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lundi 15 janvier 2018

Séance du 8 avril 2013

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.
M. David Assouline. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 29 ter du règlement du Sénat.
Nos débats, tout le monde en convient, sont de bonne tenue, mais je tiens à dire solennellement que nous ne pourrons les poursuivre librement, dans le climat dépassant toutes les bornes qui est entretenu à l’extérieur de cet hémicycle, si nous ne dénonçons pas avec force la pression absolument inadmissible qui s’exerce sur la représentation nationale.
Comme vous le savez tous, le matin du jour où nous avons entamé l’examen du présent texte, une manifestation s’est déroulée devant le domicile privé de Mme Jouanno. Vendredi soir, pendant que nous débattions, un local du parti socialiste a été saccagé près d’ici. Ce week-end, les choses se sont accélérées : dans la nuit de samedi à dimanche, les locaux où l’Inter-LGBT organise le « printemps des assoces » ont également été saccagés par des personnes qui ont filmé leurs actes.
Chaque fois, les slogans, les mots d’ordre étaient ceux de la manifestation contre le mariage pour tous. Ils ont été relayés par certains dans cet hémicycle. Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale est empêché de prendre la parole lors de ses déplacements ; ce fut le cas notamment à Saint-Etienne.
Les menaces se multiplient, nous sommes inondés de messages agressifs, allant bien au-delà de la simple sollicitation des parlementaires pour qu’ils ne votent pas tel ou tel texte…
M. Roland Courteau. C’est inadmissible !
M. David Assouline. « Crève ! », ai-je ainsi pu lire sur ma page Facebook. Ce message provenait d’opposants tout à fait identifiés au mariage des homosexuels.
Le groupe socialiste appelle les responsables des partis républicains siégeant dans les assemblées à prononcer des paroles fortes pour condamner ces actes. Prenons garde à ne pas délégitimer le Parlement : au cours des débats, notamment lors de la discussion de la motion référendaire,…
M. Christian Cambon. Parlons-en, du référendum !
M. David Assouline. … il a été dit qu’il n’est pas légitime que ce soit le Parlement qui décide sur cette question. En entendant de tels propos, certains, à l’extérieur de notre hémicycle, peuvent se sentir autorisés à sortir du cadre légal. Je demande à ceux qui sont opposés à ce projet de loi de condamner fermement et solennellement ces méthodes, ces pressions. Un sursaut est absolument nécessaire dans le contexte actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si vous aviez organisé un véritable débat, nous n’en serions pas là !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour un rappel au règlement.
M. Dominique de Legge. Monsieur Assouline, nous sommes bien évidemment tous opposés aux pressions de tous ordres, à commencer par celles qui viseraient à contraindre notre liberté de vote et de conscience. Je pense pouvoir dire que démonstration a été faite qu’une telle liberté existe au sein du groupe UMP. Par conséquent, nous ne sommes pas concernés par les propos que vous venez de tenir.
Un sénateur du groupe UMP. Tout à fait !
M. Dominique de Legge. Lors de la discussion de la motion référendaire, qui a occupé presque toute la journée de vendredi,…
M. Christian Cambon. Et la nuit !
M. Dominique de Legge. … il nous a été expliqué, notamment par vous, qu’organiser un référendum sur l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe serait contraire à la Constitution, car il s’agit d’un problème sociétal.
Or un revirement complet est survenu pendant le week-end : un grand spécialiste de la morale publique et politique, à savoir M. Harlem Désir, demande maintenant un référendum sur la moralisation de la vie politique. Apparemment, ce qui était vrai vendredi ne l’est donc plus aujourd’hui… J’aimerais que l’on nous explique pourquoi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. Acte est donné de ces rappels au règlement.
3
Articles additionnels avant l’article 1er (suite) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels avant l’article 1er
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre Ier, des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.
CHAPITRE IER (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AU MARIAGE
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. Nous en sommes parvenus aux avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements nos 4 rectifié bis, 6, 169 rectifié ter, 192 rectifié et 22 rectifié ter, faisant l’objet d’une discussion commune.
Ces amendements ont déjà été présentés ; pour la clarté des débats, j’en rappelle cependant les termes :
L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle, MM. Bas, Portelli et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Husson, est ainsi libellé :
A – Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre XIII du livre Ier est ainsi rédigé :
« TITRE XIII
« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ, DU CONCUBINAGE ET DE L’UNION CIVILE » ;
2° Le même titre XIII est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« De l’union civile
« Section 1
« Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter une union civile
« Art. 515-8-1. – L’union civile est contractée par deux personnes majeures de même sexe.
« Art. 515-8-2. – Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration de l’union civile d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves.
« Art. 515-8-3. – Il n’y a pas d’union civile lorsqu’il n’y a point de consentement.
« Art. 515-8-4. – L’union civile d’un Français, même contracté à l’étranger, requiert sa présence.
« Art. 515-8-5. – On ne peut contracter une seconde union civile avant la dissolution de la première.
« Art. 515-8-6. – Les mineurs ne peuvent contracter une union civile sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement.
« Art. 515-8-7. – Si l’un des deux est mort ou s’il est dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit.
« Il n’est pas nécessaire de produire l’acte de décès du père ou de la mère de l’un des futurs conjoints lorsque le conjoint ou les père et mère du défunt attestent ce décès sous serment.
« Si la résidence actuelle du père ou de la mère est inconnue, et s’il n’a pas donné de ses nouvelles depuis un an, il pourra être procédé à la célébration de l’union civile si l’enfant et celui de ses père et mère qui donnera son consentement en fait la déclaration sous serment.
« Du tout, il sera fait mention sur l’acte de l’union civile.
« Le faux serment prêté dans les cas prévus au présent article et aux articles suivants du présent chapitre sera puni des peines édictées par l’article 434-13 du code pénal.
« Art. 515-8-8. – Si le père et la mère sont morts, ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les aïeuls et aïeules les remplacent ; s’il y a dissentiment entre l’aïeul et l’aïeule de la même ligne, ou s’il y a dissentiment entre les deux lignes, ce partage emporte consentement.
« Si la résidence actuelle des père et mère est inconnue et s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an, il pourra être procédé à la célébration de l’union civile si les aïeuls et aïeules ainsi que l’enfant lui-même en font la déclaration sous serment. Il en est de même si, un ou plusieurs aïeuls ou aïeules donnant leur consentement à l’union civile, la résidence actuelle des autres aïeuls ou aïeules est inconnue et s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an.
« Art. 515-8-9. – La production de l’expédition, réduite au dispositif, du jugement qui aurait déclaré l’absence ou aurait ordonné l’enquête sur l’absence des père et mère, aïeuls ou aïeules de l’un des futurs conjoints équivaudra à la production de leurs actes de décès dans les cas prévus aux articles 515-8-7, 515-8-8 et 515-8-14.
« Art. 515-8-10. – Le dissentiment entre le père et la mère, entre l’aïeul et l’aïeule de la même ligne, ou entre aïeuls des deux lignes peut être constaté par un notaire, requis par le futur conjoint et instrumentant sans le concours d’un deuxième notaire ni de témoins, qui notifiera l’union projetée à celui ou à ceux des père, mère ou aïeuls dont le consentement n’est pas encore obtenu.
« L’acte de notification énonce les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs conjoints, de leurs pères et mères, ou, le cas échéant, de leurs aïeuls, ainsi que le lieu où sera célébrée l’union civile.
« Il contient aussi déclaration que cette notification est faite en vue d’obtenir le consentement non encore accordé et que, à défaut, il sera passé outre à la célébration de l’union civile.
« Art. 515-8-11. – Le dissentiment des ascendants peut également être constaté soit par une lettre dont la signature est légalisée et qui est adressée à l’officier de l’état civil qui doit célébrer l’union civile, soit par un acte dressé dans la forme prévue par le deuxième alinéa de l’article 73.
« Les actes énumérés au présent article et à l’article 515-8-10 sont visés pour timbre et enregistrés gratis.
« Art. 515-8-12. – Les officiers de l’état civil qui auraient procédé à la célébration des unions civiles contractées par des fils ou filles n’ayant pas atteint l’âge de dix-huit ans accomplis sans que le consentement des pères et mères, celui des aïeuls ou aïeules et celui du conseil de famille, dans le cas où il est requis, soit énoncé dans l’acte de l’union civile, seront, à la diligence des parties intéressées ou du procureur de la République près le tribunal de grande instance de l’arrondissement où l’union civile aura été célébrée, condamnés à l’amende portée en l’article 515-8-51 du code civil.
« Art. 515-8-13. – L’officier de l’état civil qui n’aura pas exigé la justification de la notification prescrite par l’article 515-8-10 sera condamné à l’amende prévue par l’article 515-8-12.
« Art. 515-8-14. – S’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter une union civile sans le consentement du conseil de famille.
« Art. 515-8-15. – Si la résidence actuelle de ceux des ascendants du mineur de dix-huit ans dont le décès n’est pas établi est inconnue et si ces ascendants n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an, le mineur en fera la déclaration sous serment devant le juge des tutelles de sa résidence, assisté de son greffier, dans son cabinet, et le juge des tutelles en donnera acte.
« Le juge des tutelles notifiera ce serment au conseil de famille, qui statuera sur la demande d’autorisation à contracter une union civile. Toutefois, le mineur pourra prêter directement serment en présence des membres du conseil de famille.
« Art. 515-8-16. – En ligne directe, l’union civile est prohibée entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne.
« Art. 515-8-17. – En ligne collatérale, l’union civile est prohibée, entre deux frères ou deux sœurs.
« Art. 515-8-18. – L’union civile est encore prohibée entre l’oncle et le neveu, la tante et la nièce.
« Art. 515-8-19. – Néanmoins, il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :
« 1° par l’article 515-8-16 aux unions civiles entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée ;
« 2° par l’article 515-8-18 aux unions civiles entre l’oncle et le neveu, la tante et la nièce.
« Section 2
« Des formalités relatives à la célébration de l’union civile
« Art. 515-8-20. – L’union civile sera célébrée publiquement devant l’officier de l’état civil de la commune où l’un des époux aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63-1, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l’article 515-8-22.
« Art. 515-8-21. – La publication ordonnée à l’article 63-1 sera faite à la mairie du lieu de célébration de l’union civile et à celle du lieu où chacun des futurs conjoints a son domicile ou, à défaut de domicile, sa résidence.
« Art. 515-8-22. – Le procureur de la République dans l’arrondissement duquel sera célébrée l’union civile peut dispenser, pour des causes graves, de la publication et de tout délai ou de l’affichage de la publication seulement.
« Art. 515-8-23. – Le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration de l’union civile en cas de décès de l’un des futurs conjoints, dès lors qu’une réunion suffisante de faits établit sans équivoque son consentement.
« Dans ce cas, les effets de l’union civile remontent à la date du jour précédant celui du décès du conjoint.
« Toutefois, cette union civile n’entraîne aucun droit de succession ab intestat au profit du conjoint survivant et aucun régime matrimonial n’est réputé avoir existé entre les conjoints.
« Section 3
« De l’union civile des français à l’étranger
« Art. 515-8-24. – L’union civile contractée en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable si elle a été célébrée dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions contenues à la section 1 du présent chapitre.
« Il en est de même de l’union civile célébrée par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
« Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration d’une union civile entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret.
« Art. 515-8-25. – Lorsqu’elle est célébrée par une autorité étrangère, l’union civile d’un Français doit être précédée de la délivrance d’un certificat de capacité à contracter une union civile établi après l’accomplissement, auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage, des prescriptions prévues à l’article 63-1.
« Sous réserve des dispenses prévues à l’article 515-8-22, la publication prévue à l’article 63-1 est également faite auprès de l’officier de l’état civil ou de l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où le futur conjoint français a son domicile ou sa résidence.
« Art. 515-8-26. – À la demande de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration de l’union civile, l’audition des futurs conjoints prévue à l’article 63-1 est réalisée par l’officier de l’état civil du lieu du domicile ou de résidence en France du ou des futurs conjoints, ou par l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente en cas de domicile ou de résidence à l’étranger.
« Art. 515-8-27. – Lorsque des indices sérieux laissent présumer que l’union civile envisagée encourt la nullité au titre des articles 515-8-1, 515-8-3, 515-8-4, 515-8-5, 515-8-16, 515-8-17, 515-8-18, 515-8-42 ou 515-8-51, l’autorité diplomatique ou consulaire saisit sans délai le procureur de la République compétent et en informe les intéressés.
« Le procureur de la République peut, dans le délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître par une décision motivée, à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration de l’union civile est envisagée et aux intéressés, qu’il s’oppose à cette célébration.
« La mainlevée de l’opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance conformément aux dispositions des articles 515-8-39 et 515-8-40 par les futurs conjoints, même mineurs.
« Art. 515-8-28. – Pour être opposable aux tiers en France, l’acte d’union civile d’un Français célébrée par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l’état civil français. En l’absence de transcription, l’union civile d’un Français, valablement célébrée par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l’égard des conjoints.
« Les futurs conjoints sont informés des règles prévues au premier alinéa à l’occasion de la délivrance du certificat de capacité à contracter une union civile.
« La demande de transcription est faite auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique compétente au regard du lieu de célébration de l’union civile.
« Art. 515-8-29. – Lorsque l’union civile a été célébrée malgré l’opposition du procureur de la République, l’officier de l’état civil consulaire ne peut transcrire l’acte d’union civile étranger sur les registres.
« Art. 515-8-30. – Lorsque l’union civile a été célébrée en contravention aux dispositions de l’article 515-8-25, la transcription est précédée de l’audition des conjoints, ensemble ou séparément, par l’autorité diplomatique ou consulaire. Toutefois, si cette dernière dispose d’informations établissant que la validité de l’union civile n’est pas en cause au regard des articles 515-8-3 et 515-8-42, elle peut, par décision motivée, faire procéder à la transcription sans audition préalable des conjoints.
« À la demande de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration de l’union civile, l’audition est réalisée par l’officier de l’état civil du lieu du domicile ou de résidence en France des conjoints, ou par l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente si les conjoints ont leur domicile ou résidence à l’étranger. La réalisation de l’audition peut être déléguée à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents.
« Lorsque des indices sérieux laissent présumer que l’union civile célébrée devant une autorité étrangère encourt la nullité au titre des articles 515-8-1, 515-8-3, 515-8-4, 515-8-5, 515-8-16, 515-8-17, 515-8-18, 515-8-42 ou 515-8-51, l’autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l’acte en informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription.
« Le procureur de la République se prononce sur la transcription dans les six mois à compter de sa saisine.
« S’il ne s’est pas prononcé à l’échéance de ce délai ou s’il s’oppose à la transcription, les conjoints peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu’il soit statué sur la transcription de l’union civile. Le tribunal de grande instance statue dans le mois. En cas d’appel, la cour statue dans le même délai.
« Dans le cas où le procureur de la République demande, dans le délai de six mois, la nullité de l’union civile, il ordonne que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge. Jusqu’à la décision de celui-ci, une expédition de l’acte transcrit ne peut être délivrée qu’aux autorités judiciaires ou avec l’autorisation du procureur de la République.
« Art. 515-8-31. – Lorsque les formalités prévues à l’article 515-8-25 ont été respectées et que l’union civile a été célébrée dans les formes usitées dans le pays, il est procédé à sa transcription sur les registres de l’état civil à moins que des éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux laissent présumer que l’union civile encourt la nullité au titre des articles 515-8-1, 515-8-3, 515-8-4, 515-8-5, 515-8-16, 515-8-17, 515-8-18, 515-8-42 ou 515-8-51. Dans ce dernier cas, l’autorité diplomatique ou consulaire, après avoir procédé à l’audition des conjoints, ensemble ou séparément, informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription.
« À la demande de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration de l’union civile, l’audition est réalisée par l’officier de l’état civil du lieu du domicile ou de résidence en France des conjoints, ou par l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente si les conjoints ont leur domicile ou résidence à l’étranger. La réalisation de l’audition peut être déléguée à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents.
« Le procureur de la République dispose d’un délai de six mois à compter de sa saisine pour demander la nullité de l’union civile. Dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa de l’article 515-8-30 sont applicables.
« Si le procureur de la République ne s’est pas prononcé dans le délai de six mois, l’autorité diplomatique ou consulaire transcrit l’acte. La transcription ne fait pas obstacle à la possibilité de poursuivre ultérieurement l’annulation de l’union civile en application des articles 515-8-42 et 515-8-46.
« Section 4
« Des oppositions à l’union civile
« Art. 515-8-32. – Le droit de former opposition à la célébration de l’union civile appartient à la personne engagée par mariage ou par une union civile avec l’une des deux parties contractantes.
« Art. 515-8-33. – Le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition à l’union civile de leurs enfants et descendants, même majeurs.
« Après mainlevée judiciaire d’une opposition à une union civile formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration.
« Art. 515-8-34. – À défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants :
« 1° Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 515-8-14, n’a pas été obtenu ;
« 2° Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur conjoint ; cette opposition, dont le tribunal pourra prononcer mainlevée pure et simple, ne sera jamais reçue qu’à la charge, par l’opposant, de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
« Art. 515-8-35. – Dans les deux cas prévus par l’article 515-8-34, le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer.
« Art. 515-8-36. – Le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité de l’union civile.
« Art. 515-8-37. – Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63-1, que l’union civile envisagée est susceptible d’être annulée au titre de l’article 515-8-4 ou 515-8-42, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés.
« Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder à l’union civile, soit de faire opposition à celle-ci, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
« La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
« À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder à l’union civile ou s’il s’oppose à sa célébration.
« L’un ou l’autre des futurs conjoints, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.
« Art. 515-8-38. – Tout acte d’opposition énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former. Il contient également les motifs de l’opposition, reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition et contient élection de domicile dans le lieu où l’union civile doit être célébrée. Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 515-8-27 le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.
« Les prescriptions mentionnées au premier alinéa sont prévues à peine de nullité et de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition.
« Après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. Il peut être renouvelé, sauf dans le cas visé par le deuxième alinéa de l’article 515-8-33.
« Toutefois, lorsque l’opposition est faite par le ministère public, elle ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire.
« Art. 515-8-39. – Le tribunal de grande instance prononcera dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs conjoints, même mineurs.
« Art. 515-8-40. – S’il y a appel, il sera statué dans les dix jours et, si le jugement dont est appel a donné mainlevée de l’opposition, la cour devra statuer même d’office.
« Art. 515-8-41. – Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts.
« Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.
« Section 5
« Des demandes en nullité d’union civile
« Art. 515-8-42. – L’union civile qui a été contractée sans le consentement libre des deux conjoints, ou de l’un d’eux, ne peut être attaquée que par les conjoints, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les conjoints ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité d’union civile.
« S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité de l’union civile.
« Art. 515-8-43. – Dans le cas de l’article 515-8-42, la demande en nullité n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de la célébration de l’union civile.
« Art. 515-8-44. – L’union civile contractée sans le consentement des père et mère, des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire, ne peut être attaquée que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux conjoints qui avait besoin de ce consentement.
« Art. 515-8-45. – L’action en nullité ne peut plus être intentée ni par les conjoints, ni par les parents dont le consentement était requis, toutes les fois que l’union civile a été approuvée expressément ou tacitement par ceux dont le consentement était nécessaire, ou lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de leur part, depuis qu’ils ont eu connaissance de l’union civile. Elle ne peut être intentée non plus par le conjoint, lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de sa part, depuis qu’il a atteint l’âge compétent pour consentir par lui-même à une union civile.
« Art. 515-8-46. – Toute union civile contractée en contravention aux dispositions contenues aux articles 515-8-1, 515-8-3, 515-8-4, 515-8-5, 515-8-16, 515-8-17, 515-8-18, peut être attaquée, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les conjoints eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.
« Art. 515-8-47. – Dans tous les cas où, conformément à l’article 515-8-46, l’action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont un intérêt, elle peut l’être par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d’un mariage précédent, du vivant des deux conjoints, mais seulement lorsqu’ils y ont un intérêt né et actuel.
« Art. 515-8-48. – Le conjoint au préjudice duquel a été contractée une seconde union civile peut en demander la nullité, du vivant même de l’époux qui était engagé avec lui.
« Art. 515-8-49. – Si les nouveaux conjoints opposent la nullité de la première union civile, la validité ou la nullité de cette union civile doit être jugée préalablement.
« Art. 515-8-50. – Le procureur de la République, dans tous les cas auxquels s’applique l’article 515-8-46, peut et doit demander la nullité de l’union civile, du vivant des deux conjoints, et les faire condamner à se séparer.
« Art. 515-8-51. – Toute union civile qui n’a point été contractée publiquement, et qui n’a point été célébrée devant l’officier public compétent, peut être attaquée, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, par les conjoints eux-mêmes, par les père et mère, par les ascendants et par tous ceux qui y ont un intérêt né et actuel, ainsi que par le ministère public.
« Art. 515-8-52. – Si l’union civile n’a point été précédée de la publication requise ou s’il n’a pas été obtenu des dispenses permises par la loi, ou si les intervalles prescrits entre les publications et la célébration n’ont point été observés, le procureur de la République fera prononcer contre l’officier public une amende qui ne pourra excéder 4,5 euros et contre les parties contractantes, ou ceux sous la puissance desquels elles ont agi, une amende proportionnée à leur fortune.
« Art. 515-8-53. – Les peines prononcées par l’article 515-8-52 seront encourues par les personnes qui y sont désignées, pour toute contravention aux règles prescrites par l’article 515-8-20, alors même que ces contraventions ne seraient pas jugées suffisantes pour faire prononcer la nullité de l’union civile.
« Art. 515-8-54. – Nul ne peut réclamer le titre de conjoint et les effets civils de l’union civile, s’il ne représente un acte de célébration inscrit sur le registre de l’état civil ; sauf les cas prévus par l’article 46, au titre Des actes de l’état civil.
« Art. 515-8-55. – La possession d’état ne pourra dispenser les prétendus conjoints qui l’invoqueront respectivement, de représenter l’acte de célébration de l’union civile devant l’officier de l’état civil.
« Art. 515-8-56. – Lorsqu’il y a possession d’état, et que l’acte de célébration de l’union civile devant l’officier de l’état civil est représenté, les conjoints sont respectivement non recevables à demander la nullité de cet acte.
« Art. 515-8-57. – Si néanmoins, dans le cas des articles 515-8-54 et 515-8-55, il existe des enfants adoptés selon les procédures du chapitre II du titre VIII du livre Ier de deux individus qui ont vécu publiquement comme conjoints, et qui soient tous deux décédés, la légitimité de ces enfants adoptés ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l’acte de célébration, toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession d’état qui n’est point contredite par l’acte de naissance.
« Art. 515-8-58. – Lorsque la preuve d’une célébration légale de l’union civile se trouve acquise par le résultat d’une procédure criminelle, l’inscription du jugement sur les registres de l’état civil assure à l’union civile, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils, tant à l’égard des époux qu’à l’égard des enfants adoptés selon les procédures du chapitre II du titre VIII du livre Ier.
« Art. 515-8-59. – Si les conjoints ou l’un d’eux sont décédés sans avoir découvert la fraude, l’action criminelle peut être intentée par tous ceux qui ont intérêt de faire déclarer l’union civile valable, et par le procureur de la République.
« Art. 515-8-60. – Si l’officier public est décédé lors de la découverte de la fraude, l’action sera dirigée au civil contre ses héritiers, par le procureur de la République, en présence des parties intéressées, et sur leur dénonciation.
« Art. 515-8-61. – L’union civile qui a été déclarée nulle produit, néanmoins, ses effets à l’égard des conjoints, lorsqu’elle a été contractée de bonne foi.
« Si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des époux, le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux.
« Art. 515-8-62. – Elle produit aussi ses effets à l’égard des enfants adoptés selon les procédures du chapitre II du titre VIII du livre Ier, quand bien même aucun des conjoints n’aurait été de bonne foi.
« Le juge statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale comme en matière de divorce.
« Section 6
« Des devoirs et des droits respectifs des conjoints
« Art. 515-8-63. – Les conjoints se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.
« Art. 515-8-64. – Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des conjoints aux charges de l’union civile, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
« Si l’un des conjoints ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile.
« Art. 515-8-65. – Les conjoints s’obligent mutuellement à une communauté de vie.
« La résidence des conjoints est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord.
« Les conjoints ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous.
« Art. 515-8-66. – Chaque conjoint a la pleine capacité de droit ; mais ses droits et pouvoirs peuvent être limités par l’effet du régime matrimonial et des dispositions du présent chapitre.
« Art. 515-8-67. – Un conjoint peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt des conjoints.
« L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable au conjoint dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle.
« Art. 515-8-68. – Un conjoint peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue.
« Il peut, dans tous les cas, révoquer librement ce mandat.
« Art. 515-8-69. – Si l’un des conjoints se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge.
« À défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un conjoint en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires.
« Art. 515-8-70. – Chacun des conjoints a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
« La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
« Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux conjoints, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
« Art. 515-8-71. – Si l’un des conjoints manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.
« Il peut notamment interdire à ce conjoint de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.
« La durée des mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans.
« Art. 515-8-72. – Si l’ordonnance porte interdiction de faire des actes de disposition sur des biens dont l’aliénation est sujette à publicité, elle doit être publiée à la diligence du conjoint requérant.
« Cette publication cesse de produire effet à l’expiration de la période déterminée par l’ordonnance, sauf à la partie intéressée à obtenir dans l’intervalle une ordonnance modificative, qui sera publiée de la même manière.
« Si l’ordonnance porte interdiction de disposer des meubles corporels, ou de les déplacer, elle est signifiée par le requérant à son conjoint, et a pour effet de rendre celui-ci gardien responsable des meubles dans les mêmes conditions qu’un saisi. Signifiée à un tiers, elle le constitue de mauvaise foi.
« Art. 515-8-73. – Sont annulables, à la demande du conjoint requérant, tous les actes accomplis en violation de l’ordonnance, s’ils ont été passés avec un tiers de mauvaise foi, ou même s’agissant d’un bien dont l’aliénation est sujette à publicité, s’ils sont simplement postérieurs à la publication prévue par l’article 515-8-72.
« L’action en nullité est ouverte à l’époux requérant pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée, si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.
« Art. 515-8-74. – Chacun des conjoints peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel.
« À l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la rupture de l’union civile, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt.
« Art. 515-8-75. – Si l’un des conjoints se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte.
« Cette disposition n’est pas applicable aux meubles meublants visés au troisième alinéa de l’article 515-8-65, non plus qu’aux meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint conformément à l’article 1404.
« Art. 515-8-76. – Chaque conjoint peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges de l’union civile.
« Art. 515-8-77. – Chacun des conjoints administre, oblige et aliène seul ses biens personnels.
« Art. 515-8-78. – Les dispositions de la présente section, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet de l’union civile, quel que soit le régime matrimonial des époux.
« Section 7
« De la dissolution de l’union civile
« Art. 515-8-79. – L’union civile se dissout :
« 1° Par la mort de l’un des conjoints ;
« 2° Par la rupture légalement prononcée ;
« 3° Par le mariage de l’un des conjoints. » ;
3° L’intitulé du titre V du livre III est ainsi rédigé :
« Du contrat de mariage et d’union civile et des régimes matrimoniaux » ;
4° Après le c de l’article 34, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« c bis) des conjoints dans les actes d’union civile ; »
5° À l’article 46, après le mot : « mariages, », sont insérés les mots : « unions civiles, » ;
6° Après l’article 63, il est inséré un article 63-1 ainsi rédigé :
« Art. 63-1. – Avant la célébration de l’union civile, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs conjoints, ainsi que le lieu où l’union civile devra être célébrée.
« La publication prévue au premier alinéa ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l’article 515-8-22, la célébration de l’union civile est subordonnée :
« 1° À la remise, pour chacun des futurs conjoints, des indications ou pièces suivantes :
« - La copie intégrale de l’acte de naissance remise par chacun des futurs conjoints à l’officier de l’état civil qui doit célébrer leur union civile ne doit pas dater de plus de trois mois si elle a été délivrée en France et de plus de six mois si elle a été délivrée dans un consulat.
« - Celui des futurs conjoints qui serait dans l’impossibilité de se procurer cet acte pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété délivré par un notaire ou, à l’étranger, par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises compétentes. L’acte de notoriété est établi sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document produit qui attestent des prénoms, nom, profession et domicile du futur époux et de ceux de ses père et mère s’ils sont connus, du lieu et, autant que possible, de l’époque de la naissance et des causes qui empêchent de produire l’acte de naissance. L’acte de notoriété est signé par le notaire ou l’autorité diplomatique ou consulaire et par les témoins.
« - la justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;
« - l’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque l’union civile doit être célébrée par une autorité étrangère ;
« 2° À l’audition commune des futurs conjoints, sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 515-8-3 et 515-8-42.
« L’officier de l’état civil, s’il l’estime nécessaire, demande à s’entretenir séparément avec l’un ou l’autre des futurs conjoints.
« L’audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.
« L’officier de l’état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l’état civil de la commune la réalisation de l’audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l’un des futurs conjoints réside à l’étranger, l’officier de l’état civil peut demander à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à son audition.
« L’autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents la réalisation de l’audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l’un des futurs conjoints réside dans un pays autre que celui de la célébration, l’autorité diplomatique ou consulaire peut demander à l’officier de l’état civil territorialement compétent de procéder à son audition.
« L’officier d’état civil qui ne se conformera pas aux prescriptions des alinéas précédents sera poursuivi devant le tribunal de grande instance et puni d’une amende de 3 à 30 euros. »
II. – Les dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile telle que le 1° du I du présent article le prévoit.
B – En conséquence, chapitre Ier, intitulé
Remplacer les mots :
au mariage
par les mots :
à l’union civile
L’amendement n° 6, présenté par MM. Cointat et Frassa, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre XIII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
A. – L’intitulé de ce titre est ainsi rédigé :
« TITRE XIII – DE L’UNION CIVILE, DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITE
ET DU CONCUBINAGE »
B – Avant le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier A ainsi rédigé :
« Chapitre Ier A
« De l’union civile
« Art. 515-1 A – Deux personnes physiques majeures célibataires peuvent s’allier en concluant un contrat d’union civile.
« Art. 515-1 B – Les alliés se doivent mutuellement fidélité, respect, secours et assistance.
« Ils s’obligent également à une communauté de vie.
« Art. 515-1 C – Le contrat d’union civile est conclu devant l’officier de l’état civil compétent pour la célébration d’un mariage.
« L’officier de l’état civil demande aux intéressés s’ils entendent conclure un contrat d’union civile. Il leur lit un résumé des droits et obligations des alliés, établi par le décret prévu à l’article 515-1 J et leur fait signer le contrat.
« Art. 515-1 D – Le contrat, ses modifications et la déclaration de dissolution du contrat doivent être déposés au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les alliés fixent leur résidence commune.
« Art. 515-1 E – I. – Sont applicables au contrat d’union civile les dispositions relatives :
« – aux conflits de loi ;
« – aux qualités et conditions pour contracter mariage ;
« – à la résidence commune et aux droits par lesquels est assuré le logement commun des alliés et des meubles meublants dont il est garni au nom de famille des conjoints ;
« – à la contribution aux charges du mariage ;
« – à la représentation des époux dans les actes de la vie civile notamment en matière de mandat, en cas d’empêchement de manifestation de la volonté et dans les cas où l’un des conjoints met en péril les intérêts du couple ;
« – à la capacité des époux en matière d’exercice d’une profession, de perception et dispositions des gains et salaires, d’administration, de disposition et d’aliénation des biens personnels des époux ;
« – aux régimes matrimoniaux ;
« – aux successions et aux libéralités entre époux.
« II. – Pour l’application du I, sont substitués :
« – les alliés aux conjoints, époux et épouse ou mari et femme ;
« – la signature du contrat à la célébration du mariage ;
« – le régime patrimonial de l’union aux régimes matrimoniaux.
« Art. 515-1 F – L’union civile prend fin par :
« 1° le décès de l’un des alliés ;
« 2° la dissolution de l’union résultant d’une déclaration conjointe des alliés ou d’une déclaration unilatérale de l’un d’entre eux faite à la mairie du lieu d’enregistrement du contrat. L’allié qui décide de mettre fin au contrat le fait signifier préalablement à l’autre.
« La dissolution du contrat d’union civile prend effet, dans les rapports entre les alliés, à la date de la déclaration.
« Elle est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies.
« Aucun allié ne peut contracter mariage, ni un nouveau contrat d’union civile ni un pacte civil de solidarité sans qu’il soit préalablement mis fin au contrat d’union civile.
« Art. 515-1 G – En cas de cessation du contrat, un notaire choisi d’un commun accord par les alliés ou, à défaut, par le juge aux affaires familiales, établit l’acte de liquidation et procède aux publicités de dissolution.
« À défaut d’accord, le juge aux affaires familiales statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi.
« Art. 515-1 H – Mention de la signature du contrat, des modifications qui lui sont apportées en matière patrimoniale et de sa dissolution est portée en marge des actes de naissance des alliés.
« Art. 515-1 I – À l’étranger, les fonctions confiées par le présent article à l’officier d’état civil ou au notaire sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français.
« Art. 515-1 J – Un décret en Conseil d’État détermine, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent chapitre. »
C – La première phrase du premier alinéa de l’article 515-7 du même code est ainsi rédigée :
« Le pacte civil de solidarité se dissout par la mort de l’un des partenaires, la conclusion d’un contrat d’union civile ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. »
II. – Les avantages sociaux et fiscaux attachés au mariage sont étendus à l’union civile.
Pour l’ouverture, la liquidation et le calcul des droits à pensions de retraite, les alliés d’un contrat d’union civile sont assimilés à des conjoints. Il en est de même en matière de pension civile et militaire de retraite.
III. – Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 111-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-12 – Pour l’application du présent code, les étrangers alliés à un Français par un contrat d’union civile sont assimilés à des conjoints. »
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I, II et III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 169 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier, Amoudry et Arthuis, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Vanlerenberghe, Delahaye, Marseille, Bockel, J. Boyer et Dubois, Mme Férat, MM. Roche, J. L. Dupont, Capo-Canellas, Namy, Jarlier, Maurey, Guerriau, Merceron et Tandonnet, Mme Létard et M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre XIII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé :
« Du pacte civil de solidarité, du concubinage et de l’union civile » ;
2° Il est ajouté un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« De l’union civile
« Art. 515-8-... – L’union civile est l’engagement par lequel deux personnes physiques majeures expriment leur consentement libre et éclairé à faire vie commune et à se soumettre aux droits et obligations liées à cet état.
« Art. 515-8-... – Les prohibitions édictées aux articles 161 à 163 sont applicables à l’union civile.
« Les majeurs sous tutelle ne peuvent contracter une union civile qu’avec l’accord du juge des tutelles.
« En cas de curatelle, l’union civile ne peut être célébrée qu’avec l’accord du curateur.
« Art. 515-8-... – L’union civile est célébrée publiquement devant l’officier de l’état civil du lieu de résidence commune des partenaires ou de la résidence de l’un d’eux.
« Avant la célébration de l’union civile, l’officier de l’état civil fait une publication par voie d’affiche à la mairie du lieu de la célébration. Cette publication énonce les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des partenaires.
« Les officiers de l’état civil tiennent des registres d’état civil. Ils font figurer la mention de l’union civile en marge de l’acte de naissance des partenaires de l’union civile.
« Le régime de l’union civile s’applique entre les partenaires dès le consentement de ceux-ci devant l’officier de l’état civil. Les conséquences patrimoniales de l’union civile peuvent être précisées par acte notarié établi avant la célébration.
« Un certificat d’union civile est délivré aux partenaires par le maire à l’issue de la cérémonie.
« L’officier de l’état civil porte mention de l’acte en marge de l’acte de naissance des partenaires.
« L’officier de l’état civil peut déléguer à un adjoint ou à un conseiller municipal de la commune la célébration de l’union et à un fonctionnaire l’accomplissement des formalités et publicité.
« Les dispositions d’ordre patrimonial de l’union civile peuvent être modifiées, en cours d’exécution, par le consentement mutuel des partenaires par acte notarié.
« Art. 515-8-... – Les partenaires ont, en union civile, les mêmes droits et les mêmes obligations.
« Ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.
« Ils s’obligent mutuellement à une communauté de vie.
« Art. 515-8-... – L’union civile a, en ce qui concerne la contribution aux charges, les mêmes effets que le mariage.
« Art. 515-8-... – L’un des deux partenaires peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que l’union civile lui confère. Il peut, dans tous les cas, révoquer librement ce mandat.
« Art. 515-8-... – Toute dette contractée par l’un des partenaires oblige l’autre solidairement.
« La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du contractant.
« Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
« Art. 515-8-... – Le régime des biens de l’union civile est celui de la communauté réduite aux acquêts à moins d’en avoir disposé autrement par acte authentique. Les meubles acquis par les partenaires sont des biens communs à compter du jour de la célébration.
« Tous les autres biens demeurent la propriété personnelle de chaque partenaire, sauf convention contraire. Demeurent toutefois nécessairement la propriété exclusive de chacun les biens ou portions de biens reçus par succession ou acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession.
« Art. 515-8-... – Les partenaires sont assimilés à des conjoints pour la détermination de leurs droits successoraux et des libéralités qu’ils peuvent se consentir.
« Art. 515-8-... – Les avantages sociaux et fiscaux attachés au pacte civil de solidarité sont étendus à l’union civile.
« Art. 515-8-... – L’union civile se dissout par le décès de l’un des partenaires.
« Elle se dissout également par un jugement du tribunal ou par une déclaration commune notariée lorsque la volonté de vie commune des partenaires est irrémédiablement atteinte.
« Les partenaires peuvent consentir, dans une déclaration commune, à la dissolution de leur union.
« À défaut d’une déclaration commune de dissolution reçue devant notaire, la dissolution doit être prononcée par le tribunal.
« La rupture de l’union civile est inscrite sur un registre d’union civile, mention en est faite sur le registre de conclusion de l’union civile et en marge de l’acte de naissance des parties. »
L’amendement n° 192 rectifié, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre XIII du livre Ier du code civil est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Du concubinat
« Art. 515-8-1. – Le concubinat est l’accord de volonté par lequel deux personnes physiques majeures de même sexe ou de sexe différent soumettent leur union à un corps de règles légales ci-dessous développées.
« Art. 515-8-2. – Les prohibitions édictées en droit du mariage aux articles 161 à 163 sont applicables au concubinat.
« Les majeurs sous tutelle ne peuvent contracter un concubinat qu’avec l’accord du juge des tutelles et pendant un intervalle lucide.
« En cas de curatelle, le concubinat ne peut être célébré qu’avec l’accord du curateur.
« Art. 515-8-3. – Les concubins se doivent mutuellement fidélité, respect, secours et assistance.
« Les concubins s’engagent mutuellement à une vie commune.
« Art. 515-8-4. – Le concubinage règle la contribution aux charges de la vie commune. À défaut, les concubins y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
« Art. 515-8-5. – L’un des concubins peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le concubinage lui confère. Ce mandat peut être librement révoqué à tout moment.
« Art. 515-8-6. – Les concubins sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.
« Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives.
« La solidarité n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des concubins, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
« Art. 515-8-7. – L’officier d’état civil compétent pour célébrer le concubinage est celui du lieu de la résidence commune des concubins ou de la résidence de l’un d’eux.
« L’officier d’état civil, après avoir vérifié que les conditions requises à l’article 515-8-2 sont bien réunies, fixe une date de célébration du concubinat.
« Vingt jours avant la célébration, les concubins doivent remettre, à la mairie du lieu de la résidence commune ou de la résidence de l’un des concubins, la copie intégrale de leur acte de naissance datant de moins de trois mois.
« La célébration fait l’objet d’une publicité en mairie pendant les dix jours qui précèdent la cérémonie.
« Au cours de la célébration de l’union, l’officier d’état civil rappelle aux concubins quelles sont leurs obligations réciproques, puis les déclare unis devant la loi en présence d’un ou de deux témoins par concubin.
« Le régime du concubinat s’applique entre concubins dès le consentement de ceux-ci devant l’officier d’état civil. Les conséquences patrimoniales du concubinat peuvent être précisées par acte notarié établi avant la célébration.
« Un certificat de concubinat est délivré aux concubins par le maire à l’issue de la cérémonie.
« L’officier d’état civil porte mention de l’acte en marge de l’acte de naissance des concubins.
« À compter de la mention du concubinat en marge de l’acte de naissance des concubins, celle-ci a date certaine et est opposable aux tiers.
« L’officier de l’état civil peut déléguer à un adjoint ou conseiller municipal de la commune la célébration du concubinat et à un fonctionnaire l’accomplissement des formalités et publicité. Lorsque les concubins, dont l’un au moins est de nationalité française, résident à l’étranger, l’officier de l’état civil peut déléguer cette mission à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente. L’autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer la mission à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil. Le délégataire accomplit les formalités prévues au présent article.
« Les dispositions d’ordre patrimonial du concubinat peuvent être modifiées, en cours d’exécution, par le consentement mutuel des concubins par acte notarié.
« À l’étranger, les concubins dont l’un au moins est de nationalité française peuvent compléter ou modifier les conséquences patrimoniales du concubinat par un acte enregistré auprès des agents diplomatiques et consulaires français.
« Art. 515-8-8. – Les meubles acquis par les concubins sont des biens communs à compter du jour de la célébration.
« Tous les autres biens demeurent la propriété personnelle de chaque concubin, sauf convention contraire. Demeurent toutefois nécessairement la propriété exclusive de chacun les biens ou portion de biens reçus par succession ou acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession.
« Art. 515-8-9. – Les concubins sont assimilés à des concubins unis par le mariage pour la détermination de leurs droits successoraux et des libéralités qu’ils peuvent consentir.
« Art. 515-8-10. – Les avantages sociaux et fiscaux attachés au pacte civil de solidarité sont étendus au concubinat.
« Art. 515-8-11. – Le concubinat prend fin par :
« 1° Le décès de l’un des concubins. Le survivant ou tout intéressé adresse copie de l’acte de décès à la mairie qui a reçu l’acte initial ;
« 2° Sa dissolution est prononcée par le juge à la demande de l’un des concubins ou des deux. Le juge prononce la dissolution du concubinat et statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. Le juge rétablit, le cas échéant, l’équilibre des conditions de vie qui existe entre concubins au moment de la dissolution de l’union par l’attribution d’une compensation pécuniaire.
« La date de fin du concubinat est mentionnée en marge de l’acte de naissance des parties à l’acte. ».
« Art.515-8-12. – À compter de la parution au journal officiel des dispositions inscrites dans les précédents articles, le terme de concubinat se substitue au terme du pacte civil de solidarité.
« Art. 515-8-13. - Les engagements prévus dans le cadre du pacte civil de solidarité avant l’application des présentes dispositions restent en vigueur dès lors que les intéressés n’ont pas apporté de modifications juridiques à leur situation de couple.
L’amendement n° 22 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-7 du code civil, après les mots : « le mariage », sont insérés les mots : « ou l’union civile ».
Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mes chers collègues, je regrette d’avoir dû quitter la séance vendredi soir avant son terme. J’avais demandé à M. le président de la commission des lois de me suppléer, ce qu’il est parfaitement en mesure de faire. Cela étant, j’ai été touché par vos réactions à mon absence : je ne pensais pas susciter une telle attente parmi vous ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique de Legge. Qu’un seul être vous manque…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ces cinq amendements en discussion commune sont peut-être les plus importants. En effet, quatre d’entre eux visent à substituer au texte dont nous discutons une autre formule, l’amendement n° 6 de M. Cointat relevant d’un autre esprit ; j’y reviendrai.
L’amendement n° 4 rectifié bis de M. Gélard, qui tend à créer une union civile réservée aux couples de personnes de même sexe, est le fruit d’un travail très important, précédé de nombreuses auditions. Cette union civile va moins loin que le mariage, puisqu’elle ne recouvre pas la parentalité, mais beaucoup plus loin que le PACS, en ce que sont prévus la célébration devant l’officier d’état civil et les devoirs de respect, de fidélité, de secours et d’assistance.
Je me réjouis que ceux qui, hier, s’opposaient au PACS proposent aujourd’hui d’aller au-delà ! Nous sommes tous d’accord sur un point : il est nécessaire d’accorder aux couples de personnes de même sexe un régime juridique plus protecteur que celui du PACS. En revanche, nous ne pouvons être d’accord avec la formule présentée ici, qui tend à substituer totalement, pour ces couples, une union civile au mariage. À cet égard, mais c’est un détail, je tiens à signaler aux signataires de l’amendement que la présomption de paternité n’est pas remise en cause par le projet de loi, qui ne modifie pas le titre VII du livre Ier du code civil, relatif à la filiation.
L’amendement ne prévoit pas la possibilité de l’adoption plénière ni celle de l’adoption simple. Pour des raisons que tout le monde connaît, la fiction de l’adoption plénière ne tient plus aujourd’hui : les enfants adoptés à l’étranger par des couples hétérosexuels voient qu’ils ne ressemblent pas à leurs parents ; dans le cas de couples homosexuels, les enfants comprendront très vite qu’ils ne sont pas issus biologiquement des personnes qui les élèvent. Je me félicite donc que Mme la ministre chargée de la famille ait annoncé que le texte sur la famille à venir porterait notamment sur ce sujet. Cela me semble indispensable.
L’expression « union civile » est empruntée au professeur Hauser, qui l’avait utilisée dans le rapport à lui commandé par Jacques Toubon avant les élections législatives provoquées par la dissolution de 1997 et remis en 1998 à Mme Guigou. Selon plusieurs professeurs de droit, la création d’une union civile, réservée aux seuls couples homosexuels,…
MM. Vincent Delahaye et Christian Cambon. Pas forcément !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … encombrerait le code civil, ce nouveau régime venant s’ajouter au concubinage, désormais légalisé – grâce au Sénat et, en particulier, à votre action, monsieur Gélard –, au PACS et au mariage. Cela fait beaucoup !
En outre, comment réserver l’union civile aux seuls couples homosexuels ? Dans notre droit civil, il n’est pas de coutume qu’un statut ne s’applique qu’à une certaine catégorie de personnes. Je ne suis même pas sûr que ce soit constitutionnel. Ainsi, le PACS avait été ouvert à tous, même s’il était avant tout destiné aux couples homosexuels et réclamé par eux. Aujourd’hui, d’ailleurs, les couples hétérosexuels sont plus nombreux à conclure un PACS que les couples homosexuels.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié bis, tout en saluant le travail important réalisé par M. Gélard et le groupe UMP.
L’amendement n° 169 rectifie ter est semblable au précédent, à la différence près qu’il prévoit d’ouvrir l’union civile à tous les couples. Dans l’esprit de ses rédacteurs, et même s’ils n’ont pas fait le travail de coordination que son adoption imposerait, son dispositif a vocation à se substituer à celui du projet de loi. Par conséquent, nous y sommes également défavorables.
Par l’amendement n° 192 rectifié, M. Revet propose, quant à lui, une formule singulière. En effet, si le dispositif présenté se rapproche des deux précédents, il tend plutôt à créer une sorte de concubinage solidifié, « bétonné », qui viendrait après le concubinage notoire tel que nous l’avions légalisé lorsque le PACS fut créé. Il se substituerait également au mariage pour les couples homosexuels et ne comporte pas de dispositions sur la parentalité. Pour des raisons qu’elle a déjà données, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
La commission des lois a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié ter. Il s’agit, en effet, d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 4 rectifié bis : si, comme le souhaite la commission, ce dernier n’est pas adopté, il n’aura plus d’objet.
J’en viens à l’amendement n° 6 de MM. Cointat et Frassa. Sa discussion aurait à mon avis dû être disjointe de celle des quatre autres amendements, car il répond à une logique différente. En effet, s’il tend lui aussi à instaurer une union civile, il ne vise pas pour autant à se substituer à l’ensemble du projet de loi, dont il conserve le texte tout en prévoyant la mise en place d’un PACS très amélioré, ouvert à tous les couples. Si j’ai bien compris leur pensée quelque peu complexe, ses auteurs se proposent, dans la suite de la discussion, d’apporter des correctifs aux dispositions du projet de loi relatives à l’adoption.
J’ai dit, en commission des lois, tout le bien que je pensais de cet amendement, qui tend à améliorer le régime du PACS, ce que nous n’avions pu faire à l’époque de la création de celui-ci, faute de soutien du gouvernement d’alors. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion à deux reprises, au Sénat, de débattre de ce sujet. Ainsi, j’avais déposé une proposition de loi sur l’adoption par les couples pacsés, dont Mme Des Esgaulx fut la rapporteur et qui fut rejetée ; nous examinerons ultérieurement un amendement portant spécifiquement sur ce point. Par ailleurs, nous avons également eu à débattre d’une proposition de loi de Mme Borvo Cohen-Seat qui visait à améliorer le PACS, sans aller toutefois aussi loin que votre dispositif, monsieur Cointat.
La commission des lois demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable. Quoi qu’il en soit, si l’amendement de M. Cointat était adopté, l’examen du texte se poursuivrait, puisqu’il ne tend pas à se substituer au projet de loi.
Pour que les choses soient claires, la commission des lois a décidé, sur ma proposition, d’inviter les auteurs de l’amendement à déposer une proposition de loi spécifique pour modifier profondément et renforcer le PACS. Nous souhaitons qu’elle puisse être inscrite très rapidement à l’ordre du jour du Sénat, et espérons que le Gouvernement voudra également y mettre du sien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Avant de laisser la parole à Mme la garde des sceaux, je voudrais faire deux remarques.
La première porte sur la création d’une union civile. Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer, la semaine dernière, que cette union civile ressemblait fort à un sous-mariage et que, de la même façon, la négation de l’adoption plénière s’apparentait à la préconisation d’une forme de sous-adoption. Aller dans ce sens reviendrait à rompre avec nos principes universalistes et à s’engager sur la voie du communautarisme.
À ce titre, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, à relire le texte de l’entretien que Nicolas Sarkozy avait accordé au journal Têtu en avril 2012. À cette occasion, il avait tenu les propos suivants :
« En 2007, j’ai pensé qu’on pouvait faire un contrat d’union civile en mairie. Après analyse, les juristes ont indiqué qu’il était anticonstitutionnel de réserver ce contrat d’union civile aux seuls homosexuels, qu’il devait aussi être ouvert aux hétérosexuels. Du coup, ce n’était plus le mariage des homosexuels entre guillemets, mais un substitut au mariage. Dans ces conditions, j’ai estimé, à tort ou à raison, qu’une telle disposition aurait vidé le mariage de tout son sens. »
Vous le voyez, la majorité actuelle et le Gouvernement ne sont pas seuls à contester la pertinence de la création d’une union civile !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous citez Nicolas Sarkozy ; si vraiment vous en êtes arrivés là pour nous convaincre…
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela montre que nous ne sommes pas sectaires ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo à Sarkozy, alors !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Ma seconde remarque fait suite à l’intervention de M. Assouline.
En tant qu’ancien maire du IVe arrondissement de Paris, je tiens à souligner que c’est la première année, depuis plus de dix ans que cet événement a lieu, que le « printemps des assoces » est perturbé.
MM. Henri de Raincourt et Christian Cambon. La faute à qui ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La faute à des gens d’extrême droite !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez pas voulu de débat national !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’accepte tout à fait que l’on puisse avoir une vision de la famille différente de la nôtre. Je respecte tout à fait votre opposition à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. On peut affirmer de telles positions en prenant la parole dans des débats, dans les journaux, mais certainement pas par la violence, le saccage, en ne respectant pas les opinions d’autrui ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez pas voulu de débat national, c’est votre faute !
Mme Cécile Cukierman. Laissez Mme la ministre parler !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je m’étonne que vous n’ayez pas protesté contre le fait que l’on puisse aller manifester devant le domicile d’une ancienne ministre ou qu’il soit impossible que la tenue d’un forum ou d’un débat sur le mariage pour tous ne suscite pas des violences.
M. Christian Cambon. Et les manifestants attaqués par les CRS ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les cinq amendements.
À l’exception de l’amendement de M. Cointat, qui vise davantage à améliorer le régime actuel du PACS, ils relèvent, à quelques nuances près, de la même démarche : il s’agit de mettre en place un quatrième régime juridique dans notre code civil ; le Gouvernement s’y oppose.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien dommage !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements présentent des défauts d’ordre tant pratique que juridique. Par exemple, les conséquences de la dissolution de l’union civile par le juge ne sont pas précisées de façon explicite. En outre, les conséquences de la conclusion d’une union civile sur la nationalité du conjoint ne sont pas non plus spécifiées. Enfin, concernant les régimes sociaux et fiscaux, il est simplement indiqué que les dispositions prévues pour le PACS sont étendues à l’union civile.
Cela étant, ce n’est pas en raison de ces insuffisances juridiques et techniques que le Gouvernement s’oppose à ces amendements : son avis défavorable tient au fait qu’ils tendent à instaurer un régime spécifique, alors qu’il a fait le choix, au travers de ce projet de loi, d’ouvrir l’institution du mariage, telle qu’elle existe actuellement dans notre code civil, aux couples de personnes de même sexe.
C’est donc essentiellement pour une raison de principe que le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. Jean-Claude Gaudin. Dommage !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Madame le garde des sceaux, je ne suis pas d’accord avec vos conclusions.
Si nous proposons de créer une union civile, c’est parce que le mariage ne peut être modifié par la seule loi : il faut que la Constitution prévoie la possibilité, pour le législateur, d’intervenir sur ce sujet.
En effet, l’un des éléments essentiels qui fondent le mariage est l’altérité ; depuis deux millénaires, aucun mariage n’existe sans elle. Or le texte que vous nous proposez ne fait plus référence à l’altérité. Nous admettons parfaitement que les couples de personnes de même sexe puissent s’unir avec solennité. Ils ont droit à cette reconnaissance, mais, en réalité, il s’agit, avec ce projet de loi, de mettre en place un substitut qui aura la forme du mariage, la solennité du mariage, les effets du mariage, mais qui ne sera pas le mariage, faute d’altérité, cet élément nécessaire reconnu par les principes fondamentaux de la République. En somme, ce sera un mariage Canada Dry…
Ce sera d’autant moins un véritable mariage que le couple ainsi formé ne pourra accéder à la parentalité de façon simple, « normale », si l’on peut dire. Il lui faudra recourir à l’adoption ou à des techniques médicales qui, pour l’instant, sont prohibées dans notre droit.
Le risque, je l’ai souligné, est qu’émergent trois statuts différents pour les enfants : certains pourront être adoptés de façon plénière, d’autres seront susceptibles de faire l’objet d’une adoption simple, du moins par l’un des époux, d’autres encore ne pourront pas du tout être adoptés, parce qu’ils auront déjà des parents.
Les juges et les avocats que nous avons entendus n’ont pas manqué de le souligner, le texte que vous nous proposez conduira à toute une série d’aventures.
J’estime que l’union civile était la seule formule pouvant permettre d’aboutir à un compromis. Malheureusement, en rejetant notre proposition, vous vous engagez dans une logique d’opposition évidemment néfaste. Cette opposition crée des tensions que nous ne souhaitons pas, mais que faire ? Vous nous entraînez dans une voie dans laquelle nous ne voulons pas vous suivre. Dès lors, l’affrontement est inévitable. Nous estimons que ce que vous proposez n’est pas un véritable mariage et, pour votre part, vous tenez l’union civile pour impraticable : nous ne pourrons pas nous entendre sur de telles bases. Il est déplorable qu’une concertation préalable beaucoup plus large n’ait pas été conduite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur la plupart des travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. Notre collègue Bruno Gilles souhaitait intervenir à ce moment du débat. Empêché par le décès de sa mère, il m’a demandé de le remplacer, ce que je fais bien volontiers.
L’être humain est issu de l’altérité des sexes. Cette affirmation est incontournable : nous sommes tous nés d’un père et d’une mère. C’est pourquoi le mariage est réservé aux couples constitués d’un homme et d’une femme, avec pour perspective une descendance. Il ne s’agit pas d’un contrat qui consacre l’amour. Il n’est pas réservé aux hétérosexuels, comme on voudrait le faire croire. Tout individu majeur, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, peut parfaitement se marier, mais avec une personne de sexe opposé, puisque c’est le principe fondamental du mariage.
D’ailleurs, la plupart des unions homosexuelles avec enfants sont le résultat de la désunion de parents de sexe différent et dont l’un ou l’autre vit, désormais, avec une personne du même sexe.
La puissance publique ne prend en compte ni les sentiments ni les pratiques sexuelles des individus, qui appartiennent à la sphère privée.
L’institution du mariage en tant qu’union légitime d’un homme et d’une femme est un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis 1804. Avec le mariage, l’État entend protéger la dualité du couple, seul capable de procréer, et l’enfant qui peut en être issu afin de donner au renouvellement des générations un cadre juridique stable. Le mariage n’est pas un droit, c’est un choix qu’un homme et une femme accomplissent.
Malgré l’érosion du nombre de mariages contractés chaque année depuis quelques décennies, ce statut reste très dominant. Quelque 23 millions de personnes, c’est-à-dire 72 % des hommes et des femmes en couple, sont mariées, nous indique l’INSEE dans une étude récente. Les homosexuels vivant en unions stables y sont, eux, estimés à 200 000.
Une minorité gay surmédiatisée, estimée à 1 500 personnes, s’est arrogée une légitimité pour parler au nom des homosexuels dont la majorité ne réclame rien et souhaite vivre en paix.
Le projet de loi nous conduit donc à légiférer pour la minorité d’une minorité, puisque la plupart des homosexuels sont contre ce texte. Le militantisme revendicatif de la LGBT, lesbiennes, gays, bisexuels et trans, et de l’APGL, Association des parents gays et lesbiens, relève donc d’un communautarisme que notre loi fondamentale récuse.
Est-il légitime que le Parlement bouleverse les fondements mêmes de notre société, l’institution du mariage, fondée sur l’altérité des sexes, la famille, pour une proportion si faible de nos compatriotes ? Le Parlement n’a pas à modifier, par un simple projet de loi, une norme consacrée au nom du bien commun par notre République, afin de satisfaire les revendications d’une infime minorité.
En faisant accéder officiellement des unions homosexuelles au mariage et, ce faisant, à l’adoption, le législateur détruira une composante fondamentale de la structure sociale, et par là même de l’ordre constitutionnel.
La règle de droit est faite pour aider la société à vivre. Elle peut y parvenir sans pour autant porter atteinte à des institutions – le mariage, la famille – qui assurent précisément la pérennité de l’ordre social. Les unions homosexuelles sont une réalité, même si elles sont minoritaires. Elles demandent à être respectées. Des conséquences peuvent en être tirées, dès lors qu’elles obéissent aux principes généraux de notre droit. Mais prendre acte des particularismes n’est pas les institutionnaliser. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Ce texte de loi vise deux objectifs : premièrement, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe ; deuxièmement, donner à ces couples l’accès à la paternité et à la maternité, en leur accordant la possibilité d’adopter.
J’observe que si le premier objectif est affiché dans le titre du projet de loi, le second ne l’est pas. Je m’interroge : pourquoi cette dissimulation, pourquoi cette ambiguïté dès le départ ? Parce qu’il s’agit d’un droit lié ; nous parlons d’égalité des droits.
Le sujet dont nous avons à débattre est fondamental. Nous touchons ici au cœur de toute société humaine. Quelle définition de la famille voulons-nous retenir ? Quelle place accordons-nous à l’enfant dans cette famille ? À l’évidence, un débat d’une telle envergure, qui touche au plus profond de l’intime conviction de chacun, méritait mieux et ne peut se trancher en deux semaines de discussion parlementaire.
Vous escamotez le débat et vous refusez de faire confiance au peuple. Je n’entrerai pas dans une bataille de chiffres, mais il est certain que les manifestations qui ont eu lieu étaient quatre fois plus amples qu’indiqué par la préfecture de police.
Quoi qu’il en soit, ces manifestations témoignent des interrogations profondes du peuple français face aux évolutions que vous proposez. En recourant au référendum, vous auriez choisi la clarté ; en vous obstinant dans la voie parlementaire, vous choisissez l’évitement.
On peut être pour ou contre cette réforme, c’est la liberté de chacun. Ce qui n’est en revanche pas acceptable, c’est votre façon d’avancer masqués : dans ce projet de loi, le plus fondamental est non pas ce que vous dites, mais ce que vous ne dites pas.
En ce qui nous concerne, notre position est claire.
Nous sommes soucieux de renforcer la sécurité et d’améliorer le quotidien des couples homosexuels, c’est pourquoi nous proposons une union civile, qui permettrait d’accorder aux couples homosexuels les mêmes droits que ceux dont bénéficient les couples hétérosexuels, d’un point de vue patrimonial. Sur ce point, notre proposition rend d’ailleurs applicable à l’union civile le régime prévu au titre V du livre III du code civil. Ce régime comprend les dispositions applicables pour les couples mariés en ce qui concerne les héritages, les pensions civiles et militaires et la communauté de biens.
Par ailleurs, le texte prévoit plus de solennité, puisque c’était là l’une des revendications des couples homosexuels, avec la publication par voie d’affiche, la célébration publique de l’union devant un officier de l’état civil, des règles de publication.
Toutefois, nous ne souhaitons pas tout mélanger au nom d’un principe d’égalité vide de sens. Nous entendons régler différemment des situations différentes, comme le prévoit la Constitution. D’ailleurs, aucune politique responsable ne peut se tenir en dehors des réalités. Or, en l’espèce, comment pouvons-nous penser un instant pouvoir nous substituer à la nature en reconnaissant aux couples homosexuels un droit à la parenté ?
L’objectif du législateur n’est pas de se substituer à la nature, pas plus que celui de la médecine n’est de pallier une offre défaillante en matière d’adoption. Or, Mme Bertinotti en conviendra, l’adoption se tarit, et c’est une chance. S’il existe un droit à l’enfant, il faudra alors élargir les droits à la procréation médicalement assistée et ouvrir un droit à la gestation pour autrui pour les couples homosexuels et, de fait, pour les couples hétérosexuels qui voudront – pourquoi pas ? – sélectionner leur descendance. Tout cela au nom d’un principe d’égalité appliqué de manière irresponsable !
Alors, me direz-vous, pourquoi n’avez-vous pas mis en place plus tôt une union civile ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Eh oui !
Mme Colette Mélot. D’une part, je crois que les lobbies avaient conscience que, avec nous, les revendications les plus saugrenues ne pourraient pas aboutir. D’autre part, il faut bien admettre que, en temps de crise, nous avions fait le choix de nous concentrer sur les véritables problèmes qui touchent les Français : le chômage, les délocalisations, l’insécurité, la désindustrialisation, etc.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Colette Mélot. En attendant, puisque vous lancez un débat qui s’éloigne progressivement des Français, nous proposons, avec l’union civile, une alternative au mariage pour les couples de personnes de même sexe, car un tel mariage ruinerait la famille.
La famille constitue pourtant le socle de notre société. Personne ne peut dire qu’il se passe sans regret d’une famille. Que direz-vous à ces centaines de milliers d’enfants qui seront privés d’un père ou d’une mère ?
Mme Laurence Rossignol. Vous exagérez un peu les chiffres !
Mme Cécile Cukierman. Et que leur dit-on aujourd’hui ?
Mme Colette Mélot. Comment pourrons-nous répondre aux demandes de ces enfants qui, se fondant sur le principe du droit à la dignité, demanderont à connaître leurs origines ? C’est un drame humain que vous mettez en place. Cela est grave pour l’avenir de la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Au travers de ce projet de loi, le Gouvernement préconise ce qu’il appelle improprement le mariage pour tous. Celui-ci répondrait selon vous, madame le garde des sceaux, à la nécessité d’adapter la législation à l’évolution de notre société. Vous avez dit et redit que l’instauration d’un tel mariage serait un progrès en termes de liberté et d’égalité.
Croyez-vous réellement que ce but sera atteint ? Je pense que, une fois encore, la déception sera au rendez-vous. Le mariage, tel qu’on le connaît depuis des siècles, n’en sortira pas renforcé ; il se trouvera au contraire probablement amoindri. Nombreux d’ailleurs sont aujourd’hui nos compatriotes qui préfèrent vivre en dehors de toute institution. C’est évidemment leur droit.
Le PACS, créé avant tout pour donner plus de droits aux couples homosexuels, est aujourd’hui devenu essentiellement l’apanage des couples hétérosexuels !
Selon l’INSEE, en 2010, seulement 4,45 % des PACS étaient conclus entre deux personnes de même sexe ! Parallèlement, alors que le nombre de PACS a été multiplié par onze entre 2000 et 2010, le nombre de mariages a, de son côté, baissé de 18 % sur la même période. Ainsi, en 2010, 203 000 PACS ont été conclus, tandis que 243 000 mariages ont été célébrés. En outre, nous le savons tous, un mariage sur trois en province et un mariage sur deux à Paris finissent par un divorce. Ainsi, il y a aujourd’hui de plus en plus de familles recomposées, et plus d’un enfant sur deux naît hors mariage. Tout cela est connu et a été rappelé à de nombreuses reprises.
Je ne crois d’ailleurs pas que tous les couples homosexuels tiennent vaille que vaille à se marier !
Voilà pourquoi, avec M. Gélard, nous avons proposé la création d’une union civile républicaine. Cette formule nous paraît tout à fait adaptée aux nécessités du temps. Elle aurait le mérite de renforcer les droits auxquels aspirent légitimement les couples de personnes de même sexe, sans dévoyer pour autant une institution qui a une dimension séculaire, revêt parfois un caractère sacré, puisqu’elle peut s’accompagner d’une célébration religieuse, et, surtout, est profondément liée à la filiation.
L’autorité religieuse a la possibilité de refuser un mariage, mais il n’en sera pas de même pour les maires, malgré les hésitations et les contradictions de M. Hollande sur ce point. Il est tout de même désolant de voir le Président de la République invoquer, d’ailleurs à juste titre, le respect de la « liberté de conscience » des élus devant le congrès de l’Association des maires de France, puis revenir sur ses propres paroles quelques jours après devant les associations de défense des homosexuels… Il s’agit sans doute d’une nouvelle illustration de cette particularité de M. Hollande d’être toujours à la recherche d’un consensus, de ne jamais froisser ses interlocuteurs, d’essayer de contenter tout le monde, quitte parfois, on le voit, à se contredire et à apparaître incohérent.
Au groupe UMP, notre position dans ce débat est claire et ne varie pas. Nous sommes très majoritairement opposés au mariage pour les couples de personnes de même sexe, mais favorables à l’institution d’une union civile et républicaine qui leur permette d’organiser leur vie comme ils l’entendent. L’amendement n° 4 rectifié bis va dans ce sens ; il reçoit notre entière approbation.
J’ajouterai que nous condamnons nous aussi les éventuelles exactions ; nous n’acceptons pas que l’on essaie de nous assimiler à leurs auteurs. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, s’il est flatteur pour lui et pour nous que Mme la ministre chargée de la famille cite le président Nicolas Sarkozy, il est dommage que vous ne vous référiez pas davantage à lui dans d’autres domaines ; la France n’en serait sans doute pas là aujourd’hui ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chauveau. Le nouvel article 143 que vous souhaitez introduire dans le code civil stipule…
Mme Laurence Rossignol. Ce sont les contrats qui stipulent ; les articles du code civil disposent !
M. Jean-Pierre Chauveau. … que le mariage est contracté « par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
Vous avancez l’idée qu’il existerait aujourd’hui une inégalité profonde entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, inégalité que vous cherchez à corriger. Mais vous voyez une discrimination ou une différence de traitement là où les situations ne sont pas identiques. Vous confondez égalité et identité. Il y a des cas où la distinction est pertinente et le traitement en droit différent, sans que cela ait pour conséquence d’établir une discrimination. Les différences de traitement ne constituent pas en soi des inégalités, car il n’y a pas d’injustice juridique, ni d’inégalité de traitement dans des situations factuelles différentes.
Le mariage est avant tout destiné à offrir une structure aux enfants. Or des partenaires de même sexe ne peuvent pas accéder à la procréation, qui suppose l’altérité sexuelle. Le mariage, c’est l’union d’une femme et d’un homme qui s’unissent pour perpétuer l’espèce.
Le dernier alinéa de l’article 75 du code civil précise, au sujet du maire, qu’« il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ ».
L’article 144 du même code dispose que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».
Le code civil précise cette donnée biologique : le mariage implique qu’il s’agit d’un couple hétérosexuel ; souhaiter que le mariage demeure une union entre deux personnes de sexe différent n’est pas porter atteinte aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité fondatrices de la République.
La reconnaissance des couples homosexuels ne doit pas induire une dénaturation du mariage. La société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle. Ou alors, le sentiment amoureux va-t-il devenir l’unique fondement du mariage ? Dans ce cas, où placer les limites ? Pourquoi restreindre le mariage à l’union de deux personnes ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) On pourrait envisager d’ouvrir ce contrat à plus de deux partenaires de même sexe ou de sexe différent. N’est-ce pas un peu discriminant d’exclure du mariage un amant ou une maîtresse, voire les deux ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Sourires sur les travées de l’UMP.) La polygamie existe dans d’autres sociétés et pourrait être souhaitée, au nom du sentiment amoureux, par un certain nombre de nos concitoyens.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. Jean-Pierre Chauveau. Mais restons sérieux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui, s’il vous plaît !
M. Jean-Pierre Chauveau. Si nous décidons de légiférer sur le mariage en nous fondant sur le sentiment amoureux et en en faisant un simple contrat en dehors de toute donnée naturelle, où et comment établir la limite ? Au nom de l’égalité, est-il possible de conférer la même valeur à tous les couples ?
Pour ma part, je réponds non ! On ne peut pas mettre sur le même plan les couples hétérosexuels et les couples homosexuels : une femme et un homme, ce n’est pas la même chose que deux hommes ou deux femmes. Un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfant, parce que la procréation implique obligatoirement et définitivement la rencontre entre une femme et un homme.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est en fait l’ouverture de la possibilité, pour les couples homosexuels, de recourir à l’adoption, puis, comme le Gouvernement nous l’a annoncé dans un second temps, l’ouverture de la possibilité d’accéder à la procréation médicalement assistée.
Je préfère la solution présentée par M. Gélard : une union civile réservée aux couples homosexuels et qui exclurait pour ceux-ci le recours à l’adoption et à la procréation médicalement assistée. Elle permettrait d’éviter de bouleverser les fondements de notre société, tout en garantissant un certain nombre de droits supplémentaires aux couples homosexuels. L’union civile que nous proposons serait une réponse intelligente et respectueuse de tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.
Mme Caroline Cayeux. Dans son avis du 21 janvier 2013, l’Académie des sciences morales et politiques relevait que la réforme proposée conduisait à « une transformation profonde du droit du mariage et de la filiation » en vue de « répondre à la demande de couples de même sexe désireux d’organiser leur vie commune ». Elle estimait donc qu’une « formule plus respectueuse de tous aurait consisté à transformer le PACS conclu par des personnes du même sexe en une union civile comportant pour les partenaires de cette union les mêmes droits et obligations que ceux nés entre conjoints dans le mariage », afin d’épargner aux couples de personnes de sexe différent le préjudice d’une transformation trop radicale.
Bien sûr, le PACS n’était peut-être pas parfait ;…
Mme Laurence Rossignol. Vous étiez déjà contre !
Mme Caroline Cayeux. … nous avions conscience d’un certain nombre d’insuffisances et de limites.
Des insuffisances apparaissent d’abord en termes de protection juridique, puisqu’un partenaire n’est pas héritier de l’autre et qu’un testament est nécessaire. En outre, l’article 39 du code des pensions civiles et militaires exclut le conjoint pacsé du bénéfice de la réversion de la retraite, et les articles du code civil relatifs au régime du PACS ne prévoient pas un régime identique à celui de la communauté de biens.
Des insuffisances existent également en termes de solennité : le PACS est conclu non pas en mairie, mais au tribunal d’instance ou devant notaire.
Il apparaît aujourd’hui normal que les pouvoirs publics s’attachent à sécuriser la situation des couples de personnes de même sexe.
Depuis le début des discussions dans notre assemblée, la majorité n’a de cesse d’évoquer les débats sur le PACS. Il ne m’appartient pas aujourd’hui de faire l’inventaire du travail législatif de la majorité précédente, mais je voudrais souligner que, à l’époque, notre opposition, et celle de tous les Français,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas de tous ! D’un certain nombre !
Mme Caroline Cayeux. … se fondait sur une crainte plus grande, qui a probablement contribué à l’agitation des débats : celle de voir un jour l’institution du mariage fragilisée. Admettez, mes chers collègues, que nous n’étions pas très loin du compte : nous le constatons malheureusement aujourd’hui !
À l’époque, vous aviez promis à la France entière que le mariage resterait ce qu’il est aujourd’hui, à savoir le fondement de la famille, organisée autour d’un homme et d’une femme ; je ne peux que constater qu’il y a eu tromperie !
Aujourd’hui, le PACS ne répond pas forcément, me semble-t-il, à une attente importante des Français, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Toutefois, au vu des chiffres, il peut finalement apparaître comme une étape « prénuptiale » : sur 20 000 ruptures de PACS chaque année, 10 000 sont dues à un mariage entre les deux partenaires.
Nous aurions pu, nous direz-vous, améliorer le régime du PACS. Ce n’est pas la solution que nous vous soumettons, mais nous proposons une alternative au mariage pour les couples de personnes de même sexe, afin d’améliorer leurs conditions de vie sans remettre en cause les droits légitimes des couples hétérosexuels. Comme cela a déjà été précisé, nous préconisons l’instauration d’une union civile, afin de rapprocher la situation des couples homosexuels de celle des couples hétérosexuels du point de vue patrimonial.
Notre projet est sans ambiguïté. Il consiste à rendre le régime matrimonial applicable aux couples homosexuels ayant conclu une union civile. Le II de l’amendement prévoit ainsi que l’ensemble des « dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile ». Les conditions requises pour contracter cette union et les conséquences découlant de celle-ci seront également identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
En revanche, nous limitons les droits extrapatrimoniaux à ceux qui se rattachent à l’adoption simple. Cela nous paraît amplement suffisant au regard des droits qui existent déjà, notamment en matière d’adoption testamentaire et de possession d’état. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui motivent cette limitation des droits extrapatrimoniaux. Elles seront encore évoquées dans les jours à venir.
Vous l’aurez compris, la préférence des membres de notre groupe va à l’instauration d’une union civile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre collègue Colette Mélot a eu raison de rappeler tout à l’heure que ce projet de loi visait deux objectifs.
Le premier, à savoir ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, est clairement annoncé, mais, s’agissant du second, vous avancez masqués : l’ouverture de la possibilité de recourir à l’adoption n’est pas énoncée explicitement.
C’est la raison fondamentale pour laquelle nous proposons d’instaurer l’union civile. En tant que maire, je célèbre beaucoup de mariages. L’union civile, telle que nous la prônons, permettra aux personnes de même sexe qui le souhaiteront de s’unir solennellement devant le maire. Elle engagera chacun des conjoints à la fidélité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), au respect, au secours, à l’assistance envers l’autre, à la contribution aux charges du ménage. Ce n’est pas rien !
Pour ma part, je suis favorable à ce que les couples homosexuels puissent bénéficier de ces avancées en termes de solennité de la célébration et d’engagements patrimoniaux. Je ne suis pas homophobe, que les choses soient bien claires !
M. David Assouline. L’homophobie est punie par la loi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je condamne moi aussi les débordements, mais vous y avez une part de responsabilité.
M. David Assouline. Ah, voilà que c’est notre faute !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Puisque vous n’avez pas voulu d’un grand débat national, les gens s’expriment comme ils le peuvent ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Ce débat national, il fallait l’organiser dès le départ. Vous avez là une responsabilité dont vous ne pouvez pas vous exonérer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. C’est inacceptable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce qui est inacceptable, c’est ce que vous nous avez répondu jeudi et vendredi derniers, notamment à propos du référendum ! Les Français ne sont pas dupes !
M. David Assouline. Incroyable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes responsables devant eux ! Pour ma part, je considère qu’il faut évoluer. Vous, vous n’évoluez pas du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Laurence Rossignol. C’est vrai, vous avez évolué : vous étiez contre le PACS, et maintenant vous être pour !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut évoluer sur cette question de la reconnaissance sociale et du statut juridique des couples homosexuels : nous devons leur garantir la protection de leur vie familiale et leur faciliter la vie quotidienne.
Cette amélioration des droits des couples homosexuels doit passer par la reconnaissance civile de leur union, par une célébration devant le maire, officier d’état civil. Cela leur donnerait des droits fiscaux, sociaux et successoraux identiques à ceux qui découlent du mariage.
Cette solution permettrait de répondre aux demandes légitimes de ces couples tout en préservant l’institution du mariage, qui doit rester le lieu de la filiation. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.) C’est ce point qui nous oppose !
Le dispositif de l’amendement de M. Gélard, que j’ai cosigné, respecte l’amour homosexuel et vise à lui donner de nouveaux droits, une véritable reconnaissance sociale. Il s’agit de donner aux couples homosexuels non seulement des droits, mais aussi des devoirs : c’est un point sur lequel on n’a pas assez insisté !
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais cette reconnaissance sociale a une limite : celle qui tient aux enfants. À cet égard, madame la garde des sceaux, l’article 1er est le socle de votre texte, car le mariage, nous le savons, ouvrira l’accès à l’adoption ainsi qu’à la PMA et à la GPA.
M. André Reichardt. Bien sûr !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est cela que nous ne voulons pas !
L’amendement présenté par M. Gélard est une main tendue par l’opposition à la majorité. C’est nous qui faisons des propositions en vue de rétablir un climat apaisé, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Vous n’avez pas condamné les agressions !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si vous acceptiez cet amendement, notre pays retrouverait la sérénité dont il a besoin sur cette question. Les Français cesseraient de se dresser les uns contre les autres.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je terminerai en disant que ce que nous proposons est la voie de la sagesse. Je pense que, en 1999, la création du PACS était en phase avec la société ; aujourd’hui, c’est l’instauration de l’union civile ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Ce matin, une personne m’a demandé si un certificat d’homosexualité serait requis pour accéder à ce que l’on désigne à tort comme le « mariage homosexuel ». Bien sûr que non, ai-je répondu.
Permettez-moi d’envisager une hypothèse qui, je l’espère, ne se rencontrera que très rarement. Soit un couple hétérosexuel, avec trois ou quatre enfants, qui divorce. Monsieur part de son côté, monte une société. Il a des difficultés avec son ex-femme et apprécie beaucoup son associé qui, pas plus que lui, n’est homosexuel. Imaginons qu’il lui propose le mariage… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vendredi dernier, quelqu’un déclarait que cette loi ne coûterait rien. Je m’inscris en faux contre cette affirmation : vous verrez quelles dérives entraînera l’entrée en vigueur de son dispositif ! Ce matin, j’ai reçu deux personnes venues m’alerter sur ce point.
Je ne cherche absolument pas à polémiquer, je pointe un problème : c’est à tort que l’on parle, à propos de ce texte, de mariage homosexuel. Tous les hommes pourront se marier entre eux, toutes les femmes pourront se marier entre elles, qu’ils soient homosexuels ou non.
Mme Laurence Rossignol. Quelle horreur !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, avant d’expliciter le projet sur l’union civile que nous souhaitons soumettre au Gouvernement, permettez-moi de revenir sur les raisons qui nous amènent à nous opposer à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Vous les connaissez pour la plupart, et nous aurons l’occasion d’y revenir, mais, ces raisons fondant notre proposition, je ne crois pas que la répétition soit, en la circonstance, inutile. En tout état de cause, mieux vaut se répéter que se contredire, et cela nous permettra de relever publiquement, une nouvelle fois, la méprise du Gouvernement, qui nous dit, d’une part, que « seule l’ouverture du mariage aux couples de même sexe paraît être une réponse suffisante aux besoins d’évolution de la société », et, d’autre part, que cette réforme « ne remet pas en cause le droit des couples hétérosexuels ».
En réalité, nos compatriotes savent, pour la plupart, que la réforme que nous examinons depuis quelques jours entraînera un bouleversement très important de notre droit de la famille et qu’elle soulève un très grand nombre d’interrogations d’ordre bioéthique.
Pour votre majorité, la dualité des sexes, qui constitue pourtant la condition sine qua non de la procréation, n’est pas en soi un motif justifiant que le mariage soit réservé aux couples hétérosexuels.
Pourtant, la préservation de cette caractéristique fondamentale du mariage ne peut se comprendre qu’au regard de deux autres principes avec lesquels elle s’articule, à savoir la présomption de paternité et la généalogie claire et lisible reposant sur le principe de la vraisemblance biologique. C’est pour préserver ces deux éléments essentiels qui constituent le socle de la cellule familiale classique que le groupe UMP ne s’est pas prononcé en faveur de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
D’abord, en l’état, le projet de loi va fragiliser la présomption de paternité, qui permet à un père d’établir un lien important entre lui et son enfant, lien qu’il n’a pu créer, contrairement à la mère, durant le développement de l’enfant in utero. On trouve un signe important de cette fragilisation dans le changement de règles en matière de transmission du nom de famille prévu aux articles 2 et 3 du projet de loi.
C’est aussi la nécessité anthropologique d’établir une généalogie claire et lisible qui nous pousse à défendre la « vraisemblance biologique », à la suite de la majorité des psychiatres qui ont été entendus sur ce sujet.
Nous pensons que l’adoption ne devrait pas remettre en cause l’altérité sexuelle, qui permet à l’enfant, dès lors qu’il prend conscience de son adoption, de trouver sa place au sein d’un couple composé d’un homme et d’une femme, qui auraient pu avec vraisemblance être ses parents biologiques. L’enfant fragilisé par la perte de ses parents naturels trouve alors un réconfort dans la vraisemblance biologique de sa nouvelle filiation.
J’évoquerai enfin les questions bioéthiques liées au fait que, nous l’avons compris, le tarissement des offres d’adoption imposera le recours à des PMA et à des GPA « de confort ».
Des zones d’ombre juridiques entachent encore ce projet de loi. Nous pensons notamment qu’il pose des problèmes d’inconstitutionnalité, mais il est inutile de revenir sur ce point ; je ne saurais d’ailleurs me montrer plus clair que M. Gélard sur cette question.
Pour toutes ces raisons, nous proposons l’instauration d’une union civile qui aura l’avantage de sécuriser la situation des couples de personnes de même sexe, notamment à l’égard des enfants qui vivent avec eux, sans remettre en cause les droits légitimes des couples hétérosexuels.
Dans cette perspective, notre projet vise à rendre applicable le régime matrimonial aux couples homosexuels qui auraient conclu une union civile, par l’introduction d’un article mentionnant que « l’ensemble des dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile ». Quant aux conditions requises pour contracter une telle union et aux conséquences qui découleront de celle-ci, elles seront identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
Les pouvoirs publics, au premier rang desquels se trouve le législateur, ont d’ailleurs le devoir de ne pas s’immiscer dans la vie privée des individus ; leur rôle est simplement de définir et d’organiser un modèle social assurant la stabilité et le renouvellement de la société. Voilà en quoi l’intérêt de la famille et celui de l’enfant rejoignent l’intérêt général, que les parlementaires ont mandat de défendre. Pour moi, la liberté des adultes s’arrête là où commence celle des enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais à mon tour plaider pour l’instauration d’une union civile, car cette formule est, à n’en pas douter, juste, sage et équilibrée.
On peut, en effet, ne pas être indifférent aux difficultés et aux inquiétudes des couples homosexuels sans pour autant vouloir bouleverser notre société par la modification des règles du mariage et de la filiation.
Comme l’a dit notre collègue Patrice Gélard, dont je tiens ici à saluer le travail, cette nouvelle institution de l’union civile donnerait les mêmes droits patrimoniaux aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
Il s’agit d’une évolution des droits liés au PACS vers l’égalité que, mesdames les ministres, vous mettez régulièrement en avant dans votre projet de loi. Toutefois, il s’agirait d’une égalité en termes de retraite, de succession, de droit à la pension de réversion, de droits sociaux, de solennité du mariage, etc.
En revanche, ce qu’il n’est vraiment pas envisageable pour nous d’accepter, c’est l’évolution en matière de filiation attachée au mariage prévue dans votre projet de loi. Nous aurons l’occasion de développer amplement ce point lors de l’examen des articles 1er et suivants.
L’union civile que nous proposons d’instaurer ne toucherait donc pas aux règles régissant actuellement la filiation. Une telle solution pourrait satisfaire à la fois les adversaires et les partisans de l’instauration du mariage homosexuel tel que vous le voulez. Elle permettrait surtout de retrouver la sérénité que mérite ce débat, ainsi que Marie-Hélène Des Esgaulx l’a fort justement dit avant moi, avec la passion qui la caractérise ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
D’une part, cela constituerait une avancée importante pour les couples homosexuels, puisque l’union civile répondrait à une réelle attente de leur part en termes de reconnaissance sociale et de sécurité juridique. D’autre part, cela n’aboutirait pas à dévoyer l’institution séculaire qu’est le mariage, à laquelle sont attachés tous ces Français qui, jour après jour, réaffirment leur opposition à votre projet.
C’est la raison pour laquelle j’appelle à voter en faveur de cet amendement dont, je le répète, le dispositif est juste, sage et équilibré. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, cet amendement présente une alternative à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il repose en outre sur la décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité du 28 janvier 2011 sur le mariage des personnes de même sexe, par laquelle le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a également considéré que « le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ».
Le législateur, dès lors, semble libre d’ouvrir, mais aussi de ne pas ouvrir, le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Lors de son audition par la commission des lois du Sénat, Nicolas Gougain, porte-parole de l’inter-LGBT, a repris l’idée selon laquelle le mariage homosexuel n’enlèverait rien à la famille hétérosexuelle. Je pense exactement le contraire : ce projet, en changeant la nature même du mariage, prive d’un repère la société tout entière, y compris la famille hétérosexuelle. J’en veux pour preuve, s’il en fallait une, ce changement de vocabulaire auquel nous sommes tous contraints, alors que l’altérité sexuelle du couple marié était jusqu’à présent si évidente qu’elle n’avait pas besoin d’être précisée. Or je reste persuadé qu’une société évolue, mais qu’elle se construit aussi sur des fondamentaux, des valeurs fondamentales.
En réalité, ce projet de loi prévoit déjà deux types de mariages : pour l’un s’appliquera la présomption de paternité, pour l’autre la présomption de parenté. On ne peut donc pas parler d’égalité.
À ce sujet, permettez-moi, mes chers collègues, un aparté. S’il y a deux catégories de mariages, il y aura aussi deux catégories de parents, ceux qui peuvent donner la vie et les autres, et au moins deux catégories d’enfants, qu’on le veuille ou non. Je souhaite vous faire part d’une inquiétude inspirée par une carrière professionnelle consacrée à l’enseignement des sciences de la vie : que se passera-t-il lorsqu’un professeur sera appelé à enseigner à des élèves de sixième la transmission de la vie, à expliquer la fécondation, dont chacun d’entre nous sait qu’elle consiste en la fusion des noyaux d’un gamète mâle et d’un gamète femelle ? Les enfants de cet âge sont loin d’être naïfs et très spontanés. Les questions fusent dans tous les sens, et il faudra bien y apporter des réponses.
M. David Assouline. Eh oui ! Il faudra être intelligent !
M. Michel Magras. Que se passera-t-il lorsque le professeur devra, en classe de quatrième, présenter les bases de la génétique, expliquer notamment la transmission des caractères héréditaires, le déterminisme du sexe, la transmission du groupe sanguin, le rôle que la génétique peut jouer en matière de diagnostic médical ? Là aussi, il faudra bien apporter des réponses.
M. David Assouline. Et alors ?
Mme Cécile Cukierman. Comme il faut déjà le faire aujourd’hui pour les enfants adoptés ou issus de la PMA !
M. Michel Magras. Mes chers collègues, je ne fais que soulever des questions. Je vous laisse imaginer quelle sera la situation des enfants de couples homosexuels.
Loin de moi l’idée que des homosexuels ne puissent pas être d’aussi bons parents que les autres ! Ils ne seront certainement ni moins bons ni meilleurs. Il ne s’agit pas de s’opposer aux personnes homosexuelles, ou de les priver d’un droit. Proposer la création d’une union civile, c’est s’engager en faveur de valeurs auxquelles nous sommes attachés. Notre seule volonté est de maintenir l’imbrication entre la symbolique et le sens du mariage.
De surcroît, l’union civile que nous proposons d’instaurer produirait les mêmes effets protecteurs pour les conjoints que le mariage. Il n’y a donc, de notre part, aucune –je dis bien aucune ! – volonté de priver les couples de personnes de même sexe d’un droit.
L’union civile entraînerait, en revanche, des effets différents de ceux du mariage en matière de filiation. Elle permettrait en effet de réserver aux couples de personnes de sexe différent la plénitude de la filiation, dans le cadre du mariage, au nom de la cohérence biologique que je viens d’évoquer, voulant qu’un enfant naisse d’un père et d’une mère.
Modifier le sens du mariage et de la filiation changerait celui des notions de parent, de père, de mère. Si l’on admettait qu’elles puissent être déconnectées de la filiation sinon biologique, du moins vraisemblable, on réduirait les notions de père et de mère à leur seule dimension éducative. Ce serait affaiblir le lien filial immémorial qui fait que l’on est père ou mère.
Les enquêtes d’opinion auxquelles j’ai déjà eu l’occasion de faire référence montrent que, au fond, une majorité de Français, en étant pour le mariage des personnes de même sexe mais contre l’adoption par ces couples, sont attachés à ce lien filial qui fonde la famille.
Le mariage n’étant pas, comme nous le savons, détachable de la filiation, les Français sont, comme je le suis, favorables à l’union civile pour les personnes de même sexe. C’est cette union souhaitée par les Français que tend à mettre en place l’amendement n° 4 rectifié bis. Voilà pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. La majorité de gauche semble croire que l’union civile est un gadget, une solution de repli qui aurait été inventée par l’opposition pour faire diversion. C’est une grave erreur, car l’union civile est justement la disposition qui doit nous permettre de sortir le pays de la confrontation morale dans laquelle vous l’avez plongé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L’union civile est la disposition la plus équilibrée, celle derrière laquelle le plus grand nombre de Français pourront se ranger.
Vous avez évoqué, madame la ministre, la situation en vigueur dans les pays étrangers. Or nous observons que l’union civile est le régime juridique que de nombreux pays, notamment l’Allemagne, ont choisi.
Cette union civile reprend les droits patrimoniaux existant dans le mariage. Voilà qui répondra enfin à des revendications clairement affichées par de nombreux homosexuels vivant en couple et considérant, avec raison, qu’ils ne bénéficient pas des mêmes droits que les couples hétérosexuels mariés.
De plus, l’union civile revêt la dimension symbolique qui manquait singulièrement aux couples de personnes de même sexe avec le pacte civil de solidarité. En effet, ces couples ont manifesté depuis plusieurs années leur souhait de pouvoir bénéficier d’une cérémonie plus solennelle, davantage en adéquation avec la gravité et l’importance du moment. Or, là aussi, l’union civile permettra de répondre à ce besoin légitime.
Pour aller jusqu’au bout de la démarche, il est prévu que les conditions requises pour contracter cette union et les conséquences qui découleront de celle-ci seront identiques à celles qui prévalent pour le mariage. Là encore, il ne s’agit pas de faire de cette union civile un « super PACS » ou un sous-mariage.
Cette union est une union « civile », qui apportera aux couples homosexuels les mêmes droits que ceux dont bénéficient les couples hétérosexuels, tout en prenant pleinement en compte la singularité des couples homosexuels en termes de filiation et en admettant donc une différence en matière de droits matrimoniaux.
Cependant, et c’est là toute la différence entre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et l’union civile, cette dernière recueille une très large adhésion au sein de la population française. En effet, même si le Gouvernement et la majorité ne veulent pas le voir, le respect des Français pour les différences d’orientation sexuelle ne pourra s’affermir que si l’on ne dresse pas les uns contre les autres.
Or, avec cette union civile, nous honorons la demande des couples homosexuels, sans pour autant heurter la sensibilité de la majorité des familles françaises. Elle est donc le parfait compromis entre le respect des attentes des couples homosexuels en termes de droits et celui des préoccupations des autres formes de familles, qu’inquiète cette société qui, selon elles, bouge trop vite et n’est pas de nature à offrir un cadre structurant et sécurisant à leurs enfants.
Faut-il préciser que plus personne en France ne conteste aux homosexuels le droit de s’aimer, de vivre ensemble et même, dans certains cas, d’élever des enfants ? Ces Français qui descendent dans la rue, que vous tentez d’ignorer et contre lesquels vous envoyez parfois les CRS quand ils manifestent (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) ne sont pas homophobes. Il s’agit simplement de familles qui s’inquiètent de voir l’institution du mariage détournée de son sens originel pour satisfaire les revendications d’une petite minorité de personnes et qui craignent un charcutage de la filiation.
Mme Cécile Cukierman. Allez, les arguments sont exposés, on avance !
M. Christian Cambon. Avec l’union civile, nous répondons à leurs inquiétudes, et nous leur disons que non ! le mariage ne sera pas détourné de sa fonction première, et que non ! la filiation ne sera pas « bricolée ».
Pour ces raisons, et parce que l’union civile prend réellement en compte la condition des personnes homosexuelles et des couples de personnes de même sexe, sans heurter ceux qui pensent que la société et le législateur doivent être prudents et ne pas chambouler les institutions, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter un dispositif qui permettra de réconcilier les Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Madame la garde des sceaux, lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez tenu les propos suivants : « Le mariage est une institution conservatrice en ce sens qu’elle témoigne d’un ordre passé. » Dans votre bouche, ces paroles n’étaient pas très élogieuses pour le mariage, vous en conviendrez.
À vous entendre, le mariage serait donc une institution désuète, qu’il s’agit de briser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour notre proposition d’union civile ?
La vérité, mes chers collègues, c’est que le projet de loi, tel qu’il est rédigé – j’insiste sur ce point –, répond plus à une demande minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille, toutes les familles, au cœur de la réflexion.
Je le reconnais bien volontiers, la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions en mettant en place un cadre légal, notamment pour les couples de personnes de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels, mais, à la vérité, j’en suis intimement convaincu, nous n’avons pas besoin d’instaurer le mariage homosexuel pour cela.
Faire croire aux Français que le mariage et l’adoption peuvent être disjoints et que l’on pourrait être à la fois pour l’un et contre l’autre est un leurre. Le mariage est lié à l’adoption et à la parentalité. Or, sur les quelques dizaines de milliers de couples homosexuels de notre pays, combien sont réellement en situation de recourir à l’adoption conjointe ou à une PMA réalisée à l’étranger ? Pas plus de 5 000 ! C’est donc non pas de l’adoption dont il faut parler, mais du statut des beaux-parents.
Toutes ces questions sont extrêmement importantes, car elles se rattachent à de véritables sujets de préoccupation pour les Français. C’est de ce genre de sujets que vous devriez vous saisir si vous voulez prendre la peine de vous placer du point de vue de l’intérêt des enfants. Mais est-ce vraiment ce qui vous préoccupe aujourd’hui ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Pas de faux procès !
M. André Trillard. Quoi qu’il en soit, nos concitoyens se disent favorables au mariage pour les couples homosexuels, mais opposés à l’adoption, à la PMA et à la GPA. C’est probablement pour cette raison que vous avez rejeté notre motion référendaire !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. André Trillard. En réalité, nos concitoyens, même ceux qui défilent dans la rue et que vous taxez d’être homophobes, réactionnaires ou rétrogrades, sont favorables à la sécurisation des couples homosexuels. Cela se traduit, me semble-t-il, par leur volonté de voir les pouvoirs publics accorder une place plus importante à l’union de ceux-ci.
L’alternative au mariage que nous proposons est sans ambiguïté : elle consiste à ouvrir le régime patrimonial du mariage aux couples de personnes de même sexe par la voie de l’union civile. Tous les couples disposeraient des mêmes droits en matière d’héritage, de pensions, de communauté de biens, et devraient observer les mêmes devoirs : respect, fidélité, secours et assistance.
Par ailleurs, les demandes des couples homosexuels en matière de solennité et de reconnaissance juridique de leur union seraient prises en compte.
Pour autant, et pour les raisons que nous avons explicitées, nous estimons que les droits extrapatrimoniaux doivent être limités à l’ouverture de l’accès à l’adoption simple pour les couples homosexuels. Si l’on y ajoute les droits que le juge reconnaît d’ores et déjà au conjoint homosexuel en matière d’adoption testamentaire et de possession d’état, nous estimons que ce dispositif suffit à assurer la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant en termes d’affection, d’éducation, d’autorité parentale.
Aller plus loin serait remettre en cause, vous l’aurez compris, les principes de la filiation qui permettent jusqu’à maintenant d’établir une filiation claire et lisible, ouvrant aux enfants la possibilité de reconstruire l’histoire de leur origine.
Ne parlons pas pour l’heure de toutes les questions bioéthiques soulevées par les discussions à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Cela étant, puisque nous sommes une bonne dizaine de vétérinaires à siéger dans cette enceinte (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.),…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Quel est le rapport ?
M. André Trillard. … je rappellerai que les membres de cette profession pratiquent le transfert d’embryons à seule fin d’améliorer les races. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Quelle élégance !
M. André Trillard. Pourquoi le Gouvernement ne se pose-t-il pas la question de l’égalité des enfants ? Certains seront en effet privés du droit d’avoir un père ou une mère.
Ce texte instaure d’ailleurs d’autres inégalités.
Il s’agit tout d’abord d’inégalités au sein même du mariage : si le projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra. Il existera un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », où la filiation tiendrait du virtuel.
Il s’agit ensuite d’inégalités entre les couples homosexuels : l’honnêteté du Gouvernement sur la question de la PMA aurait dû nous permettre de discuter sereinement d’un dispositif qui introduira prochainement une inégalité certaine entre les couples homosexuels sur le simple fondement de leur sexe, les hommes étant pour l’instant privés du recours à la GPA.
Il s’agit enfin d’inégalités entre les enfants adoptés, la majorité d’entre eux étant ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle. C’est pourquoi, selon l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption, les enfants ne disposeront pas des mêmes droits d’accéder à une famille.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et nous voterons l’amendement présenté par M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, pour explication de vote.
Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la France connaît aujourd’hui une période de turbulences. C’est sciemment que j’emploie cet euphémisme, pour ne pas dramatiser la situation engendrée par la discussion d’un projet de loi qui scinde notre pays et opère un clivage entre les Français, alors que nous, parlementaires, sommes responsables de la cohésion de la nation.
Mes chers collègues, la chambre haute est investie d’une mission que tous les Français qui nous regardent et nous écoutent aujourd’hui exigent que nous assumions : celle d’examiner les textes de loi et de s’assurer de leur bien-fondé. J’en appelle à votre sagesse : ne soyez pas, ne soyons pas ceux qui auront été les instigateurs de la division des Français, rangeons-nous à la raison et instaurons pour les couples de personnes de même sexe l’union civile.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà entendu ces arguments !
M. Roland Courteau. Cela nous rajeunit !
Mme Hélène Masson-Maret. Cette union civile conférera aux couples homosexuels les mêmes droits sociaux et patrimoniaux qu’aux couples hétérosexuels.
Le système que nous proposons existe en Allemagne et dans d’autres États, qui ont parfaitement compris la différence entre cette union et le mariage, institution consacrée par le code civil depuis deux siècles dans notre pays.
Donnons l’image d’hommes et de femmes capables de porter ensemble un projet de société qui fasse consensus et qui montre aux Français que nous les avons écoutés.
Oui, nous devons écouter les couples de personnes de même sexe, qui ont le droit de s’aimer au grand jour, de vivre en harmonie et de bénéficier des avantages d’une vie construite ensemble. Que les juristes travaillent pour que l’égalité entre les citoyens, fondement de notre République, soit respectée. Je ne reviendrai pas sur les dispositions garantissant cette égalité qui sont incluses dans le régime de l’union civile que nous souhaitons voir inscrire dans la loi.
Nous devons aussi écouter les Français ébranlés dans leurs convictions, et nous refusons de voir qualifiés d’« homophobes » ceux qui défendent des valeurs partagées par une autre partie de nos concitoyens, tout aussi respectable, qui s’est largement manifestée.
Nous devons également écouter ceux qui, parmi nous, s’inquiètent du bien de l’enfant, des problèmes posés par la filiation. Le bien de l’enfant : voilà le seul objectif qui doit nous réunir.
J’ai écouté avec attention les intervenants ayant invoqué des études scientifiques pour apporter la preuve qu’il ne serait en aucun cas nuisible ou traumatisant, pour un enfant, d’être élevé par un couple dont les parents seraient de même sexe. C’est vraiment ignorer ce qu’est une étude scientifique ! Aujourd’hui, nous pouvons l’affirmer, aucune étude sur ce sujet n’a pu être menée de façon scientifique, avec les contraintes que cela suppose en matière d’échantillonnage, de représentativité et d’études statistiques.
Par conséquent, ne faisons pas dire aux publications diffusées dans les médias ce que nous voulons qu’elles disent. Le texte écrit par un groupe de psychanalystes – rappelons au passage que la psychanalyse n’est pas une science – qui nous a été lu la semaine dernière dans cet hémicycle était beaucoup plus réservé que ce que l’on a bien voulu en dire. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous invite à le relire.
Sachons aujourd’hui ne pas jouer les apprentis sorciers. Sachons éviter les raccourcis dangereux, assimilant ceux qui sont contre le mariage entre deux personnes du même sexe aux opposants d’hier à l’abolition de la peine de mort. Eh oui, nous avons entendu de telles inepties dans cet hémicycle !
M. Jean-Marc Todeschini. Et ça continue !...
Mme Hélène Masson-Maret. Mes chers collègues, le groupe UMP propose aujourd’hui que nous nous réunissions, au-delà de nos appartenances politiques, pour porter ensemble un projet équitable…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Équitable ?
Mme Hélène Masson-Maret. … qui, en préservant les valeurs des uns et des autres, se montrerait fédérateur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je tiens d’abord à rendre hommage au travail de notre collègue Patrice Gélard et des membres de son groupe (Très bien ! sur les travées de l’UMP.), qui, par leurs nombreux amendements, montrent tout l’intérêt qu’ils portent à notre débat d’aujourd’hui. Nous pouvons tout de même nous interroger sur les raisons qui les ont poussés à voter des motions ayant pour objet de nous priver de celui-ci…
Mme Annie David. Très juste !
Mme Esther Benbassa. Mais revenons à l’amendement n° 4 rectifié bis, qui tend à substituer à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe la création d’une union civile.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que les mots ont un sens…
M. Charles Revet. L’expression « union civile » en a un, en effet !
Mme Esther Benbassa. … et que le mariage est une union civile ?
Personne ne s’étonnera que nous ne votions pas cet amendement. Sur le fond, plusieurs éléments me semblent devoir être rappelés.
M. Gélard et les membres de son groupe nous proposent de créer, à côté du mariage, du PACS et du concubinage, une quatrième forme de conjugalité, ouverte aux couples homosexuels, proche du mariage en termes de protection du conjoint mais excluant tous les aspects liés à la filiation. On notera l’ironie de la situation, cette proposition émanant d’un groupe qui s’était violemment et bruyamment élevé contre la création du PACS…
Mes chers collègues, soyons sérieux : nos concitoyens n’ont pas besoin d’une nouvelle forme d’union civile ! Le mariage assure d’ores et déjà toutes les protections nécessaires.
Par ailleurs, que penser d’une union uniquement destinée aux gays et aux lesbiennes ? En matière de discrimination, ce n’est pas mal ! Les gays et les lesbiennes ne sont-ils pas des citoyens comme les autres ? Devons-nous leur réserver un traitement de citoyens de seconde zone ?
Mes chers collègues, il est temps que vous admettiez que le mariage est une institution républicaine et laïque dont il n’est plus acceptable que certains de nos concitoyens soient exclus en raison de leur orientation sexuelle. Il est temps de retrouver la raison et, peut-être, de changer d’avis sur cette union civile qui n’a pas de sens. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la garde des sceaux, les fonctions qui sont les vôtres vous permettent de connaître des misères et des fragilités de la société française.
Tout à l’heure, j’ai écouté M. Assouline avec attention. Si je ne partage pas sa conclusion, je souscris à son diagnostic : actuellement, la violence est la véritable menace contre notre société. Cette violence, nous la percevons dans le discours politique : c’est l’écume de ce qui se passe en profondeur. Ces derniers jours, des personnalités politiques se sont laissées aller à tenir des propos particulièrement préoccupants. Je pense en particulier à certains alliés de la majorité : quelle violence, quelle brutalité chez M. Mélenchon quand il en appelle à un « coup de balai » !
M. Jean-Marc Todeschini. On est d’accord !
Mme Cécile Cukierman. Aucun rapport !
M. Christian Favier. Et ce qu’a subi Mme Jouanno ? Balayez devant votre porte !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je pense aussi au récent discours de Mme Eva Joly. Que nous soyons dans la majorité ou dans l’opposition, nous devons veiller à nous exprimer avec tempérance.
Dans ses profondeurs, cette violence de la société française est d’abord d’ordre social.
Mme Annie David. Grâce à qui ?
M. Jean-Pierre Raffarin. On mesure la désespérance provoquée par la montée du chômage depuis vingt-deux mois consécutifs. Aujourd’hui, mes chers collègues, un Vilvorde risque de survenir dans chacun de nos départements ; chez moi, c’est Heuliez ! Mais c’est pour l’ensemble du secteur automobile qu’un avis de tempête industrielle majeure est lancé !
Cette violence sociale est extrêmement brutale. Je ne cherche pas à établir les responsabilités ; je ne fais que constater qu’elle est là, profonde,…
Mme Annie David. La faute à qui ?
M. Jean-Pierre Raffarin. … et que les prochains mois ne laissent guère présager d’améliorations sensibles. Tant que durera cette situation, la société sera d’une extrême fragilité.
Dans ces conditions, prétendre rassembler dans la rue pour donner des coups de balai peut menacer l’équilibre de la République.
Mme Cécile Cukierman. Aucun rapport !
M. Jean-Marc Todeschini. Il y en a d’autres, qui rassemblent dans la rue…
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai, cher collègue ! À la grogne sociale s’ajoute en effet une agitation sociétale, très originale dans la mesure où tant les opposants au projet de loi que les partisans de celui-ci sont désintéressés.
M. Jean-Marc Todeschini. Oh !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ils ne manifestent pas pour défendre leurs droits à la retraite, leur salaire, leur intérêt personnel. Qu’ils considèrent que le mariage doit être ouvert à tous ou qu’ils fassent du maintien du mariage tel qu’il est un élément fondamental, un pilier de la société, ils manifestent pour défendre une conviction. C’est cela qui est très original dans la situation présente, qui peut toutefois, à un moment ou à un autre, dégénérer en affrontement brutal.
À cette réalité difficile sur le plan social, à ces divergences sociétales est venue s’ajouter, ces derniers jours, une crise politique et morale. Un grand quotidien comme Libération traite une rumeur comme une information et la diffuse dans le pays… Où va-t-on ? Quand la parole politique est décrédibilisée, même l’innocent a du mal à se faire entendre. Si des innocents sont aujourd’hui accusés, nous en sommes tous responsables, parce que, à un moment ou à un autre, notre parole nous aura échappé.
Nous sommes pris dans un tourbillon que le politique ne maîtrise plus. Voyez ce titre de l’édition de ce soir du quotidien Le Monde, selon lequel, dans un climat délétère, le Président de la République chercherait une sortie…
Chers collègues de la majorité sénatoriale, aidez-le à trouver cette sortie ; nous vous en offrons une avec l’union civile (Rires sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Jean-Pierre Caffet. Quelle chute !
M. Jean-Pierre Raffarin. … qui est approuvée par une majorité de nos compatriotes.
M. David Assouline. Condamnez les saccages !
M. Jean-Pierre Raffarin. Riez si vous voulez, mais les classes sociales qui constituaient vos soutiens traditionnels vous ont d’ores et déjà lâchés : si demain vous n’avez plus à vos côtés que les partisans de ce projet de loi, vous finirez bientôt par être seuls devant le pays ! Il est encore temps de vous ressaisir et de chercher cette sortie qu’évoque le journal Le Monde ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines de l’UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quel est votre bilan ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas en multipliant les projets de loi et les interventions dans les médias que vous compenserez le discrédit dont souffre la parole politique !
M. David Assouline. Condamnez les saccages !
M. Jean-Pierre Raffarin. Aujourd’hui, vous avez encore la possibilité d’apaiser le pays, car tout le monde est favorable aux droits des homosexuels.
Mme Annie David. Alors, acceptez le mariage pour tous !
M. Jean-Pierre Raffarin. Avec l’union civile, vous renforcerez ces droits, sans approfondir la fracture entre les consciences, entre les convictions, qui, conjuguée à la grogne sociale, fragilise gravement la République.
Je respecte celles et ceux qui feront le choix de soutenir ce texte, mais un jour viendra où, les uns et les autres, nous serons placés devant nos responsabilités. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il n’est pas facile de prendre la parole après Jean-Pierre Raffarin !
Je voudrais revenir sur ce qu’a dit Mme Bertinotti tout à l’heure. Il est exact que, pendant le débat sur le pacte civil de solidarité, le comportement de bien des parlementaires de droite n’a pas été convenable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Renée Nicoux. Pour le moins !
M. Roger Karoutchi. Néanmoins, dans les années qui ont suivi, la droite républicaine a fait, si je puis dire, sa propre révolution, d’abord en acceptant le PACS,…
M. Jean-Marc Todeschini. Vous n’aviez pas le choix !
M. Roger Karoutchi. … puis en estimant que ce dernier n’allait pas assez loin.
M. Roland Courteau. Tout est question de temps…
M. Roger Karoutchi. J’ai été de ceux qui, en 2007, ont plaidé pour que figurent dans le programme du candidat Sarkozy l’union civile et le statut des beaux-parents.
Après l’élection présidentielle, en tant que secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, j’ai défendu le projet de loi qui visait à améliorer le PACS en matière fiscale ou patrimoniale. Cependant, nous étions tous conscients que ce texte n’allait pas assez loin et, à plusieurs reprises, j’ai demandé au Président de la République l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’un projet de loi créant l’union civile, conformément aux engagements pris lors de la campagne. Cela correspondait à une véritable attente et une telle initiative aurait donné de la droite l’image d’une force politique en phase avec les évolutions de la société.
Malheureusement, la crise bancaire, financière et sociale a éclaté dès 2008. Le Président de la République a alors estimé qu’il était plus urgent de sortir le pays de cette crise que d’instituer l’union civile.
Aujourd’hui, je regrette infiniment que nous n’ayons pas fait adopter un texte créant l’union civile, car le présent débat en eût été tout différent.
M. Gérard Larcher. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Quand vous avez annoncé ce projet de loi, madame la garde des sceaux, j’ai d’abord pensé, en toute sincérité, que puisque nous n’avions malheureusement pas mis en place l’union civile, il pourrait peut-être en reprendre le dispositif, quitte à ne pas conserver cette appellation. Cette position ne m’a pas valu que des amis.
Il fallait refonder le code civil, vous l’avez en partie modifié au travers du présent texte. Pour un gouvernement dont la crédibilité est très altérée, il est bien difficile de faire passer une telle réforme de fond, car sa parole n’est plus guère audible.
Jean-Pierre Raffarin l’a dit, nous sommes en pleine crise sociale, financière et morale. Cette crise affecte le Gouvernement et, sur bien des sujets, la classe politique tout entière. Dans ces conditions, madame la garde des sceaux, si je comprends votre volonté d’avancer, si je peux entendre que vous souhaitiez parler de mariage et non d’union civile, j’estime qu’il aurait fallu du moins déconnecter celui-ci de la filiation et de l’adoption, comme cela a été fait dans bien des pays européens. Nous le savons, il y a très peu d’enfants à adopter par rapport au nombre d’adoptants. En matière de filiation, le texte remet en cause un certain nombre de valeurs : pourquoi, et pour qui ?
À droite, nous avons beaucoup évolué et fait une véritable révolution interne. On aurait dû, on aurait pu trouver une solution acceptable par toute la classe politique, mais nous avons le sentiment que vous vous êtes enfermée dans un refus d’échanger avec une droite que vous jugez à tort réactionnaire. Cette posture a provoqué une rupture dommageable dans le pays, alors que, si chacun faisait un pas vers l’autre, je suis sincèrement persuadé que nous pourrions trouver une véritable solution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après que deux ténors de mon groupe ont exprimé, avec autant de sincérité et de force, la réalité de la situation.
Nous comprenons les revendications des couples homosexuels lorsqu’elles portent sur une plus grande sécurité juridique. Nous sommes d’ailleurs disposés à intervenir dans ce domaine, puisque c’est le rôle légitime des pouvoirs publics que de régler les rapports civils de nos concitoyens. C’est seulement en cela que l’intérêt des particuliers rejoint l’intérêt général. Voilà pourquoi il ne peut être question ici d’amour ou de reconnaissance sociale de l’amour des uns ou des autres : ces affaires sont d’ordre privé.
Sans vouloir polémiquer, je remarque d’ailleurs que les différents rapports sur le texte font très souvent référence à la reconnaissance sociale de l’amour des couples homosexuels. Comment croire alors qu’il ne serait pas question ici d’une réforme sociale ? Soit ! Dès lors, vous ouvrez le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe au prétexte que le mariage est la reconnaissance sociale du couple. Mais cela est totalement réducteur : le mariage n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour ; si tel était le cas, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier… Or, la loi a fixé un certain nombre de limites. Remarquez d’ailleurs, madame la garde des sceaux, que s’il en était ainsi, votre texte romprait avec le principe d’égalité, au regard de toutes les autres formes d’union légalement ou socialement réprimées.
Il ne s’agit donc pas, pour les pouvoirs publics, de prendre en considération la simple relation de couple, mais d’aller au-delà en organisant les rapports intrafamiliaux. Contrairement à ce que vous prétendez, il n’y a pas de discrimination dans le mariage actuel. Simplement, le droit contresigne cette réalité de la nature : les sexes ne sont pas interchangeables. Ils sont égaux, mais pas équivalents, du fait de la dissymétrie entre homme et femme.
Néanmoins, nous souhaitons apporter des droits supplémentaires aux couples homosexuels, afin de leur offrir une plus grande sécurité juridique. C’est ce que nous faisons en l’occurrence ici avec l’amendement de M. Gélard tendant à instaurer l’union civile.
Ces notions de droits et de devoirs au sein des couples homosexuels doivent être totalement dissociées de toute question de filiation. Je m’interroge d’ailleurs sur la place que vous faites à l’enfant.
Les questions de l’enfant, de l’adoption et de la filiation doivent être inscrites dans le cadre des obligations internationales souscrites par la France. M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, l’a rappelé lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale : « La procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi présente une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. » Or, dans toutes les décisions qui le concernent, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir.
Vous trompez les Français en renvoyant les discussions sur la procréation médicalement assistée à l’examen d’un autre texte. Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée, alors que toute votre argumentation repose sur la reconnaissance de l’amour et sur l’égalité des droits !
Ainsi, l’égalité des droits peut se concevoir d’un point de vue patrimonial : l’homosexualité étant socialement acceptée et chaque individu ayant la liberté d’orienter sa sexualité comme il l’entend, il paraît normal que les pouvoirs publics puissent accorder aux homosexuels les droits patrimoniaux communs, dès lors qu’ils souhaitent s’engager dans une communauté de vie.
Notre proposition prévoit donc, sur ce point, que l’ensemble des dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile. Dès lors, les conditions requises pour contracter cette union et les conséquences qui découleront de celle-ci seront identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
Mais si le mariage tel qu’il existe doit rester inchangé, c’est qu’il n’est justement pas question d’égalité. Le Conseil constitutionnel lui-même le reconnaît. Le législateur peut organiser différemment des situations différentes. Or les couples homosexuels et les couples hétérosexuels se trouvent dans des situations différentes, dès lors que l’altérité sexuelle offre la possibilité de procréer.
Certes, les techniques médicales permettent aujourd’hui d’avoir recours à la procréation artificielle, mais cette procréation n’est artificielle qu’au stade de l’assemblage des gamètes masculin et féminin ; ainsi, l’altérité sexuelle persiste. De plus, la médecine a vocation à soigner, à guérir ou à prévenir des maladies, et non à assouvir le besoin de consommation des individus.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Roland du Luart. Vous pouvez ne pas être d’accord avec ce point de vue, mais vous ne pouvez pas contester que la remise en question de ces principes entraîne un bouleversement bioéthique qui devrait faire l’objet d’un grand débat national.
Je vous laisse, mes chers collègues, méditer cette question. En conclusion, j’indique que je voterai l’amendement de M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Victor Hugo a écrit que « la forme, c’est le fond qui revient à la surface ». Je crois que cette formule pourrait s’appliquer au présent texte.
Le mariage n’est pas seulement l’union de deux êtres ; il implique aussi la filiation : tout le monde l’a bien compris, et le Gouvernement, par la voix de son porte-parole, Mme Vallaud-Belkacem, l’a confirmé vendredi.
Je considère que ce texte présente un risque d’ordre bioéthique extrêmement grave, dont la majorité et le Gouvernement n’ont pas semblé prendre la mesure.
C’est la raison pour laquelle je reste opposée à l’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe et je continue de défendre le mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme, estimant que la filiation ne peut être véritablement solide que si elle découle d’une telle union.
Je conteste également les arguments que vous avancez pour imposer ce texte. Vous tentez de justifier l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe par des raisons juridiques ; il s’agirait, selon vous, de rétablir l’égalité et de lutter contre les discriminations.
Selon la tradition juridique française, le mariage n’est pas un simple contrat, ni la reconnaissance de l’amour que se portent deux personnes. C’est une institution au statut très particulier.
J’aimerais rappeler les propos du doyen Carbonnier sur la place du mariage dans la loi : « Le code civil n’a pas défini le mariage et il a eu raison : chacun sait ce qu’il faut entendre par là ; c’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupart des hommes adultes. »
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 janvier 2011, a indiqué qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la situation des couples de personnes de même sexe. Autrement dit, il a clairement jugé non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de personnes de sexe différent.
J’ajoute qu’il existe même un risque d’inconstitutionnalité, soulevé par des spécialistes du droit constitutionnel qui estiment que l’altérité sexuelle des époux, et donc des parents, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le mariage entre personnes de même sexe serait donc inconstitutionnel.
Je m’inscris en faux contre l’invocation d’une inégalité entre les sexes. Si les citoyens sont égaux, il est de fait que la situation des couples homosexuels est différente de celle des couples hétérosexuels. La nature est ainsi faite que la conception d’un enfant nécessite une relation entre un homme et une femme.
L’égalité que vous proposez, c’est l’égalité par l’effacement, par la négation de ce que sont l’homme et la femme.
Pour notre part, nous voulons préserver cette différence dans le cadre du mariage à cause de la filiation. Les enfants ne sont ni des objets de plaisir, ni des médicaments destinés à soulager une souffrance.
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Ne faites pas primer le désir des adultes sur les droits fondamentaux des enfants ! Tel est notre raisonnement ; nous le répéterons tout au long des débats.
Vous invoquez également le fait européen. Ce sont, là encore, des arguties. Pour vous, la France serait en retard par rapport à ses voisins européens. Vous savez bien que cette affirmation est loin de correspondre à la réalité. La situation est la suivante : moins d’un quart des vingt-sept pays de l’Union européenne ont autorisé le mariage et l’adoption pour les couples de personnes de même sexe, et cela en posant des règles beaucoup plus restrictives que celles que vous nous présentez. Il en va de même pour la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. En revanche, seize pays, soit la majorité des pays européens, ont introduit l’union civile pour les couples de personnes de même sexe. C’est donc cette voie, que depuis des mois nous vous proposons de suivre, qui est privilégiée en Europe. Puisque vous êtes soucieux d’harmonisation européenne, c’est cette voie que vous auriez choisie si vous étiez cohérents.
Vous arguez en outre de raisons sociétales pour justifier votre projet. Or il n’y a pas de consensus sur ce texte et, surtout, cessez de répéter que nous menons un combat d’arrière-garde, qui opposerait les anciens aux modernes !
Les statistiques montrent que le nombre de mariages ne cesse de décliner : il est passé de 400 000 en 1970 à 240 000 en 2011, soit une baisse de 40 %. À l’inverse, le nombre de divorces a progressé de 12 % ces dernières années. En moyenne, on compte aujourd’hui un divorce pour 2,5 mariages. Les chiffres le prouvent : le mariage est une institution qui n’attire plus, d’où notre surprise que, à l’heure où beaucoup la contestent, on nous présente ce texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ! Tout se passe comme si le fait de pouvoir accéder au mariage, en tant que symbole de la revendication égalitaire, primait sur la recherche de sécurité juridique, que nous comprenons et soutenons.
Par ailleurs, nous entendons des arguments tout à fait respectables, notamment celui selon lequel il faut respecter l’amour que se portent deux êtres et leur donner le droit de s’unir. Nous avons nous aussi pleinement conscience qu’il faut apporter des réponses en matière de protection des personnes.
On ne saurait engager, comme vous prétendez le faire, une réforme de civilisation dans la précipitation ou en suggérant des solutions aux élus pour ne pas appliquer la loi. Ainsi, j’ai trouvé quelque peu gênant, lors du congrès de l’Association des maires de France, d’entendre le Président de la République parler d’une « liberté de conscience » laissée aux maires ; cela revient à leur donner le choix d’appliquer ou non la loi.
En conclusion, je soutiens pleinement l’amendement de M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. L’amendement que notre groupe a présenté résulte avant tout de notre volonté de répondre au besoin de reconnaissance sociale des couples homosexuels – que nous entendons ! – en leur permettant de s’unir par un acte solennel en mairie.
Cette proposition que nous formulons, à la place du projet du Gouvernement d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, permettrait selon nous de rassembler largement les Français autour d’un projet qui répondrait aux attentes de tous. Il s’agirait de créer une nouvelle institution, distincte du mariage et du pacte civil de solidarité, offrant aux couples un cadre juridique protecteur : l’union civile.
Le PACS a permis de répondre aux évolutions de la société en créant des liens juridiques entre personnes de même sexe, mais il ne répond pas entièrement aux attentes de certains couples homosexuels. En effet, il est dépourvu de la solennité qui entoure la célébration du mariage. Autre point négatif, la rupture d’un PACS peut se faire par une simple lettre, comme une forme de répudiation – cela avait d’ailleurs été dénoncé lors des débats sur le PACS. C’est pourquoi nous proposons l’intervention du juge. En outre, la conclusion d’une union civile déclencherait l’application d’un statut patrimonial protecteur.
Ainsi, l’union civile proposée par notre amendement serait déclarée en mairie devant l’officier d’état civil dans des conditions similaires au mariage, donnant de la solennité à l’engagement des couples homosexuels, même si celle-ci ne leur est pas réservée ; en cela, elle se distingue de la proposition de nos collègues de l’UMP.
L’alliance civile permet donc une reconnaissance des couples homosexuels, laquelle est nécessaire, nous en sommes tous d’accord. Elle leur permet aussi d’inscrire leur relation de couple dans la durée. C’est tout le sens de cet amendement. Mais il s’agit aussi de maintenir une différence avec le mariage, acte fondateur d’une famille pour un couple hétérosexuel.
Ce qui, vous l’avez bien compris, nous préoccupe vraiment, ce sont les questions de filiation, d’adoption plénière, de procréation médicalement assistée et de gestation pour autrui. La formule de l’union civile présente plusieurs avantages : elle organise la relation juridiquement et sur le plan patrimonial, elle règle les questions de solidarité et elle pose les conditions de reconnaissance et de construction d’un couple homosexuel selon les mêmes critères que pour un couple hétérosexuel, tout en préservant sa spécificité au mariage tel qu’il est actuellement défini dans le code civil, à savoir l’union d’un homme et d’une femme dans le but de fonder une famille. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Conformément à la position que nous avons défendue à l’occasion de la discussion générale, nous proposons ici l’adoption de l’union civile, dont l’objet est de réparer trois grandes erreurs que le présent projet de loi s’apprête à commettre.
La première est d’oublier que le mariage ne peut se dissocier de la présomption de paternité.
La deuxième erreur tient à la transposition aux couples de personnes de même sexe des droits matrimoniaux que confère le mariage.
La troisième erreur a trait au caractère symbolique du mariage pour tous. On nous parle souvent du symbole envoyé aux couples de personnes de même sexe, mais croyez-vous que le mariage n’a pas la même dimension symbolique pour les couples hétérosexuels ? En conséquence, pour envoyer un signal à quelques milliers de couples, nous allons en contrarier des centaines de milliers d’autres.
Je reviendrai surtout sur ce que je crois être la première erreur du Gouvernement, à savoir oublier que l’on ne peut dissocier le mariage et la présomption de paternité.
Le mariage n’est pas la reconnaissance sociale de l’amour. Il est le cadre de la filiation, ou plutôt le moyen de la rationaliser et de la définir. Pour ce faire, la présomption de paternité est apparue comme le meilleur moyen de protéger l’enfant, de sécuriser la mère et de mettre le père devant ses responsabilités. En occultant la présomption de paternité de ce nouveau mariage, nous nous privons du principal outil dont nous disposons pour lutter contre l’explosion des cellules familiales.
Or cette présomption de paternité ne peut se transposer aux couples de personnes de même sexe. Voilà le niveau d’imprécision du Gouvernement dans le projet de loi, car même si, aujourd’hui, la présomption de parenté a été très justement écartée, notamment parce qu’elle revenait à autoriser le recours à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui, nous voyons que tous les membres de la majorité ne sont pas sur la même longueur d’onde.
À ce titre, en admettant que, dans un avenir proche – mais nous sommes en pleine fiction, du moins je l’espère –, le recours à la procréation médicalement assistée soit autorisé par le Gouvernement, comment allons-nous transposer la présomption de paternité aux couples de femmes ?
Passons sur le problème sémantique… Comment appliquer une présomption de parenté à la conjointe de la mère, alors que l’existence d’un projet parental, élément essentiel pour justifier la présomption de parenté, ne peut s’appliquer dans les mêmes termes aux couples de sexe féminin ?
Je ne vais pas faire un cours d’anatomie, mais la présomption de paternité trouve sa justification par le fait que le couple marié de sexe différent voit son projet parental concrétisé.
Or le projet parental d’un couple de personnes de même sexe ne peut se concrétiser par un acte sexuel puisque ces couples sont naturellement stériles. La présomption de paternité viendra donc entériner un projet parental avec l’intervention d’un tiers, intervention qui, je le rappelle, est l’exception, afin de répondre à un problème médical, pour les couples de personnes de sexe différent, mais qui serait la norme pour les couples de personnes de même sexe. C’est oublier que le tiers, selon les couples, n’aurait pas toujours la même place. Le texte qui nous est soumis ne prend donc pas en compte, car il ne le peut pas, la place de ces tiers.
Alors, ayez conscience d’une chose très simple : vouloir faire entrer la présomption de parenté, impérieuse nécessité pour le développement harmonieux de la famille, dans les couples de personnes de même sexe, c’est vouloir faire entrer un cube dans un cylindre ! Par conséquent, il est vain de croire qu’une présomption de parenté ou de paternité puisse s’appliquer aux couples de personnes de même sexe. C’est pour cette raison que le mariage entre personnes de même sexe est un contresens : celui-ci ne pourra s’accompagner de la présomption de parenté.
L’union civile proposée par le doyen Gélard permettrait de lever toutes les ambiguïtés. En effet, cette union, en écartant les droits matrimoniaux, ne rend plus indispensable la présomption de parenté. De ce fait, l’union civile permettra de mettre au clair la situation des couples de personnes de même sexe. C’est pour cette raison, mes chers collègues, que je vous invite à adopter notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Avec l’union civile, notre groupe a tenté de trouver une solution de compromis, même si ce terme ne plaît pas à tout le monde. Il s’agit en effet d’une forme de reconnaissance légale qui accorderait aux couples homosexuels des droits dont le PACS ne leur permettait pas de bénéficier.
J’avoue que j’ai d’abord été partagé sur cette proposition, parce qu’une solution de compromis n’a de sens qu’à partir du moment où l’on est deux. Or, depuis jeudi après-midi, je constate que nous sommes avec la majorité sénatoriale et le Gouvernement dans un dialogue de sourds.
Les argumentations de très haute tenue intellectuelle et morale développées, notamment par nos collègues Patrice Gélard, Bruno Retailleau, Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Gérard Longuet, Jean-Pierre Raffarin et Roger Karoutchi, ne semblent pas vous avoir le moins du monde intéressée, madame la garde des sceaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est injuste : Mme la garde des sceaux vous écoute attentivement !
M. Alain Gournac. Vous faites une fixation sur le mot « égalité », tenant à le répéter inlassablement, consciente de la fascination qu’il exerce toujours sur une partie de votre électorat. Il y a des mots qui chantent plus qu’ils ne parlent, des mots qui font d’autant plus rêver qu’ils restent flous.
Vous avez cité Hegel, puis Aimé Césaire. Je ne suis pas sûr que le grand poète martiniquais se retrouverait dans l’utilisation que vous avez faite d’un vers tiré de Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939. Quant à Hegel, il doit se retourner dans sa tombe tellement votre projet de loi n’a rien à voir avec sa théorie du mariage fondée sur la différence des sexes.
C’est parce que j’ai compris que la proposition d’une union civile était plus profonde qu’un simple compromis que je la défends et que je la voterai. Elle permet en effet de sortir de la confusion qu’installe votre projet de loi.
« Les homosexuels », expliquait Jean-Luc Romero dans un film, « n’ont plus qu’un seul objectif : l’égalité des droits et la conquête de son hétéro-symbole le plus précieux : le mariage. » Mais où certains militants de la cause homosexuelle ont-ils vu, ont-ils lu que le mariage était un « hétéro-symbole » ? Leur homosexualité semble les empêcher de saisir que le mariage n’institue nullement une orientation sexuelle, mais une réalité biologique incontournable qui contraint tout individu à avoir besoin de l’autre sexe pour engendrer.
Devant ce fatum biologique, tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, se trouve à égalité avec tout autre individu, tout citoyen à égalité de droit avec tout autre citoyen. C’est cette égalité que notre droit a mise en forme. Aussi le mariage est-il un droit ouvert, non pas aux couples, comme on le dit à tort, mais à l’individu qui est invité, en tant qu’individu libre, à donner librement son consentement. Le mariage n’est donc en rien discriminant et n’institue en aucun cas une rupture d’égalité, comme on se plaît à le répéter à nos concitoyens en les trompant.
Il est évident ensuite que, des deux orientations sexuelles, l’hétérosexuelle est, de loin, la mieux adaptée à cette réalité biologique constatée, puis, partant, instituée par la loi. L’institution du mariage ne prend pas en charge toute l’activité sexuelle. Ce qu’elle prend en charge, en l’ordonnant à l’aide de règles, c’est uniquement la part procréative de la sexualité.
Même si nous sommes passés en quelques siècles du mariage de raison au mariage d’inclination, il y a ce socle de la part procréative que personne n’avait envisagé d’ébranler et qui fondait non pas notre civilisation mais toutes les civilisations. C’est parce que le mariage ne prend en compte que cette dimension à l’exclusion de tout autre aspect de l’activité sexuelle que le mariage homosexuel est une contradiction dans les termes. Vous ne pouvez avoir ni un même mot ni une même institution qui s’attacherait, d’un côté, à la dimension procréative de la sexualité et, de l’autre, à sa dimension non procréative.
La grande séparation qui traverse l’humanité, depuis la nuit des temps, est celle des hommes et des femmes. Les uns et les unes ont cependant un point commun fondamental : tous sont procréateurs. Or vous voulez supprimer cette division pour lui en substituer une autre : vous voulez un monde désormais divisé en hétérosexuels et homosexuels, en procréateurs et non procréateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Gillot. Mais non !
M. Alain Gournac. L’institution du mariage consacrait cette capacité procréative commune. Or, en mettant sous la même enseigne institutionnelle du mariage les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, vous évacuez ce qui était commun aux hommes et aux femmes, pour consacrer quelque chose que les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ne peuvent avoir en commun. Et c’est ce que vous appelez l’égalité ! Eh bien, madame la garde des sceaux, je vous le dis : elle est belle votre égalité ! (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’entendais tout à l’heure notre collègue Mme Benbassa parler au nom des couples homosexuels. En commençant cette explication de vote, j’ai envie de lui dire que, si elle est naturellement qualifiée pour le faire, nous ne le sommes pas moins qu’elle, car nous sommes tous les représentants de nos concitoyens, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, et naturellement aussi de nos concitoyens homosexuels qui vivent en couple. Nous avons simplement une conception différente de ce qu’il faut faire pour traiter les difficultés rencontrées par ces couples, à la fois pour la reconnaissance du lien qui les unit, l’organisation dans un cadre stable de leur vie commune, la description des droits et des devoirs qui tissent leurs engagements mutuels.
Il me semble que nos différences sont en réalité circonscrites à un sujet essentiel, celui de la filiation et de la parenté. À cet égard, contrairement à ce que nous entendons trop souvent, nous ne cherchons pas à faire moins que vous, nous voulons faire mieux ! Nous considérons en effet que le système dans lequel vous voulez faire entrer les couples homosexuels a des conséquences négatives ou lacunaires.
Tout d’abord, en l’occurrence c’est une lacune, votre texte ne traite nullement le cas le plus fréquent, c’est-à-dire celui où un père forme, après avoir eu des enfants, un couple avec un autre homme. En la circonstance, le compagnon du père n’est évidemment pas le père – il y a le plus souvent une mère –, mais celui-ci peut, comme dans toutes les familles recomposées, jouer un rôle éducatif et tisser un lien affectif très fort avec l’enfant.
Ensuite, vous êtes confrontés à une difficulté que nous prétendons régler mieux que vous.
Nous considérons – cela nous paraît relever du bon sens – que l’on ne peut pas être juridiquement parent sans être ni père ni mère. C’est pourtant la situation que vous allez créer en permettant, par un jugement, soit l’adoption conjointe d’un enfant par un couple d’homosexuels, soit l’adoption des enfants de son conjoint par l’autre membre du couple, lorsque ceux-ci n’ont pas de père ou de mère.
Comment la loi pourrait-elle désigner comme parent à un enfant un deuxième adulte de même sexe, en lieu et place du père ou de la mère qu’il n’a pas, surtout si cet adulte est d’un autre sexe que ce père ou cette mère qui lui manque ? C’est l’une des failles de votre système. Alors même que les couples homosexuels ne mentent jamais aux enfants qu’ils élèvent – c’est du moins ce qu’ils disent toujours –, la loi créerait un mensonge légal, ce qui me paraît très grave.
Enfin, loin d’instaurer un prétendu « mariage pour tous », ce qui est un abus de langage, vous créez trois types de mariage à l’égard des enfants.
Le premier correspond au mariage que nous connaissons : l’enfant naît de la mère et l’époux de la mère devient père par la présomption de paternité.
Le deuxième type de mariage concerne les couples composés de deux femmes, où un enfant serait conçu par l’une d’elles grâce à l’assistance médicale à la procréation. À ce sujet, le fait que les choses se passent à Bruxelles, plutôt qu’à Nantes ou à Rennes, ne représente pas une très grande différence, car, dès l’adoption du projet de loi, la question fondamentale, celle de la filiation, sera réglée. Vous créerez ainsi la possibilité de faire reconnaître, par un jugement d’adoption, la filiation à l’égard de « l’épouse de la mère », puisque ce sont les termes qu’il faudra employer.
Le troisième type de mariage correspond au mariage de deux hommes. Un enfant conçu à l’étranger par gestation pour autrui, seul moyen pour un homosexuel d’avoir un enfant avec une paternité reconnue à l’étranger, ne pourra être adopté par l’époux en France, pour la simple – et heureuse ! – raison que la gestation pour autrui est contraire à l’ordre public français.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Bas. Voilà les trois mariages que recouvre en fait le prétendu « mariage pour tous » ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. L’amendement du doyen Gélard, de Jean-Jacques Hyest et d’autres membres de notre groupe est important, parce qu’il fait avancer le débat.
Dans le texte du Gouvernement, nous trouvons la volonté de donner les mêmes droits aux homosexuels qu’aux autres citoyens. Notre volonté est identique, mais pas sur toutes les dispositions. Dans ce domaine, nous pouvons avoir des opinions différentes, vous en avez convenu, madame la garde des sceaux. Quoi qu’il en soit, sachez que je me battrai toujours pour favoriser les droits des homosexuels, qui ne sont plus une minorité cachée.
La différence entre notre amendement et le texte du projet de loi se situe au niveau de la filiation et de l’adoption, les précédents intervenants l’ont fort bien expliqué. Sur ces sujets très importants, j’ai toujours émis des réserves. Je ne voterai donc pas les dispositions qui les concernent.
En revanche, je voterai l’amendement n° 4 rectifié bis, parce qu’il représente une avancée : l’union sera célébrée à l’hôtel de ville par le maire, avec la même publicité et le même cérémonial que le mariage – les choses ne sont plus cachées, comme dans le cas du PACS. Les conditions de dissolution seront les mêmes que pour le mariage. Il conviendra, si cet amendement est adopté, de voter les dispositions fiscales et testamentaires idoines.
Notre amendement n’établit pas de lien avec la filiation ni avec l’adoption, contrairement au mariage pour tous. Le droit à l’enfant, dans notre législation, est différent du droit de l’enfant.
Le projet de loi suscite de nombreuses inquiétudes chez les Français, notamment toutes ses dispositions relatives à la filiation et à l’adoption. Mes chers collègues, vous circulez tous dans vos départements, en semaine ou le week-end, vous rencontrez des jeunes et des moins jeunes : quelle que soit leur catégorie sociale, tous, dans leur grande majorité, expriment des inquiétudes sur cette partie du texte.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Fouché. Chacun connaît ma liberté de vote et mon engagement sur des dossiers de société parfois difficiles, sur lesquels je travaille avec des collègues de tous horizons. Certains élus ont reçu des menaces. Pour ma part, ni menaces ni directives, c’est en toute liberté que je pense, par ce vote, répondre en toute sécurité à la grande majorité des souhaits formulés par les homosexuels, dont je continuerai à faciliter l’accession aux droits ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voudrais m’en tenir à quelques remarques d’ordre politique.
L’amendement n° 4 rectifié bis me semble extrêmement révélateur du point de vue politique. Peut-être s’agit-il du vrai tournant de nos débats, car cet amendement permet de comparer les approches qui s’opposent au sein de notre hémicycle.
De notre côté, nous défendons un amendement réaliste qui, sur le plan des principes, peut exiger quelques efforts de la part de quelques-uns d’entre nous ; mais nous allons le voter très largement, car il marque notre volonté d’éviter l’affrontement, d’éviter d’opposer des Françaises et des Français à des Françaises et des Français.
De l’autre côté de l’hémicycle, que voyons-nous ? Nous voyons s’exprimer l’esprit de doctrine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Roland Courteau. Mais non !
M. Jean-Claude Gaudin. Mais si !
M. Philippe Marini. Nous voyons que ce texte joue pour vous un rôle essentiel, un rôle identitaire, car peut-être est-ce le seul ciment qui peut, aujourd’hui, rassembler les éléments épars de votre majorité contradictoire, car telle est la réalité que nous voyons s’exprimer lors de très nombreux votes dans la Haute Assemblée.
M. Roland Courteau. Hors sujet !
M. Philippe Marini. Peut-être aussi tenez-vous tant à ce projet de loi parce que le prétendu « mariage pour tous » est l’une des seules promesses faites pendant la période électorale que vous soyez capables d’honorer vis-à-vis de celles et ceux qui, hélas ! à tort et par naïveté, vous ont fait confiance ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Pas du tout !
M. Philippe Marini. À mon sens, il serait raisonnable de tenir compte des démarches de bonne volonté, en particulier de celles de notre groupe, afin d’éviter de durcir davantage les rapports au sein de notre société, de prendre le très grand risque de voir s’exprimer toujours plus de violence. Si M. le rapporteur était présent, je le lui dirais que, quand on ne veut pas recevoir des représentants de larges fractions de l’opinion publique, quand on se refuse à les écouter,…
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez toujours écouté, vous ?
M. Philippe Marini. … quand on adopte une attitude figée,…
M. Michel Vergoz. Calmez-vous !
M. Philippe Marini. … il ne faut pas s’étonner de voir monter d’une grande partie du corps social, de manières très diverses, des protestations qui deviennent de plus en plus véhémentes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. C’est un appel à la rue !
M. Christian Favier. Vous justifiez la violence !
M. Philippe Marini. Avec cet amendement, nous proposons de faire un pas dans le sens du réalisme, d’accompagner, dans une certaine mesure, les évolutions de notre société.
Vous le savez, ce qui pour nous demeure absolument inacceptable, c’est le lien que vous voulez établir entre l’évolution du mariage et les questions de filiation et de parentalité. Vous savez que nous récusons la notion de « droit à l’enfant ». Pour nous, ce qui doit dominer le raisonnement, ce sont les droits et les devoirs des enfants comme ceux des parents, de manière à permettre aux générations qui se succéderont d’accéder dans de bonnes conditions au cheminement de la vie, avec ses chances et ses risques, avec ses moments favorables et ses drames. Il s’agit bien de forger de jeunes personnalités et nous avons la ferme conviction que ce n’est pas dans le cadre de votre prétendu « mariage pour tous » que l’on forgera de vraies personnalités ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Cécile Cukierman. On n’a pas les mêmes convictions !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. À cet instant du débat, beaucoup de choses ont déjà été dites. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Mais non ! Mais non !
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, j’ai été très impressionné par la mobilisation de centaines de milliers de Français, de millions de Français, pour défendre leurs convictions.
Mme Cécile Cukierman. Des milliards, même !
M. Vincent Delahaye. Quelques débordements se sont produits, sur lesquels certains ont beaucoup insisté ici. Personnellement, je les condamne et je dis à leurs auteurs que les actes qu’ils commettent ne servent pas la cause qu’ils défendent. Quoi qu’il en soit, ces incidents ne doivent pas nous faire oublier cette mobilisation des Français, et je suis surpris du peu d’écoute dont fait preuve le Gouvernement, surtout dans la situation qui est la sienne actuellement.
Il me semblerait normal que le Gouvernement adopte une attitude favorisant le rassemblement, ce qui n’est pas si difficile à faire. Les amendements déposés par l’opposition sénatoriale, notamment ceux du groupe UDI-UC, visent à créer une union civile ouverte à tous, y compris aux couples hétérosexuels. Ils esquissent une piste rendant possible un rassemblement, et le Gouvernement devrait la suivre. Pour l’instant, nous avons l’impression de poursuivre un dialogue de sourds avec le Gouvernement, qui nous entend, mais ne nous écoute pas !
Les diverses interventions qui se sont succédé montrent que des sensibilités différentes s’expriment au sein des groupes UMP ou UDI-UC, mais, sur les autres travées, on n’entend aucune divergence, alors que, nous le savons bien, là aussi, différentes sensibilités existent !
Pour ma part, j’ai recherché quelques citations intéressantes, notamment de Lionel Jospin… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Il a quitté la politique depuis longtemps !
M. Vincent Delahaye. Il disait : « L’enfant n’est pas un bien que peut se procurer un couple homosexuel ou hétérosexuel, il est une personne née d’une union, quelle qu’en soit la modalité, d’un homme et d’une femme. J’entends parler de droit à l’enfant alors que l’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant : droit de l’enfant à avoir un père et une mère, droit de l’enfant à connaître ses origines. »
J’ai bien sûr retrouvé des propos souvent cités, ceux d’Élisabeth Guigou, à l’époque des débats sur le PACS, il y a quinze ans : « Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne peut dépendre du statut juridique du couple de ses parents. […] Je veux être parfaitement claire. Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. […] Mais je dis avec la plus grande fermeté : ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. »
Plus récemment, la députée-maire socialiste de Chambéry, Bernadette Laclais, déclarait : « […] au nom de l’égalité des droits entre adultes, faut-il créer par la loi des inégalités entre enfants ? »
Enfin, je citerai le courageux maire socialiste de Chasselas, en Saône-et-Loire : « Moi, homosexuel, je souffre de ne pas avoir d’enfants ; c’est l’une des limites dans ma vie. Mais je ne demande ni à l’État ni à la science de la combler : par respect pour moi-même et pour les enfants. J’accepte les lacunes liées à la nature même de l’homosexualité, des lacunes que l’institution du mariage pour tous ne comblerait en rien. Moi, élu et citoyen, je rejette, avec force et détermination, cette société matérialiste et consumériste qui voudrait légitimer le droit à l’enfant. Je rejoins ainsi l’immense majorité des personnes homosexuelles qui ne sont pas pacsées, qui n’ont pas d’enfant, et qui ne réclament que le respect de leur différence. »
À dialoguer comme j’ai pu le faire avec des associations représentant les homosexuels et avec de nombreux homosexuels non affiliés, on se rend compte que leurs exigences bien légitimes de reconnaissance et de non- discrimination à leur encontre vont rarement aussi loin que le texte qui nous est présenté, notamment dans sa partie adoption. Je pense que le Gouvernement et l’ex-candidat à la présidence de la République, François Hollande, se sont laissés abuser par un collectif inter-LGBT qui ne représente qu’une infime minorité des personnes homosexuelles luttant pour la reconnaissance de leurs droits.
Si chacun faisait preuve d’esprit constructif – je crois que c’est aussi le rôle des élus et du Gouvernement –, il serait possible de se rejoindre sur cette union civile ouverte à tous, aux couples homosexuels, comme aux couples hétérosexuels, laquelle union n’ouvre pas le droit à l’adoption, notamment à l’adoption plénière. Il s’agit en effet de permettre aux enfants adoptés d’avoir un père et une mère et de connaître leurs origines.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement qui a été déposé par François Zocchetto au nom du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe est une proposition en apparence séduisante, car porteuse de progrès à plusieurs égards. Je vous propose de les reprendre.
Premièrement, cela améliorerait la reconnaissance sociale de cette union grâce à une célébration en mairie.
Deuxièmement, cela éliminerait certaines discriminations, je pense notamment à la pension de réversion ou à la garantie pour le conjoint survivant de pouvoir demeurer dans le logement commun. Un problème moins commenté mais non moins grave est celui de la liberté de circulation des couples internationaux. Contrairement au mariage, le PACS ne facilite ni la délivrance d’un visa pour la France, ni l’obtention d’un titre de séjour, ni l’accès à une naturalisation. J’avais d’ailleurs défendu en février 2011 un amendement visant à faciliter l’obtention d’un visa long séjour aux conjoints pacsés, mais il m’avait fallu le retirer. À ce jour, le seul progrès en ce domaine, obtenu grâce à un autre de mes amendements, c’est que le refus de visa doit désormais être motivé.
Troisièmement, cela améliorerait la sécurité juridique en cas de dissolution de l’union. Ce dernier point me semble particulièrement important. Le mariage, qui insiste sur l’engagement dans la durée des partenaires, est plus difficile à dissoudre que le PACS. Cette stabilité, cette fidélité dans le mariage ont des effets positifs pour la société. Il s’agit, au-delà d’une morale personnelle, de maintenir des repères sociaux et culturels fondamentaux.
À l’heure où de plus en plus de couples optent pour le PACS plutôt que pour le mariage, il pourrait sembler positif que l’État encourage un tel engagement dans la durée, y compris entre personnes de même sexe.
« Le mariage est un acte politique et civil », nous dit le philosophe et ancien président de la commission d’éthique de la fédération protestante, Olivier Abel, en ce qu’« il tisse des différences dans une société qui éprouve ainsi son unité, en dépit des différences de milieu, de confession, d’opinion, éventuellement de nationalité ». Le mariage permet aussi d’organiser, de civiliser les rapports de force au sein du couple et de protéger le faible, ce que le PACS fait mal. « En renonçant à instituer la conjugalité, on contribue à la précarisation générale des engagements collectifs et à donner libre cours à la vengeance et à la violence », nous dit également Olivier Abel.
La procédure du divorce, plus longue que celle du PACS, permet de laisser un temps de réflexion et de négociation aux couples qui se séparent. Surtout, après un divorce, le conjoint économiquement plus faible peut bénéficier d’une pension alimentaire ou d’une prestation complémentaire.
Si le présent projet de loi se contentait de permettre aux couples de personnes de même sexe d’accéder à ce cadre institutionnel, je pourrais peut-être, sans doute même, le voter. Cependant, le mariage n’est pas seulement affaire de conjugalité, il soulève aussi de graves questions de filiation. La filiation peut être organisée hors mariage, ce qui est d’ailleurs le cas pour de nombreux couples hétérosexuels vivant en concubinage ou pacsés. Mais le mariage, sous sa forme actuelle, ne peut être pensé sans sa dimension filiale. Dès lors qu’un enfant naît au sein d’un couple marié, la présomption de paternité est automatique. Cela ne pourra pas être le cas dans un mariage homosexuel.
Or un cadre juridique donné doit avoir les mêmes effets pour tous. C’est la raison pour laquelle il me semble infiniment préférable de créer une union civile ouverte à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle. Elle aurait les mêmes conséquences que le mariage en termes de régime matrimonial et de droits sociaux, elle serait célébrée en mairie et serait moins facilement dissoluble que le PACS. Outre la portée symbolique importante de ce terme de « mariage », la seule différence avec le mariage serait que cette union séparerait, juridiquement et symboliquement, la dimension de la conjugalité de celle de la filiation.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne comprends vraiment pas pourquoi vous opposez un tel refus de principe à cette solution de sagesse. Celle-ci serait facteur de progrès et d’apaisement dans notre société, qui en a bien besoin.
Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu d’argument qui m’ait dissuadée de soutenir cette union civile. Je voudrais donc vraiment vous exhorter à réfléchir, avant votre vote, à l’amendement présenté par le doyen Gélard. Il offre en effet toutes les garanties nécessaires à cet apaisement et, surtout, à cette égalité de droits que nous voulons tous entre homosexuels et hétérosexuels. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Même si je célèbre beaucoup de mariages en tant que maire, je constate que le nombre de mariages recule dans ma commune. Voilà la réalité d’aujourd’hui !
Mme Corinne Bouchoux. C’est vrai !
M. Hugues Portelli. À mon sens, c’est cette situation qui devrait nous préoccuper. Au lieu de vouloir étendre le mariage à d’autres catégories de citoyennes et de citoyens, ce qui ne va pas beaucoup faire progresser les statistiques du mariage dans ce pays, on devrait se demander pourquoi dans une ville comme la mienne, par exemple, la majorité des enfants naissent maintenant hors mariage et pourquoi ceux qui décident de vivre ensemble préfèrent se pacser plutôt que se marier.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. Parce que le divorce coûte cher !
M. Hugues Portelli. Je peux vous assurer que le cas de ma commune n’est pas isolé.
Face à cette réalité, les sénateurs de l’UMP et ceux du centre ont choisi d’adopter une démarche pragmatique. Nous n’avons pas cherché à fabriquer un instrument a priori dogmatique, mais à savoir quels sont les problèmes des gens. Nous savons que nos concitoyens se marient de moins en moins, mais qu’ils ont besoin de tisser des liens et de bénéficier d’une sécurité juridique et patrimoniale. Dans ces conditions, créons les instruments, à l’instar d’ailleurs du PACS, afin que cette sécurité juridique et patrimoniale soit de plus en plus forte. Voilà de quoi ils ont besoin aujourd’hui, et non d’instruments symboliques, dogmatiques, qui ne serviront pas à grand monde !
Si le projet de loi est adopté, il y aura pendant un moment quelques mariages dont on verra les photos dans les magazines. Après, la tendance se ralentira, on le sait pour avoir vu ce qui s’est passé chez nos voisins. Une fois que la routine sera de retour, on se posera les questions qu’on aurait dû soulever aujourd’hui : que faire pour donner plus de sécurité juridique aux familles monoparentales ou aux couples qui se séparent ? Que faire pour les enfants qui vivent ces situations ?
Or, avec ce texte, on fonctionne à l’envers ! C’est là qu’on voit, et je suis complètement d’accord avec tous ceux et toutes celles qui ont parlé avant moi, que la vraie raison du projet de loi est non pas le mariage, mais la filiation : on veut nous imposer une filiation dont la majorité des habitants de ce pays ne veulent pas !
Mme Cécile Cukierman. Nous pensons à ceux qui la veulent !
M. Hugues Portelli. Je le répète, nous, nous proposons de créer un instrument juridique pragmatique et d’améliorer ce qui existe aujourd’hui. À titre personnel, je le dis franchement, j’aurais préféré que les sénateurs centristes et de l’UMP s’accordent sur un seul texte. Mais, puisqu’il y a en a deux, je les voterai l’un et l’autre parce que le dispositif me paraît bon.
Je rejoins tous ceux qui se sont exprimés avant moi pour dire leur accord sur l’union civile et sur la création de liens pragmatiques afin d’améliorer la vie des gens. Pour nous, il est hors de question de fabriquer des liens de filiation dont nous savons très bien qu’ils sont l’antichambre d’autres types d’instruments juridiques dont nous ne voulons absolument pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Il existe aujourd’hui dans notre droit trois formes d’union : le concubinage, le PACS et le mariage.
Mes chers collègues, les amendements que vous nous proposez visent à créer une quatrième catégorie d’union qui ne serait réservée qu’aux couples de personnes de même sexe.
M. Jean-Claude Gaudin. Mais non !
Mme Nicole Bonnefoy. Cette union civile, comme vous l’appelez, serait censée faire droit aux souhaits d’une célébration solennelle à la mairie et intègrerait les droits ultra-patrimoniaux. Or je rappelle une nouvelle fois que l’objet de cette réforme est non pas d’accorder des droits spécifiques aux couples de personnes de même sexe, mais de leur ouvrir l’accès à une institution républicaine dont ils sont aujourd’hui exclus. Il serait inutile, voire discriminatoire, d’instaurer une nouvelle forme d’union qui leur serait réservée.
Par ailleurs, nous nous étonnons que vous proposiez la création d’une union calquée pour l’essentiel sur le mariage, exception faite de la filiation. En effet, pour la définir, vous avez repris le contenu du mariage en refusant d’en conserver le nom. Je vous pose une question simple : pourquoi créer un contrat spécifique, juridiquement identique – ou presque – à celui qui est déjà inscrit dans le code civil, sinon pour éviter d’ouvrir ce dernier aux personnes de même sexe ?
Il est surprenant que certains de nos collègues reconnus pour leurs compétences de juristes en viennent à faire cette proposition, qui va inévitablement alourdir notre droit en créant un empilement des formes d’union – mariage, PACS, union civile et concubinage.
En outre, je souhaite souligner le manque de cohérence et de lisibilité de votre message politique. Vous y avez vous-même volontairement consenti il y a quelques minutes.
Voilà dix ans, vous vous opposiez, avec la plus grande virulence, à la création du PACS, développant des arguments proches de ceux que vous nous exposez aujourd’hui pour vous opposer à l’ouverture du mariage pour des couples de personnes de même sexe. Aujourd’hui, vous proposez une union civile dont les garanties sont très supérieures à celles du PACS de 1999, que vous jugiez inacceptables à l’époque ! Le paradoxe va même plus loin – nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises –, car vous en venez désormais à soutenir le PACS et à vouloir l’étendre.
Monsieur Gélard, je constate, par exemple, que vous proposez plusieurs amendements tendant à l’améliorer, notamment en matière d’adoption simple ou en ce qui concerne son application en Polynésie.
Monsieur Milon, vous proposez aussi l’ouverture de l’adoption pour les personnes pacsées.
Mes chers collègues, nous avons un peu de mal à vous suivre. D’une certaine manière, cela peut nous rassurer, car dans dix ou quinze ans, vous nous proposerez sûrement des amendements visant à améliorer le mariage aux couples de personnes de même sexe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En tout état de cause, vous l’aurez compris, le groupe socialiste est fondamentalement opposé à la création d’une union civile. Celle-ci va en effet à l’encontre de l’esprit du projet de loi en perpétuant une différence de traitement entre les individus en fonction de leur orientation sexuelle.
Les personnes homosexuelles ne sont pas des êtres à part. Ce sont des citoyens comme les autres ! Ils n’ont pas à être traités différemment. C’est d’ailleurs l’essence même du projet de loi que d’offrir les mêmes droits à toutes et à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe UMP et, l’autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 157
Contre 179
Le Sénat n’a pas adopté. (M. David Assouline applaudit.)
La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.
M. Christian Cointat. Je souhaite compléter les propos que j’ai tenus lors de la présentation de cet amendement. En plus de conforter l’espoir éprouvé par une partie de la population de se voir enfin reconnue, il faut ouvrir une voie de retour aux jeunes homosexuels qui ont choisi d’aller se marier à l’étranger et s’y sont installés sans pouvoir revenir en France, de peur de perdre leurs droits.
Il est vrai que ce débat sur le mariage, ou assimilé, soulève une question importante, souvent évoquée, à savoir celle du « désir d’enfant » – autrement dit de l’adoption, de la PMA et de la GPA –, qui constituera un vrai problème pour l’évolution de la famille s’il n’est pas maîtrisé.
L’adoption est déjà possible, et l’instauration du « mariage pour tous », tel qu’il est proposé, n’y changera rien, faute d’un nombre suffisant d’enfants à adopter. Là où le danger guette l’avenir de la « famille » telle que notre société la perçoit, c’est au niveau de la PMA et de la GPA. Or le projet de loi du Gouvernement, tel qu’il est actuellement rédigé, n’en traite nullement, car les auteurs du texte savaient pertinemment que, dans ce cas, il n’aurait pas été possible de réunir une majorité sur cette proposition. L’inquiétude pour les « enfants à venir » n’a donc pas lieu d’être dans le cadre législatif présent, car elle repose sur des bases purement théoriques. Quant au contrat d’union civile, le texte n’en ouvre nullement la possibilité.
En revanche, il faut résoudre le problème des « enfants existants », nés de l’un ou l’autre des parents homosexuels, voire des deux. Ces enfants ne doivent pas être oubliés. Encore plus que les autres, ils ont besoin de reconnaissance, de protection et d’identité. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, le PACS n’est pas adapté. Au reste, à sa création, j’étais contre à cause de son insuffisance même ; la suite des événements m’a donné raison.
Ce seul aspect du problème mérite que nous légiférions pour améliorer les choses. On ne peut pas, je le répète, se désintéresser de ces enfants.
J’estime donc indispensable de répondre à l’attente légitime d’une partie de la population, mais nous devons le faire sans heurter l’autre partie de nos concitoyens, dont la participation aux manifestations d’opposition au « mariage pour tous » témoigne de l’importance.
Tel est le sens de cet amendement : satisfaire les uns sans blesser les autres. L’adoption de ce contrat d’union civile permettra aux couples homosexuels, comme aux couples hétérosexuels, d’avoir droit à un véritable foyer, tout en apaisant les inquiétudes des opposants à l’ouverture du mariage. Elle peut ainsi résoudre les contradictions et les problèmes qui ont été soulevés et, de surcroît, le faire en douceur... Pourquoi donc se priver de l’adopter ?
Il n’est pas nécessaire, monsieur le rapporteur, d’attendre le vote éventuel d’une proposition de loi. Votons ce dispositif maintenant ! Garantissons les droits fondamentaux, au cas où le Conseil constitutionnel ne validerait pas la notion de mariage, comme je l’ai entendu dire à plusieurs reprises. Au moins aurons-nous pu aller de l’avant et garantir les droits essentiels que réclament les homosexuels !
Nous ne pouvons pas rester sans légiférer. Si nous n’ouvrions pas à ces couples, dans la loi, au moins l’accès à un contrat d’union civile comparable au mariage, alors oui, mes chers collègues, je suis navré de vous le dire, je voterais le texte proposé par le rapporteur, comme j’ai été conduit à le faire en commission des lois. Je le voterai, non par conviction – moi non plus, je ne souhaite pas que l’on touche au symbole du mariage ! –, mais par devoir. Non, nous n’avons pas le droit, en tant que législateur, de laisser perdurer une situation inéquitable, et ce d’autant plus que la solution n’entraîne aucune réelle conséquence pour les autres !
S’il n’est pas possible d’obtenir le « bon choix », autrement dit le contrat d’union civile, ce qui serait regrettable, je préfère un « moins bon », le mariage, à deux « très mauvais » : rien et le PACS.
Ce n’est pas le « mariage pour tous » qui guide mon action, mais le droit au bonheur pour tous.
M. David Assouline. Bravo !
M. Christian Cointat. À la suite de ma prise de position en commission, j’ai été inondé de courriels d’insultes, de menaces, de haine. On assiste avec internet à un dévoiement de la démocratie de proximité par le recours à l’intimidation et à la dictature de la pensée. Je suis atterré et attristé de voir se manifester une telle intolérance, doublée de méchanceté et de sectarisme, vis-à-vis de ceux qui pensent différemment. Ce n’est guère encourageant pour l’avenir de notre société.
M. David Assouline. Vos collègues de l’UMP ne veulent pas le reconnaître !
Mme Sophie Primas. Ça suffit, monsieur Assouline !
M. Christian Cointat. Pourtant, au milieu de cette noirceur nauséabonde, j’ai reçu un message que je vous livre, car il fut un véritable rayon de soleil qui donne la force d’affronter tous les combats, et dont je remercie son auteur, un jeune homosexuel : « Comme des centaines de personnes, j’ai appris votre position à propos du projet de loi pour l’ouverture du mariage... Vous devez sûrement avoir reçu tout autant de mails pour vous demander de changer d’avis, pour tenter de vous expliquer comme cette loi pourrait “déstabiliser” la société voire pire...
« Mon mail est donc tout à fait différent. Je tenais à vous remercier pour votre courage et la force de vos valeurs, notamment en tant que sénateur UMP. En ces temps sombres où, pour la première fois, je sens que mon homosexualité dérange et où l’homophobie se banalise, les choix de personnes comme vous signifient beaucoup.
« N’oubliez jamais que cette loi, ne changeant rien au quotidien des milliers de personnes qui manifestent, impactera sensiblement le reste de ma vie... ». Ce message m’a fait chaud au cœur !
Un pays dans lequel les gens sont heureux est bien plus florissant, bien plus fort, qu’un pays où les citoyens ne le sont pas. Je ne l’oublie jamais. Aussi, dans l’exercice de mon mandat de législateur, mes convictions personnelles s’effacent toujours devant ce que je considère comme l’intérêt général, dont l’équité est pour moi un élément fondamental.
Alors légiférons, mes chers collègues, légiférons avec efficacité, légiférons avec habileté et douceur. N’oublions pas que les citoyens sont inquiets. Or, comme le disait un philosophe du XVIIIe siècle, et c’est malheureusement toujours d’actualité, « quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir ». (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les interventions sur l’amendement n° 4 rectifié bis ayant été très nombreuses, ce qui est tout à fait normal, ainsi que sur l’amendement n° 169 rectifié ter du groupe UDI-UC, je souhaite revenir brièvement sur l’amendement n° 6 avant que nous ne passions au vote.
Comme je l’ai dit précédemment, cet amendement ne se substitue pas au texte actuel, mais établit une union civile ou un PACS rénové pour tous.
Monsieur Cointat, j’avais proposé en commission des lois que vous retiriez votre amendement, qui n’a pas sa place dans le texte actuel, et que vous présentiez, avec certains de vos collègues – je sais que vous n’êtes pas seul à travailler sur ce sujet –, une proposition de loi qui viendrait ultérieurement en discussion et dont les dispositions pourraient ainsi être inscrites dans le code civil – pourquoi pas à la place de celles relatives au PACS ? À défaut de retrait, je suis donc au regret, au nom de la commission des lois, d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 131 :
Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l’adoption 133
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 169 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 164
Contre 177
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l’amendement n° 192 rectifié.
M. Charles Revet. Quelle réponse peut-on apporter aux personnes de même sexe qui souhaitent vivre ensemble ?
Vous proposez le mariage, madame le garde des sceaux. Or bon nombre d’entre nous y sont totalement opposés, pour au moins deux raisons.
En premier lieu, le terme mariage est signifiant : depuis qu’il existe, il correspond à la situation de deux personnes de sexe différent, un homme et une femme, qui, par leur complémentarité, peuvent donner la vie, ce que deux hommes ensemble ou deux femmes ensemble ne pourront jamais faire.
En second lieu, et c’est probablement la raison la plus importante, si le texte est adopté, le risque est grand que, dès sa parution au Journal officiel, certains saisissent la Cour européenne des droits de l’homme ou la Cour de justice de l’Union européenne et que la France se voie de fait imposer l’adoption plénière, la PMA, voire la GPA. Or il va de soi que, sur les travées de l’opposition, nous ne voulons pas de cela, pas plus qu’un grand nombre de sénateurs de la majorité, du reste. Le Président de la République lui-même a d’ailleurs affirmé que, durant son quinquennat, il ne saurait en être question.
Certes, madame le garde des sceaux, ce pourrait être une manœuvre habile – j’ignore si c’est prémédité – qui vous permettrait de dire demain que vous non plus ne le vouliez pas – preuve en est, cela ne figure pas dans le texte –, mais qu’il va falloir désormais s’en accommoder, puisque cela s’impose à nous. Il nous faut prendre cette menace au sérieux.
L’amendement que j’ai déposé tente également de répondre à la question qui ouvre mon propos. Notre droit propose déjà un terme qui correspond à la situation. C’est celui de concubinage, qui figure à l’article 515-8 du code civil et qui est ainsi défini : « […] union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Je l’ai transformé en « concubinat », pour en étendre les dispositions. Cette réponse permettrait l’avancée tant attendue par certains, tout en empêchant les recours à l’échelon européen.
On nous a accusés d’être homophobes, au prétexte que, si l’on n’est pas pour le mariage pour tous, on est contre les personnes de même sexe qui veulent vivre ensemble. C’est le contraire ! Nous souhaitons proposer des solutions. C’est le cas avec cet amendement, dont l’adoption évitera les risques qui nous guettent si l’article 1er est voté.
Madame le garde des sceaux, y aurait-il aujourd’hui deux mondes : le cercle fermé dans lequel nous sommes et l’extérieur ? J’ai bien entendu M. le Président de la République appeler à l’apaisement au regard des problèmes, notamment économiques, que traversait notre pays. Ce matin encore, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale soulignait que nous avions besoin de cohésion. Il est vrai que ce que nous vivons en ce moment touche l’ensemble des responsables politiques...
Cet amendement est susceptible d’apporter une réponse qui comblerait les attentes de ceux qui ont suggéré ce projet de loi. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Cointat, je salue vos propos et votre prise de position. J’ai eu connaissance des menaces que vous avez reçues. Sachant que vous souhaitiez rester discret, je m’étais contentée de vous envoyer un petit mot. Puisque vous en faites aujourd’hui publiquement état, je tiens à vous dire tout aussi publiquement que les pratiques dont vous avez été la cible sont absolument inadmissibles. Je crois que ce point de vue est partagé sur l’ensemble des travées. (Applaudissements.) M. le rapporteur et moi-même avons eu l’occasion de souligner que l’amendement que vous aviez présenté était d’une autre nature que l’ensemble des amendements en discussion commune.
Monsieur Revet, comme pour les autres amendements en discussion commune, l’amendement n° 192 rectifié fait l’objet d’une opposition de principe du Gouvernement, opposition que vous pouvez ne pas apprécier. Vous contestez le projet du Gouvernement, tout comme le Gouvernement conteste le vôtre, car ces deux projets sont résolument différents. Le Gouvernement a choisi d’ouvrir l’institution du mariage en l’état, à droit constant, ainsi que l’adoption, aux couples de personnes de même sexe ; telle n’est pas votre démarche.
Je voudrais revenir sur certains propos tenus lors de la discussion de l’amendement n° 4 rectifié bis.
Monsieur M. Trillard, vous vous êtes référé à une déclaration que j’ai faite à l’Assemblée nationale. Malheureusement, vous n’en avez retenu qu’un petit bout. Je vous invite donc tous, mesdames, messieurs les sénateurs, par souci de vérité, à aller lire l’intégralité de mes propos, même si cela relève du pensum. (Sourires.)
J’avais alors déclaré, en substance, que le mariage était une institution conservatrice, à double titre.
Premièrement – je crois avoir assez longuement insisté sur ce point, à l’Assemblée nationale comme au Sénat –, elle témoigne d’un ordre passé, car elle véhicule une conception de la conjugalité, de la vie de famille et de la liberté de chacun des membres du couple. Nous avons vu la définition qu’en avait donnée Portalis, puis l’évolution de l’institution, avec l’autorisation du divorce, conçue comme liberté suprême – puisqu’on peut contracter mariage, on peut tout aussi bien dissoudre mariage –, sa suppression – c’est-à-dire une nouvelle restriction de liberté – et enfin, de nouveau, son autorisation.
Deuxièmement, elle porte les empreintes de tous les combats, de tous les débats, de tous les progrès réalisés dans la société française sur les questions des libertés individuelles et de l’égalité.
Avant que je ne termine ma démonstration à l’Assemblée nationale, le député Claude Goasguen s’est exclamé : « Dans ce cas, ce n’est pas une institution conservatrice, mais conservatoire ! » Je lui ai répondu que si c’était une institution conservatoire, elle serait figée. Elle est conservatrice au sens où elle témoigne du passé et, de surcroît, elle en porte les traces.
Le rappel de la teneur exacte de mes propos me semble de nature à invalider le commentaire que vous en avez fait, monsieur Trillard.
Je passe sur le rapprochement, assez malheureux selon moi – je l’ai aussi entendu à l’Assemblée nationale –, que vous avez effectué avec les pratiques des vétérinaires en matière de transferts d’embryons. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, car je souhaite que notre travail soit constructif.
Monsieur Raffarin, les mots que vous avez prononcés ont résonné très fortement en moi. J’ai été très sensible à votre réflexion « en surplomb », au sens où l’on s’élève pour comprendre et analyser, notamment lorsque vous vous alarmez de cette violence qui est train de s’installer et de se manifester au grand jour dans la société, faisant fi de toutes les règles et principes du contrat républicain, lequel permet les oppositions, les désaccords, les divergences, les polémiques, voire les disputes, mais toujours dans le respect de la civilité de notre vie commune.
Lorsque vous me dites que, en tant que garde des sceaux, je devrais être encore plus que d’autres touchée et concernée par ces sujets, vous avez raison : les misères sociales et morales sont en effet le quotidien du garde des sceaux, mais aussi celui des magistrats, des greffiers ou des avocats, particulièrement dans les tribunaux d’instance. Nous vivons cette violence et ces difficultés sociales dans nos juridictions. Mais les personnes victimes d’actes homophobes la vivent également lorsqu’elles subissent ces discriminations et ces inégalités.
Nous partageons manifestement une même inquiétude sur l’état de notre société, sur la façon dont est en train de se défaire le lien social, avec cette radicalisation qui s’exprime parfois violemment, soit symboliquement, à travers le verbe, les messages ou les menaces, soit physiquement. Nous en sommes tous inquiets, mais aussi tous comptables, car c’est ensemble que nous ferons reculer cette violence et triompher de nouveau la civilité dans ce pays.
Cela étant, la conclusion à laquelle vous parvenez ne me semble pas judicieuse. Je ne crois pas en effet qu’une si belle profession de foi sur la nécessité de ramener la paix civile dans la société puisse être utilisée comme argumentaire en faveur de l’union civile.
Monsieur Karoutchi, vous avez regretté, avec toute la franchise qui vous caractérise, que, au cours des dix dernières années, et particulièrement lors du précédent quinquennat, aucun projet de loi ou proposition de loi sur l’union civile n’ait été présenté et adopté.
À entendre aujourd’hui toutes les interventions de Mmes les sénatrices et de MM. les sénateurs en faveur de l’union civile, je regretterais presque – j’ai un petit côté masochiste (Sourires.) – qu’ils ne vous aient pas davantage soutenu à l’époque, car nous aurions aujourd’hui un texte. Je maintiens toutefois que cette démarche n’est pas de même nature que celle du Gouvernement.
Il reste que, au regard de cette extraordinaire harmonie et de cette parfaite unanimité en faveur de l’union civile, je ne peux m’empêcher de me dire que vous auriez eu grand besoin de tous ces soutiens ces dernières années…
Je veux surtout retenir deux choses dans vos propos.
Tout d’abord, nous aurions pu, selon vous, retenir le mot « mariage », tout en le déconnectant de l’adoption. Ce n’est pas à vous que j’apprendrais que, pour notre code civil, le mariage entraîne l’adoption.
M. Charles Revet. Et voilà !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a décidé d’ouvrir l’institution du mariage aux couples de personnes de même sexe, et l’article 343 du code civil ouvre aux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans, l’adoption plénière et l’adoption simple. Cette question n’est donc pas sémantique, elle est liée à l’institution du mariage, puisque nous l’ouvrons à droit constant.
Enfin, à vous entendre, nous nous obstinerions parce que nous ne parlons pas à la droite. Vous savez bien que cela est faux. D’abord, dans cet hémicycle, nous nous parlons en parfaite urbanité. Dans cette enceinte, je ne dialogue d’ailleurs pas avec la droite, mais avec l’opposition sénatoriale, et je le fais avec le même respect.
Je note aussi que cette discussion a été engagée bien avant l’examen du texte en séance publique. Au cours de mon audition devant la commission des lois, les sénateurs de l’opposition ont pu s’exprimer et poser des questions. Je leur ai répondu, peut-être avec insuffisance à vos yeux, mais en tout cas avec le même soin et la même attention qu’aux sénateurs de la majorité.
De surcroît, j’ai souhaité m’entretenir avec un certain nombre de sénateurs de l’opposition. Je n’ai pas vu tous ceux que j’avais prévu de voir, faute de temps, mais ceux que j’ai sollicités ont accepté de me rencontrer, et nous avons pu échanger en toute franchise.
Ne nous accusez donc pas de ne pas parler à la droite ! Je l’ai déjà dit : l’œuvre législative est une œuvre éminemment responsable. Lorsque nous écrivons la loi, nous devons veiller à ce qu’elle soit juste, claire et, de surcroît, à ce qu’elle améliore la vie de nos concitoyens. C’est bien dans cet esprit que nous travaillons dans cet hémicycle.
La droite n’est pas pestiférée, en aucune façon !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ah !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’assume d’ailleurs publiquement d’avoir des relations, des échanges et des entretiens avec les membres de l’opposition, pour éventuellement constater, le cas échéant, que nos points de vue ne convergent pas, même après la confrontation d’arguments.
Monsieur Gournac, vous pensez qu’Aimé Césaire, que j’ai précédemment cité dans le débat, n’aurait certainement pas approuvé le mariage pour tous. Il est toujours extrêmement délicat de faire parler ceux qui sont partis.
M. Alain Gournac. Vous l’avez fait aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, j’ai simplement dit que notre démarche consistait à « forcer de fumantes portes ».
Aimé Césaire n’a pas eu l’occasion de s’exprimer sur le mariage des couples de personnes de même sexe. Néanmoins, dans son œuvre, riche et dense, il est question des personnes victimes d’inégalités ou de discriminations de fait ou de droit. Ainsi, dans le Cahier d’un retour au pays natal, il écrit : « Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serai un homme-juif, un homme-cafre, un homme-hindou-de-Calcutta, un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas. »
Permettez-moi de penser que, aujourd’hui, il aurait sans doute été solidaire de personnes victimes de discriminations de fait ou de droit. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – MM. Michel Bécot et Yann Gaillard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Comme je l’ai dit précédemment, j’ai participé à deux manifestations calmes, dignes, familiales. À l’instar de tous mes collègues, je ne peux donc que condamner les violences.
Il est normal de vouloir accorder des droits à des couples de personnes de même sexe qui vivent ensemble depuis de très nombreuses années. Mais vouloir légaliser, ce n’est pas forcément vouloir l’égalité. On ne peut pas mettre sur un même plan ce qui est de nature différente.
Voilà pourquoi l’UMP avait déposé un amendement qui prévoyait, d’un côté, l’union civile et, de l’autre, le mariage. Cette disposition n’ayant pas été adoptée par la Haute Assemblée, je voterai l’amendement de Charles Revet, qui, lui aussi, établit une différence. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 192 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 133 :
Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l’adoption 134
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 22 rectifié ter n’a plus d’objet. (M. Patrice Gélard acquiesce.)
L’amendement n° 259 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Legendre, Sido, del Picchia, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 758, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire issu d’un pacte civil de solidarité » ;
2° Le premier alinéa de l’article 767 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « ou du partenaire issu d’un pacte civil de solidarité » ;
b) La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou au partenaire ».
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Madame la garde des sceaux, peut-être vous souvenez-vous qu’en présentant la motion référendaire je vous avais donné acte d’un d’accord entre nous : ce projet de loi est une réforme de civilisation.
Je vous donne acte d’un autre accord entre nous : le mariage ne dissocie pas la conjugalité de la filiation, comme vous venez de l’indiquer dans votre réponse à nos collègues. C’est la raison pour laquelle nous proposons, à travers différents amendements, des outils juridiques pour tenter de dresser une muraille entre le droit des adultes et le droit des enfants.
Lors de son rappel au règlement, j’ai entendu David Assouline dire que celles et ceux qui réclament aujourd’hui un référendum justifient, ce faisant, le recours à la violence, car cette demande revient à vouloir diminuer la légitimité de la représentation nationale. Depuis quand en appeler au sens du peuple, comme le disait Michelet, diminue-t-il notre légitimité ? Car c’est bien du peuple que nous tenons le pouvoir de légiférer ! Reste que le projet de loi suscite des oppositions parmi nos concitoyens, en particulier sur la question de la filiation et de la parenté.
L’amendement que je présente s’inscrit dans le droit fil de ceux qui viennent d’être rejetés. Il vise à rehausser les droits patrimoniaux du couple pacsé, notamment en matière de succession. En effet, le droit en vigueur apparaît particulièrement injuste : seuls les couples mariés, et donc composés de personnes de sexe différent, bénéficient des dispositions successorales. Le seul droit reconnu aux couples de personnes de même sexe consiste en la jouissance gratuite du logement un an après le décès du partenaire.
Cette situation est choquante. C’est pourquoi je propose d’ouvrir les dispositions successorales au PACS. L’adoption d’une telle mesure protégerait le conjoint survivant en cas de décès de son partenaire. De façon symbolique, on peut dire que la mort n’arrêtera pas l’amour. Il faut dire que s’il existe un instant durant lequel nous sommes tous égaux, c’est bien face à la mort.
Cette disposition constitue donc un outil juridique permettant de tracer une ligne entre le statut du mariage et celui des couples de personnes de même sexe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, sauf si M. Retailleau le retire. (Rires sur les travées de l’UMP.) Ne riez pas, il y a beaucoup de demeures dans la maison de l’UMP : certains, très majoritairement, suivent l’amendement de M. Gélard ; d’autres, de manière isolée, comme M. Revet, présentent un autre système qui s’inspire du concubinage, dispositif qui avait été adopté lors de l’examen du PACS par l’Assemblée nationale après avoir été introduit au Sénat ; quant à M. Retailleau, il emprunte encore une autre voie, individuelle et singulière.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement est cosigné par plusieurs dizaines de membres de mon groupe !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’abstient sur l’amendement de M. Gélard et du groupe UMP, mais il veut améliorer le cadre juridique du PACS en instaurant le même régime successoral que celui qui prévaut pour les conjoints mariés.
Cet amendement est intéressant, tout comme celui de M. Cointat. Toutefois, ce type de dispositions se trouvent hors du champ du texte. Elles trouveront toute leur place lorsque nous reviendrons sur le régime juridique du PACS, notamment en matière successorale. M. Retailleau pourrait donc présenter cette mesure dans le cadre d’un autre débat.
M. Jean-Claude Gaudin. Et les célibataires, à quoi ont-ils droit ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Gaudin, les célibataires ont droit à toutes les faveurs de leur ville, dont ils sont maires depuis des années ! (Sourires.)
M. le président. Avant de demander l’avis du Gouvernement sur l’amendement, je vous accorde la parole monsieur Gaudin.
M. Jean-Claude Gaudin. Moi, je suis célibataire. Je n’ai pas de famille, rien !
Mme Nathalie Goulet. Vous n’avez pas voulu adopter ?
M. Jean-Claude Gaudin. Je n’aurais pas pu, je ne l’aurais pas voulu non plus.
Le jour où je vais m’en aller, le peu de biens que j’ai, et que je déclarerai, puisque c’est la mode maintenant – je l’ai d’ailleurs déjà fait deux ou trois fois –, la personne, l’institution ou la ville à qui j’en ferai don devra payer 65 % d’impôts. C’est excessif ! J’aurais aimé que l’on corrige cette situation anormale dans le cadre des dispositions que nous sommes en train d’examiner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je m’attendais à une ode au célibat, à ses mystères et ses merveilles. (Sourires.) Reste que nous avons entendu qu’il faudra éventuellement modifier le droit.
Cela étant, comme l’écrit M. Retailleau, l’amendement n° 259 rectifié bis « a pour objet de donner une vocation successorale au PACS, jusqu’ici les partenaires ont besoin de recourir à un testament ». Au vu de cet argumentaire, comme l’indique M. le rapporteur, cette mesure est clairement hors champ du projet de loi.
Qu’il faille aménager le pacte civil de solidarité, par petites touches ou en profondeur, comme l’a proposé M. Cointat, mérite un débat. Nous pouvons en effet discuter pour savoir s’il faut créer un autre régime juridique.
Actuellement, il existe trois régimes distincts : le mariage, contrat-institution ; l’union de fait, c’est-à-dire le concubinage ; et le pacte civil de solidarité. En l’occurrence, nous parlons du mariage.
La ministre chargée de la famille a déjà eu l’occasion de le dire, des débats auront prochainement lieu sur la façon d’améliorer le régime juridique du couple pacsé.
Telles sont les raisons pour lesquelles l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 259 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Encore !
M. le président. Je rappelle que la commission a demandé le retrait de l’amendement et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Articles additionnels avant l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l’adoption 168
Contre 174
Le Sénat n’a pas adopté. (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP félicitent M. Bruno Retailleau du nombre de voix obtenues en faveur de son amendement et l’applaudissent.)
Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour un rappel au règlement.
M. Hugues Portelli. Depuis le début de la séance, je constate que nous allons de scrutin public en scrutin public.
Je me rappelle que, à une époque pas si lointaine, nos collègues et amis du groupe socialiste, alors minoritaires, nous servaient régulièrement une critique contre cette procédure qui visait à pallier les absences scandaleuses de la majorité dans l’hémicycle.
M. Philippe Marini. Eh oui ! Il ne faut jamais dire « fontaine »…
M. Hugues Portelli. J’ai l’impression, mes chers collègues, que vous allez nous imposer des scrutins publics tout au long de la séance de ce jour. Je vous invite donc à méditer vos propos d’hier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest, Portelli, Bas et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans le mois qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’opportunité de dénoncer tout traité, convention ou accord international, multilatéral ou bilatéral, ratifié ou approuvé, renfermant des stipulations qui règlent des questions matrimoniales, d’adoption ou d’attribution de nationalité par mariage ou de filiation entre les droits applicables aux ressortissants respectifs des deux parties, dans le cas où elles seraient devenues incompatibles avec les dispositions de la présente loi, et notamment :
- le protocole relatif à l’aide mutuelle judiciaire franco-vietnamien (1954) ;
- la convention relative à la délivrance de certains actes d’état civil n° 1 (1956) ;
- la convention d’établissement franco-malgache (1960) ;
- la convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages (1962) ;
- la convention franco-polonaise relative à la loi applicable, la compétence et l’exequatur dans le droit des personnes et de la famille (1967) ;
- la convention sur la légitimation par mariage n° 12 (1970) ;
- la convention franco-marocaine relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire (1981) ;
- la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (1993) ;
- la convention concernant l’échange international d’informations en matière d’état civil n° 26 (1997) ;
- la convention relative à la coopération en matière d’adoption d’enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (2000).
II. – Dans le mois qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’opportunité d’émettre une réserve d’interprétation entre les mains des dépositaires des traités ci-après ratifiés :
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ;
- la convention relative aux droits de l’enfant (1990).
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Par le biais de cet amendement, j’aborde un problème essentiel qui n’a été traité ni dans le projet de loi ni a fortiori dans l’étude d’impact, à savoir celui des relations de ce texte avec les accords internationaux que nous avons conclus dans le domaine du droit de la famille. En effet, une multitude de conventions qui nous lient à des pays étrangers ont pour objet de régler les problèmes de mariage, d’adoption, de filiation, etc.
Or, en droit français, il existe une règle simple, qui énonce la valeur supérieure des traités par rapport à la loi. En d’autres termes, nous sommes en train d’examiner un projet de loi dont les dispositions, s’il est adopté, seront en contradiction avec une multitude de traités qui nous lient.
M. André Trillard. Exact !
M. Patrice Gélard. Par conséquent, il s’agit d’une irrégularité constitutionnelle.
M. David Assouline. Vous êtes un spécialiste des irrégularités !
M. Patrice Gélard. Préalablement à toute transformation des règles du droit de la famille, nous aurions dû modifier nos accords conclus avec les États en question.
Nous sommes face à une situation difficile à résoudre et qui soulève des interrogations.
Certes, le Conseil constitutionnel a toujours estimé qu’il n’était pas juge de la conventionalité, mais nous sommes confrontés à un véritable problème de fond, qui constitue une négation de notre État de droit. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons une solution, qui, sans instaurer d’injonctions à l’encontre du Gouvernement, a pour finalité de rétablir la normalité de la situation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je souhaite tout d’abord aborder un point de pure forme. En commission des lois, monsieur Gélard, je vous ai entendu dénoncer, comme sous la précédente majorité dont vous étiez membre, la multiplication des rapports remis au Parlement. En l’espèce, en présentant un seul amendement, vous demandez la remise de deux rapports pour le même prix. C’est tout de même beaucoup !
Par ailleurs, vous le savez très bien, le Conseil constitutionnel, fort heureusement, se refuse à juger de la conventionnalité des lois.
Dans les faits, que se passe-t-il ? Après avoir préparé un texte, quel qu’il soit, et une fois celui-ci voté, il appartient au Gouvernement de lister toutes les conventions internationales qui pourraient être en opposition partielle ou totale avec ledit texte et de les renégocier. C’est bien évidemment ce qu’il fera.
L’intéressante question que vous soulevez trouvera sa place au sein des séances qui se déroulent au Sénat lors des semaines mensuelles réservées au contrôle de l’action du Gouvernement, en vertu de l’article 48 de la Constitution.
En l’état, mes chers collègues, la commission des lois vous propose de rejeter l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gélard, vous avez eu raison de rappeler que, dans la hiérarchie des normes, les traités internationaux s’imposent et ont une portée supérieure à celle de notre droit interne. Votre souci est tout à fait légitime. Néanmoins, je vous prie de faire crédit au Gouvernement : il s’est préoccupé de cette question dès l’élaboration du projet de loi. Faites également confiance au Conseil d’État, qui s’en est aussi soucié. À ce propos, M. Hyest a manifestement eu connaissance du rapport de celui-ci puisque, lorsqu’il a présenté la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, il nous a donné lecture d’une partie de ce document.
Le Conseil d’État indique très précisément que « ni les obligations internationales de la France ni le droit constitutionnel ne s’opposent à un tel choix », à savoir celui du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.
Au moment de l’élaboration du projet de loi, nous avons eu le souci de vérifier les contradictions éventuelles qui pourraient résulter de l’évolution de notre droit civil que nous proposons avec les conventions multilatérales et bilatérales par lesquelles la France est liée.
Ainsi, dans chaque texte que nous avons examiné, nous avons étudié les dispositions relatives au mariage puisque, monsieur Gélard, à travers aussi bien cet amendement que diverses interventions que vous avez faites, vous avez soulevé la question de savoir si une quelconque convention définissait le mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme, définition qui entrerait en contradiction avec l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe que nous voulons mettre en œuvre.
Nous avons tout d’abord étudié la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée en 1950 et modifiée, comme vous le savez, par les protocoles nos 11 et 14. Son article 12 dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. » En l’occurrence, nous sommes bien en train de faire évoluer la loi nationale.
De surcroît, en 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, ayant été amenée à se prononcer, a estimé que, en cas de désaccord entre des États, il leur revient de s’entendre et que c’est bien la loi nationale qui détermine le régime matrimonial.
Quant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui date de 1966, son article 23 dispose :
« 1. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État.
« 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. » Je le rappelle, ce droit est considéré comme une liberté individuelle de l’homme et de la femme. Il n’existe donc pas de contradiction avec la liberté individuelle de deux hommes ou de deux femmes de s’unir.
Ce même article poursuit : « 3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. »
Vous le constatez, aucune contradiction n’apparaît entre le projet de loi et ce pacte.
La Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, elle, aurait pu contenir des dispositions particulièrement contraignantes. En fait, elle a pour objet la lutte contre des coutumes, des usages, des règles qui ne seraient pas conformes aux dispositions contenues, notamment, dans la Charte des Nations unies et dans la Convention européenne des droits de l’homme. En l’espèce, aucune incompatibilité n’est mentionnée.
Nous avons bien évidemment examiné la compatibilité du présent texte avec la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à laquelle la France a pris une part significative, nous le savons tous, grâce au leadership de René Cassin. Son article 16 dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. » De ce point de vue, il n’existe pas non plus d’incompatibilité.
Enfin, j’en viens à la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Elle est très claire. Elle ne définit pas les critères d’éligibilité à l’adoption, car cette compétence est reconnue aux États. Ce sont eux qui, dans leur droit, précisent les conditions d’adoption. En France, celles-ci sont inscrites dans le code civil.
Je rappelle à ceux qui parlent de « droit à l’enfant » que, dans le code civil, il n’en existe pas aujourd’hui pour les couples hétérosexuels qui accèdent au mariage et au droit à l’adoption, en termes ni de pratiques ni de procédures. À l’avenir, il n’y en aura pas davantage pour les couples homosexuels, puisque nous voulons leur ouvrir le mariage à droit constant. Nous prévoyons une possibilité d’adoption. En la matière, siégeant dans la chambre des représentants des collectivités locales, vous êtes nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à être présidents de conseil général et vous savez bien que la procédure est rigoureuse, sérieuse et conduite avec sévérité et rigueur. C’est dans ces mêmes conditions que l’adoption par des couples homosexuels aura lieu.
Je le répète, il n’existe pas de « droit à l’enfant ». En revanche, les procédures d’adoption se déroulent dans le respect du droit. Et, aux termes de l’article 353 du code civil, le juge qui prononce l’adoption vérifie si celle-ci est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La Convention de La Haye renvoie la fixation des critères d’adoption aux États. Elle indique les dispositions, notamment procédurales, pour y accéder.
Néanmoins, se pose, bien évidemment, la question des conventions bilatérales. Vous avez pu le constater, le projet de loi initial introduisait une dérogation à la loi personnelle de l’un des futurs époux dans le cas où son pays d’origine ne reconnaît pas le mariage des couples de personnes de même sexe. Pour cela, il devait s’unir à un Français qui réside en France et lui-même devait posséder sa résidence en France. Par ailleurs, il était fait référence au cas particulier de conventions bilatérales qui excluraient explicitement cette dérogation à la loi personnelle.
Confortée par le vote de l’Assemblée nationale, la commission des lois a choisi de supprimer toute référence à celles-ci.
Nous sommes liés par une telle convention bilatérale avec douze différents pays, lesquels se situent tant en Europe de l’Est qu’au Maghreb ou en Asie du Sud-Est. Pour revenir à vos observations, monsieur le doyen Gélard, ou bien il n’y a pas de possibilité de déroger à la loi personnelle, ou bien les personnes intéressées peuvent saisir la justice et obtenir, sur la base de la jurisprudence, une dérogation. En tout état de cause, ce n’est pas l’officier d’état civil qui peut en décider. L’affaire serait donc traitée au sein de nos institutions judiciaires.
Par conséquent, il n’existe de difficulté ni dans les conventions multilatérales ni dans la plupart des conventions bilatérales, les douze auxquelles j’ai fait référence constituant les seules exceptions. En outre, vous le savez sans doute, la convention de Vienne relative à la délivrance d’extraits plurilingues d’actes de l’état civil est en cours de révision. Dans ce cadre, il est prévu d’introduire dans les annexes de nouveaux formulaires permettant de tenir compte, du fait de la possibilité pour des personnes de même sexe de se marier dans plusieurs pays, que ceux-ci puissent aussi être parents.
Monsieur le doyen Gélard, j’ai pris le temps de développer ma réponse. Au risque d’être inutilement longue, mais par respect pour la préoccupation que vous avez exprimée, je tenais à vous donner tous ces éléments d’information afin de vous montrer que nous avons étudié avec rigueur le contenu des conventions qui lient la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je n’ai pas la même interprétation des conventions internationales. Quand il est écrit « l’homme et la femme », cela ne signifie pas « l’homme ou la femme » ! Il me semble que tant la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Déclaration universelle des droits de l’homme visent le mariage d’un homme et d’une femme. On peut faire dire ce qu’on veut aux conventions, mais les rédacteurs de ces deux textes n’envisageaient absolument pas le mariage – je ne parle pas de l’union – de personnes de même sexe.
Je prétends que le projet de loi pose un véritable problème de conventionalité. Vous me demanderez peut-être comment ont fait les quelques pays qui ont autorisé le mariage des personnes de même sexe. Ce n’est pas forcément le mariage au sens où notre droit l’entend qui a été autorisé. Il faut donc être prudent et vérifier la conformité du présent projet de loi aux conventions internationales.
Par ailleurs, le problème de l’application de la loi personnelle se posera inévitablement. Je vais vous donner un exemple concret, car c’est ce qu’il y a de mieux.
L’Allemagne n’autorise pas le mariage des personnes de même sexe ; elle prévoit seulement un partenariat de vie – Lebenspartnerschaft –, un peu sur le modèle de ce qu’a proposé Charles Revet. Dès lors, que ferai-je si un Allemand et un Français viennent dans ma mairie pour m’annoncer qu’ils veulent se marier ? Si je les marie, comment cet acte s’appliquera-t-il au citoyen allemand, comment sera-t-il transcrit ? Je me pose vraiment un certain nombre de questions.
Madame le garde des sceaux, vous me dites que les problèmes seront résolus par la révision de la convention de Vienne relative à la délivrance d’extraits plurilingues d’actes de l’état civil. Peut-être, mais ce projet de loi, dont les conséquences pour l’état civil français suscitent déjà des interrogations – nous en reparlerons tout à l’heure –, créera des problèmes avec de nombreux pays. L’officier d’état civil va devoir se poser des questions sur l’application de la loi personnelle. Certes, on peut régler le problème à la manière des Belges, en disant, justement, qu’il n’y en a pas… Pour ma part, je reste persuadé qu’on rencontrera de grosses difficultés pour certains mariages entre personnes de même sexe célébrés en France, mais impliquant un ressortissant d’un pays dans lequel ce type de mariage n’est pas reconnu.
Il me paraît important d’éclaircir cette situation. Même si nous n’avons pas le droit d’adresser des injonctions au Gouvernement, nous demandons que celui-ci rédige un rapport compte tenu de l’importance de la question. Je remercie Mme le garde des sceaux de son effort d’explication, mais elle ne m’a pas complètement convaincu. C’est pourquoi je souhaiterais obtenir de plus amples éclaircissements. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je m’efforcerai d’appuyer les démonstrations du doyen Gélard et de Jean-Jacques Hyest.
Madame le garde des sceaux, on ne peut pas balayer, comme vous l’avez fait, l’argumentation du doyen Gélard. En réalité, il existe bien deux règles : la règle prévue à l’article 55 de la Constitution, selon laquelle l’autorité des traités et conventions est supérieure à celle d’une loi simple, et la règle pacta sunt servanda mentionnée au quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, selon laquelle les traités nous lient. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que les accords tant multilatéraux que bilatéraux devaient être interprétés et exécutés de bonne foi par les parties cosignataires.
J’ajoute que la jurisprudence de la Cour internationale de justice et la convention de Vienne sur le droit des traités indiquent que l’on ne peut pas donner aux mots n’importe quelle signification et que, lorsqu’il existe une ambiguïté, il faut se référer au sens commun à l’époque où le texte a été signé.
Au vu de ces dispositions de droit international, qui s’ajoutent à celles de notre droit interne, je ne vois pas comment vous ne rencontreriez pas de difficultés pour justifier votre projet.
Par ailleurs, j’aimerais savoir de quelle manière, selon vous, la Cour internationale de justice pourrait interpréter la définition qu’a donnée l’ONU du mariage en 1962 et, plus encore, la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, dont l’article 7 dispose que l’enfant a le droit non seulement d’être nourri et élevé, mais aussi, dans la mesure du possible, de connaître ses parents. Je pense que la difficulté est extrêmement sérieuse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entendons-nous : la hiérarchie des normes n’est pas mise en cause. Nous sommes d’accord pour reconnaître que les traités internationaux s’imposent en droit interne. La question est de savoir si un ou plusieurs traités comportent une définition du mariage qui heurterait la nouvelle définition, ou plutôt, car il ne s’agit pas de créer une nouvelle définition, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
Il ne s’agit pas d’interpréter abusivement les mots. Monsieur Hyest, vous avez le droit de considérer que, quand il est écrit « l’homme et la femme », cela signifie « l’homme avec la femme », mais cela peut également vouloir dire « l’homme en tant que citoyen et la femme en tant que citoyenne ». En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de faire des exégèses, parce que la décision de 2010 que j’ai évoquée portait précisément sur l’autorisation et l’interdiction du mariage de personnes de même sexe. C’est sur la base de la définition de l’expression « l’homme et la femme » dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé qu’il appartenait au législateur national de décider et que, en cas de désaccord entre deux pays, c’était le droit interne qui prévalait.
Quant à l’Allemagne, monsieur Hyest, elle ne fait pas partie des douze pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle. Le doyen Gélard a cité la Pologne, qui en fait effectivement partie. Voici la liste des onze autres : le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la Slovénie, le Vietnam, Madagascar, le Cambodge, le Laos, la Tunisie et l’Algérie. L’Allemagne n’est donc pas concernée. Cela signifie que, indépendamment du régime matrimonial et du droit du mariage allemands, il peut y avoir dérogation à la loi personnelle. Par conséquent, un Allemand ou une Allemande qui souhaite épouser un Français ou une Française en France peut le faire. Sous réserve du respect des dispositions du code civil relatives au mariage, il n’y aura aucune difficulté de transcription : l’acte sera simplement transcrit dans le registre de l’état civil. Je le répète, il ne peut y avoir de difficultés que pour les ressortissants des pays avec lesquels nous avons signé une convention bilatérale excluant la dérogation à la loi personnelle.
Ma réponse est extrêmement claire. Aucune convention ne comporte de définition du mariage incompatible avec le mariage des personnes de même sexe. Du reste, si nous apprenions qu’une convention bilatérale ou multilatérale signée par la France comportait une telle définition, nous en tirerions les conséquences. Mais, parmi toutes les conventions que j’ai mentionnées – ce sont les principales –, aucune ne soulève la moindre difficulté.
Même si le débat était indispensable, le Gouvernement maintient donc son avis défavorable sur cet amendement, parce qu’il n’y a pas lieu de prendre la précaution de demander un rapport gouvernemental.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l’adoption 169
Contre 173
Le Sénat n’a pas adopté. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Ça monte, ça monte !
Articles additionnels avant l’article 1er (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Article 1er
(Non modifié)
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° Il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :
« Art. 143. – Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » ;
2° L’article 144 est ainsi rédigé :
« Art. 144. – Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » ;
3° L’article 162 est complété par les mots : « , entre frères et entre sœurs » ;
4° L’article 163 est ainsi rédigé :
« Art. 163. – Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. » ;
5° Le 3° de l’article 164 est ainsi rédigé :
« 3° Par l’article 163. »
II. – Après le chapitre IV du titre V du livre Ier du code civil, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV BIS
« DES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS
« Art. 202-1. – Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
« Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.
« Art. 202-2. – Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en mon âme et conscience, je voterai le texte qui nous est présenté, à commencer, bien évidemment, par son article 1er.
Oui, le temps est enfin venu que le mariage, institution à forte charge plus que symbolique, soit ouvert à tous. C’est une question d’égalité !
M. Charles Revet. Mais non !
M. Roland Courteau. En effet, cette mesure est non seulement légitime ou souhaitable, mais elle est devenue nécessaire, parce qu’il fallait garantir aux familles homoparentales la même protection et la même reconnaissance sociale que celles dont bénéficient les familles constituées d’un père et d’une mère.
En réalité, le temps est tout simplement venu d’adapter notre droit aux évolutions de notre société. L’opposition en est restée à proposer une union civile, sorte d’intermédiaire entre le mariage et le PACS, qu’elle avait pourtant combattu vivement en son temps. Or, aujourd’hui, quatorze ans après, elle l’accepte et le salue.
Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de faire remarquer que l’exemple du PACS nous enseigne que le temps est l’allié le plus précieux des réformes de société. Gageons que ceux qui s’opposent aujourd’hui à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels salueront, dans une dizaine d’années, cette avancée. Ils ont juste besoin de davantage de temps pour s’adapter aux évolutions de notre société. C’est tout !
Le consensus se fera jour dans dix ou quinze ans et chacun comprendra alors que le fait de cantonner les homosexuels dans une place à part au sein de notre corps social ne correspondait pas aux fondements de l’universalisme républicain, car la République travaille dans l’intérêt de la société, dans le but de protéger ses citoyens, tous ses citoyens. Elle n’a pas vocation à défendre uniquement une conception religieuse de la famille.
Certes, il s’agit de faire tomber un bastion de stigmatisation, mais l’esprit de ce texte est aussi de réparer une inégalité.
Nous devons à ces couples et à leurs enfants la même stabilité et la même protection qu’aux couples hétérosexuels. Or, dans notre droit, ce qui apporte à un couple et à une famille un tel environnement et la reconnaissance sociale, c’est bien le mariage républicain.
La démonstration a été faite qu’aucune norme constitutionnelle, aucune norme supérieure, pas plus la Déclaration universelle des droits de l’homme que le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, ne s’oppose à ce que la loi ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il est par ailleurs des réalités qui doivent être prises en compte : je pense aux enfants ! Combien sont-ils aujourd’hui à vivre dans des familles homoparentales ? Sont-ils 20 000, 30 000, 40 000 ou plus ? L’homoparentalité est une réalité. Ces enfants sont-ils en danger aujourd’hui ? Non, puisque les personnes qualifiées s’accordent à dire que tel n’est pas le cas. En revanche, l’intérêt de ces enfants n’est-il pas de bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi ?
Cette avancée sociétale apparaît donc, plus que jamais, nécessaire pour eux. Ils ne se sentiront plus particuliers parce que leurs parents seront légitimes et reconnus.
Non, il n’y a aucune raison de refuser des transformations dans l’ordre social, au seul motif que nos ancêtres, voilà quelques centaines d’années, ne vivaient pas ainsi.
Mes chers collègues, la société avance et il vous faut en tenir compte.
L’article 1er, je le répète, est une avancée sociétale, un bond en avant de nos libertés publiques. Ce texte faisant progresser l’égalité et reculer les différenciations ou les discriminations, il représente un progrès dont nous pouvons nous réjouir.
Madame la ministre de la justice, je tiens à vous témoigner ici mon admiration pour votre détermination à défendre ce projet de loi et ses enjeux.
Notre société évolue et c’est à nous, législateurs, de traduire cela dans la loi, comme l’occasion en fut donnée à nos prédécesseurs lors du vote de la loi Veil sur l’avortement ou de la loi Badinter sur l’abolition de la peine de mort.
Souvenons-nous de ces débats et, parfois, de leur violence, mais souvenons-nous surtout de ce que ces lois nous ont apporté. Plus tard, nous serons fiers de pouvoir dire : oui, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux ici vous faire part à la fois de mon profond malaise, de ma gêne, mais aussi de ma colère, après avoir entendu, cet après-midi, en début de séance, les propos de M. Assouline, qui semble nous rendre responsables des exactions commises ce week-end.
C’est bien évidemment faux et insultant ; nous condamnons formellement ces comportements. Je veux rendre hommage à Jean-Pierre Raffarin et à Mme le garde des sceaux pour leurs propos d’apaisement.
En nous présentant ce projet de loi, sous le prétexte bien sûr très louable de liberté, d’égalité et de progrès social, vous avez, involontairement, fait de la communauté homosexuelle un « objet » politique, sur lequel vous attendez désormais une victoire politique.
Pourquoi cette loi portant sur la famille, finalement, cette loi d’avancée sociétale, se restreint-elle au seul champ des homosexuels ? En isolant les familles homoparentales des autres types de familles, vous les exposez ainsi à la vindicte populaire, à ce que nous avons parfois de pire dans notre République. Elles sont devenues des cibles pour des propos injurieux, insupportables ; elles sont en proie à des comportements outranciers : ceux des homophobes, que nous condamnons, ceux des extrémistes religieux et politiques, dans l’idéologie desquels si peu de Français se retrouvent, et, enfin, ceux des individus qui nous menacent ouvertement, portant atteinte à la liberté du Parlement de façon inacceptable.
Pour renforcer la normalité, la banalisation des couples homosexuels, pourquoi ne pas avoir attendu cette grande loi que vous nous annoncez dans les prochaines semaines, et qui traitera, je l’espère, de toutes les nouvelles formes de familles, y compris des familles homoparentales ?
Ainsi, leur exception aurait été gommée et leur intégration aurait été une réalité, au moins dans nos débats.
Madame le garde des sceaux, madame la ministre, je ressens malaise et gêne, car j’approuve avec responsabilité, respect et enthousiasme, mais surtout avec la même flamme que la vôtre, ce désir d’égalité ; j’approuve la reconnaissance par l’État de l’union homosexuelle, son droit à la pérennité et à la sécurité, son accès aux mêmes droits et aux mêmes devoirs que les couples hétérosexuels, sa banalisation dans notre vie sociale. Car, vous avez raison, qui se souciera dans trois mois, dans six mois, dans un an de cette union ?
Oui, madame le garde des sceaux, oui, madame la ministre, j’approuve cette reconnaissance par l’État de la réalité de l’amour homosexuel. Je revendique également aux côtés d’eux leur capacité à désirer, à aimer, à élever des enfants dans le bonheur et dans l’équilibre.
J’aurais tellement aimé vous accompagner sur ce chemin, madame le garde des sceaux, madame la ministre, très au delà de nos différences politiques.
Aussi, ma colère est d’autant plus vive que ce projet de loi est aussi un mensonge par omission. Vous voulez nous faire croire que nous parlerons plus tard des sujets sensibles de filiation et de procréation artificielle, dont vous avez repoussé la discussion. Mais plus tard sera trop tard !
En vérité, en adoptant cet article 1er, nous acterons un statut unique du mariage. Ainsi, les couples mariés homosexuels disposeront, grâce à la Cour européenne des droits de l’homme, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à tout l’arsenal juridique européen, de l’accès à la PMA.
M. Charles Revet. Voilà !
Mme Sophie Primas. Bien entendu, au nom de l’égalité des droits que proclamera cette même Cour, nous pourrions vite arriver à la GPA pour les couples homosexuels d’hommes, empêchés par nature d’enfanter.
Or, vous le savez, la GPA est loin de faire l’unanimité. Elle est pour moi l’expression d’un cynisme social insupportable. Non, le ventre des femmes n’est pas assimilable aux bras des ouvrières.
Au pays des droits de l’homme, devons-nous accepter que, parce qu’il existe une souffrance réelle liée à une infertilité ou à une impossibilité biologique d’enfanter, des femmes louent leur ventre pour survivre ? Devons-nous l’accepter au seul prétexte que d’autres l’acceptent ?
Opter pour le statut unique du mariage, c’est renoncer à notre souveraineté nationale à faire ces choix éthiques, au terme d’un débat éclairé et serein que nous appelons de nos vœux sur la PMA et sur la GPA, dont vous nous privez définitivement. En effet, avec cet acte unique de mariage, le droit européen s’imposera, sous peine de condamnations, comme l’a souligné Charles Revet.
En conclusion, madame le garde des sceaux, madame la ministre, je vous le demande : offrez-nous une seule belle loi sur la famille, qui n’en stigmatise aucune, qui traite de la reconnaissance de toutes les formes de familles, une loi qui traite du statut des beaux-parents, qui protège la filiation des enfants, quelle que soit la sexualité de leurs parents, qui parle de l’adoption, des pupilles de l’État, qui rouvre le débat sur l’anonymat des dons et sur l’égalité des droits des enfants à connaître leur filiation, fût-elle de paillettes et d’éprouvette, qui parle de la PMA et de la GPA dans toutes leurs dimensions, dans toutes leurs exceptions, aussi, mais sans arrière-pensées et sans mensonges par omission.
Ce faisant, madame le garde des sceaux, madame la ministre, vous vous honoreriez. Vous pourriez rassembler au lieu de diviser et obtenir une belle victoire politique.
L’amendement sur l’union civile ayant été repoussé, je ne voterai malheureusement ni cet article ni cette loi, et croyez bien que je le regrette amèrement et franchement, car je crois à la sincérité de ceux qui réclament leur droit à la reconnaissance, je crois en l’amour, quelle qu’en soit sa forme, mais pas quel qu’en soit son prix ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous abordons la discussion de l’article 1er, c’est le moment de dire à la majorité qu’elle fait fausse route, tant sur le plan politique – Jean-Pierre Raffarin l’a très bien exprimé tout à l’heure – que sur le plan du raisonnement.
Vous nous dites vouloir combattre les discriminations et, à vos yeux, toute différence serait génératrice d’une inégalité, toute inégalité serait génératrice d’une injustice et toute injustice serait génératrice d’une discrimination. En termes clairs, un tel raisonnement s’appelle un sophisme.
Pour nous, la différence est une chance et un atout ; ce n’est pas une inégalité. Si toute différence doit être combattue, vous nous préparez une société de l’uniformité, telle que celle qui est décrite, en quelque sorte, dans Le meilleur des mondes.
Lutter contre les injustices suppose, au préalable, des situations équivalentes ; or, à nos yeux, un homme et une femme sont certes égaux, mais différents.
Avec ce sophisme, c’est la théorie du gender que vous voulez mettre en application.
La deuxième erreur est résumée dans la formule de Mme Héritier, que nous avons auditionnée le 5 février : « Rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l’évidence n’est naturel : tout procède de créations de l’esprit. »
Mes chers collègues, lorsque l’on nie le naturel pour privilégier l’esprit, c’est l’ouverture à toutes les dictatures et à toutes les dérives. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Si les constructions de l’esprit peuvent faire fi de la nature, la porte est ouverte à toutes les constructions.
À cet égard, je m’étonne que ceux qui avancent si souvent le principe de précaution et le respect de la nature soient aussi silencieux pour les défendre dans ce cas d’espèce.
Enfin, madame le garde des sceaux, madame la ministre, M. Retailleau vous a interrogées, vendredi dernier, sur les déclarations de votre collègue, Mme Vallaud-Belkacem, qui expliquait, dans une interview, que ce texte de loi était bien évidemment appelé à évoluer vers la PMA pour régulariser un certain nombre de situations.
Bien que j’aie été assidu vendredi, je n’ai pas noté que vous ayez répondu à l’interrogation de notre collègue. Aussi, madame le garde des sceaux, je vous le demande solennellement : au moment où nous nous apprêtons à examiner l’article 1er, nous aimerions savoir si ce texte est l’amorce de la PMA…
M. Philippe Marini. C’est une bonne question !
M. Dominique de Legge. … ou si votre collègue porte-parole du Gouvernement a dit faux. Il est important que vous leviez toute ambiguïté en cet instant.
Enfin, permettez-moi de relever que tous les scrutins qui ont eu lieu depuis le début de l’après-midi sont des scrutins publics.
M. David Assouline. Oui !
M. Dominique de Legge. Je ne peux pas oublier ce qui nous a été dit vendredi, à savoir, chers collègues de la majorité, que 18 millions d’électeurs sont derrière vous. Or, constatant que les travées du groupe socialiste sont vides, je me dis que c’est la démonstration que vous en doutez (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), que, dans vos rangs, la liberté de vote n’est pas assurée, enfin que vous doutez de ce projet de loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons bien évidemment pas l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec l’examen de l’article 1er, le cœur du texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, des différentes voies possibles, vous avez choisi la plus radicale. Votre texte est une déclaration de toute-puissance dans la mesure où vous niez le rôle de l’altérité des sexes et que vous imposez votre point de vue aux enfants.
Permettez-moi de m’attarder sur vos motivations. Pourquoi avez-vous choisi cette voie radicale ? Pourquoi avez-vous choisi non seulement d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, mais surtout de l’imposer aux enfants de demain ?
Vous avancez trois motivations majeures.
La première, c’est l’égalité. Or le droit au mariage n’est un droit pour personne, pas plus pour les homosexuels que pour les hétérosexuels, dans la mesure où, pour se marier, il faut respecter des règles. Ceux qui ne les acceptent pas ou n’y correspondent pas ne peuvent se marier.
Ensuite, comme nous l’avons montré à plusieurs reprises, la conception de l’égalité qui prévaut dans notre droit républicain n’est pas de traiter tout le monde de la même façon. Sinon, concrètement, tout le monde devrait payer le même impôt. Le Conseil constitutionnel l’avait rappelé le 28 janvier 2011. Les trois grands ordres juridictionnels – le Conseil d’État, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel – ont chaque fois rappelé que l’égalité républicaine consiste à traiter de la même façon des cas identiques. A contrario, ces situations appellent un traitement différencié. Vous ne pouvez pas faire de cette égalité-là l’alpha et l’oméga de la loi.
La deuxième motivation, c’est l’amour. Le mariage serait une sorte de célébration sociale de ce très beau sentiment. Or, comme cela a été souligné, au nom de quoi l’amour donnerait-il le droit d’accéder à ce qui est bien plus qu’un contrat : une institution ?
Si un officier d’état civil – un élu, en général M. le maire ou celui qu’il a délégué – est nécessaire pour procéder au mariage, c’est pour signifier que celui-ci n’est pas simplement la conclusion d’un contrat entre deux personnes, c’est aussi une institution qui concerne la société, pour qui ce contrat est important, car de lui dépend le renouvellement des générations et bien d’autres choses. Le mariage est d’abord un cadre protecteur, ce que même l’amour ne doit pas occulter. C’est fondamental.
Enfin, la troisième motivation, c’est le droit aux enfants, dont il faut bien parler. Derrière le slogan du mariage pour tous s’en cache un autre : les enfants pour tous. Cela n’est pas acceptable. Là encore, il n’existe pas de droit à l’enfant, pas plus pour un couple homosexuel que pour un couple hétérosexuel.
Comme d’autres collègues, je suis président d’un conseil général. En matière d’adoption, il n’y a pas de droits, il y a d’abord des devoirs. L’adoption consiste non pas à donner un enfant à une famille, mais une famille à un enfant, ce qui est très différent. Or, si l’on se place de votre point de vue, l’enfant devient un objet de droit, alors qu’il est avant tout un sujet de droit. Là est le vice fondamental du texte – nous y reviendrons tout à l’heure – en matière de parenté et de filiation. Ce vice ne peut être appréhendé seulement du point de vue du développement de l’enfant, il est aussi un vice légistique. Nous y reviendrons également.
Le problème, c’est que les enfants subiront une double perte : celle de leurs origines, bien sûr, mais également celle de l’absence de la double figure masculine et féminine, laquelle est essentielle à leur construction.
Cette question fait débat et n’est pas consensuelle. De fait, on devrait au moins pouvoir se dire que, en l’absence de consensus, il faut être prudent et appliquer le principe de précaution.
Il faut donc faire attention, d’autant plus que le mariage consacre une fois pour toutes la différence des sexes et des générations, l’altérité et la généalogie, l’identité. C’est fondamental. Il consacre également la conjugalité entre deux êtres qui s’aiment, mais également la différence entre générations. Enfin, il crée une articulation entre culture et nature.
Nous sommes d’accord, la nature ne doit pas tout imposer, mais la civilisation, c’est faire tenir ensemble des éléments d’ordre à la fois naturel et culturel. Cela me paraît fondamental. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
Le plus piquant est que ceux qui ont le plus dénigré le mariage dans le passé veuillent aujourd’hui l’imposer à tous. Il est vrai qu’il ne s’agit plus du même mariage. Je pense que, comme dans la novlangue d’Orwell, vous avez conservé le mot, mais que vous en avez radicalement transformé le sens. Nous aurons l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l’article.
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, invariablement, la jurisprudence a sans cesse rappelé le caractère sexué du mariage.
Juridiquement, il est sexué parce que le droit a vocation à « objectiver » les situations, non à se fonder sur les désirs des individus ou sur leurs orientations privées. C’est justement une garantie d’égalité : les désirs sont par nature variables et les orientations sexuelles relèvent de la vie privée, que le droit respecte.
En outre, la jurisprudence s’est appuyée non seulement sur un repère profondément ancré dans notre société, mais aussi sur un principe de réalité indéniable.
Le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé que « le mariage constitue non seulement un statut du couple mais également l’acte de fondation d’une famille ».
À part dans les cas d’adoption, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, la famille au sens nucléaire commence par l’engendrement, qui lui-même suppose la complémentarité des deux sexes opposés. Le mariage est donc le cadre juridique de la procréation. Plus qu’un contrat, il est une institution. Nous n’avons cessé de le rappeler.
Le projet de loi que nous examinons vise à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe en se fondant sur leur orientation sexuelle, au nom de l’égalité. Au nom de mon attachement à l’égalité, je ne peux m’empêcher de rappeler, comme l’a d’ailleurs fait indirectement le Conseil constitutionnel, que l’égalité consiste à traiter de manière identique une situation identique.
Or, au regard de l’engendrement, finalité du mariage, nul ne peut soutenir qu’un couple de même sexe est dans la même situation qu’un couple de sexe différent. Le second, sauf exception, n’a pas besoin de recourir à un tiers pour la procréation, contrairement au premier.
Dès lors, il n’y a pas de discrimination puisque les situations sont différentes. Le psychiatre Pierre Lévy-Soussan rappelait à juste titre que « toute différence n’est pas une inégalité, voire une discrimination, mais une distinction ». Pour ma part, j’ajouterai que distinguer, c’est respecter.
En revanche, si l’on avait interdit le mariage aux personnes en tant qu’individus sexués en raison de leur orientation sexuelle, nous aurions là créé une discrimination.
En réalité, le mariage est déjà ouvert à tous dès lors que les conditions de fond sont réunies.
Ce projet de loi conduit ni plus ni moins à la disparition du mariage actuel puisqu’il efface la réalité à laquelle il renvoie. En effet, tel qu’il est actuellement rédigé, le texte cesse de faire du mariage l’institution de la procréation pour en faire le cadre juridique de l’union de deux adultes. Il en conserve le nom, mais pas le contenu.
À cet égard, le fait que le législateur originel ait limité le mariage à deux individus montre bien que le mariage est « hétérosexuel », non par orientation sexuelle, mais par réalité biologique. En résumé, je le répète, ce texte fait disparaître le mariage.
Pour autant, j’entends et je comprends la revendication d’un cadre protecteur de l’union des couples de même sexe. Le mariage est-il, compte tenu de notre droit, de notre lien ténu avec la filiation, le cadre le mieux adapté ? Je ne le pense pas.
L’union civile permettrait la reconnaissance sociale de l’amour de deux personnes de même sexe, de leur désir d’être ensemble, de leur volonté de s’engager – car c’est aussi en ces termes que le mariage est évoqué. Dès lors, on ne peut qu’y être favorable. J’en reviens à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui autorise la distinction de traitement. Qu’importe le cadre dès lors que les effets juridiques en termes d’union, c’est-à-dire de relation entre adultes consentants, sont les mêmes ? L’égalité se mesure d’abord en termes d’effets du droit.
En revanche, en matière de filiation, on ne peut objectivement parler d’égalité entre un couple de même sexe et un couple de sexe différent.
À cet égard, je rappelle que 170 juristes se sont alliés pour s’insurger contre la dénaturation du sens du lien filial par la loi. C’est une position dont je mesure la gravité, d’autant plus lorsque je mets en perspective l’égalité des droits accordés aux personnes de même sexe en matière de parentalité et la réalité de ces droits.
Soit il y a effectivement égalité et, une fois réglées les situations existantes, ce droit ne pourra être exercé dans la réalité puisque la PMA et la GPA restent interdites en France. Dans ce cas, l’égalité ne sera pas réelle.
Soit, pour passer de l’égalité à la réalité des droits, il faudra « produire » des enfants adoptables. Or, la PMA et la GPA étant interdites en France, les couples seront obligés de contourner la loi de leur pays pour passer à la réalité des droits.
Nous aurons bien entendu l’occasion de revenir sur la dimension filiale du projet de loi, mais il me paraissait important de l’évoquer à l’occasion de l’examen de l’article 1er, car la filiation, madame le garde des sceaux, madame la ministre, n’est pas détachable du mariage. Vous l’avez sans cesse rappelé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 144 du code civil dispose que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». La conjonction de coordination « et » signifie à la fois le sentiment amoureux initial, la naissance à venir d’un enfant et la durée d’une relation, même en cas de divorce, car les enfants inscrivent dans le temps et dans les générations suivantes ce qui n’était que de l’ordre du sentiment et de l’éphémère.
Cette conjonction de coordination disparaît de l’article 143, dont l’article 1er du projet de loi propose une nouvelle rédaction, à savoir que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Le texte aligne le face-à-face d’une altérité du couple homme-femme sur le parallélisme sans différence du couple homosexuel.
C’est parce que, pour tout un chacun, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme que vous êtes obligés de scinder l’ancien article 144 en deux : d’une part, l’article 143 redéfinit le mariage et rompt ainsi avec le sens commun du mot « mariage » ; d’autre part, l’article 144 fixe l’âge à partir duquel le mariage est autorisé.
Dans le code civil, le mariage est un droit ouvert non pas aux couples, comme on le dit à tort, mais à l’individu. Juridiquement, le couple n’existe qu’après l’échange des consentements.
Le mariage n’institue en aucun cas une rupture d’égalité.
Il est évident ensuite que des deux orientations sexuelles – mais pourquoi n’en retiendrait-on que deux ? –, l’hétérosexuelle est, de loin, la mieux adaptée à la réalité biologique instituée par la loi.
Compte tenu de ce destin biologique, auquel aucun individu n’échappe, l’institution du mariage ne peut être, en ce qu’elle a de fondamental, modifiée, sauf à n’être plus elle-même.
On peut cependant imaginer instituer l’orientation sexuelle comme vous le proposez. La première difficulté est alors, pour le législateur, la question du nombre de partenaires. (Mme Éliane Assassi rit.) Pourquoi s’arrêter à deux ? C’est plaquer arbitrairement le chiffre de l’incontournable dualité homme-femme de la procréation sur la réalité de l’orientation sexuelle. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Or, de par sa nature érotique, celle-ci, quelle qu’elle soit, n’est pas prisonnière du chiffre deux. Il est possible de multiplier les partenaires selon son bon plaisir.
Si toute civilisation a pour enseigne ce chiffre deux, c’est parce que ce nombre définit la réalité même de la relation procréatrice.
Mme Éliane Assassi. On l’enregistre, celle-là ?
M. Alain Gournac. Aussi, retoucher cette enseigne et lui demander de désigner, à l’avenir, la plasticité d’une orientation sexuelle, qui peut multiplier à l’infini le nombre des partenaires, c’est tromper l’opinion publique. Ce n’est nullement introduire plus d’égalité dans notre société, madame le garde des sceaux.
Le mot « égalité » étant de ces mots qui, comme disait Valéry, « chantent plus qu’ils ne parlent », les partisans du mariage homosexuel en usent à tort et à travers pour semer dans la société une confusion dont ils sont, eux-mêmes, les premières victimes. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
Le monde, jusqu’à ce jour, était divisé entre les deux sexes. Tout sépare, dans leur sexualité, l’homme et la femme, au point qu’aucun des deux ne peut imaginer la sexualité de l’autre.
Malgré cette différence que rien ne peut combler, un point commun rassemble l’homme et la femme : la possibilité de procréer et de devenir père ou mère, de le devenir ensemble, de façon partagée et égale. Voilà, entre parenthèses, une vraie égalité !
Bien que la parenté ne puisse se réduire à sa dimension biologique, parce qu’elle a aussi une dimension spirituelle, culturelle, sociale – je vous laisse le choix des mots, dont aucun n’est totalement satisfaisant –, elle ne peut s’en dispenser, sans être vécue comme une incomplétude.
Votre article 143 revient sur la séparation hommes-femmes et sur leur complémentarité, pour scinder l’humanité entre homosexuels et hétérosexuels. Par l’engendrement et la succession des générations, l’amour initial, et par nature éphémère, de l’homme et de la femme, se métamorphose et se prolonge. Mais dans le couple homme-homme ou femme-femme, il ne s’agit que d’amour. Que celui-ci ait besoin de reconnaissance, certes – qui peut aller contre ? –, mais, du fait de son impossibilité à se métamorphoser et à se prolonger par la suite des générations, nous avons nécessairement affaire à un sentiment dont la tonalité – et plus que cela ! – ne peut être que différente. C’est cette assimilation des deux sentiments, analogues en apparence, mais dont les avenirs ne peuvent être semblables, qui heurte les Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, sur l’article.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas vous ennuyer avec de fumeuses considérations anthropologiques ou philosophiques,…
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci pour la philosophie ! Elle n’est pas fumeuse !
Mme Caroline Cayeux. … mais parler du mariage des couples de personnes de même sexe, c’est parler de la place de l’homme dans la nature.
Chacun, en fonction de sa sensibilité, de sa formation intellectuelle et spirituelle, admet un postulat sur la place de l’homme dans la nature, à partir duquel il élabore un raisonnement qui l’amène à se positionner favorablement, ou défavorablement, à l’endroit du « mariage pour tous », et donc à l’endroit de l’article 1er du présent projet de loi.
Pour ma part, je pense ne pas être trop rétrograde. Ainsi, je crois que les lois qui régissent la vie des hommes ne doivent pas avoir comme unique déterminant les lois naturelles. « L’homme est un animal social », disait-on, un être de culture qui cherche à se distancier de la nature et à la dominer.
Cependant, puisqu’il est demandé au législateur de se prononcer sur le bien-fondé de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, il nous faut, une nouvelle fois, nous poser les bonnes questions.
À moins que certains ne désirent ardemment vivre dans le monde d’Orwell, où les enfants naîtraient dans des machines,…
M. David Assouline. Oh là là !
Mme Caroline Cayeux. … où ceux-là seraient le fruit de manipulations génétiques et où l’immortalité serait devenue un droit aussi évident que celui de voter,…
Mme Laurence Rossignol. Oh !
Mme Caroline Cayeux. … l’avancée des possibilités techniques, l’extension du champ des possibles techniques de l’homme doivent s’accompagner d’une réflexion sur la place qu’occupe celui-ci dans l’ordre naturel.
Mes chers collègues, j’ai retrouvé les propos de la philosophe Chantal Delsol,…
Mme Laurence Rossignol. Mme Charles Millon, l’ami du Front national !
Mme Caroline Cayeux. … selon qui « c’est dans notre nature de dépasser la nature, et nous sommes vraiment humains quand nous le faisons ; mais c’est notre devoir de nous poser la question des limites, et nous sommes irresponsables et insensés si nous ne le faisons pas ».
C’est justement de ces limites, je crois, qu’il convient de parler. Avec cette excellente philosophe, je pense que « l’exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec », n’est pas simplement un dessein « qui va contre la “nature” ». C’est plus grave, parce que l’on ne débat pas sur « la question des limites : tout ce que je veux, et tout de suite, et qu’elles qu’en soient plus tard les conséquences ».
M. Philippe Marini. Le droit à l’enfant !
M. David Assouline. Cela relève du fantasme !
Mme Caroline Cayeux. On remplace donc des valeurs morales par l’unique critère de la souffrance ou du désir individuels, selon lequel empêcher deux homosexuels de se marier serait inhumain, car, enfin, ils souffrent ! Pourquoi les en empêcher, puisqu’ils s’aiment ?
Mes chers collègues, lorsque plus rien n’arrête le désir, ni la religion, ni la tradition, ni les valeurs, ni aucune sagesse plus haute, alors les dégâts ne sont pas loin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela vaut également pour les hétérosexuels !
Mme Caroline Cayeux. Mais tout le monde a conscience de cette fuite en avant, même ceux qui se targuent, abusivement, d’être des progressistes. En effet, dans tous les autres domaines – l’environnement, l’économie –, ils militent contre la loi du désir tout-puissant. Dans ces domaines, tout le monde est conservateur, mais au bon sens du terme, au sens où nous ne devons pas insulter la nature.
M. Philippe Marini. Oh oui !
Mme Caroline Cayeux. Ne croyez-vous pas, madame le garde des sceaux, que la famille mérite plus d’égards ? Ne croyez-vous pas que la famille mérite plus de protection, je dirais même plus de respect ?
Le mariage c’est, aujourd’hui, un des piliers de notre société…
Mme Laurence Rossignol. Et voilà !
Mme Caroline Cayeux. … et non pas un ordre conservateur.
Je pense à tous ces enfants dont nous devons nous occuper dans nos communes, dans le cadre de la protection de l’enfance ou des actions sociales, à tous ces enfants en danger, qui sont perdus et dont on nous dit qu’ils manquent de repères.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ils ont une famille, ces enfants !
Mme Caroline Cayeux. Ces repères, à mon sens madame le garde des sceaux, c’est aussi la famille, qu’il nous faut protéger.
C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, je ne voterai pas cette loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l’article.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de droit homosexuel n’existe pas, donc ce texte n’a pas lieu d’être.
Cette vérité est certainement un peu provocante et dure à entendre. Pourtant, mes chers collègues, vous ne pouvez pas y échapper. Le droit ne reconnaît que des hommes et des femmes, et leurs désirs homosexuels ou hétérosexuels, par définition subjectifs, évolutifs, comme tous les désirs, ne peuvent fonder leur appréhension par le droit.
Aussi, comme le souligne Mme Mirkovic, professeur de droit public, qui a signé, pour le groupe Portalis, de nombreux articles sur ce sujet, le droit classe les personnes en fonction non pas de leurs désirs, mais de ce qu’ils sont : majeurs et mineurs, nationaux et étrangers, actifs et retraités. Le désir ne définit pas la personne, et le désir sexuel pas plus qu’un autre. Il existe des hommes, et des femmes, qui peuvent avoir un désir homosexuel. Mais un désir n’est ni un mode d’être, ni une nature, ni une catégorie juridique.
En conséquence, c’est non pas l’accès au mariage des personnes homosexuelles qui est en cause, mais la possibilité de se marier avec une personne de même sexe.
Aussi, rappelons un élément fondamental dans cette discussion. Le mariage n’est pas la reconnaissance sociale du couple, même entre personnes de sexe différent. Le mariage n’est pas là pour reconnaître leur relation ni officialiser leur amour. En tant que maire, je n’ai jamais signé de certificats d’amour lorsque j’ai célébré des mariages. Cela se saurait ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Et en tant que père ?
M. Christian Cambon. Si le mariage était la reconnaissance sociale de la relation vécue par deux personnes, pourquoi – la question se pose, du moins, dans d’autres pays – la relation vécue entre trois ou quatre personnes serait-elle ignorée socialement ?
Il faudrait alors admettre toutes sortes de mariage, entre deux personnes de même sexe, entre frère et sœur – cela peut avoir un intérêt économique non négligeable –, entre trois personnes ou plus, sous peine d’être taxé de discrimination. C’est déjà le cas, d’ailleurs, outre-Atlantique, où des personnes qui vivent la polyamorie, l’amour en groupe, dénoncent la discrimination dont elles sont victimes.
Encore une fois, ce sont des professeurs de droit qui évoquent ce sujet et qui nous posent la question.
C’est la raison pour laquelle, après avoir admis le mariage homosexuel, les Pays-Bas reconnaissent désormais le partenariat civil à trois personnes. Le premier de ces partenariats a été conclu par deux femmes bisexuelles et un homme.
En conséquence, la vie de couple relève de la vie privée des intéressés et le couple peut organiser sa vie commune dans le cadre de conventions privées. Notamment, les couples de personnes de même sexe peuvent déjà organiser leur relation dans le cadre du pacte civil de solidarité, et nous avons évoqué, à plusieurs reprises, des pistes pour l’améliorer. De même, un simple certificat de concubinage peut juridiquement assurer la publicité à l’égard des tiers d’une relation privée.
Pour Mme Mirkovic, si certains couples de même sexe réclament le mariage, c’est parce qu’il est envisagé comme la reconnaissance sociale du couple, ce qu’il n’est pas.
Le mariage n’est pas un simple contrat susceptible de concerner n’importe quelle relation. Il est institué en vue de la structuration d’une famille.
Nul n’est obligé de se marier et il est tout à fait possible de fonder une famille en dehors du mariage. Le cadre légal du mariage est proposé pour la famille et chacun est libre de le choisir ou non. Ce caractère facultatif ne change en rien la dimension familiale du mariage, qui a été rappelée par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises : « Le mariage constitue non seulement un statut du couple mais également l’acte de fondation d’une famille et d’un lien qui produit des effets au-delà de sa rupture. »
Ainsi, dans sa décision du 29 juillet 2011, le Conseil constitutionnel affirme encore que « le régime du mariage a pour objet non seulement d’organiser les relations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais également d’assurer la protection de la famille » et « que ce régime assure aussi une protection en cas de dissolution du mariage ».
Cette dimension familiale du mariage inclut, bien évidemment, la perspective de la procréation.
En conclusion, le mariage n’a pas pour but de reconnaître un lien affectif, qui n’est d’ailleurs pas une condition du mariage. Il ne suffit donc pas de s’aimer pour avoir droit au mariage, contrairement à ce que l’on entend ici ou là – « Ils s’aiment, donc ils ont droit au mariage. » –, il faut également remplir les conditions nécessaires et indispensables pour fonder une famille, c’est-à-dire, notamment, être un homme et une femme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas très glamour !
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, sur l’article.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le mariage est un acte juridique visant à établir un cadre institutionnel pour un couple constitué d’un homme et d’une femme, qui décident de fonder une famille.
Le mariage est l’acte de fondation de la famille. Il est intrinsèquement lié à la filiation. Il n’est pas une reconnaissance de l’amour que se portent deux personnes.
La condition d’altérité sexuelle des époux découle de la signification profonde du mariage, qui est de créer une famille. Pour fonder une famille, avoir un enfant, il sera toujours nécessaire de faire appel à un homme et à une femme.
Les personnes de sexe différent et de même sexe ne sont pas dans la même situation au regard de la procréation. Les premières peuvent procréer alors que les secondes ne le peuvent pas.
Les couples de même sexe ne peuvent donc pas être concernés par l’institution du mariage.
En cela, leur traitement juridique est différent parce que leur situation n’est pas analogue. Le principe d’égalité signifie seulement que doivent être traités de la même manière ceux qui sont dans des situations équivalentes.
Au contraire, la différence de situation entre les couples de sexe différent et ceux de même sexe justifie la différence de traitement, ainsi que l’a reconnu la Cour de cassation.
Dès lors que le mariage est permis entre des personnes de même sexe et, donc, que deux individus acquièrent le statut d’époux ou de conjoints, l’ensemble des articles concernant les époux ou conjoints s’appliquent à eux.
Ce projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe va, de facto, leur permettre d’accéder à la parenté, par le biais de l’adoption. Ainsi, l’ensemble des dispositions sur l’adoption plénière et sur l’adoption simple s’appliquent à eux. Par l’ouverture de l’adoption plénière aux couples de personnes de même sexe, l’enfant adopté va se retrouver avec « deux pères » ou « deux mères », puisque l’adoption plénière substitue une filiation à une autre.
M. Jean-Louis Carrère. Il vaut mieux avoir deux parents plutôt qu’un seul !
M. Michel Bécot. L’enfant ne bénéficiera plus d’une filiation maternelle et d’une filiation paternelle. Il se verra amputer de cette richesse d’avoir une mère et un père. De manière délibérée, ces enfants se verront privés de cette parité, qui est pourtant imposée dans tous les autres domaines. Ils vivront dans le mensonge délibéré de leur filiation.
Le droit de la famille est basé sur la vraisemblance biologique et sur la filiation sexuée. Ce projet de loi rompt avec cette logique.
Face à l’impossibilité d’adopter que rencontreront les couples de même sexe – la difficulté de mener à bien une démarche d’adoption, aussi bien en France qu’à l’international, étant avérée –, on ne pourra répondre au désir d’enfant exprimé par les couples de personnes de même sexe que par l’autorisation de l’assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes, et par celle de la gestation pour autrui pour les couples d’hommes, en application du principe d’égalité, bien sûr.
M. Jean-Louis Carrère. Qu’est-ce qu’ils sont réacs !
M. Michel Bécot. Le Président de la République, dans son intervention télévisée du 29 mars 2013, nous a annoncé attendre l’avis que rendra le Comité consultatif national d’éthique, à la fin de l’année 2013, avis consultatif qu’il s’est engagé à respecter. Mme Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, a tenu à préciser néanmoins que cet avis ne contraindra pas celui-ci.
Le texte qu’on nous demande d’adopter aujourd’hui n’est pas la simple modification d’un article du code civil : une révolution se profile derrière lui !
Madame le garde des sceaux, madame la ministre, l’histoire de l’humanité est un bien précieux qu’il nous faut protéger. Chacun d’entre nous a une histoire, souvent forte. Elle fait notre richesse. Ne permettez pas que certains en soient privés. Je vous remercie de votre écoute, mais je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, si vous voulez par avance discréditer les adversaires d’un projet de loi, présentez-le comme une réforme permettant d’aller vers plus de liberté et d’égalité !
M. François Rebsamen. Et de fraternité !
M. Charles Revet. Celui qui se prononcera contre un tel texte ne pourra qu’être réactionnaire. Sinon, pourquoi se poserait-il en adversaire de la liberté et de l’égalité ?
Si vous êtes progressiste, vous devez donc être favorable à cette réforme !
Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe s’inscrit très exactement dans ce contexte. Y être hostile ou, à tout le moins, éprouver des réserves vous condamne sans autre forme de procès à la relégation dans le camp de la réaction et de l’obscurantisme.
Si vous êtes un esprit libre et ouvert, vous devez être favorable à ce texte, cela ne se discute même pas.
Doit-on se taire et faire comme si l’on était dans le même camp que ceux qui défendent une mesure que l’on juge contestable ? Ce n’est pas parce qu’une mesure est dans l’air du temps, qu’elle a un « look » jeune et moderne, qu’elle est bonne.
Il est évident qu’en matière de sexualité, la liberté des pratiques semble être la règle entre adultes consentants et jouissant de toutes leurs facultés mentales. Le problème vient des conclusions que l’on en tire en matière de droits : droit au mariage, à l’adoption, voire à la procréation médicalement assistée, etc.
Ce projet de loi remet donc sur le devant de la scène une institution, le mariage, que l’on a voulu désacraliser et reléguer au rang de simple formalité administrative. En clair, on se mariait éventuellement par commodité. L’acte le plus important avait été accompli avant, par le choix de son partenaire et par la décision de partager sa vie.
Avec le « mariage pour tous », on se trouve amené à accorder une importance de premier rang à un acte juridique que l’on avait volontairement un peu oublié.
Pourquoi, alors, cela pose-t-il un problème d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe ? Parce qu’il ne faut pas se leurrer sur le rôle de cette institution. Si beaucoup d’entre nous l’utilisent comme un simple instrument de gestion, il est clair que le mariage, depuis l’origine, a pour objet plus ou moins explicite la procréation. Or la procréation demande, qu’on le veuille ou non, deux personnes de sexe différent.
Ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est automatiquement ouvrir la porte à la procréation médicalement assistée, voire à la gestation pour autrui. Vous aurez beau le nier, c’est une réalité qui s’imposera. Cela mérite tout de même d’être réfléchi, discuté et débattu.
La liberté, c’est le droit donné à chacun de faire ses choix de vie et de prendre ses responsabilités. Chacun doit être libre de vivre avec la personne de son choix, y compris avec une personne de son sexe. Mais, en toute logique, on devrait accepter, dans ce dernier cas, de ne pas avoir d’enfants.
Le problème, c’est que l’on vit dans une société où la notion de choix et de conséquences de ses choix n’a plus guère de sens. Cette évolution n’est pas surprenante ; elle est dans le droit fil de ce à quoi l’on assiste depuis des dizaines d’années.
J’espère que l’on retrouvera un jour la raison : un homme et une femme, c’est ce qu’il y a d’unique pour faire un enfant, et c’est encore mieux si cet homme et cette femme restent ensemble après avoir conçu cet enfant.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Rien n’est moins sûr !
M. Charles Revet. Mon point de vue est-il affreusement conventionnel ? (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Peut-être, mais est-ce vraiment un progrès que de refuser la réalité ?
On nous dit qu’il s’agit d’accepter la différence alors qu’en fait on nous propose de la nier. Faire comme s’il n’y avait pas de différence entre un homme et une femme, comme si les êtres étaient interchangeables, c’est une régression.
C’est pourquoi, sauf à vouloir faire table rase de tout ce sur quoi se sont appuyés nos ancêtres pour bâtir la société dans laquelle nous vivons, nous sommes tout à fait opposés à l’article 1er de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vergoz, sur l’article.
M. Michel Vergoz. J’ai entendu que le vote des élus des DOM était très attendu. Depuis lors, leurs choix ont été clarifiés.
Je confirme mon vote en faveur de l’article 1er de ce projet de loi, qui, je vous le rappelle, traite uniquement du mariage civil – je dis bien du mariage civil – entre les couples de même sexe et de l’adoption. Pour écarter toute polémique, je rappelle, comme cela a souligné au Sénat et à l’Assemblée nationale par Mme le garde des sceaux, que l’article 343 du code civil prévoit que le mariage emporte l’adoption.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, me trouver dans cet hémicycle aujourd’hui, au cœur de ce débat sur le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, me procure le sentiment d’un long voyage réalisé en un temps infiniment court. Cela va trop vite, peut-être. Dans les îles plus que dans l’Hexagone ! C’est la raison pour laquelle on attendait des élus des DOM qu’ils ne soutiennent pas ce texte.
En effet, j’ai vécu en vase clos, dans une société chargée du poids des principes, des préjugés, des interdits largement distillés par la famille et par la religion, avec grand amour.
Les nouvelles du monde nous parvenaient alors qu’elles n’étaient déjà plus d’actualité là où elles avaient éclos. L’information ne disposait pas des moyens modernes d’aujourd’hui pour se répandre. Elle était toujours partielle, souvent partiale, et naturellement orientée.
Dans ce contexte qui a nourri ma jeunesse, pendant des années, je me souviens d’avoir partagé assez longtemps, sur la question du mariage, avec nombre de mes camarades, l’idée selon laquelle des deux mariages, civil et religieux, le plus important, l’officiel, était celui qui était célébré à l’église, le sacrement !
C’est dire combien je viens de loin, de très loin, s’agissant de ce sujet. Ne sourions pas : d’une île à l’autre, ces faits peuvent se recouper.
Rien de surprenant quand on rappellera, chaque fois, le poids non pas de la tradition, mais de l’éducation et de la religion dans le contexte insulaire.
Il y a quelques semaines, encore, je fus avec le plus grand sérieux questionné par l’un de mes amis, qui voulait que je récuse publiquement le passage par l’église de couples homosexuels qui souhaitaient se marier, alors que cette question ne se pose aucunement. C’est vous dire combien d’interrogations sommeillent encore.
C’est en 1970, lorsque j’effectue le grand voyage vers l’Europe pour mes études, que je découvre l’ampleur de l’hypocrisie sur la question de l’homosexualité. Celle-ci sera pénalisée jusqu’en 1982 et ce n’est qu’en 1991 qu’elle sera retirée de la liste des maladies mentales par l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé.
J’ai vu des personnes de même sexe heureuses de vivre ensemble leur amour différent, mais vrai et profond.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Heureusement !
M. Charles Revet. Personne ne le conteste !
M. Michel Vergoz. Comme j’ai vu, mes chers collègues, des jeunes des îles fuir leur insularité pour cacher ce même amour et éviter ainsi les regards culpabilisants et meurtris de leurs propres parents.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il n’y a pas que dans les îles !
M. Michel Vergoz. J’ai longtemps entendu les souhaits, les attentes, les espérances de ces couples de personnes de même sexe. J’ai souvent pensé que ces personnes pouvaient trouver leur juste place dans la devise de la République française : « Liberté, égalité, fraternité. »
Mes chers collègues, à ce jour, aucun élément pertinent ne démontre que l’environnement d’un enfant évoluant au sein d’une famille homoparentale serait moins équilibré que celui d’un enfant d’une famille monoparentale. La monoparentalité concerne plus de 20 % des familles à La Réunion, contre 8 % dans l’Hexagone.
De même, chez les couples hétérosexuels unis par le mariage, le même équilibre indispensable à l’épanouissement de l’enfant est-il assuré lorsque le divorce survient ?
Plus de 50 % des couples mariés divorcent, souvent dans des conditions préjudiciables à l’intérêt de l’enfant. Nous avons tous en tête des exemples difficiles, voire dramatiques, y compris dans notre entourage. Telle est la réalité ! Le fait biologique ne constitue en aucune façon une assurance « tous risques » pour une éducation réussie de l’enfant.
Mes chers collègues, c’est avec sérénité et dans le respect du choix de chacun que je réponds aujourd’hui positivement aux avancées que contient, en termes d’égalité des droits et de conquête de libertés nouvelles, l’article 1er du projet de loi.
Une démocratie s’honore lorsqu’elle traite aussi des minorités, elle se cimente, elle se fortifie. Lorsqu’elle agrège toutes ses composantes, c’est la cohésion sociale qui gagne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Nous sommes enfin parvenus à l’examen de l’article 1er. Je me contenterai de faire deux remarques.
« Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » Voilà donc l’article qui suscite stupeur et effroi sur les travées de la droite depuis le début du débat !
Ainsi, depuis maintenant des semaines, nous assistons à un véritable déferlement contre cet article fondateur d’un nouveau progrès en termes d’égalité, cette égalité que nous nous apprêtons à inscrire avec bonheur dans la loi. Enfin, nous allons mettre un terme à une discrimination devenue insupportable !
Certains des arguments avancés par ceux qui s’opposent à ce progrès relèvent – il faut bien le dire – d’une homophobie franche et déclarée, d’une homophobie agressive et brutale. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Mme Françoise Férat. Non !
M. Pierre Laurent. Si, nous l’avons entendu !
Il y a aussi une homophobie honteuse et larvée, celle de ceux qui affirment que, bien sûr, l’homosexualité est un choix d’orientation sexuelle légitime, mais qui ne veulent pas reconnaître des droits identiques pour tous, sans distinction de genre et d’orientation sexuelle.
Pour se prémunir des accusations d’homophobie, ces détracteurs du projet de loi inventent des droits de second ordre, des droits de sous-citoyen, de demi-citoyen.
Ainsi, le PACS, hier combattu, d’ailleurs par les mêmes, paraît aujourd’hui suffisant. Au mieux, on propose une union civile dont les motivations n’ont finalement qu’un but : barrer la route à une égalité enfin pleine et entière.
Il est temps pour nous de rejeter ces faux-fuyants et d’ouvrir l’égalité à tous, l’égalité tout simplement.
Dès lors, mariage, adoption et, à nos yeux, PMA pour les femmes…
M. Charles Revet. Voilà !
M. Pierre Laurent. … relèvent du même principe d’égalité. Les droits des uns doivent être, en toute circonstance, les droits des autres.
Au nom de quoi des personnes d’orientation sexuelle différente, hétéros ou homos, se verraient, pour une partie d’entre elles, privées de leurs droits alors que l’égalité devant la citoyenneté leur est reconnue ? Aucun des arguments entendus ne nous convainc d’en rabattre sur une telle exigence. Notre soutien au projet est donc guidé d’un bout à l’autre par le respect de l’égalité des citoyens devant la loi. C’est aussi simple et aussi fondamental que cela.
Je voudrais également souligner le caractère profondément rétrograde des arguments que l’on entend à propos de la conception de la famille et de la filiation. À cet égard, le florilège auquel nous venons d’avoir droit gagnerait à être davantage connu…
Que d’arguments qui ramènent la femme à son rôle de procréatrice sous domination masculine ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Qui a dit cela ?
M. Pierre Laurent. Que d’arguments qui cherchent à figer une vision archaïque de la famille !
Je pense à cette notion totalement rétrograde de « complémentarité », que l’on substitue à celle d’« égalité » pour définir les rapports entre les hommes et les femmes dans la famille.
Dans un couple constitué d’un homme et une femme, les conjoints ne sont pas complémentaires ; ils sont égaux en droits ! D’ailleurs, cette conquête de l’égalité au sein de la famille a profondément changé le mariage lui-même. Mesdames, messieurs de droite, savez-vous que, en Tunisie, les islamistes s’acharnent, sans y parvenir pour le moment, à substituer dans la constitution de leur pays la notion de « complémentarité » à celle d’« égalité » pour désigner les droits des femmes ?
Le mariage n’est pas le statut figé et rétrograde dans lequel nos collègues de droite tentent de le circonscrire depuis le début de notre débat. Il a évolué. Hier encore, le divorce était interdit, proscrit, banni… Ceux qui faisaient ce choix étaient montrés du doigt. La femme n’avait pas les mêmes droits que l’homme dans le mariage.
Tout cela a bougé. La conquête de l’égalité a aussi avancé à l’intérieur du mariage.
Par conséquent, la conception que vous portez est non seulement homophobe,…
M. Alain Gournac. Mais arrêtez !
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est honteux ! Ça suffit !
M. Christian Cambon. C’est un provocateur !
Mme Éliane Assassi. Pourtant, c’est la vérité ! C’est ça qui vous embête !
M. Pierre Laurent. … mais aussi sexiste ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous n’avez trouvé que cela comme argument ? C’est la faiblesse du sujet !
Mme Cécile Cukierman. Mais non ! C’est la force du sujet !
M. Alain Gournac. C’est odieux !
M. Jean-Pierre Raffarin. Inacceptable ! C’est inacceptable !
Mme Éliane Assassi. Monsieur Raffarin, vous n’aimez pas entendre les vérités !
M. Pierre Laurent. Nous croyons que le mariage pour tous est un nouveau pas vers l’égalité pour toutes et tous. (Les protestations couvrent en partie la voix de l’orateur.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Faites-le taire !
M. Jean-Pierre Raffarin. On va finir par regretter Mélenchon !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. C’est aussi un progrès pour les couples homosexuels, qui verront tomber la discrimination dont ils sont victimes. Mais ce nouveau droit sera un progrès pour tous les couples, pour toutes les femmes, pour toutes celles et tous qui veulent concevoir leur mariage comme un espace commun d’amour et de liberté, et non comme un corset qui nous ramène deux siècles en arrière. (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. C’est nul ! Honteux !
M. Pierre Laurent. Je ne parle même pas des propos sur l’état de nature que nous venons d’entendre : ils feraient s’évanouir les penseurs des Lumières ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Concluez, monsieur le sénateur !
M. Pierre Laurent. En votant ce projet, c’est au nom de l’égalité que nous ferons gagner…
M. Christian Cambon. La sérénité dans le débat ?
M. Pierre Laurent. … la liberté pour toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. La grande classe !
M. Alain Gournac. Il n’est jamais là !
M. David Assouline. Et vous, vous n’avez même pas condamné les saccages de permanence de parlementaires ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat va à son tour se prononcer sur l’article 1er, article essentiel et fondateur de ce projet de loi. À la suite de tant d’autres qui se sont exprimés à l’Assemblée nationale, dans cette enceinte et dans la rue, je souhaite également vous faire part de mon désaccord à l’égard de ce texte.
Mesdames les ministres, je vous le dis solennellement : vous vous trompez !
Vous vous trompez non seulement sur la motivation de ce projet, la recherche de l’égalité à tout crin, mais également sur les conséquences du mariage homosexuel, que vous sous-estimez.
Votre motivation, c’est la recherche de l’égalité. Selon vous, les homosexuels sont victimes de discriminations et doivent, au même titre que les hétérosexuels, avoir le droit de se marier s’ils le désirent. Cet argument du « mariage pour tous ceux qui le désirent au motif qu’ils s’aiment » ne tient pas.
Ce n’est pas parce que des gens, hétérosexuels ou homosexuels, le désirent qu’ils ont le droit de se marier. Les exemples de personnes qui ne peuvent pas se marier alors qu’elles le voudraient sont nombreux.
On ne peut pas, au nom de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, donner le droit au mariage à tous ceux qui le souhaitent simplement parce qu’ils déclarent s’aimer.
Par ailleurs, le mariage n’est pas uniquement l’alliance entre deux personnes en reconnaissance de l’amour qu’elles se portent. C’est une institution qui articule l’union d’un homme et d’une femme avec le souhait de construire une famille, fondée sur l’existence d’une relation de filiation. En ce sens, c’est un acte fondamental dans la société qui est la nôtre. Il est basé sur l’altérité. Les homosexuels, pour de simples raisons biologiques, ne peuvent pas y recourir.
Les couples formés de deux personnes de sexe différent sont, par nature, différents des couples formés de personnes du même sexe. Par conséquent, il n’y a pas de discrimination à exclure de la catégorie du mariage d’autres types d’union et il n’y a pas d’inégalité à traiter différemment des réalités différentes.
Vous vous trompez donc sur la motivation. Mais vous vous trompez aussi – et vous nous trompez du même coup – sur les conséquences de votre texte. Vous reconnaissez permettre l’adoption par deux personnes de même sexe par le fait du mariage, mais vous déclarez que la procréation médicalement assistée, la PMA, n’est pas dans le texte à ce stade.
À cet égard, le Président de la République a indiqué qu’il respecterait l’avis du Conseil national consultatif d’éthique et que la gestation pour autrui demeurerait interdite tant qu’il serait en fonction.
Ce faisant, vous vous limitez à réparer une autre inégalité, mesdames les ministres. Selon vous, les homosexuels, comme les hétérosexuels, ont le droit d’avoir des enfants, et vous dites que l’ouverture de l’adoption par le mariage y contribuera.
Outre que le droit à l’enfant n’existe pas, pas plus chez les homosexuels que chez les hétérosexuels, vous vous trompez gravement sur les conséquences de votre projet du point de vue de la filiation.
En effet, nous savons que les enfants adoptables sont peu nombreux. Les couples de même sexe auront beaucoup de mal à en adopter, les pays d’origine voulant garantir à leurs pupilles des familles adoptives susceptibles de remplacer au mieux la famille biologique dont l’enfant a été privé. Il ne restera donc qu’une solution aux couples homosexuels qui voudront un enfant : recourir à la PMA ou à la GPA et procéder ensuite à l’adoption de l’enfant du conjoint.
Et que M. le Président de la République en soit d’accord ou non, c’est le droit européen, et plus précisément la Cour européenne des droits de l’homme, qui contraindra la France à ouvrir la PMA à des femmes homosexuelles qui voudront un enfant sans père.
En effet, la Cour admet que certains droits soient réservés aux couples mariés par rapport aux couples non mariés, en raison de leur différence de situation. En revanche, au sein d’un même statut, elle n’accepte pas de différence entre les couples de même sexe et les couples de sexe différent.
Nous le savons, les arrêts de la CEDH s’imposent aux pays du Conseil de l’Europe, dont la France, qui doivent les respecter, sous peine de condamnations financières. Il suffira ainsi à un couple de femmes auxquelles on aura refusé la PMA de saisir la Cour pour obtenir la condamnation de la France, qui devra alors modifier sa législation.
M. Charles Revet. Exactement !
M. André Reichardt. Bien entendu, une telle logique vaudra également pour la gestation pour autrui. Pourquoi ce type de « fabrication » d’enfant ne serait-il pas exigé aussi par des couples d’hommes mariés, au nom de l’égalité et de la non-discrimination avec les femmes mariées ?
Rappelons à cet égard que la circulaire du 25 janvier de Mme le garde des sceaux facilite déjà l’octroi des certificats de nationalité française aux enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger…
En ouvrant le mariage aux couples homosexuels, quoi que vous en disiez, vous ouvrez de facto la voie à la PMA et à la GPA. Au mieux, c’est une erreur, au pire une tromperie. En tout état de cause, prétendre l’inverse, c’est faire preuve d’une énorme hypocrisie.
Pour ma part, je ne peux pas accepter vos raisons, quelles qu’elles soient. Je voterai donc résolument contre l’article 1er, dont la motivation est erronée et les conséquences sont irréfléchies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vive l’Alsace !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE CARLE

vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Je rappelle que, dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er, sur lequel plusieurs orateurs se sont déjà exprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, sur l’article.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette que nos collègues du Front de gauche ne soient pas présents en séance à cet instant, car je tiens à exprimer notre révolte profonde devant les propos qui ont été tenus tout à l’heure qualifiant d’« homophobes » les travées de l’UMP. C’est inacceptable !
M. Alain Gournac. C’est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin. On nous a traités de délinquants ! Car depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, que j’ai fait voter, l’homophobie, l’injure à caractère homophobe, est passible de plusieurs mois de prison et d’une amende de plusieurs dizaines de milliers d’euros. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Madame la ministre, je vous demande de prendre acte du fait que nous avons tout à l’heure été injuriés. Nous vous demandons de croire en notre bonne foi, en notre sincérité. Nous n’avons pas, vis-à-vis des homosexuels, une attitude de compassion, une attitude distante ; nous avons tout simplement à leur égard une attitude de respect, auquel tout citoyen a droit dans notre République. Nous respectons tous les citoyens, quelles que soient leurs pratiques sexuelles. Nous ne pouvons donc accepter cette violence, que l’on dénonce par ailleurs et que, dans cette assemblée même, on pratique quelquefois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Si nous sommes pour l’apaisement, c’est justement parce que nous souhaitons que les convictions des uns et des autres soient respectées.
M. David Assouline. Vous n’avez pas dénoncé les violences !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes pour cette logique d’apaisement que j’ai développée tout à l’heure parce que, nous le pensons sincèrement, la France n’a pas besoin de ce débat aujourd’hui.
Nous pensons que les difficultés sociales que rencontre notre pays, que ce qui est devant nous aujourd’hui…
M. Gaëtan Gorce. Assumez vos responsabilités !
M. Jean-Pierre Raffarin. Peut-être pouvons-nous parler des responsabilités ; il n’empêche que la réalité est là. Ce n’est pas parce que Heuliez a déjà connu deux faillites qu’on ne va pas reconnaître que la troisième est dramatique, cher monsieur ! Vous pouvez toujours chercher les responsabilités dans la première ou la deuxième faillite, aujourd’hui, il y a 300 salariés qui sont menacés par le dépôt de bilan de leur entreprise ! Pour eux, la violence est dans la société. C’est la raison pour laquelle ce débat nous paraît dangereux parce qu’il ajoute des ruptures, des fractures dans une société qui a besoin de cohésion.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Ronan Dantec. Qui les a créées ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Ainsi que Fénelon l’a dit bien avant nous, « les injures sont les raisons de ceux qui ont tort », cher collègue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Sur le fond des choses, il existe ici un vrai risque – et c’est une autre forme de violence – qui est dans le changement de sens des mots.
M. David Assouline. C’est un rappel au règlement ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous transformez d’abord les mots sur le plan sémantique. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs saisi l’Académie française puisqu’elle est le garant du bon usage des mots. L’article 2 de notre Constitution précise en outre que le français est la langue de la République. Or, dans notre langue, aujourd’hui, selon l’Académie française, le mariage est l’union légitime d’un homme et d’une femme.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est faible !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous changez le sens des mots, mais aussi le sens de la famille, cela a été dit et redit.
Mais ce qui nous choque profondément, c’est que vous privilégiez toujours le moment à la destinée et que votre vision est celle non pas de la famille, mais du couple. Le mariage n’est pas un contrat pour une situation présente entre deux personnes ; c’est la destinée qui fait la famille et cette destinée, c’est la destination de l’enfant. C’est cela qui est très important.
M. Gaëtan Gorce. Il faut interdire le divorce, alors ! Soyez cohérents !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas parce que nous reconnaissons aux homosexuels la liberté de la pratique sexuelle qu’ils souhaitent, que, pour autant, cela leur donne le droit à l’enfant. Nous ne pensons pas que le droit à l’enfant puisse naître de l’alliance d’un homme et d’un autre homme ou d’une femme et d’une autre femme.
C’est la raison pour laquelle il y a fondamentalement un changement dans la vision de la famille. Vous changez le sens de la famille, vous enlevez ce qui est aujourd’hui fondamentalement le sens de la famille, sa destinée. Au droit de l’enfant, vous substituez le droit à l’enfant, comme cela a déjà été dit. Donc, au-delà de ce changement sémantique, vous changez le sens de la famille.
Mais vous allez encore plus loin, par un changement sur le plan politique. Vous faites ainsi un curieux choix dans le vieux débat classique entre nature et culture, parce que c’est le seul sujet sur lequel vous faites le choix de toutes les libertés. Sur les autres sujets, vous êtes à l’inverse prêts à tout réguler, à tout diriger. Mais, sur ce sujet-là, vous appelez à toutes les libertés et vous voulez maîtriser la nature par davantage de liberté, que vous habillez du mot « égalité ».
Il va vous arriver ce qui arrive toujours lorsqu’on pèche par excès de libéralisme. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Au fond, vous êtes comme les libéraux américains. Mais faites-nous confiance, car nous avons appris à tempérer le libéralisme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Raffarin. Savez-vous qui gagne dans le match entre la culture et la nature quand vous ne faites confiance qu’aux libertés et au libéralisme ? Eh bien, c’est écrit, le vainqueur, c’est le marché et ce qu’il y a derrière votre texte, c’est le marché de l’enfant, celui de l’adoption.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et l’humanisme aussi !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous ne pourrez pas résister à la PMA, à la GPA, parce que la mécanique que vous enclenchez, c’est celle du marché de l’adoption.
M. David Assouline. C’est le libéralisme d’un ancien premier ministre !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous faites une grave erreur philosophique et politique en oubliant qu’on ne doit jamais s’écarter de l’essentiel, c’est-à-dire de l’espèce humaine. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, sur l’article.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er est évidemment le cœur du projet de loi, qui donne, comme cela a été maintes fois répété, mais peut-être faut-il le dire encore, la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage, ce que le code civil réservait jusqu’à maintenant à deux personnes de sexe différent.
Il permet par conséquent, et ce sera presque automatique, l’accès à l’adoption conjointe aux époux de même sexe. C’est bien en priorité ce que vise ce texte !
On parle de mariage. Il faudrait d’abord parler de divorce avec une bonne partie de l’opinion publique, avec des millions de nos compatriotes qui ont manifesté leur incompréhension, à plusieurs reprises et en de nombreux endroits ces derniers mois, qui ont témoigné de leur désarroi devant ce qu’ils considèrent comme une véritable entreprise de démolition d’une institution, l’une des plus anciennes de l’humanité, au profit d’une minorité, reconnaissons-le, agissante, active et parfaitement organisée.
M. Yves Daudigny. Ce n’est pas le sujet !
M. Henri de Raincourt. Je voudrais dire un mot des conditions de la manifestation du 24 mars,…
M. Alain Gournac. Ah !
M. Henri de Raincourt. … pour relever d’abord que tout a été fait dans sa préparation pour en contrarier l’organisation (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. … à tous les égards, en particulier s’agissant de l’itinéraire.
J’ai vu, évidemment comme tout le monde, qu’on avait refusé l’accès des Champs-Élysées aux familles de France qui voulaient venir exprimer leurs valeurs ; on préfère réserver les Champs-Élysées au marathon de Paris !
Mme Laurence Rossignol. Quand Raffarin était Premier ministre, c’était déjà la même chose !
M. Henri de Raincourt. Les participants ont été entassés en haut de l’avenue de la Grande-Armée – nombreux ici en ont été les témoins –, mettant les familles, les personnes et surtout les enfants en danger. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Tasca. Et que faisaient là les enfants ?
M. Henri de Raincourt. La liberté de manifester est quand même inscrite dans la Constitution, mais quand on en fait usage, cela vous gêne ! Je reconnais que ce n’est pas trop dans notre culture, mais vous n’appréciez guère que nous allions manifester pour le respect de valeurs et de principes.
Mais ce n’est pas la dernière fois, chers collègues, puisque nous y retournerons le 26 avril !
Ces millions de Français, pourquoi ne pas avoir voulu les écouter ? Pourquoi n’avoir manifesté à leur égard aucune considération ? Leur réaction était bien légitime ; ils avaient tout à fait le droit de l’exprimer publiquement.
À aucun moment, il n’a été envisagé, comme nous l’avons demandé ici même à de nombreuses reprises, de les consulter spécifiquement sur cette question, qui mérite mieux que la réponse qui fut faite en référence à la Constitution.
Il faudrait également parler de divorce avec nombre de sociologues, de juristes, de philosophes et d’autres personnalités éminentes que nous avons auditionnées, proches de la majorité pour certaines d’entre elles, proches d’autres obédiences pour d’autres, soit dans le cadre de la commission des lois – et j’en remercie son président et son rapporteur –, soit dans le cadre de notre propre groupe.
Ces personnes ont su, par leurs travaux sur ce bouleversement du droit de la famille, démontrer les dangers que court l’institution du mariage, mais plus globalement notre société. Le droit de la famille est fondé sur l’alliance et la filiation ; les juristes nous l’ont, au fil des jours, suffisamment répété. Certaines de ces personnalités ont, me semble-t-il, secoué les « certitudes » d’un certain nombre d’entre nous.
Il faudrait aussi parler de divorce avec les terribles réalités du moment : les Français ont avant tout besoin que le Gouvernement trouve des réponses adaptées à la dureté des temps, à la crise économique, financière, sociale, politique maintenant, qui ronge le pays confronté au monde global, qui détruit des espérances et la cohésion de notre société.
Alors, pourquoi malmener une bonne partie de l’opinion publique avec ce projet qui dresse les Français les uns contre les autres ? Nous avons tous en mémoire la volonté exprimée par le Président de la République de rassembler les Français. Avouez qu’en la matière, ce n’est pas très réussi !
Faire fi de ce malaise dans la population nous pose un véritable problème. Ce n’est pas de cette manière que l’on pansera les plaies entre nos compatriotes et leurs élus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la loi a institué le mariage et créé pour lui un cadre protecteur en n’acceptant sa rupture qu’à la suite d’une procédure judiciaire et de l’intervention d’un juge, c’est parce qu’elle le considère comme base d’une famille et non pas comme reconnaissance sociale du couple.
Car la société n’a pas besoin de couples. Elle a besoin d’enfants qui bénéficient de la meilleure structure possible pour devenir les adultes de demain, d’un cadre sécurisant, objectif et protecteur. D’où le mariage.
C’est vrai, la procréation n’est pas obligatoire dans le mariage et lorsqu’un couple homme-femme ne procrée pas, c’est pour des raisons qui lui sont particulières, soit, par exemple, parce que l’un des deux souffre d’infertilité ou encore parce qu’ils sont l’un et l’autre trop âgés.
La dimension familiale du mariage peut tout à fait supporter que certains couples n’aient pas d’enfants. Cela ne prive absolument pas le mariage de cette perspective. En revanche, si des couples de même sexe ne procréent pas, ce n’est pas pour des raisons particulières et personnelles, c’est pour des raisons objectives. L’union de personnes du même sexe ne permet pas, nous le savons tous, la procréation.
La relation entre personnes de même sexe est un rapport de personnes. Il peut y avoir un lien de droit, un contrat, mais ce rapport n’a pas vocation à aller au delà pour fonder une famille, non pas parce que ces personnes n’auraient pas les qualités individuelles pour cela, mais parce que, ensemble, elles ne peuvent pas procréer.
La condition d’altérité sexuelle des époux posée par la loi n’est pas un choix. Elle découle de la signification profonde du mariage, qui a pour rôle non pas d’officialiser la vie de couple, mais d’instituer la famille.
Il n’est pas question pour moi de nier que des couples homosexuels puissent élever des enfants aussi correctement que n’importe quel autre couple. Leur homosexualité peut constituer un facteur de difficulté, mais au même titre que les difficultés spécifiques auxquelles font face de nombreux couples hétérosexuels, en lien avec leur propre histoire personnelle ou leurs difficultés du moment.
J’estime même qu’il est important de donner une sécurité juridique aux dizaines, voire aux centaines de milliers d’enfants qui sont d’ores et déjà élevés par des couples de même sexe.
En revanche, je trouve extrêmement dangereux d’organiser la fiction d’une filiation au sein de couples homosexuels. Le mariage n’articule automatiquement conjugalité et filiation que dans le cas d’un couple hétérosexuel.
Pour les couples de même sexe, la situation est différente. Je ne veux pas leur dénier le droit d’élever un enfant ensemble, mais, sur le plan de l’état civil, il est important de ne pas tromper celui-ci.
Un enfant peut être élevé par deux hommes ou par deux femmes s’il connaît les conditions de sa naissance et comment il est arrivé auprès de ce couple.
Mme Cécile Cukierman. Ses parents lui diront !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet accès à l’information généalogique est essentiel pour construire son identité, comme le soulignent tous les psychologues et psychanalystes.
Enfin, je considère qu’autoriser les couples de même sexe à conclure un mariage nous projette inéluctablement vers une légalisation de la PMA « de convenance » et de la GPA, quelles que soient les dénégations du Gouvernement. La PMA est actuellement autorisée pour les couples mariés infertiles ; empêchera-t-on les homosexuels de faire valoir leur propre infertilité pour en bénéficier aussi ? Cela serait sans doute considéré comme une discrimination par la CEDH.
Et si l’on autorise les couples homosexuels à concevoir par PMA, pourra-t-on encore interdire la PMA de convenance aux hétérosexuels ? Là encore, cela deviendrait discriminatoire. Bien sûr, le raisonnement vaut également pour la GPA.
Plus encore que l’accès des homosexuels à ces techniques reproductives, c’est la brèche qu’une telle autorisation ouvrirait pour l’ensemble des couples qui me paraît particulièrement dangereuse. Il y a là un véritable risque de dérive et il est tout à fait irresponsable de la part du Gouvernement de s’entêter à le nier.
Autoriser le mariage entre les couples de même sexe emporte de graves conséquences pour le droit de la filiation et pour la bioéthique. Vous vous en doutez, je voterai donc contre cet article, d’autant que la création d’un dispositif d’union civile, sans conséquence directe sur le plan de la filiation, aurait pu parfaitement répondre aux attentes légitimement exprimées par les couples homosexuels pour sécuriser leur vie conjugale. Il me semble vraiment tragique, madame la ministre, que vous n’ayez pas accepté ce concept d’union civile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est votre intervention qui est tragique !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, sur l’article.
M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom de Roland du Luart, absent ce soir pour raisons de santé.
Au regard de l’atmosphère qui règne autour de ce débat sur le mariage des couples de personnes de même sexe et des incidents qui se sont produits lors de l’exercice par le peuple du droit à manifester son opinion, je n’ai nullement l’intention d’être dans la nuance.
Pour moi, ce texte est antirépublicain.
M. David Assouline. C’est une insulte ! Vous acceptez que l’on soit traités ainsi, monsieur Raffarin ?
M. Jean-Pierre Chauveau. Ce projet de loi part d’une bonne intention : défendre les personnes revendiquant leur homosexualité qui subissent encore trop souvent des discriminations en raison de leur orientation sexuelle. Pour autant, en faisant d’une communauté fondée sur l’orientation sexuelle une sorte de corps intermédiaire qui déciderait des lois qui s’appliquent à lui-même et en instaurant une sorte de discrimination positive, il contrevient aux principes essentiels de la République française.
Comme le souligne l’avocat Alexandre Duval-Stalla dans Le Figaro du 18 septembre 2012, « la première remise en cause fondamentale est celle de la reconnaissance en tant que telle de la communauté homosexuelle en lui attribuant des droits spécifiques […]. Pourquoi la République accorderait-elle plus de droits aux couples homosexuels qu’aux autres citoyens ? » Si la loi de la nature n’a aucune importance, car elle serait rétrograde, pourquoi limiter le droit de se marier aux couples de même sexe au lieu de l’ouvrir à d’autres formes de couples qui ne sont pas encore rentrées dans les mœurs officielles ?
De fait, pousser jusqu’au bout la logique qui sous-tend le mariage homosexuel conduit à des aberrations.
Mais d’où viennent ces incantations progressistes, modernistes ou humanistes qui font qu’aujourd’hui la moindre réticence au mariage homosexuel est assimilée à une résurgence fasciste ? Visiblement, elles résultent du multiculturalisme anglo-saxon, du droit européen et, surtout, de la notion suprême, nouvelle valeur fondamentale de la République française : la non-discrimination.
Comme l’a indiqué Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, l’argumentaire avancé en faveur du mariage homosexuel fait passer l’impossibilité naturelle et factuelle de deux hommes ou de deux femmes de se marier pour une discrimination juridique dont se rendrait coupable une méchante législation homophobe.
Le mariage a toujours été universellement défini comme l’institutionnalisation d’une relation, c’est-à-dire de l’union sexuelle d’un homme et d’une femme. Il en résulte que deux hommes ou deux femmes ne peuvent se marier. Ce n’est aucunement une question de droit, c’est un constat de pur fait, dont la législation positive, notamment la Convention européenne des droits de l’homme, se borne à prendre acte. Il faut donc une sacrée dose de mauvaise foi pour prétendre que le texte de cette convention instituerait une discrimination.
Selon Mme Le Pourhiet, l’argument discriminatoire est si faible que la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel ont dû, à plusieurs reprises, rappeler à des lobbies vindicatifs que le principe d’égalité ne s’applique pas à des situations différentes. Il n’y a évidemment pas l’ombre d’une discrimination dans cette affaire. Tout individu majeur peut parfaitement se marier, mais avec une personne de sexe différent, puisque c’est la définition même du mariage.
Par conséquent, ce texte ne va pas « ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe », puisque cette expression n’a aucun sens. Il tend tout simplement à falsifier le mariage, à le dénaturer au sens fort du terme, c’est-à-dire à lui faire perdre sa signification, son fondement, sa finalité et sa nature pour le remplacer par une tout autre chose désormais asexuée et déstructurée, à laquelle on aura seulement conservé le nom de mariage. En réalité, il s’agit d’une parodie, d’un simulacre de mariage.
La nature ne se prête pas à des croyances ou à des religions ; elle est un objet de connaissance et de science, que l’on ne peut relativiser ou feindre d’ignorer. On pourrait certes écrire dans le code civil que deux hommes ou deux femmes peuvent se marier ou inscrire dans la Constitution que la terre est plate : ce serait une contrevérité, un mensonge d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, sur l’article.
Mme Marie-Annick Duchêne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jeudi et vendredi derniers, le début de la discussion sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe s’est déroulé des heures durant dans un climat serein. Les interventions étaient écoutées, et certains orateurs ont été quasi ovationnés. Nous n’avions pas le même avis sur ce projet de loi, mais le respect régnait.
Aujourd’hui, lundi, le démarrage fut un peu brutal, mais le calme est ensuite vite revenu. Puis l’un de nos collègues a pris le mors aux dents et, dépassant son temps de parole d’une minute et vingt secondes, a tenu à notre encontre, nous « gens de droite », selon ses propres mots, des propos plus que désagréables.
À cet orateur, qui est absent ce soir, je tiens à dire que je ne suis pas homophobe et que je ne connais pas parmi mes collègues des personnes qui le soient.
M. Jean-Marc Todeschini. Il y en a !
Mme Marie-Annick Duchêne. J’ai participé à la « manif pour tous » et, là encore, je n’ai pas rencontré de personnes homophobes.
Mme Cécile Cukierman. Pourtant, elles se sont exprimées !
Mme Marie-Annick Duchêne. J’ai rencontré des hommes et des femmes disant leur malaise devant ce projet de loi. Ils ne comprenaient pas pourquoi il serait nécessaire d’ouvrir le droit à la PMA, puis, toujours par souci d’égalité, peut-être à la GPA.
Certains avaient peur que les femmes des pays pauvres ne soient utilisées pour porter les enfants de certains couples de même sexe ; cela les révoltait. Tous étaient pour une procréation naturelle, tous mettaient l’enfant au centre du débat, tous parlaient de la filiation indispensable à la construction d’une société. Comme ils nous demandaient de trouver une solution, je leur ai parlé de l’union civile qui serait célébrée en mairie. Ils étaient soulagés, car, pour eux, c’était une solution de rassemblement.
Et puis il y a eu, lors la dernière manifestation, quelques dérapages, avec des individus qui n’avaient pas leur place dans un tel rassemblement (Exclamations sur les travées du groupe CRC.),…
M. David Assouline. Vous êtes la seule à le dire !
Mme Marie-Annick Duchêne. … où l’ambiance était plutôt bon enfant. La presse a surtout parlé de ces petits désordres, ce qui est injuste pour les organisateurs de la manifestation.
Or cette loi est, nous le savons, très importante : elle transforme le droit français du mariage et de la filiation. Aussi, mes chers collègues, il est inutile de se lancer des noms d’oiseaux ! Nous avons chacun des convictions, respectons-les. Pour ma part, je voterai contre l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens à la place de Bruno Gilles. Ayons une pensée pour lui, qui, dans la peine d’avoir perdu sa mère, ne peut être présent parmi nous ce soir.
Au nom de l’égalité et du refus des discriminations, on nous demande, avec cet article 1er, d’établir une équivalence entre les unions homosexuelles et les couples mariés. Il semble exagéré de parler de discriminations aujourd’hui dans notre société vis-à-vis des homosexuels, même s’il existe encore des actes agressifs à leur égard, hélas, toujours trop nombreux, comme il demeure des violences contre les femmes et des crimes pédophiles.
La grande majorité de nos compatriotes refuse les discriminations. Critiquer le « mariage gay » n’a rien à voir avec une hostilité à l’égard des homosexuels.
En revanche, ce texte, notamment dans son article 1er, instaure des discriminations. En ouvrant le mariage et l’adoption aux unions homosexuelles, il instaure une réelle inégalité entre les enfants qui vivront entre un père et une mère dont ils sont issus et ceux dont la filiation sera fondée sur un mensonge et établie de façon fictive, à savoir qu’ils seraient le fils ou la fille de deux pères ou de deux mères.
Ces derniers seront intentionnellement privés d’une mère ou d’un père. Pourtant, la majorité des homosexuels pensent qu’un enfant doit vivre entre un père et une mère.
« Alors que la filiation est un élément essentiel de l’identification pour chaque individu tant sur le plan biologique que social et juridique, l’état civil ainsi reconstitué mettra en évidence, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose cette filiation ». Ici, c’est le Conseil d’État qui s’exprime.
En revanche, ce texte, en ouvrant le mariage et l’adoption d’enfants aux unions homosexuelles, remet en cause notre conception de la filiation issue de la dualité sexuelle. Il donne la priorité à « un droit à l’enfant » sur « les droits de l’enfant », consacrés par la Convention internationale des droits de l’enfant et par notre corpus constitutionnel.
Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour donner à un enfant qui a perdu sa famille biologique, une famille de substitution constituée d’un père et d’une mère d’adoption. Si les homosexuels adoptent un enfant,…
Mme Cécile Cukierman. Ils feront comme tout couple qui désire un enfant !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … ils le font pour satisfaire leur désir d’enfant, en contournant leur impossibilité à l’engendrer.
Mme Cécile Cukierman. C’est insupportable !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. En cherchant à mettre de l’égalité entre les unions de même sexe et les couples homme-femme,…
Mme Cécile Cukierman. C’est le désir d’enfant qui compte !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame Cukierman, c’est moi qui ai la parole, et pas vous !
Je disais donc qu’en cherchant à mettre de l’égalité entre les unions de même sexe et les couples homme-femme, on crée une inégalité entre les enfants : ceux qui auront droit à un père et une mère et les autres.
Bien plus que l’instauration d’une filiation sociale, c’est partant de l’idéologie du genre, bouleverser ce qui fonde notre civilisation.
C’est encore la porte ouverte aux gestations artificielles, aux transferts d’embryons, dans le cas d’unions de lesbiennes, et le recours à la gestation pour autrui par des mères porteuses, dans celui d’unions de deux hommes.
Quant à l’allégation d’inégalité de droits entre hétérosexuels et homosexuels, elle n’est pas recevable, car ils ont les mêmes droits.
En revanche, il ne peut y avoir d’égalité entre les couples mariés et les unions homosexuelles puisque ces dernières sont fondées sur l’absence d’altérité sexuelle et, par voie de conséquence, sur l’impossible conception d’enfants. Des situations, des réalités différentes, sans qu’il y ait pour autant discrimination, appellent des droits différents.
L’égalité de droits respecte les différences. En France, nous sommes égaux au-delà de nos différences de peau, de religion, de sexe et de naissance…
L’égalité suppose invariablement que l’on traite également les situations égales et inégalement les situations inégales. L’égalité, qui est une valeur démocratique, ne peut, en effet, se confondre avec l’égalitarisme qui est le propre de régimes autoritaires, faisant disparaître les différences pour imposer une même norme à tous.
Or le projet de loi, sous couvert de termes, improprement utilisés et sans doute volontairement choisis, de « mariage » et de « couples » d’homosexuels, veut autoritairement et officiellement éliminer ces différences.
L’article 1er répond aux revendications communautaristes d’un groupe militant, la LGTB, lesbiennes, gays, trans et bi, et l’APGL, Association des parents gays et lesbiens, qui n’est pas représentatif des homosexuels, ceux-ci étant majoritairement opposés à ce texte.
En fait, le projet de loi nous conduit à légiférer pour la minorité d’une minorité. Or notre loi fondamentale refuse d’institutionnaliser les particularismes sous peine de morceler l’unité de notre nation et la cohésion de notre société. Nous assistons là, comme disait Jean Carbonnier, à la « pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs ».
Le mariage est une institution. La dualité sexuelle sur laquelle il se fonde, consacrée par les lois de notre République depuis 1792, constitue sans doute le principe le plus fondamental de notre droit civil.
Ne tenant plus compte de la dualité sexuelle du couple, de sa capacité à procréer, de la filiation biologique, de la présomption de paternité inhérente à l’institution du mariage, l’article 1er du texte, s’il est adopté, dénaturera l’essence même du mariage, qui n’en aura plus que le nom.
Le mariage est « le plus haut degré de protection juridique que peuvent se vouer librement deux personnes qui s’aiment », nous indique notre rapporteur. Or le mariage n’est pas un contrat qui consacre l’amour. Notre droit ne prend pas en compte les sentiments des individus, qui appartiennent à la sphère privée.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je conclus, monsieur le président, mais j’observe que d’autres orateurs ont dépassé leur temps de parole d’une minute à une minute et demie… Par conséquent je ne me sens pas en infraction pour quelques secondes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Rebsamen. Ça suffit !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. C’est l’égalité ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Parce qu’avec cet article 1er, le projet de loi altérera une composante fondamentale de notre cohésion sociale et de notre ordre constitutionnel, nous en demandons la suppression.
Bruno Gilles et moi-même voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, sur l’article.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais reprendre le thème de la déclaration des droits de l’enfant qu’a évoqué brillamment, mais très rapidement, notre collègue Bruno Retailleau. Adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1959, elle proclame notamment que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante de la construction de la famille.
Selon le principe n° 6 de cette déclaration, « l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère ». En d’autres termes, si l’on permet qu’un enfant ait deux pères, on contrevient au principe n° 6 de la déclaration des droits de l’enfant de novembre 1959.
Toujours sur le plan juridique, j’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Fretté contre France – relatif au rejet d’une demande d’agrément préalable à l’adoption d’un enfant par une personne homosexuelle –, a estimé que les autorités nationales avaient légitimement et raisonnablement pu considérer que le droit d’adopter trouve sa limite dans l’intérêt de l’enfant, nonobstant les aspirations légitimes du requérant, sans que soient remis en cause ses choix et sans violation des articles 14 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, c’est-à-dire des dispositions relatives à la discrimination.
Ces éléments juridiques complètent les arguments qui vous sont fournis, mes chers collègues. La convention internationale des droits de l’enfant de 1989, notamment son article 3, nous conduit à poser la question suivante : ce projet de loi ne viole-t-il pas le droit international ?
Vous le savez, la Constitution assure la supériorité du droit international sur la loi ; cela a été rappelé tout à l’heure, lors des échanges avec Mme la garde des sceaux. Par conséquent, tout citoyen pourra attaquer cette loi au motif qu’elle ne respecte pas le droit international. La seule possibilité pour y échapper serait de modifier la Constitution, mais, pour cela, il faudrait naturellement un référendum.
De même, la connaissance des origines ressortit aux droits et à la dignité de la personne humaine. C’est pourquoi nous proposons que les enfants qui naîtront aient le droit, à l’âge de trente ans, de savoir d’où ils viennent, non seulement parce qu’ils auront besoin de se construire en tant qu’individus responsables, mais aussi, et surtout, en raison d’éventuels problèmes génétiques. Voilà qui touche au cœur de l’ensemble de nos discussions.
Ainsi, on peut regretter que vous ne répondiez pas aux questions que nous avons posées, en partant du principe que l’enfant est un sujet de droit, avec tout ce que cela implique.
Malheureusement, nous sentons que, avec ce texte, l’enfant peut devenir un objet de droit avant d’être un sujet de droit. Or il est une personne humaine. Il est protégé par le principe de dignité de la personne humaine, selon lequel un enfant doit pouvoir être élevé par son père et sa mère.
D’ailleurs, comme le relevait le psychanalyste Jean-Pierre Winter, votre projet crée « une mutation anthropologique majeure ». D’après lui, « on généralise l’exceptionnel, on coupe sciemment et légalement un enfant de ses origines ».
Par ailleurs, « l’enfant se pose en permanence des questions sans réponse, ce qui lui crée de graves difficultés lorsqu’il veut fonder sa propre famille ». Jean-Pierre Winter explique encore : « Tous les "bricolages généalogiques" sont sources de perturbation et l’enfant devra démêler une question difficile : celle d’être le produit du désir de deux personnes qui ne peuvent pas engendrer. Dans cette situation, comment arrivera-t-il à définir qui il est ? ». Enfin, d’après lui, « l’homoparenté est un déni de la nature, un déni du réel qui inscrit l’enfant dans une illusion biographique ».
Pourquoi tant de questions, aux conséquences bioéthiques fondamentales, sont-elles ignorées ? Ces enjeux auraient nécessité un grand débat. C’est d’ailleurs ce que préconisait l’Académie des sciences morales et politiques dans son avis en date du 21 janvier 2013.
Par ailleurs, j’ai conscience que nos concitoyens sont préoccupés par d’autres problèmes, relatifs au chômage grandissant, à la crise qui touche leur pouvoir d’achat, à la fragilisation de notre modèle social, entre autres. Je considère donc que vous ne les écoutez pas.
Certes, il est difficile de revenir sur une telle réforme sociétale, car ses conséquences ne se feront pas sentir avant plusieurs décennies. Vous évoquez notre appréciation du PACS par rapport au moment où il a été voté. Certes, cette appréciation a changé, mais il s’agissait, me semble-t-il, d’un dispositif d’une nature différente, dans lequel il n’est pas question de filiation.
Dans l’histoire de l’humanité, des moments semblables à celui que nous connaissons aujourd’hui se sont déjà produits, et je pense, malgré tout, que nous reviendrons à des usages plus conformes à la nature des choses.
Il n’est pas question, ici, d’évaluer ce qui est bien ou mal, ce qui est moral ou ce qui ne l’est pas, ce qui est normal ou ce qui ne l’est pas. Il s’agit de prendre de la hauteur et de constater que, un jour ou l’autre, l’œuvre humaine est rattrapée par la nature.
Or malgré toute notre bonne volonté, malgré notre désir d’égalité – qui ne supprime pas les différences –, malgré la conscience mélancolique dans laquelle la réalité plonge certains, il est des privilèges et des responsabilités que nous ne pourrons pas abolir, parmi lesquels figure celui de donner la vie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes conduits à débattre d’un sujet de société dont l’incidence sur la vie de nos concitoyens est forte et durable.
Chacun d’entre nous a bien sûr le devoir de se prononcer selon sa conscience et son vécu. À cet égard, je veux le souligner, le groupe politique auquel j’appartiens permet à ses membres d’exprimer leur opinion et leurs convictions sur le sujet ; puisse son président, Jean-Claude Gaudin, en être remercié.
Comme pour chacun d’entre nous, mes chers collègues, c’est la pratique du terrain, la richesse des rencontres, la participation à des débats, mais aussi la souffrance qui nous est exprimée lors de certains échanges qui nous conduisent à faire nos choix. C’est mon expérience de parlementaire et d’élue de terrain qui a forgé, au plus profond de moi-même, ma conviction : il est temps, pour la République, de donner aux personnes homosexuelles la même reconnaissance, les mêmes droits et la même sécurité juridique qu’aux personnes hétérosexuelles.
Je comprends l’attachement au mot « mariage » de ceux de nos concitoyens qui sont opposés au projet de loi du Gouvernement. Toutefois, j’entends également la revendication légitime d’égalité des couples homosexuels, qui s’adresse à l’ensemble des institutions de la République.
Même si notre société a beaucoup évolué, pour nombre d’homosexuels, le chemin de l’adolescence, de la construction d’une vie d’adulte et de l’acceptation personnelle, familiale et sociétale demeure parsemé de difficultés profondes.
Par ailleurs, je suis profondément attachée à la famille et à son rôle structurant dans la société. Premier cercle de l’éducation, de la construction de l’individu et des solidarités, elle est un repère fondateur. Permettre à des personnes homosexuelles de s’unir, de se marier, de fonder une famille, c’est promouvoir et consolider la structure familiale dans une société qui prône trop l’individualisme et le chacun pour soi.
Avec le mariage homosexuel, mes chers collègues, se pose bien sûr la question de l’enfant, qui est d’ailleurs au centre de nos débats. Or l’intérêt supérieur de celui-ci, c’est d’être aimé, choyé, éduqué par ses parents.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Fabienne Keller. L’homoparentalité ne prive pas les enfants des richesses de l’altérité dans l’éducation.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Fabienne Keller. Nous savons tous que la famille présente désormais des formes diverses, homoparentales, mais aussi monoparentales et recomposées.
Défendre l’intérêt de l’enfant, c’est aussi se préoccuper de la précarité des milliers d’enfants élevés aujourd’hui par des couples homoparentaux, au sein desquels un seul parent est reconnu par la loi. Nous le savons tous, cette situation place ces enfants dans une position d’insécurité juridique.
Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, le droit à l’adoption n’offre pas un droit automatique à l’enfant : il ouvre le droit de se soumettre aux procédures et contrôles légaux en vigueur.
Ceux qui ont la chance d’être parents savent quelle est l’importance des enfants et apprécient le sens qu’ils donnent à nos vies. Or, aujourd’hui, accepter son homosexualité, c’est renoncer au mariage et à la parentalité. C’est s’amputer de l’un des plus beaux objectifs de l’existence : fonder une famille, aimer et élever des enfants.
L’homosexualité est non pas un choix, mais une réalité qui s’impose à ceux qui aiment une personne de même sexe. Je ne me sens pas prête, en tant que parlementaire, à accepter que toute l’existence d’une personne puisse être conditionnée par la préférence sexuelle qu’elle se découvre à l’adolescence.
Je ne me sens pas prête, en tant que parent, à interdire ce bonheur à ceux dont les orientations sexuelles ne seraient pas les miennes. Nous sommes tous, évidemment, des êtres en quête de bonheur. Notre rôle de parlementaires n’est pas d’inventer ce dernier, mais de le rendre accessible. L’homosexualité n’est ni un danger ni une chance pour notre société. Elle en fait tout simplement partie. Je souhaite prendre en compte cette réalité, plutôt que la contester.
Pour l’ensemble de ces raisons, par attachement à la notion d’égalité, pour laquelle je me suis toujours battue, et après avoir réfléchi et m’être questionnée sur mes valeurs et le sens de mon engagement, j’ai décidé, en mon âme et conscience, de voter en faveur du mariage pour tous.
Je voterai donc l’article 1er de ce texte, come l’ensemble de ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, sur l’article.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voulais redire, après Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, que les propos tenus tout à l’heure, à notre endroit, par notre collègue Laurent étaient tout à fait déplacés, notamment en ce qu’ils laissaient entendre que nous serions homophobes.
Jean-Pierre Raffarin a été très clair, et je regrette qu’il n’ait pas été présent lors de notre débat sur l’union civile de cet après-midi, car il aurait pu constater que les propos en question n’étaient justifiés ni par notre volonté, ni par notre attitude, ni par nos convictions.
Notre premier objectif était de dire que l’on pouvait parfaitement faire ce choix de vie, qu’un couple homosexuel avait naturellement vocation à obtenir les mêmes droits, dans toutes leurs acceptions, et que l’union civile était de nature à répondre à cette demande.
Cependant, la majorité sénatoriale en a décidé autrement, préférant maintenir la position qui est la sienne en faveur du mariage pour tous, qui entraîne nécessairement la filiation.
Or si vous êtes publiquement réservés sur une partie de ce sujet – je pense en particulier à la procréation médicalement assistée, voire à la gestation pour autrui –, il n’en demeure pas moins que, en ce qui concerne l’adoption, les choses sont engagées.
Je ne reviendrai pas sur les conditions de cette adoption, abordées par le doyen Gélard, sur les difficultés rencontrées, voire sur l’impossibilité dans laquelle se trouveront les couples de voir aboutir leur désir d’enfant.
Ce que je crains surtout, c’est que nous ne soyons confrontés très rapidement, au détour du texte sur la famille que vous nous promettez prochainement, aux questions de la procréation médicalement assistée, puis de la gestation pour autrui, qui seront inévitablement évoquées, dans un souci d’égalité. Or, sur ce point, nous ne pouvons évidemment pas vous suivre,…
M. David Assouline. Nous sommes contre la GPA !
M. François-Noël Buffet. … la gestation pour autrui supposant le commerce d’un être humain, d’une femme.
Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas dans le texte !
M. François-Noël Buffet. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, que les choses soient claires ! On peut s’offrir un enfant pour 80 000 euros aux États-Unis et, sans doute, pour environ 15 000 euros en Europe centrale. Un tel dispositif est d’ailleurs contraire à la législation française, le corps humain ne pouvant faire l’objet d’un commerce.
Mme Cécile Cukierman. Personne n’a dit le contraire !
M. François-Noël Buffet. Vous n’abordez pas ces questions aujourd’hui parce qu’elles ne sont pas mûres sur le plan politique, mais vous y viendrez la prochaine fois. En réalité, avec ce texte, vous avancez masqués. Nous savons tous, car nul n’est dupe ici, que c’est la prochaine étape.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai parfois le sentiment, en écoutant nos échanges, que la définition même du mariage est en question et que certains d’entre nous ne l’ont plus réellement à l’esprit. On peut d’ailleurs formuler la même observation bien au-delà de cet hémicycle.
Les instituts de sondage demandent souvent à nos concitoyens de se prononcer sur deux questions, la première portant sur le mariage des personnes de même sexe, la seconde sur l’adoption par des personnes de même sexe vivant en couple. Il est très intéressant de constater que la réponse n’est pas la même aux deux questions, et l’on peut se demander pourquoi il en est ainsi.
En effet, il est écrit noir sur blanc à l’article 345-1 du code civil que, quand la filiation d’un enfant n’est établie qu’à l’égard d’une personne, le conjoint de celle-ci peut l’adopter. Quand on est marié, on peut donc adopter l’enfant de son conjoint. L’article 346 du même code prévoit en outre que nul ne peut être adopté par deux personnes, si ce n’est par deux époux.
Par conséquent, sans même rien modifier – nous verrons tout à l’heure que vous touchez cependant à ces règles –, le système dans lequel nous entrons rend l’adoption automatique. Les Français doivent en être bien conscients, car j’ai le sentiment, malgré le débat qui s’est développé au cours des derniers mois, qu’ils imaginent encore qu’un mariage est possible sans qu’en découle mécaniquement la possibilité de l’adoption par le conjoint ou de l’adoption conjointe par les époux.
Le problème est grave. Je crains fort qu’il n’y ait un très grave malentendu, non pas à l’égard de nos compatriotes qui se sont opposés au projet de loi, mais envers ceux qui disent le soutenir tout en refusant l’adoption.
M. Charles Revet. Il y en a ici !
M. Philippe Bas. Pour ma part, je crois que ces Français ont raison. En effet, l’adoption consiste tout de même à présenter à un enfant, à égalité de droits et de devoirs avec sa mère ou avec son père, un adulte de même sexe que le père ou la mère en considérant que, sans être père ni mère, il pourra être parent. C’est une parenté d’intention ; elle repose sur une construction du cœur et de l’esprit respectable, mais elle est essentiellement une fiction.
Mme Laurence Rossignol. Comme les parents adoptifs !
M. Philippe Bas. Je suis, pour ma part, inquiet de cette fiction, en particulier en ce qui concerne l’assistance médicale à la procréation, même si celle-ci est interdite par la loi française.
Pour rebondir sur ce que disait à l’instant excellemment notre collègue Buffet, il est certes interdit de recourir à l’assistance médicale à la procréation à Caen, à Rennes et à Nantes, mais tel n’est pas le cas à Barcelone, à Londres ou à Bruxelles. Or l’enfant ainsi conçu, avec le mariage des personnes de même sexe, sera adoptable par le conjoint.
Tout est donc fait, sans même modifier la loi française sur l’assistance médicale à la procréation, pour créer des enfants sans père. Eh bien, c’est une perspective à laquelle, personnellement, je me refuse ! Tous les Français qui ont eu le malheur de grandir orphelins de père partagent ce sentiment profond, car on peut avoir bénéficié des meilleures qualités éducatives de la part de sa mère, du conjoint de sa mère, de sa grand-mère et de toute sa famille, mais rien ne remplace un père qui n’est pas là !
M. David Assouline. Savez-vous combien de pères sont absents ?
M. Philippe Bas. Or tel est bien le chemin que vous prenez non seulement en permettant de créer des enfants sans père, mais en faisant en sorte, par une forme d’imposture, que le conjoint de la mère puisse devenir le deuxième parent de l’enfant. C’est un artifice, et il est grave ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, sur l’article.
M. Jean-Marie Bockel. Chers collègues, je voudrais d’abord affirmer qu’il me semble tout à fait normal qu’un couple homosexuel bénéficie d’un statut renforcé et protecteur de ses droits légitimes.
La question des différents cadres juridiques existants, comme le concubinage, le PACS, que j’avais d’ailleurs voté en son temps, mérite à ce titre d’être posée. Le droit doit être appréhendé, dans notre conception, non pas comme un corpus de règles figées, mais plutôt comme un vecteur d’accompagnement des évolutions de notre société, dans le domaine conjugal comme dans d’autres.
C’est tout le sens d’un certain nombre d’amendements que mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même avons déposés. Je pense notamment à l’amendement relatif à la création d’une institution distincte du mariage et du PACS, l’union civile, qui fonctionne bien dans plusieurs pays voisins, comme j’ai pu le constater, mais qui n’a malheureusement pas recueilli l’assentiment de notre assemblée.
M. François Rebsamen. Nous avons déjà voté sur ce point !
M. Jean-Marie Bockel. L’union civile répondrait pourtant aux attentes de tous, en offrant aux couples à la fois un cadre juridique, avec l’application d’un statut patrimonial protecteur et le recours au juge en cas de rupture, et une célébration solennelle en mairie, soit une reconnaissance sociale semblable dans la forme au mariage, comme l’a rappelé le président de notre groupe, François Zocchetto.
La mise en place d’un tel cadre juridique, qui nous semble aussi pertinente que nécessaire, apporterait également une réponse sans ambiguïté aux questions de filiation, d’adoption plénière, ainsi que de PMA et de GPA, qui suscitent les préoccupations que l’on sait chez nombre de nos concitoyens.
Ce n’est pas la problématique de la conjugalité qui ébranle nos convictions, c’est bien celle de la filiation. En effet, alors que le principe d’union homosexuelle pourrait rassembler très largement nos concitoyens comme nous-mêmes, force est de constater que le principe de l’homoparentalité, tel qu’il est formulé dans ce texte, nous divise.
L’ouverture du mariage aux couples homosexuels emporte de fait la possibilité pour ces couples d’adopter un enfant. Sans remettre en cause la capacité de quiconque à adopter, éduquer, aimer un enfant, j’émets toutefois des réserves fortes sur ce qui me semble être une transformation profonde de la parentalité et de la filiation.
Notre espèce humaine se reproduit, dure et existe par l’union d’un homme et d’une femme. Ainsi, inscrire dans le même cadre juridique l’union homosexuelle et l’union hétérosexuelle mettrait en cause la notion d’altérité sexuelle nécessaire à la transmission de la vie.
La théorie du genre, finalement, n’est pas très loin, et c’est peut-être là que réside le véritable clivage, qu’on l’assume ou non. Les conversations sur ce sujet l’attestent. Cependant, si on veut défendre la théorie du genre, il faut le dire clairement.
J’ai évoqué, au début de mon intervention, l’adoption du PACS, que j’avais défendu à l’époque. Je ne reviendrai pas sur les propos de Mme Guigou, qui affirmait alors, certainement avec une totale sincérité, que le PACS n’était pas le mariage. Nous avions déjà ce débat entre ceux qui pensaient, comme moi, que le PACS était une solution dans le contexte de l’époque et ceux qui soulignaient que d’autres étapes viendraient inévitablement.
Nous en sommes aujourd’hui à l’étape suivante. Nous voyons bien qu’il y en aura d’autres et que nous serons confrontés aux éléments de clivage qui ont été rappelés par l’ensemble des collègues. Au fond, je le répète, la théorie du genre n’est pas très loin.
Ce projet de loi – et j’en termine, monsieur le président – bouleverse les repères de la filiation, pourtant essentiels à la compréhension par l’enfant de son identité. La différence sexuelle reste fondamentale dans la construction de la filiation, beaucoup d’entre nous l’ont dit. L’adoption elle-même garde d’ailleurs une structure asymétrique, avec deux parents possibles, non identiques, père et mère.
En conséquence, adopter en l’état l’article 1er du projet de loi, mes chers collègues, conduirait à modifier pas à pas les principes fondamentaux de notre société, en gommant progressivement, et en le disant sans le dire, la différence biologique entre les sexes, ce qui n’est pas anodin.
Vous l’avez compris, je voterai contre cet article, tout en souhaitant qu’un prochain texte puisse se faire l’écho de nos propositions visant à renforcer le cadre actuel de l’union des couples de personnes de même sexe. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mariage doit rester l’union entre un homme et une femme. Je le répète devant Jean Étienne Marie Portalis, dont la statue nous surplombe. Celui-ci entend les fondements mêmes du code civil être remis en cause, lui qui définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels […] et pour partager leur commune destinée ».
M. David Assouline. J’ai entendu cela des centaines de fois !
M. Jean-Claude Lenoir. Certes, monsieur le président de la commission, il reste de marbre quand il vous entend remettre en cause les fondements mêmes de notre code civil !
Je suis contre ce texte, comme la plupart des collègues qui siègent dans mon groupe.
Je respecte évidemment, comme nous tous, les choix de vie de chacun et je suis prêt à admettre que certains droits acquis aux personnes hétérosexuelles doivent être reconnus ou renforcés par la loi au profit des personnes homosexuelles.
En revanche, je suis fondamentalement opposé à ce projet de loi, qui marque une profonde hypocrisie, parce que vous n’assumez absolument pas les conséquences entraînées par la remise en cause du code civil, notamment en ce qui concerne la filiation.
Je me souviens également des débats sur le projet de loi instituant le PACS à l’Assemblée nationale, dont le rapporteur n’était autre que notre collègue Jean-Pierre Michel. Que nous disait, en substance, la ministre de la justice ? « Le PACS n’est pas le mariage, il n’ouvre pas droit à l’adoption. Acceptez-le, car c’est le droit que revendiquent les personnes homosexuelles, et nous n’irons pas au-delà » !
J’ajoute d’ailleurs que, au terme de la discussion, qui avait pris quelques mois, nous avions entendu des voix s’élever en disant : « C’est un premier pas, nous en reparlerons » ! Il a fallu attendre effectivement quelques années, mais nous voyons aujourd’hui les mêmes personnes revendiquer ce qui était refusé par principe par le représentant du Gouvernement à l’époque.
Vous êtes hypocrites, chers collègues de la majorité, parce que vous n’assumez pas que, derrière ce texte, se cachent d’autres projets, d’ailleurs assez spontanément revendiqués par certains orateurs.
Après avoir reconnu que l’adoption serait difficile pour le plus grand nombre – aujourd’hui, on le sait, peu d’enfants sont adoptables –, on nous annonce déjà la procréation médicalement assistée, la PMA, et la gestation pour autrui, la GPA.
En ce qui concerne la gestation pour autrui, redisons-le, nous assistons à une marchandisation. Aujourd’hui, elle existe, les voies sont connues, mais elles sont réservées à des personnes qui ont des moyens, qui peuvent traverser l’Atlantique ou l’Oural pour obtenir ce que l’on ne peut pas aujourd’hui obtenir en France. Néanmoins, vous dites vous-même que nous serons conduits, demain, à accepter l’introduction dans notre législation du droit, pour certaines personnes, de faire faire un enfant par d’autres mères situées loin de chez nous.
Enfin, ce projet de loi vient ouvrir des plaies profondes au sein de notre société. Le Gouvernement et la majorité actuelle refusent d’entendre un certain nombre de personnes afficher leurs convictions. Ils n’acceptent pas d’en discuter et préfèrent donner satisfaction à des minorités influentes dans lesquelles ne se reconnaissent pas forcément les personnes homosexuelles ; en effet, nous connaissons tous dans nos départements des personnes homosexuelles qui ne revendiquaient pas cette réforme et souhaitaient surtout que l’on s’en tienne à la loi existante, avec quelques aménagements.
Aujourd’hui, chers collègues de la majorité, vous avancez masqués vers l’instauration du droit à l’enfant pour tous, ce que nous dénonçons, car c’est un contresens par rapport à l’idée que nous nous faisons de la famille !
Au terme de ce débat, nous aurons l’occasion de fournir à l’opinion un florilège des mots utilisés dans ce débat. Parmi les plus provocants figurent ces propos d’un sénateur de gauche : « Il y a un phantasme, celui du père, de la mère et de l’enfant ». Non, le père, la mère et l’enfant ne sont pas des phantasmes, ils constituent les piliers de notre société ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. David Assouline. Ils dépassent tous leur temps de parole de quarante secondes !
M. Jean-Marc Todeschini. D’une minute, oui !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des foules immenses se sont déplacées de toute la France, le 13 janvier et le 24 mars 2013, pour manifester à Paris contre ce projet de loi. Le Gouvernement a cru bon de ne pas en tenir compte, de balayer d’un revers de main méprisant les inquiétudes, le malaise de ces familles, de ces jeunes, de tous ceux qui se sont exprimés.
Il aurait pourtant dû écouter l’angoisse et mesurer la détermination de ces femmes et de ces hommes venus manifester : angoisse devant ce qui est non pas une évolution, mais une révolution, dont ils ne comprennent pas – ou comprennent trop bien ! – le sens ; détermination à se faire entendre et à empêcher la réalisation du plus ahurissant des projets que notre République ait jamais porté en son sein.
M. Jean-Jacques Mirassou. N’exagérons rien, tout de même !
M. Bruno Sido. Et tout cela au nom de l’égalité ! Quel cheval de Troie, quel détournement de cette valeur essentielle de notre République.
Oui, le genre humain est divisé non pas entre hétérosexuels et homosexuels, mais entre femmes et hommes. Aucune société, même celles de Grèce ou de Rome, dans lesquelles l’homosexualité était relativement courante et acceptée, aucune société, jusqu’à la fin du XIXe siècle, n’a autorisé le mariage homosexuel.
Si nous abandonnons la définition actuelle du mariage, selon laquelle il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme, nous courons le risque, à terme, de ne plus définir du tout ce qu’est le mariage. N’en doutons pas, tout ce qui contribue à affaiblir l’institution du mariage nous entraînera inévitablement vers une fragilisation de notre société. En effet, le mariage n’est pas seulement l’expression d’un choix libre entre deux personnes. Dans ses conséquences pratiques, il concerne bien évidemment la société tout entière et son avenir. Oui, je veux parler des enfants, notre bien le plus précieux et le plus cher !
Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, l’a dit à l’envi, et fort justement : ce projet de loi ne modifie en rien l’article 343 du code civil, donc le mariage continue à emporter l’adoption, sous certaines conditions peu restrictives – être marié depuis plus de deux ans et avoir plus de vingt-huit ans.
Or, nous le voyons bien, ce projet de loi introduit une dérive très claire du droit de l’enfant vers le droit à l’enfant. Disons-le clairement : le droit à l’enfant reste très subsidiaire par rapport au droit de l’enfant. Examinons ensemble ce qui se passera demain, si ce projet de loi est adopté.
Actuellement, l’adoption plénière est très difficile à réaliser, car le nombre d’enfants adoptables est très faible en France – en effet, ils ne sont considérés comme tels que si la famille biologique ne s’intéresse plus à eux, et la jurisprudence veut que l’envoi d’une seule carte postale par an prouve que la famille biologique entretient toujours des liens avec son enfant. L’adoption « en interne », si je puis m’exprimer ainsi, est donc pratiquement fermée.
La famille se tournera donc vers l’adoption internationale. Ainsi que l’a dit fort justement, Mme Bertinotti, ministre de la famille, les pays d’origine traditionnels des enfants adoptables encouragent de plus en plus l’adoption nationale, tournant donc le dos à l’adoption internationale. De plus, ce qui est particulièrement cruel pour l’actuel gouvernement, ces pays sont de plus en plus réticents, pour ne pas dire hostiles, aux adoptions par des couples homosexuels : ils ont gardé les pieds sur terre, eux !
En résumé, si les futurs mariés homosexuels de demain veulent exercer leur prétendu droit à l’enfant, ils n’auront pas accès à l’adoption nationale ni internationale.
Il leur restera donc trois solutions, sans plus : soit l’adoption par le conjoint, homme ou femme, de l’enfant de l’autre conjoint ; soit la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes ; soit, enfin, la gestation pour autrui pour les couples d’hommes ou les couples de femmes qui n’ont pas la possibilité d’avoir des enfants. La vérité nue, sans faux-semblant, est celle que je viens de décrire.
Je note que M. le Président de la République n’a jamais promis, dans son programme de gouvernement, ni la PMA ni la GPA.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Jean Bizet. Il a menti !
M. Bruno Sido. Toutefois, si l’on veut bien y réfléchir, on y vient tout naturellement, comme l’ont dit avant moi certains de mes collègues.
M. Jospin a bien promis, en 1998, à l’occasion du débat sur le PACS, que celui-ci n’ouvrirait pas la porte vers le mariage homosexuel, disant que « le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme ».
Mme Guigou a bien pu dire, toujours à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif au PACS : « Pourquoi l’adoption par un couple d’homosexuels serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles […], ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes ».
Pour l’enfant adopté, il y a un arrachement à ses origines, à son histoire, qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, ces recherches ne peuvent aboutir.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Sido. Je conclus en soulignant que je ne voterai pas cet article 1er ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, sur l’article.
M. Yann Gaillard. Pour ma part, je m’étonne de la timidité de cet article 1er. Je comprends, à la rigueur, qu’on interdise le mariage entre frères et sœurs, mais je ne vois vraiment pas pourquoi, puisqu’il est question d’une libération de cette institution, on se préoccupe encore des relations de l’oncle et de son neveu, de la tante et de sa nièce ! Cet article me paraît donc ridiculement timide. (Sourires sur les travées de l’UMP.) C’est pourquoi je ne le voterai pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, sur l’article.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le refus, par la majorité sénatoriale, du contrat d’union civile, qui aurait pourtant pu réduire la fracture que nous sentons, jour après jour, s’élargir dans la société française, le vote de l’article 1er est bien le cœur de ce projet de loi.
Nous sommes pour la liberté et contre toute discrimination – il me semble nécessaire de le rappeler après avoir entendu certains propos en fin d’après-midi. Nous défendons la liberté pour chacun de vivre comme il l’entend. Nous voulons cependant réaffirmer pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi.
Le mariage, c’est la destinée de la famille, au travers de l’enfant. Nous sommes bien ici au cœur du sujet.
M. Jean-Pierre Raffarin. Exact !
M. Gérard Larcher. Ce projet de loi engendrera de profonds changements sociétaux s’il est adopté, parce qu’il va révolutionner la famille et la filiation. Le terme « révolution » est bien celui qui convient.
Au fond, nos références les plus essentielles sont bouleversées. C’est pourquoi, avec Bruno Retailleau, nous avons souhaité que l’ensemble des Français soient consultés face à un tel bouleversement.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. Approuver ce texte tel quel ne reviendrait pas simplement à accorder aux couples de personnes de même sexe un droit au mariage, au nom de l’égalité devant les lois de la République. Cela aboutirait nécessairement, logiquement, juridiquement, au nom même de cette égalité, à accorder un droit à tous les attributs de la parentalité, notamment un droit à la transmission du nom, du patrimoine et, surtout, à la reconnaissance du lien de filiation et de l’exercice de l’autorité parentale.
Cette tendance simplificatrice reviendrait, ni plus ni moins, à renier le code civil, sur lequel repose l’organisation de notre société tout entière. Peu importe ce que nous pensons du code civil et du code de la famille en leur état actuel, ceux-ci devraient être profondément modifiés si ce projet de loi était adopté.
La question du mariage est intrinsèquement et originellement liée à la question de la filiation. Sur les bancs des ministres, dans cet hémicycle ou à l’Assemblée nationale, lors des questions d’actualité ou en commission, beaucoup ont appelé à la fin des postures hypocrites ; très bien !
Dans ce cas, reconnaissons d’abord que, de l’institution du mariage, résulte l’établissement de la présomption de paternité. Reconnaissons que, avec ce projet de loi, nous aboutirons, qu’on le veuille ou non, à l’ouverture de l’adoption plénière aux couples mariés de même sexe.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Gérard Larcher. Soyons logiques et allons jusqu’au bout de cet égalitarisme à tous crins. Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe revient à leur ouvrir le droit de filiation.
Cette filiation « artificielle » sera indispensable, en même temps, puisque ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes. Ces personnes, une fois mariées, n’auront pas les mêmes droits que les hétérosexuels mariés, puisqu’elles seront privées d’enfant, et la réalité fera que l’adoption ne pourra pas, à elle seule, répondre à l’ensemble des demandes.
Je veux insister sur un point : à l’esprit du don, qui sied à notre éthique – don d’organe, gratuit ; don du sang, gratuit ! –, succédera un marché de la procréation, qui bouleversera profondément notre éthique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Cela, nous ne pouvons pas le faire par petites étapes successives de non-dits additionnés. Ce point me semble essentiel.
Samedi dernier – si vous en doutez, chers collègues, vous le vérifierez –, j’ai marié un jeune couple et, en relisant les articles 212, 213 et suivants du code civil, je me suis demandé quel sens pouvait avoir cet engagement.
Ce couple présentait une particularité : il était composé d’un jeune garçon d’origine cambodgienne, dont la famille était rescapée des drames du Cambodge, et d’une jeune fille d’origine bien bretonne, puisqu’elle le revendiquait – de Bénodet, très exactement. Ce jeune couple avait inscrit ce proverbe cambodgien en exergue de son faire-part de mariage : « Un enfant sans père, c’est comme une maison sans toit. Un enfant sans mère, c’est comme une maison sans âtre. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C’est bien ce à quoi nous devons réfléchir, avant de voter cet article 1er. Pour ma part, je le rejetterai avec conviction ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. David Assouline. Raffarin-Larcher : un-un !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela fait un total de deux !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, certains propos ne peuvent rester sans réponse.
Mme Françoise Héritier a déclaré, lors des auditions de la commission des lois : « Rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l’évidence n’est naturel : tout procède de créations de l’esprit […]. »
Tout à l’heure, M. Dominique de Legge a répondu – je ne pense pas déformer ses propos, qui figurent d’ailleurs au compte rendu de la séance –, « quand on nie le naturel pour privilégier les constructions de l’esprit, on ouvre la porte à toutes les dictatures. » Cette phrase est terrible, parce qu’elle exprime la négation de nos traditions humanistes, et même spiritualistes. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Il faut tenir compte de la nature. Elle est parfois dure avec les constructions de l’esprit, elle se venge. Il faut chercher l’harmonie avec la nature. Toutefois, quand l’esprit abdique, c’est la porte ouverte à toutes les dictatures.
M. Bruno Sido. Pas quand c’est un mensonge !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle je tenais à relever ce cheminement intellectuel.
Je veux également rapporter les propos de Mme Cayeux, qui est intervenue sur l’article 1er. « Quand rien n’arrête plus le désir, […] les dégâts commencent. La loi du désir tout-puissant conduit à insulter la nature. » (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous avez, madame, tout à fait le droit d’avoir une telle conception du désir, mais vous vous êtes exprimée à propos de ce texte, ce qui, pour moi, n’est pas anodin. En effet, ce que vous avez voulu dire, c’est que certaines formes de plaisir sont un bienfait et que d’autres, celles qui émanent d’homosexuels, deviennent des malédictions ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Madame Cayeux, c’est ce que vous avez dit !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Philippe Bas. Vous détournez nos propos !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est exactement ce qui a été dit. (M. Charles Revet s’exclame.) Or nous devons être très attentifs, monsieur Revet, aux présupposés de nos propos !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Lorsque l’on nous parle de la polygamie, dont tout le monde voit bien qu’elle n’est pas l’objet du projet de loi, lorsque l’on nous redit, pour la cent cinquantième fois au moins, que nous avançons masqués et que ce texte dissimule la PMA et la GPA,…
M. Charles Revet. C’est la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … où veut-on en venir ? Mes chers collègues, nous sommes nombreux ici – quelques-uns, en tout cas, dont je suis – qui ignorons totalement, dans l’hypothèse où viendrait en discussion un texte sur la PMA et la GPA, ce que nous voterions.
M. Alain Gournac. Nous, si !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ma part, je ne sais pas ce que je voterais.
Aujourd’hui, nous débattons d’un texte qui a un objet. Et il n’est pas correct, sur le plan intellectuel, de nous ressasser qu’il serait invalidé en raison d’un objet qui n’est pas le sien et par rapport auquel on fait constamment des procès d’intention à ceux qui voteraient ce texte !
M. Charles Revet. Nous nous répétons parce que l’on refuse de nous écouter !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On a le droit d’être pour ce texte et de n’être favorable ni à la PMA ni à la GPA, dont nous discuterons le cas échéant.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vous qui tenez toujours le même discours !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ensuite, monsieur Raffarin, je tiens à revenir sur cette question du langage. Vous nous dites que le français est la langue de la République en vertu de la Constitution, et nous sommes ici bien d’accord. Il existe une Académie française, qui prévoit que tel mot, par exemple « mariage », a un sens et n’en changera pas.
Néanmoins, je le répète, toutes les institutions scientifiques humaines et sociales montrent le contraire, bien entendu, y compris l’Académie française elle-même. En effet, si le mot n’avait qu’un sens et que ce sens était immuable, ce serait contraire à l’histoire des langues et à l’histoire tout court. Vous savez, monsieur le Premier ministre, que le dernier dictionnaire de l’Académie française à être paru est le neuvième du genre. La première édition date de 1694. Si l’Académie française a publié neuf dictionnaires, c’est que le sens de nombreux mots a changé.
M. Jean-Pierre Raffarin. Jusqu’à maintenant, le sens du mot « mariage » n’avait pas changé !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les mots sont des êtres vivants, et ce n’est pas la peine de faire comme si tous les mots gardaient toujours le même sens, puisque c’est rigoureusement faux, tout le monde le sait d’ailleurs.
Enfin, je termine en rappelant que nous sommes très attachés à l’esprit du don, monsieur Larcher. C’est quelque chose qui est beau, qui est fort. Nous y tenons, comme nous sommes sensibles aux mots « reconnaissance » et « respect ». Et c’est avec respect que nous voterons cet article 1er, notamment à l’égard de toutes les personnes qui ont été si longtemps vilipendées, qui ont vécu dans la honte, qui veulent être reconnues et qui, ainsi, le seront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Étant très attentive et respectueuse des autres, je me réjouis d’entendre que personne, sur aucune travée, n’est homophobe. Je m’en félicite !
Néanmoins, après vous avoir écoutés avec beaucoup d’attention les uns et les autres, je voudrais vous poser un certain nombre de questions, notamment pour savoir le lien que vous établissez entre les homosexuels et, par exemple, le droit à l’enfant. À supposer qu’il existe, ce dernier s’adresse indifféremment aux hétérosexuels comme aux homosexuels. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. C’est absurde !
M. Alain Gournac. Le droit à l’enfant, cela n’existe pas !
Mme Cécile Cukierman. Laissez-la parler !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous ai écoutés avec beaucoup d’attention. Je vous demande donc de me rendre la pareille !
M. Bruno Sido. Pas quand vous dites des choses absurdes !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous donnez, monsieur Sido, une très belle définition de l’adoption par les couples hétérosexuels quand vous dites que c’est « donner une famille à un enfant ».
Néanmoins, pensez-vous vraiment que la seule motivation de l’ensemble des couples hétérosexuels lancés dans des démarches d’adoption soit de donner une famille à un enfant ? Eh bien, je vous réponds que tel n’est pas le cas ! Sans porter ici de jugement, la réalité est qu’il existe un désir d’enfant qui peut se satisfaire de façon « naturelle », comme vous le dites si bien, mais qui, lorsqu’il ne peut pas être satisfait de façon « naturelle », cherche à s’exprimer dans l’adoption. Cela n’a donc rien à voir avec notre débat.
Je dirai la même chose pour les couples hétérosexuels qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation. N’est-ce pas, là aussi, une forme du droit à l’enfant ou du désir d’enfant qui n’a rien à voir avec l’homosexualité et qui peut s’appliquer indifféremment aux homosexuels comme aux hétérosexuels ?
J’ai également entendu dire que, pour les enfants adoptés par des couples homosexuels, il y aurait une perte des origines. Toutefois, pendant combien de décennies les couples hétérosexuels ont-ils caché à l’enfant qu’ils avaient adopté d’où il venait ? À l’époque, je n’ai pas entendu de voix, ou bien peu, s’élever contre la perte des origines !
Enfin, pensez-vous que les homosexuels seraient assez sots pour laisser croire aux enfants qu’ils élèvent et éduquent qu’ils sont nés de deux pères ou de deux mères ?
M. Bruno Sido. Il n’y a pas de danger !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour ma part, je ne leur ferai pas cette insulte !
J’ai entendu l’opposition parler d’« enfants adoptables », de « la fiction d’une filiation », de « l’enfant qu’on peut s’offrir » ou du « marché de la procréation. » Toutefois, pensez-vous que l’adoption, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui à l’échelle internationale, n’est pas, elle aussi, une forme de marché ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Et alors ?
M. Bruno Sido. C’est scandaleux !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Croyez-vous que l’adoption soit actuellement un processus gratuit ? Certes, on peut très bien combattre tout le processus d’adoption qui implique de l’argent, mais pourquoi aller stigmatiser les homosexuels ? Pourquoi les rendre responsables d’une brusque marchandisation ? Pourquoi les stigmatiser avec cette expression si affreuse selon laquelle « on peut s’offrir un enfant » ?
M. Bruno Sido. On s’expliquera à l’article 2 !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je suis assez étonnée que vous n’appliquiez ce vocabulaire qu’aux homosexuels, sans pousser votre réflexion jusqu’au bout et l’étendre aux couples hétérosexuels.
Vous nous faites aussi brosser un tableau qui camperait, d’un côté, les « rétrogrades », et, de l’autre, les « progressistes ». Nous n’avons pas employé de tels mots, pas plus Christiane Taubira que moi-même.
Il n’en demeure pas moins indispensable de le reconnaître, ce sont bien deux visions de la famille qui s’opposent.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai.
M. Charles Revet. C’est une certitude !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les uns défendent l’idée d’une famille idéale, composée d’un père, d’une mère et de deux enfants. Pour eux, elle est éternelle et doit constituer le seul modèle. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais non, madame !
M. Jean-Claude Lenoir. Et dire que vous êtes ministre de la famille !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Laissez-moi m’exprimer, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée et à elle seule, mes chers collègues.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cette famille idéale a-t-elle existé une seule fois dans l’histoire ? Et même si elle existe, que cela plaise ou non à vous ou à moi, aujourd’hui, les formes de la famille dans la société sont diverses. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas une raison pour détruire !
M. Bruno Retailleau. Mais qui l’a nié ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. De toute façon, il ne s’agit pas de porter un jugement décrétant que tel type de famille serait positif et que tel autre ne serait pas défendable. Ce n’est pas ce que demandent nos concitoyens. C’est là que vous faites erreur !
Ce que demandent l’ensemble de nos concitoyens, c’est que soit reconnue, à droits et à devoirs égaux, la diversité de ces modèles de familles, que vous pouvez, en effet, opposer à une famille idéale. Pour ma part, j’ai envie de vous opposer la diversité des familles réelles qui existent aujourd’hui.
M. Yann Gaillard. Rendez-nous Mme Taubira ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il ne s’agit pas de la destruction de la famille, au contraire ! Je veux répondre à M. Raffarin. Celui-ci a affirmé que le Gouvernement allait autoriser toutes les libertés. Ce grand libéral nous a annoncé la loi du marché.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne suis pas un « grand libéral ». Je suis un libéral tempéré ! Et vous y viendrez !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous donne acte du « libéral tempéré ».
Contrairement à ce que vous pensez, la demande de mariage est très normative. Elle exprime la volonté d’entrer dans un cadre qui est, effectivement – vous avez raison et nous vous rejoignons sur ce point – très traditionnel. Ceux qui demandent le mariage réclament, non la liberté débridée, mais, au contraire, une protection et une sécurisation juridiques.
M. Bruno Sido. Cela vous ennuie ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Non, cela ne nous ennuie pas ! Ce que nous proposons, c’est de prendre en considération la réalité de la demande de nos concitoyens homosexuels, qui souhaitent bénéficier de la même protection et de la même sécurité juridique que n’importe quelle autre famille.
M. Jean-Pierre Raffarin. Le marché commence ainsi, par une demande, qui est suivie d’une offre !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’ai entendu réclamer une grande loi sur la famille. Ce texte, qui ne relèverait pas de la logique du tout ou rien, aurait pour objet de reconnaître la diversité des modèles familiaux. Vous avez évoqué des questions de fond, qui sont très justes : le statut du beau-parent, la réforme de l’adoption, la levée de l’anonymat, par exemple. Cependant, pour pouvoir élaborer un tel texte, encore faudrait-il que toutes les familles soient sur un pied d’égalité.
Or, aujourd’hui, s’il est des familles qui ne sont pas sur un pied d’égalité avec les autres, qui n’ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, ce sont bien les familles homoparentales. Elles existent déjà. Et il y a déjà des enfants – nombreux ! – qui vivent en leur sein. La loi sur la famille viendra dans un second temps, une fois que l’égalité sera réalisée.
M. Alain Gournac. Cela promet !
Mme Sophie Primas. Cette loi viendra trop tard !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. S’agissant de la gestation pour autrui, je ne vois pas comment il faut le dire ! Le Président de la République n’a cessé de répéter sa ferme détermination et son hostilité à la légalisation de la gestation pour autrui, et même à l’ouverture d’un débat sur cette question.
M. Alain Gournac. Quel président de la République ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous renvoie sur ce point à l’article 16-1 du code civil qui, justement, protège contre toutes les formes de marchandisation du corps.
Enfin, je veux remercier Mme Fabienne Keller. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Mme Jouanno, aussi, j’imagine !
M. Jean-Marc Todeschini. Un peu de respect, les machos !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Celle-ci a déclaré avec beaucoup d’humanité qu’elle ne se verrait pas, en tant que parent, expliquer à un enfant ou à un adolescent, futur adulte homosexuel, qu’il ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits, des mêmes devoirs et des mêmes potentialités que n’importe quelle autre personne vivant en couple, et qu’il devrait renoncer à la parentalité.
M. Bruno Sido. C’est facile !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Au fond, les homosexuels ne réclament pas autre chose qu’une certaine banalisation. En leur proposant une autre forme de mariage, en leur refusant l’adoption plénière, vous leur dites : on vous tolère, mais on ne vous accepte pas ; on veut bien que vous viviez à côté de nous, mais pas avec nous. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Vous déformez tout !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les homosexuels ne demandent qu’à être des citoyens à part entière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 170 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après les orateurs qui se sont succédé pour intervenir sur l’article 1er, car de nombreux arguments ont d’ores et déjà été développés. Je veux cependant contredire certaines des affirmations que je viens d’entendre.
Oui, monsieur Sueur, ce texte est un camouflage, derrière lequel vous avancez masqués. On ne peut pas le nier.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Ce texte projette toute une série de dispositions à venir que nous ne pouvons pas, et vous avez raison sur ce point, examiner aujourd’hui.
Nous sommes en réalité dans un théâtre d’ombres ou dans un village Potemkine : ce que l’on voit est tout à fait supportable, mais on ne voit pas ce qui se trouve derrière le décor, tout simplement parce que l’étude d’impact a été insuffisante, superficielle, et parce que les questions qui auraient dû être posées ne l’ont pas été.
Je souhaite revenir sur quelques éléments du texte.
Monsieur Gaillard, vous n’avez pas très bien compris le texte que vous nous avez lu. (Sourires sur les travées de l’UMP.). Il nous pose problème ! Dorénavant, la tante et la nièce pourront vivre ensemble, de même que l’oncle et le neveu. Plus grave encore, le texte dispose que le Président de la République pourra autoriser le mariage entre eux pour « motif grave ». Et ce motif, c’est le fait d’avoir un enfant. En d’autres termes, nous sommes en plein délire !
Une autre disposition, figurant dans le chapitre IV bis, intitulé « Des règles de conflit de lois », est plus grave encore, car elle tend à affirmer, purement et simplement, qu’il faut violer les règles de droit international privé qui nous régissent. Il nous faudrait aller à l’encontre de tout ce que nous avons fait jusqu’à présent et autoriser ce que les conventions que nous avons signées avec d’autres États nous interdisent de faire !
Nous ne pouvons aller en ce sens. Pour ces raisons, mes chers collègues je vous demande de voter cet amendement de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié ter.
Mme Françoise Férat. Nous présentons cet amendement visant à supprimer l’article 1er à plusieurs titres, notamment au nom du principe d’égalité, qui a été si souvent invoqué depuis le début de cette discussion.
Dans ce texte, l’égalité présente deux dimensions : l’une, absolue et systématique, concerne l’égalité entre les couples de sexe différent et les couples de même sexe ; l’autre, relative, est en cause lorsqu’il s’agit de donner à des enfants une parenté fondée sur l’altérité sexuelle et une parenté avec des couples de même sexe.
On ne peut pas invoquer en permanence la notion d’égalité et lui donner, dans certains cas, une acception absolue et systématique, et, dans d’autres, une acception relative.
Nous avons également déposé cet amendement en raison du flou, volontairement entretenu, sur la portée réelle de la réforme que vous envisagez.
Cette réforme du mariage est en fait la porte d’entrée d’une réforme qui ne dit pas son nom, celle de la parenté.
M. André Trillard. Exact !
Mme Françoise Férat. C’est le point central du projet de loi, mes chers collègues, et nous ne pouvons pas rester dans le flou sur ces questions.
Avec votre conception de l’égalité, où s’arrête-t-on ? Vous proposez aujourd’hui l’égalité entre couples hétérosexuels et couples homosexuels. Et demain ? Il vous faudra, bien sûr, instaurer l’égalité entre couples homosexuels. Comment ? En autorisant la PMA pour les couples de femmes et la GPA pour les couples d’hommes ! Ces changements seront en vérité inévitables, puisqu’ils reposeront sur cette prétendue égalité qui irrigue ce projet de loi, en particulier son article 1er.
L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe ne peut être fondée sur un principe d’égalité de droit entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, alors même que leur situation est différente au regard de la transmission de la vie.
Cette ouverture constituerait une remise en cause profonde des fondements mêmes de notre société et de notre politique familiale.
Nous vous avons proposé précédemment de créer, en lieu et place de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, une union civile, proposition que vous avez balayée d’un revers de main.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est Sarkozy qui l’a repoussée !
Mme Françoise Férat. Il ne nous reste qu’une possibilité : nous opposer fermement, avec conviction, à votre texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois est bien entendu défavorable à ces deux amendements tendant à supprimer l’article 1er, qui est le nœud de ce texte, comme elle l’était à ceux qui visaient à proposer la mise en place d’une union civile et qui ont été repoussés précédemment.
Mes chers collègues, y a-t-il lieu de passionner autant ce débat ?
M. Charles Revet. Oui, car c’est important pour la société !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Certains d’entre vous, qu’ils soient pour ou contre ce texte, sont intervenus calmement, quand d’autres se livraient à des envolées lyriques qui ne changent rien à la réalité des choses.
Cette réalité, quelle est-elle ? De mon point de vue, la famille d’aujourd’hui offre plutôt une meilleure image que celle du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui était abîmée et salie par les mariages forcés, les adultères à répétition, la situation des bâtards et des enfants naturels. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Parce qu’il n’y a plus de bâtards ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’était cela, la famille, tout au moins dans les milieux aisés et bourgeois ! La situation était différente, on le sait, dans les milieux ruraux.
Aujourd’hui, la famille vit à son aise et à son rythme : elle peut se former et se défaire par le divorce, qui n’est d’ailleurs pas sans conséquences, hélas, pour les enfants. Dans cette famille, personne n’est contraint de se marier et les enfants sont désirés, y compris au sein des couples hétérosexuels. Dans cette famille, on peut même faire entrer des enfants que l’on n’a pas eus au sein du mariage.
Vous avez dit, monsieur Gérard Larcher, que le mariage était intimement lié à la présomption de paternité. Or nous savons bien que celle-ci est aujourd’hui réduite à sa plus simple expression.
Il existe également les familles recomposées et décomposées par les hasards de la vie. Nous en connaissons tous, et certains d’entre nous sont même concernés par cette situation. Il y a aussi les familles monoparentales, composées de femmes qui élèvent seules leurs enfants, qu’elles l’aient voulu ou que le hasard de la vie en ait ainsi décidé.
Enfin, qu’on le veuille ou non, il y a les familles homosexuelles, qui élèvent des enfants, souvent nés d’une union antérieure.
Ces familles et ces enfants existent. Or ils n’ont pas les mêmes droits que les autres et ne bénéficient pas de la même sécurité. Telle est réalité !
Monsieur Hyest, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et la possibilité d’adopter qui leur est donnée ne change rien à la nature du mariage.
M. Bruno Sido. C’est la politique du chat crevé au fil de l’eau !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Certes, j’en suis d’accord avec vous, le mariage a des modalités juridiques différentes selon les pays, mais sa signification est la même qu’en France.
Une autre réalité s’impose à nous. Dans des pays très différents, tels que la Belgique, les pays scandinaves, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni, entre autres, l’adoption par des couples homosexuels a été légalisée, parfois même avant le mariage. Or une fois que celui-ci a été autorisé, il n’y a pas eu de tsunami familial. Les choses se passent normalement !
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il n’est pas étonnant que le législateur prévoie des barrières ou des bornes afin de préparer les étapes suivantes qui, bien sûr, ne manqueront pas de survenir... (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Vous reconnaissez donc que l’on y viendra !
M. André Reichardt. Il faut le dire, alors !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Chers collègues, sommes-nous au bal des hypocrites ? Pour ma part, je n’y suis pas et n’y serai jamais !
M. Charles Revet. Si !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le législateur est là pour dire la vérité, observer la réalité, mettre des bornes, poser des règles et prévoir des empêchements.
Vous avez parlé des enfants qui, selon vous, viendront demain « on ne sait comment ». Toutefois, mes chers collègues, rappelez-vous que, il y a encore quelques dizaines d’années, l’adultère était un délit condamné par les tribunaux correctionnels. J’ai moi-même, en 1978, condamné des hommes, au pénal – j’y insiste –, pour ce motif !
Et les enfants, dites-vous ? En 1972, on a considéré que les enfants adultérins pouvaient être légitimés. Dans l’histoire des sociétés, c’est toujours la réalité qui s’impose !
Avant la loi Veil, adoptée sous le septennat de M. Giscard d’Estaing, l’avortement était considéré comme un crime.
M. Bruno Sido. C’est un meurtre !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. À l’époque, les débats étaient encore plus vifs qu’aujourd’hui, ce qui, selon moi, se justifiait davantage.
Aujourd’hui, nous en sommes là. Certes, tous n’acceptent pas l’avortement, mais des bornes ont été posées, et la loi dit ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. On évite ainsi ces situations absolument terribles, à la Zola, dans lesquelles des femmes mouraient parce qu’elles se faisaient avorter dans la clandestinité. Voilà la réalité !
Ce n’est donc pas la peine de passionner le débat et de désinformer des personnes déjà mal informées. Il faut, au contraire, les informer sur l’état de la société, sur la réalité, sur ce qu’ils ne veulent pas voir,...
M. Bruno Sido. Comme s’ils ne le savaient pas !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. ... et sur les problèmes que nous tâchons, très modestement, de régler avec ce projet de loi.
Pourquoi tant de passions face à un texte qui, finalement, ne révolutionnera rien, qui ne fait qu’offrir un cadre à ce qui existe déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces deux amendements identiques de suppression de l’article 1er, celui qui est signé notamment par MM. Gélard et Hyest, et celui qui est présenté, entre autres, par M. Zocchetto, ont une logique claire, puisque leurs auteurs contestent le texte du Gouvernement depuis le début de nos discussions.
Après une discussion générale qui fut dense et d’abondantes prises de parole sur l’article 1er, vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, dans la cohérence et la continuité de votre opposition à ce texte. Vous passez cependant à un autre niveau de contestation : la suppression de l’article 1er. Je suppose que vous en viendrez ensuite, si ces amendements ne sont pas adoptés, au démembrement de l’article.
Or consentez, à votre tour, que le Gouvernement demeure lui aussi dans sa cohérence. Nous n’avons pas rédigé ce texte par inadvertance ! Il résulte d’un choix mûrement pesé et réfléchi, et d’autant plus approfondi que la Haute Assemblée examine ce projet de loi après qu’il a été discuté l’Assemblée nationale.
Je note la logique qui est la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. Vous souhaitez supprimer l’article 1er du projet de loi. Nous le maintiendrons pourtant, parce que c’est l’article principal de ce texte.
Je relève en particulier les observations qu’a formulées à l’instant Patrice Gélard, avec une certaine tension. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Ce n’est pas là un jugement de valeur : c’est plutôt un hommage à son tempérament. (Sourires.)
Monsieur Gérard, j’ai du mal à vous suivre. Depuis le début de ce débat, vous répétez à l’envi qu’il faut cesser de se référer aux formes de mariage qui ont été instituées à l’étranger pour les personnes de même sexe, parce que les conséquences des effets de la législation diffèrent. J’en conviens, et c’est d’ailleurs ce que j’ai répondu à l’Assemblée nationale à ceux qui prétendaient que nous cherchions à rejoindre un club de pays prétendument audacieux.
Pour ma part, même si nous devons rappeler que nous ne sommes pas les seuls à avoir décidé cette réforme, je considère que cet argument ne suffit pas. Je préfère me référer à l’évolution de l’histoire du mariage, à celle de l’histoire de la France, à celle de l’histoire de ses valeurs, à celle des libertés et de l’égalité en France même.
Aujourd’hui, je m’étonne que vous fassiez une telle « fixation » – pardonnez-moi de le dire ainsi – sur les conventions internationales, dont nous avons débattu cet après-midi, et que vous nous expliquiez que nous ne pourrions pas légiférer en droit interne au motif que la France est engagée par de tels textes.
Vous avez raison sur un point : la hiérarchie des normes fait que les conventions internationales s’imposent à notre droit. Nous avons passé en revue les principales conventions internationales, notamment les douze traités bilatéraux qui précisent explicitement que les ressortissants de ces pays ne peuvent pas déroger à leur loi nationale. Le Gouvernement avait initialement fait mention de ces conventions dans le projet de loi, mais l’Assemblée nationale a supprimé cette référence. La hiérarchie des normes ne s’en trouve pas pour autant remise en cause. En cas de conflit, je l’ai rappelé cet après-midi, c’est non pas l’officier d’état civil, mais bien le juge qui tranchera, en se référant à la jurisprudence en la matière.
Nous n’avons donc d’aucune crainte à avoir à ce sujet. Je rappelle en outre que la Cour européenne des droits de l’homme, statuant sur la question de l’autorisation de l’interdiction du mariage pour les personnes de même sexe, a très clairement indiqué qu’il s’agissait d’une législation qui relevait des États.
Que vous soyez opposés à ce projet de loi, nous en convenons. Que vous manifestiez votre opposition jusqu’au bout, preniez toutes initiatives, toutes dispositions, recouriez à tous les instruments juridiques et parlementaires pour en empêcher l’adoption, nous en convenons aussi. C’est le rôle de l’opposition.
En revanche, en matière de conventions internationales, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales, il n’y a pas d’argument d’autorité, même si, tout comme M. Hyest, ancien président de la commission des lois, vous faites autorité en matière de droit, monsieur Gélard.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Y a-t-il des demandes d’explication de vote sur ces amendements identiques ?... (De nombreux sénateurs du groupe UMP lèvent la main. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. C’est un scandale ! Vous ne tenez aucun de vos engagements !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre droit de la famille relatif au mariage et, en conséquence, à l’adoption et à la filiation se trouve fondamentalement bouleversé par ce projet de loi. L’article 1er remet en cause le sens et la vocation du mariage pour l’ensemble des couples.
Au nom du principe d’égalité, vous instaurez dans notre droit positif une fiction juridique, celle d’un nouveau principe d’égalité entre les personnes, qui passe par la suppression de la référence au sexe biologique. Ainsi, le texte supprime les mots « mari » et « femme » du code civil au profit de ceux d’ « époux » ou de « conjoints ».
Madame la garde des sceaux, vous avez affirmé : « Pour moi, une civilisation a des fondements et des principes. Parmi eux figure celui de l’égalité. » Estimez-vous que ce principe s’appliquera aux enfants qui seront délibérément privés de leur père ou de leur mère, qui ne pourront établir leur filiation paternelle ou maternelle et qui ne pourront s’inscrire dans une généalogie ?
Que répondra l’institutrice aux élèves qui lui demanderont : « Pourquoi n’ai-je pas de papa ? », « Pourquoi mon copain en a-t-il deux ? », « Pourquoi cet autre en a-t-il un ? » (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Parce que c’est la vie !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ça existe déjà ! Dans quel monde vivez-vous ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cette enseignante sera particulièrement désemparée et, franchement, je n’aimerais pas être à sa place ! Si c’est ça l’égalité, merci !
Vous allez donc priver certains enfants de tout ce que permet le cadre juridique du mariage. En fusionnant dans un article deux mariages, on abolit à l’évidence le sens et la finalité de l’institution du mariage. En obligeant chacun à entrer dans ce nouveau modèle, on instaure une vision uniforme et statutaire de la société. Au contraire, celle-ci doit être ouverte, c’est-à-dire cultiver et proposer plusieurs modèles. C’est pourquoi nous avons proposé l’union civile, en plus du mariage.
Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l’article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, je ne prétends pas avoir une quelconque autorité en matière de droit : j’essaie de réfléchir aux règles de droit, comme chacun d’entre nous. À tout le moins puis-je me prévaloir d’une petite expérience… (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, votre vision de l’histoire de la famille est étonnante.
M. Alain Gournac. Elle est scandaleuse !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais moi aussi vous livrer mon témoignage. J’appartiens à une famille nombreuse, et c’est ma fierté. Il est important que des hommes et des femmes se soient consacrés à leur famille. Aujourd’hui, cela n’a plus d’importance, on « fait » famille ; j’ignore ce que cela signifie. On peut très bien avoir des enfants, vivre en couple longtemps et ne pas se marier. J’en veux pour preuve le Président de la République. (Et alors ? sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est une famille aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans ces conditions, pourquoi accorder un traitement particulier aux couples homosexuels ? On le sait, il existe des formes extrêmement variées, non pas de familles, mais d’exercices de l’autorité parentale.
Pour autant, je demeure absolument convaincu que, si l’on ne maintient pas la définition de la famille telle qu’elle existe depuis toujours, on détruira la famille. Si c’est ce que l’on veut, il faut le dire !
On nous rétorque que cela n’a aucune importance, de la même façon que l’on nous répond que l’altérité sexuelle ne signifierait rien et qu’il faut d’autres principes.
Monsieur le rapporteur, vous prétendez donner simplement aux couples homosexuels la possibilité de faire comme les autres et de rentrer dans le rang. C’est aussi ce que nous proposons, par le biais de l’union civile. Mais vous, ce faisant, vous touchez à la filiation, à la famille, ce qui est extrêmement dangereux, car, quand on commence à toucher à des institutions qui sont millénaires, la société se délite peu à peu.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Laissons de côté le droit : mon humanisme m’empêche de faire n’importe quoi. Et c’est parce que je considère que l’on va trop loin que je voterai avec conviction ces amendements de suppression. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, pour explication de vote.
M. François Trucy. J’essayerai de faire preuve de la même cohérence que Patrice Gélard, celle-là même qu’a saluée Mme la garde des sceaux, mais je doute d’avoir son tempérament... (Sourires.)
Quoi que vous en disiez, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ne trouve aucune justification sur le terrain du combat pour l’égalité. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même rappelle qu’il est loisible au législateur d’organiser le droit différemment afin de régler des situations différentes.
C’est d’ailleurs ce que le législateur a fait depuis toujours en créant notamment le PACS, dont le régime fiscal et patrimonial a été progressivement aligné sur celui du mariage. Certes, des différences existent, vous l’avez rappelé, mais d’autres formules, plus respectueuses de tous, pouvaient être envisagées pour remédier à cette différence de traitement. Vous ne les avez pas voulues.
Contrairement à ce que certains d’entre vous croient, les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe ne sont pas non plus en situation de totale insécurité juridique. Le législateur a prévu des possibilités en matière de partage ou de délégation de l’autorité parentale. Voilà du droit appliqué !
En revanche, si la situation actuelle ne porte préjudice à personne, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe crée, à nos yeux, de nouvelles inégalités.
Une telle ouverture produit des inégalités au sein même du mariage. Si ce texte est adopté, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existera un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », dans lequel la filiation tiendra plutôt du virtuel.
Cette ouverture crée des inégalités dans l’accès au mariage. Si l’on transforme fondamentalement et substantiellement le fondement, autrefois juridique, du mariage en lui substituant un fondement simplement sentimental, on réduit le mariage à une simple reconnaissance sociale de l’amour des couples de même sexe. Dans ces conditions, comment le Conseil constitutionnel, saisi par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, pourrait-il ne pas s’attaquer aux lois prohibant la polygamie ou la minorité dans le mariage ? Cet aspect ne vous a pas inquiétée, madame la garde des sceaux. Nous, il nous inquiète !
Cette ouverture crée des inégalités parmi les couples de personnes de même sexe. Le Gouvernement aurait dû nous permettre de discuter sereinement de ce dispositif, qui introduit une inégalité certaine entre les couples homosexuels sur le simple fondement de leur sexe.
Cette ouverture crée des inégalités parmi les enfants adoptés, nous en avons suffisamment parlé. La vérité nous oblige à dire que la majorité des enfants adoptés sont des ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle des adoptants. C’est pourquoi les enfants, selon les candidats à l’adoption, ne disposeront pas des mêmes droits pour créer une famille.
Enfin, cet article, que nous contestons et qui constitue le cœur de ce texte, ne nous paraît pas en conformité avec notre ordre juridique interne qui, depuis 1804, a fait de l’altérité sexuelle un caractère fondamental du mariage. Or, en rappelant ce principe dans un nombre important de textes antérieurs à 1946 – la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, la loi du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée et la contribution des époux aux charges du ménage, la loi du 18 février 1938 portant modification des textes du code civil relatifs à la capacité de la femme mariée –, le législateur en a fait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements identiques de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. À l’évidence, l’article 1er pose un problème de filiation. Nous nous sommes largement expliqués sur ce point. Nous connaissons la position du Gouvernement, vous connaissez la nôtre, je n’y reviens pas.
M. Marc Daunis. Ah !
M. Dominique de Legge. La situation de l’adoption étant ce qu’elle est, vous ouvrez un droit dont on sait qu’il ne pourra pas effectivement s’exercer.
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, à la question qui vous a été posée vendredi dernier par Bruno Retailleau et de nouveau cet après-midi par moi-même,...
M. Alain Gournac. On n’a pas eu la réponse !
M. Dominique de Legge. ... vous n’avez toujours pas répondu, ou plutôt nous avons eu plusieurs réponses.
Tout à l’heure, M. Sueur a affirmé : « Nous n’avançons pas masqués ! »
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet !
M. Dominique de Legge. Or j’ai aussi entendu M. Michel, rapporteur, nous dire tout à l’heure : « Je ne suis pas hypocrite, la suite viendra. »
J’ai enfin entendu Mme la ministre chargée de la famille nous expliquer que le Président de la République n’était pas favorable à la GPA, mais je ne connais toujours pas la position du Gouvernement sur la procréation médicalement assistée.
En conséquence, au moment où nous allons voter ces amendements identiques de suppression de l’article 1er, il est important que vous nous disiez clairement si le Gouvernement est en accord ou en désaccord avec la position exprimée par Mme Vallaud-Belkacem et par M. Michel.
Madame la garde des sceaux, vous devez la vérité à la représentation nationale et aux Français. Il est temps que vous sortiez de l’hypocrisie et que vous nous disiez quelle sera la suite ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme Laurence Rossignol. Tout cela pour faire durer le plaisir !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je regrette le manque de bonne volonté du Gouvernement sur des questions qui intéressent l’ensemble de la société.
Il va de soi que nos propositions dénaturent votre projet, puisque nous y sommes opposés. Nous contestons les notions de « droit à la parenté » et de « droit à l’enfant » que vous tentez d’introduire dans notre droit. Au-delà, nous sommes opposés au bouleversement que vous engagez !
En effet, nous espérons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage afin de préserver la présomption de paternité.
Nous souhaitons créer une nouvelle union assurant une meilleure sécurité juridique pour les couples de personnes de même sexe. Cela nous permettrait d’ailleurs de codifier les nombreuses dispositions qui existent déjà et qui permettent d’assurer la protection des enfants vivant avec des couples homosexuels. De surcroît, certains d’entre nous souhaitent très logiquement ouvrir l’adoption simple à ces couples.
Nous considérons en revanche que le mariage s’insère dans la réalité biologique de la procréation. L’objectif de cette institution est de protéger juridiquement le lien de filiation entre un père et son enfant, par le biais de la présomption de paternité. Or vous souhaitez réduire le mariage à la reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes de même sexe.
Nous ne défendons pas seulement une position de principe : nous avions prévu la création d’une union civile, qui aurait permis aux couples de même sexe de bénéficier d’un statut plus protecteur. Le régime de cette union aurait été aligné, comme nous vous l’avons exposé en début de débat, sur celui du mariage, excepté en ce qui concerne la filiation, puisque nous considérons que le droit ne saurait se substituer totalement à la nature, qui veut que la procréation soit le fait d’un homme et d’une femme.
Ainsi, conscients des réalités biologiques qui s’imposent à nous, nous n’ignorons pas non plus la nécessité d’améliorer le cadre juridique de l’union des couples de même sexe.
Malheureusement, vous rejetez notre proposition au motif qu’elle modifie substantiellement le texte qui nous est présenté.
Ainsi, et puisqu’il faut mettre en avant les interrogations que vous devriez à l’évidence résoudre par vous-mêmes, je souhaiterais que vous nous expliquiez votre position sur les conséquences de cet article, tout d’abord en ce qui concerne la dilution de la présomption de paternité, qui se voit fortement fragilisée par l’instauration d’une parenté virtuelle, ensuite en ce qui concerne la PMA, voire la GPA – celle-ci constitue en réalité la suite logique du cheminement que vous tracez –, enfin en ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’une des préoccupations majeures de ce débat.
Je rappellerai, comme beaucoup d’autres collègues avant moi, que beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption à des couples français le font, notamment, sur la base de leur situation matrimoniale. Certes, cette position peut vous déplaire ; elle n’en constitue pas moins une réalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, tout à l’heure, notre excellent rapporteur s’est étonné du caractère quelque peu passionné du débat.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne parlais pas de vous. Vous êtes toujours d’un calme normand, cher collègue !
M. Philippe Bas. Pour ma part, je suis surpris de son étonnement. Il y a en effet de multiples raisons de se passionner pour cette question, en raison de l’importance des répercussions de la loi que vous nous proposez d’adopter sur la société française.
Tout à l’heure, monsieur le président de la commission des lois, non seulement vous avez contesté certains propos tenus par des membres de mon groupe – c’est votre droit –, mais vous êtes allé jusqu’à mettre en évidence ce que vous appelez les « présupposés » de certains de ses discours.
Nous sommes ainsi passés du procès d’intention à une forme d’inquisition.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument pas. Pourquoi dites-vous cela ?
M. Philippe Bas. Ce n’est plus seulement ce que nous disons qui est en cause, mais les présupposés de nos interventions. Permettez-moi de le dire, je trouve cela très désagréable, pour ne pas dire insupportable.
Quand Mme la ministre chargée de la famille ne cesse de répandre sur nous le soupçon, de mettre en cause les arrière-pensées que nous pourrions avoir, je me dis que vous préférez mettre en cause vos contradicteurs plutôt que de répondre à la contradiction. C’est un aveu de faiblesse plus qu’une démonstration de force.
En effet, pour ce qui nous concerne, nous ne partageons en aucune façon les dérives que vous dénoncez, et les caricatures que vous nous opposez nous blessent et nous offensent.
Nous sommes, nous aussi, soucieux des droits de nos concitoyens, en particulier des droits des homosexuels qui vivent en couple et élèvent des enfants. Tout autant que vous, nous avons conscience de cette réalité. Néanmoins, et c’est une grande différence entre nous, nous considérons que les solutions que vous êtes en train d’apporter à ce problème sont non seulement excessives, mais aussi dangereuses.
Si la reconnaissance officielle du lien qui unit deux personnes de même sexe nous gênait à ce point, nous n’aurions pas proposé le contrat d’union civile.
Non, ce qui justifie cette passion que nous mettons à répondre à votre projet, que des centaines de milliers de Français mettent à s’opposer à ce projet, que 700 000 d’entre ces derniers mettent à contester ce projet par une pétition, c’est le souci, éminemment humain et humaniste, de préserver un certain nombre d’intérêts fondamentaux, parmi lesquels figure au premier rang la préoccupation envers les plus vulnérables.
Nous considérons que, en raison du lien indissoluble qui existe entre le mariage et l’adoption, ce projet de loi conduira inévitablement à la situation suivante : des jeunes femmes mettront au monde des enfants qui auront été conçus par assistance médicale à la procréation, sans père, et les épouses de ces jeunes femmes pourront, par un jugement d’adoption, devenir elles aussi les mères de ces enfants.
Or je ne connais pas d’autres mots pour désigner des parents que les mots « père » ou « mère ». Vous êtes en train d’inventer une troisième catégorie de parents, qui ne seront ni pères ni mères.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ils seront les deux à la fois !
M. Philippe Bas. Je crois pour ma part que ce projet comporte des inconvénients très graves pour le développement de l’enfant. Cela n’a rien à voir avec l’amour que les adultes se portent, rien à voir avec l’amour qu’ils portent à leurs enfants, rien à voir avec leurs capacités éducatives.
Au cœur de la vie de ces enfants qui, comme tous les autres, n’ont pas demandé à naître, il y aura l’absence du parent de l’autre sexe. En dépit de vos rêves et de vos utopies, vous ne pourrez faire en sorte que cela se passe autrement. Vous ne pourrez empêcher que cette absence soit un manque profond.
Nous voulons éviter cela, tout simplement, et nous affirmons pouvoir organiser la vie de ces familles sur d’autres fondements que ceux que vous proposez.
C’est la raison pour laquelle je soutiens, avec un peu de passion en effet, monsieur le rapporteur, les amendements identiques de suppression présentés par nos collègues Patrice Gélard et François Zocchetto. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir avec les « présupposés » dont vous parliez !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais revenir sur votre dernière intervention, madame la ministre, qui condense en quelque sorte tous les arguments que nous contestons dans votre défense de ce projet.
Vous avez prétendu, tout d’abord, qu’il n’y avait pas de modèle de la famille : finalement, tout se vaudrait, et le pire serait encore l’existence même d’un modèle.
C’est ignorer que tous les responsables de l’action sociale, qui sont en première ligne, savent que les situations de misère sont souvent suscitées par des pathologies de la famille. Ce n’est pas un problème d’homosexualité ou d’hétérosexualité : il est évident pour tout le monde que le délitement de la famille emporte des conséquences sociales.
Par conséquent, entendre des propos aussi relativistes dans la bouche de la ministre de la famille de la République est assurément un mauvais signal !
Toutes les études montrent aujourd’hui que, face aux difficultés sociales, le premier bouclier reste précisément la famille.
M. David Assouline. Toutes les familles, pas « votre » famille, monsieur Retailleau !
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, il s’agit non pas de dégrader tel ou tel comportement familial, mais de reconnaître, en tant que représentant de l’État, l’importance de l’existence d’un modèle familial. Car le système le plus protecteur reste pour l’instant le père, la mère et les enfants.
M. François Rebsamen. Et le Saint-Esprit ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bruno Retailleau. J’en viens maintenant à la question centrale : les enfants.
Vous avez, madame la ministre, utilisé à plusieurs reprises le terme de « droit à l’enfant ». Vous avez même parlé du « désir d’enfant », qui serait plutôt, en l’occurrence, le « désir pour l’enfant ».
Ce qui fonde notre opposition radicale à ce texte, c’est que vous ne prenez garde à rien. Vous allez même jusqu’à ignorer les précautions qu’un certain nombre d’autorités vous ont invité à prendre.
Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a ainsi pointé des incertitudes juridiques préjudiciables aux enfants. Et je n’insisterai pas sur l’avis du Conseil supérieur de l’adoption – il est relaté dans l’étude d’impact du projet de loi, au demeurant bien lacunaire – ou sur la position de nombreux pédopsychiatres.
Pourquoi passer par pertes et profits tous ces avis mitigés sur les conséquences que pourrait avoir ce projet pour les plus faibles, c’est-à-dire pour les enfants ?
En réalité, vous préférez les ignorer par pure idéologie, parce que vous n’êtes guidés que par l’utopie. Vous n’ignorez sans doute pas les racines grecques de ce terme : l’utopie, c’est un lieu qui n’existe pas.
Madame la ministre, ce n’est pas le droit qui empêche des couples de même sexe d’avoir des enfants, mais la nature, tout simplement. Certes, il y a l’adoption, mais vous verrez que, malheureusement, l’« offre d’adoption », selon l’expression que vous avez vous-même employée, sera insuffisante, et qu’il faudra recourir à d’autres moyens.
À ce stade du débat, je voudrais, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, que vous répondiez enfin à la question que j’ai posée vendredi soir. Confirmez-vous les propos de la porte-parole du Gouvernement, à savoir, premièrement, que la PMA serait légalisée, et, deuxièmement, que l’un des objectifs du projet de loi était de régulariser les « bébés Thalys », c’est-à-dire ceux qui sont conçus par insémination artificielle en Belgique ?
Je vous sais attachée à la vérité, madame la garde des sceaux. Aujourd’hui, les Français ont besoin de savoir. Oui ou non, cette loi a-t-elle un double fond ?
Aujourd’hui, vous sentez sans doute, comme nous tous, la colère publique qui monte. Sans doute est-elle causée par l’attitude de quelques-uns ; sans doute est-elle aussi suscitée par l’impuissance publique de beaucoup, depuis longtemps. Toutefois, il ne faudrait pas qu’elle soit accentuée par le mensonge, fût-il par omission.
Oui ou non, y a-t-il derrière ce texte autre chose qui se profile en matière de méthodes de procréation assistée ? Votre réponse nous intéresse et intéresse tous les Français, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au travers de l’article 1er du projet de loi, vous ouvrez le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, au prétexte que le mariage serait la reconnaissance sociale du couple. Cette vision est très réductrice.
Le mariage civil n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour. En allant jusqu’au bout de cette logique, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier. Or la loi a fixé des limites. En effet, le mariage n’est pas la simple reconnaissance de l’amour, ni même la consécration d’une union privée ; dois-je rappeler ici le symbole que revêt l’obligation de laisser la porte de la mairie ouverte lors de la célébration d’un mariage ?
Le mariage est une institution sociale, qui permet de fonder, en droit, la filiation biologique. Nous nous situons donc bien au-delà de la simple relation de couple : dans le cadre de la famille.
Je rappelle que le code civil dispose que « le mariage est l’institution par laquelle un homme et une femme s’unissent pour vivre en commun et fonder une famille. » L’article 203 dispose également que « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »
Je tiens à souligner que la question n’est pas celle de la capacité des personnes homosexuelles à aimer, mais celle de l’institutionnalisation, de la codification, par la loi, d’une structure familiale nouvelle.
Autant l’orientation sexuelle est la résultante d’actes relevant du libre-arbitre des individus, autant le mariage est une institution sociale publique, entérinée par les représentants de l’État aux yeux de la société. Qu’il s’agisse d’un acte légal, soumis à des conditions précises, à commencer par la différenciation des sexes, vient contredire la notion de « liberté de se marier ».
Autre postulat erroné sur lequel repose la philosophie de votre projet : votre conception de la loi et de son rôle. Pour nous, la loi ne sert pas seulement à donner des droits, à suivre les évolutions sociales, à faire plaisir à tel ou tel, à assumer les engagements numérotés d’un candidat à la présidence de la République.
Au contraire, il s’agit d’une boussole qui sert à fixer des valeurs, qui donne autant de points de repères à la société. Lorsqu’une loi touche à des valeurs ancestrales aussi importantes que le mariage ou la filiation et à des êtres aussi vulnérables que les enfants, nous redoublons de prudence, car nous ne voulons pas jouer les apprentis sorciers.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé, en vain, un grand débat public préalable. Nous sommes convaincus que, au-delà de la légitimité de la représentation nationale que nous incarnons, chaque Français doit pouvoir s’exprimer sur la forme de famille qu’il laissera en héritage à ses enfants.
C’est pour cela que nous avons défendu une motion référendaire. Nous débattons aujourd’hui d’un vrai sujet de civilisation, qui mérite mieux qu’un texte de loi bricolé, truffé d’incohérences, aussi bien juridiques que scientifiques, et bourré de non-dits.
La stabilité de la loi est un outil essentiel à la démocratie. La philosophie qui est la vôtre s’inscrit aux antipodes de ce principe : lors du débat à l’Assemblée nationale, l’un de nos collègues députés a résumé d’une phrase toute la logique de ce projet : « Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs ! »
Vous rendez-vous compte, madame la ministre, de ce que sous-tend cette phrase et des errements auxquels l’application d’un tel principe pourrait donner lieu ? Le rôle de la loi est non pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre de références cohérent, stable et protecteur aux citoyens.
La loi n’est pas faite pour répondre aux desiderata d’une minorité, même si, nous l’avons souligné à plusieurs reprises, un très large consensus se dégage sur la nécessité d’apporter une reconnaissance juridique aux couples homosexuels.
Montesquieu, qui nous inspire tant ici, ne disait-il pas en son temps : « Il faut toucher aux lois d’une main tremblante » ?
« Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs » ? Vous rendez-vous compte, madame la ministre, que la philosophie sous-jacente à ces propos condamne par avance toutes vos dénégations relatives à la PMA et à la GPA ?
Vous rendez-vous compte de la portée de la déclaration de l’ancienne garde des sceaux, madame Élisabeth Guigou, présentant le projet de loi sur le PACS : « Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité » ?
Si je vous concède qu’il n’est pas interdit d’évoluer, le moins que l’on puisse dire est que son revirement ne plaide pas en faveur de la confiance que l’on pourrait placer dans la fermeté des engagements socialistes, en particulier dans des domaines aussi sensibles.
M. Jean-Marc Todeschini. Elle n’a jamais dit cela !
M. André Trillard. Vous trompez les Français en reportant les discussions sur la procréation médicalement assistée à un autre texte. Et que dire du mépris destructeur avec lequel Mme la ministre de la famille a traité l’ensemble du système de protection de l’enfance ? Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée.
Le premier pas vers la légalisation de la GPA a d’ailleurs été franchi avec votre circulaire, madame la garde des sceaux. La nécessité supposée de prendre en compte la situation particulière des enfants nés selon de tels procédés est une argutie. Ces enfants sont instrumentalisés par ceux-là mêmes qui ont provoqué cette situation, afin de satisfaire leurs propres revendications d’adultes.
Derrière le « mariage pour tous » se trouve donc clairement le « droit à l’enfant pour tous », et par tous les moyens, sans pour autant que vous assumiez ouvertement les conséquences de votre texte.
Non, madame la garde des sceaux, il n’est pas « grand temps que la loi rattrape les mœurs ». Il est grand temps que le législateur réfléchisse au sens du droit ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote. (Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Et cela, ce n’est pas de l’obstruction ?
M. Charles Revet. Vous parlez d’expérience, monsieur Assouline !
M. Christophe Béchu. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cet article est la clef de voûte du projet de loi qui nous est soumis.
M. Marc Daunis. Vraiment ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christophe Béchu. Consacrer quelques minutes à expliquer notre vote me semble, compte tenu de l’importance de cette disposition, aller de soi.
M. David Assouline. Vous venez seulement d’arriver. Nous, nous sommes là depuis quatorze heures trente !
M. Christophe Béchu. J’ajoute que les amendements déposés à la fois par le doyen Gélard et par le président Zocchetto proposent de supprimer purement et simplement cet article, ce qui, par rapport à ceux qui suivront et qui proposeront de n’en supprimer qu’une partie, a au moins le mérite de la clarté.
De quoi, finalement, le projet de loi sur le mariage pour tous nous parle-t-il ?
M. François Rebsamen. Il arrive à l’instant ! Il n’a rien entendu de ce qui s’est dit depuis tout à l’heure ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christophe Béchu. Je vais emprunter les mots d’un autre.
Mme Cécile Cukierman. Encore ? C’est une manie chez vous !
M. Christophe Béchu. « S’agit-il d’une question de sexualité ? La réponse est non. »
M. François Rebsamen. Ah ! C’est déjà ça !
M. Christophe Béchu. « Chaque adulte est libre de son orientation et de ses pratiques sexuelles dès lors qu’elles sont consenties, non violentes […].
« S’agit-il d’un nouveau contrat entre deux personnes ? La réponse est non. » Le PACS existe depuis 1999 », même s’il « pourrait être amélioré sans doute […].
« S’agit-il de permettre une reconnaissance sociale de l’amour ? La réponse est encore non. Le mot "amour" ne figure pas dans le code civil. Et heureusement, car il faudrait alors en vérifier la réalité ! »
M. Bruno Sido. De quelle façon ?
M. Christophe Béchu. « Un officier d’état civil ne demande jamais aux futurs époux s’ils s’aiment. Il le constate souvent et c’est tant mieux. Il faut ajouter qu’on peut s’aimer toute une vie sans se marier. »
M. David Assouline. Et se marier sans s’aimer !
M. Christophe Béchu. « S’agit-il d’une question de filiation, donc des enfants ? La réponse est oui. Car le mariage entre deux personnes de sexe différent présuppose une filiation biologique […] ».
Ces mots, chers collègues, sont ceux de Bernard Poignant.
Mme Cécile Cukierman. Vous ne l’aviez pas encore convoqué, celui-là !
M. Christophe Béchu. Ils datent non pas d’il y a dix ans, mais de l’année 2012. Je n’ai pas eu à les chercher dans les comptes rendus du Journal officiel relatant les débats sur le PACS.
Ces propos, publics, ont été exprimés voilà moins d’une année. Cela montre, au-delà de ce que certains voudraient faire croire, que peuvent exister des opinions personnelles et de conscience dans tous les partis…
Mme Bariza Khiari. C’est une évidence !
M. Christophe Béchu. … et que chacun, sur ce sujet, peut avoir sa propre singularité.
Pour dire les choses de manière encore plus claire, chers collègues, il y a quelque chose que je n’apprécie pas dans la manière dont se déroulent les débats. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous les faites durer !
Mme Cécile Cukierman. Pour l’instant, c’est vous qui menez les débats !
M. Christophe Béchu. C’est que l’on veut croire que tous ceux qui refusent ce projet de loi participent d’une homophobie honteuse ou avouée, franche ou larvée !
M. David Assouline. Mais de quoi parlez-vous ? Vous venez d’arriver !
M. Christophe Béchu. Acceptez, mes chers collègues, qu’il puisse y avoir dans cet hémicycle des gens qui, sans partager votre opinion, ne manquent en aucune manière de respect à nos concitoyens vivant d’une manière différente la sexualité et la parentalité.
Vous avez souligné tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que le rôle du législateur était de dire la vérité. Cet article 1er est au cœur de votre dispositif. Toutefois, les dispositions qui suivent doivent également orienter notre vote sur ces amendements de suppression.
Dans votre conception, l’égalité devant le mariage doit s’accompagner de l’égalité devant l’adoption. Or cette même égalité dont vous vous targuez amènera, demain, la GPA, de manière automatique, en quelque sorte par un effet de domino.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Christophe Béchu. L’édifice législatif que vous construisez mériterait d’être présenté plus clairement, afin que chacun puisse voter en son âme et conscience.
En ce qui me concerne, les démonstrations du doyen Gélard et du président Zocchetto m’ont convaincu, et je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, pour explication de vote.
M. Pierre Bordier. Mesdames les ministres, permettez-moi de rappeler l’un des arguments que vous avez régulièrement avancés. Le mariage, le vrai, a perdu de sa valeur : il n’est plus qu’une forme de vie de couple parmi d’autres, et l’on constate une forte augmentation des divorces, du nombre de familles recomposées et monoparentales. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe s’inscrit donc dans la politique du moins-disant pour les familles et les enfants.
Si votre constat est juste, en revanche, votre passivité face à lui est contestable.
Alors que vous êtes respectivement garde des sceaux, chargée de la protection des personnes, et ministre chargée de la famille, votre action se résume à constater que le cadre protecteur et sécurisant pour chacun des membres de la famille que met en place le mariage n’a plus lieu d’être.
Ce bilan revient à dire que les enfants s’épanouissent aussi bien dans les familles désunies ou recomposées que dans celles où les parents restent engagés et unis. Il revient à prendre comme prétexte la souffrance des enfants dont les parents se séparent et divorcent pour dévaloriser l’institution du mariage.
Votre devoir, en tant que ministres, n’est-il pas plutôt de vous attaquer aux causes des divorces, qui entraînent tant de souffrances pour les adultes et les enfants ? En la matière, le champ des mesures à mettre en œuvre relève de nombreux domaines, à commencer par celui de l’éducation des jeunes à l’engagement, pour finir par celui de la fiscalité, eu égard aux mesures fiscales appropriées qui doivent être prises.
Est-ce à dire que les fragilisations conséquentes à l’instabilité des familles et aux séparations sont sans effet sur la société dans son ensemble ? Est-ce à dire encore que les jeunes d’aujourd’hui, adultes de demain, n’aspirent plus à cette forme d’engagement profond à laquelle souscrivent les personnes qui optent pour le mariage ? Cela qui revient à mépriser leur souhait de s’engager dans la durée et leur capacité à le faire.
Le cadre protecteur mis en place par l’institution du mariage entre deux personnes de même sexe l’est non seulement pour la famille, mais aussi pour la société tout entière. Il est corrélatif de l’engagement pris par l’homme et la femme unis dans le mariage devant la société. Il s’agit d’un engagement social. En tant que législateurs, nous nous devons donc d’encourager le service social qu’il rend.
Quel en est le sens ? La dimension familiale du mariage inclut la perspective de la transmission de la vie. S’agissant donc de l’enfant, il est acquis pour tous que, pour se construire et se développer harmonieusement, celui-ci a besoin de cette sécurité très étroitement liée à son environnement familial.
À cet égard, il est de la responsabilité d’un gouvernement d’encourager les situations qui garantissent au mieux cette sécurité et suscitent le maximum de stabilité ; nul doute que la structure la plus favorable est bien celle du mariage entre deux personnes de sexe différent, conscientes de l’engagement qu’elles prennent devant les enfants et la société, et l’une vis-à-vis de l’autre.
Mesdames les ministres, nous espérons que, dans le cadre du prochain projet de loi portant sur la famille, vous saurez aller au-delà du constat d’échec et proposer les dispositions propres à redonner un élan à cette institution protectrice.
Ces mesures devront être à la hauteur du service public que rend cette institution, qui articule, dans les domaines personnel et patrimonial, les droits et devoirs des époux, entre eux comme à l’égard des enfants à venir.
Quant au projet de loi dont nous débattons, la vraie question que l’on doit se poser est la suivante : madame la garde des sceaux, comme vous l’avez considéré, la remise en cause du cadre juridique et social qui structure la société et la filiation depuis des siècles constitue-t-elle un progrès de civilisation ? Pourquoi menacer ce cadre, alors qu’il doit être consolidé, comme je l’ai évoqué précédemment ? N’y avait-il pas d’autres voies pour organiser juridiquement les liens entre les personnes de même sexe ?
Par ailleurs, vous êtes-vous vraiment posé toutes les questions quant aux conséquences de son remplacement par un nouveau référent : la volonté contractuelle des individus, quelle que soit leur orientation sexuelle ? Le contrat relevant de la liberté des individus, comment poser les limites à ne pas dépasser dans l’exercice de cette liberté, dans le souci du respect de celle de l’autre ? Notre République ne doit-elle pas veiller à ce qu’un individu ne fasse pas primer son propre intérêt sur celui d’un autre ? Comment définir et aboutir au bien commun ?
Peut-il y avoir une vie en société sans repères partagés ? La source de la transmission de la vie n’en est-elle pas un ?
Le droit de la famille porte-t-il une valeur symbolique ? Ne doit-il pas poser des jalons partagés par tous ?
La course réitérée aux « droits à », qui semblent prendre le pas sur les « droits de », est-elle compatible avec le modèle de notre République « une et indivisible » ? En effet, ne risque-t-elle pas de faire se multiplier les communautarismes, à l’inverse de la recherche du bien commun ?
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 1er, qui, au lieu de valoriser le mariage comme cadre protecteur de la famille et des enfants, en supprime la condition de l’altérité du couple qui s’unit par ce biais. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
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COMMUNICATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 8 avril 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 43 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (Droits à la pension) (2013-324 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
5
ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 9 avril 2013 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales
(Le texte des questions figure en annexe.)
À quatorze heures trente et le soir :
2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 9 avril 2013, à zéro heure trente.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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