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lundi 15 janvier 2018

Séance du 9 avril 2013

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE CARLE

vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
Mme Michelle Demessine.
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
QUESTIONS ORALES

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
DROITS DE PLANTATION

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 169, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, sur proposition de la Commission européenne, la réforme de l’organisation commune de marché vitivinicole prévoyait la libéralisation des droits de plantation à compter du 1er janvier 2016.
La suppression de cet outil essentiel de régulation du secteur du vin a provoqué de vives inquiétudes dans l’ensemble de la filière viticole française, qui redoutait en particulier de perdre la maîtrise de l’offre et de subir par conséquent une dévalorisation des zones d’appellation ainsi qu’une baisse des prix.
Cette situation explique la forte mobilisation des élus des territoires concernés en faveur du maintien de ce régime d’encadrement des plantations de la vigne. Du reste, une étude de l’assemblée des régions européennes viticoles, ou AREV, a démontré que la suppression de ce dispositif ne permettrait à la viticulture européenne ni d’être plus compétitive ni de mieux répondre aux évolutions de la demande mondiale.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer tout particulièrement la détermination et le volontarisme dont vous avez fait preuve sur ce dossier, en particulier en obtenant l’accord de treize autres pays producteurs pour la création d’une « plateforme commune » établissant la nécessité d’une régulation du potentiel de production viticole.
Les recommandations présentées le 14 décembre dernier par le groupe à haut niveau, ou GHN, ont suscité un certain soulagement dans la mesure où elles vont dans le sens de cette plateforme et reprennent l’essentiel des demandes exprimées par les viticulteurs européens.
Le consensus atteint par les ministres de l’agriculture dans le cadre des négociations sur l’avenir de la PAC est donc satisfaisant. À cet égard, je souligne que ce compromis est largement inspiré des recommandations du GHN, lesquelles sont fondées sur un système d’autorisations de plantation.
Toutefois, les viticulteurs français souhaitent une amélioration de ce dispositif, concernant surtout sa durée, laquelle est actuellement limitée à six ans, et le plafond annuel de plantations nouvelles qu’ils souhaitent voir porté de 1 % à 0,5 %.
Ces demandes ont-elles une chance d’être acceptées ? Plus globalement, sommes-nous proches d’un accord final garantissant un régime pérenne et efficace de régulation du secteur du vin en Europe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, cher Michel Teston, vous avez souligné mon engagement et celui du Gouvernement tout entier sur la question des droits de plantation.
Je me suis effectivement saisi de ce dossier dès mon arrivée au ministère de l’agriculture, en visant l’objectif suivant : rassembler le plus grand nombre de pays producteurs viticoles afin de créer une plateforme viticole commune, et de revenir ainsi sur une décision prise entre 2007 et 2008. Il ne s’agissait pas, je le souligne, d’un enjeu anodin dans l’histoire de la PAC ! Il faut en mesurer toute la portée.
Du reste, les résistances exprimées remettaient en cause la pertinence même de la décision de suppression des droits de plantation : ce choix revenait en effet à considérer que l’Europe avait un potentiel de développement à l’exportation pour le vin, et que nous devions partant étendre notre vignoble pour conquérir de nouveaux marchés, dans une logique très libérale. Revenir sur cette décision est donc un acte extrêmement fort.
Ensuite, le GHR a remis des conclusions sur la base desquelles le Conseil des ministres de l’agriculture des 18 et 19 mars dernier a statué.
Il a tout d’abord acté le fait que l’on allait revenir sur la décision prise antérieurement. Reste à présent la procédure de trilogue avec le Parlement européen pour finaliser une réforme de la PAC, même si la question des droits de plantation ne se rattache pas directement à celle-ci.
Vous l’avez rappelé, en vertu de la nouvelle réglementation, l’évolution des plantations viticoles sera suivie et maîtrisée. Ce nouveau système entrera en vigueur en 2019, pour une durée de six ans. Nous disposons donc, pour les onze années à venir, d’une structure permettant de réguler le marché du vin. C’est là l’élément essentiel.
Ensuite, se posent les questions techniques que vous avez évoquées.
Concernant le pourcentage d’évolution des surfaces, la Commission, vous le savez, avait proposé à l’origine un taux de 2,5 %. Pour notre part, grâce au rôle extrêmement utile joué par la plateforme des quatorze pays, nous sommes parvenus à réduire ce chiffre à 1 %.
Pouvons-nous aller plus loin ? Aujourd’hui, je vous le dis clairement, je ne veux en aucun cas ouvrir de nouveau le débat, face à ceux qui pourraient être tentés de remettre en cause cet acquis.
Pour l’heure, en ce qui concerne la durée de ce système et le taux d’augmentation des surfaces, le cadre semble donc a priori fixé.
Désormais, tout le débat va porter sur la manière dont nous allons gérer ce dispositif, et en particulier sur les autorisations et la surveillance dont les droits de plantation feront l’objet. En effet, la faculté d’augmenter les surfaces de 1 % reste soumise à une procédure d’autorisation. C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut veiller à ce que la nouvelle réglementation ne conduise pas à une augmentation beaucoup trop forte et trop rapide des droits de plantation. Et c’est ainsi qu’il sera possible de corriger encore le dispositif.
Monsieur le sénateur, telle est la réponse que je tenais à vous apporter. Je le répète, on ne mesure pas assez l’importance de la décision obtenue, annulant un arbitrage qui avait été opéré il y a moins de cinq ans ! Nous sommes revenus de ces négociations avec un objectif et un dispositif qui, à mes yeux, correspondent largement à la position défendue par la France en la matière.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce bilan très précis concernant l’état actuel de cet important dossier.
J’ai bien entendu votre réponse, notamment sa seconde partie. Toutefois, pour limiter les risques toujours possibles d’une libéralisation des droits de plantation à terme, mieux vaut, à mon sens, garantir la régulation la plus pérenne qui soit.
Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour l’ensemble des viticulteurs européens. Je vous demande donc de continuer à œuvrer avec la même détermination pour aboutir à la régulation la plus efficace possible.
INDEXATION DES REDEVANCES EN RÉSIDENCE SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n° 306, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Jean-Jacques Filleul. Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement sur les difficultés financières auxquelles se heurtent les gestionnaires de logements très sociaux, tels que les logements accompagnés, les résidences sociales, les foyers de jeunes travailleurs ou de migrants, autant d’hébergements proposés à des personnes dont les ressources sont si faibles qu’elles ne peuvent accéder à un logement social classique.
Les redevances dont s’acquittent les résidents, composées d’un équivalent loyer et d’un équivalent charges locatives, sont plafonnées via la convention APL. Ce dispositif garantit l’accueil de personnes à faibles revenus.
Depuis 2009, l’indexation de ces redevances est fondée sur le seul indice de référence des loyers, l’IRL. Or cet indicateur ne prend pas suffisamment en compte le poids de l’entretien, de la construction, de l’énergie, des fluides et des services.
Qui plus est, ce mode de calcul n’est pas adapté au secteur des foyers et des résidences sociales, car les charges sont forfaitaires et non récupérables. Il place certes les résidents à l’abri de la précarité énergétique, mais il empêche parallèlement les gestionnaires de couvrir l’augmentation du coût de l’énergie. En effet, le poids des combustibles, de l’eau et de l’électricité dépasse de loin, pour les gestionnaires de foyers et de résidences sociales, les montants accordés sur la base de l’IRL.
De plus, l’augmentation de ces charges comme de celles qui sont liées à l’entretien du logement est largement supérieure à celle de l’IRL. Il est donc indispensable de revenir à un indice composite obtenu au travers de la pondération de l’IRL par les indices « électricité, gaz et autres combustibles » et « services d’entretien du logement », tel qu’il était en vigueur jusqu’en 2008.
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour assurer de manière pérenne la viabilité financière d’un secteur qui, représentant tout de même 180 000 logements, risque de ne plus pouvoir exercer ses missions dans la mesure où il se trouve à la fois contraint par l’augmentation des coûts de l’énergie et empêché de dégager des recettes de gestion suffisantes pour faire face à ses obligations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, la politique du logement doit répondre à toute la diversité des situations, et cette ambition explique l’existence, notamment, des résidences sociales.
Votre question fait référence à la modification de l’indexation des charges qui sont aujourd’hui forfaitisées dans ce type de redevance. Cette décision a été prise pour freiner une augmentation importante du montant des charges que doivent acquitter les personnes logées en résidences sociales, ces dernières figurant parmi les publics les plus fragiles et les plus précaires des personnes occupant actuellement un logement social.
Je ne mésestime cependant pas les difficultés que rencontrent les gestionnaires de résidences face à cette situation. C’est pourquoi nous avons travaillé à réduire la part qui constitue un aléa de fait pour les gestionnaires. Nous devons en effet nous garder de placer les locataires de ces résidences sociales en situation de trop souffrir de l’aléa du coût de l’énergie. Je rappelle d’ailleurs que la maîtrise individuelle des charges n’est pas possible pour ces logements.
En revanche, vous savez bien que, afin de répondre à cette difficulté, la loi qui vise à préparer la transition vers un système énergétique sobre, adoptée définitivement le 11 mars dernier par l’Assemblée nationale, ouvre le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux gestionnaires des résidences sociales. Les sommes correspondantes devront être déduites des redevances des résidents.
Dans ce nouveau contexte, nous réfléchirons au meilleur moyen d’assurer aux gestionnaires un équilibre économique leur permettant de gérer au mieux leurs résidences.
De la même manière, il me semble absolument décisif d’avancer vers une réduction des consommations. À cet effet, l’État a mis en place des dispositifs incitatifs pour la rénovation énergétique du parc social, notamment l’éco-prêt logement social, dont le Président de la République a annoncé voilà quelques jours la relance avec un taux d’intérêt désormais fixé à 1 %. Des travaux massifs d’économies d’énergie pourront donc être réalisés, qui permettront aux gestionnaires de voir diminuer de manière très importante leur consommation.
C’est par cette maîtrise globale de la dépense énergétique, réalisée sans impact trop important sur le budget des personnes fragiles que sont ces résidents, que nous pourrons réaliser la difficile protection conjointe, d’une part, du public sensible aux aléas de l’augmentation des coûts de l’énergie et, d’autre part, des gestionnaires à vocation sociale qui assurent une mission extrêmement utile et doivent trouver les moyens de leur équilibre financier et économique durable.
Cette réflexion est ouverte, elle se fait en lien avec les associations qui fédèrent les gestionnaires, et je ne manquerai pas de vous tenir informé de son avancée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Madame la ministre, cette réponse apporte des éléments qui, ensemble, sont à même de rassurer les différents gestionnaires, et je vous en remercie.
Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, la protection des personnes accueillies et, d’autre part, la situation des gestionnaires. Votre réponse va éclairer un peu les perspectives de ces derniers, dont certains sont en situation de souffrance, comme me l’ont indiqué ceux que j’ai récemment rencontrés dans mon département.
CRÉDITS EN FAVEUR DE LA MODERNISATION DE L’HABITAT DANS LES ZONES RURALES

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 313, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur les préoccupations exprimées par plusieurs élus de mon département à propos de la difficulté de mobiliser des crédits en faveur de la modernisation de l’habitat dans les zones rurales.
Depuis la modification, en 2010, des priorités de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sont désormais privilégiées, en milieu rural, la lutte contre la précarité énergétique des propriétaires occupants, et, pour l’ensemble du territoire, la lutte contre l’habitat indigne dans le parc locatif. La mobilisation du parc vacant et l’amélioration du parc locatif ne sont donc plus traitées que marginalement.
Obtenir un gain énergétique dans les logements constitue, bien entendu, un objectif louable sur le principe, et j’y souscris. Mais il s’avère particulièrement difficile d’atteindre le seuil de 25 % de gain énergétique nécessaire au déclenchement des aides.
Dans la plupart des cas, et en particulier pour des projets modestes, la réforme du régime des aides de l’ANAH se révèle défavorable. Seuls les dossiers présentant des montants de travaux importants sont avantagés par le nouveau régime. Dans un département rural tel que celui de la Manche, il est souvent difficile d’atteindre un tel niveau d’investissement. Il s’ensuit un sentiment de frustration et de déception de la part des propriétaires, sentiment bien évidemment partagé par les élus.
Cette décision est lourde de conséquences, puisqu’elle rend difficile la réalisation d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat, ou OPAH, et supprime ainsi l’outil privilégié des collectivités locales pour lutter contre la vacance en secteur aggloméré. Elle vient donc en contradiction avec le discours général des pouvoirs publics incitant les élus locaux et leurs partenaires à cibler la reconquête des espaces urbains délaissés au cœur des villes et des bourgs, plutôt que de poursuivre la construction et l’urbanisation en périphérie des villes. Je souscris totalement, là encore, à cet objectif, car nous sommes confrontés à ce problème au cœur de nos bourgs ruraux, dans toutes les régions de France.
Cette orientation, reprise et inscrite dans la plupart des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, s’impose aux plans locaux d’urbanisme, les PLU. J’y souscris d’ailleurs totalement dans le cadre du SCOT du pays de la baie du Mont-Saint-Michel, dont je m’occupe. La situation semble donc irrationnelle et génère chez les élus de l’incompréhension, puis du découragement.
Je vous demande donc, au moment où une augmentation des crédits destinés à l’ANAH est envisagée, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour préserver une politique de rénovation de l’habitat dans les zones rurales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, ce n’est pas la première fois que l’on attire ici mon attention sur la situation du logement en zone rurale, et vous pouvez être certain que je suis consciente de ses difficultés spécifiques. En effet, si elle est très différente de la situation dans les zones tendues, elle n’en est pas moins délicate. La situation des centres-bourgs et la dégradation du patrimoine, notamment, dans diverses villes petites ou moyennes, posent problème. Le patrimoine en situation de vétusté thermique est plus important dans les zones rurales que dans les zones urbaines car il est, dans un certain nombre de cas, plus ancien.
Sur ces territoires, l’enjeu est donc de mobiliser le parc privé et de travailler à son amélioration. Les propriétaires occupants éligibles aux aides de l’ANAH sont fortement représentés en milieu rural : 38 % y logent contre seulement 27 % de l’ensemble des propriétaires de maisons de la métropole. Ce sont donc des destinataires importants de ce programme.
Vous avez indiqué qu’il était difficile d’atteindre le seuil de 25 % de gain énergétique par isolation. Je tiens à vous dire que ce n’est pas le cas. L’expérience du programme « Habiter mieux » le montre bien, qui visait tout particulièrement des ménages en grande précarité énergétique et disposant de faibles niveaux de ressources, notamment des personnes âgées. Les principales victimes de la précarité énergétique dans notre pays sont en effet aujourd’hui des propriétaires occupants à très faibles ressources, plutôt âgés, habitant des maisons individuelles datant d’une époque où l’on construisait sans se préoccuper des questions d’isolation.
Or, le taux moyen d’économies d’énergie réalisées grâce à ce programme atteint 39 %, au lieu des 25 % exigés par l’ANAH. Nous devons donc être réalistes et travailler sur l’ensemble des clés permettant la rénovation de ce patrimoine, en particulier la clé financière, avec l’amélioration du programme de rénovation thermique annoncée par le Président de la République, qui, en plus des aides classiques issues du crédit d’impôt développement durable ou de l’éco-prêt à taux zéro, va se voir adjoindre une prime d’aide à la rénovation de 1350 euros qui concernera les deux tiers de la population française et pourra atteindre 3 000 euros pour les personnes les plus précaires.
Cet effort se double d’un travail sur l’amélioration de l’habitat, avec les dispositifs existants utilisés par nombre de collectivités locales qui permettent de s’attaquer à la rénovation du patrimoine ancien en centre-bourg, souvent délaissé aujourd’hui – je partage totalement votre avis sur ce point. Cette situation provoque l’apparition de « dents creuses » et l’abandon de certains petits quartiers de centre-bourg, alors même que se poursuit l’artificialisation des sols et la construction de quartiers en périphérie.
Il me semble donc très important, pour l’amélioration de la vie de ces territoires et de ces bourgs ruraux, de mieux prendre en compte ces questions. Cela se fera également dans le cadre de la future loi relative au logement et à l’urbanisme que j’aurai l’occasion de venir présenter ici dans quelques semaines.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, je prends acte de vos réponses, et j’attends de tester sur le terrain leur efficacité concrète. Je note également la perspective de la loi que vous nous présenterez dans quelques semaines.
En ce qui concerne les propriétaires occupants, j’admets avec vous que leur situation est financièrement plus confortable ; je vous signale néanmoins qu’une grande part de biens situés dans les bourgs ruraux est entre les mains de propriétaires bailleurs. Ce secteur pose un problème considérable car, dans les zones rurales, la génération qui est en train de disparaître avait thésaurisé et investi dans la pierre. Aujourd’hui, de nombreux biens sont totalement laissés à l’abandon parce que leurs propriétaires bailleurs ne peuvent pas réaliser d’opération de rénovation à peu près équilibrée. En effet, en zone rurale, le montant des loyers ne le permet pas, au regard de cet objectif de lutte contre la précarité énergétique qui, encore une fois, est particulièrement louable.
Mais cette orientation, vertueuse et louable sur le papier, reste très difficile à mettre en œuvre.
Je suis prêt à partager avec vos services les simulations que nous avons établies avec un certain nombre d’organismes dans le département de la Manche, qui indiquent que nous ne pouvons pas réaliser ces opérations.
La réponse des maires ruraux à cette problématique a souvent été la consommation d’espace, et il n’a donc pas été aisé de mettre en place les SCOT. Nous y sommes parvenus, dans ce territoire il est vrai un peu particulier qu’est la baie du Mont-Saint-Michel, en faisant comprendre aux élus, après de longues négociations, que la consommation d’espace n’était pas la bonne solution.
Nous avons donc besoin en parallèle d’une réponse satisfaisante de l’État afin de mobiliser des crédits pour rénover ces cœurs de bourgs. Il y a là, vous l’avez dit, une qualité particulière du patrimoine qui disparaîtra complètement dans les dix ou quinze ans qui viennent si nous ne réalisons pas ces opérations.
INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET INTERPRÉTATIONS DES DOCUMENTS D’URBANISME

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je souhaite attirer particulièrement votre attention sur la situation que m’ont signalée plusieurs maires de communes des Côtes-d’Armor qui rencontrent des difficultés en matière d’urbanisme.
Ces difficultés relèvent à la fois de l’application de la loi Littoral, de la complexité de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme, ou PLU, liée à l’empilement et à l’enchevêtrement des réglementations, de la montée du juridisme et des recours abusifs, largement facilitée par la complexité précitée, ainsi que de l’interprétation parfois variable par les services de l’État des différents textes applicables, sans oublier celle des juridictions administratives, pouvant aboutir à l’annulation sur des points de détail de documents d’urbanisme représentant un travail d’élaboration considérable entrepris sur plusieurs années.
Si personne ne conteste le bien-fondé de la loi Littoral, il y a lieu de clarifier, par exemple, la notion de continuité de l’habitat, d’ailleurs variable d’un département à l’autre.
Cette notion peut en effet aboutir à des absurdités. Ainsi, une commune dont la limite est très proche du littoral sur une certaine distance, sans toutefois l’atteindre, n’est pas concernée par l’application de la loi Littoral, cependant qu’une autre qui ne le touche que de quelques dizaines de mètres se trouve concernée pour l’ensemble de son territoire alors même que ce dernier s’enfonce de plusieurs kilomètres dans les terres.
Actuellement, une commune bretonne, Plouvien, souhaite céder à sa voisine Tréglenou sa frange littorale afin d’être dispensée de l’application de la loi !
Personne ne conteste sur le fond l’objectif d’une préservation de l’environnement par la conservation des zones humides ou la modération de la consommation de l’espace agricole. Mais, aujourd’hui, l’élaboration d’un PLU doit intégrer les orientations du SCOT, le schéma de cohérence territoriale, veiller à l’application des dispositions du Grenelle 2 et tenir compte de l’existence de zones Natura 2000, ce qui a des conséquences pour tout le territoire communal même si n’est concernée qu’une part très marginale de celui-ci. Il faut même réfléchir à la question de la diminution obligatoire des déplacements, et ce, parfois, dans des communes rurales où il n’existe précisément pas de transports collectifs.
Tout cela a trois conséquences.
La première est la lourdeur de la réalisation d’un document d’urbanisme, qui se traduit par plusieurs années d’études et un coût de plus en plus élevé de l’élaboration de celui-ci.
La deuxième conséquence est la fragilité juridique des documents d’urbanisme, qui sont facilement attaquables, non pas sur le fond mais souvent sur la forme, ce qui débouche sur des annulations.
La troisième conséquence, enfin, est le coût financier qui en résulte : les études sont nombreuses, et il est désormais souvent nécessaire d’avoir recours à un conseil juridique. Ainsi, de nombreuses collectivités font appel à des cabinets d’avocats, sans avoir pour autant la garantie d’être prémunies contre tous les risques.
Madame la ministre, ma question est double : le ministère de l’égalité des territoires et du logement a-t-il conscience de la situation complexe à laquelle sont confrontés les conseils municipaux et les maires en matière d’urbanisme ? Entendez-vous vous-même proposer des moyens nouveaux pour simplifier et sécuriser juridiquement les futurs documents d’urbanisme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez indiqué un certain nombre de difficultés relatives à l’élaboration ou à la mise en œuvre des documents d’urbanisme. Vous partagez, me semble-t-il, mon avis quant à la nécessité de ces documents pour le développement et l’aménagement durable de nos territoires.
Je vous rejoins très clairement sur un point : ces documents doivent décrire un parti pris d’aménagement qui soit la traduction de la vision politique des élus locaux. C’est l’objectif que ceux-ci doivent poursuivre, et c’est là leur force. Cette vision doit être claire et lisible pour les habitants et les usagers.
Concernant la planification opérationnelle, le plan local d’urbanisme doit être explicite sur les espaces et sur la future vocation de ces derniers, notamment ceux qui traduisent des fonctions de continuité écologique, tout en intégrant les prescriptions des SCOT, élaborés à l’échelle plus large du bassin de vie et demain, peut-être, des schémas régionaux.
Voilà pourquoi le futur projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme visera à mettre en cohérence ces différents niveaux de planification, afin de les clarifier et de les simplifier.
Je sais à quel point l’élaboration d’un PLU est aujourd’hui un travail complexe. Il s’agit d’un investissement lourd pour certaines collectivités. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite faire avancer l’idée d’élaborer des PLU au niveau intercommunal. Un certain nombre de collectivités ont déjà commencé à le faire, en partageant une vision de planification à une échelle plus large que l’échelle communale, qui est aujourd’hui celle de la vie de l’essentiel des habitants. Pour répondre à la question très pratique que vous m’avez posée, monsieur le sénateur, cela permet de mutualiser les moyens, en vue d’élaborer les documents d’urbanisme.
Pour ce qui concerne la loi Littoral, elle est aujourd’hui assez largement admise eu égard à l’équilibre qu’elle a trouvé. La règle de continuité est justifiée dans son principe dans la mesure où elle permet de protéger les terrains agricoles et les paysages et de limiter le coût des équipements publics aujourd’hui nécessaires pour toute construction habitable. Les communes littorales ont sans doute des contraintes particulières en matière d’urbanisme, mais elles ont aussi des atouts qu’il convient de mettre en valeur de manière durable.
Il n’est évidemment pas interdit de lever les difficultés qui se posent quant à la complexité des procédures, ni de traiter des points de détail. Mais il ne saurait être question de revenir sur la loi Littoral, qui a subi un certain nombre d’attaques visant à remettre en cause le fondement même de la protection accordée à certaines zones d’entrée du territoire, car celles-ci sont, à notre sens, extrêmement précieuses.
En revanche, le projet de loi que je présenterai prochainement au Parlement comportera un volet dédié à la planification qui visera à mieux articuler les différentes obligations pesant sur les collectivités locales – cela peut être celles de la loi Littoral ou de la loi Montagne – ainsi que les différents niveaux de schémas régionaux ou de planification de plus grande proximité. Il convient de simplifier la procédure pour la rendre plus accessible aux élus locaux et aux habitants et rendre plus évidente la prise en compte de la prescription. Les PLU doivent être de véritables outils au service des politiques menées par les élus.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse et des intentions qui sont les vôtres, avec la poursuite de la réflexion à l’occasion de l’examen, dans quelques semaines, du projet de loi que vous avez annoncé.
Pour autant, à l’heure où l’on aborde, dans d’autres domaines, la question de la simplification des normes, il faut remettre un peu d’ordre, en repensant d’une manière globale les documents d’urbanisme. On a assisté au cours des dernières années à une stratification des règles, avec l’arrivée de nouveaux textes qui sont parfois, comme je l’ai indiqué, interprétés différemment par les services de l’État.
Je considère, moi aussi, que la loi Littoral a joué un rôle positif. Néanmoins, elle contient des notions qui sont tout à fait interprétables. Ainsi, certaines personnes chargées d’appliquer les textes peuvent parfois estimer que la notion de continuité de l’habitat concerne également les « dents creuses » entre les parties habitées. Ce sont ces éléments-là qui viennent polluer la discussion dans les communes et qui aboutissent au résultat que j’ai indiqué.
Dans le département des Côtes-d’Armor, je connais une commune qui en est à son sixième contentieux relatif à des permis de construire annulés, alors qu’ils avaient été attribués de manière tout à fait réglementaire. L’insécurité juridique dans laquelle se trouvent les maires est intenable.
Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen du projet de loi, et j’espère que nous saurons avancer pour résoudre certaines des difficultés que j’ai évoquées.
FORMATION DES MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 373, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je souhaite vivement attirer votre attention, et celle du Gouvernement, sur l’intégration, dans le schéma licence-master-doctorat, ou LMD, de la formation des masseurs-kinésithérapeutes.
Lancée par le processus de Bologne en 1999, voilà quatorze ans, la réforme LMD implique la modification du système d’enseignement supérieur français en vue de créer l’espace européen de l’enseignement supérieur.
Applicable dès la rentrée de septembre 2013, le schéma arrêté au début de l’année prévoit la reconnaissance du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute au grade de licence.
Comme vous le savez, l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a toujours affirmé que la qualité des soins passe nécessairement par une formation de haut niveau et un diplôme universitaire au grade de master. Malheureusement, l’arbitrage du 25 janvier 2013, que vous avez signé conjointement avec Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, ne tient pas compte de ses préconisations.
En effet, par cette décision, le Gouvernement confine la formation professionnelle des masseurs-kinésithérapeutes dans le cadre étriqué des trois années d’études, datant de 1969, sans tenir compte des évolutions enregistrées et de la formation telle qu’elle est aujourd’hui réellement dispensée.
De plus, l’arbitrage proposé n’est pas en adéquation avec le programme défini par le groupe de réingénierie depuis cinq ans.
Il devait s’agir d’une réforme d’envergure, répondant aux évolutions des besoins en matière de santé ainsi qu’aux attentes de longue date des professionnels de santé. Or, n’ayons pas peur des mots, il s’agit ici d’un recul.
Très clairement, il faut procéder à un nouvel arbitrage tenant réellement compte de la réalité de l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute.
Les attentes de toutes les composantes de la profession sont pourtant claires : un master 1 pour l’ensemble des masseurs-kinésithérapeutes et un master 2 pour ceux qui souhaitent poursuivre leur cursus vers des pratiques avancées.
Le master 1 définit un niveau d’autorisation d’exercice cohérent. Il serait dommageable de se priver d’une réforme mettant en phase la profession avec l’évolution du rôle des masseurs-kinésithérapeutes dans le parcours de santé. Le master 2 apportera un complément d’expertise indispensable à la profession et à la société, en conformité avec les nouvelles missions conduites dans le domaine notamment de la coopération.
Vous l’aurez compris, il est indispensable, me semble-t-il, d’élaborer une réforme de la formation initiale permettant de proposer des études conformes aux données actuelles de la science et aux besoins de la population qui garantissent la qualité des soins et la sécurité des patients.
Aussi, quelles mesures envisagez-vous de prendre, madame la ministre, afin de faire rapidement évoluer les choses ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute relève de la compétence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
En vue de son inscription dans le schéma licence-master-doctorat, défini à Bologne, cette formation a fait l’objet d’un premier travail interministériel : la définition des référentiels de compétence par le ministère des affaires sociales et de la santé ; les modalités de la formation et les référentiels retenus par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
L’arbitrage, qui a fait l’objet d’un communiqué de presse le 25 février dernier, apporte des réponses précises aux questions que vous avez posées.
Premièrement, le diplôme d’exercice de masseur-kinésithérapeute sera reconnu au grade de licence, mais obtenu à l’issue d’une formation incluant une première année universitaire qui sera généralisée. Ainsi, les étudiants qui le souhaitent pourront s’inscrire directement en deuxième année de master 2.
L’intégration de l’année de préparation aux études dans le parcours de formation initiale constitue une réelle avancée dans la reconnaissance universitaire et reposera sur une obligation de convention des instituts de formation avec l’université. Cela implique de faire de cette année non seulement une année de sélection et d’orientation, mais aussi une année de formation à part entière.
Deuxièmement, le conventionnement des instituts de formation avec une université sera obligatoire. L’absence de convention entraînera le retrait de l’autorisation de délivrance de la formation.
Troisièmement, l’inscription dans la convention avec l’université devra faire apparaître une offre de master 2 à laquelle les diplômés masseurs-kinésithérapeutes pourront accéder directement. Un travail complémentaire déterminera les champs de pratiques avancées en lien avec l’obtention d’un master.
Le travail à conduire par les deux ministères doit désormais être poursuivi, avec l’objectif d’une mise en œuvre pour la rentrée de septembre 2014. Ce travail sera copiloté dans le respect des exigences liées aux domaines d’intervention de la profession et de préparation des étudiants à leur future condition d’exercice professionnel ainsi qu’à celles qui sont liées à la reconnaissance universitaire.
Enfin, pour information, je vous confirme qu’une mission d’expertise et d’inspection conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche est engagée à la demande de nos deux ministères, avec l’objectif de présenter des recommandations générales relatives au processus d’« universitarisation » des formations initiales des professions paramédicales.
Par ces réponses complètes et – vous l’aurez compris, monsieur le sénateur – le travail qui est actuellement mené, j’espère avoir répondu à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je vous remercie pour toutes les précisions que vous m’avez apportées.
J’ai bien noté que le travail se poursuivait jusqu’en septembre 2014 pour donner en partie satisfaction aux professionnels de santé, et ce dans l’intérêt des malades.
ENREGISTREMENT DE L’INSTITUT SUPÉRIEUR D’OSTÉOPATHIE DE LILLE AU NIVEAU 1 DU RÉPERTOIRE NATIONAL DES CERTIFICATIONS PROFESSIONNELLES

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 375, transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, au moment où notre pays est confronté à un vieillissement croissant, avec près de 13 millions de personnes de plus de soixante ans, l’ostéopathie connaît un très fort engouement et vient d’être reconnue par l’Académie nationale de médecine pour ses vertus thérapeutiques, en vue d’accompagner les médecines traditionnelles.
Cette discipline thérapeutique est sous la responsabilité du ministère de la santé, qui délivre des agréments à des formations supérieures dont les élèves exerceront leur profession au même niveau de responsabilité.
Pourtant, le répertoire national des certifications professionnelles ne loge pas toutes les formations supérieures en ostéopathie à la même enseigne : certaines sont certifiées d’un niveau 1, quand d’autres, malgré leur excellence, le sont d’un niveau 2. C’est notamment le cas de l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille, qui forme depuis 2003 des professionnels avec un haut degré de qualification reconnu.
Les étudiants y suivent un cursus totalisant 4 600 heures d’enseignement, réparties sur cinq ans et demi d’études, en conformité avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui préconise au moins 4 300 heures d’enseignement.
De plus, dans un souci de qualité de l’enseignement au sein de cet établissement, les cours sont dispensés par cinquante-deux enseignants médecins, dont dix professeurs de médecine, huit praticiens hospitaliers et huit anciens chefs de clinique, et un diplôme n’est délivré qu’à quarante à cinquante étudiants par an.
Pourtant, en décembre dernier, la commission nationale de la certification professionnelle, ou CNCP, a décidé l’inscription de cet établissement au niveau 2 du répertoire national des certifications professionnelles.
Alors que cet institut bénéficie depuis 2007 de l’agrément du ministère de la santé, cette classification empêche ses étudiants d’obtenir une équivalence à l’intérieur du système LMD. Ainsi, à la sortie de leurs études, ces étudiants se trouvent dépourvus d’un diplôme ayant une véritable reconnaissance universitaire ; quant à ceux qui, malheureusement, abandonnent la formation avant son terme, ils se voient dans l’obligation de recommencer leur cursus au niveau du baccalauréat.
Cette situation est de nature à décourager les étudiants désireux d’entreprendre des études d’ostéopathie, d’autant plus que cet établissement, pleinement inscrit dans le paysage de santé publique régional, est le seul du Nord – Pas-de-Calais.
Face à la demande croissante des Français pour les soins ostéopathiques, la classification de cet institut au niveau 2 est d’autant moins opportune que les établissements d’enseignement de la discipline, s’ils sont légion, sont peu nombreux à présenter des gages de débouchés professionnels aussi bons que les siens.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour qu’il n’y ait plus deux niveaux de certification délivrés par la commission nationale de la certification professionnelle pour les formations supérieures en ostéopathie ayant reçu l’agrément du ministère de la santé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Michelle Demessine, vous avez appelé l’attention du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la décision de la commission nationale de la certification professionnelle, la CNCP, d’enregistrer la formation de l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille au niveau 2 de la nomenclature, et non au niveau 1 comme le souhaitait cet établissement.
Je rappelle d’abord que la CNCP est composée principalement de représentants des partenaires sociaux, des chambres consulaires, des régions et de tous les ministères concernés, notamment du ministère des affaires sociales et de la santé. Ce ministère a agréé l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille pour qu’il puisse dispenser sa formation, sans pour autant lui accorder le niveau qu’il demandait.
La CNCP procède aux enregistrements selon une procédure et des critères définis par le code de l’éducation. En particulier, elle doit apprécier la notion de certification professionnelle dans sa relation à l’emploi. À cet égard, la logique qui prévaut pour l’ensemble des demandes présentées à la CNCP est qu’un emploi peut être exercé dans des contextes très divers et à des niveaux de responsabilité différents. C’est pourquoi le dossier de demande d’enregistrement doit comporter des référentiels d’emploi, d’activités et de compétences, ainsi que l’état des emplois occupés par les étudiants issus d’au moins trois promotions.
La demande d’enregistrement déposée par l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille en juin 2012 faisait suite à l’avis défavorable formulé par la CNCP, en avril 2011, sur une première demande. À l’issue de l’instruction prévue par les dispositions réglementaires, la CNCP s’est à nouveau prononcée en faveur d’un enregistrement au niveau 2. L’institut a refusé ce niveau d’enregistrement et formulé une demande de recours gracieux, en rappelant notamment son statut, la qualité de ses formateurs et la durée de la formation, ainsi que les relations qu’il entretient avec le centre hospitalier régional universitaire de Lille.
Ces arguments ne pouvant pas être pris en considération dans la procédure de demande d’enregistrement telle qu’encadrée par les dispositions légales et réglementaires du code de l’éducation, ils n’ont pas suffi à convaincre la CNCP du bien-fondé d’un enregistrement au niveau 1.
Il convient également de préciser que le fait d’être agréé par le ministère de la santé pour dispenser la formation d’ostéopathe ne constitue pas une condition d’enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles à un niveau que ce ministère n’a pas lui-même fixé.
Cependant, la CNCP a formulé des recommandations pour améliorer les référentiels proposés et préciser les compétences ; ces recommandations ont fait l’objet d’un échange approfondi entre son président et le responsable pédagogique de l’établissement.
Les arguments avancés pour appuyer une demande d’enregistrement au niveau 1 ne pouvant être retenus et la CNCP ayant rendu son avis conformément au droit, vous comprendrez, madame la sénatrice, que le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne puisse pas, aujourd’hui, répondre favorablement à votre demande. Néanmoins, on note une progression.
Je souhaite donc que, dans les années qui viennent, l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille, lorsqu’il aura terminé le travail en cours, puisse se voir accorder le niveau 1.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je remercie Mme la ministre pour sa réponse très argumentée. J’ai bien entendu les raisons qu’elle a fait valoir, noté son insistance sur les recommandations formulées par la CNCP. J’espère que ces recommandations permettront à l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille d’obtenir finalement le niveau 1. En effet, il s’agit du seul établissement d’ostéopathie dans le Nord – Pas-de-Calais, et nous méritons bien d’avoir une école de niveau 1 !
SITUATION DES ENSEIGNANTS CONTRACTUELS DE LA MICEL EN TURQUIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des enseignants contractuels de la mission de coopération éducative et linguistique, la MICEL, en Turquie.
La MICEL, qui participe à l’excellence de la coopération française en Turquie dans les établissements scolaires, au lycée Galatasaray et à l’université Galatasaray, est actuellement remise en question. En 2009, en effet, elle a mis en place pour les enseignants des contrats à durée déterminée, dits « deux plus deux plus un », dont certains arrivent à terme cette année.
Auparavant, les personnels de la MICEL bénéficiaient de contrats à durée indéterminée ou de contrats renouvelables chaque année. Ces contrats permettaient de répondre aux exigences d’une coopération de qualité nécessitant, de la part des intervenants, un investissement sur le long terme dans les établissements d’enseignement turcs.
En effet, il est indispensable pour un enseignant français venant travailler dans un lycée turc de parvenir à intégrer les spécificités des programmes de ce pays, ce qui n’est possible que progressivement et si les intervenants ont la garantie de pouvoir s’investir dans la durée. C’est grâce à des intervenants disposant d’un temps d’adaptation suffisant que fut bâtie une relation durable et fructueuse avec nos partenaires turcs au quotidien : professeurs, personnels administratifs, élèves et anciens élèves.
La limitation des contrats dans le temps, introduite par le ministère des affaires étrangères en 2009, nuit très gravement à la qualité de notre outil de coopération en Turquie. Aujourd’hui, avec plus de 60 % de contrats « deux plus deux plus un », notre coopération précarise son excellence en précarisant ses intervenants. Ce problème sera de plus en plus sensible et, si rien n’est corrigé, on peut estimer que, d’ici à cinq ans, 100 % des contrats seront des contrats de ce type, c’est-à-dire des contrats précaires.
Consciente de la gravité de la situation, la partie turque a manifesté son inquiétude à plusieurs reprises. Ainsi, le recteur de l’université Galatasaray et la directrice du lycée Galatasaray ont chacun signé une lettre contre ces contrats limités, dont les premiers arrivent à terme en 2013.
Je demande au Gouvernement de revoir la décision de 2009 et de permettre l’allongement des contrats en cours, ainsi que leur transformation éventuelle en contrats à durée indéterminée. Il est paradoxal que les établissements congréganistes labellisés « Éducation France » aient pu cette année répondre à cette exigence de stabilité en obtenant des détachements directs, alors que la coopération publique est confirmée dans la précarisation. En outre, cette évolution n’est pas comprise par nos partenaires institutionnels turcs. Elle doit donc être revue.
J’ajoute que cette révision n’est pas susceptible d’entraîner des conséquences du fait de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet. En effet, comme M. le ministre Laurent Fabius l’a indiqué dans un courrier de juillet 2012, le champ d’application de la loi Sauvadet « étant restreint aux agents engagés sur le fondement de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, les agents recrutés par la MICEL ne sont pas éligibles aux dispositifs de CDIsation et de titularisation par la voie de recrutement réservés » instaurés par la loi du 12 mars 2012.
Ainsi, il n’y a pas de risque pour la MICEL que l’allongement des contrats n’entraîne des conséquences non souhaitées. Dans ces conditions, il ne devrait pas y avoir de blocage à la révision des contrats offerts par la MICEL.
Les personnels de cette mission, qui œuvrent pour la coopération franco-turque, sont aujourd’hui en grève car ils attendent du Gouvernement l’assurance qu’ils disposeront à l’avenir d’un cadre leur permettant d’exercer correctement leurs fonctions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, je vous remercie d’avoir attiré une nouvelle fois mon attention sur la situation des personnels de la MICEL et sur leur souhait de bénéficier de contrats à durée indéterminée.
Je voudrais à nouveau exprimer mon attachement au dispositif intégré Galatasaray, au sein duquel les agents de la MICEL sont principalement affectés. Ce dispositif constitue l’instrument d’excellence de notre coopération éducative et universitaire avec la Turquie.
Monsieur le sénateur, je souhaite insister sur l’effort financier considérable que représente le fonctionnement de la MICEL : 2,9 millions d’euros en 2013, soit 67 % des crédits de coopération alloués au poste, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint que vous connaissez parfaitement.
Je vous rappelle que les agents recrutés par la MICEL, dont je tiens à souligner les qualités pédagogiques et l’engagement au sein du projet, sont liés à cet établissement à autonomie financière par des contrats de droit administratif français. En 2009, il a été décidé de mettre en place des contrats limités dans le temps, dits « deux plus deux plus un », afin de maîtriser les conséquences financières du décret du 19 décembre 2007. Ce décret impose la prise en charge de la part patronale des cotisations pour pensions civiles des personnels titulaires détachés. Or cette charge deviendrait rapidement insoutenable s’il devait s’agir de contrats à durée indéterminée.
Je tiens à préciser que la réforme de 2009, qui a été réalisée en concertation avec les partenaires, visait à faire face à ces nouvelles charges : outre la mise en place de nouveaux contrats, elle s’est traduite par le détachement direct, depuis la rentrée 2012, des enseignants français qui étaient jusqu’ici, au sein de la MICEL, mis à disposition des lycées congréganistes français et de la fondation Tevfik Fikret.
Il reste à ce jour soixante agents à la MICEL, dont cinquante-six enseignants qui bénéficient de trois types de contrats différents : quinze d’entre eux, professeurs non titulaires de l’éducation nationale, bénéficient de CDI ; onze sont des titulaires détachés qui bénéficient de contrats renouvelés annuellement sans limite de temps ; quant aux trente enseignants recrutés après 2009, parmi lesquels onze non titulaires et dix-neuf titulaires détachés, ils bénéficient de contrats à durée déterminée de type « deux plus deux plus un ». Ces derniers ont été parfaitement informés de ces conditions ; ils ont donc signé ces contrats en toute connaissance de cause.
Monsieur le sénateur, je suis informée des revendications des enseignants : bénéficier de CDI et voir pris en charge les frais d’écolage de leurs enfants dans le lycée AEFE d’Istanbul. Certains professeurs se sont mis en grève récemment, le 19 mars et le 4 avril. Deux nouveaux préavis ont été déposés : le premier pour aujourd’hui, comme vous l’avez rappelé, le second pour le 12 avril.
Je n’ignore pas non plus que les autorités turques du dispositif Galatasaray s’inquiètent des conséquences de la durée limitée des contrats, ainsi que d’une perte d’attractivité de ces postes qui pourrait avoir, à terme, un effet négatif sur la qualité du recrutement.
Je déplore sincèrement que les enseignants aient choisi de se mettre en grève alors que le ministère avait dépêché une mission sur place. Cette mission a remis très récemment son rapport, et les directions compétentes de mon ministère préparent actuellement différentes options visant à faire évoluer le dispositif tout en préservant l’excellence de notre coopération éducative et linguistique en Turquie, une excellence qui suppose une certaine mobilité du corps enseignant français. Cette démarche tiendra compte de la contrainte budgétaire et s’inscrira dans un esprit de sérénité et de responsabilité. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir mentionné l’inquiétude de nos partenaires turcs. J’espère que, dans les conclusions des travaux de la mission que vous avez dépêchée sur place, l’importance de mettre en place des contrats qui garantissent la qualité et la pérennité de notre coopération sera reconnue.
La relation franco-turque est importante ; la Turquie est un partenaire essentiel pour notre pays. Notre coopération avec l’université et le lycée Galatasaray est une politique majeure qui a surmonté toutes les tempêtes dans l’histoire de la relation franco-turque. Quelques millions d’euros, ce n’est pas énorme par rapport à l’enjeu que représente cette relation stratégique !
Madame la ministre, il est particulièrement important de mettre au point un dispositif qui réponde aux inquiétudes de nos partenaires turcs et des intervenants au sein de la MICEL. Compte tenu des observations que vous avez formulées et des difficultés que les enseignants rencontrent pour exercer leurs missions dans le cadre de contrats à durée déterminée, j’espère que la mission que vous avez dépêchée sur place débouchera sur la remise en cause des contrats « deux plus deux plus un » ! (M. André Gattolin applaudit.)
RÈGLE PARTICULIÈRE RÉGISSANT LE FINANCEMENT DES INTERVENTIONS DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER PACA

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 357, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre déléguée, chargée des Français de l’étranger, ma question porte, non pas sur ces derniers – et je le regrette, bien sûr ! –, mais sur les raisons qui peuvent justifier la règle particulière s’appliquant au financement des interventions de l’établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur par la taxe spéciale d’équipement, la TSE.
Si la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a harmonisé le statut juridique des établissements publics fonciers de PACA, de Normandie et de Lorraine avec le régime de l’ensemble des établissements publics fonciers d’État, les établissements de ces trois régions continuent d’être régis par une règle de financement particulière.
Je m’explique : les établissements publics fonciers mentionnés à l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme sont financés par une taxe spéciale d’équipement dont le montant est fixé chaque année par leur conseil d’administration, dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant du territoire de leur compétence ; cependant, pour les établissements publics fonciers de PACA, de Normandie et de Lorraine, le plafond du produit de la TSE est fixé par la loi de finances et s’établit aujourd’hui, respectivement, à 50 millions, 13 millions et 25 millions d’euros.
Pour l’établissement public foncier de PACA, ce plafond est largement inférieur – environ de moitié – à celui dont il bénéficierait dans le régime de droit commun.
Si j’ignore ce qui pourrait éventuellement justifier le régime appliqué aux EPF des régions Lorraine et Normandie, je ne vous ferai pas l’injure de rappeler que la région PACA est une zone en pleine expansion démographique, particulièrement « tendue » en matière de logement. Doter son EPF, qui est particulièrement actif, des mêmes moyens que les autres est donc une question de bon sens et de principe. Au nom de quoi les règles de financement seraient-elles différentes, alors que le statut juridique de ces établissements est identique ?
Plus étonnant encore est l’acharnement mis par le Gouvernement à faire échouer toute tentative d’harmonisation du financement de ces établissements. Ainsi, le dispositif d’un amendement déposé sur mon initiative et adopté par le Sénat, lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, fut-il « évacué » à l’Assemblée nationale, du fait de l’adoption d’un amendement de suppression, dont l’origine pourrait se situer du côté de Bercy. Si le ministère des finances n’y est pour rien, vous me le direz, madame la ministre ! Quoi qu’il en soit, le résultat est là !
Ne comprenant pas ce qui, dans une République normale, peut motiver cet acharnement anormal à l’encontre d’une évolution de bon sens, je vous prie, madame la ministre, de bien vouloir m’expliquer ce qui se passe.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur Collombat, vous interrogez le ministre chargé du budget sur la légitimité du plafonnement du montant de la taxe spéciale d’équipement affectée aux établissements publics fonciers de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Normandie et de Lorraine.
Je souhaite tout d’abord rappeler les modalités de fixation annuelle du rendement de la taxe spéciale d’équipement destinée au financement des interventions foncières des établissements publics fonciers. La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit que le produit de cette taxe est arrêté, avant le 31 décembre de chaque année, pour l’année suivante, par le conseil d’administration de l’établissement public dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant résidant sur le territoire relevant de sa compétence.
Les cinq établissements publics fonciers créés avant la promulgation de cette loi demeuraient néanmoins soumis à des dispositions spécifiques. Parmi ces établissements, deux ont vu évoluer le mode de fixation de leur ressource fiscale. Ainsi, les articles du code général des impôts concernant l’EPF de Nord-Pas-de-Calais et l’EPF de l’ouest Rhône-Alpes ont été abrogés respectivement par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 et par celle du 25 décembre 2007.
Aujourd’hui, tous les EPF voient donc le montant de leur ressource fiscale fixé par un vote de leur conseil d’administration, à l’exception des trois établissements publics fonciers que vous citez, à savoir ceux de PACA, de Normandie et de Lorraine, pour lesquels le montant en question est fixé par la loi de finances, en application des articles 1608, 1609 et 1609 F du code général des impôts.
Par ailleurs, le Premier ministre a très tôt affirmé l’intention du Gouvernement dans son ensemble de ne voir examiner de dispositions fiscales qu’à l’occasion des projets de loi de finances. Cette orientation gouvernementale, qui vise à faciliter le respect de la trajectoire de redressement de nos finances publiques, a ainsi été rendue publique dès le mois de mai 2012.
C’est pour assurer le respect de ce « monopole fiscal » des lois de finances que la ministre de l’égalité des territoires et du logement a proposé, lors de l’examen du premier projet de loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, la suppression par l’Assemblée nationale des dispositions adoptées par le Sénat visant à unifier le régime des EPF.
Le Gouvernement comprend toutefois le souci d’harmonisation que vous évoquez, monsieur le sénateur.
Quelle que soit la détermination du Gouvernement à soutenir la construction de logements, il paraît essentiel que la réflexion chemine dans le cadre des travaux tendant à décliner sa politique en matière de taxes affectées. Le Premier ministre a confié au Conseil des prélèvements obligatoires le soin de conduire une mission générale sur ces dernières. Un rapport sera remis au Parlement avant l’été. C’est, me semble-t-il, dans ce cadre que la question du plafonnement des taxes spéciales d’équipement devra être abordée et pourra, si nécessaire, faire l’objet de dispositions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, je sais que vous n’y êtes pour rien, et je ne veux pas vous tourmenter, mais ce que vous me dites ne constitue en rien une réponse ! Vous me dites qu’on va faire un rapport… Mais où sommes-nous ? En plein délire bureaucratique !
La région PACA est tout de même « tendue », pour reprendre le jargon que j’ai utilisé tout à l’heure, sur le plan du logement. Puisqu’il faut régulariser et unifier les modes de financement, que ne le fait-on ? Est-il besoin de rapports pour prendre une telle décision ? Si le Gouvernement ne veut pas le faire dans le cadre d’une loi sur le logement, qu’il le fasse dans le prochain projet de loi de finances !
Personnellement, je ne me lasserai pas de poser la question, même si ce n’est sans doute pas vous, madame la ministre, qui me répondrez à chaque fois. Quoi qu’il en soit, j’estime que la réponse qui vient de m’être donnée est complètement irrecevable. Tel est le message que je veux faire passer.
Pour un gouvernement qui se pique de réformes, il est vraiment absurde de ne pas régler les petites choses qui sont à sa portée !
SITUATION DES COMMUNES ISOLÉES INTÉGRANT UNE COMMUNAUTÉ DE COMMUNES À FISCALITÉ ADDITIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 368, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Roland Ries. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation des communes isolées intégrant une structure intercommunale à fiscalité additionnelle et, plus particulièrement, sur le phénomène de double imposition au titre de la taxe d’habitation dont sont victimes les contribuables résidant dans ces communes.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales prévoit l’achèvement de la carte intercommunale en juin 2013, imposant ainsi aux dernières communes isolées d’adhérer à un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, avant cette date. Certaines de ces communes isolées sont amenées à intégrer une structure intercommunale à fiscalité propre, selon le régime de la fiscalité additionnelle.
L’adhésion de ces communes, au titre de la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, s’est produite concomitamment à l’instauration d’une autre réforme, celle de la fiscalité locale. La conséquence principale a été, dans les communes isolées rejoignant un EPCI après le 1er janvier 2011, une majoration de la taxe d’habitation des contribuables concernés.
En effet, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale applicable à compter du 1er janvier 2010, la part départementale de la taxe d’habitation, du fait de la réforme de la taxe professionnelle, a été transférée du département au bloc communal. Cette part départementale est affectée, pour une part, à chaque commune membre d’un EPCI et, pour une autre part, à l’EPCI lui-même. En revanche, les communes isolées ne faisant pas encore partie d’un EPCI à cette date, percevaient alors l’intégralité du taux départemental de la taxe d’habitation et subissaient, parallèlement, un prélèvement au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR.
Par la suite, l’adhésion de ces communes isolées à un EPCI, comme c’est le cas dans mon département pour la commune d’Urmatt, qui a rejoint la communauté de communes de la Vallée de la Bruche en janvier 2012, n’a pas été accompagnée d’une révision du mécanisme de compensation de la réforme des finances locales, comme si la fiscalité locale et l’achèvement de la carte intercommunale n’étaient pas étroitement liés. Dès lors, les habitants de cette commune isolée ayant rejoint un EPCI sont contraints de supporter deux fois la part départementale de la taxe d’habitation. En effet, le taux de la taxe d’habitation appliqué à ces contribuables se décompose en un taux communal, qui inclut la totalité du taux départemental, et un taux intercommunal, qui inclut une fraction du taux départemental.
Cette situation fiscale baroque, qui n’avait pas, à l’époque, était repérée par le législateur, pose, comme vous pouvez l’imaginer, madame la ministre, de sérieux problèmes. D’une part, elle contribue à mettre en difficulté les élus locaux vis-à-vis de leurs concitoyens et, d’autre part, elle affecte l’image de l’intercommunalité. De ce fait, elle fragilise le consentement fiscal en grevant davantage le pouvoir d’achat des familles les plus modestes dans un contexte économique difficile.
Parce que cette situation concerne, à ma connaissance, quelque 1 000 communes en France, dont cinq dans mon département, je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend prendre rapidement afin de la corriger.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé un problème que, en vous appuyant sur le cas de la commune d’Urmatt, vous nous avez permis de bien appréhender. Cela étant, bien d’autres communes connaissent aujourd’hui le même problème et nous en mesurons aujourd’hui les conséquences.
En effet, du fait de la réforme de la taxe professionnelle, l’adhésion de communes isolées à des EPCI à fiscalité additionnelle entraîne une forte majoration des cotisations de taxe d’habitation des contribuables des communes en question.
C’’est bien à la suite de vos interventions, que nous avons entrepris de régler ce problème. Nous travaillons aujourd’hui avec les services de Bercy pour essayer de trouver des solutions à une difficulté générale, que ces communes et leurs habitants sont susceptibles de rencontrer dans le cadre de l’achèvement de la carte intercommunale, la date butoir pour rejoindre une intercommunalité étant, vous l’avez rappelé, celle du 30 juin 2013.
À ce jour, seules 59 communes restent encore isolées, mis à part les cas particuliers que constituent les communes de la petite couronne de Paris et des îles monocommunales maritimes. On pourrait donc penser que le problème est relativement circonscrit.
À la suite du transfert au bloc communal des taux départementaux de taxe d’habitation, des taux de référence de taxe d’habitation communaux et intercommunaux ont dû être calculés pour 2011.
Deux cas de figure se présentent.
Pour les communes membres d’un EPCI à fiscalité additionnelle, le taux départemental de la taxe d’habitation a été ventilé entre la commune et l’EPCI.
Pour les communes isolées, le taux de la taxe d’habitation pour 2011 a intégré la totalité du taux de taxe d’habitation du département.
Ainsi, lorsqu’une commune isolée intègre un EPCI à fiscalité additionnelle, si chaque niveau de collectivité adopte des taux proches des taux de référence de 2011, la charge fiscale de taxe d’habitation pour le contribuable se trouve alourdie.
Dans ces conditions et parce que, je le répète, nous avons bien mesuré les conséquences de cette situation sur les collectivités, mes services vont travailler avec ceux de Bercy pour trouver une solution.
Il serait utile et opérant de travailler ensemble à l’élaboration d’un amendement qui serait introduit dans le projet de loi de finances pour 2014, car cette situation est effectivement insupportable pour les communes concernées et pour les citoyens qui y résident.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la ministre, je me tiens évidemment à votre disposition pour travailler sur un amendement qui permettrait de résoudre ce problème important pour les communes concernées. Et, bien entendu, je transmettrai votre réponse aux maires du Bas-Rhin – Bas-Rhin « maintenu », si je puis dire ! (Sourires.) – qui m’ont interpellé à ce sujet.
La conclusion qui s’impose au vu de cette situation est qu’il est indispensable de travailler selon une méthode de « transversalité législative » : le Parlement a en effet voté deux réformes – l’une sur la fiscalité locale, l’autre sur l’achèvement de la constitution des schémas intercommunaux – qui se sont en fait juxtaposées sans que personne, il faut bien le dire, mesure réellement les effets de cette conjonction.
DIFFICULTÉS ET INCERTITUDES EN MATIÈRE DE DÉFENSE INCENDIE

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 317, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les incertitudes et les difficultés que rencontrent les collectivités locales et leurs groupements pour respecter leurs obligations relatives à la sécurité incendie.
Les premières difficultés portent sur la répartition des compétences entre ces collectivités.
En effet, la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a institué la police de la défense extérieure contre l’incendie, rappelant ainsi la responsabilité du maire en matière de lutte contre l’incendie. Cette compétence et le pouvoir de police spéciale qui y est associé sont transférables aux EPCI.
Par ailleurs, les communes ont, dans de nombreux cas, transféré à des EPCI leur compétence en matière de gestion de l’eau sans pour autant transférer leur compétence en matière de lutte contre l’incendie. Or le respect des normes applicables en matière de lutte contre l’incendie, notamment en termes de débit, impose souvent dans les communes rurales un renforcement des réseaux, et cette action est liée à la compétence eau. Il en résulte des difficultés pour les maires responsables de la sécurité incendie quant au respect de leurs obligations en la matière dès lors qu’ils n’exercent plus la compétence de gestion de l’eau.
Une autre source d’incertitudes tient au fait que le volet réglementaire de la réforme relative à la sécurité incendie, engagée voilà près de dix ans, n’est toujours pas parachevé. Or il s’agit d’un volet important puisqu’il doit préciser des normes aussi indispensables que les débits minimaux ou la capacité des réserves d’eau. La publication d’un décret relatif à l’aménagement et d’un référentiel national de défense extérieure a été reportée à plusieurs reprises par vos prédécesseurs. Ces textes sont plus que jamais attendus et réclamés par les associations d’élus.
Je vous rappelle, madame la ministre, que le bureau de l’Association des maires de France avait donné un avis favorable sur le dernier projet de décret présenté par votre prédécesseur.
Le changement de Gouvernement et la modification des périmètres ministériels semblent avoir imposé de nouvelles procédures, allongeant d’autant le retard pris dans la publication de ces textes.
Les élus sont donc contraints soit de différer leurs projets, avec tous les risques qui en résultent en termes de responsabilité, soit, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour les collectivités, d’engager des travaux que l’on sait coûteux sans avoir la certitude qu’ils ne seront pas obligés de les revoir à terme.
Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer dans quel délai sera pris le décret attendu et quelles seront ses conséquences en termes de charges financières pour les collectivités ? Par ailleurs, quelles sont les mesures qui pourraient être proposées pour répondre aux difficultés que rencontrent les collectivités lorsqu’il y a répartition, pour ne pas dire éclatement, de compétences et de responsabilités en matière de sécurité incendie entre des communes et des EPCI ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, retenu aujourd’hui à Alger par un sommet des ministres de l’intérieur, m’a demandé de vous assurer, comme il l’a fait lors de sa réponse à une question analogue de votre collègue M. Ambroise Dupont voilà quelques semaines, de sa volonté de mener à bien la réforme de la sécurité incendie, engagée depuis 2005.
En matière de défense extérieure contre l’incendie, un cadre juridique nouveau a été fixé par l’article 77 de la loi du 17 mai 2011. Le décret d’application nécessaire est aujourd’hui prêt. Il a déjà reçu l’avis favorable de tous les organismes consultatifs concernés, en particulier la Commission consultative d’évaluation des normes. Le bureau de l’Association des maires de France a également apporté son soutien à ce projet. Le texte a été déposé devant le Conseil d’État en avril 2012, mais il n’a pu être examiné avant le changement de gouvernement. Comme vous l’avez indiqué, la réorganisation et la définition de nouveaux périmètres de compétences pour les ministères ont sans doute quelque peu retardé la publication du décret en question.
Le ministre de l’intérieur a donc relancé la procédure d’adoption de ce décret dès l’été 2012.
Avant la saisine du Conseil d’État, il était en effet nécessaire d’engager une nouvelle concertation avec les ministères concernés selon les nouveaux périmètres. Cette procédure arrive à son terme et ce décret sera très prochainement – je ne peux pas vous donner de date précise – présenté devant le Conseil d’État. Il pourra alors être rapidement publié.
Par ailleurs, ce décret sera complété par un arrêté définissant le référentiel national de la défense extérieure contre l’incendie. Il s’agit d’un recueil des solutions techniques à la disposition des acteurs territoriaux.
Sur le fond, la réforme engagée vise, comme vous le souhaitez, à définir plus clairement le rôle des différents acteurs locaux. La défense extérieure contre l’incendie est désormais une compétence transférable aux EPCI, sur la base du volontariat. Il en va de même du pouvoir de police administrative spéciale attaché à cette compétence, qui sera dévolu au président de l’EPCI. Cette compétence requiert des capacités techniques et juridiques complexes, d’où le caractère indispensable de l’arrêté.
Il est en outre nécessaire de mieux distinguer les deux services publics de l’eau potable, d’une part, et de la défense contre l’incendie, d’autre part. La loi et le futur décret organisent cette répartition, notamment en matière de financement. Les interactions juridiques et techniques entre ces deux services seront précisées par le décret et le référentiel national à venir.
Enfin, vous évoquez le problème du dimensionnement des réseaux d’eau potable, notamment en zone rurale. Vous estimez que les normes applicables en matière de défense contre l’incendie imposent un surdimensionnement de ces réseaux. Le ministre de l’intérieur tient à vous indiquer que des solutions techniques permettent de répondre à cette difficulté ; elles seront, bien sûr, privilégiées. La défense contre l’incendie n’est d’ailleurs pas uniquement alimentée par ces réseaux, mais également par des citernes ou des points d’eau naturels.
La réforme impose l’organisation de partenariats plus étroits entre les différents acteurs locaux : les services départementaux d’incendie et de secours, les opérateurs des réseaux d’eau et les collectivités. Le ministre de l’intérieur y travaille selon une méthode à laquelle il est très attaché, celle du dialogue et de la concertation.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et je me réjouis de savoir que le décret sera publié « très prochainement », même si ces adverbes ne permettent pas véritablement de repérer une date sur le calendrier.
En tout cas, ce décret doit effectivement être publié sans tarder. Il est attendu par les élus, et je suppose que les associations d’élus vous le rappellent régulièrement.
Par ailleurs, ce décret ne devra pas imposer trop de normes supplémentaires. Aujourd’hui, tout le monde, y compris le Gouvernement, est conscient de la nécessité d’alléger les normes. Évitons donc tout excès de zèle en la matière. Nous le savons, les élus croulent sous les normes et sous les dépenses qu’elles impliquent, car leur application a un coût.
Il est clair que, dans une période où les collectivités locales, notamment les communes, vont devoir supporter une baisse de leurs dotations, elles risquent de ne pas pouvoir financer des mesures de sécurité incendie trop coûteuses, quand bien même il est évidemment indispensable de pouvoir lutter efficacement contre les incendies.
Enfin, madame la ministre, il faut trouver des solutions pour que l’action d’un maire ne soit pas freinée, lorsqu’il décide des mesures destinées à assurer la sécurité incendie, par le fait qu’il n’a plus de compétences en matière de gestion de l’eau. Sur le terrain, certains maires se heurtent parfois à cette difficulté et ne parviennent pas à obtenir le renforcement des réseaux parce que la compétence en question a été transférée à un syndicat ou à l’EPCI. J’espère que le décret en tiendra compte et sera extrêmement précis sur ce point.
AMÉNAGEMENT DES VOIES SUR BERGES À PARIS

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 83, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, par cette question, attirer à nouveau l’attention du Gouvernement sur l’aménagement ou le réaménagement des voies sur berges au cœur de notre capitale.
Sur la rive droite, il s’agit de couper le flux de circulation ; sur la rive gauche, les voies sur berges ont été purement et simplement fermées. Or ces voies connaissaient un trafic automobile de l’ordre de 30 000 véhicules par jour, et jusqu’à 4 000 véhicules par heure. Tous les Parisiens, tous ceux qui sont concernés par l’activité économique de la capitale connaissent ces chiffres.
La première motivation de cet aménagement répond à des raisons de bien-être et d’écologie. Or, dans la pratique, nous enregistrons des pics de pollution depuis la mise en place du dispositif. D’ailleurs, les sondages montrent que 70 % à 80 % des Parisiens sont hostiles à cet aménagement.
Au-delà du souci écologique, il convient de se demander qui paie l’aménagement des voies sur berges ? Or le financement repose sur l’effort unique de la municipalité, alors que ces voies sont empruntées par de très nombreux citoyens franciliens. Leur aménagement devrait donc relever de la compétence de la région.
Je suis partisan d’un aménagement des voies sur berges et des abords du fleuve, comme cela s’est fait dans toutes les grandes capitales européennes ou dans toutes les villes françaises traversées par un fleuve. Il n’est évidemment pas envisageable de conserver l’infrastructure routière qui remonte à près d’un demi-siècle.
Pour autant, cet aménagement doit être conduit dans la concertation, en bonne intelligence. Or la concertation n’a pas eu lieu. Le maire de Paris avait exprimé sa volonté d’aménagement, mais compte tenu de l’insuffisance des études d’impact, le gouvernement Fillon avait purement annulé ce projet ou en avait au moins reporté la mise en œuvre. C’est votre gouvernement qui a autorisé, ou sollicité, l’aménagement des voies sur berges.
Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui, monsieur le ministre. Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur des affaires concernant le Grand Paris. Mais il est vrai que c’est un domaine où les décisions sont prises parfois par le Premier ministre, parfois par le ministre des finances, par exemple en ce qui concerne la taxe spéciale d’équipement.
À la vérité, aujourd’hui, je m’attendais à voir le ministre de l’intérieur me répondre, car Paris est une ville particulière, où les pouvoirs de police du maire – vous avez été maire, vous connaissez donc bien la nature du mandat municipal – sont détenus non pas par le maire de Paris, mais par le préfet de police, et que celui-ci dépend uniquement et strictement du ministre de l’intérieur. Or M. Valls s’est exprimé tout récemment, le 16 février, dans un quotidien parisien – c’est un peu notre quotidien régional à nous – en expliquant, à propos de cet aménagement, qu’il s’agissait d’une aberration !
Monsieur le ministre, qu’a fait le Gouvernement depuis le 16 février ? Que s’est-il passé depuis que le ministre de l’intérieur, patron direct du préfet de police, a déploré la perturbation quotidienne qui résulte pour la capitale de l’aménagement des voies sur berges ? Où en sommes-nous ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir exprimé votre satisfaction de me voir ici présent et de pouvoir m’interpeller. Sachez que cette satisfaction est réciproque, votre question me donnant l’occasion de pouvoir m’exprimer sur le thème de la mobilité et sur l’ambition que nourrissent différentes villes, dont Paris, de reconquérir les berges du ou des fleuves qui les traversent.
Paris est une ville mondialement reconnue pour son patrimoine, son histoire, sa grandeur. Dès lors, il importe de pouvoir y concilier son image, les différents modes de transport et l’aménagement de l’environnement urbain. Cette finalité est souhaitée par les citoyens et recherchée par la puissance publique.
Comme vous le soulignez, la modernisation des infrastructures doit prendre en compte à la fois les différents usages – qui peuvent entrer en conflit – et la nécessité de faciliter l’accès à un certain nombre de quartiers, tandis qu’une réflexion doit être conduite sur les transports plus vertueux. À cet égard, le fluvial peut, lui aussi, être une source de développement.
Nous n’avons pas fini de réinventer l’usage de la ville et de repenser les modes de transport urbains. De ce point de vue, la capitale est un vrai laboratoire, et je tiens à saluer les initiatives qui sont prises par sa municipalité, par son maire, qui a une vraie vision, qui a l’ambition de redonner toute sa splendeur à cette ville qui est pour nous source de fierté.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les aménagements en cours. Mon intention n’est pas de faire le point sur l’évolution de ce chantier, mais je vous rappelle que la fermeture des quais bas de la rive gauche date du 28 janvier dernier et qu’il est prévu de réaliser un certain nombre d’aménagements flottants. L’ouverture du site au public, à partir de juin 2013, est très attendue : elle donnera une perspective estivale agréable aux visiteurs, mais également aux habitants de Paris, qui pourront bénéficier d’une amélioration de la qualité de leur environnement.
Je tiens à vous signaler, puisque vous avez abordé la question des compétences, que tout ce qui concerne l’aménagement urbain et l’urbanisme relève bien entendu de la Ville de Paris. D’ailleurs, les bords de Seine appartiennent à son réseau. Sur ces sujets, ce n’est donc pas l’État que vous devez interpeller !
En revanche, l’État a la charge de la réglementation, notamment celle de la circulation routière. Dès lors, la préfecture de police est dans son rôle lorsqu’il s’agit de la réglementation.
Vous avez évoqué les conséquences de ces aménagements.
Un certain nombre d’études ont été réalisées. Des sondages et des comptages effectués en temps réel indiquent, par exemple, que la répercussion du réaménagement des berges de la Liane sur les temps de parcours est faible : entre une et trois minutes ; cela dépend évidemment des heures de circulation.
Sur la pollution atmosphérique, vous avez raison de souligner que nous avons beaucoup d’efforts à faire. D’ailleurs, je vous rappelle que la France risque d’être condamnée en manquement en raison de l’inaction de nos prédécesseurs. Pour que l’on ne nous accuse pas de ne pas répondre à nos engagements européens, avec l’ensemble des membres du Gouvernement, Delphine Batho et moi-même sommes en train de mettre en place un véritable dispositif pour l’amélioration de la qualité atmosphérique.
Vous appelez de vos vœux la mutualisation des espaces et des voiries. Dans toutes les agglomérations, les villes-centres sont toutes confrontées au problème d’une voirie qui leur appartient mais qui est empruntée par des usagers habitant hors de leur territoire. Il va de soi que Paris n’échappe pas à phénomène ; c’est même le contraire qui serait surprenant !
Vous dites qu’il s’agit d’un enjeu de voirie régionale. Mais la région n’a pas de compétence routière ni de domaine public routier ! À moins que vous n’amendiez en ce sens le texte sur la décentralisation qui sera bientôt soumis à votre examen… Du reste, vous êtes en deçà de la réalité puisque, à voir qui sont les usagers des voies sur berges, la responsabilité devrait être d’ordre national, voire international !
Les voies concernées relevant du domaine public communal, c’est à la collectivité qu’il appartient de mobiliser la population pour que l’ambition de redonner tout son faste à l’environnement urbain et d’améliorer la qualité du cadre de vie parisien devienne un objectif partagé.
Monsieur Dominati, je ne doute pas que, dans quelques semaines, vous assisterez à l’inauguration de ces aménagements et que vous applaudirez avec le public, qui sera enthousiasmé par cette transformation qui va dans le sens d’une reconquête de la ville. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question précise, à laquelle j’attendais une réponse précise. Au lieu de cela, vous me donnez l’impression de lire la plaquette de présentation du maire de Paris ! (Sourires.)
Vous me dites que ce dernier a une vision, qu’il a une ambition. Il a surtout l’ambition de partir à la retraite, lui qui est en poste depuis douze ans, puisque nous savons qu’il ne va pas se représenter.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Méfiez-vous ! Ne le poussez pas trop ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Dominati. Je vous pose une question précise, et vous semblez presque me lire un programme électoral… Monsieur le ministre, étant tous deux engagés en politique, nous savons tous deux ce qu’il en est !
Vous ne l’ignorez pas, la région d’Île-de-France investit dans des infrastructures routières : on couvre le périphérique, on couvre des voies d’autoroute dans des départements limitrophes de Paris et, à cinquante mètres de Notre-Dame, on ne serait pas capable à la fois d’aménager le site et de préserver l’activité économique de la capitale en aménageant des voies rapides couvertes ? On fait un projet « à l’économie » ! Certes la somme en jeu n’est pas négligeable, mais elle n’est rien au regard des 2,5 kilomètres à aménager de part et d’autre du fleuve !
L’État devrait intervenir. Vous affirmez qu’il n’en a pas les pouvoirs. Pourtant, vous disposez bien du pouvoir de réglementation ! De surcroît, dans ses pouvoirs de police, le préfet relève bien du ministre de l’intérieur. Et celui-ci fait une grande déclaration dans un journal parisien pour critiquer cet aménagement. Depuis, qu’a fait le Gouvernement ? Rien !
Vous me parlez d’aménagements flottants, de remise en valeur de la Seine. Mais, à peine élu, il y a douze ans, le maire de Paris avait déjà dit qu’il s’attaquerait à l’axe de la Seine.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Oui !
M. Philippe Dominati. Et, il y a encore plus longtemps, quand M. Huchon est arrivé à la tête de la région, lui aussi a promis de s’occuper de la Seine. Une société mixte a même été créée à cette fin. Elle a fait faillite il y a un an et nous sommes aujourd’hui obligés de la renflouer !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Et le fret fluvial ?
M. Philippe Dominati. Voilà dix ans que le projet capote régulièrement…
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non !
M. Philippe Dominati. … et vous me parlez d’une ambition nouvelle !
Monsieur le ministre, il n’y a pas que les aménagements qui soient flottants : la position du Gouvernement sur le sujet l’est tout autant ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Il ne sert à rien que le ministre de l’intérieur fasse semblant de critiquer le projet dans la presse en disant que l’activité économique est en danger à Paris si un autre membre du Gouvernement nous invite à l’inauguration et nous promet que nous serons ravis ! Non, monsieur le ministre, je ne suis pas ravi, et les Parisiens ne le sont pas non plus !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. On verra !
M. Philippe Dominati. Prenez une position ferme et faites entendre votre voix sur les sujets parisiens, dont je sais qu’ils vous intéressent. Vous qui avez été élu local, ne laissez pas les choses se faire au petit bonheur la chance, à un an des élections, alors que la majorité municipale est en place depuis douze ans !
PLAN DE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DES AUTOMOBILES ÉLECTRIQUES

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 181, adressée à M. le ministre du redressement productif.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raréfaction des énergies fossiles implique que les différents acteurs, aussi bien l’État que les entreprises et les particuliers, se préparent à changer d’habitudes et de comportement, en particulier dans le domaine du transport individuel.
C’est dans ce contexte de mutation et de difficultés de l’industrie automobile classique que, voilà tout juste un mois, le 83e salon de l’automobile de Genève ouvrait ses portes.
Force est de constater que l’industrie automobile est enfin entrée dans le tourbillon de l’électrique : de nombreuses marques proposent des modèles, essentiellement de petite taille, à commencer par Renault, avec la Zoé. Certes, il convient, dans le même temps, d’évoquer le dépôt de bilan annoncé hier par Heuliez, qui n’a pas pu, en 2012, écouler plus de 700 de ses véhicules électriques Mia.
En 2012, 5 660 véhicules électriques ont été vendus, représentant 0,3 % du marché français, et jusqu’à 1,75 % si l’on inclut les voitures hybrides, soit tout de même deux fois plus qu’en 2011. Mais, dans l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, ce ne sont que 24 203 véhicules complexes électriques qui ont été commercialisés, soit 0,21 % du total des ventes. Or la flotte de véhicules européenne est très ancienne et son renouvellement, eu égard à la lutte contre les émissions de CO2, devient urgent.
Malgré les mesures prises pour relancer les ventes de voitures par le biais de primes à l’achat de véhicules hybrides et électriques, dont la production devra être localisée en France, la demande ne semble pas encore être au rendez-vous.
Alors même que la prise de conscience d’une nécessaire nouvelle approche du transport se fait jour, à l’heure de la hausse continuelle des prix du carburant et aux préoccupations économiques et écologiques partagées par tout un chacun, quelles sont les causes de ce peu d’appétence pour le combustible alternatif qu’est l’électrique ? S’agit-il des problèmes d’autonomie, du prix d’achat du véhicule, des frais de réparation et d’entretien, de l’achat ou de la location des batteries ? S’agit-il du faible nombre de bornes, le risque de panne par manque de bornes de recharge étant régulièrement évoqué ?
À propos des bornes, il faut bien remarquer que celles qui sont d’ores et déjà installées le sont essentiellement en milieu urbain. La recharge ne pouvant se faire que sur des bornes dédiées ou via des prises spécifiques installées chez le particulier, le plein d’énergie demande près d’une heure sur une borne publique, mais six à sept heures à domicile ! Il n’existerait que 1 473 bornes sur notre territoire, dont beaucoup sont en panne ou peu opérationnelles. Mon département de l’Aisne n’en compterait même pas du tout !
Réagissant au très faible niveau de vente des premiers modèles enregistré en 2012, les constructeurs déplorent le manque de bornes, qui pourrait expliquer ces débuts difficiles. Comment l’objectif, fixé en 2009, de 400 000 bornes pour 2020, pourra-t-il être atteint, alors même que les prévisions tablent sur à peine 3 000 bornes en accès public par an ?
Il convient donc que les États, les villes et les constructeurs coopèrent afin que les infrastructures nécessaires soient mises en place. Alors même que le véhicule électrique représente un vaste marché, sur lequel le Gouvernement a parié en faisant de sa construction une priorité, il ne faudrait pas que l’offre faite aux consommateurs voie sa diffusion freinée par manque d’alimentation.
Si la France paraît actuellement faire figure de proue dans le développement de l’électrique, il est bien évident que des coûts d’usage et de maintenance inférieurs à ceux des véhicules thermiques seront les déclencheurs d’une utilisation de masse du véhicule électrique. C’est ainsi que nous relèverons ce défi !
Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un état des lieux des mesures de déploiement des bornes dédiées, au-delà du plan automobile présenté en juillet 2012 et du lancement de la mission Hirtzman le 3 octobre dernier ? Pouvez-vous également nous faire connaître la position du Gouvernement sur la situation d’Heuliez ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre du redressement productif, retenu ce matin par le comité stratégique de la filière mode et luxe, à Paris.
Avec le plan automobile présenté le 25 juillet 2012, le Gouvernement s’est vigoureusement engagé pour promouvoir le véhicule électrique.
L’État et ses opérateurs montrent ainsi l’exemple en consacrant 25 % des achats de véhicules aux véhicules électriques ou hybrides rechargeables, cette part étant portée à 100 % pour les véhicules urbains.
Le développement du marché des véhicules électriques a été accéléré, en augmentant de 2 000 euros le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique, qui a été porté à 7 000 euros.
Les premiers résultats de cette politique ambitieuse sont d’ores et déjà perceptibles : dans un marché automobile français malheureusement en baisse de près de 14 %, les ventes de véhicules électriques ont vu leurs ventes multipliées par deux, qu’il s’agisse des véhicules particuliers ou des camionnettes, qui totalisent respectivement 5 663 et 3 651 unités vendues l’an dernier, contre 2 630 et 1 683 en 2011. Sur les deux premiers mois de l’année 2013, 898 véhicules particuliers et 874 véhicules utilitaires légers électriques ont été immatriculés, soit 1 772 au total, confirmant la progression de 2012. Cette croissance devrait se prolonger, portée par l’arrivée de nouveaux modèles de Renault – Zoé – et PSA –Berlingo et Partner.
Par ailleurs, pour accompagner les initiatives des collectivités territoriales, auxquelles les lois Grenelle ont confié la compétence pour le déploiement d’infrastructures de recharge, l’État a lancé en janvier 2013 un nouvel appel à manifestation d’intérêt, doté de 50 millions d’euros sur les fonds du programme d’investissements d’avenir, et ouvert à toutes les régions, départements, groupements de villes et communautés d’agglomération de plus de 200 000 habitants pour implanter davantage de bornes de recharge ouvertes au public.
Au 1er avril 2013, ce sont 6 500 prises de recharge qui sont implantées en France, contre 1 800 en juillet 2012.
Les premiers projets régionaux ou départementaux sont en cours de formalisation. Ils laissent espérer l’installation de 8 000 prises de recharge avant la fin de l’année.
Nous souhaitons, vous le savez bien, accélérer le développement de ces initiatives et sommes fortement mobilisés pour que ces résultats soient encore plus spectaculaires en 2013. Nous y travaillons avec l’ensemble des acteurs publics et privés.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne me satisfasse pas totalement.
J’ai élaboré ma question voilà six mois mais elle reste d’une brûlante actualité. Entre-temps, le 6 février dernier, s’est tenue une réunion à la Caisse des dépôts et consignations autour du coordinateur du réseau des infrastructures de charge et de la responsable du programme « véhicule électrique du futur » de l’ADEME. Son objectif, vous l’avez rappelé, était de présenter aux collectivités locales les dispositifs de déploiement des infrastructures de recharge.
L’aide de 50 millions d’euros que vous avez évoquée a été mise en œuvre et se révèle bienvenue. Elle est de 50 % pour les bornes à charge normale et de seulement 30 % pour les charges rapides. Pourtant, ce sont ces dernières qui seraient les plus efficaces sur le domaine public.
Enfin, n’a pas été abordée la question cruciale de l’incapacité des constructeurs européens de s’entendre sur un standard de recharge commun. Je vous demande de bien vouloir transmettre ce message à M. Montebourg, afin qu’il relaye ces inquiétudes auprès de Bruxelles, dans la perspective d’une uniformisation à laquelle la Commission doit, me semble-t-il, réfléchir.
Il paraît en effet que la recommandation s’oriente vers la prise allemande de « type 2 », qui est interdite en France pour des raisons de sécurité, liées à l’obligation d’obturateur.
L’avancement de ce dossier est donc loin d’avoir trouvé sa vitesse de croisière. Je compte sur l’action du Gouvernement pour aider au déploiement envisagé.
SUPPRESSION DES AIDES FINANCIÈRES EXTRA-LÉGALES POUR LES PERSONNES BÉNÉFICIANT DE L’ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 412, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, cette question va peut-être vous paraître d’un intérêt très local.
Président, depuis vingt-cinq ans, du conseil de surveillance d’un hôpital psychiatrique situé dans une ville moyenne de 10 000 habitants, je considère comme une chance le fait que nous ayons pu, avec la municipalité et de nombreuses associations, réaliser plus de 140 logements permettant aux personnes handicapées de ne pas rester à l’hôpital et de continuer à vivre dans la société civile.
J’ai donc été très ému quand j’ai appris qu’était envisagée la suppression des aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
En effet, il semblerait que la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ait décidé de supprimer les aides financières à compter du mois de juillet 2013 pour les personnes titulaires de l’AAH, aides qui sont destinées à apporter un soutien dans la vie courante de ces personnes : aide ménagère, aide aux courses, etc.
Cette décision aurait de nombreuses conséquences aussi bien pour les usagers que, en termes financiers, pour les associations.
Les associations qui prennent en charge des personnes présentant des troubles psychiques dans le cadre de la réinsertion par le logement proposent un service d’aide ménagère permettant de les maintenir à domicile, ce qui évite souvent les réhospitalisations.
La suppression de ces aides fragiliserait un peu plus ces personnes pour qui le handicap psychique est une difficulté dans le maintien de l’autonomie. Cette perte risque d’accentuer leur isolement social. À terme, ces personnes ne pourront pas être maintenues à domicile ; elles risquent de rechuter et d’être réhospitalisées.
Le coût de ces réhospitalisations sera bien évidemment supérieur à celui des aides dont elles bénéficiaient jusqu’à maintenant.
En outre, ces associations, qui n’auront plus les financements nécessaires, devront éventuellement licencier une partie de leur personnel.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend maintenir la suppression de ces aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’AAH.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, qui, dans l’impossibilité d’être présente ce matin, m’a demandé de vous répondre.
Je tiens tout d’abord à préciser que les aides extra-légales que les caisses primaires d’assurance maladie dispensent relèvent de leur action sanitaire et sociale et sont, à ce titre, de la compétence locale.
Le Gouvernement ne supprime en aucun cas des aides qu’il n’a pas la charge d’accorder ni de cibler.
L’amélioration de l’accès aux soins de tous, en particulier des personnes handicapées, est au cœur de l’action gouvernementale. Elle s’est traduite dans les faits par l’augmentation de 7 % du plafond de l’éligibilité à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, inscrite dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Cette augmentation permettra, à terme, de couvrir 750 000 personnes de plus par la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et l’aide à la complémentaire santé, l’ACS. Parmi ces 750 000 personnes, au moins 100 000 sont aujourd’hui bénéficiaires de l’AAH et pourront ainsi bénéficier d’une aide supplémentaire à l’accès aux soins.
À cet égard, l’initiative de la CPAM du Bas-Rhin s’inscrit dans la ligne que le Président de la République a fixée de « généralisation de la couverture complémentaire à tous les Français » lors du congrès de la mutualité d’octobre 2012. Elle complète, en quelque sorte, la mesure nationale du plan de lutte contre la pauvreté en majorant, via des aides extra-légales, le soutien financier apporté aux bénéficiaires de l’ACS et de la CMU-C.
Les personnes handicapées sont aujourd’hui plus nombreuses à bénéficier d’une complémentaire santé. Le Gouvernement reste par ailleurs extrêmement attentif à ce que l’accès aux soins, à la fois pour la santé et l’aide à la vie quotidienne des personnes handicapées s’améliore, dans le cadre du droit commun.
La CPAM du Bas-Rhin a veillé à appliquer un temps de transition dans le « reciblage » de ses aides extralégales en faveur d’une généralisation de la mutualisation, qui couvrira aussi les bénéficiaires de l’AAH. Par ailleurs, ces derniers peuvent cumuler l’AAH avec la prestation de compensation du handicap, la PCH, que leur handicap soit psychique ou non. Nous serons très attentifs à ce que la qualité de prise en charge ne diminue pas pour ces personnes.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, votre réponse étant très technique, je l’analyserai en détail ultérieurement pour savoir si elle est satisfaisante. (Sourires.)
Vous dites que les aides dépendent de la caisse primaire d’assurance maladie locale et non du Gouvernement. Certes, mais toutes les aides qui relèvent du domaine social se retrouveront dans le domaine sanitaire, qui relève bien, lui, du Gouvernement. Il faut donc bien veiller à maintenir un équilibre en la matière.
INTERDICTION DES FEUX DE CHEMINÉE

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 328, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, un bruit, qui n’était pas celui d’une bûche dans l’âtre, est parvenu à mes oreilles, un bruit selon lequel il serait désormais interdit aux Français de faire ce que mon père appelait une « flambée », autour de laquelle la famille se retrouvait…
J’observe un vif émoi chez les Franciliens, je rencontre des habitants du Pecq, ville dont je fus longtemps maire, qui m’interpellent : « Est-il vrai, monsieur le sénateur, que l’on va nous empêcher de faire des feux dans nos cheminées à partir de 2015 ? » Bien sûr, j’émets les plus grands doutes, mais je les assure que, faute d’éléments d’information précis, je me renseignerai.
Voilà pourquoi, aujourd’hui, madame la ministre, je m’adresse à vous : pour obtenir ces informations.
Croyez-moi, au moment où l’on met tous les repères par terre, beaucoup de Français, dans mon département ou ailleurs, veulent acheter une maison avec une cheminée ; et s’il n’y en a pas, la première chose qu’ils font en prenant possession de leur maison est d’en faire installer une. Alors, allez donc leur expliquer qu’ils n’auront plus le droit, à partir de 2015, de faire un feu de cheminée à « foyer ouvert », que seuls les feux de cheminée à « foyer fermé » seront autorisés !
Madame la ministre, franchement, où est le danger de la « flambée » ? Comme moi, les Français ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement veut leur interdire ce petit plaisir qu’ils s’accordent à la saison froide ou lorsque les nuits sont encore fraîches.
En tant que modeste législateur, je me demande comment mes engagements pourront être crédibles si je dois annoncer à mes concitoyens qu’ils ne pourront plus faire de feux de cheminée et que la famille devra désormais se rassembler autour du radiateur électrique ! (Sourires.) Cela me paraît aberrant !
Bien sûr, je souhaite que la santé publique soit préservée. Mais croyez-vous vraiment que les particules qui s’échappent d’une cheminée nuisent de manière si décisive à notre santé ?
Enfin, cette interdiction a été décidée en catimini, sans aucune publicité ; je lis toute sorte de documents, et je n’en ai trouvé trace nulle part. Ce n’est pas correct ! Il faut respecter les Français !
Madame la ministre, je sais que vous êtes très attentive à tout cela. Par conséquent, j’écouterai votre réponse avec beaucoup d’intérêt.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je veux vous répondre de la façon la plus franche.
Bien sûr, tout le monde apprécie un feu de bois dans la cheminée, mais il se trouve que 60 % de la population de notre pays est exposée à une qualité de l’air dégradée, dont les effets sur la santé sont désormais avérés : irritations, allergies, asthme, insuffisances respiratoires graves, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers…
Selon une étude de la Commission européenne, la pollution par les particules serait à l’origine d’environ 42 000 décès prématurés par an en France.
En outre, notre pays accuse un retard important dans le respect de la directive européenne sur la qualité de l’air de 1996. Nous sommes sous la menace d’une condamnation lourde de la Commission européenne.
C’est un fait : les vieux appareils de chauffage au bois et les foyers ouverts sont fortement émetteurs de particules. Les flambées dans les foyers ouverts représentent ainsi 27 % des émissions de particules dans l’air en Île-de-France.
Il y a là des leviers importants pour réduire significativement ces émissions, sans perte de confort. Je rappelle qu’un foyer ouvert émet six à huit fois plus de particules qu’un foyer fermé à l’aide d’un insert. Une chaudière à bois émet jusqu’à quinze fois moins de particules qu’une cheminée ouverte.
Voilà pourquoi les services de l’État en charge de l’élaboration du plan de protection de l’atmosphère pour l’Île-de-France ont proposé, après concertation – car il y a eu concertation, monsieur le sénateur –, des mesures visant à limiter les émissions de particules dues aux équipements de combustion individuels du bois. Ce plan, approuvé par arrêté interpréfectoral le 25 mars 2013, prévoit ainsi l’interdiction totale de l’utilisation des foyers ouverts à compter du 1er janvier 2015 en zone sensible.
Je vous signale que le préfet de région d’Île-de-France avait déjà interdit, en 2007, l’utilisation des foyers ouverts, sauf pour l’appoint et l’agrément.
À Paris, la combustion du bois sera totalement interdite, sauf dérogation par arrêté préfectoral. Dans la zone sensible, hors Paris, seront autorisées les cheminées à foyer fermé par un insert ou un poêle performant, c’est-à-dire doté d’un bon rendement énergétique, ce que l’on appelle « qualité flamme verte ».
Le remplacement des équipements de plus de quinze ans par des installations performantes sera recommandé et encouragé.
J’ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l’air et ont fait l’objet d’une ample concertation avec l’ensemble des associations et des partenaires de la politique de l’État en matière d’amélioration de la qualité de l’air.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, j’apprécie votre franchise. Cette qualité est importante pour répondre à ce genre de questions.
Pourriez-vous demander à vos services de rédiger une brève note pour expliquer cela à mes Alpicois et aux habitants de nos campagnes des Yvelines. Sinon, ils vont se dire que leur sénateur est fou ! (Sourires.)
Bien sûr, il va falloir aussi mettre en place une police des foyers ouverts, chargée de surveiller les toits et de vérifier que la fumée sortant des cheminées est bien verte ! (Sourires.)
Moi, madame la ministre, je proteste !
Je ne conteste pas du tout la nécessité de protéger la santé de nos concitoyens, mais sincèrement il est aussi important de pouvoir se retrouver en famille, que ce soit à la campagne ou près de Paris, autour d’une flambée. Dans la famille Gournac, c’était comme ça ! Et ce n’est pas vraiment pour se chauffer qu’on fait un feu dans la cheminée, d’autant que, la plupart du temps, l’habitation possède un vrai système de chauffage !
Décidément, je trouve tout à fait déplaisante cette idée de supprimer le droit de faire du feu dans la cheminée. On ne peut pas continuer à revenir ainsi sur tous nos repères, notre mode de vie. Après s’en être pris au camembert au lait cru, qui ne présentait pas, paraît-il, toutes les garanties d’hygiène, voilà qu’on s’en prend aux bûches qui flambent dans les cheminées ! Les Français perdent pied et ne croient plus du tout que les politiques soient capables de prendre les bonnes décisions.
Madame la ministre, je sens que vous brûlez d’envie de répondre à ma réponse, mais je ne suis pas sûr, monsieur le président, que notre règlement le permette… (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre, si vous le souhaitez, je peux vous redonner la parole, pour un retour de flamme ! (Nouveaux sourires.)
Mme Delphine Batho, ministre. Je ne veux pas déroger au règlement du Sénat, mais puisque vous m’y autorisez, monsieur le président…
Je comprends parfaitement ce que vous dites, monsieur le sénateur, mais nombre d’habitants de l’Île-de-France sont préoccupés par les problèmes de pollution, notamment par les bronchiolites des enfants. Il faut donc faire un véritable travail de pédagogie sur cette question.
Grâce à cette mesure, les émissions de particules du secteur résidentiel pourraient être très sensiblement réduites. Il s’agit donc d’une mesure efficace.
Si elle ne doit entrer en application qu’en 2015 et non en 2013, c’est précisément pour nous laisser le temps de fournir des explications et de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement. Ainsi, le remplacement d’un foyer ouvert par un foyer fermé de même que les évolutions que j’ai évoquées concernant les poêles à bois seront éligibles au crédit d’impôt développement durable.
MESURE DE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, auteur de la question n° 352, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
M. André Gattolin. Madame la ministre, la pollution de l’air est un sujet majeur de santé publique, comme vous venez de l’indiquer. Différentes études scientifiques, dont celle de l’Organisation mondiale de la santé, montrent qu’elle est la cause directe ou indirecte de 42 000 décès par an en France.
Face à ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur, différentes mesures ont été prises. Ainsi sont nés en 1998 les plans de protection de l’atmosphère, déclinaison française de dispositions européennes concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant.
Vous-même avez déclaré vouloir prendre des mesures permettant de limiter la circulation des automobiles en cas de pic de pollution. Or, quelles que soient les dispositions existantes ou à venir, elles s’appuient toutes sur la mesure de la qualité de l’air. Cette mesure repose actuellement sur un réseau national de surveillance de la qualité de l’air composé d’associations indépendantes.
Dans la région d’Île-de-France, par exemple, c’est l’Association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, Airparif, qui est chargée de cette surveillance. Cette structure, comme ses homologues des autres régions, permet d’avoir une information quotidienne sur l’état de l’air et de prendre ainsi les mesures nécessaires à la protection de nos concitoyens.
Dans les Hauts-de-Seine, département où je suis élu, AIRPARIF dispose actuellement de cinq stations de mesure. Récemment, la municipalité d’Issy-les-Moulineaux a déclaré ne plus vouloir de station de mesure sur son territoire. La cause de cette décision semble tenir à l’image négative donnée par l’existence d’un tel équipement ou, en tout cas, par les résultats qu’il produit. Dans le même temps, le conseil général des Hauts-de-Seine a décidé de ne plus verser les 80 000 euros de subvention annuelle qu’il attribuait à AIRPARIF, prétextant des contraintes budgétaires liées au gel des dotations de l’État et estimant également que sa contribution financière n’était pas déterminante.
Madame la ministre, si ces comportements sont suivis par d’autres collectivités locales, toute politique de protection de l’atmosphère pourrait être vouée à l’échec. Pourtant, il serait important pour la santé de nos concitoyens que, dans les villes de plus de 50 000 habitants ou de taille plus réduite mais abritant sur leur territoire des installations industrielles ou situées dans une zone de trafic routier intense, il soit impossible pour les élus locaux de s’opposer à l’installation d’une station de mesure de la qualité de l’air.
Compte tenu des positions récemment adoptées par certaines collectivités locales, quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, afin d’éviter que l’ensemble du système de mesure de la pollution de l’air ne soit remis en cause pour des raisons budgétaires ou… tactiques ? Est-il possible de concevoir l’obligation d’une garantie pluriannuelle de financement ?
Enfin, n’est-il pas nécessaire d’imposer aux villes refusant la présence de stations de mesure de la qualité de l’air sur leur territoire, afin de ne pas avoir un « thermomètre » permettant de constater une pollution trop élevée dans leurs rues, l’installation et le maintien de telles stations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, la pollution de l’air est en effet un enjeu de santé publique majeur. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’augmenter le budget destiné à financer les actions d’amélioration de la qualité de l’air de 18 % en 2013, notamment le budget des associations, ce qui, dans un contexte budgétaire contraint, est un effort significatif.
En outre, j’ai présenté, le 6 février dernier, un plan d’urgence pour la qualité de l’air prévoyant un certain nombre de mesures d’ordre public environnemental.
La mesure en continu de la qualité de l’air est bien sûr un outil indispensable à la politique de l’État et des collectivités. Le réseau de stations de surveillance fixes ou mobiles doit respecter des critères stricts, qui sont fixés par les directives européennes.
En France, ce sont les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, auxquelles je rends hommage, comme Airparif en Île-de-France, qui sont chargées, pour le compte de l’État et des pouvoirs publics, de la mise en œuvre des moyens de surveillance et de l’information du public en cas de dépassement des seuils de pollution, ce qui est arrivé assez fréquemment depuis le début de l’année.
Depuis plusieurs années, le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air vérifie que le réseau national est bien maillé et conforme à la directive européenne.
Les dernières expertises menées en 2011 et 2012 ont établi qu’il existait suffisamment de stations de mesure fixes en France, mais qu’il pourrait être utile de développer des stations de mesure mobiles.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les stations fixes sont généralement situées sur le domaine public et sont donc soumises à autorisation de la collectivité territoriale concernée.
Vous évoquez la station d’Issy-les-Moulineaux, exploitée par Airparif depuis 1991. La ville d’Issy-les-Moulineaux a souhaité disposer des lieux en 2009, et la convention de mise à disposition du local n’a pas été reconduite par la communauté d’agglomération Arc de Seine, devenue Grand Paris Seine Ouest.
La communauté a lancé une procédure de contentieux à l’égard d’Airparif, qui s’est vu assigner pour occupation illégale par le tribunal administratif de Cergy et mis en demeure avec astreinte journalière. Airparif a donc décidé d’opter pour un autre emplacement.
D’autres communes des Hauts-de-Seine ont émis le souhait d’accueillir la station, comme Clamart, mais le choix final pourrait se situer dans le 15e arrondissement, à proximité d’Issy-les-Moulineaux, dans une configuration similaire.
La station d’Issy-les-Moulineaux sera fermée en 2013, et, dans l’attente d’une solution nouvelle, la surveillance de la qualité de l’air sera assurée dans cette zone grâce à la complémentarité entre les stations de mesure et la modélisation permettant d’évaluer la pollution en tout point du territoire.
Quant au financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, il est régi par le code de l’environnement, qui prévoit un financement tripartite : subventions de l’État et des collectivités, contributions des industriels.
Le soutien de l’État a été constant. L’augmentation, depuis 2010, de la quotité de certains polluants de la TGAP – taxe générale sur les activités polluantes – que les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air peuvent récupérer en partie sous forme de dons des industriels, leur permet de voir leur budget s’accroître sensiblement.
Mais l’État ne peut en aucun cas imposer aux acteurs locaux ni leur adhésion aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ni leur financement.
Je regrette profondément le retrait du conseil général des Hauts-de-Seine, département dense de la zone sensible de qualité de l’air en Île-de-France, alors que l’ensemble des autres départements franciliens contribuent au financement d’Airparif, qui remplit des missions de service public.
Je rappelle que, pour les Franciliens, la pollution atmosphérique dans leur région est un sujet de préoccupation majeur.
Je note que le département des Hauts-de-Seine a également supprimé sa subvention à Bruitparif, qui est un outil régional d’aide dans la mise en place des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je resterai très attentive à ce que la pérennité des moyens d’Airparif soit garantie, malgré la décision du conseil général des Hauts-de-Seine.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse très précise et très détaillée, madame la ministre. J’en profite pour saluer mon collègue Philippe Kaltenbach, maire de Clamart, qui a accepté l’installation d’une station de mesure Airparif dans sa commune.
En tant que statisticien de formation, je sais que, pour que des mesures soient véritablement pertinentes dans la durée, on ne peut pas se permettre de modifier un échantillonnage, même si le rôle des modélisations est extrêmement important.
Plus il y aura de stations de mesure, plus les mesures seront fines et précises et permettront une meilleure prévention et une alerte plus rapide de nos concitoyens.
Cela étant dit, il est inquiétant que des collectivités territoriales se désengagent de ce réseau de surveillance au motif que les informations qu’ils fournissent sont alarmantes pour des municipalités vantant la qualité de vie sur leur territoire.
Trois sources de financement, vous l’avez rappelé, contribuent donc au budget du réseau français : l’État, principalement, les collectivités locales et les industriels. En la matière, il me semblerait intéressant d’innover. Le réseau de surveillance de l’air en France, qui est de bonne qualité, est très loin d’atteindre la capacité, la précision et le niveau de développement du système analogue existant en Allemagne, lequel est beaucoup plus réactif.
En décembre dernier, lors de l’installation du comité pour la fiscalité écologique, vous constatiez que la France était avant-dernière en Europe en matière de fiscalité environnementale et qu’il était nécessaire, autant que faire se peut, d’établir un lien concret et direct entre l’affectation du produit de cette fiscalité et l’action environnementale.
Je pense qu’il serait intéressant, pour financer la surveillance de l’air, d’étudier deux sources nouvelles de financement répondant toutes les deux au principe du pollueur-payeur et ne créant pas de nouvel impôt. Il devrait être possible, en premier lieu, qu’une part de la TGAP soit reversée de manière fixe aux organismes français de contrôle de l’air, en second lieu, qu’une fraction de quelques centimes d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, l’ancienne TIPP, soit affectée au réseau de mesure de la qualité de l’air.
En tout cas, il faudra trouver une façon, un jour ou l’autre, de rendre obligatoire l’installation de capteurs de mesure de la qualité de l’air dans les communes sensibles ou très sensibles afin d’éviter que, dans les mois ou les semaines à venir, de nouvelles communes se désengagent du réseau de surveillance.
INSCRIPTION DE L’USINE SOLVAY SUR LA LISTE DES ÉTABLISSEMENTS OUVRANT DROIT AU DISPOSITIF DE CESSATION ANTICIPÉE D’ACTIVITÉ DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, ma question initiale, qui date de janvier 2013, visait à attirer votre attention sur les délais d’inscription de l’usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, ou CAATA. Cette entreprise, située dans la vallée de la chimie de la Meurthe, est l’une des deux dernières soudières existant en France, la seconde se trouvant à quelques kilomètres de là.
Après un refus du tribunal administratif en 2007, cette inscription a été demandée le 1er octobre 2012 par la cour administrative d’appel de Nancy, au vu du nombre de salariés exposés à l’amiante et de la durée de leur exposition.
Je rappelle tout de même que, à ce jour, on dénombre dans cette entreprise quatre décès imputables à l’amiante et trente-huit salariés atteints de pathologies liées à leur exposition à ce minéral. L’utilisation de ce matériau n’a définitivement cessé qu’en 1997, après trente années de manipulation par des centaines de salariés.
À la suite de la décision de la cour administrative d’appel de Nancy, le ministère du travail et de l’emploi – pas le vôtre, donc, madame la ministre – a décidé de se pourvoir devant le Conseil d’État. Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision est apparue assez peu compréhensible aux yeux de la centaine de salariés concernés, alors même que l’entreprise elle-même – son dirigeant me l’avait fait savoir – n’avait pas souhaité faire appel de cette décision.
Depuis que je l’ai déposée, ma question a trouvé une réponse partielle puisqu’un arrêté de votre ministère, en date du 6 février 2013, a inscrit cette entreprise sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif CAATA. Pourtant, cet arrêté ne satisfait personne puisqu’il prend comme période de référence les années allant de 1966 à 1990, et non pas jusqu’à 1997, ce qui était demandé par les salariés, la cour d’appel de Nancy et la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, sollicitée pour avis par le ministère.
Aussi, une question demeure : pourquoi l’arrêté ne prend-il pas en compte la totalité de la période, alors même que la commission des accidents du travail et maladies professionnelles le conseillait ? Cinquante salariés sont concernés pour ces sept années et, dans l’état actuel de l’arrêté, il leur sera impossible de profiter du dispositif de cessation anticipée d’activité.
On le sait, l’amiante provoque en France plus de 3 000 décès par an. Il importe, pour les 130 salariés de l’entreprise Solvay exposés à l’amiante de 1966 à 1997, que l’État leur accorde la retraite anticipée à laquelle ils ont droit, reconnaissant ainsi que l’emploi qu’ils ont occupé durant des dizaines d’années comportait un risque auquel ils ont été exposés sans protection.
Je souhaiterais que vous puissiez m’indiquer, madame la ministre, les mesures que vous entendez prendre pour reconnaître ce préjudice sur la totalité de la période d’exposition.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, l’établissement Solvay, situé à Dombasle-sur-Meurthe, a été inscrit sur la liste des entreprises qui ouvre droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs de l’amiante par un arrêté du 6 février 2013, paru au Journal officiel le 13 février 2013.
Vous me demandez, d’abord, pourquoi la période d’inscription retenue s’étend de 1966 à 1990 et non pas au-delà. La raison est la suivante : c’est en 1990 qu’a pris fin l’activité de confection de diaphragmes à base d’amiante, qui se déroulait dans le cadre d’une unité d’électrolyse destinée à la fabrication de chlore. Cette information n’a été portée à la connaissance du ministère du travail qu’après la tenue de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAMTS. C’est ce qui explique que le projet d’arrêté soumis à cette commission ne comportait pas, initialement, la limite de l’année 1990.
Par ailleurs, vous mentionnez le recours engagé par le ministère du travail contre l’arrêt de la cour d’appel administrative de Nancy.
Selon la jurisprudence du Conseil d’État, seuls les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l’amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté une part significative de leur activité peuvent être inscrits sur la liste ouvrant droit à cette allocation. Or il ressort des pièces du dossier que ces conditions n’étaient pas remplies dans l’établissement de Dombasle-sur-Meurthe. C’est pourquoi le ministère du travail s’est pourvu contre la décision de la cour administrative d’appel de Nancy. En effet, celle-ci a retenu une proportion de salariés exposés entre 9 % et 12 % du total des effectifs sur la période d’exposition, ce qui est bien inférieur au seuil de 25 % habituellement retenu par la jurisprudence.
Voilà, monsieur le sénateur, les raisons des décisions qui ont été prises. Je tiens cependant à vous réaffirmer la forte volonté du Gouvernement de faire en sorte que les victimes de l’amiante soient indemnisées, dans le respect des règles de droit définies et en fonction du préjudice subi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse précise, que je vais porter, naturellement, à la connaissance des intéressés.
Je comprends bien que la jurisprudence du Conseil d’État impose, en quelque sorte, au ministère de déposer ce recours. Néanmoins, ce dernier a été psychologiquement mal reçu par le personnel parce qu’il reportait dans le temps la prise de mesures difficiles, en particulier la réorganisation de l’entreprise.
Elle fut également mal comprise par l’encadrement de cette entreprise, qui, même s’il n’était pas directement concerné à l’époque, assume aujourd’hui la responsabilité liée à la présence d’amiante. Ces responsables craignaient en effet que le départ rapide des travailleurs touchés ne désorganise complètement leur entreprise. Il était donc nécessaire pour eux de prendre le temps de parer à cette désorganisation. Un accord a même été passé entre les responsables de l’entreprise et les syndicats, pour mener à bien, justement, cette opération. Ce recours a donc compliqué les choses.
J’en viens à la période de référence retenue. L’unité d’électrolyse, c’est vrai, a bien été fermée vers 1990. Il n’en demeure pas moins que des travailleurs ont continué à être exposés à l’amiante, que l’on trouvait ailleurs dans cette entreprise qui s’étend sur des dizaines d’hectares. Ce n’est qu’en 1997 que l’on a mis fin à l’utilisation d’amiante.
Je pense donc que les salariés ne comprendront pas que ces travailleurs-là ne soient pas traités comme les autres. Cela va créer une discrimination à l’intérieur de l’entreprise. Les syndicats vont, probablement, déposer un nouveau recours, en s’appuyant sur la décision de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, qui leur donnait raison et recommandait que soit prise en compte la période allant jusqu’à 1997.
SITUATION DES ASSOCIATIONS D’AIDE À DOMICILE

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Philippe Bas. Madame la ministre, ma question touche à un problème récurrent.
Nos associations d’aide à domicile au service des personnes âgées sont dans une situation très difficile. Elles bénéficient d’un tarif 1,50 euro plus élevé que le tarif horaire proposé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – et par ses correspondants régionaux pour la prise en charge de l’aide ménagère au bénéfice des personnes âgées les moins dépendantes.
Reste que, aujourd’hui, une grande partie de nos associations d’aide à domicile assument ces prestations sans que leurs coûts de revient soient couverts. Nous les avons incitées à se regrouper, ce qu’elles font, d’ailleurs. Elles économisent ainsi des frais de gestion, mais cela ne suffit pas.
Jusqu’alors, aucun fonds d’urgence n’a permis de régler le problème. Vous vous trouvez donc, madame la ministre, face à une alternative : soit vous arrivez à mobiliser des crédits nouveaux au titre de l’aide sociale de la CNAV et de la Mutualité sociale agricole, et vous pourrez alors augmenter le tarif horaire de nos associations pour qu’elles ne meurent pas ; soit vous ne pouvez pas le faire, dans les circonstances financières actuelles, mais il faudrait, alors, que vous puissiez autoriser les associations d’aide à domicile financées par l’assurance vieillesse au titre de l’aide sociale à percevoir la différence entre le coût de revient de la prestation et ce qui est pris en charge, au titre de l’aide ménagère, différence pouvant être acquittée par l’usager lui-même, qui ne demande pas mieux, dans la plupart des cas, que de le faire.
Vous ne pouvez pas à la fois refuser de financer le nécessaire et exclure que les associations se financent en obtenant l’appoint de la part des personnes âgées qu’elles assistent. Si vous adoptez cette posture de double refus, alors, nos associations d’aide à domicile, pour les plus fragiles d’entre elles, disparaîtront, avec le coût social que cela représente. Je pense non seulement au personnel que ces associations emploient, mais aussi et surtout à la difficulté que vous aurez à réaffirmer la priorité que, comme nous, j’en suis sûr, vous accordez au maintien à domicile de nos personnes âgées.
Voilà, madame la ministre, la question que je veux vous poser et l’inquiétude que je relaie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, c’est incontestable, les associations d’aide à domicile rencontrent des difficultés. Tout élu local est confronté, sur son territoire, aux inquiétudes exprimées par ces associations qui sont notamment au service des personnes âgées, et dont le rôle doit être reconnu et salué. Si nous voulons favoriser le maintien à domicile de ces personnes et préserver ainsi leur autonomie le plus longtemps possible, nous devons agir.
C’est ce qu’a fait le Gouvernement en décidant de créer un fonds de restructuration de l’aide à domicile dans la loi de finances pour 2013. Ce fonds permettra de mobiliser 50 millions d’euros pour 2013 et 2014, qui s’ajouteront aux 50 millions d’euros versés en 2012.
Les arrêtés précisant la répartition des sommes allouées à ce fonds ont été publiés récemment. Les services ont jusqu’au 30 avril, pour adresser leur dossier de demande à l’agence régionale de santé, qui coordonne le travail administratif, en liaison avec l’ensemble des financeurs, en particulier les conseils généraux et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail.
Le travail d’instruction des dossiers sera donc réalisé en concertation avec l’ensemble des acteurs, mais sous la responsabilité des agences régionales de santé.
Cette première action, importante et volontariste, se poursuivra par l’élaboration d’une stratégie de refondation de l’aide à domicile, afin de répondre, notamment, aux exigences de qualité, de professionnalisation et d’accessibilité financière pour les usagers, ainsi qu’aux exigences de bonne gestion des crédits mobilisés.
Nous allons conduire des expérimentations visant à déterminer un nouveau mode de tarification. Elles devraient permettre de mieux définir les prestations attendues et de fixer les modalités d’une contractualisation entre chaque conseil général et les opérateurs intervenant sur son territoire. L’idée est qu’une contractualisation soit mise en place dans chaque département à partir d’objectifs spécifiques, appuyés sur un schéma national, et dans un cadre pluriannuel.
Un groupe de travail sur les groupes iso-ressources 5 et 6 – GIR 5 et GIR 6 –, relevant actuellement des caisses de retraite et de la CNAV, devra également permettre de favoriser le recours à l’aide à domicile pour les personnes qui, encore largement autonomes, commencent néanmoins à la perdre, et de faciliter la transition en cas de passage au GIR 4.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement conscient des préoccupations que vous relayez, et il a d’ores et déjà pris des mesures pour répondre à la situation à laquelle sont confrontées les associations d’aide à domicile.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse et de l’intérêt que vous portez aux associations d’aide à domicile, ainsi, bien sûr et avant tout, qu’aux personnes âgées qui bénéficient de leurs prestations.
Malheureusement, le fonds d’urgence de 50 millions d’euros, même renouvelé chaque année, ne s’est pas révélé jusqu’à présent à la hauteur des besoins. Je reste préoccupé, après votre réponse, des conditions de l’équilibre financier des associations.
Je vous ai demandé si vous pouviez envisager de desserrer cette contrainte – elle n’est d’ailleurs nullement légale – qui empêche de percevoir un complément de la part de la personne âgée elle-même lorsque le tarif, pour des raisons budgétaires et financières nationales, est bloqué à un niveau insuffisant.
Vous ne m’avez pas répondu, mais je ne doute pas que la réflexion du Gouvernement se poursuit. En tout cas, les conseillers généraux comme le Gouvernement et les agences régionales de santé, le conseil d’administration de la CNAV et celui de la Mutualité sociale agricole, ne peuvent pas laisser en l’état une situation qui ne cesse de se dégrader.
Les associations ont déjà pris un certain nombre de mesures de bonne gestion et d’économie. Aujourd’hui, les marges d’amélioration sont donc de plus en plus faibles, même s’il en reste sans doute quelques-unes dans tel ou tel département.
Quoi qu’il en soit, je puis vous assurer que la situation est actuellement extrêmement tendue dans le département de la Manche. Je ne doute pas que vous saurez obtenir du ministre délégué au budget les assouplissements nécessaires pour l’ensemble des départements français, car il doit, lui aussi, avoir conscience de cette difficulté.
PACTE TERRITOIRE-SANTÉ ET DORDOGNE

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 315, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, il y a quelques semaines, vous dévoiliez les principales mesures du plan de lutte contre les déserts médicaux.
Ce plan est d’autant plus indispensable que la pénurie de soins concerne aujourd’hui 10 % de la population française. Ce chiffre, comme toute moyenne, renvoie cependant à des réalités fort différentes.
Ainsi, dans les territoires ruraux, la situation est extrêmement préoccupante, voire alarmante. C’est le cas, par exemple, dans mon département, la Dordogne, où 30 % de la population a plus de soixante ans. En outre, la Dordogne est le troisième département de France par sa superficie et la densité n’y est que de 46 habitants au kilomètre carré.
Cela vous laisse percevoir immédiatement les difficultés que rencontrent les Périgourdins en termes d’accès aux soins. Pour les soins de pédiatrie, de gynécologie ou encore d’ophtalmologie, un habitant sur trois se trouve dans un désert médical. En outre, dans un canton sur cinq, on ne trouve plus qu’une seule pharmacie, un canton sur cinq manque d’infirmiers et un canton sur dix est en déficit de médecins généralistes.
M. Jean Besson. C’est juste !
M. Claude Bérit-Débat. Nous sommes, de plus, confrontés à un manque de médecins assurant les gardes de nuit, et les services d’urgence, SAMU-SMUR, ne peuvent plus répondre aux besoins, faute de personnel.
La situation est donc déjà plus que difficile.
Malheureusement, elle ira en s’aggravant puisque les médecins généralistes qui officient sur notre territoire sont aujourd’hui âgés. Si rien n’est fait, un sur deux ne trouvera pas de remplaçant.
Les élus du territoire se mobilisent pour stopper l’hémorragie. En quelques années, dix maisons de santé ont été ouvertes sur le département. Des contrats locaux de santé ont été passés, notamment dans le nord du département, qui est le plus touché.
Cependant, cet investissement des collectivités ne suffit pas à inverser la tendance, et l’on peut dire que, inexorablement, le désert médical gagne du terrain en Dordogne.
Dans votre plan de lutte, vous évoquez, par exemple, la mise en place d’un revenu garanti pour 200 praticiens territoriaux en médecine générale, l’adaptation des hôpitaux de proximité ou bien encore la création d’un référent installation.
Si je salue ces annonces, je m’interroge toutefois sur leurs effets concrets dans le territoire que je représente. Pourriez-vous m’indiquer, madame la ministre, dans quelle mesure la Dordogne bénéficiera de ce plan afin que notre département ne soit plus le désert médical qu’il est en train de devenir ? (M. Jean Besson applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, dans de très nombreux territoires, l’attente de nos concitoyens est forte au regard de l’offre de soins, de la présence de médecins, d’infirmiers, de kinésithérapeutes, de pharmacies. Voilà pourquoi j’ai insisté, lorsque j’ai lancé le pacte territoire-santé, au mois de décembre dernier, sur la nécessité d’organiser une concertation au niveau de chaque territoire. Ainsi, nous pourrons déterminer la meilleure manière d’adapter les engagements du Gouvernement à chacun d’entre eux.
L’Agence régionale de santé d’Aquitaine a ainsi mené une concertation en Dordogne au mois de février dernier, en y associant l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire les professionnels de santé libéraux et hospitaliers, les ordres, l’université et, bien entendu, les collectivités territoriales, car c’est avec elles et en relation avec elles que le travail doit s’accomplir.
Un plan d’action sur l’ensemble des axes du pacte a été élaboré par l’Agence.
Ainsi, pour faciliter l’installation des jeunes médecins en Dordogne, l’ARS d’Aquitaine a développé un partenariat avec l’université de Bordeaux qui forme les futurs médecins. Il s’agit de communiquer fortement auprès des jeunes médecins généralistes et de définir un projet d’accompagnement de la filière de médecine générale tout au long du parcours de l’étudiant.
De plus, afin de répondre aux craintes d’isolement des jeunes médecins et pour optimiser le temps médical, ce qui correspond à une demande des professionnels, l’Agence a développé un partenariat avec l’ensemble des financeurs publics en Dordogne, en vue de mobiliser tous les moyens autour des pôles de santé. À ce jour, dix maisons de santé pluridisciplinaires fonctionnent dans le département de Dordogne.
Pour garantir l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes, l’Agence va promouvoir en Dordogne le dispositif de médecin correspondant du SAMU, médecin généraliste libéral de premier recours prenant en charge des patients en situation d’urgence médicale grave.
Elle va aussi développer des projets d’expérimentation qui visent à renforcer la réponse à l’aide médicale urgente dans les zones situées à plus de quarante-cinq minutes d’un accès SMUR en mettant en place des dispositifs de télémédecine.
Enfin, concernant les hôpitaux de proximité, un travail s’est engagé sur les liens entre les établissements de proximité et le centre hospitalier de Périgueux, établissement de recours pour le territoire de santé que vous évoquez, monsieur le sénateur.
Des rapprochements sont en cours, notamment via la mise en place d’une direction commune entre les centres hospitaliers de Périgueux, de Lanmary et de Sarlat. Les hôpitaux participent aussi au déploiement des consultations avancées de médecins spécialistes, axe important pour l’accès aux soins.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, la dynamique du pacte territoire-santé est engagée en Dordogne, comme ailleurs sur le territoire. Vous pouvez être assuré de ma détermination pour veiller à sa bonne mise en œuvre. Il y va de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Grâce à la mobilisation de tous, nous pourrons arriver à répondre aux attentes de la population.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.
Ma question était antérieure à la réflexion qui a été engagée en Aquitaine. Néanmoins, un certain nombre d’inquiétudes subsistent.
Certes, tous les départements ruraux ont les mêmes caractéristiques. Néanmoins, en Dordogne, la densité démographique est particulièrement basse eu égard à la superficie du département et à une population relativement peu nombreuse : la moyenne est, je l’ai dit, de 46 habitants au kilomètre carré, ce qui signifie que, par endroits, notamment dans le nord, la densité ne dépasse pas 10 habitants au kilomètre carré.
J’ai eu connaissance de la concertation menée avec la faculté de médecine de Bordeaux. Cependant, jusqu’à présent, les efforts sont restés vains. Vous le savez aussi bien que moi, madame la ministre, pour inciter un médecin généraliste à s’installer dans un département rural, l’environnement, qu’il soit social, culturel, économique, scolaire, etc., a une grande importance.
Les pôles de santé n’ont pas attendu le plan qui a été annoncé pour voir le jour. Ce sont les collectivités – conseil général, communes, intercommunalités – qui en ont financé la mise en place, avec quelquefois des difficultés pour trouver des personnes acceptant d’occuper les emplois créés. Pour ma part, je privilégie d’abord le fait de trouver des médecins, des infirmières, des chirurgiens-dentistes.
Je ne doute pas de votre détermination, madame la ministre, et je vous soutiens pleinement dans votre mission, mais je n’ai pas de vraies certitudes quant aux résultats en Dordogne, car le déficit y est très important.
J’ai évoqué tout à l’heure l’ophtalmologie. Il y a trois ophtalmologistes en Dordogne et il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous ! Par ailleurs, seuls deux pédiatres officient à Périgueux. Les chiffres en témoignent, il s’agit bien d’un désert médical !
Quoi qu’il en soit, je compte beaucoup sur vous, madame la ministre.
CALENDRIER SCOLAIRE ET FRÉQUENTATION DES STATIONS DE SPORT D’HIVER

M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 355, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean Besson. Ma question porte sur l’inadéquation des périodes de vacances scolaires.
Les modifications du calendrier scolaire triennal fixées par l’arrêté du 20 juillet 2009, sans concertation préalable avec les opérateurs du tourisme, ont retardé d’une semaine les vacances d’hiver et les vacances de printemps.
Dorénavant, les vacances de printemps débordent largement sur le mois de mai, c’est-à-dire qu’elles interviennent au moment où la quasi-totalité des stations de sport d’hiver sont fermées ou en passe de l’être. Monsieur le président, vous qui êtes sénateur de Haute-Savoie, vous connaissez bien le problème ! (M. le président acquiesce.)
Moyennant quoi, en deux saisons, la fréquentation des stations pendant les vacances de Pâques a été divisée par deux. On estime que près de 35 000 emplois sont directement affectés par ce changement de calendrier.
Cette année, il est vrai, le bilan de la saison touristique en montagne a toutes les chances de s’avérer positif en raison, notamment, d’un niveau d’enneigement exceptionnel. En tant que président du comité régional de tourisme de Rhône-Alpes, je ne peux que m’en féliciter. Il est d’ailleurs opportun de rappeler que, en cette période de crise, l’industrie touristique reste, heureusement, l’un de nos meilleurs atouts économiques, qu’il est un pourvoyeur de devises et d’emplois. Rien qu’en Rhône-Alpes, le tourisme représente une consommation de plus de 10 milliards d’euros et 150 000 emplois !
Cette bonne nouvelle conjoncturelle ne saurait toutefois masquer les difficultés d’un secteur d’activité qui s’interroge sur son développement.
La réforme à venir des rythmes scolaires est une initiative heureuse du ministre de l’éducation nationale, qui va dans le sens de l’intérêt primordial de nos enfants. Je la soutiens sans réserve.
Cependant, je souhaite que cette réforme bienvenue soit aussi l’occasion de réfléchir à la définition de nouvelles dates de vacances scolaires, qui ne pénalisent pas les différents acteurs de la filière du tourisme, notamment des sports d’hiver.
Cette question revient régulièrement dans l’actualité, comme un serpent de mer, si j’ose dire s’agissant de montagne (Sourires.), sans qu’une réponse satisfaisante lui soit pour autant apportée par les pouvoirs publics.
Seule une concertation avec l’ensemble des parties prenantes tenant compte des nouvelles habitudes de vie de nos concitoyens, c’est-à-dire des parents et de leurs enfants, serait en mesure de répondre à cette difficulté.
Je souhaite donc savoir quelles sont les intentions du ministère de l’éducation en la matière ?
M. le président. Je remercie notre collègue Jean Besson de cette question, dont je partage totalement les motivations. (Sourires.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le président, monsieur le sénateur Jean Besson, je tiens à vous présenter les excuses de M. Vincent Peillon, qui est retenu ce matin par la première réunion conjointe de l’ensemble des recteurs et des directions régionales des affaires culturelles, qui doit notamment traiter, en lien avec la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, des parcours artistiques et culturels.
Nous avons bien entendu les interrogations et les inquiétudes des maires et des professionnels du tourisme quant aux conséquences d’une révision du calendrier scolaire sur l’activité économique.
Après consultation des différents acteurs du monde éducatif, le calendrier scolaire national de l’année 2013-2014 a été fixé par arrêté du 28 novembre 2012. La rentrée scolaire a été fixée au mardi 3 septembre 2013 et le début des vacances d’été au 5 juillet 2014. Les vacances de la Toussaint s’étendront du 19 octobre au 4 novembre 2013 et les vacances de Noël, du 21 décembre 2013 au 6 janvier 2014.
Pour l’année civile 2014, et en fonction du mécanisme d’alternance des zones académiques, les vacances d’hiver s’étendront du 15 février au 17 mars et les vacances de printemps, du 12 avril au 12 mai. (M. Jean Besson manifeste son insatisfaction.) Effectivement, monsieur le sénateur, au regard des préoccupations que vous exprimez, de telles dates peuvent sembler tardives. (M. Jean Besson acquiesce.)
Ce calendrier est conforme à celui de 2012-2013, qui avait obtenu l’aval du Conseil supérieur de l’éducation. Le nombre de jours de vacances est inchangé. Les vacances de la Toussaint comptent désormais deux semaines complètes. Certes, à la Toussaint, il est rare qu’il y ait déjà de la neige !
Si M. le ministre de l’éducation nationale a souhaité établir ce calendrier pour la seule année scolaire 2013-2014, et non sur une base triennale, c’est pour pouvoir ouvrir, à partir de ce printemps, une réflexion approfondie sur les évolutions du calendrier scolaire, notamment à l’aune de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
Dans ce cadre, je tiens à vous rassurer totalement : les acteurs du tourisme et les représentants des collectivités locales en zone maritime ou de montagne seront évidemment consultés.
Nous sommes pleinement conscients des conséquences économiques qu’aura le rééquilibrage du calendrier dans ces régions spécifiques. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue les priorités que sont le bien-être des élèves et l’organisation de la vie des familles.
Le travail accompli pour revoir l’organisation hebdomadaire des rythmes scolaires est une première étape. Cela souligne à quel point il est urgent de s’attaquer à ce qui est une spécificité française : le nombre annuel de journées scolarisées est de 144 par an, contre 187 en moyenne dans l’OCDE, ce qui contribue à surcharger considérablement les journées, au détriment de la qualité de l’apprentissage.
Cette réforme des rythmes témoigne de la nécessité de concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Elle témoigne surtout des enjeux multiples du calendrier scolaire et de la nécessité de ne jamais perdre de vue l’objectif de réussite scolaire pour chaque enfant.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, qui va sûrement exprimer notre déception commune quant aux dates retenues pour les vacances de printemps. (Sourires.)
M. Jean Besson. J’irai effectivement dans votre sens, monsieur le président. Je remercie Mme la ministre de sa réponse, mais, chacun le comprendra, je ne peux pas approuver les perspectives dont elle a fait état.
Je soutiens la réforme des rythmes scolaires ; c’est une très bonne idée d’avoir une demi-journée supplémentaire. En revanche, je ne peux pas suivre le Gouvernement sur le calendrier des vacances d’hiver et de printemps. Il faudrait concentrer les premières sur le mois de février – c’est techniquement possible puisqu’il y a tout de même quatre semaines – et les secondes sur la fin du mois de mars et le début du mois d’avril.
Cela n’a aucun sens de mettre les vacances de printemps à cheval sur la fin du mois d’avril et le début du mois de mai ! D’ailleurs, tout le monde reconnaît qu’il y a trop de jours fériés – qui se transforment souvent en autant de ponts – au mois de mai : le 1er mai, le 8 mai, l’Ascension, la Pentecôte…
En tout état de cause, nous, élus des départements alpins et pyrénéens, ne pouvons être qu’en désaccord avec de telles décisions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Nous sommes effectivement confrontés à des impératifs contradictoires.
Nous avons évidemment à l’esprit les préoccupations spécifiques des élus des stations de montagne, mais il faut aussi tenir compte des multiples ponts du mois de mai et assurer aux enfants un nombre suffisant de jours de classe.
Nous allons mener une concertation qui visera précisément à essayer de concilier ces différents intérêts.
Quoi qu’il en soit, il faut aussi diversifier les plaisirs de la montagne : on peut également y passer des vacances très agréables au printemps ou en été.
M. le président. Madame la ministre, quitte à sortir un instant de mon rôle de président de séance, je vous dirai que M. Besson et moi-même sommes tout disposés à vous soumettre un certain nombre de propositions. (M. Jean Besson acquiesce.)
ATTRIBUTION DE SUBVENTIONS AU TITRE DE LA RÉSERVE PARLEMENTAIRE

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 402, transmise à M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean Louis Masson. J’avais adressé cette question, qui concerne la réserve parlementaire, à M. le Premier ministre. On m’a téléphoné pour m’indiquer qu’elle était transmise au ministre chargé des relations avec le Parlement. Or je constate qu’il n’est pas là aujourd’hui. J’en déduis que c’est finalement Mme la ministre chargée de la réussite éducative qui va me répondre. Je suis tout de même un peu surpris, je l’avoue, par une telle désinvolture. Je ne vois pas bien le rapport entre la réussite éducative et la réserve parlementaire… Cela fait sans doute partie des mystères du Gouvernement !
Madame la ministre, les événements qui ont émaillé l’actualité de ces derniers jours – je pense en particulier à l’affaire Cahuzac – illustrent une nouvelle fois la nécessité de moraliser la vie publique.
Sur cette question de la morale dans la vie politique, un sujet fournit un exemple très probant : la réserve parlementaire. En l’occurrence, une réforme s’impose. Celle pour laquelle je milite depuis plus d’un an s’articule autour de trois axes : l’équité, tant dans la dotation aux différents parlementaires que dans la répartition territoriale ; la transparence, car, s’agissant d’argent public, nos concitoyens et nous-mêmes avons le droit de savoir ce qu’il en est exactement ; l’honnêteté, parce qu’il convient d’empêcher les dérives possibles.
J’avais interrogé M. le ministre de l’intérieur sur ce dernier point lors de la séance des questions orales du 5 février. Il m’avait répondu que les tribunaux judiciaires étaient compétents en la matière et que des poursuites pouvaient, le cas échéant, être engagées. D’ailleurs, j’ai appris depuis par la presse que cela avait été le cas dans deux dossiers au moins.
Je concentrerai mon propos sur l’équité et la transparence. Je m’appuierai notamment sur les révélations récentes de la presse, en particulier celles de l’émission Capital diffusée par M6 le 17 mars et d’un article paru dans le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France le 5 avril.
Premier axe : l’équité.
Par le passé, il y avait, et c’était un scandale, des distorsions considérables. Certains profitaient du système, « s’empiffraient » littéralement de réserve parlementaire, tandis que d’autres devaient se contenter de quelques miettes…
Le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ont annoncé, à grand renfort de publicité, que tous les parlementaires seraient dorénavant traités sur un même pied. Je m’étais réjoui dans la presse d’une telle annonce et j’avais félicité la nouvelle majorité de l’initiative ainsi prise.
Hélas ! M. le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale a désavoué les propos de M. Bartolone et a reconnu sur M6 qu’il y avait toujours des parlementaires privilégiés pour profiter du système en recevant deux ou trois fois plus que les autres.
La presse et les parlementaires ont manifestement été « enfumés » lorsqu’on leur a fait croire que tout le monde serait désormais sur un pied d’égalité.
Deuxième axe : la transparence.
En la matière, je vous rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement a l’obligation de communiquer aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat la liste de toutes les subventions allouées aux associations, y compris celles qui relèvent de la réserve parlementaire. Le gouvernement Fillon ne l’a pas toujours fait. Comme par hasard, l’utilisation de la principale subvention en cause a été pour le moins douteuse… D’ailleurs, elle fait l’objet d’une enquête judiciaire.
Quant à l’actuelle ministre de l’écologie, elle a vraiment traîné les pieds pour fournir un minimum d’informations sur le sujet. Pourtant, elle y est obligée par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ; les personnes concernées ont dû saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA. Mais la ministre continue de refuser la consultation des documents malgré les injonctions que la CADA lui a adressées !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Ces deux exemples démontrent la nécessité d’une réforme globale de la réserve parlementaire. Le Gouvernement doit présenter un projet de loi ou demander l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’une proposition de loi – j’en ai déposé une en ce sens – tendant à moraliser la réserve parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur Masson, c’est effectivement moi qui suis chargée de représenter le Gouvernement pour vous répondre. Comme vous le savez, les ministres, au même titre d’ailleurs que les parlementaires, ne sont pas toujours maîtres de leur emploi du temps, et mon collègue Alain Vidalies ne pouvait pas être présent ce matin pour vous répondre personnellement.
Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur la réserve parlementaire. Au passage, je vous fais observer qu’il n’y a pas non plus de lien entre ce sujet et l’affaire Cahuzac, à laquelle vous avez néanmoins fait allusion.
Je ne dispose pas d’éléments très précis sur les différents aspects que vous avez évoqués. Je voudrais toutefois rappeler les règles et les principes qui s’appliquent en l’espèce.
Vous avez cité la nécessité de la transparence : des règles existent ; elles doivent être respectées. Si, dans tel ou tel cas particulier, elles ne l’ont pas été, il vous appartient, comme à nous tous d’ailleurs, de veiller à leur application.
Vous avez rappelé l’obligation de publier chaque année, en annexe au projet de loi de finances, la liste des subventions versées par l’État aux associations sur l’initiative du Gouvernement ou du Parlement. Cette liste est scrupuleusement renseignée ; elle intègre les subventions versées au titre de la réserve parlementaire. Il doit être normalement possible de vérifier que cette information est fiable et complète et, avec les ministres concernés, mon collègue Alain Vidalies veillera à ce que cela soit fait.
Vous avez également insisté sur l’accès aux documents administratifs. Là encore, des règles claires et rigoureuses sont fixées par la loi. La CADA assure leur respect et leur application, sous le contrôle du juge administratif, qui peut et doit même être saisi de tout manquement éventuel.
Je tiens à rappeler que l’ensemble des subventions attribuées au titre de la réserve parlementaire font l’objet d’amendements déposés par le Gouvernement sur proposition des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est un élément d’information et de contrôle démocratique essentiel auquel il faut se référer.
Comme vous l’avez dit devant le ministre de l’intérieur lors de la séance de questions du 5 février dernier, des questions plus larges se posent sur l’attribution de la réserve et, plus fondamentalement, sur la rénovation des pratiques en la matière.
Au nom du Premier ministre, nous saluons, comme vous l’avez vous-même fait, l’effort de transparence et d’équité des présidents Jean-Pierre Bel et Claude Bartolone, qui ont souhaité que les crédits de la réserve soient répartis au prorata des effectifs des groupes parlementaires. Il reste à espérer qu’à l’intérieur des groupes parlementaires le même principe d’équité s’applique, mais, vous en conviendrez, nous sommes moins armés pour intervenir en ce domaine.
En tout cas, votre souci d’améliorer la transparence et l’équité dans l’emploi de la réserve parlementaire est partagé par les membres du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je suis vraiment stupéfait, et même scandalisé, madame la ministre ! À quoi bon poser des questions si c’est pour vous entendre nous répondre que le soleil brille quand il fait nuit ?
Je vous ai dit précisément que certains responsables avaient reconnu l’absence de toute égalité, notamment le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, qui a affirmé toucher trois fois plus que les autres. Je n’entrerai pas dans le détail des problèmes qui se posent au Sénat, mais, il en va de même. Initialement, c’est vrai, madame la ministre, tout le monde devait avoir la même chose, et je m’en réjouissais. Mais l’égalité n’a pas été instaurée, et c’est un vrai scandale ! M. Bartolone et le président du Sénat se sont moqués des journalistes et de l’opinion en faisant croire qu’il y avait une justice alors qu’il n’y en a toujours pas !
S’agissant de l’autre problème que j’ai évoqué, madame la ministre, on est à la limite du mensonge. Dans ma question, je citais un exemple précis.
J’ai transmis par écrit au Gouvernement cette question, mais peut-être n’en avez-vous pas eu connaissance, le hasard vous ayant sans doute désignée, aucun autre membre du Gouvernement n’étant disponible, pour répondre à la question que j’ai adressée au Premier ministre… Si, au moins, vous avez lu cette question et si vous avez été un peu informée avant de venir ici, vous savez très bien que, contrairement à ce que vous avez dit, la subvention allouée à cette association au titre de la réserve parlementaire n’a pas été publiée. On l’a dissimulée, et une interrogation persiste donc.
Vous ne pouvez pas me répondre que toutes les subventions aux associations sont publiées. Elles devraient normalement l’être, madame la ministre, mais, là, il y a eu magouille, il y a eu entourloupe, et c’était bien l’objet de ma question. Pourquoi cette subvention a-t-elle été masquée ? Pourquoi n’a-t-elle pas, comme toutes les autres subventions aux associations, été publiée ?
Sur ces points, madame la ministre, vous n’avez pas répondu !
M. le président. Madame la ministre, permettez-moi de vous remercier d’avoir représenté le Gouvernement à cette séance de questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

M. le président. La séance est reprise.
3
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
Nous poursuivons la discussion des articles.
CHAPITRE IER (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AU MARIAGE
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Article 1er (suite)
(Non modifié)
M. le président. Nous continuons l’examen, au sein du chapitre Ier, de l’article 1er, dont je rappelle les termes :
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° Il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :
« Art. 143. – Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » ;
2° L’article 144 est ainsi rédigé :
« Art. 144. – Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » ;
3° L’article 162 est complété par les mots : « , entre frères et entre sœurs » ;
4° L’article 163 est ainsi rédigé :
« Art. 163. – Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. » ;
5° Le 3° de l’article 164 est ainsi rédigé :
« 3° Par l’article 163. »
II. – Après le chapitre IV du titre V du livre Ier du code civil, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV BIS
« DES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS
« Art. 202-1. – Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
« Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.
« Art. 202-2. – Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »
Dans la discussion de l’article 1er, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur les deux amendements identiques n° 5 rectifié bis et 170 rectifié ter, dont je rappelle les termes :
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 170 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Une explication de vote est l’occasion d’y voir plus clair dans le débat et de clarifier la position de chacun, particulièrement celle du Gouvernement.
Nous voulons d’abord comprendre, madame la ministre, chers collègues de la majorité, ce que vous attendez aujourd’hui du mariage. Pendant des années, vous nous avez expliqué qu’il était la version bourgeoise du contrat d’union civile et vous estimiez « ringard » de vouloir se marier. Nous vous avons proposé un contrat d’union civile, vous n’en avez pas voulu !
La situation est maintenant complètement ubuesque.
D’un côté, on constate dans nos mairies que 95 % de couples hétérosexuels choisissent plutôt le PACS, souvent d’ailleurs, il faut le dire, pour des raisons de commodité ou de facilité, facilité pour s’unir par un contrat, mais facilité aussi quand il s’agit de desserrer, voire de couper les liens. Le fait que le divorce n’ait pas été retenu comme moyen de mettre fin à un PACS a ainsi certainement conduit un certain nombre de couples hétérosexuels à privilégier cette formule.
De l’autre, vous venez maintenant nous expliquer que c’est finalement le mariage qu’il faut pour les couples homosexuels.
C’est le monde à l’envers ! J’aimerais donc que vous nous éclairiez, à la faveur de ce débat, sur l’idée que vous vous faites du mariage.
Ensuite, je souhaiterais que le Gouvernement clarifie sa position sur une question qui commence à prendre corps dans le débat public : que va-t-il se passer une fois le mariage pour tous instauré ? Sur ce point, c’est la cacophonie !
Il y a quelque temps, le Président de la République a nié que l’ouverture à la GPA et à la PMA puisse être discutée à l’occasion du débat sur le mariage pour tous. Interrogé sur ce point la semaine dernière – sans doute préoccupé par d’autres questions, il a répondu un peu vite –, il a redit que ce sujet n’était pas du tout à l’ordre du jour.
Soit, mais ce n’est pas exactement ce que nous entendons du côté de la majorité et du Gouvernement !
Il y a d’abord une volonté très claire, exprimée hier par Mme Bertinotti, de banaliser ces questions.
Madame la ministre, vous affirmez ainsi – je cite le compte rendu analytique – que, « ce que réclament les homosexuels, c’est une banalisation ». Eh bien voilà, nous y sommes ! On banalise tout ce qui tourne autour de l’union entre un homme et une femme, à commencer par le débat sur la GPA et la PMA dont on nous explique qu’il n’a même pas de raison d’être !
Du côté de la majorité, nous avons entendu M. le rapporteur expliquer que la question de la PMA serait discutée dans les semaines ou dans les mois à venir.
Vous avez en effet dit, monsieur le rapporteur, qu’il était tout à fait normal et naturel, dès lors que l’on accordait les mêmes droits aux personnes du même sexe, de les autoriser à recourir à la PMA et demain, évidemment, à la GPA.
Le président de la commission des lois a, lui, fait preuve d’une certaine retenue. Se demandant où nous voulions « en venir », il a ajouté : « Je ne sais pas, lorsque se présenterait un éventuel texte sur la PMA et la GPA, ce que je voterais. Il n’est pas correct intellectuellement de nous faire constamment des procès d’intention. »
Monsieur le président de la commission, appelons un chat un chat ! Alors que nous entendons vos amis, dont l’un siège en ce moment à vos côtés, nous expliquer que c’est précisément dans cette direction que la majorité veut aller, vous ne pouvez dans le même temps nous dire que ce n’est pas du tout le cas et nous reprocher de vous faire un procès d’intention.
Je souhaite donc, madame la ministre, mesdames, messieurs – parité oblige ! – les représentants de la majorité sénatoriale, que vous nous disiez exactement où vous voulez nous conduire et conduire notre société après ce texte ? Bref, quels sont vos intentions et vos objectifs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le président de la commission, je voudrais reprendre des propos que vous avez tenus hier soir et que j’approuve.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Bruno Sido. Ainsi, quand vous dites que « certains propos ne peuvent rester sans réponse » et que « nous sommes sensibles aux poids des mots », je suis tout à fait d’accord avec vous.
Quant à vous, madame la ministre, vous nous avez demandé si nous pensions vraiment que « toutes les adoptions par les couples hétérosexuels [étaient] motivées par la seule volonté de donner une famille à un enfant ». À cette interrogation, vous avez répondu que ce n’était « évidemment pas le cas ». L’heure était tardive et sans doute fallait-il nous réveiller en nous provoquant…
« Pensez-vous que l’adoption internationale ne soit pas déjà un marché ? », avez-vous cependant ajouté pour enfoncer le clou, ce à quoi j’ai immédiatement répondu – cela figure au compte rendu analytique de nos débats : « C’est scandaleux ! »
Cela mérite une explication, madame la ministre. Je considère en effet que ce que vous avez dit, sans doute un peu rapidement – et peut-être regrettez-vous aujourd’hui vos propos d’hier –, était une attaque en règle, gratuite et, je persiste, scandaleuse des dizaines de milliers de couples hétérosexuels qui ont entamé une démarche internationale d’adoption, laquelle n’a d’ailleurs pas toujours abouti.
En laissant entendre que ces dizaines de milliers de couples se sont tournés vers le « marché » de l’adoption, puisque vous prétendez qu’il existe, vous les insultez et vous injuriez les pays qui ont donné un enfant à ces familles adoptives. Ce n’est pas de bonne politique de jeter l’anathème sur ces couples hétérosexuels !
Enfin, je voudrais reprendre – la séance d’hier soir était décidément intéressante ! – les propos de notre rapporteur Jean-Pierre Michel. Pour lui, « la présomption de paternité doit […] être relativisée. Qu’on le veuille ou non, il y a des familles décomposées, recomposées, monoparentales, homosexuelles, hétérosexuelles, des familles qui élèvent des enfants issus d’une union antérieure. »
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison : c’est un constat.
Pour autant, est-il justifié qu’on légalise tous les modes de vie actuels ? En effet, il y a bien d’autres situations que vous n’avez pas décrites. Je n’en parlerai pas ici parce que je ne veux pas être polémique. Je considère néanmoins que c’est une politique de suivisme, que j’ai appelée hier soir « la politique du chien crevé au fil de l’eau ». (Murmures de désapprobation sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, je ne sais pas si vous connaissiez cette expression, mais elle est très parlante ! Avec une telle politique, vous ne manifestez aucun esprit critique, alors que c’est le devoir de tout citoyen.
Puisque cet article 1er ne fait que prendre acte des pratiques d’une faible minorité et qu’il ne prend en compte ni l’intérêt général ni l’intérêt supérieur de la nation, étant à cet instant du débat bien entendu que le mariage entre personnes homosexuelles entraînera la PMA et la GPA, je voterai les amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme M. le rapporteur et moi-même avons été interpellés par nos deux collègues sur les déclarations que nous avons pu faire hier, je tiens à apporter certaines précisions.
Premièrement, monsieur Lenoir, vous avez bien voulu prêter attention à mes propos sur le sens des mots.
M. Jean-Claude Lenoir. Comme d’habitude !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous me faites beaucoup d’honneur !
M. Bruno Sido. C’est normal !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle premièrement que, comme je l’ai dit à M. Raffarin, prétendre que le dictionnaire de l’Académie française fixe dans le marbre le sens des mots n’a malheureusement pas de véracité : depuis 1694, nous en sommes à la neuvième édition et chaque nouvelle édition note l’évolution des mots.
M. Jean-Pierre Raffarin. Le mensonge reste le mensonge, la vérité reste la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Antoine Lefèvre. Les yeux dans les yeux !
Mme Nathalie Goulet. Le sens de cette expression a changé…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est évident que, si ce projet de loi est adopté, le sens du mot « mariage » dans la République française sera modifié et ce n’est pas un drame ! Certains mots changent de sens, et c’est un effet auquel la loi peut aboutir, mais encore faut-il distinguer la loi et la perception du sens des mots par l’opinion publique.
Deuxièmement, et je serai extrêmement clair sur ce point, il n’est pas légitime, mes chers collègues, de reprocher à ceux, dont je fais partie, qui voteront ce texte des choses qui n’y figurent pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais que se passera-t-il après ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous votons sur les dispositions qui sont dans le texte.
Votre raisonnement consiste à dire que, si nous votons ce texte, nous en voterons forcément un autre par la suite.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh bien non ! Puisque MM. Lenoir et Sido m’ont interrogé, je réponds que, en effet, si un texte nous est présenté demain sur d’autres sujets, chacun d’entre nous et chacun de nos groupes politiques y réfléchiront !
En tout cas, je n’accepte pas que l’on vienne me dire ce que je voterai demain. Qu’en savez-vous ? De quel droit préjugez-vous de mes positions ?
Par ailleurs, je peux vous assurer, s’agissant de la PMA et de la GPA, que je ne suis pas disposé à voter des mesures sur ces sujets aujourd’hui.
M. Jean-Claude Lenoir. Soit, mais que dit le Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Lenoir, vous m’avez interrogé ; je vous réponds avec la plus grande clarté.
Troisièmement, à ceux qui objectent que la GPA est une pratique légale ailleurs, par exemple aux États-Unis, je réponds que Mme Taubira a bien fait de publier une circulaire pour que soit prise en compte la situation d’enfants issus d’une GPA, enfants qui existent et qui sont là !
M. André Reichardt. Il y en aura d’autres !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Reichardt, on ne peut pas refuser le droit à une patrie à ces enfants et en faire des apatrides !
Quoi qu’il soit, mes chers collègues, nous faisons ici la loi pour la République française et ce n’est pas parce que quelque chose se pratique dans un autre pays qu’il faut que nous nous alignions sur celui-ci.
M. Bruno Sido. Je suis bien d’accord !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sinon, autant fermer le Parlement français…
M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et déclarer qu’il suffit qu’une disposition soit adoptée quelque part dans le monde pour qu’elle s’impose à nous. Je ne suis pas d’accord !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je regarde ce qui se passe à l’étranger, car, comme mon groupe, je suis ouvert à la réalité ; après beaucoup de réflexions et après m’être, comme d’autres, expliqué, je vote ce texte, mais je ne permets à personne de dire que, puisque je le vote, je vais en voter un autre qui n’existe pas. Cela me paraît une démarche intellectuellement peu défendable.
Les choses sont donc extrêmement claires.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas ce que dit le rapporteur !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun peut s’exprimer, monsieur Lenoir ! Vous m’avez interrogé et je pense, je l’ai dit, vous avoir répondu avec beaucoup de clarté.
M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?...
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE TURQUIE

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer une délégation de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui nous visite dans le cadre d’un programme d’échange avec l’Union européenne. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.)
Représentants de toutes les formations, les membres de cette délégation appartiennent à la commission de réflexion sur la révision de la Constitution.
Ils sont accompagnés par notre collègue Gérard Larcher.
Qu’ils reçoivent l’hommage du Sénat, assemblée pondérée, traditionnellement active dans la construction européenne, et soucieuse de la permanence des relations de la France avec ses amis. (Vifs applaudissements.)
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Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Nous poursuivons les explications de vote sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (début)
Article 1er (suite)
Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. D’abord, je partage l’avis du président de la commission des lois sur la circulaire Taubira, car il serait en effet affligeant de laisser des enfants dans un état de non-droit et de créer des apatrides.
Ensuite, je considère que chacun peur faire ce qu’il veut de sa vie privée. On peut être homosexuel, pourquoi pas, être polygame, pourquoi pas, faire n’importe quoi, pourquoi pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) On peut même être sénateur…
Il n’en va pas de même dans la vie publique.
Ce que l’on nous propose, ce n’est pas le mariage pour tous – l’intitulé du projet de loi ne convient vraiment pas –, c’est le mariage homosexuel.
Je pense qu’il n’appartient pas à l’État de favoriser des situations qui ne correspondent pas à l’intérêt de la nation. Il est à proprement parler scandaleux, alors que la France se trouve dans une situation dramatique, notamment sur le plan économique, de faire diversion en faisant n’importe quoi simplement pour permettre à des gens de se livrer à des activités auxquelles ils peuvent se livrer sans être mariés ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je ne vois pas pourquoi l’on dénaturerait l’institution du mariage pour que des gens qui ont leurs pratiques propres, que je n’approuve pas, mais chacun peut faire ce qu’il veut, puissent fonctionner, en quelque sorte, dans un cadre institutionnel.
Je considère que cette loi pour le mariage homosexuel est tout à fait mal venue, et cela d’autant plus que nos concitoyens sont confrontés au chômage et à des difficultés économiques. Ce n’est pas le moment de leur dire que le mariage homosexuel va régler tous leurs problèmes !
M. David Assouline. Il n’y a que vous pour dire ça !
M. Jean Louis Masson. Dans cette affaire, je crois que la question de la responsabilité est posée. Comme je suis non inscrit, je suis assez peu lié aux prises de position des groupes politiques auxquels appartiennent les uns et les autres, mais je crois que chaque parti politique, en la circonstance, a une responsabilité. Au sein du Sénat, la majorité étant très serrée, je souhaite pour ma part que non seulement tous les amendements qui vont à l’encontre du projet de loi soient adoptés, mais aussi et surtout que le projet de loi lui-même soit rejeté. J’appelle tous mes collègues à être attentifs à leurs responsabilités et je souhaiterais que les partis politiques votent en bloc pour ou contre, mais que chacun s’assume !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jean Louis Masson ignore la Constitution…
M. Jean Louis Masson. Il serait désastreux que ce projet de loi soit adopté parce qu’une dizaine de parlementaires voteraient dans un sens contraire à la position prise par leur parti. C’est un point fondamental.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout mandat impératif est nul ! Il faut lire la Constitution…
M. Jean Louis Masson. Moi, ce que je souhaite, c’est que ce projet de loi soit rejeté et je voterai donc contre !
Mme Cécile Cukierman. Pas nous !
M. Jean Louis Masson. Je tiens à dire que ce n’est pas du tout pour bloquer la vie privée des gens, et je le dis d’autant plus aisément que, je le répète, je trouve la circulaire Taubira pertinente. À la limite, si certains veulent se livrer à la PMA ou à la GPA, pourquoi pas, mais ce n’est pas à la loi de favoriser les dérives !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Avec cet article 1er, nous sommes au cœur du projet de transformation majeure de la société souhaité par le Gouvernement et la majorité.
Nous avons voulu, en toute bonne foi et avec une conviction profonde, en tenant compte des évolutions de la société, rassembler autour d’un projet d’union civile répondant à l’aspiration d’une large partie de nos concitoyens.
Mais la majorité refuse de nous écouter. Pour des raisons essentiellement politiques, elle a rejeté cette proposition pourtant beaucoup plus consensuelle que le projet de loi.
Avec ce texte, et notamment son article 1er, disposition emblématique de cette réforme, le Gouvernement et la majorité ont fait un choix de société que nous ne partageons pas.
Une fois encore, nous voudrions en dénoncer les conséquences. Voici pourquoi nous luttons contre cet article 1er : aujourd’hui, le mariage et l’adoption qui en découlera – encore que le titre du projet de loi n’y fasse pas référence – ; demain, la procréation médicalement assistée et la question, toujours pendante, des mères porteuses.
Sur la PMA, on nous dit : « Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas le débat du présent texte ; il y aura un autre texte, plus tard, mais c’est un autre sujet. »
Hélas, non ! C’est le même sujet, monsieur Sueur !
Il suffit pour s’en convaincre de lire, par exemple, le rapport pour avis de la commission des affaires sociales : « Votre rapporteure est favorable à l’extension de l’AMP aux couples de femmes », cela notamment « au nom de l’égalité des projets parentaux entre couples hétérosexuels et couples homosexuels ».
Pourquoi une telle affirmation serait-elle nécessaire à propos du présent projet de loi si les deux questions n’étaient pas liées ?
Et qu’en est-il de la gestation pour autrui ? Selon la même source, « face aux risques que représente l’instrumentalisation du corps de la mère porteuse et de sa possible marchandisation, votre rapporteure était initialement opposée à la légalisation de la GPA ». Toutefois, « sa position n’est pas fermée à ce jour ».
Comment peut-on être aussi évasif, et même contradictoire, sur un sujet tellement sensible, tellement important et tellement central dans notre société ?
Mes chers collègues, notre position, elle, est claire.
L’interdiction de la GPA, dans notre code civil, repose sur deux principes juridiques que nous continuerons à défendre avec force : d’abord, l’indisponibilité de l’état des personnes, c’est-à-dire l’impossibilité pour un être humain de disposer de sa qualité d’homme, de femme ou d’enfant ; ensuite, l’indisponibilité du corps humain, qui rend illicite toute convention sur le corps humain.
Dès lors, la très grande majorité du groupe UDI-UC soutiendra les amendements de suppression l’article 1er de ce projet de loi déposés par notre groupe et par nos collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite donner quelques explications puisque M. de Montesquiou vient de me citer en tant que rapporteur pour avis.
De surcroît, j’ai pu, tout comme le président de la commission des lois et son rapporteur, entendre, lors de nombreuses auditions, des positions diverses et précises sur la question de procréation médicale assistée et il me paraît important de dire où j’en suis moi-même sur cette question, étant bien précisé qu’elle n’entre pas du tout dans le périmètre du présent projet de loi,…
MM. Francis Delattre et Jean-Claude Lenoir. Cela viendra après !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. … qui ne porte que sur le code civil.
Lorsqu’il s’agit de procréation médicale assistée, c’est le code de la santé qui est concerné ainsi que les lois de bioéthique, qui ont déjà été débattues ici. Je n’y étais pas, mais j’ai lu les comptes rendus, tout à fait intéressants.
Lors des auditions, j’ai pu constater qu’il y avait une majorité de positions favorables à l’encadrement de la procréation médicalement assistée. Je n’ai donc pas du tout le sentiment d’avoir été hors sujet en vous donnant ces positions qui sont certes personnelles, mais qui ne pouvaient être passées sous silence.
Il n’en reste pas moins que ce sujet ne fait pas partie du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, même si, à en juger par ce que l’on entend dans cet hémicycle, c’est pour vous une obsession qui vous conduit à en parler sans cesse.
M. Jean-Claude Lenoir. Quelle hypocrisie !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Pas du tout !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.
M. Antoine Lefèvre. L’article 1er ouvre la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage et par là même, que vous le vouliez ou non – ou plutôt que nombre de mes collègues et moi-même le voulions ou non –, il donnera automatiquement le droit d’adopter aux personnes de même sexe.
Or, la proposition d’union civile, que vous avez rejetée hier, répondait aux attentes exprimées par beaucoup. Outre qu’en effet une certaine solennité manque à la signature du PACS, le lieu actuel, à savoir le tribunal où se règlent les conflits, ne me paraît pas être le plus approprié pour deux personnes de même sexe désirant manifester leur amour réciproque.
Cette union civile aurait donc permis aux couples de même sexe d’accéder à de nouveaux droits, mais sans la filiation, à l’inverse de ce qu’entraîne l’article 1er.
S’il faut être particulièrement attentif à la demande de reconnaissance sociale et de sécurité juridique de la part des couples homosexuels, la réponse ne peut cependant passer par un accès au mariage. En aucun cas, celui-ci ne peut être un simple certificat de reconnaissance d’un sentiment amoureux, car le mariage emporte présomption de paternité et filiation. La spécificité du mariage, c’est d’être une institution tournée vers les enfants du couple.
Ne nous trompons pas et plaçons l’enfant, au travers de ses droits, au cœur de nos discussions, qui engageront définitivement notre société. L’enfant, pour se construire, a besoin d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu.
Or, sur le plan de la procréation, les couples hétérosexuels et homosexuels ne se trouvent pas, à l’évidence, dans des situations comparables. C’est un état de fait que nul ne peut contester. Il est donc illusoire de réclamer le mariage pour tous, car il ne peut assurément pas produire les mêmes effets.
De même, il est dangereux de laisser croire que la famille est une création d’ordre social et non d’ordre biologique. Ne remettons pas en cause un des fondements de notre société.
À ce propos, je veux partager avec vous le témoignage d’un de nos concitoyens.
Pascal habite dans l’Aisne et travaille à Paris. Il est homosexuel et vit en couple avec un homme depuis sept ans. Pascal est opposé au mariage gay, qui aura de lourdes conséquences à long terme. Pour lui, cette demande est portée par des groupes militants qui ne représentent nullement tous les homosexuels. Personne n’a voté pour eux : ils se sont autoproclamés représentants de la « communauté gay ». Le mariage, selon lui, est une institution stable qui donne un cadre à la famille et à la succession des générations par la nécessaire stabilité de la société.
Attachons-nous aux priorités, à savoir, d’abord, les enfants.
De quel droit la loi peut-elle – surtout quand ceux qui la votent ont eu un père et une mère… – priver un enfant à venir de père ou de mère ? La vie, dans sa dure réalité, crée bien assez de situations dramatiques d’enfants orphelins.
Comment un couple homosexuel pourra-t-il accueillir un enfant ? Par l’adoption ? Qui peut le croire alors qu’il y a déjà 20 000 demandes d’adoption en attente ?
On arrive donc inévitablement, et sans être obsessionnel, ne serait-ce qu’au nom de « l’égalité », à la PMA – Vous l’avez vous-même avoué hier soir, monsieur le rapporteur, et la porte-parole du Gouvernement, Mme Vallaud-Belkacem, a déclaré elle aussi qu’elle serait légalisée – et donc, bien sûr, à la GPA.
Vous sentez-vous le droit de prendre la responsabilité d’engager la société française dans cette direction, sous prétexte que ce n’est pas vous qui en subirez les conséquences ?
Enfin, il nous faut lutter contre les idéologies comme systèmes de pensée qui s’imposent de force à la réalité, voire en dépit de la réalité. Je pense, par exemple, à l’idéologie de l’identité du genre, qui tente d’imposer de force l’abolition des différences entre les hommes et les femmes au profit d’un très théorique choix subjectif du sexe auquel on désire appartenir, quitte à nier toute spécificité de l’homme et de la femme, et qui remet même en cause la terminologie « femme » et « homme ».
Surtout, autorisez le débat : affirmer qu’un couple hétérosexuel est différent d’un couple homosexuel n’est pas de l’homophobie ; les homosexuels se sont suffisamment battus pour le droit à la différence !
Certes, l’annonce d’autres projets de loi sur la famille traitant de la PMA et de la GPA amplifie la gravité de la situation. Elle nourrit les inquiétudes sur des questions sur lesquelles le Gouvernement semble hésiter. C’est bien la preuve de leur gravité.
Le président de la commission des lois indiquait à l’instant que cela se produit à l’étranger. Eh bien, non ! J’en veux pour preuve les réactions aux propositions que devait faire demain une clinique américaine dite « de la fertilité » dans un grand hôtel parisien à de potentiels clients, à savoir « dons d’ovocytes, gestation pour autrui, test génétique de dépistage sur embryon », propositions assorties le lendemain de consultations individuelles, toutes ces pratiques étant pourtant interdites dans notre droit français.
Le mariage de couples de personnes de même sexe engendrera des transformations sociétales très profondes et ouvrira la porte à une conception renouvelée de la femme et de l’homme.
Les amendements de suppression de MM. Gélard et Zocchetto ont le mérite de la clarté. C’est pourquoi je les voterai avec conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas les nombreuses explications auxquelles j’adhère complètement, comme celle de Jean-Jacques Hyest faisant hier acte de foi en la famille ou celle de Philippe Bas présentant les différents cas sur le plan juridique. Je veux en arriver à la fin de la soirée, lorsque M le président de la commission des lois et M. le rapporteur exprimaient le souhait que le débat puisse se poursuivre dans la sérénité – avec raison, car c’est un débat sérieux.
Monsieur Sueur, vous avez évoqué la transparence et l’absence d’hypocrisie qui devraient prévaloir, et je dois vous dire que votre sincérité m’a presque amené à adhérer à vos propos. J’ai été quelque peu ébranlé lorsque vous avez souligné, en qualité de grammairien, que les termes évoluaient, comme en témoignaient les éditions successives des dictionnaires.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la vérité !
Un sénateur du groupe UMP. Pas tous !
M. Jean-Pierre Vial. M. le rapporteur a renchéri en disant en substance que nous nous ferions au mariage pour tous comme nous nous étions faits au PACS, sous-entendant que les choses évolueraient…
Justement, quelle est la question, madame la ministre ? Je le dis très solennellement, notre pays traverse une crise sérieuse, dont un élément essentiel est une crise de confiance dans la classe politique.
Comment pouvons-nous, sur un thème aussi sérieux, accepter de n’aborder qu’un seul sujet alors que l’on nous indique que d’autres vont suivre ? À cet égard, je citerai vos propos, madame Bertinotti, devant la commission : « Je prends cette interpellation comme le signe du très vif intérêt que les parlementaires portent à l’évolution des familles dans la société française. » Effectivement, la famille évolue. Alors, pourquoi nous demande-t-on d’attendre pour les évolutions à venir ?
Le Président de la République, devant le congrès des maires, a évoqué dans un premier temps une clause de conscience permettant de déléguer la célébration du mariage. Ce qui m’a le plus étonné, outre le fait qu’il propose au premier magistrat des communes de faire défaut sur l’application de la loi, c’est qu’il considère l’existence d’un cas de conscience. Il y a donc bien dans cette loi quelque chose de profond.
D’ailleurs, dans les semaines qui ont suivi, l’introduction de la PMA a été évoquée à l’Élysée comme au Gouvernement. Voyant que le sujet était sensible, la question a été différée et renvoyée à une éventuelle initiative parlementaire. Comme par hasard, c’est au Parlement que l’on impose ou demande, selon le moment, certaines mesures !
Vous avez tenu à répondre longuement à notre collègue Jean-Claude Lenoir, monsieur le président Sueur, et je vous en remercie.
M. Jean-Claude Lenoir. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Vial. Pour ma part, ce n’est ni à vous ni au rapporteur, malgré tout le respect que je vous porte, que je pose la question, mais au Gouvernement.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! Le Gouvernement doit répondre !
M. Jean-Pierre Vial. Plus exactement, je retransmets au Gouvernement la question que Mme Benbassa lui a adressée en commission : « Madame la ministre chargée de la famille, pourriez-vous nous dire quand le Gouvernement compte mettre en place la concertation sur la famille et élaborer la loi qui en découlera ? […] Quand pourrons-nous discuter de la PMA et de la GPA ? »
Vous voyez bien que ces deux textes, en réalité, n’en font qu’un. C’est parce que l’on touche, au fond, à la théorie du genre que le sujet dérange et que l’on refuse d’en parler. Voilà la vérité, voilà où l’on ment à la nation ! C’est pourquoi vous devez répondre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je voterai en faveur de ces amendements de suppression pour les multiples raisons qui ont déjà été exprimées.
Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. le président de la commission des lois concernant l’aspect sémantique du débat.
Mme Esther Benbassa. Encore !
M. Jean-Pierre Leleux. Certes, les mots changent, nous en convenons tous, mais, si l’on examine l’histoire de la langue, on constate qu’ils évoluent au fil des usages. Il n’appartient pas au Parlement de transformer le sens des mots. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Parlement est un acteur de la société !
M. Jean-Pierre Leleux. Une majorité politique, quelle qu’elle soit, ne peut ni changer le mal en bien ni inverser le sens des mots, et encore moins appeler « mariage » ce qui ne l’est pas,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. Jean-Pierre Leleux. … ne peut pas l’être et, qu’on le veuille ou non, ne le sera jamais !
Lors de la discussion générale, certains se sont agacés que nous fassions appel à des « cannes blanches », à des citations pour soutenir nos propos. J’avais ainsi cité Albert Camus – cela ne vous avait pas plu – et Portalis, notre « veilleur ». Je fais à présent appel à quelqu’un qui ne devrait pas poser de problème dans vos rangs, à savoir l’ancien ministre de la justice, Mme Guigou, qui disait, en parlant du mariage, que c’était « l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes ». Voilà qui devrait cheminer dans vos esprits !
Pour remonter plus loin dans le passé, puisque l’on parle du temps qu’il faut pour que les mots changent, je ferai appel à un poète soufi du XIIe siècle, Ibn’Arabî, qui, au fond devrait faire l’unanimité dans cette assemblée. À la question de savoir quel vœu il exprimerait si Dieu lui demandait ce dont il a le plus envie, ce grand poète mystique répond en effet : ce que je désire le plus, c’est que l’on restitue leur sens aux mots.
Nous n’avons pas le droit, en tant que parlementaires, de changer le dictionnaire et la signification profonde de mots auxquels sont attachés une symbolique et une histoire lourdes de sens. C’est pourtant ce que nous faisons aujourd’hui ! C’est la raison pour laquelle je m’opposerai avec la plus grande vigueur à ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est vous qui détournez le sens des mots !
M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour explication de vote.
M. Abdourahamane Soilihi. Je voudrais d’abord parler d’une confusion relative à la dénomination du projet de loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » alors que vous parlez, chers collègues de la majorité, du « mariage pour tous ». En réalité, vous avez là un slogan.
La confusion est également de nature anthropologique, entre le genre et l’orientation sexuelle.
Mais la confusion concerne surtout la portée du projet de loi, car le mariage, dans le code civil, ce n’est pas que l’union d’un homme et d’une femme, c’est également la filiation, la présomption de paternité ; c’est automatiquement le droit à l’adoption et, pour les couples stériles, l’accès à la procréation médicalement assistée.
En conséquence, ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est transférer les droits autrefois réservés aux couples de sexe différent aux couples de même sexe. Si les situations des couples mariés de sexe identique ou différent deviennent similaires, il n’y aura plus cette différence de situation qui peut justifier que certains aient accès à l’adoption et d’autres non, que certains aient accès à la PMA et d’autres non, et enfin que certains aient accès à la PMA et donc à la procréation alors qu’ils sont stériles, et que d’autres ne puissent pas bénéficier de la GPA.
Or, c’est justement ce qui est caché, ce qui n’est pas dit suffisamment clairement que nous critiquons et qui scandalise beaucoup de Français.
Si ce texte est voté, si le mariage de deux personnes de même sexe est à l’avenir rendu possible, alors automatiquement ces couples auront droit non seulement à l’adoption mais aussi à la procréation médicalement assistée, au besoin en passant par une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il considérer l’égalité de droits entre tous les couples mariés si certains d’entre eux peuvent avoir accès à la PMA et d’autres non ?
L’étape suivante verra surgir la même revendication de la part des couples composés de deux hommes qui demanderont alors, s’appuyant sur le fait qu’un couple formé de deux femmes a accès à la PMA, à avoir eux-mêmes accès à un moyen d’avoir des enfants ; et ce sera évidemment, mécaniquement, l’accès à la gestation pour autrui.
De fait, nous ne voulons faire peur à personne, nous voulons simplement que le débat puisse porter sur les véritables enjeux, pas sur la seule face émergée de l’iceberg, aussi grosse soit-elle. En segmentant le débat, vous cherchez à dissocier le mariage de la filiation, et l’adoption de l’utilisation d’autres méthodes de procréation.
La conception de l’égalité qui vous conduit à défendre ce mariage pour tous nous conduira mécaniquement vers l’adoption, vous l’admettez volontiers. Mais, toujours au nom de l’égalité, vous nous amènerez par le même mécanisme à la PMA.
Ensuite, parce que nous évoluons dans un cadre européen et que nos lois sont soumises à un contrôle de constitutionnalité, désormais y compris a posteriori, via la QPC, vous nous conduirez vers la GPA, que ce soit par l’intermédiaire de la Cour européenne des droits de l’homme ou du Conseil constitutionnel.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter que soit adopté l’article 1er relatif au mariage pour tous, car nous n’acceptons pas ses conséquences. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
M. Philippe Darniche. J’ai indiqué, lors de la discussion générale, que je n’étais pas favorable à ce texte, et je ne reprendrai pas l’ensemble de mon argumentation, mais j’ai entendu M. Sueur nous expliquer que le projet de loi ne traitait ni de la PMA ni de GPA et qu’il fallait s’en tenir au sujet en discussion.
Monsieur le président de la commission des lois, avec tout le respect que j’ai pour vous, cette manière de contourner le problème ne me semble pas très honnête.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si, c’est honnête !
M. Philippe Darniche. Pourquoi ? Vous le savez, car vous étiez également présent, j’ai assisté à un nombre important d’auditions. Dans ce cadre, j’ai bien entendu toutes les personnes qui étaient favorables à ce texte, et qui d’ailleurs n’étaient pas nécessairement majoritaires.
Quoi qu’il en soit, les personnes auditionnées qui y étaient favorables ont toutes indiqué très clairement que le souhait exprimé par les associations homosexuelles était d’aller vers la PMA et la GPA et qu’il faudrait inéluctablement y parvenir un jour.
Le Gouvernement savait que certains parmi nous, très favorables à la PMA et à la GPA, comptaient déposer des amendements visant à introduire des dispositions relatives à l’une et à l’autre dans ce texte. Nos collègues, nous le savons, ont été priés de retirer leurs amendements, l’étude d’une éventuelle légalisation de la PMA, et peut-être la GPA, étant reportée à un futur texte sur la famille.
Au-delà de son habilité, c’est pour moi un procédé mensonger.
On ne doit pas tromper l’opinion publique ! Or, avec ce procédé, on s’attire l’accord d’un certain nombre de personnes qui concluent qu’après tout le texte n’est pas si dangereux et qui, n’étant pas homophobes, en viennent à l’accepter.
Moi non plus, je ne suis pas homophobe ! La majorité, et même la totalité des personnes présentes dans cet hémicycle ne sont pas homophobes ! Cependant, je n’accepte pas que l’on mobilise un argument spécieux pour que dans les sondages une majorité de Français apparaissent favorables au présent projet de loi.
Sur le terrain, je constate que les personnes qui, dans un premier temps, répondaient que l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe correspondait après tout à une évolution de la société, changent bien souvent d’avis lorsqu’on leur démontre très clairement que l’on va en arriver à la PMA et à la GPA. Des explications sont donc nécessaires.
Je le répète, ce projet de loi est un mensonge, et je ne le soutiendrai donc pas, mais il y a à cela une autre raison, à mes yeux fondamentale : le problème des origines.
Nous en sommes tous témoins, soit personnellement, dans notre famille ou parmi nos amis, soit à travers les fonctions que nous occupons, notamment en tant que responsables des affaires sociales départementales, un nombre considérable de personnes consacrent jusqu’à leur dernier souffle l’essentiel de leur vie à la recherche de leurs origines.
En adoptant ce texte, nous augmenterons inéluctablement le nombre des enfants qui, une fois devenus adultes, seront obnubilés par la recherche de leurs origines et qui, inéluctablement aussi, souffriront.
Lors des auditions menées par la commission, j’ai soulevé cette question devant Mme Roudinesco, psychanalyste bien connue. Celle-ci m’a répondu : « C’est vrai, monsieur le sénateur, que le nombre de personnes concernées augmentera. » Puis, après un petit flottement, elle a ajouté que parfois, pour obtenir des progrès dans l’évolution de la société, il était nécessaire de créer des situations pouvant être douloureuses pour certains.
Ce type de raisonnement me semble inacceptable. Nous n’avons pas le droit de brader ainsi le bonheur des enfants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) C’est la raison pour laquelle je réaffirme mon opposition à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. L’article 1er, sur lequel nous devrons nous prononcer dans quelques instants, est présenté comme un article tout simple, prenant acte de l’amour unissant deux êtres et visant à le consacrer devant la République.
Cet article n’évoque ni l’adoption ni les enfants. Sauf que l’adoption sera abordée quelques articles plus loin. De plus, la PMA et la GPA suivront inévitablement dès lors que nous aurons admis que le mariage, tel que nous le connaissons aujourd’hui, peut aussi bien unir deux personnes du même sexe.
Vous ne pourrez en effet pas empêcher qu’un couple marié de femmes ou d’hommes ayant eu recours à la GPA dans un pays qui reconnaît cette pratique revienne avec l’enfant. Certes, nous ne donnerons pas de papiers d’identité français à cet enfant, mais un jour ou l’autre il faudra bien régulariser sa situation ! Il serait intenable que des bébés, des enfants, de jeunes adultes et des adultes dans notre pays depuis leur tendre enfance et ayant de facto des parents français, ayant été à l’école ici, travaillant ici, ayant leur réseau de relations ici, ne puissent bénéficier de papiers d’identité français !
Inévitablement, nous serons donc amenés à reconnaître à la fois la PMA puis, au nom du principe d’égalité, la GPA. En effet, dès lors qu’un couple de femmes pourrait accéder à la PMA dans un autre pays et en revenir avec un enfant, pourquoi un couple de deux hommes ne pourrait-il pas demander de recourir à la GPA ? Voilà la faiblesse de ce texte !
Chers collègues de la majorité, nous voulons bien croire en votre bonne foi lorsque vous dites qu’il s’agit simplement de reconnaître officiellement l’amour que se portent deux êtres, indépendamment de leur sexe. Cet aspect ne nous pose pas problème, et les amendements en faveur d’une union civile vont d’ailleurs dans ce sens. Mais, au nom du principe d’égalité, qui est le seul argument invoqué pour justifier le projet de loi, quel que soit l’angle d’attaque, on en viendra à la GPA et à la PMA. On ira donc bien au-delà de ce qui a été annoncé à l’origine, à savoir la reconnaissance de l’amour que se portent deux adultes.
Voilà pourquoi je maintiens que l’on ne nous dit pas tout sur ce texte ! (Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. « On » ne vous dit pas tout ?... (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Yves Détraigne. Voilà pourquoi, au nom du principe de précaution – même si le terme n’est pas bien choisi –, nous nous opposons à l’instauration d’un mariage qui serait la copie conforme du mariage traditionnel, qui, lui, a bien pour vocation d’unir deux adultes dans la perspective de fonder une famille qui accueille des enfants.
Dès lors que c’est ce modèle qui est transposé à deux hommes ou à deux femmes, d’une manière ou d’une autre, la conséquence sera inévitable et, par conséquent, on nous trompe sur les dispositions qui nous sont aujourd’hui soumises.
Pour cette raison et pour d’autres, qui ont déjà été évoquées et qui le seront de nouveau au cours de nos discussions, nous ne pouvons pas adopter ce que le Gouvernement nous propose. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. David Assouline. C’est sans fin, cette affaire !
M. René-Paul Savary. Je souhaite simplement rappeler que le Conseil constitutionnel a été saisi en novembre 2010 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité,…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Vous l’avez déjà dit !
M. René-Paul Savary. … posée par deux citoyennes du département de la Marne, dont je suis l’élu.
Mme Cécile Cukierman. L’un des élus !
M. René-Paul Savary. Cette question portait sur le dernier alinéa de l’article 75 du code civil et sur son article 144. À cette occasion, la Cour de cassation a rappelé son arrêt du 13 mars 2007, en vertu duquel, « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». Il s’agit là du principe de l’altérité !
Malgré les arguments selon lesquels l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire portent atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage, il a été précisé que le droit de mener une vie familiale normale n’était pas méconnu dans ce cadre, et qu’il y avait bien égalité devant la loi.
En conséquence, le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de personnes de même sexe de vivre en concubinage ou de bénéficier du cadre juridique du PACS, qui peut toujours évoluer.
Ainsi, selon le Conseil constitutionnel, l’interdiction de se marier pour les couples de personnes de même sexe ne porte pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale.
Madame la ministre, chers collègues de la majorité, les sages ont estimé que la distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. L’égalité ne peut donc pas être invoquée pour élargir le mariage aux personnes de même sexe.
A contrario, votre projet de loi ne permettra plus de protéger tous les enfants adoptables dans les mêmes termes : les enfants adoptés par des couples hétérosexuels bénéficieront d’une filiation symbolique, alors que les autres se verront un jour confrontés à la dure réalité, nécessairement révélée, car, jusqu’à présent, on ne naît pas de deux personnes du même sexe.
C’est à l’enfant que je pense. En prétendant établir une égalité entre adultes sur le plan du mariage, le présent projet de loi crée une nouvelle inégalité, encore plus compliquée, entre enfants de couples hétérosexuels et enfants de couples homosexuels.
Nous avons besoin d’une réforme cohérente, prenant, bien sûr, en considération le fait que l’amour peut porter un individu vers un autre, mais impliquant également la reconnaissance d’une égalité sociale et fiscale. L’union civile répondait véritablement à cette préoccupation, sans pour autant créer de filiation. Loin de poser ce type de problèmes, elle en réglait bien d’autres, qui plus est sans diviser les Français.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées l’UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Certainement l’explication décisive !
M. David Assouline. Espérons que ce soit le mot de la fin !
M. René Garrec. Pour ma part, je suis gêné par la conception de l’évolution des mots de M. le président de la commission des lois.
Sur la relation entre le mot et le fait, entre le mot et la réalité qui existe réellement, je prendrai le cas du mariage et du divorce. Je tenterai, par la même occasion, de détendre un peu l’atmosphère…
Dans la loi de 448 avant Jésus-Christ, Per aes et libram, figure la formule du divorce, ce qui prouve qu’il y avait bien mariage ! Cette formule est la suivante : Vade foras res tibi habetur,…
M. Bruno Sido. Voilà !
M. René Garrec. … ce que nous aurions sans doute traduit, à une époque où le français était très respecté, par : « Prends tes choses à toi et va-t-en ! » Cette formule aurait ensuite pu évoluer en devenant : « Sors d’ici avec tes affaires », pour donner enfin aujourd’hui, dans la bouche de l’homme de la rue : « Prends tes frusques et fous-moi le camp ! » (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Ce serait là la consécration du divorce. Toutefois, le fait est resté le même, et le mariage a existé en tant que tel. Voilà pourquoi l’évolution des mots ne change rien au fait et à la chose. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 136 :
Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 158
Contre 180
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Bruno Sido. C’est une large victoire…
M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, ainsi libellé :
Alinéas 1 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai ensemble les amendements nos 9 rectifié bis et 10 rectifié bis, ce qui fera gagner un peu de temps à notre assemblée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de suppression de différents alinéas de l’article 1er. Comme la suppression totale nous a été refusée, nous tentons maintenant la suppression partielle…
L’amendement n° 9 rectifié bis a pour but de supprimer le I de l’article 1er. Nous demandons ainsi l’annulation des dispositions qui consacrent le mariage entre personnes du même sexe. En effet, nous sommes favorables à l’union civile, et donc opposés aux conséquences qui résultent de ces dispositions, c’est-à-dire, notamment, l’extension de la prohibition du mariage qui existait entre oncle et nièce et tante et neveu aux liens qui pourraient s’établir entre tante et nièce et entre oncle et neveu.
Nous sommes naturellement également contre la disposition de l’article 164 prévoyant que le Président de la République peut déroger à cette interdiction en cas de motif grave. Le seul motif grave existant jusqu’à présent étant la naissance d’un enfant, il ne nous semble pas qu’un tel fait puisse advenir dans le cadre d’un lien unissant la tante et la nièce ou l’oncle et le neveu !
Par l’amendement n° 10 rectifié bis, nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3, qui disposent essentiellement que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
En d’autres termes, nous maintenons notre position : nous sommes favorables à l’union civile et contre le mariage de personnes de même sexe.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
Les six amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.
L’amendement n° 134 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 157 rectifié est présenté par MM. Bécot et G. Bailly, Mme Mélot et MM. Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 188 est présenté par M. Gournac.
L’amendement n° 193 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 240 est présenté par Mme Duchêne.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, reposant sur leur engagement public, volontaire et solennel pris devant la société.
« La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi.
« Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l’alliance et fonde la parenté, offrant à l’enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle.
« Cette nature particulière du mariage fonde l’existence de règles régissant impérativement ses conditions, ses effets et sa dissolution. » ;
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour défendre l’amendement n° 106 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Avant de présenter mon amendement, et après d’autres de mes collègues, je voudrais interpeler Mme la ministre pour la quatrième fois au sujet des propos tenus par Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, à propos de la PMA. Le Gouvernement ne nous a toujours pas répondu.
Madame la ministre, désavouez-vous les propos de Mme Najat Vallaud-Belkacem ou ces propos sont-ils exacts ?
Sur ce sujet, j’ai constaté deux attitudes différentes dans la majorité. J’apprécie celle du rapporteur, qui assume sa droite ligne en matière de PMA. En revanche, d’autres ont une attitude beaucoup plus flottante et, oserai-je dire, oblique. Or, nous préférons les droites aux obliques !
La PMA, chers collègues de la majorité, est consubstantielle à ce texte. Vous savez très bien, en effet, que la clé de voute de la Convention européenne des droits de l’homme est le principe de non-discrimination, si familier aux juristes avertis. Dès lors, une fois que le mariage aura été ouvert pour tous, et donc dans des situations juridiques identiques, vous ne pourrez pas traiter différemment les couples de personnes de même sexe ou de sexe différent au regard de PMA.
C’est le sens de l’arrêt Gas et Dubois de la CEDH, du 15 juin 2012, rendu à la requête d’un couple de femmes.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous devez vous exprimer sur ce point. Vous ne pouvez pas vouloir les causes et éviter en même temps les conséquences en matière de PMA.
En ce qui concerne l’amendement, il s’agit d’une définition du mariage tel qu’il existe aujourd’hui, non seulement ici mais dans pratiquement toutes les civilisations : l’union d’un homme et d’une femme.
C’est la définition la plus universelle. En effet, quelle que soit par ailleurs l’orientation sexuelle de nos parents, nous sommes tous les filles ou les fils d’un homme et d’une femme.
Le mariage n’est pas seulement un contrat mais une institution, et c’est pour cela que la société le reconnaît et qu’elle le distingue socialement, au sens de l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme, qui précise que les distinctions sociales sont fondées sur « l’utilité commune ».
L’utilité commune du mariage, jusqu’à présent, c’est la famille, la procréation, le renouvellement des générations.
Enfin, on ne parle pas du mariage comme institution sans parler d’une filiation reconnue par la loi qui doit avant tout protection aux plus vulnérables et donc aux enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour défendre l’amendement n° 134 rectifié.
M. Jean-Pierre Leleux. Quand un fleuve sort de son lit, il convient que chacun tente de l’y ramener ; comme les auteurs des autres amendements, c’est le mot « mariage » que je voudrais ramener dans sa signification profonde, en lui rendant son vrai sens historique.
Selon le Dictionnaire de la langue française, sa définition est la suivante : « Union d’un homme et d’une femme, consacrée par un ensemble d’actes civils ou parfois religieux et destinée à la fondation d’une famille. »
Sans vouloir concurrencer les éminents spécialistes du droit constitutionnel que sont Patrice Gélard et Jean-Jacques Hyest, j’estime, en me référant à cette définition, que mon amendement ramène dans le champ de la constitutionnalité un article qui s’en éloigne. L’article 2 de la Constitution dispose en effet : « La langue de la République est le français. » Avec l’appui du dictionnaire, il s’avère donc que l’article 1er du projet de loi, en violant la langue française, viole aussi la Constitution !
Voilà donc un argument supplémentaire pour mettre en cause cet article devant le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 157 rectifié.
M. Michel Bécot. Il s’agit donc de remplacer l’alinéa 3 de l’article 1er par quatre alinéas définissant le mariage.
Le mariage républicain est une institution dont le but est bien de donner un cadre juridique à la filiation. Il est également un contrat d’engagement conclu par une femme et un homme devant la société en vue de protéger la famille. La loi offre des droits aux époux et leur impose des devoirs.
Cette union d’un homme et d’une femme est à la source de la famille, reconnue comme la première cellule de la société. C’est une microsociété qui joue, en période de crise, un rôle d’amortisseur social.
Le mariage permet à l’enfant né de l’union d’un homme et d’une femme de disposer à la fois d’une filiation maternelle et d’une filiation paternelle, nécessaires à son épanouissement et à la construction de son identité. Il dépasse la relation formée par un homme et une femme pour s’inscrire dans la perspective de la famille.
Pour pouvoir se marier, il faut remplir les conditions qui permettent de fonder une famille. Aussi, le mariage est ouvert à tout homme et à toute femme à la condition de s’unir à une personne de sexe différent.
En revanche, le sentiment amoureux ne figure pas et n’a pas à figurer parmi les conditions du mariage.
En effet, le mariage n’est pas la reconnaissance de l’amour que se portent deux personnes. Il est le lien entre une relation horizontale, la conjugalité, c’est-à-dire l’alliance entre deux adultes qui deviennent époux et épouse, et une relation verticale, qui crée la filiation réelle ou symbolique dans le cas d’enfants adoptés.
Le mariage offre, grâce à la présomption de paternité, une double filiation à l’enfant, une filiation paternelle et une filiation maternelle, qui lui permet de se situer dans la chaîne des générations et d’exercer son droit de connaître ses origines.
C’est, me semble-t-il, important pour l’enfant. Il a besoin de cette généalogie de double lignée pour grandir, car cela le sécurise, et il en aura besoin tout au long de sa vie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 188 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 193.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à rappeler la définition du terme « mariage ». (Encore ! sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui, mes chers collègues, il convient de l’inscrire dans le texte pour que ce dernier soit conforme à la Constitution !
En commission, nous avons assisté à un échange assez vif entre une personne auditionnée, qui considérait que le mot « mariage » était un terme signifiant, et le président de la commission, M. Jean-Pierre Sueur, qui estimait – c’est une constante chez lui ! – que les mots évoluaient. La personne lui a objecté que, certes, les mots évoluaient – elle pouvait d’ailleurs lui en citer quelques-uns –, mais que le mot « mariage » avait la même définition depuis qu’il existait.
M. Sueur a repris, on l’a vu, cet argument – peut-être pour mieux s’en convaincre lui-même… – afin d’essayer de nous imposer son diktat quant à la définition du mot « mariage ».
Dans le cadre de la discussion que nous avons ici, il importe de rappeler cette définition importante : le mariage unit un homme et une femme qui ont la possibilité de procréer. Deux femmes ou deux hommes ne pourront au contraire jamais procréer ensemble.
En outre, à considérer certaines conventions internationales, c’est aussi cette définition qui est retenue, au niveau européen notamment. Notre amendement s’inscrit donc dans cette démarche. D’ailleurs, qu’arrivera-t-il si, par ce texte, vous modifiez les choses, alors que c’est cette définition qui figure dans les textes internationaux ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous entendons inscrire, avec mes collègues, la définition du mariage dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 240.
Mme Marie-Annick Duchêne. Cet amendement, qui fait écho aux amendements identiques présentés par mes collègues, traduit la volonté de chacun de nous d’affirmer ses convictions personnelles et donc profondes.
Il vise à substituer à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi quatre alinéas qui établissent la nature spécifique de l’institution du mariage.
Tout d’abord, la filiation se fonde sur la différence des sexes.
Lors de la première rédaction du code civil en 1804, il n’apparaissait pas du tout nécessaire, il est vrai, de définir le mariage en spécifiant le sexe. En 2013, il y a encore des hommes et des femmes qui pensent qu’il n’y a pas d’autre moyen naturel pour « perpétuer l’espèce », pour reprendre les termes de Portalis, déjà cités par mes collègues Jean-Pierre Leleux et Jean-Claude Lenoir.
Selon moi, les questions de fond sont les suivantes : quelle famille voulons-nous avoir ? Et quelle place accordons-nous à l’enfant au sein de cette famille ? Je vous invite, madame la ministre, à mener cette réflexion.
Pour ma part, je suis sûre que le mariage est une institution créée pour assurer sa propre pérennité et pour protéger le sujet fragile qu’est l’enfant.
La solution de l’union civile présentée par M. Gélard me semble être une démarche de rassemblement.
Mme Cécile Cukierman. On a voté hier sur cette proposition !
Mme Marie-Annick Duchêne. Les homosexuels sont reconnus et protégés par ce statut civil.
L’adoption simple, également proposée par Patrice Gélard, peut être une solution non seulement pour les couples homosexuels, mais également pour tous les enfants de familles homoparentales, car ils seraient ainsi protégés par ce statut juridique.
Pour ma part, je regrette que cette proposition n’ait pas été retenue pour le moment. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 143. – Le mariage est contracté par un homme et une femme. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Les amendements précédents entrent un peu plus dans le détail que celui que je vais vous présenter. Leur contenu, plus long, va au-delà de l’objectif que nous poursuivons. Aussi, avons-nous fait « court », si je puis dire, avec cet amendement, qui ne comporte qu’une seule phrase : « Le mariage est contracté par un homme et une femme. »
Nous reprenons ici le texte que nous avions déposé il y a quatorze ans, au nom de notre groupe, lors de l’examen du projet de loi instaurant le PACS.
Mme Cécile Cukierman. Cela n’a pas changé !
M. Patrice Gélard. À l’époque, cet amendement n’avait pas été accepté pour une raison très simple : Mme la garde des sceaux nous avait alors répondu que cela allait de soi depuis 1804 et qu’il ne convenait pas d’inscrire dans le code civil ce qui s’entendait par la conception même du mariage.
Le code civil sous-entendait donc bien alors que le mariage était l’union d’un homme et d’une femme, et telle était la règle que tout le monde, notamment l’ensemble de la majorité socialiste de l’époque, respectait.
Aujourd’hui, il faut remettre les points sur les i, en rappelant tout simplement ce sur quoi nous avions alors insisté. Mes chers collègues, il convient dès lors de voter pour cet amendement simple : le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. Les six amendements sont identiques.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary, de Raincourt, G. Larcher et Mayet.
L’amendement n° 136 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 158 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel et P. Leroy, Mme Mélot et M. Pointereau.
L’amendement n° 189 est présenté par M. Gournac.
L’amendement n° 194 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 241 est présenté par Mme Duchêne.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
M. Bruno Retailleau. L’amendement se justifie par la phrase qui le porte.
L’altérité des sexes est, pour le mariage, je tiens à le rappeler, un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce point juridique ne devrait donc pas faire question ici.
Vous le savez, un principe fondamental reconnu par les lois de la République doit présenter trois caractéristiques : premièrement, il doit avoir été affirmé constamment par les lois de la République ; deuxièmement, il ne doit souffrir aucune exception ; troisièmement, il doit être lié à un régime de droit, de liberté ou de protection. C’est exactement le cas du mariage et c’est même aussi le cas des droits à la filiation.
Il s’agit donc d’une définition d’ordre juridique.
Le champ de l’article 1er est beaucoup plus large. En effet, nous ne cessons de le démontrer depuis le début de la discussion, se cachent derrière le mariage l’adoption, la filiation, la présomption de paternité, etc. Tout se tient !
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement socle visant à rappeler que le mariage suppose l’altérité sexuelle, qui fonde le modèle familial prévalant en France, mais aussi dans toutes les autres cultures et civilisations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est d’une simplicité biblique, si j’ose dire, dans la mesure où il rétablit réellement le sens du terme « mariage ».
Pour compléter les différentes explications qui viennent d’être données, je dénoncerai l’argumentaire qui est avancé pour justifier le bien-fondé de l’article 1er : vous autorisez l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, car il est discriminatoire de ne pas mettre sur un pied d’égalité le mariage de couples hétérosexuels – cette expression est, à mon sens, un pléonasme – et le mariage de couples de personnes de même sexe.
Si nous acceptons cette proposition, nous allons précisément faire un acte discriminatoire dans la mesure où l’on ne peut pas dire que ces couples sont égaux : les uns sont procréatifs, et peuvent constituer réellement une famille, tandis que les autres ne le sont pas. Cette différence justifie qu’ils soient traités différemment. Il ne s’agit en rien d’un principe d’égalité.
Oui, pour replacer le mariage dans la conception de l’altérité sexuelle des parents que sous-tend la création d’une famille.
Oui, à l’union civile pour permettre, éventuellement, à des couples de personnes de même sexe de s’unir avec des droits équivalents à ceux du mariage, sans aller jusqu’à la filiation.
Mais non à l’extension du mariage aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 158 rectifié.
M. Michel Bécot. Cet amendement socle nous fait redécouvrir, si je puis dire, les bases de notre humanité.
Le mariage est à la fois un contrat et une institution, cela a été dit et répété, dont le but est de fonder une famille. Les conditions d’altérité sexuelle des époux découlent de la signification profonde du mariage, qui est de créer une famille. C’est pourquoi le mariage ne peut concerner qu’un homme et une femme.
Pour fonder une famille, pour donner la vie à un enfant, il sera toujours nécessaire de faire appel à un gamète femelle et à un gamète mâle. Jamais deux personnes de même sexe ne pourront procréer ensemble. C’est donc non pas l’orientation sexuelle ou la sexualité qui fonde le droit de se marier, mais la distinction anthropologique de l’homme et de la femme.
Le mariage repose sur l’union des sexes en raison de leur complémentarité dans le domaine de la procréation. Nous proposons que les couples de personnes de même sexe puissent bénéficier d’une union civile, ce qui leur permettrait d’officialiser leur union et de jouir des droits patrimoniaux identiques à ceux des couples mariés.
Cette union civile se distingue du mariage en ce qu’elle n’ouvre aucune filiation, qui ne pourrait être que fictive.
Cette proposition d’union civile est de nature à répondre aux vœux de la plupart des Français et d’une partie aussi des homosexuels.
L’inquiétude de nos concitoyens est grande : ils nous ont fait connaître, à plusieurs reprises, leur désapprobation à l’égard de ce texte. Dès lors, pourquoi persister à maintenir ce texte au nom d’une prétendue égalité, tout en mécontentant une très grande majorité de Français, qui ne se reconnaissent pas dans la vision que vous avez de la famille. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 189 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 194.
M. Charles Revet. Nous sommes constants dans notre position parce que sous sommes dans la réalité des choses.
Vous voulez changer la société ; vous avez même annoncé que nous allions changer de civilisation. Mais ce que vous voulez faire, vous ne le dites pas !
Il suffit de parler à n’importe lequel de nos concitoyens pour qu’il vous dise : le mariage, c’est un homme et une femme. Parce que vous avez la majorité aujourd’hui, vous souhaitez changer la terminologie et inverser les choses ; mais vous ne changerez pas le fait qu’un homme et une femme sont différents et complémentaires !
Nous souhaitons réaffirmer cette vérité en espérant qu’à force de l’entendre, vous vous convaincrez que vous devez être un peu plus réalistes dans vos projets.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour défendre l’amendement n° 241.
Mme Marie-Annick Duchêne. L’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi remet fondamentalement en cause le sens et la vocation du mariage pour l’ensemble des couples. Le titre V du livre Ier du code civil, intitulé « Du mariage », traduit parfaitement le caractère essentiel de l’altérité des sexes et associe constamment le mariage et la filiation.
Madame la ministre, votre projet de loi met à mal tout l’équilibre et le sens de l’institution du mariage. Comment accepter d’en modifier les conditions d’accès sans qu’aient été clairement identifiées toutes les conséquences qui découleront inévitablement de cette modification de l’équilibre général de notre organisation sociale ?
La distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. Toute notre jurisprudence le confirme : traiter différemment des situations objectivement différentes n’est pas un motif de discrimination.
Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra : il existera un mariage hétérosexuel, qui continuera à garantir à l’enfant une double filiation naturelle par le biais de la présomption de paternité, et un mariage homosexuel, dans lequel la filiation risque de devenir virtuelle. Alors, notre société aura basculé dans un autre modèle.
Madame la ministre, le rôle de la loi n’est pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre complet et cohérent ; ce n’est pas ce que fait votre projet de loi !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Si !
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
de sexe différent
supprimer les mots :
ou de même sexe
L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gélard, pour défendre ces deux amendements.
M. Patrice Gélard. Toujours dans l’esprit qui est le nôtre, l’amendement n° 11 rectifié bis vise à supprimer les mots « ou de même sexe » à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi. Nous voulons maintenir ce qui est actuellement prévu : les personnes qui désirent se marier doivent être de sexe différent. Nous sommes donc toujours opposés au mariage de personnes de même sexe.
L’amendement n° 12 rectifié bis vise, lui, à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er du projet de loi, qui prévoient que « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ». Actuellement, le code civil comporte une formule différente : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. » Dans la rédaction que l’on nous propose, il n’est plus question d’homme et de femme ; la phrase n’a plus pour sujet des personnes, mais une institution.
À cet égard, je ferai une incidente. Selon les conventions internationales, seuls les hommes et les femmes nubiles peuvent se marier. Or l’âge nubile n’est pas le même d’un État à un autre : dans notre pays, il est de dix-huit ans ; ailleurs, il peut être de douze, quatorze ou seize ans. La loi nationale peut donc, sur ce point précis, adapter la convention internationale.
S’agissant de cette limitation parfaitement justifiée de la liberté du mariage en fonction d’un âge nubile, fixé en France à dix-huit ans, nous proposons simplement de conserver la rédaction actuelle du code civil : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Quinze amendements ont été défendus dans la présente discussion commune.
Deux autres n’ont pas été soutenus, mais ce n’est pas bien grave, car ils étaient identiques à certains autres, de sorte que nous n’avons rien perdu.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur tous ces amendements, et cela pour des raisons simples.
Les amendements nos 9 rectifié bis, 10 rectifié bis et 83 rectifié bis visent en réalité à supprimer l’article 1er du projet de loi. M. Gélard, qui n’est pas parvenu à obtenir la suppression de cet article en bloc, essaie maintenant de le supprimer alinéa par alinéa ; lorsque tous les alinéas auront été supprimés, il n’y aura plus d’article 1er ! Pour des raisons purement logiques, la commission des lois est défavorable à ces amendements.
Les autres amendements se répartissent en deux séries.
Les amendements de la première série, à peine différents, donnent du mariage une définition assez large, mais qui revient à en faire l’union d’un homme et d’une femme.
Les amendements de la seconde série, déposés en partie par les mêmes sénateurs, sont beaucoup plus secs : ils prévoient que le mariage est contracté par un homme et une femme, selon la formule employée par M. Gélard, ou qu’il est l’union d’un homme et d’une femme, expression qui me semble meilleure sur le plan du droit.
Tous ces amendements tendent à ruiner l’article 1er du projet de loi, et finalement le projet de loi lui-même. La commission des lois y est donc défavorable.
Chers collègues de l’opposition, permettez-moi, pour vous rassurer, de formuler une observation sur le sens des mots.
Ce matin, sur le site internet du Figaro,…
M. Charles Revet. Une bonne lecture !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … car je consulte également tous les journaux, j’ai lu un petit communiqué annonçant que la maison Larousse modifierait le sens du mot « mariage » dans la prochaine édition de son dictionnaire, pour tenir compte de la volonté du législateur. Souhaitons que cette volonté s’exprime ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Le projet de loi n’est pas encore voté !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. M. le rapporteur, pour compléter son propos, aurait pu citer également ces propos du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Le sens des mots n’est évidemment pas figé. Si l’usage évolue dans la pratique et le langage, la définition de "mariage" pourra être revue dans la prochaine édition. » Vous le voyez, même l’Académie française est prête à faire évoluer la définition de ce mot !
Pour le Gouvernement, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux de personnes de même sexe signifie que tous les couples doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes interdits. Autrement dit, les interdits qui prévalent aujourd’hui pour les mariages hétérosexuels s’appliqueront demain à tous les mariages. Tout le reste n’est que supputations ou fantasmes.
Enfin, parce qu’il faut renouveler un peu le stock des arguments, je voudrais vous livrer deux citations.
Napoléon, auteur du code civil (Exclamations sur les travées de l’UMP.), disait : « Les lois sont faites pour les mœurs, et les mœurs varient. Le mariage peut donc subir le perfectionnement graduel auquel toutes les choses soumises paraissent soumises. » Napoléon n’avait donc pas une vision éternelle du contenu du mot « mariage » !
M. Bruno Sido. Perfectionnement n’est pas dévoiement !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous invite à méditer aussi ce propos d’un sociologue (Exclamations sur les travées de l’UMP.), spécialiste de la famille, François de Singly : « Ce qui est intéressant dans le fait que la définition de la famille soit floue, c’est que cette imprécision autorise son succès. L’universalité de la famille tient dans son absence de définition. »
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous qui êtes si attachés aux progrès numériques du mariage, je vous invite à ne pas avoir peur de l’avenir et à évoluer, car le projet du Gouvernement permettra un accroissement du nombre des mariages !
Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert, pour explication de vote sur l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. Jean-François Humbert. Le mariage est l’institution qui organise l’alliance de l’homme et de la femme, avec la succession des générations et la lisibilité de la filiation. Nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage afin de préserver la présomption de paternité, qui découle très naturellement de la procréation.
Nous considérons que le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive non seulement de la pérennité d’une société, mais également de l’identité de l’enfant, qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.
Ce principe est d’autant plus fort qu’il trouve dans notre droit une protection toute particulière en tant que principe fondamental. En effet, de 1804 à nos jours, l’altérité sexuelle comme caractéristique du mariage n’a cessé d’être réaffirmée ; à cet égard, je vous rappelle la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, la loi du 13 juillet 1907 relative au libre salaire de la femme mariée et à la contribution des époux aux charges du ménage et la loi du 18 février 1938 modifiant le code civil.
La différence entre les sexes, fondamentale dans le mariage, ne peut pas être abolie par une simple loi.
Par ailleurs, l’ensemble des bouleversements du droit de la famille qui pourraient être introduits par cette réforme posent des questions qui relèvent de nombreux domaines, comme la bioéthique. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, si je vous dérange, dites-le ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Un sénateur du groupe socialiste. Oui !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue !
M. Jean-François Humbert. L’impossibilité biologique pour deux personnes de même sexe de procréer soulève forcément des questions liées à la procréation médicalement assistée, mais aussi à la gestation pour autrui qui découle de la rupture d’égalité avec les homosexuels masculins, lesquels ne peuvent pas procréer sans le ventre d’une femme.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous craignons que cette réforme n’entraîne d’autres revendications, légitimes dès lors qu’elles seraient fondées sur l’égalité et l’amour réciproque qui sont le nouvel objet du mariage selon le projet de loi, nous sommes opposés à la remise en cause de l’altérité sexuelle comme caractéristique de l’union matrimoniale.
Nous aurions apprécié qu’à tout le moins, afin de respecter la crainte exprimée par les Français, cette question de société majeure fasse l’objet d’une consultation nationale, qui aurait permis d’aborder en profondeur les conséquences sociales et bioéthiques du projet de loi. Chers collègues de la majorité, je ne voudrais pas interrompre vos conversations… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est d’ailleurs ce que préconisait l’Académie des sciences morales et politiques dans son avis du 21 janvier 2013, compte tenu des bouleversements importants que l’adoption de ce projet de loi entraînerait pour l’ensemble des droits de nos concitoyens.
Enfin, comme l’a proposé cette institution, nous privilégions une formule plus respectueuse de tous, qui aurait consisté en la création d’une union civile (MM. Bertrand Auban et Roland Courteau s’exclament.) offrant aux couples de personnes de même sexe une protection juridique équivalente à celle qui existe pour les couples mariés, à l’exception du régime de la filiation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Nos amendements précédents ayant connu le sort que vous savez, je crains que le résultat du vote à venir ne surprenne personne. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Malheureusement pour nous et, d’ailleurs, pour l’ensemble de nos concitoyens, vous avez décidé, mesdames les ministres, de jouer aux apprentis sorciers.
Tout d’abord, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de même sexe de s’aimer pour leur ouvrir le droit au mariage.
Ensuite, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de se marier pour pouvoir « parentaliser » – nous n’en sommes pas à un néologisme près dans cette enceinte… –, la procréation leur étant impossible.
Enfin, vous avez décidé qu’il suffisait qu’un couple désire un enfant pour que son vœu soit exaucé, que ce soit par la PMA ou par la GPA. D’ailleurs, j’en profite, madame Bertinotti, pour vous rappeler – et m’étonner – qu’une question qui vous a été posée tout à l’heure pour la quatrième fois reste toujours sans réponse.
Quand on entend le raisonnement que vous suivez, on croit rêver ! Mais, après tout, vous nous avez déjà vendu de l’illusion en nous promettant le redressement productif à travers la création d’un ministère ou encore la croissance européenne à travers l’insertion d’une ligne dans le pacte budgétaire européen… Tout cela pourrait nous inciter à sourire si le résultat n’était pas si grave pour la société. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En diluant la substance même du mariage, vous faites disparaître sa justification originelle, à savoir la protection juridique du lien entre le père et son enfant, à travers la présomption de paternité. En fondant le mariage sur la simple reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes de même sexe, vous ouvrez la porte à un nombre important de revendications, qui, à n’en pas douter, trouveront un appui important dans le principe d’égalité protégé par la Constitution et une arme redoutable grâce à la question prioritaire de constitutionnalité. En suivant la logique du mariage, duquel découle la possibilité d’adopter des enfants, vous niez la vraisemblance biologique comme fondement de l’adoption et l’altérité sexuelle comme marqueur anthropologique dans la construction identitaire d’un individu.
Ce n’est là qu’un aperçu des multiples problèmes que soulève le présent projet de loi. Du reste, vous les connaissez bien, et nombreuses sont les questions que vous laissez en suspens.
Je répète une fois de plus que nous souhaitons obtenir une réponse sur le recours, dans les textes à venir, à la PMA et à la GPA, dont personne n’ignore qu’elles seront, sans plus de débat, imposées par la Cour européenne des droits de l’homme au nom de la sacro-sainte égalité. J’ai déjà eu l’occasion de le dire deux fois dans cette instance depuis hier.
Comme le montre l’avis qu’elle a rendu le 21 janvier 2013, l’Académie des sciences morales et politiques a bien compris les enjeux du texte puisqu’elle proposait alors d’organiser un grand débat. De ce dernier, vous n’avez pas voulu. Je ne sais pas si je dois me réjouir ou non que l’avis de cette instance n’ait pas plus d’importance pour vous que n’en a celui d’une majorité de la population, ces millions de Français qui se sont récemment exprimés dans la rue.
Puisque vous persévérez dans votre aveuglement, puisque vous continuez à avancer tête baissée,…
Un sénateur du groupe socialiste. Tête levée !
M. André Reichardt. … je souhaite à nouveau attirer votre attention sur le risque de censure par le Conseil constitutionnel qu’encourt votre texte.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. On verra !
M. André Reichardt. Je le répète, le projet de loi ne devrait pas pouvoir être adopté sans une révision de la Constitution, car il va incontestablement à l’encontre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », qui, depuis la Libération, permettent de donner à une loi ordinaire une valeur constitutionnelle.
Vous le savez, pour qu’un principe fondamental soit reconnu, il faut que quatre conditions soient remplies : l’importance de la règle, un degré suffisant de généralité, un domaine essentiel pour la vie de la nation et un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946.
En l’occurrence, ces quatre conditions me semblent réunies : on peut penser que l’ancienneté du mariage fondé sur l’altérité sexuelle, le fait que ce principe n’ait jusque-là jamais été remis en cause, le bouleversement des structures familiales et filiatives de la société en jeu dans le présent texte sont des éléments susceptibles de jouer en faveur de l’instauration du mariage comme principe fondamental. D’ailleurs, un nombre important de textes antérieurs à 1946, que je m’abstiendrai d’énumérer, sont venus rappeler le caractère « hétérosexuel » du mariage.
Dans ces conditions, nous regrettons le rejet de l’amendement par lequel nous proposions l’instauration d’une union civile et, par là même, une alternative à l’ouverture du mariage pour les couples de personnes de même sexe. Son adoption aurait permis que les droits et la protection juridique des couples de personnes de même sexe soient renforcés, sans que l’institution du mariage et le droit de la filiation soient bouleversés. Vous n’en avez pas voulu.
Puisque vous n’avez pas souhaité vous engager dans cette voie, vous ne nous laissez d’autre choix que d’insister, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 9 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er procèdent de deux séries, relevant de deux approches distinctes mais complémentaires.
Les amendements de la première série visent à s’opposer purement et simplement au texte, proposé par le Gouvernement et approuvé par la commission, qui institue le mariage pour les personnes de même sexe, à égalité avec le mariage pour les personnes de sexe différent.
Ceux de la seconde série ont pour objet de préciser, de manière plus claire que dans le texte actuel du code civil, que le mariage est réservé aux couples formés d’un homme et d’une femme, et qu’il s’agit d’une institution créée par le législateur pour assurer une protection à la famille née de ce couple hétérosexuel.
Je veux revenir sur les amendements de cette seconde série, qui, pour partie, sont identiques.
Dans sa décision rendue voilà deux ans, le Conseil constitutionnel a précisé que le mariage, tel que le code civil l’a institué, concerne exclusivement les couples formés d’une femme et d’un homme et que, en l’absence de précision expresse sur ce point, tous les articles dudit code faisant référence à cette institution civile du mariage doivent être ainsi interprétés.
Si nous pensons qu’il est quand même utile de préciser dans la loi que le mariage doit être réservé à un homme et à une femme, c’est pour qu’il n’y ait plus jamais le moindre doute sur ce point fondamental, qui allait de soi pour les auteurs du code civil, qui est allé de soi pendant deux siècles et qui semble aujourd’hui contesté dans le texte du projet de loi dont nous sommes en train de débattre.
L’autre série d’amendements se borne tout simplement à rétablir le code civil dans sa rédaction actuelle. En effet, nous considérons que, en dépit des apparences, l’article 1er ne se borne pas à créer la possibilité du mariage entre personnes de même sexe : il implique que ces dernières pourront désormais avoir des droits et des devoirs égaux vis-à-vis de l’enfant, en être autant l’une que l’autre parent – autrement dit, que l’on puisse désormais être parent d’un enfant sans être ni mère ni père, effort de construction qui relève, de notre point de vue, d’une certaine utopie.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Rien à voir avec l’amendement !
M. Philippe Bas. Si l’on peut adhérer à cette utopie, on peut également considérer qu’elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en admettant qu’il faut créer un cadre stable pour que des enfants élevés par des couples de même sexe le soient dans des conditions qui préservent aussi leur intérêt juridique.
En outre, je veux souligner que, dans le cas de couples de femmes dont l’une aurait mis au monde un enfant après avoir bénéficié d’une assistance médicale à la procréation à l’étranger, cette implication conduit nécessairement à légaliser les effets de cette assistance médicale, puisque le texte permettra à l’épouse de la mère d’adopter l’enfant.
Je veux revenir sur une question que nous n’avons eu de cesse de poser au Gouvernement, qui ne m’écoute pas et dont j’aimerais pourtant être entendu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. La réponse vous a déjà été donnée trois fois !
M. Philippe Bas. Pour le moment, cette question est demeurée sans réponse. Pourtant, elle est très simple.
Le porte-parole du Gouvernement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a répété à l’envi que ce texte n’était qu’une première étape, que suivrait la régularisation des enfants issus d’une assistance médicale à la procréation intervenue à l’étranger.
Pour ma part, je considère que le présent texte permet d’ores et déjà cette régularisation. C’est même son principal objet, mais je voudrais une bonne fois pour toutes savoir qui engage le Gouvernement : est-ce Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui en est le porte-parole, ou sont-ce les ministres ici présentes, qui ne nous ont pas répondu alors que nous n’avons eu de cesse de leur poser cette question ?
On nous reproche de trop parler, mais, moi, j’aimerais entendre davantage le Gouvernement ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues de la majorité, puisque vous ne pouvez pas changer la réalité, vous préférez changer le sens des mots. Tel est l’objet de cet article 1er.
Madame Bertinotti, vous nous avez abreuvés de citations – sans doute l’effet des fiches préparées par vos collaborateurs (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. David Assouline. C’est élégant !
M. Dominique de Legge. … ce qui vous a évité de répondre sur le fond.
Un sénateur du groupe UMP. Très bien !
M. Dominique de Legge. Or, vous le savez bien, les inquiétudes et les préventions exprimées ici comme dans l’opinion autour du présent projet de loi tournent autour de la question de la filiation et de la procréation médicalement assistée.
Je n’ose dire que la position du président de la commission des lois est claire : en somme, « on verra plus tard ». La position du rapporteur, elle, est claire : « on verra plus tard, mais vous connaissez mon opinion sur le sujet… »
Mesdames les ministres, vous nous avez expliqué la semaine dernière que le débat ne pouvait pas avoir lieu en dehors du Parlement et vous avez refusé le référendum. C’est donc ici qu’a lieu le débat. Dès lors, la moindre des choses que nous attendons de la part du Gouvernement, c’est qu’il se donne la peine de répondre à nos questions ! (M. François Rebsamen s’exclame.)
Tout à l’heure, quand nous sommes revenus sur les déclarations de Mme Najat Vallaud-Belkacem, Mme la ministre de la famille a esquissé un mouvement qui manifestait une certaine exaspération. « Encore ! », semblait-elle vouloir dire…
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Oui !
M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, en cet instant, nous demandons encore une fois une prise de position claire de la part du Gouvernement : pouvons-nous considérer ce texte comme un solde de tout compte ou annonce-t-il l’ouverture, demain ou après-demain, de la procréation médicalement assistée ?
Selon nous, l’affaire est entendue : le texte est porteur de la PMA et de la GPA. Quels engagements pouvez-vous prendre aujourd’hui devant la représentation nationale pour nous assurer du contraire ?
Mesdames les ministres, telle est la question que nous vous posons, et nous attendons de vous une réponse claire et sans ambiguïté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’avais été tenté de renoncer à prendre la parole, les propos tenus par mes collègues et amis allant tout à fait dans le sens de ce que je voulais exprimer.
Toutefois, la réaction vive de nos collègues de la majorité sénatoriale m’amène à enfoncer un peu plus le clou.
MM. Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou. Dommage !
M. Jean-Claude Lenoir. En effet, je vois bien que la gêne est en train de s’installer sur les travées de la majorité sénatoriale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Une gêne effroyable !
M. Jean-Claude Lenoir. Cette gêne résulte des discours tout à fait contradictoires que nous entendons.
M. David Assouline. Nous ne disons rien !
M. Jean-Claude Lenoir. Je rappelle que le Président de la République (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) – vous n’allez tout de même pas crier si j’évoque sa personne ! (Non ! sur les mêmes travées.) – avait affirmé qu’il n’était pas question d’inscrire la PMA et la GPA à l’ordre du jour des travaux du Parlement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Ensuite, parce que la colère grondait dans les rangs des familles hostiles à ce texte, le discours officiel s’est fait rassurant : il ne s’agissait que d’instituer le mariage pour tous. Il faut le dire, un certain nombre de personnes vous ont cru.
Toutefois, nous constatons aujourd’hui, dans cet hémicycle, – c’est la raison pour laquelle la gêne devient pour certains insupportable (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.) – que le rapporteur et le président de la commission des lois ont des positions opposées en la matière : le premier, fidèle à la ligne qui est la sienne depuis longtemps, affirme que ce texte n’est qu’une étape et que, conformément à un calendrier qui est sans doute déjà fixé, nous traiterons de ces questions, Le second dit : « Pas du tout ». D’ailleurs, moi-même, je prends cela avec beaucoup de précaution, je ne dis pas que le président de la commission des lois a déjà indiqué ce qu’il ferait si d’aventure un tel texte venait à être discuté. Toujours est-il qu’il existe une vraie opposition entre deux personnes assises sur le même banc.
Là-dessus vient se greffer la position du Gouvernement. En effet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui suscite toujours beaucoup d’intérêt, a affirmé très clairement que ces questions seraient discutées, dans peu de temps.
Nous voudrions connaître aujourd’hui les intentions du Gouvernement. Alors que nous posons la question depuis jeudi dernier, nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. Nous le disons avec beaucoup de fermeté et d’insistance, il n’est pas possible que s’installe une telle ambiguïté sur un texte aussi important.
À un moment où certains voudraient banaliser la portée de ce texte, Mme la garde des sceaux a eu l’honnêteté morale de dire qu’il constituait un bouleversement de société. Quant à sa collègue chargée de la famille, elle a assuré qu’il n’en était rien et qu’il s’agissait d’une banalisation (Mme la ministre déléguée opine.), le mariage pour tous étant simplement un mariage parmi d’autres.
Donc, dans un contexte d’ambiguïté, nous sommes confrontés à une ambiguïté supplémentaire. J’oserai dire qu’il s’agit là, et c’est un mot que j’utilise avec beaucoup de précautions pour des raisons que chacun comprendra, d’un mensonge, par omission, ici, au Sénat.
Regardant les personnes qui sont devant moi, je me demande qui est le Pinocchio de la majorité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a personne dont le nez se soit allongé durant la nuit !
M. Jean-Claude Lenoir. Je n’oserais pas chercher un Pinocchio au Gouvernement, chose absolument impensable !
Par conséquent, je vous demande, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, de bien vouloir répondre à la question suivante : avez-vous l’intention, une fois ce texte éventuellement adopté, de soumettre au Parlement…
Mme Éliane Assassi. Ça vole haut !
M. Jean-Claude Lenoir. … des dispositions visant à instituer la PMA et la GPA ? Nous attendons une réponse ! (Très bien et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Un sénateur du groupe UMP. Ils ne le diront jamais !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Mesdames les ministres, il est tout de même très agaçant d’obtenir chaque fois, en guise de réponse à nos questions, des citations ! Le Sénat n’a pas l’habitude d’une telle dialectique. Il préfère recueillir des réponses franches lorsque des questions directes sont posées. (Oui ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Au-delà de nos interrogations, je veux vous dire que vous faites un contresens historique sur la notion de mariage. En effet, le sens initial du mariage s’inscrit tout de même dans la présomption de paternité et de filiation, dont l’objectif est de fixer le cadre de la famille. L’idée initiale du mariage est de vérifier, de valider, la présence d’un père dans une famille et, donc, d’institutionnaliser un cadre familial équilibré.
Afin d’appeler à la retenue, je souhaite évoquer la question des droits, qui s’inscrit dans une perspective plus large. Quels sont, en effet, les droits d’un couple hétérosexuel ?
Y a-t-il un droit à l’enfant, pour le couple hétérosexuel ?
Un sénateur du groupe UMP. Non !
M. Gérard Cornu. Tel n’a jamais été le cas. Ce couple donne la vie, et le droit est là pour organiser cette vie.
Y a-t-il un droit à l’adoption ? Pas plus ! (M. David Assouline s’exclame.) Il y a un droit à la famille, pour des enfants qui n’ont pas de famille, mais pas un droit à l’adoption.
Y a-t-il un droit à la PMA ? Non, mes chers collègues, il n’y a pas de droit à la PMA. La procréation médicalement assistée est un acte médical, comme l’a d’ailleurs souligné le président de la commission, qui vient compenser un problème de stérilité au sein d’un couple hétérosexuel.
Il n’existe pas de droit à l’enfant. Or, avec ce texte, nous n’avons cessé de le rappeler, il est incontestable, quoi qu’on ait pu entendre de la part du Gouvernement et de sa majorité pour tenter de déconnecter le mariage pour tous de cette question, qu’on ouvre un droit à l’enfant.
Or le cœur du bien commun, c’est l’enfant, son épanouissement, son éducation, son avenir. (M. David Assouline s’exclame de nouveau.)
Évoquant cette question avec la plus grande sincérité, je me fais aussi, comme mes collègues, le porte-parole des milliers de nos concitoyens qui m’ont saisi de leurs inquiétudes et de leur colère de n’être pas entendus, de tous ces Français qui n’ont aucune habitude de se manifester ni de descendre dans la rue et qui ne comprennent pas la surdité et l’entêtement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Mesdames les ministres, je me joins à mes collègues pour demander au Gouvernement une réponse à nos questions, après les propos tenus par sa porte-parole.
M. David Assouline. Oh là là !
Mme Éliane Assassi. Encore ! Ça tourne en boucle !
M. David Assouline. C’est du cirque !
Mme Cécile Cukierman. Heureusement qu’elle existe !
M. Christophe Béchu. Si je suis prêt à consacrer une partie de mon temps de parole à répondre à des invectives que je n’entends pas toutes, je souhaiterais toutefois, si vous m’y autorisez, mes chers collègues, poursuivre mon propos.
J’aimerais, à défaut d’une prise de parole officielle sinon de quelqu’un qui n’est pas là, du moins du Gouvernement, demander à mes collègues de la commission des lois et, en premier lieu, à son président et au rapporteur si le texte que nous nous apprêtons à voter n’introduit pas de manière automatique la PMA et la GPA, et ce quelle que soit la position du Gouvernement en la matière.
En effet, mes chers collègues, dès lors que nous aurons collectivement modifié le sens du mot « mariage », si nous votons l’article 1er puis la totalité de ce texte – nous aurons alors, au nom de l’égalité, autorisé l’adoption pour les couples homosexuels –, comment pourrons-nous ensuite nous opposer à la PMA ? (M. David Assouline s’exclame.) Quelle que soit la position du Comité consultatif national d’éthique dont le Président de la République a dit qu’il attendrait les conclusions, et quelles que soient même les opinions des uns et des autres, qui d’entre nous peut croire que la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, si elle est saisie, demain, par un couple de cette question, ne considérera pas, au nom du principe d’égalité – nous savons comment elle l’applique – et en vertu de sa jurisprudence, que l’égalité devant les couples mariés doit mener de manière automatique à l’élargissement de la PMA aux couples de femmes.
Si je me réfère à la jurisprudence de la CEDH et à l’acception large qu’elle retient pour le mot « égalité », j’ai la conviction que cette question ne nécessitera même pas un débat devant le Parlement. La Cour européenne des droits de l’homme s’appuiera sur la loi que nous sommes en train d’examiner pour imposer, sans débat éthique, l’élargissement de la PMA.
Dès lors que la PMA apportera aux couples de femmes une réponse à leur volonté d’avoir un enfant, la même interprétation large et souple de la notion d’égalité permettra à des couples d’hommes d’exiger devant la CEDH, en vertu du seul texte que nous aurons voté et de la jurisprudence de la Cour, le recours possible et légal à la GPA dans notre pays.
Mes chers collègues, nous avons donc à nous positionner non pas sur les recommandations à venir du Comité consultatif national d’éthique ni même sur la volonté des uns et des autres de bloquer la GPA derrière une sorte de rempart éthique, mais sur les conséquences et l’effet domino des dispositions que vous nous demandez d’adopter.
Voilà pourquoi, mesdames les ministres, je voterai, cet après-midi, les amendements visant à rappeler que le mariage, dans notre conception, se fait entre un homme et une femme et à défendre la parité à l’intérieur de la famille, grâce à un binôme composé d’un couple de personnes de sexe différent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Hervé Marseille applaudissent également. – M. Bruno Retailleau lève la main pour demander la parole.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. Je demande la parole !
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais simplement que vous vous signaliez avant que le président de séance engage l’organisation d’un scrutin public.
M. Bruno Retailleau. Je l’avais fait, monsieur le président.
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, il ne s’agit pas d’une explication de vote, mais d’un rappel au règlement, qui vous est adressé, en tant que président du Sénat et de tous les sénateurs. Nous le savons tous ici, vous avez à cœur d’organiser dans les meilleures conditions possibles notre travail et de soutenir le travail du Parlement face au Gouvernement.
J’en reviens à la question sur la PMA, question absolument clé, que j’ai soulevée vendredi soir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, vous avez refusé le référendum, et vous vous apprêterez à donner au Gouvernement une habilitation pour légiférer par ordonnance. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Selon moi, il faut que les parlementaires et les Français, à qui vous cachez l’essentiel (M. David Assouline proteste.), sachent tout.
Je vous demande donc, monsieur le président, de contacter Mme Najat Vallaud-Belkacem, afin qu’elle puisse venir s’expliquer par elle-même, en tant que porte-parole du Gouvernement, sur sa déclaration. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Éliane Assassi. C’est une injonction !
M. Bruno Retailleau. Je vous remercie d’avance, monsieur le président, de porter notre voix. Cela raccourcira nos débats, éclairera nos délibérations et, au bout du compte, c’est la démocratie qui y gagnera. (Très bien et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre déclaration, mon cher collègue.
Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 137 :
Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 158
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote sur l’amendement n° 10 rectifié bis.
Mme Colette Giudicelli. Sur le fond, nous considérons que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne trouve aucune justification sur le terrain du combat pour l’égalité.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même rappelle qu’il est loisible au législateur d’organiser le droit différemment afin de régler des situations différentes. Et c’est ce qu’il a fait depuis toujours, sans ignorer les couples de même sexe, en créant le PACS, dont le régime fiscal et patrimonial a progressivement évolué.
Certes, des différences existent, mais d’autres formules plus respectueuses de tous pouvaient être envisagées pour remédier à cette différence de traitement.
En revanche, si la situation actuelle ne porte préjudice à personne, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe crée de nouvelles inégalités.
Des inégalités d’abord au sein même du mariage : si la loi est adoptée, en effet, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existerait, d’une part, un mariage hétérosexuel, qui continuerait de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et, d’autre part, un mariage homosexuel où la filiation tiendrait du virtuel.
Des inégalités aussi parmi des couples homosexuels : l’honnêteté du Gouvernement sur la PMA aurait dû nous permettre de discuter sereinement d’un dispositif qui introduira prochainement une certaine inégalité entre les couples homosexuels et le simple fondement de leur sexe.
Des inégalités enfin parmi les enfants adoptés : la vérité nous oblige à dire que la majorité des enfants adoptés sont des ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle. C’est d’ailleurs pourquoi les enfants, selon la situation conjugale de l’adoptant, ne disposeront pas des mêmes droits d’accéder à une famille.
Par ailleurs, inégalité plus grave encore, celle à l’accès au mariage, inégalité que nous voulons d’ailleurs éviter, car si l’on transforme fondamentalement et substantiellement le fondement autrefois juridique du mariage, en lui substituant un fondement simplement sentimental, on réduit le mariage à une simple reconnaissance sociale de l’amour des couples de personnes de même sexe.
Or, cette transformation ouvrirait la voie à d’autres revendications qui seront cette fois complètement fantaisistes, mais qui existent déjà : mariage avec des objets – aux États-Unis, une Américaine s’est mariée avec la tour Eiffel (Mme Nicole Bonnefoy s’exclame.) –, mariage avec soi-même – aux États-Unis toujours – (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), mariage à trois – comme au Brésil –, mariage avec des animaux – comme en Australie. (Sourires et exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Cécile Cukierman. Après, on nous dit qu’il n’y a pas de dérapage !
Mme Colette Giudicelli. Cela vous fait sourire, mais je suis contente de voir que cela vous choque aussi. C’est au moins un résultat que nous aurons obtenu !
Mme Cécile Cukierman. C’est scandaleux !
Mme Colette Giudicelli. Nous sommes bien conscients…
Mme Cécile Cukierman. C’est inacceptable !
Mme Colette Giudicelli. Si cela ne vous ennuie pas, madame, je vais continuer !
Nous sommes bien conscients, disais-je, que la loi, contrairement à ces pays, n’autorise pas ce type d’union, mais nous estimons que, sur le fondement du principe du droit à l’égalité, quiconque pourra le revendiquer au nom de l’amour.
Enfin, et pour rester sur le terrain de la constitutionnalité, nous considérons que les alinéas 2 et 3 de l’article 1er, qui constituent le cœur de la loi, ne sont pas en conformité avec notre ordre juridique interne, lequel, depuis 1804, a fait de l’altérité sexuelle un caractère fondamental du mariage. Toutes ces lois ont déjà été évoquées tout à l’heure, et je n’y reviendrai pas.
Aussi, pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 1er. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Nous l’avons dit et répété x fois sur ces travées, du moins de notre côté : le mariage peut-il être un droit pour tous, indépendamment des droits de l’enfant ?
Cette question aurait mérité un vrai débat national, car elle touche aux droits fondamentaux de l’homme et l’on n’a pas laissé le temps à nos concitoyens d’en prendre conscience.
Il n’y a qu’à voir les messages, lettres, interventions, manifestations diverses pour se rendre compte combien les Français se sentent concernés par cette loi, je dirai même plus que par toute autre, car elle touche à la famille.
Dans le projet de loi, le raisonnement a bel et bien été inversé. L’enfant, sujet de droit, devient objet de droit. Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? L’enfant a besoin d’avoir, pendant sa croissance, un modèle d’altérité sexuelle, où il n’a pas de question existentielle à se poser. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu d’une loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption.
Notre société ne protège pas assez l’enfant. Elle prône l’enfant roi mais, dans le même temps, elle le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. L’homme et la femme sont libres de vivre comme ils l’entendent, et jamais au grand jamais je ne me permettrai un quelconque jugement. Tout être humain a droit au bonheur. Mais l’enfant, lui, a droit à être élevé, éduqué, construit…
Mme Cécile Cukierman. Aimé !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … dans une famille « traditionnelle », avec des parents qui s’engagent publiquement dans une union stable et responsable. C’est le véritable sens du mariage, le sens le plus fondateur pour les sociétés de demain où les droits de l’homme sont une base intangible, un monde dont ils pourront être fiers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 138 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié, 134 rectifié, 157 rectifié, 193 et 240.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 139 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Encore ?
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 140 :
Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 180
Le Sénat n’a pas adopté.
Rappels au règlement

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (suite)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, nous avons entendu à plusieurs reprises certains de nos collègues appartenant à la majorité sénatoriale reprocher aux membres de l’UMP et de l’UDI-UC de prendre trop souvent la parole et ainsi de faire traîner les débats. Ce n’était évidemment pas notre objectif. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Notre souhait est d’obliger les uns et les autres à prendre leurs responsabilités, le Gouvernement à répondre à nos questions et vous (L’orateur regarde les travées de gauche.) à assumer vos responsabilités.
En revanche, nous perdons beaucoup de temps depuis tout à l’heure…
M. Bruno Retailleau. Voilà !
M. Jean-Claude Lenoir. … en raison de demandes de scrutin public répétées.
M. Bruno Retailleau. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Vendredi, nous avons perdu notre soirée !
M. Jean-Claude Lenoir. Pour les nombreuses personnes qui nous regardent soit à la télévision, soit sur le réseau internet, je vais expliquer pourquoi le groupe socialiste demande des scrutins publics sur nos amendements.
La première raison est que la majorité est moins nombreuse que l’opposition. Nous sommes fortement mobilisés et les socialistes sont obligés de recourir au scrutin public pour ne pas être battus en séance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais il y a une autre raison : ainsi vous obligez l’ensemble des parlementaires de vos groupes, je pense notamment au groupe socialiste, à voter de la même façon, alors que, au sein de l’UMP, vous le savez car les uns et les autres se sont exprimés, nous avons la liberté de vote.
Je veux ici marquer la différence qui existe entre votre comportement et le nôtre.
Puisque j’ai la parole, j’en profite pour évoquer un point. Monsieur le président, je suis persuadé que vous avez transmis à Mme Vallaud-Belkacem la demande du groupe UMP de l’entendre ici.
Un de nos collègues me disait néanmoins que Mme la ministre, porte-parole du Gouvernement, était peut-être absente de Paris. J’ai donc consulté le site de son ministère sur internet, et, sans être indiscret, j’ai regardé son agenda de l’après-midi.
Mme Cécile Cukierman. Et alors ?
M. Jean-Claude Lenoir. Je vous rassure : Mme Vallaud-Belkacem est à Paris (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.), pas très loin d’ici. D’ailleurs, si je regarde bien son programme, elle pourrait, sur le coup de dix-huit heures, se rapprocher du Sénat pour se rendre à une manifestation. Les conditions sont donc réunies pour que nous puissions enfin l’entendre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur du groupe socialiste. Incroyable !
Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
M. François Rebsamen. Je voudrais dire à notre collègue que les élus de gauche ici rassemblés travaillent calmement. Ils vous écoutent depuis maintenant plusieurs jours (Mme Catherine Deroche s’exclame.) avec sérénité, sans vous interrompre.
Si vous êtes vraiment pressés…
M. Jean-Claude Lenoir. Non !
M. François Rebsamen. … et si les scrutins publics vous dérangent parce qu’ils prendraient du temps supplémentaire, vous devriez quitter la séance. (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Cela nous facilitera le travail. (Exclamations sur les mêmes travées.) Vous pouvez le faire en vous rendant dans les commissions, qui sont réunies actuellement et mobilisent nombre de nos collègues (M. Charles Revet s’exclame.),…
M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas normal !
M. François Rebsamen. … la commission des finances et la commission des affaires économiques qui procèdent aujourd’hui à des auditions.
En outre, vos demandes d’audition à répétition de Mme Vallaud-Belkacem n’ont pas lieu d’être. Vous avez ici devant vous deux ministres – je les salue et les remercie –, Mme la garde des sceaux et Mme la ministre chargée de la famille, qui sont responsables devant vous de ce texte, qui prennent le temps de répondre à toutes vos interventions, et ce depuis plusieurs jours et toujours avec respect.
Je vous invite à continuer ce débat dans le calme, le respect et, si possible, avec un peu de rapidité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Demande vérification du quorum
Article 1er (suite)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 rectifié, 136 rectifié, 158 rectifié, 194 et 241.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Encore ?
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l’adoption 135
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Henri de Raincourt. Dommage !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Encore ?
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 142 :
Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l’adoption 137
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Au nom du groupe UMP, je demande une suspension de séance de quinze minutes, monsieur le président. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Bertrand Auban. Non ! C’est trop ! Dix !
M. le président. Mon cher collègue, je vous accorde dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L’article 161 est ainsi rédigé :
« Art. 161. - En ligne directe, le mariage entre personnes de sexe différent est prohibé entre tous les ascendants et descendants, et les alliés de la même ligne. » ;
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je vais vous faire plaisir ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
L’amendement n° 97 rectifié bis aurait eu sa raison d’être si le « mariage pour tous » n’avait pas été voté. Dans la mesure où il risque de l’être, la rédaction actuelle de l’article 161 du code civil me paraît meilleure que celle qui avait été proposée au travers de cet amendement.
C’est la raison pour laquelle je retire cet amendement, afin de laisser inchangée la rédaction actuelle dudit article. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Merci pour le code civil !
M. le président. L’amendement n° 97 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Nous revenons aux dispositions finales de l’article 1er du présent projet de loi, qui introduit un chapitre IV bis nouveau au sein du code civil, instaurant des « règles de conflit de lois ».
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis, car ils sont complémentaires.
L’amendement n° 13 rectifié bis tend à supprimer l’ensemble des dispositions de l’article 1er, depuis l’alinéa 11 jusqu’à l’alinéa 16. Les amendements nos 14 rectifié bis et 15 rectifié bis, en revanche, visent simplement à supprimer respectivement l’alinéa 15 et l’alinéa 16.
J’ai bien entendu les explications livrées hier par Mme le garde des sceaux sur ce nouveau chapitre du code civil.
Je me rappelle, à ce stade de la discussion, l’un des tout premiers cours de droit international privé que j’avais eus à la faculté de droit de Paris. Cela remonte à bien longtemps !
On y abordait, justement, la question soulevée par ces alinéas, à travers l’étude d’un cas. Il s’agissait, si mes souvenirs sont exacts, du mariage entre une Française et un Grec. Selon la législation française, le mariage en Grèce ne pouvait pas être reconnu en droit français. La loi grecque, en effet, n’était pas transposable en droit français, car elle n’admettait que le mariage religieux.
Le traitement de ce type de situation sera bouleversé par le nouveau chapitre du code civil. Je suis quelque peu choqué par ces dispositions, qui reviennent à faire en sorte que le respect par un seul des deux membres du couple des conditions fixées par la loi entraîne le respect par les deux ! En d’autres termes, on annonce, à l’avance, que l’on n’observera pas le principe pacta sunt servanda, les pactes doivent être respectés. On annonce, à l’avance, que le droit français l’emporte dans les relations familiales qui pourraient s’établir entre un Français et un ressortissant d’un autre pays.
C’est, à mon avis, extrêmement dangereux. Surtout, ces dispositions risquent d’entraîner la censure du Conseil constitutionnel.
Un sénateur du groupe UMP. Bien sûr !
M. Patrice Gélard. On ne peut pas affirmer de telles choses dans un texte de loi !
Vous avez raison, madame le garde des sceaux, de dire qu’il faut trouver des arrangements, qu’il va falloir trouver des solutions aux problèmes posés sur ce point par les traités internationaux, bilatéraux ou multilatéraux, qui nous lient. Mais ce ne peut être le rôle de la loi. Ces dispositions seront nécessairement censurées, car elles violent l’article 55 de la Constitution.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été présenté.
L’amendement n° 204 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Toutefois, deux personnes du même sexe peuvent contracter mariage lorsque la loi personnelle de l’une d’elles le permet ou que toutes deux ont leur domicile ou leur résidence sur le territoire d’un État dont la loi le permet.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Cet amendement, qui n’est pas un amendement de suppression – cela va étonner un peu –, vise simplement à réécrire l’alinéa 15 afin de le rendre plus intelligible dans le cadre de l’article 1er.
En effet, le rattachement à la loi du domicile ou de la résidence de chacun des deux futurs époux de même sexe, si la loi personnelle de l’un ou de l’autre ne le permet, répond à un souci de plus grande sécurité juridique.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été présenté.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les amendements n° 13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis sont la suite logique d’amendements précédents. Après avoir tenté, sans succès, de faire supprimer tout l’article 1er, M. Gélard et ses collègues veulent procéder à la même suppression, mais alinéa par alinéa.
La commission était hostile à la suppression de l’ensemble de l’article, elle est donc hostile à sa suppression à la découpe ! Son avis sur ces trois amendements est, évidemment, défavorable.
L’amendement n° 204 rectifié, qui vise à régler un conflit de lois, est beaucoup plus restrictif que le texte actuel, même si les deux rédactions sont très proches.
La rédaction proposée ici prévoit que les deux personnes soient établies sur le territoire de l’État qui permet leur union, alors la rédaction actuelle prévoit uniquement que l’une d’elles ait son domicile ou sa résidence dans l’État.
Aussi, je demande à M. Milon de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les trois amendements présentés par M. Gélard.
Nous avions prédit la nuit dernière qu’après la demande de suppression de l’article 1er vous alliez probablement vouloir procéder au démembrement de l’article : nous y sommes. Ces trois amendements visent à effectuer cet exercice.
Vous entendez le droit, monsieur le doyen Gélard ; cette disposition de dérogation à la loi personnelle n’est pas sans précédents. Nous avons même une jurisprudence sur cette disposition.
Même pour les douze pays avec lesquels la France est liée par une convention bilatérale précisant explicitement qu’il n’y a pas de telle dérogation, il y a une jurisprudence ! Par conséquent le juge pourrait être amené à statuer, je l’ai dit la nuit dernière, par l’officier d’état civil.
En dehors des douze pays que j’ai évoqués, pour lesquels l’interrogation subsiste, il n’y a pas de risque.
Cette disposition ne nous mettra en contradiction avec aucun de nos partenaires, ni en ce qui concerne les conventions bilatérales ni pour ce qui est des conventions multilatérales, lesquelles ont d’ailleurs beaucoup plus de poids.
Voilà pourquoi je confirme l’avis défavorable du Gouvernement.
J’en viens à l’amendement n° 204 rectifié. Monsieur Milon, vous avez raison de préciser qu’il ne s’agit pas d’un amendement de suppression. Cet amendement ne s’inscrit pas dans l’esprit qui sous-tend les amendements proposés par M. Gélard.
Que le doyen Gélard s’interroge sur les conséquences de ces dispositions dans nos relations internationales, c’est un point de droit et de jurisprudence que nous pouvons traiter en profondeur.
Ici, monsieur Milon, vous proposez d’introduire une discrimination à l’encontre des seuls couples de personnes de même sexe : alors que le droit actuel prévoit que la résidence de l’un des époux est une référence suffisante pour que le mariage soit célébré, il est proposé d’imposer des conditions de résidence pour les deux époux pour les personnes de même sexe.
Une telle discrimination n’est pas acceptable. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 13 rectifié bis.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame le garde des sceaux, je constate que le texte voté par l’Assemblée nationale, sur lequel la commission des lois ne nous propose pas de modifications, est très différent du texte initial du Gouvernement.
Je cite : « La loi personnelle d’un époux est écartée, sous réserve des engagements internationaux de la France, en tant qu’elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe, lorsque la loi de l’État sur le territoire duquel est célébré le mariage le permet. » Ce n’est pas du tout ce que prévoit le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale !
Vous aviez essayé de résoudre le conflit de lois, ce qui interdisait de procéder au mariage dans un certain nombre de cas. Ici, on nous dit simplement que ça n’a aucune espèce d’importance : procédons au mariage et on verra bien !
Je vous le dis très franchement, cela n’ira pas sans poser nombre de difficultés, conventions internationales ou pas. Le mariage ne sera pas reconnu par l’autre État.
Les gens vont croire qu’ils sont mariés, sauf que ce ne sera pas le cas aux yeux d’un certain nombre d’États qui n’acceptent pas le mariage entre deux personnes homosexuelles. La difficulté était certaine, mais elle sera encore plus apparente avec la rédaction de l’Assemblée nationale que la commission des lois du Sénat nous propose d’adopter en l’état. J’y suis très hostile.
Monsieur le rapporteur, je suis désolé de vous le dire, il s’agit d’une question spécifique par rapport aux autres dispositions de l’article 1er. En l’occurrence, ce n’est pas seulement de la découpe. Il s’agit d’une question différente, sur laquelle je n’ai pas eu votre avis. Mais peu importe puisque, de toute façon, vous avez décidé que ce que nous pouvions dire n’avait aucune importance, même si c’était sensé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Le rapporteur a mal interprété l’intention des auteurs de l’amendement présenté par notre collègue le doyen Gélard.
Notre intention n’était nullement tactique. Ce n’est pas parce que nous avons proposé la suppression de l’ensemble de l’article 1er que nous ne sommes pas fondés à demander la suppression d’un alinéa qui, même si l’article devait être adopté, ne nous paraît pas justifié, et ce pour des raisons de droit qui me semblent fondamentales, voire insurmontables.
Madame la garde des sceaux, vous seriez bien inspirée de prendre notre collègue le doyen Gélard comme jurisconsulte : en laissant adopter une telle disposition, vous prenez en effet des risques juridiques considérables et, surtout, vous allez les faire prendre aux personnes qui se seront mariées sous ce régime et dont l’une d’elles n’aurait pas le droit de se marier dans son pays d’origine. Cela emportera des conséquences très graves pour elle : en contractant un mariage qui sera sans valeur, elle sera en quelque sorte abusée par les dispositions de la loi française.
J’ajoute que ces dispositions sont, à l’évidence, discriminatoires, quelle que soit la rédaction retenue – celle de la commission des lois du Sénat ou celle de l’Assemblée nationale –, puisqu’elles ne portent que sur une seule catégorie d’époux.
Or, mise à part l’interdiction du mariage des personnes de même sexe que d’autres législations auront instaurée ou maintenue, il existe de nombreux autres obstacles au mariage qui diffèrent d’une législation à l’autre.
Pourquoi, ici, ne viser que les obstacles au mariage pour l’un des deux membres quand il s’agit d’un couple homosexuel, alors que beaucoup d’autres couples peuvent se trouver dans une situation analogue ?
Si vous voulez régler ce type de problème, il faut le régler pour tout le monde, et non pour une seule catégorie de personnes.
Ce sont là deux raisons très fortes qui nous font craindre que cette disposition proposée dans le projet de loi, modifiée par la commission, ne se heurte à des difficultés juridiques extrêmement importantes. En effet, si une telle disposition n’était pas censurée par le Conseil constitutionnel, elle pourrait être jugée inapplicable par nos juridictions les plus hautes et se heurter à l’étranger à une fin de non-recevoir, qui rendrait le mariage nul et non avenu pour des raisons d’ordre public international dans le pays d’origine de l’un des époux.
C’est pourquoi je soutiens très fermement la proposition du doyen Gélard, que j’ai d’ailleurs cosignée. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, j’avoue être surpris de la rigidité, de l’esprit de doctrine que l’on nous oppose sur un tel amendement. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Car la question de droit qui est posée est bien réelle. Il s’agit des effets juridiques produits à l’étranger pour les couples qui choisiraient le prétendu « mariage pour tous » tel qu’il est organisé par ce texte.
Madame la garde des sceaux, le Gouvernement serait, me semble-t-il, bien inspiré d’entendre les avis et les avertissements de nos membres éminents de la commission des lois et cela permettrait peut-être même de renforcer votre texte. En effet, en ne réglant pas de manière incontestable ces aspects de compatibilité entre normes de droit sur le plan international, vous prenez une grande responsabilité à l’égard de personnes que vous risquez de plonger dans de cruelles désillusions.
En tout état de cause, je voterai cet amendement. Si par malheur il n’était pas adopté, il y aurait là une cause sérieuse de questionnement sur le plan constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je souhaite répondre à M. Philippe Marini, qui s’y connaît en matière de rigidité. (Sourires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Oh ! C’est déplacé !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il suffit de lire le rapport. Si nous n’avions pas prévu un tel conflit de lois, il serait impossible de célébrer en France le mariage de « couples d’étrangers résidant en France, lorsque leur loi personnelle l’interdit » ou de « couples constitués d’un Français et d’un étranger, lorsque sa loi personnelle ne l’y autorise pas » ; vous le savez très bien !
C’est le sens des alinéas 11 à 16. Voilà pourquoi nous nous opposons à leur suppression.
Monsieur Hyest, j’ai écouté les propos que vous avez tenus, en séance comme en commission. J’aurais peut-être pu tout à l’heure vous apporter des explications plus détaillées pour justifier le rejet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin.
M. Jean-Claude Gaudin. Il s’agit plus d’un rappel au règlement que d’une intervention sur le texte lui-même.
Nous avons entamé l’examen du texte depuis jeudi. Les débats se déroulent comme nous l’avions imaginé : vous n’entendez aucune de nos suggestions et vous ne voulez retenir aucun de nos amendements.
Pourtant, nous pensions avoir ouvert une voie que plusieurs anciennes personnalités politiques socialistes auraient pu emprunter. Certes, nous savons que vous voulez le mariage pour tous, mais l’union civile aurait également été tout à fait acceptable. Vous avez même reconnu qu’il s’agissait d’une évolution de la part de la droite républicaine et du centre.
Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, depuis maintenant une journée entière, plusieurs de mes éminents collègues du groupe vous ont interpellés pour vous faire part de notre étonnement, et je mesure mes mots, à la suite des déclarations d’un membre du Gouvernement. Et nous n’avons reçu aucune réponse.
La possibilité d’ouvrir la PMA n’a-t-elle pas été explicitement évoquée par une ministre, de surcroît porte-parole du Gouvernement ?
Au sein de notre Haute Assemblée, l’usage veut que, lorsque des parlementaires posent une question au Gouvernement, celui-ci y apporte une réponse (Mme Esther Sittler opine.), quelle qu’elle soit.
Or vous ne nous répondez pas. Vous vous contentez de nous enjoindre de quitter l’hémicycle. C’est inacceptable ! Sachez que nous ne partirons pas. D’ailleurs, si nous partions, nous reviendrions ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Sourires.)
Nous vous avons interrogé sur les propos de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Puisqu’elle est si prompte à développer les arguments du gouvernement actuel, qu’elle vienne ! Cela ne doit pas représenter un effort considérable en pleine semaine ; elle n’est tout de même pas à Tahiti ou à Tombouctou ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qu’elle vienne s’expliquer sur ce qu’elle a dit ! Nous ne demandons rien de plus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit.)
M. Ronan Kerdraon. Démagogie !
M. Michel Vergoz. Vous êtes polémistes ! Et ça fait trois ans que ça dure ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de votre déclaration, monsieur Gaudin.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je répondrai d’abord à M. Hyest.
Le texte que le Gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale est effectivement différent de celui qui a été élaboré par la commission des lois et adopté par l’ensemble des députés en première lecture. La différence, c’est que la référence aux conventions instaurant la non-possibilité d’écarter la loi personnelle a été supprimée.
Mais, et vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur, dans la hiérarchie des normes, les conventions internationales s’imposent, qu’elles soient mentionnées ou non. Le Gouvernement avait pris la précaution de les mentionner. Mais le fait qu’elles ne soient pas citées n’est pas un problème.
De toute manière, la référence est là, car il s’agit d’une disposition pérenne.
Dès lors, la différence entre le texte présenté par le Gouvernement et celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale ne fragilise pas notre projet. On peut même considérer qu’une telle mention était superfétatoire, même si ce n’est pas pour cette raison qu’elle a été supprimée en commission des lois.
M. le doyen Patrice Gélard a évoqué tout à l’heure le mariage « boiteux », c’est-à-dire le mariage valable dans un pays mais pas dans un autre. Mais une telle situation n’a rien d’inédit ; elle existe déjà ! Dans le cas particulier que vous avez évoqué à propos de la Grèce, les protagonistes ont agi de mauvaise foi ; pour obtenir la rupture du mariage, l’époux a déclaré que l’union n’était pas valide car elle n’avait pas été prononcée par un prêtre orthodoxe. Cela ne nous concerne pas du tout.
Une autre question se pose ; je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat. Un mariage prononcé par une autorité religieuse, comme dans certains pays scandinaves, peut-il être transcrit en France ? Du point de vue de l’État, l’enjeu est de savoir si ce mariage est célébré par délégation des autorités civiles à l’autorité religieuse, auquel cas il produit des effets d’ordre public. Si de telles conditions sont remplies, les exigences posées par le code civil sont satisfaites et la transcription est possible. Nous aurons l’occasion d’approfondir cette question.
J’en viens à l’interpellation de M. Jean-Claude Gaudin.
Depuis vendredi, les interventions des sénatrices et sénateurs de l’opposition consistent à réclamer de manière récurrente – je dirais même « itérative » – la présence de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, pour une sorte d’audition publique dans l’hémicycle.
Mme Catherine Troendle. Non ! Ce n’est pas ce nous demandons !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gaudin, ce n’est pas à vous, ce n’est pas aux membres de la Haute Assemblée, que je rappellerai les propos tenus par François Rebsamen, le président du groupe socialiste, avec l’ironie qui est, dans certaines circonstances, l’élégance de l’exaspération : le Gouvernement est représenté.
Mme Catherine Troendle. Dans ce cas, qu’il réponde !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je vais vous répondre, madame.
M. Philippe Marini. Quelle est la position du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle impatience !
Vous savez bien que le Gouvernement est là.
À l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition se sont livrés pendant des jours et des nuits à un petit jeu consistant à réclamer d’autres ministres que les trois qui étaient fréquemment présents au banc du Gouvernement. D’abord, c’est un peu discourtois à notre égard ; certes, me direz-vous, quand on s’engage dans la vie publique, on s’expose à un tel risque. Mais surtout, c’est une méconnaissance, au sens de « décision de méconnaître », de nos règles institutionnelles : tout ministre représente le Gouvernement, y compris pendant les questions d’actualité ou les questions orales sans débat, et ce quelles que soient les circonstances !
Mme Catherine Troendle. Alors, répondez à la question ! (M. Michel Vergoz s’exclame.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame, nous vous écoutons pendant des heures, mais vous semblez dans l’incapacité de nous écouter ne serait-ce que quelques minutes (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.), même après nous avoir interpellés !
Mme Catherine Troendle. Vous n’avez pas répondu !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je vais vous répondre. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. J’aurais au moins servi à cela ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, monsieur le sénateur, j’aimerais que vous serviez aussi à faire en sorte que la question ne revienne pas une fois que j’y aurais répondu.
M. Jean-Claude Gaudin. À condition que ce soit clair !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, m’autorisez-vous à prendre quelques minutes afin de vous conter une histoire qui me permettra de mieux répondre à la question ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Très bien, madame la ministre !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai fait ma scolarité à Cayenne en Guyane, sur l’autre rive de l’océan Atlantique en Amazonie.
À cette époque lointaine, « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », après le baccalauréat, il n’était pas possible de suivre des études supérieures chez nous. Je suis donc venue à Paris pour étudier à l’université.
Certes, j’avais déjà rencontré l’amour au lycée à Cayenne. (Sourires.) Mais ce fut tout de même un vrai bonheur de venir ici ; il y avait tant de bibliothèques, de librairies…
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas exactement la question que nous vous avons posée !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une association d’idées par rapport au bonheur ! J’ai trouvé le bonheur de la littérature, des librairies.
Mais, à l’époque, il n’y avait qu’un vol vers la Guyane par semaine ; d’ailleurs, la traversée s’effectuait le plus souvent en bateau. Et on ne se téléphonait qu’une fois par trimestre.
Par conséquent, j’ai forcément eu quelques mélancolies. J’ai donc cherché – l’histoire paraît bizarre, j’en conviens – du fromage gruyère. Celui que j’ai acheté la première fois ne m’a pas plu ; idem la deuxième et la troisième fois. J’ai donc clairement posé la question : « Avez-vous ce fromage gruyère qui picote ? » Et j’ai découvert que le fromage gruyère ne picotait pas ; simplement, comme celui que j’avais connu dans mon enfance arrivait par bateau avec deux mois de retard, il picotait ! (Rires.)
C’est exactement ce qui vous arrive avec la déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est exprimée voilà trois mois sur la PMA ! Depuis jeudi soir, vous voulez absolument que nous vous répondions séance tenante sur sa déclaration. Or voilà trois mois qu’elle ne s’est pas exprimée sur le sujet !
M. Philippe Marini. Et que va-t-elle dire demain ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que votre fromage gruyère,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il picote !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … il picote sur la PMA ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le texte que nous examinons a un périmètre précis. Ce périmètre, c’est le mariage et l’adoption ouverts aux couples de personnes de même sexe à droits constants. La commission des lois a choisi de ne pas modifier ce périmètre, donc, de ne pas inclure la PMA.
Mais soyez patients : je crois qu’un amendement tendant à introduire la PMA dans le projet de loi a été déposé. Il y aura alors tout lieu d’en débattre. Simplement, les dispositions dont nous discutons actuellement ne concernent pas la PMA.
Voilà deux jours ou deux nuits, je vous ai dit que vous aviez fait pendant longtemps un débat sur le débat. Il faut un débat, disiez-vous. Or le débat est permanent. Il y a des articles de presse chaque jour depuis plus de six mois. Il y a des réunions, dont certaines sont d’ailleurs sur votre initiative. Parfois, des députés ou des sénateurs sont empêchés d’y assister. Certains, y compris dans vos rangs, reçoivent même des menaces de mort.
Alors qu’il y a des débats dans la société, vous nous avez réclamé un débat sur le débat. Et à présent, vous faites un débat avant le débat ; vous voulez absolument consacrer des heures à discuter de la PMA (M. Jean-Claude Gaudin hoche la tête en signe de dénégation.) avant tout texte sur le sujet !
Nous avons un texte sur le mariage et l’adoption. C’est de cela qu’il s’agit. Le jour où il y aura un débat sur la PMA, vous pourrez en débattre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 145 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 166
Contre 173
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 204 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur plusieurs travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 146 :
Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 20
Contre 302
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 147 :
Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 159
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Jean-Claude Lenoir. L’article 1er étant le socle de ce texte, nous serons sans doute quelques-uns à souhaiter expliquer notre vote.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un euphémisme…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous, vous intervenez avant l’article, sur l’article et après !
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la garde des sceaux, lors de votre intervention dans la discussion générale, vous avez dit à propos du mariage : « cette institution qui fut de propriété du temps du contrat, de domination quand elle imposait obéissance à l’épouse, de possession du mari, d’exclusion sur une base religieuse ou professionnelle, est en train de devenir universelle, parce qu’elle cesse de témoigner d’un ordre social où la puissance publique instaurait une hiérarchie selon la sexualité ».
C’est toujours la même chose avec l’histoire, chacun tente de la réécrire selon sa propre subjectivité. Un certain nombre de dossiers ont ainsi été passés au crible des néohistoriens ; je pense notamment à la colonisation, à l’esclavage ou à la Seconde Guerre mondiale.
On réécrit maintenant l’histoire de la domination masculine sur la femme. Je refuse l’argumentation avancée, d’autant qu’elle s’accompagne d’une vision de la famille qui m’a personnellement choqué : le rapporteur du projet de loi nous a en effet expliqué que la famille d’il y a un siècle n’avait pas répondu aux exigences,…
M. Alain Gournac. Moi aussi, cela m’a choqué !
M. Jean-Claude Lenoir. … que les parents d’alors avaient failli à leurs responsabilités – c’est le sens des mots que vous avez utilisés, monsieur le rapporteur.
Je pense à mes parents et à mes grands-parents et je me dis que les personnes que visait votre propos avaient le souci de l’éducation de leurs enfants, sans doute plus que les enfants qui seront issus du dispositif que vous êtes en train de mettre en place. (Mme la rapporteur pour avis s’exclame.)
Je pense également que ceux qui étaient créateurs d’enfants il y a un siècle ont su mettre au monde une génération qui s’est dressée contre l’ennemi, qui a résisté, une génération valeureuse, qui a combattu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je voudrais croire que les valeurs portées par les générations futures qui mettront au monde des enfants répondront également à ces exigences.
Le mariage tel qu’il existe partout sur la planète a été organisé selon des régimes plus ou moins comparables. Tous ont évolué en fonction de la société, mais le critère de l’altérité sexuelle n’a jamais, jamais, chers collègues, varié. Et ce n’est que logique. En effet, l’altérité sexuelle, c’est la procréation ; la procréation, c’est la famille ; et la famille, c’est le mariage !
Le dispositif que vous nous proposez aujourd’hui aura quatre conséquences.
Premièrement, la « parentalité » se substituera aux parents, transformant ainsi en profondeur le droit français du mariage et de la filiation.
Deuxièmement, un « droit à l’enfant » sera consacré dans le cadre de l’adoption, par la substitution d’une illusion juridique à la vraisemblance biologique, l’enfant passant de sujet à objet de droit.
Troisièmement, vous négligez les conflits de loi résultant du fait que certains pays ne reconnaissent pas, voire punissent, l’union homosexuelle, avec toutes leurs conséquences.
Quatrièmement, enfin, contrairement à tout ce que vous affirmez, vous ouvrez la voie à la PMA aux couples homosexuels féminins, entraînant ainsi une rupture d’égalité entre les hommes et les femmes et provoquant de surcroît un bouleversement bioéthique dans notre droit.
Madame la garde des sceaux, vous avez fini par nous répondre, et pour nous dire que Mme Vallaud-Belkacem s’était exprimée il y a trois mois. Mais ses propos ont-ils suscité une réaction du Gouvernement ? Le Premier ministre a-t-il recadré la porte-parole du Gouvernement ?
Mme Cécile Cukierman. On n’est plus à l’école !
M. Jean-Claude Lenoir. Le Premier ministre lui a-t-il dit que sa position n’était pas celle du Gouvernement ?
Le 28 janvier dernier, car c’est ce jour-là que Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est exprimée, la porte-parole du Gouvernement a engagé non seulement sa personne, mais le Gouvernement tout entier et, avec lui, la majorité. Je tiens à votre disposition, mes chers collègues, le texte de son entretien, dans laquelle elle indique que le Gouvernement est favorable à la PMA et que le texte sera d’ailleurs voté avant la fin de l’année.
Que cela ait été dit il y a quelques jours ou quelques mois, comme c’est le cas, ne change strictement rien à l’affaire. Il existe une volonté d’aboutir à ce qui a été annoncé, et nous vous avons contraints à le dire, mais nous continuerons à le dénoncer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er vise à permettre aux personnes de même sexe de se marier, ce que le code civil réservait jusqu’ici, explicitement, à deux personnes de sexe différent. Par voie de conséquence, le code civil n’ouvrait l’accès à l’adoption conjointe qu’aux époux de sexe différent.
Depuis 1792, le mariage est une institution dans laquelle s’engagent un homme et une femme souhaitant fonder une famille. Or, pour la majorité, le mariage semble être une institution désuète qu’il s’agit de casser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour notre proposition d’union civile ?
La vérité, mes chers collègues, c’est que ce projet de loi répond davantage à une demande très minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille, toutes les familles, au cœur de nos réflexions.
Force est de constater que la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions, en mettant en place un cadre légal, notamment pour les couples de personnes de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels. Mais en vérité, j’en suis persuadée, nous n’avons pas besoin du « mariage pour tous ».
Vous nous répétez sans cesse que ce projet de loi ne fait qu’accorder des droits nouveaux au nom de l’égalité, mais vous nous trompez.
Permettez-moi de prendre deux exemples éloquents présentés par 170 professeurs de droit.
M. Alain Bertrand. De droite, plutôt !
Mme Esther Sittler. À ce propos, je souhaite souligner le caractère inhabituel d’une telle mobilisation.
Le premier exemple porte sur l’insécurité juridique potentielle des enfants élevés par deux hommes ou par deux femmes.
Or un tel vide juridique n’existe pas, contrairement à ce que vous prétendez, madame la garde des sceaux. En effet, la loi actuelle permet de partager l’autorité parentale avec la personne qui élève l’enfant si les besoins de l’éducation de l’enfant le justifient. Cela n’est pas systématique, et fort heureusement ! Car le fait de vivre avec le père ou la mère de l’enfant ne donne pas a priori de droit sur cet enfant, et l’autorité parentale ne doit pas être un faire-valoir pour les adultes.
Second exemple, notre droit autorise un parent, qu’il soit le seul parent ou qu’ils soient deux, à désigner un tuteur pour ses enfants en cas de décès, par un simple testament. La mère qui élève son enfant avec une autre femme peut donc très facilement désigner celle-ci comme tuteur.
Appliquons donc le code civil !
On le voit bien, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Je ne peux, pour ma part, accepter qu’un texte mal préparé et fondé sur des postulats erronés vienne non seulement bouleverser l’équilibre déjà fragile de l’institution du mariage, mais aussi et surtout nuire à l’intérêt de l’enfant.
C’est pourquoi je ne voterai ni le présent article ni le texte dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. « On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. Ma position, il faut le dire, s’accompagne d’un plein respect des choix amoureux et sexuels de chacun. Mais puisqu’on parle de loi, il me semble que le législateur, tout en étant attentif aux désirs souvent contradictoires des individus, doit rechercher l’intérêt de la société tout entière. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’adhère à ces propos de Lionel Jospin, qui datent de 2004, car ils correspondent à mon état d’esprit face au texte qui nous est proposé aujourd’hui.
Je le dis comme je le pense, le sujet est trop complexe et délicat pour être caricaturé et traité de façon binaire et moralisatrice. Je regrette à cet égard, comme d’ailleurs une très large majorité d’élus et, au-delà, de Français, l’absence d’un débat préalable qui, approfondi et éclairé, nous aurait permis de réfléchir aux tenants et aux aboutissants d’un sujet essentiel, car il nous touche au plus profond de nous-mêmes.
Des élus ont d’ailleurs réclamé des états généraux sur la famille, le mariage et la filiation ; cela leur a été refusé. Nous l’avons bien compris, on cherche à nous faire croire que ces sujets sont déconnectés les uns des autres. Or, après ce texte sur « le mariage pour tous », il y aura bien un texte sur la famille, et donc sur la filiation.
J’en viens maintenant au fond. Ces derniers jours, j’ai écouté très attentivement les différents orateurs…
M. François Rebsamen. Nous aussi !
Mme Catherine Morin-Desailly. … et ce que j’ai entendu de la part de certains ne m’a pas du tout rassurée.
Mme la garde des sceaux a évoqué le « droit qu’avait un couple homosexuel de fonder une famille » ; le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous a indiqué hier qu’il ne savait pas ce qu’il voterait lorsque l’on aborderait la question de la GPA dans un prochain texte.
De toute évidence, ce texte relatif au « mariage pour tous », et notamment son article 1er, prépare des évolutions beaucoup plus fondamentales que l’on veut bien nous le faire croire, et c’est bien ce qui inquiète fortement nos concitoyens. Les différents sondages organisés sur le « mariage pour tous », l’adoption et la procréation médicalement assistée montrent le décalage qui existe entre l’union, c’est-à-dire le mariage, qui est approuvée, et l’adoption et la PMA, qui sont, elles, rejetées.
Voilà pourquoi je pense qu’il fallait accepter la solution que constituait l’union civile, car elle permettait de reconnaître aux couples homosexuels des droits sociaux et patrimoniaux équivalents à ceux des couples aujourd’hui mariés. Elle permettait de célébrer l’union en mairie, traduisant par là même le souci d’égalité et de fraternité de notre République.
Nombre de nos concitoyens pensent que s’il est légitime d’offrir un cadre juridique et une reconnaissance aux couples homosexuels, il est tout aussi légitime de reconnaître la spécificité du mariage fondé par notre République. Ils sont attachés à la façon dont le mariage établit la filiation.
On ne peut pas fantasmer à l’infini : la naissance d’un enfant ne peut résulter que de la rencontre d’un homme et d’une femme. C’est une donnée irréfutable, qui relève non pas de critères moraux, sociaux, religieux ou juridiques, mais de la réalité. Il n’existe pas d’autre vérité biologique de la procréation.
Ce qui apparaît en filigrane dans le projet de loi avec le principe de l’adoption plénière, c’est l’enfant pour tous. Notre collègue Patrice Gélard l’a bien expliqué hier : comme il n’y a pas ou presque plus d’enfants adoptables, cela signifie à terme la PMA puis, par souci d’égalité, la GPA.
On notera que, sur les huit pays européens qui ont autorisé le mariage entre personnes de même sexe, sept ont déjà légalisé la PMA.
Le « mariage pour tous » ne serait-il pas la « PMA et la GPA pour tous » ? Telle est notre inquiétude.
Mme la ministre chargée de la famille a tenu hier soir des propos extrêmement inquiétants,…
M. Alain Gournac. Ah oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. … en affirmant qu’il y avait bel et bien un droit à l’enfant.
Non, madame la ministre, le droit à l’enfant n’existe pas, pas plus pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels, à moins que vous ne confondiez droit et désir ! L’enfant est un sujet, pas un objet de convoitise et de revendication ! L’enfant est une personne, il n’est pas la propriété de ses parents !
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. Certains militent pour la légalisation de la GPA au prétexte qu’elle est organisée ailleurs, considérant qu’elle sera acceptable une fois encadrée. Mais c’est ignorer la réalité, beaucoup plus sordide, de cette pratique qui, ici et là dans le monde, repose – et reposera toujours – sur la marchandisation des corps et qui organise l’abandon de l’enfant.
La pluriparentalité revendiquée vient brouiller les repères de vie, brouiller les repères généalogiques.
J’ai lu qu’on proposerait une généalogie symbolique. La belle affaire ! Quelle est la place du géniteur, du parent biologique, du parent d’adoption, du parent social ou du « coparent » ?
Cette pluriparentalité revendiquée sera une « schizoparentalité » imposée aux enfants ! Pour nous, vous l’aurez compris, la question de l’enfant est essentielle Nous ne parlons pas de droit à égalité, de pseudo-modernité ; nous parlons du bien-être, du « bien-grandir », de l’équilibre d’un enfant que nous refusons de voir considéré comme un objet de revendication, mais qui est le sujet de toutes nos préoccupations.
Voilà pourquoi l’union civile doit incarner le couple et lui seul, et ne doit pas ouvrir de droit à l’enfant mais, au contraire, préserver le droit – fondamental – de l’enfant, qui naît de la rencontre d’un homme et d’une femme.
M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il a le droit de se construire auprès d’un père et d’une mère, comme l’énonce la Convention internationale des droits de l’enfant,…
M. le président. Veuillez maintenant conclure, chère collègue !
Mme Catherine Morin-Desailly. … sinon il y aurait une véritable discrimination, inédite, vis-à-vis des autres enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec le vote sur l’article 1er, le Sénat va devoir se prononcer sur le cœur même du projet de loi présenté par le Gouvernement. C’est l’article de principe, celui dont tout découle. Disons-le d’emblée, se prononcer sur l’article 1er, c’est un peu se prononcer sur l’ensemble du texte.
On nous annonce – on l’a beaucoup entendu – que la messe est dite, que les Français auraient tranché cette question avec l’élection de François Hollande et qu’au final nous ne sommes là que pour enregistrer la volonté du Gouvernement et du Président de la République. Évidemment, nous rejetons cette vision.
À ce stade des débats, un constat s’impose : nous n’avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions. Les sénateurs et sénatrices du groupe UDI-UC avaient déposé des amendements constituant une véritable alternative par rapport au texte du Gouvernement. Il s’agissait de l’union civile comme nouvelle forme de conjugalité.
M. Michel Savin. Bravo !
M. Yves Détraigne. À nos propositions, et aux propositions similaires qui ont été faites par nos collègues de l’UMP, le rapporteur s’est contenté de répondre en substance qu’il ne fallait pas remettre en cause l’économie générale du texte du Gouvernement.
Voilà où nous en sommes : il ne faut pas remettre en cause le travail du Gouvernement ! Alors, je m’interroge : le Sénat abandonne-t-il ses prérogatives ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À quoi sert-il ? Pourquoi faut-il absolument remettre en cause l’institution du mariage s’il est possible au législateur de procéder différemment ?
Nous avons tous reconnu que les couples homosexuels souffraient de nombreuses discriminations, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Nous avons tous reconnu cette souffrance et nous avons proposé des moyens concrets pour y répondre.
Mais quand serons-nous entendus ? Et à quel moment songerez-vous à nous dire pourquoi il faut remettre si profondément en question l’institution du mariage, institution fondée, je le rappelle, sur l’altérité et la conjugalité en vue de la filiation ?
Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous poser cette question, et j’ai bien peur, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à un véritable problème au moyen d’un texte, hélas, inapproprié.
Au surplus, cet article est en fait un cheval de Troie. Nous savons tous ici que l’un des principaux buts de la manœuvre est d’accorder un droit à la filiation, et notamment à l’adoption, aux couples de même sexe, sans parler de la GPA et de la PMA.
Or – cela a été largement évoqué depuis le début de nos débats – nous savons tous que ce droit à l’adoption restera largement fictif. Nous savons tous que la promesse de la réalisation du projet familial, dont vous vous faites les hérauts, restera lettre morte.
Certes, on imagine très bien comment certains dossiers de demande d’adoption seront déposés en haut de la pile, ne serait-ce que pour les photos de presse et pour la communication politique. Mais nous savons tous que votre texte, s’il n’est pas accompagné de la PMA et de la GPA, ne sera qu’une machine à provoquer de la frustration et de la colère.
C’est une raison de plus pour nous opposer avec conviction à ce texte qui appelle mécaniquement d’autres réformes plus profondes de la filiation. Nous refusons d’entrer dans ce processus.
Voilà pourquoi je voterai contre l’article 1er, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est heureux, pour notre groupe, que nous soyons sur le point d’adopter cet article.
Depuis jeudi dernier, le code civil et Portalis ont beaucoup été cités dans cet hémicycle. Alors souvenons-nous aussi de ce code civil qui introduisait une distinction entre enfants légitimes et illégitimes, de ce code civil qui donnait tous les pouvoirs au chef de famille – l’homme, évidemment.
À la lecture de ces éléments, il apparaît heureusement que le code civil n’est pas immuable, le législateur ayant su le faire évoluer.
Alors, chers collègues, si vous ne souhaitez pas l’évolution proposée avec la création de l’article 143, c’est votre droit, mais rien n’empêche le législateur que nous sommes de voter cette évolution parce que – rappelons-le, y compris en faisant référence à Portalis – jamais ce que doit être la famille n’a été défini dans le code civil dans le sens prévu par certains de vos amendements.
Ont été convoqués Jaurès, les Lumières et même Thorez et Aragon ! N’est-ce pas assez cocasse de citer Aragon, cet enfant illégitime qui a souffert toute sa vie de cette situation, sa mère l’ayant fait passer pour son frère ? (Oh ! sur les travées de l’UMP.) Heureusement, nous avons depuis fait évoluer le code civil, sans changer la femme, ni l’homme.
Alors, s’il vous plaît, ayons les débats de notre temps, sans faire parler ceux qui sont traversés par d’autres débats que les nôtres.
Permettez-moi, à mon tour, de citer les références qui structurent ma pensée. Ce ne sera pas Marx, comme certains s’y sont essayés en commission, mais Gaston Bachelard, grand épistémologue, dont les lectures ont marqué ma formation.
Dans toute son œuvre, il a démontré qu’il n’y a aucune vérité absolue, que la raison n’est pas immuable et que seule la dialectique – elle manque quelque peu à nos débats depuis jeudi soir – nous fait avancer. Ainsi, comme il l’écrivait, « Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit ».
Alors oui, nous voterons cet article car, je le dis et le redis, l’homme, au fil des décennies, s’est libéré du mariage. Avec cette loi, c’est le mariage qui se libère des règles discriminatoires instaurées par les hommes.
Enfin, nous avons beaucoup entendu parler des enfants. Ils doivent être protégés, c’est notre rôle. Il n’y a pas de droit à l’enfant, en effet. Mais vous ne pouvez pas nier le désir d’enfant, ni même décider qui, dans la société, a le droit ou non d’exprimer ce désir. Bien souvent, ce désir est généreux, mais il peut aussi être destructeur et cela, malheureusement, quelle que soit la nature du couple qui le développe.
En ce début de xxie siècle, nous savons qu’il peut y avoir une distinction entre géniteurs et parents. Cette césure est souvent douloureuse pour toutes les familles. Elle nous renvoie au plus profond de nous-mêmes, dès lors que nous devons expliquer cette distinction à un enfant qui a été désiré, attendu, chéri, protégé, éduqué et que l’on a vu grandir.
Ici encore, vos arguments ne peuvent être retenus : oui, le mensonge familial existe, c’est un fait, mais il n’est pas – et ne sera jamais – le monopole des couples homosexuels. C’est tout le contraire. Mme la ministre le rappelait hier soir, et nous y reviendrons pour les articles suivants.
Enfin, si, comme vous le dites, le mariage n’est fait que pour procréer, allez jusqu’au bout de votre idée : interdisez-le pour ceux dont ce n’est pas le but ou pour ceux qui, après bien des tentatives naturelles, n’y parviennent pas.
Nous vous avons écoutés et entendus longuement depuis jeudi. Honnêtement, vous ne pouvez plus dire qu’il n’y a pas eu de débat. Vous qui, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, avez méprisé l’expression populaire (Protestations sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean Bizet. C’est nul !
Mme Cécile Cukierman. …. vous qui, à l’heure de modifier l’article 11 de la Constitution, n’avez pas voulu que les débats de société soient soumis à référendum, vous voudriez vous présenter aujourd’hui comme les défenseurs de l’expression populaire ? Mais on frôle là l’hypocrisie, chers collègues ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Tous les arguments ont été donnés, tous ont été entendus : nous ne sommes pas d’accord. Vous n’avez pas cessé de nous rappeler ceux qui ont battu le pavé ces derniers jours. Mais permettez-moi, avant de voter cet article, de penser à toutes celles et à tous ceux qui ne disent rien mais attendent simplement de pouvoir entrer dans la normalité,…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et qui souffrent de ce qu’ils entendent !
Mme Cécile Cukierman. … et ils sont nombreux, y compris pour pouvoir participer avec nous à l’élaboration des réponses aux questions qui se poseront avec cette évolution.
Je conclurai en citant une dernière fois Gaston Bachelard : mes chers collègues, pour être heureux, il faut penser au bonheur des autres !
Nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette vivement l’absence de considération de la majorité pour nos arguments. Pourrait-elle faire adopter ce texte sans nous consulter qu’elle le ferait – du moins, je le crois ! Nous ne sommes pas entendus et ce sont ainsi plusieurs millions de nos concitoyens qui sont snobés par la majorité et par le Gouvernement.
Je déplore ce manque de sagesse sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je le déplore d’autant plus que l’ensemble des propositions que nous avons déjà avancées au cours de ce débat auraient permis de régler sans secousses la question de l’union des couples de personnes de même sexe, telle qu’elle nous est posée aujourd’hui,…
M. Jean-Louis Carrère. Quel cinéma !
M. Michel Bécot. … et ce notamment en créant une union civile dont le régime serait comparable à celui du mariage, excepté pour la filiation.
Ce n’est donc pas parce que nous nous soumettons aux réalités biologiques que nous nions les réalités sociales.
Depuis bientôt neuf mois, vous tentez d’accoucher de ce malheureux projet : qu’importent les conséquences, du moment que cela peut faire gagner au Gouvernement quelques points dans les sondages d’opinion… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il faut avouer que vous pratiquez bien mieux le redressement des sondages que le redressement productif ! Jamais nous ne vous avons vus plus déterminés qu’aujourd’hui et – je le crains – plus jamais ce ne sera le cas.
Quoi qu’il en soit, sans grand espoir quant à l’issue du débat, nous maintiendrons notre position et nous défendrons l’intérêt général, article par article, amendement par amendement, car l’adversité décourage les faibles mais encourage les forts.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Michel Bécot. Oui, avec ce texte nous rejetons les inégalités qu’il introduit.
D’abord, l’inégalité au sein du mariage : l’un, hétérosexuel, est constitué autour de la présomption de paternité, alors que l’autre serait caractérisé par une filiation tenant du virtuel.
Ensuite, les inégalités parmi les couples de personnes de même sexe : la question de la PMA aura hanté les débats, mais nous n’aurons obtenu aucune réponse à ce sujet, on l’a d’ores et déjà compris.
Enfin, les inégalités parmi les enfants adoptés : vous savez que l’adoption d’un enfant est étudiée sur la base d’un dossier composé à partir de la situation des adoptants. Or nombre de pays refusent l’union homosexuelle.
Mais, ce qu’il faut surtout prendre en considération, c’est la crainte exprimée par nombre de Français sur les conséquences d’une telle réforme du droit de la famille, de l’institution du mariage.
C’est un point essentiel qui est, à mon avis, trop largement négligé par le Gouvernement et la majorité. En effet, en fondant le mariage sur le symbole d’une reconnaissance sociale de l’amour entre deux êtres, qu’est-ce qui, demain, nous prémunira contre des dérives fondées sur la liberté sexuelle des individus ? Bien sûr, notre droit interdit la pédophilie, le détournement de mineurs, la polygamie, mais il le fait sur la base d’une loi.
Dès lors, comment, au titre du principe d’égalité, pourrions-nous tenir longtemps face à des revendications légitimes, dès lors que chacun affirme être consentant, d’individus qui disent s’aimer ? Là encore, je désespère de recevoir une réponse... Malheureusement, je crains qu’aucune personne favorable à cette proposition n’en ait.
Néanmoins, puisque certains mettent en avant le fait que le Conseil constitutionnel rappelle qu’il ne souhaite pas se substituer au législateur, je crois important de signaler que, pour autant, le premier est susceptible de censurer le second lorsqu’il porte atteinte aux principes défendus par la Constitution.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons que le mariage, dont l’altérité sexuelle constitue un critère essentiel depuis 1804, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, nous regrettons l’adoption de l’article 1er, article qui constitue le cœur du présent projet de loi
Voilà pourquoi je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, pour explication de vote.
Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous en sommes aujourd’hui au quatrième jour de débat et il pourrait apparaître redondant d’intervenir encore sur l’article 1er.
M. Philippe Marini. Mais non !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes des experts en redondance !
Mme Hélène Masson-Maret. Pourtant, cet article 1er déchaîne les passions. On pourrait penser à plus d’émotion que de raison, mais les conséquences gravissimes de cet article méritent qu’on le commente et le recommente.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Hélène Masson-Maret. Personnellement, je voudrais remercier mes collègues, parce que leurs exposés m’ont confortée dans une décision qui n’était peut-être pas aussi fermement tranchée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Si nous sommes réunis, c’est bien pour essayer de nous convaincre les uns et les autres,…
M. Jean-Louis Carrère. Mais bien sûr !...
Mme Hélène Masson-Maret. … sinon nous serions malhonnêtes : la parole n’est pas inutile, cher collègue ! Il ne s’agit pas de joutes oratoires, il s’agit de l’avenir de la société et de celui de l’enfant, parce que, au cœur de la famille, c’est bien l’enfant qui prime.
Je voudrais que nous en revenions à une réflexion sur l’enfant.
Mme Christiane Demontès. Comme la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale !
Mme Hélène Masson-Maret. Il serait caricatural, et je ne veux pas entrer dans ce débat, de faire un raccourci en disant que le mariage de deux personnes de même sexe, c’est la prise en compte de l’adulte revendiquant à juste titre le droit à l’enfant, mais peut-être un peu moins la prise en compte de l’enfant. Je sais que les auteurs de ce projet défendront toujours qu’en leur âme et conscience ils se sont intéressés à l’enfant. Mais précisément, revenons à l’enfant quelques instants.
Je suis persuadée, car j’ai des exemples autour de moi, que des parents de même sexe peuvent composer un couple remarquable et donner à un enfant tout l’amour et l’éducation dont il a besoin. Nous pouvons l’affirmer aujourd’hui parce que nous en avons des exemples. Alors, où se situe le problème ? C’est là que j’aimerais que nous ayons une réflexion en commun.
Aujourd’hui, les quelques modèles que nous connaissons de parents de même sexe sont généralement exemplaires, parce qu’ils sont constitués de couples extrêmement motivés qui veulent témoigner de la réussite de la famille qu’ils ont constituée.
Mme Dominique Gillot. Alors ?...
Mme Hélène Masson-Maret. Leur parcours a rarement été simple, aussi bien aux yeux de la société que dans les difficultés qu’ils ont rencontrées pour avoir un enfant, quelle que soit la manière dont ils y sont arrivés.
Mais de quoi est fait l’avenir ? C’est cela qui nous intéresse ! Si le mariage entre personnes de même sexe se banalise, nous retrouvons dans les couples de parents de même sexe les mêmes problèmes que dans les couples hétérosexuels,…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Absolument ! Ni plus, ni moins !
Mme Hélène Masson-Maret. … avec leur lot de parents remarquables et leur lot de parents dont la société voit malheureusement tous les jours les manquements, ce qui rend nécessaires des interventions pour préserver l’enfant. La seule différence, c’est que la banalisation n’exigera plus de ces parents, aujourd’hui remarquables, qu’ils soient des modèles (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et ils seront plus nombreux.
M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu tiré par les cheveux !
Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! Écoutez-moi jusqu’au bout, avant de juger ! (Applaudissements et exclamations sur les travées de l’UMP.– Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je pose une question simple : avons-nous le droit, en tant que législateur, de créer une nouvelle structure familiale qui ajoutera une dimension supplémentaire au problème potentiel que rencontre un enfant qui constate une difficulté entre ses parents, voire une séparation ou un divorce ? Face à cette constatation difficile, on peut penser qu’il sera tenté de se mettre à la recherche de son père ou de sa mère biologique. Or il lui sera impossible de retrouver leur trace, impossibilité que le législateur aura créée.
M. Jean-Louis Carrère. Quel galimatias !
Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! C’est une question simple : oui ou non le texte permet-il à un enfant de retrouver son père ou sa mère biologique ? Non ! (M. le rapporteur s’exclame.)
M. Alain Gournac. Non, en effet !
Mme Hélène Masson-Maret. Je voterai contre cet article parce que le mariage a pour vocation de favoriser le meilleur cadre juridique et affectif pour l’éducation des enfants. On ne peut prendre le risque que ce ne soit pas le cas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans surprise, puisque vous êtes restés de marbre face à notre proposition d’instaurer une union civile, nous voterons contre cet article 1er.
Pour ma part, je voudrais revenir un instant sur les arguments qui ont été avancés à l’occasion de l’examen de l’amendement tendant à créer l’union civile. Certains se sont portés sur le registre symbolique, ce qui prouve bien que ce texte soulève non pas seulement une question de droit mais aussi et surtout une question de symbole et de reconnaissance.
Je m’étonne alors que le Gouvernement, si sensible aux symboles, n’ait pas compris le caractère symbolique du mariage pour de nombreux couples mariés ou pour ceux qui envisagent de se marier.
Enfin, il nous a été donné d’entendre un argument un peu plus technique sur la singularité de l’union civile et donc, en quelque sorte, sur la pertinence de créer une union civile destinée uniquement aux homosexuels.
Il va de soi que l’union civile n’est pas le mariage. Cependant, ce n’est pas un « sous-mariage » : nous sommes dans un registre différent. L’union civile nous semble répondre aux demandes légitimes de couples de personnes de même sexe, sans pour autant rompre le modèle de la filiation qui constitue le socle de notre société.
Notre formation politique ne souhaite pas faire du code civil un manuel de biologie. Nous ne souhaitons pas faire dire à la loi comment chacun doit organiser sa vie et préférer telles mœurs à d’autres.
Alors, je souhaite revenir un instant sur une critique récurrente faite à l’endroit de l’union civile, critique qui, au nom de la même conception de l’égalité que vous défendez et qui est votre moteur, je veux bien le croire, vous amène à considérer l’union civile comme une union discriminante.
Votre « mariage » entre personnes de même sexe traitera de manière différente des situations que vous considérez identiques.
Si l’union de deux hommes ou de deux femmes et celle d’un homme et d’une femme étaient identiques, pourquoi ne pas conserver une parfaite égalité ? Pourquoi ne pas traiter exactement de la même manière tous les couples ? Pourquoi refuser la présomption de parenté aux couples de même sexe ?
La réponse est simple : on ne parle pas de la même chose ! Un couple de personnes de même sexe ne sera jamais un couple de personnes de sexe différent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Les situations sont biologiquement différentes.
J’aimerais savoir quel postulat philosophique, anthropologique, sociologique ou psychologique, mais visiblement pas biologique, vous permet de nier la différence entre un homme et une femme - car c’est de cela qu’il s’agit -, alors que, finalement, vous admettez d’autres différences : adultes et enfants, vivants et morts, humains et animaux. Où commence l’autorité de la science pour vous, et où s’arrête-t-elle ?
Heureusement, vous admettez bien volontiers, mais à voix basse, que les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent ne sont pas identiques. C’est ce constat qui vous pousse à différencier les couples de personnes de même sexe sans présomption de parenté et les couples de personnes de sexe différent avec présomption de parenté.
En conséquence, vous voyez bien que, parce que les situations ou réalités biologiques sont différentes, la loi ne peut s’appliquer de manière strictement identique. Alors, pourquoi utiliser cet argument d’une union civile qui serait un mariage au rabais, alors que c’est justement votre « mariage » qui est un faux mariage, car la présomption de parenté, loin de n’être qu’un détail du mariage, constitue l’un de ses fondements ?
Notre union civile n’était pas un « sous-mariage ». L’union civile permettait de prendre en compte la singularité des couples homosexuels, non parce qu’ils n’ont pas la même valeur, mais simplement parce qu’ils sont différents. Votre « mariage pour tous », c’est un pieu mensonge !
Pour cette raison, nous voterons contre l’article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, les sondages d’opinion ont fortement évolué depuis le début de l’examen de ce texte.
M. Philippe Marini. Exact !
M. Jean-Pierre Leleux. Au début, nos compatriotes s’interrogeaient : au fond, pourquoi empêcher les couples homosexuels de se constituer ? La question suscitait une relative indifférence, car ils n’avaient pas encore compris que le mariage entre personnes de même sexe entraînait ipso facto l’adoption d’enfants par ces mêmes couples. C’est alors que nous avons constaté une évolution dans les sondages, d’où il ressort désormais que, si nos concitoyens sont plutôt favorables au mariage, ils s’opposent en revanche à l’adoption.
J’interviens alors que l’article 1er concerne exclusivement, en l’état, le mariage entre personnes de même sexe, parce qu’en votant cet article nous votons en même temps pour la possibilité d’adopter.
C’est au nom d’une revendication tenant à l’égalité des droits que vous avez proposé ce projet de loi. Or, de quels droits s’agit-il concernant l’adoption ?
La première question qu’il faut se poser est celle-ci : existe-t-il un droit à l’enfant ? Les couples de personnes de sexe différent revendiquent-ils le droit à l’enfant lorsqu’ils se marient ? Existe-t-il dans notre code civil relatif à l’institution du mariage un article faisant référence au droit à l’enfant ? Non, bien sûr ! Au contraire, notre législation sur le mariage ne parle que de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant – c’est ce que nous lisons aux jeunes mariés.
La deuxième question est la suivante : le droit de vivre la vie sexuelle de son choix donne-t-il droit à l’enfant, notamment par le biais de l’adoption ? La France, jusqu’ici, a dit non concernant les personnes de même sexe. Il convient d’en préciser les raisons.
Je rappelle notamment ici la position très claire de l’association Les Parents adoptants, qui est de bon sens concernant l’enfant. L’adoption est faite, disent-ils, pour donner une famille à un enfant, sujet de droit, et non l’inverse. L’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir.
M. Philippe Marini. C’est l’intérêt de l’enfant qui prime !
M. Jean-Pierre Leleux. Les enfants adoptables au sens de l’article 347 du code civil ont été privés, par un accident de la vie ou par nécessité, de leur père ou de leur mère biologiques. Pour l’enfant, cette privation est, dans tous les cas, une blessure. Elle demande une réparation, qui passe par le lien de filiation avec un père et une mère adoptifs mais reproduisant symboliquement la filiation avec le père et la mère d’origine. L’amour homme-femme répare symboliquement l’amour homme-femme défaillant de ceux qui sont à l’origine de leur vie. Il est une image réparatrice de ceux qui leur ont donné la vie.
Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais assurer cette fonction de réparation face à ce double abandon des parents géniteurs, homme et femme, parce qu’ils ne représentent pas les parents d’origine en tant qu’homme et femme.
Cette nouvelle filiation dépasse le couple des parents, s’enracine dans une histoire familiale, celle des générations précédentes, avec, pour la plus récente, la présence, lorsqu’ils sont vivants, des grands-parents maternels et paternels.
M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! C’est emberlificoté !
M. Jean-Pierre Leleux. Surtout, elle est crédible, compréhensible et, en conséquence, pallie la cassure d’origine. Brouiller cette lisibilité de l’enchaînement des générations au sein d’un couple de même sexe ne ferait qu’accentuer la confusion et la vacuité déjà intimement ressenties par l’enfant privé de son histoire propre.
Le projet de loi vise à priver à nouveau l’enfant, et cette fois délibérément et légalement, d’un père ou d’une mère dans l’adoption conjugale. Le législateur prend la responsabilité de cette double privation.
Veut-on favoriser le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, ou veut-on imposer à certains enfants d’avoir deux pères ou deux mères ? Avoir deux pères ou deux mères ajoutera une différence supplémentaire, essentielle, car touchant à la nature du couple parental ; peut-on imposer cela à un enfant déjà fragilisé par son histoire ?
L’enfant est-il un bien que l’on acquiert ? Je réponds par la négative et, comme mes collègues, je voterai contre cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Comme nous tous ici, j’ai beaucoup réfléchi aux dispositions de ce texte.
Ce dernier vise l’égalité des droits devant le mariage pour tous les hommes et toutes les femmes de ce pays.
Qui peut s’opposer à l’égalité des droits ? Personne ! Toutefois, en l’occurrence, ce principe d’égalité est biaisé par les conséquences inégalitaires du mariage ouvert à tous.
Premièrement, l’adoption découlant automatiquement du mariage, cette réforme entraînera une inégalité entre les enfants adoptés : selon qu’ils seront accueillis par un couple hétérosexuel ou par un couple homosexuel, ces derniers pourront ou non identifier leurs parents adoptifs à leurs parents d’origine, qui ne peuvent être qu’un homme et une femme.
Deuxièmement, selon qu’ils compteront deux femmes ou deux hommes, les couples homosexuels subiront une inégalité. Même sans l’ouverture à ces femmes de l’assistance médicale à la procréation, beaucoup pourront toujours recourir à une insémination que je qualifierai d’artisanale. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) En revanche, les hommes devront obligatoirement se tourner vers la GPA, qui – dois-je le rappeler ? – est interdite en France.
Chers collègues de la majorité, je suis certaine d’avoir entendu nombre d’entre vous, et notamment M. le rapporteur, s’élever violemment contre la GPA, en mai 2007,…
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Alain Gournac. M. le rapporteur aura changé d’avis !
Mme Muguette Dini. … au motif de la non-disponibilité du corps humain.
Où est la cohérence dans tout cela ? Où est l’égalité ?
Nous aurons l’occasion de reparler de l’AMP, expression qui comporte le terme « médical » et qui sous-entend donc des soins. Je rappelle que l’assistance médicale à la procréation est prévue pour les couples dont l’un des membres est stérile. Néanmoins, rien ne permet d’affirmer que les femmes lesbiennes seraient plus souvent stériles que les femmes hétérosexuelles. Dès lors, pourquoi auraient-elles recours à une assistance médicale ?
J’en conviens, toutes ces questions ne figurent pas dans le texte que nous abordons aujourd’hui, mais, nous le savons, elles viendront rapidement en débat.
M. Jean-Louis Carrère. Et c’est Dieu qui vous l’a dit ?
Mme Muguette Dini. Je confirme que je ne suis pas opposée au mariage entre personnes de même sexe. Ainsi, pour ne pas me placer en contradiction avec la suite de mon propos, je m’abstiendrai sur cet article. En revanche, je voterai contre l’ensemble du présent texte, en raison de ses conséquences sur la filiation, et surtout sur les enfants de ces familles qui n’auront pas demandé à être ainsi distingués, pour ne pas dire marginalisés.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Muguette Dini. Je ne conteste pas la décision prise par des adultes d’unir leur vie par le mariage. En revanche, la décision prise pour les enfants qui seront accueillis dans ces familles – évidemment sans leur avis – ne me semble pas aller dans le sens de leur intérêt supérieur et de leur équilibre. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Une fois de plus – je le dis à l’intention de Mme la garde des sceaux, même si elle est s’est absentée –,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Exact !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … je déplore l’attitude du Gouvernement et de la majorité, qui ne prennent pas ce débat au sérieux, sûrs qu’ils sont d’avoir déjà gagné. Sauf que la société n’a rien à gagner avec ce projet !
Chers collègues de la majorité, depuis près d’un an, vous avez divisé le pays ; à la division classique entre une France dite de droite et une France dite de gauche, s’ajoute la division entre ceux que vous soupçonnez d’être riches et ceux que vous appelez pauvres, ceux qui sont nés Français et ceux qui souhaitent le devenir. Et vous tentez à présent de fâcher les couples hétérosexuels, qui seraient des privilégiés, et les couples homosexuels, que l’État discriminerait ; les citoyens qui seraient arriérés, rétrogrades,…
M. Jean-Louis Carrère. Et ils sont nombreux !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … ou débiles, et ceux qui seraient humanistes et progressistes.
Hier soir, j’ai encore entendu un collègue siégeant sur les travées de la majorité nous accuser d’homophobie !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Oh ! Ça, c’est vilain !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. C’est tout de même désolant ici.
Quoi qu’il en soit, le mariage s’inscrit dans une réalité biologique que nul ne peut nier. L’objectif de cette institution est de protéger juridiquement le lien de filiation entre un père et son enfant, par le biais de la présomption de paternité. C’est pourquoi nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage.
Certes, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, puisque vous souhaitez réduire le mariage à la reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes, qu’elles soient ou non du même sexe. Or ce choix ouvrira inévitablement la porte à des revendications, au mieux ridicules, au pis intolérables, comme c’est déjà le cas à l’étranger.
Par ailleurs, vous savez ce que nous pensons de l’altérité sexuelle d’un point de vue juridique. C’est un principe fondamental. Cette réforme nécessite donc une révision constitutionnelle, voire un référendum.
Si vous souhaitez agir par la voie législative, soit ! Nous aurions même été ravis que vous participiez avec nous à l’élaboration d’une union civile permettant aux couples de même sexe de bénéficier d’un statut plus protecteur.
Ainsi, conscients des réalités biologiques qui s’imposent à nous, il nous aurait été possible d’améliorer le cadre juridique de l’union des couples de même sexe. Dès lors, nous aurions été disposés à débattre de ce sujet de manière calme et dépassionnée, afin de répondre à toutes les interrogations, contrairement à vous qui, depuis le début de nos débats, évitez toute discussion et esquivez toute réponse aux questions que mes collègues vous ont posées à plusieurs reprises, depuis quelques jours.
Ces enjeux concernent notamment la dilution de la présomption de paternité, fragilisée par l’instauration d’une parenté virtuelle, par la PMA et même par la GPA, qui, en réalité, constituent la suite logique du cheminement que vous tracez.
En ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’un des enjeux majeurs de ce débat, je rappelle, après nombre de mes collègues, que beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption à des couples français agissent notamment sur la base de leur situation matrimoniale ! Cette position peut vous déplaire : elle n’en constitue pas moins une réalité.
Je sais que toutes ces questions seront de nouveau soulevées dans la suite de nos débats. Toutefois, force est de constater que les alinéas du présent article constituent le cœur du texte. Aussi, s’ils ne concernent pas directement les questions de l’adoption ou de la PMA, n’y sont-ils pas tout à fait étrangers, dans la mesure où ils en composent le fondement.
Hélas, étant donné votre attitude, je peine à concevoir que vous serez mieux disposés dans quelques jours, voire dans quelques mois, que vous ne l’avez été jusqu’à présent.
Bien entendu, je voterai contre cet article, car le droit au mariage pour les couples homosexuels entraînera leur droit à l’adoption, et conduira nécessairement à l’élargissement de la PMA, puis tout droit à l’ouverture de la GPA. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.– M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er n’est bien sûr pas acceptable.
Il n’est pas acceptable car, en tant que telle, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est un contresens.
Il n’est pas acceptable, car on ne peut pas dissocier le mariage de la question des enfants.
En conséquence, deux raisons justifient ma position, largement admise par ma famille politique.
Tout d’abord, en faisant abstraction du lien pourtant indéfectible entre mariage et filiation, ouvrir le mariage aux personnes de même sexe est, à mes yeux, un contresens. Le mariage, c’est l’altérité sexuelle, la célébration de la différence et de cet instant précaire où deux mondes se rencontrent, celui des hommes et celui des femmes, qui ont chacun leur manière d’envisager l’amour, la vie à deux et l’éducation des enfants.
Cela ne signifie pas que tous les hommes sont masculins, ou toutes les femmes féminines.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jackie Pierre. Il y a naturellement autant de manières de vivre sa féminité ou sa masculinité qu’il y a de femmes et d’hommes.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Jackie Pierre. Toutefois, le mariage doit rester la consécration sociale de la destinée biologique des hommes, en accentuant s’il le faut les traits féminins et les traits masculins.
Chacun, après le mariage, peut endosser le rôle qu’il souhaite. Simplement, même si l’homme est un animal social, un être de culture et non pas seulement une entité biologique, il ne faut pas casser ce rite qui structure notre société depuis si longtemps, car il permet à l’homme de se souvenir qu’il ne pourra jamais totalement s’affranchir de la nature.
Le mariage est certes une mise en scène. Mais croyez-vous vraiment que les hommes et les femmes prendraient la peine de se marier, partout dans le monde et de tout temps, si ce n’était qu’une cérémonie anecdotique ? Non ! L’ouverture du mariage aux couples de même sexe, en tant que telle, ne peut être acceptée.
Mai j’ai une seconde raison de m’opposer à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, et sans soute la plus grave.
Le mariage ne peut être vu seul. Il constitue en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg. En effet, il ouvre non seulement des droits patrimoniaux substantiels, mais aussi et surtout des droits matrimoniaux.
Par ailleurs, le mariage s’accompagne de la présomption de paternité.
De surcroît, le mariage est une institution dans laquelle se glissent les règles de la procréation.
Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est leur accorder un régime matrimonial qui ne peut s’appliquer à eux sans entraîner des situations absurdes.
Pourquoi cette ouverture susciterait-elle de tels cas de figure totalement incontrôlables et impossibles à rationaliser par le législateur que nous sommes ? Tout simplement parce que le projet parental n’est pas le même !
De fait, pour de tels couples, la procréation implique l’intervention d’un tiers, même si ce dernier se trouve dans une éprouvette !
M. Jean-Louis Carrère. Encore un grand discours !
M. Jackie Pierre. Pour les couples de même sexe qui ne veulent pas associer le tiers au projet parental, il faut savoir que celui-ci pourra être conduit à s’y introduire, par sa volonté ou par celle de l’enfant.
En conséquence, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, on transpose les règles applicables en termes de filiation à des ménages qui ne pourront exercer ces mêmes règles. Le droit applicable en termes de filiation ne le sera plus pour les couples de personnes de même sexe.
Cette situation l’illustre clairement : si le lien entre mariage et filiation relève de l’évidence pour ce qui concerne les couples de sexe différent, il ne peut être automatique en ce qui concerne les couples de même sexe.
Comment appliquer la présomption de parenté ? Comment appréhender la pluriparentalité ? (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Monsieur Carrère, laissez-moi parler !
Ce n’est pas une lubie, car un couple homosexuel doit bel et bien recourir à un tiers. Que faire de ce parent biologique ou de la mère porteuse lorsque celle-ci n’est pas la mère biologique ? Comment des droits matrimoniaux peuvent-ils s’appliquer à des couples dont les enfants seront systématiquement issus de tiers ? Est-ce bien logique ?
En fait, via ce projet de loi, vous déconsidérez et vous dévalorisez totalement les vrais couples, donc le vrai mariage. Une chose est sûre : si le mariage entre personnes de sexe différent ne peut être séparé de la filiation, la nature des choses ne permet pas d’établir le même lien entre le mariage de personnes de même sexe et la filiation.
M. Jean-Louis Carrère. Courage, le temps de parole est bientôt écoulé !
M. Jackie Pierre. Pour cette raison évidente, nous ne pouvons accepter que les couples homosexuels puissent se marier, car cela reviendrait à détourner le mariage de sa fonction première, sauf à mentir sur la vérité de la filiation des enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Sans doute n’en étonnerai-je pas beaucoup ici en annonçant que, comme nombre de mes collègues, je ne voterai pas l’article 1er. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Christiane Demontès. Quel scoop !
Mme Dominique Gillot. Quelle nouvelle !
M. Charles Revet. Ce ne sera pas un scoop, j’en conviens !
Chers collègues de la majorité, peut-être avez-vous manqué l’occasion d’aboutir à un certain consensus hier soir, lorsque nous avons défendu des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er, qu’ils aient pour auteur le doyen Gélard, François Zocchetto, moi-même ou d’autres encore !
Nous formulions des propositions qui, à nos yeux, correspondaient à l’objectif même du présent texte : prendre en compte la situation des personnes de même sexe qui veulent vivre ensemble et souhaitent que nous apportions des solutions à leurs difficultés.
La solution proposée apportait une réponse sans remettre en cause ce à quoi nous sommes attachés : le mariage et tout ce qui en découle.
Votre position, manifestement idéologique et dogmatique, est inquiétante,…
M. Jean-Louis Carrère. Parlez pour vous !
M. Charles Revet. … notamment en raison des conséquences qui s’y attachent.
Aux questions qui sont posées, vous n’apportez aucune réponse.
M. Jean-Louis Carrère. Et vous ?
M. Charles Revet. Lorsque je suis intervenu dans la discussion générale, j’ai conclu mon propos en demandant à Mme le garde des sceaux où elle voulait nous emmener.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, ça, où voulez-vous qu’elle vous emmène ?
M. Charles Revet. Sa réponse, laconique, a été la suivante : jusqu’où le précise le texte de loi !
Chaque fois que des questions vous ont été posées, madame la ministre, vous n’avez pas répondu. Nous n’avons entendu qu’un propos très alarmant de la part de Mme le garde des sceaux : « Nous sommes face à un changement de civilisation. »
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Charles Revet. Madame le ministre, j’ai donc deux questions à vous poser. Je ne sais si vous y répondrez vous-même ou si Mme le garde des sceaux s’en chargera, mais j’espère bien obtenir cette fois des réponses.
M. Bruno Sido. Pas comme tout à l’heure !
M. Charles Revet. Comme vous avez bien évidemment réfléchi aux conséquences de l’adoption de ce texte - je ne peux pas penser qu’il en soit autrement -, pouvez-vous nous indiquer à quel type de société vous souhaitez aboutir, sachant que, demain, nos enfants devront y vivre ?
M. Jean-Louis Carrère. Allons ! On ne pose pas de questions dans une explication de vote, enfin !
M. Charles Revet. Ma seconde question concerne la GPA et la PMA, dont nous avons beaucoup parlé.
Madame le ministre, vous n’avez pas su nous dire si l’on reviendrait sur ce texte ni dans quelles conditions, mais, si le projet de loi est adopté et la loi publiée au Journal officiel, et si une famille, ou une structure quelconque, introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous nous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par-delà l’adoption simple ou plénière, la PMA ou la GPA ?
M. Philippe Marini. Bonne question !
M. Jean-Louis Carrère. Mais non ! Ce n’est pas cela que nous votons !
M. Charles Revet. Vous ne pouvez pas ne pas nous répondre, à nous qui sommes ici et qui sommes interpellés, car nos travaux sont aujourd’hui suivis avec attention.
Madame la ministre, ces réponses, vous nous les devez, à nous et à tous nos concitoyens : nous les attendons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.– On applaudit également sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Une vraie manipulation !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mme la garde des sceaux a donc pris la parole. Le fait est assez exceptionnel pour être noté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bonnefoy. Quel mépris !
M. Philippe Bas. Elle a pris la parole (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) et a esquissé l’amorce d’un début de commencement de réponse (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste.) à la question de notre président de groupe.
Je tenais à la remercier de cet égard pour notre président.
M. Jean-Louis Carrère. Nous, nous ne vous remercions pas !
M. Jean-Marc Todeschini. Quand on n’a rien à dire…
M. Philippe Bas. Il a ainsi obtenu, du moins partiellement, ce à quoi nous n’étions pas parvenus en quatre jours d’efforts !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous faites bien trop d’efforts !
M. Philippe Bas. Je préfère la remercier et réagir avec optimisme à ce qui augure, je l’espère, d’une plus grande disponibilité du Gouvernement (M. Jean-Louis Carrère mime le geste d’un violoniste.) afin que le débat se noue enfin. Car je constate que nous exprimons des objections, certes, mais pas uniquement ! Nous formulons également des propositions. Malheureusement, il est peu fréquent que nous obtenions des réponses, ce qui est bien dommage. N’est-ce pas la vertu de la délibération parlementaire que de nous permettre de nous retrouver, de dialoguer et d’essayer d’écrire ensemble la loi ?
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’exprimez rien du tout, vous parlez pour ne rien dire !
M. Philippe Bas. J’ai pu observer que Mme le garde des sceaux, qui elle, cher collègue, ne parle pas pour ne rien dire, appréciait la poésie et la littérature (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) et qu’elle aimait aussi le fromage. (Sourires.)
M. Bruno Sido. Le fromage picotant !
M. Philippe Bas. J’ai de grandes divergences de vues avec Mme le garde des sceaux, mais nous avons aussi quelques points communs. J’aime moi aussi René Char, ainsi que beaucoup de nos collègues ici. Et comme certains de nos collègues de droite, de gauche et du centre, j’apprécie Aimé Césaire.
En écoutant Mme le garde des sceaux, je pensais à André Gide disant très injustement à propos de François Mauriac qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Et je me disais que l’on ne fait pas non plus de bons textes avec seulement de bonnes intentions !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un expert !
M. Philippe Bas. Quant au fromage, j’en suis également amateur…
M. Bruno Sido. Normal, pour un Normand !
M. Philippe Bas. … et nous sommes nombreux sur ces travées à pouvoir vanter les productions de nos départements. En ce qui me concerne, je tiens à faire l’éloge du camembert au lait cru de Lessay (Ah ! et très bien ! sur les travées de l’UMP.).
M. Jean-Claude Lenoir. Dans l’Orne !
M. Philippe Bas. Puisque Mme Taubira nous a gratifiés de ses confidences, au reste très émouvantes, j’ajoute que j’aime, comme elle, le gruyère. Le gruyère de son enfance, avec ses picotements, qui est un peu sa madeleine de Proust, a subi une forme particulière d’affinage (Protestations sur les travées du groupe socialiste, où l’on crie au hors sujet.). En principe, ce n’est pas le gruyère que l’on affine, c’est le comté. Et l’affinage du comté demande des mois et des mois. (Protestations continues sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Arrêtez, c’est indigne !
M. Philippe Bas. C’est un peu la même chose pour le droit. Produire un bon texte, cela exige du temps, des soins, de l’attention et du professionnalisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Pitoyable ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne suis pas certain que toutes ces conditions ont été réunies pour ce texte, qui a été décidé avant d’avoir été pensé. (Oui ! sur certaines travées de l’UMP.) Nous sommes aujourd’hui contraints d’en débattre alors même que beaucoup des questions qu’il suscite n’ont été que partiellement traitées.
Parmi ces questions, il y a celles que nous ne cessons de poser concernant les implications de ce texte sur l’assistance médicale à la procréation. Nous n’avons pas besoin d’attendre un autre texte, dont on ne sait pas s’il va oui ou non être présenté, Mme Bertinotti y étant favorable, au contraire du Premier ministre… (Mme la ministre fait des signes de dénégation.)
Sans avoir besoin, donc, d’attendre un hypothétique autre texte, nous savons que, parce que l’adoption sera ouverte à l’épouse d’une mère qui aura bénéficié d’une assistance médicale à la procréation, ce texte permettra immédiatement de reconnaître des enfants qui auront été conçus pour n’avoir pas de père.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est fini, il faut vous arrêter !
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. Philippe Bas. Sachez bien que là réside le motif principal de notre opposition à votre texte ! Nous considérons qu’il n’est pas possible d’être parent d’un enfant sans être sa mère ni son père, et nous tenons que c’est une vue de l’esprit que de penser le contraire.
En revanche, nous admettons que l’on peut tout à fait jouer un rôle très important auprès de l’enfant en étant le compagnon du père ou la compagne de la mère. Nous aurions dû travailler ensemble pour définir et construire ce rôle. Alors, nous aurions fait œuvre utile.
M. Jean-Marc Todeschini. Cinq, quatre, trois, deux, un : c’est terminé !
M. Philippe Bas. Et voilà pourquoi, mes chers collègues (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), je ne peux en aucun cas voter cet article 1er, dont les conséquences sont très graves. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est du cinéma de bas étage !
M. Philippe Bas. Parce que c’était plus brillant avec Mme le garde des sceaux ?
M. David Assouline. Elle est bien plus brillante que vous ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Esther Benbassa. Cela s’excite, à l’UMP !
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
M. Philippe Darniche. Je vais à mon tour, confirmant mes propos précédents, vous dire pour quelles raisons, avec mes collègues sénateurs non inscrits, je ne voterai pas ce texte.
Nous avons probablement manqué aujourd’hui une occasion unique (Mais oui ! sur les travées du groupe socialiste.) d’avancer sur un sujet compliqué, mais qui nous tient à cœur comme à vous : l’avancement des droits des couples homosexuels.
Le contrat d’union civile était, à mon sens, une bonne proposition, qui permettait de progresser sur ce sujet et qui correspondait à ce que souhaitait la très grande majorité des homosexuels, tout en étant exempt des inconvénients considérables que renferme votre texte, madame la ministre.
Je pense que le Gouvernement ment et fait preuve d’hypocrisie. Car assurément, en votant pour cet article 1er, nous voterions pour l’adoption plénière, pour la PMA et pour la GPA, et nous imposerions ces trois pratiques à notre pays, ainsi que je vais le démontrer.
L’article que nous examinons confère, en effet, un statut identique aux couples de personnes de sexe différent et de personnes de même sexe. Or la Cour européenne des droits de l’homme dispose d’un lourd dispositif anti-discrimination et défend l’application de droits identiques en cas de statut identique. Si les couples de personnes de sexe différent bénéficient d’un droit d’adoption et de procréation, la CEDH considérera que les couples de personnes de même sexe doivent en jouir également. Certes, les arrêts de la CEDH ne modifient pas directement les droits internes, mais ils s’imposent aux pays membres du Conseil de l’Europe, dont la France, qui doivent les respecter sous peine de s’exposer à de lourdes condamnations.
Ainsi, l’adoption plénière et la PMA seront automatiquement imposées à la France.
Je voudrais encore rappeler que la faculté réservée à un homme et une femme de se marier ne résulte pas de la réprobation d’une pratique sexuelle, l’homosexualité, mais d’une réalité biologique : la différence des sexes.
Cette réalité s’impose de la même manière à toute l’humanité, à tous les âges et sous toutes les civilisations. Une minorité agissante souhaite distiller l’idée que la nature n’existe pas et que la détermination sexuelle résulterait simplement de la conscience de l’homme. La théorie du genre, qui apparaît aujourd’hui en pleine lumière, est totalitaire et destructrice.
Mme Esther Benbassa. Ah ah !... Nous y sommes !
M. Philippe Darniche. En ce jour probablement historique, vous vous apprêtez à défigurer la société en piétinant une institution, le mariage. Vous allez augmenter la souffrance d’enfants qui ne connaîtront pas leurs origines. Le droit à l’enfant l’emportera entièrement sur le droit de l’enfant.
Vous avez refusé l’union civile, dont je répète qu’elle satisfaisait probablement la majorité des couples homosexuels, et, au nom du principe d’égalité et afin de satisfaire une minorité, vous avez considéré qu’il fallait emprunter un autre chemin.
Avec tout le respect que je vous porte, chers collègues, je dirais que vous souffrez d’égalitarisme chronique.
M. Alain Gournac. C’est une grave maladie !
M. Philippe Darniche. Au nom de cela, vous avez sacrifié l’enfant !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Philippe Darniche. Parce que cet article est destructeur de la définition même du mariage, parce que ce qui est en jeu, c’est une certaine idée de la vie, et peut-être n’avons-nous pas la même, je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’article 1er institue le mariage pour les couples de même sexe. Nous connaissons tous des couples homosexuels dans nos familles, parmi nos amis. Ils vivent souvent une vie de couple fondée sur un attachement sincère et, à ce titre, méritent le respect. Nous souhaitons tous que ces homosexuels ne souffrent ni de la vie qu’ils mènent ni de la qualité de leur couple.
À cet égard, le PACS, tel qu’il existe actuellement, ne remplit pas toutes les conditions requises pour que ces hommes et ces femmes soient respectés dans leur vie de couple. Je regrette, pour ma part, que le gouvernement précédent n’ait pas pris l’initiative d’une amélioration du PACS, sur ses aspects tant patrimoniaux que symboliques. Je déplore, notamment, que l’on ne puisse célébrer une union civile, qui correspondrait mieux au respect dû aux couples homosexuels.
C’était l’objet de l’union civile que nous souhaitions établir dans ce texte et que vous avez rejetée.
M. Jean-Marc Todeschini. M. Karoutchi disait hier que M. Sarkozy n’en avait pas voulu !
Mme Catherine Deroche. Je ne sais pas ce que M. Sarkozy désirait, je ne suis pas sa porte-parole !
M. Jean-Marc Todeschini. Cela a été dit hier sur vos travées !
Mme Catherine Deroche. Je vous donne mon avis personnel : pour ma part, je le regrette ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cet article 1er pose problème : le mariage a des implications. La demande des associations homosexuelles n’est d’ailleurs pas tant le mariage lui-même - les homosexuels disent bien qu’ils ne se marieront pas systématiquement, comme d’ailleurs les couples hétérosexuels -, que l’adoption. Ce que veulent les associations, c’est la possibilité, pour les couples homosexuels, d’avoir une famille et d’élever des enfants.
Or, nous le savons bien, l’adoption sera difficile pour les couples homosexuels et, inévitablement, au nom de l’égalité, ce texte nous contraindra à aller plus loin.
Les couples homosexuels que nous avons pu entendre nous ont fait part du vide dans leur vie que représente l’absence d’enfant, ce que nous pouvons le comprendre. Mais, si l’on entend cette souffrance, il me semble que le texte proposé ouvre sur trop d’incertitudes et de difficultés à venir. À ce titre, nous ne pouvons y souscrire.
Le vide d’enfants existe chez des couples homosexuels comme chez des couples hétérosexuels, ou chez des personnes qui ont fait un choix de vie particulier, du fait, par exemple, de leur engagement religieux. À ce moment du débat, je voudrais cependant dire que l’on peut réussir sa vie et lui donner du sens sans enfant, même si les enfants sont source d’un vrai bonheur.
À l’UMP, nous disposons de la liberté de vote, ainsi qu’à l’UDI-UC, je pense. Nous pouvons nous en réjouir. Pour ma part, je ne voterai pas l’article 1er. Quant à vous, mesdames et messieurs de la majorité, nous vous sentons très unis sur ce texte… Vous n’avez pas de liberté de vote : le Gouvernement vous l’a dit, puisqu’il ne s’agit que de mariage et d’adoption, vous devez voter comme un seul homme ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Mais je vous donne rendez-vous dans quelques mois, lorsque nous débattrons du texte sur la PMA et la GPA. Nous verrons alors si vous êtes aussi joyeux, et si, comme le Président de la République, vous êtes toujours blagueurs. Car voilà au moins une qualité que tout le monde lui reconnaît ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
Rendez-vous dans quelques mois ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.– M. Jean-Louis Carrère proteste énergiquement.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je demande à M. Carrère de se calmer un peu et de m’écouter ! Cela me ferait un plaisir aquitain… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la garde des sceaux, je vous remercie de nous avoir rejoints en cet instant ; j’aurai donc le plaisir de m’exprimer en votre présence. Je vais parler de ceux qui sont oubliés dans ce projet de loi, les enfants ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Ce sont les grands oubliés de votre texte, notamment de son article 1er !
Voyez-vous, la difficulté soulevée par l’équivalence que vous avez décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants.
On dirait que vous avez oublié – je me dois donc de vous le rappeler ! – qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfant. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Quelle science !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis bien obligée de commencer par là !
Certes, on peut déplorer ce fait, mais il en est ainsi : deux hommes ensemble ne feront pas d’enfant,...
M. Jean Bizet. C’est difficile, en effet !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … pas plus que deux femmes ensemble ne pourront procréer.
Pour qu’il y ait procréation, l’homme a besoin de la femme et la femme, de l’homme.
M. Jean-Louis Carrère. Ah, si nous étions des huîtres…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous affirmez que les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant, se fondant, pour cela, sur le droit accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Mais ils oublient – ou ils font semblant d’oublier ! – que c’est la nature et non le droit qui les empêche d’avoir un enfant !
La rationalité de la société – c’est un point très important – repose sur la notion de limite et, avec elle, sur l’idée que tout ne se décrète pas,…
M. Jean-Louis Carrère. Mais non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … que tout ne se fabrique pas, monsieur Carrère. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préserve de la dictature du droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préserve de la dictature de la science.
Avec votre texte et l’ouverture à la possibilité pour les couples homosexuels de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour, enterrant la notion de limite. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la science et de l’idée que tout peut se fabriquer. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
On obéissait à la nature qui, comme le disait Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la science et au droit !
Mme Esther Benbassa. Ben oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La nature évitait que l’homme n’obéisse à l’homme ; désormais, l’homme va obéir à l’homme sans que l’homme obéisse à quoi que ce soit !
M. Alain Néri. Vous pourriez répéter ? Nous n’avons pas compris ! (On le confirme sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dommage que vous ne compreniez pas ! Il vous faudra en tirer les conséquences ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous en arrivons à devoir examiner un texte de ce type ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Démêlez l’écheveau !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Écoutez-moi, juste une seconde !
Et l’enfant de couples homosexuels (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.), vous vous en moquez ? Il aura droit non pas à une origine réelle, mais à une origine absente : les cases « père » et « mère » resteront vides. Qu’on le veuille ou non, cette absence d’origine ne sera pas si simple à porter. L’enfant ne pourra pas se sentir comme les autres, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.
Oui, les partisans de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et de l’adoption avec procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels rêvent – je le pense vraiment – quand ils voient dans ce projet de loi un progrès démocratique sans précédent. Ils croient – et vous le croyez aussi ! – que tout va bien se passer, mais ce ne sera pas le cas !
M. David Assouline. Pourquoi cela se passe-t-il bien en Europe ? En Espagne ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne peut pas bien se passer ! N’imaginons pas que les enfants fabriqués, auxquels on aura volé leur origine, resteront sans réagir ! On prétend résoudre des problèmes, mais on va, au contraire, en créer ! Ne pensez pas un seul instant que tout va bien se passer ! Ne touchons pas aux données naturelles de la famille ! Ne jouons pas avec le feu ! Ne jouons pas aux apprentis sorciers !
Nous avons tous des amis homosexuels, que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons, même.
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’un de mes adjoints du conseil municipal est homosexuel.
M. Bertrand Auban. Ce n’est pas possible !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous le voyez, je n’ai aucun problème avec l’homosexualité !
Que les homosexuels soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux au sein d’un couple homosexuel qu’au sein de certains couples hétérosexuels, cela peut arriver. (Des sénateurs socialistes décomptent le temps de parole de Mme Des Esgaulx.)
Écoutez-moi !
M. Jean-Marc Todeschini. Cinq secondes ! Quatre ! Trois ! Deux ! Une…
M. Philippe Marini. Un peu de respect !
M. le président. Mes chers collègues, seule Mme Des Esgaulx a la parole !
M. Jean-Marc Todeschini. Son temps de parole est écoulé !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’ai été interrompue en permanence !
M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé !
M. Philippe Marini. Mme Des Esgaulx a été sans cesse interrompue ! (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Évelyne Didier. Laissez-la finir son intervention !
M. le président. Je vous en prie, madame Des Esgaulx, poursuivez !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je prendrai la parole sur un autre article ou sur un amendement si vous ne me laissez pas terminer ! Cela ne me gêne pas ! Il est vraiment dommage que vous ne vouliez pas nous écouter !
Au travers du texte que vous allez adopter, vous allez fabriquer des enfants qui n’auront pas droit à leur origine. Pour ma part, j’ai eu personnellement à connaître de cas d’enfants dans cette situation. C’est catastrophique !
Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous êtes en train de faire !
Je veux aborder un autre point…
M. François Rebsamen. Non, ça suffit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je ne peux pas parler !
Mme Esther Benbassa. Cela fait quatre jours que l’on vous écoute !
M. le président. Ma chère collègue, votre temps est écoulé, mais vous aurez l’occasion de reprendre la parole.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vraiment regrettable, monsieur le président ! Comment ne pas s’étonner que le débat ait lieu ailleurs s’il ne peut pas avoir lieu ici ?
M. le président. Madame la sénatrice, votre temps de parole est limité !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne peut pas s’exprimer ici dans de bonnes conditions ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. On a gardé le meilleur pour la fin ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas fini !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, je sollicite votre attention !
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 1er est le cœur de ce texte, il en est même le nœud…
M. Jean-Louis Carrère. Le nœud ?
M. Philippe Marini. Monsieur Carrère, si vous voulez vous exprimer, demandez la parole pour explication de vote ! Peut-être entendra-t-on alors vos arguments ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.– Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis tout à l’heure, vous ne cessez de nous interrompre les uns et les autres ! Souffrez que je m’exprime !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues ! Laissez M. Marini s’exprimer.
M. Charles Revet. Monsieur le président, ce n’est pas possible !
M. Philippe Marini. L’article 1er étant au cœur du texte, disais-je, il est bien légitime que nous résumions, les uns et les autres, notre position.
Notre collègue Charles Revet a rappelé que Mme le garde des sceaux avait présenté ce texte comme marquant un changement de civilisation. Je crois que c’est là le point essentiel.
Ce gouvernement, celui que vous représentez en effet, madame le garde des sceaux, avait le choix entre deux démarches.
Il pouvait chercher à régler tranquillement, expérimentalement, les problèmes qui peuvent se poser, en comblant les lacunes du droit, avec le souci d’engager une large concertation avec toutes les composantes de l’opinion, notamment, permettez-moi de le souligner, avec les représentants légitimes des communautés religieuses de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), tout spécialement des trois monothéismes qui structurent les religions de la France.
Mais vous avez choisi une autre voie, celle de l’affrontement, celle des symboles et du prétendu « changement de civilisation ». Aussi sommes-nous fondés à vous demander des comptes, madame le garde des sceaux ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
Quel gouvernement êtes-vous pour envisager un tel changement de civilisation ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Êtes-vous mandatés pour engager un changement de civilisation ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non !
M. Bruno Sido. Absolument pas !
M. Philippe Marini. Ne serait-il pas préférable d’écouter l’opinion publique et ses composantes diverses, qui, au demeurant, ont bien évolué, me semble-t-il, au cours des mois qui viennent de s’écouler ? Référez-vous aux sondages. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. On sait ce que valent les sondages !
M. Philippe Marini. Peut-être y a-t-il un lien, comme une évolution parallèle, entre la chute de la cote de popularité du Gouvernement et les interrogations qui secouent de plus en plus l’opinion publique pour ce qui concerne le prétendu « mariage pour tous » !
Madame la garde des sceaux, sincèrement, est-ce ce gouvernement dont le ministre du budget, devenu ministre du mensonge, a explosé en vol (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.- M. François Rebsamen invite de la main ses collègues à la modération.),…
M. Alain Bertrand. On n’est pas là pour parler de cela !
M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement dont le ministre du prétendu redressement productif contredit dans la presse le ministre de l’économie et des finances alors qu’il en dépend (M. Bertrand Auban s’exclame.), en voulant remettre en cause nos engagements et les décisions qui ont été solennellement proclamées par votre Président de la République, par votre Premier ministre,…
M. Alain Bertrand. Hors sujet !
M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement, caractérisé par tant de contradictions, un gouvernement dont la porte-parole annonce la PMA et dont le garde des sceaux la nie, et ce malgré toute évidence, est-ce un tel gouvernement qui est qualifié pour présenter ce texte et, surtout, pour en faire le symbole d’un « changement de civilisation » ?
M. Alain Gournac. Non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non !
M. Bruno Sido. Non !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, ce débat est révélateur : il montre bien – et c’est à l’honneur de notre démocratie et de notre assemblée (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) – la profondeur du clivage existant entre nous, la profondeur du fossé qui nous sépare.
Nous sommes en démocratie, et il est important que nos concitoyens sachent où nous nous situons les uns et les autres, quelles sont nos convictions, à quelle civilisation nous appartenons et quelle civilisation nous avons l’intention de promouvoir. Je vous remercie de votre attention ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Mes chers collègues, je vous invite à garder votre calme.
J’appelle mes collègues du groupe socialiste à ne pas céder à la provocation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui nous empêchez de parler !
M. François Rebsamen. Certains propos dépassent sincèrement les limites de l’acceptable, car ils remettent en cause le suffrage universel, les résultats des élections, le Gouvernement. Mais je vous demande, mes chers collègues de la majorité, de ne pas céder à la provocation ! Laissons cela à la droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’instar de nombre de mes collègues, je veux me faire l’interprète de beaucoup de nos concitoyens élus que nous avons reçus les uns et les autres ou qui nous ont écrit : ils ne comprennent pas pourquoi un tel débat est organisé aujourd’hui.
En effet, était-il urgent d’engager ce débat en cette période de crise économique, alors que nous sommes au bord du gouffre et que tant de sujets plus importants devraient être traités, à l’heure où la crise de confiance se fait de plus en plus forte et où le bateau France est devenu un bateau ivre ?
M. Roland Courteau. Hors sujet !
M. Rémy Pointereau. Ce sujet divise les Français, alors même que le président Hollande avait promis de ne pas les diviser lorsqu’il était candidat ! Souvenez-vous : « Moi Président de la République, je serai à l’écoute des Français. »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a vu le résultat !
M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’engagerai de grands débats citoyens. »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a aussi vu le résultat !
M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vues,…
M. Bruno Sido. Ouh là là !
M. David Assouline. C’est quoi, le sujet ?
M. Rémy Pointereau. … pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps […] j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français. »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh bien !...
M. Rémy Pointereau. Pour ma part, je suis aujourd’hui choqué par les propos de certains collègues de la majorité concernant le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il y aurait, d’un côté, les modernes, ceux qui y sont favorables, et, de l’autre, les conservateurs,…
M. David Assouline. C’est cela ! Vous avez tout compris !
M. Rémy Pointereau. … qui y seraient opposés et seraient, qui plus est, homophobes.
Je m’inscris en faux contre cette assertion, car je suis – nous sommes ! – contre l’homophobie, contre la stigmatisation des homosexuels. L’homosexualité n’est plus un sujet tabou dans une société comme la nôtre. Des homosexuels, nous en connaissons tous parmi nos proches, nos amis, dans nos familles.
M. Jean-Louis Carrère. Et alors ?
M. Rémy Pointereau. Je respecte à la fois les personnes et leur choix de vie. D’ailleurs, on pouvait croire que le PACS aurait permis aux couples homosexuels de trouver leur place dans la société.
M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez combattu !
M. Rémy Pointereau. On pouvait penser, alors que prime la parité, qu’il était naturel que le mariage soit réservé à l’union d’un homme et d’une femme.
C’est pourquoi nous avions souhaité mettre en place cette union civile qui aurait comporté les mêmes droits et les mêmes devoirs que le mariage. Chers collègues de la majorité, vous l’avez refusée !
Devant ce choix de société, ce « changement de civilisation », selon la formule qu’ont rappelée certains de mes collègues, nous voulions un grand débat populaire suivi d’un référendum, qui aurait tranché. Chers collègues de la majorité, vous les avez refusés !
Le mariage civil est une institution républicaine qui définit un cadre pour la procréation et la filiation. Nous devons donc promouvoir le droit de l’enfant et non le droit à l’enfant. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler, chers collègues de la majorité, les propos tenus par l’une des vôtres.
« Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, mais bien plus que cela : c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. […] La non-discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l’humanité, de sa survie, est celui de la filiation. […] Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut […] ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. […] Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels […] est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. » Pourquoi ce que disait Mme Élisabeth Guigou en 1998, lors des débats sur le PACS à l’Assemblée nationale, ne serait-il plus valable en 2013 ?
Mesdames les ministres, la PMA et la GPA ne figurent pas dans votre projet de loi, mais, contrairement à ce que vous affirmez, une brèche est bien ouverte pour l’avenir. Étant donné le nombre extrêmement restreint d’enfants à adopter et la fermeture d’environ quatre-vingt-dix pays pour l’adoption d’enfants étrangers, le projet de loi, s’il est adopté, ouvrira la porte aux PMA et aux GPA réalisées à l’étranger.
M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Rémy Pointereau. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré que, pour vous, une civilisation avait des fondements, des principes, et que parmi eux figurait l’égalité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Rebsamen. Le règlement, c’est le respect du règlement !
M. David Assouline. C’est fini !
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure, car vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Rémy Pointereau. Estimez-vous que ce principe d’égalité s’appliquera aux enfants que l’on aura délibérément privés de leur père ou de leur mère et aux enfants qui ne pourront établir leur filiation ? (Nouveaux murmures sur les mêmes travées où l’on commence à frapper sur les pupitres.)
Mme Éliane Assassi. C’est fini !
M. le président. Mon cher collègue, vous n’avez plus la parole.
M. Rémy Pointereau. Non, nous ne voterons pas cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, dans quelques instants, le vote de l’article 1er du projet de loi ouvrira le mariage de manière pleine et entière aux couples de personnes de même sexe.
M. Jean Bizet. Attendez !
M. Charles Revet. L’article n’est pas encore voté !
M. Yves Daudigny. Oui, nous pouvons l’affirmer : le vote de cet article 1er, qui constitue le cœur du projet de loi, est un moment historique ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP s’esclaffent.)
Après que l’homosexualité eut été dépénalisée et que la protection assurée par le code pénal eut été étendue aux victimes de discriminations fondées sur les mœurs, il a fallu attendre la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité pour que les couples homosexuels se voient reconnaître droit de cité, tant au titre de la définition générale du concubinage visant deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple que par l’ouverture à leur profit du PACS.
Aujourd’hui, il n’est pas question d’accorder des droits spécifiques aux couples de personnes de même sexe, mais il s’agit de leur ouvrir l’accès à une institution républicaine dont, jusqu’à ce jour, ils étaient exclus.
Ainsi, le mariage poursuit son évolution vers l’égalité : après la suppression du devoir d’obéissance de la femme à son mari, la suppression du chef de famille et le rétablissement du divorce par consentement mutuel, son ouverture aux couples de personnes de même sexe marque un tournant décisif.
Nous nous réjouissons de cette avancée permettant à la France de rejoindre les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal et la Norvège, qui ont déjà franchi ce pas vers l’abolition des hiérarchies entre les sexualités, ainsi que la Grande-Bretagne, qui le franchira bientôt.
Cette ouverture du mariage civil et républicain aux couples de personnes de même sexe se fait à droit constant, sans aucun préjudice pour l’institution elle-même ni pour les couples hétérosexuels. Avec la force de la conviction, avec la force du mouvement porteur du progrès, le groupe socialiste votera l’article 1er du projet de loi !
M. Alain Gournac. C’est une bonne nouvelle !
M. Yves Daudigny. Pour conclure, je souhaite répondre à ceux de nos collègues qui, à plusieurs reprises, ont convoqué les dictionnaires dans nos débats. Qu’ils sachent que Le Petit Robert, depuis une dizaine d’années, ne décrit plus le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Il en donne déjà une définition ouverte et universelle en ces termes : « union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ».
Quant au Petit Larousse, son édition 2014, qui sera publiée en juin prochain et dont la rédaction est déjà terminée, définira le mariage comme un « acte solennel par lequel deux personnes de sexe différent ou de même sexe établissent entre elles une union ». La définition est même déjà actualisée dans le Larousse en ligne.
M. Alain Gournac. Si c’est déjà dans le dictionnaire, alors c’est réglé !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais à quoi servons-nous ?
M. Yves Daudigny. Mes chers collègues, la force des mots et les symboles qu’ils portent n’ont jamais été et ne sont pas figés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les interrogations et les inquiétudes qui sont les miennes et qui expliquent ma position sur ce texte portent sur les conséquences du projet de loi sur la filiation, que mon histoire et mon expérience au sein du conseil général de mon département me permettent d’appréhender. Pour tout vous dire, les débats de ces dernières heures n’ont vraiment pas été de nature à me rassurer !
Je comprends l’envie et le besoin légitimes des couples homosexuels de voir reconnaître leur union dans un cadre plus solennel, avec une sécurité juridique renforcée, mais je suis opposée aux conséquences que ce projet de loi, s’il était adopté, aurait sur la filiation.
Je pense en premier lieu à l’adoption qui, à n’en pas douter, aboutirait à l’ouverture à la procréation médicalement assistée, aujourd’hui un palliatif à l’infertilité, et demain à la gestation pour autrui, actuellement interdite en France et à laquelle je suis profondément opposée. La marchandisation des corps n’est pas acceptable !
Si les couples homosexuels et hétérosexuels peuvent se marier dans les mêmes conditions, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits, la PMA et la GPA seront inévitablement possibles. C’est pourquoi je suis contre ce projet de loi.
En revanche, je suis favorable à une union civile, dont la création a été proposée par mon groupe, l’UDI-UC. Cette union aurait été déclarée en mairie, devant l’officier d’état civil, ce qui aurait donné une solennité à l’engagement des deux partenaires du couple. La conclusion de cette union civile aurait déclenché l’application d’un statut patrimonial protecteur et apporté aux conjoints davantage de sécurité juridique en cas de dissolution.
L’objectif de notre proposition était d’apporter à l’union des couples de personnes de même sexe une reconnaissance sociale et de l’entourer d’un cadre juridique plus protecteur, tout en excluant la filiation. Chers collègues de la majorité, vous l’avez, hier, balayée d’un revers de main !
Il ne s’agit pas d’affirmer que les homosexuels seraient de moins bons parents que les hétérosexuels. Seulement, nous ne voulons pas que des enfants soient privés d’un père ou d’une mère.
Si ce projet de loi est adopté, les règles du mariage et de la filiation, qui sont liées, seront profondément bouleversées. Pour justifier ce bouleversement, on invoque le principe d’égalité ; les discriminations sont intolérables, dit-on, et il faut les combattre. Je suis bien évidemment hostile à toute forme de discrimination, mais, au-delà de l’adoption, qu’en sera-t-il des enfants issus de la PMA et, plus particulièrement, de la GPA ?
Mesdames les ministres, d’où vous viennent vos certitudes ? Vous qui avez une grande expérience de la vie, n’avez-vous jamais éprouvé le moindre doute au sujet d’un seul des aspects du projet de loi ? Un doute, même infime, ne devrait-il pas profiter à l’enfant ?
Ce projet de loi ne prend pas en compte l’intérêt de l’enfant, alors que le seul objectif qui vaille est d’aider celui-ci à se construire. Pour cela, nous devons lui apporter tout ce dont il a besoin. Or il a besoin d’un père et d’une mère.
Mesdames les ministres, force est de constater que vous n’entendez pas nos concitoyens, faute de les écouter, non plus que certains d’entre nous. Vous avez prévu la conclusion avant même le débat parlementaire (M. Charles Revet acquiesce.), vous abritant derrière les promesses de campagne. Vous n’avez pas mesuré les conséquences de ce texte !
Ne pouvant cautionner vos positions, je ne voterai pas cet article 1er, ni l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme mon collègue Charles Revet, je ne voterai pas cet article 1er, ni d’ailleurs l’ensemble du projet de loi. Vous n’en serez pas surpris, mais permettez-moi de vous en résumer brièvement les raisons.
Ce projet de loi est fondé sur un certain nombre d’ambiguïtés et de mensonges.
Je vois un premier mensonge concernant l’égalité, qui pousse à imaginer qu’un couple constitué de deux hommes ou de deux femmes serait égal à un couple constitué d’un homme et d’une femme. Comme notre collègue Bruno Retailleau l’a excellemment rappelé au début de cette discussion, le Conseil constitutionnel a donné son avis sur cette question en janvier 2011. Ce souci permanent d’égalitarisme vous conduit à des dispositions contre-nature !
Il y a, ensuite, le mensonge sur le bien-être et le développement psychologique de l’enfant. Ce développement, je conçois mal qu’il puisse être assuré au sein de ces couples que vous voulez imaginer.
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne les imaginons pas !
M. Alain Bertrand. Ils existent !
M. Jean Bizet. Avez-vous pensé à ce que deviendront ces enfants, à la manière dont ils se comporteront, une fois adultes, pour perpétuer notre civilisation ?
Il y a aussi le mensonge qui porte sur la PMA et la GPA. Nous savons bien que la Cour européenne des droits de l’homme attend avec attention la décision de la France. Je dois reconnaître l’honnêteté intellectuelle du rapporteur sur ce point précis ; lui, ne nous a pas trompés.
Mensonge encore en ce qui concerne le nombre de Françaises et de Français qui, à deux reprises, ont défilé dans les rues de Paris. Vous ne les avez ni vus ni entendus, et vous n’avez même pas su les dénombrer !
Toutefois, le mensonge le plus grave est celui du Président de la République lui-même. Le temps d’une journée – pas n’importe laquelle, il est vrai, puisque c’était le jour du congrès des maires –, il a, devant le trouble de nombreux maires de France, invoqué la liberté de conscience.
M. Philippe Marini. Oui !
M. Jean Bizet. Pendant cette journée, le Président de la République lui-même a accepté de considérer que les maires pourraient faire jouer leur liberté de conscience.
M. Philippe Marini. Il y en a qui l’ont cru !
M. Jean Bizet. Aujourd’hui, deux mille cinq cents d’entre eux, dont je fais partie, ont décidé d’entrer dans une désobéissance républicaine.
Mme Éliane Assassi. C’est mal !
M. Jean Bizet. Près de vingt mille élus locaux ont suivi cette voie. Madame la garde des sceaux, permettez-moi, avec un peu d’humour, de vous poser cette question essentielle : qu’adviendra-t-il de nous ? Serons-nous pendus ou suspendus ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Votre réponse est importante, car il y a une solution que je préfère !
M. David Assouline. Vous appliquerez la loi !
Mme Éliane Assassi. Vous êtes un élu républicain, vous appliquerez donc la loi !
M. Jean Bizet. Non, je n’appliquerai pas la loi. Monsieur Assouline, moi qui, en tant que maire, suis officier d’état civil depuis trente ans, j’ai clairement décidé d’entrer en dissidence vis-à-vis de la loi républicaine parce que je ne me reconnais pas dans la société que vous voulez construire !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de la dissidence ! C’est trop facile de dire cela !
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne serez peut-être pas réélu !
M. Jean Bizet. Tous ces mensonges préparent la mutation de civilisation à laquelle vous nous conviez.
Mesdames les ministres, cette République des droits et des devoirs, je la préfère à la République des désirs et des dérives, que je refuse.
Mme Éliane Assassi. C’est fini !
M. Jean Bizet. Au cours de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la presse, dans une envolée médiatique, a considéré que vous entreriez sans doute dans l’histoire, madame la garde des sceaux.
Mme Éliane Assassi. C’est terminé !
M. François Rebsamen. Il faut respecter le règlement !
M. Jean Bizet. L’histoire, justement, le dira, mais si tel devait être le cas, je crains, madame la garde des sceaux, que, pour vous, l’histoire ne soit particulièrement cruelle ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je voudrais bien sûr dire à l’ensemble de mes collègues que je ne voterai en aucun cas l’article 1er. Mais, avant de vous expliquer pourquoi, je veux m’élever, devant vous tous, contre les propos tenus hier par le rapporteur, qui nous a expliqué à quel point la famille était affreuse, la famille des bâtards, la famille des femmes enceintes que l’on cachait à la maison,…
M. François Rebsamen. Très moderne !
M. Alain Gournac. … faisant uniquement référence au xixe siècle.
Je proteste contre une telle image de la famille, tout à fait contraire à celle que je tire de mon expérience personnelle.
Je suis le sixième d’une famille de neuf enfants, …
M. Jean-Louis Carrère. Il l’a déjà dit !
M. Alain Gournac. … je suis un pur produit de la famille et du travail, et pas des 35 heures ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Oui, je suis un pur produit de la famille, parce que mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs m’ont aimé. Alors, aujourd’hui, je ne peux accepter que l’on montre du doigt, comme on l’a fait hier soir, la famille.
Pourquoi ne voterai-je pas ce texte ? Comme mon collègue l’a dit il y a un instant, nous sommes victimes d’un mensonge, alors même que nous venons d’être victimes d’un mensonge d’État, qui fera beaucoup de mal à l’ensemble du personnel politique, c’est-à-dire à vous comme à nous.
Après ce mensonge d’État qui a bouleversé l’ensemble de nos concitoyens, aujourd’hui, par un nouveau mensonge, on veut nous faire croire que l’on ne prend aucun risque en votant un texte qui, somme toute, ne concernerait que l’adoption par les couples homosexuels, et c’est tout !
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Alain Gournac. Pourtant, chacun a pu facilement démontrer qu’il suffira de porter le problème au niveau européen pour que le reste suive. Et l’on aura beau jeu de venir nous dire ensuite : c’est pas nous, c’est l’Europe !
Mme Cécile Cukierman. Parlez-nous de l’Europe que vous construisez !
M. Alain Gournac. Je ne veux pas cautionner la destruction de ce qui fait l’équilibre particulier de la société française, une société qui repose sur la famille, chers collègues.
Mme Éliane Assassi. C’est votre équilibre à vous !
M. Alain Gournac. C’est un équilibre précaire, qui subsiste encore aujourd’hui, fort heureusement, alors que chacun doute.
J’entendais parler tout à l’heure de « domination masculine » !
Mme Cécile Cukierman. Des siècles et des siècles de domination masculine !
M. Alain Gournac. Je ne sais pas où vous vivez, mais il va falloir vous réveiller ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Non, non, non, je ne voterai pas ce mensonge !
M. Jean-Marc Todeschini. On a compris !
M. Alain Gournac. Non, non et archi-non, je ne voterai pas ce texte, qui signifie la destruction totale de la famille française. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, pour explication de vote.
M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en autorisant le mariage entre personnes de même sexe, l’article 1er de ce projet de loi vise à assurer aux couples de personnes de même sexe les mêmes conditions de reconnaissance sociale et de protection juridique qu’aux couples hétérosexuels.
L’exposé des motifs du projet de loi précise que « nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. » Mais la situation des couples homosexuels n’est pas analogue à celle des couples hétérosexuels. Seule l’union de l’homme et de la femme permet la procréation. La signification du mariage n’est pas d’officialiser une vie de couple, mais d’instituer un cadre juridique protecteur pour la famille.
Le mariage ne saurait être limité à un contrat comme les autres qui n’engagerait que ses signataires. C’est une institution, la fondation même de notre société.
Le mariage désigne le père des enfants mis au monde par la femme mariée. C’est la présomption de paternité, définie par l’article 312 de notre code civil. En accordant le mariage aux homosexuels, vous allez bouleverser toutes les règles du mariage, du vrai mariage, de la filiation, de l’état civil, de la procréation médicalement assistée et de la parenté !
Vous créez des catégories de droit fictives. En effet, les hétérosexuels n’ont pas de droits spécifiques dont les homosexuels seraient exclus.
Tout le monde n’est pas épousable et il ne suffit pas de s’aimer pour pouvoir se marier. L’idée d’égalité ne doit pas être dévoyée en changeant l’idée du mariage.
Au nom de quoi allez-vous autoriser qu’on prive d’un père ou d’une mère un enfant adopté ou issu de la PMA, voire, un jour peut-être, de la GPA ? L’État va ainsi décider que certains enfants n’auront jamais de père ou de mère, ce qui n’a rien à voir avec les aléas de la vie. Elle est ici, la vraie discrimination : c’est celle que vous ferez subir délibérément à ces enfants.
Il n’y a pas de droit à avoir un enfant, mais il y a un droit des enfants à avoir un père et une mère. Après, les aléas de la vie font que les parents peuvent se séparer ou mourir, ce qui n’est pas du tout la même chose que de priver un enfant, en vertu de la loi, de mère ou de père, qu’il s’agisse des parents biologiques ou adoptifs.
Ce que vous projetez de faire au nom d’une inégalité qui n’existe pas est extrêmement grave. Le droit doit non pas servir le désir des gens, mais protéger les plus faibles, les plus vulnérables. Il aurait été plus respectueux de proposer une union civile pour les couples homosexuels, car celle-ci ne crée par de filiation. Or la filiation, pour les couples homosexuels, est une construction juridique reposant sur une fiction : deux homosexuels ne peuvent pas procréer.
La dimension familiale du mariage inclut la procréation. C’est pourquoi nous proposons l’union civile pour les couples homosexuels. Cette union aurait le mérite de préserver la filiation. Respectons chacun en ne modifiant pas le sens du mariage. Le désir d’enfant des couples homosexuels ne nous donne pas le droit de priver un enfant de l’affection d’une mère ou d’un père.
C’est pourquoi je ne voterai pas cet article 1er, pas plus d’ailleurs que l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Ah Ah !
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de l’article 1er de ce projet de loi. Nous sommes bien entendu au cœur du débat. De nombreuses questions ont été posées par mes collègues, en particulier sur la PMA et la GPA. Nous n’avons pas obtenu de réponses sérieuses sur ces questions non moins sérieuses.
Je vous ai bien écoutée, madame la garde des sceaux, et j’estime que le Gouvernement et la majorité campent sur leur position. On a l’impression assez désagréable qu’il n’y a ni écoute ni sensibilité aux arguments aussi pertinents les uns que les autres que l’opposition a tenté de développer.
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes écoutés, en tout cas !
M. Bruno Sido. De mon point de vue, il y a une question que nous n’avons pas suffisamment approfondie, en analysant trop vite l’article 1er. Je veux parler de l’article 343 du code civil, lequel, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, n’a pas été modifié et autorise de fait l’adoption par les couples homosexuels. Je souhaite ainsi évoquer un peu plus longuement cette possibilité, qui me semble d’importance. L’adoption me tient en effet particulièrement à cœur, vous imaginez pourquoi.
Beaucoup de mes collègues parlent de l’adoption d’une façon très intelligente, mais surtout très intellectuelle et très froide, sans y mettre de cœur ! L’adoption, ce sont des enfants que l’on accueille dans sa famille. En la matière, les propos ont sans doute manqué d’entregent. J’ai entendu beaucoup de choses, souvent censées, parfois fausses.
Il est éminemment faux – je suis désolé, madame la ministre de la famille – de dire qu’il n’y a pas plus de problèmes avec les enfants adoptés qu’avec les autres, même s’il existe, fort heureusement, des exceptions ! Soit il faut être aveuglé par l’évidence, soit il faut vraiment ne pas vouloir se pencher sur la question.
L’enfant adopté – je parle de l’adoption par des couples hétérosexuels – est arraché à ses origines, à son histoire, ce qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, les recherches ne peuvent aboutir et sont vaines. Des difficultés psychologiques s’ensuivent très souvent. L’adoption par des couples homosexuels posera à l’enfant une difficulté supplémentaire. Après avoir constaté qu’il n’est pas l’enfant naturel de l’un de ses deux parents ou des deux parents à la fois, ce qui le différencie déjà des autres enfants, il constatera qu’il a été adopté par un couple de même sexe, ce qui le différenciera une deuxième fois. Ce nouveau choc compliquera encore un peu plus une situation déjà compliquée et perturbante.
Ma question est claire, madame la ministre : de quel droit peut-on infliger un tel traitement à l’enfant ? (Mme la garde des sceaux consulte des documents.) J’aimerais bien être écouté, madame la garde des sceaux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous écoute, monsieur le sénateur ! Je vous écoute et je lis en même temps !
M. Bruno Sido. Il est vrai que vous êtes une femme, vous pouvez donc faire deux choses à la fois. Nous, les hommes, nous ne savons pas ! (Sourires.)
Ce n’est certainement pas en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant ni du droit qu’a tout enfant en devenir de vivre dans une famille harmonieuse, lui permettant d’avoir toutes les chances de réussir sa vie.
Votre projet de loi, madame la ministre, est intrinsèquement mauvais, porteur de graves difficultés pour la cohésion de notre société et l’avenir des enfants adoptés. Il soulève également de graves questions éthiques, auxquelles nous ne pourrons pas échapper, alors même que le Comité consultatif national d’éthique n’a pas été entendu ! Craignez-vous ses conclusions et les éclairages qu’elles pourraient donner à nos débats ?
En tout état de cause, parce que je respecte notre société, son histoire et ses racines, parce que je respecte par-dessus tout l’enfant et ses droits et parce que, enfin, j’entends les clameurs de nos citoyens bouleversés et révoltés par ce projet de loi inqualifiable, je ne voterai pas, vous l’avez compris, cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je voudrais remercier M. Rebsamen de son appel au calme. Franchement, c’était utile et nous y avons été très sensibles. Pour être franc, la réaction d’un certain nombre d’entre vous, chers collègues socialistes, pendant que Mme Marie-Hélène Des Esgaulx parlait, n’était pas particulièrement brillante. (M. David Assouline proteste.)
Mais vous allez encore être repris par votre président de groupe, monsieur Assouline ! Je vous en prie, cessez de vous en prendre à vos collègues ! Laissez-nous parler !
M. David Assouline. C’est de la comédie !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous nous reprochez de parler trop. Pour ma part, je suis profondément déçu par ce débat, qui n’a donné lieu à aucun échange réel entre nous.
Pourtant, peu de débats auront suscité une présence aussi nombreuse et des interventions si préparées, réfléchies, inspirées par le vécu. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Ne sous-estimez pas la réflexion des autres, elle est aussi importante que la vôtre !
Au fond, on ne se parle pas ! C’est la raison de cette violence latente qui, de temps en temps, s’échappe sous forme d’interjections malheureuses.
Vous avez décidé, avant même de pénétrer dans l’hémicycle, de ce que serait votre vote final. Vous avez décidé que tout le monde devait voter de la même façon, les uns et les autres alignés comme des petits pois. Vous avez décidé que la liberté de s’interroger n’avait pas lieu d’être et que personne ne pouvait s’associer à nos questionnements.
Mais au fond, vous n’êtes pas responsables : le Gouvernement a choisi dès l’amont une mauvaise méthode, qui nous empêche de travailler ensemble. Je discerne en effet trois grands sujets sur lesquels nous pouvions, me semble-t-il avancer.
Tout d’abord, la très grande majorité d’entre nous n’a aucun problème avec la reconnaissance, par la société, du couple homosexuel. Cela n’a pas toujours été le cas, il y a eu des torts, mais tout cela appartient au passé.
Aujourd’hui, il n’y a plus aucune raison de nous diviser sur ce sujet, d’autant que ce n’est pas dans l’intérêt du pays.
L’adoption est le deuxième thème sur lequel nous pourrions trouver un accord. Nous le reconnaissons tous, dans notre pays, elle a souvent été un échec. Je le sais pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet, lorsque j’ai créé l’Agence française de l’adoption. Je me suis alors heurté à beaucoup d’obstacles, en matière de procédure, de négociations internationales. Que de drames familiaux liés à l’adoption ! D’un côté, des enfants sont seuls, tandis que, de l’autre, des couples attendent en vain de pouvoir leur donner de l’amour. Il faut repenser l’adoption, et non pas nous diviser sur le sujet.
Enfin, la PMA et la gestation pour autrui sont de vraies questions, mais il suffirait, pour éviter la division, que le Gouvernement s’engage clairement à ne pas prendre d’initiative législative sur ces sujets pendant le quinquennat. Alors, nous pourrons discuter.
Sous la présidence de M. Chirac, lorsque nous avons abordé la question du port du voile à l’école, autre sujet extrêmement sensible, nous avons créé la commission Stasi, au sein de laquelle vous étiez représentés.
M. Jean-Louis Carrère. Oui, nous y avons participé.
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous avons discuté tous ensemble et, finalement, cela a débouché sur l’adoption d’un texte à l’unanimité. Si la loi est aujourd’hui respectée et s’applique dans un climat apaisé, c’est parce que l’ensemble du pays la soutenait. Lorsqu’il y a un consensus national sur un sujet de société, cela donne de la force politique et de la crédibilité aux textes que nous votons.
Tout à l’heure, M. Marini n’a pas remis en cause votre légitimité démocratique ; on peut simplement s’interroger sur le point de savoir si, les uns et les autres, nous avons la légitimité nécessaire pour toucher ainsi à un fondement de notre civilisation : notre mandat va-t-il jusque-là ? Vous répondez par l’affirmative, nous par la négative. Nous pourrions y réfléchir ensemble, car c’est là une question très importante.
Madame le garde des sceaux, avec votre projet, vous êtes en train de briser l’unité nationale, de créer une fracture. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.) Vous le savez bien, il y aura d’autres manifestations, d’autres oppositions, d’autres brutalités, alors que, sur un tel sujet, nous aurions sans doute pu emprunter un autre chemin, afin d’élaborer une solution consensuelle, à la française. Sur cette question qui intéresse toutes les sociétés, la France, pays des Lumières, aurait alors donné d’elle la meilleure image. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais je voudrais m’arrêter quelques instants sur la finalité de ce projet de loi.
À en croire M. Daudigny, il serait inutile de légiférer, puisque tout est déjà dans le Petit Robert… (M. Alain Gournac rit.) Je ne partage bien évidemment pas ce point de vue.
Selon vous, madame le garde des sceaux, il s’agit d’engager un changement de civilisation. On peut se demander si la loi est le bon vecteur pour amorcer un changement de civilisation, mais, au moins, la ligne est claire. Même si votre réponse à nos interrogations sur la PMA ne l’est pas tout à fait, du moins a-t-on bien compris dans quelle direction vous souhaitez aller.
Pour ma part, je ne me serais pas aventuré dans une métaphore du gruyère. Je vous rappelle que ce fromage est suisse et, par les temps qui courent, je ne suis pas certain que votre comparaison soit très heureuse… (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le gruyère est français, c’est l’emmental qui est suisse !
M. Dominique de Legge. Dans la fable Le Corbeau et le Renard, au final, ce n’est pas celui qui tient le fromage qui s’en sort le mieux !
Par ailleurs, Mme la ministre chargée de la famille nous a exposé une conception du texte que je qualifierais – n’y voyez rien de péjoratif – de « greffière » : la famille n’étant plus tout à fait aujourd’hui ce qu’elle était hier, puisqu’elle peut désormais être monoparentale, homoparentale ou recomposée, il convient d’adapter la loi à l’évolution des mœurs.
Cette position ne m’étonne pas de la part de Mme la ministre chargée de la famille, car, lors du débat que nous avons eu voilà une dizaine de jours sur l’évolution des prestations familiales, elle avait suivi la même logique, concernant notamment la fonction éducative des parents. Il y a donc une continuité…
En regard de ces deux thèses, une synthèse était nécessaire. On nous a alors dit qu’il était inutile de débattre de ce sujet, puisqu’il s’agissait d’une promesse de campagne de M. Hollande !
Là où les choses se compliquent, c’est qu’un jour on nous affirme que le texte porte uniquement sur le mariage et pas sur la PMA, un autre jour on nous apprend que la PMA pourrait être incluse dans le champ du dispositif, un autre jour encore on ouvre la possibilité, pour les maires, de faire jouer une clause de conscience, avant enfin de revenir sur cette annonce… Je comprends, chers collègues de la majorité, que, devant tant d’imprécisions, il vous soit nécessaire de recourir à la discipline de vote !
Pour ma part, je préfère appartenir à un groupe où la liberté de vote existe, même si, quelquefois, cela aurait pu nous arranger qu’elle n’existât point ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Je pense qu’un certain nombre d’entre vous ont des doutes sur ce texte, mais le recours à des scrutins publics les a empêchés de les exprimer.
Je terminerai par là où j’ai commencé. À quoi sert la loi ? Je considère qu’elle sert à protéger le plus faible. Or, j’ai l’intime conviction que le présent texte ne protégera pas le plus faible d’entre nous, à savoir l’enfant. C’est la raison pour laquelle je ne voterai ni l’article 1er ni le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. C’est avec fierté que les écologistes voteront l’article 1er.
Ne croyez pas, chers collègues, que nous ne vous ayons pas écoutés. Nous entendons et partageons votre attention aux enfants. Nous savons ce qu’est un enfant livré à la télévision, un enfant battu, un enfant maltraité. Tous les cas révélés par la presse concernent des couples hétérosexuels. Nous n’en tirons aucune conclusion : il y a des délinquants et des personnes honorables de tous les côtés. Nous considérons que personne n’a le droit de suspecter a priori de mauvaise parentalité une catégorie de la population du fait de son orientation sexuelle.
Jamais je n’avais autant entendu parler de nature dans cet hémicycle. Même M. Bizet, grand défenseur des OGM, s’y réfère aujourd’hui !
M. Jean Bizet. Ne mélangez pas tout !
Mme Marie-Christine Blandin. Le bien commun de la civilisation, c’est la nature, mais c’est aussi la culture, qui depuis des milliers d’années tend à la réduction des injustices : fini le roi de droit divin ! Fini l’esclavage, tout au moins chez nous ! Finie l’oppression des femmes, du moins en partie ; elles ont maintenant le droit de voter, c’est merveilleux ! Continuons sur ce chemin de conquêtes successives, en mettant un terme à la discrimination en matière de droit au mariage. Nous pouvons être fiers de gravir aujourd’hui cette nouvelle marche ; je regrette, chers collègues, que vous ne soyez pas à nos côtés ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je ne comptais pas prendre à nouveau la parole, mais je ne peux laisser M. Raffarin faire la leçon à la Haute Assemblée.
M. Jean-Claude Lenoir. Elle est pourtant méritée !
M. François Rebsamen. Sur la forme, je souhaite moi aussi un débat apaisé. Je voudrais que l’on prenne acte de la présence continue des ministres dans notre hémicycle et de la qualité de leurs réponses. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Si je le souligne, c’est parce que vous-mêmes, mes chers collègues, vous étiez plaints à plusieurs reprises du manque de disponibilité des membres du gouvernement sous la mandature du président Sarkozy. Nous avons la chance, dans ce débat, d’avoir deux ministres présentes en permanence et qui s’attachent à répondre de façon argumentée à nos questions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur ce plan.
Sur le fond, selon vous, la gauche diviserait la société. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. François Rebsamen. Bien sûr, vous avez forcément raison et nous avons forcément tort !
En réalité, c’est votre volonté de vous opposer à tout prix à ce texte, votre acharnement à le combattre qui met en cause l’unité nationale ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
Vous qui aimez tant les sondages, sachez qu’une majorité de Françaises et de Français sont favorables à l’adoption de ce projet de loi.
Nous avons des convictions différentes : défendons-les dans le respect mutuel. Ne nous faites pas porter la responsabilité de la division. Je considère, moi, que c’est votre position qui crée la division ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. J’ai été moi aussi très surpris par les propos de M. Raffarin. Tout se passe comme si nous ne comprenions pas le français de la même façon…
M. Raffarin dit que nous aurions pu nous entendre sur le mariage des couples de personnes de même sexe et sur l’adoption. Pourtant, cet après-midi, vous et vos amis n’avez cessé d’affirmer que la gauche voulait casser la famille, faire souffrir les enfants, les maltraiter, remettre en cause notre civilisation ! Si j’avais entendu parler de droits nouveaux, d’égalité, de progrès, d’amour, j’aurais compris votre appel, monsieur Raffarin, mais pour que le dialogue que vous souhaitez puisse s’instaurer, il faudrait que l’on fasse preuve de davantage de mesure sur vos travées. En tout cas, vous ne pouvez pas nous faire porter le chapeau de la division. Nous sommes au-delà d’un simple antagonisme : c’est la posture politique que vous avez décidé d’adopter qui empêche le dialogue ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais les propos tenus à l’instant par M. Rebsamen m’incitent à le faire.
J’ai du mal à comprendre ! On nous accuse d’adopter une posture. Mes chers collègues, souffrez que nous ayons des convictions qui nous conduisent à nous opposer à ce texte ! Au nom de quoi seriez-vous les seuls à vous exprimer dans cet hémicycle avec sincérité ?
M. David Assouline. Ça se voit !
Mme Éliane Assassi. Il n’y a que vous qui parlez !
M. Christophe Béchu. Monsieur Assouline, ne créez pas le délit de faciès dans cette assemblée !
M. David Assouline. Attention !
M. Christophe Béchu. C’est à vous de faire attention à vos propos ! Si vous voulez jouer au jeu des dérapages, cela peut mener loin ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Ne mélangez pas tout !
M. Christophe Béchu. Dans cet hémicycle, certains défendent le projet de loi en étant persuadés qu’il représente un progrès de civilisation. Souffrez que, pour notre part, nous ayons la conviction que non seulement ce n’est pas le cas, mais que ce texte menace l’équilibre de notre société.
Depuis le début de ce débat, on entend affirmer que s’opposer au mariage pour tous relèverait nécessairement d’une posture homophobe ou discriminatoire. Mes chers collègues, ce n’est pas vrai !
M. Philippe Marini. Vous devriez écouter les différents intervenants ! Souffrez que nous nous exprimions !
M. Christophe Béchu. Comme vient de le rappeler Jean-Pierre Raffarin, nous sommes des républicains, nous ne jetons nullement l’opprobre sur nos concitoyens homosexuels, nous ne nions pas leurs droits.
Mme Cécile Cukierman. C’est vous qui nous avez traités d’antirépublicains !
M. Christophe Béchu. Nous nous préoccupons des enfants, qui sont les grands absents de ce débat. N’accusez pas ceux qui ne partagent pas vos opinions de prendre une posture !
M. Jean-Louis Carrère. Bon allez, ça va !
M. Philippe Marini. Respectons nos différences !
M. Christophe Béchu. Les conséquences de l’application du dispositif de ce projet de loi iront au-delà de ce que vous dites. Vous ne pouvez pas, devant la force des manifestations populaires qui ont eu lieu ces dernières semaines, faire comme si le pays était rassemblé derrière vous et conquis par vos propositions ! (M. Bernard Piras s’exclame.) La vérité, c’est que de très nombreux Français doutent. En refusant de soumettre votre projet au référendum et de laisser ainsi nos compatriotes s’exprimer, vous prenez le risque de susciter de graves divisions. Rien, dans ce que nous avons entendu depuis deux jours, ne nous permet de considérer que vous avez répondu aux questions que se posent la majorité de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. L’article 1er est la colonne vertébrale de l’ensemble du texte, le cœur du réacteur. C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à intervenir. Il est bien normal qu’il en soit ainsi : puisque vous voulez priver les Français de la possibilité de se prononcer, tolérez au moins que leurs représentants s’expriment !
M. Jean-Louis Carrère. On le tolère !
M. Bruno Retailleau. Vous avancez masqués.
M. Jean-Louis Carrère. On nous appelle Zorro !
M. Bruno Retailleau. À propos de ce texte, on a évoqué le cheval de Troie ; pour ma part, je parlerais plutôt de sophisme.
Dans le paradoxe d’Achille et de la tortue, on fractionne en petits segments le chemin à parcourir pour démontrer que jamais Achille ne rattrapera la tortue. Vous, vous fractionnez la difficulté pour masquer des conséquences dont nous ne cessons de vous parler depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Cela étant, cette technique des petits pas derrière laquelle vous vous cachez ne pourra rien contre l’effet domino qu’engendrera la mise en œuvre du mécanisme que vous êtes en train d’armer avec cet article : il emportera tout !
Mes chers collègues, vous allez créer une filiation sociale, sans rapport avec la biologie et, pour ce qui concerne l’adoption, sans rapport avec la vraisemblance biologique.
Cependant, vous n’allez pas au bout de votre logique. Il en résulte un bricolage juridique, et cette démarche est lourde de conséquences, notamment éthiques. En refusant de tirer toutes les implications juridiques de l’article 1er, en particulier de toucher à la présomption de paternité ou à la filiation, vous laissez une dizaine d’articles en suspens. Si vous le faisiez, cela susciterait un problème juridique et vous obligerait à dévoiler vos intentions.
Mais il y a beaucoup plus grave encore. Ce texte ne constituera finalement pas un progrès de civilisation, comme vous le voudriez, mais un recul, car il aboutira peut-être à la fabrique des enfants et au règne de la logique de marché. (Mlle Sophie Joissains applaudit.) En ouvrant aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’adopter, vous exacerberez une demande d’adoption qu’il sera impossible de satisfaire, vous le savez très bien, sauf à régulariser la fraude, les « bébés Thalys ». C’est une atteinte à l’ordre public que vous êtes en train d’organiser. D’ailleurs, vous avez déjà régularisé un certain nombre de situations, madame la garde des sceaux. Ce n’est pas normal !
Ce texte est comparable à une valise à double fond : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe cache le recours à la PMA et à la GPA. Le marché se trouve sur internet. Le 11 novembre dernier s’est tenue une sorte de foire aux techniques procréatives organisée par une clinique privée de l’Illinois !
Voilà le mécanisme que vous êtes sur le point d’enclencher. Ceux qui disent que l’on n’ira pas plus loin que ce que prévoit le présent texte sont les mêmes qui affirmaient hier que la création du PACS était l’étape ultime. Vous devez la vérité aux Français ! À l’heure où sévit une crise très dure, ils ont besoin de repères : ne touchez pas à la filiation, à la famille. Vous divisez profondément nos compatriotes au moment où ils ont besoin de se rassembler pour faire face à la crise.
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. Bruno Retailleau. La gauche est de moins en moins sociale, elle n’est pas franchement libérale, mais elle est devenue passionnément libertaire !
MM. François Rebsamen et David Assouline. C’est terminé !
M. Bruno Retailleau. Les Français s’en rendront compte et vous le reprocheront ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Les dispositions de l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat permettent à chacun des membres de cette assemblée de demander à tout moment la parole pour un rappel au règlement, dans la mesure où l’auteur de cette demande fait référence à une disposition précise de ce dernier.
En l’occurrence, j’invoque l’article 29 bis de notre règlement pour vous poser une question, monsieur le président : nous siégeons sans discontinuer depuis 14 h 30 ; quand pensez-vous suspendre la séance ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela n’a aucun rapport avec l’article 29 bis !
M. le président. Monsieur le sénateur, je suspendrai la séance lorsque nous aurons achevé les explications de vote sur l’article 1er.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. À l’issue de ce débat sur l’article 1er, ma conviction se trouve renforcée : je voterai contre cet article et l’ensemble du texte.
Mme Cécile Cukierman. Heureusement que, dans votre groupe, la liberté de vote s’applique !
M. Gérard Cornu. Nous avons posé beaucoup de questions, nous avons fait des suggestions, mais, chaque fois, les réponses des ministres ont été floues, assorties d’une litanie de citations préparées par leurs collaborateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Comme l’a dit quelqu’un que vous connaissez bien, quand c’est flou, il y a un loup. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vouloir démasquer ce loup.
Mme Cécile Cukierman. Les loups sont entrés dans Paris !
M. Gérard Cornu. À l’occasion de chaque vote, vous demandez un scrutin public, car l’opposition est présente en nombre et vous craignez d’être battus.
Vous avez longuement évoqué la reconnaissance de l’amour homosexuel. Effectivement, en l’état actuel du droit, la demande des couples homosexuels de pouvoir bénéficier d’une plus grande reconnaissance sociale peut tout à fait se comprendre ; elle est légitime. Tout naturellement, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe apparaît comme un moyen de répondre à cette demande.
Seulement, vous oubliez deux choses. Nous vous les avons certes déjà rappelées, mais la répétition étant la meilleure des pédagogies, je me permets d’y revenir.
L’union civile dont nous avons proposé la création aurait permis de répondre à la demande des couples homosexuels. En outre, la compréhension de la condition homosexuelle ne commence pas et ne s’arrête pas avec l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je crois vraiment que vous vous trompez de réponse.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne rendra pas leur fierté et leur confiance en soi aux homosexuels qui souffrent de discrimination à l’embauche. Elle ne permettra pas non plus de restaurer la confiance réciproque entre les membres d’une même famille où un enfant a été rejeté du fait de son homosexualité. Cela, vous le savez.
Vous avez donc conscience que le regard porté sur les homosexuels ne sera pas significativement modifié du fait de cette loi. En effet, l’œuvre du législateur, bien qu’influente, ne peut remédier à des années d’idées reçues et de peurs.
Mme Éliane Assassi. On obtient des changements par la loi !
M. Gérard Cornu. Parfois même, il arrive que l’entêtement du législateur à apporter une réponse, notamment lorsqu’elle est destinée à une minorité, soit à double tranchant pour les intéressés. Les bonnes intentions de certains peuvent nourrir le rejet des autres. Mais surtout, cela donne le sentiment, parfois justifié, que le fait minoritaire fait l’objet d’une plus grande attention de la part du législateur que l’élaboration de mesures économiques essentielles pour l’ensemble de la population.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe n’améliorera donc pas significativement la condition des homosexuels, qu’ils vivent en couple ou pas.
Mais alors, pourquoi insister sur la mise en place d’une telle possibilité ? Les progrès dans l’acceptation de l’homosexualité ralentissant, de nouvelles réponses doivent être envisagées. Vous pensez à tort qu’il existe une proportionnalité entre le progrès d’une cause et l’œuvre législative y afférente. Ainsi, vous vous êtes lancés dans la surenchère que nous constatons aujourd’hui et que nous combattons. On le verra bientôt, cela ne sera pas suffisant, et il vous faudra de nouveau légiférer en trouvant un prétexte plus médiatique : une rupture d’égalité improbable, une insécurité juridique, des violences instrumentalisées, le non-respect de la mémoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. François Rebsamen. C’est terminé !
M. Gérard Cornu. Bref, il y aura toujours quelque chose pour justifier l’élaboration d’une loi, y compris de bonnes raisons.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé, monsieur le président !
M. Gérard Cornu. Nous refusons que vous instrumentalisiez le mariage comme un gadget au service d’une cause, aussi humaniste soit-elle.
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mlle Sophie Joissains. Quand ce projet de loi a été déposé, j’ai d’abord été très incertaine : j’étais favorable à l’ouverture d’une possibilité d’union pour les personnes de même sexe, mais fortement contrariée par les incidences de ce texte sur la filiation.
M. Jean-Louis Carrère. Ce texte ne concerne que le mariage !
Mlle Sophie Joissains. Les Français pensent de même. Le problème, c’est que, dans l’institution française du mariage, l’union et la filiation sont totalement imbriquées.
Ce qui m’inquiète plus encore, c’est que, derrière ce projet de loi, il y a un autre texte, caché, relatif à la PMA et à la GPA. Bien sûr, les défenseurs du projet de loi le nient, mais M. Revet a très bien rappelé, tout à l’heure, qu’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précise que toutes les personnes bénéficiant d’un même statut doivent être traitées de la même façon et bénéficier des mêmes droits, ce qui paraît tout à fait logique.
Aujourd’hui, les couples hétérosexuels peuvent recourir à la PMA. Demain, si un couple de femmes forme un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour accéder à ce droit, il est évident qu’il obtiendra satisfaction.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
Mlle Sophie Joissains. Je ne remets pas en cause la capacité des couples homosexuels à élever des enfants. Ce qui me gêne, c’est que l’on va encore créer des inégalités entre les enfants.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui !
Mlle Sophie Joissains. Les uns pourront engager une action en recherche de paternité, les autres n’auront pas le droit de connaître l’intégralité de leur patrimoine génétique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
Mlle Sophie Joissains. Cela amorce aussi une évolution vers l’enfant-objet.
Ce qu’il y a de plus terrible dans cette affaire, c’est que beaucoup de ceux qui vont voter le projet de loi entendent promouvoir une société de liberté, de droit, alors qu’ils sont en train de nous faire franchir la première étape vers une société de consommation à outrance, où l’objet de désir sera l’enfant.
Il en ira de même pour la GPA, puisque l’élaboration de ce texte a été motivée par le principe d’égalité. Dans la mesure où les couples de femmes auront droit à la PMA, la déclinaison logique du principe d’égalité conduira à la banalisation de la GPA, d’autant que celle-ci est légale dans certains pays.
Or la GPA, c’est l’exploitation de jeunes femmes des pays pauvres…
M. Jean-Louis Carrère. Qu’en savez-vous ?
Mlle Sophie Joissains. … par des réseaux. Elles loueront leur ventre, bien souvent à bas prix, car ce sont d’autres qui tireront les plus grands profits de ce marché.
Par respect pour les couples homosexuels, et surtout par respect pour l’enfant, pour la femme, son intégrité physique, sa dignité,…
M. Jean-Louis Carrère. Je me suis toujours méfié de ceux qui voulaient mon bien malgré moi !
Mlle Sophie Joissains. … par respect pour le corps humain et l’individu, par respect pour les droits que nous avons toujours prônés depuis 1789, je voterai résolument contre cet article et ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, moi qui suis sénateur depuis un certain nombre d’années, j’ai rarement vu une séance se prolonger aussi longtemps, hormis pour achever l’examen d’un texte.
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez débattre, alors on débat !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Carrère, vous ne cessez de hurler, cela vous tient lieu d’argumentation ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. S’il allait dîner, il se sentirait mieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous ne débattez pas, vous éructez en permanence ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Louis Carrère rit.) Cela étant, c’est votre nature, j’imagine que vous pouvez difficilement faire autrement…
M. Jean-Louis Carrère. Méfiez-vous de ma nature !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour en revenir au débat, j’ai essayé d’assister à toutes les auditions. Je vous ai donné mon point de vue sur l’inconstitutionnalité du texte. Mais, quand il s’agit de questions de société, j’écoute tout le monde, et pas seulement les juristes.
Ainsi, divers philosophes se sont exprimés. M. le rapporteur, pour sa part, ne cite que Mme Héritier, qui semble être le nec plus ultra des philosophes,…
Mme Esther Benbassa. Elle est anthropologue !
M. Alain Gournac. Elle est socialiste, surtout !
M. Jean-Jacques Hyest. … mais quant à moi j’ai été extrêmement frappé par les raisonnements de Mme Agacinski ou de M. Thierry Colin, qui ne sont pas des philosophes « cathos » ! Selon eux, ce texte changera complètement la nature du mariage.
Or, dans notre droit, le mariage emporte l’accès à l’adoption. D’ailleurs, notre excellent collègue Alain Anziani, qui est un bon juriste, a tenu les propos suivants en commission des lois : « Je regrette que les articles 343 et 360 du code civil concernant l’adoption, ou 310 sur la filiation, n’aient pas été récrits. Le Conseil constitutionnel risque de considérer qu’il existe des contradictions entre ce texte et le code civil. »
En revanche, au Portugal, le mariage civil – je ne suis pas certain que le terme « mariage » soit utilisé – est ouvert aux couples homosexuels, mais pas l’adoption. De même, en Allemagne, il existe une union civile, qui n’ouvre pas de droits en matière de filiation.
Avec ce texte, il y aura des cas extrêmement différents. Le droit sera flou et on laissera le juge se débrouiller pour accorder ou non l’adoption. C’est tout de même la pire des choses !
Ne serait-ce que pour ces raisons, j’ai été convaincu par les arguments d’un certain nombre de philosophes, ainsi que par ceux des représentants des religions, quelles qu’elles soient. Il est d’ailleurs frappant qu’il existe, sur ce sujet, une unité de pensée parmi les représentants des grandes religions qui ont structuré nos civilisations au cours de deux millénaires. Cela devrait nous inciter à nous interroger.
En conclusion, je ne voterai pas l’article 1er, qui n’est pas détachable du reste du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote.
Mme Colette Giudicelli. Au regard des scrutins qui sont déjà intervenus au fil de l’examen de ce projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, il ne fait malheureusement aucun doute que ce dernier devrait être adopté par notre assemblée.
Plusieurs sentiments me traversent l’esprit, qui peuvent se résumer d’une phrase : tant mieux si ce texte peut conduire à une plus grande acceptation de l’homosexualité et à davantage de tolérance en général – je n’en suis toutefois pas certaine –, mais deux phénomènes préoccupants auxquels renvoie ce projet de loi m’inquiètent.
D’abord, ce texte est sans doute un message de bienveillance à l’adresse des homosexuels, même si une grande partie d’entre eux y sont indifférents, pour ne pas dire hostiles.
Mon souhait le plus cher serait que ce texte permette de les rendre plus heureux. Je souhaite, à cet égard, que la vie sentimentale des personnes homosexuelles vivant en couple ne soit pas un obstacle à leur bonheur et à leur développement. Je souhaite qu’elles puissent avoir la vie la plus enrichissante et heureuse possible.
J’espère simplement que les homosexuels ne seront pas l’instrument de fausses politiques progressistes, et qu’ils ne seront pas les otages de guerres qui ne les concernent pas.
Je voudrais, à cet instant, évoquer le rapport à la science.
Il y a quelques années de cela, les progressistes se battaient encore contre l’obscurantisme qui prétendait nous faire vivre dans un monde enchanté : un monde où la science était aux ordres du sacré, un monde où la vérité biologique passait après les textes saints, un monde où le créationnisme primait sur le darwinisme.
Or, notre société s’étant depuis sécularisée, le sacré a été exclu de la sphère publique pour faire place à la science, à la raison et à la vérité biologique.
Aujourd’hui, nous assistons au retour d’un nouveau sacré, de nouvelles croyances : nous assistons à la renaissance d’un monde enchanté !
Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter les prêches de certains – je ne dis pas de tous –, qui affirment que les institutions humaines ne doivent pas être fondées sur des considérations biologiques, ravalant ainsi les vérités scientifiques au rang de simples considérations. Cette tutelle de la nature sur l’homme serait une nouvelle tyrannie, une nouvelle aliénation.
Ce qui est fâcheux, dans cette histoire, c’est que ceux qui prônaient hier un monde désenchanté sont les mêmes qui, aujourd’hui, veulent de nouveau nous faire entrer dans un monde sacré, enchanté. En effet, un monde où l’union de deux hommes ou de deux femmes peut créer la vie, c’est un monde enchanté !
Prenons garde à ce que cette nouvelle forme de progressisme, dont beaucoup témoignent ici, ne nous entraîne pas vers un monde où le fait scientifique serait de nouveau relégué au rôle de faire-valoir. Ne prenons pas la science à témoin quand cela est nécessaire pour ensuite nier le fait naturel.
L’homme moderne devrait être suffisamment sage pour ne plus vouloir affronter la nature, pour ne pas nier ce que la nature des choses lui indique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Je voudrais d’abord exprimer la légitime fierté des membres de notre groupe, qui, inlassablement, avec beaucoup de courage et de conviction, développent leur point de vue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est toujours le même !
M. Henri de Raincourt. Il est heureux que nous fassions preuve d’une certaine constance, madame la ministre !
Nous sommes donc assez contents, je le dis franchement, du travail que nous avons accompli jusqu’à présent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
La surdité du Gouvernement et de sa majorité nous amènera à poursuivre dans cette voie.
Il y a d’abord eu une surdité du Gouvernement à l’égard de l’opinion. Durant cette période, le Gouvernement a, me semble-t-il, quelque peu péché par excès de confiance : il croyait l’opinion totalement acquise à son projet…
M. Alain Gournac. Il y a eu un reflux !
M. Henri de Raincourt. Il ne pensait pas que celui-ci se heurterait à un mouvement très profond de l’opinion, qui non seulement ne s’épuise pas, mais prend au contraire davantage de force chaque jour.
Il y a eu aussi une surdité du Gouvernement à l’égard des manifestations populaires. Je l’ai dit hier après-midi et je le redis aujourd’hui : cette attitude extrêmement choquante témoigne du peu de cas que les plus hautes autorités de l’État font des millions de personnes qui, depuis plusieurs mois, expriment leur sentiment, affirment leurs valeurs, défendent dans la rue de la manière la plus pacifique et la plus sympathique possible les principes auxquels elles sont attachées.
Il y a eu une surdité du Gouvernement, enfin, envers les parlementaires de l’opposition. J’en suis vraiment désolé, d’autant que nous ne sommes pas entrés dans cette enceinte les mains vides. Depuis que le débat s’est engagé, nous avons présenté des propositions extrêmement construites, travaillées, judicieuses, sérieuses. Je crois sincèrement qu’elles n’ont pas fait l’objet de la considération et de l’attention qu’elles méritaient.
Notre mission est simple. Il nous faut satisfaire à une double exigence : répondre à la demande des couples de personnes de même sexe en matière de sécurité juridique, pour eux-mêmes et pour les enfants qu’ils élèvent, le cas échéant, et envoyer un signal de reconnaissance aux personnes homosexuelles, tout cela sans remettre en cause l’institution du mariage ni le fondement de la filiation.
Je le dis de la manière la plus calme, il est intolérable que M. Pierre Laurent ait pu, hier, nous traiter d’homophobes.
Un sénateur du groupe UMP. C’est lamentable !
M. Henri de Raincourt. S’il venait plus souvent au Sénat, il comprendrait que c’est une assemblée courtoise et démocratique.
Mme Cécile Cukierman. On l’a vu cet après-midi !
M. Henri de Raincourt. Nos propositions ont-elles été entendues ? La réponse est non. Étaient-elles irréalistes ou insuffisantes ? On ne peut pas le dire. La meilleure preuve en est, mes chers collègues, qu’elles trouvent un écho de plus en plus favorable dans la population. Si le dialogue avait pu se nouer, en particulier sur cet article, nous aurions connu un moment de concorde national, en une période où les Français ont bien besoin de se rassembler. Au lieu de cela, nous avons trouvé face à nous des interlocuteurs qui ne s’exprimaient pas et un Gouvernement qui n’a jamais voulu lâcher un pouce de terrain, pensant sans doute qu’il détient seul la vérité.
Nous sommes extrêmement déçus par ce débat. Certes, il est démocratique, courtois la plupart du temps, mais il est assez désolant que nous ne soyons pas parvenus à briser la glace, à comprendre les revendications des uns et des autres, tout en préservant les fondements de notre société. C’est une occasion ratée pour notre pays, ratée pour le Sénat, ratée pour les familles. C’est dommage, mais nous n’y sommes pour rien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du présent document (L’orateur brandit le document.) demandent la vérification du quorum.
M. le président. Monsieur le sénateur, nous vérifierons le quorum au moment du vote sur l’article 1er.
La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Les membres du groupe UMP, majoritairement hostiles au présent projet de loi, n’ont pas été confrontés à de graves contradictions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Obstruction !
M. Michel Savin. Notre position est toujours restée la même, quelles que soient les dispositions examinées : refus de l’adoption plénière et de la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels, refus de la gestation pour autrui lorsque nous étaient soumis des amendements issus de groupes de la majorité visant à la reconnaissance de cette méthode de procréation.
Les choses ont finalement été pour nous assez simples, car nous n’avons jamais douté. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas écouté Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois, ainsi que tous les autres intervenants, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent. Cela ne veut pas dire non plus que nous avons été insensibles à leurs arguments.
Cependant, l’addition du travail réalisé en commission, de celui que notre groupe parlementaire a mené de son côté et de l’expertise de certains membres de notre famille politique nous a conduits à envisager la question à l’aune de deux grilles de lecture ou préoccupations distinctes : la satisfaction des demandes légitimes de certains couples homosexuels en matière de sécurité juridique et de reconnaissance, d’une part, la conscience aiguë de la nécessité de sécuriser les cellules familiales, aujourd’hui menacées pour des raisons nombreuses et diverses, d’autre part.
Dans cet esprit, nous avons voulu satisfaire les demandes légitimes exprimées par les couples homosexuels en avançant des propositions concrètes. L’union civile, loin d’être le gadget que certains ont dénoncé, répondait à deux inquiétudes ou à deux besoins manifestés par les couples homosexuels : elle leur apportait une plus grande sécurité juridique, calquée sur celle dont bénéficient déjà les couples mariés, et une reconnaissance institutionnelle de leur relation.
De la même manière, nous avons tout fait pour que l’on n’enterre pas définitivement ce qui reste de la famille en créant de nouveaux modèles de filiation, alors même que cette dernière est la colonne vertébrale de la famille. Sans une filiation harmonieuse et transparente, il ne peut y avoir de construction de l’enfant.
Dans ce débat, nous avons souvent parlé de droit de l’enfant, par opposition au droit à l’enfant. Si parfois nous nous sommes égarés dans de vaines querelles sémantiques, il importe que soit préservée la cellule familiale, au sein de laquelle chacun se construit des repères durables. Ce sont ces repères qui permettent à l’enfant de se développer dans des conditions optimales.
L’adoption de ce texte ne conduira pas à un cataclysme facilement identifiable ; elle sera simplement, je le crois, une étape supplémentaire sur le chemin que certains veulent nous voir emprunter, et qui doit conduire à la destruction de toutes les institutions sociales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Malgré toute notre bienveillance pour les personnes homosexuelles, malgré notre compréhension à l’égard de certaines situations d’insécurité juridique qu’elles peuvent rencontrer, malgré notre conscience du manque de considération dont elles pâtissent, nous ne pouvons accepter que l’on assène un coup supplémentaire à la famille.
Parce que je considère, en tant que parlementaire, que l’intérêt collectif n’est pas la somme des intérêts individuels, je voterai contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Demande de vérification du quorum

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Vérification du quorum
M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Jean Bizet, Jean-Paul Emorine, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. René Garrec , Charles Revet, Jean-François Humbert, Jackie Pierre, Pierre Bordier, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Daniel Laurent, Jean-Noël Cardoux, Mme Sophie Primas, MM. Ambroise Dupont, Abdourahamane Soilihi, Mlle Sophie Joissains, Mme Esther Sittler, MM. Bruno Retailleau, Bernard Fournier, François Trucy, Alain Milon, Michel Bécot, Yann Gaillard, Rémi Pointereau, Christophe Béchu, Philippe Marini, Mme Colette Giudicelli, MM. Dominique de Legge, Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Henri de Raincourt, Patrice Gélard, Éric Doligé, François Pillet et François-Noël Buffet.)
M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
Vérification du quorum

Demande vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er
M. le président. Mes chers collègues, la vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
Je vais procéder à la vérification du quorum, et j’invite donc Mme Michelle Demessine et M. Jean-François Humbert, secrétaires de séance, à venir m’assister.
(La vérification du quorum a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
Aux termes de l’article 51, alinéa 3, de notre règlement, le vote ne peut avoir lieu moins d’une heure après la constatation de l’absence de quorum.
Je vais donc suspendre la séance. Elle reprendra à vingt-trois heures trente. Nous conviendrons de l’heure de levée en fonction de notre rythme de travail.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur l’article 1er.
Vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Demande de réserve
Article 1er (suite)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe socialiste, l’autre du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 148 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 179
Contre 157
Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur certaines travées de l’UMP.)
(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE MME BARIZA KHIARI

vice-présidente
Demande de réserve

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis A (Texte non modifié par la commission)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Après les longs et très riches débats que nous avons eus sur l’article 1er, qui est bien sûr l’article principal de ce projet de loi, il me semble qu’il serait utile de rationaliser quelque peu nos discussions.
En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande donc, madame la présidente, la réserve de l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels, de manière que nous examinions en priorité le texte issu des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement ne s’oppose nullement à cette demande, madame la présidente. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ouf ! On a eu peur !
Mme la présidente. La réserve est de droit.
Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis B
Article 1er bis A
(Non modifié)
Après l’article 34 du code civil, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1. – Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Je dois dire que cet article me surprend. Je n’en comprends pas bien le sens.
La seconde phrase de la rédaction proposée pour le nouvel article 34-1 du code civil m’amène à m’interroger : quel sera le contenu du contrôle et de la surveillance exercés par le procureur de la République sur les officiers de l’état civil ? Faut-il voir dans cet article la traduction concrète des engagements pris par le Président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France ? Il avait alors envisagé l’instauration d’une clause de conscience, afin d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer le mariage d’un couple de personnes de même sexe.
J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’était rétracté dès le lendemain matin, après avoir reçu au palais de l’Élysée, toutes affaires cessantes, des représentants de groupes de pression réclamant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Que fera le procureur de la République lorsqu’un maire refusera de célébrer un tel mariage ? Le texte en dit trop ou trop peu : nous ignorons quelles conséquences seront tirées de ces dispositions, comment s’exerceront le contrôle et la surveillance envisagés.
À défaut d’explications complémentaires de la part du Gouvernement, il serait très imprudent de notre part, me semble-t-il, d’adopter un dispositif aussi flou.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis A, qui renvoie aux lacunes du texte et aux questions non résolues exposées à la page 26 de l’étude d’impact.
Il nous est hypocritement indiqué, dans cette étude, que « la réforme envisagée n’aura pas de conséquences sur les actes d’état civil » : nous sommes aussitôt renvoyés à l’instruction générale relative à l’état civil, dont le travail de refonte est actuellement en cours…
Par ailleurs, il nous est dit qu’un nouveau modèle de livret de famille sera adopté par arrêté afin d’adapter ce document à la situation des couples de personnes de même sexe.
Pourquoi tout cela ? Il y aura donc un mariage unique, mais, parce que les réalités s’imposent, deux livrets de famille distincts ? N’est-ce pas discriminant ?
L’Assemblée nationale a adopté un article sans connaître les conséquences réglementaires de la mise en œuvre de son dispositif : quelles seront-elles ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
En effet, l’article 1er bis A a le mérite d’établir clairement la règle selon laquelle les officiers de l’état civil exercent leur fonction sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. Nous accepterons d’ailleurs tout à l’heure un amendement de M. Gélard visant à alléger la formulation de cette disposition.
Inscrire dans le code civil la mention expresse de ce contrôle par le procureur de la République est bienvenu. Le procureur de la République exerce déjà la tutelle sur les registres de l’état civil, dont il est chaque année destinataire du double.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Comme vous le savez parfaitement, monsieur Gélard, l’état civil est déjà placé sous la responsabilité du service public judiciaire. Au quotidien, les officiers de l’état civil sont amenés à solliciter le parquet lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté dans la rédaction d’un acte.
En outre, la loi de 2005 sur la filiation a établi l’unicité du livret de famille. À cet égard, la chancellerie travaille à une adaptation du livret de famille.
Il n’y a donc aucune raison de supprimer cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 149 :
Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l’adoption 146
Contre 175
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
et la surveillance
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter les deux amendements.
M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de repli par rapport au précédent.
L’amendement n° 84 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 1er bis A, la phrase suivante : « Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
L’amendement n° 17 rectifié bis vise à supprimer, dans cette même phrase, les mots : « et la surveillance ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est bien sûr défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis, mais favorable à l’amendement n° 17 rectifié bis, car la formule « le contrôle et la surveillance » paraît redondante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 17 rectifié bis, même si les mots « contrôle » et « surveillance » n’ont pas exactement la même signification.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 84 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. Notre intervention a pour objet de rappeler aux 36 000 maires de France et à leurs adjoints à qui ils devront l’obligation de procéder demain aux mariages de couples de personnes de même sexe.
Le Président de la République avait suscité un doute quand il s’était exprimé devant le congrès de l’Association des maires de France, où beaucoup d’entre nous étaient présents. Nous avions alors eu le sentiment que, cédant à une sorte de remord tardif, il admettait que l’on puisse ne pas souhaiter célébrer un mariage faisant fi de l’altérité.
Le Président de la République est très vite revenu sur cette concession et a décidé d’imposer absolument aux maires et à leurs adjoints, qui ont été élus bien avant que ce projet de loi n’ait été déposé, de célébrer les mariages de couples de personnes de même sexe, sous le contrôle du ministère public – mais, grâce à la sagesse du Sénat, peut-être pas sous sa surveillance.
Seront-ils suffisamment convaincus de la légitimité d’un tel mariage, de sa validité, pour faire partager cette conviction à l’assistance ? Je ne le sais pas. Quoi qu’il en soit, même s’ils doutent, ils seront obligés de le célébrer.
Par ces deux amendements, nous avons tenu à rappeler la volte-face de M. le Président de la République. En recourant à des scrutins publics, nous entendons dissiper toute ambiguïté et souligner la responsabilité de ceux d’entre nous qui estiment qu’il convient de faire fi de toute réserve de conscience pour les maires. Les journalistes peuvent faire jouer une clause de conscience, les officiers de l’état civil de nos 36 000 communes n’auront pas cette possibilité : il importe qu’ils sachent à qui ils le devront ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est bien étrange que M. Longuet prétende tirer argument du fait que les maires actuellement en fonctions ont été élus avant l’adoption du présent texte. En effet, en toute circonstance, les maires doivent appliquer la loi de la République.
Mme Cécile Cukierman. Vous n’avez pas été élu pour déclarer les personnels grévistes à l’avance, monsieur Longuet !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 167
Contre 174
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mme Cécile Cukierman. Vous voyez qu’on vous écoute !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 151 :
Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 180
Contre 161
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je voudrais souligner la forte mobilisation de l’ensemble des sénateurs et sénatrices de la gauche ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Une fois n’est pas coutume !
M. François Rebsamen. J’ai entendu tout à l’heure quelques remarques acerbes sur notre recours à des scrutins publics successifs. Puis-je vous renvoyer la balle et vous demander à mon tour de ne pas abuser de cette procédure, chers collègues de l’opposition ?
La nuit sera longue. Nous pourrions avancer ensemble beaucoup plus vite, notamment quand se dégagent des points de convergence ; nous l’avons vu à propos de l’amendement n° 17 rectifié bis.
C’est avec une certaine fierté que je salue la présence ce soir dans notre hémicycle de nombreux collègues qui étaient retenus cet après-midi par des travaux de commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Article 1er bis A (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis CA (nouveau)
Article 1er bis B
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le début de l’article 74 est ainsi rédigé :
« Art. 74. – Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où l’un d’eux, ou l’un de leurs parents, aura ... » ;
2° À l’article 165, le mot : « où » est remplacé par les mots : « dans laquelle », et après le mot : « époux », sont insérés les mots : « ou l’un des parents des époux ».
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. En toute autre circonstance, les dispositions de cet article, qui ont été introduites par l’Assemblée nationale avant d’être modifiées par notre commission des lois, m’auraient paru apporter des souplesses supplémentaires, répondant aux attentes d’un certain nombre de futurs époux et de familles : il s’agit de permettre que le mariage puisse être célébré soit dans la commune de résidence de l’un ou l’autre des futurs époux, soit dans celle de leurs parents.
Néanmoins, le fait qu’une telle mesure soit insérée dans un texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe me préoccupe. Je conçois que mes propos puissent surprendre certains d’entre vous ; je vais m’en expliquer.
La notion de parent est aujourd’hui déjà très large, et ce texte l’élargira encore. Je suppose qu’il s’agit ici de la parenté au sens restreint du terme, et non pas de la parentèle, sinon il suffirait de disposer que le mariage peut être célébré dans n’importe quelle commune de France…
Avec deux futurs époux et quatre parents, cela fait déjà, potentiellement, six domiciles distincts. De plus, à la lecture du texte, il apparaît qu’il suffira de justifier d’un mois de résidence continue dans une commune pour que le mariage puisse y être célébré. Imaginons par exemple que l’un des parents se rende en villégiature plus d’un mois par an à Courchevel ou à Carnac, par exemple. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Comme par hasard !
M. Philippe Bas. Je pourrais évidemment citer d’autres communes, ce n’est qu’un exemple !
En réalité, nous ouvrons la voie à la possibilité de célébrer un mariage dans pratiquement n’importe quelle commune française.
Je vois bien que l’intention est simplement d’introduire un peu de souplesse dans un système qui en manque, mais, si l’on prend en compte les résidences secondaires, cela fait tout de même beaucoup de communes pouvant potentiellement accueillir la célébration du mariage.
Or le chapitre III, relatif aux actes de mariage, du code civil, qui est notre bible à tous, impose la publication des bans dans la commune où le mariage doit être célébré. Pourquoi cette pratique, qui existe depuis des temps immémoriaux ?
M. Jean-Marc Todeschini. N’exagérons rien !
M. Philippe Bas. Parce qu’il y a des interdits, parce qu’il peut y avoir des oppositions au mariage. Or si le mariage peut être célébré dans une commune de France où les futurs époux et leurs familles ne sont pas connus, qui pourra s’opposer au mariage en cas, par exemple, de soupçon de consanguinité ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et le développement de l’assistance médicale à la procréation rendent la situation encore plus complexe.
En réalité, sous des dehors anodins, le dispositif de l’article que nous examinons entraînera des conséquences absolument incontrôlables. En particulier, des mariages qui devraient normalement être interdits pourront ne faire l’objet d’aucune opposition parce qu’ils seront célébrés en catimini ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Belle démonstration !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. J’ai eu la tentation de renoncer à prendre la parole après la très belle démonstration de mon collègue Philippe Bas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Vous n’êtes pas obligé de vous moquer de lui !
M. Gérard Longuet. J’ai parfois eu du mal à la suivre, mais il faut reconnaître que le texte est complexe !
Cédant à l’appel de M. Rebsamen, je vais épargner à la Haute Assemblée deux rappels au règlement que je projetais de formuler et m’en tenir à cette intervention sur l’article.
Je dirai avec gravité à M. le président de la commission des lois qu’il faut comprendre que célébrer un mariage ne reposant pas sur l’altérité peut poser un véritable problème de conscience à certains maires.
Je vous renvoie, monsieur Sueur, aux débats sur la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. À l’époque, un nombre important de maires ont fait le choix de démissionner de leur mandat pour ne pas avoir à appliquer la loi telle qu’elle avait été votée.
M. David Assouline. Ce n’est pas la même chose !
M. Gérard Longuet. C’était d’ailleurs tout à leur honneur.
Devra-t-on demain demander à un maire de renoncer à son mandat lorsqu’il ne voudra pas, pour des raisons tenant à ses convictions ou à des principes moraux, célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe ? Le Président de la République avait lui-même reconnu qu’il fallait envisager d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer de tels mariages, avant de faire volte-face. Vous avez décidé de contraindre les maires ; certains d’entre eux sauront s’en souvenir !
Monsieur Rebsamen, il est vrai que le scrutin public sert souvent au président du groupe majoritaire à assurer sa majorité quand une partie de ses troupes est mobilisée sur des théâtres d’opérations extérieurs à l’hémicycle. Je reconnais avoir moi-même parfois recouru à ce moyen, dans mon passé lointain de président de groupe, mais je me suis efforcé de ne pas en abuser.
Ce soir, ce n’est pas du tout dans cet esprit que nous faisons usage de cette procédure. Nous voulons qu’il reste une trace écrite de nos votes respectifs, afin que nos mandants, c’est-à-dire les élus locaux, sachent exactement à qui ils doivent les nouvelles règles du jeu. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) En tout état de cause, nous ne pouvons pas esquiver nos responsabilités grâce à de simples votes à main levée, intervenus de surcroît en pleine nuit.
Tel est le sens de ces demandes de scrutin public. Elles ont pour objet non pas de retarder les débats – même si, sur un sujet aussi important, on n’est pas à quelques jours près –, mais de marquer, pour l’histoire de la République, quelle fut la volonté des sénateurs au regard des exigences nouvelles qu’il nous est proposé d’imposer aux maires et à leurs adjoints.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que la publication des bans a pour objet de signifier, dans une commune, qu’un couple a l’intention de se marier et de permettre à tous ceux qui pourraient s’y opposer pour des raisons solides de le faire. Avec pudeur, Philippe Bas s’est borné à évoquer les cas de consanguinité. J’ajouterai qu’à une époque où la contraception était moins maîtrisée qu’elle ne l’est aujourd’hui, cela permettait le cas échéant de rappeler à une personne souhaitant se marier les devoirs qu’elle avait déjà envers celle ou celui avec qui elle avait tissé des liens suffisamment forts pour qu’il en ait résulté la venue au monde d’enfants… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Ce risque, inhérent à l’altérité, disparaît dans le cas d’un mariage homosexuel. Cela explique sans doute que nos collègues socialistes souhaitent introduire de la souplesse en matière de choix du lieu de célébration du mariage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
des époux
par les mots :
du futur mari et de la future femme
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je suis un peu gêné par cet amendement (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.),…
M. François Rebsamen. Alors retirez-le !
M. Patrice Gélard. … ainsi que par le texte qui nous est proposé.
Offrir la possibilité de prononcer un mariage ailleurs qu’à la mairie du domicile de l’un des deux futurs époux me paraît tout à fait nécessaire. J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi à cette fin, puis un amendement. Notre collègue centriste M. Maurey avait fait de même.
Si mes souvenirs sont exacts, ces amendements, qui avaient été adoptés lors de l’examen du projet de loi de finances, ont malheureusement été censurés par le Conseil constitutionnel, qui les a considérés comme des cavaliers.
Introduire une telle souplesse serait néanmoins utile, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le code civil a été rédigé à une époque où la future épousée vivait systématiquement chez ses parents. Par conséquent, il était logique de prévoir que son mariage pouvait être célébré dans la commune de résidence de ses parents ou, le cas échéant, dans celle de son futur époux.
Les choses ont bien changé depuis : en général, les futurs époux travaillent l’un et l’autre, ils vivent souvent déjà ensemble, parfois loin de leurs familles. Cependant, chacun sait que le mariage est resté chez nous une tradition populaire, une occasion de réunir la famille et les amis dans un lieu que l’on apprécie.
C’est la raison pour laquelle je suis d’accord, au fond, avec la proposition qui nous est faite au travers de l’article 1er bis B. Toutefois, nous avons déposé les amendements nos 85 rectifié bis et 86 rectifié bis afin de rappeler que nous considérons l’altérité comme un élément fondamental du mariage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les éclaircissements de M. Gélard sont bienvenus, après les explications très embrumées de M. Bas (Exclamations sur les travées de l’UMP.), qui d’habitude est plus clair.
L’article 1er bis B a été introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, afin de répondre à l’une des demandes – elles n’ont pas toutes été honorées – de l’Association des maires de France.
Un tel dispositif avait déjà été adopté par le Sénat à l’occasion de la discussion de la loi de finances, puis lors de l’examen d’un texte relatif à la répartition des contentieux. Le garde des sceaux de l’époque, M. Michel Mercier, y était très favorable. Je crois me souvenir qu’il avait été adopté à l’unanimité, mais le Conseil constitutionnel l’avait effectivement censuré, jugeant qu’il s’agissait d’un cavalier. Il nous est aujourd’hui opportunément proposé de l’inscrire dans ce projet de loi, où il a toute sa place, cher Gérard Longuet, précisément parce qu’il peut permettre d’éviter des conflits frontaux entre certains maires et de futurs mariés de même sexe. Ceux-ci, sachant que le maire de telle commune s’est prononcé contre le mariage homosexuel, pourront faire célébrer leur union ailleurs dans des conditions légales.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 85 rectifié bis de M. Gélard s’inscrit dans la lignée de ceux qui avaient été défendus, à l’article 1er, par M. Revet ou M. Leleux, et que nous avions appelés, en commission, les amendements « Adam et Ève », car ils se fondent sur l’idée que le mariage doit reposer sur l’altérité sexuelle.
Le présent amendement vise à priver les couples de personnes de même sexe de la possibilité ouverte par l’article 1er bis B. Or, si nous l’adoptions, cela créerait une inégalité de traitement entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, ce qui serait inconstitutionnel.
Par conséquent, monsieur Gélard, je vous suggère de retirer votre amendement. Le texte qui a été voté par l’Assemblée nationale répond à une demande de l’Association des maires de France et je rappelle encore une fois que le Sénat a déjà adopté à deux reprises une telle disposition dans le passé.
Si vous ne retirez pas cet amendement, monsieur Gélard, l’avis de la commission sera défavorable. Je souligne dès à présent que, s’il n’est pas adopté, l’amendement n° 86 rectifié bis deviendra sans objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis le début de ces débats, j’observe une transmission d’argumentaires, bien compréhensible, entre le groupe UMP de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. Cependant, même dans les dispositifs les mieux huilés, il peut arriver que des grippages se produisent… Ainsi, il vous a échappé que l’article 1er bis B avait été introduit à l’Assemblée nationale par le biais de l’adoption d’un amendement déposé par vos homologues de l’UMP et sous-amendé par le Gouvernement.
L’amendement « Pélissard » visait à la fois les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Le Gouvernement l’a sous-amendé en précisant que le lieu de célébration relèverait du « choix des époux », afin d’éviter qu’il ne puisse être interprété comme ouvrant à certains maires la possibilité de ne pas se soumettre à la loi républicaine. Il s’agissait d’écarter toute ambiguïté : un maire ne pourra pas inviter un couple à aller se marier ailleurs que dans sa commune.
Dans la mesure où nos concitoyens sont moins sédentaires aujourd’hui qu’ils ne l’étaient autrefois, cette disposition permettra d’ailleurs de répondre à une demande émanant déjà des couples hétérosexuels.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 85 rectifié bis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Monsieur Gélard, l’amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard. Par fidélité au point de vue que nous avons défendu tout au long de la discussion de ce texte, je ne peux pas retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voudrais dire le trouble dans lequel me plongent cet amendement et cette discussion.
La présentation de l’article par Philippe Bas a retenu toute mon attention. J’étais vraiment très attaché, madame la garde des sceaux, au principe de l’instauration d’une forme de clause de conscience pour les maires. Il me semble que, très légitimement, certains élus vont exprimer une réticence, voire une opposition, à célébrer des mariages entre personnes de même sexe. Dès lors qu’il existe une souplesse permettant à ces personnes de choisir la commune où leur mariage sera célébré, cela pourrait être de nature à éviter des crispations, voire à inciter certaines communes à se spécialiser dans la célébration de certains types de mariages ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela pourrait être, à la limite, un argument promotionnel, voire touristique ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est plus que limite !
M. Philippe Marini. Peut-être est-ce l’un des points sur lesquels notre collègue Philippe Bas aurait pu insister s’il avait bénéficié d’un temps de parole un peu plus long.
Quoi qu’il en soit, la souplesse de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne me paraît pas malvenue. À titre tout à fait personnel – pardonnez-moi, monsieur Gélard, de me singulariser quelque peu ! –, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À l’article 165, les mots : « l’un des époux » sont remplacés par les mots : « le futur mari ou la future femme, ou l’un de leurs parents, ».
Cet amendement n’a plus d’objet.
L’amendement n° 281, présenté par M. J. P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou l’un des parents des époux
par les mots :
, ou l’un de leurs parents,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 281 ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui améliore le texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 281.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis B, modifié.
M. Gérard Longuet. Explication de vote ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Le vote a commencé !
(L’article 1er bis B est adopté.)
Article 1er bis B
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis C (Texte non modifié par la commission)
Article 1er bis CA (nouveau)
Après les mots : « des articles 212 », la fin du premier alinéa de l’article 75 du code civil est ainsi rédigée : « et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215, et de l’article 371-1 du présent code. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Je vais faire tout mon possible pour être plus clair, comme me l’a demandé M. le rapporteur, afin d’être mieux compris.
M. Jean-Marc Todeschini. Ça va être lumineux !
M. Philippe Bas. Je voudrais commencer par me réjouir, car l’article 1er bis CA apporte des éléments rédactionnels utiles.
En effet, l’article 75 du code civil fait référence à deux alinéas de l’article 213 du même code. Or un coup d’œil rapide à ce dernier article nous permet de constater qu’il n’en contient qu’un seul. Supprimer le renvoi aux deux alinéas est un apport rédactionnel sur lequel il n’y a pas lieu, à l’évidence, de s’attarder, mais dont il faut relever l’utilité.
En réalité, l’objet principal de l’article 1er bis CA est de supprimer la lecture de l’article 220 du code civil lors de la cérémonie civile du mariage. Un large accord existe, me semble-t-il, sur ce point. (M. Patrice Gélard opine.)
Tous les maires constatent à quel point il est déplaisant pour les futurs époux, ainsi que pour leurs familles, d’entendre évoquer les dettes qu’ils pourraient être amenés à faire et les conséquences qu’elles pourraient emporter, y compris d’ailleurs du fait de l’intervention du juge aux affaires familiales. Cette lecture a un côté quelque peu menaçant qui n’est pas tout à fait dans le ton d’une cérémonie de mariage, dont on peut s’attendre la plupart du temps à ce qu’elle revête un caractère heureux.
J’aimerais revenir sur l’obligation de procéder dans tous les cas à la lecture de l’article 213, qui fait état de la solidarité dont doivent faire preuve les époux à l’égard de leurs enfants. C’est l’occasion de rappeler les doutes qui sont les miens et ceux de la quasi-totalité des membres de mon groupe sur les conditions dans lesquelles sera établie la filiation des enfants élevés dans le foyer de couples de personnes de même sexe.
Je tiens à redire ici notre opposition très ferme à la solution trouvée pour répondre aux difficultés rencontrées par les familles homoparentales, à savoir le jugement d’adoption, que ce soit pour l’adoption conjointe d’un enfant qui aurait été abandonné, et qui serait donc adoptable, ou pour l’adoption de l’enfant déjà né d’un des deux conjoints.
Dans les deux cas, des difficultés se posent.
Avec l’adoption conjointe – perspective à laquelle les Français sont d’ailleurs très réticents –, on ne donne pas à l’enfant, qui souffre déjà d’un abandon au tout début de sa vie de ses parents naturels, un père ou une mère ou un père et une mère, formules qui lui permettraient de reconstituer un modèle familial reposant sur l’altérité sexuelle, à l’origine de toute vie. On lui désigne un couple que l’on peut certes supposer et espérer aimant et doté de toutes les qualités éducatives nécessaires, mais qu’il ne pourra identifier de manière vraisemblable comme ses parents. Cela rend la greffe de l’adoption plus compliquée à prendre.
Dans l’autre cas, qui concerne les couples de femmes, il s’agit de faire adopter par l’une des conjointes l’enfant de son épouse. Là se pose le problème de la reconnaissance des effets juridiques de l’assistance médicale à la procréation, où qu’elle ait eu lieu d’ailleurs. Si cette assistance médicale à la procréation a eu lieu à l’étranger, comme c’est couramment le cas, on aboutira à une situation où l’épouse de la mère deviendra la seconde mère de l’enfant. Il est cependant difficile de faire croire à un enfant qu’il a deux mères ! Dans la plupart des cas, les couples de femmes ne disent d’ailleurs pas à leurs enfants qu’ils ont deux mères, et elles ont bien raison.
Mme la présidente. Il vous faut conclure.
M. Philippe Bas. Mais, alors, comment peut-on être juridiquement parent en n’étant ni père ni mère ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est fini !
M. Philippe Bas. La lecture de l’article 213 du code civil lors de la cérémonie de mariage d’un couple de personnes de même sexe fera apparaître en un instant (Stop ! sur les travées du groupe socialiste.) toutes ces questions qui, même si elles sont réglées dans la loi, resteront irrésolues dans le cœur des couples. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. C’est un bonheur d’intervenir après Philippe Bas (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), dont les éclairages sur l’article n’ont fait que renforcer, et non dissiper – une fois n’est pas coutume ! –, mes inquiétudes.
Autant je peux comprendre qu’on ne lise pas en totalité l’article 220 du code civil, qui est long et lourd, autant il me paraît utile de rappeler au moment où un couple se forme pour l’éternité…
Mme Cécile Cukierman. Seul l’avenir le dira !
M. Gérard Longuet. … les obligations respectives des époux. Ne pas le faire reviendrait à conclure une sorte de vente abusive ! Si l’on ne mettait pas chacun des conjoints face à ses responsabilités devant le maire, officier de l’état civil, on trahirait assurément l’obligation de mutualisation des dettes dont le principe est posé par l’article 220 du code civil.
Toutefois, c’est non pas sur cet article que je souhaite interroger Mme le garde des sceaux, mais sur les articles 212 et 213. J’aimerais être certain d’avoir bien compris à la fois le travail du rapporteur et la volonté du Gouvernement. Je souhaite que ces deux articles soient parfaitement connus, car ils risquent de donner lieu à une jurisprudence extrêmement riche et intéressante s’ils étaient méconnus des époux.
L’article 212 distingue en effet dans les obligations mutuelles la fidélité et le respect. Pour moi qui suis marié depuis presque un demi-siècle, les deux me semblaient former un tout ! En réalité, les auteurs du code civil ont tenu à faire cette distinction, car, à une époque où la procréation était moins maîtrisée, la fidélité était indispensable. Elle démontrait que « pater is est quem nuptiae demonstrant ».
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oh là là !
M. Charles Revet. Écoutez-le !
M. Gérard Longuet. S’il n’y a pas de fidélité, particulièrement de l’épouse, il est évident que la présomption de paternité ne peut que tomber.
Le respect est tout autre chose : il consiste à ne pas mettre son conjoint dans une situation grotesque. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la merveilleuse tirade du boulanger de Pagnol, qui s’adresse à la chatte Pomponette. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Le théâtre et le cinéma nous ont familiarisés avec le récit des déboires sentimentaux de ce boulanger, bien connus de tout le village. En l’espèce, c’est le manque de respect qui est en cause et non la fidélité.
Le maire devra donc appeler l’attention des conjoints sur le fait qu’ils doivent faire preuve à la fois de fidélité et de respect.
Quant à l’article 213, il évoque l’éducation des enfants. Encore faut-il qu’il y en ait ! La procréation non maîtrisée plaçait les couples devant l’incertitude de l’enfant, qui pouvait être une heureuse félicité ou provoquer des déceptions. La procréation maîtrisée, elle, pose problème aux couples qui, après s’être formés, découvrent en définitive qu’ils n’ont pas le même désir d’enfant au même moment. C’est un sujet que nous connaissons depuis trente ou quarante ans.
Mme Cécile Cukierman. Depuis des siècles même !
M. Gérard Longuet. Dans le cas de l’absence d’altérité, la décision d’avoir des enfants les conduira à devoir suivre un véritable chemin de croix. Tous ceux qui s’intéressent à la grave question des procédures d’adoption en savent quelque chose.
Accepter de suivre ensemble ce cheminement représente un effort particulier sur lequel des couples qui n’avaient pas envisagé la complexité de la procédure risquent de se briser.
Mme Cécile Cukierman. Il y en a qui se brisent pour moins que cela !
M. Gérard Longuet. L’article 213 sera-t-il opposable à ces mariés sans altérité qui n’ont d’autre espoir pour élever un enfant que de parcourir le cheminement complexe de l’adoption ? J’évoque l’adoption puisque, avec le projet de loi, elle est ouverte à tous les couples mariés.
Il faut rappeler que l’article 213 ne met pas les couples de personnes de même sexe dans la même situation que les couples hétérosexuels. Ces derniers ont une probabilité plus élevée de pouvoir éduquer des enfants, ceux-ci pouvant arriver naturellement, même si cette certitude n’est, hélas ! pas totale.
Les articles 212 et 213 ne sont donc pas des survivances d’un passé révolu. Ils soulèvent au contraire des questions de fond sur la durabilité et la construction de la vie conjugale, fût-elle homosexuelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cette discussion montre bien la difficulté d’application de la réforme constitutionnelle. L’article 1er bis CA a été introduit dans le projet de loi par un amendement du rapporteur adopté en commission. Il ne devrait donc pas faire l’objet d’un débat en séance et pourtant, nous le voyons bien, il mérite d’être discuté, comme nous le faisons.
L’article 1er bis CA est la reprise intégrale d’une disposition qui avait été votée au Sénat, à l’unanimité me semble-t-il, lors de l’examen de la proposition de loi de M. Doligé sur la simplification des normes, et qui reprenait une suggestion de M. Gélard. L’Assemblée nationale ayant estimé que cette mesure était un cavalier législatif, elle l’avait rejetée.
La commission a trouvé tout à fait opportun de reprendre la disposition dans le présent projet de loi, ce qui a recueilli l’assentiment de tous, et notamment des associations de maires.
En revanche, je précise que les articles 212 et 213 devront bien évidemment toujours être lus intégralement par le maire lors des différents mariages qu’il aura à faire si ce projet de loi est adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même s’il n’a fait l’objet d’aucun amendement, cet article soulève des questions qui viennent d’être précisément formulées. Le Gouvernement reprend à son compte l’argumentaire développé par M. le rapporteur.
Monsieur Longuet, vous avez fait un développement…
M. Jean-Marc Todeschini. Un monologue !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … pour nous faire bien comprendre la différence entre la fidélité et le respect.
M. Gérard Longuet. Exact !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La fidélité est bien évidemment liée à la présomption de paternité. Je l’ai dit, cette dernière est intégralement maintenue. D’éminents juristes estiment d’ailleurs que la présomption de paternité permet de préserver « la paix des familles ».
Nous savons que la législation sur l’adultère est très différente selon que l’adultère est le fait de l’homme ou celui de la femme. C’est un clin d’œil que j’adresse à M. Gournac, qui semblait choqué que je dise que le mariage avait été pendant longtemps une institution de propriété. On alliait d’abord des patrimoines…
M. Gérard Longuet. Quand il y en avait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais cela a eu une grande influence sur le droit. Les futurs époux passaient d’ailleurs d’abord chez le notaire.
Par la suite, le mariage est légalement devenu une institution de domination.
Vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, la femme ne disposait pas de son salaire jusqu’en 1907. À partir de cette date, le grand progrès a été de la laisser disposer de son salaire, mais à condition de le consacrer aux frais du ménage, le mari étant autorisé à saisir la justice s’il estimait qu’elle ne le faisait pas suffisamment. Si cela n’est pas de la domination, qu’est-ce que c’est ? Et je pourrais citer d’autres exemples !
Le respect, c’est un autre sujet. Vous vous souvenez, monsieur Longuet, des débats sur la loi de 2006, qui a introduit l’obligation de respect mutuel. À l’époque, les débats parlementaires ont surtout porté sur la lutte contre les violences au sein du couple. Cette prescription de respect visait à rappeler au mari en particulier – même si la loi désigne d’une façon générale les époux – qu’il ne doit pas donner de coups.
Cela étant, je suis d’accord avec l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, qui, comme la plupart des maires, considèrent que la lecture de l’article 220 du code civil est malvenue. Elle casse tout le lyrisme et la poésie de l’instant : ce n’est pas le moment de rappeler à l’un et à l’autre qu’ils seront tenus par les dettes de l’époux.
J’espère avoir fourni les éclaircissements demandés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Gérard Longuet. Merci !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis CA.
(L’article 1er bis CA est adopté.)
Article 1er bis CA (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis D
Article 1er bis C
(Non modifié)
À l’article 165 du code civil, les mots : « célébré publiquement devant » sont remplacés par les mots : « prononcé lors d’une célébration publique et républicaine par ».
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. J’avais songé un instant à vous épargner cette intervention. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mais il se trouve qu’elle porte sur un article particulièrement important. Toutefois, je m’efforcerai d’être bref, si tant est que la complexité de ces dispositions me le permette.
M. Jean-Marc Todeschini. Alors, c’est fichu !
M. Philippe Bas. Il ne faut pas mettre le mot « républicain » à toutes les sauces. Le mot « républicain » et le mot « civil » ne sont pas synonymes. Quand vous parlez d’une cérémonie républicaine, vous devriez faire référence à des cérémonies patriotiques, qui permettent d’honorer la République.
Je récuse l’idée qu’un mariage soit une cérémonie républicaine : c’est une cérémonie civile. D’ailleurs, on ne demande pas aux époux s’ils sont eux-mêmes républicains. Nous espérons qu’ils le seront, car c’est le vœu qu’on peut former pour tout citoyen de notre République.
Cette confusion, qui consiste à amalgamer cérémonie républicaine et droits des citoyens, nous entraîne vers des dérives au regard de nos valeurs fondamentales, car il y a les droits de l’homme et il y a les droits du citoyen. Le mariage est un droit fondamental de l’homme au sens d’être humain, et non un droit du citoyen. Sauf à dire que seuls les gens mariés auront le droit de vote, alors ce sera un droit du citoyen…
Prenons garde à ne pas utiliser le mot « républicain » ou « républicaine » dans un sens qui le rendrait inapproprié et prêterait à confusion. On a déjà bien assez de mal à défendre les valeurs de la République qu’il vaut mieux éviter de les galvauder.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Cet article est important puisque son dispositif va s’insérer dans le chapitre du code civil intitulé Des formalités relatives à la célébration du mariage. Vous souhaitez ajouter l’adjectif « républicain » dans l’article du code civil disposant que le mariage sera célébré publiquement devant l’officier de l’état civil. À la suite de ce que vient de dire mon collègue Philippe Bas, je veux faire deux remarques.
La première est de forme : qu’est-ce qu’une célébration républicaine ? La question concerne les nombreux maires et adjoints ainsi que, désormais, les conseillers municipaux, qui sont des officiers de l’état civil.
Quels sont les attributs d’une célébration républicaine ? Un jour est-il approprié ? Existe-t-il une décoration qui serait plus républicaine qu’une autre ? Existe-t-il, de même, une mode vestimentaire qui serait plus républicaine qu’une autre ? J’aimerais, mesdames les ministres, que vous puissiez nous éclairer sur ces éléments qui permettront de caractériser une célébration républicaine.
Une célébration publique, chacun sait ce que c’est : symboliquement, ce sont les portes ouvertes de la mairie ou du lieu public où se déroule le mariage. Désormais, quelles sont les caractéristiques de cette célébration ?
J’en viens à ma seconde remarque.
Je pense qu’il y a des mots – je rejoins ici Philippe Bas – qu’on utilise à proportion qu’on les vide de sens. Rappeler le caractère républicain, c’est peut-être chercher à faire oublier que le nouveau mariage que vous êtes en train d’instituer pour tous a bien peu de choses à voir avec un mariage républicain. En effet, il se fonde sur une conception qui confond le droit à l’égalité et l’égalité des droits. Vous connaissez – nos grands ordres juridictionnels l’ont rappelé constamment par leur jurisprudence – la source républicaine de l’égalité. Or vous vous en éloignez !
Le régime républicain est celui de la séparation, de toutes les séparations : de l’Église et de l’État, des pouvoirs, de la vie publique et de la vie privée. Or que nous proposez-vous avec ce mariage, qui est bien peu républicain ? Dès lors qu’un sentiment naît, ce sentiment, qui relève de l’ordre de l’intime, de la sphère privée, devrait s’imposer à la sphère publique et donc être reconnu et célébré par un mariage républicain. Conception bien peu républicaine d’un sentiment qui fait loi, alors qu’une loi devrait être autre chose que la consécration de l’ordre intime, de la sphère privée.
La République n’est pas un self-service normatif. Nous le répétons, ce n’est pas parce que des revendications sociales se font jour que le droit – comme fonctionnerait la loi de l’offre et de la demande – doit être prévu et conçu comme un bien de consommation. Ce n’est pas parce que tel ou tel groupe demande un droit qu’on doit lui accorder. Ce n’est pas la conception que nous avons de la République.
Telles sont les raisons pour lesquelles cet ajout et cette répétition du terme « républicain » me paraissent suspects, comme s’il s’agissait de s’excuser de motifs qui, eux, sont bien peu républicains. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet article, issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, introduit à l’article 165 du code civil l’affirmation du caractère républicain du mariage.
Monsieur le rapporteur, vous rappelez vous-même, pour mieux accréditer ce caractère, que, depuis la Révolution française, les époux sont mariés « au nom de la loi ». Nous sommes heureux que vous en conveniez, mais permettez-moi de souligner qu’il est assez cocasse – ou, plutôt, attristant – que votre groupe insiste pour inclure le caractère républicain dans un texte qui s’acharne, article après article, à dénaturer cette institution fondée sur l’altérité des sexes et reconnue comme telle, depuis 1804, par les lois de la République.
Le mariage républicain, dans ce projet de loi, est donc réduit à une coquille vide et il ne suffit pas, pour qu’il soit républicain, de le décréter. Il ne le sera plus puisque le principe fondamental qui s’y attachait – l’union d’un homme et d’une femme – et qui le consacrait en tant qu’institution de la République n’existera plus.
On peut également s’interroger sur le travestissement du sens des termes « mariage », « couple » et « parents ». Il est question de mariage, de couples, de parents homosexuels ou de même sexe. Voilà des termes contradictoires, qui ne peuvent s’accorder. Ce sont des oxymores !
En droit, sans doute plus qu’en d’autres domaines, le choix des mots est exigeant. Cette alliance de mots contradictoires répond à la volonté des auteurs du texte d’introduire – je serais ironiquement tentée de préciser « à notre insu » – l’idéologie du genre, ou gender, dans notre droit. Ces efforts de dissimulation du but recherché permettent également aux auteurs du texte d’atténuer, aux yeux de l’opinion, les effets que le projet de loi va produire.
Assurément, ce texte a été construit sur des subterfuges. Nous ne nous y sommes pas laissés prendre, mais le procédé est quand même antidémocratique.
Le peuple de France et le Parlement sont bafoués ! Évidemment, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, sur l’article.
M. Hugues Portelli. Comme ceux de mes collègues qui viennent de s’exprimer, je suis assez scandalisé par l’ajout du mot « républicain » pour qualifier la célébration du mariage, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, l’adjectif a été introduit dans la Constitution de la IIIe République, puis de la IVe République pour évoquer la « forme républicaine du gouvernement ». Cette formule est apparue après la défaite définitive des monarchistes pour empêcher toute restauration monarchique.
En second lieu, à la lecture des deux premiers articles de la Constitution de la Ve République, on s’aperçoit que ce mot a trait à l’organisation de la République : aux termes de l’article 1er, la France est une République indivisible et laïque ; quant à l’article 2, il définit sa devise, son drapeau ou sa langue. Le mot « République » n’a donc aucun contenu idéologique. Il renvoie à une forme de gouvernement – comme celui des États-Unis ou de l’Allemagne –, mais pas à une forme de célébration du mariage.
Dans ma commune, des administrés m’ont demandé de célébrer un baptême républicain. Je leur ai répondu que j’étais ravi de les recevoir, mais que, pour moi, un baptême, c’est un sacrement et pas une cérémonie laïque ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je ne célébrerai donc pas un baptême républicain, leur ai-je indiqué, mais je veux bien célébrer un parrainage civil.
J’ai regardé le texte proposé dans cette circonstance et comme il ne me convenait pas vraiment et se trouvait dépourvu de toute valeur législative et réglementaire, je l’ai réécrit à ma façon pour y insérer des dispositions – qui plaisaient d’ailleurs aux intéressés – sur le bien commun, l’amour du prochain, etc. Je pratique cette cérémonie plutôt sympathique depuis maintenant une quinzaine d’années.
Mais on n’a jamais tenu de cérémonie républicaine, car cela ne veut rien dire. Célébrer un mariage républicain, c’est carrément idiot ! On célèbre un mariage civil ou un mariage religieux, mais pas un mariage républicain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. André Reichardt. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Gérard Longuet. Après la formidable intervention de notre collègue Portelli, je devrais me taire. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Mais je ne vous ferai pas ce petit bonheur, car je veux rendre hommage aux Capétiens dont la République a pérennisé l’héritage.
M. Jean-Pierre Caffet. Oh là là !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Drôle de lecture de la République !
M. Gérard Longuet. Les Capétiens ont fait quelque chose de formidable pendant huit siècles, que la République a consolidé, pérennisé, et nous en sommes les coresponsables. C’est pourquoi je suis profondément républicain et, de toutes les républiques, c’est la République française que j’aime d’abord et avant tout. C’est parce que je l’aime que je considère qu’une action publique doit être marquée du sceau de la pérennité.
Pour le baptême républicain, je ne suis pas certain que l’on trouve facilement des bases juridiques. En revanche, nous en célébrons régulièrement sous la forme de parrainage. L’idée que des parents confient leur enfant à la République, je trouve cela formidable. D’ailleurs, je considère que les laïcs et les anticléricaux font partie de la République à part entière,…
M. Jean-Pierre Caffet. Encore heureux !
M. Gérard Longuet. … qu’ils ont même contribué à la rendre vivante. Il serait donc anormal qu’ils ne puissent pas s’exprimer à un moment ou à un autre. Après tout, qu’un maire réalise un baptême républicain, c’est d’autant plus sympathique que ce baptême va guider une personne tout au long de sa vie, jusqu’à son dernier souffle.
Il n’en est pas de même du mariage. M. le rapporteur a auditionné des sociologues, et nous savons qu’un mariage sur deux se termine par un divorce. Allons-nous engager l’autorité de la République dans un contrat civil dont la probabilité de survie est faible, ou en tout cas n’est pas majoritaire ?
L’idée que j’ai de la République m’interdit de lui confier le parrainage d’un accord civil précaire, comme vous l’avez souligné tout au long de votre défense du mariage tel que vous le concevez aujourd’hui. La République est trop sérieuse pour qu’on lui confie l’aléatoire ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.
M. Dominique de Legge. J’avoue que je cherche à comprendre les motivations de cette réécriture.
Le mariage sera non plus « célébré » mais « prononcé ». Au fond, il est vrai que l’officier de l’état civil, à la fin de l’échange des consentements, dit : « Au nom de la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage. » Le verbe « prononcer » est donc peut-être mieux adapté. Cependant, l’actuelle rédaction précise aussitôt que le mariage est célébré « publiquement », marquant bien le caractère public de l’acte. L’expression « prononcé lors d’une célébration publique » atténue quelque peu, à mon sens, le caractère public du mariage.
Je voudrais ajouter quelques mots sur l’adjectif « républicain ».
M. Marc Daunis. Nous sommes tout ouïe !
M. Dominique de Legge. Chers collègues, lorsque vous mariez, je pense que vous ceignez, comme moi, votre écharpe aux couleurs de la République.
Mme Cécile Cukierman. C’est exact !
M. Dominique de Legge. Donc, on voit bien que le mariage s’inscrit dans les lois de la République. D’ailleurs, toutes les lois que nous votons ici sont des lois de la République !
Le mariage est un acte inscrit dans le code civil, qui est une loi de la République. Par conséquent, je ne vois pas pour quelle raison vous souhaitez modifier la rédaction de cet article : les termes que vous employez sont redondants ; il faut que vous nous disiez ce que cache cette évolution sémantique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je défendrai en même temps les amendements nos 19 rectifié bis et 87 rectifié bis. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je n’aime pas beaucoup que l’on modifie le code civil pour le plaisir. Il est particulièrement bien rédigé, et nous ne savons plus toujours bien écrire les lois.
Mme Isabelle Debré et M. René Garrec. C’est vrai !
M. Patrice Gélard. Des colloques, des études sur le sujet ont montré que nous n’étions pas toujours de bons législateurs à cet égard.
L’écriture de l’article 165 du code civil est claire et nette. C’est la raison pour laquelle je défends, dans un premier temps, un amendement de suppression de l’article 1er bis C.
Cela étant, je comprends la volonté de Jean-Pierre Michel de renforcer, dans une certaine mesure, la solennité du mariage, et je ne veux pas lui faire de peine. (Ah ! sur plusieurs travées.) Je propose donc, par la voie de l’amendement n° 19 rectifié bis, une formulation légèrement différente, à savoir « célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine » au lieu de « prononcé lors d’une célébration publique et républicaine ».
Enfin, dans un dernier sursaut de réflexion, je me suis dit que l’adjectif « républicain » ne convenait pas, pour les raisons qu’a en partie exposées Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 87 rectifié bis en prévoit la suppression.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
prononcé lors d’une célébration publique et républicaine
par les mots :
célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 87 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
et républicaine
Cet amendement a également été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 18 rectifié bis, 19 rectifié bis et 87 rectifié bis ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. On a beaucoup débattu, d’ailleurs de façon un peu contradictoire, de l’article 1er bis C. Monsieur Retailleau, monsieur Longuet, le mariage civil – je ne parle pas du caractère républicain – n’est pas un simple contrat ; c’est une institution.
M. Gérard Longuet. C’est vrai, ma langue a fourché !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est d’ailleurs l’une des raisons essentielles pour lesquelles, et je peux le comprendre, vous êtes hostiles à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
M. André Reichardt. C’est exact !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous objectez le fait que nous nous attaquions à une institution de la République. Par le mariage civil, en effet, la sphère privée entre dans la sphère publique. S’il s’était simplement agi d’organiser les héritages sous la France rurale, un simple contrat notarié aurait suffi.
M. Gérard Longuet. C’est la conception anglo-saxonne !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Or on a créé l’institution du mariage ; c’est donc bien une cérémonie où la République a sa part.
La République fédérale d’Allemagne, monsieur Portelli, n’est pas la République française : elle est une démocratie, comme nous, mais nous sommes en plus une république laïque. Voilà la notion supplémentaire qui est comprise dans le terme « République ». Comme vous le savez, il y a des démocraties qui ne sont pas des républiques et des républiques qui ne sont pas laïques ; c’est le cas de la RFA.
C’est la raison pour laquelle la commission s’est opposée à l’amendement n° 18 rectifié bis. Nous avons pensé que l’article, introduit à l’Assemblée nationale par un amendement de M. Tourret, était utile dans la mesure où il consacrait vraiment l’institution du mariage, y compris, si le texte est adopté, ouvert aux couples de personnes de même sexe.
La commission des lois s’est ensuite déclarée favorable à l’amendement n° 19 rectifié bis, qui améliore effectivement la rédaction initiale.
Enfin, monsieur Gélard, je regrette que vous ne vous soyez pas arrêté là et que, dans un dernier élan, vous ayez proposé de supprimer, à l’amendement n° 87 rectifié bis, l’adjectif « républicain ». La commission des lois s’y est également opposée.
Autrement dit, la commission souhaite conserver l’article introduit à l’Assemblée nationale dans la rédaction proposée par M. Gélard à l’amendement n° 19 rectifié bis, c’est-à-dire « célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine », parce que le terme « républicain », en France, signifie quelque chose de plus que dans d’autres républiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai presque envie de remercier M. Longuet d’avoir rétabli dans son propos le baptême républicain, qui repose non pas sur un texte de loi mais sur un décret tombé en désuétude du 8 juin 1794, après le propos de M. Portelli, qui semblait refuser le concept même de baptême républicain.
M. Gérard Longuet. Le baptême républicain dure, alors que le mariage ne dure pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les mariages hétérosexuels aussi se rompent, un sur deux en moyenne.
M. Gérard Larcher. Il l’a dit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie-t-il qu’il faut supprimer le mariage hétérosexuel ? Des mêmes causes, on tire les mêmes effets !
Je m’interrogeais tout à l’heure sur le mariage non républicain mais civil de M. Portelli, qui se prononçait à la fois sur le bien commun et sur l’amour du prochain.
Cela nous renvoie justement à la nécessité d’affirmer le caractère républicain de la cérémonie. Certaines conceptions qui se sont exprimées à la faveur du débat sur le mariage ne la rendent pas superflue. Si nous en doutions encore, les propos de M. Marini affirmant péremptoirement que nous aurions dû prendre en considération beaucoup plus visiblement les points de vue des trois cultes monothéistes nous ont confortés dans cette voie. Cela prouve la nécessité de rappeler que nous traitons bien, ici, du mariage civil.
Venons-en aux amendements de M. le doyen Gélard.
Ce n’est pas dans votre caractère d’être indécis, monsieur le doyen, mais vous avez choisi de suivre trois voies parallèles ; nous retenons la deuxième. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 18 rectifié bis de suppression de l’article, comme sur l’amendement n° 87 rectifié bis visant à supprimer la mention du caractère républicain de la célébration, pour les raisons que je viens d’exposer sur la nécessité de le réaffirmer. Il émet en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 19 rectifié bis et salue la rédaction, bien plus gracieuse et précise, que vous proposez.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement présenté par notre collègue Gélard, qui a le mérite de réaffirmer le caractère républicain de la cérémonie, ce qui me semble très important.
La matière est juridiquement complexe, il faut bien le reconnaître. Certains collègues ont rappelé la qualité d’officier de l’état civil du maire, l’importance des articles du code civil dont il doit faire la lecture, ainsi que le symbole de la République attaché à l’écharpe tricolore.
Les valeurs du mariage restent essentielles, et il convient de ne pas les banaliser, comme on a trop souvent tendance à le faire. N’oublions pas non plus, dans cette cérémonie républicaine, d’associer les témoins, dont nous avons peu parlé mais qui ont, eux aussi, un rôle important à jouer aux côtés des futurs mariés.
Parallèlement, auprès des valeurs du mariage, énumérées par les articles du code civil, il y a le baptême républicain, héritage de notre histoire. Cette cérémonie n’a pas de valeur juridique, mais elle fait toujours l’objet de demandes, y compris au sein des petites communes. Elle fait partie de nos institutions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Belle unanimité !
En conséquence, l’amendement n° 87 rectifié bis n’a plus d’objet.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je souhaitais prendre la parole sur l’amendement n° 87 rectifié bis. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Il n’existe plus !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Exact !
Mme la présidente. Il est tombé, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. Je n’ai pas entendu le bruit mat de sa chute. Cela veut donc dire que vous avez adopté la cérémonie républicaine… Dans ce cas, je demande la parole pour explication de vote sur l’article.
Mme la présidente. Vous avez la parole, mon cher collègue, pour explication de vote sur l’article 1er bis C. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. J’éprouve un réel souci concernant cette cérémonie républicaine.
Dominique de Legge a évoqué l’écharpe tricolore, qu’il convient de porter dans le bon sens. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Toutefois, reconnaissons-le, ce qui donne à la République toute son autorité, c’est l’hymne national.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pas seulement !
M. Gérard Longuet. En conséquence, si cet article devait être adopté, je suggère de réunir une commission pour modifier l’un des couplets de La Marseillaise. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Gérard Longuet. « De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes : », dit de son côté le Chant du départ.
« Loin de nous de lâches douleurs !
« Nous devons triompher quand vous prenez les armes :
« C’est aux rois à verser des pleurs.
« Nous vous avons donné la vie,
« Guerriers, elle n’est plus à vous ;
« Tous vos jours sont à la patrie :
« Elle est votre mère avant nous. »
La question de la mère et du père apparaît avec force, car, très clairement, La Marseillaise est hétérosexuelle (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors là…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il fallait la trouver, celle-là !
M. Gérard Longuet. … et défend l’altérité. Il conviendra donc de modifier cet article si vous souhaitez maintenir le caractère républicain de votre cérémonie et si vous ne voulez pas susciter une contradiction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis C, modifié.
(L’article 1er bis C est adopté.)
Article 1er bis C (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Organisation des travaux
Article 1er bis D
I. – Le chapitre II bis du titre V du livre premier du code civil est complété par une section IV ainsi rédigée :
« SECTION IV
« DE L’IMPOSSIBILITÉ POUR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE DE CÉLÉBRER LEUR MARIAGE À L’ÉTRANGER
« Art. 171-9. – Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux de même sexe, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence dans un pays qui n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques et consulaires françaises ne peuvent procéder à sa célébration, le mariage est célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74. À défaut, le mariage est célébré par l’officier de l’état civil de la commune de leur choix.
« La compétence territoriale de l’officier de l’état civil de la commune choisie par les futurs époux résulte du dépôt par ceux-ci d’un dossier constitué à cette fin au moins un mois avant la publication prévue à l’article 63. L’officier de l’état civil peut demander à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à l’audition prévue à ce même article 63. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Il s’agit là d’un article très important.
M. Alain Néri. Oh là là !
M. Philippe Bas. Il a pour objet d’éviter que des discriminations dans un pays étranger empêchent de célébrer le mariage d’un couple homosexuel, dans la mesure où la loi française l’aura autorisé.
Ce que je reproche à cet article, ce n’est pas de permettre la célébration de ces mariages dans une commune de rattachement en France, c’est d’être intrinsèquement discriminatoire. Dès lors que l’on permet aux couples homosexuels de célébrer leur mariage dans une commune de rattachement en France, on devrait accorder cette autorisation à tout couple, de manière générale, que ses membres soient de même sexe ou de sexe opposé.
Au surplus, nous l’avons constaté il y a quelques instants à l’occasion de l’examen d’un des précédents articles, des facilités ont été accordées à tous pour faire célébrer un mariage dans une commune de France autre que la sienne.
Enfin, je souligne qu’ainsi rédigé, cet article encourt des reproches qui pourraient aller jusqu’à entraîner la censure du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 187 rectifié quater est présenté par MM. Marseille, Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet, Deneux et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Nous souhaitons la suppression de cet article pour une raison très simple : nous étant opposés, via les précédents amendements, au mariage des couples de personnes de même sexe sur le territoire français, nous adoptons la même attitude à l’égard des couples de Français vivant à l’étranger. Voilà pourquoi nous défendons cet amendement de suppression.
Au demeurant, je souscris aux réserves de M. Bas concernant la constitutionnalité de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 187 rectifié quater.
M. Hervé Marseille. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
L’article en question est très intéressant, et les sénateurs représentant les Français établis hors de France l’apprécieront : lorsqu’un couple – je parle de tous les couples – formé d’un Français et d’un étranger ne pourra se marier dans le pays où il réside, il pourra venir se marier en France. Cet article vise particulièrement le cas de couples de personnes de même sexe résidant dans un pays où l’homosexualité serait réprimée, voire criminalisée.
MM. Gélard et Marseille souhaitent supprimer cette disposition. Ils sont opposés à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et excluent en conséquence cette possibilité qui, je le répète, s’applique à tous les couples.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. Gélard manifeste sa cohérence contre le mariage des couples de personnes de même sexe. Toutefois, l’avis défavorable du Gouvernement manifeste une cohérence plus grande encore. Je rappelle en effet que l’article 1er a été adopté. Cela signifie que, grâce au vote de la Haute Assemblée, le mariage est désormais ouvert aux couples de personnes de même sexe. Par conséquent, puisque le mariage est possible pour les Français résidant en France, il doit également l’être pour nos concitoyens résidant à l’étranger.
Dans les pays qui reconnaissent le mariage des couples de personnes de même sexe, ces couples pourront se marier au consulat.
Dans les pays qui ne reconnaissent pas ce mariage, les missions diplomatiques n’auront pas la possibilité de le célébrer. Il fallait donc permettre aux couples concernés de se marier en France, dans des conditions de lieux que précise le présent article. C’est donc en toute cohérence que cette disposition s’inscrit dans le projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis et 187 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 88 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Comme à l’accoutumée, à chaque fois qu’un de nos amendements de suppression a été rejeté, nous proposons la suppression de quelques alinéas de l’article.
Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié quinquies, présenté par M. del Picchia, Mme Procaccia et MM. Cointat, Delattre, Magras, Cambon, Dulait, Sido, Milon, Frassa, G. Larcher, Bizet, Paul, Couderc, Chauveau et Retailleau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être prononcé lors d’une célébration publique et républicaine par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un d’eux ou de la commune dans laquelle l’un de leurs parents a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
II. - En conséquence, alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dispositions relatives aux Français établis hors de France
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement, que je présente au nom de M. del Picchia, tend à réparer une injustice. En effet, il a pour objet de supprimer une discrimination qu’introduit le présent texte entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, en permettant aux couples de sexe différent établis hors de France et dont l’un des futurs époux est Français de célébrer leur mariage en France, avec leur famille et leurs amis, même si leurs parents n’y résident pas ou s’ils sont décédés.
C’est une revendication de longue date de nos concitoyens, qui, on le comprendra, sont toujours soucieux de conserver un lien avec le territoire national, pour préserver leurs racines.
Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié, présenté par Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
II. - En conséquence, alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« De la faculté offerte aux Français établis hors de France de célébrer leur mariage en France
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de permettre à tous les couples établis hors de France, dont l’un au moins des futurs époux est Français, de bénéficier de la faculté de se marier sur notre territoire.
Il tend à modifier la rédaction de l’article 171-9 du code civil pour inclure les dérogations introduites par l’Assemblée nationale lorsque les futurs époux, de même sexe, résident dans un État qui n’autorise pas ces unions et dans lequel les autorités consulaires françaises ne peuvent pas célébrer le mariage. Plus largement, il englobe le cas de tous les ressortissants français résidant à l’étranger qui souhaiteraient pouvoir se marier en France, où beaucoup disposent d’attaches familiales et amicales.
Tous les couples établis hors de France, franco-français, mixtes, composés de personnes de même sexe ou de sexe différent, pourront dès lors bénéficier de cette possibilité qui leur sera ouverte de se marier à l’étranger auprès des autorités consulaires françaises, lorsque cela est possible, ou sur le territoire français, auprès de leurs proches. Il s’agit d’une demande de nos compatriotes outre-frontières, qui conservent bien souvent de fortes attaches en France, et dont les familles et amis n’auraient pas nécessairement les moyens matériels de les rejoindre à l’étranger pour assister à la célébration de leur union.
Mme la présidente. L’amendement n° 105, présenté par M. Yung, Mme Lepage et M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le précédent.
Il y a quelques instants, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont souligné l’apport de l’Assemblée nationale, qui a permis aux Français établis hors de France souhaitant se marier avec un futur conjoint de même sexe, et ne pouvant pas le faire dans leur pays de résidence, de venir s’unir en France.
Dès lors, nous souhaitons, via cet amendement, étendre cette possibilité aux Français de sexe différent qui souhaitent se marier. Faute de quoi, le présent texte créerait une discrimination entre différents types de couples. Il s’agit donc d’une question d’égalité, qui rejoint l’argumentation développée par M. le rapporteur sur l’amendement n° 85 rectifié bis.
À partir du moment où cette possibilité a été ouverte pour les couples homosexuels, nous souhaitons qu’elle soit également accordée aux couples hétérosexuels, qui peuvent effectivement se marier à l’étranger. Tel est l’objet du présent amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 282, présenté par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
1° Après les mots :
ont leur
insérer les mots :
domicile ou leur
2° Remplacer les mots :
des parents des époux
par les mots :
de leurs parents
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 282 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 88 rectifié bis, 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 282 est purement rédactionnel.
J’en viens à l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Gélard ayant échoué à faire supprimer tout l’article, il propose maintenant de le vider de sa substance en supprimant les alinéas 4 et 5. La commission des lois a bien entendu émis un avis défavorable sur l’amendement n° 88 rectifié bis, qui n’aborde pas vraiment le fond du sujet.
Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 sont semblables sur le fond, même si leur rédaction n’est pas identique. De quoi s’agit-il ?
L’article 1er bis D, que M. Gélard voulait supprimer, offre la possibilité à des couples de personnes de même sexe constitués d’un Français et d’un étranger de venir se marier en France si l’homosexualité est criminalisée dans le pays où ils résident. Ces dispositions sont maintenues, puisque les amendements de suppression de cet article ont été rejetés.
Ces trois amendements visent à permettre à tous les couples mixtes franco-étrangers de célébrer leur mariage en France, même si rien ne les empêche de se marier dans le pays où ils sont établis. Or ils peuvent déjà le faire, monsieur Leconte. Selon le droit commun, si l’époux français a encore ses parents, ce qu’on lui souhaite, le couple peut se marier dans la commune de résidence ou du domicile du père ou de la mère. Cela fait quatre possibilités !
La commission des lois a jugé que les possibilités offertes par le projet de loi étaient suffisamment larges et qu’il n’était pas souhaitable de les étendre sans limite pour de simples raisons de convenance. Elle a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à l’amendement n° 88 rectifié bis.
Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 ont le même objet : permettre aux couples hétérosexuels de bénéficier des dispositions applicables aux couples homosexuels. Je rappelle que ces dispositions ont été rendues nécessaires par le fait que, dans les pays où le mariage des couples homosexuels n’est pas admis par la loi, les représentations diplomatiques sont dans l’impossibilité de le célébrer.
Il sera donc loisible à ces couples de choisir de venir se marier en France. Les dispositions qui ont été maintenues dans le texte, malgré les amendements de l’opposition visant à les supprimer, ouvrent la possibilité à tous les couples de se marier dans la commune de résidence des parents, au choix exclusif des époux. Le choix offert aux couples hétérosexuels est donc plus large qu’auparavant, quand le code civil limitait le choix à la commune de résidence de l’un des époux.
Les couples hétérosexuels ne sont pas dans la même situation que les couples homosexuels. Pour ces derniers, si le mariage ne peut pas être célébré à l‘étranger, il y aurait rupture d’égalité entre Français vivant en France et Français résidant à l’étranger. Pour les couples hétérosexuels, le mariage peut être célébré dans nos représentations diplomatiques et ces couples pourront choisir de venir se marier en France, en bénéficiant désormais d’une plus grande souplesse de domiciliation.
Pour ces raisons, tout en en comprenant l’esprit dans lequel ils ont été proposés, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. En revanche, il est favorable à l’amendement n° 282.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 88 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. L’amendement n° 88 rectifié bis est très pertinent. Mais l’article 1er ayant été adopté, vous nous avez répondu, madame le garde des sceaux, que nous sommes coincés et que nous ne pouvons pas supprimer les alinéas visés.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas coincée : je suis cohérente !
M. Gérard Longuet. C’est précisément par cohérence avec leur ligne de conduite que ceux qui sont opposés au mariage homosexuel, dont je suis, voteront l’amendement du doyen Gélard.
Une autre raison devrait interpeller ceux de nos collègues qui sont favorables au mariage homosexuel. Malgré tout le respect que j’ai pour la commission des lois et pour l’excellent travail de M. le rapporteur, le projet de loi ne traite pas tous les problèmes rencontrés par nos compatriotes vivant dans des pays qui n’acceptent pas le mariage homosexuel. Je pense en particulier à des communautés dont la population n’est pas anecdotique.
Vous avez offert la possibilité de célébrer le mariage dans la dernière commune de résidence en métropole de l’époux ou dans la commune de résidence des parents. Vous affirmez que, avec quatre possibilités, on devrait bien trouver une commune de rattachement en France. Vous auriez raison s’il n’y avait pas, de part le monde, des pays qui accueillent de façon durable et quantitativement significative des populations qui restent françaises et attachées à la France.
Prenons l’exemple de Pondichéry, vieux comptoir français avec Yanaon, Chandernagor, Mahé, Karikal,…
M. Marc Daunis. C’est la leçon de géographie du soir !
M. Gérard Longuet. … où vit une importante communauté française qui n’est plus rattachée par parents, grands-parents ou arrière-grands-parents à une commune de résidence en métropole.
Ses habitants furent français avant les Lorrains, puisque Pondichéry était français sous Louis XIV alors qu’il a fallu attendre la mort de Stanislas, en 1766, pour que les Lorrains le deviennent. Voilà donc de vieux Français, qui restent Français de génération en génération, sans être rattachés à aucune commune de la métropole. Or vous allez les priver de la possibilité de se marier sans altérité, parce que vous n’avez pas prévu ce cas particulier.
Je n’ai peut-être pas bien compris, me direz-vous, ce qui est fort possible – avec le temps, l’usure, on finit par ne plus tout comprendre –, mais j’ai le sentiment que votre restriction est trop forte et méconnaît le droit des familles qui ont l’intention d’organiser un mariage homosexuel alors qu’elles sont coupées depuis plusieurs générations d’une résidence métropolitaine au sein de la République.
L’adoption de l’amendement du doyen Gélard ne serait pas une remise en cause en appel de l’article 1er. Cet article a été voté, dont acte ! Elle permettrait d’appeler l’attention du Gouvernement afin de susciter une solution qui pourrait advenir à la faveur de la navette.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Longuet, le problème que vous soulevez est réglé : ces Français, y compris ceux de Pondichéry, pourront se marier dans la commune de leur choix.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je retiens de l’intervention de M. Longuet que l’on peut appartenir à la communauté nationale tout en résidant à l’étranger depuis des générations. Voilà pourquoi nous devons adopter l’un des trois amendements ouvrant la possibilité aux couples hétérosexuels de venir se marier en France. C’est une question d’égalité !
Certes, les couples hétérosexuels peuvent se marier au consulat, mais il paraît logique que le droit qui est offert aux couples homosexuels leur soit également ouvert. Il existe en effet beaucoup de Français établis à l’étranger depuis des générations. Pour eux, la référence aux parents n’est pas pertinente.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Le projet de loi écarte, sous condition de résidence en France ou de nationalité française de l’autre époux, la loi de l’époux étranger en tant qu’elle fait obstacle au mariage entre personnes de même sexe. Cette exception déroge à la règle traditionnelle du droit international privé français en matière de mariage et sera donc privée d’effets lorsqu’une convention bilatérale comporte des dispositions contraires. Il aurait été meilleur, pour des raisons de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi, d’introduire explicitement cette réserve.
J’ajoute que l’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages qualifiés de boiteux, car ils produiront des effets en France mais s’avéreront nuls selon la loi étrangère des époux.
Dans des hypothèses exceptionnelles, mais qui doivent être prises en considération, ces mariages peuvent même exposer certains des étrangers concernés à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. Il serait donc bon d’informer les officiers de l’état civil afin que ceux-ci indiquent aux futurs mariés qu’ils sont susceptibles de se retrouver exposés à ces sanctions pénales dès lors qu’ils retourneront dans leur pays.
Il est important de prévoir des dispositions en ce sens. C’est la raison pour laquelle je ne voterai évidemment pas ce texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 105.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 282.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis D, modifié.
(L’article 1er bis D est adopté.)
Organisation des travaux

Article 1er bis D
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Article 1er bis
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, je me fais l’interprète de nombre de nos collègues qui, à ce stade, s’interrogent sur le déroulement de nos travaux.
Il est une heure quarante-cinq. Le Sénat a commencé à examiner ce texte aujourd’hui à quatorze heures trente. Nous avons eu des échanges extrêmement riches et nous nous préparons à aborder un sujet majeur dans la mesure où l’article 1er bis concerne les dispositions relatives à la filiation adoptive.
De plus, je précise que la conférence des présidents n’avait pas prévu que le Sénat siège cette nuit. Dans ces conditions, je vous demande de lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission est à toute heure à la disposition du Sénat, et elle est prête à avancer sur ce sujet important.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Franchement, je suis en pleine forme ! Nous pouvons donc passer la nuit ensemble. (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Cela étant, il revient à la Haute Assemblée de décider souverainement l’heure à laquelle elle souhaite arrêter ses travaux. Le Gouvernement est à sa disposition et se soumettra à la décision qui sera prise.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. J’ai bien entendu les propos de notre collègue François Zocchetto, mais on pourrait avancer encore un petit peu. Si vous en êtes d’accord, mes chers collègues, on pourrait arrêter nos travaux vers deux heures trente. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste. – Non ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Cécile Cukierman. Trois heures !
M. François Rebsamen. J’essaie de trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. Prenez cela comme une avancée, mes chers collègues de l’opposition !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, madame la présidente.
Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes.
J’indique qu’il reste 221 amendements à examiner.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’avez-vous décidé, madame la présidente ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Marques d’approbation sur certaines travées.)
M. Charles Revet. Nous entamons un article très important !
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, il m’avait semblé que la proposition que vous venez de formuler recueillait l’assentiment général.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Certains de nos collègues ne sont pas encore revenus de la réunion du groupe !
M. Jean-Pierre Caffet. J’ai eu l’impression que plusieurs de nos collègues de l’opposition étaient d’accord.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tant que vous êtes entre vous, il n’y a pas de problème !
M. Jean-Pierre Caffet. Puis-je m’exprimer ?...
Pour ma part, j’adhère à la proposition de Mme la présidente. Nous pourrions ainsi lever la séance à deux heures trente.
M. Alain Bertrand. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’appelle donc en discussion l’article 1er bis.
CHAPITRE IER BIS
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT
Organisation des travaux
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Organisation des travaux
Article 1er bis
Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article. (Plusieurs membres de l’UMP regagnent l’hémicycle.)
Mme Laurence Cohen. Je vois que nos collègues reviennent…
Sans nier l’attachement des couples homosexuels à pouvoir se présenter, comme tout autre couple, devant un maire pour se jurer amour, fidélité et assistance, il est évident que, bien plus que la question de l’union en elle-même, c’est celle de la filiation qui est aujourd’hui le grand enjeu du projet de loi que nous examinons. C’est en tout cas – on le remarque au travers des différentes interventions – le point sur lequel se sont cristallisées, et continuent de se cristalliser, les principales oppositions.
C’est bien l’idée que l’on se fait de la famille – je devrais d’ailleurs dire « des familles » – qui est mise ici en débat. Pour certains, la famille serait enfermée dans les carcans du mariage, alors que nous estimons, pour notre part, qu’elle les dépasse largement.
Quoi qu’il en soit, débattre du désir de fonder une famille dans le cadre du mariage ou en dehors est de notre responsabilité, car il est enfin temps de reconnaître le désir de parentalité de tous les couples.
Reconnaître ce désir revient non pas à assouvir une revendication égoïste d’un droit à l’enfant, mais à reconnaître simplement une volonté légitime de donner à un enfant des droits en matière de sécurité affective et matérielle.
Comme contre-argument, on nous invoque l’intérêt de l’enfant à être élevé par un homme et une femme. Mais nous vous rappelons que le droit actuel autorise les célibataires – cela a d’ailleurs été dit à plusieurs reprises –, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, à adopter un enfant. Dès lors, pourquoi ne pas le permettre aux couples homosexuels ? Il n’y a pas de droit à être élevé par un homme et une femme, sinon, de nombreuses familles monoparentales seraient hors la loi.
L’intérêt de l’enfant n’est que prétexte, car rien ne démontre qu’un enfant élevé par un couple homosexuel serait plus en souffrance qu’un autre. Les risques psychologiques et physiologiques invoqués ne sont, à mon sens, que des risques fantasmés.
Au contraire, c’est essentiellement l’intérêt de l’enfant qui guide le Gouvernement et les membres de la majorité. L’intérêt de cet enfant commande que celui-ci puisse bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi. Or cette protection est fragilisée par le fait que l’un des deux parents n’a aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève avec son conjoint.
Le projet de loi ouvre deux possibilités, l’adoption de l’enfant du conjoint et l’adoption conjointe, qui permettront de remédier à cette situation. L’article 1er bis est donc tout à fait bienvenu.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Organisation des travaux (suite)

Article 1er bis
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Article 1er bis (début)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Je souhaite lancer un appel à la réflexion collective, en ce début de journée…
Avec l’examen de l’article 1er bis, nous abordons l’un des sujets majeurs du projet de loi, mais aussi de notre engagement : l’enfant. Cette question de l’enfant au travers de la famille est-il bien raisonnable de l’aborder à cette heure avancée, d’une manière tronçonnée, avec quelques prises de parole et la présentation de morceaux d’amendements, avant que la suite de la discussion ne soit renvoyée à cet après-midi ?
Je trouve qu’il serait plus raisonnable d’avoir un débat cohérent et construit.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme sous la présidence Larcher ?
M. Gérard Larcher. Nous tous, quelle que soit notre position, ne donnons pas collectivement l’impression que nous traitons de la filiation et de l’enfant d’une manière qui ne serait ni approfondie ni respectueuse de la question majeure que nous sommes sur le point d’aborder.
Voilà pourquoi, madame la présidente, je vous demande solennellement que nous puissions interrompre nos travaux pour reprendre la discussion du projet de loi cet après-midi, dans les conditions de dignité et de sérénité qui conviennent à une question majeure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Mme Isabelle Debré. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Larcher, j’ai proposé au Sénat d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je consulte le Sénat sur cette proposition.
(La proposition est adoptée.) – (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. J’observe que le nom de Mme Cohen ne figure pas sur la liste des orateurs inscrits sur l’article 1er bis.
Mme Cécile Cukierman. Elle s’est inscrite en séance !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Apprenez le règlement, madame Debré : pour une prise de parole, on peut s’inscrire à tout moment !
Mme Isabelle Debré. Il a été annoncé que la séance serait levée à deux heures trente, après les prises de parole sur l’article 1er bis. Or nous ne savons pas quel sera le nombre de prises de parole, et il est tout à fait possible que, à deux heures trente, tous les orateurs désireux d’intervenir n’aient pas eu le temps de s’exprimer. Autrement dit, nous risquons de devoir encore une fois scinder la discussion. Je trouve que cette méthode n’est ni sérieuse ni raisonnable lorsqu’on aborde une question aussi importante que celle des enfants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous assistons à des débats ubuesques.
Chers collègues de l’opposition, vous avez le droit d’user de tous les moyens prévus par le règlement du Sénat. Seulement, puisque vous parlez de respect et de débat sérieux, je vous rappelle que, depuis jeudi soir, nous connaissons le sujet de chaque article. On ne peut donc pas, comme vous l’avez déjà fait vendredi dernier, utiliser tout au long de la journée les procédés que notre règlement met à la disposition de chacun d’entre nous et, soudainement, dès que l’heure avance, demander le report de l’examen d’un article qui soulève des questions sérieuses.
J’ai le sentiment que, depuis jeudi, vous décidez de l’organisation de nos débats : quand vous en avez marre de trop intervenir, il faudrait qu’on s’arrête pour revenir le lendemain. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Le problème, c’est que ce ne peut pas être le groupe UMP qui dicte le calendrier et la méthode de travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Non, madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, très solennellement mais sans aucune agressivité.
Je constate d’abord que l’ordre du jour de nos travaux prévoyait une séance pour ce soir et non pour cette nuit.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Philippe Bas. Je constate ensuite qu’il est tôt ce mercredi matin et que nous abordons un sujet qui est aussi important que celui de l’article 1er.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Philippe Bas. Je n’ai pas de doute sur le fait que, sur l’ensemble des travées, nos collègues ont à cœur que le débat se déroule dans de bonnes conditions. Dès lors, je ne vois pas comment nous allons faire si nous tronçonnons la discussion.
Si certains d’entre nous prennent maintenant la parole sur l’article 1er bis, quelques minutes avant la levée de la séance, les uns et les autres, parce que nous sommes humains, nous aurons oublié ce qui aura été dit lorsque nous reprendrons l’examen du projet de loi, de sorte que nous serons obligés de nous répéter. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Caffet. C’est indigne de vous !
Mme la présidente. Monsieur Bas, ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Philippe Bas. Le temps que nous croyons gagner par des travaux nocturnes, nous le perdrons cet après-midi parce qu’il faudra tout recommencer.
Je suis de bonne volonté et, comme Mme la garde des sceaux, je suis tout à fait disponible et en forme ; je me sens jeune, comme vous tous…
M. Jean-Pierre Caffet. Eh bien, continuons !
M. Philippe Bas. Seulement, il y a un moment où le travail ne se fait pas dans de bonnes conditions. Or je souhaite que le débat se déroule dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. Monsieur Bas, si vous ne voulez pas vous exprimer sur l’article 1er bis, je considérerai que vous renoncez à votre prise de parole… (M. Philippe Bas regagne sa place et croise les bras.)
La parole est à M. Gérard Larcher, sur l’article. (M. Gérard Larcher fait un signe de refus.)
La parole est à M. François Zocchetto, sur l’article.
M. François Zocchetto. Je suis moi aussi contraint de faire un rappel au règlement, car je n’imaginais pas que la discussion évoluerait de cette façon.
Mes chers collègues, vous avez bien compris qu’il n’est pas possible de poursuivre nos travaux à cette heure avancée compte tenu de l’importance de l’article 1er bis, qui a trait à l’adoption.
M. Gérard Larcher. Ce n’est évidemment pas raisonnable !
M. François Zocchetto. Procéder par un vote alors que les avis sont presque également partagés n’est pas une bonne méthode. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Pour que la conférence des présidents se réunisse, il faut que deux groupes le demandent. Dans les circonstances présentes, je demande, au nom du groupe UDI-UC, la réunion de la conférence des présidents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Mme Isabelle Debré. La réunion de la conférence des présidents a été demandée !
Mme la présidente. Elle n’est pas de droit.
M. Philippe Bas. Si !
M. François Zocchetto. Madame la présidente, je n’insisterais pas si nous n’avions pas organisé nos travaux de façon aussi détaillée lors des deux dernières réunions de la conférence des présidents.
Avec le président de la commission des lois, nous avons pris soin de mettre au point le calendrier le plus approprié, et nous n’avons pas souhaité prévoir une séance dans la nuit de mardi à mercredi.
M. Gérard Larcher. Absolument !
Mme la présidente. Je vais suspendre la séance…
Mme Catherine Troendle. Le groupe UMP demande également la réunion de la conférence des présidents. (La séance est suspendue ! sur les travées du groupe socialiste.) Elle est donc demandée par deux groupes !
Mme la présidente. Je suspends la séance pour cinq minutes, afin que nous puissions nous entendre sur l’organisation de la suite de nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures dix, est reprise à deux heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Mes chers collègues, le temps passe, et il est deux heures quinze. Pour que nos débats se poursuivent demain et jusqu’à jeudi soir dans la sérénité qui sied à la Haute Assemblée, je propose que nous interrompions nos travaux à deux heures trente, comme je l’avais suggéré. D’ici là, madame la présidente, nous pourrions, si tout le monde en est d’accord, commencer les prises de parole sur l’article 1er bis.
Mme Isabelle Debré. Nous y consentons, pour vous être agréables !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La paix nocturne à deux heures dix-huit… (Sourires.)
Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur cette proposition.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Organisation des travaux
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Article 1er bis (interruption de la discussion)
Article 1er bis (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée auprès de Mme la ministre des affaires sociales, chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le magistrat Michel, madame le rapporteur pour avis,…
M. Alain Néri. Vous le faites un peu longuet !
M. Philippe Bas. … mes chers collègues,…
M. Marc Daunis. Saluez Portalis aussi !
M. Philippe Bas. … je me résous, malgré l’heure matinale, à présenter les observations générales que m’inspire l’article 1er bis, qui est en réalité un ensemble d’articles.
Je le disais précédemment, de mon point de vue, que mon groupe partage, on est sans doute là au cœur du projet de loi. En effet, l’article que nous nous apprêtons à examiner décline, de manière explicite ou implicite, toutes les conséquences des dispositions figurant à l’article 1er, qui a été adopté à notre grand regret.
Contrairement à ce qu’on dit souvent, le mariage par lui-même n’est pas une simple cérémonie, pas plus qu’un ensemble d’engagements mutuels entre deux époux. C’est avant tout une institution qui n’existe dans le code civil que parce que la société y trouve intérêt, puisqu’elle fait de la famille sa cellule de base. Par conséquent, le plus important dans l’institution du mariage est bien sûr le cadre offert pour le développement de la vie familiale, c’est-à-dire pour les enfants.
De ce point de vue, nous l’avons dit et redit,…
M. Alain Néri. Redit, c’est vrai !
M. Charles Revet. À force, ça va rentrer !
M. Philippe Bas. … la différence fondamentale de situation qui existe, selon nous, entre couples de personnes de sexe opposé et couple de personnes de même sexe aurait dû nous conduire naturellement à rechercher d’autres solutions que le mariage pour régler les problèmes familiaux qui existent dans les familles, que nous reconnaissons également, constituées par deux personnes de même sexe.
Nous voyons se dérouler un certain nombre de dispositions ayant pour but de faire en sorte que deux adultes de même sexe, en quelque sorte des coparents, soient à égalité de droits et de devoirs vis-à-vis d’un enfant.
À nos yeux, la difficulté d’une telle structure, c’est qu’elle comporte soit deux mères soit deux pères. L’enfant, quelles que soient les qualités éducatives de ses deux parents, quels que soient les sentiments qu’ils se portent l’un à l’autre et quels que soient les sentiments qu’ils lui portent, ne pourra combler le manque qui est à la racine de sa vie familiale. Car un enfant qui a deux pères, c’est toujours un orphelin de mère. Et un enfant qui a deux mères, c’est toujours un orphelin de père. Nous savons bien que, si la vie permet à tout enfant grandissant dans une telle situation de s’épanouir, le manque qu’il ressent est irréparable. Ceux qui, parmi nous, l’ont ressenti dans leur enfance – il y en a, bien sûr – ne diront pas le contraire.
Je constate ainsi que, contrairement à ce que vous avez prétendu en parlant de « mariage pour tous » – ce n’était qu’un slogan, bien vite abandonné, qui ne figure pas dans le projet de loi –, il y aura, du point de vue de l’enfant, plusieurs formes de mariage. Je laisse de côté, naturellement, le cas du foyer formé par un homme et une femme, dans lequel l’enfant devient l’enfant de son père par application de la présomption de paternité, qui ne nécessite aucun acte juridique particulier.
Pour ce qui concerne les foyers composés de deux femmes mariées, cas prévu par le texte…
M. Alain Néri. C’est fini !
M. Philippe Bas. Vous vous êtes suffisamment plaint tout à l’heure que je ne parle pas pour me laisser terminer mon raisonnement !
Dans les foyers composés de deux femmes, celle qui met au monde l’enfant sera sa mère, mais son épouse ne sera pas automatiquement sa deuxième mère : il faudra en effet un jugement d’adoption. Cela montre bien qu’il y a deux types de mariage : un mariage dans lequel l’enfant est, sans décision juridique particulière, l’enfant des deux membres du couple et un autre mariage, dans lequel l’enfant ne peut que devenir l’enfant des deux membres du couple.
Mme Laurence Cohen. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d’une minute !
M. Philippe Bas. Ne voulant pas, madame la présidente, que vous ayez à me rappeler à votre tour le temps de parole qui m’est imparti, je conclus.
Mme la présidente. Achevez votre raisonnement, cela en vaut la peine…
M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame la présidente.
Nous aurons aussi des couples d’hommes, dans lesquels peut survenir l’enfant par le recours à l’étranger à la gestation pour autrui. Or notre droit, et à cet égard j’apprécie la fermeté du Président de la République, empêche radicalement la reconnaissance de la paternité et de la maternité de l’enfant conçu par une mère porteuse à l’étranger. Ce couple d’époux, à la différence du couple d’épouses que je viens d’évoquer, ne pourra même pas faire reconnaître sa coparenté à l’égard des enfants. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Trois mariages là où il n’y en avait qu’un : tel est le résultat de ce projet de loi, qui dissocie l’institution du mariage et qui créera de très nombreux problèmes vis-à-vis des enfants.
Mme Laurence Cohen. Et le temps de parole ?
M. Philippe Bas. J’aurai l’occasion, si vous le permettez, madame la présidente, de revenir tout à l’heure (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) sur les graves problèmes de conventionnalité que cela posera, puisque la Cour européenne des droits de l’homme, …
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Bas.
M. Philippe Bas. … sur la base d’un contentieux noué avec l’Autriche, a déjà affirmé qu’on peut choisir de ne pas permettre le mariage de couples de personnes de même sexe, mais que, dans le cas contraire, il faut respecter le principe d’égalité et ne pas créer des régimes différents. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Alain Néri. Comme le disait Boileau, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » ! On n’a rien compris !
M. Philippe Bas. Je vous réexpliquerai volontiers, mon cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
M. Daniel Raoul. Faites-nous une explication de texte, monsieur Longuet !
M. André Reichardt. C’était pourtant très clair !
M. Gérard Longuet. Le débat qui s’instaure est intéressant, continuez…
Mme la présidente. Monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole à cet instant, car, comme l’a dit Philippe Bas, l’adoption est au cœur du projet de loi. À quoi servirait-il d’autoriser le mariage homosexuel si l’on n’ouvrait pas la perspective aux couples stables et qui le souhaitent d’organiser une continuité grâce au bonheur d’éduquer un ou plusieurs enfants ?
L’adoption – c’est un aspect essentiel du projet de loi – est ouverte de droit aux personnes mariées. M. Gélard a rappelé dans son intervention générale que l’adoption était cependant, y compris et d’abord pour le mariage hétérosexuel qui est fondé sur l’altérité, une solution exceptionnelle dont le recours s’explique par des raisons particulières. L’adoption n’a jamais été conçue comme un mode de continuité familiale. L’adoption, le doyen Gélard le rappelait avec justesse, était possible pour les couples hétérosexuels qui avaient l’intention d’assurer la transmission d’un patrimoine ou d’un nom. Ils surmontaient ainsi l’obstacle que leur imposait la nature, car tous les couples hétérosexuels ne sont pas nécessairement procréatifs. C’est donc une adoption exceptionnelle, qui est à fois importante et utile, mais parfaitement minoritaire.
Vous ouvrez, nous en parlerons tout au long de la discussion de l’article 1er bis, une continuité de premier exercice, une sorte de droit à l’adoption. Je ne reviendrai pas en cet instant sur l’impossibilité matérielle d’apporter la probabilité d’une réponse positive à ces couples, qui seront nécessairement déçus puisque le nombre d’enfants à adopter a diminué. Je voudrais insister sur un point qui m’a choqué lors de la discussion générale. L’un de nos collègues du groupe socialiste nous a dit : « Vous refusez le mariage homosexuel, parce qu’il ne peut pas engendrer naturellement. Dès lors, vous devriez interdire tous les mariages hétérosexuels qui ne débouchent pas sur la procréation. »
Tous les mariages hétérosexuels ne débouchent pas nécessairement en effet sur la procréation, l’adoption n’étant qu’une suppléance à laquelle il est recouru de façon très minoritaire.
Selon moi, il y a une différence fondamentale entre un état de nature nécessaire mais non suffisant et une situation absolument impossible. Le mariage hétérosexuel ouvre la possibilité de la procréation, c’est une condition nécessaire. Nous sommes tous d’accord sur le fait que ce n’est pas une condition suffisante. L’âge, la fertilité font que la procréation n’est pas certaine. Nous avons cependant toujours autorisé le mariage, y compris lorsque la probabilité de la procréation n’était pas établie, pour une bonne raison qui s’articule autour de deux arguments.
La bonne raison, c’est que, dans le cas des couples hétérosexuels, la condition nécessaire est satisfaite. Dès lors, les deux conjoints ont tout loisir de prendre en compte d’autres possibilités. L’adoption possède alors un caractère parfaitement supplétif, d’autant que les progrès de la science, et notamment de la PMA, accessible aux couples hétérosexuels pour lesquels une insuffisante fertilité a été constatée, leur rendent une espérance.
Mme Cécile Cukierman. Plus de cinq minutes déjà !
M. Gérard Longuet. Avec le mariage homosexuel, que vous avez accepté en adoptant l’article 1er, vous ouvrez un droit à l’adoption, que vous ne pourrez pas satisfaire, et vous créez une injustice profonde entre deux types de couples : les couples hétérosexuels, qui ont la condition nécessaire pour accéder à la procréation, sachant par ailleurs que cette condition nécessaire n’est, hélas, pas toujours suffisante, et les couples homosexuels, pour lesquels vous autorisez l’accès à l’adoption, alors qu’ils ne répondent pas à l’obligation de nécessité et se placent hors du cadre des conditions suffisantes complémentaires, telles que l’âge ou la fertilité.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Longuet : vous dépassez largement votre temps de parole !
M. Gérard Longuet. Je suis vraiment désolé ! Je vais donc interrompre mon propos. Ce n’est pas grave, puisque nous nous retrouverons demain ou, plus exactement, cet après-midi. J’aurai alors l’occasion de préciser ma pensée au cours de l’examen des amendements.
Vous me rappelez à l’ordre, madame la présidente, en me demandant de conclure. C’est une juste cause, puisqu’il vous faut lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. Sachez, mes chers collègues, qu’il reste 216 amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Article 1er bis (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
6
ORDRE DU JOUR

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 avril 2013, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 avril 2013, à deux heures trente.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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