil de la famille, où il demande de défaire un certain nombre de prestations familiales qui existent, qui font partie du consensus de notre pays.

    Pendant longtemps, la politique familiale a fait l’objet et a profité d’un consensus dans notre pays. Mesurez-vous la responsabilité que vous prenez en cochant toutes les cases ? Politique familiale ? On casse le consensus. Procréation médicalement assistée ? On casse le consensus. Dans la politique familiale, la situation juridique du mariage ? On casse le consensus. La gestation pour autrui à laquelle nombre d’entre vous êtes attachés – j’ai rappelé l’autre jour le nombre de ministres qui l’ont proposée ? On casse le consensus.

    C’est quoi, ce gouvernement ? Nous avons besoin, mesdames les ministres, pour éclairer nos débats, de savoir plus précisément où vous allez. Nous avons des échos de presse, peut-être pouvez-vous les démentir.

    Ce débat est très triste et les perspectives que vous offrez, ou plus exactement tout ce que vous allez démolir s’agissant de la famille dans notre pays, cela ne laisse de nous inquiéter.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4175.

    M. Philippe Meunier. Après le cafouillage sur la PMA de dimanche dernier, l’avis du Conseil d’État que vous cachez à la représentation nationale, mais que certains d’entre vous ont entre leurs mains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

    Mme Laure de La Raudière. C’est honteux !

    M. Philippe Meunier. …M. Le Roux qui prend pour exemple le modèle anglais et ses mères porteuses, le projet de loi sur la famille sort maintenant dans la presse.

    Mesdames les ministres, nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions. Si vous voulez que l’on continue à travailler sereinement, vous devez nous communiquer immédiatement l’avis du Conseil d’État. La représentation nationale doit être éclairée par cet avis. Le peuple français nous regarde et il attend de nous un travail serein. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, pour le bon déroulement de nos débats.

    Après la PMA, la GPA, les noms patronymiques, l’inapplicabilité de l’article 371-1 du code civil, c’est maintenant la sortie précipitée d’un texte sur la famille. Mais comment allez-vous finir ? Vous êtes en train de glisser sur un toboggan, madame la ministre ! Chaque jour qui passe vous rend plus fragile ! Chaque jour qui passe vous rend plus fébrile ! Comment allez-vous terminer ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Christian Jacob. Nous travaillons sur un texte qui n’a pas été préparé, qui a été élaboré dans des conditions catastrophiques. Le Comité national d’éthique n’a même pas été consulté alors que nous l’avions demandé depuis octobre dernier. Vous sortez un texte sur la famille, toujours sans avis du Comité national d’éthique !

    Nous ne pouvons pas continuer ces débats sans que vous vous expliquiez sur votre stratégie, si tant est que vous en ayez une ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Pierre Lequiller. Il n’y en a pas !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58. Je voudrais poser une question qui porte plutôt sur la forme.

    J’ai posé cet après-midi, à la demande de mon groupe, une question d’actualité qui avait vraiment trait au texte à venir sur la famille, en particulier en ce qui concerne la PMA. J’ai relu encore tout à l’heure la réponse du ministre des relations avec le Parlement, mais cette réponse est littéralement contredite par l’article du Figaro que j’ai lu il y a quelques minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Pouzol. Le Figaro n’écrit pas nos lois !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Je vous demande de mieux considérer la représentation nationale. On ne peut pas, à quelques heures d’écart, avoir deux réponses différentes, l’une dans les médias, l’autre d’un ministre en réponse aux questions d’actualité.

    Mme Laure de La Raudière. C’est scandaleux !

    M. Jean-Christophe Fromantin. Depuis quatre jours, cette questions sous-tend nos débats et il serait vraiment urgent de recevoir un éclaircissement du plus haut niveau de l’État sur ce qu’il en sera de la PMA dans la loi sur la famille.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1797, 1803, 2360, 3531, 3534 et 4175.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 281

    Nombre de suffrages exprimés 280

    Majorité absolue 141

    Pour l’adoption 91

    contre 189

    (Les amendements identiques nos 1797, 1803, 2360, 3531, 3534 et 4175 ne sont pas adoptés.)

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, pour la bonne tenue de nos débats, je souhaite, suite aux questions de M. Fromantin (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. le président. S’il vous plaît, je vous demande un peu de calme afin que l’on puisse s’entendre.

    Veuillez poursuivre, monsieur Jacob.

    M. Christian Jacob. Après l’intervention de mon collègue Fromantin et les questions que j’ai posées à Mme la ministre, nous ne pouvons pas continuer sereinement nos débats sans avoir une explication du Gouvernement.

    C’est invraisemblable. Avec ce texte, vous êtes partis dans un imbroglio juridique, et aucune réponse ne nous est donnée. Aucune !

    Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, et pas une suspension de cinq minutes ! Je vous demande une suspension d’un quart d’heure. Nous ne pouvons pas continuer à légiférer de cette façon, avec une ministre qui éclate de rire, qui se moque de la représentation nationale et qui n’apporte aucune réponse ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, je pense, pour dire les choses de manière très claire, qu’on ne peut pas faire la loi au rythme du journal de M. Dassault. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Chers collègues de l’opposition, vous n’aviez rien vu, il y a quelques jours, en commission des lois, parce que vous étiez très peu attentifs, de sorte que c’est le journal de M. Dassault qui vous a prévenus de la sortie d’une circulaire du Gouvernement, laquelle avait été annoncée bien avant par Mme la garde des sceaux.

    M. Philippe Gosselin. Soyez sérieux, monsieur Le Roux !

    M. Bruno Le Roux. Aujourd’hui, le journal de M. Dassault fait état d’un document de travail. Je voudrais remercier le Gouvernement de travailler, et donc, de faire des documents de travail sur les lois qui vont nous occuper dans plusieurs mois puisque vous avez annoncé un texte pour la fin de l’année.

    Je voudrais vous dire, madame la garde des sceaux, que nous sommes prêts à participer à l’enrichissement de ce document de travail, à participer au débat public qui sera mené, notamment sur la question de la PMA, à l’inclure le moment venu et à la faire voter ici dans cet hémicycle par la majorité.

    M. Philippe Gosselin. C’est la méthode Coué, monsieur Le Roux !

    M. Bruno Le Roux. Vous voulez trouver une nouvelle échappatoire ! Depuis six jours, vous nous parlez d’un texte qui n’existe pas, et aujourd’hui, partant d’une information parue dans le journal de M. Dassault, vous voulez une suspension de séance. S’il vous plaît, aujourd’hui, faites la loi à partir du texte qui vous a été distribué et affrontez enfin le débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour un rappel au règlement.

    M. Pierre Lellouche. J’interviens au titre de l’article 58 de notre règlement.

    Monsieur le président, je dois vous dire ma surprise. Avec cette législature, je commence mon cinquième mandat dans cette noble assemblée. (« C’est trop ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) S’il vous plaît, mesdames et messieurs de la majorité, je vous demande de bien vouloir admettre qu’il y a une opposition et que vous devez la respecter. Je demande au président, pour la bonne tenue de nos débats, de laisser les députés aller voter. En vingt ans de Parlement, je n’ai jamais vu que l’on empêche un député élu de la République d’aller jusqu’à son siège ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Si vous ne le savez pas, monsieur le président, je vais vous le dire : dans ce genre de séance de nuit, en général, les députés ne s’installent pas à leur siège. Il leur faut donc un minimum de temps pour aller voter dans le cadre d’un scrutin public. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous m’avez vu, monsieur le président, me diriger vers mon siège, mais vous ne m’avez pas laissé le temps de voter. Je trouve cela scandaleux !

    Pour la bonne tenue de nos débats, je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir laisser les députés de l’opposition aller voter. Aujourd’hui, ce n’est pas la première fois que pareil incident se produit. Ce n’est pas normal !

    M. le président. Monsieur Lellouche, vous venez d’arriver. Sachez que nous procédons ainsi depuis quelques heures.

    M. Pierre Lellouche. En vingt ans, je n’ai jamais vu cela !

    M. le président. Chacun a largement eu le temps de voter. Je vous demande donc, monsieur Lellouche, de bien vouloir respecter la présidence, ce que vous n’avez pas fait tout à l’heure.

    M. Pierre Lellouche. Vous n’avez pas respecté les députés !

    M. le président. Je vous propose que nous en restions là.

    M. Pierre Lellouche. Respectez les députés, nous respecterons la présidence !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2140.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pour la dixième fois, je demande à la garde des sceaux si l’avis du Conseil d’État comporte des réserves sur ce projet de loi. Si la réponse est oui, lesquelles ? Si la réponse est non, un seul mot suffit pour répondre : « non ».

    Je voudrais porter au débat cette tribune de M. Philippe de Roux et M. Xavier Bongibault, récemment parue dans les colonnes du journal Libération. Voilà ce qui nous motive, chers collègues, dans ce débat. Je cite cette tribune dont je précise – cela fera plaisir à M. Roman – qu’elle est parue le 18 septembre 2012 : « Les questions sont nombreuses et complexes. Plus qu’un simple droit, la parité entre les hommes et les femmes est une valeur essentielle de la République, de la vie sociale et de l’entreprise. Est-ce aussi une richesse dont l’enfant peut profiter pour son éducation ? Vu le contexte de l’adoption et l’attente de nombreux couples, les services sociaux sont-ils discriminatoires en proposant en priorité à un enfant à adopter un couple composé d’un homme et d’une femme ? Dans le cas d’une procréation médicalement assistée pour un couple de deux femmes, est-ce légitime que l’État institutionnalise d’emblée le fait que des enfants soient privés de leur père ? Le mariage républicain est-il une validation d’un sentiment amoureux entre deux époux ? Est-ce le rôle du législateur de s’immiscer dans l’intimité des couples ? Peut-on envisager une délégation d’autorité, sous réserve d’accord des deux parents biologiques, qui permette d’ouvrir les droits fiscaux et légaux, tout en maintenant le lien identitaire de l’enfant ? Ainsi, dans la ligne de la « gouvernance durable » de François Hollande, il nous semble urgent d’inviter les acteurs de toutes sensibilités politiques, religieuses ou philosophiques à des « états généraux de la famille, du mariage à la filiation, pour les droits de l’enfant et contre la précarité familiale ». »

    M. le président. Veuillez conclure !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, si vous me le permettez, je conclus en une phrase. (« Non ! »sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si, le président le permet ! Ce n’est pas vous qui êtes chargés de la police de notre assemblée !

    Dans le contexte de ce soir, a fortiori dans la situation que nous avons connue il y a quelques minutes, s’agissant du contenu d’un avant-projet de loi sur la famille, il me semble important de donner droit à cette citation, dont je remercie les auteurs.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2419.

    M. Philippe Gosselin. Nous avions demandé un grand débat. On nous a dit : « Le grand débat n’est pas nécessaire. Dormez, braves gens, tout est sous contrôle ! Le Parlement débattra, et vous verrez, on vous assure d’un projet qui sera bon, que vous combattrez peut-être politiquement, mais qui sera cohérent. »

    Non seulement nous doutons de plus en plus de sa qualité et de son intérêt politiques, mais en outre, au fur et à mesure de nos échanges, des fissures juridiques apparaissent. Nous n’avons eu de cesse, cet après-midi, que nous n’ayons démontré, malgré les dénégations du Gouvernement, les éléments de fragilité relatifs au code civil. Et ce soir, alors que nous dénonçons la possibilité que la PMA et d’autres éléments rentrent par la fenêtre, nous apprenons par la presse, par Le Figaro, me diront certains,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui, Le Figaro !

    M. Philippe Gosselin. Et alors ? D’autres organes de presse sont la propriété de M. Bergé, celui-là même qui ne trouve pas plus dérangeant de louer son ventre que de louer ses bras ! Chacun appréciera leur degré d’indépendance.

    Nous apprenons par la presse, disais-je, que le projet de loi dont on nous tait le contenu serait quasiment prêt. Nous voulons avoir des explications sur le contenu de ce projet – nous ne lâcherons pas –, afin de faire le lien entre les deux textes.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2702.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, mesdames les ministres, cet amendement concerne l’article 206 du code civil. J’évoquais tout à l’heure Jaurès. Je souhaite maintenant convoquer les mânes de Courteline, Feydeau, Labiche et Guitry.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les bonnes références !

    M. Marc Le Fur. Pourquoi ? Parce qu’en transformant l’article 206, mes chers collègues, vous supprimez la belle-mère ! Vous supprimez un personnage essentiel de leur théâtre ! (Exclamations sur les tous les bancs.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vive les belles-mères !

    M. Marc Le Fur. Vous portez un coup terrible au théâtre de boulevard ! La belle-mère disparaît ! Eh oui, mes chers collègues ! C’est pourquoi je souhaite que soit associée à nos débats Mme Filippetti, ministre de la culture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Sauvez nos belles-mères !

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 2140, 2419, 2702, 3732, 4187 et 4420, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3732.

    M. Xavier Breton. Comme Marc Le Fur nous indiquait que les belles-mères allaient disparaître, des cris se sont fait entendre sur tous les bancs. J’ai même entendu : « Enfin ! ».

    Au-delà de la plaisanterie, je voudrais revenir sur l’avant-projet de loi sur la famille, qui fait apparaître un problème de méthode que nous dénonçons depuis le début. Avez-vous une conception claire de la famille, de la filiation et de la parenté ? Si oui, débattons-en entre nous, bien sûr, mais aussi avec la société. Organisons des états généraux de la famille !

    M. Jean-François Copé. Évidemment ! Nous les demandons !

    M. Xavier Breton. Vous avez eu l’occasion de participer aux états généraux de la bioéthique sous l’égide d’Alain Claeys et Jean Leonetti. Des réunions avaient eu lieu dans toute la France, un site internet très consulté avait donné lieu à beaucoup d’échanges et une mission d’information, dont les travaux s’étaient étalés sur dix-sept mois, avait procédé à plus de cent auditions. Ensuite est venu le moment du débat parlementaire ; nous l’avons eu en étant éclairés, car nous n’avions rien caché. Là, bien au contraire, nous ne savons plus où nous en sommes !

    M. Alain Fauré. C’est vous qui ne savez plus où vous en êtes !

    M. Xavier Breton. L’assistance médicale à la procréation devait figurer dans ce texte sur le mariage et l’adoption, elle n’y figure plus. Elle devait être dans l’avant-projet de loi sur la famille, apparemment elle n’y est plus. Nous voulons des éclaircissements. Quelle est votre conception de la famille ? Que veut dire pour vous « faire famille » ? Sortez de votre novlangue, comme le dit notre collègue Mariton, afin que nous allions au fond des choses. Dites-nous si, oui ou non, le pilier biologique et corporel – qui est certes moins important que le pilier affectif et éducatif – a encore une réalité dans notre société. Voilà les questions que nous vous posons et que nous continuerons à vous poser ce soir.

    M. Jean-François Copé. Très bien !

    M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4187.

    M. Hervé Mariton. Les fuites que nous lisons dans la presse au sujet de la préparation de votre projet, madame la ministre de la famille, nous inquiètent et nous rassurent tout à la fois.

    M. Christian Jacob. Surtout celles qui sont dans la presse de M. Bergé !

    M. Hervé Mariton. Ce qui nous inquiète, même si malheureusement nous la connaissions, c’est votre vision de la famille. Il faut sans doute rappeler à nos concitoyens qui vous ont fait confiance en mai et juin derniers que l’on savait, en réalité, où vous comptiez aller en matière de famille. Il ne faut jamais voter pour quelqu’un au seul motif qu’on pense qu’il ne fera pas ce qu’il s’est engagé à faire.

    Mais nous sommes aussi un peu rassurés, parce que, si l’on comprend bien, la PMA a été évacuée, éjectée, de votre projet.

    M. Bernard Roman. Rassurez-vous, elle va revenir !

    M. Hervé Mariton. Confirmez-vous, madame la ministre, que, si malheureux que soit votre projet sur la famille, il n’y sera à tout le moins plus jamais question de PMA pour les personnes de même sexe, les célibataires et les personnes plus âgées ? Nous adhérons aux critères actuels de la PMA, qui la conditionnent à une pathologie médicale, mais nous ne voulons pas de son extension. Confirmez-vous qu’il n’est plus du tout question de cette extension de la PMA, ? C’est ce que nous comprenons d’après la presse, mais nous confirmez-vous, ainsi qu’à votre majorité, qu’il n’en sera plus jamais question ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Nous voulons une réponse !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4420.

    M. Philippe Meunier. Mesdames les ministres, cela fait quelques heures déjà que nous vous demandons communication de l’avis du Conseil d’État. M. Jacob, le président de notre groupe, en a lu quelques passages. Vous aussi. M. Touraine semble avoir la chance d’en disposer intégralement. Quand allez-vous communiquer sur l’avis du Conseil d’État ?

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door. Nous sommes, me semble-t-il, dans une dictature de la confusion.

    M. Patrick Ollier. C’est vrai !

    M. Jean-Pierre Door. On ne peut faire plus confus que le débat de ce soir. Au-delà du mariage se posent les problèmes de l’adoption, de la filiation, de la PMA, de la GPA et maintenant de la fuite d’un projet sur la famille dont, bien entendu, on ignore à peu près tout. Le psychologue Bertrand Vergely, que tout le monde connaît, affirme que ce projet de loi n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Les conséquences psychologiques de la carence d’une mère ou d’un père sont réelles. C’est perturbateur pour l’enfant. Vous allez créer de droit la situation d’un enfant privé de père ou de mère. Ne plus parler de « père » et de « mère », ni de « mari » et de « femme » dans le livret de famille ou dans le code civil, mesdames les ministres, c’est vraiment bidouiller la famille française ! C’est pourquoi j’appelle à voter ces amendements.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2140, 2419, 2702, 3732, 4187 et 4420.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 328

    Nombre de suffrages exprimés 326

    Majorité absolue 164

    Pour l’adoption 120

    contre 206

    (Les amendements identiques nos 2140, 2419, 2702, 3732, 4187 et 4420 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Merci, monsieur le président. J’ai attendu bien volontiers et je vous remercie de me donner la parole pour ce rappel au règlement fondé sur l’article 58 en vue du bon déroulement de nos débats.

    J’étais jusqu’à présent extrêmement attentif aux arguments du Gouvernement. On a vu Mme la garde des sceaux développer des arguments avec beaucoup de verve tout au long de ces heures de débat. Ce sont les siens, pas les nôtres, nous nous opposons. On a aussi vu Mme la ministre de la famille répondre avec beaucoup de pugnacité. Ses idées sont les siennes, confrontées aux nôtres, nous argumentons. Mais depuis plusieurs heures, le Gouvernement ne répond plus. Depuis plusieurs heures, le Gouvernement observe un silence assourdissant. Dans un débat à l’Assemblée nationale, c’est inacceptable !

    Monsieur Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois, souvenez-vous des débats que nous avions avec vous, et avec M. Brottes, lorsque vous étiez dans l’opposition. Quand vous veniez nous demander des réponses du Gouvernement, nous les avons toujours données. Nous avons fait droit à leurs demandes. Il est inacceptable que le Gouvernement ne réponde pas. Deux raisons peuvent expliquer cela : ou bien le Gouvernement a un profond mépris de l’opposition, mais alors qu’il le dise clairement et les Français jugeront, ou bien les arguments de l’opposition sont tellement pertinents qu’ils laissent le Gouvernement sans réponse ! C’est cette seconde hypothèse qui me semble la plus probable.

    M. Razzy Hammadi. Mais oui, c’est ça !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2145.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je pose la question pour la onzième fois à Mme la garde des sceaux…

    Mme Pascale Crozon. Ça suffit !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous perdez patience, vous pouvez sortir prendre l’air, madame la députée !

    M. Jean-François Copé. Il n’y a aucune obligation de rester ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Hutin. Vous venez d’arriver, monsieur Copé !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Y a-t-il ou non, dans l’avis du Conseil d’État, des réserves importantes sur le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui ? Si oui, lesquelles ? Si non, pourquoi ne pas simplement répondre d’un mot : « non » ? Cela nous suffirait.

    Je souhaite porter au débat un élément d’information qui explique également notre position. Je fais référence à la contribution du philosophe Thibaud Collin, que l’on trouve dans le rapport. Je ne le fais pas parce qu’il s’appelle Collin, même si cela peut expliquer une certaine forme de sympathie pour lui. (Sourires.) Un peu d’humour ne nuit pas, à cette heure tardive !

    M. Christian Hutin. Un peu d’amour non plus !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Voici ce qu’il dit : « Pourquoi refuser ce que l’on peut nommer une dérégulation du mariage si ce n’est au nom du droit des enfants susceptibles de naître dans un tel cadre juridique ? Faisons mémoire de l’intention du législateur, des révolutionnaires de 1792, illuminés par la Déclaration des droits de l’homme reconnaissant des droits inhérents à la nature même de l’homme, d’où le fameux "tous les hommes naissent libres et égaux en droits" , œuvre de la raison qui cherche à discerner le juste et non simplement d’une volonté qui s’impose. »

    M. le président. Il faut conclure.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je termine, monsieur le président : « Or quel est le bien fondamental dû à l’enfant que notre société se doit de respecter ? Vivre dans la continuité de la double origine dont il est issu. »

    M. le président. Merci, cher collègue.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai plus qu’une phrase, monsieur le président.

    M. le président. Oui, mais elle est longue !

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai été beaucoup interrompu, monsieur le président.

    « La sexuation concerne toute la personne, masculine ou féminine, père ou mère, et… »

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2421.

    M. Jean-Frédéric Poisson. C’est scandaleux !

    M. Philippe Gosselin. Puisque nous en sommes à l’examen attentif des travaux de la commission, cités à plusieurs reprises, je voudrais revenir sur l’intervention de l’excellente juriste Françoise Dekeuwer-Défossez. Elle a eu des propos très intéressants au sujet de l’adoption qui prolongent mon propos de cet après-midi relatif à l’article 310 du code civil.

    Mme le professeur nous dit que « l’adoption par les couples homosexuels pose un problème de fond démesuré. L’adoption simple pose peu de problèmes car le parent biologique est présent. En revanche, lorsqu’un enfant est adopté de manière plénière par un couple homosexuel, il a deux pères ou deux mères, ce qui pulvérise l’ensemble de notre système de filiation. » Voilà ce que je veux souligner : il y a une pulvérisation de notre système de filiation. Il me semble important d’éviter que notre système de filiation soit pulvérisé. C’est l’objet de cet amendement. Il s’agit d’une juriste autorisée, vous aurez à cœur de suivre sa proposition.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2713.

    M. Marc Le Fur. Une séance publique à l’Assemblée, ce sont divers personnages. Ce sont des députés : ils sont présents. C’est un président : la présidence est tenue. Ce sont des ministres, dont la fonction est de parler, mais qui sont devenus muets. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est un rapporteur, qui ne dit pas grand-chose – et quand il dit quelque chose, c’est assez bref. Et puis, c’est un président de la commission. Or, alors que nous avons repris nos travaux à vingt et une heure trente, M. Urvoas, président de la commission des lois, n’est toujours pas là. C’est la première fois que, sur un texte de cette importance, je constate l’absence du président de la commission. (« Il est où ? » sur les bancs du groupe UMP.). Certes, M. Le Bouillonnec est présent, et il a toute notre estime – nous savons qu’il est un parlementaire chevronné. Il n’empêche que tout à l’heure, j’ai demandé, en sa présence, à M. Urvoas son avis sur le fond et il ne m’a pas répondu. Pourquoi ne s’exprime-t-il jamais sur le fond ? Est-ce par tactique politicienne – il est élu comme moi, d’une région, la Bretagne, où la famille a de l’importance ? Ou alors, et ce serait mieux, est-ce parce qu’il n’est pas convaincu de l’intérêt de ce texte et ne veut pas le dire, par discipline de parti ?

    Monsieur le président, nous voulons – et nous sommes d’accord pour interrompre nos travaux, si cela est nécessaire – que le président de la commission des lois nous rejoigne !

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 2145, 2421, 2713, 3735, 4194 et 4431, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3735.

    M. Xavier Breton. L’imbroglio créé par la publication de l’avant-projet de loi sur la famille nous ramène à des questions que nous posons depuis une semaine – sur la conception de la famille, de la filiation, de la parenté – et auxquelles nous n’avons pas obtenu de réponses. Pourtant, celles-ci figurent certainement dans cet avant-projet de loi et nous souhaiterions les connaître pour pouvoir en débattre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous réclamons la tenue d’états généraux de la famille.

    Je vais prendre un exemple : l’éducation, ce pilier affectif qui, je le répète, est, certes le plus important, mais n’est pas le seul. Le problème, c’est que vous confondez parentalité et parenté. La parentalité désigne la capacité à élever, à accompagner, à aimer un enfant, et nul ici ne conteste la possibilité pour chacun d’avoir cette capacité. Et, si elle fait défaut, c’est le devoir de l’État, par subsidiarité, que de retirer les enfants de familles où ils peuvent être battus ou violentés.

    La parenté, quant à elle, ne se réduit pas à cette fonction parentale, à cette capacité à élever un enfant. C’est le pilier biologique, corporel. Et pour se convaincre de son existence, il suffit de voir la détresse, la souffrance de ceux qui en sont privés, je veux parler de ceux dont les parents étaient infertiles et qui ne connaissent pas leurs parents biologiques.

    Nous voulons débattre de ces sujets, nous voulons aller, avec vous, au fond des choses. Mais vous refusez. Vous faites de l’obstruction depuis une semaine, en passant en force depuis une semaine, comme vous le faites depuis le début de l’examen de ce projet de loi. Madame la ministre de la famille, si vous avez une conception de la famille – et peut-être en avez-vous une, même si votre approche est militante –, débattons-en ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4194.

    M. Hervé Mariton. Madame la ministre de la famille, tout à l’heure, il m’a semblé vous voir prendre quelques notes ; cela m’a paru courtois et de bon augure. J’imaginais donc que vous alliez intervenir et je m’en réjouissais, car nous ne profitons guère de votre talent. Je souhaiterais donc que vous nous confirmiez – ce serait une grande satisfaction pour l’opposition – que vous avez définitivement abandonné, et dans l’avant-projet de loi sur la famille et dans tout autre projet, toute perspective de légalisation de la procréation médicalement assistée au-delà des cas dans lesquels elle est actuellement autorisée. C’est en effet ce que l’on peut comprendre à la lecture de certaines informations publiées sur cet avant-projet de loi. En tout cas, ce serait, pour vous, une manière de vous racheter, compte tenu de l’ensemble des mauvaises nouvelles que vous portez. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4431.

    M. Philippe Meunier. Depuis quelques heures, il n’y a plus de Gouvernement. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous lui posons un certain nombre de questions, notamment sur l’avis du Conseil d’État et nous n’avons aucune réponse. Peut-être Mme la ministre de la famille a-t-elle peur d’être recadrée par le Premier ministre et Mme Taubira travaille-t-elle sur le problème juridique soulevé par M. Gosselin concernant le risque de discrimination dont pourraient être victimes les enfants qui risqueraient d’être adoptés par des couples de personnes de même sexe. Mais nous avons besoin que l’on nous apporte des réponses ; nous sommes ici pour débattre.

    Ainsi que M. Breton l’a dit très justement, vous avez le droit d’avoir votre projet pour la famille et nous avons le droit d’avoir le nôtre. Mais débattons ! Pourquoi ce silence ? Le Gouvernement ressemble de plus en plus à un canard à qui l’on aurait coupé la tête et qui continuerait à avancer sans que l’on sache où il va. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

    M. Gérald Darmanin. Je commence à comprendre pourquoi le Gouvernement n’a pas voulu du référendum : il aurait été obligé d’écouter le peuple, au lieu de jouer les muets du sérail. Je souhaiterais d’ailleurs que le président de mon groupe demande une suspension de séance, car je crois savoir que l’Assemblée ne peut pas se réunir en l’absence du Gouvernement. Mme Taubira nous a dit, dans la nuit de dimanche à lundi, que nous étions physiquement présents mais intellectuellement ailleurs. Ce soir, cela semble être le cas du Gouvernement et il ne serait pas décent de poursuivre nos travaux dans ces conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Il est très intéressant, pour les personnes présentes dans les tribunes du public et les téléspectateurs qui suivent nos débats à la télévision (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Jean Grellier. Ils ont déjà zappé !

    M. Gérald Darmanin. Ne croyez pas cela, mon cher collègue.

    … de voir dans quel mépris est tenue la représentation nationale.

    Enfin, M. Le Fur a cité avec le talent qu’on lui connaît Labiche et Jules Sandeau. Mais, vu les gags absurdes auxquels nous avons assisté – que ce soit la circulaire sur la GPA, l’intervention du Premier ministre depuis le Cambodge pour recadrer Mme Bertinotti, l’avis du Conseil d’État que nous ne pouvons pas consulter ou l’avant-projet de loi sur la famille qui, finalement, ne comprendrait pas de disposition sur la PMA –, ce n’est plus du Labiche : c’est La minute nécessaire de M. Cyclopède, du regretté Desproges. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Guy Delcourt.

    M. Guy Delcourt. M. Darmanin vient d’évoquer les Français qui suivent nos débats à la télévision. Je ne voudrais qu’ils aient le sentiment, en écoutant les interventions répétitives de nos collègues de l’UMP – toujours les mêmes, d’ailleurs –,…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pas du tout !

    M. Guy Delcourt. …qu’une partie des députés, de gauche comme de droite, seraient débiles au point qu’il soit nécessaire de leur répéter dix, quinze, vingt fois la même chose. La débilité n’est pas de ce côté-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous parlions de conservatisme. Eh bien, nous y sommes ! En effet, nous sommes bien dans le même climat qu’il y a vingt ans – M. Darmanin est beaucoup trop jeune pour s’en souvenir –, lorsque la fécondation in vitro a fait l’objet, sous l’impulsion d’un certain nombre de personnalités, d’une campagne odieuse qui consistait à affirmer que cette technique allait aboutir à créer des enfants dont l’inconscient serait altéré. On prédisait alors, comme aujourd’hui au sujet de l’homoparentalité, que des catastrophes allaient s’abattre sur ces enfants artificiels, menacés de devenir psychotiques. La réalité a fait taire les terrifiants oracles de ceux qui se sont déconsidérés par l’excès de confiance en leurs constructions théoriques.

    Pourtant, vingt ans plus tard, les mêmes recommencent, même s’ils n’appartiennent pas forcément à la même génération (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), atteints par les mêmes fantasmes et le même conservatisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2145, 2421, 2713, 3735, 4194 et 4431.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 341

    Nombre de suffrages exprimés 340

    Majorité absolue 171

    Pour l’adoption 126

    contre 214

    (Les amendements identiques nos 2145, 2421, 2713, 3735, 4194 et 4431 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1804.

    M. Marc Le Fur. Dans la situation à laquelle nous sommes confrontés, il faut, me semble-t-il, revenir à un certain nombre de fondamentaux, en particulier à ce que nous disent les grandes traditions. Aussi voudrais-je citer l’un des plus beaux textes écrits par le grand Rabbin Bernheim sur le sujet : « Le père et la mère indiquent à l’enfant sa généalogie. » Pas seulement le père et la mère, mais la filière : la généalogie. « L’enfant a besoin d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu. Ce qui fait l’humain depuis toujours et pour toujours est une parole dans un corps sexué et dans une généalogie. » Voilà ce que vous êtes en train de casser ! « Nommer la filiation, ce n’est pas seulement indiquer par qui l’enfant sera élevé, avec qui il aura des relations affectives, qui sera son adulte “référent”, » comme on dit maintenant, « c’est aussi et surtout permettre à l’enfant de se situer dans la chaîne des générations. Depuis des millénaires, le système sur lequel est fondée notre société est une généalogie à double lignée, celle du père et celle de la mère. La pérennité de ce système garantit à chaque individu qu’il peut trouver sa place dans le monde où il vit, car il sait d’où il vient. »

    Voilà l’essentiel. Nous devrions revenir à ces fondamentaux, mes chers collègues. Nous ne sommes pas des individus isolés de tout, dans le temps et dans l’espace. Nous intégrons une chaîne dont il faut que nous ayons connaissance. Cette chaîne peut être réelle comme elle peut être symbolique. Si vous privez de jeunes enfants de la possibilité de se rattacher à une généalogie, fût-elle un peu fictive, vous les privez d’une chance dans la vie. C’est ce que vous êtes en train de faire !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1807.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Une nouvelle fois, je demande à Mme la garde des sceaux si l’avis du Conseil d’État comprend des réserves sur le projet de loi qui nous est soumis. Si oui, quelles sont-elles ? Si non, pourquoi ne nous répond-elle pas ?

    Mme Pascale Crozon. Toujours la même chose !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, c’est toujours la même chose. Mais je suis d’une patience d’ange, madame Crozon,…

    M. Bernard Roman. Un ange ? Ni papa ni maman, alors !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …et je continuerai jusqu’à ce que j’obtienne une réponse.

    Par ailleurs, je suis en désaccord sur un point avec mon collègue Le Fur, mais il me le pardonnera. Nous regrettons, bien entendu, que le président de la commission des lois soit retenu par sa tâche, mais nous saluons la présence de notre collègue Le Bouillonnec – et nous l’en remercions –, pour lequel nous avons beaucoup d’estime.

    Enfin, je tiens à achever la citation de M. Thibaud Collin que j’ai commencée tout à l’heure et qui a été brutalement interrompue en raison de l’expiration de mon temps de parole : « Or, quel est le bien fondamental dû à l’enfant que notre société se doit de respecter ? Vivre dans la continuité de la double origine dont il est issu. La sexuation concerne toute la personne, masculine ou féminine, père ou mère. Elle n’est pas une propriété du seul corps réduit à un simple substrat biologique, comme certaines formules condescendantes veulent le faire croire. » Et il cite ici Irène Théry, qui évoque « la conception bouchère de la filiation ».

    Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. L’amendement est ainsi défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2361.

    M. Philippe Gosselin. Je souhaite à mon tour revenir sur les réserves du Conseil d’État, car à force de répéter, nous obtiendrons peut-être satisfaction. Nous aimerions également savoir si l’avant-projet de loi, dont les meilleurs éléments sont publiés ce soir, traite de la procréation médicalement assistée. Il est important que la représentation nationale soit éclairée sur ces points. Mais je n’insiste pas : nous aurons sans doute, à un moment ou à un autre, quelques éclaircissements. Vous pouvez en tout cas compter sur notre persévérance.

    Enfin, je reprends la citation de l’éminente juriste Françoise Dekeuwer-Défossez, que je n’ai pu achever tout à l’heure. L’ensemble du système de filiation serait pulvérisé, dit-elle ; on voit donc les difficultés très importantes posées en droit interne. Mais elle va plus loin, évoquant également des effets externes : « N’oublions pas que la conception occidentale de la famille est à des années-lumière de celle qui a cours dans les pays d’origine des enfants, comme l’Inde, le Vietnam, Haïti, la Chine ou les pays africains. Quelle sera leur réaction ? Je crains un véritable choc culturel. » Nous y voilà : non seulement nous pulvérisons, chez nous, notre système de filiation, mais nous provoquons un choc culturel important, dont les effets méritent réflexion. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.

    M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 1804, 1807, 2361, 3532, 3541 et 4184, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3532.

    M. Xavier Breton. À l’occasion de la défense de l’amendement n° 3532, je voudrais tenter d’échanger avec mon collègue Delcourt…

    M. François Rochebloine. C’est difficile !

    M. Xavier Breton. …qui disait tout à l’heure que ces débats n’intéressent pas les Françaises et les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Mennucci. Il n’a pas dit ça, il a parlé d’obscurantisme !

    M. Xavier Breton. Détrompez-vous : ils sont, au contraire, très intéressés, ils attendent de savoir quelle conception de la famille défendent le Gouvernement et la majorité socialiste, ils attendent de savoir ce que sont, pour vous, la parenté et la filiation.

    Par ailleurs, cher collègue, vous avez dit que nos débats vous en rappelaient d’autres, que nous avons eus précédemment, sur l’insémination artificielle avec donneur, la fécondation in vitro, l’assistance médicale à la procréation. Je rappelle qu’au cours des états généraux de la bioéthique, il y a eu un débat afin de déterminer si cette technique était exempte de dégâts humains et qu’il est apparu que des jeunes qui ne connaissaient pas leurs parents biologiques étaient à leur recherche. Je pense notamment à un livre intitulé Né de spermatozoïde inconnu, d’Arthur Kermalvezen, où l’auteur fait part de sa souffrance. Un débat s’est engagé sur la levée d’anonymat du don de gamètes, à laquelle certains sont favorables – sur tous les bancs – tandis que d’autres, comme moi, y sont défavorables. En tout état de cause, personne ne peut nier – au nom de l’idéologie, comme vous le faites – la souffrance et la détresse des personnes concernées. Ce n’est pas parce que vous défendez des idées que la réalité s’efface.

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. Xavier Breton. Les souffrances et la réalité résistent. Faites donc preuve d’un peu de discernement, et n’imposez pas votre idéologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3541.

    M. Hervé Mariton. Avec votre permission, monsieur le président, je souhaiterais transformer mon intervention sur l’amendement n° 3541 en un rappel au règlement.

    M. le président. Si vous voulez, monsieur Mariton.

    Vous avez donc la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Vous y gagnez ! Il ne prend la parole qu’une fois au lieu de deux !

    Rappel au règlement

    M. Hervé Mariton. Si je n’ai pas retrouvé dans notre règlement l’article qui s’y rapporte, je sais qu’il existe au sein de notre assemblée un usage qui me paraît tout à fait fondé, qui veut que les parlementaires se lèvent dès lors qu’ils prennent la parole – même quand ils sont assis tout près d’un micro. Le même usage s’applique évidemment au rapporteur, même si sa contribution au débat est modeste, au moins en quantité – pour ce qui est de la qualité, je ne saurais dire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) –, ainsi qu’au ou à la ministre. Tous ceux qui, parmi nous, ont été rapporteurs, connaissent cet usage et comprennent son importance. (Mêmes mouvements.)

    M. Patrick Mennucci. C’est médiocre, cette remarque !

    M. Hervé Mariton. L’intensité de votre réaction montre que mon rappel au règlement n’est pas inutile ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Je le répète, l’usage est simple : quand on prend la parole au sein de notre assemblée, on se lève ! Cela vaut pour tous les députés, pour les rapporteurs et les ministres.

    M. Bernard Roman. Tenez-vous droit, Mariton !

    M. Hervé Mariton. Il ne me semble pas inutile de voir cet usage respecté, et peut-être nous ferez-vous part de votre avis sur ce point, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4184.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, on voudrait nous faire croire que, dans toute la législation existante, « père et mère » ou « mari et femme » peuvent avoir la signification de « deux hommes » ou « deux femmes », au prétexte d’étendre le mariage et la filiation aux couples de même sexe.

    Or, cette fiction juridique se heurte manifestement au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi. En outre, elle a des conséquences pour tous les couples, puisqu’elle vide de son sens la réalité de l’altérité sexuelle et de la filiation biologique. C’est pourquoi nous invitons notre assemblée à adopter l’amendement n° 4184.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Ah, il a des jambes !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est intéressant de voir à quel point vous êtes attachés aux usages, tandis que vous vous affranchissez des règles de procédure…

    Vous livrant à une véritable chasse au trésor, vous avez d’abord déniché la question du Comité consultatif national d’éthique, que vous avez exploitée durant des heures avant de passer au Conseil supérieur de l’adoption et à d’autres institutions. Votre dernier trésor, dont vous ne cessez de parler, même s’il est complètement factice, est le Conseil d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Le Conseil d’État, factice ?

    M. Pierre Lellouche. Incroyable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans notre État de droit, le Conseil d’État est une institution judiciaire administrative qui conseille le Gouvernement. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Allons, mes chers collègues !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas en vertu de l’usage, mais bien du droit, qu’il adresse son avis au Gouvernement, le Premier ministre disposant du pouvoir de lever exceptionnellement la confidentialité relative à cet avis. Vous vous affranchissez de ce principe, tout en nous donnant de grandes leçons sur les usages.

    M. Pierre Lellouche. Factice, le Conseil d’État ? On croit rêver !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous évoquez des fuites de textes – des documents de travail internes –, englobant dans vos accusations de pratiques déloyales l’ensemble des fonctionnaires des services concernés.

    M. Pierre Lellouche. Y en a marre ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Lellouche, les usages ne sont pas non plus d’interpeller Mme la garde des sceaux quand elle s’exprime !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est tout de même extraordinaire : alors que vous reprochez, de manière répétée, au Gouvernement, de ne pas vous répondre, lorsqu’une ministre se lève pour vous répondre, vous vitupérez, vous faites tout ce que vous pouvez pour étouffer la voix du Gouvernement…

    M. Pierre Lellouche. C’est vous, la voix du Gouvernement ? Eh bien !

    M. le président. Monsieur Lellouche !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …en vain, évidemment.

    Votre jeu est flagrant, mais depuis le temps que les Français suivent nos débats, ils ont bien remarqué que vous obteniez des réponses à toutes vos questions…

    M. Pierre Lellouche. Les Français en ont marre !

    M. le président. Monsieur Lellouche, si vous continuez à tenir des propos offensants, je vous inflige un rappel à l’ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est la dernière fois que je vous le dis !

    M. Pierre Lellouche. Qu’est-ce que j’ai dit ?

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement, monsieur le président !

    M. le président. Nous allons d’abord procéder au scrutin, je vous donnerai ensuite la parole pour un rappel au règlement, monsieur Jacob.

    La parole est à M. Julien Aubert, pour une courte intervention avant le scrutin.

    M. Julien Aubert. Monsieur le président, le Gouvernement, qui se prend volontiers pour un démiurge – au commencement était le Verbe – est subitement devenu muet. Ce n’est pas en modifiant le code civil et en changeant le sens des mots que vous obtiendrez ce que vous voulez, mais de la part d’un gouvernement dirigé par quelqu’un qui voulait supprimer le mot « race » de la Constitution pour supprimer le racisme, une telle attitude ne me surprend pas !

    Vous êtes bunkérisée dans votre gouvernement, madame la garde des sceaux. Vous avez corrompu le débat en mutilant les auditions afin de donner un sens à votre projet. Vous avez dissimulé le rapport du Conseil d’État, vous avez hypocritement dissimulé dans le code civil votre réforme, que vous n’assumez pas. Vous avez masqué la PMA en prenant une circulaire et en saucissonnant le texte. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Allons, mes chers collègues !

    M. Julien Aubert. Quant à vous, mesdames et messieurs de la majorité, vous vous battez pour vos investitures, parce que vous avez peur, parce que vous êtes soumis à la discipline de vote. En ce qui nous concerne, nous nous battons pour la vérité !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Du calme ! Vous n’êtes pas en train de libérer Paris !

    M. Julien Aubert. Chacun se bat pour ce qu’il a peur de perdre : nous, la vérité, et vous, vos investitures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1804, 1807, 2361, 3532, 3541 et 4184.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 338

    Nombre de suffrages exprimés 337

    Majorité absolue 169

    Pour l’adoption 127

    contre 210

    (Les amendements nos 1804, 1807, 2361, 3532, 3541 et 4184 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 de notre règlement. J’ai demandé à pouvoir faire ce rappel au règlement il y a un moment, mais puisque vous m’avez demandé d’attendre, au motif que le scrutin était engagé, j’ai attendu…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Encore heureux !

    M. Christian Jacob. …même si cela ne me paraît pas tout à fait conforme aux usages de notre assemblée.

    Quoi qu’il en soit, je voudrais revenir sur ce qui vient de se passer, en particulier sur l’attitude de Mme la garde des sceaux. Depuis que nous débattons de ce texte, nous vous avons vu passer, madame, par toutes les phases : d’abord l’outrance, la violence de vos attaques, et maintenant le mépris.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quel bel exemple d’autocritique !

    M. Christian Jacob. Quand on en vient à recourir au mépris, c’est vraiment que l’on n’a plus d’arguments. Vous vous êtes lancée dans le toboggan des imbroglios juridiques, et vous ne savez plus comment vous en sortir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Comment peut-on entendre la garde des sceaux dire que le Conseil d’État est factice ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Pierre Lellouche. C’est honteux !

    M. Christian Jacob. Vous avez parlé de chasse au trésor au sujet du Comité consultatif national d’éthique, et qualifié le Conseil d’État de factice.

    M. Alain Fauré. Mais qu’est-ce qu’il raconte ?

    M. Christian Jacob. Tout cela n’est pas sérieux, ce n’est pas responsable de la part de la garde des sceaux. C’est honteux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Vous voulez nous traiter par le mépris et refusez de répondre, fort bien : nous irons au bout, et défendrons chacun de nos amendements, un par un.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, allez-y ! Ce n’est pas pour cela qu’ils ont été déposés ?

    M. Christian Jacob. Au jeu du mépris, ce n’est pas vous qui gagnerez, madame la garde des sceaux.

    M. Patrick Mennucci. Continuez comme ça, les Français apprécient !

    M. Christian Jacob. Par ailleurs, notre collègue Delcourt a dit tout à l’heure qu’il y avait des débiles d’un côté ou de l’autre de l’hémicycle. Dans la mesure où il n’a pas pour habitude de se livrer à la provocation, je n’invoquerai pas un fait personnel, mais je veux l’inviter à veiller à ne plus tenir, à l’avenir, des propos de ce genre.

    Enfin, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-sept, est reprise à vingt-trois heures trente-trois.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2148.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des sceaux, je vais à nouveau poser la question, une question désormais rituelle et à laquelle il ne me paraît pas difficile de répondre. J’ai écouté attentivement votre intervention il y a quelques instants et je vous remercie d’avoir pris le temps de nous répondre de manière plus précise. Je comprends que vous vous réfugiiez derrière votre impossibilité de communiquer de votre propre initiative le contenu de l’avis du Conseil d’État au Parlement ; on ne peut pas vous le reprocher, car cette procédure n’est pas celle que prévoit la loi et il est donc normal que vous agissiez ainsi.

    Cela étant, la question que je vous pose depuis tout à l’heure porte sur la présence ou non de réserves dans cet avis. Ce ne serait pas transgresser la loi que de nous répondre sur ce point en nous indiquant s’il y a ou non des réserves et, le cas échéant, lesquelles. Je continue d’affirmer mon incompréhension devant votre refus de répondre à cette simple question que je vous pose donc pour la quatorzième fois.

    Sur le reste, madame la ministre, vous avez beau jeu de dire devant la représentation nationale et, au-delà, à ceux qui nous regardent depuis ces tribunes ou par les moyens de communication, que nous posons sans cesse les mêmes questions. Franchement, sur les articles 371-1 et 310 du code civil, sur les questions de la transcription de l’état civil, nous vous avons posé des questions précises qui sont la conséquence de l’article-balai adopté par la commission avec votre soutien. Je conviens que vous n’en êtes pas l’auteur, mais vous en soutenez l’initiative, vous nous l’avez dit en commission.

    Sur ces différentes questions, tous mes collègues qui sont intervenus, notamment Philippe Gosselin, Hervé Mariton et Xavier Breton, n’ont pas obtenu de réponse satisfaisante parce que vous n’avez pas évoqué les éléments qu’ils attendaient. Je vous répète donc – vous avez le droit de considérer cela comme de l’obstruction, et je comprends que nos collègues de la majorité s’impatientent, c’est leur rôle et ils le savent – que ces quelques réponses vous honoreraient ; peut-être même qu’elles nous satisferaient, allez savoir…

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2422.

    M. Philippe Gosselin. L’avantage de ces séances est de permettre de pointer un certain nombre de critiques qui ont été révélées au moment des auditions.

    Cher collègue Binet, le rapport que vous avez établi, présenté en deux tomes, est volumineux. Il nous a semblé intéressant d’en extraire quelques morceaux choisis afin que nul n’en ignore. Et puisque nos travaux sont écoutés, suivis de différentes façons, c’est aussi l’occasion de vulgariser un certain nombre de propos et de permettre à chacun de s’y référer et de réfléchir. Évidemment, c’est ce qui étaye les amendements de suppression que nous présentons.

    Je voudrais revenir quelques instants sur les engagements internationaux de la France. Le texte ouvre à la fois l’adoption simple et l’adoption plénière. Sur ce point, le Défenseur des droits, lors d’une audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale en date du 13 décembre 2012, a soulevé un certain nombre d’interrogations. Il le dit lui-même : « Contrairement à la question de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, qui relève de la seule responsabilité du Gouvernement et du Parlement » ; nous avons débattu de ce point et évoqué la fameuse décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011 à laquelle il est fait référence ici. Même si je fais partie de ceux qui considèrent que le Parlement est compétent juridiquement, il me semble que politiquement le choix du référendum est plus pertinent et plus adapté.

    Il ajoute : « la question des enfants, de l’adoption et de la filiation », et nous sommes dans le sujet avec l’article 4, puisque c’est un article de coordination, « doit s’inscrire dans le cadre des obligations internationales souscrites par la France. » Il y a là des incompatibilités et même sans doute des moyens d’inconstitutionnalité ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2716.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur, je trouve qu’à la suite de l’excellente réflexion de notre collègue Hervé Mariton, vous progressez : vous ne dites rien, mais vous le dites debout. (Sourires.)

    En revanche, madame la ministre, je trouve que votre réponse n’est pas très satisfaisante. Vous associez l’adjectif « factice » – tout le monde l’a entendu – à une institution de la République, le Conseil d’État. Est-ce bien ce qui a été dit, mes chers collègues ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

    M. Marc Le Fur. Nous sommes de nombreux témoins à l’avoir entendu.

    Je vous rappelle que le vice-président du Conseil d’État est de toute tradition le plus haut fonctionnaire de la République. Je vous rappelle que le Conseil d’État c’est l’institution qui est en mesure d’annuler les décrets, les circulaires – vous voyez à quoi je fais allusion, madame la ministre – dans la mesure où elles seraient considérées comme créatrices de droit, donc susceptibles d’être illégales. C’est dire l’importance de cette institution ! Cette institution, nous devons lui manifester le plus grand respect. Et s’il y a une personne qui doit le faire, c’est vous, pardonnez-moi madame la ministre : vous êtes garde des sceaux, c’est-à-dire autorité de tutelle ; vous avez donc une vocation de protection à l’égard de cette institution, et non de dévoiement.

    Il faut arrêter d’abaisser en permanence la fonction publique dans ce pays, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà le sujet ! Il y va de l’organisation de nos pouvoirs publics. Si l’exécutif participe à ce mouvement, nous discréditons les unes après les autres nos grandes institutions ; un jour c’est la police, un jour la gendarmerie, et ce soir le Conseil d’État ! Eh bien l’honneur des députés c’est de rappeler cela ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 2148, 2422, 2716, 3736, 4200 et 4435, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3736.

    M. Xavier Breton. À défaut d’avoir des réponses de Mme la ministre déléguée chargée de la famille sur sa conception de la famille, à défaut d’avoir des réponses de Mme la garde des sceaux sur les aspects juridiques de ce texte, notamment sur l’amendement qui a créé l’article-balai, je voudrais profiter de la présence de M. le ministre des relations avec le Parlement pour l’interroger sur l’imbroglio auquel nous sommes en train d’assister entre les différents textes.

    Ce projet de loi, qui vise à ouvrir le mariage et l’adoption – donc la filiation – aux couples de personnes de même sexe, et le projet de loi sur la famille qui a été annoncé auraient des parties communes. En particulier, les questions liées à l’adoption, alors qu’elles figurent déjà dans le présent texte, pourraient être également traitées dans le projet de loi sur la famille ; on voit donc bien qu’il n’y a absolument aucune clarté.

    Monsieur le ministre, vous qui êtes au cœur de l’organisation du travail entre le Gouvernement et le Parlement, peut-être pourrez-vous au moins nous dévoiler, puisque jusqu’à présent elles ont été cachées, les intentions du Gouvernement. Des états généraux auraient permis à toute la population de participer à la définition de cette conception de la famille mais ils n’ont pas été organisés. L’assistance médicale à la procréation sera-t-elle oui ou non dans le texte de l’avant-projet de loi sur la famille ? Cette disposition devait figurer dans le présent texte, elle a été reportée à un texte ultérieur mais n’y figurera peut-être pas finalement. Monsieur le ministre, s’il vous plaît, éclairez pour nous ces éléments, car nous n’y comprenons plus rien.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4200.

    M. Hervé Mariton. Il est question dans cet amendement de sortir l’article 348 du code civil du champ de l’article-balai.

    Nous sommes dans une situation assez particulière. Les articles 348 et suivants du code civil visent les conditions requises pour que des parents puissent consentir à l’adoption de leur enfant par des tiers. Au fond, tout l’équilibre du dispositif formé de ces articles est dans la considération du parent biologique. Les précisions sont même apportées dans les commentaires de l’article 348, en tout cas dans l’édition du code civil que j’ai sous les yeux.

    À nouveau, mesurez-vous le caractère très factice de l’article-balai tel qu’il a été rédigé ? Avec cet article, vous élargissez aux couples de même sexe le champ d’application des dispositions des articles 348 et suivants, qui précisent de quelle manière l’enfant de parents – sous-entendus biologiques – peut être adopté. Il y est par exemple question du délai de rétractation. Or, puisque vous ouvrez la filiation par adoption, les enfants de ces couples sont par construction des enfants adoptés. Vous faites donc comme si le fait de défaire la filiation par adoption pouvait s’effectuer de la même manière que lorsque l’on défait la filiation biologique de parents de sexe différent. On est là aux limites du système !

    Le système existant est clairement conçu – je me réfère à la note de doctrine qui est dans le code – pour une filiation de sang, mais votre volonté absolue d’assimiler un type de filiation à l’autre vous porte à envisager de défaire ces deux filiations de la même manière. C’est absurde !

    M. le président. Veuillez conclure !

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je voulais présenter une analyse précise des dispositions. À nouveau, nous sommes face à quelque chose qui n’a pas beaucoup de sens.

    Chers collègues, nous vous posons parfois, à la marge des articles, des questions générales, mais qui sont extrêmement importantes. Nous sommes ici entrés au cœur de l’article et nous sommes assez consternés.

    Un député du groupe UMP. C’est en effet consternant !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4435.

    M. Philippe Meunier. Au cours de la séance précédente, M. le rapporteur nous a informés que le code civil serait à géométrie variable, ou du moins qu’il devrait être interprété de cette manière-là.

    Mme le garde des sceaux parle maintenant d’un avis factice du Conseil d’État.

    Mme Colette Langlade. La garde des sceaux !

    M. Philippe Meunier. Non, le garde des sceaux ; c’est une fonction, je suis désolée de vous le rappeler. Vous pouvez essayer de changer les mots comme vous le voulez mais c’est une fonction, donc on dit « Mme le garde des sceaux ». (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Ma question est la suivante : jusqu’où le Gouvernement va-t-il emmener la France ? À un certain moment, il vous faudra répondre à nos questions. Et si vous ne voulez pas le faire, vous pourrez toujours conserver votre mutisme, mais dans ce cas nous serons le 24 mars dans la rue, avec tous les Français de France, toutes les familles de France, tous les républicains, de droite comme de gauche, qui veulent, à l’instar de la représentation nationale, être écoutés.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme Catherine Vautrin. Vous pourriez au moins vous lever ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Colette Langlade. C’est inacceptable !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce qui vient d’être dit n’a aucune importance. Cela fait d’ailleurs un moment que les insultes fusent…

    J’ai dit et je répète que vous vous amusez à organiser une sorte de chasse au trésor. Ce qui est en cause, ce ne sont ni le Conseil national d’éthique, ni le Conseil supérieur de l’adoption, ni le Conseil d’État. Vous trouvez une idée puis vous vous y accrochez pendant quarante-huit heures ; vous ne parlez que de cela et vous ne cessez de le réclamer.

    M. Bernard Roman. C’est parce qu’ils n’ont rien à dire !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce ne sont que des gadgets !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet après-midi, vous avez décidé que c’était le Conseil d’État, de la même façon que, pendant quarante-huit heures, vous nous avez fait le même numéro avec le Conseil national d’éthique, qui n’a rien à voir avec notre texte, lequel vise à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

    M. Daniel Fasquelle. Arrêtez donc !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En réalité, les choses sont très simples et très claires.

    Qui respecte le Conseil d’État et ses prérogatives ? Le Gouvernement. La liberté du Conseil d’État consiste justement à conseiller le Gouvernement et l’une des conditions de cette liberté est que cet avis est confidentiel.

    M. Christian Jacob. Vous avez la liberté de le rendre public !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Premier ministre a la liberté de lever cette confidentialité, mais la règle de droit – je ne parle pas de l’usage – est que le Conseil d’État émet un avis confidentiel.

    Le Gouvernement est donc respectueux du Conseil d’État.

    M. Christian Jacob. Pas du tout !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes respectueux à l’égard de cette institution, dont nous respectons la liberté.

    M. Christian Jacob. Pourquoi avez-vous peur de publier son avis ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous venez avec un document et vous annoncez au micro que ce sont les services de la Chancellerie qui vous l’ont fourni. Vous en profitez pour insinuer que, de toute façon, les services donnent, ici ou là, un certain nombre de documents. Vous êtes en train de jeter l’opprobre de la déloyauté sur l’ensemble de la fonction publique de ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. M. Touraine semble l’avoir eu, lui ! Vous trouvez cela normal ?

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    La parole est à M. Jacques Myard.

    M. Jacques Myard. Madame le garde des sceaux, on connaît votre talent, votre faconde et votre passion – ce n’est pas moi qui vous les reprocherai.

    Nous nous sommes souvent retrouvés opposés dans des duels qui étaient vivants et…

    Un député du groupe SRC. Virils ?

    M. Jacques Myard. …avaient vraiment du punch.

    Dans le discours que vous nous avez adressé au moment de présenter ce projet, vous avez essayé de faire un survol de l’institution du mariage, mais vous avez omis de rappeler la mémoire d’un grand conseiller d’État, M. Portalis, lequel recommandait de ne toucher aux lois que d’une main tremblante.

    Or, avec ce fameux article-balai, loin de ne toucher aux lois que d’une main tremblante, vous bousculez les choses. Le Conseil d’État, faisant dignement suite à M. Portalis, vous l’a dit. Aujourd’hui, vous nous déclarez que cet avis est confidentiel.

    Je suis désolé de vous le dire, mais c’est un avis qui doit éclairer non seulement le Gouvernement, mais aussi le Parlement, dans ce qu’il y a d’essentiel, c’est-à-dire la compréhension de ce projet de loi par tous les Français.

    Cessez donc de vous retrancher derrière la confidentialité de cet avis ; c’est là un argument factice. Vous devez le donner, après avis du Premier ministre, à l’ensemble du Parlement, c’est-à-dire à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. De la transparence !

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

    M. François Rochebloine. Je remercie Mme la garde des sceaux qui, pour sa part, même si elle n’est pas d’accord avec les positions des orateurs, se lève et leur répond comme elle sait bien le faire – on peut le reconnaître même si l’on ne partage pas son sentiment.

    Je regrette qu’il n’en soit pas de même du rapporteur.

    Un député du groupe UMP. Il n’écoute même pas !

    M. François Rochebloine. Ce qui me paraît plus grave, c’est que Mme Bertinotti, ici présente, ministre déléguée chargée de la famille, ne réponde pas. Or elle est particulièrement concernée. Sa simple présence démontre, s’il en était encore besoin, que ce texte concerne la famille. Elle devrait donc répondre.

    M. Yannick Favennec. Il a raison !

    M. François Rochebloine. Je voudrais aussi vous dire très simplement, monsieur le président, que nous avons besoin d’explications.

    Tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, notre collègue Jean-Christophe Fromantin, a posé une question précise concernant un certain nombre de déclarations, en particulier celles du Premier ministre.

    M. Yannick Favennec. Eh oui !

    M. François Rochebloine. Celui-ci a déclaré dimanche soir – et personne ne peut avancer le contraire – qu’il y aurait une loi sur la famille, sans parler de la PMA, ce qu’a confirmé d’ailleurs tout à l’heure à notre collègue M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    Le lendemain de l’intervention du Premier ministre – certes, la nuit avait passé, mais tout de même ! –, on a appris qu’il y aurait, après que le Conseil national d’éthique aura statué, une loi sur la famille avec la PMA. Nous avons donc besoin de précisions à ce sujet : la ministre de la famille dit une chose, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement en dit une autre et la garde des sceaux en dit une troisième !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2148, 2422, 2716, 3736, 4200 et 4435.

    Je rappelle qu’on ne vote que pour soi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et cela vaut pour tout le monde.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 319

    Nombre de suffrages exprimés 318

    Majorité absolue 160

    Pour l’adoption 106

    contre 212

    (Les amendements identiques nos 2148, 2422, 2716, 3736, 4200 et 4435 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour un rappel au règlement.

    M. François Rochebloine. Monsieur le président, les propos qui ont été tenus vis-à-vis de notre collègue M. Lellouche sont absolument inacceptables. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. Je demande à voir l’ensemble des présidents de groupe.

    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour un rappel au règlement.

    J’espère, mon cher collègue, qu’il s’agit bien d’un rappel au règlement.

    M. Julien Aubert. C’est le cas, monsieur le président.

    Je voulais vous signaler…

    M. Razzy Hammadi. Sur quel article vous fondez-vous ?

    M. Julien Aubert. Sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement.

    Les commentaires de certains de nos collègues sur Twitter ne grandissent pas notre institution : « Ce soir j’écoute des nains réacs @JulienAubert84 ». (« Honteux ! » sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues !

    M. Julien Aubert. Je voudrais dire à M. Alexis Bachelay que l’on peut faire l’économie de tels commentaires, qui, encore une fois, ne grandissent pas l’institution.

    Vous n’avez pas précisé si j’étais Grincheux ou Simplet,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Les deux !

    M. Julien Aubert. …mais, puisque vous avez un micro, vous avez la possibilité de le faire dans l’hémicycle !

    M. le président. Je rappelle que les faits personnels font l’objet d’un article particulier de notre règlement et qu’ils sont examinés à la fin de la séance. Ce n’était donc pas un rappel au règlement.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1810.

    M. Daniel Fasquelle. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    M. le président. Seul M. Le Fur a la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur, vous avez derrière vous, pour vous assister, des fonctionnaires d’une extrême qualité, qui comptent parmi les esprits les plus déliés de l’Assemblée.

    Mme Laure de La Raudière. Très bien !

    M. Marc Le Fur. Je suis convaincu qu’ils sont en mesure de vous donner les notes nécessaires pour vous permettre de répondre. Nous vous demandons de lire ces éléments pour que nous disposions de réponses.

    Si vous ne les lisez même pas, libérez donc ces fonctionnaires, puisque leur utilité, hélas !, de votre faute, n’est plus avérée. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

    Madame la ministre, ce soir, nous avons appris une chose. Nous savions déjà qu’il y avait le confidentiel défense. Nous savions aussi que, au-dessus, il existait le secret défense. Eh bien, nous avons appris que, bien au-dessus du secret défense, il y a l’avis du Conseil d’État ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

    C’est la première fois que j’entends cela. J’ignorais totalement cette hiérarchie du secret. J’imaginais qu’il s’agissait d’un document administratif, qui plus est non nominatif et qu’il n’y avait aucune raison pour qu’il soit secret.

    Introduisez, madame la ministre, un minimum de transparence ; donnez un tour objectif à nos débats en nous communiquant ce que nous demandons depuis des heures, à savoir l’avis du Conseil d’État. Si vous ne le faites pas, tout le monde se rendra compte – la presse en premier – que cet avis vous gêne et que c’est bien pour cela que vous ne nous le communiquez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1811.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, j’ai l’honneur de vous demander, pour la quinzième fois, s’il y a dans l’avis du Conseil d’État des réserves d’interprétation. Dites-nous « oui », ou dites-nous « non », mais s’il vous plaît, dites-nous quelque chose !

    Je porte au débat un avis publié par notre rapporteur à propos de ce projet de loi qui motive à la fois notre opposition, l’énergie que nous y consacrons et le fait qu’inlassablement, nous défendrons nos amendements – jusqu’au dernier, comme le disait le président Jacob.

    Voici donc un extrait de l’avis de Mme Claire Neireinck, professeure de droit à l’université de Toulouse : « le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes même sexe serait, dit-on, justifié par un impérieux principe d’égalité : celui de reconnaître un droit au mariage pour tous. Or ce droit existe déjà : le mariage est une liberté fondamentale dont nul ne peut être privé. Cependant, comme toutes les libertés, son exercice ne saurait être absolu. Il se heurte aux interdits fondamentaux qui fondent la famille. Il en résulte que si on est toujours libre de se marier, on ne peut pas toujours épouser qui l’on veut. Sous l’habillage d’un mariage pour tous, il s’agit de supprimer l’exigence, jusqu’à présent impérative, de l’altérité sexuelle en lien direct avec la procréation. En effet, si le mariage n’avait pas pour fonction la reproduction, contrairement à ce qui est souvent affirmé, il avait celle de gérer juridiquement ses conséquences, en désignant automatiquement, à partir des époux, une mère et un père. Cependant cette institution a considérablement évolué au cours des dernières décennies. En particulier, son rôle dans l’établissement de la filiation s’est affaibli. Le mariage ouvert à tous consommerait définitivement sa séparation avec la filiation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2362.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens aux réserves formulées par une haute personnalité de la République, et non des moindres, puisqu’il s’agit du défenseur des droits, auditionné le 13 décembre dernier. Dans la continuité de la nécessaire vulgarisation des travaux de la commission, et pour tenter de rétablir l’équilibre dont le rapport est dépourvu, j’en choisis quelques éléments.

    Les obligations internationales souscrites par la France ne sont pas respectées, on l’a vu cet après-midi à propos de l’article 310 du code civil et des deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012.

    Le défenseur des droits ajoute que la procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi présente une lacune évidente. L’étude d’impact ignore totalement la convention internationale des droits de l’enfant, un texte essentiel pour le sujet qui nous occupe ce soir : pas une page, pas une ligne lui est consacrée, alors qu’il s’agit d’un texte majeur. Il y aurait ainsi violation d’un certain nombre de principes supérieurs.

    C’est, me semble-t-il contraire à la considération primordiale dont l’intérêt supérieur de l’enfant doit faire l’objet, dans toutes les décisions qui le concernent, qu’elles soient le fait d’autorités administratives ou d’organes législatifs.

    Voilà ce qui fonde cet amendement.

    M. le président. Sur la série d’amendements identiques nos 1810, 1811, 2362, 3533, 3547 et 4188, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3533.

    M. Xavier Breton. L’assistance médicale à la procréation a un lien avec ce texte. Les députés socialistes le savent bien, puisqu’ils ont déposé un amendement sur ce sujet, avant de le retirer dans la perspective d’une loi sur la famille, annoncée pour la fin du mois de mars et dont l’avant-projet vient d’être dévoilé.

    Nous souhaiterions y voir un peu plus clair. Le Comité consultatif national d’éthique donnera-t-il un avis sur ce sujet ? Oui, car si vous ne l’avez pas saisi, madame la ministre, il s’est autosaisi, après que Christian Jacob a demandé sa saisine, le 12 octobre.

    Allez-vous organiser des états généraux sur ce sujet ? Je voudrais, à ce propos, répéter ce que Jean-Claude Ameisen, président du comité Consultatif national d’éthique, a déclaré : « Nous avons décidé de nous saisir nous-mêmes la semaine dernière, parce qu’on était en train de réfléchir à certains aspects, qui mériteraient une réflexion globale. ». Il a ajouté : « cette question mériterait des états généraux, des débats citoyens, cela durerait plusieurs mois »

    Alors, mesdames et monsieur les ministres, êtes-vous prêts à organiser ces états généraux ? Redouteriez-vous qu’ils ne durent plusieurs mois ? Avez-vous peur de la réponse qui pourrait être donnée à l’issue de ces états généraux ? Avez-vous peur de la réponse des Françaises et des Français ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3547.

    M. Hervé Mariton. Le Gouvernement n’a pas répondu hier à une question qui me paraissait très pratique, peut-être même un peu technique, mais qui est importante quant à l’application des articles 348 et suivants du code civil. C’est la raison pour laquelle nous proposons de les retirer de l’article balai.

    On se retrouverait dans une situation par construction différente de ce qui serait celle d’un couple hétérosexuel si des parents de même sexe consentaient à l’adoption de leur enfant. L’idée d’appliquer le même dispositif que pour un foyer hétérosexuel n’est pas vraisemblable. Il faudrait envisager davantage de protection, à la fois pour les parents et pour l’enfant, car le cadre n’est pas le même. Nous en revenons au poète Damas, madame Taubira. Vouloir régler de la même manière des situations à ce point différentes n’est pas raisonnable. Je pense notamment aux conditions de la rétractation évoquées aux articles 348-2 et 348-3.

    Vouloir par facilité – par habileté, comme avait dit le président de la commission des lois – appliquer l’article balai se révélera très défavorable aux enfants et aux parents. Avec en plus cette difficulté particulière liée à l’adoption internationale, du fait du refus de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels. Il y aura un effet de ricochet si un enfant précédemment adopté l’est de nouveau. Ces problèmes doivent être traités !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4188.

    M. Philippe Meunier. Madame la ministre de la famille, vous avez décidé de démolir notre code civil pour casser une structure familiale vieille de plusieurs siècles, pour ne pas dire plus, avec la volonté politique d’accoucher d’une nouvelle société aux rapports totalement brouillés.

    Pour la clarté de nos débats et pour éclairer notre assemblée, il serait important que vous puissiez expliciter ce soir votre avant-projet de loi sur la famille, afin que nous puissions apprécier la cohérence du Gouvernement. Ce projet de loi concerne tous les Français, les familles sont très intéressées et très inquiètes.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il a trait au bon déroulement de nos travaux, sur la base de l’article 58 alinéa 1. Dimanche, j’ai signalé au président de notre assemblée que certains collègues de la majorité utilisaient plusieurs boîtiers de vote.

    M. Pascal Deguilhem. Cela ne se fait pas de votre côté, bien sûr !

    M. Christian Jacob. Le président a fait remarquer que chacun devait se concentrer et ne voter que sur un seul boîtier, le sien. Le vote suivant, les résultats ont chuté d’une vingtaine de voix. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous vérifierez cela dans le compte rendu.

    À nouveau, lors du dernier vote, l’un de mes collègues a vu un député de la majorité appuyer sur trois boîtiers. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est acrobatique !

    Mme Audrey Linkenheld. Nous n’avons que deux mains ?

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous demande officiellement de saisir le bureau afin qu’il puisse visionner le dernier vote, pour s’assurer qu’aucun député n’a appuyé sur trois boîtiers. Si les couplages sont bien faits – et je fais confiance au groupe SRC sur ce point –, cela représente un écart de six voix pour un seul député, ce qui peut être très grave pour les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur le président Jacob, la demande sera transmise au bureau. Je me suis permis de faire la remarque tout à l’heure, pour avoir observé de chacun des côtés ce type de pratique, que je trouve déplorable. J’observe néanmoins qu’un regard rapide sur les députés présents montre que, de toute façon, cela ne serait pas de nature à remettre en cause le sens du vote.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    M. François Rochebloine. Ah, elle a répondu ! (Sourires)

    M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. Je souhaiterais apporter une précision s’agissant de l’avis du Conseil d’État, car nous sommes tous, en tant que parlementaires, attachés à la qualité de la loi.

    Madame la garde des sceaux nous a dit tout à l’heure que les avis du Conseil d’État étaient secrets. En réalité – c’est au programme de la première année de droit –, si le Gouvernement est destinataire de ces avis, il a la faculté de les rendre publics. Madame la ministre, vous avez la possibilité, si le Premier ministre en est d’accord – le ministre délégué aux relations avec le Parlement auprès du Premier ministre est présent ce soir –, de le transmettre à tout moment à la presse, aux citoyens donc, naturellement, à la représentation nationale.

    C’est si vrai que le Conseil d’État lui-même publie chaque année des extraits de ses avis. J’ai là le rapport 2012, où il offre à la connaissance du public de manière complètement transparente ses avis sur des projets de loi.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec.. Avec l’accord du Gouvernement !

    M. Guillaume Larrivé. Je pose donc directement la question au Gouvernement : souhaitez-vous que nous attendions plusieurs mois pour connaître de manière officielle le sens de l’avis du Conseil d’État ? Naturellement, il est nécessaire que nous en disposions avant pour pouvoir débattre utilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1810, 1811, 2362, 3533, 3547 et 4188

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 308

    Nombre de suffrages exprimés 305

    Majorité absolue 153

    Pour l’adoption 104

    contre 201

    (Les amendements nos 1810, 1811, 2362, 3533, 3547 et 4188 ne sont pas adoptés.)

    M. Bernard Roman. Il y a un écart de 15 voix à l’UMP !

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1816.

    M. Marc Le Fur. Notre excellent ministre chargé des relations avec le Parlement nous a rejoints. J’imagine que c’est pour nous donner des précisions sur l’avis du Conseil d’État. Je vois qu’il opine du chef. Nous attendrons et nous écouterons avec la plus grande attention ce qu’il nous dira.

    Je voulais auparavant évoquer d’autres exemples étrangers, puisqu’on a bien compris que vous vous inspirez des pays anglo-saxons de tradition libérale et utilitariste. Il y a l’Angleterre, mais il y a aussi les États-Unis, et il faut savoir qu’en Californie on va bientôt passer du couple au triple, puisque c’est l’une des dispositions que l’État californien envisage de légaliser. Entendez-vous imiter ces errements anglo-saxons ? L’ultime État qui vient de reconnaître les mariages du même sexe, c’est l’Illinois : Chicago, Eliot Ness, Al Capone… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Corinne Narassiguin. Obama !

    M. Marc Le Fur. L’État de l’argent, la ville de l’argent, voilà certainement qui vous inspire, et c’est redoutable. Revenez aux principes républicains ! Trouvons l’inspiration dans notre histoire et dans nos traditions, au confluent d’éléments très divers, qui doivent nous enrichir mutuellement et nous rassembler !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1817.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Voyant le ministre des relations avec le Parlement prêt à intervenir, je vais soulager Mme la garde des sceaux de ma dix-septième interrogation et porter au débat la suite de la contribution de Mme la professeure Nelrinck aux travaux de notre commission :

    « La démarche entreprise par la Gouvernement, écrit-elle, manque de clarté car, s’il affirme que le mariage n’est qu’un lien de couple, il le replace sur le terrain de la filiation en accordant aux couples de même sexe l’adoption. Les non juristes peuvent penser que ces filiations fictives sont sans rapport avec l’engendrement, ce qui les inscrit sans problème dans la logique du mariage pour tous. Cependant il n’en est rien dès lors que l’adoption de l’enfant du conjoint est prioritairement concernée. Or pour qu’un conjoint adopte, il faut que l’autre conjoint soit parent par le sang. Le refus d’aborder la question essentielle – celle de savoir comment une personne qui refuse des relations hétérosexuelles peut devenir parent – ne la fait pas pour autant disparaître et conduit à refuser ce qui consacre implicitement un droit à l’enfant. »

    Mon amendement est ainsi défendu.

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je vais tenter de répondre à deux questions précises.

    La première porte sur le fait de savoir si le Gouvernement a l’intention d’organiser des états généraux, dans le cadre de la saisine du Comité national d’éthique. C’est une question dont le destinataire n’est pas le bon, puisque la loi du 7 juillet 2011, que vous avez votée, prévoit dans son article 46 que les états généraux sont organisés à l’initiative du Conseil national d’éthique, après avis des commissions parlementaires compétentes.

    M. Bernard Roman. Bien sûr !

    M. Hervé Mariton. Avec quels crédits ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. À quel endroit et à quelle heure, pendant qu’on y est !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’essaie d’apporter des réponses précises à des questions précises. Si c’est ainsi que vous entendez contribuer au débat, monsieur Mariton, sans rien écouter de ce que dit le Gouvernement, permettez-moi d’utiliser une formule sportive : il n’est pas interdit d’essayer d’élever le niveau du jeu… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Pascal Cherki. Ils ont du mal !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ma réponse est donc claire et précise. Le destinataire fera ou non usage de ce pouvoir, mais si le Gouvernement s’arrogeait le pouvoir du Comité national d’éthique, vous seriez alors fondés à nous reprocher d’user de prérogatives qui ne nous appartiennent pas.

    Vous nous interrogez ensuite sur l’avis du Conseil d’État. La question n’est pas nouvelle, et nous avons souvent eu le débat, notamment au moment de la réforme constitutionnelle de 2008. L’article 39 de la Constitution prévoit que, avant l’examen d’un projet de loi en conseil des ministres, le Conseil d’État en est saisi par le Gouvernement, en sa qualité de conseil du Gouvernement – je le précise, car j’ai entendu que certains confondaient sa fonction contentieuse et sa fonction consultative. Ce n’est pas une spécificité de notre république, et peu de règles de droit ont une constance aussi forte, puisque cette pratique remonte au Consulat.

    Si ces avis ne sont pas rendus publics, ce n’est pas parce que le Gouvernement aurait le goût du secret mais parce que la fonction consultative du Conseil d’État et le contenu de ses avis exige qu’il puisse s’exprimer en toute liberté. C’est cette liberté qui est protégée par le secret.

    On a souvent abordé dans cette enceinte la question de la publicité des avis du Conseil d’État, et vous trouverez des kilomètres de compte rendu sur le sujet. En 2008, au moment de la révision constitutionnelle, certains parmi vous, à droite comme à gauche, défendaient déjà la publicité des avis, mais l’Assemblée s’était majoritairement ralliée à la position contraire, défendue par Mme Dati en des termes proches des miens.

    Vous avez donc voté contre le changement de règle, proposé d’ailleurs par l’un d’entre vous, dont je vois qu’il se reconnaît dans mes propos. Cette décision était cohérente avec votre pratique. En effet, si le Premier ministre peut lever le secret et rendre le document public, cela ne s’est en pratique produit que très rarement, de façon exceptionnelle. Si ma mémoire est bonne, l’une des dernières fois, c’était pour un projet de loi sur la Corse, car il comportait des expérimentations institutionnelles.

    Je vois ici beaucoup d’entre vous qui ont exercé de hautes fonctions ministérielles, auprès des plus hautes personnalités de l’État : aucun n’a jamais réclamé que ces avis soient rendus publics ni levé le secret sur ces avis. Et je pense que vous avez eu raison. Un jour – j’espère le plus tard possible – vous serez peut-être de nouveau aux responsabilités, et je ne doute pas un instant que vous perpétuerez l’usage républicain.

    Je rappelle que ces avis n’ont même pas le statut de documents administratifs, afin que l’on ne puisse pas saisir la Commission d’accès aux documents administratifs pour y avoir accès.

    Sommes-nous aujourd’hui dans une situation exceptionnelle qui justifierait la levée du secret ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Laure de La Raudière. La filiation !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je vous donne la réponse, claire et précise du Premier ministre, puisque c’est le Premier ministre qui prend la décision : il a décidé de ne pas rendre public l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Le problème est encore plus grave que ne le dit le ministre. Il y a en effet un avis que le Gouvernement ne peut pas nous transmettre, tout simplement parce qu’il n’existe pas, c’est l’avis sur les conséquences de l’article-balai.

    Nous examinons un texte révolutionné par l’article-balai, dont la vertu est entre autres de dispenser le Gouvernement et l’Assemblée d’un avis du Conseil d’État. Non seulement, donc, le Conseil d’État est très critique sur un certain nombre de dispositions du texte, mais sur d’autres, nous n’avons aucun moyen d’avoir un avis du Conseil d’État.

    M. Alain Fauré. Où est le rappel au règlement ?

    M. Hervé Mariton. Sur les points au sujet desquels le Gouvernement pourrait nous transmettre l’avis du Conseil d’État, il ne le veut pas ; sur d’autres, essentiels, il ne le peut pas, car cet avis n’existe pas !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je ne suis pas en désaccord avec votre démonstration, monsieur Mariton, mais je ne vois pas ce qu’elle apporte au débat,…

    M. Bernard Roman. Rien !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. …et vous n’avez pas poussé le raisonnement jusqu’au bout.

    Heureusement que le Conseil d’État ne donne pas son avis après que les parlementaires ont exercé leur droit d’amendement, qui est un principe constitutionnel ! Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a rappelé à deux reprises que le Conseil d’État n’était pas coauteur de la loi. Il n’y a que vous, parlementaires, qui puissiez faire la loi, puisque vous êtes les seuls porteurs du suffrage universel. C’est une bonne chose. Au-delà de vos élans passionnés, c’est notre patrimoine commun, la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. Pascal Popelin. Excellente réponse !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Sur le vote des amendements n°s 1816, 1817, 2363, 3540, 3562 et 4217, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2363.

    M. Philippe Gosselin. Je poursuis mon intervention sur les réserves émises par le défenseur des droits, lors de son audition par la commission des lois, le 13 décembre 2012. Il a évoqué les difficultés soulevées par les textes en vigueur, qui indiquent « qu’avant de délivrer l’agrément, le président du conseil général doit s’assurer que les conditions d’accueil offert par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté ».

    Cela signifie que « le conseil général doit procéder à des investigations, qui comportent notamment une évaluation sociale et psychologique. Le parcours de l’adoption est souvent vécu par les adoptants comme un parcours du combattant, long, intrusif, au nom, justement, de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or, qu’il s’agisse des services de l’aide sociale à l’enfance en charge de la délivrance des agréments à l’adoption ou qu’il s’agisse du juge chargé, lui, de la consécration juridique de l’adoption, sur quelles bases devront-ils fonder leur appréciation ? Peut-on renvoyer cette question aux pratiques diverses et parfois contradictoires des conseils généraux et de leurs conseils de famille ? »

    La modification apportée par l’article-balai n’apporte pas de réponses à ces questions. C’est la raison pour laquelle, je vous défends cet amendement de suppression.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3540.

    M. Xavier Breton. Je remercie M. le ministre des relations avec le Parlement pour les informations qu’il nous a données, notamment sur la saisine du comité consultatif national d’éthique et la possibilité qu’il organise des états généraux comme le prévoient les lois de bioéthique de 2011.

    Cela dit, soyons bien clairs, car il y a eu un cafouillage il y a quelques jours sur l’assistance médicale à la procréation. Cela veut-il donc bien dire que l’assistance médicale à la procréation n’est pas dans l’avant-projet de loi sur la famille tel qu’il est aujourd’hui diffusé ? Le CCNE, qui s’est saisi pour avis de cette question, organisera des états généraux, et ce sera à la lumière de ces états généraux, pendant lesquels tous les citoyens pourront enfin dire ce qu’ils pensent de ces questions, et après avis du Comité national consultatif d’éthique que le Gouvernement décidera d’intégrer ou non l’assistance médicale à la procréation dans le projet de loi sur la famille. Il était important que nous ayons ces précisions sur le calendrier.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3562.

    M. Hervé Mariton. L’organisation d’états généraux est une affaire lourde. Il appartient certes au Conseil de les demander, mais il faut ensuite les organiser. Nous y sommes favorables mais il y a la maîtrise d’œuvre et le coût. Cela ne s’improvise pas et il sera important que le Gouvernement prenne les engagements nécessaires pour les couvrir.

    Mon amendement porte sur l’article 348-4 et la situation particulière des couples de personnes de même sexe dont les enfants sont destinés à l’adoption. Je voudrais que le Gouvernement m’explique comment, dans l’intérêt des enfants, des parents qui proposent l’enfant à l’adoption et des parents adoptants, qui peuvent être un couple de personnes de même sexe ou pas, on peut raisonnablement imaginer de leur appliquer des dispositions standard par la vertu de l’article-balai ?

    Cela peut être l’honneur de la rédaction du code civil d’imaginer que certaines situations du type de celles que nous imaginons en cet instant ne soient pas nécessairement standard. Tout le problème de l’article-balai, c’est qu’il construit un code civil standard. Ce n’est pas raisonnable, on l’a vu tout à l’heure avec la manière dont le maire peut célébrer un mariage en mairie. Il s’agit là de dispositions plus techniques, d’une certaine manière, mais importantes pour la vie de l’enfant.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4217.

    M. Philippe Meunier. M. Le Roux a mis en avant le modèle britannique en se félicitant de sa législation. Nous savons qu’un certain nombre de membres du Gouvernement sont favorables à la GPA. Puisque Mme la ministre de la famille ne s’est pas exprimée ce soir, j’aimerais qu’elle nous donne son avis sur l’évolution de la législation britannique et sur le fait que la GPA soit autorisée par les Britanniques.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Je ne comprends pas, monsieur Mariton, la question que vous posez et reposez. La disposition interprétative intervient au livre Ier, c’est un article 6-1. Je ne vois pas ce qui peut lui échapper.

    Vous dites que la disposition interprétative crée un code civil standard. C’est au contraire une disposition qui adapte.

    M. Hervé Mariton. Elle n’adapte rien du tout !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Lorsque le code civil parle de père et de mère – pas si souvent que ça, vous en êtes convenu vous-même, puisqu’il parle de parents dans de nombreuses situations, d’époux ou de conjoints extrêmement fréquemment –, la disposition interprétative adapte les dispositions du code aux différentes situations. Vous ne pouvez donc pas dire qu’elle crée un code civil standard puisque c’est exactement le contraire.

    Vous n’arrêtez pas de nous répéter que l’article 371-1 y échappe mais puisque cette disposition est placée au début du livre Ier, avant l’article 6, comment peut-il y échapper ? C’est mystérieux.

    M. Hervé Mariton. Il n’y échappe pas, c’est ça le problème !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Nous sommes ce soir dans une situation incroyable.

    M. Thomas Thévenoud. Ce soir ? Depuis une semaine !

    M. Philippe Cochet. On a d’abord l’impression d’être dans une veillée funèbre, funeste, dirai-je même.

    La majorité est totalement atone devant l’incapacité du Gouvernement à nous donner des réponses précises, ce qui montre bien, mes chers collègues, votre malaise et votre incapacité à vous affranchir des consignes de vote qui vous sont données. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Heureusement que l’opposition essaie d’avoir des éclaircissements sur ce dossier absolument funeste. Je suis désolé de vous avoir réveillés…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Où étiez-vous ce week-end ?

    M. Philippe Cochet. …mais c’est bien une soirée mortuaire que nous avons ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

    Mme Axelle Lemaire. J’essaierai de ne pas être trop funeste ! Pour reposer les esprits ou peut-être pour les faire s’échapper, j’aimerais moi aussi proposer une parenthèse internationale. La destination n’est pas exotique puisqu’il ne s’agit que de traverser la Manche. Ce sera factuel, ne vous inquiétez pas, vous n’aurez nulle raison d’invectiver. Je me contenterai de rendre compte et vous demanderai de ne pas juger.

    Quelques chiffres, d’abord : un débat ouvrant le mariage civil aux couples homosexuels a commencé à douze heures trente-cinq le mardi 5 février à la Chambre des communes et s’est terminé à dix-neuf heures, soit six heures trente de débat. Il y a eu soixante-douze interventions de députés, de quatre minutes chacune, puis un vote, 400 MPs – les députés anglais – traversant le lobby du yes, 175 députés franchissant la porte du non.

    Le Premier ministre britannique, M. David Cameron, s’est exprimé en ces termes : « la loi rendra la société britannique plus forte. C’est un pas en avant pour notre pays et je suis fier que notre gouvernement l’entreprenne ».

    Sur le fond, toutes sortes de choses ont été entendues cet après-midi à Londres, légères ou sérieuses, pas toujours agréables, mais toujours très civiques.

    Je retiens un discours, celui de la députée Yvette Cooper. Elle a fait le récit de cette femme, mariée depuis très longtemps, depuis toujours aux yeux des autres, qui lutte pour se souvenir du monde qui l’entoure, du mari avec lequel elle a passé sa vie, devenu un étranger, et qui, pourtant, la lave, la lève, la nourrit et la couche, pour le meilleur et pour le pire, pour le plus riche et le plus pauvre, dans la santé comme dans la maladie.

    Tels sont, mes chers collègues, les errements anglo-saxons que vous décrivez, les mêmes qui ont ouvert l’adoption aux couples homosexuels, pour le meilleur et pour le pire, mais pour tous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 1816, 1817, 2363, 3540, 3562 et 4217.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 294

    Nombre de suffrages exprimés 291

    Majorité absolue 146

    Pour l’adoption 97

    contre 194

    (Les amendements n°s 1816, 1817, 2363, 3540, 3562 et 4217 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous passons à une autre série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2423.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens aux remarques du défenseur des droits lors de son audition du 13 décembre 2012. Après avoir abordé la question des enfants et les questions d’adoption, nous en arrivons à la filiation.

    La présomption de paternité ne pouvant pas s’appliquer aux couples de même sexe, quelle place faut-il réserver aux tiers, c’est-à-dire aux parents biologiques, qu’ils soient connus ou anonymes ? C’est une question qui nous a évidemment taraudés et nous avons essayé à différentes reprises de vous présenter des amendements. Nous avions aussi prévu de développer ces éléments et il n’a évidemment pas été fait droit à cette demande.

    Par cohérence avec le statut qui nous est proposé, la suppression de cette partie de l’article 4 nous semble tout à fait justifiée.

    J’en profite pour remercier le ministre de ses précisions, en regrettant toutefois qu’il ait fallu insister autant pour avoir des réponses qui, très sincèrement, auraient pu être données beaucoup plus vite. Nous n’aurions peut-être pas posé alors les mêmes questions, ce qui nous aurait permis d’avancer plus vite ce soir.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2720.

    M. Marc Le Fur. Je reviens sur la question du Conseil d’État. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut aller au fond des choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alain Fauré. Vous y êtes totalement, au fond !

    M. Marc Le Fur. M. Vidalies nous a expliqué une chose simple, identifiée, connue de tous, c’est que le Gouvernement n’est pas obligé de communiquer l’avis du Conseil d’État. Nous le savions, ce n’est pas une information, ce n’est pas ça le sujet.

    M. Bernard Roman. Que voulez-vous savoir maintenant ?

    M. Marc Le Fur. J’avais demandé en 2008 que l’on soit obligé à l’avenir de communiquer l’avis du Conseil d’État. Nous allons avoir des travaux de révision constitutionnelle, des lois organiques, nous aurons donc l’occasion de revenir sur ce point et je suis convaincu qu’un grand nombre d’entre nous adhérerons à cette demande, mais ce n’est pas du tout la question.

    Il n’y a aucune obligation, mais le Gouvernement a la faculté de nous communiquer cet avis. Pourquoi ne le fait-il pas ? La seule explication qui tienne, c’est que nous placerons les conseillers d’État, sachant que l’avis sera communiqué, dans une situation de terreur, comme si nous étions menaçants à leur égard. Ce sont des gens totalement indépendants, totalement protégés, et c’est logique. Cet argument ne tient donc pas.

    Le problème, c’est que l’absence de communication crée une inégalité parce que certains disposent de l’avis. M. Touraine, qui le commentait tout à l’heure, l’avait sous les yeux.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2153.

    M. Dominique Tian. Marc Le Fur a totalement raison en demandant l’avis du Conseil d’État.

    Cela dit, puisque le débat devient international, Mme Lemaire, qui représente les Français installés en Angleterre, grâce d’ailleurs au Président Sarkozy, qui a souhaité cette évolution, pourrait-elle nous indiquer par quel système magique, le débat a été bouclé en Grande-Bretagne en moins de six heures et, surtout, quels avis juridiques ont été demandés par le Parlement anglais ? A-t-on demandé l’avis du Conseil d’État anglais, de la reine d’Angleterre ou de je ne sais qui ? Quelle aide juridique est intervenue pour que les choses aillent aussi vite alors que, dans ce Parlement, on nous refuse l’accès à l’avis du Conseil d’État ? On oublie d’éclairer le Parlement français. Apparemment, les méthodes anglaises sont beaucoup plus efficaces, peut-être parce qu’il s’agit de conservateurs et qu’ils sont puissamment aidés par des instances juridiques britanniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur les amendements n°s 2423, 2720, 2153, 3737, 4201 et 4436, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3737.

    M. Xavier Breton. Je voudrais dire à ceux de mes collègues qui peuvent douter de l’utilité de nos débats que nous avançons, certes laborieusement, en raison surtout de la lenteur des réponses du Gouvernement à nos questions, mais progressivement parce que nous avons eu un élément de calendrier important.

    Nous savons maintenant que l’assistance médicale à la procréation pour raisons de convenance personnelle, qui, encore une fois, a un lien direct avec ce texte puisque vous vouliez l’y intégrer, a été reportée. Nous savons aussi qu’alors qu’elle devait être inscrite dans le projet de loi sur la famille, elle ne le sera pas avant que ne se prononcent le Comité national d’éthique, qui s’est saisi de cette question, ainsi que les états généraux qu’il organisera. Telle est la lecture que je fais des propos du ministre chargé des relations avec le Parlement. Pour la clarté de nos débats, il serait important, madame la ministre chargée de la famille, que vous nous confirmiez ce calendrier.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4201.

    M. Hervé Mariton. Je n’ai pas su me faire comprendre de Mme la garde des sceaux. S’agissant de l’article 371-1 du code civil, j’ai demandé qu’il soit exclu de l’effet de l’article balai. Cet article balai rend impossible, ou en tout cas particulièrement inadaptée, l’application de l’article 371-1. Vous ne pouvez pas, dans l’article 371-1, faire comme si « père et mère » s’appliquaient à des personnes de même sexe. Cela marche à l’écrit mais non à l’oral solennel de la lecture des articles par le maire devant les futurs conjoints.

    S’agissant des articles 348, 348-1 et suivants du code civil, il s’agit là aussi de les exclure de l’article balai. Ce dernier ne convient pas là non plus, non pas tant du fait de la situation physique des personnes que de leur historique, de quelque chose qui se regarde dans le temps : l’historique de l’adoption de l’enfant est différent puisqu’il s’agit de l’enfant d’un couple de personnes du même sexe, qui a donc probablement déjà été adopté précédemment. On crée une catégorie nouvelle qui est celle d’une deuxième adoption. Celle-ci peut être liée aux circonstances de la vie, mais nous parlons là de l’enfant d’un couple de personnes de même sexe. C’est une donnée historique de l’enfant singulièrement différente, et j’ai parlé de « code civil standard » parce que vous voulez tout traiter de la même manière.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4436.

    M. Philippe Meunier. Mme Lemaire a tout à l’heure rappelé l’exemple anglais. Pour le parti socialiste, l’Angleterre est apparemment devenue un exemple. (Mouvements divers.) M. Tian a également abordé la question. Il y a une personne que nous n’avons pas entendue ce soir : Mme la ministre chargée de la famille. Je repose donc ma question car elle est importante pour la suite de nos travaux : quelle est la position de Mme la ministre de la famille au sujet de la GPA autorisée par le gouvernement britannique ?

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je répondrai parce que je viens de comprendre ce que M. Mariton essaye de nous dire (Mouvements divers) et que je veux lui rendre hommage car il est le seul à caler ses arguments sur les amendements (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR), ce qui n’est pas le cas de ses collègues, qui se contentent de relire le rapport ou des articles de presse.

    La série des articles 348 du code civil envisage l’abandon d’enfants par les parents. Rien dans ces articles ne donne une information sur la façon dont ces enfants ont été conçus. Vous suggérez, monsieur Mariton, que les mots « père et mère » indiquent forcément une filiation biologique, mais ce n’est pas le cas : il peut s’agir de parents adoptifs. Il peut même arriver, même si c’est fort improbable, que deux abandons successifs se produisent. Vous ne pouvez pas rendre inapplicable cet article pour les couples de personnes de même sexe, ce n’est pas possible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les mots « père et mère » ne renvoient pas forcément à une filiation biologique. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. J’ai le sentiment que nous nous répétons inlassablement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais je me répéterai à nouveau. Le projet de loi dont nous discutons porte sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe et n’aborde ni la question de la PMA ni celle de la GPA. Sur cette dernière question, le Gouvernement a toujours été on ne peut plus ferme et clair : la GPA est interdite et le restera.

    M. Dominique Tian. Circulaire Taubira !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne sais pas comment il faut le dire, s’il convient, comme dans Molière, d’essayer dans tous les sens : « GPA interdite », « interdite GPA », « GPA Gouvernement interdite »… C’est une façon de perdre son temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Sur les autres questions, vous avez eu mes réponses et celles d’Alain Vidalies. Nous avons redit les mêmes choses au moment des questions au Gouvernement, et mon collègue vous a encore apporté des précisions ce soir. Après cela, si vous ne voulez pas entendre, c’est votre responsabilité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Puisque M. Mariton revient sur l’article 371-1, je veux m’assurer qu’il n’y a pas d’ambiguïté. Nous sommes d’accord, monsieur Mariton, que cet article traite de l’autorité parentale et non de la filiation, n’est-ce pas ? J’ai cru que vous nous disiez que les dispositions de l’article 4 ne s’appliquaient pas à l’article 371-1. Puis, vous venez de nous dire qu’il faudrait que ces dispositions ne s’appliquent pas.

    M. Hervé Mariton. Bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pourquoi ? Il s’agit de l’autorité parentale et non de la filiation ; qu’est-ce que la biologie vient faire là ? Je cite l’article : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. » Jusque-là tout va bien. « Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité »…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Eh voilà ! C’est là !

    M. le président. S’il vous plaît !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La disposition interprétative placée au livre Ier, avant l’article 6, s’applique ici.

    M. Marc Dolez. Bien sûr !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle indique que, pour les couples hétérosexuels, il faut lire « père et mère » et, pour les couples homosexuels, « parents ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Non !

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. Nicolas Dhuicq. Aux honorables membres de cette assemblée qui voudraient rapidement devenir sujets de Sa Majesté, je souhaite rappeler quelques éléments de réalité. Tout d’abord, dans le processus britannique, il ne s’agit pour l’instant que d’un projet de loi passé en deuxième lecture. Le travail de commission n’a pas encore eu lieu, non plus que le travail d’amendement à la Chambre des communes ainsi que la troisième lecture, avant que le texte passe à la Chambre des lords et que la Reine donne son avis. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

    M. Pascal Deguilhem. Que l’on fasse venir la reine d’Angleterre, monsieur le président !

    M. Jean-Claude Perez. Vive la République !

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Nicolas Dhuicq. Vous pouvez bien hurler ! Anda, anda !

    Ensuite, chers collègues, vous devriez lire la page 24 du projet de loi britannique : les mots « mari et femme » sont intégralement conservés dans le projet, ainsi qu’à la page 25 le mot « veuve ».

    Comme le disait un ancien Premier lord de l’Amirauté : « We shall never surrender ! »

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. C’est l’heure où la Reine d’Angleterre est entrée dans le débat… (Rires.)

    Votre réponse, madame la garde des sceaux, est audible techniquement. Il n’en reste pas moins que, l’article 371-1 étant ce qu’il est, le premier magistrat de la commune aura bien à dire aux personnes de même sexe qu’il aura devant lui que l’autorité parentale est exercé par « père et mère ».

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Hervé Mariton. Bien sûr que si, car la rédaction de l’article 4, à savoir l’article 6-1 dont vous parlez, balaie l’ensemble des dispositions pour les parents de même sexe mais ne récrit pas l’article 371-1. Et même s’il le récrivait, cela conduirait le maire à dire « les parents de même sexe »,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non : « les parents » !

    M. Hervé Mariton. …une formule que l’on peut entendre, mais cela ne porte pas conséquence d’écriture. Le choix de la commission est de ne pas changer la rédaction des articles : c’est ça, un article-balai. Du fait que c’est ce choix qui s’est imposé et non le vôtre, madame la garde des sceaux, la rédaction de l’article 371-1 ne change pas. Les maires vont donc, devant un couple de deux hommes ou de deux femmes, dire que l’autorité parentale appartient aux « père et mère jusqu’à la majorité et l’émancipation de l’enfant ».

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. Hervé Mariton. Ne faites pas le même enfumage que sur l’affaire du nom patronymique ! Cela a duré un temps, et je crois que les Français commencent à comprendre ce qu’est cette révolution du nom patronymique. Là, il ne s’agit pas de révolution mais d’une situation impossible dans laquelle vous mettez les officiers publics et les conjoints de même sexe.

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2423, 2720, 2153, 3737, 4201 et 4436.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 266

    Nombre de suffrages exprimés 266

    Majorité absolue 134

    Pour l’adoption 83

    contre 183

    (Les amendements nos 2423, 2720, 2153, 3737, 4201 et 4436 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous prenons une dernière série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1821.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Dans le souci de ne pas prolonger inutilement nos échanges sur cette dernière série, je ne détaillerai pas ma présentation, qui n’a échappé à personne. L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1824.

    M. Marc Le Fur. Nous arrivons au bilan de la journée. Ce bilan, quel est-il ? Un rapporteur qui ne dit rien, n’a rien à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Un président de la commission excellemment remplacé par son vice-président, mais un président absent : sur un texte aussi essentiel, c’est surprenant. (Mêmes mouvements.) Nous sommes un certain nombre à siéger depuis longtemps dans cette assemblée : combien de fois avons-nous vu vide un banc de la commission ? Très rarement.

    M. Jean-Claude Perez. Vide vous-même !

    M. Marc Le Fur. Une ministre de la famille qui est revenue, alors qu’elle était alitée hier soir ; elle progresse. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. S’il vous plaît ! Inutile de vous agiter sur les derniers amendements, chers collègues !

    M. Jean-Claude Perez. Il a des spasmes !

    M. Marc Le Fur. Un ministre chargé des relations avec le Parlement dont on connaît la compétence et une garde des sceaux qui traite de manière un peu cavalière – et je suis très modéré dans mon propos – une grande institution de la République, le Conseil d’État. Il faudrait que nous sachions respecter les grands corps de l’État, l’administration en général ; nous y gagnerions tous. (Mêmes mouvements.)

    Ce qu’il faut retenir également, c’est que nous n’avons toujours pas de réponses à nos questions. Nous savons que cet article 4, initialement rédigé par le Gouvernement et récrit par l’Assemblée sous la forme d’un article balai, ne convient pas, dans sa nouvelle rédaction, à la garde des sceaux. Elle fait avec ; c’est ce qu’elle nous a dit on ne peut plus clairement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, je n’ai pas dit cela !

    M. Marc Le Fur. En tout état de cause, nous espérons que, demain,…

    M. Jean-Claude Perez. Tout à l’heure !

    M. Marc Le Fur. …puisque nous aurons le temps d’examiner les amendements successivement, nous pourrons revenir, ne serait-ce qu’à la marge, à une rédaction un peu plus satisfaisante. Je suis convaincu que la nuit réparatrice que les uns et les autres vont passer nous le permettra !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2517.

    M. Philippe Gosselin. À cette heure fort avancée, sentant que la lassitude pourrait nous guetter, et pour ne pas abuser des bonnes choses, je me contenterai d’un : défendu.

    M. le président. Sur les amendements identiques nos 1821, 1824, 2517, 3543, 3570 et 4220, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3543.

    M. Xavier Breton. Je m’associe au bilan proposé par M. Le Fur et, pour tenter de regagner un peu de la sympathie de mes collègues, je considère cet amendement comme défendu. Je donne mon temps à M. Mariton qui le prendra bien volontiers.

    M. le président. Le temps est pour chacun de deux minutes.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3570.

    M. Hervé Mariton. Il s’agit de l’obligation alimentaire, qui n’est pas si aisée à faire comprendre à nos concitoyens aujourd’hui.

    La construction fictive – que souligne l’article-balai – de la relation familiale que vous bâtissez va fragiliser davantage encore l’obligation alimentaire, dans les foyers homosexuels comme hétérosexuels.

    Dois-je vous rappeler l’analyse proposée par le laboratoire des idées du Parti socialiste, qui essayait d’estimer les conséquences de la multi-parenté ? L’homoparentalité impliquant un nombre de parents qui peut être supérieur à deux – cette approche est en effet admise dans un certain nombre de pays – se pose alors la question du parent auquel est due l’obligation alimentaire. La réponse avancée est celle-ci : les deux premiers dans l’ordre chronologique.

    Mesdames et messieurs de la majorité, vous ne construisez pas une famille, ni une obligation alimentaire avec des raisonnements de ce type. Votre approche fictive va abîmer l’obligation alimentaire et renvoyer la solidarité au seul échelon public, aggravant de ce fait les dépenses publiques et les déficits.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4220.

    M. Philippe Meunier. Pendant de très nombreuses heures, nous avons essayé de remettre le code civil à l’endroit, en tentant de faire adopter nos amendements. Malheureusement, la majorité n’est pas réceptive et continue à voter comme une machine : j’espère que demain vous n’aurez pas à subir le mandat impératif, mes chers collègues, et que vous voterez en conscience.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. Nous avons cité Georges Orwell, et nous y reviendrons la nuit prochaine, car il a écrit beaucoup de textes ; nous avons également cité Aldous Huxley ; mais je voudrais maintenant que vous méditiez sur Lewis Carroll.

    Un gouvernement absent, un avis du Conseil d’État qu’on cherche en tous sens, un texte absent, des pères et des mères qui disparaissent (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mes chers amis, votre projet de loi, c’est La Chasse au Snark !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1821, 1824, 2517, 3543, 3570 et 4220.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 257

    Nombre de suffrages exprimés 257

    Majorité absolue 129

    Pour l’adoption 71

    contre 186

    (Les amendements nos 1821, 1824, 2517, 3543, 3570 et 4220 ne sont pas adoptés.)

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, mercredi 6 février à quinze heures :

    Questions au Gouvernement ;

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le mercredi 6 février 2013, à une heure cinq.)

  • 1ère séance du mercredi 6 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1
    Questions au Gouvernement

    M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Conseil européen

    M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    Mme Nicole Ameline. Ma question s’adresse au Premier ministre et, en son absence, à M. le ministre des affaires européennes.

    Le Conseil européen s’ouvre sur une perspective de compromis budgétaire qui n’affecte pas, à ce stade de la discussion, les intérêts vitaux de l’Europe, en particulier ceux de la France – je pense à la politique agricole commune, élément clé notre souveraineté nationale et européenne et dont le groupe UMP a toujours affirmé le caractère non négociable.

    Le groupe UMP souhaite naturellement qu’un accord soit trouvé avec nos partenaires sur le budget de l’Union pour la période 2014-2020.

    Les négociations sont complexes, nous le savons, elles l’ont toujours été, mais nous pensons que cette discussion fondamentale débouchera sur une issue favorable.

    Cependant, nous nous inquiétons des conditions dans lesquelles la France arrive à la table des négociations. Force est de constater que notre pays est isolé.

    Dans cette discussion budgétaire, comme dans la conduite courageuse, mais si peu soutenue, de son opération au Mali, la France n’a pas retrouvé le leadership qu’elle a toujours exercé aux côtés de l’Allemagne au sein de l’Europe.

    Or jamais l’Europe n’a eu à ce point besoin d’une France forte, fédératrice et aux idées claires.

    Monsieur le ministre, comment notre pays compte-il manifester l’impulsion politique dont l’Union européenne a besoin face à ses 25 millions de chômeurs et à son affaiblissement sur la scène politique internationale ?

    Sur quelles alliances et sur quelles priorités économiques la France peut-elle redonner à l’Europe l’unité qui lui fait si cruellement défaut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

    M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame Nicole Ameline, je regrette vraiment beaucoup, en écoutant votre question, que nous n’ayons pas eu l’idée de vous convier à venir écouter le discours du Président de la République au Parlement européen hier car vous auriez vu toutes les sensibilités politiques représentant tous les pays du Parlement européen applaudir debout le discours du Président de la République, en particulier les orientations qu’il préconise pour l’Europe et pour le budget de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Je regrette vraiment très sincèrement que vous n’ayez pu assister au Conseil affaires générales qui s’est tenu lundi à Bruxelles et qui a été l’occasion pour l’ensemble des pays de l’Union européenne d’apporter leur soutien unanime à l’opération engagée par la France au Mali. Ces pays ont reconnu le rôle de leader et de précurseur que nous avons joué sur cette affaire et ils ont remercié la France pour l’action qu’elle a engagée. Ils l’ont soutenue et ont confirmé les moyens qu’ils avaient décidé d’apporter à cette opération, moyens aussi bien militaires que financiers, lesquels ont également été confirmés à l’occasion de la conférence des donateurs d’Addis-Abeba, à laquelle participait le ministre des affaires étrangères.

    Je regrette que vous n’ayez pas pu davantage participer, à l’occasion du dîner qui s’est tenu avec Herman Van Rompuy,…

    M. Yves Fromion. Nous n’étions pas invités !

    M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …à une discussion entre les ministres des affaires européennes. Vous auriez alors constaté combien la position de la France est équilibrée. Elle veut un bon budget pour l’Union européenne qui ne se réduise pas à une négociation sur des coupes et des rabais pour faire de la croissance, elle veut mener une bonne politique agricole commune et une politique de cohésion qui permette de dégager de la croissance. Ces actions portées par la France ont reçu un accueil et un soutien sans faille des pays de l’Union européenne. C’est dans cet esprit que nous abordons la négociation de la fin de la semaine et nous sommes convaincus que, grâce à notre position centrale et européenne, nous parviendrons à un bon accord pour la croissance et pour l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Déplacement du Président de la République à Strasbourg

    M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    M. Philip Cordery. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

    Hier, à Strasbourg, le Président de la République a présenté au Parlement européen une vision claire et ambitieuse de l’Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Largement applaudi sur tous les bancs de cette assemblée – le ministre l’a rappelé –, y compris ceux de droite, il s’est posé en chef de file de la réorientation de l’Europe.

    M. Franck Gilard. Quel leader !

    M. Philip Cordery. Contrairement à la majorité précédente, qui est restée embourbée dans une politique d’austérité dictée par Mme Merkel, François Hollande manifeste une nouvelle dynamique qui fait vivre la croissance, l’intégration et la solidarité.

    La croissance passera par un budget européen ambitieux, à la mesure des défis qui attendent l’Europe en crise. Ce futur budget devra préserver nos grandes politiques communes, tout en complétant le pacte de croissance par des investissements dans l’innovation, les infrastructures et les nouvelles énergies.

    L’intégration sera fondée sur une harmonisation des politiques fiscales, sur une meilleure coordination des politiques économiques, y compris en matière industrielle, sur la création de ressources propres, au premier rang desquelles la taxe sur les transactions financières, sur de nouveaux instruments financiers tels que les emprunts communs et sur une politique de taux de change de la zone euro.

    La solidarité s’appuiera sur des politiques qui protègent les plus faibles : c’est un fonds d’aide aux plus démunis doté de moyens conséquents, c’est la mise en place d’une garantie jeunes qui offrira à tous les jeunes un emploi ou une formation à la fin de leurs études, ce sont les aides aux restructurations.

    Enfin, le Président de la République a relancé la dynamique européenne en proposant une démarche d’intégration différenciée, qui nous permettra d’avancer plus vite sur certains sujets en laissant la possibilité aux autres États de nous rejoindre.

    C’est une nouvelle ambition pour l’Europe qu’a présentée le chef de l’État.

    Monsieur le ministre, pourriez-vous nous exposer la stratégie de la France pour aboutir à un accord ambitieux sur le budget européen et nous préciser la feuille de route pour développer l’intégration solidaire annoncée par le chef de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Franck Gilard. C’était laborieux !

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

    M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je vous confirme que nous n’avons pas négocié, au mois de juin dernier, un plan de 120 milliards pour la croissance, pour accepter au mois de février 200 milliards de coupes dans le budget de l’Union européenne, le solde servant à financer des chèques et des rabais pour un certain nombre de pays de l’Union. Ce n’est pas la stratégie de la France. La stratégie de la France, c’est d’avoir un bon budget pour la croissance.

    Nous devons faire en sorte que le budget destiné à accompagner l’innovation, les PME-PMI, les transferts de technologies et la recherche soit doté correctement. Dans les propositions du Conseil européen, il augmenterait de 47 %, le programme Connecting Europe de près de 400 %. Nous nous battrons d’abord pour avoir un bon budget pour la croissance.

    Nous voulons que la politique agricole commune fasse l’objet d’une allocation de moyens budgétaires supplémentaires parce que cette politique a fait l’objet de coupes qui ont été rectifiées pour partie en novembre et qui devront l’être davantage encore à l’occasion du Conseil européen du mois de novembre.

    Nous voulons par ailleurs avoir la garantie qu’à la fin de la semaine nous obtiendrons, pour nos régions en transition, pour les régions ultrapériphériques, les moyens budgétaires qui leur permettront d’avoir un niveau d’investissement favorisant le retour de la croissance.

    Voilà, très concrètement, l’agenda qui est le nôtre.

    Vous avez raison de dire qu’hier, lorsque le Président de la République a indiqué qu’il souhaitait que le budget de l’Union européenne soit doté à terme de ressources propres, que la taxe sur les transactions financières et, peut-être demain, la fiscalité carbone viennent l’alimenter, il a dégagé pour l’Union européenne, en termes d’approfondissement et de confortement de l’Union, des perspectives qui ont suscité l’enthousiasme des parlementaires européens.

    Enfin, je veux vous dire que nous sommes résolus à aller plus loin dans le sens de l’union politique et du renforcement de l’union économique et monétaire. C’est la volonté du Président de la République pour la solidarité. C’est la raison pour laquelle nous nous battrons pour le programme d’aide aux plus démunis, qui doit permettre de tendre la main à ceux qui sont affectés par la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    PSA

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre du redressement productif, avec de nombreux élus, j’étais hier devant l’entreprise PSA d’Aulnay, aux côtés des salariés en lutte, afin que cesse la criminalisation de l’action syndicale. Lock-out, vigiles privés, déplacement de cadres et mise au tribunal de responsables syndicaux : voilà des pratiques style Citroën que l’on espérait révolues !

    M. Jean-Luc Reitzer. N’importe quoi !

    Mme Marie-George Buffet. Le bâton ne peut pas remplacer la négociation. Le droit de grève, ne saurait être remis en cause ! Les syndicalistes ne sont pas des casseurs, mais des femmes et des hommes en colère, une juste et saine colère devant la casse de leur usine et de leurs emplois.

    M. Jean-Luc Reitzer. Quand PSA sera mort, vous serez contents !

    Mme Marie-George Buffet. Une colère d’autant plus grande qu’une alternative à la fermeture existe avec le plan industriel et social présenté par la CGT. Il montre, monsieur le ministre, qu’on peut faire autrement et que la fermeture d’Aulnay n’est pas inéluctable, contrairement à ce que vous avez déclaré hier sur les ondes.

    Ce plan,…

    M. Jean-Luc Reitzer. C’est le meilleur moyen de le tuer complètement !

    Mme Marie-George Buffet. …la direction refuse toujours d’en débattre, alors que de nombreux observateurs pointent des erreurs stratégiques de la part du groupe PSA. Erreurs auxquelles s’ajoute la chute des immatriculations due aux politiques d’austérité – on voit leur nocivité – menées au sein de l’Union européenne.

    Ce n’est pas aux salariés de payer la note. C’est pourtant, semble-t-il, l’objectif de la direction, qui n’apporte que des réponses floues et insuffisantes sur le devenir du site d’Aulnay et des emplois de l’ensemble du groupe.

    Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les initiatives que vous comptez prendre pour faire respecter les droits syndicaux et permettre que de véritables négociations aient lieu chez PSA pour l’emploi et le devenir de notre industrie automobile. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Luc Reitzer. Démagogie !

    M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

    M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, s’agissant d’abord du dialogue social et du respect des droits syndicaux, le Gouvernement, et notamment Michel Sapin, le ministre du travail, sont particulièrement vigilants pour que les droits des salariés soient respectés.

    Un député du groupe UMP. Baratin !

    M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est d’autant plus nécessaire que la situation de PSA, aujourd’hui, n’est pas – c’est le moins qu’on puisse dire – avantageuse. En 2012, c’est moins 17 % de ventes, et au mois de janvier moins 19,5 %.

    M. Jean-Luc Reitzer. Oui, c’est ça, la réalité !

    M. Arnaud Montebourg, ministre. Le Gouvernement a dû garantir la banque de PSA à hauteur de 7 milliards pour que celle-ci puisse continuer à fonctionner et se refinancer.

    Nous avons exigé en contrepartie un administrateur au conseil de surveillance, M. Louis Gallois, en relation avec l’État, et la présence de salariés qui vont bientôt entrer dans le conseil d’administration pour augmenter le dialogue social. Nous avons interdit la distribution de dividendes, contrairement, comme vous l’avez dit, à ce qui s’est fait dans un passé récent et qui a pu faire croire que Peugeot pouvait se permettre de distribuer des dividendes pendant qu’elle préparait secrètement, avec la complicité de nos prédécesseurs, un plan social de 8 000 licenciements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Luc Reitzer. Caricature ! Démagogie !

    M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons également exigé la discussion de toutes les décisions stratégiques qui concernent Peugeot et ses filiales avec le Gouvernement. Voilà pour les mesures conservatoires.

    Maintenant, quelle est la situation ?

    Vous vous en souvenez, nous avons mandaté un expert, M. Sartorius. Les organisations syndicales ont fait de même avec Secafi. Ils ont considéré que la situation était si difficile qu’il était nécessaire qu’il y ait un plan de redressement.

    M. Jean-Luc Reitzer. Enfin on le reconnaît !

    M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons également demandé à la direction un reformatage, une réduction. Mais nous savons aujourd’hui, c’est la raison pour laquelle je ne veux pas mentir aux salariés, que nous n’arriverons pas à sauver Aulnay. Car il n’y a pas qu’Aulnay, il y a Rennes, avec 1 500 emplois perdus, 3 000 à Aulnay et 3 500 dans le reste du groupe.

    M. Bernard Deflesselles. C’est le bilan du Gouvernement !

    M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est donc un effort considérable de reformatage que nous demandons.

    Nous souhaitons trouver une solution pour le travail et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.

    Paquet ferroviaire

    M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

    M. Stéphane Saint-André. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche.

    Le collège des commissaires européens, réuni mercredi dernier à Bruxelles, a adopté le 4e paquet ferroviaire. Il se compose pour l’essentiel, de trois volets. Le premier porte sur la gouvernance des systèmes ferroviaires des États membres, le second concerne la concurrence sur les marchés domestiques de passagers, et le troisième, plus technique, traite de la sécurité et de l’interopérabilité ferroviaires. L’ensemble est destiné à parachever la constitution d’un espace ferroviaire européen ouvert, engagée par les législations européennes antérieures. Je note plus particulièrement que la Commission n’a pas retenu l’idée du système unique et accepte que des États membres s’orientent vers d’autres voies, comme celle d’un système plus intégré.

    Vous avez vous-même annoncé le 30 octobre dernier, monsieur le ministre, une réforme de notre système ferroviaire et en avez défini les contours. Le travail préalable se poursuit aujourd’hui par une mission de concertation confiée à M. Jean-Louis Bianco. Le réseau ferroviaire est inscrit dans l’histoire des Français et la géographie de nos territoires. Vous savez combien les Français y sont attachés.

    Comment le Gouvernement accueille-t-il la proposition de 4e paquet ferroviaire de la Commission ? La réforme de notre système ferroviaire que vous avez proposée est-elle impactée par ces annonces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Le Gouvernement a en effet annoncé en octobre dernier une réforme du système ferroviaire, tant la situation dans laquelle nous l’avons trouvé était dégradée. L’héritage est lourd : une dette de 32 milliards d’euros, dont une dette annuelle automatique de 1,5 milliard d’euros. L’équipe précédente s’enorgueillit d’avoir libéralisé le fret avant l’heure sans lui avoir donné la moindre perspective, mais c’est bien un système ferroviaire dans l’impasse que nous avons trouvé ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Notre ambition aujourd’hui est celle des Français, attachés à leur système ferroviaire. Nous voulons moderniser les infrastructures mais également édifier un système de gouvernance, en concertation avec les usagers et les régions. Jean-Louis Bianco s’est vu confier une mission par le Gouvernement pour dessiner les contours du système ferroviaire de demain.

    M. Bernard Deflesselles. Nous voilà sauvés !

    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Quant au 4e paquet ferroviaire, là où d’autres nous annonçaient une euro-incompatibilité, je peux dire que les discussions tenues dans le cadre européen ont permis de faire bouger les lignes. Non seulement l’Europe n’impose plus la séparation des infrastructures et des opérateurs, mais le système français tel qu’il est préconisé peut ouvrir une voie nouvelle au système ferroviaire européen. Quoi qu’il en soit, nous tenons à ajouter à ce paquet ferroviaire européen le volet social qui lui manque. Nous sommes attachés à l’équilibre entre la grande vitesse et les lignes d’aménagement du territoire que sont les TER et les TET. Cela passe par une modernisation du matériel roulant. Bref, nous redonnons des perspectives là où d’autres ont affaibli notre système ferroviaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Lutte contre le terrorisme

    M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Quelques mois après le démantèlement d’une cellule terroriste à Torcy, un nouveau groupe djihadiste présumé a été interpellé hier en région parisienne, dans le cadre d’une information judiciaire conduite par le juge antiterroriste Marc Trévidic.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Allo ? Allo ?

    Mme Émilienne Poumirol. Ces interpellations sont consécutives à l’arrestation au Niger de l’un de nos ressortissants en août 2012. Les services antiterroristes reconnaissent que la progression des islamistes au Mali a créé un appel d’air, qui a connu un net coup d’arrêt depuis l’opération Serval. Chacun le comprend, les menaces intérieures et extérieures sont de plus en plus imbriquées. Ces suspects semblaient préparer le passage de personnes vers les rangs djihadistes du Sahel.

    Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les filières terroristes s’émancipent des contraintes physiques et territoriales grâce aux nouveaux moyens techniques dont elles disposent. La nature de la menace, son ampleur et son organisation sont donc en constante évolution, ce qui pose un défi majeur à nos services de renseignement et de sécurité. Le Gouvernement doit tout mettre en œuvre pour démanteler les réseaux et adapter notre organisation à ces mutations. D’ores et déjà, nos moyens d’action sont renforcés par la loi du 22 décembre 2012 et le Gouvernement a pris la décision de placer le plan Vigipirate au niveau rouge renforcé.

    Nous voulons vous exprimer ici notre soutien dans la mise en œuvre de cette difficile mission. Notre majorité est déterminée à accompagner vos efforts dans la lutte contre la menace terroriste. Alors que notre nation est encore meurtrie dans son âme et sa chair par l’affaire Merah, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle vision structure votre action pour mettre la France en mesure de faire face à la menace terroriste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vous avez raison, madame la députée : nous sommes confrontés à une double menace terroriste, que nous combattons.

    À l’extérieur tout d’abord. C’est tout le sens de l’action juste et légitime de la France au Mali. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, soulignait ce matin encore que nos soldats trouvent sur place du matériel et des plans qui démontrent la vision et les projets de ces groupes terroristes, prêts à frapper dans la région mais peut-être aussi plus loin.

    Nous faisons face ensuite à une menace intérieure, que j’ai appelée « l’ennemi intérieur ». Nous vivons encore, vous l’avez rappelé en termes forts, avec le souvenir brûlant des assassinats commis par Mohamed Merah. Nos services ont démantelé en septembre dernier une cellule qui avait frappé à Sarcelles et s’apprêtait sans doute à frapper encore. Nous faisons face à une menace qui prend la forme de tentatives d’exfiltration d’individus vers la Syrie ou le Sahel. Cela exige évidemment une mobilisation de tous les instants de nos services. Hier encore, la direction centrale du renseignement intérieur a interpellé quatre individus qui ont sans doute un lien avec une autre personne arrêtée sur la frontière entre le Niger et le Mali.

    Je veux dire à l’ensemble de la représentation nationale, qui a adopté la loi antiterroriste, outil supplémentaire pour lutter contre le terrorisme, la détermination des forces de police et de renseignement à lutter contre le terrorisme, contre lequel toute la nation se doit d’être unie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Expérimentation d’une salle de shoot à Paris

    M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Philippe Goujon. Monsieur le Premier ministre, la nécessité d’amener des toxicomanes (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) à quitter le chemin de souffrance et de désespérance qui les conduit inéluctablement à la détresse et à la maladie est une conviction que nous partageons tous. Mais les sortir de la drogue, ce n’est pas les accompagner dans la drogue, prétendument proprement, et encore moins leur en faciliter l’accès. C’est pourtant ce que vous avez décidé hier, en autorisant l’expérimentation d’une salle de shoot à Paris,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Scandaleux !

    M. Philippe Goujon. …aveu tragique de vos insuffisances en matière de santé publique. Tout médecin sait bien que nulle intoxication ne peut être traitée par le produit qui l’a créée.

    La première priorité est de réduire la consommation, et non de l’organiser. Le seul objectif médical est le sevrage, qui doit bien entendu aller de pair avec la réduction des risques, ce qui ne saurait conduire à installer le confort des addictions et à rendre l’usage incitatif.

    Vous prenez le risque d’aggraver la toxicomaniepar la banalisation de la drogue (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC), dispensée sous la supervision de l’État – pour un coût d’un million d’euros par salle de shoot – et premier pas vers la légalisation. En légitimant ainsi l’usage de la drogue, vous faites douter de votre détermination à lutter contre le trafic (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et vous envoyez un message contradictoire aux éducateurs et aux familles, comme aux milliers d’usagers qui cherchent à rompre avec leur addiction.

    Alors que votre ministre de l’intérieur a affirmé à juste titre « qu’en matière de lutte contre la drogue, les interdits sont essentiels », est-il besoin de vous rappeler que la loi française punit ceux qui facilitent l’usage de stupéfiants ? Monsieur le Premier ministre, l’État et la ville de Paris se mettront-ils hors-la-loi ? Vous apprêtez-vous, en violation des conventions internationales et de la loi française, à dépénaliser l’usage de la drogue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, en effet, le Premier ministre a confirmé hier qu’il répondait favorablement à la demande de la ville de Paris (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste) de permettre l’expérimentation d’une salle de consommation réduite (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) dans le 10e arrondissement de la capitale. Il s’agit de procéder à une expérimentation, qui sera suivie d’une évaluation et prend appui sur les expériences menées dans de très nombreux pays, en Europe et ailleurs, notamment en Espagne, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Luxembourg et au Canada.

    Il ne s’agit pas de banaliser l’usage de la drogue. (Mêmes mouvements.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    Mme Marisol Touraine, ministre. Nous vous le répétons, le Gouvernement affirme très fortement qu’il n’y a aucune tolérance à avoir à l’égard des trafiquants et de la consommation de drogue.

    M. Christian Jacob. Soyez cohérents, alors !

    Mme Marisol Touraine, ministre. Le bilan en matière de drogue, n’est pas si réjouissant que l’on puisse ne pas en tenir compte. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Au cours des cinq dernières années,…

    M. Jean Glavany. C’est vous !

    Mme Marisol Touraine, ministre. …la consommation de cocaïne dans notre pays a augmenté de 50 %. (Mêmes mouvements.) Comment faut-il répondre à ce phénomène, monsieur le député ? Par l’idéologie ou par la volonté de soigner et d’accompagner ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Le Gouvernement fait le choix d’une politique de dignité, parce que les personnes concernées sont les plus précarisées et les plus marginalisées. Il fait le choix d’une politique de santé publique, pour accompagner et soigner, et d’une politique de sécurité, pour que les voisins, les enfants, ne soient pas gênés (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) par la présence de seringues dans la rue.

    M. Philippe Vitel. Vous vous enfoncez !

    Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député, vous faites le choix de l’idéologie ; nous faisons celui de la santé publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    Accord entre Google et les éditeurs de presse

    M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    M. Michel Françaix. Ma question s’adresse à la fois à Mme la ministre de la culture et de la communication et à Mme la ministre de l’innovation technologique, qui ont toutes deux œuvré à la conclusion de l’accord entre Google et les éditeurs de presse d’information politique et générale, dite IPG. (« Allô ? » sur les bancs du groupe UMP.)

    Les négociations qui s’éternisaient entre Google et les éditeurs de presse ont abouti, grâce au travail opiniâtre de notre médiateur, Marc Schwartz, à la signature d’un accord historique voulu par le Président de la République.

    Google, par cette première mondiale, s’engage à débloquer 60 millions d’euros pour les projets numériques de la presse écrite et reconnaît ainsi – enfin ! – bénéficier d’importantes recettes publicitaires obtenues par le référencement des titres IPG. Ce premier pas d’un géant de l’internet vers les éditeurs présage des collaborations d’avenir et encourage l’innovation numérique dans les médias, dont la presse écrite a tant besoin. Il y a forcément une alliance à nouer entre producteurs de contenus et diffuseurs pour lancer ensemble de nouveaux projets et faire émerger en ligne de nouveaux contenus digitaux.

    Mais accompagner la transition en évitant la rupture ne doit pas faire oublier qu’à côté du numérique il faut sauvegarder le réseau physique de 30 000 marchands de journaux, absolument indispensable à la survie de la presse papier, qu’il faut sauvegarder notre système de distribution assuré par Presstalis, revoir le ciblage des aides sur la presse citoyenne, les investissements d’avenir et la formation des journalistes.

    Mais ne boudons pas notre plaisir !

    Après l’échec retentissant des états généraux organisés par Sarkozy sur ce sujet, c’est une fierté pour la France d’avoir conclu un accord qui va servir de référence mondiale pour les relations entre producteurs de contenus et diffuseurs.

    Mesdames les ministres, je compte sur vous pour contribuer, avec Patrick Bloche, à la définition de nouvelles pistes, afin de préparer l’avenir numérique sans délaisser la presse papier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

    Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le député, vous avez raison, le développement de la presse en ligne a profondément modifié et remis en cause les outils de production et de diffusion de la presse traditionnelle. Les modèles économiques actuels des éditeurs de presse ne sont pas matures ; il est vrai que les intermédiaires, tels que Google ou Apple, imposent leurs prix et leurs conditions.

    Ainsi que vous l’avez rappelé, les états généraux de la presse ont été un échec ; ils ont accouché d’une souris et n’ont pas permis de remédier à la crise que traverse la presse. Dans ce contexte, les éditeurs de la presse IPG ont fait savoir au Gouvernement, en particulier à la ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, et à moi-même qu’ils souhaitaient que Google rémunère les éditeurs de presse dont les titres sont référencés par son moteur.

    Le Président de la République a reçu Eric Schmidt, le président de Google, à la fin du mois d’octobre. Ce dernier n’était pas favorable à cette solution. C’est la raison pour laquelle nous avons sollicité la médiation de Marc Schwartz, dont je salue le travail très efficace, qui a duré deux mois et au terme duquel a été conclu l’accord que vous évoquez.

    Cet accord est en effet historique car, d’une part, il comporte un volet commercial destiné à aider les éditeurs de presse à monétiser leurs contenus et à mieux valoriser leurs revenus publicitaires et, d’autre part, il crée un fonds de 60 millions d’euros qui aidera les éditeurs de presse à accomplir leur transition numérique. Je rappelle que Google n’a proposé la création d’un tel fonds dans aucun autre pays.

    Nous pouvons donc saluer le pas fait par Google en direction des éditeurs de presse.

    Enfin, je souligne que ce fonds de modernisation ne se substitue pas à la réflexion que mène le Gouvernement sur la fiscalité numérique ni à celle que conduit la ministre de la culture sur la modernisation des aides à la presse, dont vous avez souligné l’urgence et la nécessité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Situation scolaire en milieu rural

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Jaurès disait que quand on ne peut changer les choses, on change les mots. Mme Touraine vient de nous faire une brillante démonstration de cette citation en parlant de « salles de consommation réduite » au lieu de « salles de shoot » – c’est ce qui s’appelle ne pas assumer… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    J’en viens à ma question, qui s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le ministre, j’anticipe immédiatement votre réponse : oui, j’étais en accord avec la politique de l’ancienne majorité au sujet de l’école, tant qu’elle garantissait l’offre scolaire en milieu rural. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Aujourd’hui, le constat est paradoxal : en faisant de l’éducation la cause prioritaire du quinquennat, en supprimant la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et en annonçant 6 770 nouveaux postes d’enseignants pour la rentrée 2013, vous impactez tout de même durement les territoires ruraux.

    Dois-je vous rappeler que les dispositions du code de l’éducation figurant aux articles L.113-1 et L.212-2 rendent obligatoires l’appréhension spécifique des SIVOS installés en milieu de montagne et en milieu rural ? Aujourd’hui, dans ma circonscription, ce sont quinze classes qui sont menacées de fermeture. Quelle considération ! Et tous les territoires ruraux et de montagne sont concernés : j’associe d’ailleurs à cette question tous mes collègues venant de territoires ruraux, plus particulièrement Annie Genevard.

    En plus de la paupérisation éducative, remettre en cause l’offre scolaire sur les territoires ruraux, c’est condamner à brève échéance l’attractivité de ces territoires. Que dire aux maires qui se mobilisent pour investir massivement dans des maisons médicalisées, des hôtels d’entreprises ou des services périscolaires adaptés ? Quand allez-vous entendre la voix des élus de toutes les sensibilités politiques, la voix des parents d’élèves et la voix des enseignants concernés ? (« Ils sont sourds ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Tous, nous avons des questions, des doutes, des contestations à faire valoir contre un schéma éducatif qui scinde les territoires. Après le mariage pour tous, à quand l’école pour tous en milieu rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

    M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, c’est parce qu’elle a entendu la voix des parents d’élèves et des territoires ruraux que, sitôt installée, notre majorité a recréé 1 000 postes pour le primaire, dont 300 pour les zones rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    C’est parce qu’elle a entendu la voix des parents d’élèves et des élus locaux qu’elle a, cette année encore, affecté des moyens exceptionnels, notamment à votre académie de Besançon, madame. Ainsi, après avoir connu 70 suppressions de postes en 2011 et 124 suppressions en 2012, cette académie a bénéficié, cette année, de 10 créations de postes. Je vous remercie de saluer l’effort de la Nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Chacune des mesures annoncées par le Gouvernement en matière éducative – la priorité au primaire, la création de 3 000 postes pour l’accueil des petits de moins de trois ans, de 7 000 postes pour les dispositifs « plus de maîtres que de classes » – est assortie d’une précision, celle de la priorité donnée aux territoires ruraux et aux zones urbaines en difficulté, parce que nous voulons la réussite éducative de tous les enfants et nous voulons la justice.

    M. Michel Voisin. C’est faux !

    M. Vincent Peillon, ministre. Pendant cinq ans, vous n’avez cessé de démanteler le service public de l’éducation nationale et d’accroître les injustices dans ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Voisin. Menteur !

    M. Vincent Peillon, ministre. Nous aiderons votre département et votre région, fût-ce contre vous-même et en dépit des confusions que vous cherchez à entretenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Situation au Mali

    M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

    M. Christophe Cavard. Ma question s’adresse à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

    Monsieur le ministre, lors de sa récente visite au Mali, le Président de la République a rappelé que « la justice n’est pas la vengeance, ce n’est pas l’exaction, aucune souffrance ne peut justifier le pillage et l’exaction. Vous devez être exemplaires, vous êtes observés par la communauté internationale. » Cette inquiétude du chef de l’État s’appuyait sur les rapports récurrents faisant état de possibles actions à l’encontre de personnes qui, du simple fait de leur apparence, étaient assimilées sans autre forme de procès à des terroristes. Sans l’engagement militaire de la France, que nous tenons à saluer, le Mali aurait basculé dans le chaos. Aussi, la responsabilité de notre pays est grande dans le chemin qui mène à une paix durable en lien avec la communauté internationale.

    Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, cette paix passe par un dialogue renoué entre Bamako et les populations du Nord, qui doivent faire face à deux difficultés : d’une part, la centralisation mortifère de l’État malien, qui ne reconnaît par leurs spécificités ; d’autre part, la démagogie islamiste, qui entend rallier tous les mécontents dans un même élan terroriste. Dans un article récent, le Président de la République du Niger insistait sur l’une des solutions à étudier sérieusement, qui consisterait à permettre aux populations locales de prendre davantage en main leur destin par une décentralisation de l’État et une autonomie renforcée. Qu’en pensez-vous ?

    Avant cela, et pendant la période de transition qui s’ouvre, il est de notre responsabilité de garantir la sécurité des personnes et de leurs biens. Actuellement, de nombreuses personnes déplacées se trouvent en butte à des situations humanitaires très difficiles. C’est le cas des réfugiés touaregs, notamment à la frontière Mali-Algérie. À plus long terme, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour la protection et l’assistance humanitaire urgente à ces populations ? Que comptez-vous faire pour assurer le dialogue et la prise en compte des revendications exprimées depuis de longues années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

    M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, votre question a le mérite de rappeler que la solution du problème malien ne saurait se résumer à une réponse militaire, même si c’est nécessaire et si l’intervention de nos soldats mérite que nous leur rendions hommage une fois de plus.

    M. Michel Herbillon. Il serait temps !

    M. Laurent Fabius, ministre. Il est nécessaire d’apporter également une solution politique et en matière de développement. En matière de développement, la France a repris son aide civile, ainsi que l’Europe, ce qui est une très bonne chose. Hier, lors d’une réunion au niveau européen, il a été pris toute une série de décisions en faveur du développement.

    Sur le plan politique, le gouvernement malien et l’assemblée malienne ont adopté une feuille de route prévoyant l’organisation d’élections avant l’été, lesquelles seront précédées par un dialogue associant toutes les populations, notamment celles du Nord. Vous avez cité la population touareg qui, très injustement, est tenue à l’écart depuis fort longtemps, mais cela concerne aussi les populations bambara, songhaï, arabe ou peul. Avec les autorités maliennes, nous allons nous efforcer de développer le dialogue autour des notions d’autonomie et de décentralisation.

    Je conclurai en évoquant la communion extraordinairement impressionnante qui nous a rassemblés samedi autour du Président de la République. (« Que c’est beau ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je veux dire, à vous toutes et vous tous qui incarnez la représentation nationale, que de la part de milliers de Maliens, nous avons entendu un même cri, un même message que je veux vous transmettre, car c’est à vous qu’il est destiné : merci aux soldats français, merci à la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, ainsi que sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

    Centrale de Fessenheim

    M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    M. Éric Straumann. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement.

    La centrale de Fessenheim, après trente-cinq ans de fonctionnement sans histoire, vient de faire sa première victime : le préfet du Haut-Rhin, qui a été remercié la semaine dernière en Conseil des ministres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Un député du groupe UMP. Scandaleux !

    M. Éric Straumann. Le 14 décembre dernier, Francis Rol-Tanguy, délégué interministériel chargé de la fermeture et de la reconversion de la centrale nucléaire de Fessenheim, a été refoulé par les salariés, en particulier les militants de la CGT. Cette position des agents d’EDF a été interprétée par la presse comme un camouflet pour le Gouvernement.

    M. Daniel Fasquelle. Un de plus !

    M. Éric Straumann. En effet, quel syndicat, quel salarié accepteraient l’entrée d’un mandataire liquidateur dans leur entreprise, surtout si celle-ci fonctionne parfaitement et qu’elle est rentable ?

    À Fessenheim comme ailleurs, les salariés défendent leur outil de travail. Mais ailleurs, le Gouvernement engage une énergie sans pareil pour sauver des emplois, sans beaucoup de succès d’ailleurs… Je pense à Florange, à Aulnay, qui vient d’être citée, à Petroplus ou chez Goodyear.

    En Alsace, le Gouvernement déploie la même énergie pour fermer une unité de production de 850 salariés dont le fonctionnement a été autorisé encore dix ans par l’autorité de sûreté nucléaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur quelques bancs du groupe écologiste.)

    Vous avez décidé de sacrifier un outil de production fiable sur l’autel d’un marchandage politique. Quand cesserez-vous de gérer ce dossier par idéologie ? Quand prendrez-vous conscience que l’intérêt national est supérieur aux petits calculs politiques ?

    Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le préfet du Haut-Rhin a été sanctionné par le Gouvernement dans cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

    Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, cette question a largement été débattue devant les Français, qui ont voté le 6 mai dernier. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    En effet, la décision que vous évoquez a été prise dans le cadre d’une politique de transition énergétique qui vise à faire évoluer notre mix énergétique à l’horizon 2025. C’est dans ce cadre qu’ont été décidés pour 2016 la fermeture de Fessenheim et l’achèvement du chantier de l’EPR de Flamanville.

    Nous voulons prendre quatre ans pour toute une série de raisons liées aux procédures complexes de fermeture et de mise à l’arrêt définitive d’un réacteur. Nous devons au demeurant disposer d’un site français où le démantèlement aura été réussi, sachant que 400 centrales nucléaires dans le monde fermeront dans les prochaines années et que cela représente aussi un enjeu industriel.

    Au moment où je vous parle, Francis Rol-Tanguy, le délégué interministériel chargé de ce sujet, est en entretien avec le directeur de la centrale de Fessenheim.

    M. Hervé Mariton. Où est la loi ?

    Mme Delphine Batho, ministre. Il est chargé de mener sa mission à bien dans des conditions qui soient également responsables sur le plan social, afin que les emplois soient préservés.

    Puisque vous évoquiez ce point, monsieur le député, vous aurez, je pense, le courage de donner des explications aux Français et de leur rendre des comptes au sujet des 14 000 emplois que vous avez supprimés dans les filières photovoltaïques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) La transition énergétique, c’est une politique à la fois sociale et économique, qui vise à créer des emplois dans les filières renouvelables et dans l’économie circulaire tout en maximisant l’efficacité énergétique ; voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Allocation équivalent retraite

    M. le président. La parole est à Mme Conchita Lacuey, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

    Mme Conchita Lacuey. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales.

    Madame la ministre, le chef du Gouvernement a annoncé, jeudi 24 janvier, le rétablissement de l’allocation équivalent retraite, qui avait été supprimée en 2011 par vos prédécesseurs. Cette décision, unanimement saluée par les syndicats et les associations de retraités, soutiendra le pouvoir d’achat des seniors au chômage au cours de la transition vers leur retraite. Le décret annoncé pour le 1er mars 2013 devant nos collègues sénateurs est donc une excellente nouvelle pour le monde du travail. Il témoigne de la capacité du Gouvernement à prendre en compte les besoins des travailleurs âgés et à protéger le pouvoir d’achat des retraités.

    Plus largement, cette décision s’inscrit dans une politique globale et cohérente. Le premier acte était le décret du 3 juillet 2012, qui a rétabli la retraite à 60 ans pour les carrières longues. Le deuxième acte est le contrat de génération, qui permet de maintenir un travailleur senior dans l’emploi simultanément à l’embauche d’un jeune en CDI ; 500 000 contrats de ce type verront le jour au cours du quinquennat. Oui, c’est cela, la solidarité entre les générations !

    Le rétablissement de l’allocation équivalent retraite est une nouvelle initiative qui montre que le Gouvernement rompt avec la logique précédente,…

    Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !

    Mme Conchita Lacuey. …une logique dogmatique et inefficace qui a allongé la durée de cotisation tout en laissant exploser le chômage des seniors.

    Madame la ministre, la décision annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault honore le Gouvernement et notre majorité. Elle protège les chômeurs âgés et leur pouvoir d’achat. Elle répond à une urgence sociale.

    M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

    Mme Conchita Lacuey. Elle s’inscrit dans une politique cohérente…

    M. le président. Merci madame. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame la députée Conchita Lacuey, le gouvernement de M. Lionel Jospin a en effet créé en 2002 une allocation équivalent retraite permettant à celles et ceux qui étaient victimes de plans sociaux et qui avaient un nombre suffisant de trimestres de cotisation pour pouvoir partir à la retraite sans avoir atteint l’âge légal requis, de bénéficier d’un soutien à leur pouvoir d’achat, d’un soutien social en attendant l’âge de départ en retraite.

    Le précédent gouvernement a supprimé cette allocation en 2011, créant ainsi une injustice forte dans notre pays, injustice d’autant plus forte qu’au même moment il a relevé l’âge de départ en retraite, ce qui a plongé dans le désarroi un nombre important de nos concitoyens.

    C’est pour cette raison que le Premier ministre a annoncé la décision de rétablir une prestation équivalente à l’allocation équivalent retraite. Elle concernera les chômeurs âgés de 59 ans et 60 ans qui se sont inscrits à Pôle Emploi avant la fin de l’année 2010 et sera ouverte dès le 1er mars prochain.

    Avec cette décision, le Gouvernement a engagé ou poursuivi une politique forte en direction des chômeurs et des personnes âgées privées d’emploi. Cette politique de justice fait suite à la mesure prise avant l’été dernier pour permettre à celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui avaient totalisé leurs annuités sans avoir atteint l’âge légal requis de partir à la retraite sans attendre d’avoir 62 ans.

    Le Gouvernement fait preuve non seulement de responsabilité mais aussi de justice ; c’est la marque de son action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Artisanat du bâtiment

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

    M. François Rochebloine. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

    Au nom du groupe UDI, je souhaite vous faire part de la colère des artisans du bâtiment.

    M. Yannick Favennec. Tout à fait !

    M. François Rochebloine. Vos ministres eux-mêmes le reconnaissent : les besoins de la construction et du logement sont immenses. Or, chacun le constate en même temps, le secteur est frappé par une crise profonde.

    On pouvait s’attendre à ce que le Gouvernement prenne au plus vite les mesures permettant, dans ce secteur comme ailleurs, de rétablir la confiance, valoriser le travail et libérer la croissance. Or vous faites le contraire.

    Les prélèvements sur les artisans sont alourdis ; vous voulez une TVA au taux de 10 %, alors qu’il serait nécessaire de la ramener à 5 %,…

    M. Yannick Favennec. Absolument !

    M. François Rochebloine. …notamment pour le logement social et pour la rénovation énergétique de l’ancien.

    M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

    M. François Rochebloine. Par ailleurs, 200 000 artisans sont exclus de votre crédit d’impôt compétitivité emploi.

    M. Yannick Favennec. C’est vrai !

    M. François Rochebloine. Les suppressions d’emplois s’accélèrent : 15 000 en 2012 et 40 000 prévues en 2013. Or ces emplois, vous le savez, ne sont pas délocalisables. Je rappelle que ce sont les embauches dans les entreprises du bâtiment qui ont permis depuis dix ans de compenser les pertes d’emplois dans le secteur industriel.

    Comment pouvez-vous à la fois afficher un objectif de 500 000 logements construits chaque année et asphyxier les entreprises sans lesquelles cet objectif restera lettre morte ?

    M. Jean Glavany. Et les auto-entrepreneurs ?

    M. François Rochebloine. Le groupe UDI réaffirme son engagement aux côtés des artisans du bâtiment.

    Pour nous, les solutions sont claires : monsieur le Premier ministre, revenez sur l’augmentation de la TVA ; allégez significativement le coût du travail ; assurez un traitement équitable à toutes les entreprises du secteur et luttez contre le travail illégal. Des milliers d’emplois sont en jeu. L’inaction serait une faute lourde.

    Quand allez-vous enfin prendre en considération les mesures qui s’imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

    Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le député, on ne peut pas dire que vous vous teniez au courant de l’actualité. (« Ohé ! Regardez-nous ! » sur les bancs du groupe UDI.)

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    Mme Sylvia Pinel, ministre. Vous auriez dû étudier les mesures que le Gouvernement a présentées la semaine dernière dans le cadre du pacte pour l’artisanat, à côté du pacte pour la compétitivité : les entreprises du secteur du bâtiment bénéficieront pour 2 milliards d’euros du crédit d’impôt compétitivité emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Elles bénéficieront aussi du contrat de génération (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui permettra d’embaucher des jeunes tout en transmettant l’entreprise.

    Par ailleurs, dans le cadre du groupe de travail interministériel que j’anime aux côtés de mes collègues Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac, Cécile Duflot et Delphine Batho, nous œuvrons pour permettre aux artisans de bénéficier de la construction de logements. Il s’agit également de permettre la rénovation thermique des logements et de travailler sur la fiscalité et sur le besoin de trésorerie de ces entreprises. Le Gouvernement est donc totalement mobilisé pour les artisans du bâtiment, que nous accompagnons.

    M. Patrice Verchère et M. Philippe Meunier. Alors, laissez-les travailler !

    Mme Sylvia Pinel, ministre. Oui, nous souhaitons les accompagner de manière spécifique, parce qu’ils ont des attentes particulières.

    Nous allons donc mettre en place ce groupe de travail, mais je tiens d’ores et déjà à vous rassurer, monsieur le député.

    M. Bernard Deflesselles et Mme Catherine Vautrin. Nous ne le sommes pas du tout !

    Mme Sylvia Pinel, ministre. J’ai déjà, à maintes reprises, reçu les organisations professionnelles. Nous travaillons en parfaite coordination avec les autres membres du Gouvernement et les artisans, parce que nous sommes, comme vous, convaincus que c’est un secteur créateur d’emplois. Les mesures du contrat de génération permettront d’y contribuer.

    Nous sommes aussi convaincus que l’artisanat nous permettra d’accompagner le redressement de notre économie et de retrouver le chemin de la croissance. Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault est donc totalement mobilisé pour accompagner et aider les artisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs des groupes écologiste et RRDP.)

    Difficultés des éleveurs

    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    Mme Isabelle Le Callennec. En l’absence de M. le ministre de l’agriculture, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. J’y associe mes collègues Marc Le Fur, Philippe Le Ray et Gilles Lurton.

    Demain, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept se réunissent à Bruxelles lors d’un sommet décisif qui validera le budget de l’Europe pour les années 2014 à 2020.

    En octobre 2012, M. le ministre des affaires européennes déclarait : « La France ne saurait soutenir un budget pluriannuel qui ne maintiendrait pas les crédits de la PAC. »

    Il n’est un secret pour personne que certaines filières agricoles souffrent dans notre pays, singulièrement l’élevage. Pour ne parler que de la filière porcine – mais je pourrais citer également la volaille et la filière bovine –, les éleveurs tirent la sonnette d’alarme. En Bretagne, première région productrice de France, la baisse de la production pourrait atteindre, d’ici à 2014, 1,5 million de porcs, soit 10 % de la production régionale, et entraîner la suppression de 3 000 emplois, lesquels s’ajouteront aux milliers d’autres qui sont menacés faute d’une politique efficace du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage.

    Que demandent les responsables de la filière ? Moins de discours, mais la preuve de la volonté du Gouvernement d’entraîner ses partenaires européens sur la voie de l’harmonisation fiscale, sociale et environnementale ; non pas une aumône, mais un plan de soutien à la modernisation des bâtiments d’élevage pour gagner en compétitivité ; et plus de considération.

    M. Marc Le Fur. Eh oui ! écoutez ce qu’elle dit !

    Mme Isabelle Le Callennec. Tout cela passe par la simplification administrative, la reconnaissance des efforts réalisés pour la reconquête de la qualité de l’eau et la valorisation de la formation en agriculture.

    J’aurai donc deux questions, monsieur le Premier ministre, qui ne souffrent ni réponses abstraites, ni références à la précédente législature. (Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Après plus de huit mois aux affaires, il vous faut désormais assumer vos responsabilités.

    M. le président. Merci, ma chère collègue !

    Mme Isabelle Le Callennec. Comment défendrez-vous concrètement les éleveurs de France à Bruxelles ? Quelles mesures prendrez-vous pour que notre pays demeure une grande puissance agricole et agroalimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

    M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Madame la députée, je voudrais d’abord excuser Stéphane Le Foll, qui est retenu cet après-midi par d’autres engagements.

    M. Marc Le Fur. Il y a pourtant des priorités !

    M. Guillaume Garot, ministre délégué. Vous parlez du sommet européen qui se tiendra à la fin de cette semaine et qui, nous l’espérons, aboutira à un compromis sur le budget de l’Union européenne qui permettra à la fois de soutenir la croissance et d’accompagner le mieux possible les politiques communes.

    Le Premier ministre l’a dit : la politique agricole commune ne peut pas être la variable d’ajustement du budget de l’Union.

    Mme Bérengère Poletti. Prouvez-le par des actes !

    M. Guillaume Garot, ministre délégué. Mais il va de soi aussi que c’est à partir du cadre budgétaire qui sera retenu que nous pourrons faire avancer la prochaine politique agricole commune.

    Puisque c’est l’objet de votre question, je voudrais vous répondre très concrètement. Nous défendons des orientations majeures pour cette politique agricole commune (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), avec d’abord l’idée de la justice (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),pour réorienter les aides, en particulier vers l’élevage. C’est la proposition qu’a formulée Stéphane Le Foll : il s’agit de faire en sorte que nous aboutissions à une majoration des cinquante premiers hectares au bénéfice des régions d’élevage.

    Mme Bérengère Poletti. Cela ne règle pas le problème !

    M. Guillaume Garot, ministre délégué. Ensuite, nous voulons une politique qui soit plus respectueuse de l’environnement.

    M. Marcel Bonnot. C’est nul ! Zéro !

    M. le président. Monsieur Bonnot !

    M. Guillaume Garot, ministre délégué. C’est l’ambition que nous avons d’un « verdissement », avec l’objectif d’aboutir à l’équivalent de 30 % des aides directes du premier pilier.

    Bref, ce que nous soutenons, madame la députée,…

    M. le président. Il faut conclure !

    M. Guillaume Garot, ministre délégué. …c’est une politique agricole commune qui soit plus efficace, qui reconnaisse la diversité des agricultures et qui, surtout, reconnaisse le travail de tous les agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Temps de travail des sapeurs pompiers professionnels

    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

    M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez adressé le 27 décembre une lettre à l’ensemble des présidents des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, dont je suis. Vous y annoncez une très mauvaise nouvelle : la Commission européenne a mis la France en demeure de se mettre en conformité sous deux mois avec la directive européenne du 4 novembre 2003 en matière de régime d’équivalence des temps de travail des sapeurs pompiers professionnels, régime défini pour la France par le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail.

    Trois points de ce décret sont contestés par la Commission européenne, et notamment le temps de travail supplémentaire auquel sont assujettis les sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’un logement, en contrepartie de la gratuité de celui-ci.

    Il en résulte un surcoût considérable, de l’ordre de 1,5 million d’euros pour le SDIS de la Marne ou de 1,8 million pour le SDIS de la Côte-d’Or – soit environ 5 % de leur budget – et d’au moins 100 millions d’euros pour l’ensemble des SDIS.

    Ce coût supplémentaire sera supporté par les conseils généraux…

    M. Jean-Paul Bacquet. Et par les communes !

    M. Charles de Courson.… puisque la croissance des contributions des communes et des intercommunalités est indexée, par la loi, sur l’inflation. Or les conseils généraux sont en crise financière grave…

    M. Jean-Paul Bacquet. Les communes aussi !

    M. Charles de Courson.… du fait de la forte croissance des dépenses sociales et de la stagnation de leurs recettes.

    Le Premier ministre l’a d’ailleurs reconnu, en installant la semaine dernière un groupe de travail État-départements sur la crise financière qui touche ces derniers. Le Président de la République a reçu lundi le comité exécutif de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et a témoigné « de son engagement afin d’éviter l’application de la directive européenne sur les temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires ».

    Dans votre lettre du 27 décembre, monsieur le ministre, vous évoquez une négociation avec la Commission sur un calendrier de mise en conformité échelonné sur deux ans.

    J’ai deux questions. Envisagez-vous de vous battre, y compris devant la Cour de justice, pour obtenir une dérogation pour les sapeurs-pompiers professionnels, comme nous en avons obtenu une pour les sapeurs-pompiers volontaires ? Dans la négative, envisagez-vous d’apporter une aide financière aux SDIS pour couvrir ce surcoût insupportable ?

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, comme vous l’avez rappelé, le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels n’est pas conforme au droit européen. La directive européenne sur le temps de travail date de 2003. Pour éviter une action devant la Cour de justice de l’Union européenne, que la Commission souhaitait engager dès le mois de décembre, j’ai pris le pari d’ouvrir la discussion avec Bruxelles.

    La France dispose aujourd’hui d’un délai, que nous devons utiliser pour revoir la réglementation sur le temps de travail. Cette nouvelle réglementation devra prendre en compte les garanties que le droit européen offre aux agents. Elle devra aussi préserver les finances des SDIS et nous éviter surtout un contentieux, à coup sûr perdant, qui aboutirait à de lourdes amendes. D’après les évaluations, qu’il faut encore affiner, la mise en conformité pourrait représenter un surcoût de 9 millions d’euros et concerner une quarantaine de SDIS.

    Nous ferons tout pour éviter que cette charge supplémentaire pèse sur les départements, les SDIS ou les finances de l’État.

    Un autre dossier doit tous nous mobiliser. Il s’agit de la défense du volontariat, auquel vous avez fait allusion en évoquant la rencontre du Président de la République avec les sapeurs-pompiers. Cette même directive sur le temps de travail est en cours de révision et il y va, au fond, de l’engagement citoyen et du rôle des sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires. Ce modèle, que nous partageons et défendons avec nos amis allemands, est essentiel pour préserver ces soldats du feu, ces hommes et ces femmes engagés au service de nos concitoyens et à qui, en répondant à votre question, je veux rendre, encore une fois, hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Prévention du cancer

    M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

    Mme Marianne Dubois. Madame la ministre de la santé, la journée mondiale contre le cancer s’est déroulée lundi. À cette occasion, il convient de rappeler que le cancer est responsable d’un décès sur huit dans le monde, une mortalité supérieure à celle du sida, de la tuberculose et du paludisme réunis.

    Chaque année, plus de 12 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués et 7,6 millions d’individus meurent du cancer. En l’absence de mesures appropriées, ces chiffres pourraient atteindre 26 millions de nouveaux cas d’ici 2030, sachant que l’augmentation sera plus marquée dans certains pays défavorisés.

    Aujourd’hui en France, 2 millions de personnes vivent au quotidien avec cette maladie. Pourtant, l’on guérit près de 60 % des cancers. Il convient de se féliciter de ces chiffres, mais pourraient-ils être améliorés ?

    Ainsi, nul ne devrait désormais ignorer que près de 50 % des cancers sont évitables. Les principaux facteurs de risques devraient être parfaitement connus pour être combattus efficacement. C’est là le rôle de la prévention et du dépistage.

    Toutefois, nos concitoyens ne sont pas égaux face au cancer, car à l’obstacle financier s’ajoute l’obstacle géographique : ainsi, de nombreuses femmes au foyer et des personnes âgées se trouvent confrontées à un véritable parcours du combattant, particulièrement en milieu rural où il faut près de six mois pour obtenir un rendez-vous. Certaines spécialités médicales, comme la gynécologie, connaissent des difficultés de recrutement du fait de la désertification médicale. Comme vous le savez, la situation s’aggrave, notamment en raison du vieillissement des praticiens et de leur départ à la retraite.

    Aussi, madame la ministre, quelles mesures urgentes entendez-vous prendre pour permettre à tous nos concitoyens d’avoir accès, dans les meilleures conditions, au dépistage du cancer ? Plus globalement, comment entendez-vous remédier aux difficultés de l’accès aux soins dans notre pays ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, vous avez raison de rappeler l’importance que représente le défi de la lutte contre le cancer, au niveau mondial et dans notre pays.

    En France, on dénombre 350 000 nouveaux cas chaque année. Nous devons faire en sorte de renforcer la prévention, tout comme nous améliorons les soins, l’accompagnement et le soutien des personnes malades.

    Nous devons tous nous mobiliser pour relayer des campagnes d’information et pour permettre l’accès au dépistage, partout sur le territoire. Mais je vous rejoins, madame la députée, lorsque vous dites que nous ne sommes pas tous égaux face à la prévention et au dépistage. Dans certains territoires, par exemple, ce sont plus de 65 % des femmes en âge d’y procéder qui bénéficient d’un dépistage du cancer du sein. Dans d’autres territoires, elles sont moins de 40 %.

    À l’évidence, nous devons mieux cibler nos campagnes d’information et nos campagnes de dépistage. J’ai moi-même inauguré l’installation d’un nouveau mammographe dans un territoire rural, afin de marquer l’importance que j’accorde à la présence des instruments ou des centres de soins dans nos territoires ruraux, en particulier dans la lutte contre le cancer.

    Nous travaillons actuellement à l’élaboration du troisième plan cancer, annoncé par le Président de la République. Il comprendra des mesures spécifiques en direction de la prévention. Il s’agit pour le Gouvernement de faire en sorte que l’égalité face à la prévention et au dépistage soit mieux assurée. Cela passe, encore une fois, par le renforcement de l’information, mais surtout par l’égal accès de tous aux structures de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    2
    Ouverture du mariage
    aux couples de personnes de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (nos 344, 628, 581)

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 1825 et cinq amendements identiques, à l’article 4.

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement. Voilà bien longtemps, monsieur Mariton, que vous ne m’en aviez pas demandé ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Il est vrai, monsieur le président, que nous n’avons pas eu le bonheur de siéger sous votre autorité hier soir.

    Nous sommes aujourd’hui le 6 février. Dans la vie de la République et dans la vie de notre assemblée, ce n’est pas tout à fait une date comme une autre. Le 6 février 1934, des militants d’extrême droite, mais aussi des anciens combattants proches de l’extrême droite et du parti communiste, ont mis en danger notre assemblée, la démocratie et la République. Ce furent des heures tragiques, qui se soldèrent par de nombreuses victimes.

    Nul ne l’a évoqué et c’est dommage, car le 6 février est une date importante. C’est pourquoi, alors que nous nous remémorons la gravité des événements du 6 février 1934, nous devons nous efforcer, quand cela est possible, de trouver des formes de rassemblement et de consensus. Je vous ai cité hier, mesdames, messieurs, ces jolies paroles de Guy Béart : « Si la France se mariait avec elle-même / Si enfin un jour elle se disait “Je t’aime” / Elle inventerait la ronde / Qui entraînerait le monde. »

    Chaque pays a, sur la question dont nous parlons aujourd’hui, des réponses différentes, et les mots cachent souvent des réalités juridiques et humaines diverses. Ainsi, ce qui a été voté hier aux Communes n’a rien à voir avec ce dont nous débattons aujourd’hui ; rappelons que l’Angleterre est un pays de religion d’État.

    Alors oui, je suis convaincu qu’il était possible de trouver dans notre pays un consensus pour apporter une meilleure réponse aux couples de personnes de même sexe et aux enfants dont ils ont parfois la charge.

    C’est aussi cela, le message du 6 février 1934 : un appel au consensus, la nécessité de poser des limites aux divergences partisanes, face à des enjeux d’une nature supérieure.

    Il y eut le 6 février 34 et la réponse de la République, hélas guère suffisante ; il y eut ensuite l’unité du Conseil national de la Résistance, qui portait une certaine vision de la famille. Il est triste qu’aujourd’hui, sur un sujet où le Gouvernement aurait pu accepter le consensus, il ait fait le choix de le récuser.

    Mesdames et messieurs de la majorité, vous avez encore cette possibilité, au cours des lectures successives de ce texte, qui occuperont le Parlement jusqu’au printemps. S’il vous plaît, entendez le message du 6 février ! Lorsque le consensus permet la démocratie et que la démocratie permet le consensus, que cette voie ne soit pas récusée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Mariton, j’ai entendu vos propos. Nous avons en effet, au regard des événements tragiques que vous venez d’évoquer, une responsabilité. Même si le consensus n’existe pas ou qu’il ne peut être trouvé, nous avons le devoir, chacun à notre place, de faire vivre la République. Et il est important pour cela que, au travers du ton que nous employons et des arguments que nous échangeons, nous montrions aux Français que nous sommes respectueux les uns des autres et que nous les laissons choisir entre les thèses des uns et celles des autres.

    Lorsque le rassemblement ne peut pas se faire sur une proposition, car les divergences sont trop importantes, l’honneur de la démocratie, c’est de présenter nos thèses aux Français, pour qu’ils puissent nous juger et choisir, le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Absolument.

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 1825 et cinq amendements identiques à l’article 4.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1825.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je vous remercie pour vos propos, car la seule raison de notre présence dans l’hémicycle depuis plusieurs jours est précisément de faire émerger, pour ce qu’elles sont et pour ce qu’elle contiennent, les propositions du projet de loi et leurs conséquences. Lorsque la majorité a adopté les articles 1er à 1er quater, 2 et 3 de ce projet de loi, il nous a semblé en effet que certaines des conséquences qu’ils emportaient n’avaient pas suffisamment émergé ni des déclarations du Gouvernement ni des travaux de la commission ni même de nos débats.

    La seule raison pour laquelle nous continuons à débattre calmement et sereinement est donc bien de faire émerger toutes ces conséquences. L’amendement est ainsi défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1827.

    M. Marc Le Fur. Permettez-moi d’abord, monsieur le président, de vous saluer ainsi que Mme la garde des sceaux, Mme la ministre de la famille, M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur de la commission des lois et Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

    À défaut de consensus, la règle de la démocratie, c’est le débat – et vous l’avez fort bien dit, monsieur le président. Dans ce débat, la majorité joue son rôle, et l’opposition – minoritaire – le sien, qui est précisément de permettre le débat, en défendant ses amendements. Nous en avons défendu 2 338 ; il en reste 2 678 à défendre, ce qui signifie que nous ne sommes pas encore parvenus à la moitié de nos travaux.

    Nous avons donc le temps devant nous, ce qui permettra aux uns et aux autres de défendre leur position. Je souhaiterais d’ailleurs, pour que le débat puisse avoir lieu, que les rapporteurs, les présidents de commission et bien évidemment le Gouvernement – qui le fait déjà – s’efforcent de répondre à nos questions.

    Ce débat, beaucoup de Français l’observent, plus peut-être qu’à l’occasion d’autres débats. Pourquoi ? Parce qu’ils savent qu’à travers le mariage et la famille, chacune, chacun est concerné.

    Je tenais à réaffirmer notre volonté de débat, serein, positif. Nous savons – je dirai hélas en l’occurrence – comment les débats se terminent : la démocratie fait en effet qu’il y a une majorité et une opposition. Mais le respect que l’on doit à l’opposition ou à la minorité en général, consiste au moins à lui apporter des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Pierre Maggi. Oh

    M. le président. Sur l’amendement n° 1825 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3551.

    M. Xavier Breton. À l’occasion de ces amendements, nous allons pouvoir discuter à nouveau de l’article 4, mais aussi de l’article 4 bis qui s’inscrit dans la même logique.

    La démocratie, chers collègues, c’est l’échange, le débat, mais elle peut aussi, ce qui est normal, prendre la forme de la confrontation. En revanche, le principe de responsabilité consiste à savoir jusqu’où on peut aller sans diviser les Françaises et les Français. Or, depuis l’annonce du projet de loi par Mme la garde des sceaux dans un quotidien du 11 septembre dernier, il est désormais clair que l’on assiste à un passage en force. Alors qu’il existe des voies de compromis et de consensus, vous faites le choix de l’affrontement, non pas seulement entre nous, parlementaires, mais au sein même de la société. Il suffit de voir le nombre de personnes – des centaines de milliers – qui se sont mobilisées et ont manifesté le 13 janvier dernier et qui prévoient de le faire à nouveau le 24 mars prochain.

    Les débats certes sont passionnés, mais ils ne sont plus constructifs dès lors que l’on risque de se diviser de plus en plus. Alors que notre politique familiale était un élément de consensus, de rapprochement, d’unité, de cohésion dans notre pays – et Dieu sait si nous en avons besoin en ces temps difficiles aux niveaux économique et social ! –, la politique familiale se transforme en lieu d’affrontement, de confrontation.

    Si nous devons, dans le choix de nos propos et la manière de participer au débat, faire preuve de responsabilité, le Gouvernement doit faire preuve du même sens de la responsabilité dans le choix des textes qu’il propose. Alors que son projet de loi sur le mariage aurait pu trouver un consensus avec l’union civile, voilà que le projet de loi sur la famille, dont nous allons pouvoir commencer à discuter puisque nous disposons des premiers éléments, remet en cause toute notre politique familiale et contrevient à tous les principes issus de la fin de la Seconde guerre mondiale.

    Le choix démocratique peut être le consensus, mais également la division.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3574.

    M. Hervé Mariton. L’article 368-1 du code civil porte sur la succession de l’adopté. Or, ainsi que j’ai essayé de le faire valoir hier, l’adopté par un couple de personnes de même sexe est dans une situation particulière qui peut justifier une catégorie particulière. Le Gouvernement et la commission récusent cette approche. Je suis convaincu pourtant qu’elle permettrait d’apporter en l’occurrence de meilleures réponses.

    La liste des amendements que nous examinons peut paraître fastidieuse à nos collègues (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) ou à ceux qui nous regardent. Je rappelle que s’il y a autant d’amendements sur l’article balai, la raison est simple. Il s’agit pour nous, article après article, de reprendre les articles du code civil dans lesquels les mots de père et mère devaient initialement disparaître. Le nombre important d’amendements est donc lié au très grand nombre de cas dans lesquels le mot de père et de mère devaient être supprimés.

    Le Gouvernement comme la commission ont préféré la formule plus habile, mais assez factice, de l’amendement balai. Il faut maintenant en payer le prix, c’est-à-dire regarder avec précision ce qui se passe article par article.

    À l’article 370 du code civil, il est fait explicitement allusion non pas simplement aux père et mère, mais aux « père et mère par le sang ». La faculté interprétative évoquée par Mme la garde des sceaux hier devient alors un plus compliquée à comprendre ! Expliquer que dans le cas de deux personnes de même sexe la formule « père et mère par le sang » signifie deux hommes ou deux femmes, avouez que c’est solliciter beaucoup le code civil !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4226.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, nous souscrivons entièrement à vos propos liminaires. Mais si la démocratie est la confrontation des idées, c’est aussi un destin commun pour un peuple. Nous sommes tous des Français, des compatriotes, et si nous pouvons être de droite ou de gauche, ce qui nous lie, c’est le pacte républicain. La majorité a, à cet égard, un devoir supplémentaire par rapport à l’opposition : savoir jusqu’où elle peut aller et où elle doit s’arrêter.

    Vous êtes majoritaires dans cet hémicycle et vous avez le droit de défendre vos idées…

    M. Daniel Vaillant et M. Jean-Yves Caullet. Merci !

    M. Philippe Meunier. …afin de les mettre en œuvre dans notre législation nationale. Mais, à un moment donné, l’union doit prévaloir sur la division. Vous pouvez certes essayer de faire avancer votre modèle de société, mais vous devez également comprendre qu’à l’intérieur du pays des forces de résistance se lèvent lorsque vous voulez aller trop loin. En l’occurrence, non seulement vous allez vers le mariage de couples de même sexe, mais également vers la filiation, l’adoption. Vous modifiez ainsi considérablement notre code civil.

    Parce que vous êtes majoritaires, vous avez un devoir supplémentaire, celui de respecter l’opposition quand elle vous parle du pacte national qui nous lie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements identiques.

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. S’il y avait un seul article dans ce texte qui aurait pu obtenir le consensus, c’est bien l’article 4, l’article-balai !

    M. Christian Assaf. Bien sûr !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Dans votre combat contre le mariage pour tous, vous n’avez eu de cesse depuis l’automne de mettre en avant – faussement – la suppression des mots « père et mère » et « maris et femmes » et leur remplacement par respectivement les mots « parent » et « époux ». Cet article-balai rebat complètement les cartes en réduisant au strict minimum le nombre de changements.

    M. Bernard Roman. Eh oui.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avec les mêmes arguments qu’à l’automne et dans une situation radicalement différente, vous nous dites que même sans changer les articles du code civil, le fait de les appliquer aux couples de même sexe modifiera leur sens.

    M. Hervé Mariton. Oui.

    M. Erwann Binet, rapporteur. C’est absurde.

    M. Philippe Cochet. Ce serait tellement plus simple s’il n’y avait pas d’opposition !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Pas une minute, ni maintenant, ni avant, vous n’avez été ouverts au consensus. Car l’article 4 est un article de consensus.

    M. Bernard Roman. Eh oui.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Cet article-balai est aussi la façon pour la commission des lois de répondre à vos arguments ! L’avis de la commission est donc défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

    M. Patrick Labaune. Des amendements de qualité.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Mariton, vous avez présenté un amendement relatif à l’article 368-1 du code civil, mais vous avez fait référence à l’article 370 à propos duquel vous n’avez pas déposé d’amendement.

    M. Hervé Mariton. Par souci d’économie de temps !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne juge pas, j’observe.

    M. Hervé Mariton. En fait, il s’agit d’une erreur. Nous ne sommes pas parfaits. (Sourires .)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de l’article 370, je ne vois pas ce qui vous dérange, monsieur Mariton. Vous insistez sur la périphrase « les père et mère par le sang ». Que je sache, il s’agit avec cet article de la possibilité de révocation de l’adoption, laquelle peut être prononcée, pour motif grave, bien entendu, à la demande de l’adoptant ou de l’adopté lorsqu’il s’agit d’un mineur de plus de quinze ans, ou du ministère public s’il a moins de quinze ans .

    Quelle difficulté voyez-vous dans les mots « les père et mère de sang » ? L’adopté a bien un père et une mère !

    M. Hervé Mariton. Qu’est-il lorsqu’il s’agit de deux hommes ou de deux femmes ?

    M. le président. Monsieur Mariton, ça va !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans notre droit, il y a deux possibilités d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple. Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde, l’adopté a un père et une mère. Et qu’il ait été adopté de façon plénière avec remplacement de sa filiation préalable par la filiation de la famille adoptante ou par le biais de l’adoption simple, je ne vois pas où est le problème.

    L’avis est défavorable à l’amendement.

    En fait, vous confondez les choses à force de vous répéter. C’est le cas avec ces interventions : on a droit à tout un chapitre sur les pères et mères alors que les pères et mères existent vraiment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en supprimant les termes de père, mère, mari, femme, vous déstructurez notre société (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Marc Le Fur. Écoutez !

    M. Jean-Pierre Vigier. …vous déstructurez nos valeurs universelles, nos traditions, notre histoire. C’est très grave.

    M. Stéphane Travert. Encore dans la mesure !

    M. Philippe Vigier. Les enfants perdront leurs repères, lesquels sont indispensables à leur équilibre et à leur maturité.

    Mme Colette Langlade. Vous l’avez déjà dit !

    M. Jean-Pierre Vigier. Depuis la nuit des temps, une famille, c’est un papa et une maman. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Vous n’avez pas besoin, mes chers collèges, de réagir ! Vous avez déjà entendu ces arguments.

    M. Jean-Claude Perez. Mais c’est insupportable.

    M. Jean-Pierre Vigier. Vous retirez à l’enfant le droit d’avoir un père et une mère. Le mariage est le symbole de l’union d’un homme et d’une femme. L’enfant est le fruit de leur union. Avec votre projet de loi, l’enfant ne trouvera plus sa place, il n’aura plus de repères. Quel avenir pour l’enfant qui a perdu sa généalogie ? Quel avenir pour la famille ? Vous privilégiez le droit à l’enfant pour sacrifier le droit de l’enfant. Pour toutes ces raisons, nous demandons le vote de ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 1825, 1827, 3551, 3574 et 4226.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 190

    Nombre de suffrages exprimés 189

    Majorité absolue 95

    Pour l’adoption 67

    contre 122

    (Les amendements n°s 1825, 1827, 3551, 3574 et 4226 ne sont pas adoptés.)

    M. Franck Gilard. L’écart se restreint.

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1831.

    M. Marc Le Fur. Cet amendement met un terme à la rédaction actuelle de l’article 371 du code civil : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect » – les mots sont pesés – « à ses père et mère. » Si les mots « père et mère » sont au singulier et le pronom possessif au pluriel c’est parce que ce dernier se rapporte au père et à la mère. Cet article, merveilleusement rédigé, vous allez le contourner, le torturer en imaginant une autre formule, qui est celle de « parents ».

    Selon nous, vous mettez ainsi un terme à une tradition républicaine – mais certainement antérieure à la République –, à une tradition qui va de soi pour l’immense majorité de nos familles, à une tradition qui fait partie de l’éducation que l’on transmet à ses enfants. Il y a entre les parents et les enfants des droits et des devoirs réciproques. C’est cela qu’implique la rédaction aussi forte que brève de cet article du code civil que je vous invite, mes chers collègues, à respecter.

    Nous devons collectivement être les gardiens d’une grande œuvre, celle du code civil, rédigé il y a plus de deux siècles et qui doit bien évidemment s’adapter à l’évolution des temps et des mœurs, mais aussi s’inscrire dans la durée.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1836.

    M. Dominique Tian. Marc Le Fur, qui a merveilleusement défendu l’amendement identique précédent, a raison d’insister sur cette modification extrêmement importante du code civil. C’est l’organisation traditionnelle de la famille et de l’autorité parentale qui est en jeu : un couple – un papa, une maman – et des responsabilités partagées pour élever les enfants, même si les choses ont beaucoup évolué au fil des siècles. Avec votre texte, tout va disparaître. Nos amendements permettraient au moins de revenir à un peu de bon sens.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3555.

    M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, vous avez présenté votre amendement-balai comme un amendement de compromis.

    Effectivement, il y a compromis dans la mesure où vous avez entendu la réaction de la société qui ne souhaitait pas, peut-être du fait de son attachement « chamanique », pour reprendre vos termes, aux mots « père » et « mère », les voir quasiment disparaître dans nombre d’articles de nos codes juridiques. Le poids de nos débats et des manifestations aura permis de faire passer ce message. C’est une bonne chose.

    Mais venons-en aux réponses que vous apportez. Elles ne sont pas un élément de consensus mais une fiction à laquelle vous nous proposez d’adhérer. On ne peut établir un consensus sur une fiction puisque précisément la société veut que soit prise en compte une réalité, portée par des noms. Un père, c’est un père ; une mère, c’est une mère : on ne peut pas trafiquer les dénominations. Si les parents sont deux hommes, alors il s’agit de deux pères et s’il s’agit de deux femmes, alors ce sont des mères. Or votre amendement-balai fait comme si.

    C’est, en outre, une lâcheté : vous n’osez pas appeler les personnes par leur nom. C’est aussi un appauvrissement du langage parce que mal nommer ne permet plus de décrire la réalité des choses.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1831 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3578.

    M. Hervé Mariton. « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère » : chacun voit bien qu’il s’agit de la traduction républicaine du premier commandement du livre de l’Exode, « Honore ton père et ta mère ». Cela souligne la dimension sacrée que la République a su donner à ses lois.

    Rappelons que cela donne sa force au mariage républicain, une force que l’on ne retrouve pas dans d’autres pays européens dont il a été beaucoup question ces dernières heures. Il n’y a rien de tel en Angleterre, rien de tel au pays de Galles. Le code civil, lui, reprend le premier commandement. Chacun d’entre nous doit mesurer cela.

    Par ailleurs, monsieur le rapporteur, l’article-balai n’est pas un article de consensus, c’est un article de concession à l’égard de ceux qui réclamaient que les mots « père » et « mère » soient moins souvent supprimés.

    M. Marc Le Fur. Très juste !

    M. Hervé Mariton. Cela reste un article factice. C’est, à dire vrai, de la fausse monnaie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4232.

    M. Philippe Meunier. Apparemment, la majorité ne veut pas répondre à notre appel à l’unité nationale (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe SRC) sur un texte qui divise de plus en plus les Français, qui seront d’ailleurs appelés à manifester en nombre le 24 mars prochain – et nous serons à leurs côtés.

    Tout à l’heure, M. Mariton évoquait le 6 février 1934. Aujourd’hui, en 2013, nous sommes dans l’obligation, amendement après amendement, d’essayer de faire comprendre que père et mère, ce n’est pas deux pères ni deux mères. C’est tout de même gravissime !

    M. Philippe Cochet. Très juste !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je reviendrai sur deux choses.

    Premièrement, vous nous avez rappelé tout à l’heure qu’il était inadmissible de brouiller les repères des enfants. Or vos amendements visent à ce que l’article 371 du code civil – « L’enfant, à tout âge, doit respect et honneur à ses père et mère » – ne soit pas applicable aux familles homoparentales, dont je rappelle qu’elles existent en très grand nombre dans notre pays. Pour défendre la nécessité de donner des repères aux enfants, voilà qui est tout à fait cohérent !

    Deuxièmement, j’aimerais, par une image, essayer d’illustrer ce que pourrait être l’article-balai et essayer de vous convaincre une fois de plus de sont intérêt. Mettons que de nouveaux voisins – un couple homosexuel – arrivent près de chez vous : ils respirent le même air que vous. Vous n’allez pas considérer que cela va vicier l’air que vous respirez. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. C’est scandaleux !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je dis bien que vous ne pouvez pas l’imaginer. Eh bien, il en va de même pour le code civil. Ce n’est pas parce que les couples homosexuels se verront appliquer les mêmes dispositions du code civil que cela va vicier le code civil, que cela va en faire de la fausse monnaie, pour reprendre votre expression monsieur Mariton. Évidemment que non !

    C’est parce que je sais que vous ne le pensez que j’essaie de vous faire comprendre que cela ne changera pas le sens d’une seule ligne du code civil. De même que vous ne pouvez pas imaginer une seule seconde que vos voisins homosexuels peuvent vicier l’air parce que vous respirez le même qu’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Thomas Thévenoud. Excellente démonstration !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. Yves Fromion, Ce qui veut dire que Mme la ministre est d’accord avec le rapporteur.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur, je suis tout de même assez navré de votre contresens. La fausse monnaie que vous battez, c’est à l’encontre des couples de personnes de même sexe qu’elle va.

    Mme Claude Greff. Exactement !

    M. Hervé Mariton. Lorsque je célébrerai le mariage d’un couple de personnes de même sexe à la mairie de Crest et que je dirai : « l’autorité parentale appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant », que vont penser les personnes qui sont en face de moi ?

    Votre texte porte surtout préjudice aux couples de même sexe. C’est l’un des problèmes fondamentaux de la méthode de l’amendement-balai, même si, d’une certaine manière, je vous l’accorde, il limite les dégâts à l’égard des couples hétérosexuels – il y a moins de disparitions des mots de « père » et « mère » que ne le prévoyait le texte initial. J’aurais souhaité que les personnes concernées aient été plus attentives à ce point car elles auraient dû davantage réagir. Il s’agit en fait d’une proposition insultante qui n’est pas à la hauteur du débat. C’est de la fausse monnaie : vous ne réglez pas les choses décemment de cette manière-là. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, pour un vrai vote (Sourires), les amendements identiques nos 1831, 1836, 3555, 3578 et 4232.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 202

    Nombre de suffrages exprimés 201

    Majorité absolue 101

    Pour l’adoption 77

    contre 124

    (Les amendements identiques nos 1831, 1836, 3555, 3578 et 4232 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1835.

    M. Marc Le Fur. Nos débats n’avaient pas mal commencé mais, très franchement, monsieur le président, les choses sont en train de déraper.

    J’allais vous féliciter, monsieur le rapporteur, parce que, enfin, après de longs moments de silence, vous répondiez à nos amendements et à travers eux à nos interrogations. Mais la manière dont vous avez répondu à l’instant est totalement déplacée. Lorsque quelqu’un s’installe à côté de chez moi, je ne lui demande pas s’il est marié, pacsé ou s’il vit en concubinage. Ce n’est pas le sujet ! Nous défendons le code civil, nous défendons la conception qui est la nôtre de la famille et du mariage. Il y a d’autres façons de vivre ensemble qu’en se mariant. De multiples couples vivent de cette façon, et même parmi ceux qui sont les plus importants dans notre pays, sans que cela pose de problèmes majeurs.

    L’important, c’est de conserver une logique, celle de la famille, celle du mariage, celle du respect du code civil tel qu’il a été rédigé. Ce code civil, bien évidemment, doit s’adapter mais, en tout état de cause, les notions de père et mère ne sauraient disparaître.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Mais elles ne disparaissent pas !

    M. Marc Le Fur. Il aurait été possible de trouver des formes de compromis : il s’agissait d’offrir à celles ou ceux qui souhaitent se marier avec une personne de même sexe une forme stable qui soit la plus proche possible du mariage sans pour autant être un mariage. Cette perche que nous vous tendions, vous n’avez pas su la saisir.

    J’espère que vos prochaines réponses seront un peu plus circonstanciées, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1841.

    M. Dominique Tian. Il me paraît important que M. le rapporteur revienne sur l’expression d’« air vicié » qu’il a employée : en quoi des voisins seraient gênés par un air vicié venu de je ne sais quoi ? S’il s’agit d’une attaque contre l’UMP, et tel semblait être le cas, nous ne la comprenons pas. En tout cas il s’agit de propos homophobes car prétendre que lorsqu’un couple homosexuel s’installe quelque part, l’air est vicié, c’est là me semble-t-il un dérapage.

    M. Alain Suguenot. À la limite du pénal !

    M. Dominique Tian. À la limite du pénal en effet. Il faudrait peut-être que nous agissions en ce sens d’ailleurs.

    Nous souhaiterions que M. le rapporteur présente des excuses parce que cela nous paraît extrêmement nauséabond, si puis m’exprimer ainsi. Il est important qu’il nous précise sa pensée puisque ses propos seront inscrits dans le Journal officiel. Mais peut-être n’a-t-il lui-même pas vraiment compris de quoi il s’agissait.

    M. le président. Monsieur Tian, veuillez défendre votre amendement.

    M. Dominique Tian. Monsieur le président, nous ne pouvons pas laisser passer cela !

    M. le président. Monsieur Tian, compte tenu des séries d’amendements que nous avons à examiner, vous aurez les uns et les autres l’occasion d’échanger, notamment sur ce point.

    Veuillez en venir à votre amendement. M. le rapporteur vous répondra certainement.

    M. Dominique Tian. Nous ne cessons de dire que nous sommes préoccupés par l’intérêt de l’enfant. Pour nous, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime. Un papa, une maman, une autorité parentale partagée : voilà des normes historiques qu’il nous faut préserver.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3556.

    M. Xavier Breton. Je voudrais souligner l’intérêt de nos débats. À force d’aller au fond du texte, soit nous obtenons des informations sur la réalité de ce projet de loi, soit nous est donné par le Gouvernement sur bien des sujets un feuilleton d’annonces, de contre-annonces, d’informations, de contre-informations, soit nous sont intentés des procès qui vous reviennent à la figure comme des boomerangs. Nous ne souhaitons pas aller sur le terrain de l’homophobie alors que c’est vous-même qui y allez.

    Avec l’article 4, vous n’avez pas la franchise de dire aux couples de personnes de même sexe que lorsqu’ils seront mariés, ils seront deux maris ou bien deux femmes. Vous n’avez pas la franchise d’inscrire dans notre droit que s’ils ont des enfants, ces hommes et ces femmes seront deux pères ou bien deux mères. Vous laissez les termes dans le droit mais par votre amendement-balai vous précisez qu’il faut comprendre qu’il peut s’agir de parents de même sexe. C’est une lâcheté de votre part. Encore une fois, je trouve cela très insultant pour ces couples de personnes de même sexe.

    Vous avez fait le choix d’ouvrir le mariage et la filiation, via l’adoption, aux couples de personnes de même sexe. Même si ce n’est pas notre choix, j’estime que vous devriez en assumer les conséquences. Nous voyons toute votre couardise face aux réactions de la société.

    En agissant de la sorte, vous ne faites plaisir ni à la société qui, elle, conteste le principe même de la loi, ni à ceux que vous prétendez représenter, une minorité militante de couples de personnes de même sexe. Vous n’avez pas le courage de nommer ce que vous venez de créer par votre loi.

    Je vous demande d’assumer vos responsabilités devant les Français et les Françaises et devant les couples de personnes de même sexe (Applaudissements quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1835 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3581.

    M. Hervé Mariton. L’article 371-1 du code civil, que nous lisons à haute voix en mairie lors de cette cérémonie assez brève, mais qui doit être solennelle et forte pour ceux qu’elle concerne, amènera l’officier d’état civil à dire que « l’autorité parentale […] appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant », à charge pour les personnes à qui cette lecture s’adresse d’en assurer la traduction !

    Sans faire de rappel au règlement, rassurez-vous, monsieur le président, je souhaiterais demander, s’agissant de l’article-balai, de quelle manière le rapporteur et le Gouvernement entendent l’appliquer à la Constitution.

    Le préambule de la Constitution de 1946 dispose en effet que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Le préambule a donc trait à la mère.

    Dans les nouvelles circonstances que vous créez, je vous demande de bien vouloir m’indiquer, puisque tout votre dispositif repose sur un amendement-balai, par quel miracle institutionnel cet amendement balai s’appliquera à la Constitution. Vous asseyez-vous sur cette dernière ou bien envisagez-vous de la réformer pour introduire dans le préambule de 1946 un amendement constitutionnel balai ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour défendre l’amendement n° 4235.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le rapporteur, je suis désolé de vous dire que, quand vous ne méprisez pas l’opposition en ne répondant pas à ses questions, vous prenez la parole pour sombrer dans la provocation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous parlez d’air vicié, alors que nous avons, de notre côté de l’hémicycle, commencé nos débats en appelant au sens des responsabilités afin que cesse cette division du peuple français qui s’accroît jour après jour à cause de votre projet de loi.

    Vous êtes en effet, chacun l’a bien compris, aux ordres des ultras de votre majorité, alors même qu’un certain nombre d’entre vous – nous le savons – ne sont pas d’accord avec les finalités de ce texte.

    Je vous demande, monsieur le rapporteur, de respecter un peu plus les droits de l’opposition et le peuple français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je crois que vous avez très bien compris ce que j’ai dit, mes chers collègues : il n’y avait absolument rien d’insultant à votre égard, et les minutes de nos débats pourront en témoigner. Je ne regrette donc pas les propos que j’ai tenus, même si j’ai entendu les termes « manque de courage », « lâcheté » et « couardise ».

    Je ne comprends pas qu’après de très nombreux mois pendant lesquels vous avez injustement reproché au Gouvernement d’avoir changé les mots « père et mère » en « parents », vous nous demandiez aujourd’hui de les rétablir. C’est une incohérence que je ne comprends pas, je vous l’avoue.

    Un député du groupe UMP. C’est du droit !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Non, ce n’est pas du droit, c’est une incohérence politique.

    Quant à l’allusion au mot « mère » dans la Constitution, monsieur Mariton, elle fait très nettement référence à la mère qui a porté l’enfant, que la Nation doit protéger, et non pas à la mère ayant un lien de filiation avec l’enfant, qu’elle l’ait porté ou non.

    La commission émet donc un avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Hier, nous avons beaucoup parlé du Conseil d’État, madame la garde des sceaux.

    Je vais justement vous lire un avis du Conseil d’État du 27 novembre 2012 : « Le Conseil d’État constate qu’il s’agirait d’un changement fondamental des bases anthropologiques du mariage, confrontant notre société à un changement radical de paradigme qui doit nous interpeller et qui, selon lui, devrait faire d’abord l’objet d’un débat démocratique », à travers un référendum.

    Le mariage civil a été introduit dans le code civil en 1804, tout le monde le sait. « Pour les personnes se réclamant de cette position… » – c’est-à-dire des couples hétérosexuels –, « …le mariage n’a jamais été un simple contrat, il a toujours eu la fonction sociale d’encadrer la transmission de la vie, en articulant les droits et les devoirs des époux entre eux et à l’égard des enfants à venir. […] Or, il faut bien constater que seuls les couples hétérosexuels sont en mesure de procréer naturellement. […]

    « Compte tenu des considérations qui précèdent, le principe de précaution, si haut en cours en d’autres domaines, exige qu’au préalable de toute initiative du législateur, une mûre réflexion et un large débat de société soient menés sur toutes les conséquences pouvant résulter du changement projeté des paradigmes du mariage.

    « En particulier, si le législateur ouvre la voie du mariage traditionnel aux personnes de même sexe, il devra avoir, en toute honnêteté intellectuelle, d’abord abordé et réglé les questions suivantes : ces couples auront-ils droit de recourir à l’aide médicale à la procréation, à la gestation pour autrui, au don anonyme de gamètes, aux manipulations génétiques et à l’adoption d’enfants ? »

    C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État, en conclusion, « ne peut approuver les dispositions du projet de loi sous avis qui concerne l’ouverture du mariage aux personnes homosexuelles. »

    M. Yves Fromion. Très bien !

    M. Patrick Ollier. Hélas, cet avis n’émane pas de notre Conseil d’État, mais du Conseil d’État du Grand-Duché du Luxembourg !

    M. Hervé Mariton. Oh !

    M. Patrick Ollier. Mais les juristes du Luxembourg sont aussi compétents que les nôtres, madame la garde des sceaux. Et les avis du Conseil d’État du Grand-Duché du Luxembourg valent bien les déclarations de nos collègues concernant la décision prise hier à la Chambre des Communes au Royaume-Uni. Le Grand-duc vaut bien la reine d’Angleterre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n° 1835, 1841, 3556, 3581 et 4235.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 193

    Nombre de suffrages exprimés 192

    Majorité absolue 97

    Pour l’adoption 74

    contre 118

    (Les amendements n° 1835, 1841, 3556, 3581 et 4235 ne sont pas adoptés.)

    M. Philippe Cochet. Ils commencent à douter !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement – le dernier !

    M. Hervé Mariton. Avant le suivant, monsieur le président !

    M. le président. Ce sera alors pour 21 h 30 ! (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Non, monsieur le président. Je crois respectueusement que nous avançons raisonnablement.

    Pour garantir la qualité de notre discussion, en particulier le respect de la Constitution, le rapporteur a indiqué que le préambule de la Constitution de 1946 vise la mère qui a porté l’enfant, et non pas la filiation.

    Cela veut-il dire que la mère qui aura porté l’enfant…

    M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement ! Vous développerez votre thèse dans le cadre de la discussion de l’amendement n° 3588.

    Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1838.

    M. Marc Le Fur. Nous devons resituer le débat pour nos collègues qui arrivent. Alors que nous n’avions pas trop mal commencé, le rapporteur a dérapé, disant que l’on sentait mauvais ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis Ce n’est pas vrai.

    M. Marc Le Fur. Le président de la commission des lois ne l’a pas rappelé à l’ordre, et je le regrette !

    Par ailleurs, M. Mariton a posé une question de fond majeure : notre code civil, si cet article-balai était adopté, serait en contradiction avec un élément important de la Constitution, à savoir le préambule de la Constitution de 1946, qui évoque explicitement le père et la mère. Nous aurions donc un code civil irrespectueux de la Constitution : cela pose quand même un problème de fond, monsieur le président ! J’attends donc des excuses de notre rapporteur et des explications de sa part.

    De plus, madame la garde des sceaux, il serait bon que le Gouvernement nous dise très précisément ce qu’il en est quant à la cohérence nécessaire entre le code civil et la Constitution, et plus précisément le préambule de 1946 : je suis convaincu que vous avez la réponse !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1844.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite réagir aux propos tenus par le rapporteur concernant l’amendement-balai.

    Le problème dans le choix de cette méthode, c’est qu’elle ne laissait que deux possibilités, aussi peu efficaces l’une que l’autre.

    La première était de remplacer purement et simplement dans le projet de loi les mots « père » et « mère » par les mots « parents » – il y a quelque 150 occurrences. Cette solution, qui avait le mérite de la clarté, était indéfendable politiquement, raison pour laquelle la commission, avec l’avis favorable du Gouvernement, a transformé l’article 4 par cet amendement-balai.

    La seconde méthode pose, elle, problème – même si elle correspond, j’en conviens, à ce que Mme la garde des sceaux avait désigné l’autre jour en commission comme relevant de la « légistique » – car elle crée des fictions juridiques, certes plus faciles à défendre sur le plan politique parce qu’elles heurtent moins l’opinion. Pour autant, cette méthode met en situation d’insécurité, d’incertitude et parfois d’incomplétude les divers articles du code civil qui sont modifiés par cet amendement balai.

    En réalité, vous n’aviez pas de bonne solution et vous avez choisi celle des deux qui était la moins choquante pour l’opinion publique comme pour nous. Mais elle est certainement moins sûre sur le plan juridique.

    L’amendement est défendu, monsieur le président.

    M. le président. Sur l’amendement no 1838 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3558.

    M. Xavier Breton. Je souhaite prolonger ce qu’a dit notre collègue Jean-Frédéric Poisson : le texte du Gouvernement était sans aucun doute exact sur le plan juridique, mais mauvais politiquement. La majorité a par conséquent tenté un tour de passe-passe. Or, la solution est peut-être politiquement meilleure – et encore, cela reste à prouver –, mais elle est juridiquement mauvaise.

    J’en reviens au débat qui s’est tenu en commission des lois. Dès le départ, nous vous avons sentie mal à l’aise, madame la garde des sceaux. Ce travail en commission est de votre responsabilité, mais vous n’avez jamais été une fervente partisane de cet article-balai.

    Je pense en effet que vous vous rendez compte avec vos services que cela pose certaines difficultés juridiques que nous soulevons progressivement. La réaction vraiment profonde de la société face à la disparition programmée des mots « père » et « mère » pose une difficulté politique majeure, que vous avez essayé de contourner. Malheureusement, vous êtes à nouveau rattrapée par la réalité, qui consiste à ne pas tromper la société.

    Quand deux hommes se marient, ils ne deviennent pas mari et femme, mais deux maris ; quand deux femmes se marient, elles ne deviennent pas un mari et une femme, mais deux femmes. Quand deux hommes deviendront pères, ils ne seront pas deux parents, mais bien deux pères, et deux mères pour les femmes.

    Expliquez-nous donc sincèrement l’impact juridique de cet article-balai, madame la garde des sceaux, et montrez à cette occasion que vous êtes une fervente partisane de cet article.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3588.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je reprends mon intervention que vous avez interrompue, ce qui m’oblige, même si ce n’est pas mon habitude, à m’éloigner un peu de l’article lui-même – mais votre rudesse de présidence m’y contraint.

    Le rapporteur a parlé de « la mère qui a porté l’enfant », par différence avec la filiation. Vous rendez-vous compte, monsieur le rapporteur, que cela conduit à créer des catégories juridiques dans la Constitution ? Je suis moins grand constitutionnaliste que le président de la commission des lois – que nous entendons peu –, mais je ne suis pas sûr qu’on puisse créer comme cela des catégories dans la Constitution.

    Si l’on doit cependant considérer qu’existe dans la Constitution la catégorie de « mère qui a porté », pouvez-vous m’expliquer la différence avec les mères porteuses ? Excusez-moi, monsieur le rapporteur, mais le glissement terminologique pose tout de même problème ! Quels sont donc les droits de l’une et de l’autre ?

    La mère figure clairement dans le préambule de la Constitution de 1946. Je repose donc la question : dans le cas d’un couple de deux hommes ou de deux femmes – couples parfaitement légitimes, et que nous respectons –, comment ces couples se retrouvent-ils dans le préambule de la Constitution ? Ce n’est pas du baratin, le préambule ! Il a un objectif social bien établi.

    M. Yves Fromion. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4238.

    M. Philippe Meunier. La majorité a décidé de pulvériser notre code civil, comme l’a expliqué très clairement hier soir notre collègue Gosselin, et pour ce faire elle a mis en œuvre un amendement-balai. Quelle tristesse pour cette œuvre monumentale de notre droit français !

    Avec cet amendement balai, vous confondez, chers collègues, le père avec la mère, et cette confusion dans les esprits entraînera un vrai problème au sein de notre corps social. C’est la raison pour laquelle, du reste, des centaines de milliers de Français ont défilé au mois de janvier dernier, et défileront à nouveau le 24 mars.

    Je le rappelle, nous sommes des parlementaires et nous n’avons pas de mandat impératif. Vous avez le devoir, en conscience, de voter les amendements que nous vous proposons.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    À ceux qui prétendent que j’ai donné un avis favorable à l’amendement-balai sans enthousiasme, je répondrai que nous ne sommes pas à l’orée du monde. Nous avons un droit positif, construit, structuré et la légistique à laquelle je me suis référée et à laquelle vous vous référez à bon droit a établi des méthodes d’écriture de notre droit. En l’occurrence, il y en a deux : l’une que le Gouvernement avait choisie sur le recensement, l’autre que la commission a choisie sur la disposition interprétative. Toutes les deux se valent. La difficulté, c’est que vous ne consentez pas aux conséquences.

    M. Hervé Mariton. La PMA et la GPA !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si une troisième méthode existait, elle vous dérangerait tout autant puisque ce qui vous pose problème ce sont les conséquences.

    Pendant des mois, vous avez fait croire que les mots « père » et « mère » disparaîtraient du code civil. Or nous n’avons cessé de vous répondre que nous ne touchions pas au titre Ier relatif à la filiation et qu’à partir du titre VIII relatif à la filiation adoptive, titre dans lequel se trouvait déjà le mot « parents », nous allions procéder aux modifications nécessaires. L’exécutif qui est responsable du projet de loi veille à rendre le droit effectif et à ce que toutes les modifications nécessaires soient apportées.

    M. Bernard Deflesselles. C’est un tour de passe-passe !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le problème c’est que vous ne les acceptez pas.

    M. Hervé Mariton. C’est vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement de la commission, étant de toute façon dans l’obligation d’introduire les modifications nécessaires.

    Soit nous procédions aux modifications à chaque fois que cela était nécessaires, soit nous introduisons une disposition interprétative, ce qu’a fait la commission. Mais les conséquences sont les mêmes.

    S’agissant, monsieur Mariton, des propos que vous avez tenus concernant la Constitution, je vous rappelle que le préambule de la Constitution de 1946, qui a été réintroduit dans la Constitution de 1958, dispose en son paragraphe 11 que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Lorsque ce préambule a été écrit, toute une série de droits économiques et sociaux n’avaient pas encore été conquis, essentiellement par la lutte sociale.

    M. Hervé Mariton. Mais la Sécurité sociale existait !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle venait d’être instaurée. Mais avouez que, par la suite, notre droit a encore progressé et que l’égalité économique et sociale s’est encore améliorée dans notre pays.

    M. Hervé Mariton. Vous mettez la Constitution à la poubelle !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non ! J’ai parlé des catégories considérées comme vulnérables lorsque le préambule de la Constitution de 1946 a été écrit.

    M. Bernard Deflesselles. Elles sont toujours là !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entre-temps, de nouveaux droits économiques et sociaux ont été conquis, y compris récemment – et votre majorité y a contribué – avec le congé parental par exemple.

    M. Hervé Mariton. Il n’y a plus de sujet pour les femmes !

    M. le président. Monsieur Mariton !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si, monsieur Mariton, et d’ailleurs mon regard panoramique…

    Mme Claude Greff. S’élève sur nous !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … me montre le contraire – et je reconnais bien volontiers que celles qui sont là sont de très grande qualité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Merci, madame la garde des sceaux !

    M. le président. Après cette ode aux femmes, je vais donner la parole à Mme Sophie Rohfritsch.

    Mme Sophie Rohfritsch. Mesdames les ministres, avec cet article-balai on s’éloigne des questions techniques ou de pure sémantique. Après avoir détricoté la filiation au travers du nom patronymique dont on a complètement bouleversé les références historiques, on détricote aujourd’hui petit à petit la célébration en mairie. Moi qui ai l’honneur d’être encore pour quelque temps officier d’état civil – à cet égard je milite pour le cumul des mandats –, je me demande de quoi j’aurai l’air lorsque je lirai de manière exhaustive les articles qu’on m’oblige à lire. Je pense devoir affronter quelques situations cocasses.

    Nous voyons bien que nous sommes sur des questions de fond dont nous avons du mal à nous rendre compte de la portée. Dieu sait pourtant que nous aurons tous à nous en rendre compte d’ici quelque temps !

    On fait régulièrement référence ici à nos voisins européens. Hier, ce sont l’Allemagne et le Land de Bavière qui ont été cités. Vous avez ainsi prétendu, sur la base d’une petite étude de 1 000 personnes environ, que les enfants élevés dans le cadre d’une famille homoparentale étaient particulièrement bien élevés, qu’ils réussissaient leurs études aussi bien que dans une famille hétéropentale. Mais il ne faut pas oublier que le mariage homoparental n’existe pas là-bas. C’est bien la preuve qu’il n’est pas nécessaire, pour bien éduquer un enfant, d’avoir le type de législation que vous nous proposez.

    Vous avez fait référence également à l’Angleterre où la Chambre des communes est appelée à valider un projet de loi identique au nôtre. Ce projet intervient après une large consultation qui a eu lieu des mois de mars à juin dernier et qui a recueilli près de 250 000 réponses favorables. Mais j’insiste sur le fait que la question a été posée à la population, ce qui n’est pas le cas dans notre pays.

    J’en reviens donc à la proposition qui vous a été faite d’en appeler aux citoyens français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1838, 1844, 3558, 3588 et 4238.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 235

    Nombre de suffrages exprimés 234

    Majorité absolue 118

    Pour l’adoption 84

    contre 150

    (Les amendements identiques nos 1838, 1844, 3558, 3588 et 4238 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2155.

    M. Dominique Tian. Je veux revenir sur cet article-balai qui a été souvent évoqué par mes collègues.

    Sur le plan du travail législatif, cette solution n’est pas très correcte parce qu’elle a interdit à un certain nombre de nos collègues de déposer des amendements. Si ce sont toujours les mêmes qui parlent, c’est en effet parce nombre de nos collègues, surpris par cette manœuvre de la commission, n’ont pas eu le temps de déposer des amendements, ce qui est dommage pour le travail démocratique qui doit être le nôtre.

    Comme elle l’a reconnu, Mme la garde des sceaux subit la réécriture de l’article 4 par la commission. En employant en effet les termes « nous veillons », cela revient à dire que le travail qui a été fait par la commission contre l’avis du Gouvernement doit être remis sous une forme juridique. Si mes collègues sont d’ailleurs conduits à intervenir souvent, c’est tout simplement pour avoir des précisions, car le texte, tel qu’il est rédigé, est confus, inapplicable et probablement anticonstitutionnel.

    La méthode de travail n’est donc pas la bonne. La surenchère des groupes SRC et écologistes a fait d’un texte juridiquement peut-être acceptable une espèce de brouillon inapplicable. C’est ce que dénoncent les membres du groupe UMP.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3739.

    M. Xavier Breton. Je veux revenir sur les propos tenus par le rapporteur s’agissant du préambule de la Constitution de 1946 car selon lui il y serait fait référence à la mère qui porte l’enfant et non à la mère qui a un lien de filiation. Dans notre pays, il serait possible que des mères portent un enfant mais qu’elles n’aient pas un lien de filiation avec l’enfant.

    Autant toutes les mères qui ont un lien de filiation avec un enfant ne l’ont pas porté, comme c’est le cas pour un enfant adopté, autant jusqu’à présent toutes les mères qui portent un enfant ont un lien de filiation avec lui.

    Vous êtes donc en train de créer une nouvelle catégorie, les mères porteuses, catégorie qui serait même au cœur de notre texte suprême, à savoir la Constitution. C’est grave.

    M. Bernard Deflesselles. Les masques tombent !

    M. Xavier Breton. Cela a été dit avec beaucoup de sincérité par notre rapporteur, mais peut-être était-ce dû à une confusion dans son esprit, à moins que ce ne soit un calcul. Nous considérons, nous, qu’une mère qui porte un enfant a obligatoirement un lien de filiation. Il va donc falloir que le rapporteur s’explique.

    Nous le savons, certains ministres sont pour les mères porteuses. Et lors de la dernière révision des lois bioéthique – M. Claeys ici présent pourra nous le confirmer –, les députés Verts avaient déposé des amendements qui avaient été soutenus par Aurélie Filippetti qui est maintenant ministre, par Jean-Louis Touraine et par Patrick Bloche, tous favorables à la gestion pour autrui.

    Monsieur le rapporteur, les mères porteuses seraient très clairement selon vous au cœur même de la Constitution. C’est un aveu très grave !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4437.

    M. Philippe Meunier. Madame la garde des sceaux, vous avez rappelé à la représentation nationale que vous avez gardé les noms de « père » et de « mère » dans le code civil. Mais c’est pour mieux les supprimer par un article-balai. Cela n’est pas acceptable, car vous dissimulez ainsi aux Français le vrai visage de votre projet de loi, à savoir la destruction de notre code civil et du droit de la famille.

    M. le président. Sur l’amendement no 2155 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4871.

    M. Hervé Mariton. Il faut reconnaître que l’article 371-4 du code civil n’est pas celui qui est le plus abîmé par la pratique de l’amendement-balai. Je donne acte au rapporteur que cet article ne perd pas beaucoup de sa cohérence.

    En revanche, je ne donne pas du tout acte au Gouvernement pour sa réponse concernant le préambule de la Constitution. Ce dernier est clair : il fait état d’un rôle de la mère. Vous dites qu’on a cité les catégories faibles de l’époque : la mère, les vieux,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas parlé des catégories faibles, mais des catégories vulnérables. Ce n’est pas la même chose !

    M. Hervé Mariton. …des catégories qui justifiaient une réponse et une sollicitude particulière de la nation.

    Il m’a semblé comprendre que si toute une partie de l’action publique était menée aujourd’hui au profit des droits des femmes dans le domaine politique, social c’était parce qu’il n’y avait pas d’égalité entre les hommes et les femmes. À cet égard, la mère, qui est une femme, lorsqu’elle a un enfant est d’évidence dans une situation qui justifie une attention particulière de la nation.

    Lorsque vous dites, madame la garde des sceaux, que la mère ne devrait plus être citée dans le préambule de la Constitution, cela veut-il dire que vous mettez en cause les majorations de durée d’assurance pour retraite, que dans la réforme des retraites que le Gouvernement a en tête vous voulez casser les avantages accordés aux mères en matière de retraite – M. Fragonard partage souvent cette idée ? Il y a tout un courant de pensée qui considère que ce sont des avantages non contributifs.

    Les avantages accordés aux mères dans le calcul des retraites ont comme fondement le préambule de la Constitution de 1946. Si vous ne lisez plus ce préambule ou plus de la même manière, vous sapez toute base aux avantages légitimement accordés aux mères dans le calcul des retraites.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Madame la garde des sceaux, je sens votre volonté de répondre aux orateurs.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, jusqu’à présent vous ne nous aviez pas habitués à ces excès, à poser des questions fausses et à donner des réponses à votre convenance. Ne dites pas que j’ai dit qu’il fallait supprimer les protections assurées à la mère.

    J’ai parlé simplement des trois catégories de personnes vulnérables prises en compte dans le préambule alors qu’aujourd’hui il y en a d’autres dans notre société. Les personnes sans domicile, par exemple, ne sont pas citées : elles sont vulnérables, elles ont droit aussi à la protection de la nation. Je le répète, au moment où le préambule a été rédigé, les trois catégories de personnes, non pas « faibles » – elles ne le sont pas intrinsèquement – mais rendues vulnérables par un système économique inégalitaire, étaient l’enfant, la mère et les vieux travailleurs.

    M. Hervé Mariton. La mère l’est toujours !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr, la mère l’est toujours. Mais ne passez pas de manière un peu audacieuse de la mère à la femme, parce que la femme a le droit de ne pas être mère.

    M. Hervé Mariton. Et la mère n’a pas le droit d’être femme ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour autant, cela n’interdit pas qu’on veille à mettre un terme à tous les abus auxquels elle est exposée et à instaurer l’égalité des droits dans la société.

    Et ce n’est pas parce votre raisonnement ne tient pas qu’il faut que vous interprétiez le mien. Nous avons des désaccords, nous les constatons constamment, mais en général vous travaillez sur le fond du texte. Je vous ai entendu à plusieurs reprises, suite à mes observations, reconnaître que vous vous étiez trompé – ce qui n’était d’ailleurs pas indispensable puisque vous auriez très bien pu ne pas répondre. Vous avez ainsi poussé l’honnêteté jusqu’à reconnaître par exemple que c’était une erreur de ne pas avoir déposé d’amendement à l’article 370 du code civil. J’avoue, humblement, que j’y prends plaisir. Ne changez pas, monsieur Mariton ! (Sourires.)

    Avis défavorable sur ces amendements.

    M. Hervé Mariton. C’est une déclaration ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Publique !

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

    M. Jean-Pierre Door. Mesdames les ministres, l’amendement-balai dont on parle depuis un certain temps altère le patrimoine de la famille. Vous chamboulez l’état civil.

    Mais je voudrais vous interroger sur l’étude d’impact que le Gouvernement avait demandée sur ce projet de loi et dont j’ai retrouvé un résumé. Daté d’octobre 2012, il compte une cinquantaine de pages et décortique ainsi les répercussions du texte sur le droit et les administrations en particulier : « Il conviendra de modifier le contenu des actes de naissance, de mariage, de décès. Il sera nécessaire de modifier le livret de famille » – de nouveaux exemplaires de ces documents devront donc être commandés. « Nous savons que tous les services d’état civil des communes verront une augmentation de leur activité et bien entendu de leurs frais de fonctionnement. […] Il est impossible de chiffrer ces suppléments. »

    Mesdames les ministres, nous sommes de nombreux maires ici et nous avons à préparer des budgets. Dites-nous s’il y aura des aides. Dois-je le rappeler, 16 000 à 18 000 maires ont signé une pétition contre votre projet de loi ?

    Ces amendements sont donc indispensables, et je demande à l’Assemblée de les voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2155, 3739, 4437 et 4871.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 233

    Nombre de suffrages exprimés 232

    Majorité absolue 117

    Pour l’adoption 86

    contre 146

    (Les amendements nos 2155, 3739, 4437 et 4871 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1842.

    M. Marc Le Fur. Hier, je le rappelle, nous avons demandé communication de l’avis du Conseil d’État. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) La réponse fut on ne peut plus claire : vous refusez de communiquer au pouvoir législatif cet avis dont vous en disposez. C’est votre droit.

    Mme Laurence Dumont. C’est du comique de répétition !

    M. Marc Le Fur. Mais il existe heureusement dans la société française des lanceurs d’alerte, des citoyens qui estiment que de tels documents doivent être publics. Et d’après ce qui nous parvient – vous nous direz, vous qui disposez de l’avis, si c’est bien cela – voici ce que dit le Conseil d’État sur le fameux article 4 : « La disparition des termes ‘‘père’’ et ‘‘mère’’, ‘‘mari’’ ou ‘‘femme’’ dans les diverses législations, telle qu’elle résulte du projet du Gouvernement, a une valeur symbolique importante que le Conseil d’État ne sous-estime pas. » Malgré tout, dans la logique des articles, il lui semble indispensable de garder une rédaction de cette nature : « Il n’a consenti un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes. Cette diversité lui a paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale. »

    Cela signifie que le Conseil d’État condamne la méthode qui a été adoptée par la commission, qui est celle du refus d’un changement explicite, puisque la méthode adoptée pour ne pas changer les mots « père » et « mère » consiste à dire que ceux-ci doivent être compris comme étant des parents qui peuvent être du même sexe. Telle est la signification de l’avis du Conseil d’État qui chacun le sait inspire le Conseil constitutionnel quand il procède au contrôle de la constitutionnalité des lois.

    Nous avions ressenti la réserve de Mme la ministre ; désormais c’est le Conseil d’État qui désapprouve.

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1847.

    M. Dominique Tian. L’article-balai rend les choses complètement incompréhensibles. Si nous entrons dans le détail, comme Marc Le Fur vient de le faire, c’est parce que les officiers d’état civil qui vont devoir procéder à ces mariages vont se trouver confrontés à des problèmes juridiques, sachant qu’il y aura également des recours incessants que les tribunaux auront à juger puisque chacun sait qu’un mariage sur trois se termine par un divorce.

    Seuls les notaires et les avocats – et quelques membres de la gauche – se réjouissent d’un texte aussi confus et absolument incompréhensible pour la majorité de nos concitoyens, et ce qui est beaucoup plus grave pour les officiers d’état civil, responsables juridiquement des mariages qu’ils doivent célébrer.

    M. le président. Sur l’amendement no 1842 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3563.

    M. Xavier Breton. Monsieur le président, je voudrais revenir sur les propos du rapporteur, en attendant qu’il nous réponde sur l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946.

    Selon le rapporteur, les mères dont il est question dans ce dernier article, ce sont les mères qui portent l’enfant, ce ne sont pas les mères qui ont un lien de filiation. Cela veut donc dire que la Constitution reconnaît les mères porteuses ! Il est important d’aller au fond de ce débat sur ce point, parce qu’avec le rapporteur, c’est tout le groupe socialiste qui est sur cette ligne : la filiation ne serait absolument pas biologique et corporelle.

    La dimension affective, éducative, est importante : c’est le premier pilier, car c’est dans les actes de la vie quotidienne que se construit un enfant. En même temps, on ne peut pas nier l’aspect biologique et corporel : demandez à celles et ceux qui n’ont pas ce pilier biologique et corporel combien ils souffrent soit d’avoir des parents infertiles, soit d’avoir été abandonnés pour les enfants nés sous X qui ont été adoptés, et il y a là tout un travail particulier à faire, ce qui nous renvoie d’ailleurs à l’autre pilier éducatif et affectif.

    Madame Bertinotti, je vous vois faire « non » de la tête : c’est bien ce qui nous sépare. Pour nous, le pilier corporel n’est pas négligeable, même s’il n’est pas le plus important. Vous, vous fabriquez des enfants et vous niez complètement cet aspect de transmission.

    Je souhaite donc que nous allions vraiment au fond du débat parce que si vous niez ce pilier biologique et corporel, vous allez vers l’assistance à la procréation pour des raisons de convenance personnelle et vers la gestation pour autrui : c’est automatique.

    Admettre que dans notre Constitution il y a des mères porteuses, c’est admettre une atteinte toute particulière à la dignité des femmes.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3628.

    M. Hervé Mariton. Relisons l’avis du Conseil d’État : « La diversité des situations appréhendées par la loi fait obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale. » Cela signifie que la diversité des situations appréhendées par la loi fait obstacle à un article-balai : c’est explicite.

    Monsieur le rapporteur, vous prenez une très lourde responsabilité, sachant que, de fait, il n’a pas pu y avoir d’avis du Conseil d’État après que votre amendement a été déposé – la procédure est ainsi faite. Mais le Gouvernement, lui, connaissait l’avis du Conseil d’État. Il savait que ce dernier formait une observation extrêmement sévère à l’égard de l’article-balai, et c’est en toute connaissance de cause, madame la garde des sceaux, que vous avez fait le choix de la légistique et pas de l’article-balai. Vous saviez que le Conseil d’État vous mettait en garde. Pourquoi ne l’avez-vous pas dit au rapporteur, ou pourquoi le rapporteur nous l’a-t-il caché ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4242.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, nous commençons à avoir un vrai problème avec cet avis caché du Conseil d’État. Le Gouvernement l’a à sa disposition et des extraits commencent à circuler. Notre collègue, M. Touraine, hier soir, l’a même commenté dans cet hémicycle.

    Si nous voulons travailler sereinement, il faut communiquer cet avis à l’ensemble des parlementaires ici présents. Nous sommes en train de révolutionner le code civil. Cet avis doit nous être communiqué.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. Jacques Pélissard. Ce n’est pas une réponse !

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury.

    Mme Dominique Nachury. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous avons déposé de nombreux amendements et si nous les défendons, c’est parce que beaucoup d’imprécisions et d’incohérences peuvent être relevées. À cela s’ajoute le sentiment d’incertitude sur ce qui est réellement porté par cette loi. Tous les débats en témoignent et d’ailleurs les Français s’interrogent sur ce qui est réellement proposé aujourd’hui et demain.

    C’était l’écueil programmé dès lors que l’on s’est refusé le temps nécessaire à l’élaboration d’une réforme et que l’on propose une succession de textes – mariage de personnes du même sexe et adoption, loi sur la famille, loi de bioéthique – là où un texte global, même renvoyant à d’autres pour partie, aurait permis la clarté et donc le choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1842, 1847, 3563, 3628 et 4242.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 230

    Nombre de suffrages exprimés 229

    Majorité absolue 115

    Pour l’adoption 85

    contre 144

    (Les amendements nos 1842, 1847, 3563, 3628 et 4242 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2158.

    M. Dominique Tian. Cet amendement se justifie également par la situation catastrophique à laquelle nous assistons : le rapporteur ne répond plus, le président de la commission a cessé de répondre, la présidente de la commission des affaires sociales a disparu – tellement même qu’elle n’a pas tenu ce matin de réunion de la commission des affaires sociales alors que de nombreux sujets pouvaient être abordés –, Mme Taubira a du mal à masquer qu’elle subit ce texte issu de la commission, et hier Alain Vidalies a été obligé de venir à la rescousse pour expliquer pourquoi nous n’avions pas l’avis du Conseil d’État. Nous étions d’ailleurs pleins d’espoir quand il a commencé à parler ; dix minutes après, il repartait après avoir parlé pour ne rien dire.

    Nous assistons à une sorte de naufrage : nous espérons que le Gouvernement va se ressaisir. Peut-être faudrait-il appeler le Premier ministre, qui est d’ailleurs lui-même en opposition avec une partie du Gouvernement qui siège ici et qui a du mal à gérer cette situation. Devant une situation aussi compliquée, tout l’intérêt de cet amendement apparaît.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2728.

    M. Marc Le Fur. J’ai posé une question, notre collègue Mariton l’a posée à son tour : qu’en est-il de l’avis du Conseil d’État ? Cet avis condamne par avance la modalité de rédaction de l’article par la commission. Pourquoi cette condamnation ? Il ne s’agit pas de juridisme. Pour le rapporteur, il ne s’est pas agi de récrire les articles mais d’interpréter les mots « père » et « mère » par le mot « parent ». Pour comprendre l’article, un lecteur devra par conséquent nécessairement se reporter à la note en bas de page. Voilà de quelle manière on progresse en matière d’intelligibilité de la loi !

    Vous êtes en train, pour des raisons politiques, d’organiser un effet d’enfumage pour nous dire que vous ne supprimez pas les mots « père » et « mère ». Plus grave, vous avancez qu’il faut interpréter les mots « père » et « mère », je le répète, par « parents ».

    Par avance, le Conseil d’État vous explique que cette modalité de travail n’est pas la bonne, n’est pas saine. Or le Conseil d’État n’est pas une institution comme une autre, ce n’est pas un conseil juridique qu’on consulte comme on solliciterait un avocat. C’est une institution de la République qui, on le sait bien, en matière de raisonnement, est très en phase avec les travaux du Conseil constitutionnel qui s’inspire non seulement du contentieux du Conseil d’État mais également de ses avis.

    M. Julien Aubert. Bravo !

    M. Marc Le Fur. Nous vous invitons donc, ne serait-ce que pour éviter un obstacle constitutionnel qui se dressera devant vous, bien évidemment, à revenir à des dispositions plus compréhensibles ou, encore mieux, à abandonner ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3740.

    M. Xavier Breton. Quelques-uns semblent douter de l’utilité de cette discussion. Or nous avons en ce moment même une illustration de leur utilité et même de leur nécessité. Je comprends tout à fait nos collègues socialistes qui voudraient abréger ces débats tant ils sont en train de se transformer en calvaire pour le Gouvernement et sa majorité. (Sourires.)

    M. Jean-Claude Perez. Ça va très bien pour nous, au contraire !

    M. Xavier Breton. Mais je suis sûr que les Français, eux, se passionnent pour ce débat parce qu’ils se rendent compte que leur résistance à ce texte était justifiée. C’est un calvaire à la fois juridique mais aussi sociétal que vous êtes en train de vivre.

    Je souhaite à nouveau interroger M. le rapporteur sur la légitimation des mères porteuses dans la Constitution. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que les mères dont il est question dans le préambule de la Constitution de 1946 sont des mères qui portent l’enfant, et non des mères qui ont un lien de filiation.

    Pour l’instant cette idée n’existait pas dans notre pays et vous, au contraire, avancez qu’elle existe puisque figurant dans la Constitution. Répondez-nous donc : est-il possible, pour vous, qu’une mère porte un enfant sans avoir un lien de filiation avec lui ? Nous, nous sommes contre car nous sommes contre la gestation pour autrui.

    Mme Laurence Dumont. Nous aussi nous sommes contre !

    M. Xavier Breton. C’est pour nous une atteinte à la dignité des femmes. Vous êtes pour puisque c’est pour vous pensable intellectuellement, pas pour nous.

    Madame la ministre de la famille, j’aimerais savoir ce qu’exprime votre sourire et connaître votre vision de la gestation pour autrui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement no 2158 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4438.

    M. Philippe Meunier. Il est vraiment important d’obtenir communication de l’avis du Conseil d’État. Des extraits nous parviennent morceau par morceau, heure après heure, jour après jour. Nous finirons bien par l’avoir et vous le savez. Alors qu’attendez-vous pour le communiquer à la représentation nationale ?

    M. Yves Fromion. Cette attente est insupportable !

    M. Philippe Meunier. Qu’il se trouve sur les pupitres de tous les députés ici présents et nous pourrons ensuite continuer nos travaux sereinement ! Mais pourquoi cette obstination ? Pourquoi cacher aux Français cet avis du Conseil d’État, madame la garde des sceaux ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4873.

    M. Hervé Mariton. Vous nous avez abandonnés, hier soir, monsieur le président, pour le Nouvel an chinois mais nos questions n’ont rien d’un supplice. (Sourires.) Elles sont simplement la volonté de comprendre et, à travers nous, que les Français comprennent.

    M. Yves Fromion. Qu’ils soient éclairés !

    M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, vous m’avez adressé quelques paroles aimables, mais il en faut davantage.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne demandais rien en échange, monsieur Mariton. (Sourires.)

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas gentil.

    Vous nous avez déclaré que les catégories de personnes auxquelles la société devait une particulière attention étaient plus nombreuses aujourd’hui qu’en 1946, sans rien retirer, toutefois, aux catégories mentionnées dans le préambule. Il s’agit des mères et des vieux travailleurs – pour reprendre l’expression de l’époque –, auxquels vous ajoutez des personnes sans domicile fixe et d’autres personnes. Reste que les mères sont bien citées.

    Puisque le préambule de la constitution de 1946 cite les maires, considérez-vous dès lors que les couples, les filiations que vous créez avec votre loi ne méritent aucune attention particulière ?

    Vous êtes bonne poétesse, madame la garde des sceaux et je ne suis pas mauvais logicien. De deux choses l’une : soit vous appliquez l’article-balai au préambule de la constitution de 1946 et vous accordez aussi l’attention nécessaire aux personnes qui, dans un couple de même sexe, portent un enfant, avec les circonstances commandées ; soit vous n’appliquez pas l’article-balai audit préambule, et vous vous montrez indifférente au sort de ces familles. Pour les couples homosexuels, il n’y a pas de bonne réponse.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie. Vous l’avez compris, l’article 4 nous inquiète. Je reviens sur la suppression des mots « père » et « mère » en dehors du code civil. Depuis le début, votre argumentation est fondée sur l’égalité des hommes et des femmes. Laissez-moi vous faire part d’une situation que vous allez créer, source, vous allez le comprendre, de forte inégalité, de discrimination considérable : l’instauration de distinctions importantes et une source plus importante encore de privation.

    Je vais relater une histoire en deux actes qui est votre histoire et la nôtre. Acte I : Enfants, deux fêtes importantes nous enthousiasmaient, deux fêtes annuelles mémorables nous exaltaient, deux dimanches contribuaient à nous donner beaucoup de joie. Acte II : Pour celles et ceux qui ont la chance d’être mère ou père, chacun se souvient de nos enfants vivant avec beaucoup d’émotion ces fêtes, surtout lorsqu’ils préparaient, à l’école, des objets, des cadeaux faits de leurs mains avec beaucoup d’application, lorsqu’ils vivaient avec beaucoup de complicité ces préparations de fêtes en famille.

    M. Jean-Claude Perez. Mais vous êtes une dame patronnesse !

    Mme Véronique Louwagie. Vous l’avez compris, mes chers collègues, il s’agit de la fête des mères et de la fête des pères. Votre texte, par un souci exacerbé d’égalité contribue à renier la filiation biologique, à renier les pères et mères par le sang. (Murmures.) Certes votre article-balai ne couvre pas les dénominations « fête des mères » et « fête des pères », mais votre texte privera immanquablement certains enfants de ces fêtes. (Brouhaha.)

    M. Jean-Claude Perez. Oh !

    Mme Véronique Louwagie. L’article 4 vise à supprimer les mentions de « père » et « mère ». J’ose espérer que vous n’allez pas modifier le calendrier en supprimant les mentions « père » et « mère » des fêtes que j’ai évoquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos°2158, 2728, 3740, 4438 et 4873.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 229

    Nombre de suffrages exprimés 229

    Majorité absolue 115

    Pour l’adoption 81

    contre 148

    (Les amendements nos°2158, 2728, 3740, 4438 et 4873 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1846.

    M. Marc Le Fur. Depuis que nous avons commencé l’examen de plusieurs séries d’amendements, il se passe quelque chose de surprenant, monsieur le président : on n’entend plus les députés du groupe SRC ! (« Où sont-ils ? » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) M. Le Roux n’est pas là, ce qui n’est pas surprenant. M. Roman est présent mais reste coi. Et les autres, nous ne les entendons pas non plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qu’est-ce que cela signifie ? Êtes-vous donc troublés par nos arguments ? (Mêmes mouvements.)

    M. le président. Ils sont très attentifs et donc écoutent pour pouvoir se faire un jugement.

    M. Marc Le Fur. En tout cas, ils ne tiennent aucun propos articulé.

    J’en reviens à une disposition qui a échappé à l’opinion et qui pourtant est essentielle, celle du nom patronymique. Demain il y aura deux pères ; demain il y aura deux mères. Quel nom donner aux enfants puisque la loi permettra aux couples de personnes de même sexe d’en avoir ? On ne sait pas quel ordre donner ; du coup, pour résoudre le problème, on trouve une solution mais celle-ci ne se limitera pas aux quelques centaines de personnes concernées : vous l’étendez à la France entière, à toutes les familles, lesquelles ne s’en sont pas rendues compte. Cette solution la voici : désormais, sauf déclaration différente, expresse, du père et de la mère, le nom sera le nom associé du père et de la mère – écoutez bien – dans l’ordre alphabétique.

    Si quelqu’un a un papa qui s’appelle B et une maman qui s’appelle A, l’enfant s’appellera A-B – vous voyez l’absurdité de cette disposition –, si bien que dans un certain nombre d’années, l’ensemble des gens porteront des noms de la première lettre. S’il y a bien un gagnant de ce dispositif, c’est notre collègue Abad ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1848.

    M. Jean-Frédéric Poisson. On aimerait avoir une appréciation plus précise des conséquences du texte sur le préambule de la Constitution. Je suppose que l’on parviendra bien à l’obtenir avant la fin de la soirée. Je souhaite en tout cas compléter notre réflexion des quelques jours derniers sur les difficultés symboliques présentées par l’article 4 tel qu’il est rédigé.

    Je vais donner lecture d’un passage d’un petit livre intitulé Mariage des personnes de même sexe – La controverse juridique, d’Aude Mirkovic et Anne-Marie Le Pourhiet. Voici ce qu’on peut lire à la page 31 :

    « Le concept de parents de même sexe transforme la signification même de la filiation. Dès lors que les parents ne sont plus ceux qui ont engendré mais les adultes investis dans le projet parental, il suffirait d’avoir un projet parental pour être parents. On parle alors de parenté sociale, vécue ou encore de parenté intentionnelle, une volonté ou un projet. Mais cette parenté est "artificielle" car le lien de filiation, par définition, renvoie à deux parents et à la relation entre eux dont l’enfant est issu. Or cette parenté sociale ou intentionnelle, détachée de la référence à l’engendrement de l’enfant, fût-il symbolique, ne peut tenir l’enfant qu’individuellement à chacun des adultes investis auprès de lui, mais ne peut le rattacher ensemble à deux adultes de même sexe car un enfant ne peut être issu de leur relation. Il en résulte une série d’incohérences inextricables. La plus visible est que cette parenté intentionnelle ne concerne le plus souvent que le second parent. »

    Je terminerai la citation au cours de ma prochaine intervention. L’amendement est défendu.

    M. le président. Sur le vote de l’amendement no 1846 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3564.

    M. Xavier Breton. Je tiens à dire combien je comprends ceux de nos collègues qui veulent abréger ces débats. C’est sans aucun doute un supplice pour le Gouvernement, pour la majorité, d’entendre l’opposition soulever des questions justifiées.

    M. Yves Fromion. Eh oui !

    M. Xavier Breton. C’est d’autant plus un supplice que les réponses à ces questions sont souvent des contradictions ou des aveux. Je reviendrai sur celui du rapporteur qui a reconnu que la Constitution reconnaissait la possibilité de l’existence de mères porteuses puisqu’il a indiqué expressément que les mères dont il était question dans le préambule de la constitution de 1946, sont des mères qui portaient l’enfant et non des mères qui auraient un lien de filiation avec lui.

    Cet aveu très important va dans le sens de la gestation pour autrui, qui n’est pas du tout, de notre part, un fantasme. Nous indiquons seulement que la logique du texte y conduit, que la circulaire du 25 janvier est un encouragement pour la gestation pour autrui.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

    M. Xavier Breton. Nous devons vraiment aller au fond de la question. Nous attendons par conséquent une réponse du rapporteur sur ce point. Comment, intellectuellement, peut-il penser qu’une mère qui porte un enfant peut ne pas avoir de lien de filiation avec cet enfant ? Pour nous, c’est impossible, nous avons même du mal à l’imaginer. Leur conception de l’homme explique que les rédacteurs eux-mêmes de la constitution de 1946 ne concevaient pas cette éventualité.

    Depuis les techniques l’ont permis ; mais vous, vous ne faites que suivre les techniques. Nous, nous avons une autre conception des choses, qui s’ancre dans la réalité et dans une certaine vision de la personne humaine. Nous ne nous laissons pas aller au vent des nouvelles techniques qui doivent répondre aux désirs des adultes. Nous sommes ici parce que nous avons une conception de la personne humaine : c’est ce qui nous différencie, et nous en sommes fiers.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3639.

    M. Hervé Mariton. Mesdames les ministres, j’ai laissé passer au cours de la discussion un article qui mérite que l’on s’y arrête davantage, l’article 145 du code civil, qui concerne l’âge du mariage : « Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves. »

    De quoi s’agit-il historiquement ? Du cas de figure où un jeune homme et une jeune femme se marient alors que celle-ci porte un enfant, l’idée étant que la venue de l’enfant peut précipiter le mariage. D’où ces possibilités de dispense d’âge.

    Mais la commission et le Gouvernement pourraient-ils m’expliquer clairement ce que signifiera cet article dans le cas d’un couple de personnes de même sexe ?

    M. Bernard Accoyer. C’est une question très importante. Il faut y répondre !

    M. Hervé Mariton. Voilà tout de même une application un peu baroque de l’article balai ! Les dispositions de l’article 145 s’inscrivent dans un contexte historique précis où elles répondaient à des circonstances qui font partie des aléas de la vie – nous le savons tous. Dans la société d’aujourd’hui, de telles circonstances n’appellent plus forcément le mariage, mais elles le peuvent le justifier. C’est bien le sens de cet article 145 : si une jeune femme attend un enfant et qu’elle, ou son futur conjoint, a moins de dix-huit ans, le couple peut obtenir une dispense d’âge. Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, quelle sera la traduction concrète de ce dispositif une fois transcrit dans votre article balai ?

    M. Bernard Accoyer. C’est une question très grave !

    Mme Claude Greff. Bravo, monsieur Mariton !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4244.

    M. Philippe Meunier. Vous avez décidé de bouleverser le code civil et le droit de la famille. Marc Le Fur a rappelé les conséquences qu’entraînera votre projet de loi sur les noms de famille de France. Les Français doivent le savoir et lire précisément les articles de votre projet de loi, car celui-ci aura des conséquences gravissimes sur la cohésion de notre société.

    Notre collègue Louwagie a parlé tout à l’heure de la fête des pères et de la fête des mères. Certains d’entre vous ont souri en l’écoutant, et se sont même moqués. Elle a pourtant raison, car, avec ce projet de loi, vous pensez seulement aux adultes et à leurs caprices. Et vous oubliez les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable, monsieur le président. Je vais répondre à M. Marti…, pardon, Mariton. (Sourires.)

    M. Yves Fromion. Allons ! Vous le connaissez bien !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, monsieur le député, très bien, et de longue date. Avant même de vous connaître, et je sais beaucoup de choses que vous ignorez. (Sourires.)

    M. Yves Fromion. Attention ! Tout cela va figurer dans le compte rendu !

    M. Philippe Meunier. On va les marier !

    M. Hervé Mariton. Mais je suis marié… (Sourires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi aussi, monsieur Mariton.

    M. le président. Je sais qu’on est en train d’évoquer le mariage pour tous, mais quand même ! (Rires.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et j’ai juré fidélité, monsieur Mariton.

    Vous nous demandez comment s’appliquera la disposition interprétative à l’article 145. Rappelons que cette disposition interprétative prévoit que, à chaque fois qu’un article contenant les mots « père » et « mère » devra s’appliquer aux couples homosexuels – et à eux exclusivement –, il conviendra de lire : « parents ».

    M. Hervé Mariton. Nous sommes d’accord

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes d’accord ? C’est ce que dit la disposition interprétative.

    M. Hervé Mariton. Elle ne dit pas que cela.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Elle dit que, lorsqu’on a affaire à un couple de personnes de même sexe, il faut lire « parents » à la place de « père » et « mère ».

    Mme Claude Greff. Si, elle a raison.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, madame la ministre Greff. Cette affaire est donc réglée : monsieur Mariton, vous avez vu autre chose, mais tous ceux qui ont lu le texte ont vu ce que je vous dis : à chaque fois qu’un article parle du père et de la mère, on lit « parents » : nous sommes d’accord ? Nous sommes d’accord aussi pour dire que, lorsqu’il n’est pas fait mention du père et de la mère, ce n’est pas la peine d’inventer, n’est-ce pas ?

    Venons-en à l’article 145 : « Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves. » Quel problème cela vous pose-t-il ? Il n’est pas question du père et de la mère !

    Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, l’article balai s’applique aux parents de même sexe lorsqu’il est fait référence aux père et mère. Dès lors que l’article 145 est applicable à des couples de personnes de même sexe – c’est bien la logique de l’article balai – je vous demande simplement de m’indiquer les circonstances dans lesquelles le procureur de la République permettra le mariage de deux mineurs de même sexe.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’en aura pas besoin !

    M. Hervé Mariton. Il se trouve que l’article 145 s’applique. Nous faisons là du travail de commission, certes, mais si la commission l’avait fait, nous n’aurions pas à le faire.

    L’article 145 prévoit que les deux mineurs peuvent demander une dispense au procureur de la République. On connaît les circonstances qui, en général, amènent à cela, s’agissant d’un homme et d’une femme, dont l’un des deux a moins de dix-huit ans.

    Mme Claude Greff. Une grossesse !

    M. Hervé Mariton. S’il s’agit de deux femmes ou de deux hommes, quelles pourraient être les circonstances susceptibles à votre avis d’être prises en compte ? S’il s’agit de deux femmes, est-ce parce que l’une d’entre elles aura eu recours à la PMA, artisanale ou légale ? S’il s’agit de deux hommes, j’aimerais savoir à quoi vous songez.

    Si, au contraire, l’article balai n’a pas à s’appliquer à cet article 145, vous auriez dû l’en sortir : votre article balai est mal calibré, comme je vous le dis depuis le début, et comme je vous en apporte la démonstration, article après article, depuis plus de vingt-quatre heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Fromion. Il a raison !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1846, 1848, 3564, 3639 et 4244.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 205

    Nombre de suffrages exprimés 205

    Majorité absolue 103

    Pour l’adoption 70

    contre 135

    (Les amendements nos 1846, 1848, 3564, 3639 et 4244 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, si le ton de nos débats de cet après-midi est plutôt apaisé, un certain nombre de nos questions n’en restent pas moins sans réponse : il n’est qu’à prendre deux ou trois des derniers points qui ont été soulevés.

    Je ne vais pas revenir sur l’avis du Conseil d’État, dont je vous ai donné lecture, hier, de quelques extraits. C’est un vrai sujet : les éléments dont nous disposons montrent que le Conseil d’État a émis des critiques très dures et très graves sur le texte que vous nous présentez. Pourquoi le Premier ministre, président du Conseil d’État, ne donne-t-il pas son accord pour rendre public son avis ? La question se pose d’autant plus, qu’on a pu présumer hier soir qu’un certain nombre de parlementaires socialistes avaient pu en prendre connaissance. Il y a donc une vraie rupture d’équité.

    Monsieur le président de la commission des lois, avez-vous eu, oui ou non, connaissance de cet avis ? Si tel est le cas, pourquoi ne l’avez-vous pas communiqué à vos collègues parlementaires, ou plutôt pourquoi l’auriez-vous transmis à certains et pas à d’autres ? Cela nous donnera peut-être l’occasion, monsieur le président de la commission, de vous entendre aussi sur le fond…

    M. Yves Fromion. Nous brûlons d’impatience !

    M. Christian Jacob. Depuis que nous débattons de ce texte, nous ne vous avons jamais entendu que sur des points de procédure.

    Ensuite, notre collègue Hervé Mariton vient de poser une vraie question : comment justifier les dérogations au titre de l’âge pour les couples homosexuels qui souhaitent se marier ? Dans le cas de couples hétérosexuels, il pouvait arriver que la femme tombe enceinte avant d’atteindre l’âge légal du mariage. Mais dans le cas des couples homosexuels, dans quel cas sera-t-on dispensé de la condition d’âge ? C’est un sujet qui mérite une réponse.

    Je reviens enfin sur la question que notre collègue Xavier Breton a posée à maintes reprises à notre rapporteur, sans jamais recevoir de réponse, au sujet de la cohérence qui doit exister entre le code civil et le préambule de la Constitution de 1946.

    Toutes ces questions doivent recevoir des réponses précises, si nous voulons que le débat se poursuive sereinement.

    Je vous propose, monsieur le président, de nous accorder une suspension de séance de dix minutes ou un quart d’heures, au terme de laquelle le rapporteur, afin de donner au président de la commission et le Gouvernement le temps de nous apporter des réponses claires aux questions légitimes que nous posons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Précisément, monsieur Jacob, le président de la commission des lois souhaite prendre la parole. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mes chers collègues, vous avez à plusieurs reprises, et de manière assez étonnante, mis en cause le fonctionnement de la commission des lois, y compris durant les travaux préparatoires ; vous avez souvent aussi dénoncé, pour ne reprendre que le terme le moins vexant, l’incompétence du rapporteur, et le silence que je m’impose dans ce débat.

    Sachez, mes chers collègues, que je ne suis pas silencieux. Je suis stoïque, je suis patient, je suis endurant… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Claude Goasguen. C’est du Sénèque !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …parce que, depuis que j’ai l’honneur de présider cette éminente commission de l’Assemblée, je me suis fixé une ligne de conduite, un principe, certes critiquable :…

    Mme Claude Greff. Ne pas nous écouter ?

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ne parler que lorsque je pense que ce que j’ai à dire contribue à l’œuvre législative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Voilà des justifications bien faibles !

    M. Yves Censi. C’est pour cela que vous ne dites rien !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est immodeste, je l’admets, d’autant plus que, en l’espèce, Erwann Binet exerce de manière extraordinairement talentueuse son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. Permettez-nous d’en douter !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il a produit un rapport volumineux et presque exhaustif, en deux tomes et 1 500 pages.

    M. Philippe Goujon. On ne juge pas d’après la quantité.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Toutes les auditions de personnalités qui ont eu lieu à l’Assemblée ont fait l’objet d’un compte rendu écrit, et cela fera date.

    Telles sont les raisons pour lesquelles je ne parle pas, ou très peu, car tout est dit par Dominique Bertinotti (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), par Christiane Taubira, par Erwann Binet et par les porte-parole que le groupe socialiste s’est choisis. Ce n’est pas ainsi que se comportaient traditionnellement les autres présidents de la commission des lois, mais c’est ainsi que j’ai décidé de procéder, pendant les cinq années où je présiderai cette structure.

    Le fait de rester silencieux me permet d’écouter, d’observer et d’émettre parfois des jugements. Je veux dire mon admiration à certains collègues de l’opposition qui, depuis huit jours, se comportent en soldats actifs, inlassables, d’une cause désormais perdue… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Claude Greff. On l’a vu !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …parce que les articles essentiels du projet de loi sont votés : je veux parler de l’article 1, de l’article 1 bis, de l’article 1 ter, de l’article 1 quater, de l’article 2, de l’article 3. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.),

    M. Hervé Mariton. C’est scandaleux de parler de cause perdue !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous êtes étonnants : vous me demandez de parler, et quand je parle, vous ne m’écoutez pas !

    Alors, c’est vrai : je vous ai écoutés et je suis admiratif du comportement de certains d’entre vous, de l’énergie qu’ils mettent à répéter inlassablement la même chose.

    M. Hervé Mariton. Ce n’est pas la même chose ! On développe !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je reconnais d’ailleurs que c’est assez spectaculaire : pour avoir, en d’autres temps, pratiqué cet exercice, je sais l’énergie que cela réclame.

    Nous en sommes à l’article 4. On nous dit souvent aussi que cet article serait le cœur du projet de loi : c’est votre vision des choses, ce n’est pas la nôtre. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne contribue pas à cette réflexion.

    M. Yves Censi. C’est la raison pour laquelle vous ne nous entendez pas !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Sur la question que m’a posée le président Jacob au sujet du Conseil d’État, je veux faire trois observations.

    Tout d’’abord, depuis la loi de 1978, les documents du Conseil d’État ne sont pas des documents administratifs classiques. Ils n’ont pas vocation à être publics : ils sont à la discrétion du Gouvernement.

    M. Hervé Mariton. Ils peuvent l’être !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Tout à fait : c’est bien ce que signifie l’expression « être à la discrétion du Gouvernement ».

    M. Hervé Mariton. Mais ils sont à la disposition de la majorité !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Lors de la révision constitutionnelle, des amendements ont proposé que les avis du Conseil d’État soient rendus publics. Il m’est arrivé de soutenir ces amendements…

    M. Bernard Accoyer. Avec véhémence !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …dont l’un avait d’ailleurs été déposé par Marc Le Fur. La majorité de l’époque, ainsi que Rachida Dati, garde des sceaux, et Roger Karoutchi, ministre des relations avec le Parlement, s’étaient opposés au vote de cet amendement.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ces amendements avaient été repoussés. Tout le monde peut changer d’avis ; vous en avez naturellement le droit. Je constate que dans le cas d’espèce, les avis du Conseil d’État ne sont rendus publics qu’à la discrétion du Gouvernement. Vous pouvez le contester, mais c’est ainsi.

    M. Jacob me demande si j’ai eu communication de l’avis du Conseil d’État, ma réponse est non. Je précise même que je n’en ai pas demandé copie, parce que je considère que c’est un outil au service du Gouvernement.

    M. Hervé Mariton. Ça n’est pas malin !

    M. Marc Le Fur. Vous auriez pu l’exiger !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Pour finir, l’un d’entre vous – Marc le Fur – m’a mis en cause hier, attribuant mon silence à mon désaccord sur ce texte, et prétendant que la région à laquelle j’appartiens aurait des réticences sur ce projet.

    Je n’ai pas à me justifier, mais je vais le faire par gourmandise.

    Dans ma profession de foi, au second tour comme au premier, il était écrit : « Je voterai le mariage pour tous et l’adoption pour tous. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et, mon cher collègue, j’ai été élu avec 63 % des voix. (« Bravo ! » sur les mêmes bancs.) Je me crois donc mandaté pour voter ce texte.

    Vous nous dites à chaque article qu’il constitue le cœur du projet. Votre cœur bat pour le code civil et Portalis en serait ravi : c’est tant mieux. Mais laissez-moi vous dire que le cœur du député que je suis bat pour l’égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1852.

    M. Marc Le Fur. Laissez-moi le temps de m’installer, monsieur le président. Je me suis fixé pour objectif de défendre tous mes amendements, ce qui exige de courir un petit peu entre la buvette et l’hémicycle.

    M. le président. Pour y boire un verre d’eau !

    M. Marc Le Fur. Du jus de pamplemousse. Je vous le conseille monsieur le président, c’est très sain !

    M. le président. J’insiste, car vous savez les uns comme les autres que vous êtes très observés par les photographes et les réseaux sociaux. Soyez donc très attentifs à la moindre de vos actions dans l’hémicycle et dans l’enceinte de l’Assemblée !

    M. Hervé Mariton. Y a-t-il un sous-entendu ? (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Je voulais évoquer les propos de notre excellent président de la commission des lois. Chacun sait que c’est un esprit délié, un de nos meilleurs juristes, personne ne le conteste.

    Ses propos sur le rapporteur tenaient du titre de film : il faut sauver le soldat Binet… Voilà quelqu’un en perdition, et l’excès de louanges ne fait que confirmer que la lacune est là.

    Le président Urvoas évoquait sa profession de foi. Il se trouve qu’en permanence, à chacune de mes réunions, j’ai dit que je me battrai et que je voterai contre le texte qui est aujourd’hui soumis au Parlement. Ça ne m’a pas empêché de recueillir le même score que le Président de la République dans ma circonscription, ce qui n’est pas si mal au vu des circonstances.

    Mme Colette Langlade. Mais c’est hors sujet !

    M. Marc Le Fur. Mais l’intervention du président de la commission ne nous a pas fourni beaucoup de réponses quant au fond. On sait que vous êtes contre, monsieur le président Urvoas, mais on sait aussi que vous vous êtes engagé à dire que vous étiez favorable à ce texte, mais nous n’avons toujours pas de raison ni d’explication. Le Parlement est un monde où l’on répond à la question : pourquoi ? Nous n’avons pas de réponse à cette question.

    D’autre part, le président Jacob a posé plusieurs questions, portant notamment sur la relation entre la réforme du code civil et les dispositions constitutionnelles qui figurent dans le préambule de 1946. Sur ce point non plus, nous n’avons pas eu de réponse.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1853.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je saisis cette occasion pour réagir à l’intervention du président de la commission.

    J’ai de l’estime pour le président Urvoas, et il le sait. D’ailleurs, je n’ai pas manqué de le faire savoir hier dans cette enceinte.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je vous en remercie.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mais, monsieur le président, il se trouve que j’ai également inscrit dans ma profession de foi le fait que je ne voterai pas le projet de loi sur le mariage pour tous. Il se trouve aussi que mes électeurs m’ont élu pour siéger ici. J’ai donc également mandat pour défendre cette conviction.

    Mme Frédérique Massat. Nous sommes majoritaires !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Épargnez-nous ce type de remarques, madame la députée !

    Vous comprendrez bien, monsieur le président, que le mandat qui m’a été donné ne s’arrête pas une fois voté l’article 1er, ni le 1er bis, le 1er ter ou le quater, pas même l’article 2 ou l’article 3 !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Hélas !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Comme vous dites ! Je vous serais donc gré de nous reconnaître le droit de croire encore en nos chances de succès, même si elles sont infimes.

    Mon temps de parole ne me permet pas de reprendre la lecture de la citation que j’avais précédemment commencée, monsieur le président. je m’arrête donc ici. L’amendement n° 1853 est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3566.

    M. Xavier Breton. À l’occasion de la présentation de cet amendement, je voudrais insister sur les avancées que nos débats ont permises. Elles démontrent que notre démarche est tout le contraire de l’obstruction.

    L’obstruction, elle est surtout dans les silences répétés du Gouvernement, du rapporteur et du président de la commission des lois ; et lorsqu’ils parlent, c’est soit pour se contredire, soit pour nous donner des informations qui permettent de rebondir.

    Je voudrais souligner les avancées que nous avons obtenues. Au niveau administratif, nous savons que la célébration du mariage va entraîner les maires et les adjoints à une lecture ridicule de l’article 371-1, qui sera de surcroît humiliante pour les couples de même sexe.

    Nous savons que vous procédez à une révolution dans la transmission du nom patronymique ; cette loi aura donc bien des conséquences importantes sur la société.

    Au niveau juridique, les réserves figurant dans l’avis du Conseil d’État qui a été donné à certains de nos collègues, mais pas à d’autres, montrent bien qu’il existe des incertitudes qui expliquent l’embarras de la garde des sceaux sur l’article balai.

    Au niveau politique, nous avons obtenu le report de l’assistance médicale à la procréation. La PMA devait figurer dans ce texte, cela avait été voté par le groupe socialiste ; elle n’y sera finalement pas.

    Je vous vois nier, madame la ministre de la famille ; cela veut-il dire que l’assistance médicale à la procréation figurera dans le projet de loi sur la famille ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y en a marre de ce cirque !

    M. Xavier Breton. Nous pouvons tout de même poser des questions, chers collègues ! Je comprends que ce soit difficile pour vous, je comprends le supplice que vous êtes en train de vivre (Mêmes mouvements) : Cette discussion se transforme pour vous en chemin de croix !

    Nous avons également obtenu des avancées d’ordre philosophique. Nous avons compris que pour le rapporteur et le groupe socialiste, les mères porteuses ne sont pas inconcevables. C’est vraiment difficile à vivre pour vous !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3640.

    M. Hervé Mariton. Je n’ai plus en tête les termes exacts, mais le président Urvoas a eu des propos très curieux tout à l’heure pour dire que tout cela n’avait pas de sens, puisque les choses étaient jouées d’avance, et qu’au fond le débat parlementaire n’avait pas d’importance. Mesurez vos propos, monsieur le président de la commission ! J’ai rappelé que nous étions le 6 février, c’est une date importante.

    Monsieur Urvoas, votre profession de foi détermine et justifie votre vote, je vous en félicite. Le Président de la République, dans sa profession de foi du second tour, n’a fait aucune mention du mariage et de l’adoption pour les personnes de même sexe.

    Si la profession de foi justifie et explique le vote du député Urvoas – et votre cohérence vous honore, monsieur le président – alors il conviendrait que la même cohérence fût observée par le Président de la République et sa majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4248.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président de la commission des lois, vous vous êtes exprimé brillamment, comme vous en avez l’habitude, mais vous avez eu une phrase malheureuse : « La cause est perdue ». Je suis au regret de vous dire que la cause n’est pas perdue, d’abord parce que nous sommes là et que la démocratie consiste à faire vivre le débat au sein de ce Parlement, avec nos amendements – vous pouvez éventuellement, parfois, en adopter quelques-unes.

    M. Jean-Jacques Bridey. Ce sont tous les mêmes !

    M. Philippe Meunier. Non, la cause n’est pas perdue, monsieur le président de la commission des lois. Si vous voulez continuer à jouer sur le fait majoritaire dans cet hémicycle sans chercher à comprendre, comme l’a très bien dit M. Mariton, que beaucoup de Français ont voté pour François Hollande sans lire forcément l’ensemble des propositions du parti socialiste,…

    M. Yves Fromion. C’est fort probable !

    M. Philippe Meunier. …alors nous nous retrouverons le 24 mars prochain dans les rues de Paris ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. Xavier Breton. Quels sont vos arguments ?

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. Xavier Breton. On n’entend pas vos arguments !

    M. Vincent Burroni. Il faut aller voir un docteur !

    M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

    M. Michel Heinrich. Nous l’avons compris au fil de ces débats : ce projet de loi camoufle en réalité une réforme de la parenté sous la couverture d’une réforme du mariage. Le désir d’enfant est très naturel – c’est un instinct chez l’homme et la femme –, mais nous n’admettons pas que ce désir prime sur le droit de l’enfant à espérer grandir entre un père et une mère. Il ne s’agit pas d’une conception ringarde de la famille, comme je l’ai entendu dire hier, mais d’une conception naturelle.

    M. Yves Fromion. Rappel salutaire !

    M. Michel Heinrich. Sous couvert de cette réforme, on passe du principe classique d’une famille pour un enfant à un nouveau principe d’un enfant pour une famille. On crée ainsi un droit à l’enfant qui n’existe pas pour un couple hétérosexuel. Faire de ce désir d’enfant une priorité est un acte que je qualifierais d’égoïste.

    On ne se pose pas la question des droits de l’enfant. Quels sont et où sont les droits de l’enfant dans ce débat ? Je ne trouve nulle part, dans les choix de la majorité, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant : je n’y vois qu’un abus de pouvoir d’adultes qui imposent à un enfant une situation familiale qui créera une différenciation supplémentaire entre les enfants. On veut faire cette loi au nom de l’égalité, mais on crée en réalité une différenciation supplémentaire entre les enfants de couples hétérosexuels et ceux de couples homosexuels. On va donc supprimer toute réalité biologique, au profit d’une simple réalité juridique qui me paraît déstabilisante. Sous prétexte d’égalité, on accentue l’inégalité entre les couples et entre les enfants ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    (Les amendements identiques nos 1852, 1853, 3566, 3640 et 4248 ne sont pas adoptés.)

    M. Philippe Cochet. De peu !

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1855.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je continue de lire le petit livre que j’évoquais tout à l’heure. Notre collègue Bernard Roman nous a invités à citer nos sources : je l’ai fait lors d’une intervention précédente.

    Aude Mirkovic et Anne-Marie Le Pourhiet, je vous l’ai lu tout à l’heure, expliquent dans Mariage des personnes de même sexe – La controverse juridique, qu’une série d’incohérences inextricables résultaient de l’ensemble de ce projet de loi. Je poursuis :

    « La plus visible est que cette parenté intentionnelle ne concerne le plus souvent que le second parent, notamment lorsqu’une femme s’est fait inséminer par un donneur anonyme : elle se considère comme la mère de l’enfant au titre de ce qu’elle est, c’est-à-dire la mère biologique. C’est pour sa compagne que la reconnaissance de la parenté sociale est réclamée. La définition du parent serait donc différente selon qu’il s’agit du premier parent ou du second. On ne peut à la fois faire valoir le fondement biologique de la filiation pour désigner le premier parent et prétendre que la biologie est sans intérêt lorsqu’il s’agit de désigner le second. Même limitée au second parent, comment la parenté intentionnelle tient-elle compte du second parent biologique ? Si la compagne ou conjointe de la mère est désignée comme mère, que devient le père biologique ? Comment départager la conjointe de la mère et le père biologique lorsqu’ils voudront tous les deux établir leur parenté ? »

    Cela fait partie des difficultés et des fictions créées par cet article balai : mon amendement n° 1855 est ainsi défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1857.

    M. Marc Le Fur. À l’occasion de cet amendement qui évoque la séparation, j’évoquerai une expérience dont j’ai été le témoin dans ma circonscription. Je sais qu’il ne faut pas abuser de ces témoignages, mais il est des expériences très instructives.

    M. Christian Assaf. Encore un chauffeur de taxi ?

    M. Marc Le Fur. Vivait dans ma circonscription un couple lesbien, de femmes. L’une d’elles a eu un enfant. Cela se savait, et je ne crois pas qu’il y ait eu des manifestations d’hostilité particulières. Un jour, j’ai vu arriver dans ma permanence cette jeune femme, avec cet enfant et accompagnée d’un homme. Ce jeune couple rayonnant m’a expliqué qu’il voulait vivre ensemble : une femme, un homme, un enfant.

    M. Jean-Jacques Bridey. Et alors ?

    M. Marc Le Fur. Le père m’a expliqué…

    M. Jean-Patrick Gille. Mais comment sait-on que c’est le père ? (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Le père m’a expliqué qu’il souhaitait reconnaître cet enfant, la procédure était en cours. Ce jeune couple était à la fois rayonnant et angoissé, car il m’a posé la question suivante : « ″ L’autre ? – c’est l’expression qu’ils utilisaient – a-t-elle une quelconque autorité sur notre enfant ? A-t-elle une prise sur cet enfant qui est le nôtre ? » C’était un moment très émouvant. Je lui ai expliqué que cette autre femme n’avait aucun droit sur l’enfant en l’état de notre droit, et que ce couple pouvait s’engager dans la vie avec cet enfant, qui était bien l’enfant du couple. Mais je lui ai aussi expliqué que, demain…

    M. le président. Merci !

    M. Marc Le Fur. Mais je n’ai pas terminé !

    M. le président. Vous nous donnerez la suite lors de votre prochaine intervention, monsieur Le Fur !

    M. Alain Tourret. La suite au prochain numéro !

    M. Nicolas Bays. Et la chute ? Il n’y a pas de chute !

    Mme Marie-George Buffet. Au prochain épisode !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3571.

    M. Xavier Breton. Le témoignage de notre collègue Marc Le Fur est intéressant, même s’il a dû être interrompu. Il montre bien que derrière l’idéologie et les grandes idées, il y a des personnes qui ont des attentes, des détresses et qui résistent. Quand nous citons des exemples, on entend des « Et alors ? » sur les bancs de la majorité…

    M. Bernard Roman. Qu’est-ce que cela change ?

    M. Xavier Breton. Cela vous gêne que certaines personnes aient des interrogations ou des inquiétudes ! C’est de cela dont nous parlons. Vous êtes obsédés et aveuglés par votre idéologie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Vous répondez à un lobby ultra-minoritaire à qui vous devez en partie votre élection, et vous êtes en train de faire une loi qui va à l’encontre de la société. Eh bien non !

    Le président de la commission des lois – il n’est pas là – nous a qualifiés de « soldats actifs d’une cause perdue ». J’accepte le mot soldat : pour moi, c’est un compliment.

    M. Marc Le Fur. Cela nous va !

    M. Xavier Breton. …et je ne sais pas si c’est le cas sur tous ces bancs. Mais qu’entend-il par « cause perdue » ? Est-ce à dire que le vote de la loi est une cause perdue ; mais, dans ce cas, que faisons-nous à débattre dans les meilleures conditions possibles ? Ou bien la « cause perdue » renvoie à une conception plus large de la société ; mais alors, comment le président de la commission des lois s’adresse-t-il à toutes ces Françaises et tous ces Français pour qui ce texte pose un problème de conception de la société et un problème de conscience ? Comment répond-il à tous ces manifestants venus dire leur opposition à ce texte le 13 janvier, et qui la rediront le 24 mars ? Non, le sens de l’histoire n’est pas écrit : il n’y a jamais de cause perdue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Alain Tourret. Vous êtes l’aventurier des marches perdues !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3650.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je vous prie de m’excuser : je respecte infiniment votre présidence, mais je pense que l’utilisation, tout à l’heure, de l’expression « cause perdue » par un parlementaire, président de la commission des lois qui plus est, à l’adresse d’autres parlementaires est choquante…

    M. Claude Goasguen. Très choquante !

    M. Hervé Mariton. …et aurait pu justifier une réaction de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Mariton, il y a parfois eu, depuis quelques jours, des expressions que les vice-présidents et le président ont fait l’effort de ne pas entendre.

    M. Bernard Roman. Oh oui !

    M. le président. Dans le cas présent aussi, pour permettre un bon déroulement de la séance, j’ai préféré ne pas entendre.

    M. Bernard Roman. Oh oui !

    M. Claude Goasguen. C’est une bonne explication.

    M. Hervé Mariton. C’est une bonne réponse, monsieur le président : nous la saluons et nous l’apprécions.

    M. le président. Oui, monsieur Mariton, mais prenez-la dans toute la dimension que je veux lui donner. À deux ou trois reprises, j’ai entendu des phrases, notamment au sujet de Mme la garde des sceaux, que j’ai préféré ne pas entendre.

    M. Sébastien Pietrasanta. Des phrases de M. Lellouche !

    M. le président. À bon entendeur, salut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Vous avez la parole, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, tous les excès et les propos inappropriés sont critiquables, qu’ils viennent des rangs de la majorité ou de ceux de l’opposition. Reste que, en ce jour de 6 février, l’emploi de l’expression « cause perdue » est par ailleurs un peu curieux d’un point de vue historique.

    M. Bernard Roman. Qu’est-ce que vous voulez dire ?

    M. Hervé Mariton. Un peu d’histoire, chers collègues !

    L’article 373-3 du code civil est d’autant plus intéressant qu’il évoque la possibilité pour le juge de confier un enfant au conjoint de l’un de ses parents. Si deux personnes de même sexe vivent ensemble avec un enfant et que l’une d’elles décède, l’enfant peut être confié au survivant plutôt qu’à son parent biologique.

    L’existence de cette disposition montre qu’il y a aujourd’hui des solutions. Plutôt que d’adopter la solution heurtée que vous proposez, nous pensons qu’il serait plus approprié d’améliorer le dispositif de délégation de l’autorité parentale, et que dans le domaine de l’autorité parentale sous toutes ses formes, il y a matière à progrès ! Si le juge intervient, il le fait aussi, beaucoup et surtout pour la protection de l’enfant. L’approche systématique que vous adoptez va à l’encontre …

    M. le président. Merci !

    M. Hervé Mariton. Je n’ai pas terminé, monsieur le président ! Vous n’avez sûrement décompté vos interventions de mon temps de parole !

    La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4254.

    M. Philippe Meunier. Je reviens sur cette cause soi-disant perdue, à en croire les propos du président de la commission des lois. Je souhaite rafraîchir la mémoire de nos collègues socialistes. En 1984, la gauche au pouvoir avait décidé de supprimer l’école libre. Des centaines de milliers de Français sont descendus dans les rues après le vote des deux assemblées, et François Mitterrand a fait machine arrière.

    M. Yves Fromion. Eh oui ! Il n’y a pas de cause perdue !

    M. Philippe Meunier. Il ne l’a pas fait parce qu’il était lâche, mais parce qu’il avait pris conscience de la nécessité de protéger la cohésion nationale de notre pays et de notre République.

    M. Jean-Yves Caullet. Vive Mitterrand ! Bravo Mitterrand !

    M. Philippe Meunier. Le 24 mars prochain, il y aura une nouvelle grande manifestation. M. le président de la commission des lois a dit que la cause était perdue. Nous verrons bien combien nous serons dans la rue le 24 mars prochain,…

    M. Frédéric Barbier. Cent mille ?

    M. Philippe Meunier. …mais j’espère que le Président de la République, François Hollande, aura la même grandeur que le précédent Président de la République socialiste, François Mitterrand. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Généralement, quand la patrie est en danger, on prend les armes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Quand la famille est attaquée, le groupe UMP se bat pied à pied, amendement après amendement. Nous ne lâcherons rien ! L’honneur d’un parlementaire est de défendre ses convictions et d’aller jusqu’au bout.

    M. Yves Fromion. Très bien !

    M. Philippe Cochet. La remarque du président de la commission des lois est proprement scandaleuse. Elle veut dire qu’à un moment ou un autre, il faudrait que l’on baisse la tête. Ça, jamais ! Les millions de Français…

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Les milliards !

    M. Philippe Cochet. …qui défileront prochainement vous le montreront. C’est pourquoi nous défendrons bien sûr ces amendements jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    (Les amendements identiques nos 1855, 1857, 3571, 3650 et 4254 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Ollier. Sur le fondement de l’article 58, monsieur le président, pour le bon déroulement de notre séance.

    Je vous respecte beaucoup, monsieur le président Urvoas, et je ne mets pas en doute votre compétence, mais permettez-moi tout d’abord de vous rappeler que vous êtes élu président pour un an et non pour cinq ans. Pour avoir été à la tête de la commission des affaires économiques pendant dix ans, je sais qu’on se fait réélire tous les ans.

    M. Philippe Cochet. Ce ne sont pas des mandats de cinq ans !

    M. Patrick Ollier. Vous avez dit que votre profession de foi du second tour faisait mention de votre engagement en faveur du mariage pour tous. Par curiosité, je me la suis procurée : je vous défis d’y trouver la moindre allusion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. C’est un faux !

    M. Patrick Ollier. Je vous le répète, j’ai beaucoup de respect pour vous et je connais votre compétence ; mais vous ne pouvez pas expliquer à M. Le Fur que vous avez été élu avec 63 % des voix malgré les engagements que vous avez pris, alors que ce n’est pas vrai. Et c’est tout aussi valable pour M. Hollande d’ailleurs.

    Je viens vous porter votre profession de foi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Hetzel. Bravo !

    M. Claude Goasguen. C’est grave !

    M. Régis Juanico. Vous l’avez trafiquée !

    Article 4 (suite)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série de six amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1858.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous continuons à ferrailler, inlassablement, contre ce projet de loi. Le président de la commission des lois nous en a d’ailleurs donné acte tout à l’heure.

    Nous persistons à nous battre contre les conséquences de cet amendement balai, contre les fictions juridiques qu’il crée et qui ne peuvent, dans nombre de situations, correspondre à la réalité, historique ou juridique, des personnes concernées. Nous le répéterons tant que nous le pourrons.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1860.

    M. Marc Le Fur. Je remercie le président Ollier d’avoir su, fort de son expérience, aller aux sources puisque celles-ci avaient été très clairement évoquées par le président Urvoas. Il s’avère que cette profession de foi ne dit rien sur le sujet ! Je comprends mieux le mutisme du président Urvoas. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Rien sur le fond ! Quand on est président de la commission des lois, on doit assumer !

    La vraie raison, monsieur le président Urvoas, c’est que vous êtes élu d’un beau département et d’une belle région, où les valeurs de famille comptent encore, comme sur l’ensemble du territoire français. Nos compatriotes, chaque jour un peu plus, se rendent compte de ce que l’on veut nous imposer. Et l’on voudrait même nous faire croire que c’est fini, qu’il n’est pas nécessaire de continuer, dès lors que l’article 1er était voté, l’ensemble des articles étaient adoptés !

    M. Claude Goasguen. C’est grave !

    M. Marc Le Fur. C’est très grave ! Nous n’en voulons pas.

    Je vous raconte la fin de l’anecdote que je vous rapportais tout à l’heure. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce jeune couple, un homme et une femme, avec un enfant, veulent vivre leur vie et ne veulent pas que « l’autre », c’est le terme qu’ils emploient, puisse les empêcher de vivre le bonheur auquel ils aspirent. Ce bonheur, m’ont-ils dit, nous voulons le poursuivre, nous voulons continuer. Monsieur le député, m’ont-ils demandé, faites en sorte que cette loi ne passe pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Hetzel. Bravo !

    M. Jean-Patrick Gille. C’est du grand guignol !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3584.

    M. Xavier Breton. Je comprends que ces débats autour de nos amendements tournent au supplice. Tantôt vos silences sont éloquents et traduisent vos troubles ; tantôt vous répondez et vos propos vous discréditent !

    M. Claude Goasguen. Tout à fait ! C’est lamentable !

    M. Xavier Breton. Je voudrais rebondir sur l’expression « cause perdue » que vous avez employée tout à l’heure, monsieur le président de la commission des lois. Qu’entendez-vous par là ? Parlez-vous de la loi que nous votons ? Dans ce cas, passons tout de suite au vote, ce sera fini et il n’y aura pas de débat parlementaire !

    Ou alors, la « cause perdue » vise une conception de la société sur laquelle nous divergeons, ce qui est normal : nous défendons une certaine compréhension de la famille, de la conjugalité, de la filiation, de la parenté.

    Je voudrais à nouveau interroger le rapporteur sur cette conception de la filiation. Le pilier corporel, biologique y est-il à sa place ? Ces mères porteuses, que vous défendez en en appelant à notre Constitution, monsieur le rapporteur, représentent-elles une pratique digne ou indigne ? Si vraiment elle est indigne, on ne peut tout même imaginer qu’une mère qui porte un enfant n’ait pas de lien de filiation ; or non seulement vous l’avez imaginé, mais vous l’avez exprimé. La « cause perdue » n’est peut-être pas là où l’on croit. En tout état de cause, je respecte vos convictions et nous souhaiterions avoir un vrai échange sur le fond. C’est ce que nous faisons à l’occasion de ces débats qui montrent bien tout l’intérêt du travail parlementaire.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3656.

    M. Hervé Mariton. Nos échanges montrent tout l’intérêt d’un débat d’une certaine durée. Contrairement à ce que Mme Narassiguin expliquait, nos arguments n’ont rien de répétitif.

    M. Jean-Patrick Gille. Si !

    M. Hervé Mariton. Nous avons soulevé des points de droit essentiels pour la vie pratique de nos concitoyens, nous mettons en avant des contradictions ou des mensonges par omission dans les rangs de la majorité. Tout cela plaide clairement contre le temps programmé qui aurait beaucoup contraint ce débat.

    Puisqu’un député est engagé par sa profession de foi, après les approximations, pour dire les choses aimablement, du président Urvoas, on pourrait probablement retourner au rapporteur Erwann Binet sa propre profession de foi qui ne contient pas un mot sur le mariage entre des personnes de même sexe et la filiation.(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vrai et ce n’est pas le débat !

    M. Hervé Mariton. Attendez un instant ! M. Binet est rapporteur de ce texte, Mme la garde des sceaux affirme que nous sommes face à un changement de civilisation : il y a tout de même un certain problème à ne pas en parler lorsqu’on s’engage formellement auprès des citoyens de sa circonscription ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4256.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président Urvoas, je comprends mieux comment vous avez pu réunir 69 % des voix en 2012, aux précédentes législatives, dans cette terre de l’ouest de la France : en dissimulant ou, en tout cas, en mentant par omission à vos électeurs.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Cela n’a rien à voir !

    M. Jean-Jacques Bridey. C’est scandaleux !

    M. Philippe Meunier. Et aujourd’hui, avec majesté, vous expliquez à l’Assemblée nationale que notre cause serait perdue.

    Il va vous falloir comprendre que la situation change, monsieur le président Urvoas, que les Français vont vous demander des explications : lorsqu’ils ont voté pour vous, ils ne pensaient pas que vous alliez permettre l’adoption et la filiation pour les couples de même sexe.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais si ! Ils ont voté sur les propositions de François Hollande !

    M. Philippe Meunier. Nous nous retrouverons donc dans la rue le 24 mars prochain, puisque, apparemment, nos amendements sont sans importance pour vous. C’est la raison pour laquelle nous allons nous battre jusqu’au bout de nos amendements pour essayer de faire échec à ce projet de loi, sinon dans cet hémicycle, du moins le 24 mars prochain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Patrick Hetzel. Ça roupille !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

    Mme Claude Greff. Nous vivons des moments forts dans cet hémicycle et il serait important de montrer à la gauche que le Parlement a une grande utilité.

    M. Jean-Patrick Gille. Il faudrait savoir si on fait la loi au Parlement ou dans la rue, le 6 février !

    Mme Claude Greff. Débattre de la loi, c’est hyper-important. Oui, monsieur Urvoas, l’affaire n’est pas classée et les dérapages nombreux et variés des uns et des autres nous révèlent votre intention première : changer la société, toute la société.

    Ce qui me blesse profondément, c’est que vous desservez la cause des homosexuels en les prenant en otages. Vous vous servez d’eux pour faire croire que vous voulez leur accorder l’égalité des droits ; mais en fait, c’est à un changement de société que vous voulez procéder.

    En étudiant pas à pas tous les articles de ce texte, on réalise qu’aujourd’hui, vous voulez supprimer les mots père et mère. Madame la garde des sceaux, vous avez beau intervenir de temps en temps pour soutenir le contraire, nous serons bel et bien mis devant le fait accompli. Il y aura bien deux mariages : un pour les homosexuels, un pour les hétérosexuels.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oh là là ! Quelle mauvaise foi !

    Mme Claude Greff. Monsieur le rapporteur, votre remarque sur l’air vicié m’a profondément choquée. Je défends aujourd’hui la cause des homosexuels, mais je souhaite que nous vivions ensemble dans le bon équilibre que la loi peut apporter à chacun d’entre nous. Je veux tout simplement défendre les êtres humains, tous autant qu’ils sont. Vos remarques n’honorent pas cette belle chambre des députés, où nous persévérerons dans notre combat, pas à pas pour défendre la loi, rien que la loi. Non, monsieur le président, nous ne lâcherons rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1858 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Christian Assaf.

    M. Christian Assaf. Je voudrais répondre aux nombreuses accusations, répétées à de nombreuses reprises, à l’encontre de notre rapporteur, sur la supposée introduction tardive de cet article balai dans notre débat.

    Vous avez parlé, mesdames et messieurs de l’opposition, d’enfumage, de mensonge par omission, d’évitement…

    M. Claude Goasguen. Bien sûr !

    M. Christian Assaf. …d’escamotage, de tours de passe-passe.

    M. Yves Fromion. On aurait pu dire pire !

    M. Christian Assaf. Pour reprendre l’expression de notre président de la commission des lois, je ne sais pas si c’est déjà une cause perdue, mais je sais que la bataille était mal engagée.

    En effet, lors de notre audition ouverte à la presse, le 12 décembre 2012, notre rapporteur Erwann Binet posait aux parlementaires et anciens parlementaires portugais, belges et espagnols que nous avions invités, la question suivante : « Le principe du mariage entraîne dans notre droit, j’imagine dans le vôtre aussi, des conséquences juridiques extrêmement variées, en matière de droit patrimonial, de droit aux successions etc. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe entraîne donc en cascade un certain nombre de modifications dans différents pans de notre droit. Comment avez-vous réagi, mesdames et messieurs les parlementaires ? » Mme Carmen Monton, députée aux Cortes, a répondu : « Vous avez parlé de l’aspect technique de la modification de la loi. Nous avons introduit une nouvelle phrase dans le code civil à l’article qui définit le mariage où l’on dit que les mêmes exigences et effets entraînent et comportent les mêmes effets ».

    M. Claude Goasguen. Et alors ?

    M. Christian Assaf. Quand on dit les mêmes effets, alors tout change en cascade dans notre code. Nous avons donc introduit l’article balai le 12 décembre dans le débat par la voix de notre rapporteur.

    M. Claude Goasguen. C’est le code espagnol qui commande à notre code civil à présent ?

    M. Christian Assaf. Ni Xavier Breton, présent à cette audition, ni Hervé Mariton n’ont réagi. Vous êtes pris en flagrant délit de manipulation.

    M. Yves Fromion. Qu’est-ce que cela signifie ?

    M. Christian Assaf. Je m’autorise donc à vous dire que vous répondez à cet article balai par des amendements poubelle. Nous les rejetons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, le droit d’amendement est un droit essentiel au fonctionnement de nos assemblées. Lors de la réforme de la Constitution en 2008 et de la réforme du règlement de notre Assemblée, nous avons eu des discussions au sein même de la majorité de l’époque. Nous avons voulu garder au droit d’amendement toute sa force, toute sa dignité parce que, même si c’est un droit qui nous prend parfois du temps, il est essentiel à l’exercice de la démocratie. Et nous entendons aujourd’hui parler d’amendement poubelle !

    M. Claude Goasguen. C’est inimaginable !

    M. Hervé Mariton. Mais enfin ! Nous avons été dans la majorité, vous avez été dans l’opposition. Vous êtes dans la majorité aujourd’hui, vous serez demain dans l’opposition. Et même dans la majorité, il se peut qu’un jour vous ayez aussi envie, peut-être même la liberté – rêvons ! – de présenter des amendements. S’il vous plaît, ne considérez pas qu’il y a des amendements dignes d’un côté, des amendements poubelle de l’autre, la lumière d’un côté la nuit de l’autre, la raison d’un côté la déraison de l’autre.

    Nous sommes des députés ! Nous sommes le 6 février ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 1858, 1860, 3584, 3656, 4256.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 201

    Nombre de suffrages exprimés 197

    Majorité absolue 99

    Pour l’adoption 67

    contre 130

    (Les amendements identiques n° 1858, 1860, 3584, 3656, 4256 ne sont pas adoptés.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série de six amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1859.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Après l’air vicié, les amendements poubelle ! Décidément, le vocabulaire du groupe socialiste s’enrichit, j’en remercie notre collègue !

    Je voudrais vous dire deux choses, monsieur Christian Assaf. Premièrement, cela fait partie de l’apprentissage du métier. Deuxièmement, si l’air vicié ne vous plaît pas, vous pouvez aller vous oxygéner dehors !

    M. Christian Assaf. Je suis très bien ici !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais manqué de respect à l’endroit du travail de qui que ce soit dans cet hémicycle ; j’entends bien qu’il en aille de même de votre part à l’égard de l’ensemble de mes collègues qui sont ici et qui, comme le disait le président de la commission des lois, défendent leurs convictions. C’est notre droit, cela peut ne pas vous plaire, mais c’est ainsi. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quand on traite le rapporteur d’incompétent, on n’a rien à dire !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je veux porter au débat à ce stade de nos échanges une déclaration de M. Bernard Poignant, que nous avons bien connu et beaucoup estimé dans cette maison, et qui est maintenant conseiller du Président de la République, François Hollande.

    M. Poignant est un voisin de notre président de la commission des lois et qui le connaît bien – sans doute en ont-ils parlé ensemble. Je voudrais porter au débat une déclaration récente de M. Poignant sur ce projet de loi, en date du 11 novembre 2012 : « S’agit-il d’ouvrir un nouveau contrat entre deux personnes ? La réponse est non. Le PACS existe depuis 1999. Il est largement utilisé par les hétérosexuels comme les homosexuels. Il pourrait sans doute être amélioré et au moins être conclu en mairie plutôt qu’en tribunal d’instance. »

    Précisons qu’à titre personnel, je ne suis pas d’accord avec la solution qu’avance M. Poignant.

    « S’agit-il de permettre une reconnaissance sociale de l’amour ? La réponse est encore non. Le mot “amour” ne figure pas dans le code civil. Et heureusement, poursuit M. Poignant – et je suis bien de cet avis –, car il faudrait en vérifier la réalité ! Un officier d’état civil ne demande jamais aux futurs époux s’ils s’aiment. Il le constate souvent et c’est tant mieux. Il faut ajouter qu’on peut s’aimer toute une vie sans se marier. »

    M. le président. Veuillez conclure !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je reprendrai la suite de ma citation tout à l’heure, monsieur le président. L’amendement n° 1859 est défendu.

    Mme Laure de La Raudière. Il est formidable, ce Poignant !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1863.

    M. Marc Le Fur. Nos collègues socialistes manquent d’arguments au point d’utiliser des invectives, de nous expliquer tout à l’heure que nous sentions mauvais…

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je n’ai jamais dit cela !

    M. Marc Le Fur. Au point de nous expliquer que nos amendements étaient bons à être jetés à la poubelle !

    Tout cela n’est pas digne de la démocratie et de cette assemblée, mes chers collègues ! Le droit d’amendement est un droit sacré qui appartient à chaque député. Celui-ci l’exerce librement et j’espère que cela continuera ainsi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Il y a une autre attitude des députés socialistes, celle des députés SRC des Côtes-d’Armor. Si j’ai pris une position claire, mes quatre collègues des Côtes-d’Armor ne participent pas au débat. Ils ne disent rien dans le journal, ils rasent les murs. Il y a en effet un certain nombre de députés qui rasent les murs en Bretagne – c’est une région que je connais bien, mais il y en a certainement ailleurs – et qui se gardent bien d’intégrer le débat, de prononcer un seul mot par prudence, par tactique et peut-être aussi, espérons-le, par conviction (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) parce qu’ils ne sont pas sûrs du bien-fondé de ce texte. La meilleure preuve, c’est qu’ils ne répondent plus ou alors ils laissent s’exprimer leurs collègues !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Mais qu’est-ce que vous en savez ? Ce n’est pas possible !

    M. Marc Le Fur. Vous me répondrez tout à l’heure, ma chère collègue ; en attendant il n’y en a pas un de ces quatre députés des Côtes-d’Armor qui soit présent.

    M. Sébastien Denaja. Et Copé, il ne rase pas les murs ?

    M. Jean-David Ciot. Et Copé, qu’est-ce qu’il en pense ?

    M. Marc Le Fur. Il faut que chacun de députés ici sache dire ce qu’il pense de ce texte et sache exprimer ses réserves. Je salue ceux qui ont fait preuve de liberté d’esprit. Une fois de plus, l’exemple est venu de l’outre-mer, comme en 40 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), nos collègues de l’outre-mer ont su démontrer leur volonté de liberté !

    M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Plus vous vos exciterez et plus le débat sera long. Et franchement, cela ne sert à rien !

    Sur l’amendement identique n° 1859 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58 du règlement et porte sur le bon déroulement de notre séance.

    Les propos tenus par notre collègue Christian Assaf (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    Mme Claude Greff. Ce n’est pas la première fois !

    M. Christian Jacob. Nous pouvons être en désaccord, nous pouvons défendre des amendements qui ne vous plaisent pas, qui vous agacent ou qui choquent vos convictions. Mais c’est normal, c’est le débat parlementaire !

    Hier, un de vos collègues a parlé d’amendements débiles. Je l’ai repris en disant que c’était la première fois que je l’entendais sur ce terrain et que, du coup, je n’y attachais pas d’importance.

    Mais, monsieur Assaf, c’est vous qui avez parlé de triangle rose, c’est vous qui parlez maintenant d’amendements-poubelles ! Y a-t-il eu une prise de parole médiocre dans notre camp ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Jamais ! Vous rendez-vous compte où vous en êtes ? Vous rendez-vous compte à quel point vous méprisez, vous dégradez notre institution, à quel point vous êtes indigne des responsabilités que vous exercez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Monsieur Assaf, c’est votre premier mandat. Cela augure mal des prochains. Il est irresponsable de tenir de tels propos. Et ne me faites pas signe de me taire ! Je ne me tairai pas ! Venir à cette tribune parler du triangle rose et de poubelles n’est pas digne d’un parlementaire, monsieur Assaf ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Claude Greff. C’est un militant, pas un député !

    M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance. Après de tels propos, nous ne pouvons pas accepter de continuer le débat !

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

    M. Bernard Roman. Je vais essayer de dire calmement deux ou trois choses et de répondre au président Jacob.

    D’abord, monsieur Jacob, vous dites qu’il n’y a pas eu de paroles déplacées sur vos bancs. Je dois dire que nous avons eu du mal depuis hier à ne pas réagir à certains mots portant sur le rapporteur…

    M. Christian Jacob. Lesquels ?

    M. Bernard Roman.…son « niveau d’incompétence » – je cite –, sur les jeunes députés et sur les ministres assis au banc du Gouvernement. Je me suis demandé, monsieur Le Fur, vous qui êtes si prompt à porter l’attaque, ce qui, dans vos prouesses et votre bilan en quatre mandats de député et durant de nombreuses années de vice-présidence, pouvait vous autoriser à juger de façon aussi hautaine nos députés, nos rapporteurs et nos ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Bataille. C’est vrai !

    M. Bernard Roman. Essayons de nous dire les choses calmement, sans nous emporter.

    Lorsque vous nous donnez des leçons à propos d’invectives ou de mots qui dépassent peut-être la pensée de ceux qui les ont prononcés, commencez par observer dans votre propre camp le comportement de vos amis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le dis tranquillement et sans susciter aucune approbation.

    Sachez ensuite, monsieur Le Fur, qu’il n’y a pas en France de régions d’exceptions. Nous ne faisons pas la loi pour des régions où l’homosexualité serait tolérée et d’autres dans lesquelles elle ne le serait pas, ce qui conduirait certains députés à ne pas l’assumer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Cette conception, monsieur le Fur, qui vous a amené à plusieurs reprises, depuis hier, à dire : « Il est dans nos régions des positions qui sont beaucoup plus difficiles à assumer » sont indignes du pas vers l’égalité que nous proposons aujourd’hui de faire à la France.

    Enfin, je voudrais vous parler de quelque chose de plus grave, qui me conduit également, au nom du groupe socialiste, à demander une suspension de séance : je viens d’entendre qu’il y a des députés qui se comportent bien, « comme en 40 ». Nous parlons là de notre histoire, monsieur le Furt, et, derrière, de millions de morts. Faut-il vous le rappeler ? On ne badine pas avec de telles références ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Quand M. Mariton évoque le 6 février 1934 comme une date anniversaire, je rappelle que c’étaient les ligues factieuses qui marchaient sur l’Assemblée ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Avec les communistes !

    M. Bernard Roman. C’est indigne de citer cette référence historique à l’Assemblée nationale !

    Monsieur le président, au regard de tout cela, et pour que M. Jacob puisse appeler ses troupes au calme, je vous demande, moi aussi, cinq minutes de suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Mes chers collègues, permettez à la présidence de vous faire à tous une remarque.

    En conférence des présidents, le temps législatif programmé n’a pas été demandé.

    M. Hervé Mariton. Heureusement !

    M. le président. Par conséquent, ce débat va durer le temps qu’il faudra puisque le droit d’amendement est imprescriptible. Nous avons décidé, en conférence des présidents, suite aux différentes demandes, qu’il n’y aurait pas de temps législatif programmé. Je vous ai dit ce que j’en pensais, mais c’est ainsi. Cela veut dire que nous allons passer ensemble, pour pouvoir voter ce texte le 12 février, encore de longues heures, matin, après-midi, soir et nuit, y compris ce week-end.

    À partir du moment où nous savons que nous allons rester ensemble, essayons de faire attention les uns et les autres, aux mots, aux expressions et aux références dont nous usons. Ainsi, nous aurons une discussion qui peut paraître fondamentale ou répétitive, mais qui nous permettra d’obtenir des Français un regard attentif et compréhensif.

    Je vous propose maintenant une suspension de séance de cinq minutes pour que vous puissiez réunir vos groupes, puis nous reprendrons nos travaux.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

    M. le président. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3585.

    M. Xavier Breton. Je voudrais profiter de mon temps de parole pour remercier notre collègue Assaf des propos qu’il a tenus. Il a d’abord reconnu notre présence aux auditions. C’est important, car l’UMP est accusée depuis des semaines de ne pas y avoir participé. Eh bien, non ! Nous avons été présents à de nombreuses auditions, les rapporteurs peuvent en témoigner. C’est un premier aveu.

    Ensuite, s’il y a eu des auditions, mais elles étaient malheureusement souvent partiales. Vous donnez l’exemple de parlementaires étrangers, mais tous étaient favorables à l’ouverture du mariage et de la filiation aux couples de personnes de même sexe. Nous aurions aimé avoir une audition de parlementaires opposés à cette législation comme nous le sommes aujourd’hui, afin d’avoir avec eux un échange pour déterminer si leurs craintes étaient fondées ou si ou au contraire tout s’était bien passé, ou encore si d’autres problèmes étaient apparus. Au lieu de cela, qu’avons-nous eu ? Des auditions à sens unique où seuls avaient la parole ceux qui étaient favorables à votre projet de loi.

    En revanche, monsieur Assaf, je ne vous remercie pas d’avoir dit que nos amendements sont des amendements poubelle. Cela me semble révélateur d’une conception selon laquelle vous seuls détiendriez la vérité, et ceux qui ne pensent pas comme vous ne seraient bons qu’à jeter à la poubelle. Non ! La démocratie, c’est l’échange et la confrontation. Nous souhaitons en effet développer notre conception de la famille, de la conjugalité, de la filiation et de la parenté. Nous souhaitons entendre la vôtre. Nous vous savons favorables à l’assistance médicale à la procréation pour convenance personnelle, favorables à la gestation pour autrui. Le rapporteur l’a reconnu en évoquant le préambule de la Constitution de 1946. Eh bien ! C’est de cela dont nous voulons débattre. Ne dites pas que nos amendements sont des amendements poubelles. Ce sont des amendements d’échange. Discutez sur le fond sans avoir peur d’échanger.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3661.

    M. Hervé Mariton. Nous parlons ici de dispositions qui font intervenir le juge. Elles montrent bien qu’une autre manière de faire était possible. L’assistance éducative, puisque c’est de cela qu’il s’agit, amène à se pencher sur des situations parfois difficiles, des problèmes à résoudre et des garanties à apporter, et spécialement celles du juge. Au fond, le projet alternatif que nous proposons répond à la nécessité d’inventer une réponse adaptée. Ce serait la meilleure solution.

    Pour le coup, le dispositif n’est pas nécessairement très différent de celui prévu par l’article 375 du code civil ; mais pour apporter une protection efficace aux membres de la famille, adultes et mineurs tout à la fois, il n’est pas nécessaire de se caler dans le moule unique du mariage. L’assistance éducative peut être développée selon le schéma exact de l’article 375. Elle peut se développer selon des formes mieux adaptées. Tel est le sens de notre proposition.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4266.

    M. Philippe Meunier. Je profite de l’occasion, monsieur le président, pour vous féliciter de la qualité de votre présidence au cours de ce débat difficile. Heureusement que vous apaisez de temps en temps les uns et les autres, même si cela n’excuse en rien l’attaque inadmissible de notre institution par notre collègue socialiste. Les attaques personnelles ne sont pas acceptables, celles contre l’institution encore moins. Et le plus grave, c’est que notre collègue récidive ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je veux revenir sur l’avis du Conseil d’État. On nous a expliqué tout à l’heure que le Gouvernement pouvait le communiquer ou non, à sa convenance. Pour ma part, je pense qu’il fallait le faire : Mme la garde des sceaux a parlé d’un changement de civilisation. Il ne s’agit pas d’un projet de loi comme ceux que nous étudions habituellement dans cet hémicycle, mais bien d’un texte qui va entraîner un changement de civilisation. Il me semble donc important que l’avis du Conseil d’État soit communiqué à l’ensemble des parlementaires, d’autant qu’il nous arrive par bribes. Autant gagner du temps et le distribuer à l’ensemble des parlementaires, afin que nous puissions travailler sereinement et reposer un peu M. le président qui consacre un nombre d’heures assez extraordinaire à ce débat.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. L’exercice auquel se livre l’opposition consiste à parler de tout à l’occasion de chaque amendement, à l’exception notable de M. Mariton qui a parlé de la santé et de l’éducation.

    Je rappelle que tous ces amendements consistant à soustraire des articles du code civil à l’efficacité de la disposition interprétative aboutiraient, s’ils étaient adoptés, à créer des discriminations dans la mesure où ils priveraient les couples de même sexe des avantages et contraintes prévus par le code civil pour les couples de sexes différents. En l’occurrence, l’article 375 dispose que « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux ».

    Ces amendements visent à empêcher que ces dispositions éducatives soient prises en faveur des mineurs. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

    M. François de Mazières. Je suis, comme mon collègue Assaf, un nouveau député. Quand je l’entends parler d’« amendements poubelles », cela me gêne beaucoup. Je n’ai jamais entendu de vraies réponses aux démonstrations très claires d’Hervé Mariton, par exemple – je pense à l’article 371-1 et comme je suis maire, j’en mesure les incidences. J’aimerais que ces amendements obtiennent enfin des réponses juridiques un peu solides.

    J’irai un peu plus loin. Au fond, ce qui nous gêne tous beaucoup, c’est qu’on a vu beaucoup de stratégie. Nous n’avons cessé de vous demander pourquoi vous ne répondiez pas tout de suite à la question fondamentale de savoir si vous légaliserez la PMA et la GPA. Chacun sait que cette question aurait dû être posée avant cette loi et nous vous l’avons posée sans relâche, y compris lors des questions d’actualité, sans jamais obtenir de réponse.

    J’évoquerai enfin la clause de conscience. Là aussi, on a vu beaucoup de stratégie, comme sur l’article dit « balai ». En fin de compte, vous vous contentez de répéter que les Français ont voté pour au moment de l’élection du Président de la République. Je suis pour ma part très perturbé, monsieur le président de la commission des lois, car vous dites en avoir parlé dans votre profession de foi alors que ce n’est pas le cas. Et ces millions de Français qui ont manifesté leur inquiétude au sujet du devenir du père et de la mère se sentent un peu roulés dans la farine dans cette affaire. Il faut revenir à l’essentiel. Je le ferai ultérieurement.

    Votre stratégie consiste à invoquer l’égalité et la modernité. Je vous invite à lire un article tout à fait remarquable de notre collègue sénateur…

    M. le président. Vous en parlerez tout à l’heure.

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1859, 1863, 3585, 3661 et 4266.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 209

    Nombre de suffrages exprimés 209

    Majorité absolue 105

    Pour l’adoption 70

    contre 139

    (Les amendements identiques nos 1859, 1863, 3585, 3661 et 4266 ne sont pas adoptés.)

    Mme Laure de La Raudière. Il y a encore des députés de la majorité qui votent deux fois ! Il y en a assez !

    M. Patrick Ollier. Ce sont des incidents de vote, monsieur le président ! Il y en a qui votent pour deux ! Il faudra revoir l’enregistrement vidéo !

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1864.

    M. Dominique Tian. Monsieur le président, le scrutin vient de se dérouler dans des conditions inacceptables. Non seulement nous n’avons pas eu matériellement le temps de nous déplacer pour aller voter, mais certains de nos collègues votent deux fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il serait utile, pour la sérénité des débats, de visionner ce qui s’est passé. J’ai vu plusieurs de nos collègues voter plusieurs fois alors même que nous n’avons pas eu le temps d’aller voter !

    M. le président. Nous visionnerons les débats, monsieur Tian. Je rappelle aux uns et aux autres qu’ils n’ont à utiliser que leur boîtier. Cela dit, monsieur Tian, même s’il peut y avoir un incident que l’on relèvera, permettez à la présidence de vous dire qu’au vu du nombre de députés présents de part et d’autre de l’hémicycle, refaire le vote conduirait au même résultat.

    M. Yves Fromion. Ce n’est pas vrai !

    M. le président. C’est une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel lorsqu’il est amené à délibérer sur des contestations électorales : s’il n’y a pas matière à prouver que le résultat du vote aurait pu être différent, on n’en parle pas. J’évoquerai le sujet en conférence des présidents et ferai vérifier si ce genre de pratique inacceptable a cours.

    La parole est à M. Dominique Tian.

    M. Dominique Tian. Ce n’est pas parce que vous êtes occupés à d’autres tâches que l’on peut se permettre de voler un scrutin, monsieur le président ! Quoi qu’il en soit, je dénonçais tout à l’heure comme mes collègues l’article balai qui est de l’improvisation.

    Par ailleurs, monsieur le président, n’y voyez aucune attaque personnelle, mais je vous fais observer que le président de la commission des lois a totalement déserté la discussion puisqu’il tweete depuis un moment et ne suit plus les débats.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne tweete pas !

    M. Dominique Tian. Il me semble que si ! C’est sûrement votre droit, mais sans doute votre fonction vous appelle à faire œuvre plus utile en ce moment. Et puisque je parle du président de la commission des lois, qui est absent des débats et qui a cessé de s’exprimer pour des raisons qui sont les siennes, j’ai fait des recherches. Nous n’avons pas l’avis du Conseil d’État, mais on peut savoir ce que les uns et les autres ont dit dans la presse auparavant. Le président Jean-Jacques Urvoas s’exprimait publiquement sur l’homoparentalité il y a quelques années dans un article paru dans Têtu – c’est une source comme une autre : « Cette question ne fait pas partie de celles sur lesquelles [il] a beaucoup réfléchi ». On n’a d’ailleurs pas l’impression qu’il y ait davantage réfléchi depuis ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une attaque personnelle ! Relevez un peu le débat !

    M. Dominique Tian. Ce n’est pas une attaque personnelle, c’est une interview qui a été publiée !

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est inacceptable !

    M. Dominique Tian. On constate en effet que ses raisonnements sur l’homoparentalité reposent sur des présupposés parfaitement contestables. Il indique également avec franchise récuser « que le débat soit abordé sous un autre angle qui se résumerait ainsi : dans quelle mesure l’orientation homosexuelle des parents représente-t-elle un danger pour le développement de l’enfant ? » Et d’ajouter : « Évidemment, je suis incapable d’évaluer qui que ce soit dans ce domaine. »

    Ces déclarations sont de nature à éclairer nos débats, car, si nous, députés UMP, n’obtenons que peu de réponses, voire plus du tout, de la part du Gouvernement, en tout cas de la ministre de la famille, nous n’en obtenons pas davantage de la part…

    M. le président. Merci !

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1885.

    M. Marc Le Fur. J’espère, monsieur le président, que vous avez apprécié les compliments de Philippe Meunier, car ils sont rares et n’en sont donc que plus remarquables. (Sourires.)

    Je reviens sur un point dans les Français n’ont pas encore conscience : la réglementation des noms va être modifiée pour s’adapter à une catégorie extrêmement minoritaire, celle des couples homosexuels. En effet, les noms de tous les Français, sauf à ce que le père et la mère en décident autrement par convention, seront composés des noms des deux parents, dans l’ordre alphabétique.

    Or, chacun le comprend, cela pose plusieurs problèmes.

    Premièrement, les noms commençant par une des premières lettres de l’alphabet seront privilégiés, au détriment de ceux débutant par une des dernières lettres de l’alphabet qui, à terme, disparaîtront de la liste des noms.

    Deuxièmement, le fils ou la fille ne portera plus le nom de son père, par construction, et pas davantage celui de sa mère.

    Troisièmement, les cousins germains ne porteront plus le même nom.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est déjà vrai aujourd’hui !

    M. Marc Le Fur. On va donc casser des généalogies, alors que le propre d’un individu est de se situer dans le temps et dans l’espace.

    Quatrièmement – et je souhaiterais que, sur ce point, Mme la garde des sceaux m’apporte une réponse, si elle le veut bien –, certains enfants, ceux qui sont n’auront pas été reconnus, ne porteront qu’un seul nom, celui de leur mère.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est déjà le cas aujourd’hui !

    M. Marc Le Fur. Ils seront donc en quelque sorte stigmatisés,…

    M. Philippe Cochet. Absolument !

    M. Marc Le Fur. …puisqu’à terme, on identifiera ainsi très vite les enfants qui n’ont pas de père. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On rêve !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3586.

    M. Xavier Breton. Je souhaiterais revenir sur la question des professions de foi, qui a été évoquée tout à l’heure. Je ne veux surtout pas m’intéresser au contenu de ces professions de foi, car la relation qu’a chacune et chacun d’entre nous avec les électeurs, au moment des élections puis dans l’exercice de son mandat, lui appartient. Nous sommes libres de prendre tel ou tel engagement dans notre programme parce que notre mandat n’est pas impératif.

    Néanmoins, je crois que ces professions de foi sont révélatrices, car l’un de vos arguments, que nous avons beaucoup entendu, consiste à dire que les Françaises et les Français ont voté pour François Hollande, pour la majorité, et ce faisant, ils ont validé l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Or, ce n’est pas vrai.

    La campagne présidentielle a été marquée par un grand moment : le débat télévisé, qui a été suivi par des millions de Français. François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont opposés pendant deux heures quarante, et ils n’ont pas consacré trente secondes sur ces questions de société. Donc, on ne peut pas dire que ces sujets aient été débattus. Quant aux élections législatives, nous savons bien qu’elles avaient d’autres préoccupations pour enjeux, notamment la situation économique nationale et internationale. Il y avait d’autres urgences que la famille, même si celle-ci est pour nous une priorité.

    Vous ne pouvez donc pas tirer argument de cette campagne : il n’y a pas eu de débat sur ce sujet. Aujourd’hui, vous refusez de débattre en passant en force depuis le début de l’examen du projet de loi, comme vous avez refusé d’organiser un grand débat public officiel. Le débat, nous l’avons donc lancé dans la société et il va se poursuivre. Mais, encore une fois, la question des professions de foi est très révélatrice de la manière dont vous avez abordé le dossier.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3671.

    M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à exclure du champ de l’article balai, l’article 375-3 du code civil, qui a trait à la protection de l’enfant. Nous pensons en effet qu’il est important que celle-ci soit assurée et que l’autorité judiciaire puisse intervenir lorsque c’est nécessaire. Tout cela aurait pu être abordé dans un cadre autre qu’un projet de loi sur le mariage et l’adoption. C’est donc vraiment la recherche des symboles qui vous guide.

    À ce propos, je voudrais citer Michel Rocard (Murmures sur les bancs du groupe SRC) qui, dans un entretien à un hebdomadaire qui paraîtra demain – et dont des extraits ont été repris dans une dépêche d’agence – fait un certain nombre d’observations qui me paraissent pleines de raison. L’ancien Premier ministre indique en effet, tout d’abord, que le PACS aurait suffi, ensuite qu’il est contre l’adoption par les couples de personnes de même sexe et, enfin, que vous êtes prisonniers de la recherche de symboles. Ces symboles, cette idéologie, non seulement ne règlent – je ne dirai pas rien : ce serait excessif – mais ne règlent pas tous les problèmes posés aux couples de personnes de même sexe mais ils aggraveront, dans bien des cas, leur situation et ne régleront pas de manière heureuse la situation des enfants.

    Monsieur Roman, quand, tout à l’heure, j’ai évoqué le 6 février 1934, c’était pour rendre hommage à la défense de la République contre les factieux de l’extrême droite et du Parti communiste et pour souligner que, dans des circonstances difficiles, il était important de trouver la voie du consensus. Ainsi, il conviendrait, me semble-t-il, avec Michel Rocard et d’autres, de trouver des voies qui permettent de parvenir à l’équilibre et au consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4269.

    M. Philippe Meunier. Monsieur le président, comme M. Poisson, je me répéterai tant que je n’aurai pas obtenu de réponse. Je souhaiterais savoir pourquoi le Gouvernement refuse de nous communiquer l’avis du Conseil d’État. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Puisque, Mme la garde des sceaux l’a dit à plusieurs reprises, ce projet de loi entraînera un changement de civilisation, il me paraît important que la représentation nationale dispose de ce document, d’autant que, manifestement, certains députés – au moins M. Touraine, puisqu’il l’a commenté lors de son intervention – en ont pris connaissance. Respectez l’opposition, répondez-nous !

    M. le président. Sur le vote de l’amendement no 1864 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

    M. Gilles Lurton. Monsieur le président, mes chers collègues, vous pouvez avoir le sentiment que nous nous répétons un peu.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

    M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Si peu !

    M. Gilles Lurton. Mais je ne voudrais pas que, demain, lorsque le texte s’appliquera sur le terrain, on vienne nous dire : « Comment avez-vous pu voter cela ? » Il est dans notre rôle d’en soulever tous les problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Votre absence de réponse illustre encore le manque de préparation de votre projet et le reniement du sens du mot mariage, du moins celui que nous connaissons jusqu’à présent. C’est ce que nous dénonçons depuis la présentation de ce texte.

    Monsieur le rapporteur, lorsque nous lirons l’article 371-1 du code civil au cours de cérémonies de mariage et que nous dirons à deux hommes ou à deux femmes : « L’autorité parentale appartient au père et à la mère », oui, je crains qu’à ce moment-là, s’installe une certaine gêne et que l’enthousiasme soit nettement atténué.

    Je tente toujours de solenniser le plus possible les cérémonies de mariage que je préside afin de leur donner toute l’importance que, selon moi, elles méritent. Or, je crains que des dispositions aussi mal préparées ne fassent disparaître toute la solennité qu’elles doivent revêtir.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mes chers collègues, à ce stade de nos débats, je souhaiterais résumer la situation dans laquelle nous sommes. L’opposition ne veut pas que le mariage de personnes de même sexe soit célébré dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient, depuis deux cents ans, les personnes de sexe différent.

    M. Hervé Mariton. C’est du mariage que nous ne voulons pas !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On nous dit notamment : « Comment voulez-vous que l’on parle d’enfants et d’autorité parentale devant des personnes de même sexe ? » Chers collègues, l’article 212, qui dispose : « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance », ainsi tous les autres articles qui doivent être lus pendant la cérémonie de mariage, les officiers d’état civil en donnent lecture aux futurs époux : des jeunes, mais aussi parfois des personnes âgées,…

    M. Claude Goasguen. Et alors ?

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …des couples qui savent qu’ils n’auront jamais d’enfants, d’autres dont les enfants sont déjà adultes et parfois eux-mêmes parents.

    M. Bernard Roman. Eh oui !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À l’instant où l’officier d’état civil célèbre le mariage, celui-ci consacre le rapprochement entre la République, l’officier d’état civil et la loi.

    M. Hervé Mariton et M. Yves Fromion. Et les mariés !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est cela, la célébration du mariage !

    Il vous est arrivé, comme à moi, de célébrer un mariage en sachant que l’un des époux décéderait quelques mois plus tard…

    M. Philippe Gosselin. Cela n’a rien à voir !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …ou de le célébrer au domicile des futurs époux car ceux-ci ne peuvent déjà plus se déplacer. Je pourrais parler également des mariages qui ont été célébrés post mortem…

    M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec.

    Je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 1864, 1885, 3586, 3671 et 4269.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 232

    Nombre de suffrages exprimés 232

    Majorité absolue 117

    Pour l’adoption 82

    contre 150

    (Les amendements identiques nos 1864, 1885, 3586, 3671 et 4269 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une série de six amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1866.

    M. Dominique Tian. Nous manquons d’études scientifiques sur le sujet dont nous parlons, mais j’en ai trouvé quelques-unes qui vont dans le sens des thèses que nous défendons. Je pense notamment à celle du docteur Christian Flavigny, qui indique : « Dans la situation d’un parent seul, la vacance filiative de l’autre sexe permet une ouverture imaginaire en dehors de la famille propre à favoriser un jeu identitaire avec différentes personnes de l’entourage. Dans le projet de loi imposant deux pères ou deux mères à un enfant, cette ouverture imaginaire de l’enfant est obstruée et l’on demande à l’enfant de se figurer une filiation impossible. Or, l’enfant, tout enfant, a besoin d’une filiation crédible pour se construire psychiquement. »

    Le code civil que vous êtes en train de construire ne permettra plus à l’enfant de s’inscrire dans une filiation logique. C’est pourquoi beaucoup de médecins et de scientifiques sont d’accord avec nous pour refuser ce texte.

    M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 1866 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1888.

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je me permets de revenir sur la question des noms, car je constate qu’elle suscite de plus en plus l’intérêt de l’opinion. Je rappelle que ni le fils ni la fille ne porteront plus le nom de leur père ou le nom de leur mère :…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ce n’est pas vrai !

    M. Marc Le Fur. …ils porteront leurs deux noms associés dans l’ordre alphabétique – j’espère que tout le monde suit. Cela signifie que les grands-parents ne transmettront plus leur nom à leurs petits-fils ; il est important que tous les papis et les mamies de France le sachent.

    J’ai interrogé Mme la garde des sceaux sur le cas des femmes qui accouchent d’un enfant qui n’est pas reconnu : l’enfant sera stigmatisé puisqu’il n’aura qu’un seul nom.

    Une autre question concerne les fratries. Mme la garde des sceaux nous explique que le choix des parents – puisqu’ils peuvent renoncer à accoler leurs deux noms – pour le premier enfant vaudra pour les autres membres de la fratrie. C’est logique, mais comment cette règle s’appliquera-t-elle ? Certains membres de la fratrie seront nés avant la promulgation de la loi : si un enfant âgé actuellement d’un an a, plus tard, un frère ou une sœur, ils ne porteront pas le même nom.

    Je souhaiterais que, sur ces questions, Mme la garde des sceaux nous éclaire, car, dimanche prochain, on discutera de ces sujets au cours du repas familial. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Donnez-nous un peu d’information !

    M. Philippe Meunier et M. Philippe Cochet. Très bien !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2374.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur certains éléments relatifs à l’adoption. Nous en étions restés à l’article 310 du code civil, sur une difficulté confirmée par les propos du défenseur des droits, que je vais rappeler. Auditionné par la commission des lois de notre assemblée en décembre dernier, à une époque où il n’était pas encore question d’amendement balai, le défenseur des droits nous avait fait part de ses interrogations : « Qu’est-il prévu en matière d’état civil ? » – je reviendrai sur cette question qui n’a pas reçu de réponse pour le moment. « Les actes de naissance et les livrets de famille seront-ils les mêmes pour tous les enfants ou bien feront-ils, selon les cas, l’objet d’aménagements particuliers ? »

    Nous avons, en ce qui concerne les livrets de famille, une esquisse de réponse selon laquelle il y aurait trois formules de livrets. Est-il possible d’en obtenir confirmation ? En matière d’état civil, le fait d’avoir deux catégories d’actes d’état civil comporte un risque de discrimination, susceptible de faire volet en éclats la filiation.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Eh oui !

    M. Philippe Gosselin. Face à ces risques importants, il nous paraît nécessaire d’adopter ces amendements de suppression.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3590.

    M. Xavier Breton. Je reprends cette interview accordée à Valeurs actuelles par Michel Rocard. Le débat qui nous occupe fait apparaître une diversité d’opinions sur nos bancs – si la grande majorité de nos collègues va voter contre ce texte, certains vont s’abstenir ou voter pour –, et je m’en félicite. Je suis persuadé que la même diversité existe sur vos bancs, chers collègues de la majorité, et que, derrière les consignes de vote, certains ne sont pas convaincus par ce texte et gardent leur liberté de conscience.

    Il ressort de cette interview qu’il n’y a pas d’un côté les modernes, porteurs de la lumière et détenteurs de la vérité, et, de l’autre, les ringards, porteurs de « convictions poubelles », pour reprendre l’expression employée par notre collègue Assaf, et défenseurs d’une cause perdue, comme le disait tout à l’heure le président Urvoas. Vous devriez vous interroger sur les messages que vous adressent Michel Rocard, qui fut un grand chantre de l’autogestion, ou Sylviane Agacinski, une grande féministe, qui vous disent que vous êtes en train de vous tromper. Entendez-vous ces messages, ou la rue de Solférino vous empêche-t-elle de les entendre ?

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4272.

    M. Philippe Meunier. Tout à l’heure, M. le rapporteur a remis la GPA au cœur de notre débat. Interrogé à plusieurs reprises par notre collègue Breton, qui lui demandait de préciser ses propos, il n’a toujours pas donné de réponse.

    M. Philippe Cochet. Il n’écoute même pas !

    M. Philippe Meunier. Effectivement, depuis tout à l’heure, il ne nous écoute plus ! Et il en est de même du Gouvernement qui, comme je l’ai dit hier soir, me fait penser à un canard à qui l’on aurait coupé la tête et qui continuerait à marcher. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Alors que nous posons des questions sérieuses, nous n’obtenons jamais de réponse. Hier, j’ai interrogé Mme la ministre de la famille pour connaître son avis sur la GPA, et elle m’a répondu qu’elle était contre – dont acte. Cependant, il se trouve que Mme Vallaud-Belkacem a signé, peu de temps avant d’être nommée au Gouvernement, une tribune où elle expliquait être pour la GPA – aujourd’hui, elle est porte-parole du Gouvernement ! De même Mme Guigou affirmait-elle, dans le cadre des débats relatifs au PACS, que cette mesure suffisait amplement et qu’il n’était pas nécessaire d’aller plus loin : dix ans plus tard, nous avons une loi sur le mariage, la filiation et l’adoption – sans parler de la PMA, qui va bientôt arriver ! Dès lors, permettez-nous de douter de vos réponses quand il y en a, et répondez-nous sur la GPA et le Conseil d’État, deux points d’une grande importance.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. Jean-Christophe Fromantin. Ça, c’est un avis argumenté !

    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Attendez, il ne va pas forcément chanter !

    M. Jean Lassalle. Effectivement, je fais relâche, monsieur le président. En fait, je voulais simplement profiter de la relative accalmie que connaissent nos débats, qui vous permet d’être un peu moins accaparé – je ne dirai pas moins stressé, car je ne vous ai jamais vu stressé –, pour vous poser cette simple question : quand vais-je enfin pouvoir intervenir ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Le temps de parole des non-inscrits ayant été pris par ma collègue de Vendée lors de la discussion générale, je n’ai pas pu parler à ce moment-là, ce qui est normal. Pensant pouvoir prendre la parole dans le cadre de la discussion des articles, je me suis aperçu que ce n’était pas évident. De ce fait, mes électeurs du Pays Basque et du Béarn s’étonnent que l’on voie tout le monde parler à la télévision, les pour comme les contre, sauf moi ! « Quand est-ce que tu parles ? », me demandent-ils. (Rires et applaudissements sur tous les bancs.)

    Que puis-je faire, monsieur le président ? Je vous promets que si vous me donnez la parole, je ne serai pas très long.

    M. le président. Monsieur Lassalle, je venais de vous donner la parole pour deux minutes, mais puisque vous en avez profité pour chaparder cette question, je vous propose, si vous le voulez bien, de vous inscrire pour répondre à la commission et au Gouvernement, après la prochaine série.

    M. Jean Lassalle. Et cette prochaine série, ce serait quand, monsieur le président ? (Rires.)

    M. le président. À la demande générale, je vous accorde deux minutes dès maintenant, cher collègue. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. Jean Lassalle. C’est très gentil de votre part, monsieur le président, mais j’aurai besoin de préparer mon intervention. Ne le prenez pas mal, mais je préfère intervenir un peu plus tard, pour ne pas déranger. (Rires et applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

    Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président de la commission des lois, je vais essayer de contribuer modestement à l’œuvre législative. Nous examinons, depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, des milliers d’amendements qui traduisent notre intime conviction que cette loi aura bien plus de conséquences que ce que vous laissez croire, et nous souhaitons simplement que les Français le sachent.

    Ainsi en est-il des conséquences de l’adoption. Madame Bertinotti, je vous saurais gré de bien vouloir m’écouter un instant, car c’est à vous que je souhaite poser une question. (Rires et exclamations.) Comme vous l’avez dit au cours des débats, la décision d’adoption est prise par le président du conseil général après avis d’une commission d’agrément. Or, l’étude d’impact à laquelle plusieurs de mes collègues ont fait allusion expose que, si la loi était adoptée, les référentiels seraient complétés.

    Aujourd’hui, le président du conseil général doit s’assurer que les conditions d’accueil offertes pour les demandeurs sur les plans familial, éducatif, psychologique, correspondent aux besoins et à l’intérêt des enfants. Dès lors, j’ai deux questions. Premièrement, quelle définition avez-vous, mesdames les ministres et chers collègues de la majorité, de l’intérêt, voire de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Deuxièmement, quelles modifications apporterez-vous au référentiel des conseils généraux ? Les personnes qui travaillent au sein des services d’aide sociale à l’enfance, les membres des conseils de famille, les personnalités qualifiées qui siègent au sein des commissions d’agrément ont également besoin d’être renseignées sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1866, 1888, 2374, 3590 et 4272.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 235

    Nombre de suffrages exprimés 234

    Majorité absolue 118

    Pour l’adoption 81

    contre 153

    (Les amendements nos 1866, 1888, 2374, 3590 et 4272 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une nouvelle série amendements identiques.

    J’indique par avance que, sur ces amendements, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1868.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Du fait que j’ai un peu de mal à m’y retrouver dans mes notes, je préfère indiquer que l’amendement n° 1868 est défendu, monsieur le président.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1890.

    M. Marc Le Fur. Le propre des électeurs est de vouloir savoir ce que font leurs députés, ce qui est bien normal : c’est la logique de la démocratie. Sur nos bancs, plusieurs de nos collègues de Bretagne se sont exprimés : c’est le cas de Thierry Benoit, Philippe Le Ray, Isabelle Le Callennec ou encore Gilles Lurton. Mais sur les bancs de la majorité, je vois notre collègue Gilbert Le Bris, qui n’a pas encore eu l’occasion de le faire, et j’espère que le groupe socialiste lui donnera bientôt la parole.

    M. Gilbert Le Bris. C’est déjà fait, mais vous n’étiez pas là, cher collègue !

    M. Marc Le Fur. Je vois également notre collègue Annie Le Houerou, qui aura sans doute l’occasion de s’exprimer tout à l’heure. Il est important que chacun puisse donner son avis, et j’espère, monsieur le président Le Roux, que vous donnerez à chacun des membres de votre groupe la possibilité de s’exprimer.

    M. Bruno Le Roux. J’essaierai !

    M. Marc Le Fur. Certes, ils n’auront droit qu’à deux minutes, comme tout le monde, mais, sur le principe, il importe que chacun puisse s’exprimer, car c’est le propre de la démocratie. Au demeurant, ce que je dis pour la Bretagne vaut également pour les autres régions. Quand tout le monde aura fait connaître sa position, on y verra plus clair.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2375.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens sur l’adoption plénière, pour soulever encore un certain nombre de problèmes liés à l’acte d’état civil. Si j’insiste lourdement, c’est que ce point, relatif au titre VII du code civil sur la filiation, me paraît vraiment essentiel.

    Le seul acte d’état civil dont disposera l’enfant établira qu’il est juridiquement né de deux personnes de même sexe. Très bien, mais il est permis de s’interroger sur l’incidence de cette situation pour les enfants qui voudront accéder à leurs origines. On en revient à un autre débat, celui de la recherche des origines, auquel sont liées les questions de l’anonymat des donneurs et des données identifiantes.

    Sur tous ces points, j’aimerais entendre à nouveau soit Mme la garde des sceaux, soit Mme la ministre de la famille, voire M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, puisque nous avons la chance d’avoir trois ministres au banc du Gouvernement. À défaut, je considérerai que cet amendement de suppression est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4277.

    M. Philippe Meunier. Notre collègue Marc Le Fur a vraiment raison de rappeler les conséquences terribles qu’aura ce projet de loi sur l’ensemble des noms de nos familles françaises.

    Vous voulez faire croire que vous allez donner des droits supplémentaires aux couples de même sexe, alors que ce n’est pas ce que vous faites : en réalité, comme l’a dit M. Gosselin, vous pulvérisez notre code civil, ce dont les couples hétérosexuels vont également subir toutes les conséquences. Les Français ne s’en étant pas encore tout à fait rendu compte, à l’exception de ceux qui suivent nos débats assidûment ; nous allons continuer, des heures et des jours durant, à essayer d’expliquer à nos compatriotes le danger de ce projet de loi.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard. Mes chers collègues, je voudrais porter à votre connaissance une dépêche de l’AFP de ce matin. Figurez-vous que le groupe des députés socialistes a publié, mardi, un « best of réac » des débats. Je figure moi moi-même dans cette compilation, pour avoir tenu un propos jugé réactionnaire : j’avais évoqué les cris de détresse de ces enfants élevés sans père ou sans mère. Pourquoi ai-je utilisé cette expression, madame Lepetit, puisque cette dépêche de l’AFP émane d’une de vos annonces ?

    Mme Annick Lepetit. Je ne suis pas à l’AFP !

    Mme Annie Genevard. Je faisais référence au cas d’un homme de soixante-six ans qui a témoigné dans un grand quotidien. Il donne son nom : il s’appelle Jean-Dominique Bunel, et il a été élevé par une femme et son amie. Si cet homme a déclaré : « Les homosexuels doivent naturellement être accueillis avec fraternité ; ils enrichissent l’humanité […]. », il explique pourtant avoir vécu l’absence de père « comme une amputation » et livre cette confession : « C’est déchirant de raconter une souffrance qu’on voudrait taire. »

    Voyez-vous, madame Lepetit, quand j’ai parlé des cris de détresse d’enfants élevés sans père, c’est à ce témoignage-là que je pensais. Et si vous y voyez le comble de la réaction (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC), madame, je veux bien être traitée de réactionnaire quand je rapporte dans cette assemblée les propos de cet homme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1868, 1890, 2375 et 4277.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 232

    Nombre de suffrages exprimés 231

    Majorité absolue 116

    Pour l’adoption 80

    Contre 151

    (Les amendements nos 1868, 1890, 2375 et 4277 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président. Avant de lever la séance, je donne la parole à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, j’aimerais lever des incertitudes, car nous sommes vraiment de plus en plus inquiets. Ce qui fédère un corps électoral, c’est le second tour de l’élection, présidentielle ou de la législative. Pourquoi ? Parce qu’au second tour, on essaie de rassembler autour de soi celles et ceux qui n’ont pas voté pour nous au premier tour. On doit donc être clair dans les engagements qu’on prend.

    Or, monsieur le président, j’ai fait la démonstration l’autre jour que le Président de la République, dans sa profession de foi, n’avait pris au second tour aucun engagement sur le texte que nous étudions aujourd’hui. Nous découvrons ce soir que ni le président de la commission des lois ni le rapporteur n’ont pris un tel engagement. Enfin, je viens de contrôler la profession de foi du président du groupe SRC : il n’y est question nulle part d’un engagement en faveur de ce projet de loi. Mais alors, qui s’est engagé à voter ce texte ? J’aimerais le savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Monsieur Ollier, vous me donnez l’impression de bien connaître le fonctionnement du ministère de l’Intérieur. (Sourires.)

    3
    Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures trois.)

  • 2e séance du mercredi 6 février 2013

    15 janvier 2018

    M. le président. La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1
    Ouverture du mariage aux couples de même sexe

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 1870 à l’article 4 et aux amendements identiques.

    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le traditionnel rappel au règlement de début de séance… (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, ce rappel au règlement a deux objets.

    Le premier est de vous présenter mes respects du soir et de saluer l’ensemble des personnes présentes. (Sourires.)

    Le second est un peu plus pénible pour l’ensemble de notre assemblée. Dans son journal de vingt heures, l’une des grandes chaînes nationales a évoqué l’Assemblée et s’est livrée, comme c’est trop souvent le cas, hélas ! à un certain antiparlementarisme, tirant prétexte de nos nombreuses séances de nuit pour dire que cela avait des conséquences financières importantes.

    Il nous faut, en ce qui nous concerne, tirer de ces éléments deux conséquences. D’abord, il nous faut…

    M. Olivier Dussopt. Retirer vos amendements ?

    M. Marc Le Fur. …ne pas multiplier à l’excès nos séances de nuit et nous donner le temps de travailler. Quand on fait une grande loi, on se donne le temps de travailler.

    Ensuite, il faut pouvoir répondre, en termes financiers, de manière très précise. Je souhaiterais que le premier questeur, qui est assidu à nos séances, puisse nous dire très précisément quel est le coût de chaque heure de séance de nuit. La presse spécialisée évoque des chiffres qui sont certainement sans fondement. Il faut que nous répondions, que nous objectivions – comme on dit maintenant – ce débat, de façon à parer à toute forme d’antiparlementarisme déplacée.

    M. le président. Monsieur Le Fur, vous avez raison de poser cette question. On m’a parlé de ce reportage qui a été diffusé sur une chaîne de télévision publique.

    M. Xavier Breton. En plus !

    M. le président. Je le regrette. En même temps, nous devons assumer ensemble un certain nombre de choses.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Bien sûr !

    M. le président. La démocratie a un coût. Ceux qui pensent que l’on peut la faire fonctionner sans y mettre les moyens sont des populistes. Ceux qui viennent nous expliquer qu’il faut supprimer les départements, les conseils municipaux, les conseils régionaux, l’Assemblée nationale et le Sénat et que tout ira bien sont des populistes. (Applaudissements.)

    M. Patrick Ollier. Très bien !

    M. le président. Par ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de le dire : nous ferons tout pour voter ce texte le 12 février, comme nous en avons pris l’engagement.

    M. Hervé Mariton. Cela paraît possible.

    M. le président. Il y aura des séances de nuit s’il en faut. Nous ne réclamerons pas un seul euro supplémentaire au Gouvernement pendant les cinq années de cette législature.

    Si nous devons travailler plus, nous le ferons, et ce quel que soit le coût de fonctionnement. Si nécessaire, nous ferons des économies ailleurs. Je vous le dis, et il faut que les Français le sachent : pas un euro supplémentaire ne sera réclamé, quel que soit le train du travail de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je pense que vous avez commis un lapsus, car nous ne réclamons pas d’argent au Gouvernement.

    Il est important que l’Assemblée assume bien cette idée : nous définissons les moyens dont nous avons besoin ; c’est un élément important de la séparation des pouvoirs. Votre langue a donc certainement fourché. Cela dit, j’approuve tout à fait votre position : l’Assemblée assume de mobiliser de l’argent public pour les travaux qui sont nécessaires.

    Au demeurant, cet argent est utile pour éclairer nos concitoyens sur le contenu des textes. En ce qui nous concerne, nous assumons ces débats, pour autant qu’ils se déroulent de façon raisonnable. S’il est vrai que la séance de nuit de l’autre jour n’était peut-être pas absolument indispensable, il n’en demeure pas moins que les débats prennent du temps. Ils ont aussi un coût, mais ils ont permis, sur un certain nombre d’articles – même si après, comme vous l’avez dit tout à l’heure, chacun se fait son idée – d’éclairer les Français sur les tenants et aboutissants d’un certain nombre de dispositions, sur les conséquences possibles du texte. Je pense que ce travail n’est pas inutile.

    Dans le cadre des lois de finances, nous votons chaque année les moyens dont l’Assemblée a besoin. Il me semble d’ailleurs que, sous votre présidence, comme c’était le cas de celle de votre prédécesseur, ils n’ont pas augmenté ces dernières années. Cela paraît juste et raisonnable dans la situation actuelle du pays.

    M. le président. Monsieur Mariton, pour mettre les points sur les i, lorsque je dis que nous ne demanderons pas un seul euro au Gouvernement, c’est pour que les Français sachent que, s’il devait y avoir un coût supplémentaire, compte tenu du travail qui est attendu dans les semaines et même les mois qui viennent en raison de l’ordre du jour annoncé, cela se fera en revenant, le cas échéant, sur un certain nombre d’autres dépenses inscrites au budget de l’Assemblée nationale. Toutefois, cela ne pénalisera pas notre travail.

    Par ailleurs, si vous voulez m’entendre dire qu’il n’y aura pas de séance, et peut-être même une longue nuit, dans la nuit de dimanche à lundi, je ne le ferai pas ! (Sourires.)

    La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour un rappel au règlement.

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Elle concerne ce qui s’est passé avant que nous nous arrêtions pour aller dîner.

    J’ai envie de dire à M. Le Fur – et j’associe à mes propos tous mes collègues bretons – que nous sommes choqués d’entendre présenter la Bretagne comme une terre réactionnaire et conservatrice (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), moins à même que d’autres régions de comprendre l’évolution de la société, alors même que la Bretagne a toujours su faire preuve de pondération.

    Quelle image vous donnez, monsieur Le Fur, de ce territoire et de notre République ! La Bretagne est une terre de solidarité, d’accueil et de tolérance, où des hommes et des femmes aux opinions diverses vivent ensemble.

    Nous, députés socialistes et de gauche, nous honorons ce qui fait notre force : la résistance à l’oppression, la résistance à l’injustice ; nous témoignons chaque jour de notre humanisme. (« Ce n’est pas un rappel au règlement ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Xavier Breton. Blablabla ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Breton, avec un nom comme le vôtre, vous devriez respecter la Bretagne ! (Sourires.)

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous, députés socialistes et de gauche de Bretagne, nous honorons ce passé et ces valeurs.

    Je voudrais vous rappeler quelques faits. La Bretagne a voté massivement pour François Hollande : sur vingt-sept députés de Bretagne, vingt-deux sont de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, je veux moi aussi la parole pour un rappel au règlement ; je vais parler des Hauts-de-Seine !

    Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous nous accusez de ne pas avoir le courage de nos opinions, mais c’est avec fierté, conviction et détermination que nous avons défendu le mariage pour tous. Tous mes collègues ont pris clairement position, dans la presse et sur les blogs ; ils ont participé à des manifestations et organisé des débats – j’en veux pour preuve celui de Mme Annie Le Houerou.

    D’ailleurs, monsieur Le Fur, si vous aviez lu Ouest-France comme vous vous en targuez, vous le sauriez, car nous avons tous été questionnés et nous avons pris position. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Nous sommes bretons et nous assumons nos positions. Ne confondez pas le peuple et le populisme. Comme vous le voyez, nous assumons nos choix ; nous représentons cette idée du dialogue et d’une société en paix ; nous ne refusons aucun débat et ne versons jamais dans la violence, contrairement à ce que vous faites, monsieur Le Fur, depuis une semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Mes chers collègues, retrouvons notre calme, d’autant que la nuit va être longue…

    Article 4 (suite)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1870.

    M. Julien Aubert. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Aubert, vous aurez l’occasion de prendre la parole plus tard. Je crois d’ailleurs que vous intervenez régulièrement ; vous n’êtes donc pas frustré… (Sourires.)

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

    M. Jean-Claude Perez. Que dit la réaction ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Avec l’article 375-8 du code civil, que vise cet amendement, nous étudions la question des ascendants. Nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer hier, mais pour ainsi dire en passant. Je pense en particulier au nombre effectif des ascendants qui pourraient être concernés, le cas échéant, par cet article. Il conviendrait donc, madame la ministre, que nous obtenions une réponse sur les problèmes éventuels posés par ce nombre important d’ascendants, eu égard aux dispositions qui vont être prises à travers ce texte.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1870 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 1893.

    M. Bernard Deflesselles. Ça va « bretonner » à nouveau !

    M. Marc Le Fur. Monsieur le président, j’ai été très étonné en entendant le rappel au règlement de notre collègue Mme Chapdelaine. Ce qui m’inquiète un peu, c’est que, si j’ai bien compris, elle parle au nom de Mme Guittet et de Mme Le Houerou, qui siègent parmi nous.

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Elle parle aussi en mon nom !

    M. Marc Le Fur. Le propre de la démocratie, c’est que chacun s’exprime. Or, il y a des attentes. Les gens me disent : « Mais ces socialistes qui ne parlent pas, quel est leur sentiment ? Sont-ils aux ordres ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Marc Le Fur. « Ont-ils conservé une once d’esprit critique ? Ont-ils une personnalité, ou bien sont-ils simplement là pour appuyer sur des boutons ? » (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Laurence Dumont. Quel rapport avec l’amendement ?

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Je pense que vous comprenez le sens de l’intervention de M. Le Fur…

    M. Marc Le Fur. Le mieux, monsieur le président, si vous m’y autorisez, serait que je procède à un appel département par département, de façon à ce que l’on sache ce qu’il en est. (Sourires.)

    Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour la réponse que vous avez faite sur les aspects financiers de la question. Il n’en demeure pas moins que l’opinion souhaite savoir combien coûte une heure ou une nuit de séance.

    Un député du groupe SRC. Pourquoi pas une minute ?

    M. Marc Le Fur. Nous avons la chance d’avoir parmi nous M. Roman qui, en plus de ses qualités bien connues d’orateur sur ce sujet, est également notre excellent premier questeur – je n’ai vraiment pas lieu de m’en plaindre.

    M. Arnaud Leroy. Fayot ! (Sourires.)

    M. Marc Le Fur. J’imagine qu’il va nous dire combien tout cela coûte – pas pour nous, mais pour l’opinion, car, à un moment donné, il faut savoir les choses.

    M. le président. M. Roman aura l’occasion d’intervenir sur ce sujet à la fin de nos travaux sur ce texte ; une fois que nous l’aurons voté, nous ferons une explication, y compris du point de vue financier, sur le vote de la loi.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3594.

    Votre nom est de circonstance, après cette série d’interpellations… (Sourires.)

    M. Xavier Breton. Je le répète, c’est une usurpation – de la même façon que cet article 4 en est une – que de me faire passer pour breton ! Je ne veux pas m’immiscer dans les débats régionaux…

    Je voudrais revenir sur ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Mme Genevard sur le « best of réac » qui a été publié soit par le Parti socialiste, soit par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ce qui, nous le savons bien, revient au même.

    Cela me semble tout de même très inquiétant. En effet, nous assistons à un « flicage » des mots et des pensées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. Assumez !

    M. Xavier Breton. Nous assumons tout à fait, mais, voyez-vous, il y a deux pratiques. L’une consiste à échanger, à dire ce que l’on pense, à exprimer ses convictions et à argumenter ; l’autre consiste à créer des tribunaux et à dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas.

    M. Philippe Cochet. C’est la Stasi !

    M. Xavier Breton. Dans son principe même, ce « best of réac » est scandaleux. Jamais nous ne le ferions ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la différence entre vous et nous. Le problème est que cela ne vous surprend même pas. Vous vous érigez tellement en tribunal de la bien-pensance que cela ne vous étonne ni ne vous indigne.

    M. Jean-Claude Perez. Il faut choisir entre la réaction et le progrès !

    M. Xavier Breton. Inclurez-vous dans ce « best of » la phrase de Michel Rocard, qui juge dangereuse l’adoption par des couples de personnes de même sexe ?

    M. Jean-Claude Perez. Laissez l’ambassadeur des Esquimaux où il est !

    M. Xavier Breton. Non, vous ne le ferez pas, parce que vous n’allez pas au bout, parce que vous êtes des lâches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 3696.

    M. Hervé Mariton. L’article 375-8 du code civil rappelle que les frais d’entretien et d’éducation de l’enfant qui fait l’objet d’une mesure d’assistance incombent à ses père et mère.

    Au passage, je rappelle que l’expression grammaticale « à ses père et mère » – sans « s » ! – est assez originale et renvoie à l’article 371, qui reprend dans le code le premier commandement.

    M. Arnaud Leroy. Le premier commandement ?

    M. Hervé Mariton. Oui, regardez comment le code civil est rédigé. Il est manifestement inspiré du premier commandement ! Personne ne peut raisonnablement dire le contraire.

    Par ailleurs, comme Xavier Breton l’a rappelé, l’article traite aussi de l’obligation alimentaire des ascendants. La difficulté, je le rappelle, vient de la définition des ascendants, à la fois dans le texte, dans les conséquences du texte, et dans la vision de la société que vous portez, en particulier Mme Bertinotti lorsqu’elle évoque les familles.

    Il y a un an à peu près, le laboratoire des idées du Parti socialiste, qui annonçait les choses plus clairement que ne le faisaient les discrètes professions de foi, avait validé l’idée d’homoparenté et celle de multiparenté.

    Dans une configuration où il y a beaucoup de parents, la question se pose de savoir qui est concerné par l’obligation alimentaire. Le laboratoire des idées du PS avait répondu de façon très concrète et pratique : les deux premiers dans l’ordre chronologique. Lorsque j’explique cela dans les réunions, tout le monde s’esclaffe… Je regrette que l’Assemblée n’en fasse pas autant.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis.

    M. Philippe Gosselin. Je n’ai pas pu défendre mon amendement, monsieur le président !

    M. le président. Vous êtes arrivé quelques secondes trop tard.

    M. Jean-Claude Perez. Il était avec les médias !

    M. le président. Je vous donnerai un peu plus de temps pour la défense de votre prochain amendement.

    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Ce texte a été présenté par le Gouvernement. Mais force est de constater que, depuis le début de la discussion, ses membres ne nous disent pas la même chose. À cet égard, la journée de dimanche a été particulièrement révélatrice. Même le Premier ministre a dû intervenir depuis Phnom Penh pour siffler la fin de la récréation !

    À force de turpitudes, le Gouvernement est parvenu à faire de ce texte une succession de couacs. Ce qui était annoncé comme une grande avancée, un très grand texte, n’est finalement rien d’autre qu’un débat qui divise et laisse nos concitoyens songeurs et stupéfaits. Quand cesserez-vous de jouer aux apprentis sorciers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1870, 1893, 3594 et 3696.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 198

    Nombre de suffrages exprimés 198

    Majorité absolue 100

    Pour l’adoption 63

    Contre 135

    (Les amendements identiques nos 1870, 1893, 3594 et 3696 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons maintenant à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1872.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Notre collègue Mariton a fait référence à un laboratoire d’idées proche du groupe majoritaire de la majorité. La multiplication des ascendants, due au fait que l’on modifie sensiblement les structures familiales, a un impact sur l’aide alimentaire et sur la définition des personnes à qui elle incombe. Je laisserai notre collègue Mariton terminer la citation, ce qui nous permettra d’obtenir une réponse du Gouvernement sur ce sujet. L’amendement est défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1895.

    M. Marc Le Fur. Un certain nombre de maires, mais aussi d’adjoints, officiers d’état civil, se sont regroupés dans le collectif « Les Maires pour l’enfance ». Voici ce qu’ils disent : « les officiers d’état civil ont été dans leur grande majorité heurtés par le mépris de leur fonction et de leur avis sur les questions touchant au mariage et à la famille. »

    S’il y a des personnes concernées – et beaucoup d’entre vous sont maires ou adjoints –, ce sont bien ces officiers d’état civil qui, régulièrement, le vendredi et le samedi, effectuent des actes d’état civil. Ce qui m’a frappé lors de nos discussions, c’est à quel point ces actes les engagent, ces journées ont pour eux de l’importance. Ils ne font pas cela par automatisme, mais avec la conviction que la cérémonie qu’ils président est importante pour les jeunes mariés.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les « mariés », pas les « jeunes mariés » !

    M. Marc Le Fur. Vous avez raison, monsieur Le Bouillonnec. Cela sera décompté bien évidemment de mon temps de parole. Je partage votre sentiment et j’ai bien entendu votre propos à la tribune tout à l’heure.

    Ils se demandent également quel doit être le rôle du Parlement, et si la conduite de l’État se résume à la simple application de promesses électorales numérotées. Promesses électorales toutes relatives, puisque le président Ollier nous a démontré que les engagements que l’on nous annonçait comme tels n’en étaient pas précisément. Les gens n’ont pas voté pour des promesses, mais pour un individu, dans lequel ils ont confiance. (« Avaient ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. Ils en ont rejeté un autre !

    M. Marc Le Fur. Je crains qu’ils aient de moins en moins confiance en lui. Écoutez les officiers d’état civil, maires et adjoints : la France profonde ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Sur l’amendement n° 1872 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2377.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur un petit incident qui a émaillé l’après-midi. J’ai mis à profit la soirée pour rechercher dans le règlement intérieur la catégorie des « amendements poubelle ». Je n’ai rien trouvé, mais je me suis interrogé : je voudrais savoir, cher collègue Glavany, monsieur le questeur Roman, si ces amendements relèvent de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères – la TOM – ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères – la ROM ? Si tel est le cas, je voudrais savoir si l’Assemblée est assujettie au versement de ladite somme. J’aimerais alors que M. Roman nous explique quelles seraient les incidences financières de la tenue de séances de nuit. Pour le reste, mon amendement est défendu. (Sourires.)

    M. le président. Faire payer le dépôt d’amendements serait une bonne solution ! Nous n’aurions plus de problème quant au déroulement de nos séances… (Sourires.) Mais Christian Jacob nous fait un malaise. Je ne le proposerai donc pas en conférence des présidents…

    La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3596.

    M. Xavier Breton. Il est vrai que la libéralisation du marché du gaz aurait coûté très cher…

    Je voudrais revenir sur le « best of réac » car je ne serais pas très à l’aise si j’appartenais à un groupe qui, sur un site, désignait des députés en sortant leurs propos de leur contexte.

    M. Daniel Fasquelle. C’est la Stasi !

    M. Xavier Breton. Tout cela est révélateur d’une certaine lâcheté, à l’image de l’article 4 sur lequel porte cet amendement. Encore une fois, vous n’osez pas appeler les personnes par leur état. Oui, deux hommes qui se marieront deviendront des « maris », deux femmes des « épouses », mais vous n’osez pas l’écrire.

    Vous préférez surfer sur les réseaux sociaux, en oubliant de dire que le débat a lieu ici. Débattez avec nous, cessez de fréquenter ces réseaux, nantis d’un sentiment de toute-puissance ! Vous êtes aveuglés par votre idéologie. Votre façon même de faire de la politique est révélatrice. Nous, nous acceptons le doute, car derrière ce que nous disons il y a des personnes et leur parcours. Il faut prendre le temps d’entendre le témoignage dont Annie Genevard faisait état tout à l’heure. Mais vous, vous êtes aveuglés par une idéologie, vous agissez au nom du progrès et de l’égalité mais le respect des personnes vous importe peu. Revenez à la société, revenez à la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 3708.

    M. Hervé Mariton. Je termine rapidement ma démonstration. Le laboratoire des idées du Parti socialiste propose donc que l’on prenne les deux premiers parents dans l’ordre chronologique. Fragiliser de la sorte l’obligation alimentaire, qui est à la fois légitime et assez contestée dans notre pays, est quelque chose d’extrêmement périlleux. Ce serait reculer au moment où l’on réfléchit au financement de la dépendance. Par ailleurs, ce schéma de multiparenté fragilise la parenté en elle-même.

    S’agissant du « best of réac », quelles sont les citations qui m’honorent ? J’ai posé la question : « Que répondrez-vous demain lorsque deux hommes réclameront un enfant sur leur propre patrimoine génétique ? » Vous savez très bien que des expériences avec des mammifères, certes très différents de l’homme, ont été menées dans ce domaine. Cela signifie que la science a mis en œuvre un certain nombre de pratiques qui permettent, à partir du patrimoine génétique de deux personnes de même sexe, d’engendrer un individu dans des conditions fertiles.

    Vous-mêmes qui rappelez que ce sont l’évolution des temps, le sens de l’histoire et le constat de la réalité qui guident votre action, souvenez-vous de la réalité scientifique : E pur si muove !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

    M. Étienne Blanc. Alors qu’un débat politique sur un sujet d’une telle importance aurait dû être loyal et porter sur des idées de fond, le Gouvernement a tout fait pour qu’il soit tronqué et faussé, et ce à trois reprises.

    D’abord, mesdames les ministres, vous n’avez pas dit la vérité sur la GPA et la PMA.

    M. Arnaud Leroy. C’était la semaine dernière !

    M. Étienne Blanc. Vous avez d’ailleurs été recadrées vertement par le Président de la République, qui a été obligé d’écrire pour dire la vérité – tue par le Gouvernement. Vous avez aussi été recadrée par le Premier ministre, parce que vous mentiez et manquiez de sincérité.

    Tout à l’heure, nous avons entendu un éminent représentant du Parti socialiste, président de la commission des lois, jurer la main sur le cœur que ses engagements électoraux avaient porté sur ce texte. Il aura fallu que Patrick Ollier produise un document incontestable qui démontre que M. Urvoas ne nous avait pas dit la vérité.

    M. Marcel Bonnot. Il n’est pas le seul !

    M. Étienne Blanc. En troisième lieu, il y a eu cette affaire du Conseil d’État. J’ai écouté avec attention le ministre des relations avec le parlement, dont on connaît les talents juridiques puisqu’il est avocat – ce qui est une qualité. Il nous a expliqué que le Gouvernement pouvait ne pas produire l’avis. Mais notre problème, ce n’est pas que le Gouvernement n’a produit l’avis, c’est qu’il ne l’a produit qu’à la majorité !

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1872, 1895, 2377, 3596 et 3708.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 218

    Nombre de suffrages exprimés 218

    Majorité absolue 110

    Pour l’adoption 74

    Contre 144

    (Les amendements identiques nos 1872, 1895, 2377, 3596 et 3708 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1873.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous attendons encore la réponse de Mme la ministre sur la fragilisation – ou non – de l’obligation alimentaire, mais je ne doute pas que nous l’aurons au cours de la soirée, nous avons le temps.

    Je continue pour ma part la lecture de la déclaration faite par M. Bernard Poignant, ancien député, conseiller du Président de la République François Hollande…

    M. Jean-Claude Perez. Un homme remarquable !

    M. Jean-Frédéric Poisson. Moi qui l’ai connu aussi, cher collègue, je le confirme.

    Le 11 novembre 2012, M. Poignant se demandait donc si ce projet consistait à ouvrir un nouveau contrat entre deux personnes – la réponse était non ; s’il s’agissait d’une reconnaissance sociale de l’amour – la réponse était non. Je poursuis ma citation : « S’agit-il d’une question de filiation, donc des enfants ? La réponse est oui. Car le mariage entre deux personnes de sexe différent présuppose une filiation biologique, au moins quand elles sont en âge de procréer. Elles ignorent aussi si l’un des deux ou les deux sont stériles. Quand un enfant naît, le mari est présumé père et seulement présumé car l’enfant a pu être conçu avec un autre homme dans l’ignorance du mari. Quand le couple n’est pas marié, l’enfant est reconnu ou pas par le compagnon ou tout autre homme. Dans tous les cas de figure, il y a un père et une mère.

    « Aujourd’hui l’adoption est possible dans un projet parental. L’enfant est alors accueilli par un père et une mère adoptifs. Ceux-ci peuvent lui cacher l’adoption, et il croira que ses deux parents d’accueil sont les parents biologiques. Ou il lui sera dit d’où il vient et il saura qu’il a ailleurs un père et une mère. L’adoption est également possible par une personne seule, homme ou femme. Dans ce cas, il manque l’un des deux. Mais l’enfant doit savoir qu’il a quelque part soit une mère, soit un père. »

    M. le président. Sur l’amendement n° 1873 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1898.

    M. Marc Le Fur. J’ai rappelé hier soir, avec un peu d’humour, que ce texte avait pour effet de supprimer les belles-mères, en les remplaçant par des beaux-parents 1 et 2. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’évoquais le préjudice que cela représentait pour tout le théâtre de boulevard : que serait-il sans belles-mères ? Depuis, je ne cesse de recevoir des avis de soutien, en particulier des intermittents du spectacle, dont fait certainement partie M. Le Roux puisqu’on ne le voit que très occasionnellement ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

    Au théâtre, il y a ceux qui ne disent rien : on les appelle les hallebardiers, car, dans le théâtre classique, ils portaient les hallebardes. Mme Erhel est là mais ne dit rien, Mme Guittet est là mais ne dit rien non plus ; c’est Mme Chapdelaine qui parle au nom de tout le monde. Je vais donc lui répondre, car j’ai sous les yeux sa profession de foi ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Curieusement, il n’y est pas fait une seule allusion à notre sujet. Il y est question, en revanche, de refuser le traité d’austérité en Europe… que vous avez accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous ne disiez pas alors ce que vous alliez faire, de même qu’aujourd’hui encore certains de vos collègues ne le disent pas non plus. Moi, je dis la vérité. L’honneur de la démocratie, c’est d’assumer ses positions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2378.

    M. Philippe Gosselin. Faute d’avoir une réponse sur la qualification des amendements-poubelles, je voudrais revenir sur la nouvelle catégorie d’articles apparus hier après-midi dans votre novlangue juridique : les articles sexués. J’aimerais que le rapporteur nous précise sa pensée sur ces articles sexués et qu’il nous indique avec quelle balayette il entend les traiter. Mon amendement est ainsi défendu.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3597.

    M. Xavier Breton. Nous constatons une certaine fébrilité chez nos collègues socialistes, qui sont tous en train de réfléchir à ce qu’ils avaient écrit dans leurs professions de foi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je voudrais revenir sur le « best of réac », car cela n’a rien d’anodin. Il témoigne d’une conception de la politique qui n’est pas la nôtre, les Françaises et les Français qui suivent nos débats doivent en avoir conscience. Ce procédé, mes chers collègues, illustre votre manque de courage, comme votre article 4 qui, au-delà de ses aspects juridiques, exprime le même manque de courage, puisque vous ne nommez pas les personnes par leur vrai nom. Ce procédé révèle aussi votre prétention, votre arrogance, qui consiste à dire : « Nous avons la vérité, mais eux, regardez-les ! » Nous connaissons bien ces techniques.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lâcheté, prétention, arrogance : on a bien fait de venir !

    M. Xavier Breton. Mais, mes chers collègues, dans quelle catégorie placerez-vous les propos de notre rapporteur, qui indiquait que le Préambule de la Constitution de 1946 se référait à la mère qui avait porté l’enfant, et non à celle ayant un lien de filiation avec lui ? Cela s’appelle une mère porteuse, et le rapporteur a donc dit que la Constitution de 1946 prévoyait les mères porteuses, ce qui n’a choqué personne ! Cela nous choque, nous, profondément, car nous considérons la gestation pour autrui comme une atteinte à la dignité des personnes, une instrumentalisation du corps, qui conduit inéluctablement à sa marchandisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mesdames et messieurs les députés, au lieu de lancer des procès sur les réseaux sociaux, venez débattre avec nous !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

    M. Jean-Pierre Barbier. En tant que nouveau député, j’ai été un peu surpris par les propos dédaigneux du président de la commission des lois à l’égard des députés qui, comme nous, essaient de travailler dans cette assemblée, comme si seule sa parole avait une valeur ici. Laisser croire aux Français que notre cause est perdue est dommage ; cela laisse présager que nous allons vivre pendant cinq ans sous le règne de la pensée unique du Gouvernement…

    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Qu’est-ce qui s’est passé pendant dix ans ?

    M. Jean-Pierre Barbier. Mais la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, ou expliquez-moi pourquoi, lorsque vous avez voté le PACS en 1999, vous avez accepté de voter un sous-mariage que vous dénoncez aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La vérité évolue.

    M. Jean-Pierre Blazy. Mais vous, vous n’avez pas évolué !

    M. Jean-Pierre Barbier. Le débat que nous avons-nous a permis de mettre en lumière vos contradictions, vos hésitations, la confusion et enfin le silence du Gouvernement.

    Confusion car, lorsque nous vous parlons de filiation, vous nous répondez parentalité ; lorsque nous vous parlons de PMA, progrès thérapeutique énorme pour les couples stériles, vous nous répondez PMA de convenance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. IVG de convenance, contraception de convenance…

    M. Jean-Pierre Barbier. Confusion également à propos du nom patronymique et de la famille, qui vont connaître par votre faute des évolutions dramatiques.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour répondre au Gouvernement et à la commission, puisqu’il n’a pas pu défendre son amendement.

    M. Hervé Mariton. Vous m’avez en effet oublié, alors que j’essaie d’être présent dans ce débat…

    L’article 377 concerne la délégation de l’autorité parentale. N’était l’architecture globale du projet du Gouvernement, cela ne poserait pas énormément de problème, car il s’agit exactement du type d’article qui s’intègre à notre projet et qui pourrait être amélioré pour les couples dont nous parlons et les enfants dont ils ont la charge. Mais vous procédez par mimétisme et analogie, vous interdisant d’améliorer les choses.

    Je me permets par ailleurs une observation à Mme la garde des sceaux à propos du théâtre. Puisque Labiche a été cité, je vous renvoie à une conférence remarquable donnée par le président Burgelin sur Labiche, dont l’un des illustres personnages n’est autre que Nina Mariton… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Chers collègues de l’opposition, vous avez déposé trop d’amendements, et vous ne savez plus comment les défendre.

    M. Arnaud Leroy et M. Jean-Claude Perez. Absolument !

    Mme Marie-George Buffet. Nous tombons maintenant dans le mauvais théâtre de boulevard, monsieur Le Fur. Vous nous avez parlé des belles-mères ; sans doute votre prochaine intervention portera-t-elle sur l’adultère et les amants dans le placard !

    Vous nous parlez de l’histoire de la famille. Oui, nous sommes contre les mères porteuses (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) – voilà dix fois qu’on le dit –, et j’aimerais parler, moi, de l’histoire des mères. Car l’état de nature, c’étaient aussi des femmes qui ne pouvaient concevoir l’amour sans craindre la grossesse, qui ne pouvaient aimer sans avoir peur d’avoir un enfant supplémentaire.

    Et puis les femmes ont enfin acquis le droit de choisir leur maternité, le droit à la maîtrise de leur corps. Ce n’est pas le droit à l’enfant, c’est le droit pour une femme et un homme, pour deux femmes ou pour deux hommes de décider qu’ils vont construire un projet commun avec un enfant qu’ils vont éduquer, protéger et à qui ils transmettront de l’amour.

    M. Bernard Accoyer. C’est ça, le problème !

    Mme Marie-George Buffet. Vous ne vous souciez pas de l’intérêt des enfants, vous voulez simplement protéger votre idée du mariage, qui se résume à l’alliance d’un homme et d’une femme dans le but de procréer ! Mais le mariage, ce n’est pas ça. Aimer un enfant, défendre ses intérêts, c’est avant tout faire en sorte que cet enfant ait été choisi, qu’on ait choisi de l’aimer et que l’on se donne les moyens de le protéger.

    M. François Rochebloine. C’est le plaisir personnel !

    Mme Marie-George Buffet. Pour cela, il n’y a pas de différence entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1873, 1898, 2378 et 3597.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 235

    Nombre de suffrages exprimés 235

    Majorité absolue 118

    Pour l’adoption 81

    Contre 154

    (Les amendements nos 1873, 1898, 2378 et 3597 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 1901.

    M. Marc Le Fur. Je voudrais évoquer ici la forte personnalité d’une femme qui fut ministre de François Mitterrand et dut subir, dans certaines circonstances, des attaques sans doute très injustes. Aujourd’hui, courageusement, alors qu’elle est issue de la gauche, elle prend des positions on ne peut plus claires. Je veux parler de Georgina Dufoix, qui déclare : « Les statuts de mère et de père ont un impact dans l’intime de notre être. Il ne s’agit pas seulement d’un statut juridique. Ce sont des notions profondes et délicates qui nous structurent individuellement, dans le rapport aux autres, à la fois entre le père et la mère eux-mêmes, et dans la relation aux enfants et à la société dans son ensemble. »

    « Si François Hollande avait posé la question suivante : Êtes-vous d’accord pour supprimer les mots de père et mère dans le droit civil français et les codes qui régissent la famille ? Les Français s’y seraient opposés », estime l’ancienne ministre. « Nos concitoyens n’ont pas compris que derrière le mariage des homosexuels, c’est la théorie du genre qui est insufflée dans la société française ».

    M. Bernard Deflesselles et M. Xavier Breton. Tout à fait !

    M. Marc Le Fur. « Cette théorie qui vient des États-Unis estime qu’hommes et femmes sont interchangeables. »

    Voilà : tout est dit, avec courage et détermination. Elle était le 13 janvier à la manifestation et sera présente le 24 mars dans ce grand rassemblement qui unira les Français dans leur diversité pour dire leur attachement à la famille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bernard Deflesselles. Bravo Georgina !

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°2379.

    M. Philippe Gosselin. Puisque nous en sommes aux citations, je me permets de vous soumettre les propos, – sans donner son nom, car je ne voudrais pas la mettre dans l’embarras, mais peut-être certains la reconnaîtront-ils – d’une excellente député-maire qui siège sur les bancs du groupe socialiste et qui déclarait il y a quelque temps : « Au nom de l’égalité des droits entre adultes, faut-il créer par la loi des inégalités entre enfants ? »

    Cette phrase résume particulièrement notre débat de ce soir ainsi que la teneur de cet amendement. Loin d’être un combat d’arrière-garde, l’ archaïsme contre le modernisme , le refus majoritaire de ce droit à l’adoption bafouant celui des adoptés pourrait préfigurer les nouveaux types de conflits provoqués par un individualisme croissant qui réduit la société au jeu de revendication des droits.

    Mme Nicole Ameline. Très bien.

    M. Philippe Gosselin. Tel est l’enjeu de ce que nous votons en ce moment, un individualisme forcené qui, et je m’en étonne, chers collègues de gauche, nuira à terme non seulement au pacte républicain, mais à la République dans son ensemble. J’aurais l’occasion d’y revenir.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1901 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3626.

    M. Xavier Breton. Je souhaite rebondir sur les propos de notre collègue Gosselin pour savoir si la phrase prononcée par cette députée socialiste figurera dans le « best of réac » ? (Sourires.) Peut-être que sa carte lui permettra-t-il d’échapper à ce tribunal de la « bienpensance » !

    Madame Buffet, vous dites que l’enfant est un projet. Non, madame, l’enfant n’est pas un projet, en tout cas, ce n’est pas qu’un projet. Vouloir réduire un enfant à un projet conduit à l’assistance médicale à la procréation pour convenance personnelle (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) et aboutira obligatoirement à la gestation pour autrui.

    Mme Marie-George Buffet. Un enfant, c’est une intention. On choisit d’avoir un enfant. Il ne naît pas dans les salades ! Rien à voir avec la Vierge Marie !

    M. Xavier Breton. Lorsqu’un enfant ne dépend que du bon-vouloir des adultes, tout est permis, toutes les techniques sont permises. Peut-être avez-vous une conception de la personne différente de la nôtre ? Sans doute, mais au moins nous, nous assumons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    En réduisant un enfant à un projet, c’est la logique techniciste qui est à l’œuvre, laquelle conduit à faire primer le désir des adultes. C’est une manière de se servir de la science et de l’utiliser ; c’est ce qui nous sépare de vous comme de nos collègues britanniques. Car nous, nous sommes fiers de ne pas être utilitaristes. Pour nous, la fin ne justifie pas les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    C’est notre exception philosophique française et nous en sommes fiers. Vous, vous êtes en train de vendre votre âme aux Anglo-Saxons, aux Américains et leur théorie du genre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si, chers collègues, vous vous inscrivez complètement dans cette idéologie. Au moins, assumez-le. Nous, nous sommes fiers de l’exception française. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. N’importe quoi.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3725.

    M. Hervé Mariton. L’article 377-1 du code civil porte sur la délégation de l’autorité parentale. Lorsque le Gouvernement dit qu’un article-balai est un article d’interprétation, ce n’est pas le cas. Nous sommes vraiment dans un pur décalque, dans une analogie.

    Avec notre approche, notre projet, nous aurions permis d’améliorer ce dispositif. Loin d’être parfait, le dispositif de délégation de l’autorité parentale mérite d’être amélioré. Par votre vision totalement conservatrice, statique, mimétique, telle que Damas l’aurait récusée, vous vous empêchez d’améliorer la délégation de l’autorité parentale.

    Madame Buffet, un enfant ce n’est pas simplement une liberté. C’est surtout une responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Avis défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    M. Jean-Claude Perez. Allez, Marie-Chantal !

    Mme Véronique Louwagie. Je souhaite revenir sur ce grand débat de société, ce texte qui bouleverse notre civilisation et qui entraîne un changement important.

    Depuis plusieurs mois, nous avons demandé la mise en place d’une commission spéciale, cela nous a été refusé. Nous avons demandé un grand débat national. Nous avons soutenu l’idée d’un référendum. À chaque fois, il a été répondu que le débat aurait lieu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, vous qualifiez nos amendements d’amendements « poubelle », qu’ils sont trop nombreux. Pourtant, le débat devait avoir lieu dans l’hémicycle ! Le groupe socialiste ne contribue guère à animer le débat. Reconnaissez au moins que c’est grâce au groupe UMP que le débat s’organise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.) Nous informons nos concitoyens, nous communiquons. Vous pourriez au moins rendre hommage à notre contribution à la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. La GO du Club Med !

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 1901, 2379, 3626, 3725.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 243

    Nombre de suffrages exprimés 243

    Majorité absolue 122

    Pour l’adoption 87

    Contre 156

    (Les amendements n°s 1901, 2379, 3626, 3725 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1881.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je poursuis la lecture de la déclaration de notre excellent ancien collègue Bernard Poignant, aujourd’hui conseiller du Président de la République François Hollande.

    Le 11 novembre 2011, Bernard Poignant déclarait : « Quelle que soit la façon dont on prend la question, il faut se rendre à l’évidence. Tout enfant a un père et une mère. Il ne peut pas être élevé par eux s’ils sont séparés, décédés ou si la société les a arrachés à leurs parents au nom de leurs droits ou encore s’ils se trouvent dans un foyer de deux hommes ou de deux femmes. Mais de toute façon, ils existent. Voilà pourquoi le projet de loi va entraîner beaucoup de discussions, beaucoup d’interrogations et mérite autant de consultations et de débats que nécessaire afin d’entraîner une acceptation de la société. Certains partent du seul droit des adultes au nom de leur liberté et de l’égalité. D’autres partent des enfants au nom d’une idée de leur construction et aussi de l’égalité (Mme Louwagie quitte l’hémicycle sous les exclamations des députés du groupe SRC) …

    Plusieurs députés du groupe SRC. Au revoir, madame Louwagie !

    M. le président. S’il vous plaît, chers collègues.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je reprends le début de ma phrase.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

    M. le président. Je vous laisse dix secondes supplémentaires.

    M. Jean-Frédéric Poisson. « Certains partent du seul droit des adultes au nom de leur liberté et de l’égalité. D’autres partent des enfants au nom d’une idée de leur construction et aussi de l’égalité car tous doivent savoir qu’ils sont issus d’un père et d’une mère. »

    « Ce principe d’égalité va d’ailleurs trouver ses limites. Deux femmes peuvent chacune avoir un enfant par rapport naturel ou procréation médicalement assistée. Deux hommes ne le peuvent pas. Voilà au moins un constat difficile à contester. » Je poursuivrai la citation au cours d’un prochain amendement.

    L’amendement n° 1881 est ainsi défendu.

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1906.

    M. Marc Le Fur. Écoutons le monde associatif. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous le flattons souvent dans nos propos, mais nous ne l’écoutons pas suffisamment.

    J’en veux pour preuve les déclarations de l’association Familles de France. « Les associations savent d’expérience que le fait de multiplier les filiations ne sécurise plus l’enfant. Ce qui le sécurise, c’est avant tout la stabilité. Il ne faut pas négliger l’aspect identitaire de la filiation qui ouvre des possibilités de prendre le nom – que vous voulez casser –, la nationalité du parent. »

    « Il n’est pas rare que les associations constatent des situations de détresse qui existent chez les enfants originaires de situations d’adoption, mais ce phénomène est connu également pour les enfants issus de PMA. Le droit de principe est différent de l’accès de droit en fait. »

    J’ai un peu de mal à déchiffrer la suite… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. Il ne sait même pas lire !

    M. Marc Le Fur. Je reprends. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    « Accorder à tous les couples la possibilité d’adoption conjointe est une chose, mais pour autant, il faut privilégier dans l’adoption les couples qui assurent les conditions de stabilité à ces enfants. Il faut, en particulier, tenir compte de situations de famille qui, depuis des années bien souvent, ont constitué un projet d’adoption pour accueillir de jeunes enfants. » Je suis convaincu que notre but, c’est de faire leur bonheur et de permettre à ces enfants de s’épanouir dans ces familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Claude Perez. Amen !

    M. le président. Su l’amendement n° 1881 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2380.

    M. Philippe Gosselin. Veuillez excuser notre collègue Le Fur : car son papier était écrit en langue vernaculaire. Dans l’attente de la validation, de la constitutionnalisation ou de la ratification, que sais-je encore, des langues régionales, il assurait une traduction simultanée. (Sourires.)

    Mais j’en viens à mon amendement. Le pacte républicain est en danger, ai-je dit tout à l’heure. L’individualisme nous guette, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il fut un temps où sur ces bancs et peut-être davantage encore sur les bancs de la gauche triomphante, sous la IIIe République, on se battait pour des droits, pour des devoirs collectifs. Je pense aux grandes lois de 1901, de 1905, les grandes lois sur le syndicalisme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), des moments où vous luttiez…

    M. Arnaud Leroy. On continue !

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues. Monsieur Perez, on n’est pas au stade de France !

    M. Philippe Gosselin. Rassurez-vous, la droite est là pour vous rappeler cette œuvre collective ! Vous tombez, mes chers collègues, dans l’individualisme et sans vous en rendre compte, vous êtes en train d’abattre ce qui fondait le pacte républicain, ces grandes lois de la IIIe République, celles qui ont été érigées au rang de principes fondamentaux, reconnues par les lois de la République par le Conseil constitutionnel de 1971, qui fondent notre Ve République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Oui, mes chers collègues, je voulais vous le dire avec solennité. Par cette loi, par ses développements, par le jeu de dominos que vous avez mis en place, c’est l’ensemble de l’œuvre collective que vous mettez à mal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais heureusement, certains parmi vous sont restés des esprits libres. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3629.

    M. Xavier Breton. Soit vos silences sur l’article 4 traduisent votre trouble et vos incertitudes (« Non ! »sur les bancs du groupe SRC), soit vos réponses nous amènent à aller au-delà du texte et à avoir un vrai débat de fond, ce que nous souhaitons.

    Je souhaite poser une question à Mme la garde des sceaux, au rapporteur et au président de la commission des lois. On peut se demander si le recours à cet article-balai ne constitue pas une violation de l’étude d’impact du projet de loi.

    Page 26 de l’étude d’impact, sous les titres : « Incidences de la réforme sur les autres branches du droit civil » et « Nécessité d’adaptation des termes », on peut lire :

    « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d’adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu’ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. »

    Un peu plus loin, on lit : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l’application à tous les couples ».

    Nous voyons là toutes les contradictions entre la technique légistique qui comme l’indiquait Mme la garde des sceaux s’applique aux cas strictement nécessaires et la technique de l’article-balai qui va au-delà du strictement nécessaire dans la mesure où il concerne tous les articles.

    Je comprends mieux l’embarras de Mme la garde des sceaux. Notre collègue l’a fait remarquer dès le départ, cet article va trop loin ou pas assez loin. La notion du « strictement nécessaire » telle qu’elle est définie dans l’étude d’impact est-elle contredite par l’article-balai ? Je vous pose la question madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois,– si vous avez l’obligeance de vous exprimer sur le fond du projet de loi –, et monsieur le rapporteur. Nous attendons votre réponse.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3743.

    M. Hervé Mariton. Le problème de l’article-balai est qu’il ne fait l’objet d’aucune évaluation de sa bonne adaptation : il vient après la présentation du texte du Gouvernement et la discussion en commission.

    S’agissant de l’article L. 377-2, qui concerne les conditions de délégation de l’autorité parentale, un travail d’évaluation et d’impact aurait permis de distinguer les possibilités d’amélioration de sa rédaction. Sur ce point, l’Assemblée peut être unanime : il y a matière à améliorer les dispositions relatives aux délégations d’autorité parentale. Cela vaut pour tous les enfants, qu’ils vivent avec un couple de même sexe ou avec un couple hétérosexuel. Par la méthode même que vous avez suivie, l’Assemblée s’interdit de toute réflexion sérieuse. Je trouve cela très dommage.

    J’ajoute, monsieur le président, qu’un membre de la majorité a jugé utile de ponctuer la fin de l’intervention de notre collègue Marc Le Fur d’un très sonore « Amen ! ».

    M. Bernard Deflesselles. Je l’ai bien repéré !

    M. Hervé Mariton. Vous pouvez dire ce que vous voulez dans l’hémicycle, moi, je ne trouve pas ça très heureux.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez bien cité le livre de l’Exode !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. À ce stade de nos débats, je voudrais venir au secours de la vieille Angleterre. Nos collègues britanniques vont seulement commencer dans quelques jours leur travail d’amendement en commission puisque le projet de loi lui-même est loin d’être définitivement voté. Rappelons en outre que la loi de 2008 sur l’embryologie et la fertilité humaine votée par le Parlement britannique a conservé les termes de « père » et de « mère », de même que le projet de loi actuellement étudié conserve les termes de « mari » et de « femme ». Il ne vaudra du reste que pour l’Angleterre et le pays de Galles et non pour l’Écosse et l’Irlande du Nord.

    Dans tout être humain, il y a un désir d’immortalité, de perpétuation. Je crois que vous êtes en train de donner la primauté à ce désir d’immortalité, de fécondité à tout prix, de perpétuation à tout prix au détriment de celui qui est ainsi engendré. Ce faisant, vous confondez l’engendrement, l’enfantement avec la création ex abrupto d’individus, qui seront hors sol. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.) J’ai parlé de mariage quantique : c’est exactement ce que vous êtes en train de faire. Nous parlerons du chat de Schrödinger la prochaine fois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1881, 1906, 2380, 3629 et 3743.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 253

    Nombre de suffrages exprimés 252

    Majorité absolue 127

    Pour l’adoption 89

    Contre 163

    (Les amendements nos 1881, 1906, 2380, 3629 et 3743 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1882.

    M. Dominique Tian. Nous avons évoqué les associations familiales, je citerai d’autres sources. Je pense en particulier au pédopsychiatre Pierre Levy-Soussan qui a souligné qu’il fallait se méfier de l’axe juridique et privilégier l’axe psychique. « On a besoin d’un père et d’une mère. Un enfant élevé par deux hommes, certains disent que cela peut marcher, nous, nous ne le pensons pas. Ce qui ne marche pas, c’est d’affirmer à un enfant qu’il a deux pères, parce que ce n’est pas possible, ou deux mères, parce que ce n’est pas possible non plus. On ne peut pas être issu de deux hommes ou de deux femmes ». C’est pourtant ce que vous allez tenter de nous imposer par cette loi absurde. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1882 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Monsieur Lassalle, voudrez-vous intervenir après que le Gouvernement a donné son avis sur les amendements en discussion ?

    M. Jean Lassalle. Oui, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est une intervention attendue !

    M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1909.

    M. Marc Le Fur. Alors que Georgina Dufoix et Michel Rocard ont été cités, permettez-moi d’en appeler à Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Le mari de Mme Agacinski !

    M. Michel Pouzol. On attend Mitterrand avec impatience !

    M. Marc Le Fur. Voici ce qu’il dit à propos du projet de loi du Gouvernement : « C’est la position de mon parti et donc je la respecte. Ce n’était pas la mienne au départ, ajoute le Premier ministre venu évoquer à Canal Plus les rapports de la commission sur la rénovation de la vie politique. L’idée fondamentale est que l’humanité est structurée entre hommes et femmes et pas en fonction des préférences sexuelles. » Il ne reprend pas non plus à son compte la formule de « mariage pour tous » utilisée par le Gouvernement : « Je ne sais pas ce qu’est le mariage pour tous au moment où, non seulement beaucoup de gens se pacsent ou vivent ensemble sans se marier mais où beaucoup de mariages se défont ». « Il faudrait employer une expression plus précise : “mariage offert aux couples homosexuels”. »

    Il est exactement sur la ligne défendue par bon nombre de nos collègues, à savoir qu’il faudrait trouver une solution parce que certaines réalités existent, sans pour autant remettre en cause l’essentiel, c’est-à-dire le mariage et la famille. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2381.

    M. Philippe Gosselin. J’évoquais le pacte républicain qui était mis à mal. Des forces religieuses et philosophiques se sont engagées dans ce pays pour essayer de défendre ce qui peut l’être encore.

    Je ferai une nouvelle citation : « L’engagement des religieux dans ce conflit si moderne ne s’explique pas d’abord par le biblisme ou par naturalisme » – je sais que cela nous a été reproché ici – « mais parce qu’ils font partie, avec d’autres, des derniers défenseurs des faibles et des sans voix, pénalisés par ce social-individualisme en vogue. Ils ne sont pas sur l’homoparenté en contradiction avec leurs propos sur les Roms, les sans-logis, les vieux ou les malades mais dans la même logique qui fut longtemps celle de la gauche ». Voici, je crois, une belle reconnaissance de ce que vous avez fait, chers amis de la majorité, pendant des décennies. Et je peux vous dire que ces propos sont signés par des gens qui s’y connaissent puisqu’il s’agit d’Eric Conan et Jean-Dominique Merchet, respectivement directeur délégué et directeur de la rédaction de Marianne – eh oui, après avoir cité Têtu, je cite Marianne, parce qu’il faut bien nous rapprocher des revues que vous lisez.

    Je considère que mon amendement est défendu, monsieur le président.

    M. Jean-Claude Perez. Tout ça pour ça !

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3631.

    M. Xavier Breton. « C’est un mariage offert aux couples homosexuels » : si un député de l’UMP avait prononcé une phrase pareille, il aurait été propulsé en tête du « best of réac ». Le problème, c’est qu’elle est de Lionel Jospin. Qu’allez-vous en faire ?

    M. Jean-Claude Perez. Vous pouvez vous la garder !

    M. Xavier Breton. J’aimerais revenir sur l’article 4 et l’article 4 bis et la nécessité d’adaptation des termes. Vous ne me répondez pas, madame la garde des sceaux, ce que je comprends car vous connaissez depuis le départ les problèmes juridiques que pose cet article-balai. Le Conseil d’État vous a éclairée dans son avis en vous conseillant de ne pas rentrer dans cette logique.

    Je voudrais interroger à la fois M. le président de la commission des lois, s’il veut bien nous donner son avis sur le fond du texte, et M. le rapporteur. L’étude d’impact indiquait – je le répèterai jusqu’à ce que vous nous fournissiez la réponse qui est sans doute en train d’être préparée : « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d’adapter les textes qui visent actuellement le « père » ou la « mère » et de permettre qu’ils puissent ainsi aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » L’étude d’impact précise bien : « les seules adaptations strictement nécessaires ». L’amendement-balai a balayé beaucoup trop large : il induit un risque d’incertitude juridique. C’est ce qui explique le mutisme de Mme la garde des sceaux.

    Mais vous, monsieur le rapporteur, qui avez proposé cet amendement dans le cadre des travaux de la commission, expliquez-nous comment vous l’articulez avec cette étude d’impact. Selon vous, existe-t-il ou non un risque juridique ?

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3825.

    M. Hervé Mariton. Sur l’autorité parentale, je renouvelle mon observation que l’on aurait pu faire preuve de davantage d’inventivité. Mme la garde des sceaux, vous nous invitiez hier à un peu de folie.

    M. Nicolas Dhuicq. L’hybris !

    M. Hervé Mariton. Mais, malheureusement, le Gouvernement a manqué totalement de folie créatrice dans la préparation de ce texte. Il apporte une réponse minimaliste à la demande des couples de même sexe. Le Gouvernement et la majorité auraient pu essayer d’inventer quelque chose d’ambitieux, d’adapté, qui aurait rencontré le soutien de l’ensemble de la communauté nationale. Las, il a fait le choix de dupliquer plutôt que d’inventer. Il a fait le choix d’imiter plutôt que d’être ambitieux. Il a fait le choix de diviser plutôt que d’unir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

    M. Pierre Lequiller. Quel contraste avec la façon dont ont été élaborées la loi Leonetti ou les lois sur la bioéthique.

    Rappelons les quatre piliers sur lesquels elles ont été construites.

    Premièrement, la consultation : il s’est agi de recueillir l’avis du Comité consultatif national d’éthique et d’organiser des états généraux dans toute la France.

    Deuxièmement, une discussion ouverte : on a considéré que personne ne détenait toute la vérité et que c’est à travers le débat que celle-ci pouvait émerger.

    Troisièmement, la transparence contrairement à ce qui s’est passé avec le présent projet de loi dans lequel la PMA a été intégrée initialement pour être ensuite retirée et réintégrée enfin dans un autre texte à l’automne. De plus, on ne nous pas a caché l’avis du Conseil d’État, dont l’absence de prise en compte vous a conduit à des fautes juridiques, comme l’amendement-balai.

    Quatrièmement : le vote en conscience.

    Voici ce qui a permis la réussite de ces lois.

    Sur un texte qui concerne la vie, le don de la vie, l’enfant, sa mère, l’adoption, la PMA, la GPA, par idéologie, vous avez cherché, non pas à agir dans l’intérêt de la France, mais à défendre une théorie fausse, surréaliste, dangereuse, la théorie du genre, qui privilégie l’orientation sexuelle par rapport à la différence des sexes, comme le disait Lionel Jospin à l’instant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il ne siège pas dans cet hémicycle !

    M. Pierre Lequiller. La différence entre l’homme et la femme, leur complémentarité, vous la voulez en politique, notamment lors des élections cantonales, vous la voulez dans les entreprises, vous la voulez dans la société, mais vous n’en voulez pas pour ce qui est le plus sacré, le mariage, la vie et le don de la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. Christophe Caresche. Amen !

    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle. (« Ah ! » sur tous les bancs.)

    M. Jean Lassalle. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments dans la vie où l’on ferait certainement mieux de se taire. (Sourires.)

    M. François Rochebloine. C’est sûr !

    M. Jean Lassalle. C’est ce que j’aurais peut-être dû faire tout à l’heure mais je vous remercie, monsieur le président, de me donner l’occasion de parler. Non-inscrit, je vivais ces jours derniers en m’interrogeant sur le point de savoir s’il ne fallait pas que j’essaie quand même de parler. Au fond, je me demandais si le choix que j’avais fait en pleine connaissance de cause de ne pas avoir droit au débat était juste ou pas. Il n’est pas simple d’être non-inscrit et d’avoir en même temps le sentiment de représenter une petite part d’une sensibilité politique de son pays. Une petite part qui a d’ailleurs bien évolué : je crois que si j’étais intervenu il y a dix ou quinze ans, cela aurait été beaucoup plus facile pour moi si le mouvement auquel j’appartiens était resté à la place qu’il occupait. (Rires sur tous les bancs.)

    Monsieur le président, je sais que vous m’accordez deux minutes, mais vous savez bien que ce sont les préliminaires qui prennent le plus de temps. (Mêmes mouvements.)

    Je vous remercie donc de me donner la parole et de permettre à un député qui est élu comme tous les autres, représentant de la nation, de donner son sentiment.

    M. François Rochebloine. Accouche !

    M. Jean Lassalle. Je n’accouche pas tout de suite, il faut que je fasse ma grossesse avant ! (Rires sur plusieurs bancs.)

    Je suis à la fois déchiré par le choix que je vais devoir faire, comme mes collègues, dans quelques jours, et empreint d’enthousiasme.

    Je suis déchiré parce que, forcément, c’est un changement très profond, comme nous en avons connu trois ou quatre, considérables, au cours de ces trente dernières années. Il se trouve que je ne les ai pas tous vécus comme député ; mais ils étaient pour moi plus faciles – et je ne dis pas cela parce qu’ils appartiennent au passé.

    Ce débat – c’est ce qui pour l’instant me rend enthousiaste – nous rappelle que nous sommes dans un pays révolutionnaire – il faut me laisser parler un peu ; sinon, il ne fallait pas me laisser commencer ! (Sourires.)

    La France est un pays révolutionnaire. Nous aurions pu faire les choses tranquillement et, peut-être, mettre sur pied l’union qui aurait permis de ne pas toucher au mariage – nous aurions par conséquent évité ce débat, lequel est extraordinairement suivi, comme je le constate depuis deux heures sur les sites sociaux : tout le monde s’y retrouve ! – et, en même temps, de reconnaître la totalité des droits à ceux qui en sont dépourvus, par le biais d’un nouveau dispositif que l’on aurait par exemple appelé l’union.

    Je ne pense pas que nous prenions cette orientation. Il faut donc tenir compte des réalités.

    M. le président. Cher collègue, il faut conclure.

    M. Jean Lassalle. Oui, je vais conclure. Tout d’abord, ce dont nous parlons constitue un engagement du Président de la République, pris lors de sa campagne électorale.

    Ensuite, nous aurions eu la possibilité – parce que nous avons bien senti croître l’émotion dans le pays – de nous en sortir par le référendum. Mais je ne pense pas que nous prenions cette voie.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Hélas !

    M. Jean Lassalle. Maintenant que le changement est en train de se faire, je pose personnellement deux questions : d’abord, celle du rôle futur de la femme. J’espère qu’au pays des droits de l’homme, nous saurons trouver une solution car, pour l’instant, cette question n’est ni posée, ni inscrite…

    M. le président. Merci, cher collègue.

    M. Jean Lassalle. Je finis, monsieur le président.

    M. le président. Vous avez bénéficié de deux fois plus de temps qu’un intervenant normal, donc il faut conclure !

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas un intervenant normal, c’est un non inscrit !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Il est tout seul !

    M. Jean Lassalle. Je suis tout seul ! Le rôle de la femme me paraît donc être une très grande question.

    Quant à l’adoption, dont je me suis occupé plus de dix ans dans mon département, j’ai constaté qu’elle suscitait beaucoup plus d’engouement il y a quelques années, parce qu’aujourd’hui chacun veut savoir à tout prix d’où il vient.

    M. le président. Merci, monsieur Lassalle.

    M. Jean Lassalle. Je finis ! Je veux par conséquent vous dire que je vais continuer à vivre ce débat de toutes mes forces, après vous avoir remercié de m’avoir donné la parole.

    Je prendrai ma décision comme tous mes concitoyens le moment venu, parce que je veux vivre ce débat jusqu’au bout comme un député citoyen, qui jusqu’au dernier moment aura réfléchi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Vous pouvez remercier tous vos collègues, qui ont fait preuve de patience !

    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 1882, 1909, 2381, 3631 et 3825.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 263

    Nombre de suffrages exprimés 263

    Majorité absolue 132

    Pour l’adoption 92

    Contre 171

    (Les amendements identiques n° 1882, 1909, 2381, 3631 et 3825 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n°1884.

    M. Dominique Tian. Je crains qu’après les propos extrêmement poétiques de notre collègue Lassalle, les miens ne vous semblent plus rudes ; ils ont moins de poésie.

    Je reviens sur la situation juridique des enfants élevés par des personnes de même sexe, car c’est un vrai sujet de préoccupation.

    J’ai notamment lu une étude d’une maître de conférences en droit privé de l’université d’Évry, Aude Mirkovic, qui dit que le bouleversement du droit de la famille qu’entraînerait la redéfinition du mariage et de la filiation pour inclure les époux et les parents de même sexe, est souvent invoqué comme le prix à payer pour sécuriser la situation des enfants élevés par des personnes de même sexe, comme si cette situation exigeait que le partenaire du même sexe du père ou de la mère soit reconnu comme un parent. Or, ce n’est pas le cas, il s’agit d’une mauvaise idée, voire d’une idée fausse.

    Nous ne souhaitons pas retenir ce qui nous semble être une fausse idée, d’où cet amendement proposé par M. Poisson et moi-même. Je pense que nous avons au contraire besoin d’une sécurité juridique renforcée par le fait qu’il existe un papa et une maman.

    M. le président. Sur l’amendement n° 1884 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1913.

    M. Marc Le Fur. Sylviane Agacinski a été à plusieurs reprises citée dans cette enceinte, avec raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Après Lionel Jospin, nous citons son épouse : c’est la parité !

    M. Marc Le Fur. Voilà ce qu’elle écrit, lorsqu’on lui dit : « attention la France ne sera pas moderne si elle ne suit pas la mode ! ».

    Non, répond-elle, « la France n’est pas en retard ! Elle est en avance sur la protection par la loi de la dignité des personnes et de leur corps. »

    En posant la question des mères porteuses, son livre, dont je ne vais pas donner la lecture intégrale – à moins que vous ne le souhaitiez, monsieur le président ?

    M. le président. En deux minutes…

    M. Marc Le Fur. Je connais la lecture rapide ; mais elle est muette.

    Voilà ce qu’écrit également Sylviane Agacinski : « La barbarie a toujours été moderne, toujours nouvelle, toujours actuelle. Nous progressons parfois vers elle sans le vouloir, aveuglés par les progrès de la puissance technologique, et les ruses du marché. Voilà les éléments qui vous guident : les pseudo progrès, les ruses du marché. Tout est possible, tout doit être possible pour satisfaire la demande de l’individu, jusqu’à la production d’enfants en laboratoire ; mais à quel prix ? »

    Mes chers collègues, méditez sur ces éléments majeurs : à quel prix, tout cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2382.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais continuer la citation des excellents auteurs dont je parlais tout à l’heure, Éric Conan et Jean-Dominique Merchet, parce que je la trouve très éclairante et parfaitement adaptée à notre situation et à l’amendement que je souhaite défendre.

    « Une liberté des mœurs, qui met autrui à sa disposition… » – il me semble qu’ils visent expressément la gestation pour autrui et l’adoption ; mais nous y reviendrons au cours de la soirée, car il y a sans doute des lecteurs éclairés de Marianne dans cette enceinte – « …sans se soucier de son avis, se révèle en effet comme la face sociétale de ce néolibéralisme considérant que tout doit se régler selon le droit et le marché. Tout ce qui se fait s’obtient, s’achète, se vend. Position ultra-libérale bien exprimée par l’homme d’affaires Pierre Bergé :… » – nous y revoilà – « …“Louer son ventre pour faire un enfant, ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ?” »

    M. Pierre Lequiller. Quelle honte !

    M. Philippe Gosselin. Mes chers collègues, je me demande si vous n’êtes pas en train de trahir votre idéal d’une œuvre collective, et je me demande, en allant à l’extrême, – cela ne vise pas tant le mariage que la révolution de l’adoption et de la filiation que vous souhaitez adopter – je me demande si vous n’êtes pas en train de vendre votre âme…

    M. Christophe Caresche. Au diable ?

    M. Philippe Gosselin. …à l’oncle Jack, au néolibéralisme, et pour tout dire à une pensée anglo-saxonne dont je ne me sens pas particulièrement fier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3633.

    M. Xavier Breton. Je voudrais remercier notre collègue Lassalle, car il a bien montré qu’il avait des interrogations, que nous partageons, sur la place de l’homme et de la femme : existe-t-il ou non une altérité ou une complémentarité ? Ce sont de vrais débats.

    Le problème porte aussi sur l’adoption. La question se pose bien sûr concernant un droit que l’on peut accorder à certains ; mais sous quelles conditions ? L’on sait que les conseils généraux doivent beaucoup réfléchir sur ce sujet.

    Notre collègue Lassalle a également rappelé, et nous en sommes tout à fait d’accord, que les débats sont très suivis sur les réseaux sociaux. Cela est très important, car chacun peut ainsi constater qu’il existe une volonté d’échange – du moins de notre côté, car nous attendons beaucoup de réponses, tant juridiques que sur le fond.

    Par ailleurs, M. Lassalle a indiqué qu’il n’avait pas encore choisi, et c’est normal, car il dispose d’une vraie liberté de vote – je le laisse bien entendu entièrement libre. Peut-être dans notre groupe y a-t-il également des collègues indécis. C’est l’honneur de ces débats que de pouvoir apporter des contributions ; c’est ce que nous faisons, parce que l’histoire n’est pas finie et que les votes ne sont pas encore acquis.

    Nous traitons de sujets qui appellent un échange ; mais pour cela, encore faut-il que nous soyons deux. Nous vous attendons, mes chers collègues !

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3837.

    M. Hervé Mariton. Il s’agit du retrait de l’autorité parentale, et en particulier de l’intervention du juge.

    Quand le Gouvernement, dans son projet, pratique une analogie, une copie, manifestement inadaptée aux circonstances, non seulement il n’améliore pas les modalités d’intervention du juge dans les cas que nous connaissons aujourd’hui, en particulier pour des couples hétérosexuels, mais il ne permet pas non plus au juge de jouer pleinement son rôle dans des cas où il le pourrait.

    Vous ne faites pas confiance au juge, ce qui est assez dramatique, car vous nous dites par exemple que la délégation de l’autorité parentale ne suffit pas. Mais en même temps, dans les cas où le juge intervient et où manifestement il faut améliorer les modalités de son intervention, vous n’osez pas l’inscrire dans le projet de loi.

    Il faut bouger, je vous le dis, il faut inventer ; or vous ne le faites ni pour vous adapter à la situation des couples de même sexe, ni pour améliorer le dispositif concernant les couples de sexes différents.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier. Je rappelle que ce projet de loi est un double écran de fumée. Il est fait pour éluder les vrais problèmes du moment : l’économie et l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, chers collègues, c’est la priorité de nos concitoyens ! Or, l’actualité nous parle uniquement du mariage pour tous.

    Par ailleurs, sous prétexte de mariage pour tous, ce projet de loi contient sans le dire la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui !

    M. Bernard Roman. Vous oubliez le clonage !

    M. le président. Allons, s’il vous plaît ! On retrouve son calme !

    M. Jean-Pierre Vigier. Avec la PMA pour tous, on sacrifie le droit de l’enfant pour créer un droit à l’enfant. On déracine l’enfant attendu.

    Avec la GPA pour tous, c’est pire, car il y aura une perte totale de repères : une perte de filiation biologique, une perte sociale et une perte culturelle. Ce projet de loi rend la filiation purement administrative. Quid de la famille ? Quid des origines ? Quid du droit de l’enfant à s’épanouir sereinement ?

    Ce texte est donc bien un écran de fumée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet. Je voudrais à mon tour faire quelques citations.

    Un député du groupe UMP. De Staline ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Vous êtes complètement dans le passé, mon pauvre ami !

    Je voudrais notamment citer M. Jean-Paul Cluzel, proche d’Alain Juppé et catholique. Voilà ce qu’il dit : « Quand la droite perd cette idée du respect de l’individu et de la primauté des libertés, et qu’elle veut, comme c’est le cas présent, imposer des règles collectives à l’individu, je crois qu’elle sort profondément de sa route. […] Je suis catholique. L’essence de notre société est basée sur la laïcité. Appliquer la Bible à la lettre pour en déduire une loi civile, j’appelle cela la charia. Si, dans des sociétés laïques, on applique une doctrine religieuse pour l’imposer à tous, c’est la négation même de nos sociétés occidentales. »

    Au journaliste qui lui dit que cette position est minoritaire à droite, M. Jean-Paul Cluzel répond : « Nous sommes en effet peu nombreux à le dire. (…) Je sens un reniement des fondamentaux de la droite libérale. S’opposer à une loi qui étend les libertés est absolument contre l’essence de cette famille de pensée libérale. »

    Je vous demande de réfléchir à ces citations, messieurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 1884, 1913, 2382, 3633 et 3837.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 252

    Nombre de suffrages exprimés 251

    Majorité absolue 126

    Pour l’adoption 82

    Contre 169

    (Les amendements identiques n° 1884, 1913, 2382, 3633 et 3837 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1897.

    M. Dominique Tian. Je veux revenir sur les propos de Mme Buffet qui nous donne des leçons de libéralisme. Sans doute est-elle inspirée par la Chine communiste, bon exemple de l’évolution récente du parti communiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Monsieur Tian !

    M. Dominique Tian. Mme Buffet devrait plutôt réserver ses conseils au régime castriste qui tarde un peu à évoluer dans le sens qu’il faudrait. (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Les propos de Mme Buffet étaient tellement hallucinants qu’il fallait les relever immédiatement.

    M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 1897 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1915.

    M. Marc Le Fur. Je veux saisir l’occasion qui m’est donnée de défendre cet amendement pour vous informer que l’Allemagne vient de battre la France 2 à 1. La vie continue. Les Français continuent à vivre et Mme Buffet continue à se livrer à son anticléricalisme habituel, à l’anticatholocisme que l’on connaît (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Amen !

    M. Marc Le Fur. …et on entend des « Amen » qui ponctuent nos propos.

    Mes chers collègues, vous commettez une erreur de fond. L’église catholique défend une position, celle de la famille, mais elle ne défend pas une théorie catholique. Les Juifs disent la même chose, les Musulmans disent la même chose, les Chinois dont on ne sait plus trop s’ils sont marxistes ou confucéens disent la même chose, le monde protestant dit la même chose. Chacune de ces grandes traditions est porteuse d’un élément constant, d’un élément anthropologique qui est la défense de l’altérité homme-femme, qui est la défense de la famille, cellule première de la société, qui est la défense de l’enfance. Le propre de la société, c’est de défendre les plus fragiles. Ce qui est malheureux, c’est que certains d’entre vous ne le disent plus. Qu’il faille en appeler à l’ensemble de ces grandes traditions quelles qu’elles soient et pas uniquement aux traditions chrétiennes, cela me semble triste tant se posent des questions. Quand on est hésitant, il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux. Madame Buffet, je vous y engage !

    M. Bernard Accoyer. Très bien !

    M. le président. Monsieur Le Fur, quelle drôle de parabole ! Passer directement du football aux religions, il faut le faire !

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2383.

    M. Philippe Gosselin. J’aimerais vous raconter une petite histoire, toujours dans la logique du pacte républicain.

    Il était une fois une femme de talent, douée au point de se faire élire maire adjointe dans la ville de Nantes, cette ville dont le maire a mal tourné puisqu’il a laissé ses concitoyens pour devenir Premier ministre. Et que nous dit cette femme socialiste de qualité qui n’est autre que Christine Meyer ?

    Tout à l’heure, j’évoquais la liberté des mœurs. Pour sa part Mme Meyer nous dit : « Où le social individualisme rejoint le social libéralisme. En tant que femme de gauche, je fais un lien entre le libéralisme économique qui vise à supprimer toute norme ou règle faisant obstacle à la circulation généralisée des marchandises et la libération infinie des désirs qui elle aussi refuse toute norme ou obstacle ». Voilà ce qui se joue, d’une certaine façon, aujourd’hui.

    M. Yves Durand. Et alors ?

    M. Philippe Gosselin. Encore une fois, c’est cet effet infernal de dominos, cette course effrénée vers la marchandisation, vers un individualisme croissant qui au final, au-delà de notre conception de la famille qui est largement partagée contrairement à ce que vous dites, mine en réalité notre société et notre pacte républicain.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3635.

    M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus, madame Buffet.

    C’est toujours intéressant de vous entendre car il y a un échange qui s’instaure et qui nous permet d’aller au fond des choses.

    Vous avez cité un élu, maire adjoint de Bordeaux, pour qui c’est une loi de liberté, une loi libérale. Quand nous avons auditionné des collègues parlementaires ou anciens parlementaires des autres pays européens qui ont voté ces lois, ils ont tous parlé de cette loi non comme une loi d’égalité mais de liberté. C’est effectivement une loi de liberté, mais au sens de l’ultralibéralisme, c’est-à-dire une loi de l’individualisme où c’est le désir de l’individu qui prime. Ce n’est pas notre conception.

    Il y a vingt ans, ce n’était pas non plus la conception des communistes. À l’époque, il existait encore chez eux une notion du collectif. Aujourd’hui, vous avez abandonné toute prétention. Si vous avez perdu certains de vos mauvais côtés, vous avez également perdu certains bons côtés.

    M. Jean-Claude Perez. De quoi vous mêlez-vous ?

    M. François André. Parlez de votre amendement !

    M. Xavier Breton. Aujourd’hui, ce que vous voulez, c’est être dans le vent. Mais être dans le vent, c’est l’ambition d’une feuille morte et aujourd’hui le communisme c’est une feuille morte.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3847.

    M. Hervé Mariton. S’agissant du retrait de l’autorité parentale, je ne referai pas la démonstration à laquelle je me suis déjà livré vingt fois.

    Puisque vous avez été attentifs aux moyens de l’Assemblée, je veux juste vous raconter une anecdote assez ancillaire mais qui dit les choses.

    Je suis membre de la commission des finances. Il se trouve que, pour mener à bien nos travaux, nous pouvons demander et obtenir – et cela ne me paraît pas être un luxe – un code général des impôts.

    Grâce à l’obligeance de mon groupe, je suis allé siéger à la commission des lois, pour préparer nos travaux actuels dans l’hémicycle. J’ai demandé, ce qui ne me paraissait pas être un luxe là non plus, un code civil. Or la commission des lois me l’a refusé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je me permets d’indiquer cela même si je comprends que ce n’est pas l’usage ici. Concrètement, le code civil sur lequel je travaille provient de la bibliothèque de l’Assemblée nationale. Comme il se trouve que je l’ai annoté en certaines parties, je le rembourserai ou en achèterai un autre pour la bibliothèque. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

    Je reconnais que je n’aurai siégé à la commission des lois que pendant la stricte durée nécessaire à la préparation de cette loi, sauf que j’avais participé aux auditions du rapporteur en amont. Mais pouvoir disposer de moyens de travail élémentaires plutôt que de devoir recourir à ceux de la bibliothèque ne me paraît pas extraordinaire.

    Je pense donc, monsieur le président, que, dans la juste affectation des moyens de notre Assemblée, il faudra y veiller.

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le député, je découvre cette demande.

    M. Hervé Mariton. Elle a été faite aux services de la commission.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission. Si quelqu’un, à la commission, vous a refusé un code, il faudra me dire qui.

    Cela fait soixante-dix heures que nous débattons et c’est la première fois que j’entends cette demande. Ce n’est pas la tradition de la commission. Les administrateurs et l’ensemble de la maison mettent à la disposition des parlementaires tous les moyens pour travailler. Nous en parlerons ensemble. Si cet événement était avéré, il ne serait pas normal.

    M. Hervé Mariton. Merci, monsieur le président !

    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle transition, n’est-ce pas ? (Sourires.)

    Mme Marie-Christine Dalloz. Effectivement, on parlait de code ! Ça tombe bien !

    J’ai entendu hier un député socialiste, terminer une explication de vote en disant : « Le progrès et l’humanisme semblent vous faire défaut ». Certes, il a utilisé cette précaution oratoire en employant le mot « semblent », mais il porte tout de même un jugement.

    On désigne par humanisme toute pensée qui met au premier plan de ses préoccupations le développement des qualités essentielles de l’être humain. Une vaste catégorie de philosophies portant sur l’éthique affirment la dignité et la valeur de tous les individus fondées sur les capacités de déterminer le bien et le mal par le recours à des qualités universelles humaines. Parfait : c’était la bonne définition.

    M. François André. Oui, universelles !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Si nous ne faisons pas preuve d’humanisme, vous ne faites pas preuve d’indiscipline. Vous ne manquez pas de discipline. Quand on vous menace de ne pas vous donner d’investiture pour les prochaines élections législatives si vous ne votez pas le texte, ce n’est pas de l’humanisme. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Quand vous refusez aux maires de France la clause de conscience, ce n’est pas de l’humanisme. Quand Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous annonce, dimanche, que le prochain texte sur la famille traitera de la PMA sans concertation du comité consultatif national d’éthique, ce n’est pas de l’humanisme. C’est M. Ayrault, le Premier ministre, qui l’a recadrée après.

    Enfin, quand on parle de l’enfant mais qu’on ne se soucie ni de son équilibre, ni de sa place dans la société de demain, pour moi ce n’est pas de l’humanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1897, 1915, 2383, 3635 et 3847.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 264

    Nombre de suffrages exprimés 263

    Majorité absolue 132

    Pour l’adoption 90

    Contre 173

    (Les amendements identiques nos 1897, 1915, 2383, 3635 et 3847 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1920.

    M. Marc Le Fur. Le président de la commission des lois ne répond jamais aux questions qu’on lui pose sur le fond du texte, mais il veille à ce qu’un code civil soit mis à la disposition de notre collègue. C’est quand même impressionnant !

    M. Jean-Claude Perez. Lou ravi !

    M. le président. Je suis surpris qu’aucun député socialiste – ce doit être une forme d’amnésie chez eux – n’ait éprouvé le besoin de citer Léon Blum qui a écrit un superbe ouvrage Du mariage. Comme on a un peu de temps, je me suis replongé dans la lecture de ce livre que je vous recommande tous car il est plein de poésie.

    Ce qu’écrit Léon Blum sur l’altérité est magnifique : « Une femme regarde toujours un homme comme un homme et réciproquement. Avoir connaissance de la contrariété des sexes, c’est nécessairement en être troublé ». « La contrariété », c’est ce que nous appelons de manière moderne l’altérité. Tout est dit. Revenez à vos fondamentaux, relisez Du mariage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Que pas un seul socialiste n’ait eu le réflexe le plus élémentaire d’aller rechercher un ouvrage de Léon Blum où tout est dit, cela veut dire que vous avez tout oublié. Et quand on est dans une société où l’individu a tout oublié, c’est le début de la décadence ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Patrick Bloche. Vous avez mal lu ! Le livre de Léon Blum dit le contraire !

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 1934.

    M. Dominique Tian. Monsieur Mariton, on a refusé de vous donner un code civil, mais au moins la commission des lois s’est réunie, tandis que celle des affaires sociales ne s’est pas réunie plus de deux heures alors qu’il s’agissait de bouleverser le code de la famille, voire le code de la sécurité sociale.

    M. Gérard Bapt. Les députés de votre groupe sont partis !

    M. Dominique Tian. Ce matin, la réunion de la commission des affaires sociales a été annulée par la présidente, faute de sujet. C’est une situation totalement absurde. Comme si les sujets manquaient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2384.

    M. Philippe Gosselin. Merci, monsieur le président. Je continue mon interrogation sur le pacte républicain, parce que ce texte, une fois encore, nous donne une occasion profonde, sincère, véritable, de nous interroger sur ce devenir collectif commencé depuis le Moyen Âge et se poursuivant à travers les siècles, parce qu’il y a une continuité de la construction de l’État, de l’État de droit, pour arriver à la République telle que nous la connaissons : cette res publica à laquelle nous sommes tous attachés.

    Quand le pacte républicain est entaché, quand le pacte du social-individualisme rejoint celui du social-libéralisme, je m’inquiète, aux côtés de Christine Meyer : où est le « vivre ensemble » que vous évoquiez précédemment dans vos combats ? Quand la ligne d’horizon de chacun est son désir individuel, à quoi bon, madame la ministre de la famille, nous inviter, nous obliger, nous contraindre au « faire famille », au « faire couple », quand tout simplement on oublie le « faire République » et le « vivre ensemble » ?

    Monsieur le président, je considère que mon amendement est défendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. le président. Sur les amendements nos 1920, 2384, 3636 et 3861, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3636.

    M. Xavier Breton. Merci, monsieur le président. Avec cet amendement, je voudrais profiter des bonnes dispositions du président de la commission des lois qui nous répond sur la fourniture de codes au sein de la commission. Je ne doute pas qu’il va nous répondre sur la compatibilité de l’article-balai avec l’étude d’impact produite en complément du projet.

    Je rappelle – restons sur le fond du texte et essayons d’avoir des réponses –, ce que dit l’étude d’impact. Elle dit que s’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires. Est-ce que l’amendement-balai, qui va au-delà du strictement nécessaire puisqu’il balaie comme son nom l’indique tout notre droit, respecte cette exigence ? Il y a là un doute juridique qui plane et nous souhaiterions donc, monsieur le président de la commission des lois, avec votre expertise, votre compétence, que vous nous indiquiez ce qu’il en est – car on ne peut pas être président de commission pour simplement commencer les débats, couper les micros aux députés de l’opposition et clore les débats. On attend un peu plus d’un président de la commission des lois, surtout quand on sait que sa réélection a lieu tous les ans. Je crois qu’il est important, dans le cadre de la campagne que vous allez être mené à faire, que vous nous indiquiez quel est votre avis pour sortir la majorité de ce mauvais pas juridique.

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3861.

    M. Hervé Mariton. Sur la question générale de l’amendement-balai, on pourrait demander au Gouvernement ou à la commission s’ils ont d’autres exemples de grands textes juridiques pour lesquels on a utilisé cette méthode. Je ne parle pas de la mention tout à fait marginale de la vidéosurveillance dans la Loppsi, je ne parle pas de la mention très modeste des télécommunications dans la loi de confiance en l’économie numérique et je ne parle pas de la suppression de la profession d’avoué, enjeu certes important, mais enfin…

    Est-ce qu’il y a d’autres exemples, aussi considérables que ce projet, qui ont été réalisés par la méthode de l’amendement-balai ? Ces exemples ne nous ont pas été donnés.

    Pour l’article 382 du code, « les père et mère ont, sur les distinctions qui suivent, l’administration et la jouissance des biens de leur enfant », l’amendement-balai n’est pas très compliqué à appliquer, je vous l’accorde : c’est d’ailleurs toute la distinction entre des dispositions de ce type – cela se gère chez le notaire – et l’application beaucoup plus difficile de l’article 371-1, que lit le maire quand il célèbre un mariage. L’amendement-balai est inapplicable.

    L’amendement de suppression que j’ai présenté avec mes collègues signifie le refus global de l’amendement-balai.

    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth. Monsieur le président, l’amendement-balai balaie pas mal des principes républicains.

    La loi sur l’abolition de la peine de mort, la loi sur l’avortement, c’étaient des grandes lois humanistes, c’étaient aussi des grandes lois républicaines. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

    Celle-ci, elle ne l’est pas et il y a une véritable confusion. Elle est même le contraire, puisqu’elle donne le droit à l’État d’empêcher un enfant d’avoir un père ou une mère.

    N’est pas Robert Badinter ou Simone Veil qui veut. N’est pas non plus Élisabeth Guigou qui veut. Je ne résiste pas à vous relire ce que disait Élisabeth Guigou : elle disait très clairement que le PACS n’allait pas se continuer par une autre vision des choses et qu’il n’irait pas jusqu’au mariage, à l’adoption et à la PMA. Élisabeth Guigou a été très claire dans les débats en 1998 et lorsqu’elle l’a dit, je pense d’ailleurs qu’elle était probablement la porte-parole du président Mitterrand, ne l’oubliez pas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1920, 2384, 3636 et 3861.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 242

    Nombre de suffrages exprimés 241

    Majorité absolue 121

    Pour l’adoption 80

    Contre 161

    (Les amendements nos 1920, 2384, 3636 et 386 ne sont pas adoptés.)

    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

    Présidence de Mme Laurence Dumont

    vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2163.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite terminer la lecture de la déclaration de Bernard Poignant entamée tout à l’heure : « Quel que soit le sort définitif de la loi, il faut donc que chaque enfant puisse savoir qu’il est issu de père et mère. Si le mariage se conclut entre personnes de même sexe, le livret de famille ne peut pas ignorer ce fait de base. Un enfant adopté est souvent un enfant abandonné par son père et sa mère. Il se trouve généralement dans un orphelinat. Il vient souvent d’un pays lointain. Il ne peut pas être privé de connaître son origine. De plus, mais les avis divergent sur ce point, on peut considérer qu’un enfant doit se forger dans l’altérité des deux genres masculin et féminin. Le législateur finira par conclure la loi et le Président par la ratifier. » C’est ce que le président de la commission des lois nous rappelait tout à l’heure, mais il y a encore un peu de temps pour cela. Je termine la citation : « Mais tout progressiste dans ce dossier doit d’abord penser à l’enfant. »

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2731.

    M. Marc Le Fur. Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour poser de nouveau les questions que nous avons déjà posées. Nous le ferons inlassablement, tant que nous n’obtiendrons pas de réponse.

    Quand nous communiquerez-vous l’avis du Conseil d’État ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En l’état de nos informations, il révèle de multiples difficultés. Nous souhaitons par conséquent en disposer, c’est un élément de démocratie, un élément de transparence. Vous vous prévalez de la démocratie et de la transparence, mais nous ne disposons toujours pas de cet avis.

    Ensuite, quand les députés dont nous ne savons pas très bien encore ce qu’ils veulent faire prendront-ils position ? Je vois Mme Le Loch, députée du Finistère, dont on ne sait toujours pas quelles sont les intentions. Elle a l’occasion ici de s’exprimer pourtant, tout comme M. Le Bris. Nous devons avoir un échange ; la démocratie, c’est l’échange.

    Vous pouvez également poser des questions, mes chers collègues de la majorité, et le Gouvernement comme la commission peuvent répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Alexis Bachelay et M. Pouria Amirshahi. Vous n’avez décidément rien à dire !

    M. Marc Le Fur. Puisque nous n’avons pas de réponse, c’est soit qu’il n’y en a pas, soit qu’on ne veut pas nous en donner. Ce dernier cas s’apparente à de l’obstruction ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) L’obstruction, c’est accepter le formalisme de base mais ne pas répondre à la réalité des choses.

    Je vois Mme Chapdelaine qui n’a, vis-à-vis de ses électeurs, toujours pas pris de position officielle puisque dans sa profession de foi, j’y ai fait allusion tout à l’heure, rien n’était précisé quant à ses engagements sur le mariage pour tous.

    Nous allons donc continuer de poser des questions et je suis convaincu qu’à un moment ou à un autre nous obtiendrons des réponses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Sur le vote des amendements n° 2163 et identiques, je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3742.

    M. Xavier Breton. J’entends que nous n’aurions rien à dire et que nous ferions de l’obstruction. L’obstruction, elle est dans l’absence de réponses !

    M. Yves Fromion. Absolument !

    M. Xavier Breton. Une fois encore, je vais rappeler cette question juridique et notre collègue qui prétendait à l’instant que nous n’avions rien à dire va pouvoir en juger.

    Une étude d’impact, réalisée par le Gouvernement, indique : « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d’adapter les textes qui visent actuellement le père ou la mère et de permettre qu’ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » Autrement dit, selon cette étude, il convient de procéder à des adaptations millimétrées, limitées au strict nécessaire. C’est ce qu’avait fait le Gouvernement – dont acte.

    Étant donné les réticences de la société à supprimer de très nombreuses fois les mots « père » et « mère » dans notre droit, un amendement non plus juridique, mais politique a été présenté, qui a débouché sur l’article-balai. Ce dernier a un effet politique plus ou moins important, mais surtout des effets juridiques dévastateurs. Nous ne sommes plus, en effet, dans le strictement nécessaire.

    J’ai posé la question au rapporteur, au président de la commission des lois que j’ai cru un moment disposé à échanger avec nous au-delà de la fourniture de codes par les services de la commission. N’ayant toujours pas de réponse, c’est à vous, madame la garde des sceaux, que je m’adresse.

    Nous avons bien constaté votre réticence sur cet amendement.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Arrêtez…

    M. Xavier Breton. Vous avez déclaré devant la commission que vous étiez prêts à supprimer les mots « père » et « mère ». Je rends acte à votre courage politique, qui s’appuie sur l’efficacité juridique pointée par l’étude d’impact. Mais votre malaise à soutenir cet amendement ne vient-il pas de la contradiction entre l’article-balai et l’étude d’impact ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne rêve pas. Si j’avais des illusions en début de semaine, vous vous êtes attachés à me les faire perdre. Le fait qu’apporter des réponses aux questions posées permette de passer à l’étape suivante, si j’avais cette illusion-là, je l’ai perdue depuis très longtemps : malgré nos réponses précises, vous reposez toujours les mêmes questions.

    Mme Marie-George Buffet. Très juste !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, de temps en temps, nous vous ferons des réponses…

    M. Julien Aubert. Nous n’avons pas compris celle qui concerne l’avis du Conseil d’État !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …dans le souci de manifester notre respect à l’égard du Parlement ; mais nous prenons acte d’une pratique assez étonnante.

    M. Tian, par exemple, cite depuis trois jours le même texte de Mme Agacinski, en précisant la plupart du temps qu’il est tiré du « journal d’aujourd’hui ». (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Hervé Mariton. Il y a eu des grèves ! Ce matin, par exemple, il n’y avait pas de journaux dans les kiosques.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Gosselin, quant à lui, continue de revenir sur l’article 310 du code civil à propos de l’adoption plénière. Pourquoi l’article 310 échappe-t-il à la disposition interprétative ? Parce qu’il relève du titre VII, lequel échappe à la disposition interprétative. Nous l’avons dit un nombre incalculable de fois et vous continuez à poser la question.

    Ce qui est intéressant, c’est que vous prenez la parole pour défendre des amendements dont vous ne dites pas un quart de mot, mais que vous revenez sur l’article 310 qui, j’insiste, figure dans le titre VII alors que nous en sommes déjà à l’examen du titre IX, concernant l’autorité parentale. Et vous nous parlez toujours du titre VII et de son article 310 !

    M. Philippe Gosselin. Eh bien, parce que vous ne m’avez pas encore répondu sur ce point !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous pouvons continuer à vous répondre, bien entendu, mais il est évident que vous allez continuer à reposer vos questions.

    M. Philippe Gosselin. Vous n’avez toujours pas répondu sur l’acte lui-même !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Breton, pendant plusieurs jours, vous nous avez expliqué qu’il y avait trois piliers : un pilier corporel – et deux autres, j’ai dû les oublier. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Puis vous êtes passé ensuite à une autre démonstration triangulaire – il y avait trois objets, on ne sait plus trop lesquels. Enfin, depuis plusieurs heures, nous avons droit à des citations de Michel Rocard.

    M. Yves Fromion. Michel Rocard, ce n’est pas rien !

    M. Philippe Cochet. Y a-t-il des rocardiens dans l’hémicycle ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela illustre surtout que vous êtes absolument dans l’incapacité de dire un quart de mot sur vos amendements (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC), des amendements qui organisent la discrimination parce qu’ils ne visent qu’à une chose : empêcher l’application des dispositions du code civil déduites du mariage.

    Évidemment, vous êtes totalement libres de votre façon de faire.

    M. Marc Le Fur. Merci !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais tout de même, vous avez assisté à l’adoption de l’article 1er ! Et vous passez plusieurs jours à chercher à éliminer les dispositions qu’il induit. Comme le soulignait le rapporteur avec beaucoup de perspicacité, s’il y a un article qui aurait pu faire consensus – puisque vous ne cessez de parler de consensus, c’était bien celui que nous sommes en train d’examiner !

    M. Philippe Gosselin. C’est mal parti, madame.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Autrement dit, en tant que législateur, vous devriez prendre acte du fait que l’article 1er a été voté et vous montrer soucieux de faire en sorte que la loi soit applicable.

    M. Philippe Gosselin. Mais bien applicable !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous passez des jours à essayer de faire exactement le contraire : rendre la loi inapplicable.

    M. Pierre Lequiller. Donc il faut se taire !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Meunier, à l’occasion de plusieurs interventions, a repris exactement les mêmes phrases !

    M. Philippe Cochet. Vous ne lui répondiez pas !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais il n’y avait pas de question, c’était des affirmations récurrentes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Meunier revient sans cesse sur la PMA et la GPA. Pour des raisons inexpliquées, le clonage de M. Fenech ne prospère pas (Sourires sur les bancs du groupe SRC) car, logiquement, vous devriez en être au clonage depuis quatre jours ! Peut-être y a-t-il des problèmes de droits d’auteur… (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Reste que je constate que le clonage ne prospère pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    En ce qui concerne l’avis du Conseil d’État (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il s’agit, reconnaissons-le, de la dernière trouvaille.

    M. Yves Fromion. Elle est de taille !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le ministre Ollier, vous avez eu l’obligeance de nous donner lecture intégrale de l’avis du Conseil d’État du Luxembourg.

    M. Patrick Ollier. Je vous ai fait peur !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez voulu me faire peur ? Eh bien ! Vous avez tout de même des ambitions étonnantes ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. Patrick Ollier. Elle n’est pas si étonnante que cela !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’en reviens à l’avis du Conseil d’État.

    M. Pierre Lequiller. Peut-on enfin l’avoir ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Consentez à ce que je considère que, dans cet hémicycle, je m’adresse à des législateurs – des personnes qui, à longueur de temps, fabriquent le droit, élaborent les règles et sont donc mieux placées que quiconque pour juger de l’importance du respect de ces règles.

    Le ministre des relations avec le Parlement vous a rappelé…

    M. Laurent Wauquiez et plusieurs députés du groupe UMP. Et vous, vous êtes le garde des sceaux !

    M. Bernard Roman. Taisez-vous, Wauquiez ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

    Mme la présidente. Laissez parler la garde des sceaux. Elle seule a la parole.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le ministre des relations avec le parlement vous a rappelé les différentes étapes de la législation ; il vous a parlé de l’amendement Fur… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pardon, il n’y a pas de grossièreté à dire l’amendement Fur : c’est le langage de la maison, convenez-en !

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est M. Le Fur !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Fur, pardon.

    M. Laurent Wauquiez. Un peu de respect pour les parlementaires !

    Mme Martine Pinville. Ce n’est pas possible, ce qu’on entend !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si, c’est possible ! En réalité, ce comportement est devenu ordinaire : depuis des jours, c’est ce comportement-là auquel nous sommes confrontés. Vous êtes vexés quand certains, à l’extérieur, portent des jugements de valeur sur le travail du Parlement. Pour ma part, je ne valide pas ces jugements de valeur, mais je me refuserai à contribuer à les alimenter.

    En tout état de cause, le ministre des relations avec le Parlement vous a donc rappelé les différentes étapes de la législation et vous a donné les références des lois qui régissent l’avis du Conseil d’État, en vous précisant, d’ailleurs, que le législateur a choisi délibérément de ne pas faire de l’avis du Conseil d’État un document administratif. Vous êtes d’accord ?

    Les législateurs avisés que vous êtes savent pourquoi :…

    M. Éric Woerth. Vous avez peur de nous le montrer ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …en effet, ne pas en faire un document administratif l’exclut de toute possibilité de recours. Nous sommes d’accord ?

    M. Patrick Ollier. Heureusement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur le ministre Ollier, de dire cela. Si vous considérez que c’est heureux, vous devez donc convenir aussi que le Conseil d’État, notre institution judiciaire administrative, formule un avis dans le but d’éclairer le Gouvernement. Vous devez reconnaître également que les règles qui veulent que ces avis ne soient pas rendus publics, sauf décision contraire du Premier ministre, s’imposent à vous aussi. Nous sommes d’accord ? Alors, s’il en est ainsi, que l’on explique…

    M. Yves Fromion. Mais certains parlementaires ont eu le texte !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, pardon ! La seule personne qui a annoncé disposer de l’avis, c’est le président de votre groupe…

    M. Yves Fromion. Non !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …M. Christian Jacob, qui a brandi cet avis…

    M. Philippe Cochet. Et M. Touraine !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et s’est félicité que, alors que nous refusions de lui transmettre cet avis, des membres de nos services, eux, aient agi autrement. Ce faisant, il a jeté l’opprobre sur l’ensemble des fonctionnaires, car si l’un ou l’une d’entre eux a transmis cet avis – je ne suis même pas sûre que ce soit le cas – il ou elle a transgressé la loi, vous le savez.

    M. Yves Fromion. C’est vrai !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En se félicitant que nos services lui aient permis de se procurer l’avis du Conseil d’État, M. Jacob jette l’opprobre sur l’ensemble des fonctionnaires. Notre gouvernement, quant à lui, a choisi, vis-à-vis des fonctionnaires, de faire le pari de la loyauté. Non pas la loyauté vis-à-vis des ministres, mais la loyauté vis-à-vis de l’État…

    M. Julien Aubert. L’État PS !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ...la loyauté vis-à-vis du service public. Et c’est pour ça que, vis-à-vis de ces fonctionnaires, nous avons choisi une attitude de respect et de confiance.

    M. Julien Aubert. Les copains d’abord ! Le radeau de la méduse !

    Mme la présidente. Monsieur Aubert, s’il vous plaît !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et nous ne jetons pas l’opprobre sur l’ensemble de la fonction publique, sur l’ensemble des fonctionnaires, en nous réjouissant que des services transmettent des documents confidentiels.

    M. Philippe Cochet. Tout ça, c’est bien joli, mais nous n’avons toujours pas de réponse !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet avis du Conseil d’État que vous réclamez…

    M. Thierry Solère. Donnez-le nous !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …quelle légitimité avez-vous pour le réclamer ainsi ? Quelle légitimité avez-vous pour brandir l’avis du Conseil d’État…

    Mme Arlette Grosskost. Nous voulons les informations !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vous qui, en 2010, avez fait voter une loi sur les sources des journalistes, pour permettre au pouvoir politique d’y faire des incursions, des intrusions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Mais enfin !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle légitimité avez-vous pour sanctionner des adolescents et des lycéens qui se procurent les sujets du baccalauréat au mépris de la loi, puisque vous-mêmes, les législateurs, vous qui fabriquez les lois, vous venez brandir ce document du Conseil d’État ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Xavier Breton. Arrêtez votre cinéma !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par ailleurs, je vous rappelle que le Conseil d’État dans cet avis, indépendamment de la lecture que nous en a faite M. le président Jacob,…

    M. Hervé Mariton, M. Philippe Gosselin, M. Patrick Hetzel et M. Laurent Wauquiez. Rappel au règlement !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …émet, dès le premier alinéa, un avis favorable. Au deuxième alinéa, il dit très clairement que ni les conventions internationales, ni le droit constitutionnel ne s’opposent à ce texte. Il fait des observations, et c’est bien normal, c’est son travail. Mais si ces observations étaient rédhibitoires, le Conseil d’État lui-même en aurait tiré les conséquences et aurait émis un avis défavorable.

    M. Pierre Lequiller. Alors pourquoi cacher cet avis ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me permets de vous rappeler qu’il fut une époque où vous sembliez moins soucieux de la valeur de l’avis du Conseil d’État.

    M. Philippe Cochet. Le changement, c’est maintenant !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En effet, pour une loi importante de 2004, le Conseil d’État avait émis un avis défavorable et vous êtes passés outre ! Vous êtes passés outre ! Aujourd’hui, il émet un avis favorable…

    M. Philippe Cochet. C’est vous qui le dites !

    M. Christophe Guilloteau. Prouvez-le, madame !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et vous passez quarante-huit heures à nous réclamer de le lire !

    Pour le reste, vous ne défendez pas vos amendements. Certains d’entre vous ont deux titres de retard…

    M. Sergio Coronado. Deux siècles de retard !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur les commentaires des articles du code civil. Vous passez votre temps à faire des citations… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Cochet. On s’excuse d’être de l’opposition !

    Mme la présidente. Monsieur Cochet, je vous demande de vous taire, s’il vous plaît.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que vous vous allez d’ailleurs chercher dans le Panthéon de gauche, reconnaissez-le.

    M. Philippe Gosselin. Ce sont les meilleures lectures, madame la ministre.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Votre exercice, c’est cela : répéter exactement les mêmes choses, quel que soit l’amendement et l’article en cause. C’est revenir sur la PMA et la GPA – …

    Mme Nicole Ameline. C’est important !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … et je vous rappelle que vous oubliez le clonage. C’est poser constamment les mêmes questions. C’est, monsieur Le Fur, régler des problèmes manifestement régionaux alors que chaque député sait qu’il est député de la nation, au service de la République et que son territoire d’origine importe peu.

    Le dernier volet de l’exercice, ce sont des citations cléricales : vous citez le Grand Rabbin Bernheim et d’autres grands esprits cléricaux…

    M. Hervé Mariton. Qu’est ce que c’est que cette histoire de grands esprits cléricaux ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous citez le premier commandement, dont on me signale d’ailleurs que c’est plutôt le quatrième…

    M. Hervé Mariton et M. Thierry Solère. Le cinquième !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous rappellerai les propos d’un immense parlementaire qui nous a tous précédés à cette tribune,…

    M. Pierre Lequiller. On va encore avoir droit à une citation !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …Victor Hugo, qui disait : « L’Église chez elle, et l’État chez lui. » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    Mme la présidente. Chers collègues de l’opposition, je vois beaucoup de mains se lever. Je vais donc donner la parole, monsieur Nicolin vous m’en excuserez, au président du groupe, qui me l’a demandée. Ce sera la réponse au Gouvernement.

    Monsieur Jacob, vous avez la parole.

    M. Christian Jacob. Merci, mais c’est un rappel au règlement que je voudrais faire, madame la présidente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est un autre de mes collègues qui fera la réponse au Gouvernement.

    Ce rappel au règlement concerne les propos de la garde des sceaux, qui nous interpelle quant à notre légitimité. Mais madame, notre légitimité, c’est celle que nous a donnée le peuple ! Je vois qu’elle vous dérange. Je vois que vous en avez peur, du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sinon, vous auriez soumis votre projet à un référendum ! Mais vous avez peur du peuple, et vous arguments le montrent bien.

    Vous êtes incapable de vous exprimer sur le fond. Vous n’avez répondu sur le fond à aucun des amendements qui ont été présentés. Beaucoup portaient sur des articles du code civil et, alors que vous êtes garde des sceaux, jamais vous n’avez répondu sur le fond de ces articles. C’est pourtant ce que nous attendons de vous.

    Et qui a commencé à déclamer, ici ? Qui a déclamé des poèmes ? C’est bien vous ! Acceptez que d’autres fassent de même !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et je n’ai pas fini !

    M. Christian Jacob. Eh bien, nous avons tout notre temps.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous aussi !

    M. Christian Jacob. Nous ne sommes pas pressés. Mais nous aimerions tellement que vous soyez capable de répondre de temps en temps sur le fond !

    À propos du Conseil d’État, quel procès d’intention nous faites-vous ! C’est vous, madame, qui êtes dans une situation délicate…

    M. Pouria Amirshahi et plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Christian Jacob. …incapable que vous êtes de nous produire l’avis du Conseil d’État (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) avec les critiques qu’il porte sur votre texte ! C’est vous qui avez tenu la plume, c’est vous qui encaissez les critiques du Conseil d’État !

    M. Philip Cordery. Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Christian Jacob. Ce que nous demandons, aujourd’hui, c’est la transparence. La rumeur selon laquelle votre texte serait mal rédigé est en train d’enfler : tout le monde en parle, et c’est pourquoi nous voulons aujourd’hui passer à l’épreuve de vérité.

    Ne vous cachez pas, madame la garde des sceaux ! Assumez vos responsabilités ! Rendez public l’avis du Conseil d’État, pour que l’on voie quelles sont ses critiques…

    Mme la présidente. Merci, monsieur le président Jacob (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), votre temps est écoulé. (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Chers collègues, vous savez tous que vous avez deux minutes de temps de parole, et je vous précise… (Tumulte prolongée.)

    M. Christian Jacob. C’était un rappel au règlement !

    Mme la présidente. Non, monsieur le président, cela n’avait rien à voir avec un rappel au règlement. C’était donc bien une réponse au Gouvernement et vous disposiez de deux minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

    M. Christian Jacob. Suspension de séance !

    Mme la présidente. À présent, je donne la parole, pour un rappel au règlement et un seul, à M. Wauquiez qui l’avait demandé depuis longtemps. (M. Jacob se lève et descend au pied de la tribune.)

    M. Patrick Hetzel. Moi aussi ! Ça fait un quart d’heure que je le demande ! (Plusieurs autres députés du groupe UMP réclament la parole.)

    Mme la présidente. Monsieur Wauquiez, vous avez la parole pour un rappel au règlement. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne la prenez pas ? (M. Wauquiez décline.)

    Dans ce cas, je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2163, 2731 et 3742. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Tous les députés UMP se lèvent et réclament une suspension de séance.) C’est trop tard : le scrutin est lancé. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Patrick Ollier. C’est scandaleux !

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 154

    Nombre de suffrages exprimés 154

    Majorité absolue 78

    Pour l’adoption 27

    Contre 127

    (Les amendements nos 2163, 2731 et 3742 ne sont pas adoptés)

    (Tumulte et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP, tandis que les députés des groupes SRC et écologiste applaudissent le résultat du scrutin.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. C’est un coup de force !

    Rappels au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement. (Les députés du groupe UMP se rassemblent autour de l’orateur.)

    M. Laurent Wauquiez. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

    Madame la présidente, la façon dont vous venez de procéder, le comportement que vous venez d’avoir sont indignes. (Vifs applaudissements des députés du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

    Le président de notre groupe avait le droit d’obtenir une suspension de séance. Vous venez de piétiner ce droit.

    Madame la garde des sceaux, chargée du respect des institutions, venait d’insulter le travail de l’opposition. (Mêmes mouvements.) Visiblement, quand nous lui posons des questions, nous l’importunons. Visiblement, quand nous osons exprimer notre désaccord, nous la gênons. (Le tumulte se poursuit.) Visiblement, quand nous osons, sur un sujet aussi grave, demander un débat qui dure plus de dix jours, on considère que nous faisons de l’obstruction ! (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Comble du comble, madame la garde des sceaux traite avec ironie et mépris les interventions de nos députés. Et vous, madame la présidente, qui êtes théoriquement chargée du bon déroulement de ces débats, vous ajoutez aux attaques de la garde des sceaux à l’égard des institutions une absence complète de respect à l’égard du travail des députés de l’opposition ! (Vifs applaudissements des députés du groupe UMP, toujours debout.)

    C’est indigne ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    La garde des sceaux a énoncé une contrevérité concernant le déroulement de la séance. L’avis du Conseil d’État, et elle le sait très bien, peut être rendu public par le Gouvernement ! (Mêmes mouvements.)

    M. Philip Cordery. Vous n’étiez pas là cet après-midi ! C’est exactement ce qui a été dit !

    M. Laurent Wauquiez. Elle vient de nous faire un grand numéro… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) consistant à dire qu’elle n’en avait pas la possibilité, qu’elle n’était pas là pour éclairer les travaux de l’opposition ! (Les apostrophes fusent.) Que l’avis du Conseil d’État ne pouvait pas être rendu public !

    Madame la garde des sceaux, vous vous adressez bien à des législateurs !

    M. Philip Cordery. Lamentable !

    M. Laurent Wauquiez. Et, comme vous le savez très bien, le Gouvernement, en la personne du Premier ministre, a parfaitement la possibilité de rendre public l’avis du Conseil d’État ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La réalité, c’est que vous ne voulez pas éclairer le travail de la représentation nationale !

    Si le débat est dans cet état, c’est parce que depuis le début, vous pratiquez un jeu de théâtre d’ombres. Depuis le début, vous refusez d’apporter la moindre réponse. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente. Monsieur Wauquiez, concluez s’il vous plaît !

    M. Laurent Wauquiez. Vous avez posé sur la table au début de nos débats une circulaire qui a créé le trouble sur votre position concernant la gestation pour autrui. La propre position de votre gouvernement…

    Mme la présidente. Monsieur Wauquiez, je vous demande de conclure, s’il vous plaît.

    M. Laurent Wauquiez.… a été incohérente sur la procréation médicalement assistée. Parce que vous avez été incapable de répondre avec précision sur le code civil, et…

    Mme la présidente. Merci monsieur Wauquiez, vous avez largement dépassé votre temps de parole pour le rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Les députés UMP apostrophent la présidente.)

    Permettez-moi de vous répondre. S’agissant du déroulement du vote précédent… (Les députés du groupe UMP scandent : « Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! » – Huées sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Messieurs et mesdames les députés de la minorité, nous ne sommes pas dans une salle de classe ! (Les députés du groupe UMP pointent du doigt la présidente aux cris de « Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! »)

    M. Christian Jacob. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

    Mme la présidente. Vous aurez la parole, monsieur Jacob.

    Sur le déroulement du vote précédent, j’avais été saisie d’une demande de scrutin public. Le scrutin était annoncé, j’ai donc préféré vous donner la parole ensuite. (Le tumulte se poursuit.) M. Jacob m’ayant demandé la parole pour un rappel au règlement, je la lui ai donnée, mais son intervention n’avait strictement rien à voir avec un rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est pour cela qu’avant même de lui donner la parole, je lui avais dit que son intervention remplaçait celle de M. Nicolin. Ensuite, le scrutin s’est déroulé.

    La parole est maintenant à M. Christian Jacob pour un rappel au règlement, et peut-être pour ramener un peu de calme dans cet hémicycle. (Les députés du groupe UMP restent debout. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Sébastien Denaja. Asseyez-vous ! (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Vous, couchez-vous ! Couchez-vous !

    Plusieurs députés du groupe SRC. Assis ! Assis !

    M. Julien Aubert. Nous sommes ici par la volonté du peuple ! Et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes !

    Mme la présidente. Monsieur Jacob, je vous ai donné la parole. (Tumulte généralisé.)

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, j’entends intervenir dans des conditions normales, c’est-à-dire avec un minimum de silence ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Pour que les conditions soient normales, il ne serait pas une mauvaise idée que tout le monde s’asseye tranquillement pour vous écouter. (Les députés du groupe UMP restent debout.)

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, j’ai fait un rappel au règlement et j’ai demandé une suspension de séance !

    Mme la présidente. Non, monsieur Jacob…

    M. Christian Jacob. Madame ! Vous êtes au perchoir ! Cela vous oblige à un certain nombre de choses ! ((Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Cela vous oblige à une présidence impartiale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Je vous ai demandé une suspension de séance ! Je suis président de groupe ! (Les clameurs se poursuivent.)

    Mme la présidente. Monsieur le président… (« Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! » sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Jacob. Vous m’avez refusé la possibilité d’aller vous voir ! Vous me refusez une suspension de séance ! (Le tumulte enfle encore.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Machos ! Misogynes !

    Mme la présidente. Monsieur le président Jacob, vous m’avez demandé une suspension de séance alors que le scrutin était ouvert. Nous la faisons maintenant.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)

    Mme la présidente. La séance est reprise.

    Rappels au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Il se fonde sur l’article 58. Madame la garde des sceaux m’a nommément accusé, dans le cadre du déroulement de nos travaux, d’avoir porté l’opprobre sur les fonctionnaires.

    Madame la garde des sceaux, j’ai été ministre de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai été celui qui, après quinze ans, a conclu le premier accord avec les fonctionnaires. J’ai toujours eu le plus grand respect pour la fonction publique.

    M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vrai ! Vous avez supprimé des postes !

    Mme la présidente. Monsieur Blazy, s’il vous plaît !

    M. Christian Jacob. Vous comparez notre demande de publier l’avis du Conseil d’État à des élèves volant les sujets du bac ! Mais à quel niveau vous abaissez-vous, madame la garde des sceaux !

    M. Jean-Pierre Blazy. Au vôtre !

    M. Christian Jacob. Qu’êtes-vous en train de dire ? Nous demandons l’avis du Conseil d’État car c’est vous qui pouvez le rendre public, plus précisément le Premier ministre.

    M. Alain Rodet. Ce n’est pas la même chose !

    M. Christian Jacob. Nous ne sommes pas en train de voler quelque chose !

    Vous parlez des sources qui nous ont permis d’avoir quelques extraits de cet avis. Mais, madame la garde des sceaux, j’avais fait référence à vos services. Ce faisant, je parle aussi de votre cabinet. Je n’ai pas à en dire davantage sur les sources qui nous ont permis d’avoir cet avis du Conseil d’État, mais l’opprobre n’est pas jeté sur la fonction publique, madame la garde des sceaux : peut-être avez-vous simplement des collaborateurs qui ont une vision moins sectaire et plus ouverte que vous.

    Vous fuyez, en affectant de sourire. Madame la garde des sceaux, quand je m’adresse à vous, vous pourriez me regarder ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    Votre manque de courage, votre manque d’honnêteté, le refus de rendre public l’avis du Conseil d’État qui porte des critiques très dures sur l’écriture de votre texte…

    Mme la présidente. Merci, monsieur le président.

    M. Christian Jacob. Encore une fois, cet avis permettrait d’éclairer nos travaux. Nous ne pouvons pas laisser passer une telle accusation à l’encontre de l’ensemble des parlementaires de l’UMP, ni créer la suspicion sur les fonctionnaires.

    Et quand je parle de vos services, madame la ministre, regardez bien autour de vous !

    Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement.

    M. Olivier Dussopt. Permettez que je dise quelques mots sur la base de l’article 58, alinéa 1 de notre règlement quant au déroulement de la séance.

    Je ne suis pas un parlementaire aussi expérimenté que M. Jacob, et je ne suis pas président de groupe. Je parle donc avec tout le respect que je dois à sa fonction, et à son ancienneté dans cette assemblée.

    Monsieur Jacob, j’ai été surpris, comme nous tous, par la manière dont vous avez apostrophé la présidence et mis en cause sa façon de diriger nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Je crois que cela ne se fait pas dans notre maison, et que vous ne devriez pas tomber dans ce travers.

    Deuxième point : encore à l’instant, vous reprochez à la garde des sceaux un manque d’honnêteté.

    Plusieurs députés du groupe SRC. C’est honteux !

    M. Olivier Dussopt. C’est une façon dissimulée,…

    M. Christian Jacob. Assumée.

    M. Olivier Dussopt. Parfaitement ! Vous sous-entendez qu’elle serait malhonnête.

    M. Laurent Wauquiez. Exactement.

    M. Olivier Dussopt. Je vous remercie de le confirmer, monsieur Wauquiez, et j’en profite pour vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Laurent Wauquiez. Où est M. Le Roux ?

    M. Olivier Dussopt. Depuis le début de ce débat, ce ne sont qu’attaques ad hominem et mises en cause systématiques du rapporteur, de la ministre de la famille et de la garde des sceaux.

    Chers collègues de l’opposition, vos positions ne sortent pas grandies de ces attaques personnelles. Ni les fausses indignations, ni les colères feintes, ni la défense artificielle d’amendements qui n’existent pas ou sont contradictoires avec l’objectif même que vous voulez poursuivre en vous opposant à ce texte ne sont servies par les manœuvres que vous menez aujourd’hui. Vous menez une guérilla, une entreprise d’obstruction.

    M. Laurent Wauquiez et plusieurs députés du groupe UMP. Non !

    M. Olivier Dussopt. En réalité, vous vous retranchez derrière des attaques et des propos parfois extrêmement violents à l’encontre de la présidence et des ministres…

    M. Christophe Guilloteau. Quel flatteur !

    M. Olivier Dussopt. …pour cacher votre incapacité à concevoir les familles homoparentales et la présence des enfants en leur sein, et votre incapacité à accepter même que la société évolue en ce sens.

    Je conclus en répétant à notre rapporteur, au président de la commission, à Mme la ministre de la famille et à Mme la garde des sceaux que nous sommes extrêmement fiers de leur travail. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

    M. Alain Chrétien. Fayot !

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58. Je vous remercie de me l’accorder, après l’avoir demandé pendant une demi-heure.

    Il s’agit en effet du bon déroulement de cette séance. Je suis un peu surpris de la manière dont Mme la garde des sceaux nous a répondu. Il est de tradition, dans cet hémicycle, que les parlementaires de la majorité comme de l’opposition fassent leur travail, qu’ils puissent déposer des amendements et argumenter comme ils le souhaitent pour les défendre.

    En lieu et place de réponse, Mme la garde des sceaux s’est engagée dans un plaidoyer critique à l’égard de l’opposition,…

    M. Marc Le Fur et M. Laurent Wauquiez. Un réquisitoire !

    M. Patrick Hetzel. Un véritable réquisitoire, c’est vrai, en nous montrant du doigt et en disant que ce n’est pas comme cela que nous devrions procéder. Il y a là une inversion des rôles. Ce n’est pas comme cela que les choses devraient se dérouler dans cet hémicycle. Le rôle d’un membre du Gouvernement n’est pas de formuler un jugement sur la manière dont les parlementaires conduisent leur travail. Les membres du Gouvernement sont là pour répondre – d’autant qu’il s’agit bel et bien ici d’un projet du Gouvernement lui-même.

    En lieu et place de réponses, nous entendons donc des critiques vis-à-vis de l’opposition, ce qui n’est pas de nature à apaiser les débats. Le Gouvernement devrait réfléchir à la manière dont il traite son opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Dans cette assemblée, nous pouvons échanger des propos rudes, mais mieux vaut évidemment qu’ils soient courtois. Ce qui m’a beaucoup choqué dans les propos du garde des sceaux,…

    Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. « La » garde des sceaux !

    M. Hervé Mariton. …c’est la mise en cause de la légitimité des députés. Je vous ai entendue, madame, demander : « Quelle légitimité avez-vous ? » Et hier déjà, et à plusieurs reprises au cours de nos travaux – je crois d’ailleurs que vous avez ensuite convenu que ce n’était pas des plus judicieux – vous avez mis en cause…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous m’agressez en permanence !

    M. Hervé Mariton. Ne m’interrompez pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    Vous avez donc mis en cause les travaux de notre assemblée et la manière dont, en tant que parlementaires…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi, j’ai fait cela ?

    M. Hervé Mariton. Vous l’avez fait, madame.

    Les propos des parlementaires ne sont, par construction, pas parfaits.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le confirme !

    M. Hervé Mariton. Les propos du Gouvernement ne le sont pas non plus, mais celui-ci n’a pas à apprécier les propos des parlementaires. Le président Jacob vous l’a rappelé à plusieurs reprises : le Gouvernement est à la disposition du Parlement. (Mme la garde des sceaux rit et fait des signes « Au pied ! »)

    C’est un fait, madame. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Laurent Wauquiez. Cela s’appelle la République !

    M. Christian Jacob. Je ferai remonter cela au Bureau !

    M. Hervé Mariton. Je dis simplement, en termes mesurés, qu’il est particulièrement inapproprié qu’un ministre quel qu’il soit, et particulièrement le garde des sceaux, mette en cause la légitimité des représentants de la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

    M. François de Rugy. Tout est donc parti, il y a quelques minutes, d’une réponse de Mme la garde des sceaux à l’un de ces faux amendements dont vous avez le secret depuis maintenant près de dix jours. Cette réponse a été assez longue, argumentée : sans doute cela ne vous plaît-il pas, car nous avons l’impression que vous aimeriez n’être qu’entre vous.

    M. Dominique Tian. Ce n’est pas le sujet !

    M. François de Rugy. Vous répétez vos discours en boucle depuis maintenant plusieurs jours. Je vous le dis très franchement : je crois qu’ils n’intéressent que vous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Yves Nicolin. Comme les vôtres !

    M. François de Rugy. Dès que nous sortons de cet hémicycle et interrogeons nos concitoyens, il devient clair que vos discours ne les intéressent pas du tout.

    M. Philippe Gosselin. On n’a qu’à supprimer le Parlement !

    M. François de Rugy. Pendant la suspension de séance qu’il avait demandée, M. Jacob est manifestement allé prendre conseil auprès de M. Woerth qui, lorsqu’il était ministre, était expert en matière de courtoisie à l’égard des parlementaires puisqu’il ne daignait même pas répondre à l’opposition lorsque nous défendions, par exemple, une motion de procédure. Une demi-heure d’arguments, et il déclarait qu’il n’avait rien à dire !

    M. Éric Woerth. Vous n’étiez pas souvent présent !

    M. François de Rugy. Vous avez donc pris conseil auprès de lui, sans doute de très bons conseils en matière de courtoisie parlementaire et de rapports entre l’exécutif et le législatif.

    M. Christian Jacob. Qu’est-ce qu’il veut, M. de Rugy ?

    M. François de Rugy. Monsieur Jacob, vous avez fait bien pire : vous avez mis en cause la présidence de séance. Ce n’est malheureusement pas la première fois. J’ai d’ailleurs envie de dire plutôt « la présidente »,…

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah oui !

    M. François de Rugy. …car j’ai l’impression que le fait qu’il s’agisse d’une femme n’est pas totalement étranger au mépris avec lequel vous l’avez traitée. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez pointé un doigt accusateur et menaçant, en tout cas c’est comme cela que nous l’avons ressenti, vers la présidente de séance, ce qui empêche le bon déroulement de nos travaux.

    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le président de Rugy.

    M. Philippe Gosselin. Mais la présidente est partiale !

    M. François de Rugy. Cette façon de travailler est absolument inacceptable.

    Mme la présidente. Concluez, s’il vous plaît.

    M. François de Rugy. En vérité, je crois que vous vous rendez compte que vous n’arrivez plus à sortir de cette affaire. Les Français en ont assez du spectacle que vous donnez. J’ai même envie de dire qu’ils ont, tout comme nous, ras-le-bol de cette litanie d’interventions qui se suivent et se ressemblent toutes. Sortez-en ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Réfléchissez, au cours des suspensions de séance,…

    Mme la présidente. Merci, monsieur de Rugy.

    M. François de Rugy. …pour que l’on puisse enfin avancer normalement dans l’examen du texte, sans toutes ces diversions. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

    M. Alain Tourret. Je ne vais pas mettre le feu,…

    Un député du groupe UMP. Il n’est pas en état !

    M. Alain Tourret. …même si je sais le faire ! (Sourires.)

    Votre stratégie est très simple. Dans le cadre de l’article 4, vous voulez démontrer qu’il y a un problème avec les mots « père » et « mère »,…

    M. Hervé Mariton. C’est le cas !

    M. Alain Tourret. …et vous reprenez donc ces mots dans l’ensemble du code civil.

    M. Hervé Mariton. Oui, bien sûr !

    M. Alain Chrétien. C’est ce qu’avait prévu le Gouvernement à l’origine !

    M. Alain Tourret. Le code civil compte 160 occurrences des mots « père » et « mère ». À raison de six orateurs à chaque fois, cela donne lieu à 960 interventions absolument identiques.

    M. Hervé Mariton. Non, pas identiques !

    M. Alain Tourret. Si l’on ajoute la possibilité de s’exprimer en réponse à l’avis du Gouvernement, on en arrive à 1 120 interventions identiques.

    M. Marc Le Fur. Vous comptez bien !

    M. Alain Tourret. Dès lors, comment voulez-vous ne pas obtenir les mêmes réponses ? Par définition, c’est à chaque fois la même chose !

    M. Hervé Mariton. Mais non ! L’âge du mariage et l’interdiction de la polygamie, ce n’est pas la même chose !

    M. Alain Tourret. Suite à un changement apporté par la commission au texte d’origine du Gouvernement par ce fameux article-balai, vous intervenez 1 120 fois.

    M. Hervé Mariton. Sur des sujets différents !

    M. Alain Tourret. Je vous le dis très franchement : comment voulez-vous éviter une certaine lassitude ? Nous avons décidé, bien évidemment, de ne pas vous répondre car sinon, il n’y aura pas 1 120, mais 5 000 interventions de deux minutes chacune ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Admettez simplement que nous acceptons votre stratégie, et que nous avons la nôtre qui consiste à ne pas, ou peu, vous répondre. Cependant, comme vous ne savez plus vous contenter d’écouter notre silence, vous invectivez les ministres, le président de la commission des lois et le rapporteur, pour nourrir un nouvel élan. On ne se laissera pas avoir comme cela ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Merci, monsieur Tourret.

    M. Alain Tourret. Je demande tout simplement à ce que nous n’ayons plus à répondre à toutes ces interventions, qui ne sont qu’une surmultiplication. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.

    M. Laurent Wauquiez. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

    Depuis le début, quand nous osons poser des questions et effectuer notre travail d’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), on nous répond systématiquement qu’il s’agit d’obstruction parlementaire. Pour détendre l’atmosphère, je voudrais puiser aux meilleures sources des députés de l’opposition.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas un vrai rappel au règlement !

    M. Laurent Wauquiez. M. Urvoas, président de la commission des lois, a rédigé un excellent Manuel de survie à l’Assemblée nationale – L’art de la guérilla parlementaire. Il résume très bien les propos que vous avez tenus, ce qui devrait vous inciter à un peu plus de retenue.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, il faut avancer dans le débat !

    M. Laurent Wauquiez. Je pense que tout le monde appréciera le sel de son analyse : « À l’Assemblée, le Gouvernement décide de tout. La force du Gouvernement se mesure à ses pouvoirs législatifs qui cannibalisent littéralement l’initiative des parlementaires, et surtout ceux de la majorité. Le lien étroit par lequel le Gouvernement tient sa majorité a considérablement réduit son autonomie. »

    M. Philippe Gosselin. Excellente analyse !

    M. Laurent Wauquiez. M. Urvoas poursuit en expliquant quelle est la seule possibilité pour l’opposition de s’exprimer. Au fond, il caractérise très bien votre état, puisque vous n’avez plus que les tweets pour vous exprimer. « La seule chance de l’opposition, et elle est donc légitime, est de faire vaciller la majorité par le biais d’une guérilla qui est sa seule possibilité de s’exprimer. »

    M. Christophe Guilloteau. Bravo !

    M. Laurent Wauquiez. M. Urvoas poursuit : « Il faut donc que les députés de l’opposition soient mobilisés, parce que la majorité » – votre silence le reflète – « se fatigue plus vite que l’opposition. » M. Urvoas termine en expliquant ce qui est simplement, au fond, l’exercice légitime du travail de l’opposition dans toute démocratie, que vous devriez respecter un peu plus.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Bernard Roman. C’est formidable !

    M. Laurent Wauquiez. Il dit : « Ces moments de combativité montrent une chose : c’est que l’alternance est possible. »

    Oui, monsieur Urvoas, vous avez parfaitement raison. Face à une majorité condamnée au silence et à un Gouvernement qui ne répond pas à nos questions, nous voulons montrer que l’opposition pose des questions simples. Que voulez vous faire s’agissant de la procréation médicalement assistée ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

    M. Laurent Wauquiez. Jusqu’où voulez-vous aller sur la gestation pour autrui ? Quelle est l’ampleur de vos modifications du code civil ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Mme Annick Lepetit. Vous avez trois jours de retard !

    M. Alexis Bachelay. C’est un bon à rien !

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1925.

    M. Marc Le Fur. Rappelez-vous les propos tenus par le Gouvernement et votre majorité il y a quelques mois. Nous avions souhaité un grand débat dans l’opinion, des échanges, la création d’une commission spéciale.

    Mme Annick Lepetit. Mais taisez-vous ! C’est vraiment débile !

    M. Marc Le Fur. Vous nous aviez dit de ne pas nous inquiéter, que vous nous donneriez le temps de travailler dans l’hémicycle. C’était votre réponse.

    M. Bernard Roman. Quel est l’amendement ?

    M. Marc Le Fur. Travailler dans l’hémicycle, cela signifie permettre à l’opposition de s’exprimer, lui offrir des réponses, permettre au rapporteur d’être entendu – on ne l’entend plus depuis plusieurs heures ! – et au président de la commission de s’exprimer.

    J’ai posé un certain nombre de questions. Je n’entends jamais les membres de la majorité s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Nous n’avons rien à vous dire !

    M. Marc Le Fur. Vous avez empêché le débat dans le pays, bâillonné tout le monde. Vous voulez faire de même à l’Assemblée.

    M. François de Rugy. Ah !

    M. Marc Le Fur. C’est votre logique, parce que vous n’êtes pas sûrs de vous-mêmes. Vous êtes partis avec des slogans et des engagements de campagne,…

    Mme Annick Lepetit. Pas vous, peut-être ?

    M. Marc Le Fur. …et vous vous rendez compte que vous vous trouvez dans une impasse, que votre logique aboutit nécessairement à la PMA et à la GPA. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela viendra, hélas, trop vite.

    C’est cela le sujet qui nous réunit aujourd’hui. Je n’ai toujours pas reçu de réponses aux questions que j’ai posées ! J’ai interrogé la garde des sceaux sur les noms, sur leur évolution. Pas de réponse. Comprenez l’irritation de l’opposition !

    Nous, nous souhaitons un vrai débat démocratique. Nous voulons, à l’occasion de cette journée, grandir l’Assemblée nationale. Ne nous refusez pas cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1936.

    Mme Annick Lepetit. Allez-vous parler de l’amendement ?

    M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, bien sûr, ma chère collègue. Ai-je jamais fait autre chose ? (Sourires.)

    Certains de nos collègues me surprennent, surtout ceux qui ont tout de même déjà un peu d’expérience au sein de cette maison, comme Olivier Dussopt et François de Rugy, que j’ai croisés au cours de la législature précédente. Je me souviens qu’eux-mêmes nous ont fait subir l’exercice que nous leur faisons supporter à leur tour.

    M. François de Rugy. Mais non.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez la mémoire courte, monsieur de Rugy, mais pas moi, et je conserve quelques souvenirs.

    Au fond, je remercie le président de la commission des lois d’avoir bien voulu consigner la remarquable synthèse qui vient d’être lue, car elle résume parfaitement la situation. Il l’a d’ailleurs lui-même reconnu tout à l’heure.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Oui.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je peux comprendre, chers collègues de la majorité, que vous soyez surpris de nous voir encore là.

    Mme Chaynesse Khirouni. Mais non.

    M. Jean-Frédéric Poisson. J’assume parfaitement notre démarche. J’assume parfaitement, monsieur Tourret, de ne recevoir aucune réponse. Mais nous ne sommes pas d’accord, ni avec le principe de ce texte, ni avec sa déclinaison, pour des tas de raisons que nous avons déjà dites et que nous répèterons. Notre démarche dans cet hémicycle n’a pas d’autre sens. Ne vous en étonnez pas. Cela vous fatigue peut-être, mais notre détermination n’est pas entamée.

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1925 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2385.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre qui, en gros, nous demande d’être beaux joueurs et d’accepter notre défaite sous prétexte que le projet politique aurait été voté samedi dernier.

    En effet, l’article 1er est le cœur du projet politique, j’en conviens sans aucune difficulté. Pour autant l’article 4 et les suivants sont essentiels. Nous faisons là œuvre de législateur et il importe, si vous voulez que votre projet politique soit applicable, que la loi soit la plus parfaite possible pour qu’elle ne soit pas sujette à contentieux et qu’au final, elle assure l’état de droit et la sécurité juridique.

    Or, si nous insistons sur l’article 4, comme nous le ferons sur d’autres, c’est qu’il existe de vrais éléments de doute, des failles qu’il nous appartient, en tant que législateur, de mettre en avant. Nous ne pouvons pas nous contenter d’habiller de vagues considérations en novlangue juridique votre projet politique. Nous n’avons pas l’intention de parfaire ce que nous ne soutenons pas mais, en tant que législateur, nous nous devons d’être justes et surtout respectueux de ceux à qui ce droit s’appliquera.

    Par conséquent, je reviendrai tout à l’heure, puisque vous m’y avez invité, sur l’article 310 du code civil car sur un point précis, madame la ministre, vous ne m’avez pas répondu.

    L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3638.

    M. Xavier Breton. Je voudrais profiter de cet amendement pour rebondir sur les propos de Mme la garde des sceaux. Je reviendrai tout à l’heure sur l’aspect juridique, mais j’ai été choqué, madame, du mépris avec lequel vous avez traité ma conception de la filiation, fondée sur trois piliers. Vous avez dit vous souvenir du pilier corporel, mais avoir oublié les deux autres.

    Tout d’abord, cette conception n’est pas la mienne mais celle qu’un pédopsychiatre, Pierre Lévy-Soussan, a développée devant notre commission des lois.

    Ensuite, je fais rarement cas d’événements personnels mais je voudrais vous lire ce SMS que j’ai reçu d’une amie qui a adopté deux enfants : « Pour les enfants adoptés, la sortie de Mme Taubira sur les trois piliers est scandaleuse ».

    Madame la garde des sceaux, le cinéma que vous faites toutes les deux heures (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ne vous exonère pas d’entendre les réalités humaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Pierre Blazy. Vous êtes bien placé pour parler de cinéma !

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3871.

    M. Hervé Mariton. Cet article traite de la jouissance des biens de l’enfant, qui ne pose pas de difficulté extraordinaire en dehors du remplacement automatique des mots de père et mère en application de l’article balai.

    Je lisais une interview récente de Mme Narassiguin dans le magazine Têtu. Évoquant les difficultés qu’un maire pourrait rencontrer à la lecture solennelle des articles faisant référence aux père et mère devant un couple de personnes de même sexe, elle expliquait que le maire saurait adapter son propos. Je suis désolé, mais un officier d’état civil n’adapte pas les mentions fixées par la loi et la duplication proposée par la technique de l’amendement balai ne convient pas.

    Madame la garde des sceaux, vous avez tout à l’heure raillé l’évocation que j’ai faite du commandement « père et mère tu honoreras ». Je me suis en effet trompé – mais le rapporteur aussi me semble-t-il : ce ne serait pas le premier commandement mais le cinquième, même si les réponses trouvées sur internet varient beaucoup.

    L’article 371 du code civil, en disposant que l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère, reflète une transcription dont la source est religieuse. Vous ne pouvez pas le contester. La République s’approprie ensuite cette source, en tire sa force, la fait sienne, mais n’en récusez pas l’origine, qui est assez évidente à la seule lecture du texte, sinon vous casserez cette synthèse heureuse que la République arrive à établir entre ses différentes sources. Ne sombrez pas dans le laïcisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Respectons la laïcité, respectons aussi les sources diverses de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Nicolin.

    M. Yves Nicolin. « Moi, Président de la République, j’engagerai de grands débats ! » Quel dommage que nous ne puissions justement avoir un grand débat national, qui se termine par un référendum. C’était le treizième « Moi, Président de la République » prononcé au cours du fameux débat télévisé de l’entre deux tours.

    Madame la ministre, nous en sommes à un article qui traite des droits de l’enfant. Vous n’avez pas mesuré toutes les conséquences de votre texte sur les droits de l’enfant à venir. Votre étude d’impact est incomplète. Pour votre information, la France se place au quatrième rang mondial pour le nombre d’enfants adoptés en Russie. En 2012, 235 enfants russes ont été adoptés par des Français sur un total de moins de 2 000. C’est dire l’importance du nombre d’enfants russes accueillis sur notre sol.

    Hier, nous apprenions que la Russie ne confierait aucun enfant à des couples homosexuels français. Aujourd’hui, nous apprenons que votre projet, outre qu’il pénalisera les couples homosexuels, portera préjudice à tous les candidats à l’adoption puisque les autorités russes viennent de déclarer qu’elles demanderont un amendement à l’accord bilatéral franco-russe sur l’adoption. Cela signifie qu’après l’arrêt des adoptions d’enfants russes par des Américains, décidé il y a quelques semaines, la France risque de perdre à son tour la possibilité d’adopter en Russie à cause de votre texte.

    Madame, vous prétendez donner plus d’égalité mais vous créez aussi plus d’injustice et pour cette raison voterons-nous cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°1925, 1936, 2385, 3638 et 3871.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 225

    Nombre de suffrages exprimés 225

    Majorité absolue 113

    Pour l’adoption 71

    Contre 154

    (Les amendements identiques n°1925, 1936, 2385, 3638 et 3871 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

    M. Daniel Fasquelle. Il est fondé sur l’article 58, qui concerne le déroulement de nos travaux.

    Mme la garde des sceaux nous a reproché de jeter l’opprobre sur les fonctionnaires. Or, le 14 septembre dernier, un incident extrêmement grave s’est produit. Mme la garde des sceaux, après s’être fait taper sur les doigts par le Président François Hollande en raison d’une fuite sur son projet de circulaire de politique pénale, a ordonné une descente dans les bureaux et a fait visiter dix-huit ordinateurs.

    M. Dominique Tian. Inimaginable !

    M. Philippe Cochet. Scandaleux !

    M. Christian Jacob. Elles sont belles, les méthodes de la gauche !

    M. Daniel Fasquelle. La vérification s’est déroulée d’une manière extrêmement humiliante pour les magistrats et les fonctionnaires. Ce faisant, vous avez jeté l’opprobre sur ces fonctionnaires qui, debout devant leurs bureaux, ont dû assister à une fouille de leurs ordinateurs pour vérifier s’ils n’avaient pas dans leurs machines la circulaire en question.

    M. Christian Jacob. État policier !

    M. Daniel Fasquelle. Le syndicat de la magistrature, syndicat de gauche, a dénoncé cette descente à la hussarde dans les bureaux de la direction des affaires criminelles et des grâces. La directrice elle-même a dû subir cette humiliation. Cette procédure, a dénoncé le syndicat de la magistrature, outre qu’elle était vouée à l’échec, s’apparente à une forme d’intimidation générale dont on aurait pensé le temps révolu. Il s’agit là d’un réflexe de pouvoir assez déplorable.

    En matière d’opprobre à l’encontre des fonctionnaires, madame la garde des sceaux, vous n’avez pas de leçon à nous donner.

    Je vous demande de nous communiquer l’avis du Conseil d’État, et de nous assurer qu’aucun fonctionnaire ne subira demain les mêmes humiliations parce que nous avons eu connaissance d’une partie de cet avis. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. L’ambiance sera bonne demain, au cabinet !

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Nous en arrivons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1931.

    M. Marc Le Fur. Pour qu’une République fonctionne, les institutions doivent se respecter mutuellement. Nous devons respecter la fonction publique, respecter la compétence et, dans certains cas, la neutralité de ces fonctionnaires.

    Ce cas particulier est celui du Conseil d’État.

    Vous, garde des sceaux, madame la ministre, vous avez une responsabilité particulière. Vous avez traité hier soir le Conseil d’État de factice, et je n’ai pas entendu d’infirmation de ce propos dans votre bouche.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle imagination !

    M. Marc Le Fur. C’est un peu surprenant pour une institution qui se trouve au sommet de l’ordre administratif. Rappelons que le vice-président du Conseil d’État est le plus haut fonctionnaire de la République, que le Conseil d’État peut annuler les décrets et les circulaires ! Et je suis convaincu, après tout ce que nous avons entendu sur votre fameuse circulaire, qu’elle sera un jour annulée !

    M. Fasquelle vient de nous confirmer que nous avions bien entendu le mot « factice », et qu’en outre il se passait un certain nombre de choses pas convenables dans votre ministère, madame la garde des sceaux.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oh !

    M. Marc Le Fur. C’est le moins qu’on puisse dire. Nous souhaitons des explications.

    Pour ce qui est de l’article 4, je n’ai toujours pas reçu ma réponse. Nous sommes passés d’une rédaction gouvernementale à une rédaction de la commission, sur laquelle vous vous êtes toujours montrée réservée. Vous l’avez dit avec insistance.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah bon ?

    M. Marc Le Fur. « Ce n’est pas mon texte » avez-vous dit, en ajoutant, parce que vous êtes polie et bien élevée, que vous étiez respectueuse de ceci et de cela.

    Nous voulons savoir pourquoi ! Et la réponse se trouve très clairement dans l’avis du Conseil d’État. J’y reviendrai.

    Dites-nous pourquoi vous exprimez de manière constante ces réserves sur l’article 4.

    M. Philippe Gosselin. Faire les poches des ordinateurs, ce n’est pas joli joli.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1938.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu et j’en profite pour réagir aux propos tout à l’heure de notre collègue, Mme la ministre Buffet.

    J’ai été un peu surpris par votre remarque, madame. Je peux comprendre, parce que c’est de bonne guerre, que vous alliez chercher vous aussi des références et des interventions dans l’autre camp pour défendre vos propres thèses. Cela fait partie de l’exercice dialectique et tout le monde peut le comprendre.

    En revanche, je m’étonne que l’auteur que vous avez cité, sur lequel vous appuyez votre propre argumentation, se demande s’il est sage, de la part de la droite, de renier les fondements du libéralisme. N’étant pas, moi-même, libéral, je suis très à l’aise avec l’attitude qui consiste à renier les fondements du libéralisme ! Ils n’ont jamais été les miens, en particulier pas ceux que l’on trouve dans La richesse des Nations, quand l’auteur explique qu’il suffit de poursuivre son intérêt personnel, « individuel » dit-il, pour que mécaniquement l’intérêt général se réalise.

    La semaine dernière, j’ai terminé ma motion de renvoi en commission en disant que nous étions dans une situation presque inversée. En réalité, le projet que nombre d’entre vous défendez aujourd’hui est inspiré par la volonté de conférer à l’individu les droits les plus grands, même si cela vient à mettre en cause les édifices collectifs. Cette attitude est libérale, ma chère collègue, pas la nôtre ! C’est ce qui m’a surpris dans votre propos et je souhaitais vous le dire.

    L’amendement n° 1938 est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2386.

    M. Philippe Gosselin. J’allais revenir sur l’article 310 pour poser à nouveau une question précise à laquelle je n’ai toujours pas eu de réponse mais entre-temps, je voudrais rebondir sur la remarque de M. Mariton à propos des maires.

    Une fois de plus, je vais citer le magazine Têtu – il n’aura jamais été aussi présent dans l’hémicycle qu’à l’occasion de l’examen de ce texte ! – et Mme Narassiguin, disant : « Le maire saura adapter ses propos ». C’est en parfaite contradiction avec un argument que vous nous avez opposé précédemment. Nous avons demandé, revendiqué la liberté de conscience pour les maires, mais vous nous avez opposé une fin de non-recevoir au nom de la légalité en nous disant : « Quelle qu’elle soit, le maire doit appliquer la loi. Peu importe l’homme…

    M. Jean-Patrick Gille. Ou la femme !

    M. Philippe Gosselin.… il s’efface devant l’écharpe ! » Voilà ce que vous avez dit. Et vous voudriez que le maire, dans les 36 000 communes de France, adapte ses propos au gré de sa sensibilité et de la géographie ! En réalité, il y aurait rupture d’égalité puisque la loi ne serait pas prononcée, les mots du mariage ne seraient pas prononcés de façon identique. Vous voulez un maire désincarné, vous voulez le réduire à son écharpe, mais il doit tout de même penser puisqu’il doit adapter ses propos ! L’élu de la République salue l’écharpe pensante, mais il reste à m’expliquer de quoi il s’agit.

    M. Yves Fromion. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3642.

    M. Xavier Breton. Avec cet amendement, nous sommes au cœur de l’article 4, dit article-balai.

    Je voudrais, madame la garde des sceaux, vous poser à nouveau une question. Las, je ne parlerai pas de réalités humaines, parce que vous aurez peut-être du mal à aller sur ce terrain. Parlons simplement de juridisme : j’aimerais avoir votre avis sur ce qu’a écrit le Conseil d’État et sur ce que dit l’étude d’impact d’un point de vue juridique.

    Je cite l’avis du Conseil d’État : « La disparition des termes « père, mère, mari ou femme » dans les diverses législations telles qu’elles résultent du projet du Gouvernement » – c’était avant l’article-balai – « a une valeur symbolique importante, que le Conseil d’État ne sous-estime pas.

    « Il n’a consenti à un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale » – c’est-à-dire faire obstacle à un article-balai.

    L’étude d’impact produite par le Gouvernement en complément du projet de loi dit : « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations logistiques strictement nécessaires afin d’adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu’ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. »

    Il est ajouté : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l’application à tous les couples ». On voit bien que l’étude d’impact exclut également l’article-balai.

    Je prends à témoin M. Tourret : il y a une question juridique, et ce n’est pas là faire de l’obstruction. L’obstruction, c’est vous qui en faites en refusant de nous répondre. L’étude d’impact et l’avis du Conseil d’État sont-ils contraires à votre article-balai ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3942.

    M. Hervé Mariton. La réponse a été donnée tout à l’heure avec la lecture d’un passage de l’avis du Conseil d’État qui est extrêmement critique à l’égard de la technique de l’article-balai.

    L’article 389-7 évoque les règles de la tutelle et l’articulation en particulier avec les droits des père et mère. J’insiste à nouveau sur la formulation « les père et mère ». En langue française, ce n’est pas une formulation classique. En général, quand il y a deux substantifs, on utilise deux fois l’article de façon qu’il précède l’un et l’autre.

    Comme nous l’avons vu tout à l’heure avec l’article 371, à la source de la fonction et de l’honneur d’être père et mère, on a bien un couple. Ce couple, manifestement, est fondateur de l’ensemble des dispositions du code civil. La méthode de similitude qui est celle de l’amendement-balai ne fonctionne donc pas de façon satisfaisante.

    D’une certaine manière, votre raisonnement part de l’idée que l’on peut dissocier le père et la mère. Le principe exprimé dans le code civil, par l’expression systématiquement utilisée « les père et mère », ne laisse pas sous-entendre, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, qu’il y a un « s ». Les père et mère s’écrivent au singulier. C’est une forme très particulière de la langue française, manifestement inspirée de la source religieuse que chacun connaît et destinée à exprimer le lien, qui est dissociable à certains moments de la vie mais qui n’est pas dissocié dans le code civil, entre l’enfant et ses parents.

    Je pense que vous avez mal pris en compte cette non-dissociation dans votre texte.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1931 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Foulon.

    M. Yves Foulon. Si ce débat se passe mal et n’est pas digne de l’enjeu et du sujet que nous traitons, c’est que nos collègues de la majorité ne répondent pas à nos questions. La commission des lois, son rapporteur et son président – qui n’est plus là d’ailleurs – ne répondent pas non plus à nos interrogations. Quant à Mme la ministre, quand elle le fait, elle met en doute notre légitimité. Il est bien naturel que nous soyons mécontents.

    Le fond du problème, c’est que le Gouvernement dissimule la vérité, à deux niveaux.

    La première dissimulation, c’est de ne pas nous dire clairement où il veut aller dans la modification des lois sur la famille, s’agissant notamment de la GPA et de la PMA.

    M. Jean-Yves Caullet. Nous y voilà !

    M. Yves Foulon. La deuxième dissimulation, qui est de taille, porte sur l’avis du Conseil d’État. Hier, on nous a dit dans un premier temps, pendant deux ou trois heures, qu’il était impossible de nous le communiquer. Trois heures plus tard, on nous a dit que c’était possible si le Premier ministre le souhaitait. Puis le ministre chargé des relations avec le Parlement, en fin de journée, nous a clairement dit : « Circulez, il n’y a rien à voir, on ne vous le communiquera pas ! »

    M. Jean-Yves Caullet. Vous avez la réponse !

    M. Yves Foulon. Il est tout de même extraordinaire que des députés socialistes en aient communication, mais pas l’opposition !

    La difficulté vient du fait que vous rêvez complètement. Vous voyez dans ces projets des progrès démocratiques et sociétaux extraordinaires. Mais tout cela va mal se passer. Ne croyez pas que vous allez remettre en cause, de façon éhontée, la différence sexuelle en voyant en elle une simple pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginez pas que des enfants à qui vous aurez volé une origine resteront sans réaction. Ne pensez pas que la disparition des notions de père et de mère permettra l’existence d’une humanité plus équilibrée et que ces enfants seront mieux dans leur peau.

    Vous prétendez résoudre des problèmes. De fait, vous allez en créer. Vous allez tout simplement décréter des mesures dont les Français ne veulent pas. Tout ne s’invente pas !

    Il existe des données fondamentales de la famille. Vous y touchez sans vergogne, vous jouez avec le feu, vous vous conduisez comme des apprentis sorciers. C’est pourquoi nous soutenons cet amendement et nous refusons ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, puisque les cinq minutes réglementaires ne sont pas atteintes. Mais peut-être pourrions-nous voter tout de suite, si la minorité ne s’y oppose pas ?

    Plusieurs députés du groupe UMP. L’opposition !

    Mme la présidente. Pardon, l’opposition.

    Je vais donc maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1931, 1938, 2386, 3642 et 3942.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 206

    Nombre de suffrages exprimés 206

    Majorité absolue 104

    Pour l’adoption 64

    Contre 142

    (Les amendements nos 1931, 1938, 2386, 3642 et 3942 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2171.

    M. Dominique Tian. Je vous félicite, madame la présidente, de savoir organiser les scrutins, ce qui permet de pacifier l’ambiance. Nous avons enfin pu voter normalement.

    Jean-Frédéric Poisson s’est interrogé sur la situation juridique des enfants élevés par des personnes de même sexe. Cela nous a permis, notamment, de nous poser la question de savoir si éduquer l’enfant suffit pour être désigné comme parent.

    Or, dans le texte de loi que vous nous présentez, accompagner les situations existantes n’exige certainement pas de les désigner juridiquement comme si elles étaient ce qu’elles ne sont pas.

    Quand il n’y a pas un papa et une maman, le lien affectif peut-il, ou non, être l’amitié ? Car après tout, c’est un sentiment très fort. On dit même parfois que l’on considère quelqu’un comme un frère, ou plus qu’un frère. Pourtant, la loi ne peut accepter de reconnaître un ami juridiquement comme un frère, non pas parce que la réalité de l’amitié est niée, mais parce que cela priverait simplement de sens la notion de fratrie.

    De même, appeler parents des personnes de même sexe priverait de signification le terme même de « parents ».

    Nous voulions rappeler que l’amitié ne fait pas de vous un parent. Quand vous avez deux papas ou deux mamans, cela ne constitue pas pour autant un couple avec un enfant.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2427.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens sur la globalité de l’article 4, et plus particulièrement sur l’amendement puisque j’ai déjà démontré que l’ensemble de l’article 4 était discriminant.

    Vous avez opéré un tour de passe-passe. Très bien. Je reviens rapidement sur le titre VII, qui n’est pas englobé dans l’amendement-balai.

    À ma question sur l’article 310, madame la ministre, vous avez répondu par la filiation. Je ne ferai pas de commentaire, mais je ne posais pas une question sur la filiation, mais sur l’acte. Quel acte d’état civil allez-vous établir ? Cela ne relève pas de la compétence législative, mais pour la bonne information de tous et le bon déroulement de nos travaux, il serait important que la représentation nationale sache quel type d’acte vous allez utiliser. Allez-vous, oui ou non, maintenir un seul type d’acte d’état civil ? Cela semble totalement impossible. Mais si vous en faites un deuxième, quelle en sera la rédaction ? Car cela conduira à identifier dans un acte certaines orientations sexuelles, ce qui est discriminatoire.

    J’attends une réponse sur ce point, car jusqu’à présent, je ne l’ai pas obtenue. Je poserai cette question à plusieurs reprises s’il le faut, madame la garde des sceaux, sans vouloir vous harceler, mais pour le bon éclairage de l’Assemblée.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2171 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2737.

    M. Marc Le Fur. Je reviens aux fondamentaux de la gauche, pour essayer de vous convaincre.

    M. Patrick Bloche. Ah !

    M. Marc Le Fur. Monsieur Bloche, nous sommes souvent d’accord.

    M. Patrick Bloche. Ah ?

    M. Marc Le Fur. Nous nous sommes battus ensemble pour que la TVA reste à un taux modeste pour le cinéma – c’est un point qui nous rassemble. C’est pourquoi, monsieur Bloche, je suis convaincu que vous vous battrez avec moi pour sauver le théâtre de boulevard, qui est menacé par la loi que nous préparons. (Sourires.)

    Du mariage, de Léon Blum, est un hymne à l’altérité. Écoutez comme c’est beau : « Le goût que les femmes ressentiront pour l’ignorance des garçons, les hommes ne sont pas sans l’éprouver pour l’innocence des filles. » C’est magnifique !

    « Les jeunes filles quitteront l’abri de la famille le jour où elles se sentiront de force à voler seules. Elles n’auront rien d’altéré dans leurs façons ni dans leur visage ; il n’y aura rien de flétri dans la pureté de leur regard. » N’est-ce pas beau ? Et Blum de poursuivre : « La liberté de l’instinct ne gâtera donc pas la fraîcheur de leur jeunesse. Elles reviendront de chez leur amant avec autant de naturel qu’elles reviennent à présent du cours ou de prendre le thé chez une amie. »

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avant le mariage !

    M. Marc Le Fur. C’est un hymne à l’altérité, fort bien écrit au reste !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est surtout un hymne à l’égalité, monsieur Le Fur !

    M. Marc Le Fur. Il devrait, me semble-t-il, rappeler à la gauche un certain nombre de ses fondamentaux. Il est quand même extraordinaire que pas un seul des avocats de la gauche n’ait cité Léon Blum ! Il a fallu qu’un affreux réactionnaire, puisque tels sont les termes que sans doute vous employez à mon égard, exhume Léon Blum de la bibliothèque !

    M. Alexis Bachelay. Oui, vous êtes un réactionnaire !

    M. Bernard Roman. Et votre amendement ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3839.

    M. Xavier Breton. Cet amendement nous maintient au cœur de l’article 4, dit article balai. Mme la garde des sceaux a dit tout à l’heure qu’il aurait pu faire consensus. Cela me semble important, car sur un sujet comme celui-là, qui est en train de diviser notre pays, toute possibilité de consensus doit être étudiée de près. Il y a eu la proposition d’union civile, vous l’avez refusée. Pourquoi pas, dès lors, trouver un terrain d’entente entre des conceptions divergentes grâce à cet article balai ? Il vaut la peine de voir si c’est possible.

    Pourquoi le consensus n’est-il pas possible sur cet article ? Tout d’abord pour une raison politique. Nous considérons que cet article est une fiction. Il fait comme si. Il est en outre empreint de lâcheté, car il ne nomme pas les choses. Il est très lâche, en particulier, de ne pas oser nommer par leur nom les couples de personnes de même sexe dans notre droit. Enfin, nommer de la même façon des choses différentes est un appauvrissement du vocabulaire. Juridiquement, par ailleurs, cet article-balai est fragile. Comme nous l’avons vu, l’avis du Conseil d’État dit qu’il n’est pas souhaitable de s’engager dans cette voie. L’étude d’impact quant à elle a très clairement montré qu’il faut s’en tenir au strict nécessaire en matière de changement. Or, l’article balai va au-delà du strict nécessaire puisqu’il balaie l’ensemble de notre droit.

    C’est pour ces raisons de fond et de forme, politiques et juridiques, que nous sommes en désaccord avec cet article et qu’aucun consensus n’a pu émerger. Nous l’expliquons très calmement et nous souhaitons avoir un éclaircissement. Quelqu’un peut-il prendre la parole et démontrer la validité juridique de cet article-balai ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4876.

    M. Hervé Mariton. Le code civil dispose que « la tutelle s’ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ». On voit donc bien que le code retient deux acceptions assez différentes. L’expression « le père et la mère » relève de la description d’un fait. L’évocation de valeurs comme l’honneur, le respect et l’autorité, par exemple à l’article 371 qui dispose que « l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère », requiert une formulation distincte.

    Il y a là, me semble-t-il, une difficulté. Père et mère sont appréciés de manière indissociés lorsqu’il est question d’autorité et d’honneur, en référence au cinquième commandement. La tutelle en revanche, qui suppose d’apprécier davantage des circonstances matérielles, « s’ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ». Je donne peut-être l’impression de couper les cheveux en quatre, mais pas du tout ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    On voit bien qu’il y a deux types de rédaction totalement différentes et qui n’ont pas le même sens, sinon on ne les emploierait pas les deux avec une telle constance.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

    M. Patrick Bloche. À la deuxième citation de Léon Blum par Marc Le Fur, je dois l’avouer à notre Assemblée, je craque. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Moi aussi !

    M. Patrick Bloche. Non seulement parce que j’ai l’honneur de représenter au sein de cette assemblée les habitants de la place Léon Blum, dans le 11e arrondissement de Paris,…

    M. Laurent Wauquiez. Et ses bobos parisiens !

    M. Patrick Bloche. …sur laquelle donne d’ailleurs la salle des mariages de la mairie, mais surtout parce que je voudrais rectifier un contresens total effectué par M. Le Fur au moyen de citations sans doute soigneusement choisies.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est en effet un contresens total !

    M. Patrick Bloche. Du mariage, ce magnifique livre de Léon Blum, a été publié une première fois en 1907. Il a provoqué un scandale insensé. J’imagine vos commentaires sur cet ouvrage si vous aviez siégé sur les bancs de cette assemblée en 1907 – je crois que vous n’étiez pas encore élu. (Rires.)

    C’est un magnifique livre parce qu’il préconise avant tout l’égalité des sexes dans les expériences prémaritales et prône l’initiation précoce des jeunes filles à l’amour. Jugez-en : « que redoute-t-on quand un homme fixe sa vie avant d’avoir mené sa vie de garçon ? On craint que la solidité du mariage ne résiste pas au déchaînement subit de l’instinct viril. Juste crainte, mais qui n’est pas moins fondée pour la femme. »

    M. Yves Fromion. Bigre !

    M. Patrick Bloche. Et Blum poursuit – accrochez-vous, monsieur Le Fur : « l’homme et la femme sont d’abord polygames », c’est écrit dans le texte. « Dans l’immense majorité des cas, parvenus à un certain degré de leur développement et de leur âge, on les voit tendre et s’achever vers la monogamie. Les unions précaires et changeantes correspondent au premier état, le mariage est la forme naturelle du second. »

    Mme Frédérique Massat. Quel silence !

    M. Patrick Bloche. Ainsi, Du mariage, publié à nouveau en 1937, est un superbe essai contre l’inégalité entre l’homme et la femme, tout comme le présent texte est un superbe projet de loi contre l’inégalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. En un mot, c’est un projet de loi à l’échelle humaine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

    M. Éric Straumann. La majorité est manifestement en train de craquer face à nos arguments concordants. Mais il me semble qu’on n’écoute pas assez les 36 000 maires de France, notamment ceux du collectif des maires pour l’enfance. Que nous disent-ils ? Que la liberté et l’égalité doivent se définir. En l’espèce, ce qui frappe les maires, c’est que chaque mot est utilisé comme un étendard par les partisans comme par les détracteurs du mariage pour tous. L’impréparation, dans un contexte économique et social compliqué, l’indigence de l’étude d’impact, votre volonté de passer en force et l’absence de concertation convenablement organisée sont déraisonnables.

    M. Olivier Véran. Suivant !

    M. Éric Straumann. L’inquiétude des populations de nos communes doit être relayée pour être mieux entendue et mieux comprise. Les maires sont là pour cela.

    M. Alexis Bachelay. Merci !

    M. Éric Straumann. Les maires sont des élus de la République, même si vous n’êtes pas d’accord, et donc des relais indispensables et incontournables de la vie démocratique de notre pays. La question qui revient le plus souvent dans la bouche de nos concitoyens est la suivante : où va-t-on ? Les Français ont le droit de s’interroger : le débat est nié ! Les maires de gauche comme de droite du collectif n’estiment en aucun cas que le débat autour du projet de mariage pour tous a eu lieu ni qu’il a été tranché au moment de l’élection présidentielle !

    Ce collectif demande l’abandon du projet de loi sur le mariage pour tous et l’organisation d’états généraux de la famille, du mariage et de la filiation avant tout projet de modification de ces derniers. Nous voterons donc ces amendements.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2171, 2427, 2737, 3839 et 4876.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 194

    Nombre de suffrages exprimés 194

    Majorité absolue 98

    Pour l’adoption 63

    Contre 131

    (Les amendements identiques nos 2171, 2427, 2737, 3839 et 4876 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Merci, madame la présidente. Sur la base de l’article 58 et en faisant référence à l’article 50, alinéa 4 sur la clôture des travaux, je vous demande à quelle heure… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Une députée du groupe SRC. Il n’y a pas d’heure !

    M. Christian Jacob. Si, madame, car il y a dans cette assemblée un règlement qui impose que les travaux se terminent à une heure du matin.

    M. Philippe Gosselin. Il n’est pas inutile de le rappeler !

    M. Christian Jacob. Si la présidence souhaite qu’il en soit autrement, elle a deux possibilités : se référer à l’article 50, alinéa 5 et soumettre au vote une proposition ou bien réunir la conférence des présidents.

    J’interroge donc Mme la présidente sur ce qu’elle entend faire et à quelle heure elle souhaite clôturer ces travaux.

    Mme la présidente. Merci, monsieur le président Jacob. Vous me posez la question à juste titre. Je consulte la commission.

    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Merci, madame la présidente. Nous sommes au milieu d’une série d’amendements possédant sa cohérence propre. (Rires.) Nous avons d’ailleurs entendu les parlementaires de l’opposition construire une argumentation qui se tient, en tout cas dans la durée.

    Plusieurs députés du groupe UMP. Quelqu’un prend des photos avec un téléphone portable depuis la tribune du public !

    Mme la présidente. Nous allons nous occuper des tribunes. Laissez M. le président Urvoas s’exprimer.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Par respect des parlementaires de l’opposition qui ont construit un raisonnement cohérent, je suggère à Mme la présidente, sur la base de l’article 50 alinéa 5 du règlement…

    Un député du groupe UMP. Coupez ce portable, monsieur, là-haut ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce n’est pas un monsieur ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Mesdames et messieurs les députés, du calme. Nous nous occupons des tribunes. La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je disais qu’au vu de la cohérence des arguments défendus par l’opposition et de façon à éviter d’interrompre leur logique qui saute aux yeux de tous, je suggère à la présidence d’aller jusqu’au bout de la série d’amendements portant sur l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La commission des lois souhaite que l’Assemblée poursuive le débat.

    En application de l’article 50, alinéa 5 du règlement, je consulte l’Assemblée.

    (Consultée, l’Assemblée décide de poursuivre le débat.)

    M. Philippe Gosselin. Et voilà que le président de la commission des lois s’en va ! C’est ce qui s’appelle respecter le vote de l’Assemblée ! Au revoir, monsieur le président !

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Nous en venons à nouvelle une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2178.

    M. Dominique Tian. Puisque nous parlons de cohérence, et dès lors que la nuit s’annonce longue, reprenons les choses par le commencement. Quelques réflexions sur ce projet de loi qui ouvre dès son intitulé le mariage aux personnes de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    On invoque, comme principale raison d’adopter ce projet de loi, un progrès social en matière d’égalité. Il s’agirait en somme de la conquête du dernier bastion des discriminations légales.

    Le mariage reste pour nous le cadre privilégié de la famille. Nous le définissons comme une institution par laquelle un homme et une femme s’unissent et s’engagent à vivre en commun pour fonder une famille. Il s’agit donc de créer un cadre protecteur, non pas en vertu de l’amour réciproque des parties, qui est une affaire privée, mais pour préparer l’accueil des enfants qui peuvent en résulter.

    Nous en concluons que le mariage ne crée pas la famille mais l’institue pour le bien de la société. À cette fin, il faut un homme et une femme pour préparer l’arrivée des enfants.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2428.

    M. Philippe Gosselin. J’en reviens à des éléments de fond.

    L’égalité des droits est un thème important, qui est évoqué par Éric Conan et Jean-Dominique Merchet dans l’un des derniers numéros de Marianne – vous voyez que nous varions les plaisirs. Voilà ce qu’écrivent ces deux excellents journalistes : « L’égalité des droits invoquée pour revendiquer un droit à l’enfant est contradictoire avec les droits de l’enfant à avoir une figure paternelle et une figure maternelle. »

    Je poursuivrai la citation ultérieurement, mais je tenais à faire remarquer que ces excellents auteurs défendent la vision maternelle des choses. Mme Mazetier pourrait s’en inspirer pour continuer à laisser vivre les écoles maternelles au lieu de demander qu’elles soient débaptisées. Je rappelle à ceux qui n’auraient pas suivi nos débats que je fais ici référence à sa question écrite publiée au Journal officiel du 18 décembre 2012. On a parlé de pulvérisation de la société ; je crois que cette proposition en est l’illustration.

    Je reviendrai sur l’égalité des droits un peu plus tard.

    Je considère que l’amendement est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3840.

    M. Xavier Breton. Cet amendement porte, je le rappelle, sur l’article 4 du projet de loi, dit « article-balai ».

    Si nos sources sont bonnes, dans son avis, le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que son choix rédactionnel – lequel consistait, au départ, je le rappelle, à supprimer les mots : « père » et « mère » dans nombre d’articles du code civil – n’implique aucunement la disparition générale des mots « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les documents de la vie quotidienne.

    La question que nous posons est de savoir comment les choses vont se passer dans la pratique administrative. Je pense bien entendu au livret de famille, qui a été évoqué, mais également à tous les formulaires administratifs : inscriptions scolaires, admissions hospitalières, inscriptions dans des établissements tels que les conservatoires de musique, déclarations d’impôt, inscriptions sur les listes électorales, formulaires de la CAF…

    M. Bernard Roman et M. Jean-Patrick Gille. Le temps de parole !

    M. Xavier Breton. Y aura-t-il uniformisation ou maintien d’une différenciation ? Comment ces formulaires administratifs seront-ils concrètement rédigés ? Telles sont les questions que se posent nos concitoyens et nos concitoyennes.

    Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 2178 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4880.

    M. Hervé Mariton. Je souhaiterais revenir sur une question que j’ai évoquée cet après-midi, celle du mariage de personnes mineures. Historiquement, un tel mariage avait été autorisé dans le cas où une jeune femme attendrait un enfant. Or, du fait de l’article-balai, vous étendez cette possibilité aux couples de personnes de même sexe, bien qu’un couple de deux femmes ou de deux hommes ne puisse se trouver dans les mêmes circonstances. Dans ce cas, le critère de la maternité, qui a justifié historiquement la possibilité de se marier avant dix-huit ans, tombe.

    Dès lors, je vous demande, madame la garde des sceaux, si vous envisagez d’ouvrir le PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans ! En effet, si l’on ouvre le mariage, sur demande spécifique, aux couples composés de deux hommes ou de deux femmes dont l’un a moins de dix-huit ans, on peut, en proximité de raisonnement, se demander si vous allez étendre cette possibilité aux partenaires pacsés de même sexe, et donc, pour des raisons de non-discrimination, aux partenaires pacsés de sexe différent.

    Bref, votre projet introduit-il nécessairement, sans que vous l’ayez forcément voulu, la possibilité de se pacser avant dix-huit ans ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable !

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

    M. Hervé Mariton. D’abord, je regrette que le président de la commission des lois soit parti, mais il m’a informé que, depuis la semaine dernière, le code civil que j’avais réclamé mi-janvier dans le cadre des travaux de la commission m’attendait. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) L’incident est clos, même si l’on peut déplorer de tels délais de transmission.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a même des députés qui l’achètent !

    M. Hervé Mariton. Ensuite, – il est assez désagréable d’avoir à réitérer cette demande, que j’ai déjà faite hier, mais je crois que les usages doivent être respectés – il conviendrait que, de la même manière que les députés s’expriment debout, le rapporteur et les ministres aient l’obligeance de se lever lorsqu’ils leur répondent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Tout à fait.

    M. Hervé Mariton. C’est une question de respect de l’Assemblée !

    M. Marc Le Fur. Très bien !

    Mme la présidente. Le délai de cinq minutes n’étant pas écoulé, nous allons patienter quelques instants avant de procéder au scrutin, afin de respecter scrupuleusement notre règlement.

    La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Je vous remercie de respecter les institutions, madame la présidente.

    Je pose la question : dans quelle république sommes-nous ? (« La cinquième ! » sur les bancs du groupe SRC.) Madame la garde des sceaux, vous avez dressé un tel réquisitoire que j’avais le sentiment d’être devant un commissaire politique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il est inacceptable – je dis bien inacceptable – que vous preniez à partie l’opposition qui, alors qu’elle est là pour faire avancer le texte, ne cesse d’être la cible de quolibets et, surtout, voit sa légitimité remise en cause. N’oubliez pas que vous devez nous rendre des comptes, à nous, les représentants du peuple français !

    J’en viens au texte. Celui-ci est, selon nous, tout simplement massacré. Mais si massacrer un texte n’est pas très grave, en revanche, massacrer des enfants, ça l’est ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Depuis quelques jours, nous assistons à l’abandon de l’intérêt suprême, celui de l’enfant.

    Permettez-moi de vous lire la déclaration d’une députée socialiste, Mme Laclais : « Je ne remets pas en cause la logique de groupe, le travail collectif et le soutien à une majorité pour mettre en œuvre son programme. Mais, et je l’ai toujours exprimé, y compris au président de mon groupe, certains sujets revêtent une dimension anthropologique qui dépasse les rapports de force politiques. Le projet de loi sur le mariage pour tous, quand il traite de filiation, en fait partie, comme celui à venir sur la fin de vie. Sur ces sujets, je revendique la liberté pour chaque député de s’exprimer librement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et de se prononcer en conscience au nom de son intime conviction »…

    Mme la présidente. Merci, monsieur Cochet.

    M. Philippe Cochet. …« et non à cause de consignes politiques. Le parti socialiste s’honorerait à laisser la liberté de vote à l’ensemble de ses membres. » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle nous soutenons ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

    M. Bernard Roman. Je souhaiterais, non pas commenter les déclarations passe-partout que lisent nos collègues chaque fois qu’ils doivent prendre la parole – même si elle est de Mme Laclais, cette déclaration est en effet un peu passe-partout (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –…

    M. Philippe Gosselin. Quelle élégance !

    M. Bernard Roman. …mais faire deux observations afin qu’elles figurent au compte rendu de la séance.

    Tout à l’heure, M. Woerth a déclaré que lorsque Mme Guigou s’était exprimée contre le mariage des personnes de même sexe lors du débat sur le PACS, elle était la porte-parole de François Mitterrand. Je veux rappeler qu’à cette époque, celui-ci était décédé depuis plus de deux ans et qu’elle pouvait donc difficilement parler en son nom. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    Par ailleurs, je souhaiterais qu’au moins l’un des six orateurs qui interviennent sur chaque série d’amendements identiques puisse nous indiquer le contenu de ces amendements…

    M. Hervé Mariton. Je le fais à chaque fois !

    M. Bernard Roman. …car nous votons sur des propositions dont nous ne savons rien. S’ils pouvaient nous éclairer, ce serait bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2178, 2428, 3840 et 4880.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 191

    Nombre de suffrages exprimés 190

    Majorité absolue 96

    Pour l’adoption 59

    Contre 131

    (Les amendements identiques nos 2178, 2428, 3840 et 4880 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2186.

    M. Dominique Tian. Simplement quelques annonces paroissiales. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Puisque, enfin, un code civil a été livré à M. Mariton, membre de la commission des lois, je voulais saluer l’arrivée tardive et ô combien espérée de Mme Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, qui, jusqu’à maintenant, ne nous avait pas fait l’honneur d’assister à nos débats et qui n’a d’ailleurs pas réuni la commission des affaires sociales ce matin, sans doute faute de sujets intéressants à aborder.

    Je voulais donc, au titre de ces annonces paroissiales, remercier Mme Lemorton de l’intérêt qu’elle manifeste pour nos travaux en rejoignant l’hémicycle à cette heure tardive.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2429. (Mme Catherine Lemorton gagne les travées du groupe UMP et échange quelques propos avec M. Dominique Tian. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Un bisou ! Un bisou !

    Mme la présidente. Monsieur Gosselin, le chronomètre tourne !

    M. Philippe Gosselin. Peu importe, madame la présidente, nous assistons à une scène curieuse ! Mme Lemorton semble vouloir intimider M. Tian… (Brouhaha prolongé.)

    M. Philippe Cochet. Agression sexiste !

    M. Philippe Gosselin. Je m’étonne que l’on puisse se déplacer ainsi dans les travées.

    Mme la présidente. Monsieur Gosselin, vous avez la parole sur l’amendement n° 2429 et vous n’avez plus qu’une minute et demie pour le défendre.

    M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas grave, madame la présidente. Je souhaiterais savoir ce qui se passe : Mme la présidente de la commission des affaires sociales a-t-elle perdu son sang-froid…

    M. Patrick Ollier. Oui, la majorité perd son sang-froid !

    M. Philippe Gosselin. …ou s’emploie-t-elle à des rapprochements…

    Mme la présidente. Monsieur Gosselin, je vous remercie de vous en tenir à la défense de votre amendement !

    M. Philippe Gosselin. Vous semblez douter de ma sincérité, madame la présidente. Il me paraît important pour le bon déroulement de nos travaux, que nous sachions si cette enceinte est sereine ou non. Je pourrais du reste faire un rappel au règlement à ce sujet.

    M. François André. Quel est votre amendement ?

    M. Philippe Gosselin. J’en reviens au fameux article 310-3 du code civil, qui a trait à l’acte d’état civil. Je ne lâcherai pas prise, car c’est un point vraiment important. Tant que je n’aurai pas obtenu de réponse de Mme la garde des sceaux, je reviendrai à la charge, car cette question sous-tend l’ensemble de l’article 4.

    Je considère que l’amendement est défendu.

    Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 2186 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Philippe Gosselin. Voilà certains de nos collègues socialistes qui rejoignent l’hémicycle !

    Plusieurs députés du groupe UMP. Bonjour la relève !

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 2744.

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

    Mme la présidente. Nous écoutons d’abord M. Le Fur, et je vous donnerai ensuite la parole, monsieur Jacob.

    Pour le moment, c’est vous qui avez la parole, monsieur Le Fur.

    M. Marc Le Fur. Je salue Mme Lemorton, qui vient de nous rejoindre et qui, je l’imagine, va s’exprimer. Je salue également M. Thévenoud, qui a gagné, grâce au président Le Roux, une notoriété inespérée. (Rires sur les bancs du groupe UMP. –Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Tel Diogène, qui cherchait un homme dans les rues d’Athènes, je cherche un interlocuteur. J’ai finalement trouvé quelqu’un avec qui débattre, à savoir M. Bloche, et je lui en sais gré. Nous avons commencé à échanger sur Léon Blum et, si je suis d’accord avec certaines des choses que vous avez dites à son sujet, cher collègue, il n’empêche que son ouvrage Du Mariage est un hymne à l’altérité, à la différence des sexes – celui de l’homme et celui de la femme –, qui s’attirent mutuellement.

    Je voudrais également évoquer un autre fondement intellectuel, peut-être plus souvent invoqué à gauche qu’à droite, à savoir le structuralisme. Comme la psychanalyse, dont nous avons déjà parlé, le structuralisme repose sur le principe d’altérité. À ce sujet, je veux citer Claude Levi-Strauss, qui écrivait, dans Le Regard éloigné : « La famille, fondée sur l’union plus ou moins durable, mais socialement approuvée de deux individus de sexes différents qui fondent un ménage, procréent et élèvent des enfants, apparaît comme un phénomène pratiquement universel, présent dans tous les types de sociétés. » (« Merci, c’est terminé ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Je pensais que vos courants de pensée avaient, toutes générations confondues, été marqués par le structuralisme, comme ils l’avaient été par la psychanalyse, mais je constate que ces fondamentaux ont été oubliés au profit de l’ultralibéralisme qui vous a gagné. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Rappels au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 de celui-ci.

    Je regrette que le brouhaha infernal dans lequel nous sommes plongés nuise à ce point à la sérénité de nos débats. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai qu’il n’est pas facile de travailler dans ces conditions !

    Mme Marietta Karamanli. Vous n’avez qu’à dire aux membres de votre groupe de baisser d’un ton !

    M. Christian Jacob. Si nous pouvons être en désaccord, et même nous dire des choses dures à certains moments, nous devons aussi savoir nous écouter. Plusieurs de nos collègues de la majorité sont debout, parlant chacun de leur côté, ce qui crée un brouhaha nous empêchant d’entendre les intervenants.

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour un rappel au règlement.

    M. Guillaume Bachelay. En réponse à ce que vient de dire M. Jacob, il n’y a pas de brouhaha ni d’allées et venues. Il est une heure trente, et les députés qui ont rejoint ces bancs sortent à l’instant de la commission des finances, où nous avons examiné les amendements relatifs au futur projet de loi portant régulation et séparation des activités bancaires.

    Alors que nos collègues de l’opposition nous disent, depuis plus de soixante-dix heures, que la priorité, c’est l’emploi, le soutien aux entreprises, le soutien à la croissance (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), je voulais simplement informer la représentation nationale et ceux de nos concitoyens qui, à cette heure tardive, suivent encore nos débats, qu’il n’y avait en commission des finances aucun député de l’opposition pour aborder ces questions importantes. (« Zéro ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Malheureusement, ce n’est pas seulement un manque de respect à l’égard de ce projet de loi et de la commission des finances, mais également à l’égard du travail que nous essayons tous, ici, de faire le plus correctement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin. Fondé sur l’article 58, madame la présidente, et portant sur l’organisation de nos travaux.

    Comme l’a, à juste titre, indiqué M. Bachelay, la réunion de la commission des finances vient tout juste de prendre fin, alors qu’une séance publique est en cours. Or, l’opposition n’a pas le don d’ubiquité ! (« Et alors ? Nous non plus ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    Mais vous, la majorité, vous êtes beaucoup plus nombreux, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au demeurant, vous me permettrez de faire remarquer à celles et ceux qui nous écoutent que l’organisation actuelle de nos débats laisse franchement à désirer. À quelle extrémité la majorité en est-elle arrivée, pour obliger l’opposition à choisir entre la séance publique portant sur un sujet de société primordial – un enjeu de civilisation, pour reprendre l’expression de Mme la garde des sceaux – et une réunion de la commission des finances ?

    C’est cela, votre choix ? C’est cela, que vous appelez la démocratie ? En réalité, c’est du sabotage pour nous tourner en ridicule ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Si je peux me permettre une remarque, monsieur Gosselin, il n’y a pas 577 députés présents actuellement dans l’hémicycle. J’en déduis qu’un certain nombre de députés absents auraient pu se trouver en commission…

    M. Philippe Gosselin. Ce ne sont pas des méthodes, madame la présidente !

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Je veux simplement rappeler que le sujet avait été évoqué à plusieurs reprises en conférence des présidents, et qu’il avait été convenu de ne pas organiser de réunion des commissions en même temps que la séance publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

    M. Philippe Gosselin. Oui, c’est la réalité ! Cela avait été acté !

    M. Christian Jacob. …ce qui relève de la bonne organisation de nos travaux. Par ailleurs, je voudrais que l’on puisse s’exprimer et échanger des arguments tranquillement, sans avoir en permanence ce bruit de fond et ces piaillements insupportables.

    Nous devrons, à l’occasion d’une prochaine conférence des présidents, évoquer à nouveau ce sujet, qui l’avait déjà été sous la précédente législature, et qui pose le vrai problème de l’organisation de nos travaux. Avoir une réunion à une heure trente du matin, en même temps que se tient une séance publique, ne peut que nuire au bon déroulement de nos travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Christian Paul. Mais où sont les autres membres du groupe UMP ?

    M. Yves Fromion. Ils se préparent pour la relève !

    Mme la présidente. Merci, monsieur le président Jacob. Je transmettrai vos remarques à la Conférence des présidents.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3842.

    M. Xavier Breton. Je remercie notre collègue d’avoir soulevé cette question relative à l’organisation de nos travaux. Ceux de nos concitoyens qui s’étonnent de constater que l’hémicycle n’est pas rempli doivent savoir que nous avons parfois à choisir entre la séance publique et une réunion de commission, ce qui n’est jamais évident.

    Par ailleurs, je voudrais réagir aux déclarations de M. Roman sur ce qu’il appelle les déclarations « passe-partout ». Si ce n’est pas très aimable pour sa collègue Jaqueline Maquet, ça ne l’est pas non plus pour ces grandes consciences de la gauche que sont Lionel Jospin, Sylviane Agacinski ou Michel Rocard.

    Je veux également répondre à M. Roman au sujet des amendements que nos déposons. Le caractère répétitif de nos amendements n’est que la conséquence de l’article-balai, qui produit des effets sur un large spectre du droit. Notre objectif est de souligner les difficultés juridiques posées par cet article, exprimées par le Conseil d’État dans son avis et figurant dans l’étude d’impact du Gouvernement – mais nous n’avons toujours pas obtenu de réponse à nos questions. L’obstruction ne vient pas de nous, elle n’est que le résultat de l’absence de réponse du Gouvernement et du rapporteur, qui nous oblige à poser sans cesse les mêmes questions.

    Nous entendons également montrer les limites politiques de l’article balai, qui conduit à une fiction et à une lâcheté pour les couples de personnes de même sexe, mais aussi pour l’ensemble de la société : on n’ose pas donner son vrai nom à l’état des personnes. Enfin, cet article est un appauvrissement, dans la mesure où on nomme de la même manière des états différents.

    Quand nous rappelons ces différents points, au lieu de nous répondre, vous préférez vociférer et créer des incidents de séance. Ce que nous vous demandons, c’est de répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4882.

    M. Bernard Roman. On va peut-être enfin savoir à quoi se rapporte cet amendement !

    M. Hervé Mariton. Effectivement, comme je le fais pratiquement pour chaque amendement que je présente, je précise que l’amendement n° 4482 est relatif à l’impossibilité d’exercice de charge de tutelle, en particulier par des mineurs, sauf s’ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle.

    À ce sujet, je souhaite réinterroger Mme la ministre de la famille et M. le rapporteur sur un point resté sans réponse jusqu’à présent. L’amendement-balai s’appliquant à la possibilité de mariage de mineurs dans les conditions historiques traditionnelles, dont on sait qu’elles peuvent justifier ce mariage, en particulier si la jeune femme attend un bébé, vous étendez cette possibilité aux couples de même sexe. La question se pose alors de savoir si vous envisagez d’étendre le PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans.

    Il me paraît assez évident qu’une fois que la question se sera posée pour le mariage, elle se posera aussi pour le PACS, qu’il s’agisse de personnes de sexes différents ou de personnes de même sexe. L’amendement balai vous amène probablement à viser trop large. Il est évident que la question n’aurait pas dû se poser pour les personnes de même sexe, qui ne sont pas dans la même configuration de maternité qu’un couple de personnes de sexes différents. En visant trop loin, l’amendement balai vous oblige à transposer en conséquence à l’égard du PACS. En clair, votre loi « famille » comprendra-t-elle une ouverture du PACS aux personnes homosexuelles ou hétérosexuelles de moins de dix-huit ans ?

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.

    M . Claude Sturni. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4, article-balai sur lequel nous planchons depuis des heures, devait être un élément simplifiant la logique initiale du Gouvernement, à savoir une longue liste d’articles du code civil à modifier. Aujourd’hui, nous passons des heures à amender l’article 4 en reprenant cette longue liste.

    M. Philippe Gosselin. On essaye d’amender !

    M. Claude Sturni. La simplification a été imaginée à la hâte – on peut le dire maintenant, puisque c’est devenu évident au fil de ce débat. Je veux d’ailleurs remercier nos collègues du groupe UMP, qui nous permettent, à nous parlementaires, mais aussi à celles et ceux qui suivent nos débats dans les médias, de découvrir l’ampleur des changements apportés à notre code civil et à la famille,…

    M. Philippe Gosselin. Absolument !

    M. Claude Sturni. …une ampleur qui avait d’ailleurs fait dire à Mme la garde des sceaux que nous allions droit vers un changement de civilisation.

    Nos collègues, qui rejettent systématiquement, et dans un silence assourdissant, les amendements que nous avons déposés, sont assurément dans un embarras croissant, ce que l’on peut comprendre. En effet, nous avons bénéficié tout à l’heure d’un rappel fort utile, par mes collègues, des prises de position des différents responsables socialistes, et non des moindres – M. Michel Rocard, Mme Georgina Dufoix, M. Lionel Jospin. Ce rappel montre qu’il existe des opinions variées au sein de votre parti, parfois bien différentes de la pensée unique portée ici par le groupe SRC.

    Je me demande pourquoi on ne retrouve pas une telle diversité dans vos rangs. Pourquoi un tel silence ? Est-ce un désintérêt de la part de nos collègues ? Est-ce la peur d’un dérapage verbal ? Est-ce le malaise devant l’absence de liberté de vote ? Est-ce un sentiment de supériorité, certes réel sur le plan arithmétique, qui vous fait refuser le débat avec les élus minoritaires ?

    En tout cas, notre groupe peut, lui, justifier d’une diversité d’opinions en son sein, et il est fier de la liberté d’analyse et de vote qui est la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle. La liberté, elle est ici !

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2186, 2429, 2744, 3842 et 4882.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 187

    Nombre de suffrages exprimés 185

    Majorité absolue 93

    Pour l’adoption 59

    Contre 126

    (Les amendements identiques nos 2186, 2429, 2744, 3842 et 4882 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.

    M. Hervé Mariton. Madame la présidente, je reconnais que les questions que je pose relèvent peut-être d’un débat de commission, mais, du fait de la nature même de l’amendement-balai, le débat qui aurait dû avoir lieu en commission se trouve assez largement déporté en séance publique.

    Nos collègues de l’opposition nous font le reproche d’encombrer le débat par des réflexions trop générales. Nous essayons les uns et les autres, quand les choses se présentent ainsi, de poser des questions précises. La question que je pose, en conséquence du texte – que cette conséquence soit voulue ou non –, est celle de l’ouverture du PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans, une question précise à laquelle j’aimerais que le Gouvernement daigne répondre – je lui en serais reconnaissant.

    Peut-être estimez-vous que le parlementaire que je suis n’est pas dans son rôle en posant une question de ce type, pourtant une vraie question de conséquence du texte, résultant du fait que l’amendement-balai vise trop large ? Le Gouvernement a, certes, le droit de refuser de répondre, mais sur cette question importante, à laquelle nos concitoyens sont certainement très attentifs, chacun pourra constater que le Gouvernement refuse d’indiquer si le PACS sera, ou non, étendu dans des circonstances exceptionnelles aux partenaires de même sexe de moins de dix-huit ans.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2191.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous prie de m’excuser de ce léger contretemps, madame la présidente.

    Mme la présidente. Je vous en prie.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois plus notre collègue Bachelet… Le voilà ! Excusez-moi, cher collègue, je vous avais perdu. Je voulais vous dire que nous avons des choix à faire dans cette maison et que, pour le membre de la commission des lois que je suis, il était difficile de siéger ce soir à la commission des finances, vous le reconnaîtrez. Par ailleurs, M. le président Jacob, M. Le Bouillonnec et moi-même étions en commission toute la matinée entre neuf heures et treize heures. Il y a aussi au sein de l’opposition des parlementaires qui honorent leurs fonctions – c’est d’ailleurs notre cas à tous – et je regrette, cher collègue, que l’on puisse remettre en cause la détermination et le travail fourni par les parlementaires de cette assemblée. Ce n’est pas une habitude dans cette maison et je ne souhaiterais pas que ça le devienne de votre fait.

    Madame la présidente, je souhaite porter au débat le travail du philosophe Thibaud Collin, que j’ai déjà cité hier. Je rapporte ses propos en accord avec mes collègues MM. Goujon et Tetart par solidarité. M. Collin s’étonne en effet du maintien dans le projet de loi d’une certaine forme de mimétisme avec la différenciation sexuelle, qui continuerait d’irriguer notre modèle matrimonial. Selon lui, « le mariage serait devenu pour notre société la reconnaissance sociale et juridique d’un lien amoureux. La neutralisation de la différence des sexes dans le mariage entraîne ipso facto sa neutralisation dans la filiation. Jusqu’à aujourd’hui, la représentation de la filiation avait pour ancrage l’union féconde de l’homme et de la femme dont est issu l’enfant. Soulignons que cette référence demeure opératoire pour organiser l’adoption et la procréation médicalement assistée ».

    L’amendement est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2191 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 2430.

    M. Philippe Gosselin. Je reviens – l’union fera peut-être la force – sur l’ouverture du PACS aux mineurs de moins de 18 ans – permettez-moi de me reprendre, madame la présidente, puisqu’un mineur a forcément moins de dix-huit ans – sur l’ouverture du PACS aux mineurs. J’adresse ma question à l’une et l’autre de nos ministres présentes ce soir en y associant mes collègues Poisson, Mariton, Breton et tous les autres. Peut-être aurons-nous une réponse précise après la présentation de cette nouvelle série d’amendements.

    Permettez-moi avant de défendre mon amendement de réitérer ma demande concernant l’article 310 du code civil et – je suis tenace – les actes d’état civil qui seront élaborés, car certains d’entre eux risquent d’être discriminatoires. Il serait bon que la représentation nationale puisse en être informée. teta

    À ce stade, je considère que mon amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 2750.

    M. Marc Le Fur. Mes chers collègues, quelles sont les grandes écoles fondatrices de la pensée moderne ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) J’ai évoqué le structuralisme en rapportant une citation on ne peut plus précise de Claude Lévi-Strauss, ce qui n’a suscité aucune réponse. C’est indiscutable.

    L’autre école fondatrice, peut-être davantage pour la gauche que pour la droite d’ailleurs, c’est la psychanalyse. Tous les psychanalystes le disent : l’altérité du père et de la mère, c’est l’élément fondateur.

    M. Jean-Patrick Gille. Non !

    M. Marc Le Fur. Vous le niez, monsieur Gille ? Dans ce cas, expliquez-nous, nous sommes preneurs ! Je cherche quelqu’un pour débattre. Notez, madame la présidente, que M. Gille souhaite s’exprimer. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    J’en viens aux propos d’une psychanalyste de terrain, Mme Chan, qui a travaillé au service d’aide sociale à l’enfance et qui est de formation psychanalytique.

    M. Michel Pouzol. C’est inquiétant !

    M. Marc Le Fur. Pour le petit garçon qui, autour de trois ans, tombe éperdument amoureux de sa mère, le rival naturel, c’est le père. Pour mieux concurrencer ce dernier, il va petit à petit se comparer à lui et se former par mimétisme à son égard. Cet élément sera déterminant dans sa formation à la fois intellectuelle, physique et morale. Nous avons là les éléments fondateurs ; toutes les grandes pensées, toutes les grandes philosophies le disent, la psychanalyse, le structuralisme le disent. Et nous sommes aujourd’hui victimes d’une mode, ce n’est pas autre chose qu’une mode. Nous devons revenir à nos fondamentaux, madame la présidente, et je suis sûre que vous-même, si vous aviez la possibilité de vous exprimer, vous partageriez mon sentiment.

    Mme la présidente. Merci, monsieur le député, mais je ne l’ai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3843.

    M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur la question des formulaires administratifs. Celle-ci n’est, bien sûr, pas traitée dans le projet de loi, mais elle n’en demeure pas moins importante, car on a bien vu que la société résistait à la suppression des termes « père et mère » dans de nombreux d’articles ; je n’ai pas dit dans tous, je n’ai jamais menti sur ce point.

    L’inquiétude ne porte pas seulement sur le contenu du projet de loi, elle concerne également la vie quotidienne, notamment les formulaires administratifs. Je répète la question et chacun pourra constater qu’il n’y a pas de réponse : comment seront rédigés ces formulaires administratifs pour les époux et pour les parents ? Y aura-t-il des formules asexuées ou sexuées ? Y aura-t-il plusieurs types de formulaires ? Soit on opte pour un formulaire unique, ce qui suppose d’uniformiser, mais on sait que la société le refuse, soit on prévoit plusieurs formulaires, mais alors on entre dans une logique de « discrimination » – je reprends vos termes – qui, au demeurant, serait coûteuse. Un tel choix compliquerait les choses, à l’heure où pourtant le Gouvernement lance la modernisation de l’action publique, qui consiste en un nouveau plan de simplification.

    Cette question concrète me paraît donc importante. Je n’imagine pas que le Gouvernement ait pu rédiger ce projet de loi sans en avoir étudié tous les aspects. S’il n’a pas eu le temps de le faire entre l’annonce de ce texte par Mme la garde des sceaux dans le quotidien La Croix daté du 11 septembre 2012 et l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres le 7 novembre dernier, il en a eu la possibilité depuis lors.

    Une fois encore, nous attendons des réponses pour savoir comment les formulaires administratifs seront rédigés. Nous sommes au cœur de cet article-balai, car c’est la suppression des mots « père et mère » qui a fait réagir beaucoup de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous attendons des éléments de réponse.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Parce que je m’exprime pour ma part sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, je voudrais porter à votre connaissance, mesdames, messieurs les députés, la pétition des psychanalystes face à l’égalité des droits et au « mariage pour tous ».

    Je vous en livre l’essentiel : « Nous, psychanalystes […], souhaitons par ce communiqué exprimer que “La psychanalyse” ne peut être invoquée pour s’opposer à un projet de loi visant l’égalité des droits. Au contraire, notre rapport à la psychanalyse nous empêche de nous en servir comme une morale ou une religion. En conséquence, nous tenons à inviter le législateur à la plus extrême prudence concernant toute référence à la psychanalyse afin de justifier l’idéalisation d’un seul modèle familial. Nous soutenons qu’il ne revient pas à la psychanalyse de se montrer moralisatrice et prédictive. Au contraire, rien dans le corpus théorique qui est le nôtre ne nous autorise à prédire le devenir des enfants quel que soit le couple qui les élève. La pratique psychanalytique nous enseigne depuis longtemps que l’on ne saurait tisser des relations de cause à effet entre un type d’organisation sociale ou familiale et une destinée psychique singulière. De plus, la clinique de nombre d’entre nous avec des enfants de couples “homosexuels” atteste que ce milieu parental n’est ni plus ni moins pathogène qu’un autre environnement. Il n’est pas inutile non plus de faire un retour aux prises de position de Freud concernant l’homosexualité. Pour s’en tenir, par exemple, aux toutes premières années de la naissance de la psychanalyse, Freud signa une pétition initiée par le médecin et sexologue allemand Magnus Hirschfeld demandant l’abrogation du paragraphe 175 du code pénal allemand réprimant l’homosexualité masculine […]. Aussi nous tenons à rendre publique notre position et ces éléments de réflexion dans le cadre du débat national qui est engagé. » Je tiens à votre disposition la liste des signataires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz. Après cette lecture, je souhaite pour ma part revenir sur la valeur du contrat social.

    Quelle que soit la valeur que les philosophes et théoriciens du droit ont donnée au contrat social, tous concourent à déceler un droit objectif, universel et immuable auquel toute législation humaine doit se conformer si elle veut être juste. Max Weber définit ainsi le droit naturel comme « l’ensemble des normes indépendantes de tout droit positif et supérieures à ce dernier. Elles ne tirent pas leur dignité de règlements arbitraires, mais à l’inverse elles légitiment la force obligatoire du droit positif ». Le mariage, « la plus vieille coutume de l’humanité », comme se plaisait à le nommer le doyen Carbonnier, est une union personnelle dont la dimension sociale justifie depuis toujours l’appréhension par le droit. Il est historiquement l’acte qui permet de perpétuer la famille et d’en assurer la continuité. Il est, par nature, sexué.

    Au nom de l’égalité, le Gouvernement entend redéfinir la procréation comme si l’ordre naturel ressortissait à l’article 24 de la Constitution. Or l’égalité se définit comme la relation entre deux choses ne présentant aucune différence. Ce projet de loi ne fait preuve que d’un égalitarisme forcené alors qu’il eût été tellement plus clair et consensuel d’accorder une légitime protection aux couples homosexuels qui la désirent.

    Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ces amendements.

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements nos 2191, 2430, 2750 et 3843.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 170

    Nombre de suffrages exprimés 170

    Majorité absolue 86

    Pour l’adoption 50

    Contre 120

    (Les amendements nos 2191, 2430, 2750 et 3843 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, puisqu’il est deux heures du matin, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le jeudi 7 février 2013 à deux heures, est reprise à deux heures dix.)

    Mme la présidente. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 1932.

    M. Marc Le Fur. Je voudrais remercier Mme Bertinotti pour la réponse qu’elle m’a faite. Je sais bien qu’il y a un débat, même entre psychanalystes. Il n’en demeure pas moins que la plupart d’entre eux, tout au moins ceux qui sont les plus reconnus,…

    M. Jean-Patrick Gille. Ben voyons !

    M. Marc Le Fur. …considèrent que l’altérité – le complexe d’Œdipe, si l’on veut, qui est la forme sous laquelle elle a été popularisée – est la preuve de la nécessité d’un père et d’une mère. Il faut que nous répondions à cette question.

    Je remercie donc Mme Bertinotti, qui a su répondre à mon appel, comme l’avait fait M. Bloche. Je vois, en revanche, que mes collègues bretons n’ont toujours pas répondu à la question que se pose l’opinion et je le regrette.

    M. Jean-Luc Moudenc. Ils sont gênés !

    M. Marc Le Fur. Ils sont gênés, en effet ; on le sait bien.

    Je poursuis sur la psychanalyse. Jean-Pierre Winter déclare : « Ce qui m’intéresse, c’est la filiation. Pas la filiation au sens strictement juridique ou sociologique, mais au sens psychologique du mot. Et c’est finalement très simple. Chacun sait qu’il a un père et une mère, quelle que soit la configuration de la famille : nucléaire comme au XIXe siècle, homoparentale, pluriparentale… Tout enfant sait donc qu’il est le produit de la rencontre entre un homme et une femme. […] C’est déjà tellement compliqué d’avoir un père et une mère que je ne souhaite à personne d’en avoir plus. Et surtout, il importe à chaque enfant de savoir exactement de quelle rencontre il est issu. »

    Voilà ce que disent les autorités de la psychanalyse. Vous devriez revenir à un certain nombre de fondamentaux – mais nous poursuivrons ce débat, car la psychanalyse, chacun en conviendra, exige un peu plus de temps que deux minutes.

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1939.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie Mme la ministre déléguée chargée de la famille d’avoir apporté au débat cette pétition qui montre à l’évidence que la question est controversée, y compris chez les psychanalystes, puisque l’on en trouve qui sont d’un avis différent. À ce titre, la chose était donc intéressante. Cela confirme qu’il y a une grande incertitude sur ces sujets, ce qui correspond exactement à ce que nous disons depuis le début. La confrontation des points de vue montre à l’évidence que rien ne peut être aussi simple qu’il y paraît.

    Afin de répondre à l’impatience exprimée parfois par certains de nos collègues, mais aussi par Mme la garde des sceaux ou encore par M. le président de la commission des lois, je me propose de recenser les quatre questions précises…

    M. Bernard Roman. Ce n’est peut-être pas obligatoire !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …auxquelles nous n’avons pas obtenu pour l’instant de réponse qui le soit tout autant.

    Premièrement, avez-vous, oui ou non, l’intention, à terme, d’ouvrir le PACS aux mineurs à titre de conséquence de ce projet de loi ?

    Deuxièmement, comment comptez-vous libeller le livret de famille ?

    Troisièmement, comment comptez-vous rédiger les autres actes d’état civil ?

    Quatrièmement, comment comptez-vous traiter les exequatur en référence à l’article 310 du code civil ?

    Voilà quatre questions auxquelles, à notre connaissance, nous n’avons pas pour l’instant reçu de réponse. Nous continuons donc, madame la garde des sceaux, à vous les poser. L’amendement est défendu.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1932 et sur les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3645.

    M. Xavier Breton. À l’occasion de la défense de cet amendement, je voudrais revenir sur la réponse que Mme Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, vient de faire au sujet des psychanalystes.

    D’abord, je la remercie, car il est important qu’un échange ait lieu. Nous allons donc profiter de ses propos – ils sont rares – pour échanger. Il faut que l’on puisse exprimer la diversité des opinions –en l’espèce les divergences entre psychanalystes.

    M. Le Fur n’a pas dit que tous les psychanalystes étaient contre le projet de loi ; il a cité certains d’entre eux qui ne sont pas d’accord. C’est, je crois, le rôle de l’opposition que de porter dans cette enceinte la voix de celles et ceux qui ont des interrogations et des inquiétudes sur un projet de loi. Le rôle de la majorité devrait être de porter la voix de celles et ceux qui militent en faveur du texte, mais nous ne l’entendons guère.

    Le Gouvernement, lui devrait être là pour entendre toutes ces voix et faire une synthèse. Pourtant, madame la garde des sceaux, vous vous comportez en militante plutôt qu’en ministre, vous contentant de reprendre les arguments des défenseurs du projet de loi.

    Cela illustre votre méthode depuis le début. Ce projet divise les Français. Il y a d’autres urgences aujourd’hui – je ne parle pas de priorités, car défendre une conception de la famille à laquelle vous voulez toucher constitue bien notre priorité – et pourtant, vous vous contentez de diviser. Vous savez qu’une moitié des Français est plutôt pour, l’autre plutôt contre, qu’une moitié est pour l’adoption, l’autre plutôt contre. Au lieu d’écouter les arguments de part et d’autre, vous choisissez un camp et vous y restez. Il est de votre responsabilité de sortir de ce clivage.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3951.

    M. Hervé Mariton. L’article 401 du code civil, comme les trois articles précédents d’ailleurs, traite du conseil de famille. Il est assez intéressant car nous sommes là dans une situation intermédiaire, entre les cas où l’amendement balai ne pose pas trop de problèmes d’ordre physique et relationnel – même si on peut le critiquer d’un point de vue légistique –, comme le colloque singulier du couple avec le notaire où celui-ci pourra s’en sortir à peu près convenablement et expliquer ce dont il ressort, et les cas où l’amendement balai crée une situation impossible, comme en mairie où le maire devra lire aux futurs mariés les articles prévus à l’article 75 du code civil.

    Expliquer à un ensemble de personnes le mode de fonctionnement du conseil de famille, avec ce raisonnement dupliqué et non pas interprété qui voudra que l’on fasse « comme si » en utilisant les termes de « père » et « mère » pour un couple de personnes de même sexe, sera nettement moins pénible à vivre que la cérémonie de mariage telle que vous la concevez, mais moins simple que le colloque singulier chez le notaire. Ce sera passablement inconfortable à vivre.

    Par ailleurs, je n’ai toujours pas de réponse sur l’ouverture du PACS aux moins de 18 ans.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

    Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet.

    M. David Douillet. Je voudrais revenir sur le problème de votre circulaire pour la filiation, madame la ministre, qui me paraît extrêmement grave. Lorsque j’étais secrétaire d’État aux Français de l’étranger, j’ai été confronté à ce problème de reconnaissance de paternité et à la demande de certificats de nationalité française.

    Un enfant est né en Inde d’un père français, qui a eu recours à la GPA. Le Gouvernement indien avait prouvé l’existence de cette GPA et ne voulait donc pas reconnaître l’enfant, puisque la mère officielle avait eu cette année-là quatorze enfants…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Impressionnant !

    M. David Douillet. …Il s’agissait d’un prête-nom. Nous sommes confrontés à des réseaux mafieux qui agissent en Inde et en Ukraine. C’est un vrai problème car nous sommes pris entre les droits de l’enfant et l’esclavage des femmes. Voilà la vérité.

    La circulaire dans laquelle vous demandez aux procureurs de donner systématiquement le certificat de nationalité lorsque la filiation est prouvée ouvre la boîte de Pandore et contribue à stimuler les réseaux mafieux.

    À l’instar de Marie-France Touraine…

    Plusieurs députés SRC. Marisol !

    M. David Douillet.… oui, la ministre de la santé – je vous prie de m’excuser –, qui a demandé aux procureurs de poursuivre les gynécologues faisant la promotion de la GPA, demanderez-vous aux procureurs de poursuivre les ressortissants français qui ont recours à la GPA ?

    M. Patrick Hetzel. Très bien !

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1932, 1939, 3645 et 3951.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 140

    Nombre de suffrages exprimés 140

    Majorité absolue 71

    Pour l’adoption 40

    Contre 100

    (Les amendements identiques nos 1932, 1939, 3645 et 3951 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2196.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons posé quatre questions au Gouvernement ; nous espérons obtenir les réponses dans des délais brefs.

    Je veux porter à la connaissance de notre assemblée la déclaration de l’Appel des professionnels de l’enfance, une organisation que la ministre de la santé connaît forcément très bien puisqu’elle est située à Tours : « Laisser entendre qu’un enfant descend de deux hommes ou de deux femmes, c’est brouiller sa généalogie et complexifier la lecture qu’il fait de ses origines. Pour se construire et trouver sa place dans la société, l’enfant doit avoir une claire lisibilité de ses origines, s’inscrire dans une filiation, c’est-à-dire une succession de générations. »

    Nous prétendons, depuis le début de ce débat sur le projet de loi et plus particulièrement sur l’article 4, que la manière dont vous avez traité cet article ne permettra pas de se retrouver clairement dans cette construction. C’est la raison pour laquelle nous combattons cet article. L’amendement est ainsi défendu.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2196 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2431.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur les conséquences qu’emporte la notion de filiation, directement touchée, contrairement à ce que vous dites, bien que le titre VII ne soit pas concerné.

    Dans une conférence donnée à Lyon le 15 novembre 2012, Aude Mirkovic, maître de conférence en droit privé, spécialiste en droit de la famille, évoquait un certain nombre de difficultés soulevées par le texte. La première tient à la présomption de paternité : le code civil présume que l’enfant né ou conçu pendant le mariage a pour père le mari. En effet, les époux s’engagent à une obligation de fidélité, ce que le code civil affirme à plusieurs reprises. On présume que les enfants mis au monde par l’épouse sont ceux du mari. Il est possible que cela ne soit pas le cas.

    M. Sergio Coronado. Quelle fiction !

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela arrive !

    M. Philippe Gosselin. Oui, cela peut arriver. Je ne ferai pas de commentaires sur les chiffres qui circulent – on parle de 8 à 10 % des enfants – certains disent même qu’ils sont en dessous de la réalité.

    Cette présomption peut être renversée si la preuve est fournie que le mari n’est pas le père. La question se pose de savoir comment l’on pourrait présumer que le conjoint de même sexe est le parent de l’enfant. La présomption de paternité ne s’applique qu’aux hommes ; la présomption de maternité et a fortiori celle de maternité secondaire n’existe pas. Cela crée une discrimination entre les couples d’hommes et les couples de femmes car les premiers seront reconnus comme seconds parents par la loi, alors que les autres devront passer par l’adoption. C’est un sujet important, sur lequel il faudra revenir. Je considère que mon amendement est défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2756.

    M. Marc Le Fur. Je me permets de répéter que nos collègues Gwenegan Bui, Gwendal Rouillard et Richard Ferrand jouent les taiseux sur ce sujet. Je les sens gênés et je pense qu’il serait bon que les autorités du groupe leur accordent la possibilité de s’exprimer, afin que les choses soient claires. Ils en éprouvent le besoin ! (Sourires.)

    Madame la ministre, merci pour votre réponse sur la psychanalyse. Je sais bien que le débat existe dans le monde de la psychanalyse, un courant de pensée qui a nourri la gauche. Beaucoup d’entre vous ont été nourris au lait de la psychanalyse, mais maintenant, c’est oublié. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cessez de penser pour nous !

    M. Marc Le Fur. Mais vous allez pouvoir me répondre, chère collègue ! Je ne prétends pas à la vérité, mais au débat. Offrez-nous la possibilité de débattre avec vous. M. Roman vous permettra j’imagine, de vous exprimer.

    Voici ce que dit Jean-Pierre Winter : « Tout le monde sait qu’il n’y a pas de famille idéale : nous avons tous autour de nous, ou en nous, un père ou une mère manquant(e). Mais tout le monde sait aussi qu’il s’agit d’accidents : si vous êtes privés d’un père ou d’une mère, c’est pour une raison historique, économique, sociologique, psychologique… Pour autant, ça ne change pas la norme que vous avez dans la tête, c’est-à-dire le fait que vous êtes issu(e) d’un homme et d’une femme. »

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3844.

    M. Xavier Breton. Nous sommes toujours au cœur de l’article balai, qui découle de la volonté de supprimer, dans beaucoup d’articles de notre droit, les mots « père » et « mère ».

    La question des documents de la vie quotidienne est un point important pour nos concitoyens. Or que dit l’avis du Conseil d’État ? Il appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que le choix rédactionnel qui a été opéré n’implique aucunement la disparition générale des mots « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les documents de la vie quotidienne. Voyez que je vous aide, puisque nous attendons toujours votre réponse.

    Conserverez-vous ces termes dans les documents de la vie quotidienne ? Cela impliquera qu’il y ait plusieurs types de documents administratifs, ce qui entraînera un coût qui n’a pas été évalué dans l’étude d’impact. Ou comptez-vous aller à l’encontre de l’avis du Conseil d’État et uniformiser les documents de la vie quotidienne ? C’est une question importante car c’est sur ce point que l’on rencontre l’une des plus grandes résistances à la loi. Si nous passons beaucoup de temps sur cet article, c’est qu’il est d’ordre symbolique et qu’il imprègne la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous attendons votre réponse sur ce point.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel. Cela fait maintenant un certain temps que nos collègues posent des questions sur l’avis du Conseil d’État. Certains semblent en disposer ; d’autres non. Cela montre, de toute évidence, une certaine asymétrie entre les parlementaires. Or je me souviens des propos prononcés par le candidat Hollande : « Moi Président, je ferai ceci, je ferai cela… » Il mettait l’accent sur l’État exemplaire, mais aujourd’hui nous avons un gouvernement socialiste qui, de toute évidence, nous cache certaines informations dont il dispose, alors qu’il aurait la possibilité de les transmettre à la représentation nationale.

    Force est donc de constater qu’il y a d’un côté les discours, de l’autre les actes, et que les actes ne sont pas en adéquation avec les discours. Plus que jamais donc, nous souhaitons que le Gouvernement nous transmette l’avis du Conseil d’État, ce qui témoignerait de son respect envers la représentation nationale.

    Afin que l’ensemble des députés puissent avoir l’information dont certains disposent déjà, je vous demande, madame la garde des sceaux, au nom des parlementaires de l’opposition, de nous communiquer cet avis du Conseil d’État.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2196, 2431, 2756 et 3844.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 158

    Nombre de suffrages exprimés 158

    Majorité absolue 80

    Pour l’adoption 44

    Contre 114

    (Les amendements nos 2196, 2431, 2756 et 3844 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2202.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement concerne l’article 409 du code civil, dont je voudrais vous donner lecture : « La tutelle comporte un subrogé tuteur nommé par le conseil de famille parmi ses membres. Si le tuteur est parent ou allié du mineur dans une branche, le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l’autre branche. La charge du subrogé tuteur cesse à la même date que celle du tuteur. » Excellent exemple d’un article sur lequel l’article-balai du projet de loi est sans effet, ce qui prouve qu’il traite parfois par excès, parfois par défaut, les articles du code civil auquel il s’applique. L’amendement est ainsi défendu.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2432.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur un coup de théâtre extraordinaire qui vient de se dérouler sous nos yeux, à deux heures vingt-cinq : Nos collègues socialistes parlent, et en plus ils pensent ! En effet l’une d’entre eux s’est exclamée : « Arrêtez de penser à notre place ! » Cela me rassure, puisque depuis un moment nous n’entendions plus grand monde, ce qui pouvait laisser imaginer qu’on ne pensait pas nécessairement sur les bancs de la majorité, où la liberté de conscience est proscrite.

    Si la pensée se libère, je vous invite, mes chers collègues, à vous lâcher et à écouter avec intérêt les réponses que les ministres ne manqueront pas de faire, dans les heures où les jours qui viennent, aux questions que nous avons déjà posées mais que nous nous ferons un plaisir et un devoir de poser de nouveau.

    Quant aux tuteurs, compte tenu de l’excellente démonstration de Jean-Frédéric Poisson, la mienne ne pourrait qu’être moins bonne, et je considère donc l’amendement défendu.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2202 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3848.

    M. Xavier Breton. Je m’arrêterai sur certains éléments de l’avis du Conseil d’État qui nous sont parvenus par différentes sources mais pour lesquels on attend toujours une source officielle qui permettrait de confirmer l’exactitude de nos informations.

    En matière de terminologie, le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de poursuivre l’examen de l’ensemble des législations pour tirer les conséquences de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Ce travail a-t-il était fait ? Si non, pourquoi ? Si oui, qu’a-t-il donné ? A-t-on constaté des anomalies ? le cas échéant lesquelles et ont-elles été corrigées ? Il y a là une vraie question de sécurité juridique.

    Rappelons que l’article-balai résulte de votre volonté de faire disparaître de nombre d’articles du code civil les mots « père et mère », ce qui pose des problèmes de terminologie. Il serait donc intéressant de savoir comment le Gouvernement a travaillé sur ces dispositions.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

    M. Patrick Ollier. Je ne parlerai pas de l’article 409, des tuteurs et des subrogés tuteurs.

    Vous avez dit à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, que ce texte impliquait un changement de civilisation ; j’ai donc essayé de savoir pourquoi. Mon début d’explication est qu’avec ce texte l’on assiste à la déconstruction de la parenté fondée sur l’engendrement des enfants, ce qui me choque profondément.

    Mesdames les ministres, l’altérité sexuelle des parents n’est pas un parti pris en faveur de l’hétérosexualité ni une habitude héritée du passé, mais la conséquence de la référence à l’engendrement de l’enfant dans la définition des père et mère.

    Une fois privé de sa référence à l’engendrement de l’enfant, la filiation, pour la majorité socialiste, découle seulement de la volonté, de l’intention ou du projet parental. C’est la parenté sociale. La parenté n’est plus fondée sur un rapport de filiation mais seulement d’éducation. C’est donc la théorie du genre qui se dessine ainsi progressivement et que nous démasquons peu à peu. L’égalité par l’effacement des sexes, c’est précisément ce dont nous ne voulons pas. Nous dénonçons donc vos intentions, et c’est la raison pour laquelle je défends ces amendements.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2202, 2432 et 3848.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 168

    Nombre de suffrages exprimés 168

    Majorité absolue 85

    Pour l’adoption 46

    Contre 122

    (Les amendements nos 2202, 2432 et 3848 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1933.

    M. Marc Le Fur. Permettez-moi auparavant, madame la présidente, de déplorer la rapidité avec laquelle vous venez d’organiser ce scrutin, qui nous à peine laissé le temps de regagner nos places. Lorsqu’on ne respecte plus rien, essayons malgré tout de respecter un minimum de formalisme…

    Mme Martine Martinel. Oh ben oui !

    M. Marc Le Fur. Revenons à la psychanalyse… (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Ils sont accrocs !

    M. Marc Le Fur. Vous avez été sensibles à ce courant de pensée, mes chers collègues ! Il a été formateur pour vous, et je suis convaincu qu’un certain nombre d’entre vous, s’ils le souhaitent, pourront m’apporter la contradiction. C’est normal, et c’est ainsi que je conçois le débat !

    Que dit le professeur Jean-Pierre Winter ? « Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut changer la loi. En plus, cette dernière va devoir s’appliquer à tout le monde. Elle va impliquer des changements pour ceux qui n’ont rien demandé. Par exemple, on va être obligés de modifier le code civil et de faire disparaître les mentions de “père” et de “mère”, au profit de la mention de “parent” – nous sommes en plein dans l’article 4. D’un point de vue psychanalytique, j’avance que faire disparaître des signifiants pareils, c’est l’équivalent du meurtre du père et de la mère. Ni plus ni moins. » Voilà ce qu’écrit un des plus grands professeurs de psychanalyse.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1933 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1984.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’étonne, malgré l’heure tardive, que notre amendement précédent n’ait pas suscité de commentaire particulier. Je réitère donc les quatre questions que je posais tout à l’heure et auxquelles le Gouvernement n’a pas répondu, en y ajoutant une cinquième : Avez-vous l’intention d’ouvrir le PACS au mineurs ? Comment allez-vous rédiger les livrets de famille ? Comment allez-vous rédiger les autres actes d’état civil ? Comment allez-vous traiter les exequatur dans le cadre de l’article 310 du code civil ? Puisque enfin l’article-balai est sans effet sur l’article 409 du code civil, et donc exagéré dans sa portée, ne tenons-nous pas ici la preuve que votre méthode n’était pas la bonne ? D’où il découle que nous sommes fondés à nous poser la même question sur d’autres points de votre texte.

    Je voulais par ailleurs dire à Mme Le Dain que, si elle souhaite s’exprimer, je lui cède volontiers mon temps de parole sur le prochain amendement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2388.

    M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur les questions liées à l’adoption et à la présomption de paternité. Aude Mirkovic, maître de conférences, revenait en novembre à Lyon sur cette discrimination qui pourrait exister entre les couples d’hommes et les couples de femmes et demandait : « Dans un couple marié homosexuel, comment l’époux pourrait se désengager de sa paternité ou de sa maternité secondaire, que la loi présume, dès lors qu’il ne s’est pas investi ou n’a pas été partie prenante au projet parental ? » C’est une question, me semble-t-il, fort importante. Il reste évidemment à définir ce qu’est une maternité secondaire, ce qui nécessiterait un certain nombre de développements puisque nous sommes dans le cadre de l’adoption.

    « La nouvelle loi ou le projet, poursuit-elle, fonde la parenté sur l’engagement auprès de l’enfant, sur le désir d’enfant, mais que deviennent tout ceux qui n’ont pas été désirés et auprès desquels personne ne s’est engagé ? Se retrouvent-ils sans parents ? » On pourrait envisager de désigner, et non plus de présumer, le conjoint comme second parent. Mais cela ne marche pas non plus parce que l’on va se retrouver avec des situations compliquées : le mari qui n’est pas du tout le père de l’enfant de sa femme et qui se voit imposer une paternité par la loi dont il ne peut se dégager, y compris s’il était en prison à l’époque où l’enfant a été conçu. Voilà donc les situations auxquelles on pourra être confrontés. Dès lors, que fait-on du parent biologique ?

    « Si l’enfant est né d’un père identifié, comment régler le conflit de parenté entre la conjointe de la mère et le père biologique ? À qui donne-t-on la priorité ? » La question me paraît importante sur laquelle nous reviendrons.

    Je considère avoir défendu mon amendement.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3646.

    M. Xavier Breton. Nombre de nos questions n’ont obtenu aucune réponse, d’où ce débat qui sera amené à durer tant qu’il n’y sera pas répondu.

    Je poursuis sur l’avis du Conseil d’État. Nous ne l’avons pas vu, contrairement à notre collègue Tourret, ce qui prouve bien une inégalité de traitement entre les députés. (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin.Il n’est plus là de toute façon. Il n’y a plus aucun élu RRDP dans l’hémicycle.

    M. Xavier Breton.Il doit sûrement être en train de lire l’avis…

    Concernant la portée de ce projet, je vous lis un paragraphe : « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux, et compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l’étude d’impact qu’un tel changement apportera à un grand nombre de législations… »

    C’est la parole du Conseil d’État !

    J’imagine qu’un travail a été engagé depuis la publication de cet avis pour remédier aux insuffisances de l’étude d’impact et je souhaite que vous nous en teniez informés. Nos remarques ne relèvent nullement de l’obstruction, car il y va de la qualité du travail parlementaire. Nous souhaitons y contribuer. Nous avons besoin d’éléments d’information. Votre silence ne peut plus durer. Nous avons besoin de savoir quels sont les problèmes soulevés au niveau du Conseil d’État et de l’étude d’impact.

    Mesdames les ministres, nous vous invitons à répondre à nos questions.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Mes chers collègues, vous avez, avec beaucoup de délectation, cité l’exemple britannique nous renvoyant à ce qui s’est passé à la Chambre des communes hier.

    M. Razzy Hammadi. Bravo !

    M. Daniel Fasquelle. Vous n’applaudirez peut-être plus lorsque j’aurai appelé votre attention sur la jurisprudence britannique, ou alors nous ne sommes vraiment pas d’accord.

    Permettez-moi de vous faire part d’une décision rendue jeudi dernier par la chambre des affaires familiales de la Haute cour. Deux couples de femmes ont établi une double filiation. Les deux pères biologiques, un couple d’homosexuels qui avaient accepté de féconder les deux femmes, ont réclamé que la filiation soit reconnue. La justice leur a accordé un droit de garde et de visite. D’un point de vue légal, ces enfants ont trois parents.

    Comment appliquerez-vous votre article-balai à ce genre de situation ? Quelle réponse apporterez-vous, si le cas se produit en France – et cela sera possible – à ces enfants, à ces pères ou ces mères biologiques ? Vous êtes en train de faire voler en éclats tous les repères. Vous déstructurez la famille. Avec cet exemple britannique, on voit bien ce vers quoi votre projet nous conduit. Nous le condamnons et nous ne cesserons de le condamner jusqu’à la fin des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

    M. Jean-Patrick Gille. Je vais faire plaisir à M. Le Fur en lui répondant.

    Comme l’a brillamment démontré notre collègue Patrick Bloche, Marc Le Fur a fait un contresens sur le livre de Léon Blum consacré au mariage.

    M. Nicolas Dhuicq. Au contraire.

    M. Jean-Patrick Gille. Là, il poursuit dans l’instrumentalisation du mouvement psychanalytique en tentant de le rallier à sa cause. Mme la ministre a bien montré en citant une pétition de psychanalystes qu’il s’agissait d’une tentative de récupération et qu’ils avaient anticipé l’incompréhension autour du complexe d’Œdipe.

    Je me contenterai de citer Freud, qui a évolué sur le sujet. Dans Trois essais sur la théorie sexuelle, Freud écrit que la recherche psychanalytique s’oppose avec la plus grande détermination à la tentative de séparer les homosexuels des autres humains en tant que groupe particulier. Pour ma part, je m’appuie plus volontiers sur la pensée émancipatrice de Sigmund Freud que sur celle de certains psychanalystes certes médiatiques, comme Jean-Pierre Winter et Aldo Naouri.

    Si je cite Aldo Naouri, c’est parce qu’il est à l’origine de la pétition prétendument d’appel des professionnels de l’enfance., citée par notre collègue Jean-Frédéric Poisson.

    Enfin, j’ai été surpris que notre collègue Dalloz – qui porte le nom d’un éditeur de droit – cite Max Weber comme théoricien du droit naturel alors qu’il a essayé, au contraire, de montrer comment le droit ne pouvait reposer que sur des valeurs. Je tenais à faire ces mises au point à l’intention de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 1933, 1984, 2388 et 3646.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 163

    Nombre de suffrages exprimés 163

    Majorité absolue 82

    Pour l’adoption 44

    Contre 119

    (Les amendements n°s1933, 1984 et 2388 ne sont pas adoptés.)

    M. Yves Fromion. Notre score s’est amélioré.

    M. Philippe Gosselin. C’est étonnant !

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2230.

    M. Dominique Tian. Avec Jean-Frédéric Poisson, nous avons passé beaucoup de temps à rédiger cet amendement. (Sourires.)

    Je rappelle que le mariage est le cadre privilégié de la famille. En principe, la tradition, l’expérience et le bon sens voulaient que l’on unisse un homme et une femme pour avoir des enfants. Vous allez à l’encontre de cette logique et déstructurez l’ensemble du code civil, l’organisation de la famille. Il aurait peut-être été bienvenu, je le dis au passage, que Mme Lemorton assiste à cette séance pour nous donner quelques précisions utiles… (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2433.

    M. Philippe Gosselin. Nous en étions restés à des interrogations concernant les parents biologiques, la présomption de paternité, la filiation.

    Au mois de novembre dernier à Lyon, Aude Mirkovic s’interrogeait sur ce que deviendrait la présomption de paternité. « …Une autre solution pour simplifier serait de supprimer la présomption de paternité pour tout le monde », homosexuels comme hétérosexuels. Cela pourrait rejoindre un certain nombre de propositions émanant du groupe écologiste…

    « Le second parent devrait reconnaître ou adopter l’enfant de son conjoint. » Mais sur quelle base peut-on se fonder pour établir une filiation sans preuve ? Surtout, sans preuve biologique. Sur quels éléments pourra-t-on départager le conjoint du parent biologique ? Si l’on veut faire exploser la filiation, et je reprends des propos tenus lors des auditions du mois de décembre, on ne s’y prendrait pas autrement. Prenons l’exemple le plus typique, celui où un couple de femmes s’est arrangé avec un couple d’hommes pour avoir des enfants croisés. Ces quatre personnes se considèrent comme les parents à égalité de leurs enfants croisés. Le plus souvent, il y a deux enfants qui sont chacun l’enfant biologique de l’un des hommes et de l’une des femmes. Cela devient compliqué à suivre ! Je comprends votre embarras.

    M. Sergio Coronado. Pas du tout.

    M. Philippe Gosselin. Peut-être pas au sein du groupe écologiste. Je sais que cela correspond à des raisonnements que vous assumez et que j’ai toujours respectés car ils ont le mérite d’être clairs, même si je ne les partage pas.

    M. Sergio Coronado. Clairs et cohérents.

    M. Philippe Gosselin. Vous avez raison monsieur Coronado, il ne faut jamais être avare de qualificatifs permettant de s’auto glorifier.

    M. Dominique Tian. Ils sont comme cela les écologistes !

    M. Philippe Gosselin. Si vous avez toujours été clairs, cela n’est pas le cas sur d’autres bancs où l’on avance sans objectifs clairement déterminés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe écologiste.)

    Il n’y a là rien d’ambigu. Nous avions proposé une solution qui pourrait nous réunir. Honni soit qui mal y pense.

    Je reviendrai sur ces enfants croisés, la difficulté des uns et des autres et sur les critères objectifs que les juges pourraient appliquer par la suite.

    Mon amendement a été défendu.

    M. Yves Fromion. Bien défendu.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2230 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2765.

    M. Marc Le Fur. Je remercie notre collègue Gille de s’être prêté au débat. Je n’ai jamais nié qu’au sein du vaste monde de la psychanalyse, il y avait plusieurs chapelles, écoles, tendances et que ce débat les agite comme il agite la société française, comme il agite l’hémicycle. Je le remercie donc d’avoir répondu.

    J’ai également remercié notre collègue Bloche qui, sur le livre de Léon Blum Du mariage publié en 1907, avait souhaité apporter sa contribution laquelle n’était du reste pas contradictoire avec la mienne. Il est vrai que ce livre prône une certaine liberté sexuelle, mais dans l’altérité. Je vous renvoie à la lecture du livre, c’est extrêmement clair. Pour ceux qui ne l’auraient pas lu, je me propose de le rendre à la bibliothèque. Chacun pourra ainsi s’instruire.

    Je souhaite revenir à des éléments de droit. Pour ma part, je suis convaincu que le mariage dans l’altérité fait partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes émanent d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel de juillet 1971, le moment où le Conseil constitutionnel, tel le papillon sortant de sa chrysalide, admet qu’il doit jouer un rôle quant au fond de la loi, faire respecter un certain nombre de principes, et qu’il est le gardien vigilant de ces principes. Nous sommes convaincus que dans la grande tradition du contrôle de la constitutionnalité, le fait que l’altérité – que l’homme et la femme sont des éléments constitutifs du couple et qu’ils sont là pour concourir à élever les enfants – est un principe essentiel.

    Je poursuivrai en deuxième semaine, si vous m’y autorisez, madame la présidente. (Sourires.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3851.

    M. Xavier Breton. À mon tour, je souhaite remercier notre collègue Gille d’avoir participé au débat rendant ainsi nos échanges plus intéressants. Je n’ai peut-être pas entièrement compris la phrase de Freud car je ne suis pas un spécialiste, mais j’ai cru comprendre qu’il parlait davantage des sexualités que de l’altérité sexuelle.

    Il me semble que nous confondons pratiques sexuelles et réalité sexuée de nos corps.

    M. Nicolas Dhuicq. Oui.

    M. Xavier Breton. C’est bien le mariage pour les couples de personnes de même sexe. Ce n’est pas le mariage pour les personnes homosexuelles. Il y a là une confusion, dont je ne sais si elle est délibérément entretenue. En tout état de cause, elle ne permet pas une grande clarté de nos débats.

    Je vais à nouveau m’appuyer sur l’avis du Conseil d’État pour essayer d’éclairer cette question fondamentale en citant la première phrase sur la portée du projet de loi.

    « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux. » Outre le fait que l’on peut s’interroger comme vient de le faire Marc Le Fur sur la question de savoir si l’altérité des sexes est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, le Conseil constitutionnel n’y a jamais répondu puisqu’il n’a pas encore été interrogé.

    Il a simplement été interrogé dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité pour savoir si le législateur avait une liberté pour définir le mariage. Il a répondu que cela relevait bien de sa compétence. Cela dit, une fois que nous aurons établi une définition du mariage, le Conseil constitutionnel vérifiera sa constitutionnalité. Si nous autorisions une forme de mariage qui soit incompatible avec la dignité humaine, il pourrait s’y opposer car il dispose d’une grande latitude.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

    M. Nicolas Dhuicq. À ce point de nos débats, il y a effectivement deux visions qui s’affrontent.

    D’un côté, il y a celles et ceux qui se fondent sur la tradition chère à Hervé Mariton. Ils comprennent qu’il y a des textes multimillénaires auxquels nous sommes profondément attachés ; ils comprennent que l’histoire humaine se constitue par strates successives auxquelles nous sommes indéfectiblement liés à travers la suite des générations. À cet égard, nous pouvons nous interroger à terme sur la manière dont on traduira L’Iliade et L’Odyssée, Beowulf et toutes les grandes sagas humaines, si l’on poursuit dans la voie de vos raisonnements qui conduisent à nier l’altérité et la différence sexuée.

    M. Jean-Patrick Gille. Nous sommes à l’Assemblée !

    M. Nicolas Dhuicq. D’un autre côté, il y a ceux qui imaginent que l’homme est né de nulle part, qu’il se trouve à chaque génération sans lien réel avec qui que ce soit et qu’il peut se construire individuellement et seul. Ceux-là sont vraiment dans Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous poursuivez sur ce chemin de l’égoïsme individuel, lié uniquement au consumérisme débridé et absolu. Nous, nous sommes davantage dans la construction de l’homme comme être lié à une histoire et à une généalogie.

    Enfin, s’agissant de la querelle des analystes, il y a effectivement plusieurs écoles. Vous pourrez toujours les uns et les autres faire des citations tronquées. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a ceux qui travaillent dans les services hospitaliers et ceux qui sont sur les plateaux de télévision. Il y a ceux qui participent à des équipes et il y a ceux qui font payer leurs consultations à des prix extrêmement élevés et qui publient leurs actes de séminaires un par un pour arrondir leurs fins de mois. Il y a des pétitions qui sont sérieuses et d’autres qui le sont moins. Les gens de gauche devraient savoir mieux sélectionner leurs auteurs.

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2230, 2433, 2765 et 3851.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 158

    Nombre de suffrages exprimés 157

    Majorité absolue 79

    Pour l’adoption 40

    Contre 117

    (Les amendements identiques nos 2230, 2433, 2765 et 3851 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 2235.

    M. Dominique Tian. Madame la présidente, à l’UMP, nous nous inquiétons un peu de l’état de santé de certains de nos collègues qui commencent à défaillir. Est-il raisonnable de continuer à travailler ?

    Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe écologiste. Oui !

    M. Dominique Tian. Je me préoccupais simplement de la santé de nos collègues car il est tout de même très tard.

    M. Yann Galut. Nous, nous voulons travailler plus !

    M. Dominique Tian. Peut-être, mais vous ne serez pas payés plus ! (Sourires.)

    Nombre de pédopsychiatres s’inquiètent des conséquences sur l’enfant de situations pour le moins compliquées, voire destructrices. Il n’est évidemment pas question pour nous de sous-estimer la souffrance d’homosexuels qui n’auraient pas la possibilité d’avoir des enfants à moins de recourir à l’adoption ou à la GPA. Simplement, nous nous interrogeons : doit-on remplacer la souffrance d’un père qui ne peut pas avoir d’enfant par une autre ? Peut-on, pour apaiser la souffrance des adultes, s’accommoder de celles des enfants ? Ce sont des sujets extrêmement graves sur lesquels nous devons réfléchir et sur lesquels les professionnels de la santé, les pédopsychiatres se penchent tant il est vrai que l’on doit faire passer la santé de l’enfant avant tout.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2434.

    M. Philippe Gosselin. Madame la présidente, je vais faire une pause dans mes petites citations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    J’aimerais revenir sur l’une des interventions de notre collègue Le Fur qui, pour être breton, n’en est pas moins poète. (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.)

    C’est bien ce à quoi je m’attendais : vous réagissez au quart de tour, vous êtes d’un prévisible, mes chers collègues ! Pourquoi ne pas faire un rappel au règlement indiquant que chacun des députés bretons ici présents se sent personnellement offensé ou exposer un fait personnel à la fin de la séance si vous le souhaitez.

    M. Marc Le Fur. Un rappel au règlement !

    M. Philippe Gosselin. Notre éminent collègue évoquait donc les chapelles chez les psychanalystes. Je note – et Mme la présidente pourra considérer que pendant ce temps mon amendement est défendu – avec quelque étonnement qu’il règne une certaine atonie dans les rangs de la majorité après les excellents propos de notre garde des sceaux qui nous a rappelé la magnifique citation de Victor Hugo.

    Il me semblait que le terme « chapelle » serait considéré comme un peu étranger à ces lieux. Du reste, je m’interroge sur la nécessité de revisiter certaines de nos expressions : après « père » et « mère » donc, « chapelle », « séminaire ». Et puis j’invite ceux qui seraient prêts à y travailler cette nuit à nous faire part de leurs propositions de remplacement pour « école maternelle » pour demain matin. Il y a là un sujet de réflexion.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2235 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2769.

    M. Marc Le Fur. Je reviens à ce principe fondamental du mariage reconnu par les lois de la République : l’altérité des sexes.

    Le Conseil constitutionnel, sur le mariage, a dit une chose très concrète – qui n’a d’ailleurs pas été contestée –, c’est que l’interdiction actuelle du mariage aux couples homosexuels ne constituait en aucun cas une discrimination. Il l’a dit, redit, il n’y pas d’ambiguïté. Nous ne pouvons pas encore savoir, j’en conviens, s’il établira demain que l’altérité figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

    Ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont apparus spontanément dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel en 1971 et se sont développés depuis. J’en évoquerai quelques-uns tout à fait intéressants, qui sont autant de garanties pour les citoyens de ce pays : la liberté d’association, en 1971 ; la liberté de l’enseignement, principe auquel nous sommes, j’imagine, très attachés sur tous nos bancs ; la liberté individuelle ; le respect du droit de la défense ; l’indépendance et la compétence de la juridiction administrative au sommet de laquelle se trouve le Conseil d’État, faut-il de le rappeler, madame la garde des sceaux, vous qui avez traité de factice son avis ; l’indépendance des enseignants chercheurs ; la compétence de l’autorité judiciaire en matière de protection du droit de la propriété.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3852.

    M. Xavier Breton. Je rappelle que nous en sommes à l’article 4 qui est l’article-balai. Pourquoi en discutons-nous particulièrement ? Parce que le rapporteur et la commission ont jugé bon de le créer, tenant compte des réactions de la société à la volonté de supprimer les mots « père » et « mère » de beaucoup d’articles de nos codes.

    S’il y a eu une réaction de la société, c’est qu’il y avait dans le texte une négation de l’altérité sexuelle. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné cet aspect : « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux ».

    Il me semble important de nous arrêter sur les termes qui ont été choisis. Ce que dit le Conseil d’État, c’est que ce projet de loi remet en cause un élément fondateur. Il s’agit non pas, comme vous tendez à nous le faire croire depuis le début, d’une ouverture de droits qui ne changerait rien par rapport à la situation existante, mais d’une remise en cause complète. S’il s’était agi d’une simple ouverture, il y aurait eu maintien de l’altérité sexuelle et création de nouveaux droits. Or il s’agit ici d’une révolution complète.

    Attachons-nous donc au sens des termes choisis par le Conseil d’État. C’est un choix de faire cette révolution. Simplement, vous ne pouvez pas mentir aux Françaises et aux Français. Ils sentent bien qu’il ne s’agit pas d’une simple ouverture de droits supplémentaires. Quand les sondages posent la question aux Françaises et aux Français : « Les personnes de même sexe doivent-elles avoir le droit de ? », il leur est difficile de dire non. Il faut vraiment avoir des convictions ancrées pour refuser. Si la question portait sur les droit des enfants, nul doute que les réponses seraient différentes.

    Cette remise en cause d’un élément fondateur du mariage nous montre bien que nous avons affaire non pas à une simple ouverture de droits mais à une remise en cause totale. C’est le Conseil d’État qui nous le dit. Encore une fois, nous aimerions que Mme la garde des sceaux nous dise quelle est la position du Gouvernement sur cet avis du Conseil d’État.

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

    M. Christophe Guilloteau. Bien sûr, le groupe UMP votera en faveur de ces amendements.

    J’aimerais revenir sur les propos du garde des sceaux qui a mis en cause notre collègue Philippe Meunier, qui est désormais absent. J’imagine qu’il est rentré à Lyon pour donner l’avis du Conseil d’État à M. Muet.

    Madame la ministre, en vous écoutant, je pensais au dernier violon du Titanic qui jouait tout seul alors que le bateau sombrait. Cette petite musique sera peut-être accompagnée d’un ressac qui vous emmènera dans les abîmes comme vous avez emmené dans les abîmes Lionel Jospin en 2002. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2235, 2434, 2769 et 3852.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 146

    Nombre de suffrages exprimés 146

    Majorité absolue 74

    Pour l’adoption 38

    Contre 108

    (Les amendements identiques nos 2235, 2434, 2 769 et 3852 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, j’interviens au titre de l’article 58, alinéa 1.

    Pour assurer le bon déroulement de nos débats, nous avons à plusieurs reprises interrogé Mme la ministre au sujet de l’avis du Conseil d’État. Cela fait plus d’une heure que certains d’entre nous attendent une réponse mais aucune ne nous est donnée.

    Nous voulons maintenant savoir quelle est la position du Gouvernement sur cette question. En l’absence de réponse, j’estime que la sérénité des débats est affectée.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n°2243.

    M. Dominique Tian. Je vais maintenant aborder un sujet qui n’a pas encore été soulevé depuis le début de nos débats (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste) : madame la ministre, pourrions-nous avoir l’avis du Conseil d’État ? (Rires.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°2435.

    M. Philippe Gosselin. Je pourrais vous refaire le coup de Lapérouse : « A-t-on des nouvelles du Conseil d’État ? » (Rires sur plusieurs bancs.) Manifestement, non.

    Je reviens donc à cette excellente universitaire, maître de conférences en droit privé, spécialiste du droit de la famille, et à sa magnifique conférence du 15 novembre 2012 grâce à laquelle je sais avoir réussi à capter l’attention de quelques membres de cette assemblée, notamment du côté des Verts.

    Revenons au cas que j’évoquais tout à l’heure : « Si l’on prend l’exemple le plus typique, celui où un couple de femmes s’est arrangé avec un couple d’hommes pour avoir des enfants croisés, ces quatre personnes se considèrent les unes les autres comme parents à égalité de leurs enfants croisés. Le plus souvent, il y a deux enfants qui sont chacun l’enfant biologique de l’un des hommes et de l’une des femmes. Et ces quatre personnes qui se sont investies dans le projet parental se considèrent chacune comme parent à part entière ».

    Sur quels critères objectifs les juges vont-ils départager les revendications de ces quatre personnes sur un même enfant ?

    M. Jean-Patrick Gille. Cela s’appelle le projet parental !

    M. Philippe Gosselin. Oui, mais vous allez voir la suite : ça déstructure totalement !

    Dès lors que la référence à la biologie est abandonnée – et je fais évidemment mienne cette interprétation – pour intégrer le concept de parents de même sexe, la parenté sociale, alors se repose la question : comment un juge pourra-t-il départager objectivement les candidats à la parenté sociale ? Nous sommes dans la parenté sociale !

    Si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parents d’un même enfant, elles ne sont plus l’homme et la femme à l’origine de l’enfant ; C.Q.F.D. Cela veut donc dire, et j’en termine, madame la présidente, que la filiation n’est plus définie en relation avec l’enfantement, qu’il soit réel ou symbolique par le biais de l’adoption,…

    Plusieurs députés du groupe SRC. Cela fait deux minutes !

    M. Philippe Gosselin. Je terminerai plus tard : c’est vrai qu’on n’est pas pressé… Mon amendement est défendu, madame la présidente !

    Mme la présidente. Je l’avais bien compris, monsieur Gosselin.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3854.

    M. Xavier Breton. Avec cet amendement sur l’article 4, nous revenons encore une fois sur votre décision de nier l’altérité sexuelle et de la remettre en cause comme élément fondateur de l’institution du mariage – je cite le Conseil d’État.

    Le Conseil d’État indique qu’un tel changement apportera de grandes modifications dans des législations, qui ont été insuffisamment appréhendées dans l’étude d’impact, j’ai déjà eu l’occasion de le dire.

    Maintenant, je voudrais m’attacher à la phrase qui dit « dans l’ordre pratique comme dans l’ordre symbolique ». Ces modifications sont en effet importantes dans l’ordre pratique comme dans l’ordre symbolique.

    Nous sommes tous attachés et à l’ordre pratique, parce que c’est notre vie concrète, notre vie quotidienne, et à l’ordre symbolique, parce que notre société vit autour de symboles. Le Conseil d’État estime que cela a été insuffisamment appréhendé par l’étude d’impact, mais j’imagine que, tant le Gouvernement, qui a rédigé ce projet de loi, que le législateur de la commission des lois, ont dû évaluer ces changements dans l’ordre pratique comme dans l’ordre symbolique.

    Avec l’altérité sexuelle, nous sommes au cœur du débat sur le mariage. Il y a la question de la filiation, nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard ; mais concernant le mariage, il s’agit bien d’altérité sexuelle.

    Quels sont les changements dans l’ordre pratique et dans l’ordre symbolique causés par cette remise en cause de l’altérité sexuelle ? Nous attendons vos réponses. De plus, quels seront les bienfaits pour la société ? Cela créera-t-il au contraire des risques ? Ce sont autant de questions que se posent nos compatriotes, qui sentent bien qu’il y a là une réforme de civilisation, pour reprendre les termes de Mme la garde des sceaux. Je n’imagine pas que vous faites une telle réforme sans en avoir évalué les impacts.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2243 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, madame la présidente.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé. À trois heures et quart du matin, les députés de l’opposition sont amenés à citer certains députés de la majorité pour que vive le débat.

    Je voudrais par conséquent citer notre collègue Jérôme Lambert, qui dans un entretien accordé au journal La Croix à la fin du mois de janvier, disait ceci : « Ce qui me pose problème, c’est la filiation. Comme l’avait bien expliqué Élisabeth Guigou au moment du débat sur le PACS, créer de toutes pièces une double filiation avec deux parents de même sexe est une mauvaise solution. Pour une raison simple : cela heurte un principe de réalité. Un être humain ne peut pas naître de la rencontre de deux femmes ou de deux hommes.

    Cela ne veut pas dire que des couples homosexuels ne peuvent pas élever des enfants, mais il faut distinguer la filiation et la parentalité. (…) J’estime que notre société doit préserver la filiation fondée sur l’altérité sexuelle : c’est un symbole, une référence. »

    Cela pourrait être l’exposé des motifs des amendements que l’UMP défend inlassablement devant vous. Je regrette que Jérôme Lambert n’ait pas eu la faculté de s’exprimer, puisque la pratique la plus courante sur les bancs de la majorité semble être plutôt le choix d’un silence réprobateur.

    M. Christian Jacob. Très belle expression !

    Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2243, 2435 et 3854.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 140

    Nombre de suffrages exprimés 140

    Majorité absolue 71

    Pour l’adoption 34

    Contre 106

    (Les amendements n° 2243, 2435 et 3854 ne sont pas adoptés.)

    Plusieurs députés du groupe SRC. Et voilà !

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2248.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a certainement beaucoup de députés UMP en commission, madame la présidente ; nous allons les rappeler immédiatement pour qu’ils viennent grossir nos rangs dans cet hémicycle.

    Cet amendement vise l’article 448 du code civil concernant les fonctions de curateur et de tuteur. Bien entendu, il est défendu, étant dans le même esprit que les amendements précédents.

    Je voudrais apporter à notre assemblée une information intéressante, que je dois au tweeto Onésim, qui nous entend peut-être. Il n’a rien d’un psychanalyste, mais il vient de signer en ligne la pétition lue tout à l’heure par Mme la ministre de la famille à l’Assemblée. Il est devenu le 1826ème signataire – il y a d’ailleurs un 1827ème signataire, dont le nom n’est pas tout à fait habituel ou usuel.

    Il faut donc se méfier, madame la ministre, quand on appelle à son secours le nombre impressionnant de signataires d’une pétition, quand par ailleurs celle-là ne semble pas tout à fait sécurisée concernant les compétences des signataires qui peuvent s’y associer.

    Je répète donc que la pétition que vous avez lue tout à l’heure a son poids ; elle est sans doute initiée par des gens qui sont compétents, cela ne fait pas de doute. Mais elle n’emporte pas la totalité du débat, elle ne supprime pas les contradicteurs et en plus, elle semblerait souffrir d’une sécurité informatique douteuse.

    L’amendement est défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2248 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2519.

    M. Philippe Gosselin. Pour en revenir à la suite de nos débats sur la filiation, et pour ceux qui suivent encore à cette heure tardive, nous en arrivons bientôt au meilleur. Si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parents d’un même enfant, elles ne sont plus l’homme et la femme à l’origine de l’enfant – évidemment.

    La filiation n’est plus définie en relation avec l’enfantement, qu’il soit réel ou symbolique, comme dans le cas de l’adoption. La filiation se retrouve dès lors réduite à une relation d’affection, d’amour, d’éducation, de culture, c’est-à-dire à autre chose que de la filiation biologique, bien évidemment.

    Tout adulte investi dans le projet éducatif au sens large, qui intègre notamment les éléments affectifs, pourra alors réclamer la reconnaissance de sa qualité de parent. Puisqu’il ne sera pas possible de départager les différents candidats à la parenté, on allongera donc le nombre de parents.

    On en revient ainsi à un commentaire fait par M. le rapporteur lors d’une précédente séance, qui semblait trouver acceptable de compter jusqu’à quatre parents. Pourquoi pas cinq ou six, puisque plusieurs personnes peuvent très bien se sentir investies d’une reconnaissance d’une qualité de parent, au sens éducatif du terme ?

    Plusieurs députés du groupe SRC. Deux minutes !

    Mme la présidente. Merci, monsieur Gosselin.

    M. Philippe Gosselin. C’est fini ?

    Mme la présidente. Oui, c’est déjà fini.

    M. Philippe Gosselin. Déjà ? C’est très court ! J’y reviendrai, madame la présidente, soyez sans crainte !

    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2780.

    M. Marc Le Fur. J’en reviens aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, car je n’avais pas achevé la lecture de la liste de ces grands principes.

    L’ultime principe est cher à l’un de nos amis, notre collègue Hetzel, car il porte sur la reconnaissance des spécificités du droit alsacien mosellan.

    Dans cette liste, il y a donc des choses très importantes, et d’autres qui le sont moins. Le mariage, évidemment, s’il figurait dans cette liste, ferait partie des choses les plus importantes.

    Quelles sont les conditions, me direz-vous, posées par le Conseil constitutionnel pour être reconnu comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le principe doit tout d’abord présenter un caractère fondamental : cela est tout à fait majeur et, sans qu’il soit nécessaire de le démontrer, le mariage, l’union, le couple font partie de ces éléments à caractère fondamental.

    Ce principe doit de plus être réaffirmé de façon constante par les lois républicaines avant l’adoption de la Constitution de 1946. On ne reconnaît plus de principe fondamental à partir de textes postérieurs à cette Constitution – vous notez, monsieur Le Borgn’ ? Je vous sens fatigué ! Il note, c’est bien.

    Autre caractéristique : ce principe doit avoir été élaboré par une loi républicaine, on peut le comprendre. C’est le cas du code civil, élaboré au temps du Consulat ; s’il avait été adopté au temps de l’Empire, le problème se serait certainement posé différemment.

    Telles sont les trois conditions qui sont à l’origine de la reconnaissance de ces principes.

    Un député du groupe SRC. Aucun rapport avec le sujet !

    M. Marc Le Fur. Si, nous sommes dans le sujet ! Le sujet est de savoir si l’altérité homme-femme est la condition pour être reconnu comme principe fondamental reconnu par les lois de la République.

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Deux minutes, c’est deux minutes !

    Mme la présidente. Merci, monsieur Le Fur ; vous y reviendrez.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3859.

    M. Xavier Breton. Je rappelle que cet amendement porte toujours sur l’article 4, cet article balai créé par amendement, qui pose la question de l’altérité sexuelle puisqu’il entraîne la suppression des mots « père » et « mère » dans de nombreux articles.

    Que dit le Conseil d’État dans son avis ? Je le relis : « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes, etc. »

    Cela a vraiment une portée majeure. Pour quelle raison ? Je vais reposer la question, qui encore une fois peut paraître absurde, du mariage à plus de deux personnes. Le premier à l’avoir posée est notre collègue Hervé Mariton, lors de l’examen des lois de bioéthique.

    J’ai posé cette question lors des auditions à différents militants favorables à cette loi, je l’ai posée en commission des lois, je l’ai posée aux ministres, et maintenant je la pose à vous tous, mes chers collègues, et si l’un d’entre vous a la réponse, cela nous intéresserait. Cette question est simple : à partir du moment où l’on ne fonde pas le mariage sur l’altérité sexuelle, c’est-à-dire une femme et un homme ou un homme et une femme, qu’est-ce qui empêchera trois personnes de se marier ? Rien.

    En effet, si cela n’a pour but que de répondre à des désirs d’adultes, à la capacité à s’aimer mutuellement et à élever un enfant, rien ne l’empêchera.

    Je n’aborderai pas le sujet de la polygamie, parce que cela serait un dérapage, et je ne souhaite surtout pas aller sur ce terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non, parce que ce n’est pas la question !

    Un député du groupe SRC. On s’égare !

    M. Xavier Breton. Je me limite à trois personnes – trois hommes ou trois femmes, ou encore des bisexuels qui aiment à la fois un homme et une femme.

    Encore une fois, cette question se pose, et la seule réponse que j’ai obtenue, d’ailleurs passionnante, vient de notre collègue Roman, qui dit qu’un mariage se fait avec deux personnes puisqu’on a écrit le mot « deux ». D’accord, c’est une bonne réponse ; mais pourquoi écrivez-vous « deux », et pourquoi pas plus ?

    Non, je n’ai pas posé la question de l’inceste, même si elle a été posée par des psychanalystes. Moi, je ne l’ai pas posée.

    Et je ne parle pas non plus de polygamie, mais de trois personnes. Si vous le permettez, madame la présidente…

    Mme la présidente. Non !

    M. Xavier Breton. Non ? Eh bien, je reviendrai tout à l’heure !

    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

    M. Philippe Cochet. Je suis atterré d’entendre les ricanements de la majorité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est vraiment déplorable !

    Nous sommes actuellement en train de discuter d’un sujet majeur, et vous ricanez : c’est dramatique ! Vous rendez-vous compte de la situation ?

    Aujourd’hui, l’honneur des orateurs du groupe UMP, c’est qu’ils posent de vraies questions. Vous, en revanche, que faites-vous ? Une chape de plomb pèse sur vous, et vous devez respecter le contrat, car vous avez un pistolet braqué sur votre tempe, qui vous rend incapables de prendre votre liberté de vote.

    Je veux rendre hommage à Mme Laclais qui a le courage de s’affranchir de cela, ainsi qu’à M. Jérôme Lambert. On peut les applaudir car ils ont vraiment des convictions, ils vont jusqu’au bout et je pense qu’ils font honneur à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mesdames, messieurs de la majorité, continuez à ricaner, le peuple de France va continuer à se lever. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    M. Razzy Hammadi. Il s’est levé le 6 mai !

    M. Philippe Cochet. Je félicite l’ensemble de l’équipe qui organise la Manif pour tous. Nous aurons bien évidemment rendez-vous le 24 mars, à Paris. Je pense que vous ricanerez un peu moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2248, 2519, 2780 et 3859.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 141

    Nombre de suffrages exprimés 141

    Majorité absolue 71

    Pour l’adoption 38

    Contre 103

    (Les amendements identiques nos 2248, 2519, 2780 et 3859 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

    M. Christian Jacob. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, pour réunir mon groupe.

    Mme la présidente. La suspension de séance est de droit.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à trois heures trente, est reprise à trois heures quarante.)

    Mme la présidente. La séance est reprise.

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2252.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit toujours des curateurs et des tuteurs. Mon argumentation sera la même que pour l’article 409 du code civil. En effet, s’agissant de l’article 449, l’amendement-balai est sans objet.

    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 3860.

    M. Xavier Breton. Je voudrais poursuivre mon intervention de tout à l’heure sur la remise en cause de l’altérité sexuelle comme élément fondateur de l’institution du mariage, pour reprendre les propres termes de l’avis du Conseil d’État.

    Nos compatriotes peuvent se demander ce que nous faisons, à trois heures quarante du matin (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. De l’obstruction !

    M. Xavier Breton. …sur un texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe alors qu’il y a d’autres urgences économiques et sociales. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

    Mais s’ils nous regardent, je suis sûr qu’ils seront intéressés de voir qu’un député qui demande aux ministres pourquoi on limite le mariage à deux personnes n’obtient aucune réponse. Pour ma part, j’estime que c’est l’altérité sexuelle, et je crois que la réponse que je donne est partagée par nombre de mes collègues.

    M. Dominique Le Mèner. Bien sûr !

    M. Xavier Breton. L’altérité sexuelle, cela veut dire un homme et une femme.

    Je comprends tout à fait que vous ne soyez pas d’accord avec cette réponse, mais, dans ce cas, expliquez-nous quelle est votre conception du mariage. Il ne s’agit pas d’un point anecdotique, et nous pouvons passer toute la nuit à en parler, car nous sommes vraiment au cœur du sujet.

    Pour vous, il s’agit seulement de répondre à la demande sociétale d’un lobby ultraminoritaire.

    Je crois que ce sujet renvoie à nos conceptions intimes, dont chacune est respectable. Il n’y a pas les bons d’un côté, et les méchants de l’autre. Je ne voudrais pas que ma vision soit taxée de réactionnaire ou de manichéenne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai seulement l’impression qu’il y a, d’un côté, ceux qui ont des conceptions, et de l’autre, ceux qui n’en ont pas.

    Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

    M. Xavier Breton. Je reviendrai plus tard sur ce sujet.

    Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 2252 et 3860, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc.

    M. Étienne Blanc. À cette heure tardive, ce qui apparaît cruellement, c’est le silence du groupe SRC, le silence du Gouvernement, le silence du rapporteur.

    M. Sergio Coronado. Le silence est d’or ! (Sourires.)

    M. Étienne Blanc. Sur un sujet majeur comme celui-ci, le débat aurait pu être d’un très bon niveau, comme vient de le dire M. Breton. Mais vous préférez l’esquive, le silence, sous l’autorité et la tutelle des commissaires politiques (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste) qui interdisent aux socialistes et aux écologistes de s’exprimer. Mais c’est habituel, on l’a déjà vécu.

    Vous avez aussi beaucoup usé du mensonge pendant tout ce débat. Vous n’avez pas dit la vérité, ni sur la GPA ni sur la procréation médicalement assistée. Vous avez tellement menti que même le Président de la République et le Premier ministre ont dû jouer les arbitres. Vous mentiez tellement qu’il a fallu qu’une autorité dise la vérité.

    S’agissant de la fameuse affaire du Conseil d’État, madame la garde des sceaux, dans un débat politique aussi lourd, c’est un peu comme dans un débat judiciaire, il faut appliquer quelques règles et quelques principes dont vous êtes totalement démunis. Et il en est un, c’est l’égalité des armes. Je suis persuadé que la décision du Conseil d’État contient toute une série d’éléments qui appellent l’attention sur les conséquences dommageables, incalculables et insoupçonnées des modifications que vous apportez au code civil. Je suis convaincu que la décision du Conseil d’État comprend des arguments forts et massue qui montrent que vous vous trompez juridiquement. Vous l’avez communiqué à votre famille politique, mais vous avez refusé de le donner à l’opposition. En cela, vous avez profondément tronqué le débat qui aurait pu être d’une très grande et très belle qualité.

    Vous détruisez le code civil avec des manœuvres et des artifices qui ne sont pas dignes de notre République et de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements nos 2252 et 3860.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 112

    Nombre de suffrages exprimés 112

    Majorité absolue 57

    Pour l’adoption 29

    Contre 83

    (Les amendements nos°2252 et 3860 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

    M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, je crois qu’au cours des derniers jours, déjà, le président Bartolone est intervenu en indiquant qu’il y avait une éthique dans cet hémicycle, et que cette éthique voulait que chacun d’entre nous se contente d’appuyer sur son propre bouton. Je viens à l’instant même de constater qu’un collègue n’avait pas respecté cette règle. Je trouve cela parfaitement regrettable, et je souhaiterais que, dorénavant, les choses soient claires et que chacun d’entre nous respecte scrupuleusement cette règle. Sinon, cela crée de la suspicion. Le président Bartolone a indiqué lui-même que, bien entendu, il y a une majorité et une minorité, mais nous nous devons d’être exemplaires : nous sommes la représentation nationale. Je vous demande d’indiquer à l’ensemble de nos collègues de respecter scrupuleusement cette règle, sans quoi il y a un problème d’exemplarité.

    Mme la présidente. Je vous confirme qu’à quatre heures moins le quart, l’exemplarité doit être la même que le reste du temps.

    M. Jean-Pierre Barbier. Le Vert est tricheur par nature ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

    La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2258.

    M. Jean-Frédéric Poisson. Mon amendement porte sur l’article 454, madame la présidente, relatif aux curateurs et tuteurs. Je vois que M. de Rugy suit attentivement, je l’en remercie !

    Je ne vais pas développer beaucoup, car c’est la même argumentation que le précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Je vois que M. Alauzet est impatient, et je vais combler son impatience. De nouveau, monsieur le rapporteur, l’amendement-balai est sans objet sur cet article : aucune des dispositions ne s’applique à lui. Viser l’article 454 ne sert donc à rien, ce qui crée un soupçon sur l’efficacité de cette méthode. L’amendement est ainsi défendu, madame la présidente.

    Mme la présidente. Sur les amendements nos 2258 et 3862, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n 3862.

    M. Xavier Breton. Merci, madame la présidente. Je voudrais poursuivre mon propos sur la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d’articles de notre droit, ce qui constituait une négation de l’altérité sexuelle, une « remise en cause » comme le dit le Conseil d’État, avec cette question : pourquoi limiter le mariage à deux personnes ?

    Vous savez qu’il y a maintenant un mot pour désigner le couple à trois : le mot « trouple ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il y a d’ailleurs des sites à ce sujet, je vous invite à les visiter, comme trouple.fr qui dit ceci : « L’objet de ce site est de présenter l’amour à trois. Il s’agit de parler de sentiments. Le fait d’aimer deux personnes qui s’aiment aussi est une alternative à la norme des couples… ». Cela doit vous plaire…

    Nous sommes dans un pays où c’est permis, nous sommes un pays de liberté. Cela fait rire Mme la ministre de la famille, Mme la ministre qui « fait famille »…

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous êtes ridicule.

    M. Xavier Breton. C’est votre rire qui est ridicule, madame la ministre. Quand vous dites « faire famille », comment direz-vous non à ces trouples qui demanderont à se marier – puisque eux aussi « font famille » ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    C’est cela, la vraie question. Répondez, allez au fond des choses, nous attendons votre réponse.

    Je comprends vos conceptions, je ne les partage pas et même je les combats, mais il faut que vous les exposiez et que vous répondiez. Nous avons une raison de dire qu’un mariage, c’est deux personnes, et même un homme et une femme, parce que nous le fondons sur l’altérité sexuelle.

    Trois personnes qui s’aiment, nous le concevons parfaitement. Quand elles vont venir devant vous en disant : « Vous aurez nos voix si vous faites passer le mariage à trois », qu’allez-vous leur répondre ? Est-ce que vous allez reconnaître le mariage à trois ou est-ce que vous allez refuser ? Vous allez peut-être refuser en vous disant : « C’est une archi-minorité, ce n’est pas intéressant ! » Belle conception de la politique !

    Nous, nous avons une autre conception. Votre silence est assourdissant. On voit bien que vous n’avez aucune conception du mariage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la présidente. Votre temps de parole est largement dépassé, monsieur le député.

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable aux « trouples », madame la présidente.

    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

    M. Yves Fromion. Au mariage à trois ?

    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

    M. Daniel Fasquelle. Monsieur Binet, quand vous dites que les homosexuels font des enfants, vous justifiez la GPA, la PMA et toutes les dérives que mes collègues et moi combattons. Non, les couples homosexuels ne font pas d’enfants : ils peuvent accueillir ou élever des enfants, ils ne les font pas. Vous ne pouvez pas dire une chose pareille.

    C’est extrêmement grave, et cela permet de pointer les divergences qu’il y a dans votre camp et qui ne cessent d’apparaître de façon éclatante depuis quelques jours. On le voit sur la gestation pour autrui : il y a des ministres qui sont pour, il y a des ministres qui sont contre, il y a des députés qui sont pour, il y a des députés qui sont contre. C’est vrai aussi pour la PMA.

    Et il y a aussi un certain nombre de députés qui commencent à comprendre qu’aujourd’hui il est très facile d’aller à l’étranger : on va faire une PMA en Belgique, on revient en France, et avec votre projet de loi il y aura une double filiation définitive, verrouillée, si bien qu’on ne pourra plus jamais établir la filiation avec son père ou sa mère naturelle.

    Idem pour la gestation pour autrui : votre circulaire, madame le ministre, que vous le vouliez ou non, encourage la GPA à l’étranger. C’est une reconnaissance de la gestation pour autrui en France quand elle est réalisée à l’étranger. Là aussi, il sera très facile d’aller sur Internet, de commander une mère porteuse aux États-Unis, puis de revenir en France : par le mariage, on pourra verrouiller la filiation des deux côtés.

    Tout cela est extrêmement grave et vous avez tort de le prendre avec le sourire ou avec désinvolture, comme vous le faites depuis le début.

    Vous n’avez pas voulu de référendum, vous n’avez pas voulu de débat dans le pays, parce que s’il y a un consensus sur la nécessité de mieux reconnaître les couples homosexuels, s’il y a un consensus pour mieux garantir les droits des enfants qui sont élevés dans des familles homosexuelles, il n’y a pas de consensus pour mettre en place ce que vous mettez en place, c’est-à-dire la coupure définitive avec le père ou la mère naturels.

    Eh oui, madame Bertinotti, comment osez-vous vous présenter devant nous alors que vous préparez un avant-projet de loi sur la famille ? Il aurait fallu avoir un débat global.

    Cela vous fait sourire, mais c’est du mauvais travail. Nous ne légiférons pas dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements nos 2258 et 3862.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

    Nombre de votants 134

    Nombre de suffrages exprimés 134

    Majorité absolue 68

    Pour l’adoption 39

    Contre 95

    (Les amendements nos 2258 et 3862 ne sont pas adoptés.)

    2
    Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

    Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

    La séance est levée.

    (La séance est levée, le jeudi 7 février 2013, à trois heures cinquante-cinq.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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