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Discussion générale

  • Claude Dilain

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

    M. Claude Dilain. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, il est tout à fait normal que ce projet de loi suscite des débats importants ; ils sont légitimes, nécessaires même, et l’opinion de chacun doit être respectée.
     
    En revanche, j’ai du mal à accepter les pressions et les débordements, parfois violents, qui l’ont trop souvent marqué. Force est de constater que, dans des pays comparables au nôtre, le débat sur ce sujet de société s’est déroulé sereinement. Je regrette qu’à cet égard, la France ait été loin de montrer le bon exemple.
     
    De quoi s’agit-il ? Pour moi, ce projet de loi s’inscrit simplement dans le triptyque de notre République : liberté, égalité, fraternité. Il vise simplement à donner administrativement la possibilité que tous les couples aient accès aux mêmes droits. Autrement dit, il autorise les couples homosexuels à être comme les autres couples, dans une société qui a la chance d’avoir un code civil laïc. Puisque nous avons beaucoup parlé de sémantique, je vous rappelle que la Constitution de 1791, à laquelle Mme la ministre a fait allusion, dispose dans son article 7 que « la loi ne considère le mariage que comme contrat civil ».

    M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

    M. Claude Dilain. L’homosexualité est enfin sortie du code pénal grâce à M. Robert Badinter, ministre de la justice à l’époque, que je remercie une fois de plus ; elle est sortie aussi des livres de médecine et de la liste officielle des maladies de l’Organisation mondiale de la santé. Dès lors qu’elle n’est plus ni un crime, ni un délit, ni une maladie, il est tout à fait logique, souhaitable et juste que le mariage des couples homosexuels entre dans le code civil. Il n’y a aucune raison de priver les homosexuels de droits du seul fait de leur orientation sexuelle !
     
    En Espagne, le mariage pour les couples homosexuels existe depuis 2005. Selon M. Zapatero, ancien président du gouvernement, « la civilisation doit beaucoup à la France, patrie des droits de l’homme. Nous lui devons, en très grande partie, l’accélération de l’histoire en faveur des libertés et de l’égalité des êtres humains. La loi du mariage pour tous rendra justice à tous ceux qui ont été injustement traités par l’histoire. » Il ajoute : « Avec l’adoption de la loi du mariage pour tous, la République sera plus républicaine. »
     
    Que dire également de ces élus américains du Parti républicain, qui ont envoyé, en tant qu’amicus curiae, un dossier à la Cour suprême, pour insister sur le fait que le parti de Lincoln doit s’associer au mariage civil, au risque de manquer encore une fois l’évolution de la société ? Selon eux, tous les Américains doivent être traités de la même façon, sans distinction de religion, de race ou d’orientation sexuelle. Comment pourrions-nous penser autrement, alors qu’une tradition d’égalité et de fraternité est encore plus ancrée dans notre pays !
     
    Nous avons été submergés de courriers, courriels, articles et défilés. On nous dit qu’il suffirait d’augmenter les droits du PACS. Mais le PACS n’est pas le mariage ! On nous dit que l’enfant ne sera plus inscrit dans une parentalité traditionnelle et que cela bouleversera ses repères. Mais force est de constater, que cela nous plaise ou non, que les repères de la famille traditionnelle sont bouleversés depuis longtemps déjà.
     
    Je ne pense pas que la famille traditionnelle soit ringarde, mais la contraception, le divorce et l’adoption ont depuis très longtemps fait évoluer le couple et la famille. Que dire des familles monoparentales, des familles recomposées, de la place des grands-parents, y compris devant les tribunaux ?
     
    Oui, il faut permettre aux couples qui ont le courage de s’affirmer en tant que tels, qui veulent fonder une famille, d’avoir toute leur place au sein de notre société.
     
    Sur la filiation, j’ai écouté avec intérêt les différents orateurs. N’étant pas juriste, j’ai beaucoup appris. Simplement et modestement, en tant que pédiatre, je ne privilégie pas la filiation biologique, qui n’est pas essentielle au bonheur des enfants.

    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Très bien !

    M. Claude Dilain. De nombreux exemples le démontrent tous les jours, jusqu’à l’actualité récente, qui relatait l’histoire d’un échange d’enfants. Vous connaissez tous son épilogue.
     
    Il est clair que, pour l’enfant, ses parents sont évidemment ceux qui l’aiment, ceux qui se réveillent la nuit quand il pleure. Qu’ils aient ou non des gènes en commun n’a pas d’importance. Peu importe la couleur de leur peau, leur religion et même leur genre.
     
    Tous les adolescents, quelle que soit leur famille, fantasment sur leur filiation biologique. Ce sont les parents aimants qui les aident à dépasser cette crise.
     
    Je vous remercie, mesdames les ministres, d’avoir eu l’intelligence et le courage de nous présenter cette loi, que je voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
  • Jean-Pierre Godefroy

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

    M. Philippe Bas. Vive la Manche ! (Sourires.)

    M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, si une société n’est pas constituée par la somme des désirs des individus qui la composent, a contrario elle ne se construit pas à contresens de leurs désirs et dans la négation de leurs aspirations.
     
    Une société ne peut perdurer si elle n’arrive pas à créer un projet de société capable d’évoluer et d’assurer la cohésion des individus la composant autour d’un sens commun.
     
    Historiquement, le lien faisant sens fut la religion. Une puissance divine, avec ses codes de conduite, régissait et organisait notre société. Cet ordre fut bouleversé par une transformation majeure : le passage d’un pouvoir monarchique de droit divin à un pouvoir républicain, démocratique et laïque, prenant acte de ce qui rassemble les femmes et les hommes, à savoir leur humanité et leur individualité.
     
    La notion de vivre ensemble doit perpétuellement être remise en question, pour continuer à faire sens, surtout dans le monde actuel, du fait des progrès de la connaissance, de la science, de la recherche et de la médecine.
     
    Le débat relatif au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe est au cœur du vivre ensemble que nous avons inlassablement à construire. Soyons fiers de porter ce débat au sein de nos institutions, car il représente un enjeu fondamental d’intégration ! Arrêtons de stigmatiser certains de nos concitoyens. Accordons-leur enfin le droit d’accéder aux institutions de notre République et la reconnaissance de leur humanité et individualité.
     
    Oui, mes chers collègues, l’homophobie existe dans notre pays ! C’est un devoir pour nous de la combattre. Nous ne pouvons admettre les violences et la haine engendrées par cette classification du genre humain. Les agressions physiques à l’encontre des personnes homosexuelles sont en augmentation de 22 % par rapport à l’année précédente. Les tentatives de suicide sont de 2 à 7 fois plus nombreuses pour les hommes homosexuels que pour les hétérosexuels. Concernant les femmes, le risque suicidaire est de 1,4 à 2,5 fois plus important pour les homosexuelles que pour les hétérosexuelles. Oui, l’homophobie tue ! L’impossibilité d’accéder à une vie normale reconnue et à la parentalité y est certainement pour beaucoup.
     
    Des auditions auxquelles j’ai assisté préalablement à ce débat, je retiendrai deux témoignages qui me semblent très forts, même s’ils n’ont pas la même finalité que la mienne.
     
    M. Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France, a déclaré : « Je n’ai pas voulu participer au débat public, et je n’ai pas souhaité que la communauté juive participe aux manifestations. La place des religions n’est pas dans la rue, d’autant que la communauté juive n’est pas menacée ni réduite à manifester pour se faire entendre. » Cette déclaration empreinte de grande sagesse est confortée par ses propos ultérieurs : « Au cœur de cette loi, il est question d’amour. […] L’amour est donc central et la protection du conjoint est fondamentale. » J’ajouterai la protection des enfants, essentielle dans ce texte, qu’ils soient adoptés ou conçus par une assistance médicale à la procréation. Là encore, pour ces enfants, il s’agit d’amour, ce projet de loi étant aussi et surtout un texte sur le droit de l’enfant. Adoptés, conçus par amour, ou par procréation médicale assistée, ils sont surtout désirés. Comme tous les autres dons de la vie, il faut les protéger et les aimer, en leur offrant les mêmes protections que celles dont bénéficient les autres enfants.
     
    La deuxième audition qui m’a frappé est celle de M. Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, qui a rappelé que, « depuis l’origine, les protestants ne considèrent pas que le mariage relève de l’ordre du salut. Le mariage n’est donc pas un acte religieux ; pour nous, il n’y a pas de mariage chrétien, mais des chrétiens qui se marient, ou pas. »
     
    Le texte dont nous débattons, mes chers collègues, est une grande loi contre toutes les ségrégations, tous les rejets.
     
    Pourquoi n’a-t-il fallu, en février dernier, qu’une journée à la Chambre des communes du Royaume-Uni pour adopter une telle disposition ? Pourquoi tant de déchaînements, de violences, d’incompréhensions dans notre pays ? Je laisse cette question à votre sagacité, mes chers collègues, mais il me semble que M. Gélard y a répondu tout à l’heure…

    M. Charles Revet. Eh oui !

    M. Jean-Pierre Godefroy. Personnellement, je m’inscris dans la lignée de celles et ceux qui ont défendu l’émancipation des peuples. Je m’inscris dans la lignée de ces femmes et de ces hommes qui se sont battus pour l’égalité des citoyens et contre les exclusions.
     
    Avant de conclure, je tiens à faire un bref rappel. Dans le cadre du débat qui ne manquera pas d’intervenir, mesdames les ministres, lors de l’examen de la grande loi sur la famille que vous allez nous présenter, il sera bon de se souvenir que cette assemblée, le 7 février 2011, a voté à une très large majorité l’assistance médicale à la procréation pour tous les couples infertiles, qu’il s’agisse d’une infertilité médicale ou sociale. Je ne pense pas que le Sénat se soit trompé à cette époque.

    Mme Annie David. Très bien !

    M. Jean-Pierre Godefroy. Si l’on dit autant de mal, aujourd’hui, d’une telle mesure, c’est pour tenter de justifier un rejet du présent texte, lequel ne traite pourtant pas de l’assistance médicale à la procréation.
     
    Pour ce qui me concerne, je voterai ce texte des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
  • Jean-Étienne Antoinette

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

    M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en tant que sénateur de la République française et parlementaire d’outre-mer, j’ai l’honneur à la fois redoutable et solennel d’apporter mon soutien à ce projet de loi, qui fait débat, particulièrement en outre-mer, où, bien plus qu’ici, perdure un certain conservatisme.
     
    Ce sujet cristallise les émotions les plus intimes, les plus subjectives et donc, fatalement, les plus excessives. Il touche aux profondeurs de notre inconscient collectif et ébranle les racines mêmes de nos représentations multiséculaires du monde, de la famille et de la société.
     
    Mais si je comprends les peurs, les réticences et la résistance au changement, je me dois aussi de prendre acte d’un débat fondamental pour les valeurs républicaines et de défendre ces valeurs.
     
    Ce texte vise simplement à ce que la République reste plus cohérente avec elle-même sur trois principes fondamentaux : la liberté, l’égalité et la vérité, que je substitue au principe de fraternité, tant la conjonction des trois piliers de notre République ne saurait se révéler ou se comprendre qu’à la lumière du principe de vérité.
     
    La liberté, c’est simplement celle de s’aimer et de s’unir entre deux personnes adultes et consentantes, dans les règles du droit positif. Le droit suit la réalité, mais ne la crée pas.
     
    Pour l’union de deux êtres, la portée du mariage dépasse celle du PACS, qui ne prévoit que l’assistance matérielle, alors que la relation entre les époux comprend respect, fidélité et secours.
     
    Accorder aux homosexuels la possibilité de se marier, c’est leur reconnaître l’engagement public de cette liberté, ce qui constitue une avancée démocratique.
     
    Concernant l’égalité, les divisions et j’ose dire les « paradoxes » révèlent que, dans la société française, laïque, républicaine et fraternelle, il est encore bien long le chemin qui mène à l’altérité et à la reconnaissance d’autrui dans sa différence, et ce quelle que soit, finalement, cette différence.
     
    Il est encore bien douloureux, pour certains, de passer d’une ouverture d’esprit « virtuelle », de bon aloi, à l’épreuve réelle de la confrontation, du respect, de l’acceptation dans la communauté humaine, tout simplement, de couples différents, de familles différentes, que nous croisons pourtant tous les jours au pied de notre immeuble, dans la rue, dans nos quartiers et dans nos villes, sans vouloir les voir...
     
    Si je soutiens ce projet de loi, c’est parce qu’il brise le déni de réalité qui étouffe sous le carcan de la honte l’existence de ces familles homoparentales et de leurs enfants, en leur permettant, en fait, d’exister.
     
    Alors même que les procédures actuelles d’adoption le permettent, mais au prix du secret, du mensonge et du déni de soi-même, ce projet de loi fait tout simplement acte de vérité.
     
    Ceux qui brandissent comme une évidence désespérée que tout enfant a droit à un père et une mère profèrent une lapalissade et font semblant d’oublier que jamais la nature ne changera cette vérité biologique.
     
    La filiation, cependant, est affaire de choix et, dans toute l’histoire du monde, jamais un modèle familial n’a rendu un enfant heureux. C’est la famille réelle, concrète et vraie, formée d’adultes en harmonie, qui choisissent et soignent avec amour et respect les enfants qu’ils élèvent.
     
    Que ceux qui prétendent opposer artificiellement le droit de l’enfant et le droit à l’enfant m’expliquent sur quels critères la société devrait valider, aujourd’hui, en l’état actuel de l’évolution des conditions de vie matérielles et morales des enfants, tel ou tel modèle de référence, parmi les familles monoparentales, les « familles alternées », les familles recomposées, toutes prétendument hétérosexuelles, ou les familles homoparentales, encore émergentes.
     
    Les modèles familiaux sont aujourd’hui ébranlés, comme les religions l’ont été en leur temps, comme les idéologies le sont encore. Cela n’empêche ni la foi ni le militantisme. Cela n’empêche nullement les familles nucléaires hétérosexuelles traditionnelles de continuer d’exister. Qu’elles accordent simplement aux autres, différentes, le droit à cette différence, non pas le droit d’exister, car elles existent, mais le droit à la vérité de cette existence.
     
    Il est temps que l’hypocrisie cesse, que le voile se lève, que le droit dise ce qui doit être, en raison non pas de ce qui fait peur, mais de ce qui s’impose comme un phénomène historique et social irréversible.
     
    Ce qui fait sens aujourd’hui dans la société française, laïque et républicaine, c’est que tous les enfants soient reconnus égaux les uns aux autres dans leur droit à pouvoir, sans honte et sans peur, désigner leurs parents, les personnes qui les élèvent. Un droit à la vérité, un droit à la plus haute des valeurs universelles.
     
    En conclusion, que ceux qui, soudainement, spéculent sur les outre-mer sachent que, s’agissant de ces valeurs de liberté et d’égalité, ces territoires ont historiquement une attitude revendicative, tout au moins de dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
  • David Assouline

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. David Assouline.

    M. David Assouline. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur le fond, synthétisant tous les enjeux du débat qui anime notre pays depuis plus d’un an.
     
    Devant les Français, durant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande a affirmé haut et fort son engagement 31 face à l’ancien Président de la République, qui expliquait son opposition à ce droit.
     
    Ce sont 18 millions de nos concitoyens qui ont voté en faveur de François Hollande ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
     
    Je rappelle ce chiffre, parce que j’en ai entendu d’autres au sujet du nombre de pétitionnaires, du nombre de manifestants, lesquels ont tout à fait raison d’utiliser tous les moyens qu’offre la démocratie – du moment que ces moyens demeurent pacifiques – pour faire entendre leur point de vue et pour essayer de convaincre.
     
    Je rappelle ce chiffre, qui est celui du suffrage universel, par lequel se manifeste la volonté du peuple et sur lequel se fonde notre démocratie.
     
    Depuis lors, nous n’avons pas été convaincus par vos arguments. En dépit des milliers d’heures de télévision et de radio, en dépit des milliers de pages publiés par la presse écrite, en dépit des cent heures de débat en séance plénière à l’Assemblée nationale, des dix heures de discussions, ici, en commission et des quarante heures d’auditions, j’entends encore certains dire que nous voudrions étouffer le débat.
     
    Non, nous n’avons pas été convaincus, car rien ne justifie l’inégalité entre homosexuels et hétérosexuels, rien ne justifie de renoncer à instaurer le même droit au mariage civil ainsi que les mêmes protections pour les homosexuels et les enfants qu’ils élèvent et dont ils ont la charge.
     
    M. Leleux, tout à l’heure, nous invitait à peser nos mots, à faire attention aux termes que nous employons. Alors, je veux lui dire que, depuis quelque temps, les limites sont dépassées.
     
    Devant le Sénat de la République laïque, a eu lieu ce soir une manifestation, ou plus exactement une prière de rue. L’Agence France-Presse relate les propos tenus par un homme portant une grande croix : « La France mérite châtiment si elle autorise le mariage des sodomites. » Voilà quels étaient les propos tenus devant le Sénat par les opposants au texte !
     
    Certes, nos débats sont feutrés, mais ces propos sont une réalité. Alors, oui, il faut faire attention aux mots, monsieur Leleux !
     
    L’hebdomadaire Valeurs Actuelles, quant à lui, rapporte les propos de l’ancien Président de la République : « Quand on pense que le sujet du moment, c’est la traçabilité du bifteck ! Tout le monde veut savoir s’il y a du cheval dans ce qu’on mange. Mais la traçabilité des enfants, qu’est-ce qu’on en fait ? C’est tout de même plus important. Avec leur “mariage pour tous”, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, bientôt, ils vont se mettre à quatre pour avoir un enfant. Et le petit, plus tard, quand il demandera qui sont ses parents ? On lui répondra : “Désolé, il n’y a pas de traçabilité”. »
     
    Vous me permettrez également de citer les propos tenus en séance publique par un député UMP : comparant un homosexuel à un terroriste, il déclare que ce dernier « n’a jamais rencontré l’autorité paternelle, il n’a jamais eu à se confronter avec des limites et avec un cadre parental, il n’a jamais eu la possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal ». Je vous épargnerai son nom.
     
    Écoutez également ces propos tenus dans une organisation qui appelle chaque fois à manifester contre le mariage pour tous, l’Union des organisations islamiques de France, l’UOIF, vous savez, celle qui invite des prédicateurs salafistes radicaux à ses réunions : « Qui pourra délégitimer la zoophilie, la polyandrie au nom du sacro-saint amour ? Ne sommes-nous pas en train de suivre une voie où le principe d’égalité ne serait plus défini par des limites et des normes communes, mais par des perceptions personnelles aussi égoïstes et affectives puissent-elles l’être ? »
     
    Et Mme Barjot, sympathique animatrice de ces manifestations,…

    M. Jean-Michel Baylet. Non, elle n’est pas sympathique du tout !

    M. David Assouline. … s’est rendue le week-end dernier, sur son invitation, au congrès de cette organisation pour leur dire qu’elle et eux partageaient le même combat. Alors, oui, attention aux mots !
     
    Je conclurai mon propos…

    M. Philippe Bas. Concluez !

    M. David Assouline. … en vous racontant une petite anecdote qui a son importance dans la vie d’un engagement.
     
    À la suite de la dernière manifestation, j’ai participé à un débat avec M. Mariton. De retour chez moi, j’ouvre ma page Facebook et lis le post d’un militant antimariage homosexuel bien identifié, qu’il le sache : « Crève ! »
     
    Le lendemain, à mon bureau, je reçois un petit message qui dénote une autre conception de la vie et de la société : « Monsieur le sénateur David Assouline, c’est en tant que chrétienne profondément attachée à la laïcité et au mariage civil que je me permets de vous envoyer ce message. Je suis pour le mariage pour tous et, entre autres raisons, pour protéger les enfants de l’amour partagé au sein d’un couple de même sexe, les enfants nés homosexuels au sein d’un couple hétérosexuel homophobe. Le taux de suicide des adolescents issus de ces familles est dramatiquement élevé. Merci de votre soutien à cette loi pour le mariage pour tous, tenez bon. Une citoyenne en âge d’être grand-mère. » (M. Alain Gournac rit.)
     
    À cette dame, je réponds que nous ne lâcherons pas, parce que ces valeurs-là, cette générosité-là nous donnent une énergie énorme pour continuer à progresser dans la voie de l’égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
  • Clôture par Dominique Bertinotti

    6 avril 2013

    M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

    La discussion générale est close.

    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Des questions importantes qui méritent réflexion ont été soulevées sur toutes les travées de cet hémicycle. Je ne m’attarderai pas sur certains propos assez caricaturaux qui ont été tenus : ils ne contribuent en rien à faire progresser l’ensemble de la société.
     
    Je voudrais tout d’abord saluer les propos de Mme Jouanno, non pas tant parce qu’elle n’appartient pas à la majorité présidentielle, mais parce qu’elle a insisté sur deux points qui me paraissent importants.
     
    C’est vrai, l’État n’a pas à définir ou à juger les contours de la famille. Son rôle n’est pas de dire s’il est mieux d’appartenir à une famille traditionnelle, à une famille recomposée, à une famille monoparentale ou à une famille homoparentale.
     
    En revanche, à partir du moment où certains de nos concitoyens ont fait des choix différents, l’État, parce que c’est l’honneur de notre démocratie et de notre République, doit - c’est une exigence – leur assurer les mêmes droits et leur imposer les mêmes devoirs.
     
    Mme Jouanno a formulé une seconde remarque, très importante : l’homosexualité n’est pas un choix, on ne choisit pas d’être hétérosexuel ou d’être homosexuel. Peu l’ont dit, tant à l’Assemblée nationale qu’ici, au Sénat.
     
    Lorsque j’entends l’expression « préférence sexuelle », je m’interroge : aurait-on l’idée de l’employer à l’égard d’hétérosexuels ? Pourquoi parle-t-on de « préférence sexuelle » pour les homosexuels ?
     
    Après avoir entendu certains propos, j’ai l’impression qu’on tolère aujourd’hui les homosexuels – à cet égard, depuis l’adoption du PACS, la situation a progressé –, mais cela ne suffit pas : il faut les reconnaître comme des citoyens à part entière. Si on les reconnaît comme tels, alors ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.
     
    La question n’est pas de reconnaître spécifiquement aux homosexuels le droit de se marier, mais à partir du moment où l’on considère qu’ils sont des citoyens à part entière, alors ils doivent pouvoir faire les mêmes choix que les hétérosexuels : opter soit pour le concubinage, soit pour le PACS, soit pour le mariage. Aujourd’hui, les homosexuels peuvent choisir le concubinage ou le PACS, mais ils ne peuvent se marier. Et ce n’est pas une ode au mariage que nous faisons, car telle n’est pas notre vocation.
     
    Des questions ont été posées – elles le seront très certainement de nouveau dans les prochains jours – sur le droit de l’enfant, le droit à l’enfant.
     
    Jamais une notion qui, peut-être, pourrait mettre tout le monde d’accord n’a été évoquée : le désir d’enfant. Celui-ci n’a rien à voir avec la sexualité des parents. J’ai bien entendu la définition qui a été donnée de l’adoption, en particulier de l’adoption internationale : c’est non pas la satisfaction d’un droit à l’enfant des parents adoptifs, mais la possibilité d’offrir une famille à un enfant qui n’en a pas.
     
    Très bien, mais, au fond, croyez-vous véritablement que les couples hétérosexuels qui, en raison de la stérilité de l’un des deux conjoints, ne peuvent pas avoir un enfant s’inscrivent uniquement dans une démarche visant à offrir une famille à un enfant qui n’en a pas ?
     
    Pourquoi ne pas reconnaître que le désir d’enfant existe dans les couples hétérosexuels et que, à ce titre, il est tout à fait aussi légitime que le même désir puisse se faire jour dans les couples homosexuels ?
     
    J’entends dire qu’il faut un papa et une maman. Nous pouvons être d’accord sur un point : un enfant sera toujours le produit d’un homme et d’une femme. (Tout de même ! sur les travées de l’UMP.)
     
    Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, Vous pourriez admettre que, pas plus les homosexuels, nous ne sommes pas suffisamment sots pour raconter qu’un enfant quel qu’il soit puisse naître de deux personnes du même sexe ! (M. Charles Revet s’exclame.)
     
    Je dis cela pour tenter de répondre à cette question : le fait biologique suffit-il à faire d’un homme un père et suffit-il à faire d’une femme une mère ? Soit vous considérez que l’instinct maternel et l’instinct paternel sont d’emblée acquis, soit vous estimez qu’une femme qui accouche ne devient pas brusquement mère et qu’un père qui reçoit cet nouveau-né ne devient pas subitement père, même dans les couples hétérosexuels.
     
    Vous qui êtes tant attachés à l’intérêt supérieur des enfants, interrogez-en et vous verrez quel regard ils portent sur leurs parents. Quelquefois, justement, dans les couples hétérosexuels, ils auraient aimé avoir un père qui soit non pas simplement un géniteur, mais un père, et une mère qui soit non pas simplement une génitrice, mais une mère.
     
    Vous le voyez, cette question dépasse la sexualité des parents. Fondamentalement, vous avez raison de le souligner, il importe de savoir s’il ne faut pas reconnaître à l’enfant le droit de connaître son histoire originelle et la future loi sur la famille sera l’occasion d’en débattre. Mais, là encore, cette question a-t-elle un rapport avec la sexualité des parents ? Pendant des années, on n’a jamais dit la vérité aux enfants qui avaient été adoptés par des couples hétérosexuels. Par la suite, la psychologie et la psychanalyse ayant évolué, on a jugé qu’il fallait leur dire très tôt cette vérité.
     
    Aujourd’hui, adopte-t-on le même comportement vis-à-vis des enfants nés de procréation médicalement assistée ? Cela dépend des parents, cela dépend des familles dans lesquelles ils se trouvent. De fait, la question est bien de savoir s’il est envisageable d’accorder à l’enfant le droit de connaître son histoire originelle, mais, je le répète, cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir des parents hétérosexuels ou des parents homosexuels.
     
    L’union civile que vous souhaitez ressemble fort à un sous-mariage, avec une sous-adoption. Or – je serai très claire – parler de sous-mariage et de sous-adoption, c’est considérer une partie de nos citoyens comme des sous-citoyens, ce qu’ils ne sont nullement !

    Mme Catherine Troendle. Nous n’avons jamais dit cela !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Gournac, vous avez touché mon cœur d’historienne en faisant référence à Georges Duby, que vous avez associé dans un même élan à Maurice Godelier.
     
    Toutefois, quand on fait appel aux historiens, aux sociologues, aux anthropologues ou aux écrivains, il faut les citer de façon juste et intégrale. Monsieur le sénateur, lorsque l’on a demandé à Maurice Godelier ce qu’il pensait de la notion d’« aberration anthropologique » mise en avant par les opposants au projet de loi sur le mariage aux couples de personnes de même sexe, sa réponse fut la suivante :
     
    « Cela n’a aucun sens. Dans l’évolution des systèmes de parenté, il existe des transformations, mais pas des aberrations. Certes, on ne trouve pas dans l’histoire d’union homosexuelle et homoparentale institutionnalisée. »

    Mme Catherine Troendle. Eh oui !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Attendez la suite, madame la sénatrice. « On comprend pourquoi, poursuivait-il : pendant des millénaires, la société a valorisé l’hétérosexualité pour se reproduire, mais souvent l’homosexualité au sein des sociétés a été reconnue dans la formation de l’individu, en Grèce antique, par exemple. J’ai vécu sept dans une tribu de Nouvelle-Guinée, les Baruyas, où pour être homme il fallait être initié et les initiés vivaient en couple homosexuel jusqu’à vingt ans. L’homosexualité avait un sens politique et religieux. L’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance ».
     
    Ce ne sont pas tout à fait les propos que vous avez cités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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