Le Mariage Pour Tous
le site de référence pour tout comprendre des enjeux sur le #mariagepourtous

Les débats au Sénat

  • Séance du 9 avril 2013

    15 janvier 2018

    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE CARLE

    vice-président
    Secrétaires :
    M. Marc Daunis,
    Mme Michelle Demessine.
    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)
    1
    PROCÈS-VERBAL

    M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
    Il n’y a pas d’observation ?…
    Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
    2
    QUESTIONS ORALES

    M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
    DROITS DE PLANTATION

    M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 169, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
    M. Michel Teston. Monsieur le ministre, sur proposition de la Commission européenne, la réforme de l’organisation commune de marché vitivinicole prévoyait la libéralisation des droits de plantation à compter du 1er janvier 2016.
    La suppression de cet outil essentiel de régulation du secteur du vin a provoqué de vives inquiétudes dans l’ensemble de la filière viticole française, qui redoutait en particulier de perdre la maîtrise de l’offre et de subir par conséquent une dévalorisation des zones d’appellation ainsi qu’une baisse des prix.
    Cette situation explique la forte mobilisation des élus des territoires concernés en faveur du maintien de ce régime d’encadrement des plantations de la vigne. Du reste, une étude de l’assemblée des régions européennes viticoles, ou AREV, a démontré que la suppression de ce dispositif ne permettrait à la viticulture européenne ni d’être plus compétitive ni de mieux répondre aux évolutions de la demande mondiale.
    Monsieur le ministre, je tiens à saluer tout particulièrement la détermination et le volontarisme dont vous avez fait preuve sur ce dossier, en particulier en obtenant l’accord de treize autres pays producteurs pour la création d’une « plateforme commune » établissant la nécessité d’une régulation du potentiel de production viticole.
    Les recommandations présentées le 14 décembre dernier par le groupe à haut niveau, ou GHN, ont suscité un certain soulagement dans la mesure où elles vont dans le sens de cette plateforme et reprennent l’essentiel des demandes exprimées par les viticulteurs européens.
    Le consensus atteint par les ministres de l’agriculture dans le cadre des négociations sur l’avenir de la PAC est donc satisfaisant. À cet égard, je souligne que ce compromis est largement inspiré des recommandations du GHN, lesquelles sont fondées sur un système d’autorisations de plantation.
    Toutefois, les viticulteurs français souhaitent une amélioration de ce dispositif, concernant surtout sa durée, laquelle est actuellement limitée à six ans, et le plafond annuel de plantations nouvelles qu’ils souhaitent voir porté de 1 % à 0,5 %.
    Ces demandes ont-elles une chance d’être acceptées ? Plus globalement, sommes-nous proches d’un accord final garantissant un régime pérenne et efficace de régulation du secteur du vin en Europe ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, cher Michel Teston, vous avez souligné mon engagement et celui du Gouvernement tout entier sur la question des droits de plantation.
    Je me suis effectivement saisi de ce dossier dès mon arrivée au ministère de l’agriculture, en visant l’objectif suivant : rassembler le plus grand nombre de pays producteurs viticoles afin de créer une plateforme viticole commune, et de revenir ainsi sur une décision prise entre 2007 et 2008. Il ne s’agissait pas, je le souligne, d’un enjeu anodin dans l’histoire de la PAC ! Il faut en mesurer toute la portée.
    Du reste, les résistances exprimées remettaient en cause la pertinence même de la décision de suppression des droits de plantation : ce choix revenait en effet à considérer que l’Europe avait un potentiel de développement à l’exportation pour le vin, et que nous devions partant étendre notre vignoble pour conquérir de nouveaux marchés, dans une logique très libérale. Revenir sur cette décision est donc un acte extrêmement fort.
    Ensuite, le GHR a remis des conclusions sur la base desquelles le Conseil des ministres de l’agriculture des 18 et 19 mars dernier a statué.
    Il a tout d’abord acté le fait que l’on allait revenir sur la décision prise antérieurement. Reste à présent la procédure de trilogue avec le Parlement européen pour finaliser une réforme de la PAC, même si la question des droits de plantation ne se rattache pas directement à celle-ci.
    Vous l’avez rappelé, en vertu de la nouvelle réglementation, l’évolution des plantations viticoles sera suivie et maîtrisée. Ce nouveau système entrera en vigueur en 2019, pour une durée de six ans. Nous disposons donc, pour les onze années à venir, d’une structure permettant de réguler le marché du vin. C’est là l’élément essentiel.
    Ensuite, se posent les questions techniques que vous avez évoquées.
    Concernant le pourcentage d’évolution des surfaces, la Commission, vous le savez, avait proposé à l’origine un taux de 2,5 %. Pour notre part, grâce au rôle extrêmement utile joué par la plateforme des quatorze pays, nous sommes parvenus à réduire ce chiffre à 1 %.
    Pouvons-nous aller plus loin ? Aujourd’hui, je vous le dis clairement, je ne veux en aucun cas ouvrir de nouveau le débat, face à ceux qui pourraient être tentés de remettre en cause cet acquis.
    Pour l’heure, en ce qui concerne la durée de ce système et le taux d’augmentation des surfaces, le cadre semble donc a priori fixé.
    Désormais, tout le débat va porter sur la manière dont nous allons gérer ce dispositif, et en particulier sur les autorisations et la surveillance dont les droits de plantation feront l’objet. En effet, la faculté d’augmenter les surfaces de 1 % reste soumise à une procédure d’autorisation. C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut veiller à ce que la nouvelle réglementation ne conduise pas à une augmentation beaucoup trop forte et trop rapide des droits de plantation. Et c’est ainsi qu’il sera possible de corriger encore le dispositif.
    Monsieur le sénateur, telle est la réponse que je tenais à vous apporter. Je le répète, on ne mesure pas assez l’importance de la décision obtenue, annulant un arbitrage qui avait été opéré il y a moins de cinq ans ! Nous sommes revenus de ces négociations avec un objectif et un dispositif qui, à mes yeux, correspondent largement à la position défendue par la France en la matière.
    M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
    M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce bilan très précis concernant l’état actuel de cet important dossier.
    J’ai bien entendu votre réponse, notamment sa seconde partie. Toutefois, pour limiter les risques toujours possibles d’une libéralisation des droits de plantation à terme, mieux vaut, à mon sens, garantir la régulation la plus pérenne qui soit.
    Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour l’ensemble des viticulteurs européens. Je vous demande donc de continuer à œuvrer avec la même détermination pour aboutir à la régulation la plus efficace possible.
    INDEXATION DES REDEVANCES EN RÉSIDENCE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n° 306, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
    M. Jean-Jacques Filleul. Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement sur les difficultés financières auxquelles se heurtent les gestionnaires de logements très sociaux, tels que les logements accompagnés, les résidences sociales, les foyers de jeunes travailleurs ou de migrants, autant d’hébergements proposés à des personnes dont les ressources sont si faibles qu’elles ne peuvent accéder à un logement social classique.
    Les redevances dont s’acquittent les résidents, composées d’un équivalent loyer et d’un équivalent charges locatives, sont plafonnées via la convention APL. Ce dispositif garantit l’accueil de personnes à faibles revenus.
    Depuis 2009, l’indexation de ces redevances est fondée sur le seul indice de référence des loyers, l’IRL. Or cet indicateur ne prend pas suffisamment en compte le poids de l’entretien, de la construction, de l’énergie, des fluides et des services.
    Qui plus est, ce mode de calcul n’est pas adapté au secteur des foyers et des résidences sociales, car les charges sont forfaitaires et non récupérables. Il place certes les résidents à l’abri de la précarité énergétique, mais il empêche parallèlement les gestionnaires de couvrir l’augmentation du coût de l’énergie. En effet, le poids des combustibles, de l’eau et de l’électricité dépasse de loin, pour les gestionnaires de foyers et de résidences sociales, les montants accordés sur la base de l’IRL.
    De plus, l’augmentation de ces charges comme de celles qui sont liées à l’entretien du logement est largement supérieure à celle de l’IRL. Il est donc indispensable de revenir à un indice composite obtenu au travers de la pondération de l’IRL par les indices « électricité, gaz et autres combustibles » et « services d’entretien du logement », tel qu’il était en vigueur jusqu’en 2008.
    Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour assurer de manière pérenne la viabilité financière d’un secteur qui, représentant tout de même 180 000 logements, risque de ne plus pouvoir exercer ses missions dans la mesure où il se trouve à la fois contraint par l’augmentation des coûts de l’énergie et empêché de dégager des recettes de gestion suffisantes pour faire face à ses obligations ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, la politique du logement doit répondre à toute la diversité des situations, et cette ambition explique l’existence, notamment, des résidences sociales.
    Votre question fait référence à la modification de l’indexation des charges qui sont aujourd’hui forfaitisées dans ce type de redevance. Cette décision a été prise pour freiner une augmentation importante du montant des charges que doivent acquitter les personnes logées en résidences sociales, ces dernières figurant parmi les publics les plus fragiles et les plus précaires des personnes occupant actuellement un logement social.
    Je ne mésestime cependant pas les difficultés que rencontrent les gestionnaires de résidences face à cette situation. C’est pourquoi nous avons travaillé à réduire la part qui constitue un aléa de fait pour les gestionnaires. Nous devons en effet nous garder de placer les locataires de ces résidences sociales en situation de trop souffrir de l’aléa du coût de l’énergie. Je rappelle d’ailleurs que la maîtrise individuelle des charges n’est pas possible pour ces logements.
    En revanche, vous savez bien que, afin de répondre à cette difficulté, la loi qui vise à préparer la transition vers un système énergétique sobre, adoptée définitivement le 11 mars dernier par l’Assemblée nationale, ouvre le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux gestionnaires des résidences sociales. Les sommes correspondantes devront être déduites des redevances des résidents.
    Dans ce nouveau contexte, nous réfléchirons au meilleur moyen d’assurer aux gestionnaires un équilibre économique leur permettant de gérer au mieux leurs résidences.
    De la même manière, il me semble absolument décisif d’avancer vers une réduction des consommations. À cet effet, l’État a mis en place des dispositifs incitatifs pour la rénovation énergétique du parc social, notamment l’éco-prêt logement social, dont le Président de la République a annoncé voilà quelques jours la relance avec un taux d’intérêt désormais fixé à 1 %. Des travaux massifs d’économies d’énergie pourront donc être réalisés, qui permettront aux gestionnaires de voir diminuer de manière très importante leur consommation.
    C’est par cette maîtrise globale de la dépense énergétique, réalisée sans impact trop important sur le budget des personnes fragiles que sont ces résidents, que nous pourrons réaliser la difficile protection conjointe, d’une part, du public sensible aux aléas de l’augmentation des coûts de l’énergie et, d’autre part, des gestionnaires à vocation sociale qui assurent une mission extrêmement utile et doivent trouver les moyens de leur équilibre financier et économique durable.
    Cette réflexion est ouverte, elle se fait en lien avec les associations qui fédèrent les gestionnaires, et je ne manquerai pas de vous tenir informé de son avancée.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
    M. Jean-Jacques Filleul. Madame la ministre, cette réponse apporte des éléments qui, ensemble, sont à même de rassurer les différents gestionnaires, et je vous en remercie.
    Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, la protection des personnes accueillies et, d’autre part, la situation des gestionnaires. Votre réponse va éclairer un peu les perspectives de ces derniers, dont certains sont en situation de souffrance, comme me l’ont indiqué ceux que j’ai récemment rencontrés dans mon département.
    CRÉDITS EN FAVEUR DE LA MODERNISATION DE L’HABITAT DANS LES ZONES RURALES

    M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 313, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
    M. Jean Bizet. Madame la ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur les préoccupations exprimées par plusieurs élus de mon département à propos de la difficulté de mobiliser des crédits en faveur de la modernisation de l’habitat dans les zones rurales.
    Depuis la modification, en 2010, des priorités de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sont désormais privilégiées, en milieu rural, la lutte contre la précarité énergétique des propriétaires occupants, et, pour l’ensemble du territoire, la lutte contre l’habitat indigne dans le parc locatif. La mobilisation du parc vacant et l’amélioration du parc locatif ne sont donc plus traitées que marginalement.
    Obtenir un gain énergétique dans les logements constitue, bien entendu, un objectif louable sur le principe, et j’y souscris. Mais il s’avère particulièrement difficile d’atteindre le seuil de 25 % de gain énergétique nécessaire au déclenchement des aides.
    Dans la plupart des cas, et en particulier pour des projets modestes, la réforme du régime des aides de l’ANAH se révèle défavorable. Seuls les dossiers présentant des montants de travaux importants sont avantagés par le nouveau régime. Dans un département rural tel que celui de la Manche, il est souvent difficile d’atteindre un tel niveau d’investissement. Il s’ensuit un sentiment de frustration et de déception de la part des propriétaires, sentiment bien évidemment partagé par les élus.
    Cette décision est lourde de conséquences, puisqu’elle rend difficile la réalisation d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat, ou OPAH, et supprime ainsi l’outil privilégié des collectivités locales pour lutter contre la vacance en secteur aggloméré. Elle vient donc en contradiction avec le discours général des pouvoirs publics incitant les élus locaux et leurs partenaires à cibler la reconquête des espaces urbains délaissés au cœur des villes et des bourgs, plutôt que de poursuivre la construction et l’urbanisation en périphérie des villes. Je souscris totalement, là encore, à cet objectif, car nous sommes confrontés à ce problème au cœur de nos bourgs ruraux, dans toutes les régions de France.
    Cette orientation, reprise et inscrite dans la plupart des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, s’impose aux plans locaux d’urbanisme, les PLU. J’y souscris d’ailleurs totalement dans le cadre du SCOT du pays de la baie du Mont-Saint-Michel, dont je m’occupe. La situation semble donc irrationnelle et génère chez les élus de l’incompréhension, puis du découragement.
    Je vous demande donc, au moment où une augmentation des crédits destinés à l’ANAH est envisagée, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour préserver une politique de rénovation de l’habitat dans les zones rurales.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, ce n’est pas la première fois que l’on attire ici mon attention sur la situation du logement en zone rurale, et vous pouvez être certain que je suis consciente de ses difficultés spécifiques. En effet, si elle est très différente de la situation dans les zones tendues, elle n’en est pas moins délicate. La situation des centres-bourgs et la dégradation du patrimoine, notamment, dans diverses villes petites ou moyennes, posent problème. Le patrimoine en situation de vétusté thermique est plus important dans les zones rurales que dans les zones urbaines car il est, dans un certain nombre de cas, plus ancien.
    Sur ces territoires, l’enjeu est donc de mobiliser le parc privé et de travailler à son amélioration. Les propriétaires occupants éligibles aux aides de l’ANAH sont fortement représentés en milieu rural : 38 % y logent contre seulement 27 % de l’ensemble des propriétaires de maisons de la métropole. Ce sont donc des destinataires importants de ce programme.
    Vous avez indiqué qu’il était difficile d’atteindre le seuil de 25 % de gain énergétique par isolation. Je tiens à vous dire que ce n’est pas le cas. L’expérience du programme « Habiter mieux » le montre bien, qui visait tout particulièrement des ménages en grande précarité énergétique et disposant de faibles niveaux de ressources, notamment des personnes âgées. Les principales victimes de la précarité énergétique dans notre pays sont en effet aujourd’hui des propriétaires occupants à très faibles ressources, plutôt âgés, habitant des maisons individuelles datant d’une époque où l’on construisait sans se préoccuper des questions d’isolation.
    Or, le taux moyen d’économies d’énergie réalisées grâce à ce programme atteint 39 %, au lieu des 25 % exigés par l’ANAH. Nous devons donc être réalistes et travailler sur l’ensemble des clés permettant la rénovation de ce patrimoine, en particulier la clé financière, avec l’amélioration du programme de rénovation thermique annoncée par le Président de la République, qui, en plus des aides classiques issues du crédit d’impôt développement durable ou de l’éco-prêt à taux zéro, va se voir adjoindre une prime d’aide à la rénovation de 1350 euros qui concernera les deux tiers de la population française et pourra atteindre 3 000 euros pour les personnes les plus précaires.
    Cet effort se double d’un travail sur l’amélioration de l’habitat, avec les dispositifs existants utilisés par nombre de collectivités locales qui permettent de s’attaquer à la rénovation du patrimoine ancien en centre-bourg, souvent délaissé aujourd’hui – je partage totalement votre avis sur ce point. Cette situation provoque l’apparition de « dents creuses » et l’abandon de certains petits quartiers de centre-bourg, alors même que se poursuit l’artificialisation des sols et la construction de quartiers en périphérie.
    Il me semble donc très important, pour l’amélioration de la vie de ces territoires et de ces bourgs ruraux, de mieux prendre en compte ces questions. Cela se fera également dans le cadre de la future loi relative au logement et à l’urbanisme que j’aurai l’occasion de venir présenter ici dans quelques semaines.
    M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
    M. Jean Bizet. Madame la ministre, je prends acte de vos réponses, et j’attends de tester sur le terrain leur efficacité concrète. Je note également la perspective de la loi que vous nous présenterez dans quelques semaines.
    En ce qui concerne les propriétaires occupants, j’admets avec vous que leur situation est financièrement plus confortable ; je vous signale néanmoins qu’une grande part de biens situés dans les bourgs ruraux est entre les mains de propriétaires bailleurs. Ce secteur pose un problème considérable car, dans les zones rurales, la génération qui est en train de disparaître avait thésaurisé et investi dans la pierre. Aujourd’hui, de nombreux biens sont totalement laissés à l’abandon parce que leurs propriétaires bailleurs ne peuvent pas réaliser d’opération de rénovation à peu près équilibrée. En effet, en zone rurale, le montant des loyers ne le permet pas, au regard de cet objectif de lutte contre la précarité énergétique qui, encore une fois, est particulièrement louable.
    Mais cette orientation, vertueuse et louable sur le papier, reste très difficile à mettre en œuvre.
    Je suis prêt à partager avec vos services les simulations que nous avons établies avec un certain nombre d’organismes dans le département de la Manche, qui indiquent que nous ne pouvons pas réaliser ces opérations.
    La réponse des maires ruraux à cette problématique a souvent été la consommation d’espace, et il n’a donc pas été aisé de mettre en place les SCOT. Nous y sommes parvenus, dans ce territoire il est vrai un peu particulier qu’est la baie du Mont-Saint-Michel, en faisant comprendre aux élus, après de longues négociations, que la consommation d’espace n’était pas la bonne solution.
    Nous avons donc besoin en parallèle d’une réponse satisfaisante de l’État afin de mobiliser des crédits pour rénover ces cœurs de bourgs. Il y a là, vous l’avez dit, une qualité particulière du patrimoine qui disparaîtra complètement dans les dix ou quinze ans qui viennent si nous ne réalisons pas ces opérations.
    INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET INTERPRÉTATIONS DES DOCUMENTS D’URBANISME

    M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
    M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je souhaite attirer particulièrement votre attention sur la situation que m’ont signalée plusieurs maires de communes des Côtes-d’Armor qui rencontrent des difficultés en matière d’urbanisme.
    Ces difficultés relèvent à la fois de l’application de la loi Littoral, de la complexité de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme, ou PLU, liée à l’empilement et à l’enchevêtrement des réglementations, de la montée du juridisme et des recours abusifs, largement facilitée par la complexité précitée, ainsi que de l’interprétation parfois variable par les services de l’État des différents textes applicables, sans oublier celle des juridictions administratives, pouvant aboutir à l’annulation sur des points de détail de documents d’urbanisme représentant un travail d’élaboration considérable entrepris sur plusieurs années.
    Si personne ne conteste le bien-fondé de la loi Littoral, il y a lieu de clarifier, par exemple, la notion de continuité de l’habitat, d’ailleurs variable d’un département à l’autre.
    Cette notion peut en effet aboutir à des absurdités. Ainsi, une commune dont la limite est très proche du littoral sur une certaine distance, sans toutefois l’atteindre, n’est pas concernée par l’application de la loi Littoral, cependant qu’une autre qui ne le touche que de quelques dizaines de mètres se trouve concernée pour l’ensemble de son territoire alors même que ce dernier s’enfonce de plusieurs kilomètres dans les terres.
    Actuellement, une commune bretonne, Plouvien, souhaite céder à sa voisine Tréglenou sa frange littorale afin d’être dispensée de l’application de la loi !
    Personne ne conteste sur le fond l’objectif d’une préservation de l’environnement par la conservation des zones humides ou la modération de la consommation de l’espace agricole. Mais, aujourd’hui, l’élaboration d’un PLU doit intégrer les orientations du SCOT, le schéma de cohérence territoriale, veiller à l’application des dispositions du Grenelle 2 et tenir compte de l’existence de zones Natura 2000, ce qui a des conséquences pour tout le territoire communal même si n’est concernée qu’une part très marginale de celui-ci. Il faut même réfléchir à la question de la diminution obligatoire des déplacements, et ce, parfois, dans des communes rurales où il n’existe précisément pas de transports collectifs.
    Tout cela a trois conséquences.
    La première est la lourdeur de la réalisation d’un document d’urbanisme, qui se traduit par plusieurs années d’études et un coût de plus en plus élevé de l’élaboration de celui-ci.
    La deuxième conséquence est la fragilité juridique des documents d’urbanisme, qui sont facilement attaquables, non pas sur le fond mais souvent sur la forme, ce qui débouche sur des annulations.
    La troisième conséquence, enfin, est le coût financier qui en résulte : les études sont nombreuses, et il est désormais souvent nécessaire d’avoir recours à un conseil juridique. Ainsi, de nombreuses collectivités font appel à des cabinets d’avocats, sans avoir pour autant la garantie d’être prémunies contre tous les risques.
    Madame la ministre, ma question est double : le ministère de l’égalité des territoires et du logement a-t-il conscience de la situation complexe à laquelle sont confrontés les conseils municipaux et les maires en matière d’urbanisme ? Entendez-vous vous-même proposer des moyens nouveaux pour simplifier et sécuriser juridiquement les futurs documents d’urbanisme ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez indiqué un certain nombre de difficultés relatives à l’élaboration ou à la mise en œuvre des documents d’urbanisme. Vous partagez, me semble-t-il, mon avis quant à la nécessité de ces documents pour le développement et l’aménagement durable de nos territoires.
    Je vous rejoins très clairement sur un point : ces documents doivent décrire un parti pris d’aménagement qui soit la traduction de la vision politique des élus locaux. C’est l’objectif que ceux-ci doivent poursuivre, et c’est là leur force. Cette vision doit être claire et lisible pour les habitants et les usagers.
    Concernant la planification opérationnelle, le plan local d’urbanisme doit être explicite sur les espaces et sur la future vocation de ces derniers, notamment ceux qui traduisent des fonctions de continuité écologique, tout en intégrant les prescriptions des SCOT, élaborés à l’échelle plus large du bassin de vie et demain, peut-être, des schémas régionaux.
    Voilà pourquoi le futur projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme visera à mettre en cohérence ces différents niveaux de planification, afin de les clarifier et de les simplifier.
    Je sais à quel point l’élaboration d’un PLU est aujourd’hui un travail complexe. Il s’agit d’un investissement lourd pour certaines collectivités. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite faire avancer l’idée d’élaborer des PLU au niveau intercommunal. Un certain nombre de collectivités ont déjà commencé à le faire, en partageant une vision de planification à une échelle plus large que l’échelle communale, qui est aujourd’hui celle de la vie de l’essentiel des habitants. Pour répondre à la question très pratique que vous m’avez posée, monsieur le sénateur, cela permet de mutualiser les moyens, en vue d’élaborer les documents d’urbanisme.
    Pour ce qui concerne la loi Littoral, elle est aujourd’hui assez largement admise eu égard à l’équilibre qu’elle a trouvé. La règle de continuité est justifiée dans son principe dans la mesure où elle permet de protéger les terrains agricoles et les paysages et de limiter le coût des équipements publics aujourd’hui nécessaires pour toute construction habitable. Les communes littorales ont sans doute des contraintes particulières en matière d’urbanisme, mais elles ont aussi des atouts qu’il convient de mettre en valeur de manière durable.
    Il n’est évidemment pas interdit de lever les difficultés qui se posent quant à la complexité des procédures, ni de traiter des points de détail. Mais il ne saurait être question de revenir sur la loi Littoral, qui a subi un certain nombre d’attaques visant à remettre en cause le fondement même de la protection accordée à certaines zones d’entrée du territoire, car celles-ci sont, à notre sens, extrêmement précieuses.
    En revanche, le projet de loi que je présenterai prochainement au Parlement comportera un volet dédié à la planification qui visera à mieux articuler les différentes obligations pesant sur les collectivités locales – cela peut être celles de la loi Littoral ou de la loi Montagne – ainsi que les différents niveaux de schémas régionaux ou de planification de plus grande proximité. Il convient de simplifier la procédure pour la rendre plus accessible aux élus locaux et aux habitants et rendre plus évidente la prise en compte de la prescription. Les PLU doivent être de véritables outils au service des politiques menées par les élus.
    M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
    M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse et des intentions qui sont les vôtres, avec la poursuite de la réflexion à l’occasion de l’examen, dans quelques semaines, du projet de loi que vous avez annoncé.
    Pour autant, à l’heure où l’on aborde, dans d’autres domaines, la question de la simplification des normes, il faut remettre un peu d’ordre, en repensant d’une manière globale les documents d’urbanisme. On a assisté au cours des dernières années à une stratification des règles, avec l’arrivée de nouveaux textes qui sont parfois, comme je l’ai indiqué, interprétés différemment par les services de l’État.
    Je considère, moi aussi, que la loi Littoral a joué un rôle positif. Néanmoins, elle contient des notions qui sont tout à fait interprétables. Ainsi, certaines personnes chargées d’appliquer les textes peuvent parfois estimer que la notion de continuité de l’habitat concerne également les « dents creuses » entre les parties habitées. Ce sont ces éléments-là qui viennent polluer la discussion dans les communes et qui aboutissent au résultat que j’ai indiqué.
    Dans le département des Côtes-d’Armor, je connais une commune qui en est à son sixième contentieux relatif à des permis de construire annulés, alors qu’ils avaient été attribués de manière tout à fait réglementaire. L’insécurité juridique dans laquelle se trouvent les maires est intenable.
    Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen du projet de loi, et j’espère que nous saurons avancer pour résoudre certaines des difficultés que j’ai évoquées.
    FORMATION DES MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES

    M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 373, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
    M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je souhaite vivement attirer votre attention, et celle du Gouvernement, sur l’intégration, dans le schéma licence-master-doctorat, ou LMD, de la formation des masseurs-kinésithérapeutes.
    Lancée par le processus de Bologne en 1999, voilà quatorze ans, la réforme LMD implique la modification du système d’enseignement supérieur français en vue de créer l’espace européen de l’enseignement supérieur.
    Applicable dès la rentrée de septembre 2013, le schéma arrêté au début de l’année prévoit la reconnaissance du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute au grade de licence.
    Comme vous le savez, l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a toujours affirmé que la qualité des soins passe nécessairement par une formation de haut niveau et un diplôme universitaire au grade de master. Malheureusement, l’arbitrage du 25 janvier 2013, que vous avez signé conjointement avec Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, ne tient pas compte de ses préconisations.
    En effet, par cette décision, le Gouvernement confine la formation professionnelle des masseurs-kinésithérapeutes dans le cadre étriqué des trois années d’études, datant de 1969, sans tenir compte des évolutions enregistrées et de la formation telle qu’elle est aujourd’hui réellement dispensée.
    De plus, l’arbitrage proposé n’est pas en adéquation avec le programme défini par le groupe de réingénierie depuis cinq ans.
    Il devait s’agir d’une réforme d’envergure, répondant aux évolutions des besoins en matière de santé ainsi qu’aux attentes de longue date des professionnels de santé. Or, n’ayons pas peur des mots, il s’agit ici d’un recul.
    Très clairement, il faut procéder à un nouvel arbitrage tenant réellement compte de la réalité de l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute.
    Les attentes de toutes les composantes de la profession sont pourtant claires : un master 1 pour l’ensemble des masseurs-kinésithérapeutes et un master 2 pour ceux qui souhaitent poursuivre leur cursus vers des pratiques avancées.
    Le master 1 définit un niveau d’autorisation d’exercice cohérent. Il serait dommageable de se priver d’une réforme mettant en phase la profession avec l’évolution du rôle des masseurs-kinésithérapeutes dans le parcours de santé. Le master 2 apportera un complément d’expertise indispensable à la profession et à la société, en conformité avec les nouvelles missions conduites dans le domaine notamment de la coopération.
    Vous l’aurez compris, il est indispensable, me semble-t-il, d’élaborer une réforme de la formation initiale permettant de proposer des études conformes aux données actuelles de la science et aux besoins de la population qui garantissent la qualité des soins et la sécurité des patients.
    Aussi, quelles mesures envisagez-vous de prendre, madame la ministre, afin de faire rapidement évoluer les choses ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute relève de la compétence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
    En vue de son inscription dans le schéma licence-master-doctorat, défini à Bologne, cette formation a fait l’objet d’un premier travail interministériel : la définition des référentiels de compétence par le ministère des affaires sociales et de la santé ; les modalités de la formation et les référentiels retenus par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
    L’arbitrage, qui a fait l’objet d’un communiqué de presse le 25 février dernier, apporte des réponses précises aux questions que vous avez posées.
    Premièrement, le diplôme d’exercice de masseur-kinésithérapeute sera reconnu au grade de licence, mais obtenu à l’issue d’une formation incluant une première année universitaire qui sera généralisée. Ainsi, les étudiants qui le souhaitent pourront s’inscrire directement en deuxième année de master 2.
    L’intégration de l’année de préparation aux études dans le parcours de formation initiale constitue une réelle avancée dans la reconnaissance universitaire et reposera sur une obligation de convention des instituts de formation avec l’université. Cela implique de faire de cette année non seulement une année de sélection et d’orientation, mais aussi une année de formation à part entière.
    Deuxièmement, le conventionnement des instituts de formation avec une université sera obligatoire. L’absence de convention entraînera le retrait de l’autorisation de délivrance de la formation.
    Troisièmement, l’inscription dans la convention avec l’université devra faire apparaître une offre de master 2 à laquelle les diplômés masseurs-kinésithérapeutes pourront accéder directement. Un travail complémentaire déterminera les champs de pratiques avancées en lien avec l’obtention d’un master.
    Le travail à conduire par les deux ministères doit désormais être poursuivi, avec l’objectif d’une mise en œuvre pour la rentrée de septembre 2014. Ce travail sera copiloté dans le respect des exigences liées aux domaines d’intervention de la profession et de préparation des étudiants à leur future condition d’exercice professionnel ainsi qu’à celles qui sont liées à la reconnaissance universitaire.
    Enfin, pour information, je vous confirme qu’une mission d’expertise et d’inspection conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche est engagée à la demande de nos deux ministères, avec l’objectif de présenter des recommandations générales relatives au processus d’« universitarisation » des formations initiales des professions paramédicales.
    Par ces réponses complètes et – vous l’aurez compris, monsieur le sénateur – le travail qui est actuellement mené, j’espère avoir répondu à vos préoccupations.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
    M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je vous remercie pour toutes les précisions que vous m’avez apportées.
    J’ai bien noté que le travail se poursuivait jusqu’en septembre 2014 pour donner en partie satisfaction aux professionnels de santé, et ce dans l’intérêt des malades.
    ENREGISTREMENT DE L’INSTITUT SUPÉRIEUR D’OSTÉOPATHIE DE LILLE AU NIVEAU 1 DU RÉPERTOIRE NATIONAL DES CERTIFICATIONS PROFESSIONNELLES

    M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 375, transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
    Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, au moment où notre pays est confronté à un vieillissement croissant, avec près de 13 millions de personnes de plus de soixante ans, l’ostéopathie connaît un très fort engouement et vient d’être reconnue par l’Académie nationale de médecine pour ses vertus thérapeutiques, en vue d’accompagner les médecines traditionnelles.
    Cette discipline thérapeutique est sous la responsabilité du ministère de la santé, qui délivre des agréments à des formations supérieures dont les élèves exerceront leur profession au même niveau de responsabilité.
    Pourtant, le répertoire national des certifications professionnelles ne loge pas toutes les formations supérieures en ostéopathie à la même enseigne : certaines sont certifiées d’un niveau 1, quand d’autres, malgré leur excellence, le sont d’un niveau 2. C’est notamment le cas de l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille, qui forme depuis 2003 des professionnels avec un haut degré de qualification reconnu.
    Les étudiants y suivent un cursus totalisant 4 600 heures d’enseignement, réparties sur cinq ans et demi d’études, en conformité avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui préconise au moins 4 300 heures d’enseignement.
    De plus, dans un souci de qualité de l’enseignement au sein de cet établissement, les cours sont dispensés par cinquante-deux enseignants médecins, dont dix professeurs de médecine, huit praticiens hospitaliers et huit anciens chefs de clinique, et un diplôme n’est délivré qu’à quarante à cinquante étudiants par an.
    Pourtant, en décembre dernier, la commission nationale de la certification professionnelle, ou CNCP, a décidé l’inscription de cet établissement au niveau 2 du répertoire national des certifications professionnelles.
    Alors que cet institut bénéficie depuis 2007 de l’agrément du ministère de la santé, cette classification empêche ses étudiants d’obtenir une équivalence à l’intérieur du système LMD. Ainsi, à la sortie de leurs études, ces étudiants se trouvent dépourvus d’un diplôme ayant une véritable reconnaissance universitaire ; quant à ceux qui, malheureusement, abandonnent la formation avant son terme, ils se voient dans l’obligation de recommencer leur cursus au niveau du baccalauréat.
    Cette situation est de nature à décourager les étudiants désireux d’entreprendre des études d’ostéopathie, d’autant plus que cet établissement, pleinement inscrit dans le paysage de santé publique régional, est le seul du Nord – Pas-de-Calais.
    Face à la demande croissante des Français pour les soins ostéopathiques, la classification de cet institut au niveau 2 est d’autant moins opportune que les établissements d’enseignement de la discipline, s’ils sont légion, sont peu nombreux à présenter des gages de débouchés professionnels aussi bons que les siens.
    Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour qu’il n’y ait plus deux niveaux de certification délivrés par la commission nationale de la certification professionnelle pour les formations supérieures en ostéopathie ayant reçu l’agrément du ministère de la santé ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Michelle Demessine, vous avez appelé l’attention du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la décision de la commission nationale de la certification professionnelle, la CNCP, d’enregistrer la formation de l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille au niveau 2 de la nomenclature, et non au niveau 1 comme le souhaitait cet établissement.
    Je rappelle d’abord que la CNCP est composée principalement de représentants des partenaires sociaux, des chambres consulaires, des régions et de tous les ministères concernés, notamment du ministère des affaires sociales et de la santé. Ce ministère a agréé l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille pour qu’il puisse dispenser sa formation, sans pour autant lui accorder le niveau qu’il demandait.
    La CNCP procède aux enregistrements selon une procédure et des critères définis par le code de l’éducation. En particulier, elle doit apprécier la notion de certification professionnelle dans sa relation à l’emploi. À cet égard, la logique qui prévaut pour l’ensemble des demandes présentées à la CNCP est qu’un emploi peut être exercé dans des contextes très divers et à des niveaux de responsabilité différents. C’est pourquoi le dossier de demande d’enregistrement doit comporter des référentiels d’emploi, d’activités et de compétences, ainsi que l’état des emplois occupés par les étudiants issus d’au moins trois promotions.
    La demande d’enregistrement déposée par l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille en juin 2012 faisait suite à l’avis défavorable formulé par la CNCP, en avril 2011, sur une première demande. À l’issue de l’instruction prévue par les dispositions réglementaires, la CNCP s’est à nouveau prononcée en faveur d’un enregistrement au niveau 2. L’institut a refusé ce niveau d’enregistrement et formulé une demande de recours gracieux, en rappelant notamment son statut, la qualité de ses formateurs et la durée de la formation, ainsi que les relations qu’il entretient avec le centre hospitalier régional universitaire de Lille.
    Ces arguments ne pouvant pas être pris en considération dans la procédure de demande d’enregistrement telle qu’encadrée par les dispositions légales et réglementaires du code de l’éducation, ils n’ont pas suffi à convaincre la CNCP du bien-fondé d’un enregistrement au niveau 1.
    Il convient également de préciser que le fait d’être agréé par le ministère de la santé pour dispenser la formation d’ostéopathe ne constitue pas une condition d’enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles à un niveau que ce ministère n’a pas lui-même fixé.
    Cependant, la CNCP a formulé des recommandations pour améliorer les référentiels proposés et préciser les compétences ; ces recommandations ont fait l’objet d’un échange approfondi entre son président et le responsable pédagogique de l’établissement.
    Les arguments avancés pour appuyer une demande d’enregistrement au niveau 1 ne pouvant être retenus et la CNCP ayant rendu son avis conformément au droit, vous comprendrez, madame la sénatrice, que le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne puisse pas, aujourd’hui, répondre favorablement à votre demande. Néanmoins, on note une progression.
    Je souhaite donc que, dans les années qui viennent, l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille, lorsqu’il aura terminé le travail en cours, puisse se voir accorder le niveau 1.
    M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
    Mme Michelle Demessine. Je remercie Mme la ministre pour sa réponse très argumentée. J’ai bien entendu les raisons qu’elle a fait valoir, noté son insistance sur les recommandations formulées par la CNCP. J’espère que ces recommandations permettront à l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille d’obtenir finalement le niveau 1. En effet, il s’agit du seul établissement d’ostéopathie dans le Nord – Pas-de-Calais, et nous méritons bien d’avoir une école de niveau 1 !
    SITUATION DES ENSEIGNANTS CONTRACTUELS DE LA MICEL EN TURQUIE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des enseignants contractuels de la mission de coopération éducative et linguistique, la MICEL, en Turquie.
    La MICEL, qui participe à l’excellence de la coopération française en Turquie dans les établissements scolaires, au lycée Galatasaray et à l’université Galatasaray, est actuellement remise en question. En 2009, en effet, elle a mis en place pour les enseignants des contrats à durée déterminée, dits « deux plus deux plus un », dont certains arrivent à terme cette année.
    Auparavant, les personnels de la MICEL bénéficiaient de contrats à durée indéterminée ou de contrats renouvelables chaque année. Ces contrats permettaient de répondre aux exigences d’une coopération de qualité nécessitant, de la part des intervenants, un investissement sur le long terme dans les établissements d’enseignement turcs.
    En effet, il est indispensable pour un enseignant français venant travailler dans un lycée turc de parvenir à intégrer les spécificités des programmes de ce pays, ce qui n’est possible que progressivement et si les intervenants ont la garantie de pouvoir s’investir dans la durée. C’est grâce à des intervenants disposant d’un temps d’adaptation suffisant que fut bâtie une relation durable et fructueuse avec nos partenaires turcs au quotidien : professeurs, personnels administratifs, élèves et anciens élèves.
    La limitation des contrats dans le temps, introduite par le ministère des affaires étrangères en 2009, nuit très gravement à la qualité de notre outil de coopération en Turquie. Aujourd’hui, avec plus de 60 % de contrats « deux plus deux plus un », notre coopération précarise son excellence en précarisant ses intervenants. Ce problème sera de plus en plus sensible et, si rien n’est corrigé, on peut estimer que, d’ici à cinq ans, 100 % des contrats seront des contrats de ce type, c’est-à-dire des contrats précaires.
    Consciente de la gravité de la situation, la partie turque a manifesté son inquiétude à plusieurs reprises. Ainsi, le recteur de l’université Galatasaray et la directrice du lycée Galatasaray ont chacun signé une lettre contre ces contrats limités, dont les premiers arrivent à terme en 2013.
    Je demande au Gouvernement de revoir la décision de 2009 et de permettre l’allongement des contrats en cours, ainsi que leur transformation éventuelle en contrats à durée indéterminée. Il est paradoxal que les établissements congréganistes labellisés « Éducation France » aient pu cette année répondre à cette exigence de stabilité en obtenant des détachements directs, alors que la coopération publique est confirmée dans la précarisation. En outre, cette évolution n’est pas comprise par nos partenaires institutionnels turcs. Elle doit donc être revue.
    J’ajoute que cette révision n’est pas susceptible d’entraîner des conséquences du fait de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet. En effet, comme M. le ministre Laurent Fabius l’a indiqué dans un courrier de juillet 2012, le champ d’application de la loi Sauvadet « étant restreint aux agents engagés sur le fondement de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, les agents recrutés par la MICEL ne sont pas éligibles aux dispositifs de CDIsation et de titularisation par la voie de recrutement réservés » instaurés par la loi du 12 mars 2012.
    Ainsi, il n’y a pas de risque pour la MICEL que l’allongement des contrats n’entraîne des conséquences non souhaitées. Dans ces conditions, il ne devrait pas y avoir de blocage à la révision des contrats offerts par la MICEL.
    Les personnels de cette mission, qui œuvrent pour la coopération franco-turque, sont aujourd’hui en grève car ils attendent du Gouvernement l’assurance qu’ils disposeront à l’avenir d’un cadre leur permettant d’exercer correctement leurs fonctions.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, je vous remercie d’avoir attiré une nouvelle fois mon attention sur la situation des personnels de la MICEL et sur leur souhait de bénéficier de contrats à durée indéterminée.
    Je voudrais à nouveau exprimer mon attachement au dispositif intégré Galatasaray, au sein duquel les agents de la MICEL sont principalement affectés. Ce dispositif constitue l’instrument d’excellence de notre coopération éducative et universitaire avec la Turquie.
    Monsieur le sénateur, je souhaite insister sur l’effort financier considérable que représente le fonctionnement de la MICEL : 2,9 millions d’euros en 2013, soit 67 % des crédits de coopération alloués au poste, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint que vous connaissez parfaitement.
    Je vous rappelle que les agents recrutés par la MICEL, dont je tiens à souligner les qualités pédagogiques et l’engagement au sein du projet, sont liés à cet établissement à autonomie financière par des contrats de droit administratif français. En 2009, il a été décidé de mettre en place des contrats limités dans le temps, dits « deux plus deux plus un », afin de maîtriser les conséquences financières du décret du 19 décembre 2007. Ce décret impose la prise en charge de la part patronale des cotisations pour pensions civiles des personnels titulaires détachés. Or cette charge deviendrait rapidement insoutenable s’il devait s’agir de contrats à durée indéterminée.
    Je tiens à préciser que la réforme de 2009, qui a été réalisée en concertation avec les partenaires, visait à faire face à ces nouvelles charges : outre la mise en place de nouveaux contrats, elle s’est traduite par le détachement direct, depuis la rentrée 2012, des enseignants français qui étaient jusqu’ici, au sein de la MICEL, mis à disposition des lycées congréganistes français et de la fondation Tevfik Fikret.
    Il reste à ce jour soixante agents à la MICEL, dont cinquante-six enseignants qui bénéficient de trois types de contrats différents : quinze d’entre eux, professeurs non titulaires de l’éducation nationale, bénéficient de CDI ; onze sont des titulaires détachés qui bénéficient de contrats renouvelés annuellement sans limite de temps ; quant aux trente enseignants recrutés après 2009, parmi lesquels onze non titulaires et dix-neuf titulaires détachés, ils bénéficient de contrats à durée déterminée de type « deux plus deux plus un ». Ces derniers ont été parfaitement informés de ces conditions ; ils ont donc signé ces contrats en toute connaissance de cause.
    Monsieur le sénateur, je suis informée des revendications des enseignants : bénéficier de CDI et voir pris en charge les frais d’écolage de leurs enfants dans le lycée AEFE d’Istanbul. Certains professeurs se sont mis en grève récemment, le 19 mars et le 4 avril. Deux nouveaux préavis ont été déposés : le premier pour aujourd’hui, comme vous l’avez rappelé, le second pour le 12 avril.
    Je n’ignore pas non plus que les autorités turques du dispositif Galatasaray s’inquiètent des conséquences de la durée limitée des contrats, ainsi que d’une perte d’attractivité de ces postes qui pourrait avoir, à terme, un effet négatif sur la qualité du recrutement.
    Je déplore sincèrement que les enseignants aient choisi de se mettre en grève alors que le ministère avait dépêché une mission sur place. Cette mission a remis très récemment son rapport, et les directions compétentes de mon ministère préparent actuellement différentes options visant à faire évoluer le dispositif tout en préservant l’excellence de notre coopération éducative et linguistique en Turquie, une excellence qui suppose une certaine mobilité du corps enseignant français. Cette démarche tiendra compte de la contrainte budgétaire et s’inscrira dans un esprit de sérénité et de responsabilité. (M. André Gattolin applaudit.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
    M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir mentionné l’inquiétude de nos partenaires turcs. J’espère que, dans les conclusions des travaux de la mission que vous avez dépêchée sur place, l’importance de mettre en place des contrats qui garantissent la qualité et la pérennité de notre coopération sera reconnue.
    La relation franco-turque est importante ; la Turquie est un partenaire essentiel pour notre pays. Notre coopération avec l’université et le lycée Galatasaray est une politique majeure qui a surmonté toutes les tempêtes dans l’histoire de la relation franco-turque. Quelques millions d’euros, ce n’est pas énorme par rapport à l’enjeu que représente cette relation stratégique !
    Madame la ministre, il est particulièrement important de mettre au point un dispositif qui réponde aux inquiétudes de nos partenaires turcs et des intervenants au sein de la MICEL. Compte tenu des observations que vous avez formulées et des difficultés que les enseignants rencontrent pour exercer leurs missions dans le cadre de contrats à durée déterminée, j’espère que la mission que vous avez dépêchée sur place débouchera sur la remise en cause des contrats « deux plus deux plus un » ! (M. André Gattolin applaudit.)
    RÈGLE PARTICULIÈRE RÉGISSANT LE FINANCEMENT DES INTERVENTIONS DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER PACA

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 357, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget.
    M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre déléguée, chargée des Français de l’étranger, ma question porte, non pas sur ces derniers – et je le regrette, bien sûr ! –, mais sur les raisons qui peuvent justifier la règle particulière s’appliquant au financement des interventions de l’établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur par la taxe spéciale d’équipement, la TSE.
    Si la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a harmonisé le statut juridique des établissements publics fonciers de PACA, de Normandie et de Lorraine avec le régime de l’ensemble des établissements publics fonciers d’État, les établissements de ces trois régions continuent d’être régis par une règle de financement particulière.
    Je m’explique : les établissements publics fonciers mentionnés à l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme sont financés par une taxe spéciale d’équipement dont le montant est fixé chaque année par leur conseil d’administration, dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant du territoire de leur compétence ; cependant, pour les établissements publics fonciers de PACA, de Normandie et de Lorraine, le plafond du produit de la TSE est fixé par la loi de finances et s’établit aujourd’hui, respectivement, à 50 millions, 13 millions et 25 millions d’euros.
    Pour l’établissement public foncier de PACA, ce plafond est largement inférieur – environ de moitié – à celui dont il bénéficierait dans le régime de droit commun.
    Si j’ignore ce qui pourrait éventuellement justifier le régime appliqué aux EPF des régions Lorraine et Normandie, je ne vous ferai pas l’injure de rappeler que la région PACA est une zone en pleine expansion démographique, particulièrement « tendue » en matière de logement. Doter son EPF, qui est particulièrement actif, des mêmes moyens que les autres est donc une question de bon sens et de principe. Au nom de quoi les règles de financement seraient-elles différentes, alors que le statut juridique de ces établissements est identique ?
    Plus étonnant encore est l’acharnement mis par le Gouvernement à faire échouer toute tentative d’harmonisation du financement de ces établissements. Ainsi, le dispositif d’un amendement déposé sur mon initiative et adopté par le Sénat, lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, fut-il « évacué » à l’Assemblée nationale, du fait de l’adoption d’un amendement de suppression, dont l’origine pourrait se situer du côté de Bercy. Si le ministère des finances n’y est pour rien, vous me le direz, madame la ministre ! Quoi qu’il en soit, le résultat est là !
    Ne comprenant pas ce qui, dans une République normale, peut motiver cet acharnement anormal à l’encontre d’une évolution de bon sens, je vous prie, madame la ministre, de bien vouloir m’expliquer ce qui se passe.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur Collombat, vous interrogez le ministre chargé du budget sur la légitimité du plafonnement du montant de la taxe spéciale d’équipement affectée aux établissements publics fonciers de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Normandie et de Lorraine.
    Je souhaite tout d’abord rappeler les modalités de fixation annuelle du rendement de la taxe spéciale d’équipement destinée au financement des interventions foncières des établissements publics fonciers. La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit que le produit de cette taxe est arrêté, avant le 31 décembre de chaque année, pour l’année suivante, par le conseil d’administration de l’établissement public dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant résidant sur le territoire relevant de sa compétence.
    Les cinq établissements publics fonciers créés avant la promulgation de cette loi demeuraient néanmoins soumis à des dispositions spécifiques. Parmi ces établissements, deux ont vu évoluer le mode de fixation de leur ressource fiscale. Ainsi, les articles du code général des impôts concernant l’EPF de Nord-Pas-de-Calais et l’EPF de l’ouest Rhône-Alpes ont été abrogés respectivement par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 et par celle du 25 décembre 2007.
    Aujourd’hui, tous les EPF voient donc le montant de leur ressource fiscale fixé par un vote de leur conseil d’administration, à l’exception des trois établissements publics fonciers que vous citez, à savoir ceux de PACA, de Normandie et de Lorraine, pour lesquels le montant en question est fixé par la loi de finances, en application des articles 1608, 1609 et 1609 F du code général des impôts.
    Par ailleurs, le Premier ministre a très tôt affirmé l’intention du Gouvernement dans son ensemble de ne voir examiner de dispositions fiscales qu’à l’occasion des projets de loi de finances. Cette orientation gouvernementale, qui vise à faciliter le respect de la trajectoire de redressement de nos finances publiques, a ainsi été rendue publique dès le mois de mai 2012.
    C’est pour assurer le respect de ce « monopole fiscal » des lois de finances que la ministre de l’égalité des territoires et du logement a proposé, lors de l’examen du premier projet de loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, la suppression par l’Assemblée nationale des dispositions adoptées par le Sénat visant à unifier le régime des EPF.
    Le Gouvernement comprend toutefois le souci d’harmonisation que vous évoquez, monsieur le sénateur.
    Quelle que soit la détermination du Gouvernement à soutenir la construction de logements, il paraît essentiel que la réflexion chemine dans le cadre des travaux tendant à décliner sa politique en matière de taxes affectées. Le Premier ministre a confié au Conseil des prélèvements obligatoires le soin de conduire une mission générale sur ces dernières. Un rapport sera remis au Parlement avant l’été. C’est, me semble-t-il, dans ce cadre que la question du plafonnement des taxes spéciales d’équipement devra être abordée et pourra, si nécessaire, faire l’objet de dispositions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
    M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, je sais que vous n’y êtes pour rien, et je ne veux pas vous tourmenter, mais ce que vous me dites ne constitue en rien une réponse ! Vous me dites qu’on va faire un rapport… Mais où sommes-nous ? En plein délire bureaucratique !
    La région PACA est tout de même « tendue », pour reprendre le jargon que j’ai utilisé tout à l’heure, sur le plan du logement. Puisqu’il faut régulariser et unifier les modes de financement, que ne le fait-on ? Est-il besoin de rapports pour prendre une telle décision ? Si le Gouvernement ne veut pas le faire dans le cadre d’une loi sur le logement, qu’il le fasse dans le prochain projet de loi de finances !
    Personnellement, je ne me lasserai pas de poser la question, même si ce n’est sans doute pas vous, madame la ministre, qui me répondrez à chaque fois. Quoi qu’il en soit, j’estime que la réponse qui vient de m’être donnée est complètement irrecevable. Tel est le message que je veux faire passer.
    Pour un gouvernement qui se pique de réformes, il est vraiment absurde de ne pas régler les petites choses qui sont à sa portée !
    SITUATION DES COMMUNES ISOLÉES INTÉGRANT UNE COMMUNAUTÉ DE COMMUNES À FISCALITÉ ADDITIONNELLE

    M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 368, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
    M. Roland Ries. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation des communes isolées intégrant une structure intercommunale à fiscalité additionnelle et, plus particulièrement, sur le phénomène de double imposition au titre de la taxe d’habitation dont sont victimes les contribuables résidant dans ces communes.
    La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales prévoit l’achèvement de la carte intercommunale en juin 2013, imposant ainsi aux dernières communes isolées d’adhérer à un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, avant cette date. Certaines de ces communes isolées sont amenées à intégrer une structure intercommunale à fiscalité propre, selon le régime de la fiscalité additionnelle.
    L’adhésion de ces communes, au titre de la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, s’est produite concomitamment à l’instauration d’une autre réforme, celle de la fiscalité locale. La conséquence principale a été, dans les communes isolées rejoignant un EPCI après le 1er janvier 2011, une majoration de la taxe d’habitation des contribuables concernés.
    En effet, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale applicable à compter du 1er janvier 2010, la part départementale de la taxe d’habitation, du fait de la réforme de la taxe professionnelle, a été transférée du département au bloc communal. Cette part départementale est affectée, pour une part, à chaque commune membre d’un EPCI et, pour une autre part, à l’EPCI lui-même. En revanche, les communes isolées ne faisant pas encore partie d’un EPCI à cette date, percevaient alors l’intégralité du taux départemental de la taxe d’habitation et subissaient, parallèlement, un prélèvement au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR.
    Par la suite, l’adhésion de ces communes isolées à un EPCI, comme c’est le cas dans mon département pour la commune d’Urmatt, qui a rejoint la communauté de communes de la Vallée de la Bruche en janvier 2012, n’a pas été accompagnée d’une révision du mécanisme de compensation de la réforme des finances locales, comme si la fiscalité locale et l’achèvement de la carte intercommunale n’étaient pas étroitement liés. Dès lors, les habitants de cette commune isolée ayant rejoint un EPCI sont contraints de supporter deux fois la part départementale de la taxe d’habitation. En effet, le taux de la taxe d’habitation appliqué à ces contribuables se décompose en un taux communal, qui inclut la totalité du taux départemental, et un taux intercommunal, qui inclut une fraction du taux départemental.
    Cette situation fiscale baroque, qui n’avait pas, à l’époque, était repérée par le législateur, pose, comme vous pouvez l’imaginer, madame la ministre, de sérieux problèmes. D’une part, elle contribue à mettre en difficulté les élus locaux vis-à-vis de leurs concitoyens et, d’autre part, elle affecte l’image de l’intercommunalité. De ce fait, elle fragilise le consentement fiscal en grevant davantage le pouvoir d’achat des familles les plus modestes dans un contexte économique difficile.
    Parce que cette situation concerne, à ma connaissance, quelque 1 000 communes en France, dont cinq dans mon département, je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend prendre rapidement afin de la corriger.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé un problème que, en vous appuyant sur le cas de la commune d’Urmatt, vous nous avez permis de bien appréhender. Cela étant, bien d’autres communes connaissent aujourd’hui le même problème et nous en mesurons aujourd’hui les conséquences.
    En effet, du fait de la réforme de la taxe professionnelle, l’adhésion de communes isolées à des EPCI à fiscalité additionnelle entraîne une forte majoration des cotisations de taxe d’habitation des contribuables des communes en question.
    C’’est bien à la suite de vos interventions, que nous avons entrepris de régler ce problème. Nous travaillons aujourd’hui avec les services de Bercy pour essayer de trouver des solutions à une difficulté générale, que ces communes et leurs habitants sont susceptibles de rencontrer dans le cadre de l’achèvement de la carte intercommunale, la date butoir pour rejoindre une intercommunalité étant, vous l’avez rappelé, celle du 30 juin 2013.
    À ce jour, seules 59 communes restent encore isolées, mis à part les cas particuliers que constituent les communes de la petite couronne de Paris et des îles monocommunales maritimes. On pourrait donc penser que le problème est relativement circonscrit.
    À la suite du transfert au bloc communal des taux départementaux de taxe d’habitation, des taux de référence de taxe d’habitation communaux et intercommunaux ont dû être calculés pour 2011.
    Deux cas de figure se présentent.
    Pour les communes membres d’un EPCI à fiscalité additionnelle, le taux départemental de la taxe d’habitation a été ventilé entre la commune et l’EPCI.
    Pour les communes isolées, le taux de la taxe d’habitation pour 2011 a intégré la totalité du taux de taxe d’habitation du département.
    Ainsi, lorsqu’une commune isolée intègre un EPCI à fiscalité additionnelle, si chaque niveau de collectivité adopte des taux proches des taux de référence de 2011, la charge fiscale de taxe d’habitation pour le contribuable se trouve alourdie.
    Dans ces conditions et parce que, je le répète, nous avons bien mesuré les conséquences de cette situation sur les collectivités, mes services vont travailler avec ceux de Bercy pour trouver une solution.
    Il serait utile et opérant de travailler ensemble à l’élaboration d’un amendement qui serait introduit dans le projet de loi de finances pour 2014, car cette situation est effectivement insupportable pour les communes concernées et pour les citoyens qui y résident.
    M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
    M. Roland Ries. Madame la ministre, je me tiens évidemment à votre disposition pour travailler sur un amendement qui permettrait de résoudre ce problème important pour les communes concernées. Et, bien entendu, je transmettrai votre réponse aux maires du Bas-Rhin – Bas-Rhin « maintenu », si je puis dire ! (Sourires.) – qui m’ont interpellé à ce sujet.
    La conclusion qui s’impose au vu de cette situation est qu’il est indispensable de travailler selon une méthode de « transversalité législative » : le Parlement a en effet voté deux réformes – l’une sur la fiscalité locale, l’autre sur l’achèvement de la constitution des schémas intercommunaux – qui se sont en fait juxtaposées sans que personne, il faut bien le dire, mesure réellement les effets de cette conjonction.
    DIFFICULTÉS ET INCERTITUDES EN MATIÈRE DE DÉFENSE INCENDIE

    M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 317, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
    M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les incertitudes et les difficultés que rencontrent les collectivités locales et leurs groupements pour respecter leurs obligations relatives à la sécurité incendie.
    Les premières difficultés portent sur la répartition des compétences entre ces collectivités.
    En effet, la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a institué la police de la défense extérieure contre l’incendie, rappelant ainsi la responsabilité du maire en matière de lutte contre l’incendie. Cette compétence et le pouvoir de police spéciale qui y est associé sont transférables aux EPCI.
    Par ailleurs, les communes ont, dans de nombreux cas, transféré à des EPCI leur compétence en matière de gestion de l’eau sans pour autant transférer leur compétence en matière de lutte contre l’incendie. Or le respect des normes applicables en matière de lutte contre l’incendie, notamment en termes de débit, impose souvent dans les communes rurales un renforcement des réseaux, et cette action est liée à la compétence eau. Il en résulte des difficultés pour les maires responsables de la sécurité incendie quant au respect de leurs obligations en la matière dès lors qu’ils n’exercent plus la compétence de gestion de l’eau.
    Une autre source d’incertitudes tient au fait que le volet réglementaire de la réforme relative à la sécurité incendie, engagée voilà près de dix ans, n’est toujours pas parachevé. Or il s’agit d’un volet important puisqu’il doit préciser des normes aussi indispensables que les débits minimaux ou la capacité des réserves d’eau. La publication d’un décret relatif à l’aménagement et d’un référentiel national de défense extérieure a été reportée à plusieurs reprises par vos prédécesseurs. Ces textes sont plus que jamais attendus et réclamés par les associations d’élus.
    Je vous rappelle, madame la ministre, que le bureau de l’Association des maires de France avait donné un avis favorable sur le dernier projet de décret présenté par votre prédécesseur.
    Le changement de Gouvernement et la modification des périmètres ministériels semblent avoir imposé de nouvelles procédures, allongeant d’autant le retard pris dans la publication de ces textes.
    Les élus sont donc contraints soit de différer leurs projets, avec tous les risques qui en résultent en termes de responsabilité, soit, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour les collectivités, d’engager des travaux que l’on sait coûteux sans avoir la certitude qu’ils ne seront pas obligés de les revoir à terme.
    Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer dans quel délai sera pris le décret attendu et quelles seront ses conséquences en termes de charges financières pour les collectivités ? Par ailleurs, quelles sont les mesures qui pourraient être proposées pour répondre aux difficultés que rencontrent les collectivités lorsqu’il y a répartition, pour ne pas dire éclatement, de compétences et de responsabilités en matière de sécurité incendie entre des communes et des EPCI ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, retenu aujourd’hui à Alger par un sommet des ministres de l’intérieur, m’a demandé de vous assurer, comme il l’a fait lors de sa réponse à une question analogue de votre collègue M. Ambroise Dupont voilà quelques semaines, de sa volonté de mener à bien la réforme de la sécurité incendie, engagée depuis 2005.
    En matière de défense extérieure contre l’incendie, un cadre juridique nouveau a été fixé par l’article 77 de la loi du 17 mai 2011. Le décret d’application nécessaire est aujourd’hui prêt. Il a déjà reçu l’avis favorable de tous les organismes consultatifs concernés, en particulier la Commission consultative d’évaluation des normes. Le bureau de l’Association des maires de France a également apporté son soutien à ce projet. Le texte a été déposé devant le Conseil d’État en avril 2012, mais il n’a pu être examiné avant le changement de gouvernement. Comme vous l’avez indiqué, la réorganisation et la définition de nouveaux périmètres de compétences pour les ministères ont sans doute quelque peu retardé la publication du décret en question.
    Le ministre de l’intérieur a donc relancé la procédure d’adoption de ce décret dès l’été 2012.
    Avant la saisine du Conseil d’État, il était en effet nécessaire d’engager une nouvelle concertation avec les ministères concernés selon les nouveaux périmètres. Cette procédure arrive à son terme et ce décret sera très prochainement – je ne peux pas vous donner de date précise – présenté devant le Conseil d’État. Il pourra alors être rapidement publié.
    Par ailleurs, ce décret sera complété par un arrêté définissant le référentiel national de la défense extérieure contre l’incendie. Il s’agit d’un recueil des solutions techniques à la disposition des acteurs territoriaux.
    Sur le fond, la réforme engagée vise, comme vous le souhaitez, à définir plus clairement le rôle des différents acteurs locaux. La défense extérieure contre l’incendie est désormais une compétence transférable aux EPCI, sur la base du volontariat. Il en va de même du pouvoir de police administrative spéciale attaché à cette compétence, qui sera dévolu au président de l’EPCI. Cette compétence requiert des capacités techniques et juridiques complexes, d’où le caractère indispensable de l’arrêté.
    Il est en outre nécessaire de mieux distinguer les deux services publics de l’eau potable, d’une part, et de la défense contre l’incendie, d’autre part. La loi et le futur décret organisent cette répartition, notamment en matière de financement. Les interactions juridiques et techniques entre ces deux services seront précisées par le décret et le référentiel national à venir.
    Enfin, vous évoquez le problème du dimensionnement des réseaux d’eau potable, notamment en zone rurale. Vous estimez que les normes applicables en matière de défense contre l’incendie imposent un surdimensionnement de ces réseaux. Le ministre de l’intérieur tient à vous indiquer que des solutions techniques permettent de répondre à cette difficulté ; elles seront, bien sûr, privilégiées. La défense contre l’incendie n’est d’ailleurs pas uniquement alimentée par ces réseaux, mais également par des citernes ou des points d’eau naturels.
    La réforme impose l’organisation de partenariats plus étroits entre les différents acteurs locaux : les services départementaux d’incendie et de secours, les opérateurs des réseaux d’eau et les collectivités. Le ministre de l’intérieur y travaille selon une méthode à laquelle il est très attaché, celle du dialogue et de la concertation.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
    M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et je me réjouis de savoir que le décret sera publié « très prochainement », même si ces adverbes ne permettent pas véritablement de repérer une date sur le calendrier.
    En tout cas, ce décret doit effectivement être publié sans tarder. Il est attendu par les élus, et je suppose que les associations d’élus vous le rappellent régulièrement.
    Par ailleurs, ce décret ne devra pas imposer trop de normes supplémentaires. Aujourd’hui, tout le monde, y compris le Gouvernement, est conscient de la nécessité d’alléger les normes. Évitons donc tout excès de zèle en la matière. Nous le savons, les élus croulent sous les normes et sous les dépenses qu’elles impliquent, car leur application a un coût.
    Il est clair que, dans une période où les collectivités locales, notamment les communes, vont devoir supporter une baisse de leurs dotations, elles risquent de ne pas pouvoir financer des mesures de sécurité incendie trop coûteuses, quand bien même il est évidemment indispensable de pouvoir lutter efficacement contre les incendies.
    Enfin, madame la ministre, il faut trouver des solutions pour que l’action d’un maire ne soit pas freinée, lorsqu’il décide des mesures destinées à assurer la sécurité incendie, par le fait qu’il n’a plus de compétences en matière de gestion de l’eau. Sur le terrain, certains maires se heurtent parfois à cette difficulté et ne parviennent pas à obtenir le renforcement des réseaux parce que la compétence en question a été transférée à un syndicat ou à l’EPCI. J’espère que le décret en tiendra compte et sera extrêmement précis sur ce point.
    AMÉNAGEMENT DES VOIES SUR BERGES À PARIS

    M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 83, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
    M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, par cette question, attirer à nouveau l’attention du Gouvernement sur l’aménagement ou le réaménagement des voies sur berges au cœur de notre capitale.
    Sur la rive droite, il s’agit de couper le flux de circulation ; sur la rive gauche, les voies sur berges ont été purement et simplement fermées. Or ces voies connaissaient un trafic automobile de l’ordre de 30 000 véhicules par jour, et jusqu’à 4 000 véhicules par heure. Tous les Parisiens, tous ceux qui sont concernés par l’activité économique de la capitale connaissent ces chiffres.
    La première motivation de cet aménagement répond à des raisons de bien-être et d’écologie. Or, dans la pratique, nous enregistrons des pics de pollution depuis la mise en place du dispositif. D’ailleurs, les sondages montrent que 70 % à 80 % des Parisiens sont hostiles à cet aménagement.
    Au-delà du souci écologique, il convient de se demander qui paie l’aménagement des voies sur berges ? Or le financement repose sur l’effort unique de la municipalité, alors que ces voies sont empruntées par de très nombreux citoyens franciliens. Leur aménagement devrait donc relever de la compétence de la région.
    Je suis partisan d’un aménagement des voies sur berges et des abords du fleuve, comme cela s’est fait dans toutes les grandes capitales européennes ou dans toutes les villes françaises traversées par un fleuve. Il n’est évidemment pas envisageable de conserver l’infrastructure routière qui remonte à près d’un demi-siècle.
    Pour autant, cet aménagement doit être conduit dans la concertation, en bonne intelligence. Or la concertation n’a pas eu lieu. Le maire de Paris avait exprimé sa volonté d’aménagement, mais compte tenu de l’insuffisance des études d’impact, le gouvernement Fillon avait purement annulé ce projet ou en avait au moins reporté la mise en œuvre. C’est votre gouvernement qui a autorisé, ou sollicité, l’aménagement des voies sur berges.
    Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui, monsieur le ministre. Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur des affaires concernant le Grand Paris. Mais il est vrai que c’est un domaine où les décisions sont prises parfois par le Premier ministre, parfois par le ministre des finances, par exemple en ce qui concerne la taxe spéciale d’équipement.
    À la vérité, aujourd’hui, je m’attendais à voir le ministre de l’intérieur me répondre, car Paris est une ville particulière, où les pouvoirs de police du maire – vous avez été maire, vous connaissez donc bien la nature du mandat municipal – sont détenus non pas par le maire de Paris, mais par le préfet de police, et que celui-ci dépend uniquement et strictement du ministre de l’intérieur. Or M. Valls s’est exprimé tout récemment, le 16 février, dans un quotidien parisien – c’est un peu notre quotidien régional à nous – en expliquant, à propos de cet aménagement, qu’il s’agissait d’une aberration !
    Monsieur le ministre, qu’a fait le Gouvernement depuis le 16 février ? Que s’est-il passé depuis que le ministre de l’intérieur, patron direct du préfet de police, a déploré la perturbation quotidienne qui résulte pour la capitale de l’aménagement des voies sur berges ? Où en sommes-nous ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir exprimé votre satisfaction de me voir ici présent et de pouvoir m’interpeller. Sachez que cette satisfaction est réciproque, votre question me donnant l’occasion de pouvoir m’exprimer sur le thème de la mobilité et sur l’ambition que nourrissent différentes villes, dont Paris, de reconquérir les berges du ou des fleuves qui les traversent.
    Paris est une ville mondialement reconnue pour son patrimoine, son histoire, sa grandeur. Dès lors, il importe de pouvoir y concilier son image, les différents modes de transport et l’aménagement de l’environnement urbain. Cette finalité est souhaitée par les citoyens et recherchée par la puissance publique.
    Comme vous le soulignez, la modernisation des infrastructures doit prendre en compte à la fois les différents usages – qui peuvent entrer en conflit – et la nécessité de faciliter l’accès à un certain nombre de quartiers, tandis qu’une réflexion doit être conduite sur les transports plus vertueux. À cet égard, le fluvial peut, lui aussi, être une source de développement.
    Nous n’avons pas fini de réinventer l’usage de la ville et de repenser les modes de transport urbains. De ce point de vue, la capitale est un vrai laboratoire, et je tiens à saluer les initiatives qui sont prises par sa municipalité, par son maire, qui a une vraie vision, qui a l’ambition de redonner toute sa splendeur à cette ville qui est pour nous source de fierté.
    Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les aménagements en cours. Mon intention n’est pas de faire le point sur l’évolution de ce chantier, mais je vous rappelle que la fermeture des quais bas de la rive gauche date du 28 janvier dernier et qu’il est prévu de réaliser un certain nombre d’aménagements flottants. L’ouverture du site au public, à partir de juin 2013, est très attendue : elle donnera une perspective estivale agréable aux visiteurs, mais également aux habitants de Paris, qui pourront bénéficier d’une amélioration de la qualité de leur environnement.
    Je tiens à vous signaler, puisque vous avez abordé la question des compétences, que tout ce qui concerne l’aménagement urbain et l’urbanisme relève bien entendu de la Ville de Paris. D’ailleurs, les bords de Seine appartiennent à son réseau. Sur ces sujets, ce n’est donc pas l’État que vous devez interpeller !
    En revanche, l’État a la charge de la réglementation, notamment celle de la circulation routière. Dès lors, la préfecture de police est dans son rôle lorsqu’il s’agit de la réglementation.
    Vous avez évoqué les conséquences de ces aménagements.
    Un certain nombre d’études ont été réalisées. Des sondages et des comptages effectués en temps réel indiquent, par exemple, que la répercussion du réaménagement des berges de la Liane sur les temps de parcours est faible : entre une et trois minutes ; cela dépend évidemment des heures de circulation.
    Sur la pollution atmosphérique, vous avez raison de souligner que nous avons beaucoup d’efforts à faire. D’ailleurs, je vous rappelle que la France risque d’être condamnée en manquement en raison de l’inaction de nos prédécesseurs. Pour que l’on ne nous accuse pas de ne pas répondre à nos engagements européens, avec l’ensemble des membres du Gouvernement, Delphine Batho et moi-même sommes en train de mettre en place un véritable dispositif pour l’amélioration de la qualité atmosphérique.
    Vous appelez de vos vœux la mutualisation des espaces et des voiries. Dans toutes les agglomérations, les villes-centres sont toutes confrontées au problème d’une voirie qui leur appartient mais qui est empruntée par des usagers habitant hors de leur territoire. Il va de soi que Paris n’échappe pas à phénomène ; c’est même le contraire qui serait surprenant !
    Vous dites qu’il s’agit d’un enjeu de voirie régionale. Mais la région n’a pas de compétence routière ni de domaine public routier ! À moins que vous n’amendiez en ce sens le texte sur la décentralisation qui sera bientôt soumis à votre examen… Du reste, vous êtes en deçà de la réalité puisque, à voir qui sont les usagers des voies sur berges, la responsabilité devrait être d’ordre national, voire international !
    Les voies concernées relevant du domaine public communal, c’est à la collectivité qu’il appartient de mobiliser la population pour que l’ambition de redonner tout son faste à l’environnement urbain et d’améliorer la qualité du cadre de vie parisien devienne un objectif partagé.
    Monsieur Dominati, je ne doute pas que, dans quelques semaines, vous assisterez à l’inauguration de ces aménagements et que vous applaudirez avec le public, qui sera enthousiasmé par cette transformation qui va dans le sens d’une reconquête de la ville. (M. André Gattolin applaudit.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
    M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question précise, à laquelle j’attendais une réponse précise. Au lieu de cela, vous me donnez l’impression de lire la plaquette de présentation du maire de Paris ! (Sourires.)
    Vous me dites que ce dernier a une vision, qu’il a une ambition. Il a surtout l’ambition de partir à la retraite, lui qui est en poste depuis douze ans, puisque nous savons qu’il ne va pas se représenter.
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Méfiez-vous ! Ne le poussez pas trop ! (Nouveaux sourires.)
    M. Philippe Dominati. Je vous pose une question précise, et vous semblez presque me lire un programme électoral… Monsieur le ministre, étant tous deux engagés en politique, nous savons tous deux ce qu’il en est !
    Vous ne l’ignorez pas, la région d’Île-de-France investit dans des infrastructures routières : on couvre le périphérique, on couvre des voies d’autoroute dans des départements limitrophes de Paris et, à cinquante mètres de Notre-Dame, on ne serait pas capable à la fois d’aménager le site et de préserver l’activité économique de la capitale en aménageant des voies rapides couvertes ? On fait un projet « à l’économie » ! Certes la somme en jeu n’est pas négligeable, mais elle n’est rien au regard des 2,5 kilomètres à aménager de part et d’autre du fleuve !
    L’État devrait intervenir. Vous affirmez qu’il n’en a pas les pouvoirs. Pourtant, vous disposez bien du pouvoir de réglementation ! De surcroît, dans ses pouvoirs de police, le préfet relève bien du ministre de l’intérieur. Et celui-ci fait une grande déclaration dans un journal parisien pour critiquer cet aménagement. Depuis, qu’a fait le Gouvernement ? Rien !
    Vous me parlez d’aménagements flottants, de remise en valeur de la Seine. Mais, à peine élu, il y a douze ans, le maire de Paris avait déjà dit qu’il s’attaquerait à l’axe de la Seine.
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Oui !
    M. Philippe Dominati. Et, il y a encore plus longtemps, quand M. Huchon est arrivé à la tête de la région, lui aussi a promis de s’occuper de la Seine. Une société mixte a même été créée à cette fin. Elle a fait faillite il y a un an et nous sommes aujourd’hui obligés de la renflouer !
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Et le fret fluvial ?
    M. Philippe Dominati. Voilà dix ans que le projet capote régulièrement…
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non !
    M. Philippe Dominati. … et vous me parlez d’une ambition nouvelle !
    Monsieur le ministre, il n’y a pas que les aménagements qui soient flottants : la position du Gouvernement sur le sujet l’est tout autant ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    Il ne sert à rien que le ministre de l’intérieur fasse semblant de critiquer le projet dans la presse en disant que l’activité économique est en danger à Paris si un autre membre du Gouvernement nous invite à l’inauguration et nous promet que nous serons ravis ! Non, monsieur le ministre, je ne suis pas ravi, et les Parisiens ne le sont pas non plus !
    M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. On verra !
    M. Philippe Dominati. Prenez une position ferme et faites entendre votre voix sur les sujets parisiens, dont je sais qu’ils vous intéressent. Vous qui avez été élu local, ne laissez pas les choses se faire au petit bonheur la chance, à un an des élections, alors que la majorité municipale est en place depuis douze ans !
    PLAN DE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DES AUTOMOBILES ÉLECTRIQUES

    M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 181, adressée à M. le ministre du redressement productif.
    M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raréfaction des énergies fossiles implique que les différents acteurs, aussi bien l’État que les entreprises et les particuliers, se préparent à changer d’habitudes et de comportement, en particulier dans le domaine du transport individuel.
    C’est dans ce contexte de mutation et de difficultés de l’industrie automobile classique que, voilà tout juste un mois, le 83e salon de l’automobile de Genève ouvrait ses portes.
    Force est de constater que l’industrie automobile est enfin entrée dans le tourbillon de l’électrique : de nombreuses marques proposent des modèles, essentiellement de petite taille, à commencer par Renault, avec la Zoé. Certes, il convient, dans le même temps, d’évoquer le dépôt de bilan annoncé hier par Heuliez, qui n’a pas pu, en 2012, écouler plus de 700 de ses véhicules électriques Mia.
    En 2012, 5 660 véhicules électriques ont été vendus, représentant 0,3 % du marché français, et jusqu’à 1,75 % si l’on inclut les voitures hybrides, soit tout de même deux fois plus qu’en 2011. Mais, dans l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, ce ne sont que 24 203 véhicules complexes électriques qui ont été commercialisés, soit 0,21 % du total des ventes. Or la flotte de véhicules européenne est très ancienne et son renouvellement, eu égard à la lutte contre les émissions de CO2, devient urgent.
    Malgré les mesures prises pour relancer les ventes de voitures par le biais de primes à l’achat de véhicules hybrides et électriques, dont la production devra être localisée en France, la demande ne semble pas encore être au rendez-vous.
    Alors même que la prise de conscience d’une nécessaire nouvelle approche du transport se fait jour, à l’heure de la hausse continuelle des prix du carburant et aux préoccupations économiques et écologiques partagées par tout un chacun, quelles sont les causes de ce peu d’appétence pour le combustible alternatif qu’est l’électrique ? S’agit-il des problèmes d’autonomie, du prix d’achat du véhicule, des frais de réparation et d’entretien, de l’achat ou de la location des batteries ? S’agit-il du faible nombre de bornes, le risque de panne par manque de bornes de recharge étant régulièrement évoqué ?
    À propos des bornes, il faut bien remarquer que celles qui sont d’ores et déjà installées le sont essentiellement en milieu urbain. La recharge ne pouvant se faire que sur des bornes dédiées ou via des prises spécifiques installées chez le particulier, le plein d’énergie demande près d’une heure sur une borne publique, mais six à sept heures à domicile ! Il n’existerait que 1 473 bornes sur notre territoire, dont beaucoup sont en panne ou peu opérationnelles. Mon département de l’Aisne n’en compterait même pas du tout !
    Réagissant au très faible niveau de vente des premiers modèles enregistré en 2012, les constructeurs déplorent le manque de bornes, qui pourrait expliquer ces débuts difficiles. Comment l’objectif, fixé en 2009, de 400 000 bornes pour 2020, pourra-t-il être atteint, alors même que les prévisions tablent sur à peine 3 000 bornes en accès public par an ?
    Il convient donc que les États, les villes et les constructeurs coopèrent afin que les infrastructures nécessaires soient mises en place. Alors même que le véhicule électrique représente un vaste marché, sur lequel le Gouvernement a parié en faisant de sa construction une priorité, il ne faudrait pas que l’offre faite aux consommateurs voie sa diffusion freinée par manque d’alimentation.
    Si la France paraît actuellement faire figure de proue dans le développement de l’électrique, il est bien évident que des coûts d’usage et de maintenance inférieurs à ceux des véhicules thermiques seront les déclencheurs d’une utilisation de masse du véhicule électrique. C’est ainsi que nous relèverons ce défi !
    Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un état des lieux des mesures de déploiement des bornes dédiées, au-delà du plan automobile présenté en juillet 2012 et du lancement de la mission Hirtzman le 3 octobre dernier ? Pouvez-vous également nous faire connaître la position du Gouvernement sur la situation d’Heuliez ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
    M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre du redressement productif, retenu ce matin par le comité stratégique de la filière mode et luxe, à Paris.
    Avec le plan automobile présenté le 25 juillet 2012, le Gouvernement s’est vigoureusement engagé pour promouvoir le véhicule électrique.
    L’État et ses opérateurs montrent ainsi l’exemple en consacrant 25 % des achats de véhicules aux véhicules électriques ou hybrides rechargeables, cette part étant portée à 100 % pour les véhicules urbains.
    Le développement du marché des véhicules électriques a été accéléré, en augmentant de 2 000 euros le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique, qui a été porté à 7 000 euros.
    Les premiers résultats de cette politique ambitieuse sont d’ores et déjà perceptibles : dans un marché automobile français malheureusement en baisse de près de 14 %, les ventes de véhicules électriques ont vu leurs ventes multipliées par deux, qu’il s’agisse des véhicules particuliers ou des camionnettes, qui totalisent respectivement 5 663 et 3 651 unités vendues l’an dernier, contre 2 630 et 1 683 en 2011. Sur les deux premiers mois de l’année 2013, 898 véhicules particuliers et 874 véhicules utilitaires légers électriques ont été immatriculés, soit 1 772 au total, confirmant la progression de 2012. Cette croissance devrait se prolonger, portée par l’arrivée de nouveaux modèles de Renault – Zoé – et PSA –Berlingo et Partner.
    Par ailleurs, pour accompagner les initiatives des collectivités territoriales, auxquelles les lois Grenelle ont confié la compétence pour le déploiement d’infrastructures de recharge, l’État a lancé en janvier 2013 un nouvel appel à manifestation d’intérêt, doté de 50 millions d’euros sur les fonds du programme d’investissements d’avenir, et ouvert à toutes les régions, départements, groupements de villes et communautés d’agglomération de plus de 200 000 habitants pour implanter davantage de bornes de recharge ouvertes au public.
    Au 1er avril 2013, ce sont 6 500 prises de recharge qui sont implantées en France, contre 1 800 en juillet 2012.
    Les premiers projets régionaux ou départementaux sont en cours de formalisation. Ils laissent espérer l’installation de 8 000 prises de recharge avant la fin de l’année.
    Nous souhaitons, vous le savez bien, accélérer le développement de ces initiatives et sommes fortement mobilisés pour que ces résultats soient encore plus spectaculaires en 2013. Nous y travaillons avec l’ensemble des acteurs publics et privés.
    M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
    M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne me satisfasse pas totalement.
    J’ai élaboré ma question voilà six mois mais elle reste d’une brûlante actualité. Entre-temps, le 6 février dernier, s’est tenue une réunion à la Caisse des dépôts et consignations autour du coordinateur du réseau des infrastructures de charge et de la responsable du programme « véhicule électrique du futur » de l’ADEME. Son objectif, vous l’avez rappelé, était de présenter aux collectivités locales les dispositifs de déploiement des infrastructures de recharge.
    L’aide de 50 millions d’euros que vous avez évoquée a été mise en œuvre et se révèle bienvenue. Elle est de 50 % pour les bornes à charge normale et de seulement 30 % pour les charges rapides. Pourtant, ce sont ces dernières qui seraient les plus efficaces sur le domaine public.
    Enfin, n’a pas été abordée la question cruciale de l’incapacité des constructeurs européens de s’entendre sur un standard de recharge commun. Je vous demande de bien vouloir transmettre ce message à M. Montebourg, afin qu’il relaye ces inquiétudes auprès de Bruxelles, dans la perspective d’une uniformisation à laquelle la Commission doit, me semble-t-il, réfléchir.
    Il paraît en effet que la recommandation s’oriente vers la prise allemande de « type 2 », qui est interdite en France pour des raisons de sécurité, liées à l’obligation d’obturateur.
    L’avancement de ce dossier est donc loin d’avoir trouvé sa vitesse de croisière. Je compte sur l’action du Gouvernement pour aider au déploiement envisagé.
    SUPPRESSION DES AIDES FINANCIÈRES EXTRA-LÉGALES POUR LES PERSONNES BÉNÉFICIANT DE L’ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

    M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 412, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
    M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, cette question va peut-être vous paraître d’un intérêt très local.
    Président, depuis vingt-cinq ans, du conseil de surveillance d’un hôpital psychiatrique situé dans une ville moyenne de 10 000 habitants, je considère comme une chance le fait que nous ayons pu, avec la municipalité et de nombreuses associations, réaliser plus de 140 logements permettant aux personnes handicapées de ne pas rester à l’hôpital et de continuer à vivre dans la société civile.
    J’ai donc été très ému quand j’ai appris qu’était envisagée la suppression des aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
    En effet, il semblerait que la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin ait décidé de supprimer les aides financières à compter du mois de juillet 2013 pour les personnes titulaires de l’AAH, aides qui sont destinées à apporter un soutien dans la vie courante de ces personnes : aide ménagère, aide aux courses, etc.
    Cette décision aurait de nombreuses conséquences aussi bien pour les usagers que, en termes financiers, pour les associations.
    Les associations qui prennent en charge des personnes présentant des troubles psychiques dans le cadre de la réinsertion par le logement proposent un service d’aide ménagère permettant de les maintenir à domicile, ce qui évite souvent les réhospitalisations.
    La suppression de ces aides fragiliserait un peu plus ces personnes pour qui le handicap psychique est une difficulté dans le maintien de l’autonomie. Cette perte risque d’accentuer leur isolement social. À terme, ces personnes ne pourront pas être maintenues à domicile ; elles risquent de rechuter et d’être réhospitalisées.
    Le coût de ces réhospitalisations sera bien évidemment supérieur à celui des aides dont elles bénéficiaient jusqu’à maintenant.
    En outre, ces associations, qui n’auront plus les financements nécessaires, devront éventuellement licencier une partie de leur personnel.
    Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend maintenir la suppression de ces aides financières extra-légales pour les personnes bénéficiant de l’AAH.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
    M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, qui, dans l’impossibilité d’être présente ce matin, m’a demandé de vous répondre.
    Je tiens tout d’abord à préciser que les aides extra-légales que les caisses primaires d’assurance maladie dispensent relèvent de leur action sanitaire et sociale et sont, à ce titre, de la compétence locale.
    Le Gouvernement ne supprime en aucun cas des aides qu’il n’a pas la charge d’accorder ni de cibler.
    L’amélioration de l’accès aux soins de tous, en particulier des personnes handicapées, est au cœur de l’action gouvernementale. Elle s’est traduite dans les faits par l’augmentation de 7 % du plafond de l’éligibilité à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, inscrite dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Cette augmentation permettra, à terme, de couvrir 750 000 personnes de plus par la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et l’aide à la complémentaire santé, l’ACS. Parmi ces 750 000 personnes, au moins 100 000 sont aujourd’hui bénéficiaires de l’AAH et pourront ainsi bénéficier d’une aide supplémentaire à l’accès aux soins.
    À cet égard, l’initiative de la CPAM du Bas-Rhin s’inscrit dans la ligne que le Président de la République a fixée de « généralisation de la couverture complémentaire à tous les Français » lors du congrès de la mutualité d’octobre 2012. Elle complète, en quelque sorte, la mesure nationale du plan de lutte contre la pauvreté en majorant, via des aides extra-légales, le soutien financier apporté aux bénéficiaires de l’ACS et de la CMU-C.
    Les personnes handicapées sont aujourd’hui plus nombreuses à bénéficier d’une complémentaire santé. Le Gouvernement reste par ailleurs extrêmement attentif à ce que l’accès aux soins, à la fois pour la santé et l’aide à la vie quotidienne des personnes handicapées s’améliore, dans le cadre du droit commun.
    La CPAM du Bas-Rhin a veillé à appliquer un temps de transition dans le « reciblage » de ses aides extralégales en faveur d’une généralisation de la mutualisation, qui couvrira aussi les bénéficiaires de l’AAH. Par ailleurs, ces derniers peuvent cumuler l’AAH avec la prestation de compensation du handicap, la PCH, que leur handicap soit psychique ou non. Nous serons très attentifs à ce que la qualité de prise en charge ne diminue pas pour ces personnes.
    M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
    M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, votre réponse étant très technique, je l’analyserai en détail ultérieurement pour savoir si elle est satisfaisante. (Sourires.)
    Vous dites que les aides dépendent de la caisse primaire d’assurance maladie locale et non du Gouvernement. Certes, mais toutes les aides qui relèvent du domaine social se retrouveront dans le domaine sanitaire, qui relève bien, lui, du Gouvernement. Il faut donc bien veiller à maintenir un équilibre en la matière.
    INTERDICTION DES FEUX DE CHEMINÉE

    M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 328, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
    M. Alain Gournac. Madame la ministre, un bruit, qui n’était pas celui d’une bûche dans l’âtre, est parvenu à mes oreilles, un bruit selon lequel il serait désormais interdit aux Français de faire ce que mon père appelait une « flambée », autour de laquelle la famille se retrouvait…
    J’observe un vif émoi chez les Franciliens, je rencontre des habitants du Pecq, ville dont je fus longtemps maire, qui m’interpellent : « Est-il vrai, monsieur le sénateur, que l’on va nous empêcher de faire des feux dans nos cheminées à partir de 2015 ? » Bien sûr, j’émets les plus grands doutes, mais je les assure que, faute d’éléments d’information précis, je me renseignerai.
    Voilà pourquoi, aujourd’hui, madame la ministre, je m’adresse à vous : pour obtenir ces informations.
    Croyez-moi, au moment où l’on met tous les repères par terre, beaucoup de Français, dans mon département ou ailleurs, veulent acheter une maison avec une cheminée ; et s’il n’y en a pas, la première chose qu’ils font en prenant possession de leur maison est d’en faire installer une. Alors, allez donc leur expliquer qu’ils n’auront plus le droit, à partir de 2015, de faire un feu de cheminée à « foyer ouvert », que seuls les feux de cheminée à « foyer fermé » seront autorisés !
    Madame la ministre, franchement, où est le danger de la « flambée » ? Comme moi, les Français ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement veut leur interdire ce petit plaisir qu’ils s’accordent à la saison froide ou lorsque les nuits sont encore fraîches.
    En tant que modeste législateur, je me demande comment mes engagements pourront être crédibles si je dois annoncer à mes concitoyens qu’ils ne pourront plus faire de feux de cheminée et que la famille devra désormais se rassembler autour du radiateur électrique ! (Sourires.) Cela me paraît aberrant !
    Bien sûr, je souhaite que la santé publique soit préservée. Mais croyez-vous vraiment que les particules qui s’échappent d’une cheminée nuisent de manière si décisive à notre santé ?
    Enfin, cette interdiction a été décidée en catimini, sans aucune publicité ; je lis toute sorte de documents, et je n’en ai trouvé trace nulle part. Ce n’est pas correct ! Il faut respecter les Français !
    Madame la ministre, je sais que vous êtes très attentive à tout cela. Par conséquent, j’écouterai votre réponse avec beaucoup d’intérêt.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je veux vous répondre de la façon la plus franche.
    Bien sûr, tout le monde apprécie un feu de bois dans la cheminée, mais il se trouve que 60 % de la population de notre pays est exposée à une qualité de l’air dégradée, dont les effets sur la santé sont désormais avérés : irritations, allergies, asthme, insuffisances respiratoires graves, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers…
    Selon une étude de la Commission européenne, la pollution par les particules serait à l’origine d’environ 42 000 décès prématurés par an en France.
    En outre, notre pays accuse un retard important dans le respect de la directive européenne sur la qualité de l’air de 1996. Nous sommes sous la menace d’une condamnation lourde de la Commission européenne.
    C’est un fait : les vieux appareils de chauffage au bois et les foyers ouverts sont fortement émetteurs de particules. Les flambées dans les foyers ouverts représentent ainsi 27 % des émissions de particules dans l’air en Île-de-France.
    Il y a là des leviers importants pour réduire significativement ces émissions, sans perte de confort. Je rappelle qu’un foyer ouvert émet six à huit fois plus de particules qu’un foyer fermé à l’aide d’un insert. Une chaudière à bois émet jusqu’à quinze fois moins de particules qu’une cheminée ouverte.
    Voilà pourquoi les services de l’État en charge de l’élaboration du plan de protection de l’atmosphère pour l’Île-de-France ont proposé, après concertation – car il y a eu concertation, monsieur le sénateur –, des mesures visant à limiter les émissions de particules dues aux équipements de combustion individuels du bois. Ce plan, approuvé par arrêté interpréfectoral le 25 mars 2013, prévoit ainsi l’interdiction totale de l’utilisation des foyers ouverts à compter du 1er janvier 2015 en zone sensible.
    Je vous signale que le préfet de région d’Île-de-France avait déjà interdit, en 2007, l’utilisation des foyers ouverts, sauf pour l’appoint et l’agrément.
    À Paris, la combustion du bois sera totalement interdite, sauf dérogation par arrêté préfectoral. Dans la zone sensible, hors Paris, seront autorisées les cheminées à foyer fermé par un insert ou un poêle performant, c’est-à-dire doté d’un bon rendement énergétique, ce que l’on appelle « qualité flamme verte ».
    Le remplacement des équipements de plus de quinze ans par des installations performantes sera recommandé et encouragé.
    J’ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l’air et ont fait l’objet d’une ample concertation avec l’ensemble des associations et des partenaires de la politique de l’État en matière d’amélioration de la qualité de l’air.
    M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
    M. Alain Gournac. Madame la ministre, j’apprécie votre franchise. Cette qualité est importante pour répondre à ce genre de questions.
    Pourriez-vous demander à vos services de rédiger une brève note pour expliquer cela à mes Alpicois et aux habitants de nos campagnes des Yvelines. Sinon, ils vont se dire que leur sénateur est fou ! (Sourires.)
    Bien sûr, il va falloir aussi mettre en place une police des foyers ouverts, chargée de surveiller les toits et de vérifier que la fumée sortant des cheminées est bien verte ! (Sourires.)
    Moi, madame la ministre, je proteste !
    Je ne conteste pas du tout la nécessité de protéger la santé de nos concitoyens, mais sincèrement il est aussi important de pouvoir se retrouver en famille, que ce soit à la campagne ou près de Paris, autour d’une flambée. Dans la famille Gournac, c’était comme ça ! Et ce n’est pas vraiment pour se chauffer qu’on fait un feu dans la cheminée, d’autant que, la plupart du temps, l’habitation possède un vrai système de chauffage !
    Décidément, je trouve tout à fait déplaisante cette idée de supprimer le droit de faire du feu dans la cheminée. On ne peut pas continuer à revenir ainsi sur tous nos repères, notre mode de vie. Après s’en être pris au camembert au lait cru, qui ne présentait pas, paraît-il, toutes les garanties d’hygiène, voilà qu’on s’en prend aux bûches qui flambent dans les cheminées ! Les Français perdent pied et ne croient plus du tout que les politiques soient capables de prendre les bonnes décisions.
    Madame la ministre, je sens que vous brûlez d’envie de répondre à ma réponse, mais je ne suis pas sûr, monsieur le président, que notre règlement le permette… (Sourires.)
    M. le président. Madame la ministre, si vous le souhaitez, je peux vous redonner la parole, pour un retour de flamme ! (Nouveaux sourires.)
    Mme Delphine Batho, ministre. Je ne veux pas déroger au règlement du Sénat, mais puisque vous m’y autorisez, monsieur le président…
    Je comprends parfaitement ce que vous dites, monsieur le sénateur, mais nombre d’habitants de l’Île-de-France sont préoccupés par les problèmes de pollution, notamment par les bronchiolites des enfants. Il faut donc faire un véritable travail de pédagogie sur cette question.
    Grâce à cette mesure, les émissions de particules du secteur résidentiel pourraient être très sensiblement réduites. Il s’agit donc d’une mesure efficace.
    Si elle ne doit entrer en application qu’en 2015 et non en 2013, c’est précisément pour nous laisser le temps de fournir des explications et de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement. Ainsi, le remplacement d’un foyer ouvert par un foyer fermé de même que les évolutions que j’ai évoquées concernant les poêles à bois seront éligibles au crédit d’impôt développement durable.
    MESURE DE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

    M. le président. La parole est à M. André Gattolin, auteur de la question n° 352, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
    M. André Gattolin. Madame la ministre, la pollution de l’air est un sujet majeur de santé publique, comme vous venez de l’indiquer. Différentes études scientifiques, dont celle de l’Organisation mondiale de la santé, montrent qu’elle est la cause directe ou indirecte de 42 000 décès par an en France.
    Face à ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur, différentes mesures ont été prises. Ainsi sont nés en 1998 les plans de protection de l’atmosphère, déclinaison française de dispositions européennes concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant.
    Vous-même avez déclaré vouloir prendre des mesures permettant de limiter la circulation des automobiles en cas de pic de pollution. Or, quelles que soient les dispositions existantes ou à venir, elles s’appuient toutes sur la mesure de la qualité de l’air. Cette mesure repose actuellement sur un réseau national de surveillance de la qualité de l’air composé d’associations indépendantes.
    Dans la région d’Île-de-France, par exemple, c’est l’Association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, Airparif, qui est chargée de cette surveillance. Cette structure, comme ses homologues des autres régions, permet d’avoir une information quotidienne sur l’état de l’air et de prendre ainsi les mesures nécessaires à la protection de nos concitoyens.
    Dans les Hauts-de-Seine, département où je suis élu, AIRPARIF dispose actuellement de cinq stations de mesure. Récemment, la municipalité d’Issy-les-Moulineaux a déclaré ne plus vouloir de station de mesure sur son territoire. La cause de cette décision semble tenir à l’image négative donnée par l’existence d’un tel équipement ou, en tout cas, par les résultats qu’il produit. Dans le même temps, le conseil général des Hauts-de-Seine a décidé de ne plus verser les 80 000 euros de subvention annuelle qu’il attribuait à AIRPARIF, prétextant des contraintes budgétaires liées au gel des dotations de l’État et estimant également que sa contribution financière n’était pas déterminante.
    Madame la ministre, si ces comportements sont suivis par d’autres collectivités locales, toute politique de protection de l’atmosphère pourrait être vouée à l’échec. Pourtant, il serait important pour la santé de nos concitoyens que, dans les villes de plus de 50 000 habitants ou de taille plus réduite mais abritant sur leur territoire des installations industrielles ou situées dans une zone de trafic routier intense, il soit impossible pour les élus locaux de s’opposer à l’installation d’une station de mesure de la qualité de l’air.
    Compte tenu des positions récemment adoptées par certaines collectivités locales, quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, afin d’éviter que l’ensemble du système de mesure de la pollution de l’air ne soit remis en cause pour des raisons budgétaires ou… tactiques ? Est-il possible de concevoir l’obligation d’une garantie pluriannuelle de financement ?
    Enfin, n’est-il pas nécessaire d’imposer aux villes refusant la présence de stations de mesure de la qualité de l’air sur leur territoire, afin de ne pas avoir un « thermomètre » permettant de constater une pollution trop élevée dans leurs rues, l’installation et le maintien de telles stations ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, la pollution de l’air est en effet un enjeu de santé publique majeur. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’augmenter le budget destiné à financer les actions d’amélioration de la qualité de l’air de 18 % en 2013, notamment le budget des associations, ce qui, dans un contexte budgétaire contraint, est un effort significatif.
    En outre, j’ai présenté, le 6 février dernier, un plan d’urgence pour la qualité de l’air prévoyant un certain nombre de mesures d’ordre public environnemental.
    La mesure en continu de la qualité de l’air est bien sûr un outil indispensable à la politique de l’État et des collectivités. Le réseau de stations de surveillance fixes ou mobiles doit respecter des critères stricts, qui sont fixés par les directives européennes.
    En France, ce sont les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, auxquelles je rends hommage, comme Airparif en Île-de-France, qui sont chargées, pour le compte de l’État et des pouvoirs publics, de la mise en œuvre des moyens de surveillance et de l’information du public en cas de dépassement des seuils de pollution, ce qui est arrivé assez fréquemment depuis le début de l’année.
    Depuis plusieurs années, le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air vérifie que le réseau national est bien maillé et conforme à la directive européenne.
    Les dernières expertises menées en 2011 et 2012 ont établi qu’il existait suffisamment de stations de mesure fixes en France, mais qu’il pourrait être utile de développer des stations de mesure mobiles.
    Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les stations fixes sont généralement situées sur le domaine public et sont donc soumises à autorisation de la collectivité territoriale concernée.
    Vous évoquez la station d’Issy-les-Moulineaux, exploitée par Airparif depuis 1991. La ville d’Issy-les-Moulineaux a souhaité disposer des lieux en 2009, et la convention de mise à disposition du local n’a pas été reconduite par la communauté d’agglomération Arc de Seine, devenue Grand Paris Seine Ouest.
    La communauté a lancé une procédure de contentieux à l’égard d’Airparif, qui s’est vu assigner pour occupation illégale par le tribunal administratif de Cergy et mis en demeure avec astreinte journalière. Airparif a donc décidé d’opter pour un autre emplacement.
    D’autres communes des Hauts-de-Seine ont émis le souhait d’accueillir la station, comme Clamart, mais le choix final pourrait se situer dans le 15e arrondissement, à proximité d’Issy-les-Moulineaux, dans une configuration similaire.
    La station d’Issy-les-Moulineaux sera fermée en 2013, et, dans l’attente d’une solution nouvelle, la surveillance de la qualité de l’air sera assurée dans cette zone grâce à la complémentarité entre les stations de mesure et la modélisation permettant d’évaluer la pollution en tout point du territoire.
    Quant au financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, il est régi par le code de l’environnement, qui prévoit un financement tripartite : subventions de l’État et des collectivités, contributions des industriels.
    Le soutien de l’État a été constant. L’augmentation, depuis 2010, de la quotité de certains polluants de la TGAP – taxe générale sur les activités polluantes – que les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air peuvent récupérer en partie sous forme de dons des industriels, leur permet de voir leur budget s’accroître sensiblement.
    Mais l’État ne peut en aucun cas imposer aux acteurs locaux ni leur adhésion aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ni leur financement.
    Je regrette profondément le retrait du conseil général des Hauts-de-Seine, département dense de la zone sensible de qualité de l’air en Île-de-France, alors que l’ensemble des autres départements franciliens contribuent au financement d’Airparif, qui remplit des missions de service public.
    Je rappelle que, pour les Franciliens, la pollution atmosphérique dans leur région est un sujet de préoccupation majeur.
    Je note que le département des Hauts-de-Seine a également supprimé sa subvention à Bruitparif, qui est un outil régional d’aide dans la mise en place des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit.
    Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je resterai très attentive à ce que la pérennité des moyens d’Airparif soit garantie, malgré la décision du conseil général des Hauts-de-Seine.
    M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
    M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse très précise et très détaillée, madame la ministre. J’en profite pour saluer mon collègue Philippe Kaltenbach, maire de Clamart, qui a accepté l’installation d’une station de mesure Airparif dans sa commune.
    En tant que statisticien de formation, je sais que, pour que des mesures soient véritablement pertinentes dans la durée, on ne peut pas se permettre de modifier un échantillonnage, même si le rôle des modélisations est extrêmement important.
    Plus il y aura de stations de mesure, plus les mesures seront fines et précises et permettront une meilleure prévention et une alerte plus rapide de nos concitoyens.
    Cela étant dit, il est inquiétant que des collectivités territoriales se désengagent de ce réseau de surveillance au motif que les informations qu’ils fournissent sont alarmantes pour des municipalités vantant la qualité de vie sur leur territoire.
    Trois sources de financement, vous l’avez rappelé, contribuent donc au budget du réseau français : l’État, principalement, les collectivités locales et les industriels. En la matière, il me semblerait intéressant d’innover. Le réseau de surveillance de l’air en France, qui est de bonne qualité, est très loin d’atteindre la capacité, la précision et le niveau de développement du système analogue existant en Allemagne, lequel est beaucoup plus réactif.
    En décembre dernier, lors de l’installation du comité pour la fiscalité écologique, vous constatiez que la France était avant-dernière en Europe en matière de fiscalité environnementale et qu’il était nécessaire, autant que faire se peut, d’établir un lien concret et direct entre l’affectation du produit de cette fiscalité et l’action environnementale.
    Je pense qu’il serait intéressant, pour financer la surveillance de l’air, d’étudier deux sources nouvelles de financement répondant toutes les deux au principe du pollueur-payeur et ne créant pas de nouvel impôt. Il devrait être possible, en premier lieu, qu’une part de la TGAP soit reversée de manière fixe aux organismes français de contrôle de l’air, en second lieu, qu’une fraction de quelques centimes d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, l’ancienne TIPP, soit affectée au réseau de mesure de la qualité de l’air.
    En tout cas, il faudra trouver une façon, un jour ou l’autre, de rendre obligatoire l’installation de capteurs de mesure de la qualité de l’air dans les communes sensibles ou très sensibles afin d’éviter que, dans les mois ou les semaines à venir, de nouvelles communes se désengagent du réseau de surveillance.
    INSCRIPTION DE L’USINE SOLVAY SUR LA LISTE DES ÉTABLISSEMENTS OUVRANT DROIT AU DISPOSITIF DE CESSATION ANTICIPÉE D’ACTIVITÉ DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE

    M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
    M. Daniel Reiner. Madame la ministre, ma question initiale, qui date de janvier 2013, visait à attirer votre attention sur les délais d’inscription de l’usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, ou CAATA. Cette entreprise, située dans la vallée de la chimie de la Meurthe, est l’une des deux dernières soudières existant en France, la seconde se trouvant à quelques kilomètres de là.
    Après un refus du tribunal administratif en 2007, cette inscription a été demandée le 1er octobre 2012 par la cour administrative d’appel de Nancy, au vu du nombre de salariés exposés à l’amiante et de la durée de leur exposition.
    Je rappelle tout de même que, à ce jour, on dénombre dans cette entreprise quatre décès imputables à l’amiante et trente-huit salariés atteints de pathologies liées à leur exposition à ce minéral. L’utilisation de ce matériau n’a définitivement cessé qu’en 1997, après trente années de manipulation par des centaines de salariés.
    À la suite de la décision de la cour administrative d’appel de Nancy, le ministère du travail et de l’emploi – pas le vôtre, donc, madame la ministre – a décidé de se pourvoir devant le Conseil d’État. Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision est apparue assez peu compréhensible aux yeux de la centaine de salariés concernés, alors même que l’entreprise elle-même – son dirigeant me l’avait fait savoir – n’avait pas souhaité faire appel de cette décision.
    Depuis que je l’ai déposée, ma question a trouvé une réponse partielle puisqu’un arrêté de votre ministère, en date du 6 février 2013, a inscrit cette entreprise sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif CAATA. Pourtant, cet arrêté ne satisfait personne puisqu’il prend comme période de référence les années allant de 1966 à 1990, et non pas jusqu’à 1997, ce qui était demandé par les salariés, la cour d’appel de Nancy et la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, sollicitée pour avis par le ministère.
    Aussi, une question demeure : pourquoi l’arrêté ne prend-il pas en compte la totalité de la période, alors même que la commission des accidents du travail et maladies professionnelles le conseillait ? Cinquante salariés sont concernés pour ces sept années et, dans l’état actuel de l’arrêté, il leur sera impossible de profiter du dispositif de cessation anticipée d’activité.
    On le sait, l’amiante provoque en France plus de 3 000 décès par an. Il importe, pour les 130 salariés de l’entreprise Solvay exposés à l’amiante de 1966 à 1997, que l’État leur accorde la retraite anticipée à laquelle ils ont droit, reconnaissant ainsi que l’emploi qu’ils ont occupé durant des dizaines d’années comportait un risque auquel ils ont été exposés sans protection.
    Je souhaiterais que vous puissiez m’indiquer, madame la ministre, les mesures que vous entendez prendre pour reconnaître ce préjudice sur la totalité de la période d’exposition.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, l’établissement Solvay, situé à Dombasle-sur-Meurthe, a été inscrit sur la liste des entreprises qui ouvre droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs de l’amiante par un arrêté du 6 février 2013, paru au Journal officiel le 13 février 2013.
    Vous me demandez, d’abord, pourquoi la période d’inscription retenue s’étend de 1966 à 1990 et non pas au-delà. La raison est la suivante : c’est en 1990 qu’a pris fin l’activité de confection de diaphragmes à base d’amiante, qui se déroulait dans le cadre d’une unité d’électrolyse destinée à la fabrication de chlore. Cette information n’a été portée à la connaissance du ministère du travail qu’après la tenue de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAMTS. C’est ce qui explique que le projet d’arrêté soumis à cette commission ne comportait pas, initialement, la limite de l’année 1990.
    Par ailleurs, vous mentionnez le recours engagé par le ministère du travail contre l’arrêt de la cour d’appel administrative de Nancy.
    Selon la jurisprudence du Conseil d’État, seuls les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l’amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté une part significative de leur activité peuvent être inscrits sur la liste ouvrant droit à cette allocation. Or il ressort des pièces du dossier que ces conditions n’étaient pas remplies dans l’établissement de Dombasle-sur-Meurthe. C’est pourquoi le ministère du travail s’est pourvu contre la décision de la cour administrative d’appel de Nancy. En effet, celle-ci a retenu une proportion de salariés exposés entre 9 % et 12 % du total des effectifs sur la période d’exposition, ce qui est bien inférieur au seuil de 25 % habituellement retenu par la jurisprudence.
    Voilà, monsieur le sénateur, les raisons des décisions qui ont été prises. Je tiens cependant à vous réaffirmer la forte volonté du Gouvernement de faire en sorte que les victimes de l’amiante soient indemnisées, dans le respect des règles de droit définies et en fonction du préjudice subi.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
    M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse précise, que je vais porter, naturellement, à la connaissance des intéressés.
    Je comprends bien que la jurisprudence du Conseil d’État impose, en quelque sorte, au ministère de déposer ce recours. Néanmoins, ce dernier a été psychologiquement mal reçu par le personnel parce qu’il reportait dans le temps la prise de mesures difficiles, en particulier la réorganisation de l’entreprise.
    Elle fut également mal comprise par l’encadrement de cette entreprise, qui, même s’il n’était pas directement concerné à l’époque, assume aujourd’hui la responsabilité liée à la présence d’amiante. Ces responsables craignaient en effet que le départ rapide des travailleurs touchés ne désorganise complètement leur entreprise. Il était donc nécessaire pour eux de prendre le temps de parer à cette désorganisation. Un accord a même été passé entre les responsables de l’entreprise et les syndicats, pour mener à bien, justement, cette opération. Ce recours a donc compliqué les choses.
    J’en viens à la période de référence retenue. L’unité d’électrolyse, c’est vrai, a bien été fermée vers 1990. Il n’en demeure pas moins que des travailleurs ont continué à être exposés à l’amiante, que l’on trouvait ailleurs dans cette entreprise qui s’étend sur des dizaines d’hectares. Ce n’est qu’en 1997 que l’on a mis fin à l’utilisation d’amiante.
    Je pense donc que les salariés ne comprendront pas que ces travailleurs-là ne soient pas traités comme les autres. Cela va créer une discrimination à l’intérieur de l’entreprise. Les syndicats vont, probablement, déposer un nouveau recours, en s’appuyant sur la décision de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, qui leur donnait raison et recommandait que soit prise en compte la période allant jusqu’à 1997.
    SITUATION DES ASSOCIATIONS D’AIDE À DOMICILE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
    M. Philippe Bas. Madame la ministre, ma question touche à un problème récurrent.
    Nos associations d’aide à domicile au service des personnes âgées sont dans une situation très difficile. Elles bénéficient d’un tarif 1,50 euro plus élevé que le tarif horaire proposé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – et par ses correspondants régionaux pour la prise en charge de l’aide ménagère au bénéfice des personnes âgées les moins dépendantes.
    Reste que, aujourd’hui, une grande partie de nos associations d’aide à domicile assument ces prestations sans que leurs coûts de revient soient couverts. Nous les avons incitées à se regrouper, ce qu’elles font, d’ailleurs. Elles économisent ainsi des frais de gestion, mais cela ne suffit pas.
    Jusqu’alors, aucun fonds d’urgence n’a permis de régler le problème. Vous vous trouvez donc, madame la ministre, face à une alternative : soit vous arrivez à mobiliser des crédits nouveaux au titre de l’aide sociale de la CNAV et de la Mutualité sociale agricole, et vous pourrez alors augmenter le tarif horaire de nos associations pour qu’elles ne meurent pas ; soit vous ne pouvez pas le faire, dans les circonstances financières actuelles, mais il faudrait, alors, que vous puissiez autoriser les associations d’aide à domicile financées par l’assurance vieillesse au titre de l’aide sociale à percevoir la différence entre le coût de revient de la prestation et ce qui est pris en charge, au titre de l’aide ménagère, différence pouvant être acquittée par l’usager lui-même, qui ne demande pas mieux, dans la plupart des cas, que de le faire.
    Vous ne pouvez pas à la fois refuser de financer le nécessaire et exclure que les associations se financent en obtenant l’appoint de la part des personnes âgées qu’elles assistent. Si vous adoptez cette posture de double refus, alors, nos associations d’aide à domicile, pour les plus fragiles d’entre elles, disparaîtront, avec le coût social que cela représente. Je pense non seulement au personnel que ces associations emploient, mais aussi et surtout à la difficulté que vous aurez à réaffirmer la priorité que, comme nous, j’en suis sûr, vous accordez au maintien à domicile de nos personnes âgées.
    Voilà, madame la ministre, la question que je veux vous poser et l’inquiétude que je relaie.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, c’est incontestable, les associations d’aide à domicile rencontrent des difficultés. Tout élu local est confronté, sur son territoire, aux inquiétudes exprimées par ces associations qui sont notamment au service des personnes âgées, et dont le rôle doit être reconnu et salué. Si nous voulons favoriser le maintien à domicile de ces personnes et préserver ainsi leur autonomie le plus longtemps possible, nous devons agir.
    C’est ce qu’a fait le Gouvernement en décidant de créer un fonds de restructuration de l’aide à domicile dans la loi de finances pour 2013. Ce fonds permettra de mobiliser 50 millions d’euros pour 2013 et 2014, qui s’ajouteront aux 50 millions d’euros versés en 2012.
    Les arrêtés précisant la répartition des sommes allouées à ce fonds ont été publiés récemment. Les services ont jusqu’au 30 avril, pour adresser leur dossier de demande à l’agence régionale de santé, qui coordonne le travail administratif, en liaison avec l’ensemble des financeurs, en particulier les conseils généraux et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail.
    Le travail d’instruction des dossiers sera donc réalisé en concertation avec l’ensemble des acteurs, mais sous la responsabilité des agences régionales de santé.
    Cette première action, importante et volontariste, se poursuivra par l’élaboration d’une stratégie de refondation de l’aide à domicile, afin de répondre, notamment, aux exigences de qualité, de professionnalisation et d’accessibilité financière pour les usagers, ainsi qu’aux exigences de bonne gestion des crédits mobilisés.
    Nous allons conduire des expérimentations visant à déterminer un nouveau mode de tarification. Elles devraient permettre de mieux définir les prestations attendues et de fixer les modalités d’une contractualisation entre chaque conseil général et les opérateurs intervenant sur son territoire. L’idée est qu’une contractualisation soit mise en place dans chaque département à partir d’objectifs spécifiques, appuyés sur un schéma national, et dans un cadre pluriannuel.
    Un groupe de travail sur les groupes iso-ressources 5 et 6 – GIR 5 et GIR 6 –, relevant actuellement des caisses de retraite et de la CNAV, devra également permettre de favoriser le recours à l’aide à domicile pour les personnes qui, encore largement autonomes, commencent néanmoins à la perdre, et de faciliter la transition en cas de passage au GIR 4.
    Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement conscient des préoccupations que vous relayez, et il a d’ores et déjà pris des mesures pour répondre à la situation à laquelle sont confrontées les associations d’aide à domicile.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
    M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse et de l’intérêt que vous portez aux associations d’aide à domicile, ainsi, bien sûr et avant tout, qu’aux personnes âgées qui bénéficient de leurs prestations.
    Malheureusement, le fonds d’urgence de 50 millions d’euros, même renouvelé chaque année, ne s’est pas révélé jusqu’à présent à la hauteur des besoins. Je reste préoccupé, après votre réponse, des conditions de l’équilibre financier des associations.
    Je vous ai demandé si vous pouviez envisager de desserrer cette contrainte – elle n’est d’ailleurs nullement légale – qui empêche de percevoir un complément de la part de la personne âgée elle-même lorsque le tarif, pour des raisons budgétaires et financières nationales, est bloqué à un niveau insuffisant.
    Vous ne m’avez pas répondu, mais je ne doute pas que la réflexion du Gouvernement se poursuit. En tout cas, les conseillers généraux comme le Gouvernement et les agences régionales de santé, le conseil d’administration de la CNAV et celui de la Mutualité sociale agricole, ne peuvent pas laisser en l’état une situation qui ne cesse de se dégrader.
    Les associations ont déjà pris un certain nombre de mesures de bonne gestion et d’économie. Aujourd’hui, les marges d’amélioration sont donc de plus en plus faibles, même s’il en reste sans doute quelques-unes dans tel ou tel département.
    Quoi qu’il en soit, je puis vous assurer que la situation est actuellement extrêmement tendue dans le département de la Manche. Je ne doute pas que vous saurez obtenir du ministre délégué au budget les assouplissements nécessaires pour l’ensemble des départements français, car il doit, lui aussi, avoir conscience de cette difficulté.
    PACTE TERRITOIRE-SANTÉ ET DORDOGNE

    M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 315, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
    M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, il y a quelques semaines, vous dévoiliez les principales mesures du plan de lutte contre les déserts médicaux.
    Ce plan est d’autant plus indispensable que la pénurie de soins concerne aujourd’hui 10 % de la population française. Ce chiffre, comme toute moyenne, renvoie cependant à des réalités fort différentes.
    Ainsi, dans les territoires ruraux, la situation est extrêmement préoccupante, voire alarmante. C’est le cas, par exemple, dans mon département, la Dordogne, où 30 % de la population a plus de soixante ans. En outre, la Dordogne est le troisième département de France par sa superficie et la densité n’y est que de 46 habitants au kilomètre carré.
    Cela vous laisse percevoir immédiatement les difficultés que rencontrent les Périgourdins en termes d’accès aux soins. Pour les soins de pédiatrie, de gynécologie ou encore d’ophtalmologie, un habitant sur trois se trouve dans un désert médical. En outre, dans un canton sur cinq, on ne trouve plus qu’une seule pharmacie, un canton sur cinq manque d’infirmiers et un canton sur dix est en déficit de médecins généralistes.
    M. Jean Besson. C’est juste !
    M. Claude Bérit-Débat. Nous sommes, de plus, confrontés à un manque de médecins assurant les gardes de nuit, et les services d’urgence, SAMU-SMUR, ne peuvent plus répondre aux besoins, faute de personnel.
    La situation est donc déjà plus que difficile.
    Malheureusement, elle ira en s’aggravant puisque les médecins généralistes qui officient sur notre territoire sont aujourd’hui âgés. Si rien n’est fait, un sur deux ne trouvera pas de remplaçant.
    Les élus du territoire se mobilisent pour stopper l’hémorragie. En quelques années, dix maisons de santé ont été ouvertes sur le département. Des contrats locaux de santé ont été passés, notamment dans le nord du département, qui est le plus touché.
    Cependant, cet investissement des collectivités ne suffit pas à inverser la tendance, et l’on peut dire que, inexorablement, le désert médical gagne du terrain en Dordogne.
    Dans votre plan de lutte, vous évoquez, par exemple, la mise en place d’un revenu garanti pour 200 praticiens territoriaux en médecine générale, l’adaptation des hôpitaux de proximité ou bien encore la création d’un référent installation.
    Si je salue ces annonces, je m’interroge toutefois sur leurs effets concrets dans le territoire que je représente. Pourriez-vous m’indiquer, madame la ministre, dans quelle mesure la Dordogne bénéficiera de ce plan afin que notre département ne soit plus le désert médical qu’il est en train de devenir ? (M. Jean Besson applaudit.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, dans de très nombreux territoires, l’attente de nos concitoyens est forte au regard de l’offre de soins, de la présence de médecins, d’infirmiers, de kinésithérapeutes, de pharmacies. Voilà pourquoi j’ai insisté, lorsque j’ai lancé le pacte territoire-santé, au mois de décembre dernier, sur la nécessité d’organiser une concertation au niveau de chaque territoire. Ainsi, nous pourrons déterminer la meilleure manière d’adapter les engagements du Gouvernement à chacun d’entre eux.
    L’Agence régionale de santé d’Aquitaine a ainsi mené une concertation en Dordogne au mois de février dernier, en y associant l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire les professionnels de santé libéraux et hospitaliers, les ordres, l’université et, bien entendu, les collectivités territoriales, car c’est avec elles et en relation avec elles que le travail doit s’accomplir.
    Un plan d’action sur l’ensemble des axes du pacte a été élaboré par l’Agence.
    Ainsi, pour faciliter l’installation des jeunes médecins en Dordogne, l’ARS d’Aquitaine a développé un partenariat avec l’université de Bordeaux qui forme les futurs médecins. Il s’agit de communiquer fortement auprès des jeunes médecins généralistes et de définir un projet d’accompagnement de la filière de médecine générale tout au long du parcours de l’étudiant.
    De plus, afin de répondre aux craintes d’isolement des jeunes médecins et pour optimiser le temps médical, ce qui correspond à une demande des professionnels, l’Agence a développé un partenariat avec l’ensemble des financeurs publics en Dordogne, en vue de mobiliser tous les moyens autour des pôles de santé. À ce jour, dix maisons de santé pluridisciplinaires fonctionnent dans le département de Dordogne.
    Pour garantir l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes, l’Agence va promouvoir en Dordogne le dispositif de médecin correspondant du SAMU, médecin généraliste libéral de premier recours prenant en charge des patients en situation d’urgence médicale grave.
    Elle va aussi développer des projets d’expérimentation qui visent à renforcer la réponse à l’aide médicale urgente dans les zones situées à plus de quarante-cinq minutes d’un accès SMUR en mettant en place des dispositifs de télémédecine.
    Enfin, concernant les hôpitaux de proximité, un travail s’est engagé sur les liens entre les établissements de proximité et le centre hospitalier de Périgueux, établissement de recours pour le territoire de santé que vous évoquez, monsieur le sénateur.
    Des rapprochements sont en cours, notamment via la mise en place d’une direction commune entre les centres hospitaliers de Périgueux, de Lanmary et de Sarlat. Les hôpitaux participent aussi au déploiement des consultations avancées de médecins spécialistes, axe important pour l’accès aux soins.
    Vous le constatez, monsieur le sénateur, la dynamique du pacte territoire-santé est engagée en Dordogne, comme ailleurs sur le territoire. Vous pouvez être assuré de ma détermination pour veiller à sa bonne mise en œuvre. Il y va de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Grâce à la mobilisation de tous, nous pourrons arriver à répondre aux attentes de la population.
    M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
    M. Claude Bérit-Débat. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.
    Ma question était antérieure à la réflexion qui a été engagée en Aquitaine. Néanmoins, un certain nombre d’inquiétudes subsistent.
    Certes, tous les départements ruraux ont les mêmes caractéristiques. Néanmoins, en Dordogne, la densité démographique est particulièrement basse eu égard à la superficie du département et à une population relativement peu nombreuse : la moyenne est, je l’ai dit, de 46 habitants au kilomètre carré, ce qui signifie que, par endroits, notamment dans le nord, la densité ne dépasse pas 10 habitants au kilomètre carré.
    J’ai eu connaissance de la concertation menée avec la faculté de médecine de Bordeaux. Cependant, jusqu’à présent, les efforts sont restés vains. Vous le savez aussi bien que moi, madame la ministre, pour inciter un médecin généraliste à s’installer dans un département rural, l’environnement, qu’il soit social, culturel, économique, scolaire, etc., a une grande importance.
    Les pôles de santé n’ont pas attendu le plan qui a été annoncé pour voir le jour. Ce sont les collectivités – conseil général, communes, intercommunalités – qui en ont financé la mise en place, avec quelquefois des difficultés pour trouver des personnes acceptant d’occuper les emplois créés. Pour ma part, je privilégie d’abord le fait de trouver des médecins, des infirmières, des chirurgiens-dentistes.
    Je ne doute pas de votre détermination, madame la ministre, et je vous soutiens pleinement dans votre mission, mais je n’ai pas de vraies certitudes quant aux résultats en Dordogne, car le déficit y est très important.
    J’ai évoqué tout à l’heure l’ophtalmologie. Il y a trois ophtalmologistes en Dordogne et il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous ! Par ailleurs, seuls deux pédiatres officient à Périgueux. Les chiffres en témoignent, il s’agit bien d’un désert médical !
    Quoi qu’il en soit, je compte beaucoup sur vous, madame la ministre.
    CALENDRIER SCOLAIRE ET FRÉQUENTATION DES STATIONS DE SPORT D’HIVER

    M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 355, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
    M. Jean Besson. Ma question porte sur l’inadéquation des périodes de vacances scolaires.
    Les modifications du calendrier scolaire triennal fixées par l’arrêté du 20 juillet 2009, sans concertation préalable avec les opérateurs du tourisme, ont retardé d’une semaine les vacances d’hiver et les vacances de printemps.
    Dorénavant, les vacances de printemps débordent largement sur le mois de mai, c’est-à-dire qu’elles interviennent au moment où la quasi-totalité des stations de sport d’hiver sont fermées ou en passe de l’être. Monsieur le président, vous qui êtes sénateur de Haute-Savoie, vous connaissez bien le problème ! (M. le président acquiesce.)
    Moyennant quoi, en deux saisons, la fréquentation des stations pendant les vacances de Pâques a été divisée par deux. On estime que près de 35 000 emplois sont directement affectés par ce changement de calendrier.
    Cette année, il est vrai, le bilan de la saison touristique en montagne a toutes les chances de s’avérer positif en raison, notamment, d’un niveau d’enneigement exceptionnel. En tant que président du comité régional de tourisme de Rhône-Alpes, je ne peux que m’en féliciter. Il est d’ailleurs opportun de rappeler que, en cette période de crise, l’industrie touristique reste, heureusement, l’un de nos meilleurs atouts économiques, qu’il est un pourvoyeur de devises et d’emplois. Rien qu’en Rhône-Alpes, le tourisme représente une consommation de plus de 10 milliards d’euros et 150 000 emplois !
    Cette bonne nouvelle conjoncturelle ne saurait toutefois masquer les difficultés d’un secteur d’activité qui s’interroge sur son développement.
    La réforme à venir des rythmes scolaires est une initiative heureuse du ministre de l’éducation nationale, qui va dans le sens de l’intérêt primordial de nos enfants. Je la soutiens sans réserve.
    Cependant, je souhaite que cette réforme bienvenue soit aussi l’occasion de réfléchir à la définition de nouvelles dates de vacances scolaires, qui ne pénalisent pas les différents acteurs de la filière du tourisme, notamment des sports d’hiver.
    Cette question revient régulièrement dans l’actualité, comme un serpent de mer, si j’ose dire s’agissant de montagne (Sourires.), sans qu’une réponse satisfaisante lui soit pour autant apportée par les pouvoirs publics.
    Seule une concertation avec l’ensemble des parties prenantes tenant compte des nouvelles habitudes de vie de nos concitoyens, c’est-à-dire des parents et de leurs enfants, serait en mesure de répondre à cette difficulté.
    Je souhaite donc savoir quelles sont les intentions du ministère de l’éducation en la matière ?
    M. le président. Je remercie notre collègue Jean Besson de cette question, dont je partage totalement les motivations. (Sourires.)
    La parole est à Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative.
    Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le président, monsieur le sénateur Jean Besson, je tiens à vous présenter les excuses de M. Vincent Peillon, qui est retenu ce matin par la première réunion conjointe de l’ensemble des recteurs et des directions régionales des affaires culturelles, qui doit notamment traiter, en lien avec la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, des parcours artistiques et culturels.
    Nous avons bien entendu les interrogations et les inquiétudes des maires et des professionnels du tourisme quant aux conséquences d’une révision du calendrier scolaire sur l’activité économique.
    Après consultation des différents acteurs du monde éducatif, le calendrier scolaire national de l’année 2013-2014 a été fixé par arrêté du 28 novembre 2012. La rentrée scolaire a été fixée au mardi 3 septembre 2013 et le début des vacances d’été au 5 juillet 2014. Les vacances de la Toussaint s’étendront du 19 octobre au 4 novembre 2013 et les vacances de Noël, du 21 décembre 2013 au 6 janvier 2014.
    Pour l’année civile 2014, et en fonction du mécanisme d’alternance des zones académiques, les vacances d’hiver s’étendront du 15 février au 17 mars et les vacances de printemps, du 12 avril au 12 mai. (M. Jean Besson manifeste son insatisfaction.) Effectivement, monsieur le sénateur, au regard des préoccupations que vous exprimez, de telles dates peuvent sembler tardives. (M. Jean Besson acquiesce.)
    Ce calendrier est conforme à celui de 2012-2013, qui avait obtenu l’aval du Conseil supérieur de l’éducation. Le nombre de jours de vacances est inchangé. Les vacances de la Toussaint comptent désormais deux semaines complètes. Certes, à la Toussaint, il est rare qu’il y ait déjà de la neige !
    Si M. le ministre de l’éducation nationale a souhaité établir ce calendrier pour la seule année scolaire 2013-2014, et non sur une base triennale, c’est pour pouvoir ouvrir, à partir de ce printemps, une réflexion approfondie sur les évolutions du calendrier scolaire, notamment à l’aune de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
    Dans ce cadre, je tiens à vous rassurer totalement : les acteurs du tourisme et les représentants des collectivités locales en zone maritime ou de montagne seront évidemment consultés.
    Nous sommes pleinement conscients des conséquences économiques qu’aura le rééquilibrage du calendrier dans ces régions spécifiques. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue les priorités que sont le bien-être des élèves et l’organisation de la vie des familles.
    Le travail accompli pour revoir l’organisation hebdomadaire des rythmes scolaires est une première étape. Cela souligne à quel point il est urgent de s’attaquer à ce qui est une spécificité française : le nombre annuel de journées scolarisées est de 144 par an, contre 187 en moyenne dans l’OCDE, ce qui contribue à surcharger considérablement les journées, au détriment de la qualité de l’apprentissage.
    Cette réforme des rythmes témoigne de la nécessité de concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Elle témoigne surtout des enjeux multiples du calendrier scolaire et de la nécessité de ne jamais perdre de vue l’objectif de réussite scolaire pour chaque enfant.
    M. le président. La parole est à M. Jean Besson, qui va sûrement exprimer notre déception commune quant aux dates retenues pour les vacances de printemps. (Sourires.)
    M. Jean Besson. J’irai effectivement dans votre sens, monsieur le président. Je remercie Mme la ministre de sa réponse, mais, chacun le comprendra, je ne peux pas approuver les perspectives dont elle a fait état.
    Je soutiens la réforme des rythmes scolaires ; c’est une très bonne idée d’avoir une demi-journée supplémentaire. En revanche, je ne peux pas suivre le Gouvernement sur le calendrier des vacances d’hiver et de printemps. Il faudrait concentrer les premières sur le mois de février – c’est techniquement possible puisqu’il y a tout de même quatre semaines – et les secondes sur la fin du mois de mars et le début du mois d’avril.
    Cela n’a aucun sens de mettre les vacances de printemps à cheval sur la fin du mois d’avril et le début du mois de mai ! D’ailleurs, tout le monde reconnaît qu’il y a trop de jours fériés – qui se transforment souvent en autant de ponts – au mois de mai : le 1er mai, le 8 mai, l’Ascension, la Pentecôte…
    En tout état de cause, nous, élus des départements alpins et pyrénéens, ne pouvons être qu’en désaccord avec de telles décisions.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Nous sommes effectivement confrontés à des impératifs contradictoires.
    Nous avons évidemment à l’esprit les préoccupations spécifiques des élus des stations de montagne, mais il faut aussi tenir compte des multiples ponts du mois de mai et assurer aux enfants un nombre suffisant de jours de classe.
    Nous allons mener une concertation qui visera précisément à essayer de concilier ces différents intérêts.
    Quoi qu’il en soit, il faut aussi diversifier les plaisirs de la montagne : on peut également y passer des vacances très agréables au printemps ou en été.
    M. le président. Madame la ministre, quitte à sortir un instant de mon rôle de président de séance, je vous dirai que M. Besson et moi-même sommes tout disposés à vous soumettre un certain nombre de propositions. (M. Jean Besson acquiesce.)
    ATTRIBUTION DE SUBVENTIONS AU TITRE DE LA RÉSERVE PARLEMENTAIRE

    M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 402, transmise à M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
    M. Jean Louis Masson. J’avais adressé cette question, qui concerne la réserve parlementaire, à M. le Premier ministre. On m’a téléphoné pour m’indiquer qu’elle était transmise au ministre chargé des relations avec le Parlement. Or je constate qu’il n’est pas là aujourd’hui. J’en déduis que c’est finalement Mme la ministre chargée de la réussite éducative qui va me répondre. Je suis tout de même un peu surpris, je l’avoue, par une telle désinvolture. Je ne vois pas bien le rapport entre la réussite éducative et la réserve parlementaire… Cela fait sans doute partie des mystères du Gouvernement !
    Madame la ministre, les événements qui ont émaillé l’actualité de ces derniers jours – je pense en particulier à l’affaire Cahuzac – illustrent une nouvelle fois la nécessité de moraliser la vie publique.
    Sur cette question de la morale dans la vie politique, un sujet fournit un exemple très probant : la réserve parlementaire. En l’occurrence, une réforme s’impose. Celle pour laquelle je milite depuis plus d’un an s’articule autour de trois axes : l’équité, tant dans la dotation aux différents parlementaires que dans la répartition territoriale ; la transparence, car, s’agissant d’argent public, nos concitoyens et nous-mêmes avons le droit de savoir ce qu’il en est exactement ; l’honnêteté, parce qu’il convient d’empêcher les dérives possibles.
    J’avais interrogé M. le ministre de l’intérieur sur ce dernier point lors de la séance des questions orales du 5 février. Il m’avait répondu que les tribunaux judiciaires étaient compétents en la matière et que des poursuites pouvaient, le cas échéant, être engagées. D’ailleurs, j’ai appris depuis par la presse que cela avait été le cas dans deux dossiers au moins.
    Je concentrerai mon propos sur l’équité et la transparence. Je m’appuierai notamment sur les révélations récentes de la presse, en particulier celles de l’émission Capital diffusée par M6 le 17 mars et d’un article paru dans le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France le 5 avril.
    Premier axe : l’équité.
    Par le passé, il y avait, et c’était un scandale, des distorsions considérables. Certains profitaient du système, « s’empiffraient » littéralement de réserve parlementaire, tandis que d’autres devaient se contenter de quelques miettes…
    Le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ont annoncé, à grand renfort de publicité, que tous les parlementaires seraient dorénavant traités sur un même pied. Je m’étais réjoui dans la presse d’une telle annonce et j’avais félicité la nouvelle majorité de l’initiative ainsi prise.
    Hélas ! M. le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale a désavoué les propos de M. Bartolone et a reconnu sur M6 qu’il y avait toujours des parlementaires privilégiés pour profiter du système en recevant deux ou trois fois plus que les autres.
    La presse et les parlementaires ont manifestement été « enfumés » lorsqu’on leur a fait croire que tout le monde serait désormais sur un pied d’égalité.
    Deuxième axe : la transparence.
    En la matière, je vous rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement a l’obligation de communiquer aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat la liste de toutes les subventions allouées aux associations, y compris celles qui relèvent de la réserve parlementaire. Le gouvernement Fillon ne l’a pas toujours fait. Comme par hasard, l’utilisation de la principale subvention en cause a été pour le moins douteuse… D’ailleurs, elle fait l’objet d’une enquête judiciaire.
    Quant à l’actuelle ministre de l’écologie, elle a vraiment traîné les pieds pour fournir un minimum d’informations sur le sujet. Pourtant, elle y est obligée par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ; les personnes concernées ont dû saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA. Mais la ministre continue de refuser la consultation des documents malgré les injonctions que la CADA lui a adressées !
    M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
    M. Jean Louis Masson. Ces deux exemples démontrent la nécessité d’une réforme globale de la réserve parlementaire. Le Gouvernement doit présenter un projet de loi ou demander l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’une proposition de loi – j’en ai déposé une en ce sens – tendant à moraliser la réserve parlementaire.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur Masson, c’est effectivement moi qui suis chargée de représenter le Gouvernement pour vous répondre. Comme vous le savez, les ministres, au même titre d’ailleurs que les parlementaires, ne sont pas toujours maîtres de leur emploi du temps, et mon collègue Alain Vidalies ne pouvait pas être présent ce matin pour vous répondre personnellement.
    Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur la réserve parlementaire. Au passage, je vous fais observer qu’il n’y a pas non plus de lien entre ce sujet et l’affaire Cahuzac, à laquelle vous avez néanmoins fait allusion.
    Je ne dispose pas d’éléments très précis sur les différents aspects que vous avez évoqués. Je voudrais toutefois rappeler les règles et les principes qui s’appliquent en l’espèce.
    Vous avez cité la nécessité de la transparence : des règles existent ; elles doivent être respectées. Si, dans tel ou tel cas particulier, elles ne l’ont pas été, il vous appartient, comme à nous tous d’ailleurs, de veiller à leur application.
    Vous avez rappelé l’obligation de publier chaque année, en annexe au projet de loi de finances, la liste des subventions versées par l’État aux associations sur l’initiative du Gouvernement ou du Parlement. Cette liste est scrupuleusement renseignée ; elle intègre les subventions versées au titre de la réserve parlementaire. Il doit être normalement possible de vérifier que cette information est fiable et complète et, avec les ministres concernés, mon collègue Alain Vidalies veillera à ce que cela soit fait.
    Vous avez également insisté sur l’accès aux documents administratifs. Là encore, des règles claires et rigoureuses sont fixées par la loi. La CADA assure leur respect et leur application, sous le contrôle du juge administratif, qui peut et doit même être saisi de tout manquement éventuel.
    Je tiens à rappeler que l’ensemble des subventions attribuées au titre de la réserve parlementaire font l’objet d’amendements déposés par le Gouvernement sur proposition des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est un élément d’information et de contrôle démocratique essentiel auquel il faut se référer.
    Comme vous l’avez dit devant le ministre de l’intérieur lors de la séance de questions du 5 février dernier, des questions plus larges se posent sur l’attribution de la réserve et, plus fondamentalement, sur la rénovation des pratiques en la matière.
    Au nom du Premier ministre, nous saluons, comme vous l’avez vous-même fait, l’effort de transparence et d’équité des présidents Jean-Pierre Bel et Claude Bartolone, qui ont souhaité que les crédits de la réserve soient répartis au prorata des effectifs des groupes parlementaires. Il reste à espérer qu’à l’intérieur des groupes parlementaires le même principe d’équité s’applique, mais, vous en conviendrez, nous sommes moins armés pour intervenir en ce domaine.
    En tout cas, votre souci d’améliorer la transparence et l’équité dans l’emploi de la réserve parlementaire est partagé par les membres du Gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
    M. Jean Louis Masson. Je suis vraiment stupéfait, et même scandalisé, madame la ministre ! À quoi bon poser des questions si c’est pour vous entendre nous répondre que le soleil brille quand il fait nuit ?
    Je vous ai dit précisément que certains responsables avaient reconnu l’absence de toute égalité, notamment le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, qui a affirmé toucher trois fois plus que les autres. Je n’entrerai pas dans le détail des problèmes qui se posent au Sénat, mais, il en va de même. Initialement, c’est vrai, madame la ministre, tout le monde devait avoir la même chose, et je m’en réjouissais. Mais l’égalité n’a pas été instaurée, et c’est un vrai scandale ! M. Bartolone et le président du Sénat se sont moqués des journalistes et de l’opinion en faisant croire qu’il y avait une justice alors qu’il n’y en a toujours pas !
    S’agissant de l’autre problème que j’ai évoqué, madame la ministre, on est à la limite du mensonge. Dans ma question, je citais un exemple précis.
    J’ai transmis par écrit au Gouvernement cette question, mais peut-être n’en avez-vous pas eu connaissance, le hasard vous ayant sans doute désignée, aucun autre membre du Gouvernement n’étant disponible, pour répondre à la question que j’ai adressée au Premier ministre… Si, au moins, vous avez lu cette question et si vous avez été un peu informée avant de venir ici, vous savez très bien que, contrairement à ce que vous avez dit, la subvention allouée à cette association au titre de la réserve parlementaire n’a pas été publiée. On l’a dissimulée, et une interrogation persiste donc.
    Vous ne pouvez pas me répondre que toutes les subventions aux associations sont publiées. Elles devraient normalement l’être, madame la ministre, mais, là, il y a eu magouille, il y a eu entourloupe, et c’était bien l’objet de ma question. Pourquoi cette subvention a-t-elle été masquée ? Pourquoi n’a-t-elle pas, comme toutes les autres subventions aux associations, été publiée ?
    Sur ces points, madame la ministre, vous n’avez pas répondu !
    M. le président. Madame la ministre, permettez-moi de vous remercier d’avoir représenté le Gouvernement à cette séance de questions orales.
    Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    M. le président. La séance est reprise.
    3
    Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
    Nous poursuivons la discussion des articles.
    CHAPITRE IER (SUITE)
    DISPOSITIONS RELATIVES AU MARIAGE
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
    Article 1er (suite)
    (Non modifié)
    M. le président. Nous continuons l’examen, au sein du chapitre Ier, de l’article 1er, dont je rappelle les termes :
    I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
    1° Il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :
    « Art. 143. – Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » ;
    2° L’article 144 est ainsi rédigé :
    « Art. 144. – Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » ;
    3° L’article 162 est complété par les mots : « , entre frères et entre sœurs » ;
    4° L’article 163 est ainsi rédigé :
    « Art. 163. – Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. » ;
    5° Le 3° de l’article 164 est ainsi rédigé :
    « 3° Par l’article 163. »
    II. – Après le chapitre IV du titre V du livre Ier du code civil, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
    « CHAPITRE IV BIS
    « DES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS
    « Art. 202-1. – Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
    « Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.
    « Art. 202-2. – Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »
    Dans la discussion de l’article 1er, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur les deux amendements identiques n° 5 rectifié bis et 170 rectifié ter, dont je rappelle les termes :
    L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 170 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Une explication de vote est l’occasion d’y voir plus clair dans le débat et de clarifier la position de chacun, particulièrement celle du Gouvernement.
    Nous voulons d’abord comprendre, madame la ministre, chers collègues de la majorité, ce que vous attendez aujourd’hui du mariage. Pendant des années, vous nous avez expliqué qu’il était la version bourgeoise du contrat d’union civile et vous estimiez « ringard » de vouloir se marier. Nous vous avons proposé un contrat d’union civile, vous n’en avez pas voulu !
    La situation est maintenant complètement ubuesque.
    D’un côté, on constate dans nos mairies que 95 % de couples hétérosexuels choisissent plutôt le PACS, souvent d’ailleurs, il faut le dire, pour des raisons de commodité ou de facilité, facilité pour s’unir par un contrat, mais facilité aussi quand il s’agit de desserrer, voire de couper les liens. Le fait que le divorce n’ait pas été retenu comme moyen de mettre fin à un PACS a ainsi certainement conduit un certain nombre de couples hétérosexuels à privilégier cette formule.
    De l’autre, vous venez maintenant nous expliquer que c’est finalement le mariage qu’il faut pour les couples homosexuels.
    C’est le monde à l’envers ! J’aimerais donc que vous nous éclairiez, à la faveur de ce débat, sur l’idée que vous vous faites du mariage.
    Ensuite, je souhaiterais que le Gouvernement clarifie sa position sur une question qui commence à prendre corps dans le débat public : que va-t-il se passer une fois le mariage pour tous instauré ? Sur ce point, c’est la cacophonie !
    Il y a quelque temps, le Président de la République a nié que l’ouverture à la GPA et à la PMA puisse être discutée à l’occasion du débat sur le mariage pour tous. Interrogé sur ce point la semaine dernière – sans doute préoccupé par d’autres questions, il a répondu un peu vite –, il a redit que ce sujet n’était pas du tout à l’ordre du jour.
    Soit, mais ce n’est pas exactement ce que nous entendons du côté de la majorité et du Gouvernement !
    Il y a d’abord une volonté très claire, exprimée hier par Mme Bertinotti, de banaliser ces questions.
    Madame la ministre, vous affirmez ainsi – je cite le compte rendu analytique – que, « ce que réclament les homosexuels, c’est une banalisation ». Eh bien voilà, nous y sommes ! On banalise tout ce qui tourne autour de l’union entre un homme et une femme, à commencer par le débat sur la GPA et la PMA dont on nous explique qu’il n’a même pas de raison d’être !
    Du côté de la majorité, nous avons entendu M. le rapporteur expliquer que la question de la PMA serait discutée dans les semaines ou dans les mois à venir.
    Vous avez en effet dit, monsieur le rapporteur, qu’il était tout à fait normal et naturel, dès lors que l’on accordait les mêmes droits aux personnes du même sexe, de les autoriser à recourir à la PMA et demain, évidemment, à la GPA.
    Le président de la commission des lois a, lui, fait preuve d’une certaine retenue. Se demandant où nous voulions « en venir », il a ajouté : « Je ne sais pas, lorsque se présenterait un éventuel texte sur la PMA et la GPA, ce que je voterais. Il n’est pas correct intellectuellement de nous faire constamment des procès d’intention. »
    Monsieur le président de la commission, appelons un chat un chat ! Alors que nous entendons vos amis, dont l’un siège en ce moment à vos côtés, nous expliquer que c’est précisément dans cette direction que la majorité veut aller, vous ne pouvez dans le même temps nous dire que ce n’est pas du tout le cas et nous reprocher de vous faire un procès d’intention.
    Je souhaite donc, madame la ministre, mesdames, messieurs – parité oblige ! – les représentants de la majorité sénatoriale, que vous nous disiez exactement où vous voulez nous conduire et conduire notre société après ce texte ? Bref, quels sont vos intentions et vos objectifs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Monsieur le président de la commission, je voudrais reprendre des propos que vous avez tenus hier soir et que j’approuve.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
    M. Bruno Sido. Ainsi, quand vous dites que « certains propos ne peuvent rester sans réponse » et que « nous sommes sensibles aux poids des mots », je suis tout à fait d’accord avec vous.
    Quant à vous, madame la ministre, vous nous avez demandé si nous pensions vraiment que « toutes les adoptions par les couples hétérosexuels [étaient] motivées par la seule volonté de donner une famille à un enfant ». À cette interrogation, vous avez répondu que ce n’était « évidemment pas le cas ». L’heure était tardive et sans doute fallait-il nous réveiller en nous provoquant…
    « Pensez-vous que l’adoption internationale ne soit pas déjà un marché ? », avez-vous cependant ajouté pour enfoncer le clou, ce à quoi j’ai immédiatement répondu – cela figure au compte rendu analytique de nos débats : « C’est scandaleux ! »
    Cela mérite une explication, madame la ministre. Je considère en effet que ce que vous avez dit, sans doute un peu rapidement – et peut-être regrettez-vous aujourd’hui vos propos d’hier –, était une attaque en règle, gratuite et, je persiste, scandaleuse des dizaines de milliers de couples hétérosexuels qui ont entamé une démarche internationale d’adoption, laquelle n’a d’ailleurs pas toujours abouti.
    En laissant entendre que ces dizaines de milliers de couples se sont tournés vers le « marché » de l’adoption, puisque vous prétendez qu’il existe, vous les insultez et vous injuriez les pays qui ont donné un enfant à ces familles adoptives. Ce n’est pas de bonne politique de jeter l’anathème sur ces couples hétérosexuels !
    Enfin, je voudrais reprendre – la séance d’hier soir était décidément intéressante ! – les propos de notre rapporteur Jean-Pierre Michel. Pour lui, « la présomption de paternité doit […] être relativisée. Qu’on le veuille ou non, il y a des familles décomposées, recomposées, monoparentales, homosexuelles, hétérosexuelles, des familles qui élèvent des enfants issus d’une union antérieure. »
    Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison : c’est un constat.
    Pour autant, est-il justifié qu’on légalise tous les modes de vie actuels ? En effet, il y a bien d’autres situations que vous n’avez pas décrites. Je n’en parlerai pas ici parce que je ne veux pas être polémique. Je considère néanmoins que c’est une politique de suivisme, que j’ai appelée hier soir « la politique du chien crevé au fil de l’eau ». (Murmures de désapprobation sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, je ne sais pas si vous connaissiez cette expression, mais elle est très parlante ! Avec une telle politique, vous ne manifestez aucun esprit critique, alors que c’est le devoir de tout citoyen.
    Puisque cet article 1er ne fait que prendre acte des pratiques d’une faible minorité et qu’il ne prend en compte ni l’intérêt général ni l’intérêt supérieur de la nation, étant à cet instant du débat bien entendu que le mariage entre personnes homosexuelles entraînera la PMA et la GPA, je voterai les amendements de suppression.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme M. le rapporteur et moi-même avons été interpellés par nos deux collègues sur les déclarations que nous avons pu faire hier, je tiens à apporter certaines précisions.
    Premièrement, monsieur Lenoir, vous avez bien voulu prêter attention à mes propos sur le sens des mots.
    M. Jean-Claude Lenoir. Comme d’habitude !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous me faites beaucoup d’honneur !
    M. Bruno Sido. C’est normal !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle premièrement que, comme je l’ai dit à M. Raffarin, prétendre que le dictionnaire de l’Académie française fixe dans le marbre le sens des mots n’a malheureusement pas de véracité : depuis 1694, nous en sommes à la neuvième édition et chaque nouvelle édition note l’évolution des mots.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Le mensonge reste le mensonge, la vérité reste la vérité !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
    M. Antoine Lefèvre. Les yeux dans les yeux !
    Mme Nathalie Goulet. Le sens de cette expression a changé…
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est évident que, si ce projet de loi est adopté, le sens du mot « mariage » dans la République française sera modifié et ce n’est pas un drame ! Certains mots changent de sens, et c’est un effet auquel la loi peut aboutir, mais encore faut-il distinguer la loi et la perception du sens des mots par l’opinion publique.
    Deuxièmement, et je serai extrêmement clair sur ce point, il n’est pas légitime, mes chers collègues, de reprocher à ceux, dont je fais partie, qui voteront ce texte des choses qui n’y figurent pas !
    M. Jean-Claude Lenoir. Mais que se passera-t-il après ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous votons sur les dispositions qui sont dans le texte.
    Votre raisonnement consiste à dire que, si nous votons ce texte, nous en voterons forcément un autre par la suite.
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh bien non ! Puisque MM. Lenoir et Sido m’ont interrogé, je réponds que, en effet, si un texte nous est présenté demain sur d’autres sujets, chacun d’entre nous et chacun de nos groupes politiques y réfléchiront !
    En tout cas, je n’accepte pas que l’on vienne me dire ce que je voterai demain. Qu’en savez-vous ? De quel droit préjugez-vous de mes positions ?
    Par ailleurs, je peux vous assurer, s’agissant de la PMA et de la GPA, que je ne suis pas disposé à voter des mesures sur ces sujets aujourd’hui.
    M. Jean-Claude Lenoir. Soit, mais que dit le Gouvernement ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Lenoir, vous m’avez interrogé ; je vous réponds avec la plus grande clarté.
    Troisièmement, à ceux qui objectent que la GPA est une pratique légale ailleurs, par exemple aux États-Unis, je réponds que Mme Taubira a bien fait de publier une circulaire pour que soit prise en compte la situation d’enfants issus d’une GPA, enfants qui existent et qui sont là !
    M. André Reichardt. Il y en aura d’autres !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Reichardt, on ne peut pas refuser le droit à une patrie à ces enfants et en faire des apatrides !
    Quoi qu’il soit, mes chers collègues, nous faisons ici la loi pour la République française et ce n’est pas parce que quelque chose se pratique dans un autre pays qu’il faut que nous nous alignions sur celui-ci.
    M. Bruno Sido. Je suis bien d’accord !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sinon, autant fermer le Parlement français…
    M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et déclarer qu’il suffit qu’une disposition soit adoptée quelque part dans le monde pour qu’elle s’impose à nous. Je ne suis pas d’accord !
    M. Bruno Sido. Absolument !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je regarde ce qui se passe à l’étranger, car, comme mon groupe, je suis ouvert à la réalité ; après beaucoup de réflexions et après m’être, comme d’autres, expliqué, je vote ce texte, mais je ne permets à personne de dire que, puisque je le vote, je vais en voter un autre qui n’existe pas. Cela me paraît une démarche intellectuellement peu défendable.
    Les choses sont donc extrêmement claires.
    M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas ce que dit le rapporteur !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun peut s’exprimer, monsieur Lenoir ! Vous m’avez interrogé et je pense, je l’ai dit, vous avoir répondu avec beaucoup de clarté.
    M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?...
    Article 1er (Texte non modifié par la commission) (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    4
    SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE TURQUIE

    M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer une délégation de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui nous visite dans le cadre d’un programme d’échange avec l’Union européenne. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.)
    Représentants de toutes les formations, les membres de cette délégation appartiennent à la commission de réflexion sur la révision de la Constitution.
    Ils sont accompagnés par notre collègue Gérard Larcher.
    Qu’ils reçoivent l’hommage du Sénat, assemblée pondérée, traditionnellement active dans la construction européenne, et soucieuse de la permanence des relations de la France avec ses amis. (Vifs applaudissements.)
    5
    Article 1er (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Nous poursuivons les explications de vote sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (début)
    Article 1er (suite)
    Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Jean Louis Masson.
    M. Jean Louis Masson. D’abord, je partage l’avis du président de la commission des lois sur la circulaire Taubira, car il serait en effet affligeant de laisser des enfants dans un état de non-droit et de créer des apatrides.
    Ensuite, je considère que chacun peur faire ce qu’il veut de sa vie privée. On peut être homosexuel, pourquoi pas, être polygame, pourquoi pas, faire n’importe quoi, pourquoi pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) On peut même être sénateur…
    Il n’en va pas de même dans la vie publique.
    Ce que l’on nous propose, ce n’est pas le mariage pour tous – l’intitulé du projet de loi ne convient vraiment pas –, c’est le mariage homosexuel.
    Je pense qu’il n’appartient pas à l’État de favoriser des situations qui ne correspondent pas à l’intérêt de la nation. Il est à proprement parler scandaleux, alors que la France se trouve dans une situation dramatique, notamment sur le plan économique, de faire diversion en faisant n’importe quoi simplement pour permettre à des gens de se livrer à des activités auxquelles ils peuvent se livrer sans être mariés ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je ne vois pas pourquoi l’on dénaturerait l’institution du mariage pour que des gens qui ont leurs pratiques propres, que je n’approuve pas, mais chacun peut faire ce qu’il veut, puissent fonctionner, en quelque sorte, dans un cadre institutionnel.
    Je considère que cette loi pour le mariage homosexuel est tout à fait mal venue, et cela d’autant plus que nos concitoyens sont confrontés au chômage et à des difficultés économiques. Ce n’est pas le moment de leur dire que le mariage homosexuel va régler tous leurs problèmes !
    M. David Assouline. Il n’y a que vous pour dire ça !
    M. Jean Louis Masson. Dans cette affaire, je crois que la question de la responsabilité est posée. Comme je suis non inscrit, je suis assez peu lié aux prises de position des groupes politiques auxquels appartiennent les uns et les autres, mais je crois que chaque parti politique, en la circonstance, a une responsabilité. Au sein du Sénat, la majorité étant très serrée, je souhaite pour ma part que non seulement tous les amendements qui vont à l’encontre du projet de loi soient adoptés, mais aussi et surtout que le projet de loi lui-même soit rejeté. J’appelle tous mes collègues à être attentifs à leurs responsabilités et je souhaiterais que les partis politiques votent en bloc pour ou contre, mais que chacun s’assume !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jean Louis Masson ignore la Constitution…
    M. Jean Louis Masson. Il serait désastreux que ce projet de loi soit adopté parce qu’une dizaine de parlementaires voteraient dans un sens contraire à la position prise par leur parti. C’est un point fondamental.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout mandat impératif est nul ! Il faut lire la Constitution…
    M. Jean Louis Masson. Moi, ce que je souhaite, c’est que ce projet de loi soit rejeté et je voterai donc contre !
    Mme Cécile Cukierman. Pas nous !
    M. Jean Louis Masson. Je tiens à dire que ce n’est pas du tout pour bloquer la vie privée des gens, et je le dis d’autant plus aisément que, je le répète, je trouve la circulaire Taubira pertinente. À la limite, si certains veulent se livrer à la PMA ou à la GPA, pourquoi pas, mais ce n’est pas à la loi de favoriser les dérives !
    M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
    M. Aymeri de Montesquiou. Avec cet article 1er, nous sommes au cœur du projet de transformation majeure de la société souhaité par le Gouvernement et la majorité.
    Nous avons voulu, en toute bonne foi et avec une conviction profonde, en tenant compte des évolutions de la société, rassembler autour d’un projet d’union civile répondant à l’aspiration d’une large partie de nos concitoyens.
    Mais la majorité refuse de nous écouter. Pour des raisons essentiellement politiques, elle a rejeté cette proposition pourtant beaucoup plus consensuelle que le projet de loi.
    Avec ce texte, et notamment son article 1er, disposition emblématique de cette réforme, le Gouvernement et la majorité ont fait un choix de société que nous ne partageons pas.
    Une fois encore, nous voudrions en dénoncer les conséquences. Voici pourquoi nous luttons contre cet article 1er : aujourd’hui, le mariage et l’adoption qui en découlera – encore que le titre du projet de loi n’y fasse pas référence – ; demain, la procréation médicalement assistée et la question, toujours pendante, des mères porteuses.
    Sur la PMA, on nous dit : « Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas le débat du présent texte ; il y aura un autre texte, plus tard, mais c’est un autre sujet. »
    Hélas, non ! C’est le même sujet, monsieur Sueur !
    Il suffit pour s’en convaincre de lire, par exemple, le rapport pour avis de la commission des affaires sociales : « Votre rapporteure est favorable à l’extension de l’AMP aux couples de femmes », cela notamment « au nom de l’égalité des projets parentaux entre couples hétérosexuels et couples homosexuels ».
    Pourquoi une telle affirmation serait-elle nécessaire à propos du présent projet de loi si les deux questions n’étaient pas liées ?
    Et qu’en est-il de la gestation pour autrui ? Selon la même source, « face aux risques que représente l’instrumentalisation du corps de la mère porteuse et de sa possible marchandisation, votre rapporteure était initialement opposée à la légalisation de la GPA ». Toutefois, « sa position n’est pas fermée à ce jour ».
    Comment peut-on être aussi évasif, et même contradictoire, sur un sujet tellement sensible, tellement important et tellement central dans notre société ?
    Mes chers collègues, notre position, elle, est claire.
    L’interdiction de la GPA, dans notre code civil, repose sur deux principes juridiques que nous continuerons à défendre avec force : d’abord, l’indisponibilité de l’état des personnes, c’est-à-dire l’impossibilité pour un être humain de disposer de sa qualité d’homme, de femme ou d’enfant ; ensuite, l’indisponibilité du corps humain, qui rend illicite toute convention sur le corps humain.
    Dès lors, la très grande majorité du groupe UDI-UC soutiendra les amendements de suppression l’article 1er de ce projet de loi déposés par notre groupe et par nos collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite donner quelques explications puisque M. de Montesquiou vient de me citer en tant que rapporteur pour avis.
    De surcroît, j’ai pu, tout comme le président de la commission des lois et son rapporteur, entendre, lors de nombreuses auditions, des positions diverses et précises sur la question de procréation médicale assistée et il me paraît important de dire où j’en suis moi-même sur cette question, étant bien précisé qu’elle n’entre pas du tout dans le périmètre du présent projet de loi,…
    MM. Francis Delattre et Jean-Claude Lenoir. Cela viendra après !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. … qui ne porte que sur le code civil.
    Lorsqu’il s’agit de procréation médicale assistée, c’est le code de la santé qui est concerné ainsi que les lois de bioéthique, qui ont déjà été débattues ici. Je n’y étais pas, mais j’ai lu les comptes rendus, tout à fait intéressants.
    Lors des auditions, j’ai pu constater qu’il y avait une majorité de positions favorables à l’encadrement de la procréation médicalement assistée. Je n’ai donc pas du tout le sentiment d’avoir été hors sujet en vous donnant ces positions qui sont certes personnelles, mais qui ne pouvaient être passées sous silence.
    Il n’en reste pas moins que ce sujet ne fait pas partie du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis, même si, à en juger par ce que l’on entend dans cet hémicycle, c’est pour vous une obsession qui vous conduit à en parler sans cesse.
    M. Jean-Claude Lenoir. Quelle hypocrisie !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Pas du tout !
    M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.
    M. Antoine Lefèvre. L’article 1er ouvre la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage et par là même, que vous le vouliez ou non – ou plutôt que nombre de mes collègues et moi-même le voulions ou non –, il donnera automatiquement le droit d’adopter aux personnes de même sexe.
    Or, la proposition d’union civile, que vous avez rejetée hier, répondait aux attentes exprimées par beaucoup. Outre qu’en effet une certaine solennité manque à la signature du PACS, le lieu actuel, à savoir le tribunal où se règlent les conflits, ne me paraît pas être le plus approprié pour deux personnes de même sexe désirant manifester leur amour réciproque.
    Cette union civile aurait donc permis aux couples de même sexe d’accéder à de nouveaux droits, mais sans la filiation, à l’inverse de ce qu’entraîne l’article 1er.
    S’il faut être particulièrement attentif à la demande de reconnaissance sociale et de sécurité juridique de la part des couples homosexuels, la réponse ne peut cependant passer par un accès au mariage. En aucun cas, celui-ci ne peut être un simple certificat de reconnaissance d’un sentiment amoureux, car le mariage emporte présomption de paternité et filiation. La spécificité du mariage, c’est d’être une institution tournée vers les enfants du couple.
    Ne nous trompons pas et plaçons l’enfant, au travers de ses droits, au cœur de nos discussions, qui engageront définitivement notre société. L’enfant, pour se construire, a besoin d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu.
    Or, sur le plan de la procréation, les couples hétérosexuels et homosexuels ne se trouvent pas, à l’évidence, dans des situations comparables. C’est un état de fait que nul ne peut contester. Il est donc illusoire de réclamer le mariage pour tous, car il ne peut assurément pas produire les mêmes effets.
    De même, il est dangereux de laisser croire que la famille est une création d’ordre social et non d’ordre biologique. Ne remettons pas en cause un des fondements de notre société.
    À ce propos, je veux partager avec vous le témoignage d’un de nos concitoyens.
    Pascal habite dans l’Aisne et travaille à Paris. Il est homosexuel et vit en couple avec un homme depuis sept ans. Pascal est opposé au mariage gay, qui aura de lourdes conséquences à long terme. Pour lui, cette demande est portée par des groupes militants qui ne représentent nullement tous les homosexuels. Personne n’a voté pour eux : ils se sont autoproclamés représentants de la « communauté gay ». Le mariage, selon lui, est une institution stable qui donne un cadre à la famille et à la succession des générations par la nécessaire stabilité de la société.
    Attachons-nous aux priorités, à savoir, d’abord, les enfants.
    De quel droit la loi peut-elle – surtout quand ceux qui la votent ont eu un père et une mère… – priver un enfant à venir de père ou de mère ? La vie, dans sa dure réalité, crée bien assez de situations dramatiques d’enfants orphelins.
    Comment un couple homosexuel pourra-t-il accueillir un enfant ? Par l’adoption ? Qui peut le croire alors qu’il y a déjà 20 000 demandes d’adoption en attente ?
    On arrive donc inévitablement, et sans être obsessionnel, ne serait-ce qu’au nom de « l’égalité », à la PMA – Vous l’avez vous-même avoué hier soir, monsieur le rapporteur, et la porte-parole du Gouvernement, Mme Vallaud-Belkacem, a déclaré elle aussi qu’elle serait légalisée – et donc, bien sûr, à la GPA.
    Vous sentez-vous le droit de prendre la responsabilité d’engager la société française dans cette direction, sous prétexte que ce n’est pas vous qui en subirez les conséquences ?
    Enfin, il nous faut lutter contre les idéologies comme systèmes de pensée qui s’imposent de force à la réalité, voire en dépit de la réalité. Je pense, par exemple, à l’idéologie de l’identité du genre, qui tente d’imposer de force l’abolition des différences entre les hommes et les femmes au profit d’un très théorique choix subjectif du sexe auquel on désire appartenir, quitte à nier toute spécificité de l’homme et de la femme, et qui remet même en cause la terminologie « femme » et « homme ».
    Surtout, autorisez le débat : affirmer qu’un couple hétérosexuel est différent d’un couple homosexuel n’est pas de l’homophobie ; les homosexuels se sont suffisamment battus pour le droit à la différence !
    Certes, l’annonce d’autres projets de loi sur la famille traitant de la PMA et de la GPA amplifie la gravité de la situation. Elle nourrit les inquiétudes sur des questions sur lesquelles le Gouvernement semble hésiter. C’est bien la preuve de leur gravité.
    Le président de la commission des lois indiquait à l’instant que cela se produit à l’étranger. Eh bien, non ! J’en veux pour preuve les réactions aux propositions que devait faire demain une clinique américaine dite « de la fertilité » dans un grand hôtel parisien à de potentiels clients, à savoir « dons d’ovocytes, gestation pour autrui, test génétique de dépistage sur embryon », propositions assorties le lendemain de consultations individuelles, toutes ces pratiques étant pourtant interdites dans notre droit français.
    Le mariage de couples de personnes de même sexe engendrera des transformations sociétales très profondes et ouvrira la porte à une conception renouvelée de la femme et de l’homme.
    Les amendements de suppression de MM. Gélard et Zocchetto ont le mérite de la clarté. C’est pourquoi je les voterai avec conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas les nombreuses explications auxquelles j’adhère complètement, comme celle de Jean-Jacques Hyest faisant hier acte de foi en la famille ou celle de Philippe Bas présentant les différents cas sur le plan juridique. Je veux en arriver à la fin de la soirée, lorsque M le président de la commission des lois et M. le rapporteur exprimaient le souhait que le débat puisse se poursuivre dans la sérénité – avec raison, car c’est un débat sérieux.
    Monsieur Sueur, vous avez évoqué la transparence et l’absence d’hypocrisie qui devraient prévaloir, et je dois vous dire que votre sincérité m’a presque amené à adhérer à vos propos. J’ai été quelque peu ébranlé lorsque vous avez souligné, en qualité de grammairien, que les termes évoluaient, comme en témoignaient les éditions successives des dictionnaires.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la vérité !
    Un sénateur du groupe UMP. Pas tous !
    M. Jean-Pierre Vial. M. le rapporteur a renchéri en disant en substance que nous nous ferions au mariage pour tous comme nous nous étions faits au PACS, sous-entendant que les choses évolueraient…
    Justement, quelle est la question, madame la ministre ? Je le dis très solennellement, notre pays traverse une crise sérieuse, dont un élément essentiel est une crise de confiance dans la classe politique.
    Comment pouvons-nous, sur un thème aussi sérieux, accepter de n’aborder qu’un seul sujet alors que l’on nous indique que d’autres vont suivre ? À cet égard, je citerai vos propos, madame Bertinotti, devant la commission : « Je prends cette interpellation comme le signe du très vif intérêt que les parlementaires portent à l’évolution des familles dans la société française. » Effectivement, la famille évolue. Alors, pourquoi nous demande-t-on d’attendre pour les évolutions à venir ?
    Le Président de la République, devant le congrès des maires, a évoqué dans un premier temps une clause de conscience permettant de déléguer la célébration du mariage. Ce qui m’a le plus étonné, outre le fait qu’il propose au premier magistrat des communes de faire défaut sur l’application de la loi, c’est qu’il considère l’existence d’un cas de conscience. Il y a donc bien dans cette loi quelque chose de profond.
    D’ailleurs, dans les semaines qui ont suivi, l’introduction de la PMA a été évoquée à l’Élysée comme au Gouvernement. Voyant que le sujet était sensible, la question a été différée et renvoyée à une éventuelle initiative parlementaire. Comme par hasard, c’est au Parlement que l’on impose ou demande, selon le moment, certaines mesures !
    Vous avez tenu à répondre longuement à notre collègue Jean-Claude Lenoir, monsieur le président Sueur, et je vous en remercie.
    M. Jean-Claude Lenoir. Moi aussi !
    M. Jean-Pierre Vial. Pour ma part, ce n’est ni à vous ni au rapporteur, malgré tout le respect que je vous porte, que je pose la question, mais au Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! Le Gouvernement doit répondre !
    M. Jean-Pierre Vial. Plus exactement, je retransmets au Gouvernement la question que Mme Benbassa lui a adressée en commission : « Madame la ministre chargée de la famille, pourriez-vous nous dire quand le Gouvernement compte mettre en place la concertation sur la famille et élaborer la loi qui en découlera ? […] Quand pourrons-nous discuter de la PMA et de la GPA ? »
    Vous voyez bien que ces deux textes, en réalité, n’en font qu’un. C’est parce que l’on touche, au fond, à la théorie du genre que le sujet dérange et que l’on refuse d’en parler. Voilà la vérité, voilà où l’on ment à la nation ! C’est pourquoi vous devez répondre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Leleux. Je voterai en faveur de ces amendements de suppression pour les multiples raisons qui ont déjà été exprimées.
    Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. le président de la commission des lois concernant l’aspect sémantique du débat.
    Mme Esther Benbassa. Encore !
    M. Jean-Pierre Leleux. Certes, les mots changent, nous en convenons tous, mais, si l’on examine l’histoire de la langue, on constate qu’ils évoluent au fil des usages. Il n’appartient pas au Parlement de transformer le sens des mots. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Parlement est un acteur de la société !
    M. Jean-Pierre Leleux. Une majorité politique, quelle qu’elle soit, ne peut ni changer le mal en bien ni inverser le sens des mots, et encore moins appeler « mariage » ce qui ne l’est pas,…
    M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
    M. Jean-Pierre Leleux. … ne peut pas l’être et, qu’on le veuille ou non, ne le sera jamais !
    Lors de la discussion générale, certains se sont agacés que nous fassions appel à des « cannes blanches », à des citations pour soutenir nos propos. J’avais ainsi cité Albert Camus – cela ne vous avait pas plu – et Portalis, notre « veilleur ». Je fais à présent appel à quelqu’un qui ne devrait pas poser de problème dans vos rangs, à savoir l’ancien ministre de la justice, Mme Guigou, qui disait, en parlant du mariage, que c’était « l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes ». Voilà qui devrait cheminer dans vos esprits !
    Pour remonter plus loin dans le passé, puisque l’on parle du temps qu’il faut pour que les mots changent, je ferai appel à un poète soufi du XIIe siècle, Ibn’Arabî, qui, au fond devrait faire l’unanimité dans cette assemblée. À la question de savoir quel vœu il exprimerait si Dieu lui demandait ce dont il a le plus envie, ce grand poète mystique répond en effet : ce que je désire le plus, c’est que l’on restitue leur sens aux mots.
    Nous n’avons pas le droit, en tant que parlementaires, de changer le dictionnaire et la signification profonde de mots auxquels sont attachés une symbolique et une histoire lourdes de sens. C’est pourtant ce que nous faisons aujourd’hui ! C’est la raison pour laquelle je m’opposerai avec la plus grande vigueur à ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. David Assouline. C’est vous qui détournez le sens des mots !
    M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour explication de vote.
    M. Abdourahamane Soilihi. Je voudrais d’abord parler d’une confusion relative à la dénomination du projet de loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » alors que vous parlez, chers collègues de la majorité, du « mariage pour tous ». En réalité, vous avez là un slogan.
    La confusion est également de nature anthropologique, entre le genre et l’orientation sexuelle.
    Mais la confusion concerne surtout la portée du projet de loi, car le mariage, dans le code civil, ce n’est pas que l’union d’un homme et d’une femme, c’est également la filiation, la présomption de paternité ; c’est automatiquement le droit à l’adoption et, pour les couples stériles, l’accès à la procréation médicalement assistée.
    En conséquence, ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est transférer les droits autrefois réservés aux couples de sexe différent aux couples de même sexe. Si les situations des couples mariés de sexe identique ou différent deviennent similaires, il n’y aura plus cette différence de situation qui peut justifier que certains aient accès à l’adoption et d’autres non, que certains aient accès à la PMA et d’autres non, et enfin que certains aient accès à la PMA et donc à la procréation alors qu’ils sont stériles, et que d’autres ne puissent pas bénéficier de la GPA.
    Or, c’est justement ce qui est caché, ce qui n’est pas dit suffisamment clairement que nous critiquons et qui scandalise beaucoup de Français.
    Si ce texte est voté, si le mariage de deux personnes de même sexe est à l’avenir rendu possible, alors automatiquement ces couples auront droit non seulement à l’adoption mais aussi à la procréation médicalement assistée, au besoin en passant par une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il considérer l’égalité de droits entre tous les couples mariés si certains d’entre eux peuvent avoir accès à la PMA et d’autres non ?
    L’étape suivante verra surgir la même revendication de la part des couples composés de deux hommes qui demanderont alors, s’appuyant sur le fait qu’un couple formé de deux femmes a accès à la PMA, à avoir eux-mêmes accès à un moyen d’avoir des enfants ; et ce sera évidemment, mécaniquement, l’accès à la gestation pour autrui.
    De fait, nous ne voulons faire peur à personne, nous voulons simplement que le débat puisse porter sur les véritables enjeux, pas sur la seule face émergée de l’iceberg, aussi grosse soit-elle. En segmentant le débat, vous cherchez à dissocier le mariage de la filiation, et l’adoption de l’utilisation d’autres méthodes de procréation.
    La conception de l’égalité qui vous conduit à défendre ce mariage pour tous nous conduira mécaniquement vers l’adoption, vous l’admettez volontiers. Mais, toujours au nom de l’égalité, vous nous amènerez par le même mécanisme à la PMA.
    Ensuite, parce que nous évoluons dans un cadre européen et que nos lois sont soumises à un contrôle de constitutionnalité, désormais y compris a posteriori, via la QPC, vous nous conduirez vers la GPA, que ce soit par l’intermédiaire de la Cour européenne des droits de l’homme ou du Conseil constitutionnel.
    Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter que soit adopté l’article 1er relatif au mariage pour tous, car nous n’acceptons pas ses conséquences. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
    M. Philippe Darniche. J’ai indiqué, lors de la discussion générale, que je n’étais pas favorable à ce texte, et je ne reprendrai pas l’ensemble de mon argumentation, mais j’ai entendu M. Sueur nous expliquer que le projet de loi ne traitait ni de la PMA ni de GPA et qu’il fallait s’en tenir au sujet en discussion.
    Monsieur le président de la commission des lois, avec tout le respect que j’ai pour vous, cette manière de contourner le problème ne me semble pas très honnête.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si, c’est honnête !
    M. Philippe Darniche. Pourquoi ? Vous le savez, car vous étiez également présent, j’ai assisté à un nombre important d’auditions. Dans ce cadre, j’ai bien entendu toutes les personnes qui étaient favorables à ce texte, et qui d’ailleurs n’étaient pas nécessairement majoritaires.
    Quoi qu’il en soit, les personnes auditionnées qui y étaient favorables ont toutes indiqué très clairement que le souhait exprimé par les associations homosexuelles était d’aller vers la PMA et la GPA et qu’il faudrait inéluctablement y parvenir un jour.
    Le Gouvernement savait que certains parmi nous, très favorables à la PMA et à la GPA, comptaient déposer des amendements visant à introduire des dispositions relatives à l’une et à l’autre dans ce texte. Nos collègues, nous le savons, ont été priés de retirer leurs amendements, l’étude d’une éventuelle légalisation de la PMA, et peut-être la GPA, étant reportée à un futur texte sur la famille.
    Au-delà de son habilité, c’est pour moi un procédé mensonger.
    On ne doit pas tromper l’opinion publique ! Or, avec ce procédé, on s’attire l’accord d’un certain nombre de personnes qui concluent qu’après tout le texte n’est pas si dangereux et qui, n’étant pas homophobes, en viennent à l’accepter.
    Moi non plus, je ne suis pas homophobe ! La majorité, et même la totalité des personnes présentes dans cet hémicycle ne sont pas homophobes ! Cependant, je n’accepte pas que l’on mobilise un argument spécieux pour que dans les sondages une majorité de Français apparaissent favorables au présent projet de loi.
    Sur le terrain, je constate que les personnes qui, dans un premier temps, répondaient que l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe correspondait après tout à une évolution de la société, changent bien souvent d’avis lorsqu’on leur démontre très clairement que l’on va en arriver à la PMA et à la GPA. Des explications sont donc nécessaires.
    Je le répète, ce projet de loi est un mensonge, et je ne le soutiendrai donc pas, mais il y a à cela une autre raison, à mes yeux fondamentale : le problème des origines.
    Nous en sommes tous témoins, soit personnellement, dans notre famille ou parmi nos amis, soit à travers les fonctions que nous occupons, notamment en tant que responsables des affaires sociales départementales, un nombre considérable de personnes consacrent jusqu’à leur dernier souffle l’essentiel de leur vie à la recherche de leurs origines.
    En adoptant ce texte, nous augmenterons inéluctablement le nombre des enfants qui, une fois devenus adultes, seront obnubilés par la recherche de leurs origines et qui, inéluctablement aussi, souffriront.
    Lors des auditions menées par la commission, j’ai soulevé cette question devant Mme Roudinesco, psychanalyste bien connue. Celle-ci m’a répondu : « C’est vrai, monsieur le sénateur, que le nombre de personnes concernées augmentera. » Puis, après un petit flottement, elle a ajouté que parfois, pour obtenir des progrès dans l’évolution de la société, il était nécessaire de créer des situations pouvant être douloureuses pour certains.
    Ce type de raisonnement me semble inacceptable. Nous n’avons pas le droit de brader ainsi le bonheur des enfants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) C’est la raison pour laquelle je réaffirme mon opposition à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
    M. Yves Détraigne. L’article 1er, sur lequel nous devrons nous prononcer dans quelques instants, est présenté comme un article tout simple, prenant acte de l’amour unissant deux êtres et visant à le consacrer devant la République.
    Cet article n’évoque ni l’adoption ni les enfants. Sauf que l’adoption sera abordée quelques articles plus loin. De plus, la PMA et la GPA suivront inévitablement dès lors que nous aurons admis que le mariage, tel que nous le connaissons aujourd’hui, peut aussi bien unir deux personnes du même sexe.
    Vous ne pourrez en effet pas empêcher qu’un couple marié de femmes ou d’hommes ayant eu recours à la GPA dans un pays qui reconnaît cette pratique revienne avec l’enfant. Certes, nous ne donnerons pas de papiers d’identité français à cet enfant, mais un jour ou l’autre il faudra bien régulariser sa situation ! Il serait intenable que des bébés, des enfants, de jeunes adultes et des adultes dans notre pays depuis leur tendre enfance et ayant de facto des parents français, ayant été à l’école ici, travaillant ici, ayant leur réseau de relations ici, ne puissent bénéficier de papiers d’identité français !
    Inévitablement, nous serons donc amenés à reconnaître à la fois la PMA puis, au nom du principe d’égalité, la GPA. En effet, dès lors qu’un couple de femmes pourrait accéder à la PMA dans un autre pays et en revenir avec un enfant, pourquoi un couple de deux hommes ne pourrait-il pas demander de recourir à la GPA ? Voilà la faiblesse de ce texte !
    Chers collègues de la majorité, nous voulons bien croire en votre bonne foi lorsque vous dites qu’il s’agit simplement de reconnaître officiellement l’amour que se portent deux êtres, indépendamment de leur sexe. Cet aspect ne nous pose pas problème, et les amendements en faveur d’une union civile vont d’ailleurs dans ce sens. Mais, au nom du principe d’égalité, qui est le seul argument invoqué pour justifier le projet de loi, quel que soit l’angle d’attaque, on en viendra à la GPA et à la PMA. On ira donc bien au-delà de ce qui a été annoncé à l’origine, à savoir la reconnaissance de l’amour que se portent deux adultes.
    Voilà pourquoi je maintiens que l’on ne nous dit pas tout sur ce texte ! (Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. « On » ne vous dit pas tout ?... (Sourires sur les mêmes travées.)
    M. Yves Détraigne. Voilà pourquoi, au nom du principe de précaution – même si le terme n’est pas bien choisi –, nous nous opposons à l’instauration d’un mariage qui serait la copie conforme du mariage traditionnel, qui, lui, a bien pour vocation d’unir deux adultes dans la perspective de fonder une famille qui accueille des enfants.
    Dès lors que c’est ce modèle qui est transposé à deux hommes ou à deux femmes, d’une manière ou d’une autre, la conséquence sera inévitable et, par conséquent, on nous trompe sur les dispositions qui nous sont aujourd’hui soumises.
    Pour cette raison et pour d’autres, qui ont déjà été évoquées et qui le seront de nouveau au cours de nos discussions, nous ne pouvons pas adopter ce que le Gouvernement nous propose. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
    M. David Assouline. C’est sans fin, cette affaire !
    M. René-Paul Savary. Je souhaite simplement rappeler que le Conseil constitutionnel a été saisi en novembre 2010 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité,…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Vous l’avez déjà dit !
    M. René-Paul Savary. … posée par deux citoyennes du département de la Marne, dont je suis l’élu.
    Mme Cécile Cukierman. L’un des élus !
    M. René-Paul Savary. Cette question portait sur le dernier alinéa de l’article 75 du code civil et sur son article 144. À cette occasion, la Cour de cassation a rappelé son arrêt du 13 mars 2007, en vertu duquel, « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». Il s’agit là du principe de l’altérité !
    Malgré les arguments selon lesquels l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire portent atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage, il a été précisé que le droit de mener une vie familiale normale n’était pas méconnu dans ce cadre, et qu’il y avait bien égalité devant la loi.
    En conséquence, le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de personnes de même sexe de vivre en concubinage ou de bénéficier du cadre juridique du PACS, qui peut toujours évoluer.
    Ainsi, selon le Conseil constitutionnel, l’interdiction de se marier pour les couples de personnes de même sexe ne porte pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale.
    Madame la ministre, chers collègues de la majorité, les sages ont estimé que la distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. L’égalité ne peut donc pas être invoquée pour élargir le mariage aux personnes de même sexe.
    A contrario, votre projet de loi ne permettra plus de protéger tous les enfants adoptables dans les mêmes termes : les enfants adoptés par des couples hétérosexuels bénéficieront d’une filiation symbolique, alors que les autres se verront un jour confrontés à la dure réalité, nécessairement révélée, car, jusqu’à présent, on ne naît pas de deux personnes du même sexe.
    C’est à l’enfant que je pense. En prétendant établir une égalité entre adultes sur le plan du mariage, le présent projet de loi crée une nouvelle inégalité, encore plus compliquée, entre enfants de couples hétérosexuels et enfants de couples homosexuels.
    Nous avons besoin d’une réforme cohérente, prenant, bien sûr, en considération le fait que l’amour peut porter un individu vers un autre, mais impliquant également la reconnaissance d’une égalité sociale et fiscale. L’union civile répondait véritablement à cette préoccupation, sans pour autant créer de filiation. Loin de poser ce type de problèmes, elle en réglait bien d’autres, qui plus est sans diviser les Français.
    C’est la raison pour laquelle je soutiendrai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées l’UDI-UC.)
    M. Bruno Sido. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
    M. Yves Daudigny. Certainement l’explication décisive !
    M. David Assouline. Espérons que ce soit le mot de la fin !
    M. René Garrec. Pour ma part, je suis gêné par la conception de l’évolution des mots de M. le président de la commission des lois.
    Sur la relation entre le mot et le fait, entre le mot et la réalité qui existe réellement, je prendrai le cas du mariage et du divorce. Je tenterai, par la même occasion, de détendre un peu l’atmosphère…
    Dans la loi de 448 avant Jésus-Christ, Per aes et libram, figure la formule du divorce, ce qui prouve qu’il y avait bien mariage ! Cette formule est la suivante : Vade foras res tibi habetur,…
    M. Bruno Sido. Voilà !
    M. René Garrec. … ce que nous aurions sans doute traduit, à une époque où le français était très respecté, par : « Prends tes choses à toi et va-t-en ! » Cette formule aurait ensuite pu évoluer en devenant : « Sors d’ici avec tes affaires », pour donner enfin aujourd’hui, dans la bouche de l’homme de la rue : « Prends tes frusques et fous-moi le camp ! » (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
    Ce serait là la consécration du divorce. Toutefois, le fait est resté le même, et le mariage a existé en tant que tel. Voilà pourquoi l’évolution des mots ne change rien au fait et à la chose. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. Bruno Sido. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 136 :
    Nombre de votants 344
    Nombre de suffrages exprimés 338
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 158
    Contre 180
    Le Sénat n’a pas adopté.
    M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
    M. Bruno Sido. C’est une large victoire…
    M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, ainsi libellé :
    Alinéas 1 à 10
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai ensemble les amendements nos 9 rectifié bis et 10 rectifié bis, ce qui fera gagner un peu de temps à notre assemblée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
    M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de suppression de différents alinéas de l’article 1er. Comme la suppression totale nous a été refusée, nous tentons maintenant la suppression partielle…
    L’amendement n° 9 rectifié bis a pour but de supprimer le I de l’article 1er. Nous demandons ainsi l’annulation des dispositions qui consacrent le mariage entre personnes du même sexe. En effet, nous sommes favorables à l’union civile, et donc opposés aux conséquences qui résultent de ces dispositions, c’est-à-dire, notamment, l’extension de la prohibition du mariage qui existait entre oncle et nièce et tante et neveu aux liens qui pourraient s’établir entre tante et nièce et entre oncle et neveu.
    Nous sommes naturellement également contre la disposition de l’article 164 prévoyant que le Président de la République peut déroger à cette interdiction en cas de motif grave. Le seul motif grave existant jusqu’à présent étant la naissance d’un enfant, il ne nous semble pas qu’un tel fait puisse advenir dans le cadre d’un lien unissant la tante et la nièce ou l’oncle et le neveu !
    Par l’amendement n° 10 rectifié bis, nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3, qui disposent essentiellement que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
    En d’autres termes, nous maintenons notre position : nous sommes favorables à l’union civile et contre le mariage de personnes de même sexe.
    M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 2 et 3
    Supprimer ces alinéas.
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Les six amendements suivants sont identiques.
    L’amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.
    L’amendement n° 134 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 157 rectifié est présenté par MM. Bécot et G. Bailly, Mme Mélot et MM. Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 188 est présenté par M. Gournac.
    L’amendement n° 193 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 240 est présenté par Mme Duchêne.
    Ces six amendements sont ainsi libellés :
    Alinéa 3
    Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
    « Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, reposant sur leur engagement public, volontaire et solennel pris devant la société.
    « La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi.
    « Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l’alliance et fonde la parenté, offrant à l’enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle.
    « Cette nature particulière du mariage fonde l’existence de règles régissant impérativement ses conditions, ses effets et sa dissolution. » ;
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour défendre l’amendement n° 106 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. Avant de présenter mon amendement, et après d’autres de mes collègues, je voudrais interpeler Mme la ministre pour la quatrième fois au sujet des propos tenus par Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, à propos de la PMA. Le Gouvernement ne nous a toujours pas répondu.
    Madame la ministre, désavouez-vous les propos de Mme Najat Vallaud-Belkacem ou ces propos sont-ils exacts ?
    Sur ce sujet, j’ai constaté deux attitudes différentes dans la majorité. J’apprécie celle du rapporteur, qui assume sa droite ligne en matière de PMA. En revanche, d’autres ont une attitude beaucoup plus flottante et, oserai-je dire, oblique. Or, nous préférons les droites aux obliques !
    La PMA, chers collègues de la majorité, est consubstantielle à ce texte. Vous savez très bien, en effet, que la clé de voute de la Convention européenne des droits de l’homme est le principe de non-discrimination, si familier aux juristes avertis. Dès lors, une fois que le mariage aura été ouvert pour tous, et donc dans des situations juridiques identiques, vous ne pourrez pas traiter différemment les couples de personnes de même sexe ou de sexe différent au regard de PMA.
    C’est le sens de l’arrêt Gas et Dubois de la CEDH, du 15 juin 2012, rendu à la requête d’un couple de femmes.
    Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous devez vous exprimer sur ce point. Vous ne pouvez pas vouloir les causes et éviter en même temps les conséquences en matière de PMA.
    En ce qui concerne l’amendement, il s’agit d’une définition du mariage tel qu’il existe aujourd’hui, non seulement ici mais dans pratiquement toutes les civilisations : l’union d’un homme et d’une femme.
    C’est la définition la plus universelle. En effet, quelle que soit par ailleurs l’orientation sexuelle de nos parents, nous sommes tous les filles ou les fils d’un homme et d’une femme.
    Le mariage n’est pas seulement un contrat mais une institution, et c’est pour cela que la société le reconnaît et qu’elle le distingue socialement, au sens de l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme, qui précise que les distinctions sociales sont fondées sur « l’utilité commune ».
    L’utilité commune du mariage, jusqu’à présent, c’est la famille, la procréation, le renouvellement des générations.
    Enfin, on ne parle pas du mariage comme institution sans parler d’une filiation reconnue par la loi qui doit avant tout protection aux plus vulnérables et donc aux enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour défendre l’amendement n° 134 rectifié.
    M. Jean-Pierre Leleux. Quand un fleuve sort de son lit, il convient que chacun tente de l’y ramener ; comme les auteurs des autres amendements, c’est le mot « mariage » que je voudrais ramener dans sa signification profonde, en lui rendant son vrai sens historique.
    Selon le Dictionnaire de la langue française, sa définition est la suivante : « Union d’un homme et d’une femme, consacrée par un ensemble d’actes civils ou parfois religieux et destinée à la fondation d’une famille. »
    Sans vouloir concurrencer les éminents spécialistes du droit constitutionnel que sont Patrice Gélard et Jean-Jacques Hyest, j’estime, en me référant à cette définition, que mon amendement ramène dans le champ de la constitutionnalité un article qui s’en éloigne. L’article 2 de la Constitution dispose en effet : « La langue de la République est le français. » Avec l’appui du dictionnaire, il s’avère donc que l’article 1er du projet de loi, en violant la langue française, viole aussi la Constitution !
    Voilà donc un argument supplémentaire pour mettre en cause cet article devant le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 157 rectifié.
    M. Michel Bécot. Il s’agit donc de remplacer l’alinéa 3 de l’article 1er par quatre alinéas définissant le mariage.
    Le mariage républicain est une institution dont le but est bien de donner un cadre juridique à la filiation. Il est également un contrat d’engagement conclu par une femme et un homme devant la société en vue de protéger la famille. La loi offre des droits aux époux et leur impose des devoirs.
    Cette union d’un homme et d’une femme est à la source de la famille, reconnue comme la première cellule de la société. C’est une microsociété qui joue, en période de crise, un rôle d’amortisseur social.
    Le mariage permet à l’enfant né de l’union d’un homme et d’une femme de disposer à la fois d’une filiation maternelle et d’une filiation paternelle, nécessaires à son épanouissement et à la construction de son identité. Il dépasse la relation formée par un homme et une femme pour s’inscrire dans la perspective de la famille.
    Pour pouvoir se marier, il faut remplir les conditions qui permettent de fonder une famille. Aussi, le mariage est ouvert à tout homme et à toute femme à la condition de s’unir à une personne de sexe différent.
    En revanche, le sentiment amoureux ne figure pas et n’a pas à figurer parmi les conditions du mariage.
    En effet, le mariage n’est pas la reconnaissance de l’amour que se portent deux personnes. Il est le lien entre une relation horizontale, la conjugalité, c’est-à-dire l’alliance entre deux adultes qui deviennent époux et épouse, et une relation verticale, qui crée la filiation réelle ou symbolique dans le cas d’enfants adoptés.
    Le mariage offre, grâce à la présomption de paternité, une double filiation à l’enfant, une filiation paternelle et une filiation maternelle, qui lui permet de se situer dans la chaîne des générations et d’exercer son droit de connaître ses origines.
    C’est, me semble-t-il, important pour l’enfant. Il a besoin de cette généalogie de double lignée pour grandir, car cela le sécurise, et il en aura besoin tout au long de sa vie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. L’amendement n° 188 n’est pas soutenu.
    La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 193.
    M. Charles Revet. Cet amendement vise à rappeler la définition du terme « mariage ». (Encore ! sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui, mes chers collègues, il convient de l’inscrire dans le texte pour que ce dernier soit conforme à la Constitution !
    En commission, nous avons assisté à un échange assez vif entre une personne auditionnée, qui considérait que le mot « mariage » était un terme signifiant, et le président de la commission, M. Jean-Pierre Sueur, qui estimait – c’est une constante chez lui ! – que les mots évoluaient. La personne lui a objecté que, certes, les mots évoluaient – elle pouvait d’ailleurs lui en citer quelques-uns –, mais que le mot « mariage » avait la même définition depuis qu’il existait.
    M. Sueur a repris, on l’a vu, cet argument – peut-être pour mieux s’en convaincre lui-même… – afin d’essayer de nous imposer son diktat quant à la définition du mot « mariage ».
    Dans le cadre de la discussion que nous avons ici, il importe de rappeler cette définition importante : le mariage unit un homme et une femme qui ont la possibilité de procréer. Deux femmes ou deux hommes ne pourront au contraire jamais procréer ensemble.
    En outre, à considérer certaines conventions internationales, c’est aussi cette définition qui est retenue, au niveau européen notamment. Notre amendement s’inscrit donc dans cette démarche. D’ailleurs, qu’arrivera-t-il si, par ce texte, vous modifiez les choses, alors que c’est cette définition qui figure dans les textes internationaux ?
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous entendons inscrire, avec mes collègues, la définition du mariage dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 240.
    Mme Marie-Annick Duchêne. Cet amendement, qui fait écho aux amendements identiques présentés par mes collègues, traduit la volonté de chacun de nous d’affirmer ses convictions personnelles et donc profondes.
    Il vise à substituer à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi quatre alinéas qui établissent la nature spécifique de l’institution du mariage.
    Tout d’abord, la filiation se fonde sur la différence des sexes.
    Lors de la première rédaction du code civil en 1804, il n’apparaissait pas du tout nécessaire, il est vrai, de définir le mariage en spécifiant le sexe. En 2013, il y a encore des hommes et des femmes qui pensent qu’il n’y a pas d’autre moyen naturel pour « perpétuer l’espèce », pour reprendre les termes de Portalis, déjà cités par mes collègues Jean-Pierre Leleux et Jean-Claude Lenoir.
    Selon moi, les questions de fond sont les suivantes : quelle famille voulons-nous avoir ? Et quelle place accordons-nous à l’enfant au sein de cette famille ? Je vous invite, madame la ministre, à mener cette réflexion.
    Pour ma part, je suis sûre que le mariage est une institution créée pour assurer sa propre pérennité et pour protéger le sujet fragile qu’est l’enfant.
    La solution de l’union civile présentée par M. Gélard me semble être une démarche de rassemblement.
    Mme Cécile Cukierman. On a voté hier sur cette proposition !
    Mme Marie-Annick Duchêne. Les homosexuels sont reconnus et protégés par ce statut civil.
    L’adoption simple, également proposée par Patrice Gélard, peut être une solution non seulement pour les couples homosexuels, mais également pour tous les enfants de familles homoparentales, car ils seraient ainsi protégés par ce statut juridique.
    Pour ma part, je regrette que cette proposition n’ait pas été retenue pour le moment. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
    M. le président. L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « Art. 143. – Le mariage est contracté par un homme et une femme. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Les amendements précédents entrent un peu plus dans le détail que celui que je vais vous présenter. Leur contenu, plus long, va au-delà de l’objectif que nous poursuivons. Aussi, avons-nous fait « court », si je puis dire, avec cet amendement, qui ne comporte qu’une seule phrase : « Le mariage est contracté par un homme et une femme. »
    Nous reprenons ici le texte que nous avions déposé il y a quatorze ans, au nom de notre groupe, lors de l’examen du projet de loi instaurant le PACS.
    Mme Cécile Cukierman. Cela n’a pas changé !
    M. Patrice Gélard. À l’époque, cet amendement n’avait pas été accepté pour une raison très simple : Mme la garde des sceaux nous avait alors répondu que cela allait de soi depuis 1804 et qu’il ne convenait pas d’inscrire dans le code civil ce qui s’entendait par la conception même du mariage.
    Le code civil sous-entendait donc bien alors que le mariage était l’union d’un homme et d’une femme, et telle était la règle que tout le monde, notamment l’ensemble de la majorité socialiste de l’époque, respectait.
    Aujourd’hui, il faut remettre les points sur les i, en rappelant tout simplement ce sur quoi nous avions alors insisté. Mes chers collègues, il convient dès lors de voter pour cet amendement simple : le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
    M. le président. Les six amendements sont identiques.
    L’amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary, de Raincourt, G. Larcher et Mayet.
    L’amendement n° 136 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 158 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel et P. Leroy, Mme Mélot et M. Pointereau.
    L’amendement n° 189 est présenté par M. Gournac.
    L’amendement n° 194 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 241 est présenté par Mme Duchêne.
    Ces six amendements sont ainsi libellés :
    Alinéa 3
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. L’amendement se justifie par la phrase qui le porte.
    L’altérité des sexes est, pour le mariage, je tiens à le rappeler, un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce point juridique ne devrait donc pas faire question ici.
    Vous le savez, un principe fondamental reconnu par les lois de la République doit présenter trois caractéristiques : premièrement, il doit avoir été affirmé constamment par les lois de la République ; deuxièmement, il ne doit souffrir aucune exception ; troisièmement, il doit être lié à un régime de droit, de liberté ou de protection. C’est exactement le cas du mariage et c’est même aussi le cas des droits à la filiation.
    Il s’agit donc d’une définition d’ordre juridique.
    Le champ de l’article 1er est beaucoup plus large. En effet, nous ne cessons de le démontrer depuis le début de la discussion, se cachent derrière le mariage l’adoption, la filiation, la présomption de paternité, etc. Tout se tient !
    C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement socle visant à rappeler que le mariage suppose l’altérité sexuelle, qui fonde le modèle familial prévalant en France, mais aussi dans toutes les autres cultures et civilisations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié.
    M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est d’une simplicité biblique, si j’ose dire, dans la mesure où il rétablit réellement le sens du terme « mariage ».
    Pour compléter les différentes explications qui viennent d’être données, je dénoncerai l’argumentaire qui est avancé pour justifier le bien-fondé de l’article 1er : vous autorisez l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, car il est discriminatoire de ne pas mettre sur un pied d’égalité le mariage de couples hétérosexuels – cette expression est, à mon sens, un pléonasme – et le mariage de couples de personnes de même sexe.
    Si nous acceptons cette proposition, nous allons précisément faire un acte discriminatoire dans la mesure où l’on ne peut pas dire que ces couples sont égaux : les uns sont procréatifs, et peuvent constituer réellement une famille, tandis que les autres ne le sont pas. Cette différence justifie qu’ils soient traités différemment. Il ne s’agit en rien d’un principe d’égalité.
    Oui, pour replacer le mariage dans la conception de l’altérité sexuelle des parents que sous-tend la création d’une famille.
    Oui, à l’union civile pour permettre, éventuellement, à des couples de personnes de même sexe de s’unir avec des droits équivalents à ceux du mariage, sans aller jusqu’à la filiation.
    Mais non à l’extension du mariage aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 158 rectifié.
    M. Michel Bécot. Cet amendement socle nous fait redécouvrir, si je puis dire, les bases de notre humanité.
    Le mariage est à la fois un contrat et une institution, cela a été dit et répété, dont le but est de fonder une famille. Les conditions d’altérité sexuelle des époux découlent de la signification profonde du mariage, qui est de créer une famille. C’est pourquoi le mariage ne peut concerner qu’un homme et une femme.
    Pour fonder une famille, pour donner la vie à un enfant, il sera toujours nécessaire de faire appel à un gamète femelle et à un gamète mâle. Jamais deux personnes de même sexe ne pourront procréer ensemble. C’est donc non pas l’orientation sexuelle ou la sexualité qui fonde le droit de se marier, mais la distinction anthropologique de l’homme et de la femme.
    Le mariage repose sur l’union des sexes en raison de leur complémentarité dans le domaine de la procréation. Nous proposons que les couples de personnes de même sexe puissent bénéficier d’une union civile, ce qui leur permettrait d’officialiser leur union et de jouir des droits patrimoniaux identiques à ceux des couples mariés.
    Cette union civile se distingue du mariage en ce qu’elle n’ouvre aucune filiation, qui ne pourrait être que fictive.
    Cette proposition d’union civile est de nature à répondre aux vœux de la plupart des Français et d’une partie aussi des homosexuels.
    L’inquiétude de nos concitoyens est grande : ils nous ont fait connaître, à plusieurs reprises, leur désapprobation à l’égard de ce texte. Dès lors, pourquoi persister à maintenir ce texte au nom d’une prétendue égalité, tout en mécontentant une très grande majorité de Français, qui ne se reconnaissent pas dans la vision que vous avez de la famille. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
    M. le président. L’amendement n° 189 n’est pas soutenu.
    La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 194.
    M. Charles Revet. Nous sommes constants dans notre position parce que sous sommes dans la réalité des choses.
    Vous voulez changer la société ; vous avez même annoncé que nous allions changer de civilisation. Mais ce que vous voulez faire, vous ne le dites pas !
    Il suffit de parler à n’importe lequel de nos concitoyens pour qu’il vous dise : le mariage, c’est un homme et une femme. Parce que vous avez la majorité aujourd’hui, vous souhaitez changer la terminologie et inverser les choses ; mais vous ne changerez pas le fait qu’un homme et une femme sont différents et complémentaires !
    Nous souhaitons réaffirmer cette vérité en espérant qu’à force de l’entendre, vous vous convaincrez que vous devez être un peu plus réalistes dans vos projets.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour défendre l’amendement n° 241.
    Mme Marie-Annick Duchêne. L’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi remet fondamentalement en cause le sens et la vocation du mariage pour l’ensemble des couples. Le titre V du livre Ier du code civil, intitulé « Du mariage », traduit parfaitement le caractère essentiel de l’altérité des sexes et associe constamment le mariage et la filiation.
    Madame la ministre, votre projet de loi met à mal tout l’équilibre et le sens de l’institution du mariage. Comment accepter d’en modifier les conditions d’accès sans qu’aient été clairement identifiées toutes les conséquences qui découleront inévitablement de cette modification de l’équilibre général de notre organisation sociale ?
    La distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. Toute notre jurisprudence le confirme : traiter différemment des situations objectivement différentes n’est pas un motif de discrimination.
    Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra : il existera un mariage hétérosexuel, qui continuera à garantir à l’enfant une double filiation naturelle par le biais de la présomption de paternité, et un mariage homosexuel, dans lequel la filiation risque de devenir virtuelle. Alors, notre société aura basculé dans un autre modèle.
    Madame la ministre, le rôle de la loi n’est pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre complet et cohérent ; ce n’est pas ce que fait votre projet de loi !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Si !
    M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Après les mots :
    de sexe différent
    supprimer les mots :
    ou de même sexe
    L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 4 et 5
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Gélard, pour défendre ces deux amendements.
    M. Patrice Gélard. Toujours dans l’esprit qui est le nôtre, l’amendement n° 11 rectifié bis vise à supprimer les mots « ou de même sexe » à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi. Nous voulons maintenir ce qui est actuellement prévu : les personnes qui désirent se marier doivent être de sexe différent. Nous sommes donc toujours opposés au mariage de personnes de même sexe.
    L’amendement n° 12 rectifié bis vise, lui, à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er du projet de loi, qui prévoient que « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ». Actuellement, le code civil comporte une formule différente : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. » Dans la rédaction que l’on nous propose, il n’est plus question d’homme et de femme ; la phrase n’a plus pour sujet des personnes, mais une institution.
    À cet égard, je ferai une incidente. Selon les conventions internationales, seuls les hommes et les femmes nubiles peuvent se marier. Or l’âge nubile n’est pas le même d’un État à un autre : dans notre pays, il est de dix-huit ans ; ailleurs, il peut être de douze, quatorze ou seize ans. La loi nationale peut donc, sur ce point précis, adapter la convention internationale.
    S’agissant de cette limitation parfaitement justifiée de la liberté du mariage en fonction d’un âge nubile, fixé en France à dix-huit ans, nous proposons simplement de conserver la rédaction actuelle du code civil : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Quinze amendements ont été défendus dans la présente discussion commune.
    Deux autres n’ont pas été soutenus, mais ce n’est pas bien grave, car ils étaient identiques à certains autres, de sorte que nous n’avons rien perdu.
    La commission des lois a émis un avis défavorable sur tous ces amendements, et cela pour des raisons simples.
    Les amendements nos 9 rectifié bis, 10 rectifié bis et 83 rectifié bis visent en réalité à supprimer l’article 1er du projet de loi. M. Gélard, qui n’est pas parvenu à obtenir la suppression de cet article en bloc, essaie maintenant de le supprimer alinéa par alinéa ; lorsque tous les alinéas auront été supprimés, il n’y aura plus d’article 1er ! Pour des raisons purement logiques, la commission des lois est défavorable à ces amendements.
    Les autres amendements se répartissent en deux séries.
    Les amendements de la première série, à peine différents, donnent du mariage une définition assez large, mais qui revient à en faire l’union d’un homme et d’une femme.
    Les amendements de la seconde série, déposés en partie par les mêmes sénateurs, sont beaucoup plus secs : ils prévoient que le mariage est contracté par un homme et une femme, selon la formule employée par M. Gélard, ou qu’il est l’union d’un homme et d’une femme, expression qui me semble meilleure sur le plan du droit.
    Tous ces amendements tendent à ruiner l’article 1er du projet de loi, et finalement le projet de loi lui-même. La commission des lois y est donc défavorable.
    Chers collègues de l’opposition, permettez-moi, pour vous rassurer, de formuler une observation sur le sens des mots.
    Ce matin, sur le site internet du Figaro,…
    M. Charles Revet. Une bonne lecture !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … car je consulte également tous les journaux, j’ai lu un petit communiqué annonçant que la maison Larousse modifierait le sens du mot « mariage » dans la prochaine édition de son dictionnaire, pour tenir compte de la volonté du législateur. Souhaitons que cette volonté s’exprime ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Le projet de loi n’est pas encore voté !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. M. le rapporteur, pour compléter son propos, aurait pu citer également ces propos du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Le sens des mots n’est évidemment pas figé. Si l’usage évolue dans la pratique et le langage, la définition de "mariage" pourra être revue dans la prochaine édition. » Vous le voyez, même l’Académie française est prête à faire évoluer la définition de ce mot !
    Pour le Gouvernement, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux de personnes de même sexe signifie que tous les couples doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes interdits. Autrement dit, les interdits qui prévalent aujourd’hui pour les mariages hétérosexuels s’appliqueront demain à tous les mariages. Tout le reste n’est que supputations ou fantasmes.
    Enfin, parce qu’il faut renouveler un peu le stock des arguments, je voudrais vous livrer deux citations.
    Napoléon, auteur du code civil (Exclamations sur les travées de l’UMP.), disait : « Les lois sont faites pour les mœurs, et les mœurs varient. Le mariage peut donc subir le perfectionnement graduel auquel toutes les choses soumises paraissent soumises. » Napoléon n’avait donc pas une vision éternelle du contenu du mot « mariage » !
    M. Bruno Sido. Perfectionnement n’est pas dévoiement !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous invite à méditer aussi ce propos d’un sociologue (Exclamations sur les travées de l’UMP.), spécialiste de la famille, François de Singly : « Ce qui est intéressant dans le fait que la définition de la famille soit floue, c’est que cette imprécision autorise son succès. L’universalité de la famille tient dans son absence de définition. »
    Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous qui êtes si attachés aux progrès numériques du mariage, je vous invite à ne pas avoir peur de l’avenir et à évoluer, car le projet du Gouvernement permettra un accroissement du nombre des mariages !
    Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert, pour explication de vote sur l’amendement n° 9 rectifié bis.
    M. Jean-François Humbert. Le mariage est l’institution qui organise l’alliance de l’homme et de la femme, avec la succession des générations et la lisibilité de la filiation. Nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage afin de préserver la présomption de paternité, qui découle très naturellement de la procréation.
    Nous considérons que le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive non seulement de la pérennité d’une société, mais également de l’identité de l’enfant, qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.
    Ce principe est d’autant plus fort qu’il trouve dans notre droit une protection toute particulière en tant que principe fondamental. En effet, de 1804 à nos jours, l’altérité sexuelle comme caractéristique du mariage n’a cessé d’être réaffirmée ; à cet égard, je vous rappelle la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, la loi du 13 juillet 1907 relative au libre salaire de la femme mariée et à la contribution des époux aux charges du ménage et la loi du 18 février 1938 modifiant le code civil.
    La différence entre les sexes, fondamentale dans le mariage, ne peut pas être abolie par une simple loi.
    Par ailleurs, l’ensemble des bouleversements du droit de la famille qui pourraient être introduits par cette réforme posent des questions qui relèvent de nombreux domaines, comme la bioéthique. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, si je vous dérange, dites-le ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
    Un sénateur du groupe socialiste. Oui !
    M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue !
    M. Jean-François Humbert. L’impossibilité biologique pour deux personnes de même sexe de procréer soulève forcément des questions liées à la procréation médicalement assistée, mais aussi à la gestation pour autrui qui découle de la rupture d’égalité avec les homosexuels masculins, lesquels ne peuvent pas procréer sans le ventre d’une femme.
    Pour toutes ces raisons, et parce que nous craignons que cette réforme n’entraîne d’autres revendications, légitimes dès lors qu’elles seraient fondées sur l’égalité et l’amour réciproque qui sont le nouvel objet du mariage selon le projet de loi, nous sommes opposés à la remise en cause de l’altérité sexuelle comme caractéristique de l’union matrimoniale.
    Nous aurions apprécié qu’à tout le moins, afin de respecter la crainte exprimée par les Français, cette question de société majeure fasse l’objet d’une consultation nationale, qui aurait permis d’aborder en profondeur les conséquences sociales et bioéthiques du projet de loi. Chers collègues de la majorité, je ne voudrais pas interrompre vos conversations… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est d’ailleurs ce que préconisait l’Académie des sciences morales et politiques dans son avis du 21 janvier 2013, compte tenu des bouleversements importants que l’adoption de ce projet de loi entraînerait pour l’ensemble des droits de nos concitoyens.
    Enfin, comme l’a proposé cette institution, nous privilégions une formule plus respectueuse de tous, qui aurait consisté en la création d’une union civile (MM. Bertrand Auban et Roland Courteau s’exclament.) offrant aux couples de personnes de même sexe une protection juridique équivalente à celle qui existe pour les couples mariés, à l’exception du régime de la filiation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
    M. André Reichardt. Nos amendements précédents ayant connu le sort que vous savez, je crains que le résultat du vote à venir ne surprenne personne. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Malheureusement pour nous et, d’ailleurs, pour l’ensemble de nos concitoyens, vous avez décidé, mesdames les ministres, de jouer aux apprentis sorciers.
    Tout d’abord, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de même sexe de s’aimer pour leur ouvrir le droit au mariage.
    Ensuite, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de se marier pour pouvoir « parentaliser » – nous n’en sommes pas à un néologisme près dans cette enceinte… –, la procréation leur étant impossible.
    Enfin, vous avez décidé qu’il suffisait qu’un couple désire un enfant pour que son vœu soit exaucé, que ce soit par la PMA ou par la GPA. D’ailleurs, j’en profite, madame Bertinotti, pour vous rappeler – et m’étonner – qu’une question qui vous a été posée tout à l’heure pour la quatrième fois reste toujours sans réponse.
    Quand on entend le raisonnement que vous suivez, on croit rêver ! Mais, après tout, vous nous avez déjà vendu de l’illusion en nous promettant le redressement productif à travers la création d’un ministère ou encore la croissance européenne à travers l’insertion d’une ligne dans le pacte budgétaire européen… Tout cela pourrait nous inciter à sourire si le résultat n’était pas si grave pour la société. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    En diluant la substance même du mariage, vous faites disparaître sa justification originelle, à savoir la protection juridique du lien entre le père et son enfant, à travers la présomption de paternité. En fondant le mariage sur la simple reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes de même sexe, vous ouvrez la porte à un nombre important de revendications, qui, à n’en pas douter, trouveront un appui important dans le principe d’égalité protégé par la Constitution et une arme redoutable grâce à la question prioritaire de constitutionnalité. En suivant la logique du mariage, duquel découle la possibilité d’adopter des enfants, vous niez la vraisemblance biologique comme fondement de l’adoption et l’altérité sexuelle comme marqueur anthropologique dans la construction identitaire d’un individu.
    Ce n’est là qu’un aperçu des multiples problèmes que soulève le présent projet de loi. Du reste, vous les connaissez bien, et nombreuses sont les questions que vous laissez en suspens.
    Je répète une fois de plus que nous souhaitons obtenir une réponse sur le recours, dans les textes à venir, à la PMA et à la GPA, dont personne n’ignore qu’elles seront, sans plus de débat, imposées par la Cour européenne des droits de l’homme au nom de la sacro-sainte égalité. J’ai déjà eu l’occasion de le dire deux fois dans cette instance depuis hier.
    Comme le montre l’avis qu’elle a rendu le 21 janvier 2013, l’Académie des sciences morales et politiques a bien compris les enjeux du texte puisqu’elle proposait alors d’organiser un grand débat. De ce dernier, vous n’avez pas voulu. Je ne sais pas si je dois me réjouir ou non que l’avis de cette instance n’ait pas plus d’importance pour vous que n’en a celui d’une majorité de la population, ces millions de Français qui se sont récemment exprimés dans la rue.
    Puisque vous persévérez dans votre aveuglement, puisque vous continuez à avancer tête baissée,…
    Un sénateur du groupe socialiste. Tête levée !
    M. André Reichardt. … je souhaite à nouveau attirer votre attention sur le risque de censure par le Conseil constitutionnel qu’encourt votre texte.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. On verra !
    M. André Reichardt. Je le répète, le projet de loi ne devrait pas pouvoir être adopté sans une révision de la Constitution, car il va incontestablement à l’encontre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », qui, depuis la Libération, permettent de donner à une loi ordinaire une valeur constitutionnelle.
    Vous le savez, pour qu’un principe fondamental soit reconnu, il faut que quatre conditions soient remplies : l’importance de la règle, un degré suffisant de généralité, un domaine essentiel pour la vie de la nation et un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946.
    En l’occurrence, ces quatre conditions me semblent réunies : on peut penser que l’ancienneté du mariage fondé sur l’altérité sexuelle, le fait que ce principe n’ait jusque-là jamais été remis en cause, le bouleversement des structures familiales et filiatives de la société en jeu dans le présent texte sont des éléments susceptibles de jouer en faveur de l’instauration du mariage comme principe fondamental. D’ailleurs, un nombre important de textes antérieurs à 1946, que je m’abstiendrai d’énumérer, sont venus rappeler le caractère « hétérosexuel » du mariage.
    Dans ces conditions, nous regrettons le rejet de l’amendement par lequel nous proposions l’instauration d’une union civile et, par là même, une alternative à l’ouverture du mariage pour les couples de personnes de même sexe. Son adoption aurait permis que les droits et la protection juridique des couples de personnes de même sexe soient renforcés, sans que l’institution du mariage et le droit de la filiation soient bouleversés. Vous n’en avez pas voulu.
    Puisque vous n’avez pas souhaité vous engager dans cette voie, vous ne nous laissez d’autre choix que d’insister, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 9 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er procèdent de deux séries, relevant de deux approches distinctes mais complémentaires.
    Les amendements de la première série visent à s’opposer purement et simplement au texte, proposé par le Gouvernement et approuvé par la commission, qui institue le mariage pour les personnes de même sexe, à égalité avec le mariage pour les personnes de sexe différent.
    Ceux de la seconde série ont pour objet de préciser, de manière plus claire que dans le texte actuel du code civil, que le mariage est réservé aux couples formés d’un homme et d’une femme, et qu’il s’agit d’une institution créée par le législateur pour assurer une protection à la famille née de ce couple hétérosexuel.
    Je veux revenir sur les amendements de cette seconde série, qui, pour partie, sont identiques.
    Dans sa décision rendue voilà deux ans, le Conseil constitutionnel a précisé que le mariage, tel que le code civil l’a institué, concerne exclusivement les couples formés d’une femme et d’un homme et que, en l’absence de précision expresse sur ce point, tous les articles dudit code faisant référence à cette institution civile du mariage doivent être ainsi interprétés.
    Si nous pensons qu’il est quand même utile de préciser dans la loi que le mariage doit être réservé à un homme et à une femme, c’est pour qu’il n’y ait plus jamais le moindre doute sur ce point fondamental, qui allait de soi pour les auteurs du code civil, qui est allé de soi pendant deux siècles et qui semble aujourd’hui contesté dans le texte du projet de loi dont nous sommes en train de débattre.
    L’autre série d’amendements se borne tout simplement à rétablir le code civil dans sa rédaction actuelle. En effet, nous considérons que, en dépit des apparences, l’article 1er ne se borne pas à créer la possibilité du mariage entre personnes de même sexe : il implique que ces dernières pourront désormais avoir des droits et des devoirs égaux vis-à-vis de l’enfant, en être autant l’une que l’autre parent – autrement dit, que l’on puisse désormais être parent d’un enfant sans être ni mère ni père, effort de construction qui relève, de notre point de vue, d’une certaine utopie.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Rien à voir avec l’amendement !
    M. Philippe Bas. Si l’on peut adhérer à cette utopie, on peut également considérer qu’elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en admettant qu’il faut créer un cadre stable pour que des enfants élevés par des couples de même sexe le soient dans des conditions qui préservent aussi leur intérêt juridique.
    En outre, je veux souligner que, dans le cas de couples de femmes dont l’une aurait mis au monde un enfant après avoir bénéficié d’une assistance médicale à la procréation à l’étranger, cette implication conduit nécessairement à légaliser les effets de cette assistance médicale, puisque le texte permettra à l’épouse de la mère d’adopter l’enfant.
    Je veux revenir sur une question que nous n’avons eu de cesse de poser au Gouvernement, qui ne m’écoute pas et dont j’aimerais pourtant être entendu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. François Rebsamen. La réponse vous a déjà été donnée trois fois !
    M. Philippe Bas. Pour le moment, cette question est demeurée sans réponse. Pourtant, elle est très simple.
    Le porte-parole du Gouvernement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a répété à l’envi que ce texte n’était qu’une première étape, que suivrait la régularisation des enfants issus d’une assistance médicale à la procréation intervenue à l’étranger.
    Pour ma part, je considère que le présent texte permet d’ores et déjà cette régularisation. C’est même son principal objet, mais je voudrais une bonne fois pour toutes savoir qui engage le Gouvernement : est-ce Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui en est le porte-parole, ou sont-ce les ministres ici présentes, qui ne nous ont pas répondu alors que nous n’avons eu de cesse de leur poser cette question ?
    On nous reproche de trop parler, mais, moi, j’aimerais entendre davantage le Gouvernement ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
    M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues de la majorité, puisque vous ne pouvez pas changer la réalité, vous préférez changer le sens des mots. Tel est l’objet de cet article 1er.
    Madame Bertinotti, vous nous avez abreuvés de citations – sans doute l’effet des fiches préparées par vos collaborateurs (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),…
    M. David Assouline. C’est élégant !
    M. Dominique de Legge. … ce qui vous a évité de répondre sur le fond.
    Un sénateur du groupe UMP. Très bien !
    M. Dominique de Legge. Or, vous le savez bien, les inquiétudes et les préventions exprimées ici comme dans l’opinion autour du présent projet de loi tournent autour de la question de la filiation et de la procréation médicalement assistée.
    Je n’ose dire que la position du président de la commission des lois est claire : en somme, « on verra plus tard ». La position du rapporteur, elle, est claire : « on verra plus tard, mais vous connaissez mon opinion sur le sujet… »
    Mesdames les ministres, vous nous avez expliqué la semaine dernière que le débat ne pouvait pas avoir lieu en dehors du Parlement et vous avez refusé le référendum. C’est donc ici qu’a lieu le débat. Dès lors, la moindre des choses que nous attendons de la part du Gouvernement, c’est qu’il se donne la peine de répondre à nos questions ! (M. François Rebsamen s’exclame.)
    Tout à l’heure, quand nous sommes revenus sur les déclarations de Mme Najat Vallaud-Belkacem, Mme la ministre de la famille a esquissé un mouvement qui manifestait une certaine exaspération. « Encore ! », semblait-elle vouloir dire…
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Oui !
    M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, en cet instant, nous demandons encore une fois une prise de position claire de la part du Gouvernement : pouvons-nous considérer ce texte comme un solde de tout compte ou annonce-t-il l’ouverture, demain ou après-demain, de la procréation médicalement assistée ?
    Selon nous, l’affaire est entendue : le texte est porteur de la PMA et de la GPA. Quels engagements pouvez-vous prendre aujourd’hui devant la représentation nationale pour nous assurer du contraire ?
    Mesdames les ministres, telle est la question que nous vous posons, et nous attendons de vous une réponse claire et sans ambiguïté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’avais été tenté de renoncer à prendre la parole, les propos tenus par mes collègues et amis allant tout à fait dans le sens de ce que je voulais exprimer.
    Toutefois, la réaction vive de nos collègues de la majorité sénatoriale m’amène à enfoncer un peu plus le clou.
    MM. Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou. Dommage !
    M. Jean-Claude Lenoir. En effet, je vois bien que la gêne est en train de s’installer sur les travées de la majorité sénatoriale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. Une gêne effroyable !
    M. Jean-Claude Lenoir. Cette gêne résulte des discours tout à fait contradictoires que nous entendons.
    M. David Assouline. Nous ne disons rien !
    M. Jean-Claude Lenoir. Je rappelle que le Président de la République (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) – vous n’allez tout de même pas crier si j’évoque sa personne ! (Non ! sur les mêmes travées.) – avait affirmé qu’il n’était pas question d’inscrire la PMA et la GPA à l’ordre du jour des travaux du Parlement.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
    M. Jean-Claude Lenoir. Ensuite, parce que la colère grondait dans les rangs des familles hostiles à ce texte, le discours officiel s’est fait rassurant : il ne s’agissait que d’instituer le mariage pour tous. Il faut le dire, un certain nombre de personnes vous ont cru.
    Toutefois, nous constatons aujourd’hui, dans cet hémicycle, – c’est la raison pour laquelle la gêne devient pour certains insupportable (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.) – que le rapporteur et le président de la commission des lois ont des positions opposées en la matière : le premier, fidèle à la ligne qui est la sienne depuis longtemps, affirme que ce texte n’est qu’une étape et que, conformément à un calendrier qui est sans doute déjà fixé, nous traiterons de ces questions, Le second dit : « Pas du tout ». D’ailleurs, moi-même, je prends cela avec beaucoup de précaution, je ne dis pas que le président de la commission des lois a déjà indiqué ce qu’il ferait si d’aventure un tel texte venait à être discuté. Toujours est-il qu’il existe une vraie opposition entre deux personnes assises sur le même banc.
    Là-dessus vient se greffer la position du Gouvernement. En effet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui suscite toujours beaucoup d’intérêt, a affirmé très clairement que ces questions seraient discutées, dans peu de temps.
    Nous voudrions connaître aujourd’hui les intentions du Gouvernement. Alors que nous posons la question depuis jeudi dernier, nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. Nous le disons avec beaucoup de fermeté et d’insistance, il n’est pas possible que s’installe une telle ambiguïté sur un texte aussi important.
    À un moment où certains voudraient banaliser la portée de ce texte, Mme la garde des sceaux a eu l’honnêteté morale de dire qu’il constituait un bouleversement de société. Quant à sa collègue chargée de la famille, elle a assuré qu’il n’en était rien et qu’il s’agissait d’une banalisation (Mme la ministre déléguée opine.), le mariage pour tous étant simplement un mariage parmi d’autres.
    Donc, dans un contexte d’ambiguïté, nous sommes confrontés à une ambiguïté supplémentaire. J’oserai dire qu’il s’agit là, et c’est un mot que j’utilise avec beaucoup de précautions pour des raisons que chacun comprendra, d’un mensonge, par omission, ici, au Sénat.
    Regardant les personnes qui sont devant moi, je me demande qui est le Pinocchio de la majorité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Il n’y a personne dont le nez se soit allongé durant la nuit !
    M. Jean-Claude Lenoir. Je n’oserais pas chercher un Pinocchio au Gouvernement, chose absolument impensable !
    Par conséquent, je vous demande, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, de bien vouloir répondre à la question suivante : avez-vous l’intention, une fois ce texte éventuellement adopté, de soumettre au Parlement…
    Mme Éliane Assassi. Ça vole haut !
    M. Jean-Claude Lenoir. … des dispositions visant à instituer la PMA et la GPA ? Nous attendons une réponse ! (Très bien et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Un sénateur du groupe UMP. Ils ne le diront jamais !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
    M. Gérard Cornu. Mesdames les ministres, il est tout de même très agaçant d’obtenir chaque fois, en guise de réponse à nos questions, des citations ! Le Sénat n’a pas l’habitude d’une telle dialectique. Il préfère recueillir des réponses franches lorsque des questions directes sont posées. (Oui ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Au-delà de nos interrogations, je veux vous dire que vous faites un contresens historique sur la notion de mariage. En effet, le sens initial du mariage s’inscrit tout de même dans la présomption de paternité et de filiation, dont l’objectif est de fixer le cadre de la famille. L’idée initiale du mariage est de vérifier, de valider, la présence d’un père dans une famille et, donc, d’institutionnaliser un cadre familial équilibré.
    Afin d’appeler à la retenue, je souhaite évoquer la question des droits, qui s’inscrit dans une perspective plus large. Quels sont, en effet, les droits d’un couple hétérosexuel ?
    Y a-t-il un droit à l’enfant, pour le couple hétérosexuel ?
    Un sénateur du groupe UMP. Non !
    M. Gérard Cornu. Tel n’a jamais été le cas. Ce couple donne la vie, et le droit est là pour organiser cette vie.
    Y a-t-il un droit à l’adoption ? Pas plus ! (M. David Assouline s’exclame.) Il y a un droit à la famille, pour des enfants qui n’ont pas de famille, mais pas un droit à l’adoption.
    Y a-t-il un droit à la PMA ? Non, mes chers collègues, il n’y a pas de droit à la PMA. La procréation médicalement assistée est un acte médical, comme l’a d’ailleurs souligné le président de la commission, qui vient compenser un problème de stérilité au sein d’un couple hétérosexuel.
    Il n’existe pas de droit à l’enfant. Or, avec ce texte, nous n’avons cessé de le rappeler, il est incontestable, quoi qu’on ait pu entendre de la part du Gouvernement et de sa majorité pour tenter de déconnecter le mariage pour tous de cette question, qu’on ouvre un droit à l’enfant.
    Or le cœur du bien commun, c’est l’enfant, son épanouissement, son éducation, son avenir. (M. David Assouline s’exclame de nouveau.)
    Évoquant cette question avec la plus grande sincérité, je me fais aussi, comme mes collègues, le porte-parole des milliers de nos concitoyens qui m’ont saisi de leurs inquiétudes et de leur colère de n’être pas entendus, de tous ces Français qui n’ont aucune habitude de se manifester ni de descendre dans la rue et qui ne comprennent pas la surdité et l’entêtement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. Mesdames les ministres, je me joins à mes collègues pour demander au Gouvernement une réponse à nos questions, après les propos tenus par sa porte-parole.
    M. David Assouline. Oh là là !
    Mme Éliane Assassi. Encore ! Ça tourne en boucle !
    M. David Assouline. C’est du cirque !
    Mme Cécile Cukierman. Heureusement qu’elle existe !
    M. Christophe Béchu. Si je suis prêt à consacrer une partie de mon temps de parole à répondre à des invectives que je n’entends pas toutes, je souhaiterais toutefois, si vous m’y autorisez, mes chers collègues, poursuivre mon propos.
    J’aimerais, à défaut d’une prise de parole officielle sinon de quelqu’un qui n’est pas là, du moins du Gouvernement, demander à mes collègues de la commission des lois et, en premier lieu, à son président et au rapporteur si le texte que nous nous apprêtons à voter n’introduit pas de manière automatique la PMA et la GPA, et ce quelle que soit la position du Gouvernement en la matière.
    En effet, mes chers collègues, dès lors que nous aurons collectivement modifié le sens du mot « mariage », si nous votons l’article 1er puis la totalité de ce texte – nous aurons alors, au nom de l’égalité, autorisé l’adoption pour les couples homosexuels –, comment pourrons-nous ensuite nous opposer à la PMA ? (M. David Assouline s’exclame.) Quelle que soit la position du Comité consultatif national d’éthique dont le Président de la République a dit qu’il attendrait les conclusions, et quelles que soient même les opinions des uns et des autres, qui d’entre nous peut croire que la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, si elle est saisie, demain, par un couple de cette question, ne considérera pas, au nom du principe d’égalité – nous savons comment elle l’applique – et en vertu de sa jurisprudence, que l’égalité devant les couples mariés doit mener de manière automatique à l’élargissement de la PMA aux couples de femmes.
    Si je me réfère à la jurisprudence de la CEDH et à l’acception large qu’elle retient pour le mot « égalité », j’ai la conviction que cette question ne nécessitera même pas un débat devant le Parlement. La Cour européenne des droits de l’homme s’appuiera sur la loi que nous sommes en train d’examiner pour imposer, sans débat éthique, l’élargissement de la PMA.
    Dès lors que la PMA apportera aux couples de femmes une réponse à leur volonté d’avoir un enfant, la même interprétation large et souple de la notion d’égalité permettra à des couples d’hommes d’exiger devant la CEDH, en vertu du seul texte que nous aurons voté et de la jurisprudence de la Cour, le recours possible et légal à la GPA dans notre pays.
    Mes chers collègues, nous avons donc à nous positionner non pas sur les recommandations à venir du Comité consultatif national d’éthique ni même sur la volonté des uns et des autres de bloquer la GPA derrière une sorte de rempart éthique, mais sur les conséquences et l’effet domino des dispositions que vous nous demandez d’adopter.
    Voilà pourquoi, mesdames les ministres, je voterai, cet après-midi, les amendements visant à rappeler que le mariage, dans notre conception, se fait entre un homme et une femme et à défendre la parité à l’intérieur de la famille, grâce à un binôme composé d’un couple de personnes de sexe différent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Hervé Marseille applaudissent également. – M. Bruno Retailleau lève la main pour demander la parole.)
    M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
    M. Bruno Retailleau. Je demande la parole !
    M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais simplement que vous vous signaliez avant que le président de séance engage l’organisation d’un scrutin public.
    M. Bruno Retailleau. Je l’avais fait, monsieur le président.
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, il ne s’agit pas d’une explication de vote, mais d’un rappel au règlement, qui vous est adressé, en tant que président du Sénat et de tous les sénateurs. Nous le savons tous ici, vous avez à cœur d’organiser dans les meilleures conditions possibles notre travail et de soutenir le travail du Parlement face au Gouvernement.
    J’en reviens à la question sur la PMA, question absolument clé, que j’ai soulevée vendredi soir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Mes chers collègues, vous avez refusé le référendum, et vous vous apprêterez à donner au Gouvernement une habilitation pour légiférer par ordonnance. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Selon moi, il faut que les parlementaires et les Français, à qui vous cachez l’essentiel (M. David Assouline proteste.), sachent tout.
    Je vous demande donc, monsieur le président, de contacter Mme Najat Vallaud-Belkacem, afin qu’elle puisse venir s’expliquer par elle-même, en tant que porte-parole du Gouvernement, sur sa déclaration. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement !
    Mme Éliane Assassi. C’est une injonction !
    M. Bruno Retailleau. Je vous remercie d’avance, monsieur le président, de porter notre voix. Cela raccourcira nos débats, éclairera nos délibérations et, au bout du compte, c’est la démocratie qui y gagnera. (Très bien et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre déclaration, mon cher collègue.
    Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 137 :
    Nombre de votants 343
    Nombre de suffrages exprimés 337
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 158
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote sur l’amendement n° 10 rectifié bis.
    Mme Colette Giudicelli. Sur le fond, nous considérons que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne trouve aucune justification sur le terrain du combat pour l’égalité.
    D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même rappelle qu’il est loisible au législateur d’organiser le droit différemment afin de régler des situations différentes. Et c’est ce qu’il a fait depuis toujours, sans ignorer les couples de même sexe, en créant le PACS, dont le régime fiscal et patrimonial a progressivement évolué.
    Certes, des différences existent, mais d’autres formules plus respectueuses de tous pouvaient être envisagées pour remédier à cette différence de traitement.
    En revanche, si la situation actuelle ne porte préjudice à personne, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe crée de nouvelles inégalités.
    Des inégalités d’abord au sein même du mariage : si la loi est adoptée, en effet, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existerait, d’une part, un mariage hétérosexuel, qui continuerait de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et, d’autre part, un mariage homosexuel où la filiation tiendrait du virtuel.
    Des inégalités aussi parmi des couples homosexuels : l’honnêteté du Gouvernement sur la PMA aurait dû nous permettre de discuter sereinement d’un dispositif qui introduira prochainement une certaine inégalité entre les couples homosexuels et le simple fondement de leur sexe.
    Des inégalités enfin parmi les enfants adoptés : la vérité nous oblige à dire que la majorité des enfants adoptés sont des ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle. C’est d’ailleurs pourquoi les enfants, selon la situation conjugale de l’adoptant, ne disposeront pas des mêmes droits d’accéder à une famille.
    Par ailleurs, inégalité plus grave encore, celle à l’accès au mariage, inégalité que nous voulons d’ailleurs éviter, car si l’on transforme fondamentalement et substantiellement le fondement autrefois juridique du mariage, en lui substituant un fondement simplement sentimental, on réduit le mariage à une simple reconnaissance sociale de l’amour des couples de personnes de même sexe.
    Or, cette transformation ouvrirait la voie à d’autres revendications qui seront cette fois complètement fantaisistes, mais qui existent déjà : mariage avec des objets – aux États-Unis, une Américaine s’est mariée avec la tour Eiffel (Mme Nicole Bonnefoy s’exclame.) –, mariage avec soi-même – aux États-Unis toujours – (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), mariage à trois – comme au Brésil –, mariage avec des animaux – comme en Australie. (Sourires et exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Après, on nous dit qu’il n’y a pas de dérapage !
    Mme Colette Giudicelli. Cela vous fait sourire, mais je suis contente de voir que cela vous choque aussi. C’est au moins un résultat que nous aurons obtenu !
    Mme Cécile Cukierman. C’est scandaleux !
    Mme Colette Giudicelli. Nous sommes bien conscients…
    Mme Cécile Cukierman. C’est inacceptable !
    Mme Colette Giudicelli. Si cela ne vous ennuie pas, madame, je vais continuer !
    Nous sommes bien conscients, disais-je, que la loi, contrairement à ces pays, n’autorise pas ce type d’union, mais nous estimons que, sur le fondement du principe du droit à l’égalité, quiconque pourra le revendiquer au nom de l’amour.
    Enfin, et pour rester sur le terrain de la constitutionnalité, nous considérons que les alinéas 2 et 3 de l’article 1er, qui constituent le cœur de la loi, ne sont pas en conformité avec notre ordre juridique interne, lequel, depuis 1804, a fait de l’altérité sexuelle un caractère fondamental du mariage. Toutes ces lois ont déjà été évoquées tout à l’heure, et je n’y reviendrai pas.
    Aussi, pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 1er. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Nous l’avons dit et répété x fois sur ces travées, du moins de notre côté : le mariage peut-il être un droit pour tous, indépendamment des droits de l’enfant ?
    Cette question aurait mérité un vrai débat national, car elle touche aux droits fondamentaux de l’homme et l’on n’a pas laissé le temps à nos concitoyens d’en prendre conscience.
    Il n’y a qu’à voir les messages, lettres, interventions, manifestations diverses pour se rendre compte combien les Français se sentent concernés par cette loi, je dirai même plus que par toute autre, car elle touche à la famille.
    Dans le projet de loi, le raisonnement a bel et bien été inversé. L’enfant, sujet de droit, devient objet de droit. Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? L’enfant a besoin d’avoir, pendant sa croissance, un modèle d’altérité sexuelle, où il n’a pas de question existentielle à se poser. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu d’une loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption.
    Notre société ne protège pas assez l’enfant. Elle prône l’enfant roi mais, dans le même temps, elle le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. L’homme et la femme sont libres de vivre comme ils l’entendent, et jamais au grand jamais je ne me permettrai un quelconque jugement. Tout être humain a droit au bonheur. Mais l’enfant, lui, a droit à être élevé, éduqué, construit…
    Mme Cécile Cukierman. Aimé !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. … dans une famille « traditionnelle », avec des parents qui s’engagent publiquement dans une union stable et responsable. C’est le véritable sens du mariage, le sens le plus fondateur pour les sociétés de demain où les droits de l’homme sont une base intangible, un monde dont ils pourront être fiers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 138 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 157
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié, 134 rectifié, 157 rectifié, 193 et 240.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 139 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 157
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Encore ?
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 140 :
    Nombre de votants 343
    Nombre de suffrages exprimés 337
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 157
    Contre 180
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Rappels au règlement

    Article 1er
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (suite)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, nous avons entendu à plusieurs reprises certains de nos collègues appartenant à la majorité sénatoriale reprocher aux membres de l’UMP et de l’UDI-UC de prendre trop souvent la parole et ainsi de faire traîner les débats. Ce n’était évidemment pas notre objectif. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Notre souhait est d’obliger les uns et les autres à prendre leurs responsabilités, le Gouvernement à répondre à nos questions et vous (L’orateur regarde les travées de gauche.) à assumer vos responsabilités.
    En revanche, nous perdons beaucoup de temps depuis tout à l’heure…
    M. Bruno Retailleau. Voilà !
    M. Jean-Claude Lenoir. … en raison de demandes de scrutin public répétées.
    M. Bruno Retailleau. Exactement !
    Mme Cécile Cukierman. Vendredi, nous avons perdu notre soirée !
    M. Jean-Claude Lenoir. Pour les nombreuses personnes qui nous regardent soit à la télévision, soit sur le réseau internet, je vais expliquer pourquoi le groupe socialiste demande des scrutins publics sur nos amendements.
    La première raison est que la majorité est moins nombreuse que l’opposition. Nous sommes fortement mobilisés et les socialistes sont obligés de recourir au scrutin public pour ne pas être battus en séance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Un sénateur du groupe UMP. Eh oui !
    M. Jean-Claude Lenoir. Mais il y a une autre raison : ainsi vous obligez l’ensemble des parlementaires de vos groupes, je pense notamment au groupe socialiste, à voter de la même façon, alors que, au sein de l’UMP, vous le savez car les uns et les autres se sont exprimés, nous avons la liberté de vote.
    Je veux ici marquer la différence qui existe entre votre comportement et le nôtre.
    Puisque j’ai la parole, j’en profite pour évoquer un point. Monsieur le président, je suis persuadé que vous avez transmis à Mme Vallaud-Belkacem la demande du groupe UMP de l’entendre ici.
    Un de nos collègues me disait néanmoins que Mme la ministre, porte-parole du Gouvernement, était peut-être absente de Paris. J’ai donc consulté le site de son ministère sur internet, et, sans être indiscret, j’ai regardé son agenda de l’après-midi.
    Mme Cécile Cukierman. Et alors ?
    M. Jean-Claude Lenoir. Je vous rassure : Mme Vallaud-Belkacem est à Paris (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.), pas très loin d’ici. D’ailleurs, si je regarde bien son programme, elle pourrait, sur le coup de dix-huit heures, se rapprocher du Sénat pour se rendre à une manifestation. Les conditions sont donc réunies pour que nous puissions enfin l’entendre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Un sénateur du groupe socialiste. Incroyable !
    Rappel au règlement (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er
    M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
    La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
    M. François Rebsamen. Je voudrais dire à notre collègue que les élus de gauche ici rassemblés travaillent calmement. Ils vous écoutent depuis maintenant plusieurs jours (Mme Catherine Deroche s’exclame.) avec sérénité, sans vous interrompre.
    Si vous êtes vraiment pressés…
    M. Jean-Claude Lenoir. Non !
    M. François Rebsamen. … et si les scrutins publics vous dérangent parce qu’ils prendraient du temps supplémentaire, vous devriez quitter la séance. (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Cela nous facilitera le travail. (Exclamations sur les mêmes travées.) Vous pouvez le faire en vous rendant dans les commissions, qui sont réunies actuellement et mobilisent nombre de nos collègues (M. Charles Revet s’exclame.),…
    M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas normal !
    M. François Rebsamen. … la commission des finances et la commission des affaires économiques qui procèdent aujourd’hui à des auditions.
    En outre, vos demandes d’audition à répétition de Mme Vallaud-Belkacem n’ont pas lieu d’être. Vous avez ici devant vous deux ministres – je les salue et les remercie –, Mme la garde des sceaux et Mme la ministre chargée de la famille, qui sont responsables devant vous de ce texte, qui prennent le temps de répondre à toutes vos interventions, et ce depuis plusieurs jours et toujours avec respect.
    Je vous invite à continuer ce débat dans le calme, le respect et, si possible, avec un peu de rapidité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
    Rappel au règlement (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Demande vérification du quorum
    Article 1er (suite)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 rectifié, 136 rectifié, 158 rectifié, 194 et 241.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Encore ?
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 141 :
    Nombre de votants 316
    Nombre de suffrages exprimés 313
    Majorité absolue des suffrages exprimés 157
    Pour l’adoption 135
    Contre 178
    Le Sénat n’a pas adopté.
    M. Henri de Raincourt. Dommage !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Encore ?
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 142 :
    Nombre de votants 318
    Nombre de suffrages exprimés 315
    Majorité absolue des suffrages exprimés 158
    Pour l’adoption 137
    Contre 178
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 143 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 157
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    La parole est à M. François-Noël Buffet.
    M. François-Noël Buffet. Au nom du groupe UMP, je demande une suspension de séance de quinze minutes, monsieur le président. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    M. Bertrand Auban. Non ! C’est trop ! Dix !
    M. le président. Mon cher collègue, je vous accorde dix minutes.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’alinéa 5
    Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
    ...° L’article 161 est ainsi rédigé :
    « Art. 161. - En ligne directe, le mariage entre personnes de sexe différent est prohibé entre tous les ascendants et descendants, et les alliés de la même ligne. » ;
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je vais vous faire plaisir ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
    L’amendement n° 97 rectifié bis aurait eu sa raison d’être si le « mariage pour tous » n’avait pas été voté. Dans la mesure où il risque de l’être, la rédaction actuelle de l’article 161 du code civil me paraît meilleure que celle qui avait été proposée au travers de cet amendement.
    C’est la raison pour laquelle je retire cet amendement, afin de laisser inchangée la rédaction actuelle dudit article. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. Merci pour le code civil !
    M. le président. L’amendement n° 97 rectifié bis est retiré.
    Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 11 à 16
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Nous revenons aux dispositions finales de l’article 1er du présent projet de loi, qui introduit un chapitre IV bis nouveau au sein du code civil, instaurant des « règles de conflit de lois ».
    Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis, car ils sont complémentaires.
    L’amendement n° 13 rectifié bis tend à supprimer l’ensemble des dispositions de l’article 1er, depuis l’alinéa 11 jusqu’à l’alinéa 16. Les amendements nos 14 rectifié bis et 15 rectifié bis, en revanche, visent simplement à supprimer respectivement l’alinéa 15 et l’alinéa 16.
    J’ai bien entendu les explications livrées hier par Mme le garde des sceaux sur ce nouveau chapitre du code civil.
    Je me rappelle, à ce stade de la discussion, l’un des tout premiers cours de droit international privé que j’avais eus à la faculté de droit de Paris. Cela remonte à bien longtemps !
    On y abordait, justement, la question soulevée par ces alinéas, à travers l’étude d’un cas. Il s’agissait, si mes souvenirs sont exacts, du mariage entre une Française et un Grec. Selon la législation française, le mariage en Grèce ne pouvait pas être reconnu en droit français. La loi grecque, en effet, n’était pas transposable en droit français, car elle n’admettait que le mariage religieux.
    Le traitement de ce type de situation sera bouleversé par le nouveau chapitre du code civil. Je suis quelque peu choqué par ces dispositions, qui reviennent à faire en sorte que le respect par un seul des deux membres du couple des conditions fixées par la loi entraîne le respect par les deux ! En d’autres termes, on annonce, à l’avance, que l’on n’observera pas le principe pacta sunt servanda, les pactes doivent être respectés. On annonce, à l’avance, que le droit français l’emporte dans les relations familiales qui pourraient s’établir entre un Français et un ressortissant d’un autre pays.
    C’est, à mon avis, extrêmement dangereux. Surtout, ces dispositions risquent d’entraîner la censure du Conseil constitutionnel.
    Un sénateur du groupe UMP. Bien sûr !
    M. Patrice Gélard. On ne peut pas affirmer de telles choses dans un texte de loi !
    Vous avez raison, madame le garde des sceaux, de dire qu’il faut trouver des arrangements, qu’il va falloir trouver des solutions aux problèmes posés sur ce point par les traités internationaux, bilatéraux ou multilatéraux, qui nous lient. Mais ce ne peut être le rôle de la loi. Ces dispositions seront nécessairement censurées, car elles violent l’article 55 de la Constitution.
    M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 15
    Supprimer cet alinéa.
    Cet amendement a déjà été présenté.
    L’amendement n° 204 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Alinéa 15
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « Toutefois, deux personnes du même sexe peuvent contracter mariage lorsque la loi personnelle de l’une d’elles le permet ou que toutes deux ont leur domicile ou leur résidence sur le territoire d’un État dont la loi le permet.
    La parole est à M. Alain Milon.
    M. Alain Milon. Cet amendement, qui n’est pas un amendement de suppression – cela va étonner un peu –, vise simplement à réécrire l’alinéa 15 afin de le rendre plus intelligible dans le cadre de l’article 1er.
    En effet, le rattachement à la loi du domicile ou de la résidence de chacun des deux futurs époux de même sexe, si la loi personnelle de l’un ou de l’autre ne le permet, répond à un souci de plus grande sécurité juridique.
    M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 16
    Supprimer cet alinéa.
    Cet amendement a déjà été présenté.
    Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les amendements n° 13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis sont la suite logique d’amendements précédents. Après avoir tenté, sans succès, de faire supprimer tout l’article 1er, M. Gélard et ses collègues veulent procéder à la même suppression, mais alinéa par alinéa.
    La commission était hostile à la suppression de l’ensemble de l’article, elle est donc hostile à sa suppression à la découpe ! Son avis sur ces trois amendements est, évidemment, défavorable.
    L’amendement n° 204 rectifié, qui vise à régler un conflit de lois, est beaucoup plus restrictif que le texte actuel, même si les deux rédactions sont très proches.
    La rédaction proposée ici prévoit que les deux personnes soient établies sur le territoire de l’État qui permet leur union, alors la rédaction actuelle prévoit uniquement que l’une d’elles ait son domicile ou sa résidence dans l’État.
    Aussi, je demande à M. Milon de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les trois amendements présentés par M. Gélard.
    Nous avions prédit la nuit dernière qu’après la demande de suppression de l’article 1er vous alliez probablement vouloir procéder au démembrement de l’article : nous y sommes. Ces trois amendements visent à effectuer cet exercice.
    Vous entendez le droit, monsieur le doyen Gélard ; cette disposition de dérogation à la loi personnelle n’est pas sans précédents. Nous avons même une jurisprudence sur cette disposition.
    Même pour les douze pays avec lesquels la France est liée par une convention bilatérale précisant explicitement qu’il n’y a pas de telle dérogation, il y a une jurisprudence ! Par conséquent le juge pourrait être amené à statuer, je l’ai dit la nuit dernière, par l’officier d’état civil.
    En dehors des douze pays que j’ai évoqués, pour lesquels l’interrogation subsiste, il n’y a pas de risque.
    Cette disposition ne nous mettra en contradiction avec aucun de nos partenaires, ni en ce qui concerne les conventions bilatérales ni pour ce qui est des conventions multilatérales, lesquelles ont d’ailleurs beaucoup plus de poids.
    Voilà pourquoi je confirme l’avis défavorable du Gouvernement.
    J’en viens à l’amendement n° 204 rectifié. Monsieur Milon, vous avez raison de préciser qu’il ne s’agit pas d’un amendement de suppression. Cet amendement ne s’inscrit pas dans l’esprit qui sous-tend les amendements proposés par M. Gélard.
    Que le doyen Gélard s’interroge sur les conséquences de ces dispositions dans nos relations internationales, c’est un point de droit et de jurisprudence que nous pouvons traiter en profondeur.
    Ici, monsieur Milon, vous proposez d’introduire une discrimination à l’encontre des seuls couples de personnes de même sexe : alors que le droit actuel prévoit que la résidence de l’un des époux est une référence suffisante pour que le mariage soit célébré, il est proposé d’imposer des conditions de résidence pour les deux époux pour les personnes de même sexe.
    Une telle discrimination n’est pas acceptable. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 13 rectifié bis.
    M. Jean-Jacques Hyest. Madame le garde des sceaux, je constate que le texte voté par l’Assemblée nationale, sur lequel la commission des lois ne nous propose pas de modifications, est très différent du texte initial du Gouvernement.
    Je cite : « La loi personnelle d’un époux est écartée, sous réserve des engagements internationaux de la France, en tant qu’elle fait obstacle au mariage de deux personnes de même sexe, lorsque la loi de l’État sur le territoire duquel est célébré le mariage le permet. » Ce n’est pas du tout ce que prévoit le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale !
    Vous aviez essayé de résoudre le conflit de lois, ce qui interdisait de procéder au mariage dans un certain nombre de cas. Ici, on nous dit simplement que ça n’a aucune espèce d’importance : procédons au mariage et on verra bien !
    Je vous le dis très franchement, cela n’ira pas sans poser nombre de difficultés, conventions internationales ou pas. Le mariage ne sera pas reconnu par l’autre État.
    Les gens vont croire qu’ils sont mariés, sauf que ce ne sera pas le cas aux yeux d’un certain nombre d’États qui n’acceptent pas le mariage entre deux personnes homosexuelles. La difficulté était certaine, mais elle sera encore plus apparente avec la rédaction de l’Assemblée nationale que la commission des lois du Sénat nous propose d’adopter en l’état. J’y suis très hostile.
    Monsieur le rapporteur, je suis désolé de vous le dire, il s’agit d’une question spécifique par rapport aux autres dispositions de l’article 1er. En l’occurrence, ce n’est pas seulement de la découpe. Il s’agit d’une question différente, sur laquelle je n’ai pas eu votre avis. Mais peu importe puisque, de toute façon, vous avez décidé que ce que nous pouvions dire n’avait aucune importance, même si c’était sensé.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Le rapporteur a mal interprété l’intention des auteurs de l’amendement présenté par notre collègue le doyen Gélard.
    Notre intention n’était nullement tactique. Ce n’est pas parce que nous avons proposé la suppression de l’ensemble de l’article 1er que nous ne sommes pas fondés à demander la suppression d’un alinéa qui, même si l’article devait être adopté, ne nous paraît pas justifié, et ce pour des raisons de droit qui me semblent fondamentales, voire insurmontables.
    Madame la garde des sceaux, vous seriez bien inspirée de prendre notre collègue le doyen Gélard comme jurisconsulte : en laissant adopter une telle disposition, vous prenez en effet des risques juridiques considérables et, surtout, vous allez les faire prendre aux personnes qui se seront mariées sous ce régime et dont l’une d’elles n’aurait pas le droit de se marier dans son pays d’origine. Cela emportera des conséquences très graves pour elle : en contractant un mariage qui sera sans valeur, elle sera en quelque sorte abusée par les dispositions de la loi française.
    J’ajoute que ces dispositions sont, à l’évidence, discriminatoires, quelle que soit la rédaction retenue – celle de la commission des lois du Sénat ou celle de l’Assemblée nationale –, puisqu’elles ne portent que sur une seule catégorie d’époux.
    Or, mise à part l’interdiction du mariage des personnes de même sexe que d’autres législations auront instaurée ou maintenue, il existe de nombreux autres obstacles au mariage qui diffèrent d’une législation à l’autre.
    Pourquoi, ici, ne viser que les obstacles au mariage pour l’un des deux membres quand il s’agit d’un couple homosexuel, alors que beaucoup d’autres couples peuvent se trouver dans une situation analogue ?
    Si vous voulez régler ce type de problème, il faut le régler pour tout le monde, et non pour une seule catégorie de personnes.
    Ce sont là deux raisons très fortes qui nous font craindre que cette disposition proposée dans le projet de loi, modifiée par la commission, ne se heurte à des difficultés juridiques extrêmement importantes. En effet, si une telle disposition n’était pas censurée par le Conseil constitutionnel, elle pourrait être jugée inapplicable par nos juridictions les plus hautes et se heurter à l’étranger à une fin de non-recevoir, qui rendrait le mariage nul et non avenu pour des raisons d’ordre public international dans le pays d’origine de l’un des époux.
    C’est pourquoi je soutiens très fermement la proposition du doyen Gélard, que j’ai d’ailleurs cosignée. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
    M. Philippe Marini. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, j’avoue être surpris de la rigidité, de l’esprit de doctrine que l’on nous oppose sur un tel amendement. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    Car la question de droit qui est posée est bien réelle. Il s’agit des effets juridiques produits à l’étranger pour les couples qui choisiraient le prétendu « mariage pour tous » tel qu’il est organisé par ce texte.
    Madame la garde des sceaux, le Gouvernement serait, me semble-t-il, bien inspiré d’entendre les avis et les avertissements de nos membres éminents de la commission des lois et cela permettrait peut-être même de renforcer votre texte. En effet, en ne réglant pas de manière incontestable ces aspects de compatibilité entre normes de droit sur le plan international, vous prenez une grande responsabilité à l’égard de personnes que vous risquez de plonger dans de cruelles désillusions.
    En tout état de cause, je voterai cet amendement. Si par malheur il n’était pas adopté, il y aurait là une cause sérieuse de questionnement sur le plan constitutionnel.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je souhaite répondre à M. Philippe Marini, qui s’y connaît en matière de rigidité. (Sourires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Oh ! C’est déplacé !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il suffit de lire le rapport. Si nous n’avions pas prévu un tel conflit de lois, il serait impossible de célébrer en France le mariage de « couples d’étrangers résidant en France, lorsque leur loi personnelle l’interdit » ou de « couples constitués d’un Français et d’un étranger, lorsque sa loi personnelle ne l’y autorise pas » ; vous le savez très bien !
    C’est le sens des alinéas 11 à 16. Voilà pourquoi nous nous opposons à leur suppression.
    Monsieur Hyest, j’ai écouté les propos que vous avez tenus, en séance comme en commission. J’aurais peut-être pu tout à l’heure vous apporter des explications plus détaillées pour justifier le rejet de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin.
    M. Jean-Claude Gaudin. Il s’agit plus d’un rappel au règlement que d’une intervention sur le texte lui-même.
    Nous avons entamé l’examen du texte depuis jeudi. Les débats se déroulent comme nous l’avions imaginé : vous n’entendez aucune de nos suggestions et vous ne voulez retenir aucun de nos amendements.
    Pourtant, nous pensions avoir ouvert une voie que plusieurs anciennes personnalités politiques socialistes auraient pu emprunter. Certes, nous savons que vous voulez le mariage pour tous, mais l’union civile aurait également été tout à fait acceptable. Vous avez même reconnu qu’il s’agissait d’une évolution de la part de la droite républicaine et du centre.
    Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, depuis maintenant une journée entière, plusieurs de mes éminents collègues du groupe vous ont interpellés pour vous faire part de notre étonnement, et je mesure mes mots, à la suite des déclarations d’un membre du Gouvernement. Et nous n’avons reçu aucune réponse.
    La possibilité d’ouvrir la PMA n’a-t-elle pas été explicitement évoquée par une ministre, de surcroît porte-parole du Gouvernement ?
    Au sein de notre Haute Assemblée, l’usage veut que, lorsque des parlementaires posent une question au Gouvernement, celui-ci y apporte une réponse (Mme Esther Sittler opine.), quelle qu’elle soit.
    Or vous ne nous répondez pas. Vous vous contentez de nous enjoindre de quitter l’hémicycle. C’est inacceptable ! Sachez que nous ne partirons pas. D’ailleurs, si nous partions, nous reviendrions ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Sourires.)
    Nous vous avons interrogé sur les propos de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Puisqu’elle est si prompte à développer les arguments du gouvernement actuel, qu’elle vienne ! Cela ne doit pas représenter un effort considérable en pleine semaine ; elle n’est tout de même pas à Tahiti ou à Tombouctou ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qu’elle vienne s’expliquer sur ce qu’elle a dit ! Nous ne demandons rien de plus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit.)
    M. Ronan Kerdraon. Démagogie !
    M. Michel Vergoz. Vous êtes polémistes ! Et ça fait trois ans que ça dure ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre déclaration, monsieur Gaudin.
    La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je répondrai d’abord à M. Hyest.
    Le texte que le Gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale est effectivement différent de celui qui a été élaboré par la commission des lois et adopté par l’ensemble des députés en première lecture. La différence, c’est que la référence aux conventions instaurant la non-possibilité d’écarter la loi personnelle a été supprimée.
    Mais, et vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur, dans la hiérarchie des normes, les conventions internationales s’imposent, qu’elles soient mentionnées ou non. Le Gouvernement avait pris la précaution de les mentionner. Mais le fait qu’elles ne soient pas citées n’est pas un problème.
    De toute manière, la référence est là, car il s’agit d’une disposition pérenne.
    Dès lors, la différence entre le texte présenté par le Gouvernement et celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale ne fragilise pas notre projet. On peut même considérer qu’une telle mention était superfétatoire, même si ce n’est pas pour cette raison qu’elle a été supprimée en commission des lois.
    M. le doyen Patrice Gélard a évoqué tout à l’heure le mariage « boiteux », c’est-à-dire le mariage valable dans un pays mais pas dans un autre. Mais une telle situation n’a rien d’inédit ; elle existe déjà ! Dans le cas particulier que vous avez évoqué à propos de la Grèce, les protagonistes ont agi de mauvaise foi ; pour obtenir la rupture du mariage, l’époux a déclaré que l’union n’était pas valide car elle n’avait pas été prononcée par un prêtre orthodoxe. Cela ne nous concerne pas du tout.
    Une autre question se pose ; je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat. Un mariage prononcé par une autorité religieuse, comme dans certains pays scandinaves, peut-il être transcrit en France ? Du point de vue de l’État, l’enjeu est de savoir si ce mariage est célébré par délégation des autorités civiles à l’autorité religieuse, auquel cas il produit des effets d’ordre public. Si de telles conditions sont remplies, les exigences posées par le code civil sont satisfaites et la transcription est possible. Nous aurons l’occasion d’approfondir cette question.
    J’en viens à l’interpellation de M. Jean-Claude Gaudin.
    Depuis vendredi, les interventions des sénatrices et sénateurs de l’opposition consistent à réclamer de manière récurrente – je dirais même « itérative » – la présence de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, pour une sorte d’audition publique dans l’hémicycle.
    Mme Catherine Troendle. Non ! Ce n’est pas ce nous demandons !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gaudin, ce n’est pas à vous, ce n’est pas aux membres de la Haute Assemblée, que je rappellerai les propos tenus par François Rebsamen, le président du groupe socialiste, avec l’ironie qui est, dans certaines circonstances, l’élégance de l’exaspération : le Gouvernement est représenté.
    Mme Catherine Troendle. Dans ce cas, qu’il réponde !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je vais vous répondre, madame.
    M. Philippe Marini. Quelle est la position du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle impatience !
    Vous savez bien que le Gouvernement est là.
    À l’Assemblée nationale, les députés de l’opposition se sont livrés pendant des jours et des nuits à un petit jeu consistant à réclamer d’autres ministres que les trois qui étaient fréquemment présents au banc du Gouvernement. D’abord, c’est un peu discourtois à notre égard ; certes, me direz-vous, quand on s’engage dans la vie publique, on s’expose à un tel risque. Mais surtout, c’est une méconnaissance, au sens de « décision de méconnaître », de nos règles institutionnelles : tout ministre représente le Gouvernement, y compris pendant les questions d’actualité ou les questions orales sans débat, et ce quelles que soient les circonstances !
    Mme Catherine Troendle. Alors, répondez à la question ! (M. Michel Vergoz s’exclame.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame, nous vous écoutons pendant des heures, mais vous semblez dans l’incapacité de nous écouter ne serait-ce que quelques minutes (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.), même après nous avoir interpellés !
    Mme Catherine Troendle. Vous n’avez pas répondu !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je vais vous répondre. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Gaudin. J’aurais au moins servi à cela ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, monsieur le sénateur, j’aimerais que vous serviez aussi à faire en sorte que la question ne revienne pas une fois que j’y aurais répondu.
    M. Jean-Claude Gaudin. À condition que ce soit clair !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, m’autorisez-vous à prendre quelques minutes afin de vous conter une histoire qui me permettra de mieux répondre à la question ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Un sénateur du groupe socialiste. Très bien, madame la ministre !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai fait ma scolarité à Cayenne en Guyane, sur l’autre rive de l’océan Atlantique en Amazonie.
    À cette époque lointaine, « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », après le baccalauréat, il n’était pas possible de suivre des études supérieures chez nous. Je suis donc venue à Paris pour étudier à l’université.
    Certes, j’avais déjà rencontré l’amour au lycée à Cayenne. (Sourires.) Mais ce fut tout de même un vrai bonheur de venir ici ; il y avait tant de bibliothèques, de librairies…
    M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas exactement la question que nous vous avons posée !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une association d’idées par rapport au bonheur ! J’ai trouvé le bonheur de la littérature, des librairies.
    Mais, à l’époque, il n’y avait qu’un vol vers la Guyane par semaine ; d’ailleurs, la traversée s’effectuait le plus souvent en bateau. Et on ne se téléphonait qu’une fois par trimestre.
    Par conséquent, j’ai forcément eu quelques mélancolies. J’ai donc cherché – l’histoire paraît bizarre, j’en conviens – du fromage gruyère. Celui que j’ai acheté la première fois ne m’a pas plu ; idem la deuxième et la troisième fois. J’ai donc clairement posé la question : « Avez-vous ce fromage gruyère qui picote ? » Et j’ai découvert que le fromage gruyère ne picotait pas ; simplement, comme celui que j’avais connu dans mon enfance arrivait par bateau avec deux mois de retard, il picotait ! (Rires.)
    C’est exactement ce qui vous arrive avec la déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est exprimée voilà trois mois sur la PMA ! Depuis jeudi soir, vous voulez absolument que nous vous répondions séance tenante sur sa déclaration. Or voilà trois mois qu’elle ne s’est pas exprimée sur le sujet !
    M. Philippe Marini. Et que va-t-elle dire demain ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que votre fromage gruyère,…
    Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il picote !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … il picote sur la PMA ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Le texte que nous examinons a un périmètre précis. Ce périmètre, c’est le mariage et l’adoption ouverts aux couples de personnes de même sexe à droits constants. La commission des lois a choisi de ne pas modifier ce périmètre, donc, de ne pas inclure la PMA.
    Mais soyez patients : je crois qu’un amendement tendant à introduire la PMA dans le projet de loi a été déposé. Il y aura alors tout lieu d’en débattre. Simplement, les dispositions dont nous discutons actuellement ne concernent pas la PMA.
    Voilà deux jours ou deux nuits, je vous ai dit que vous aviez fait pendant longtemps un débat sur le débat. Il faut un débat, disiez-vous. Or le débat est permanent. Il y a des articles de presse chaque jour depuis plus de six mois. Il y a des réunions, dont certaines sont d’ailleurs sur votre initiative. Parfois, des députés ou des sénateurs sont empêchés d’y assister. Certains, y compris dans vos rangs, reçoivent même des menaces de mort.
    Alors qu’il y a des débats dans la société, vous nous avez réclamé un débat sur le débat. Et à présent, vous faites un débat avant le débat ; vous voulez absolument consacrer des heures à discuter de la PMA (M. Jean-Claude Gaudin hoche la tête en signe de dénégation.) avant tout texte sur le sujet !
    Nous avons un texte sur le mariage et l’adoption. C’est de cela qu’il s’agit. Le jour où il y aura un débat sur la PMA, vous pourrez en débattre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 144 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 157
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 145 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 339
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 166
    Contre 173
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 204 rectifié.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur plusieurs travées de l’UMP.)
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 146 :
    Nombre de votants 322
    Nombre de suffrages exprimés 322
    Majorité absolue des suffrages exprimés 162
    Pour l’adoption 20
    Contre 302
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 147 :
    Nombre de votants 343
    Nombre de suffrages exprimés 338
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 159
    Contre 179
    Le Sénat n’a pas adopté.
    La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l’article 1er.
    M. Jean-Claude Lenoir. L’article 1er étant le socle de ce texte, nous serons sans doute quelques-uns à souhaiter expliquer notre vote.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un euphémisme…
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous, vous intervenez avant l’article, sur l’article et après !
    M. Jean-Claude Lenoir. Madame la garde des sceaux, lors de votre intervention dans la discussion générale, vous avez dit à propos du mariage : « cette institution qui fut de propriété du temps du contrat, de domination quand elle imposait obéissance à l’épouse, de possession du mari, d’exclusion sur une base religieuse ou professionnelle, est en train de devenir universelle, parce qu’elle cesse de témoigner d’un ordre social où la puissance publique instaurait une hiérarchie selon la sexualité ».
    C’est toujours la même chose avec l’histoire, chacun tente de la réécrire selon sa propre subjectivité. Un certain nombre de dossiers ont ainsi été passés au crible des néohistoriens ; je pense notamment à la colonisation, à l’esclavage ou à la Seconde Guerre mondiale.
    On réécrit maintenant l’histoire de la domination masculine sur la femme. Je refuse l’argumentation avancée, d’autant qu’elle s’accompagne d’une vision de la famille qui m’a personnellement choqué : le rapporteur du projet de loi nous a en effet expliqué que la famille d’il y a un siècle n’avait pas répondu aux exigences,…
    M. Alain Gournac. Moi aussi, cela m’a choqué !
    M. Jean-Claude Lenoir. … que les parents d’alors avaient failli à leurs responsabilités – c’est le sens des mots que vous avez utilisés, monsieur le rapporteur.
    Je pense à mes parents et à mes grands-parents et je me dis que les personnes que visait votre propos avaient le souci de l’éducation de leurs enfants, sans doute plus que les enfants qui seront issus du dispositif que vous êtes en train de mettre en place. (Mme la rapporteur pour avis s’exclame.)
    Je pense également que ceux qui étaient créateurs d’enfants il y a un siècle ont su mettre au monde une génération qui s’est dressée contre l’ennemi, qui a résisté, une génération valeureuse, qui a combattu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Je voudrais croire que les valeurs portées par les générations futures qui mettront au monde des enfants répondront également à ces exigences.
    Le mariage tel qu’il existe partout sur la planète a été organisé selon des régimes plus ou moins comparables. Tous ont évolué en fonction de la société, mais le critère de l’altérité sexuelle n’a jamais, jamais, chers collègues, varié. Et ce n’est que logique. En effet, l’altérité sexuelle, c’est la procréation ; la procréation, c’est la famille ; et la famille, c’est le mariage !
    Le dispositif que vous nous proposez aujourd’hui aura quatre conséquences.
    Premièrement, la « parentalité » se substituera aux parents, transformant ainsi en profondeur le droit français du mariage et de la filiation.
    Deuxièmement, un « droit à l’enfant » sera consacré dans le cadre de l’adoption, par la substitution d’une illusion juridique à la vraisemblance biologique, l’enfant passant de sujet à objet de droit.
    Troisièmement, vous négligez les conflits de loi résultant du fait que certains pays ne reconnaissent pas, voire punissent, l’union homosexuelle, avec toutes leurs conséquences.
    Quatrièmement, enfin, contrairement à tout ce que vous affirmez, vous ouvrez la voie à la PMA aux couples homosexuels féminins, entraînant ainsi une rupture d’égalité entre les hommes et les femmes et provoquant de surcroît un bouleversement bioéthique dans notre droit.
    Madame la garde des sceaux, vous avez fini par nous répondre, et pour nous dire que Mme Vallaud-Belkacem s’était exprimée il y a trois mois. Mais ses propos ont-ils suscité une réaction du Gouvernement ? Le Premier ministre a-t-il recadré la porte-parole du Gouvernement ?
    Mme Cécile Cukierman. On n’est plus à l’école !
    M. Jean-Claude Lenoir. Le Premier ministre lui a-t-il dit que sa position n’était pas celle du Gouvernement ?
    Le 28 janvier dernier, car c’est ce jour-là que Mme Najat Vallaud-Belkacem s’est exprimée, la porte-parole du Gouvernement a engagé non seulement sa personne, mais le Gouvernement tout entier et, avec lui, la majorité. Je tiens à votre disposition, mes chers collègues, le texte de son entretien, dans laquelle elle indique que le Gouvernement est favorable à la PMA et que le texte sera d’ailleurs voté avant la fin de l’année.
    Que cela ait été dit il y a quelques jours ou quelques mois, comme c’est le cas, ne change strictement rien à l’affaire. Il existe une volonté d’aboutir à ce qui a été annoncé, et nous vous avons contraints à le dire, mais nous continuerons à le dénoncer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
    Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er vise à permettre aux personnes de même sexe de se marier, ce que le code civil réservait jusqu’ici, explicitement, à deux personnes de sexe différent. Par voie de conséquence, le code civil n’ouvrait l’accès à l’adoption conjointe qu’aux époux de sexe différent.
    Depuis 1792, le mariage est une institution dans laquelle s’engagent un homme et une femme souhaitant fonder une famille. Or, pour la majorité, le mariage semble être une institution désuète qu’il s’agit de casser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour notre proposition d’union civile ?
    La vérité, mes chers collègues, c’est que ce projet de loi répond davantage à une demande très minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille, toutes les familles, au cœur de nos réflexions.
    Force est de constater que la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions, en mettant en place un cadre légal, notamment pour les couples de personnes de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels. Mais en vérité, j’en suis persuadée, nous n’avons pas besoin du « mariage pour tous ».
    Vous nous répétez sans cesse que ce projet de loi ne fait qu’accorder des droits nouveaux au nom de l’égalité, mais vous nous trompez.
    Permettez-moi de prendre deux exemples éloquents présentés par 170 professeurs de droit.
    M. Alain Bertrand. De droite, plutôt !
    Mme Esther Sittler. À ce propos, je souhaite souligner le caractère inhabituel d’une telle mobilisation.
    Le premier exemple porte sur l’insécurité juridique potentielle des enfants élevés par deux hommes ou par deux femmes.
    Or un tel vide juridique n’existe pas, contrairement à ce que vous prétendez, madame la garde des sceaux. En effet, la loi actuelle permet de partager l’autorité parentale avec la personne qui élève l’enfant si les besoins de l’éducation de l’enfant le justifient. Cela n’est pas systématique, et fort heureusement ! Car le fait de vivre avec le père ou la mère de l’enfant ne donne pas a priori de droit sur cet enfant, et l’autorité parentale ne doit pas être un faire-valoir pour les adultes.
    Second exemple, notre droit autorise un parent, qu’il soit le seul parent ou qu’ils soient deux, à désigner un tuteur pour ses enfants en cas de décès, par un simple testament. La mère qui élève son enfant avec une autre femme peut donc très facilement désigner celle-ci comme tuteur.
    Appliquons donc le code civil !
    On le voit bien, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
    Je ne peux, pour ma part, accepter qu’un texte mal préparé et fondé sur des postulats erronés vienne non seulement bouleverser l’équilibre déjà fragile de l’institution du mariage, mais aussi et surtout nuire à l’intérêt de l’enfant.
    C’est pourquoi je ne voterai ni le présent article ni le texte dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
    Mme Catherine Morin-Desailly. « On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. Ma position, il faut le dire, s’accompagne d’un plein respect des choix amoureux et sexuels de chacun. Mais puisqu’on parle de loi, il me semble que le législateur, tout en étant attentif aux désirs souvent contradictoires des individus, doit rechercher l’intérêt de la société tout entière. »
    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’adhère à ces propos de Lionel Jospin, qui datent de 2004, car ils correspondent à mon état d’esprit face au texte qui nous est proposé aujourd’hui.
    Je le dis comme je le pense, le sujet est trop complexe et délicat pour être caricaturé et traité de façon binaire et moralisatrice. Je regrette à cet égard, comme d’ailleurs une très large majorité d’élus et, au-delà, de Français, l’absence d’un débat préalable qui, approfondi et éclairé, nous aurait permis de réfléchir aux tenants et aux aboutissants d’un sujet essentiel, car il nous touche au plus profond de nous-mêmes.
    Des élus ont d’ailleurs réclamé des états généraux sur la famille, le mariage et la filiation ; cela leur a été refusé. Nous l’avons bien compris, on cherche à nous faire croire que ces sujets sont déconnectés les uns des autres. Or, après ce texte sur « le mariage pour tous », il y aura bien un texte sur la famille, et donc sur la filiation.
    J’en viens maintenant au fond. Ces derniers jours, j’ai écouté très attentivement les différents orateurs…
    M. François Rebsamen. Nous aussi !
    Mme Catherine Morin-Desailly. … et ce que j’ai entendu de la part de certains ne m’a pas du tout rassurée.
    Mme la garde des sceaux a évoqué le « droit qu’avait un couple homosexuel de fonder une famille » ; le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous a indiqué hier qu’il ne savait pas ce qu’il voterait lorsque l’on aborderait la question de la GPA dans un prochain texte.
    De toute évidence, ce texte relatif au « mariage pour tous », et notamment son article 1er, prépare des évolutions beaucoup plus fondamentales que l’on veut bien nous le faire croire, et c’est bien ce qui inquiète fortement nos concitoyens. Les différents sondages organisés sur le « mariage pour tous », l’adoption et la procréation médicalement assistée montrent le décalage qui existe entre l’union, c’est-à-dire le mariage, qui est approuvée, et l’adoption et la PMA, qui sont, elles, rejetées.
    Voilà pourquoi je pense qu’il fallait accepter la solution que constituait l’union civile, car elle permettait de reconnaître aux couples homosexuels des droits sociaux et patrimoniaux équivalents à ceux des couples aujourd’hui mariés. Elle permettait de célébrer l’union en mairie, traduisant par là même le souci d’égalité et de fraternité de notre République.
    Nombre de nos concitoyens pensent que s’il est légitime d’offrir un cadre juridique et une reconnaissance aux couples homosexuels, il est tout aussi légitime de reconnaître la spécificité du mariage fondé par notre République. Ils sont attachés à la façon dont le mariage établit la filiation.
    On ne peut pas fantasmer à l’infini : la naissance d’un enfant ne peut résulter que de la rencontre d’un homme et d’une femme. C’est une donnée irréfutable, qui relève non pas de critères moraux, sociaux, religieux ou juridiques, mais de la réalité. Il n’existe pas d’autre vérité biologique de la procréation.
    Ce qui apparaît en filigrane dans le projet de loi avec le principe de l’adoption plénière, c’est l’enfant pour tous. Notre collègue Patrice Gélard l’a bien expliqué hier : comme il n’y a pas ou presque plus d’enfants adoptables, cela signifie à terme la PMA puis, par souci d’égalité, la GPA.
    On notera que, sur les huit pays européens qui ont autorisé le mariage entre personnes de même sexe, sept ont déjà légalisé la PMA.
    Le « mariage pour tous » ne serait-il pas la « PMA et la GPA pour tous » ? Telle est notre inquiétude.
    Mme la ministre chargée de la famille a tenu hier soir des propos extrêmement inquiétants,…
    M. Alain Gournac. Ah oui !
    Mme Catherine Morin-Desailly. … en affirmant qu’il y avait bel et bien un droit à l’enfant.
    Non, madame la ministre, le droit à l’enfant n’existe pas, pas plus pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels, à moins que vous ne confondiez droit et désir ! L’enfant est un sujet, pas un objet de convoitise et de revendication ! L’enfant est une personne, il n’est pas la propriété de ses parents !
    M. Philippe Marini. Très bien !
    Mme Catherine Morin-Desailly. Certains militent pour la légalisation de la GPA au prétexte qu’elle est organisée ailleurs, considérant qu’elle sera acceptable une fois encadrée. Mais c’est ignorer la réalité, beaucoup plus sordide, de cette pratique qui, ici et là dans le monde, repose – et reposera toujours – sur la marchandisation des corps et qui organise l’abandon de l’enfant.
    La pluriparentalité revendiquée vient brouiller les repères de vie, brouiller les repères généalogiques.
    J’ai lu qu’on proposerait une généalogie symbolique. La belle affaire ! Quelle est la place du géniteur, du parent biologique, du parent d’adoption, du parent social ou du « coparent » ?
    Cette pluriparentalité revendiquée sera une « schizoparentalité » imposée aux enfants ! Pour nous, vous l’aurez compris, la question de l’enfant est essentielle Nous ne parlons pas de droit à égalité, de pseudo-modernité ; nous parlons du bien-être, du « bien-grandir », de l’équilibre d’un enfant que nous refusons de voir considéré comme un objet de revendication, mais qui est le sujet de toutes nos préoccupations.
    Voilà pourquoi l’union civile doit incarner le couple et lui seul, et ne doit pas ouvrir de droit à l’enfant mais, au contraire, préserver le droit – fondamental – de l’enfant, qui naît de la rencontre d’un homme et d’une femme.
    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, ma chère collègue.
    Mme Catherine Morin-Desailly. Il a le droit de se construire auprès d’un père et d’une mère, comme l’énonce la Convention internationale des droits de l’enfant,…
    M. le président. Veuillez maintenant conclure, chère collègue !
    Mme Catherine Morin-Desailly. … sinon il y aurait une véritable discrimination, inédite, vis-à-vis des autres enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
    M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec le vote sur l’article 1er, le Sénat va devoir se prononcer sur le cœur même du projet de loi présenté par le Gouvernement. C’est l’article de principe, celui dont tout découle. Disons-le d’emblée, se prononcer sur l’article 1er, c’est un peu se prononcer sur l’ensemble du texte.
    On nous annonce – on l’a beaucoup entendu – que la messe est dite, que les Français auraient tranché cette question avec l’élection de François Hollande et qu’au final nous ne sommes là que pour enregistrer la volonté du Gouvernement et du Président de la République. Évidemment, nous rejetons cette vision.
    À ce stade des débats, un constat s’impose : nous n’avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions. Les sénateurs et sénatrices du groupe UDI-UC avaient déposé des amendements constituant une véritable alternative par rapport au texte du Gouvernement. Il s’agissait de l’union civile comme nouvelle forme de conjugalité.
    M. Michel Savin. Bravo !
    M. Yves Détraigne. À nos propositions, et aux propositions similaires qui ont été faites par nos collègues de l’UMP, le rapporteur s’est contenté de répondre en substance qu’il ne fallait pas remettre en cause l’économie générale du texte du Gouvernement.
    Voilà où nous en sommes : il ne faut pas remettre en cause le travail du Gouvernement ! Alors, je m’interroge : le Sénat abandonne-t-il ses prérogatives ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À quoi sert-il ? Pourquoi faut-il absolument remettre en cause l’institution du mariage s’il est possible au législateur de procéder différemment ?
    Nous avons tous reconnu que les couples homosexuels souffraient de nombreuses discriminations, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Nous avons tous reconnu cette souffrance et nous avons proposé des moyens concrets pour y répondre.
    Mais quand serons-nous entendus ? Et à quel moment songerez-vous à nous dire pourquoi il faut remettre si profondément en question l’institution du mariage, institution fondée, je le rappelle, sur l’altérité et la conjugalité en vue de la filiation ?
    Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous poser cette question, et j’ai bien peur, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à un véritable problème au moyen d’un texte, hélas, inapproprié.
    Au surplus, cet article est en fait un cheval de Troie. Nous savons tous ici que l’un des principaux buts de la manœuvre est d’accorder un droit à la filiation, et notamment à l’adoption, aux couples de même sexe, sans parler de la GPA et de la PMA.
    Or – cela a été largement évoqué depuis le début de nos débats – nous savons tous que ce droit à l’adoption restera largement fictif. Nous savons tous que la promesse de la réalisation du projet familial, dont vous vous faites les hérauts, restera lettre morte.
    Certes, on imagine très bien comment certains dossiers de demande d’adoption seront déposés en haut de la pile, ne serait-ce que pour les photos de presse et pour la communication politique. Mais nous savons tous que votre texte, s’il n’est pas accompagné de la PMA et de la GPA, ne sera qu’une machine à provoquer de la frustration et de la colère.
    C’est une raison de plus pour nous opposer avec conviction à ce texte qui appelle mécaniquement d’autres réformes plus profondes de la filiation. Nous refusons d’entrer dans ce processus.
    Voilà pourquoi je voterai contre l’article 1er, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
    Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est heureux, pour notre groupe, que nous soyons sur le point d’adopter cet article.
    Depuis jeudi dernier, le code civil et Portalis ont beaucoup été cités dans cet hémicycle. Alors souvenons-nous aussi de ce code civil qui introduisait une distinction entre enfants légitimes et illégitimes, de ce code civil qui donnait tous les pouvoirs au chef de famille – l’homme, évidemment.
    À la lecture de ces éléments, il apparaît heureusement que le code civil n’est pas immuable, le législateur ayant su le faire évoluer.
    Alors, chers collègues, si vous ne souhaitez pas l’évolution proposée avec la création de l’article 143, c’est votre droit, mais rien n’empêche le législateur que nous sommes de voter cette évolution parce que – rappelons-le, y compris en faisant référence à Portalis – jamais ce que doit être la famille n’a été défini dans le code civil dans le sens prévu par certains de vos amendements.
    Ont été convoqués Jaurès, les Lumières et même Thorez et Aragon ! N’est-ce pas assez cocasse de citer Aragon, cet enfant illégitime qui a souffert toute sa vie de cette situation, sa mère l’ayant fait passer pour son frère ? (Oh ! sur les travées de l’UMP.) Heureusement, nous avons depuis fait évoluer le code civil, sans changer la femme, ni l’homme.
    Alors, s’il vous plaît, ayons les débats de notre temps, sans faire parler ceux qui sont traversés par d’autres débats que les nôtres.
    Permettez-moi, à mon tour, de citer les références qui structurent ma pensée. Ce ne sera pas Marx, comme certains s’y sont essayés en commission, mais Gaston Bachelard, grand épistémologue, dont les lectures ont marqué ma formation.
    Dans toute son œuvre, il a démontré qu’il n’y a aucune vérité absolue, que la raison n’est pas immuable et que seule la dialectique – elle manque quelque peu à nos débats depuis jeudi soir – nous fait avancer. Ainsi, comme il l’écrivait, « Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit ».
    Alors oui, nous voterons cet article car, je le dis et le redis, l’homme, au fil des décennies, s’est libéré du mariage. Avec cette loi, c’est le mariage qui se libère des règles discriminatoires instaurées par les hommes.
    Enfin, nous avons beaucoup entendu parler des enfants. Ils doivent être protégés, c’est notre rôle. Il n’y a pas de droit à l’enfant, en effet. Mais vous ne pouvez pas nier le désir d’enfant, ni même décider qui, dans la société, a le droit ou non d’exprimer ce désir. Bien souvent, ce désir est généreux, mais il peut aussi être destructeur et cela, malheureusement, quelle que soit la nature du couple qui le développe.
    En ce début de xxie siècle, nous savons qu’il peut y avoir une distinction entre géniteurs et parents. Cette césure est souvent douloureuse pour toutes les familles. Elle nous renvoie au plus profond de nous-mêmes, dès lors que nous devons expliquer cette distinction à un enfant qui a été désiré, attendu, chéri, protégé, éduqué et que l’on a vu grandir.
    Ici encore, vos arguments ne peuvent être retenus : oui, le mensonge familial existe, c’est un fait, mais il n’est pas – et ne sera jamais – le monopole des couples homosexuels. C’est tout le contraire. Mme la ministre le rappelait hier soir, et nous y reviendrons pour les articles suivants.
    Enfin, si, comme vous le dites, le mariage n’est fait que pour procréer, allez jusqu’au bout de votre idée : interdisez-le pour ceux dont ce n’est pas le but ou pour ceux qui, après bien des tentatives naturelles, n’y parviennent pas.
    Nous vous avons écoutés et entendus longuement depuis jeudi. Honnêtement, vous ne pouvez plus dire qu’il n’y a pas eu de débat. Vous qui, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, avez méprisé l’expression populaire (Protestations sur les travées de l’UMP.),…
    M. Jean Bizet. C’est nul !
    Mme Cécile Cukierman. …. vous qui, à l’heure de modifier l’article 11 de la Constitution, n’avez pas voulu que les débats de société soient soumis à référendum, vous voudriez vous présenter aujourd’hui comme les défenseurs de l’expression populaire ? Mais on frôle là l’hypocrisie, chers collègues ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
    Tous les arguments ont été donnés, tous ont été entendus : nous ne sommes pas d’accord. Vous n’avez pas cessé de nous rappeler ceux qui ont battu le pavé ces derniers jours. Mais permettez-moi, avant de voter cet article, de penser à toutes celles et à tous ceux qui ne disent rien mais attendent simplement de pouvoir entrer dans la normalité,…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et qui souffrent de ce qu’ils entendent !
    Mme Cécile Cukierman. … et ils sont nombreux, y compris pour pouvoir participer avec nous à l’élaboration des réponses aux questions qui se poseront avec cette évolution.
    Je conclurai en citant une dernière fois Gaston Bachelard : mes chers collègues, pour être heureux, il faut penser au bonheur des autres !
    Nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
    M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette vivement l’absence de considération de la majorité pour nos arguments. Pourrait-elle faire adopter ce texte sans nous consulter qu’elle le ferait – du moins, je le crois ! Nous ne sommes pas entendus et ce sont ainsi plusieurs millions de nos concitoyens qui sont snobés par la majorité et par le Gouvernement.
    Je déplore ce manque de sagesse sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je le déplore d’autant plus que l’ensemble des propositions que nous avons déjà avancées au cours de ce débat auraient permis de régler sans secousses la question de l’union des couples de personnes de même sexe, telle qu’elle nous est posée aujourd’hui,…
    M. Jean-Louis Carrère. Quel cinéma !
    M. Michel Bécot. … et ce notamment en créant une union civile dont le régime serait comparable à celui du mariage, excepté pour la filiation.
    Ce n’est donc pas parce que nous nous soumettons aux réalités biologiques que nous nions les réalités sociales.
    Depuis bientôt neuf mois, vous tentez d’accoucher de ce malheureux projet : qu’importent les conséquences, du moment que cela peut faire gagner au Gouvernement quelques points dans les sondages d’opinion… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Il faut avouer que vous pratiquez bien mieux le redressement des sondages que le redressement productif ! Jamais nous ne vous avons vus plus déterminés qu’aujourd’hui et – je le crains – plus jamais ce ne sera le cas.
    Quoi qu’il en soit, sans grand espoir quant à l’issue du débat, nous maintiendrons notre position et nous défendrons l’intérêt général, article par article, amendement par amendement, car l’adversité décourage les faibles mais encourage les forts.
    M. Philippe Marini. Très bien !
    M. Michel Bécot. Oui, avec ce texte nous rejetons les inégalités qu’il introduit.
    D’abord, l’inégalité au sein du mariage : l’un, hétérosexuel, est constitué autour de la présomption de paternité, alors que l’autre serait caractérisé par une filiation tenant du virtuel.
    Ensuite, les inégalités parmi les couples de personnes de même sexe : la question de la PMA aura hanté les débats, mais nous n’aurons obtenu aucune réponse à ce sujet, on l’a d’ores et déjà compris.
    Enfin, les inégalités parmi les enfants adoptés : vous savez que l’adoption d’un enfant est étudiée sur la base d’un dossier composé à partir de la situation des adoptants. Or nombre de pays refusent l’union homosexuelle.
    Mais, ce qu’il faut surtout prendre en considération, c’est la crainte exprimée par nombre de Français sur les conséquences d’une telle réforme du droit de la famille, de l’institution du mariage.
    C’est un point essentiel qui est, à mon avis, trop largement négligé par le Gouvernement et la majorité. En effet, en fondant le mariage sur le symbole d’une reconnaissance sociale de l’amour entre deux êtres, qu’est-ce qui, demain, nous prémunira contre des dérives fondées sur la liberté sexuelle des individus ? Bien sûr, notre droit interdit la pédophilie, le détournement de mineurs, la polygamie, mais il le fait sur la base d’une loi.
    Dès lors, comment, au titre du principe d’égalité, pourrions-nous tenir longtemps face à des revendications légitimes, dès lors que chacun affirme être consentant, d’individus qui disent s’aimer ? Là encore, je désespère de recevoir une réponse... Malheureusement, je crains qu’aucune personne favorable à cette proposition n’en ait.
    Néanmoins, puisque certains mettent en avant le fait que le Conseil constitutionnel rappelle qu’il ne souhaite pas se substituer au législateur, je crois important de signaler que, pour autant, le premier est susceptible de censurer le second lorsqu’il porte atteinte aux principes défendus par la Constitution.
    Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons que le mariage, dont l’altérité sexuelle constitue un critère essentiel depuis 1804, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, nous regrettons l’adoption de l’article 1er, article qui constitue le cœur du présent projet de loi
    Voilà pourquoi je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, pour explication de vote.
    Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous en sommes aujourd’hui au quatrième jour de débat et il pourrait apparaître redondant d’intervenir encore sur l’article 1er.
    M. Philippe Marini. Mais non !
    M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes des experts en redondance !
    Mme Hélène Masson-Maret. Pourtant, cet article 1er déchaîne les passions. On pourrait penser à plus d’émotion que de raison, mais les conséquences gravissimes de cet article méritent qu’on le commente et le recommente.
    M. Bruno Sido. Absolument !
    Mme Hélène Masson-Maret. Personnellement, je voudrais remercier mes collègues, parce que leurs exposés m’ont confortée dans une décision qui n’était peut-être pas aussi fermement tranchée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
    Si nous sommes réunis, c’est bien pour essayer de nous convaincre les uns et les autres,…
    M. Jean-Louis Carrère. Mais bien sûr !...
    Mme Hélène Masson-Maret. … sinon nous serions malhonnêtes : la parole n’est pas inutile, cher collègue ! Il ne s’agit pas de joutes oratoires, il s’agit de l’avenir de la société et de celui de l’enfant, parce que, au cœur de la famille, c’est bien l’enfant qui prime.
    Je voudrais que nous en revenions à une réflexion sur l’enfant.
    Mme Christiane Demontès. Comme la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale !
    Mme Hélène Masson-Maret. Il serait caricatural, et je ne veux pas entrer dans ce débat, de faire un raccourci en disant que le mariage de deux personnes de même sexe, c’est la prise en compte de l’adulte revendiquant à juste titre le droit à l’enfant, mais peut-être un peu moins la prise en compte de l’enfant. Je sais que les auteurs de ce projet défendront toujours qu’en leur âme et conscience ils se sont intéressés à l’enfant. Mais précisément, revenons à l’enfant quelques instants.
    Je suis persuadée, car j’ai des exemples autour de moi, que des parents de même sexe peuvent composer un couple remarquable et donner à un enfant tout l’amour et l’éducation dont il a besoin. Nous pouvons l’affirmer aujourd’hui parce que nous en avons des exemples. Alors, où se situe le problème ? C’est là que j’aimerais que nous ayons une réflexion en commun.
    Aujourd’hui, les quelques modèles que nous connaissons de parents de même sexe sont généralement exemplaires, parce qu’ils sont constitués de couples extrêmement motivés qui veulent témoigner de la réussite de la famille qu’ils ont constituée.
    Mme Dominique Gillot. Alors ?...
    Mme Hélène Masson-Maret. Leur parcours a rarement été simple, aussi bien aux yeux de la société que dans les difficultés qu’ils ont rencontrées pour avoir un enfant, quelle que soit la manière dont ils y sont arrivés.
    Mais de quoi est fait l’avenir ? C’est cela qui nous intéresse ! Si le mariage entre personnes de même sexe se banalise, nous retrouvons dans les couples de parents de même sexe les mêmes problèmes que dans les couples hétérosexuels,…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Absolument ! Ni plus, ni moins !
    Mme Hélène Masson-Maret. … avec leur lot de parents remarquables et leur lot de parents dont la société voit malheureusement tous les jours les manquements, ce qui rend nécessaires des interventions pour préserver l’enfant. La seule différence, c’est que la banalisation n’exigera plus de ces parents, aujourd’hui remarquables, qu’ils soient des modèles (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et ils seront plus nombreux.
    M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu tiré par les cheveux !
    Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! Écoutez-moi jusqu’au bout, avant de juger ! (Applaudissements et exclamations sur les travées de l’UMP.– Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Je pose une question simple : avons-nous le droit, en tant que législateur, de créer une nouvelle structure familiale qui ajoutera une dimension supplémentaire au problème potentiel que rencontre un enfant qui constate une difficulté entre ses parents, voire une séparation ou un divorce ? Face à cette constatation difficile, on peut penser qu’il sera tenté de se mettre à la recherche de son père ou de sa mère biologique. Or il lui sera impossible de retrouver leur trace, impossibilité que le législateur aura créée.
    M. Jean-Louis Carrère. Quel galimatias !
    Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! C’est une question simple : oui ou non le texte permet-il à un enfant de retrouver son père ou sa mère biologique ? Non ! (M. le rapporteur s’exclame.)
    M. Alain Gournac. Non, en effet !
    Mme Hélène Masson-Maret. Je voterai contre cet article parce que le mariage a pour vocation de favoriser le meilleur cadre juridique et affectif pour l’éducation des enfants. On ne peut prendre le risque que ce ne soit pas le cas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
    M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans surprise, puisque vous êtes restés de marbre face à notre proposition d’instaurer une union civile, nous voterons contre cet article 1er.
    Pour ma part, je voudrais revenir un instant sur les arguments qui ont été avancés à l’occasion de l’examen de l’amendement tendant à créer l’union civile. Certains se sont portés sur le registre symbolique, ce qui prouve bien que ce texte soulève non pas seulement une question de droit mais aussi et surtout une question de symbole et de reconnaissance.
    Je m’étonne alors que le Gouvernement, si sensible aux symboles, n’ait pas compris le caractère symbolique du mariage pour de nombreux couples mariés ou pour ceux qui envisagent de se marier.
    Enfin, il nous a été donné d’entendre un argument un peu plus technique sur la singularité de l’union civile et donc, en quelque sorte, sur la pertinence de créer une union civile destinée uniquement aux homosexuels.
    Il va de soi que l’union civile n’est pas le mariage. Cependant, ce n’est pas un « sous-mariage » : nous sommes dans un registre différent. L’union civile nous semble répondre aux demandes légitimes de couples de personnes de même sexe, sans pour autant rompre le modèle de la filiation qui constitue le socle de notre société.
    Notre formation politique ne souhaite pas faire du code civil un manuel de biologie. Nous ne souhaitons pas faire dire à la loi comment chacun doit organiser sa vie et préférer telles mœurs à d’autres.
    Alors, je souhaite revenir un instant sur une critique récurrente faite à l’endroit de l’union civile, critique qui, au nom de la même conception de l’égalité que vous défendez et qui est votre moteur, je veux bien le croire, vous amène à considérer l’union civile comme une union discriminante.
    Votre « mariage » entre personnes de même sexe traitera de manière différente des situations que vous considérez identiques.
    Si l’union de deux hommes ou de deux femmes et celle d’un homme et d’une femme étaient identiques, pourquoi ne pas conserver une parfaite égalité ? Pourquoi ne pas traiter exactement de la même manière tous les couples ? Pourquoi refuser la présomption de parenté aux couples de même sexe ?
    La réponse est simple : on ne parle pas de la même chose ! Un couple de personnes de même sexe ne sera jamais un couple de personnes de sexe différent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Les situations sont biologiquement différentes.
    J’aimerais savoir quel postulat philosophique, anthropologique, sociologique ou psychologique, mais visiblement pas biologique, vous permet de nier la différence entre un homme et une femme - car c’est de cela qu’il s’agit -, alors que, finalement, vous admettez d’autres différences : adultes et enfants, vivants et morts, humains et animaux. Où commence l’autorité de la science pour vous, et où s’arrête-t-elle ?
    Heureusement, vous admettez bien volontiers, mais à voix basse, que les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent ne sont pas identiques. C’est ce constat qui vous pousse à différencier les couples de personnes de même sexe sans présomption de parenté et les couples de personnes de sexe différent avec présomption de parenté.
    En conséquence, vous voyez bien que, parce que les situations ou réalités biologiques sont différentes, la loi ne peut s’appliquer de manière strictement identique. Alors, pourquoi utiliser cet argument d’une union civile qui serait un mariage au rabais, alors que c’est justement votre « mariage » qui est un faux mariage, car la présomption de parenté, loin de n’être qu’un détail du mariage, constitue l’un de ses fondements ?
    Notre union civile n’était pas un « sous-mariage ». L’union civile permettait de prendre en compte la singularité des couples homosexuels, non parce qu’ils n’ont pas la même valeur, mais simplement parce qu’ils sont différents. Votre « mariage pour tous », c’est un pieu mensonge !
    Pour cette raison, nous voterons contre l’article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, les sondages d’opinion ont fortement évolué depuis le début de l’examen de ce texte.
    M. Philippe Marini. Exact !
    M. Jean-Pierre Leleux. Au début, nos compatriotes s’interrogeaient : au fond, pourquoi empêcher les couples homosexuels de se constituer ? La question suscitait une relative indifférence, car ils n’avaient pas encore compris que le mariage entre personnes de même sexe entraînait ipso facto l’adoption d’enfants par ces mêmes couples. C’est alors que nous avons constaté une évolution dans les sondages, d’où il ressort désormais que, si nos concitoyens sont plutôt favorables au mariage, ils s’opposent en revanche à l’adoption.
    J’interviens alors que l’article 1er concerne exclusivement, en l’état, le mariage entre personnes de même sexe, parce qu’en votant cet article nous votons en même temps pour la possibilité d’adopter.
    C’est au nom d’une revendication tenant à l’égalité des droits que vous avez proposé ce projet de loi. Or, de quels droits s’agit-il concernant l’adoption ?
    La première question qu’il faut se poser est celle-ci : existe-t-il un droit à l’enfant ? Les couples de personnes de sexe différent revendiquent-ils le droit à l’enfant lorsqu’ils se marient ? Existe-t-il dans notre code civil relatif à l’institution du mariage un article faisant référence au droit à l’enfant ? Non, bien sûr ! Au contraire, notre législation sur le mariage ne parle que de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant – c’est ce que nous lisons aux jeunes mariés.
    La deuxième question est la suivante : le droit de vivre la vie sexuelle de son choix donne-t-il droit à l’enfant, notamment par le biais de l’adoption ? La France, jusqu’ici, a dit non concernant les personnes de même sexe. Il convient d’en préciser les raisons.
    Je rappelle notamment ici la position très claire de l’association Les Parents adoptants, qui est de bon sens concernant l’enfant. L’adoption est faite, disent-ils, pour donner une famille à un enfant, sujet de droit, et non l’inverse. L’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir.
    M. Philippe Marini. C’est l’intérêt de l’enfant qui prime !
    M. Jean-Pierre Leleux. Les enfants adoptables au sens de l’article 347 du code civil ont été privés, par un accident de la vie ou par nécessité, de leur père ou de leur mère biologiques. Pour l’enfant, cette privation est, dans tous les cas, une blessure. Elle demande une réparation, qui passe par le lien de filiation avec un père et une mère adoptifs mais reproduisant symboliquement la filiation avec le père et la mère d’origine. L’amour homme-femme répare symboliquement l’amour homme-femme défaillant de ceux qui sont à l’origine de leur vie. Il est une image réparatrice de ceux qui leur ont donné la vie.
    Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais assurer cette fonction de réparation face à ce double abandon des parents géniteurs, homme et femme, parce qu’ils ne représentent pas les parents d’origine en tant qu’homme et femme.
    Cette nouvelle filiation dépasse le couple des parents, s’enracine dans une histoire familiale, celle des générations précédentes, avec, pour la plus récente, la présence, lorsqu’ils sont vivants, des grands-parents maternels et paternels.
    M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! C’est emberlificoté !
    M. Jean-Pierre Leleux. Surtout, elle est crédible, compréhensible et, en conséquence, pallie la cassure d’origine. Brouiller cette lisibilité de l’enchaînement des générations au sein d’un couple de même sexe ne ferait qu’accentuer la confusion et la vacuité déjà intimement ressenties par l’enfant privé de son histoire propre.
    Le projet de loi vise à priver à nouveau l’enfant, et cette fois délibérément et légalement, d’un père ou d’une mère dans l’adoption conjugale. Le législateur prend la responsabilité de cette double privation.
    Veut-on favoriser le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, ou veut-on imposer à certains enfants d’avoir deux pères ou deux mères ? Avoir deux pères ou deux mères ajoutera une différence supplémentaire, essentielle, car touchant à la nature du couple parental ; peut-on imposer cela à un enfant déjà fragilisé par son histoire ?
    L’enfant est-il un bien que l’on acquiert ? Je réponds par la négative et, comme mes collègues, je voterai contre cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
    Mme Muguette Dini. Comme nous tous ici, j’ai beaucoup réfléchi aux dispositions de ce texte.
    Ce dernier vise l’égalité des droits devant le mariage pour tous les hommes et toutes les femmes de ce pays.
    Qui peut s’opposer à l’égalité des droits ? Personne ! Toutefois, en l’occurrence, ce principe d’égalité est biaisé par les conséquences inégalitaires du mariage ouvert à tous.
    Premièrement, l’adoption découlant automatiquement du mariage, cette réforme entraînera une inégalité entre les enfants adoptés : selon qu’ils seront accueillis par un couple hétérosexuel ou par un couple homosexuel, ces derniers pourront ou non identifier leurs parents adoptifs à leurs parents d’origine, qui ne peuvent être qu’un homme et une femme.
    Deuxièmement, selon qu’ils compteront deux femmes ou deux hommes, les couples homosexuels subiront une inégalité. Même sans l’ouverture à ces femmes de l’assistance médicale à la procréation, beaucoup pourront toujours recourir à une insémination que je qualifierai d’artisanale. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) En revanche, les hommes devront obligatoirement se tourner vers la GPA, qui – dois-je le rappeler ? – est interdite en France.
    Chers collègues de la majorité, je suis certaine d’avoir entendu nombre d’entre vous, et notamment M. le rapporteur, s’élever violemment contre la GPA, en mai 2007,…
    M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
    M. Alain Gournac. M. le rapporteur aura changé d’avis !
    Mme Muguette Dini. … au motif de la non-disponibilité du corps humain.
    Où est la cohérence dans tout cela ? Où est l’égalité ?
    Nous aurons l’occasion de reparler de l’AMP, expression qui comporte le terme « médical » et qui sous-entend donc des soins. Je rappelle que l’assistance médicale à la procréation est prévue pour les couples dont l’un des membres est stérile. Néanmoins, rien ne permet d’affirmer que les femmes lesbiennes seraient plus souvent stériles que les femmes hétérosexuelles. Dès lors, pourquoi auraient-elles recours à une assistance médicale ?
    J’en conviens, toutes ces questions ne figurent pas dans le texte que nous abordons aujourd’hui, mais, nous le savons, elles viendront rapidement en débat.
    M. Jean-Louis Carrère. Et c’est Dieu qui vous l’a dit ?
    Mme Muguette Dini. Je confirme que je ne suis pas opposée au mariage entre personnes de même sexe. Ainsi, pour ne pas me placer en contradiction avec la suite de mon propos, je m’abstiendrai sur cet article. En revanche, je voterai contre l’ensemble du présent texte, en raison de ses conséquences sur la filiation, et surtout sur les enfants de ces familles qui n’auront pas demandé à être ainsi distingués, pour ne pas dire marginalisés.
    M. Bruno Sido. Absolument !
    Mme Muguette Dini. Je ne conteste pas la décision prise par des adultes d’unir leur vie par le mariage. En revanche, la décision prise pour les enfants qui seront accueillis dans ces familles – évidemment sans leur avis – ne me semble pas aller dans le sens de leur intérêt supérieur et de leur équilibre. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Une fois de plus – je le dis à l’intention de Mme la garde des sceaux, même si elle est s’est absentée –,…
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Exact !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. … je déplore l’attitude du Gouvernement et de la majorité, qui ne prennent pas ce débat au sérieux, sûrs qu’ils sont d’avoir déjà gagné. Sauf que la société n’a rien à gagner avec ce projet !
    Chers collègues de la majorité, depuis près d’un an, vous avez divisé le pays ; à la division classique entre une France dite de droite et une France dite de gauche, s’ajoute la division entre ceux que vous soupçonnez d’être riches et ceux que vous appelez pauvres, ceux qui sont nés Français et ceux qui souhaitent le devenir. Et vous tentez à présent de fâcher les couples hétérosexuels, qui seraient des privilégiés, et les couples homosexuels, que l’État discriminerait ; les citoyens qui seraient arriérés, rétrogrades,…
    M. Jean-Louis Carrère. Et ils sont nombreux !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. … ou débiles, et ceux qui seraient humanistes et progressistes.
    Hier soir, j’ai encore entendu un collègue siégeant sur les travées de la majorité nous accuser d’homophobie !
    M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
    M. Jean-Louis Carrère. Oh ! Ça, c’est vilain !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. C’est tout de même désolant ici.
    Quoi qu’il en soit, le mariage s’inscrit dans une réalité biologique que nul ne peut nier. L’objectif de cette institution est de protéger juridiquement le lien de filiation entre un père et son enfant, par le biais de la présomption de paternité. C’est pourquoi nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage.
    Certes, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, puisque vous souhaitez réduire le mariage à la reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes, qu’elles soient ou non du même sexe. Or ce choix ouvrira inévitablement la porte à des revendications, au mieux ridicules, au pis intolérables, comme c’est déjà le cas à l’étranger.
    Par ailleurs, vous savez ce que nous pensons de l’altérité sexuelle d’un point de vue juridique. C’est un principe fondamental. Cette réforme nécessite donc une révision constitutionnelle, voire un référendum.
    Si vous souhaitez agir par la voie législative, soit ! Nous aurions même été ravis que vous participiez avec nous à l’élaboration d’une union civile permettant aux couples de même sexe de bénéficier d’un statut plus protecteur.
    Ainsi, conscients des réalités biologiques qui s’imposent à nous, il nous aurait été possible d’améliorer le cadre juridique de l’union des couples de même sexe. Dès lors, nous aurions été disposés à débattre de ce sujet de manière calme et dépassionnée, afin de répondre à toutes les interrogations, contrairement à vous qui, depuis le début de nos débats, évitez toute discussion et esquivez toute réponse aux questions que mes collègues vous ont posées à plusieurs reprises, depuis quelques jours.
    Ces enjeux concernent notamment la dilution de la présomption de paternité, fragilisée par l’instauration d’une parenté virtuelle, par la PMA et même par la GPA, qui, en réalité, constituent la suite logique du cheminement que vous tracez.
    En ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’un des enjeux majeurs de ce débat, je rappelle, après nombre de mes collègues, que beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption à des couples français agissent notamment sur la base de leur situation matrimoniale ! Cette position peut vous déplaire : elle n’en constitue pas moins une réalité.
    Je sais que toutes ces questions seront de nouveau soulevées dans la suite de nos débats. Toutefois, force est de constater que les alinéas du présent article constituent le cœur du texte. Aussi, s’ils ne concernent pas directement les questions de l’adoption ou de la PMA, n’y sont-ils pas tout à fait étrangers, dans la mesure où ils en composent le fondement.
    Hélas, étant donné votre attitude, je peine à concevoir que vous serez mieux disposés dans quelques jours, voire dans quelques mois, que vous ne l’avez été jusqu’à présent.
    Bien entendu, je voterai contre cet article, car le droit au mariage pour les couples homosexuels entraînera leur droit à l’adoption, et conduira nécessairement à l’élargissement de la PMA, puis tout droit à l’ouverture de la GPA. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.– M. Yves Détraigne applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.
    M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er n’est bien sûr pas acceptable.
    Il n’est pas acceptable car, en tant que telle, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est un contresens.
    Il n’est pas acceptable, car on ne peut pas dissocier le mariage de la question des enfants.
    En conséquence, deux raisons justifient ma position, largement admise par ma famille politique.
    Tout d’abord, en faisant abstraction du lien pourtant indéfectible entre mariage et filiation, ouvrir le mariage aux personnes de même sexe est, à mes yeux, un contresens. Le mariage, c’est l’altérité sexuelle, la célébration de la différence et de cet instant précaire où deux mondes se rencontrent, celui des hommes et celui des femmes, qui ont chacun leur manière d’envisager l’amour, la vie à deux et l’éducation des enfants.
    Cela ne signifie pas que tous les hommes sont masculins, ou toutes les femmes féminines.
    M. Bruno Sido. Bien sûr !
    M. Jackie Pierre. Il y a naturellement autant de manières de vivre sa féminité ou sa masculinité qu’il y a de femmes et d’hommes.
    M. Bruno Sido. Exact !
    M. Jackie Pierre. Toutefois, le mariage doit rester la consécration sociale de la destinée biologique des hommes, en accentuant s’il le faut les traits féminins et les traits masculins.
    Chacun, après le mariage, peut endosser le rôle qu’il souhaite. Simplement, même si l’homme est un animal social, un être de culture et non pas seulement une entité biologique, il ne faut pas casser ce rite qui structure notre société depuis si longtemps, car il permet à l’homme de se souvenir qu’il ne pourra jamais totalement s’affranchir de la nature.
    Le mariage est certes une mise en scène. Mais croyez-vous vraiment que les hommes et les femmes prendraient la peine de se marier, partout dans le monde et de tout temps, si ce n’était qu’une cérémonie anecdotique ? Non ! L’ouverture du mariage aux couples de même sexe, en tant que telle, ne peut être acceptée.
    Mai j’ai une seconde raison de m’opposer à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, et sans soute la plus grave.
    Le mariage ne peut être vu seul. Il constitue en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg. En effet, il ouvre non seulement des droits patrimoniaux substantiels, mais aussi et surtout des droits matrimoniaux.
    Par ailleurs, le mariage s’accompagne de la présomption de paternité.
    De surcroît, le mariage est une institution dans laquelle se glissent les règles de la procréation.
    Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est leur accorder un régime matrimonial qui ne peut s’appliquer à eux sans entraîner des situations absurdes.
    Pourquoi cette ouverture susciterait-elle de tels cas de figure totalement incontrôlables et impossibles à rationaliser par le législateur que nous sommes ? Tout simplement parce que le projet parental n’est pas le même !
    De fait, pour de tels couples, la procréation implique l’intervention d’un tiers, même si ce dernier se trouve dans une éprouvette !
    M. Jean-Louis Carrère. Encore un grand discours !
    M. Jackie Pierre. Pour les couples de même sexe qui ne veulent pas associer le tiers au projet parental, il faut savoir que celui-ci pourra être conduit à s’y introduire, par sa volonté ou par celle de l’enfant.
    En conséquence, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, on transpose les règles applicables en termes de filiation à des ménages qui ne pourront exercer ces mêmes règles. Le droit applicable en termes de filiation ne le sera plus pour les couples de personnes de même sexe.
    Cette situation l’illustre clairement : si le lien entre mariage et filiation relève de l’évidence pour ce qui concerne les couples de sexe différent, il ne peut être automatique en ce qui concerne les couples de même sexe.
    Comment appliquer la présomption de parenté ? Comment appréhender la pluriparentalité ? (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Monsieur Carrère, laissez-moi parler !
    Ce n’est pas une lubie, car un couple homosexuel doit bel et bien recourir à un tiers. Que faire de ce parent biologique ou de la mère porteuse lorsque celle-ci n’est pas la mère biologique ? Comment des droits matrimoniaux peuvent-ils s’appliquer à des couples dont les enfants seront systématiquement issus de tiers ? Est-ce bien logique ?
    En fait, via ce projet de loi, vous déconsidérez et vous dévalorisez totalement les vrais couples, donc le vrai mariage. Une chose est sûre : si le mariage entre personnes de sexe différent ne peut être séparé de la filiation, la nature des choses ne permet pas d’établir le même lien entre le mariage de personnes de même sexe et la filiation.
    M. Jean-Louis Carrère. Courage, le temps de parole est bientôt écoulé !
    M. Jackie Pierre. Pour cette raison évidente, nous ne pouvons accepter que les couples homosexuels puissent se marier, car cela reviendrait à détourner le mariage de sa fonction première, sauf à mentir sur la vérité de la filiation des enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. Sans doute n’en étonnerai-je pas beaucoup ici en annonçant que, comme nombre de mes collègues, je ne voterai pas l’article 1er. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mme Christiane Demontès. Quel scoop !
    Mme Dominique Gillot. Quelle nouvelle !
    M. Charles Revet. Ce ne sera pas un scoop, j’en conviens !
    Chers collègues de la majorité, peut-être avez-vous manqué l’occasion d’aboutir à un certain consensus hier soir, lorsque nous avons défendu des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er, qu’ils aient pour auteur le doyen Gélard, François Zocchetto, moi-même ou d’autres encore !
    Nous formulions des propositions qui, à nos yeux, correspondaient à l’objectif même du présent texte : prendre en compte la situation des personnes de même sexe qui veulent vivre ensemble et souhaitent que nous apportions des solutions à leurs difficultés.
    La solution proposée apportait une réponse sans remettre en cause ce à quoi nous sommes attachés : le mariage et tout ce qui en découle.
    Votre position, manifestement idéologique et dogmatique, est inquiétante,…
    M. Jean-Louis Carrère. Parlez pour vous !
    M. Charles Revet. … notamment en raison des conséquences qui s’y attachent.
    Aux questions qui sont posées, vous n’apportez aucune réponse.
    M. Jean-Louis Carrère. Et vous ?
    M. Charles Revet. Lorsque je suis intervenu dans la discussion générale, j’ai conclu mon propos en demandant à Mme le garde des sceaux où elle voulait nous emmener.
    M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, ça, où voulez-vous qu’elle vous emmène ?
    M. Charles Revet. Sa réponse, laconique, a été la suivante : jusqu’où le précise le texte de loi !
    Chaque fois que des questions vous ont été posées, madame la ministre, vous n’avez pas répondu. Nous n’avons entendu qu’un propos très alarmant de la part de Mme le garde des sceaux : « Nous sommes face à un changement de civilisation. »
    M. Bruno Sido. Au moins !
    M. Charles Revet. Madame le ministre, j’ai donc deux questions à vous poser. Je ne sais si vous y répondrez vous-même ou si Mme le garde des sceaux s’en chargera, mais j’espère bien obtenir cette fois des réponses.
    M. Bruno Sido. Pas comme tout à l’heure !
    M. Charles Revet. Comme vous avez bien évidemment réfléchi aux conséquences de l’adoption de ce texte - je ne peux pas penser qu’il en soit autrement -, pouvez-vous nous indiquer à quel type de société vous souhaitez aboutir, sachant que, demain, nos enfants devront y vivre ?
    M. Jean-Louis Carrère. Allons ! On ne pose pas de questions dans une explication de vote, enfin !
    M. Charles Revet. Ma seconde question concerne la GPA et la PMA, dont nous avons beaucoup parlé.
    Madame le ministre, vous n’avez pas su nous dire si l’on reviendrait sur ce texte ni dans quelles conditions, mais, si le projet de loi est adopté et la loi publiée au Journal officiel, et si une famille, ou une structure quelconque, introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous nous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par-delà l’adoption simple ou plénière, la PMA ou la GPA ?
    M. Philippe Marini. Bonne question !
    M. Jean-Louis Carrère. Mais non ! Ce n’est pas cela que nous votons !
    M. Charles Revet. Vous ne pouvez pas ne pas nous répondre, à nous qui sommes ici et qui sommes interpellés, car nos travaux sont aujourd’hui suivis avec attention.
    Madame la ministre, ces réponses, vous nous les devez, à nous et à tous nos concitoyens : nous les attendons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.– On applaudit également sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. Jean-Louis Carrère. Une vraie manipulation !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Mme la garde des sceaux a donc pris la parole. Le fait est assez exceptionnel pour être noté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
    Mme Nicole Bonnefoy. Quel mépris !
    M. Philippe Bas. Elle a pris la parole (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) et a esquissé l’amorce d’un début de commencement de réponse (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste.) à la question de notre président de groupe.
    Je tenais à la remercier de cet égard pour notre président.
    M. Jean-Louis Carrère. Nous, nous ne vous remercions pas !
    M. Jean-Marc Todeschini. Quand on n’a rien à dire…
    M. Philippe Bas. Il a ainsi obtenu, du moins partiellement, ce à quoi nous n’étions pas parvenus en quatre jours d’efforts !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous faites bien trop d’efforts !
    M. Philippe Bas. Je préfère la remercier et réagir avec optimisme à ce qui augure, je l’espère, d’une plus grande disponibilité du Gouvernement (M. Jean-Louis Carrère mime le geste d’un violoniste.) afin que le débat se noue enfin. Car je constate que nous exprimons des objections, certes, mais pas uniquement ! Nous formulons également des propositions. Malheureusement, il est peu fréquent que nous obtenions des réponses, ce qui est bien dommage. N’est-ce pas la vertu de la délibération parlementaire que de nous permettre de nous retrouver, de dialoguer et d’essayer d’écrire ensemble la loi ?
    M. Jean-Louis Carrère. Vous n’exprimez rien du tout, vous parlez pour ne rien dire !
    M. Philippe Bas. J’ai pu observer que Mme le garde des sceaux, qui elle, cher collègue, ne parle pas pour ne rien dire, appréciait la poésie et la littérature (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) et qu’elle aimait aussi le fromage. (Sourires.)
    M. Bruno Sido. Le fromage picotant !
    M. Philippe Bas. J’ai de grandes divergences de vues avec Mme le garde des sceaux, mais nous avons aussi quelques points communs. J’aime moi aussi René Char, ainsi que beaucoup de nos collègues ici. Et comme certains de nos collègues de droite, de gauche et du centre, j’apprécie Aimé Césaire.
    En écoutant Mme le garde des sceaux, je pensais à André Gide disant très injustement à propos de François Mauriac qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Et je me disais que l’on ne fait pas non plus de bons textes avec seulement de bonnes intentions !
    M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un expert !
    M. Philippe Bas. Quant au fromage, j’en suis également amateur…
    M. Bruno Sido. Normal, pour un Normand !
    M. Philippe Bas. … et nous sommes nombreux sur ces travées à pouvoir vanter les productions de nos départements. En ce qui me concerne, je tiens à faire l’éloge du camembert au lait cru de Lessay (Ah ! et très bien ! sur les travées de l’UMP.).
    M. Jean-Claude Lenoir. Dans l’Orne !
    M. Philippe Bas. Puisque Mme Taubira nous a gratifiés de ses confidences, au reste très émouvantes, j’ajoute que j’aime, comme elle, le gruyère. Le gruyère de son enfance, avec ses picotements, qui est un peu sa madeleine de Proust, a subi une forme particulière d’affinage (Protestations sur les travées du groupe socialiste, où l’on crie au hors sujet.). En principe, ce n’est pas le gruyère que l’on affine, c’est le comté. Et l’affinage du comté demande des mois et des mois. (Protestations continues sur les mêmes travées.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Arrêtez, c’est indigne !
    M. Philippe Bas. C’est un peu la même chose pour le droit. Produire un bon texte, cela exige du temps, des soins, de l’attention et du professionnalisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Pitoyable ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Je ne suis pas certain que toutes ces conditions ont été réunies pour ce texte, qui a été décidé avant d’avoir été pensé. (Oui ! sur certaines travées de l’UMP.) Nous sommes aujourd’hui contraints d’en débattre alors même que beaucoup des questions qu’il suscite n’ont été que partiellement traitées.
    Parmi ces questions, il y a celles que nous ne cessons de poser concernant les implications de ce texte sur l’assistance médicale à la procréation. Nous n’avons pas besoin d’attendre un autre texte, dont on ne sait pas s’il va oui ou non être présenté, Mme Bertinotti y étant favorable, au contraire du Premier ministre… (Mme la ministre fait des signes de dénégation.)
    Sans avoir besoin, donc, d’attendre un hypothétique autre texte, nous savons que, parce que l’adoption sera ouverte à l’épouse d’une mère qui aura bénéficié d’une assistance médicale à la procréation, ce texte permettra immédiatement de reconnaître des enfants qui auront été conçus pour n’avoir pas de père.
    M. Jean-Jacques Mirassou. C’est fini, il faut vous arrêter !
    M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
    M. Philippe Bas. Sachez bien que là réside le motif principal de notre opposition à votre texte ! Nous considérons qu’il n’est pas possible d’être parent d’un enfant sans être sa mère ni son père, et nous tenons que c’est une vue de l’esprit que de penser le contraire.
    En revanche, nous admettons que l’on peut tout à fait jouer un rôle très important auprès de l’enfant en étant le compagnon du père ou la compagne de la mère. Nous aurions dû travailler ensemble pour définir et construire ce rôle. Alors, nous aurions fait œuvre utile.
    M. Jean-Marc Todeschini. Cinq, quatre, trois, deux, un : c’est terminé !
    M. Philippe Bas. Et voilà pourquoi, mes chers collègues (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), je ne peux en aucun cas voter cet article 1er, dont les conséquences sont très graves. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Louis Carrère. C’est du cinéma de bas étage !
    M. Philippe Bas. Parce que c’était plus brillant avec Mme le garde des sceaux ?
    M. David Assouline. Elle est bien plus brillante que vous ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Esther Benbassa. Cela s’excite, à l’UMP !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
    M. Philippe Darniche. Je vais à mon tour, confirmant mes propos précédents, vous dire pour quelles raisons, avec mes collègues sénateurs non inscrits, je ne voterai pas ce texte.
    Nous avons probablement manqué aujourd’hui une occasion unique (Mais oui ! sur les travées du groupe socialiste.) d’avancer sur un sujet compliqué, mais qui nous tient à cœur comme à vous : l’avancement des droits des couples homosexuels.
    Le contrat d’union civile était, à mon sens, une bonne proposition, qui permettait de progresser sur ce sujet et qui correspondait à ce que souhaitait la très grande majorité des homosexuels, tout en étant exempt des inconvénients considérables que renferme votre texte, madame la ministre.
    Je pense que le Gouvernement ment et fait preuve d’hypocrisie. Car assurément, en votant pour cet article 1er, nous voterions pour l’adoption plénière, pour la PMA et pour la GPA, et nous imposerions ces trois pratiques à notre pays, ainsi que je vais le démontrer.
    L’article que nous examinons confère, en effet, un statut identique aux couples de personnes de sexe différent et de personnes de même sexe. Or la Cour européenne des droits de l’homme dispose d’un lourd dispositif anti-discrimination et défend l’application de droits identiques en cas de statut identique. Si les couples de personnes de sexe différent bénéficient d’un droit d’adoption et de procréation, la CEDH considérera que les couples de personnes de même sexe doivent en jouir également. Certes, les arrêts de la CEDH ne modifient pas directement les droits internes, mais ils s’imposent aux pays membres du Conseil de l’Europe, dont la France, qui doivent les respecter sous peine de s’exposer à de lourdes condamnations.
    Ainsi, l’adoption plénière et la PMA seront automatiquement imposées à la France.
    Je voudrais encore rappeler que la faculté réservée à un homme et une femme de se marier ne résulte pas de la réprobation d’une pratique sexuelle, l’homosexualité, mais d’une réalité biologique : la différence des sexes.
    Cette réalité s’impose de la même manière à toute l’humanité, à tous les âges et sous toutes les civilisations. Une minorité agissante souhaite distiller l’idée que la nature n’existe pas et que la détermination sexuelle résulterait simplement de la conscience de l’homme. La théorie du genre, qui apparaît aujourd’hui en pleine lumière, est totalitaire et destructrice.
    Mme Esther Benbassa. Ah ah !... Nous y sommes !
    M. Philippe Darniche. En ce jour probablement historique, vous vous apprêtez à défigurer la société en piétinant une institution, le mariage. Vous allez augmenter la souffrance d’enfants qui ne connaîtront pas leurs origines. Le droit à l’enfant l’emportera entièrement sur le droit de l’enfant.
    Vous avez refusé l’union civile, dont je répète qu’elle satisfaisait probablement la majorité des couples homosexuels, et, au nom du principe d’égalité et afin de satisfaire une minorité, vous avez considéré qu’il fallait emprunter un autre chemin.
    Avec tout le respect que je vous porte, chers collègues, je dirais que vous souffrez d’égalitarisme chronique.
    M. Alain Gournac. C’est une grave maladie !
    M. Philippe Darniche. Au nom de cela, vous avez sacrifié l’enfant !
    M. Philippe Marini. Très bien !
    M. Philippe Darniche. Parce que cet article est destructeur de la définition même du mariage, parce que ce qui est en jeu, c’est une certaine idée de la vie, et peut-être n’avons-nous pas la même, je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
    Mme Catherine Deroche. L’article 1er institue le mariage pour les couples de même sexe. Nous connaissons tous des couples homosexuels dans nos familles, parmi nos amis. Ils vivent souvent une vie de couple fondée sur un attachement sincère et, à ce titre, méritent le respect. Nous souhaitons tous que ces homosexuels ne souffrent ni de la vie qu’ils mènent ni de la qualité de leur couple.
    À cet égard, le PACS, tel qu’il existe actuellement, ne remplit pas toutes les conditions requises pour que ces hommes et ces femmes soient respectés dans leur vie de couple. Je regrette, pour ma part, que le gouvernement précédent n’ait pas pris l’initiative d’une amélioration du PACS, sur ses aspects tant patrimoniaux que symboliques. Je déplore, notamment, que l’on ne puisse célébrer une union civile, qui correspondrait mieux au respect dû aux couples homosexuels.
    C’était l’objet de l’union civile que nous souhaitions établir dans ce texte et que vous avez rejetée.
    M. Jean-Marc Todeschini. M. Karoutchi disait hier que M. Sarkozy n’en avait pas voulu !
    Mme Catherine Deroche. Je ne sais pas ce que M. Sarkozy désirait, je ne suis pas sa porte-parole !
    M. Jean-Marc Todeschini. Cela a été dit hier sur vos travées !
    Mme Catherine Deroche. Je vous donne mon avis personnel : pour ma part, je le regrette ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Cet article 1er pose problème : le mariage a des implications. La demande des associations homosexuelles n’est d’ailleurs pas tant le mariage lui-même - les homosexuels disent bien qu’ils ne se marieront pas systématiquement, comme d’ailleurs les couples hétérosexuels -, que l’adoption. Ce que veulent les associations, c’est la possibilité, pour les couples homosexuels, d’avoir une famille et d’élever des enfants.
    Or, nous le savons bien, l’adoption sera difficile pour les couples homosexuels et, inévitablement, au nom de l’égalité, ce texte nous contraindra à aller plus loin.
    Les couples homosexuels que nous avons pu entendre nous ont fait part du vide dans leur vie que représente l’absence d’enfant, ce que nous pouvons le comprendre. Mais, si l’on entend cette souffrance, il me semble que le texte proposé ouvre sur trop d’incertitudes et de difficultés à venir. À ce titre, nous ne pouvons y souscrire.
    Le vide d’enfants existe chez des couples homosexuels comme chez des couples hétérosexuels, ou chez des personnes qui ont fait un choix de vie particulier, du fait, par exemple, de leur engagement religieux. À ce moment du débat, je voudrais cependant dire que l’on peut réussir sa vie et lui donner du sens sans enfant, même si les enfants sont source d’un vrai bonheur.
    À l’UMP, nous disposons de la liberté de vote, ainsi qu’à l’UDI-UC, je pense. Nous pouvons nous en réjouir. Pour ma part, je ne voterai pas l’article 1er. Quant à vous, mesdames et messieurs de la majorité, nous vous sentons très unis sur ce texte… Vous n’avez pas de liberté de vote : le Gouvernement vous l’a dit, puisqu’il ne s’agit que de mariage et d’adoption, vous devez voter comme un seul homme ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
    Mais je vous donne rendez-vous dans quelques mois, lorsque nous débattrons du texte sur la PMA et la GPA. Nous verrons alors si vous êtes aussi joyeux, et si, comme le Président de la République, vous êtes toujours blagueurs. Car voilà au moins une qualité que tout le monde lui reconnaît ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Rendez-vous dans quelques mois ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.– M. Jean-Louis Carrère proteste énergiquement.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je demande à M. Carrère de se calmer un peu et de m’écouter ! Cela me ferait un plaisir aquitain… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
    Madame la garde des sceaux, je vous remercie de nous avoir rejoints en cet instant ; j’aurai donc le plaisir de m’exprimer en votre présence. Je vais parler de ceux qui sont oubliés dans ce projet de loi, les enfants ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Ce sont les grands oubliés de votre texte, notamment de son article 1er !
    Voyez-vous, la difficulté soulevée par l’équivalence que vous avez décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants.
    On dirait que vous avez oublié – je me dois donc de vous le rappeler ! – qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfant. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Carrère. Quelle science !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis bien obligée de commencer par là !
    Certes, on peut déplorer ce fait, mais il en est ainsi : deux hommes ensemble ne feront pas d’enfant,...
    M. Jean Bizet. C’est difficile, en effet !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … pas plus que deux femmes ensemble ne pourront procréer.
    Pour qu’il y ait procréation, l’homme a besoin de la femme et la femme, de l’homme.
    M. Jean-Louis Carrère. Ah, si nous étions des huîtres…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous affirmez que les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant, se fondant, pour cela, sur le droit accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Mais ils oublient – ou ils font semblant d’oublier ! – que c’est la nature et non le droit qui les empêche d’avoir un enfant !
    La rationalité de la société – c’est un point très important – repose sur la notion de limite et, avec elle, sur l’idée que tout ne se décrète pas,…
    M. Jean-Louis Carrère. Mais non !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … que tout ne se fabrique pas, monsieur Carrère. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préserve de la dictature du droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préserve de la dictature de la science.
    Avec votre texte et l’ouverture à la possibilité pour les couples homosexuels de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour, enterrant la notion de limite. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la science et de l’idée que tout peut se fabriquer. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
    On obéissait à la nature qui, comme le disait Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la science et au droit !
    Mme Esther Benbassa. Ben oui !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La nature évitait que l’homme n’obéisse à l’homme ; désormais, l’homme va obéir à l’homme sans que l’homme obéisse à quoi que ce soit !
    M. Alain Néri. Vous pourriez répéter ? Nous n’avons pas compris ! (On le confirme sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dommage que vous ne compreniez pas ! Il vous faudra en tirer les conséquences ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous en arrivons à devoir examiner un texte de ce type ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Démêlez l’écheveau !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Écoutez-moi, juste une seconde !
    Et l’enfant de couples homosexuels (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.), vous vous en moquez ? Il aura droit non pas à une origine réelle, mais à une origine absente : les cases « père » et « mère » resteront vides. Qu’on le veuille ou non, cette absence d’origine ne sera pas si simple à porter. L’enfant ne pourra pas se sentir comme les autres, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.
    Oui, les partisans de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et de l’adoption avec procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels rêvent – je le pense vraiment – quand ils voient dans ce projet de loi un progrès démocratique sans précédent. Ils croient – et vous le croyez aussi ! – que tout va bien se passer, mais ce ne sera pas le cas !
    M. David Assouline. Pourquoi cela se passe-t-il bien en Europe ? En Espagne ?
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne peut pas bien se passer ! N’imaginons pas que les enfants fabriqués, auxquels on aura volé leur origine, resteront sans réagir ! On prétend résoudre des problèmes, mais on va, au contraire, en créer ! Ne pensez pas un seul instant que tout va bien se passer ! Ne touchons pas aux données naturelles de la famille ! Ne jouons pas avec le feu ! Ne jouons pas aux apprentis sorciers !
    Nous avons tous des amis homosexuels, que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons, même.
    M. Alain Gournac. Oui !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’un de mes adjoints du conseil municipal est homosexuel.
    M. Bertrand Auban. Ce n’est pas possible !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous le voyez, je n’ai aucun problème avec l’homosexualité !
    Que les homosexuels soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux au sein d’un couple homosexuel qu’au sein de certains couples hétérosexuels, cela peut arriver. (Des sénateurs socialistes décomptent le temps de parole de Mme Des Esgaulx.)
    Écoutez-moi !
    M. Jean-Marc Todeschini. Cinq secondes ! Quatre ! Trois ! Deux ! Une…
    M. Philippe Marini. Un peu de respect !
    M. le président. Mes chers collègues, seule Mme Des Esgaulx a la parole !
    M. Jean-Marc Todeschini. Son temps de parole est écoulé !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’ai été interrompue en permanence !
    M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue !
    M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé !
    M. Philippe Marini. Mme Des Esgaulx a été sans cesse interrompue ! (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Évelyne Didier. Laissez-la finir son intervention !
    M. le président. Je vous en prie, madame Des Esgaulx, poursuivez !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je prendrai la parole sur un autre article ou sur un amendement si vous ne me laissez pas terminer ! Cela ne me gêne pas ! Il est vraiment dommage que vous ne vouliez pas nous écouter !
    Au travers du texte que vous allez adopter, vous allez fabriquer des enfants qui n’auront pas droit à leur origine. Pour ma part, j’ai eu personnellement à connaître de cas d’enfants dans cette situation. C’est catastrophique !
    Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous êtes en train de faire !
    Je veux aborder un autre point…
    M. François Rebsamen. Non, ça suffit !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je ne peux pas parler !
    Mme Esther Benbassa. Cela fait quatre jours que l’on vous écoute !
    M. le président. Ma chère collègue, votre temps est écoulé, mais vous aurez l’occasion de reprendre la parole.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vraiment regrettable, monsieur le président ! Comment ne pas s’étonner que le débat ait lieu ailleurs s’il ne peut pas avoir lieu ici ?
    M. le président. Madame la sénatrice, votre temps de parole est limité !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne peut pas s’exprimer ici dans de bonnes conditions ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
    M. Jean-Louis Carrère. On a gardé le meilleur pour la fin ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas fini !
    M. Philippe Marini. Mes chers collègues, je sollicite votre attention !
    Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 1er est le cœur de ce texte, il en est même le nœud…
    M. Jean-Louis Carrère. Le nœud ?
    M. Philippe Marini. Monsieur Carrère, si vous voulez vous exprimer, demandez la parole pour explication de vote ! Peut-être entendra-t-on alors vos arguments ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.– Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis tout à l’heure, vous ne cessez de nous interrompre les uns et les autres ! Souffrez que je m’exprime !
    M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues ! Laissez M. Marini s’exprimer.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, ce n’est pas possible !
    M. Philippe Marini. L’article 1er étant au cœur du texte, disais-je, il est bien légitime que nous résumions, les uns et les autres, notre position.
    Notre collègue Charles Revet a rappelé que Mme le garde des sceaux avait présenté ce texte comme marquant un changement de civilisation. Je crois que c’est là le point essentiel.
    Ce gouvernement, celui que vous représentez en effet, madame le garde des sceaux, avait le choix entre deux démarches.
    Il pouvait chercher à régler tranquillement, expérimentalement, les problèmes qui peuvent se poser, en comblant les lacunes du droit, avec le souci d’engager une large concertation avec toutes les composantes de l’opinion, notamment, permettez-moi de le souligner, avec les représentants légitimes des communautés religieuses de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), tout spécialement des trois monothéismes qui structurent les religions de la France.
    Mais vous avez choisi une autre voie, celle de l’affrontement, celle des symboles et du prétendu « changement de civilisation ». Aussi sommes-nous fondés à vous demander des comptes, madame le garde des sceaux ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Quel gouvernement êtes-vous pour envisager un tel changement de civilisation ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Êtes-vous mandatés pour engager un changement de civilisation ?
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non !
    M. Bruno Sido. Absolument pas !
    M. Philippe Marini. Ne serait-il pas préférable d’écouter l’opinion publique et ses composantes diverses, qui, au demeurant, ont bien évolué, me semble-t-il, au cours des mois qui viennent de s’écouler ? Référez-vous aux sondages. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. David Assouline. On sait ce que valent les sondages !
    M. Philippe Marini. Peut-être y a-t-il un lien, comme une évolution parallèle, entre la chute de la cote de popularité du Gouvernement et les interrogations qui secouent de plus en plus l’opinion publique pour ce qui concerne le prétendu « mariage pour tous » !
    Madame la garde des sceaux, sincèrement, est-ce ce gouvernement dont le ministre du budget, devenu ministre du mensonge, a explosé en vol (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.- M. François Rebsamen invite de la main ses collègues à la modération.),…
    M. Alain Bertrand. On n’est pas là pour parler de cela !
    M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement dont le ministre du prétendu redressement productif contredit dans la presse le ministre de l’économie et des finances alors qu’il en dépend (M. Bertrand Auban s’exclame.), en voulant remettre en cause nos engagements et les décisions qui ont été solennellement proclamées par votre Président de la République, par votre Premier ministre,…
    M. Alain Bertrand. Hors sujet !
    M. Philippe Marini. … est-ce ce gouvernement, caractérisé par tant de contradictions, un gouvernement dont la porte-parole annonce la PMA et dont le garde des sceaux la nie, et ce malgré toute évidence, est-ce un tel gouvernement qui est qualifié pour présenter ce texte et, surtout, pour en faire le symbole d’un « changement de civilisation » ?
    M. Alain Gournac. Non !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non !
    M. Bruno Sido. Non !
    M. Philippe Marini. Mes chers collègues, ce débat est révélateur : il montre bien – et c’est à l’honneur de notre démocratie et de notre assemblée (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) – la profondeur du clivage existant entre nous, la profondeur du fossé qui nous sépare.
    Nous sommes en démocratie, et il est important que nos concitoyens sachent où nous nous situons les uns et les autres, quelles sont nos convictions, à quelle civilisation nous appartenons et quelle civilisation nous avons l’intention de promouvoir. Je vous remercie de votre attention ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
    M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande la parole.
    M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Mes chers collègues, je vous invite à garder votre calme.
    J’appelle mes collègues du groupe socialiste à ne pas céder à la provocation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui nous empêchez de parler !
    M. François Rebsamen. Certains propos dépassent sincèrement les limites de l’acceptable, car ils remettent en cause le suffrage universel, les résultats des élections, le Gouvernement. Mais je vous demande, mes chers collègues de la majorité, de ne pas céder à la provocation ! Laissons cela à la droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote sur l’article 1er.
    M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’instar de nombre de mes collègues, je veux me faire l’interprète de beaucoup de nos concitoyens élus que nous avons reçus les uns et les autres ou qui nous ont écrit : ils ne comprennent pas pourquoi un tel débat est organisé aujourd’hui.
    En effet, était-il urgent d’engager ce débat en cette période de crise économique, alors que nous sommes au bord du gouffre et que tant de sujets plus importants devraient être traités, à l’heure où la crise de confiance se fait de plus en plus forte et où le bateau France est devenu un bateau ivre ?
    M. Roland Courteau. Hors sujet !
    M. Rémy Pointereau. Ce sujet divise les Français, alors même que le président Hollande avait promis de ne pas les diviser lorsqu’il était candidat ! Souvenez-vous : « Moi Président de la République, je serai à l’écoute des Français. »
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a vu le résultat !
    M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’engagerai de grands débats citoyens. »
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a aussi vu le résultat !
    M. Rémy Pointereau. « Moi Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vues,…
    M. Bruno Sido. Ouh là là !
    M. David Assouline. C’est quoi, le sujet ?
    M. Rémy Pointereau. … pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps […] j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français. »
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh bien !...
    M. Rémy Pointereau. Pour ma part, je suis aujourd’hui choqué par les propos de certains collègues de la majorité concernant le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il y aurait, d’un côté, les modernes, ceux qui y sont favorables, et, de l’autre, les conservateurs,…
    M. David Assouline. C’est cela ! Vous avez tout compris !
    M. Rémy Pointereau. … qui y seraient opposés et seraient, qui plus est, homophobes.
    Je m’inscris en faux contre cette assertion, car je suis – nous sommes ! – contre l’homophobie, contre la stigmatisation des homosexuels. L’homosexualité n’est plus un sujet tabou dans une société comme la nôtre. Des homosexuels, nous en connaissons tous parmi nos proches, nos amis, dans nos familles.
    M. Jean-Louis Carrère. Et alors ?
    M. Rémy Pointereau. Je respecte à la fois les personnes et leur choix de vie. D’ailleurs, on pouvait croire que le PACS aurait permis aux couples homosexuels de trouver leur place dans la société.
    M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez combattu !
    M. Rémy Pointereau. On pouvait penser, alors que prime la parité, qu’il était naturel que le mariage soit réservé à l’union d’un homme et d’une femme.
    C’est pourquoi nous avions souhaité mettre en place cette union civile qui aurait comporté les mêmes droits et les mêmes devoirs que le mariage. Chers collègues de la majorité, vous l’avez refusée !
    Devant ce choix de société, ce « changement de civilisation », selon la formule qu’ont rappelée certains de mes collègues, nous voulions un grand débat populaire suivi d’un référendum, qui aurait tranché. Chers collègues de la majorité, vous les avez refusés !
    Le mariage civil est une institution républicaine qui définit un cadre pour la procréation et la filiation. Nous devons donc promouvoir le droit de l’enfant et non le droit à l’enfant. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler, chers collègues de la majorité, les propos tenus par l’une des vôtres.
    « Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, mais bien plus que cela : c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. […] La non-discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l’humanité, de sa survie, est celui de la filiation. […] Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut […] ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. […] Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels […] est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. » Pourquoi ce que disait Mme Élisabeth Guigou en 1998, lors des débats sur le PACS à l’Assemblée nationale, ne serait-il plus valable en 2013 ?
    Mesdames les ministres, la PMA et la GPA ne figurent pas dans votre projet de loi, mais, contrairement à ce que vous affirmez, une brèche est bien ouverte pour l’avenir. Étant donné le nombre extrêmement restreint d’enfants à adopter et la fermeture d’environ quatre-vingt-dix pays pour l’adoption d’enfants étrangers, le projet de loi, s’il est adopté, ouvrira la porte aux PMA et aux GPA réalisées à l’étranger.
    M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !
    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
    M. Rémy Pointereau. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré que, pour vous, une civilisation avait des fondements, des principes, et que parmi eux figurait l’égalité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. François Rebsamen. Le règlement, c’est le respect du règlement !
    M. David Assouline. C’est fini !
    M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure, car vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Rémy Pointereau. Estimez-vous que ce principe d’égalité s’appliquera aux enfants que l’on aura délibérément privés de leur père ou de leur mère et aux enfants qui ne pourront établir leur filiation ? (Nouveaux murmures sur les mêmes travées où l’on commence à frapper sur les pupitres.)
    Mme Éliane Assassi. C’est fini !
    M. le président. Mon cher collègue, vous n’avez plus la parole.
    M. Rémy Pointereau. Non, nous ne voterons pas cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
    M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, dans quelques instants, le vote de l’article 1er du projet de loi ouvrira le mariage de manière pleine et entière aux couples de personnes de même sexe.
    M. Jean Bizet. Attendez !
    M. Charles Revet. L’article n’est pas encore voté !
    M. Yves Daudigny. Oui, nous pouvons l’affirmer : le vote de cet article 1er, qui constitue le cœur du projet de loi, est un moment historique ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP s’esclaffent.)
    Après que l’homosexualité eut été dépénalisée et que la protection assurée par le code pénal eut été étendue aux victimes de discriminations fondées sur les mœurs, il a fallu attendre la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité pour que les couples homosexuels se voient reconnaître droit de cité, tant au titre de la définition générale du concubinage visant deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple que par l’ouverture à leur profit du PACS.
    Aujourd’hui, il n’est pas question d’accorder des droits spécifiques aux couples de personnes de même sexe, mais il s’agit de leur ouvrir l’accès à une institution républicaine dont, jusqu’à ce jour, ils étaient exclus.
    Ainsi, le mariage poursuit son évolution vers l’égalité : après la suppression du devoir d’obéissance de la femme à son mari, la suppression du chef de famille et le rétablissement du divorce par consentement mutuel, son ouverture aux couples de personnes de même sexe marque un tournant décisif.
    Nous nous réjouissons de cette avancée permettant à la France de rejoindre les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal et la Norvège, qui ont déjà franchi ce pas vers l’abolition des hiérarchies entre les sexualités, ainsi que la Grande-Bretagne, qui le franchira bientôt.
    Cette ouverture du mariage civil et républicain aux couples de personnes de même sexe se fait à droit constant, sans aucun préjudice pour l’institution elle-même ni pour les couples hétérosexuels. Avec la force de la conviction, avec la force du mouvement porteur du progrès, le groupe socialiste votera l’article 1er du projet de loi !
    M. Alain Gournac. C’est une bonne nouvelle !
    M. Yves Daudigny. Pour conclure, je souhaite répondre à ceux de nos collègues qui, à plusieurs reprises, ont convoqué les dictionnaires dans nos débats. Qu’ils sachent que Le Petit Robert, depuis une dizaine d’années, ne décrit plus le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Il en donne déjà une définition ouverte et universelle en ces termes : « union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ».
    Quant au Petit Larousse, son édition 2014, qui sera publiée en juin prochain et dont la rédaction est déjà terminée, définira le mariage comme un « acte solennel par lequel deux personnes de sexe différent ou de même sexe établissent entre elles une union ». La définition est même déjà actualisée dans le Larousse en ligne.
    M. Alain Gournac. Si c’est déjà dans le dictionnaire, alors c’est réglé !
    M. Jean-Claude Lenoir. Mais à quoi servons-nous ?
    M. Yves Daudigny. Mes chers collègues, la force des mots et les symboles qu’ils portent n’ont jamais été et ne sont pas figés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
    Mme Françoise Férat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les interrogations et les inquiétudes qui sont les miennes et qui expliquent ma position sur ce texte portent sur les conséquences du projet de loi sur la filiation, que mon histoire et mon expérience au sein du conseil général de mon département me permettent d’appréhender. Pour tout vous dire, les débats de ces dernières heures n’ont vraiment pas été de nature à me rassurer !
    Je comprends l’envie et le besoin légitimes des couples homosexuels de voir reconnaître leur union dans un cadre plus solennel, avec une sécurité juridique renforcée, mais je suis opposée aux conséquences que ce projet de loi, s’il était adopté, aurait sur la filiation.
    Je pense en premier lieu à l’adoption qui, à n’en pas douter, aboutirait à l’ouverture à la procréation médicalement assistée, aujourd’hui un palliatif à l’infertilité, et demain à la gestation pour autrui, actuellement interdite en France et à laquelle je suis profondément opposée. La marchandisation des corps n’est pas acceptable !
    Si les couples homosexuels et hétérosexuels peuvent se marier dans les mêmes conditions, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits, la PMA et la GPA seront inévitablement possibles. C’est pourquoi je suis contre ce projet de loi.
    En revanche, je suis favorable à une union civile, dont la création a été proposée par mon groupe, l’UDI-UC. Cette union aurait été déclarée en mairie, devant l’officier d’état civil, ce qui aurait donné une solennité à l’engagement des deux partenaires du couple. La conclusion de cette union civile aurait déclenché l’application d’un statut patrimonial protecteur et apporté aux conjoints davantage de sécurité juridique en cas de dissolution.
    L’objectif de notre proposition était d’apporter à l’union des couples de personnes de même sexe une reconnaissance sociale et de l’entourer d’un cadre juridique plus protecteur, tout en excluant la filiation. Chers collègues de la majorité, vous l’avez, hier, balayée d’un revers de main !
    Il ne s’agit pas d’affirmer que les homosexuels seraient de moins bons parents que les hétérosexuels. Seulement, nous ne voulons pas que des enfants soient privés d’un père ou d’une mère.
    Si ce projet de loi est adopté, les règles du mariage et de la filiation, qui sont liées, seront profondément bouleversées. Pour justifier ce bouleversement, on invoque le principe d’égalité ; les discriminations sont intolérables, dit-on, et il faut les combattre. Je suis bien évidemment hostile à toute forme de discrimination, mais, au-delà de l’adoption, qu’en sera-t-il des enfants issus de la PMA et, plus particulièrement, de la GPA ?
    Mesdames les ministres, d’où vous viennent vos certitudes ? Vous qui avez une grande expérience de la vie, n’avez-vous jamais éprouvé le moindre doute au sujet d’un seul des aspects du projet de loi ? Un doute, même infime, ne devrait-il pas profiter à l’enfant ?
    Ce projet de loi ne prend pas en compte l’intérêt de l’enfant, alors que le seul objectif qui vaille est d’aider celui-ci à se construire. Pour cela, nous devons lui apporter tout ce dont il a besoin. Or il a besoin d’un père et d’une mère.
    Mesdames les ministres, force est de constater que vous n’entendez pas nos concitoyens, faute de les écouter, non plus que certains d’entre nous. Vous avez prévu la conclusion avant même le débat parlementaire (M. Charles Revet acquiesce.), vous abritant derrière les promesses de campagne. Vous n’avez pas mesuré les conséquences de ce texte !
    Ne pouvant cautionner vos positions, je ne voterai pas cet article 1er, ni l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
    M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme mon collègue Charles Revet, je ne voterai pas cet article 1er, ni d’ailleurs l’ensemble du projet de loi. Vous n’en serez pas surpris, mais permettez-moi de vous en résumer brièvement les raisons.
    Ce projet de loi est fondé sur un certain nombre d’ambiguïtés et de mensonges.
    Je vois un premier mensonge concernant l’égalité, qui pousse à imaginer qu’un couple constitué de deux hommes ou de deux femmes serait égal à un couple constitué d’un homme et d’une femme. Comme notre collègue Bruno Retailleau l’a excellemment rappelé au début de cette discussion, le Conseil constitutionnel a donné son avis sur cette question en janvier 2011. Ce souci permanent d’égalitarisme vous conduit à des dispositions contre-nature !
    Il y a, ensuite, le mensonge sur le bien-être et le développement psychologique de l’enfant. Ce développement, je conçois mal qu’il puisse être assuré au sein de ces couples que vous voulez imaginer.
    M. Jean-Louis Carrère. Nous ne les imaginons pas !
    M. Alain Bertrand. Ils existent !
    M. Jean Bizet. Avez-vous pensé à ce que deviendront ces enfants, à la manière dont ils se comporteront, une fois adultes, pour perpétuer notre civilisation ?
    Il y a aussi le mensonge qui porte sur la PMA et la GPA. Nous savons bien que la Cour européenne des droits de l’homme attend avec attention la décision de la France. Je dois reconnaître l’honnêteté intellectuelle du rapporteur sur ce point précis ; lui, ne nous a pas trompés.
    Mensonge encore en ce qui concerne le nombre de Françaises et de Français qui, à deux reprises, ont défilé dans les rues de Paris. Vous ne les avez ni vus ni entendus, et vous n’avez même pas su les dénombrer !
    Toutefois, le mensonge le plus grave est celui du Président de la République lui-même. Le temps d’une journée – pas n’importe laquelle, il est vrai, puisque c’était le jour du congrès des maires –, il a, devant le trouble de nombreux maires de France, invoqué la liberté de conscience.
    M. Philippe Marini. Oui !
    M. Jean Bizet. Pendant cette journée, le Président de la République lui-même a accepté de considérer que les maires pourraient faire jouer leur liberté de conscience.
    M. Philippe Marini. Il y en a qui l’ont cru !
    M. Jean Bizet. Aujourd’hui, deux mille cinq cents d’entre eux, dont je fais partie, ont décidé d’entrer dans une désobéissance républicaine.
    Mme Éliane Assassi. C’est mal !
    M. Jean Bizet. Près de vingt mille élus locaux ont suivi cette voie. Madame la garde des sceaux, permettez-moi, avec un peu d’humour, de vous poser cette question essentielle : qu’adviendra-t-il de nous ? Serons-nous pendus ou suspendus ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Votre réponse est importante, car il y a une solution que je préfère !
    M. David Assouline. Vous appliquerez la loi !
    Mme Éliane Assassi. Vous êtes un élu républicain, vous appliquerez donc la loi !
    M. Jean Bizet. Non, je n’appliquerai pas la loi. Monsieur Assouline, moi qui, en tant que maire, suis officier d’état civil depuis trente ans, j’ai clairement décidé d’entrer en dissidence vis-à-vis de la loi républicaine parce que je ne me reconnais pas dans la société que vous voulez construire !
    Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de la dissidence ! C’est trop facile de dire cela !
    M. Jean-Louis Carrère. Vous ne serez peut-être pas réélu !
    M. Jean Bizet. Tous ces mensonges préparent la mutation de civilisation à laquelle vous nous conviez.
    Mesdames les ministres, cette République des droits et des devoirs, je la préfère à la République des désirs et des dérives, que je refuse.
    Mme Éliane Assassi. C’est fini !
    M. Jean Bizet. Au cours de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la presse, dans une envolée médiatique, a considéré que vous entreriez sans doute dans l’histoire, madame la garde des sceaux.
    Mme Éliane Assassi. C’est terminé !
    M. François Rebsamen. Il faut respecter le règlement !
    M. Jean Bizet. L’histoire, justement, le dira, mais si tel devait être le cas, je crains, madame la garde des sceaux, que, pour vous, l’histoire ne soit particulièrement cruelle ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
    M. Alain Gournac. Je voudrais bien sûr dire à l’ensemble de mes collègues que je ne voterai en aucun cas l’article 1er. Mais, avant de vous expliquer pourquoi, je veux m’élever, devant vous tous, contre les propos tenus hier par le rapporteur, qui nous a expliqué à quel point la famille était affreuse, la famille des bâtards, la famille des femmes enceintes que l’on cachait à la maison,…
    M. François Rebsamen. Très moderne !
    M. Alain Gournac. … faisant uniquement référence au xixe siècle.
    Je proteste contre une telle image de la famille, tout à fait contraire à celle que je tire de mon expérience personnelle.
    Je suis le sixième d’une famille de neuf enfants, …
    M. Jean-Louis Carrère. Il l’a déjà dit !
    M. Alain Gournac. … je suis un pur produit de la famille et du travail, et pas des 35 heures ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Oui, je suis un pur produit de la famille, parce que mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs m’ont aimé. Alors, aujourd’hui, je ne peux accepter que l’on montre du doigt, comme on l’a fait hier soir, la famille.
    Pourquoi ne voterai-je pas ce texte ? Comme mon collègue l’a dit il y a un instant, nous sommes victimes d’un mensonge, alors même que nous venons d’être victimes d’un mensonge d’État, qui fera beaucoup de mal à l’ensemble du personnel politique, c’est-à-dire à vous comme à nous.
    Après ce mensonge d’État qui a bouleversé l’ensemble de nos concitoyens, aujourd’hui, par un nouveau mensonge, on veut nous faire croire que l’on ne prend aucun risque en votant un texte qui, somme toute, ne concernerait que l’adoption par les couples homosexuels, et c’est tout !
    Mme Éliane Assassi. Absolument !
    M. Alain Gournac. Pourtant, chacun a pu facilement démontrer qu’il suffira de porter le problème au niveau européen pour que le reste suive. Et l’on aura beau jeu de venir nous dire ensuite : c’est pas nous, c’est l’Europe !
    Mme Cécile Cukierman. Parlez-nous de l’Europe que vous construisez !
    M. Alain Gournac. Je ne veux pas cautionner la destruction de ce qui fait l’équilibre particulier de la société française, une société qui repose sur la famille, chers collègues.
    Mme Éliane Assassi. C’est votre équilibre à vous !
    M. Alain Gournac. C’est un équilibre précaire, qui subsiste encore aujourd’hui, fort heureusement, alors que chacun doute.
    J’entendais parler tout à l’heure de « domination masculine » !
    Mme Cécile Cukierman. Des siècles et des siècles de domination masculine !
    M. Alain Gournac. Je ne sais pas où vous vivez, mais il va falloir vous réveiller ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
    Non, non, non, je ne voterai pas ce mensonge !
    M. Jean-Marc Todeschini. On a compris !
    M. Alain Gournac. Non, non et archi-non, je ne voterai pas ce texte, qui signifie la destruction totale de la famille française. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, pour explication de vote.
    M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en autorisant le mariage entre personnes de même sexe, l’article 1er de ce projet de loi vise à assurer aux couples de personnes de même sexe les mêmes conditions de reconnaissance sociale et de protection juridique qu’aux couples hétérosexuels.
    L’exposé des motifs du projet de loi précise que « nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. » Mais la situation des couples homosexuels n’est pas analogue à celle des couples hétérosexuels. Seule l’union de l’homme et de la femme permet la procréation. La signification du mariage n’est pas d’officialiser une vie de couple, mais d’instituer un cadre juridique protecteur pour la famille.
    Le mariage ne saurait être limité à un contrat comme les autres qui n’engagerait que ses signataires. C’est une institution, la fondation même de notre société.
    Le mariage désigne le père des enfants mis au monde par la femme mariée. C’est la présomption de paternité, définie par l’article 312 de notre code civil. En accordant le mariage aux homosexuels, vous allez bouleverser toutes les règles du mariage, du vrai mariage, de la filiation, de l’état civil, de la procréation médicalement assistée et de la parenté !
    Vous créez des catégories de droit fictives. En effet, les hétérosexuels n’ont pas de droits spécifiques dont les homosexuels seraient exclus.
    Tout le monde n’est pas épousable et il ne suffit pas de s’aimer pour pouvoir se marier. L’idée d’égalité ne doit pas être dévoyée en changeant l’idée du mariage.
    Au nom de quoi allez-vous autoriser qu’on prive d’un père ou d’une mère un enfant adopté ou issu de la PMA, voire, un jour peut-être, de la GPA ? L’État va ainsi décider que certains enfants n’auront jamais de père ou de mère, ce qui n’a rien à voir avec les aléas de la vie. Elle est ici, la vraie discrimination : c’est celle que vous ferez subir délibérément à ces enfants.
    Il n’y a pas de droit à avoir un enfant, mais il y a un droit des enfants à avoir un père et une mère. Après, les aléas de la vie font que les parents peuvent se séparer ou mourir, ce qui n’est pas du tout la même chose que de priver un enfant, en vertu de la loi, de mère ou de père, qu’il s’agisse des parents biologiques ou adoptifs.
    Ce que vous projetez de faire au nom d’une inégalité qui n’existe pas est extrêmement grave. Le droit doit non pas servir le désir des gens, mais protéger les plus faibles, les plus vulnérables. Il aurait été plus respectueux de proposer une union civile pour les couples homosexuels, car celle-ci ne crée par de filiation. Or la filiation, pour les couples homosexuels, est une construction juridique reposant sur une fiction : deux homosexuels ne peuvent pas procréer.
    La dimension familiale du mariage inclut la procréation. C’est pourquoi nous proposons l’union civile pour les couples homosexuels. Cette union aurait le mérite de préserver la filiation. Respectons chacun en ne modifiant pas le sens du mariage. Le désir d’enfant des couples homosexuels ne nous donne pas le droit de priver un enfant de l’affection d’une mère ou d’un père.
    C’est pourquoi je ne voterai pas cet article 1er, pas plus d’ailleurs que l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Jean-Louis Carrère. Ah Ah !
    M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de l’article 1er de ce projet de loi. Nous sommes bien entendu au cœur du débat. De nombreuses questions ont été posées par mes collègues, en particulier sur la PMA et la GPA. Nous n’avons pas obtenu de réponses sérieuses sur ces questions non moins sérieuses.
    Je vous ai bien écoutée, madame la garde des sceaux, et j’estime que le Gouvernement et la majorité campent sur leur position. On a l’impression assez désagréable qu’il n’y a ni écoute ni sensibilité aux arguments aussi pertinents les uns que les autres que l’opposition a tenté de développer.
    M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes écoutés, en tout cas !
    M. Bruno Sido. De mon point de vue, il y a une question que nous n’avons pas suffisamment approfondie, en analysant trop vite l’article 1er. Je veux parler de l’article 343 du code civil, lequel, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, n’a pas été modifié et autorise de fait l’adoption par les couples homosexuels. Je souhaite ainsi évoquer un peu plus longuement cette possibilité, qui me semble d’importance. L’adoption me tient en effet particulièrement à cœur, vous imaginez pourquoi.
    Beaucoup de mes collègues parlent de l’adoption d’une façon très intelligente, mais surtout très intellectuelle et très froide, sans y mettre de cœur ! L’adoption, ce sont des enfants que l’on accueille dans sa famille. En la matière, les propos ont sans doute manqué d’entregent. J’ai entendu beaucoup de choses, souvent censées, parfois fausses.
    Il est éminemment faux – je suis désolé, madame la ministre de la famille – de dire qu’il n’y a pas plus de problèmes avec les enfants adoptés qu’avec les autres, même s’il existe, fort heureusement, des exceptions ! Soit il faut être aveuglé par l’évidence, soit il faut vraiment ne pas vouloir se pencher sur la question.
    L’enfant adopté – je parle de l’adoption par des couples hétérosexuels – est arraché à ses origines, à son histoire, ce qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, les recherches ne peuvent aboutir et sont vaines. Des difficultés psychologiques s’ensuivent très souvent. L’adoption par des couples homosexuels posera à l’enfant une difficulté supplémentaire. Après avoir constaté qu’il n’est pas l’enfant naturel de l’un de ses deux parents ou des deux parents à la fois, ce qui le différencie déjà des autres enfants, il constatera qu’il a été adopté par un couple de même sexe, ce qui le différenciera une deuxième fois. Ce nouveau choc compliquera encore un peu plus une situation déjà compliquée et perturbante.
    Ma question est claire, madame la ministre : de quel droit peut-on infliger un tel traitement à l’enfant ? (Mme la garde des sceaux consulte des documents.) J’aimerais bien être écouté, madame la garde des sceaux !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous écoute, monsieur le sénateur ! Je vous écoute et je lis en même temps !
    M. Bruno Sido. Il est vrai que vous êtes une femme, vous pouvez donc faire deux choses à la fois. Nous, les hommes, nous ne savons pas ! (Sourires.)
    Ce n’est certainement pas en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant ni du droit qu’a tout enfant en devenir de vivre dans une famille harmonieuse, lui permettant d’avoir toutes les chances de réussir sa vie.
    Votre projet de loi, madame la ministre, est intrinsèquement mauvais, porteur de graves difficultés pour la cohésion de notre société et l’avenir des enfants adoptés. Il soulève également de graves questions éthiques, auxquelles nous ne pourrons pas échapper, alors même que le Comité consultatif national d’éthique n’a pas été entendu ! Craignez-vous ses conclusions et les éclairages qu’elles pourraient donner à nos débats ?
    En tout état de cause, parce que je respecte notre société, son histoire et ses racines, parce que je respecte par-dessus tout l’enfant et ses droits et parce que, enfin, j’entends les clameurs de nos citoyens bouleversés et révoltés par ce projet de loi inqualifiable, je ne voterai pas, vous l’avez compris, cet article 1er ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je voudrais remercier M. Rebsamen de son appel au calme. Franchement, c’était utile et nous y avons été très sensibles. Pour être franc, la réaction d’un certain nombre d’entre vous, chers collègues socialistes, pendant que Mme Marie-Hélène Des Esgaulx parlait, n’était pas particulièrement brillante. (M. David Assouline proteste.)
    Mais vous allez encore être repris par votre président de groupe, monsieur Assouline ! Je vous en prie, cessez de vous en prendre à vos collègues ! Laissez-nous parler !
    M. David Assouline. C’est de la comédie !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Vous nous reprochez de parler trop. Pour ma part, je suis profondément déçu par ce débat, qui n’a donné lieu à aucun échange réel entre nous.
    Pourtant, peu de débats auront suscité une présence aussi nombreuse et des interventions si préparées, réfléchies, inspirées par le vécu. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Ne sous-estimez pas la réflexion des autres, elle est aussi importante que la vôtre !
    Au fond, on ne se parle pas ! C’est la raison de cette violence latente qui, de temps en temps, s’échappe sous forme d’interjections malheureuses.
    Vous avez décidé, avant même de pénétrer dans l’hémicycle, de ce que serait votre vote final. Vous avez décidé que tout le monde devait voter de la même façon, les uns et les autres alignés comme des petits pois. Vous avez décidé que la liberté de s’interroger n’avait pas lieu d’être et que personne ne pouvait s’associer à nos questionnements.
    Mais au fond, vous n’êtes pas responsables : le Gouvernement a choisi dès l’amont une mauvaise méthode, qui nous empêche de travailler ensemble. Je discerne en effet trois grands sujets sur lesquels nous pouvions, me semble-t-il avancer.
    Tout d’abord, la très grande majorité d’entre nous n’a aucun problème avec la reconnaissance, par la société, du couple homosexuel. Cela n’a pas toujours été le cas, il y a eu des torts, mais tout cela appartient au passé.
    Aujourd’hui, il n’y a plus aucune raison de nous diviser sur ce sujet, d’autant que ce n’est pas dans l’intérêt du pays.
    L’adoption est le deuxième thème sur lequel nous pourrions trouver un accord. Nous le reconnaissons tous, dans notre pays, elle a souvent été un échec. Je le sais pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet, lorsque j’ai créé l’Agence française de l’adoption. Je me suis alors heurté à beaucoup d’obstacles, en matière de procédure, de négociations internationales. Que de drames familiaux liés à l’adoption ! D’un côté, des enfants sont seuls, tandis que, de l’autre, des couples attendent en vain de pouvoir leur donner de l’amour. Il faut repenser l’adoption, et non pas nous diviser sur le sujet.
    Enfin, la PMA et la gestation pour autrui sont de vraies questions, mais il suffirait, pour éviter la division, que le Gouvernement s’engage clairement à ne pas prendre d’initiative législative sur ces sujets pendant le quinquennat. Alors, nous pourrons discuter.
    Sous la présidence de M. Chirac, lorsque nous avons abordé la question du port du voile à l’école, autre sujet extrêmement sensible, nous avons créé la commission Stasi, au sein de laquelle vous étiez représentés.
    M. Jean-Louis Carrère. Oui, nous y avons participé.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Nous avons discuté tous ensemble et, finalement, cela a débouché sur l’adoption d’un texte à l’unanimité. Si la loi est aujourd’hui respectée et s’applique dans un climat apaisé, c’est parce que l’ensemble du pays la soutenait. Lorsqu’il y a un consensus national sur un sujet de société, cela donne de la force politique et de la crédibilité aux textes que nous votons.
    Tout à l’heure, M. Marini n’a pas remis en cause votre légitimité démocratique ; on peut simplement s’interroger sur le point de savoir si, les uns et les autres, nous avons la légitimité nécessaire pour toucher ainsi à un fondement de notre civilisation : notre mandat va-t-il jusque-là ? Vous répondez par l’affirmative, nous par la négative. Nous pourrions y réfléchir ensemble, car c’est là une question très importante.
    Madame le garde des sceaux, avec votre projet, vous êtes en train de briser l’unité nationale, de créer une fracture. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.) Vous le savez bien, il y aura d’autres manifestations, d’autres oppositions, d’autres brutalités, alors que, sur un tel sujet, nous aurions sans doute pu emprunter un autre chemin, afin d’élaborer une solution consensuelle, à la française. Sur cette question qui intéresse toutes les sociétés, la France, pays des Lumières, aurait alors donné d’elle la meilleure image. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
    M. Dominique de Legge. Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais je voudrais m’arrêter quelques instants sur la finalité de ce projet de loi.
    À en croire M. Daudigny, il serait inutile de légiférer, puisque tout est déjà dans le Petit Robert… (M. Alain Gournac rit.) Je ne partage bien évidemment pas ce point de vue.
    Selon vous, madame le garde des sceaux, il s’agit d’engager un changement de civilisation. On peut se demander si la loi est le bon vecteur pour amorcer un changement de civilisation, mais, au moins, la ligne est claire. Même si votre réponse à nos interrogations sur la PMA ne l’est pas tout à fait, du moins a-t-on bien compris dans quelle direction vous souhaitez aller.
    Pour ma part, je ne me serais pas aventuré dans une métaphore du gruyère. Je vous rappelle que ce fromage est suisse et, par les temps qui courent, je ne suis pas certain que votre comparaison soit très heureuse… (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le gruyère est français, c’est l’emmental qui est suisse !
    M. Dominique de Legge. Dans la fable Le Corbeau et le Renard, au final, ce n’est pas celui qui tient le fromage qui s’en sort le mieux !
    Par ailleurs, Mme la ministre chargée de la famille nous a exposé une conception du texte que je qualifierais – n’y voyez rien de péjoratif – de « greffière » : la famille n’étant plus tout à fait aujourd’hui ce qu’elle était hier, puisqu’elle peut désormais être monoparentale, homoparentale ou recomposée, il convient d’adapter la loi à l’évolution des mœurs.
    Cette position ne m’étonne pas de la part de Mme la ministre chargée de la famille, car, lors du débat que nous avons eu voilà une dizaine de jours sur l’évolution des prestations familiales, elle avait suivi la même logique, concernant notamment la fonction éducative des parents. Il y a donc une continuité…
    En regard de ces deux thèses, une synthèse était nécessaire. On nous a alors dit qu’il était inutile de débattre de ce sujet, puisqu’il s’agissait d’une promesse de campagne de M. Hollande !
    Là où les choses se compliquent, c’est qu’un jour on nous affirme que le texte porte uniquement sur le mariage et pas sur la PMA, un autre jour on nous apprend que la PMA pourrait être incluse dans le champ du dispositif, un autre jour encore on ouvre la possibilité, pour les maires, de faire jouer une clause de conscience, avant enfin de revenir sur cette annonce… Je comprends, chers collègues de la majorité, que, devant tant d’imprécisions, il vous soit nécessaire de recourir à la discipline de vote !
    Pour ma part, je préfère appartenir à un groupe où la liberté de vote existe, même si, quelquefois, cela aurait pu nous arranger qu’elle n’existât point ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Je pense qu’un certain nombre d’entre vous ont des doutes sur ce texte, mais le recours à des scrutins publics les a empêchés de les exprimer.
    Je terminerai par là où j’ai commencé. À quoi sert la loi ? Je considère qu’elle sert à protéger le plus faible. Or, j’ai l’intime conviction que le présent texte ne protégera pas le plus faible d’entre nous, à savoir l’enfant. C’est la raison pour laquelle je ne voterai ni l’article 1er ni le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
    Mme Marie-Christine Blandin. C’est avec fierté que les écologistes voteront l’article 1er.
    Ne croyez pas, chers collègues, que nous ne vous ayons pas écoutés. Nous entendons et partageons votre attention aux enfants. Nous savons ce qu’est un enfant livré à la télévision, un enfant battu, un enfant maltraité. Tous les cas révélés par la presse concernent des couples hétérosexuels. Nous n’en tirons aucune conclusion : il y a des délinquants et des personnes honorables de tous les côtés. Nous considérons que personne n’a le droit de suspecter a priori de mauvaise parentalité une catégorie de la population du fait de son orientation sexuelle.
    Jamais je n’avais autant entendu parler de nature dans cet hémicycle. Même M. Bizet, grand défenseur des OGM, s’y réfère aujourd’hui !
    M. Jean Bizet. Ne mélangez pas tout !
    Mme Marie-Christine Blandin. Le bien commun de la civilisation, c’est la nature, mais c’est aussi la culture, qui depuis des milliers d’années tend à la réduction des injustices : fini le roi de droit divin ! Fini l’esclavage, tout au moins chez nous ! Finie l’oppression des femmes, du moins en partie ; elles ont maintenant le droit de voter, c’est merveilleux ! Continuons sur ce chemin de conquêtes successives, en mettant un terme à la discrimination en matière de droit au mariage. Nous pouvons être fiers de gravir aujourd’hui cette nouvelle marche ; je regrette, chers collègues, que vous ne soyez pas à nos côtés ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Je ne comptais pas prendre à nouveau la parole, mais je ne peux laisser M. Raffarin faire la leçon à la Haute Assemblée.
    M. Jean-Claude Lenoir. Elle est pourtant méritée !
    M. François Rebsamen. Sur la forme, je souhaite moi aussi un débat apaisé. Je voudrais que l’on prenne acte de la présence continue des ministres dans notre hémicycle et de la qualité de leurs réponses. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Si je le souligne, c’est parce que vous-mêmes, mes chers collègues, vous étiez plaints à plusieurs reprises du manque de disponibilité des membres du gouvernement sous la mandature du président Sarkozy. Nous avons la chance, dans ce débat, d’avoir deux ministres présentes en permanence et qui s’attachent à répondre de façon argumentée à nos questions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur ce plan.
    Sur le fond, selon vous, la gauche diviserait la société. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Bien sûr !
    M. François Rebsamen. Bien sûr, vous avez forcément raison et nous avons forcément tort !
    En réalité, c’est votre volonté de vous opposer à tout prix à ce texte, votre acharnement à le combattre qui met en cause l’unité nationale ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Vous qui aimez tant les sondages, sachez qu’une majorité de Françaises et de Français sont favorables à l’adoption de ce projet de loi.
    Nous avons des convictions différentes : défendons-les dans le respect mutuel. Ne nous faites pas porter la responsabilité de la division. Je considère, moi, que c’est votre position qui crée la division ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
    M. Alain Bertrand. J’ai été moi aussi très surpris par les propos de M. Raffarin. Tout se passe comme si nous ne comprenions pas le français de la même façon…
    M. Raffarin dit que nous aurions pu nous entendre sur le mariage des couples de personnes de même sexe et sur l’adoption. Pourtant, cet après-midi, vous et vos amis n’avez cessé d’affirmer que la gauche voulait casser la famille, faire souffrir les enfants, les maltraiter, remettre en cause notre civilisation ! Si j’avais entendu parler de droits nouveaux, d’égalité, de progrès, d’amour, j’aurais compris votre appel, monsieur Raffarin, mais pour que le dialogue que vous souhaitez puisse s’instaurer, il faudrait que l’on fasse preuve de davantage de mesure sur vos travées. En tout cas, vous ne pouvez pas nous faire porter le chapeau de la division. Nous sommes au-delà d’un simple antagonisme : c’est la posture politique que vous avez décidé d’adopter qui empêche le dialogue ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais les propos tenus à l’instant par M. Rebsamen m’incitent à le faire.
    J’ai du mal à comprendre ! On nous accuse d’adopter une posture. Mes chers collègues, souffrez que nous ayons des convictions qui nous conduisent à nous opposer à ce texte ! Au nom de quoi seriez-vous les seuls à vous exprimer dans cet hémicycle avec sincérité ?
    M. David Assouline. Ça se voit !
    Mme Éliane Assassi. Il n’y a que vous qui parlez !
    M. Christophe Béchu. Monsieur Assouline, ne créez pas le délit de faciès dans cette assemblée !
    M. David Assouline. Attention !
    M. Christophe Béchu. C’est à vous de faire attention à vos propos ! Si vous voulez jouer au jeu des dérapages, cela peut mener loin ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Éliane Assassi. Ne mélangez pas tout !
    M. Christophe Béchu. Dans cet hémicycle, certains défendent le projet de loi en étant persuadés qu’il représente un progrès de civilisation. Souffrez que, pour notre part, nous ayons la conviction que non seulement ce n’est pas le cas, mais que ce texte menace l’équilibre de notre société.
    Depuis le début de ce débat, on entend affirmer que s’opposer au mariage pour tous relèverait nécessairement d’une posture homophobe ou discriminatoire. Mes chers collègues, ce n’est pas vrai !
    M. Philippe Marini. Vous devriez écouter les différents intervenants ! Souffrez que nous nous exprimions !
    M. Christophe Béchu. Comme vient de le rappeler Jean-Pierre Raffarin, nous sommes des républicains, nous ne jetons nullement l’opprobre sur nos concitoyens homosexuels, nous ne nions pas leurs droits.
    Mme Cécile Cukierman. C’est vous qui nous avez traités d’antirépublicains !
    M. Christophe Béchu. Nous nous préoccupons des enfants, qui sont les grands absents de ce débat. N’accusez pas ceux qui ne partagent pas vos opinions de prendre une posture !
    M. Jean-Louis Carrère. Bon allez, ça va !
    M. Philippe Marini. Respectons nos différences !
    M. Christophe Béchu. Les conséquences de l’application du dispositif de ce projet de loi iront au-delà de ce que vous dites. Vous ne pouvez pas, devant la force des manifestations populaires qui ont eu lieu ces dernières semaines, faire comme si le pays était rassemblé derrière vous et conquis par vos propositions ! (M. Bernard Piras s’exclame.) La vérité, c’est que de très nombreux Français doutent. En refusant de soumettre votre projet au référendum et de laisser ainsi nos compatriotes s’exprimer, vous prenez le risque de susciter de graves divisions. Rien, dans ce que nous avons entendu depuis deux jours, ne nous permet de considérer que vous avez répondu aux questions que se posent la majorité de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
    M. Bruno Retailleau. L’article 1er est la colonne vertébrale de l’ensemble du texte, le cœur du réacteur. C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à intervenir. Il est bien normal qu’il en soit ainsi : puisque vous voulez priver les Français de la possibilité de se prononcer, tolérez au moins que leurs représentants s’expriment !
    M. Jean-Louis Carrère. On le tolère !
    M. Bruno Retailleau. Vous avancez masqués.
    M. Jean-Louis Carrère. On nous appelle Zorro !
    M. Bruno Retailleau. À propos de ce texte, on a évoqué le cheval de Troie ; pour ma part, je parlerais plutôt de sophisme.
    Dans le paradoxe d’Achille et de la tortue, on fractionne en petits segments le chemin à parcourir pour démontrer que jamais Achille ne rattrapera la tortue. Vous, vous fractionnez la difficulté pour masquer des conséquences dont nous ne cessons de vous parler depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
    M. Charles Revet. Eh oui !
    M. Bruno Retailleau. Cela étant, cette technique des petits pas derrière laquelle vous vous cachez ne pourra rien contre l’effet domino qu’engendrera la mise en œuvre du mécanisme que vous êtes en train d’armer avec cet article : il emportera tout !
    Mes chers collègues, vous allez créer une filiation sociale, sans rapport avec la biologie et, pour ce qui concerne l’adoption, sans rapport avec la vraisemblance biologique.
    Cependant, vous n’allez pas au bout de votre logique. Il en résulte un bricolage juridique, et cette démarche est lourde de conséquences, notamment éthiques. En refusant de tirer toutes les implications juridiques de l’article 1er, en particulier de toucher à la présomption de paternité ou à la filiation, vous laissez une dizaine d’articles en suspens. Si vous le faisiez, cela susciterait un problème juridique et vous obligerait à dévoiler vos intentions.
    Mais il y a beaucoup plus grave encore. Ce texte ne constituera finalement pas un progrès de civilisation, comme vous le voudriez, mais un recul, car il aboutira peut-être à la fabrique des enfants et au règne de la logique de marché. (Mlle Sophie Joissains applaudit.) En ouvrant aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’adopter, vous exacerberez une demande d’adoption qu’il sera impossible de satisfaire, vous le savez très bien, sauf à régulariser la fraude, les « bébés Thalys ». C’est une atteinte à l’ordre public que vous êtes en train d’organiser. D’ailleurs, vous avez déjà régularisé un certain nombre de situations, madame la garde des sceaux. Ce n’est pas normal !
    Ce texte est comparable à une valise à double fond : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe cache le recours à la PMA et à la GPA. Le marché se trouve sur internet. Le 11 novembre dernier s’est tenue une sorte de foire aux techniques procréatives organisée par une clinique privée de l’Illinois !
    Voilà le mécanisme que vous êtes sur le point d’enclencher. Ceux qui disent que l’on n’ira pas plus loin que ce que prévoit le présent texte sont les mêmes qui affirmaient hier que la création du PACS était l’étape ultime. Vous devez la vérité aux Français ! À l’heure où sévit une crise très dure, ils ont besoin de repères : ne touchez pas à la filiation, à la famille. Vous divisez profondément nos compatriotes au moment où ils ont besoin de se rassembler pour faire face à la crise.
    M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
    M. Bruno Retailleau. La gauche est de moins en moins sociale, elle n’est pas franchement libérale, mais elle est devenue passionnément libertaire !
    MM. François Rebsamen et David Assouline. C’est terminé !
    M. Bruno Retailleau. Les Français s’en rendront compte et vous le reprocheront ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
    M. François-Noël Buffet. Les dispositions de l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat permettent à chacun des membres de cette assemblée de demander à tout moment la parole pour un rappel au règlement, dans la mesure où l’auteur de cette demande fait référence à une disposition précise de ce dernier.
    En l’occurrence, j’invoque l’article 29 bis de notre règlement pour vous poser une question, monsieur le président : nous siégeons sans discontinuer depuis 14 h 30 ; quand pensez-vous suspendre la séance ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela n’a aucun rapport avec l’article 29 bis !
    M. le président. Monsieur le sénateur, je suspendrai la séance lorsque nous aurons achevé les explications de vote sur l’article 1er.
    La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
    M. Gérard Cornu. À l’issue de ce débat sur l’article 1er, ma conviction se trouve renforcée : je voterai contre cet article et l’ensemble du texte.
    Mme Cécile Cukierman. Heureusement que, dans votre groupe, la liberté de vote s’applique !
    M. Gérard Cornu. Nous avons posé beaucoup de questions, nous avons fait des suggestions, mais, chaque fois, les réponses des ministres ont été floues, assorties d’une litanie de citations préparées par leurs collaborateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Comme l’a dit quelqu’un que vous connaissez bien, quand c’est flou, il y a un loup. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vouloir démasquer ce loup.
    Mme Cécile Cukierman. Les loups sont entrés dans Paris !
    M. Gérard Cornu. À l’occasion de chaque vote, vous demandez un scrutin public, car l’opposition est présente en nombre et vous craignez d’être battus.
    Vous avez longuement évoqué la reconnaissance de l’amour homosexuel. Effectivement, en l’état actuel du droit, la demande des couples homosexuels de pouvoir bénéficier d’une plus grande reconnaissance sociale peut tout à fait se comprendre ; elle est légitime. Tout naturellement, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe apparaît comme un moyen de répondre à cette demande.
    Seulement, vous oubliez deux choses. Nous vous les avons certes déjà rappelées, mais la répétition étant la meilleure des pédagogies, je me permets d’y revenir.
    L’union civile dont nous avons proposé la création aurait permis de répondre à la demande des couples homosexuels. En outre, la compréhension de la condition homosexuelle ne commence pas et ne s’arrête pas avec l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je crois vraiment que vous vous trompez de réponse.
    L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne rendra pas leur fierté et leur confiance en soi aux homosexuels qui souffrent de discrimination à l’embauche. Elle ne permettra pas non plus de restaurer la confiance réciproque entre les membres d’une même famille où un enfant a été rejeté du fait de son homosexualité. Cela, vous le savez.
    Vous avez donc conscience que le regard porté sur les homosexuels ne sera pas significativement modifié du fait de cette loi. En effet, l’œuvre du législateur, bien qu’influente, ne peut remédier à des années d’idées reçues et de peurs.
    Mme Éliane Assassi. On obtient des changements par la loi !
    M. Gérard Cornu. Parfois même, il arrive que l’entêtement du législateur à apporter une réponse, notamment lorsqu’elle est destinée à une minorité, soit à double tranchant pour les intéressés. Les bonnes intentions de certains peuvent nourrir le rejet des autres. Mais surtout, cela donne le sentiment, parfois justifié, que le fait minoritaire fait l’objet d’une plus grande attention de la part du législateur que l’élaboration de mesures économiques essentielles pour l’ensemble de la population.
    L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe n’améliorera donc pas significativement la condition des homosexuels, qu’ils vivent en couple ou pas.
    Mais alors, pourquoi insister sur la mise en place d’une telle possibilité ? Les progrès dans l’acceptation de l’homosexualité ralentissant, de nouvelles réponses doivent être envisagées. Vous pensez à tort qu’il existe une proportionnalité entre le progrès d’une cause et l’œuvre législative y afférente. Ainsi, vous vous êtes lancés dans la surenchère que nous constatons aujourd’hui et que nous combattons. On le verra bientôt, cela ne sera pas suffisant, et il vous faudra de nouveau légiférer en trouvant un prétexte plus médiatique : une rupture d’égalité improbable, une insécurité juridique, des violences instrumentalisées, le non-respect de la mémoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
    M. François Rebsamen. C’est terminé !
    M. Gérard Cornu. Bref, il y aura toujours quelque chose pour justifier l’élaboration d’une loi, y compris de bonnes raisons.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur !
    M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé, monsieur le président !
    M. Gérard Cornu. Nous refusons que vous instrumentalisiez le mariage comme un gadget au service d’une cause, aussi humaniste soit-elle.
    M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
    Mlle Sophie Joissains. Quand ce projet de loi a été déposé, j’ai d’abord été très incertaine : j’étais favorable à l’ouverture d’une possibilité d’union pour les personnes de même sexe, mais fortement contrariée par les incidences de ce texte sur la filiation.
    M. Jean-Louis Carrère. Ce texte ne concerne que le mariage !
    Mlle Sophie Joissains. Les Français pensent de même. Le problème, c’est que, dans l’institution française du mariage, l’union et la filiation sont totalement imbriquées.
    Ce qui m’inquiète plus encore, c’est que, derrière ce projet de loi, il y a un autre texte, caché, relatif à la PMA et à la GPA. Bien sûr, les défenseurs du projet de loi le nient, mais M. Revet a très bien rappelé, tout à l’heure, qu’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précise que toutes les personnes bénéficiant d’un même statut doivent être traitées de la même façon et bénéficier des mêmes droits, ce qui paraît tout à fait logique.
    Aujourd’hui, les couples hétérosexuels peuvent recourir à la PMA. Demain, si un couple de femmes forme un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour accéder à ce droit, il est évident qu’il obtiendra satisfaction.
    Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
    Mlle Sophie Joissains. Je ne remets pas en cause la capacité des couples homosexuels à élever des enfants. Ce qui me gêne, c’est que l’on va encore créer des inégalités entre les enfants.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui !
    Mlle Sophie Joissains. Les uns pourront engager une action en recherche de paternité, les autres n’auront pas le droit de connaître l’intégralité de leur patrimoine génétique.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
    Mlle Sophie Joissains. Cela amorce aussi une évolution vers l’enfant-objet.
    Ce qu’il y a de plus terrible dans cette affaire, c’est que beaucoup de ceux qui vont voter le projet de loi entendent promouvoir une société de liberté, de droit, alors qu’ils sont en train de nous faire franchir la première étape vers une société de consommation à outrance, où l’objet de désir sera l’enfant.
    Il en ira de même pour la GPA, puisque l’élaboration de ce texte a été motivée par le principe d’égalité. Dans la mesure où les couples de femmes auront droit à la PMA, la déclinaison logique du principe d’égalité conduira à la banalisation de la GPA, d’autant que celle-ci est légale dans certains pays.
    Or la GPA, c’est l’exploitation de jeunes femmes des pays pauvres…
    M. Jean-Louis Carrère. Qu’en savez-vous ?
    Mlle Sophie Joissains. … par des réseaux. Elles loueront leur ventre, bien souvent à bas prix, car ce sont d’autres qui tireront les plus grands profits de ce marché.
    Par respect pour les couples homosexuels, et surtout par respect pour l’enfant, pour la femme, son intégrité physique, sa dignité,…
    M. Jean-Louis Carrère. Je me suis toujours méfié de ceux qui voulaient mon bien malgré moi !
    Mlle Sophie Joissains. … par respect pour le corps humain et l’individu, par respect pour les droits que nous avons toujours prônés depuis 1789, je voterai résolument contre cet article et ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
    M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, moi qui suis sénateur depuis un certain nombre d’années, j’ai rarement vu une séance se prolonger aussi longtemps, hormis pour achever l’examen d’un texte.
    M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez débattre, alors on débat !
    M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Carrère, vous ne cessez de hurler, cela vous tient lieu d’argumentation ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
    M. Philippe Marini. S’il allait dîner, il se sentirait mieux !
    M. Jean-Jacques Hyest. Vous ne débattez pas, vous éructez en permanence ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Louis Carrère rit.) Cela étant, c’est votre nature, j’imagine que vous pouvez difficilement faire autrement…
    M. Jean-Louis Carrère. Méfiez-vous de ma nature !
    M. Jean-Jacques Hyest. Pour en revenir au débat, j’ai essayé d’assister à toutes les auditions. Je vous ai donné mon point de vue sur l’inconstitutionnalité du texte. Mais, quand il s’agit de questions de société, j’écoute tout le monde, et pas seulement les juristes.
    Ainsi, divers philosophes se sont exprimés. M. le rapporteur, pour sa part, ne cite que Mme Héritier, qui semble être le nec plus ultra des philosophes,…
    Mme Esther Benbassa. Elle est anthropologue !
    M. Alain Gournac. Elle est socialiste, surtout !
    M. Jean-Jacques Hyest. … mais quant à moi j’ai été extrêmement frappé par les raisonnements de Mme Agacinski ou de M. Thierry Colin, qui ne sont pas des philosophes « cathos » ! Selon eux, ce texte changera complètement la nature du mariage.
    Or, dans notre droit, le mariage emporte l’accès à l’adoption. D’ailleurs, notre excellent collègue Alain Anziani, qui est un bon juriste, a tenu les propos suivants en commission des lois : « Je regrette que les articles 343 et 360 du code civil concernant l’adoption, ou 310 sur la filiation, n’aient pas été récrits. Le Conseil constitutionnel risque de considérer qu’il existe des contradictions entre ce texte et le code civil. »
    En revanche, au Portugal, le mariage civil – je ne suis pas certain que le terme « mariage » soit utilisé – est ouvert aux couples homosexuels, mais pas l’adoption. De même, en Allemagne, il existe une union civile, qui n’ouvre pas de droits en matière de filiation.
    Avec ce texte, il y aura des cas extrêmement différents. Le droit sera flou et on laissera le juge se débrouiller pour accorder ou non l’adoption. C’est tout de même la pire des choses !
    Ne serait-ce que pour ces raisons, j’ai été convaincu par les arguments d’un certain nombre de philosophes, ainsi que par ceux des représentants des religions, quelles qu’elles soient. Il est d’ailleurs frappant qu’il existe, sur ce sujet, une unité de pensée parmi les représentants des grandes religions qui ont structuré nos civilisations au cours de deux millénaires. Cela devrait nous inciter à nous interroger.
    En conclusion, je ne voterai pas l’article 1er, qui n’est pas détachable du reste du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote.
    Mme Colette Giudicelli. Au regard des scrutins qui sont déjà intervenus au fil de l’examen de ce projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, il ne fait malheureusement aucun doute que ce dernier devrait être adopté par notre assemblée.
    Plusieurs sentiments me traversent l’esprit, qui peuvent se résumer d’une phrase : tant mieux si ce texte peut conduire à une plus grande acceptation de l’homosexualité et à davantage de tolérance en général – je n’en suis toutefois pas certaine –, mais deux phénomènes préoccupants auxquels renvoie ce projet de loi m’inquiètent.
    D’abord, ce texte est sans doute un message de bienveillance à l’adresse des homosexuels, même si une grande partie d’entre eux y sont indifférents, pour ne pas dire hostiles.
    Mon souhait le plus cher serait que ce texte permette de les rendre plus heureux. Je souhaite, à cet égard, que la vie sentimentale des personnes homosexuelles vivant en couple ne soit pas un obstacle à leur bonheur et à leur développement. Je souhaite qu’elles puissent avoir la vie la plus enrichissante et heureuse possible.
    J’espère simplement que les homosexuels ne seront pas l’instrument de fausses politiques progressistes, et qu’ils ne seront pas les otages de guerres qui ne les concernent pas.
    Je voudrais, à cet instant, évoquer le rapport à la science.
    Il y a quelques années de cela, les progressistes se battaient encore contre l’obscurantisme qui prétendait nous faire vivre dans un monde enchanté : un monde où la science était aux ordres du sacré, un monde où la vérité biologique passait après les textes saints, un monde où le créationnisme primait sur le darwinisme.
    Or, notre société s’étant depuis sécularisée, le sacré a été exclu de la sphère publique pour faire place à la science, à la raison et à la vérité biologique.
    Aujourd’hui, nous assistons au retour d’un nouveau sacré, de nouvelles croyances : nous assistons à la renaissance d’un monde enchanté !
    Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter les prêches de certains – je ne dis pas de tous –, qui affirment que les institutions humaines ne doivent pas être fondées sur des considérations biologiques, ravalant ainsi les vérités scientifiques au rang de simples considérations. Cette tutelle de la nature sur l’homme serait une nouvelle tyrannie, une nouvelle aliénation.
    Ce qui est fâcheux, dans cette histoire, c’est que ceux qui prônaient hier un monde désenchanté sont les mêmes qui, aujourd’hui, veulent de nouveau nous faire entrer dans un monde sacré, enchanté. En effet, un monde où l’union de deux hommes ou de deux femmes peut créer la vie, c’est un monde enchanté !
    Prenons garde à ce que cette nouvelle forme de progressisme, dont beaucoup témoignent ici, ne nous entraîne pas vers un monde où le fait scientifique serait de nouveau relégué au rôle de faire-valoir. Ne prenons pas la science à témoin quand cela est nécessaire pour ensuite nier le fait naturel.
    L’homme moderne devrait être suffisamment sage pour ne plus vouloir affronter la nature, pour ne pas nier ce que la nature des choses lui indique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
    M. Henri de Raincourt. Je voudrais d’abord exprimer la légitime fierté des membres de notre groupe, qui, inlassablement, avec beaucoup de courage et de conviction, développent leur point de vue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est toujours le même !
    M. Henri de Raincourt. Il est heureux que nous fassions preuve d’une certaine constance, madame la ministre !
    Nous sommes donc assez contents, je le dis franchement, du travail que nous avons accompli jusqu’à présent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
    La surdité du Gouvernement et de sa majorité nous amènera à poursuivre dans cette voie.
    Il y a d’abord eu une surdité du Gouvernement à l’égard de l’opinion. Durant cette période, le Gouvernement a, me semble-t-il, quelque peu péché par excès de confiance : il croyait l’opinion totalement acquise à son projet…
    M. Alain Gournac. Il y a eu un reflux !
    M. Henri de Raincourt. Il ne pensait pas que celui-ci se heurterait à un mouvement très profond de l’opinion, qui non seulement ne s’épuise pas, mais prend au contraire davantage de force chaque jour.
    Il y a eu aussi une surdité du Gouvernement à l’égard des manifestations populaires. Je l’ai dit hier après-midi et je le redis aujourd’hui : cette attitude extrêmement choquante témoigne du peu de cas que les plus hautes autorités de l’État font des millions de personnes qui, depuis plusieurs mois, expriment leur sentiment, affirment leurs valeurs, défendent dans la rue de la manière la plus pacifique et la plus sympathique possible les principes auxquels elles sont attachées.
    Il y a eu une surdité du Gouvernement, enfin, envers les parlementaires de l’opposition. J’en suis vraiment désolé, d’autant que nous ne sommes pas entrés dans cette enceinte les mains vides. Depuis que le débat s’est engagé, nous avons présenté des propositions extrêmement construites, travaillées, judicieuses, sérieuses. Je crois sincèrement qu’elles n’ont pas fait l’objet de la considération et de l’attention qu’elles méritaient.
    Notre mission est simple. Il nous faut satisfaire à une double exigence : répondre à la demande des couples de personnes de même sexe en matière de sécurité juridique, pour eux-mêmes et pour les enfants qu’ils élèvent, le cas échéant, et envoyer un signal de reconnaissance aux personnes homosexuelles, tout cela sans remettre en cause l’institution du mariage ni le fondement de la filiation.
    Je le dis de la manière la plus calme, il est intolérable que M. Pierre Laurent ait pu, hier, nous traiter d’homophobes.
    Un sénateur du groupe UMP. C’est lamentable !
    M. Henri de Raincourt. S’il venait plus souvent au Sénat, il comprendrait que c’est une assemblée courtoise et démocratique.
    Mme Cécile Cukierman. On l’a vu cet après-midi !
    M. Henri de Raincourt. Nos propositions ont-elles été entendues ? La réponse est non. Étaient-elles irréalistes ou insuffisantes ? On ne peut pas le dire. La meilleure preuve en est, mes chers collègues, qu’elles trouvent un écho de plus en plus favorable dans la population. Si le dialogue avait pu se nouer, en particulier sur cet article, nous aurions connu un moment de concorde national, en une période où les Français ont bien besoin de se rassembler. Au lieu de cela, nous avons trouvé face à nous des interlocuteurs qui ne s’exprimaient pas et un Gouvernement qui n’a jamais voulu lâcher un pouce de terrain, pensant sans doute qu’il détient seul la vérité.
    Nous sommes extrêmement déçus par ce débat. Certes, il est démocratique, courtois la plupart du temps, mais il est assez désolant que nous ne soyons pas parvenus à briser la glace, à comprendre les revendications des uns et des autres, tout en préservant les fondements de notre société. C’est une occasion ratée pour notre pays, ratée pour le Sénat, ratée pour les familles. C’est dommage, mais nous n’y sommes pour rien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
    M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du présent document (L’orateur brandit le document.) demandent la vérification du quorum.
    M. le président. Monsieur le sénateur, nous vérifierons le quorum au moment du vote sur l’article 1er.
    La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
    M. Michel Savin. Les membres du groupe UMP, majoritairement hostiles au présent projet de loi, n’ont pas été confrontés à de graves contradictions.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Obstruction !
    M. Michel Savin. Notre position est toujours restée la même, quelles que soient les dispositions examinées : refus de l’adoption plénière et de la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels, refus de la gestation pour autrui lorsque nous étaient soumis des amendements issus de groupes de la majorité visant à la reconnaissance de cette méthode de procréation.
    Les choses ont finalement été pour nous assez simples, car nous n’avons jamais douté. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas écouté Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois, ainsi que tous les autres intervenants, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent. Cela ne veut pas dire non plus que nous avons été insensibles à leurs arguments.
    Cependant, l’addition du travail réalisé en commission, de celui que notre groupe parlementaire a mené de son côté et de l’expertise de certains membres de notre famille politique nous a conduits à envisager la question à l’aune de deux grilles de lecture ou préoccupations distinctes : la satisfaction des demandes légitimes de certains couples homosexuels en matière de sécurité juridique et de reconnaissance, d’une part, la conscience aiguë de la nécessité de sécuriser les cellules familiales, aujourd’hui menacées pour des raisons nombreuses et diverses, d’autre part.
    Dans cet esprit, nous avons voulu satisfaire les demandes légitimes exprimées par les couples homosexuels en avançant des propositions concrètes. L’union civile, loin d’être le gadget que certains ont dénoncé, répondait à deux inquiétudes ou à deux besoins manifestés par les couples homosexuels : elle leur apportait une plus grande sécurité juridique, calquée sur celle dont bénéficient déjà les couples mariés, et une reconnaissance institutionnelle de leur relation.
    De la même manière, nous avons tout fait pour que l’on n’enterre pas définitivement ce qui reste de la famille en créant de nouveaux modèles de filiation, alors même que cette dernière est la colonne vertébrale de la famille. Sans une filiation harmonieuse et transparente, il ne peut y avoir de construction de l’enfant.
    Dans ce débat, nous avons souvent parlé de droit de l’enfant, par opposition au droit à l’enfant. Si parfois nous nous sommes égarés dans de vaines querelles sémantiques, il importe que soit préservée la cellule familiale, au sein de laquelle chacun se construit des repères durables. Ce sont ces repères qui permettent à l’enfant de se développer dans des conditions optimales.
    L’adoption de ce texte ne conduira pas à un cataclysme facilement identifiable ; elle sera simplement, je le crois, une étape supplémentaire sur le chemin que certains veulent nous voir emprunter, et qui doit conduire à la destruction de toutes les institutions sociales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Malgré toute notre bienveillance pour les personnes homosexuelles, malgré notre compréhension à l’égard de certaines situations d’insécurité juridique qu’elles peuvent rencontrer, malgré notre conscience du manque de considération dont elles pâtissent, nous ne pouvons accepter que l’on assène un coup supplémentaire à la famille.
    Parce que je considère, en tant que parlementaire, que l’intérêt collectif n’est pas la somme des intérêts individuels, je voterai contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Demande de vérification du quorum

    Article 1er
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Vérification du quorum
    M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues.
    En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
    Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
    Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
    (L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Jean Bizet, Jean-Paul Emorine, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. René Garrec , Charles Revet, Jean-François Humbert, Jackie Pierre, Pierre Bordier, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Daniel Laurent, Jean-Noël Cardoux, Mme Sophie Primas, MM. Ambroise Dupont, Abdourahamane Soilihi, Mlle Sophie Joissains, Mme Esther Sittler, MM. Bruno Retailleau, Bernard Fournier, François Trucy, Alain Milon, Michel Bécot, Yann Gaillard, Rémi Pointereau, Christophe Béchu, Philippe Marini, Mme Colette Giudicelli, MM. Dominique de Legge, Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Henri de Raincourt, Patrice Gélard, Éric Doligé, François Pillet et François-Noël Buffet.)
    M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
    Vérification du quorum

    Demande vérification du quorum
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er
    M. le président. Mes chers collègues, la vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
    Je vais procéder à la vérification du quorum, et j’invite donc Mme Michelle Demessine et M. Jean-François Humbert, secrétaires de séance, à venir m’assister.
    (La vérification du quorum a lieu.)
    M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
    En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
    Aux termes de l’article 51, alinéa 3, de notre règlement, le vote ne peut avoir lieu moins d’une heure après la constatation de l’absence de quorum.
    Je vais donc suspendre la séance. Elle reprendra à vingt-trois heures trente. Nous conviendrons de l’heure de levée en fonction de notre rythme de travail.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt et une heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur l’article 1er.
    Vérification du quorum
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Demande de réserve
    Article 1er (suite)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
    J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe socialiste, l’autre du groupe UMP.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 148 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 179
    Contre 157
    Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur certaines travées de l’UMP.)
    (Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
    PRÉSIDENCE DE MME BARIZA KHIARI

    vice-présidente
    Demande de réserve

    Article 1er
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis A (Texte non modifié par la commission)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Après les longs et très riches débats que nous avons eus sur l’article 1er, qui est bien sûr l’article principal de ce projet de loi, il me semble qu’il serait utile de rationaliser quelque peu nos discussions.
    En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande donc, madame la présidente, la réserve de l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels, de manière que nous examinions en priorité le texte issu des travaux de la commission.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement ne s’oppose nullement à cette demande, madame la présidente. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Ouf ! On a eu peur !
    Mme la présidente. La réserve est de droit.
    Demande de réserve
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis B
    Article 1er bis A
    (Non modifié)
    Après l’article 34 du code civil, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
    « Art. 34-1. – Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. Je dois dire que cet article me surprend. Je n’en comprends pas bien le sens.
    La seconde phrase de la rédaction proposée pour le nouvel article 34-1 du code civil m’amène à m’interroger : quel sera le contenu du contrôle et de la surveillance exercés par le procureur de la République sur les officiers de l’état civil ? Faut-il voir dans cet article la traduction concrète des engagements pris par le Président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France ? Il avait alors envisagé l’instauration d’une clause de conscience, afin d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer le mariage d’un couple de personnes de même sexe.
    J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’était rétracté dès le lendemain matin, après avoir reçu au palais de l’Élysée, toutes affaires cessantes, des représentants de groupes de pression réclamant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Que fera le procureur de la République lorsqu’un maire refusera de célébrer un tel mariage ? Le texte en dit trop ou trop peu : nous ignorons quelles conséquences seront tirées de ces dispositions, comment s’exerceront le contrôle et la surveillance envisagés.
    À défaut d’explications complémentaires de la part du Gouvernement, il serait très imprudent de notre part, me semble-t-il, d’adopter un dispositif aussi flou.
    Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis A, qui renvoie aux lacunes du texte et aux questions non résolues exposées à la page 26 de l’étude d’impact.
    Il nous est hypocritement indiqué, dans cette étude, que « la réforme envisagée n’aura pas de conséquences sur les actes d’état civil » : nous sommes aussitôt renvoyés à l’instruction générale relative à l’état civil, dont le travail de refonte est actuellement en cours…
    Par ailleurs, il nous est dit qu’un nouveau modèle de livret de famille sera adopté par arrêté afin d’adapter ce document à la situation des couples de personnes de même sexe.
    Pourquoi tout cela ? Il y aura donc un mariage unique, mais, parce que les réalités s’imposent, deux livrets de famille distincts ? N’est-ce pas discriminant ?
    L’Assemblée nationale a adopté un article sans connaître les conséquences réglementaires de la mise en œuvre de son dispositif : quelles seront-elles ?
    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
    En effet, l’article 1er bis A a le mérite d’établir clairement la règle selon laquelle les officiers de l’état civil exercent leur fonction sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. Nous accepterons d’ailleurs tout à l’heure un amendement de M. Gélard visant à alléger la formulation de cette disposition.
    Inscrire dans le code civil la mention expresse de ce contrôle par le procureur de la République est bienvenu. Le procureur de la République exerce déjà la tutelle sur les registres de l’état civil, dont il est chaque année destinataire du double.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
    Comme vous le savez parfaitement, monsieur Gélard, l’état civil est déjà placé sous la responsabilité du service public judiciaire. Au quotidien, les officiers de l’état civil sont amenés à solliciter le parquet lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté dans la rédaction d’un acte.
    En outre, la loi de 2005 sur la filiation a établi l’unicité du livret de famille. À cet égard, la chancellerie travaille à une adaptation du livret de famille.
    Il n’y a donc aucune raison de supprimer cet article.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.
    J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 149 :
    Nombre de votants 324
    Nombre de suffrages exprimés 321
    Majorité absolue des suffrages exprimés 161
    Pour l’adoption 146
    Contre 175
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2, seconde phrase
    Supprimer cette phrase.
    L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2, seconde phrase
    Supprimer les mots :
    et la surveillance
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter les deux amendements.
    M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de repli par rapport au précédent.
    L’amendement n° 84 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 1er bis A, la phrase suivante : « Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. »
    L’amendement n° 17 rectifié bis vise à supprimer, dans cette même phrase, les mots : « et la surveillance ».
    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est bien sûr défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis, mais favorable à l’amendement n° 17 rectifié bis, car la formule « le contrôle et la surveillance » paraît redondante.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 17 rectifié bis, même si les mots « contrôle » et « surveillance » n’ont pas exactement la même signification.
    Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 84 rectifié bis.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 84 rectifié bis.
    M. Gérard Longuet. Notre intervention a pour objet de rappeler aux 36 000 maires de France et à leurs adjoints à qui ils devront l’obligation de procéder demain aux mariages de couples de personnes de même sexe.
    Le Président de la République avait suscité un doute quand il s’était exprimé devant le congrès de l’Association des maires de France, où beaucoup d’entre nous étaient présents. Nous avions alors eu le sentiment que, cédant à une sorte de remord tardif, il admettait que l’on puisse ne pas souhaiter célébrer un mariage faisant fi de l’altérité.
    Le Président de la République est très vite revenu sur cette concession et a décidé d’imposer absolument aux maires et à leurs adjoints, qui ont été élus bien avant que ce projet de loi n’ait été déposé, de célébrer les mariages de couples de personnes de même sexe, sous le contrôle du ministère public – mais, grâce à la sagesse du Sénat, peut-être pas sous sa surveillance.
    Seront-ils suffisamment convaincus de la légitimité d’un tel mariage, de sa validité, pour faire partager cette conviction à l’assistance ? Je ne le sais pas. Quoi qu’il en soit, même s’ils doutent, ils seront obligés de le célébrer.
    Par ces deux amendements, nous avons tenu à rappeler la volte-face de M. le Président de la République. En recourant à des scrutins publics, nous entendons dissiper toute ambiguïté et souligner la responsabilité de ceux d’entre nous qui estiment qu’il convient de faire fi de toute réserve de conscience pour les maires. Les journalistes peuvent faire jouer une clause de conscience, les officiers de l’état civil de nos 36 000 communes n’auront pas cette possibilité : il importe qu’ils sachent à qui ils le devront ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est bien étrange que M. Longuet prétende tirer argument du fait que les maires actuellement en fonctions ont été élus avant l’adoption du présent texte. En effet, en toute circonstance, les maires doivent appliquer la loi de la République.
    Mme Cécile Cukierman. Vous n’avez pas été élu pour déclarer les personnels grévistes à l’avance, monsieur Longuet !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié bis.
    J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 150 :
    Nombre de votants 344
    Nombre de suffrages exprimés 341
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 167
    Contre 174
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié bis.
    (L’amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
    Mme Cécile Cukierman. Vous voyez qu’on vous écoute !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
    J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 151 :
    Nombre de votants 344
    Nombre de suffrages exprimés 341
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 180
    Contre 161
    Le Sénat a adopté.
    La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Je voudrais souligner la forte mobilisation de l’ensemble des sénateurs et sénatrices de la gauche ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
    Mme Isabelle Debré. Une fois n’est pas coutume !
    M. François Rebsamen. J’ai entendu tout à l’heure quelques remarques acerbes sur notre recours à des scrutins publics successifs. Puis-je vous renvoyer la balle et vous demander à mon tour de ne pas abuser de cette procédure, chers collègues de l’opposition ?
    La nuit sera longue. Nous pourrions avancer ensemble beaucoup plus vite, notamment quand se dégagent des points de convergence ; nous l’avons vu à propos de l’amendement n° 17 rectifié bis.
    C’est avec une certaine fierté que je salue la présence ce soir dans notre hémicycle de nombreux collègues qui étaient retenus cet après-midi par des travaux de commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
    Article 1er bis A (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis CA (nouveau)
    Article 1er bis B
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° Le début de l’article 74 est ainsi rédigé :
    « Art. 74. – Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où l’un d’eux, ou l’un de leurs parents, aura ... » ;
    2° À l’article 165, le mot : « où » est remplacé par les mots : « dans laquelle », et après le mot : « époux », sont insérés les mots : « ou l’un des parents des époux ».
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. En toute autre circonstance, les dispositions de cet article, qui ont été introduites par l’Assemblée nationale avant d’être modifiées par notre commission des lois, m’auraient paru apporter des souplesses supplémentaires, répondant aux attentes d’un certain nombre de futurs époux et de familles : il s’agit de permettre que le mariage puisse être célébré soit dans la commune de résidence de l’un ou l’autre des futurs époux, soit dans celle de leurs parents.
    Néanmoins, le fait qu’une telle mesure soit insérée dans un texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe me préoccupe. Je conçois que mes propos puissent surprendre certains d’entre vous ; je vais m’en expliquer.
    La notion de parent est aujourd’hui déjà très large, et ce texte l’élargira encore. Je suppose qu’il s’agit ici de la parenté au sens restreint du terme, et non pas de la parentèle, sinon il suffirait de disposer que le mariage peut être célébré dans n’importe quelle commune de France…
    Avec deux futurs époux et quatre parents, cela fait déjà, potentiellement, six domiciles distincts. De plus, à la lecture du texte, il apparaît qu’il suffira de justifier d’un mois de résidence continue dans une commune pour que le mariage puisse y être célébré. Imaginons par exemple que l’un des parents se rende en villégiature plus d’un mois par an à Courchevel ou à Carnac, par exemple. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. David Assouline. Comme par hasard !
    M. Philippe Bas. Je pourrais évidemment citer d’autres communes, ce n’est qu’un exemple !
    En réalité, nous ouvrons la voie à la possibilité de célébrer un mariage dans pratiquement n’importe quelle commune française.
    Je vois bien que l’intention est simplement d’introduire un peu de souplesse dans un système qui en manque, mais, si l’on prend en compte les résidences secondaires, cela fait tout de même beaucoup de communes pouvant potentiellement accueillir la célébration du mariage.
    Or le chapitre III, relatif aux actes de mariage, du code civil, qui est notre bible à tous, impose la publication des bans dans la commune où le mariage doit être célébré. Pourquoi cette pratique, qui existe depuis des temps immémoriaux ?
    M. Jean-Marc Todeschini. N’exagérons rien !
    M. Philippe Bas. Parce qu’il y a des interdits, parce qu’il peut y avoir des oppositions au mariage. Or si le mariage peut être célébré dans une commune de France où les futurs époux et leurs familles ne sont pas connus, qui pourra s’opposer au mariage en cas, par exemple, de soupçon de consanguinité ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et le développement de l’assistance médicale à la procréation rendent la situation encore plus complexe.
    En réalité, sous des dehors anodins, le dispositif de l’article que nous examinons entraînera des conséquences absolument incontrôlables. En particulier, des mariages qui devraient normalement être interdits pourront ne faire l’objet d’aucune opposition parce qu’ils seront célébrés en catimini ! (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Belle démonstration !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
    M. Gérard Longuet. J’ai eu la tentation de renoncer à prendre la parole après la très belle démonstration de mon collègue Philippe Bas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Vous n’êtes pas obligé de vous moquer de lui !
    M. Gérard Longuet. J’ai parfois eu du mal à la suivre, mais il faut reconnaître que le texte est complexe !
    Cédant à l’appel de M. Rebsamen, je vais épargner à la Haute Assemblée deux rappels au règlement que je projetais de formuler et m’en tenir à cette intervention sur l’article.
    Je dirai avec gravité à M. le président de la commission des lois qu’il faut comprendre que célébrer un mariage ne reposant pas sur l’altérité peut poser un véritable problème de conscience à certains maires.
    Je vous renvoie, monsieur Sueur, aux débats sur la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. À l’époque, un nombre important de maires ont fait le choix de démissionner de leur mandat pour ne pas avoir à appliquer la loi telle qu’elle avait été votée.
    M. David Assouline. Ce n’est pas la même chose !
    M. Gérard Longuet. C’était d’ailleurs tout à leur honneur.
    Devra-t-on demain demander à un maire de renoncer à son mandat lorsqu’il ne voudra pas, pour des raisons tenant à ses convictions ou à des principes moraux, célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe ? Le Président de la République avait lui-même reconnu qu’il fallait envisager d’ouvrir aux maires la possibilité de refuser de célébrer de tels mariages, avant de faire volte-face. Vous avez décidé de contraindre les maires ; certains d’entre eux sauront s’en souvenir !
    Monsieur Rebsamen, il est vrai que le scrutin public sert souvent au président du groupe majoritaire à assurer sa majorité quand une partie de ses troupes est mobilisée sur des théâtres d’opérations extérieurs à l’hémicycle. Je reconnais avoir moi-même parfois recouru à ce moyen, dans mon passé lointain de président de groupe, mais je me suis efforcé de ne pas en abuser.
    Ce soir, ce n’est pas du tout dans cet esprit que nous faisons usage de cette procédure. Nous voulons qu’il reste une trace écrite de nos votes respectifs, afin que nos mandants, c’est-à-dire les élus locaux, sachent exactement à qui ils doivent les nouvelles règles du jeu. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) En tout état de cause, nous ne pouvons pas esquiver nos responsabilités grâce à de simples votes à main levée, intervenus de surcroît en pleine nuit.
    Tel est le sens de ces demandes de scrutin public. Elles ont pour objet non pas de retarder les débats – même si, sur un sujet aussi important, on n’est pas à quelques jours près –, mais de marquer, pour l’histoire de la République, quelle fut la volonté des sénateurs au regard des exigences nouvelles qu’il nous est proposé d’imposer aux maires et à leurs adjoints.
    Par ailleurs, je voudrais rappeler que la publication des bans a pour objet de signifier, dans une commune, qu’un couple a l’intention de se marier et de permettre à tous ceux qui pourraient s’y opposer pour des raisons solides de le faire. Avec pudeur, Philippe Bas s’est borné à évoquer les cas de consanguinité. J’ajouterai qu’à une époque où la contraception était moins maîtrisée qu’elle ne l’est aujourd’hui, cela permettait le cas échéant de rappeler à une personne souhaitant se marier les devoirs qu’elle avait déjà envers celle ou celui avec qui elle avait tissé des liens suffisamment forts pour qu’il en ait résulté la venue au monde d’enfants… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Ce risque, inhérent à l’altérité, disparaît dans le cas d’un mariage homosexuel. Cela explique sans doute que nos collègues socialistes souhaitent introduire de la souplesse en matière de choix du lieu de célébration du mariage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    des époux
    par les mots :
    du futur mari et de la future femme
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Je suis un peu gêné par cet amendement (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.),…
    M. François Rebsamen. Alors retirez-le !
    M. Patrice Gélard. … ainsi que par le texte qui nous est proposé.
    Offrir la possibilité de prononcer un mariage ailleurs qu’à la mairie du domicile de l’un des deux futurs époux me paraît tout à fait nécessaire. J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi à cette fin, puis un amendement. Notre collègue centriste M. Maurey avait fait de même.
    Si mes souvenirs sont exacts, ces amendements, qui avaient été adoptés lors de l’examen du projet de loi de finances, ont malheureusement été censurés par le Conseil constitutionnel, qui les a considérés comme des cavaliers.
    Introduire une telle souplesse serait néanmoins utile, pour plusieurs raisons.
    Tout d’abord, le code civil a été rédigé à une époque où la future épousée vivait systématiquement chez ses parents. Par conséquent, il était logique de prévoir que son mariage pouvait être célébré dans la commune de résidence de ses parents ou, le cas échéant, dans celle de son futur époux.
    Les choses ont bien changé depuis : en général, les futurs époux travaillent l’un et l’autre, ils vivent souvent déjà ensemble, parfois loin de leurs familles. Cependant, chacun sait que le mariage est resté chez nous une tradition populaire, une occasion de réunir la famille et les amis dans un lieu que l’on apprécie.
    C’est la raison pour laquelle je suis d’accord, au fond, avec la proposition qui nous est faite au travers de l’article 1er bis B. Toutefois, nous avons déposé les amendements nos 85 rectifié bis et 86 rectifié bis afin de rappeler que nous considérons l’altérité comme un élément fondamental du mariage.
    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les éclaircissements de M. Gélard sont bienvenus, après les explications très embrumées de M. Bas (Exclamations sur les travées de l’UMP.), qui d’habitude est plus clair.
    L’article 1er bis B a été introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, afin de répondre à l’une des demandes – elles n’ont pas toutes été honorées – de l’Association des maires de France.
    Un tel dispositif avait déjà été adopté par le Sénat à l’occasion de la discussion de la loi de finances, puis lors de l’examen d’un texte relatif à la répartition des contentieux. Le garde des sceaux de l’époque, M. Michel Mercier, y était très favorable. Je crois me souvenir qu’il avait été adopté à l’unanimité, mais le Conseil constitutionnel l’avait effectivement censuré, jugeant qu’il s’agissait d’un cavalier. Il nous est aujourd’hui opportunément proposé de l’inscrire dans ce projet de loi, où il a toute sa place, cher Gérard Longuet, précisément parce qu’il peut permettre d’éviter des conflits frontaux entre certains maires et de futurs mariés de même sexe. Ceux-ci, sachant que le maire de telle commune s’est prononcé contre le mariage homosexuel, pourront faire célébrer leur union ailleurs dans des conditions légales.
    M. Gérard Longuet. C’est vrai !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 85 rectifié bis de M. Gélard s’inscrit dans la lignée de ceux qui avaient été défendus, à l’article 1er, par M. Revet ou M. Leleux, et que nous avions appelés, en commission, les amendements « Adam et Ève », car ils se fondent sur l’idée que le mariage doit reposer sur l’altérité sexuelle.
    Le présent amendement vise à priver les couples de personnes de même sexe de la possibilité ouverte par l’article 1er bis B. Or, si nous l’adoptions, cela créerait une inégalité de traitement entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, ce qui serait inconstitutionnel.
    Par conséquent, monsieur Gélard, je vous suggère de retirer votre amendement. Le texte qui a été voté par l’Assemblée nationale répond à une demande de l’Association des maires de France et je rappelle encore une fois que le Sénat a déjà adopté à deux reprises une telle disposition dans le passé.
    Si vous ne retirez pas cet amendement, monsieur Gélard, l’avis de la commission sera défavorable. Je souligne dès à présent que, s’il n’est pas adopté, l’amendement n° 86 rectifié bis deviendra sans objet.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Depuis le début de ces débats, j’observe une transmission d’argumentaires, bien compréhensible, entre le groupe UMP de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. Cependant, même dans les dispositifs les mieux huilés, il peut arriver que des grippages se produisent… Ainsi, il vous a échappé que l’article 1er bis B avait été introduit à l’Assemblée nationale par le biais de l’adoption d’un amendement déposé par vos homologues de l’UMP et sous-amendé par le Gouvernement.
    L’amendement « Pélissard » visait à la fois les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Le Gouvernement l’a sous-amendé en précisant que le lieu de célébration relèverait du « choix des époux », afin d’éviter qu’il ne puisse être interprété comme ouvrant à certains maires la possibilité de ne pas se soumettre à la loi républicaine. Il s’agissait d’écarter toute ambiguïté : un maire ne pourra pas inviter un couple à aller se marier ailleurs que dans sa commune.
    Dans la mesure où nos concitoyens sont moins sédentaires aujourd’hui qu’ils ne l’étaient autrefois, cette disposition permettra d’ailleurs de répondre à une demande émanant déjà des couples hétérosexuels.
    En conclusion, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 85 rectifié bis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mme la présidente. Monsieur Gélard, l’amendement est-il maintenu ?
    M. Patrice Gélard. Par fidélité au point de vue que nous avons défendu tout au long de la discussion de ce texte, je ne peux pas retirer cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
    M. Philippe Marini. Je voudrais dire le trouble dans lequel me plongent cet amendement et cette discussion.
    La présentation de l’article par Philippe Bas a retenu toute mon attention. J’étais vraiment très attaché, madame la garde des sceaux, au principe de l’instauration d’une forme de clause de conscience pour les maires. Il me semble que, très légitimement, certains élus vont exprimer une réticence, voire une opposition, à célébrer des mariages entre personnes de même sexe. Dès lors qu’il existe une souplesse permettant à ces personnes de choisir la commune où leur mariage sera célébré, cela pourrait être de nature à éviter des crispations, voire à inciter certaines communes à se spécialiser dans la célébration de certains types de mariages ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela pourrait être, à la limite, un argument promotionnel, voire touristique ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est plus que limite !
    M. Philippe Marini. Peut-être est-ce l’un des points sur lesquels notre collègue Philippe Bas aurait pu insister s’il avait bénéficié d’un temps de parole un peu plus long.
    Quoi qu’il en soit, la souplesse de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne me paraît pas malvenue. À titre tout à fait personnel – pardonnez-moi, monsieur Gélard, de me singulariser quelque peu ! –, je m’abstiendrai sur cet amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 4
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    2° À l’article 165, les mots : « l’un des époux » sont remplacés par les mots : « le futur mari ou la future femme, ou l’un de leurs parents, ».
    Cet amendement n’a plus d’objet.
    L’amendement n° 281, présenté par M. J. P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 4
    Remplacer les mots :
    ou l’un des parents des époux
    par les mots :
    , ou l’un de leurs parents,
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 281 ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui améliore le texte.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 281.
    (L’amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis B, modifié.
    M. Gérard Longuet. Explication de vote ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Todeschini. Le vote a commencé !
    (L’article 1er bis B est adopté.)
    Article 1er bis B
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis C (Texte non modifié par la commission)
    Article 1er bis CA (nouveau)
    Après les mots : « des articles 212 », la fin du premier alinéa de l’article 75 du code civil est ainsi rédigée : « et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215, et de l’article 371-1 du présent code. »
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Philippe Bas. Je vais faire tout mon possible pour être plus clair, comme me l’a demandé M. le rapporteur, afin d’être mieux compris.
    M. Jean-Marc Todeschini. Ça va être lumineux !
    M. Philippe Bas. Je voudrais commencer par me réjouir, car l’article 1er bis CA apporte des éléments rédactionnels utiles.
    En effet, l’article 75 du code civil fait référence à deux alinéas de l’article 213 du même code. Or un coup d’œil rapide à ce dernier article nous permet de constater qu’il n’en contient qu’un seul. Supprimer le renvoi aux deux alinéas est un apport rédactionnel sur lequel il n’y a pas lieu, à l’évidence, de s’attarder, mais dont il faut relever l’utilité.
    En réalité, l’objet principal de l’article 1er bis CA est de supprimer la lecture de l’article 220 du code civil lors de la cérémonie civile du mariage. Un large accord existe, me semble-t-il, sur ce point. (M. Patrice Gélard opine.)
    Tous les maires constatent à quel point il est déplaisant pour les futurs époux, ainsi que pour leurs familles, d’entendre évoquer les dettes qu’ils pourraient être amenés à faire et les conséquences qu’elles pourraient emporter, y compris d’ailleurs du fait de l’intervention du juge aux affaires familiales. Cette lecture a un côté quelque peu menaçant qui n’est pas tout à fait dans le ton d’une cérémonie de mariage, dont on peut s’attendre la plupart du temps à ce qu’elle revête un caractère heureux.
    J’aimerais revenir sur l’obligation de procéder dans tous les cas à la lecture de l’article 213, qui fait état de la solidarité dont doivent faire preuve les époux à l’égard de leurs enfants. C’est l’occasion de rappeler les doutes qui sont les miens et ceux de la quasi-totalité des membres de mon groupe sur les conditions dans lesquelles sera établie la filiation des enfants élevés dans le foyer de couples de personnes de même sexe.
    Je tiens à redire ici notre opposition très ferme à la solution trouvée pour répondre aux difficultés rencontrées par les familles homoparentales, à savoir le jugement d’adoption, que ce soit pour l’adoption conjointe d’un enfant qui aurait été abandonné, et qui serait donc adoptable, ou pour l’adoption de l’enfant déjà né d’un des deux conjoints.
    Dans les deux cas, des difficultés se posent.
    Avec l’adoption conjointe – perspective à laquelle les Français sont d’ailleurs très réticents –, on ne donne pas à l’enfant, qui souffre déjà d’un abandon au tout début de sa vie de ses parents naturels, un père ou une mère ou un père et une mère, formules qui lui permettraient de reconstituer un modèle familial reposant sur l’altérité sexuelle, à l’origine de toute vie. On lui désigne un couple que l’on peut certes supposer et espérer aimant et doté de toutes les qualités éducatives nécessaires, mais qu’il ne pourra identifier de manière vraisemblable comme ses parents. Cela rend la greffe de l’adoption plus compliquée à prendre.
    Dans l’autre cas, qui concerne les couples de femmes, il s’agit de faire adopter par l’une des conjointes l’enfant de son épouse. Là se pose le problème de la reconnaissance des effets juridiques de l’assistance médicale à la procréation, où qu’elle ait eu lieu d’ailleurs. Si cette assistance médicale à la procréation a eu lieu à l’étranger, comme c’est couramment le cas, on aboutira à une situation où l’épouse de la mère deviendra la seconde mère de l’enfant. Il est cependant difficile de faire croire à un enfant qu’il a deux mères ! Dans la plupart des cas, les couples de femmes ne disent d’ailleurs pas à leurs enfants qu’ils ont deux mères, et elles ont bien raison.
    Mme la présidente. Il vous faut conclure.
    M. Philippe Bas. Mais, alors, comment peut-on être juridiquement parent en n’étant ni père ni mère ?
    Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est fini !
    M. Philippe Bas. La lecture de l’article 213 du code civil lors de la cérémonie de mariage d’un couple de personnes de même sexe fera apparaître en un instant (Stop ! sur les travées du groupe socialiste.) toutes ces questions qui, même si elles sont réglées dans la loi, resteront irrésolues dans le cœur des couples. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
    M. Gérard Longuet. C’est un bonheur d’intervenir après Philippe Bas (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), dont les éclairages sur l’article n’ont fait que renforcer, et non dissiper – une fois n’est pas coutume ! –, mes inquiétudes.
    Autant je peux comprendre qu’on ne lise pas en totalité l’article 220 du code civil, qui est long et lourd, autant il me paraît utile de rappeler au moment où un couple se forme pour l’éternité…
    Mme Cécile Cukierman. Seul l’avenir le dira !
    M. Gérard Longuet. … les obligations respectives des époux. Ne pas le faire reviendrait à conclure une sorte de vente abusive ! Si l’on ne mettait pas chacun des conjoints face à ses responsabilités devant le maire, officier de l’état civil, on trahirait assurément l’obligation de mutualisation des dettes dont le principe est posé par l’article 220 du code civil.
    Toutefois, c’est non pas sur cet article que je souhaite interroger Mme le garde des sceaux, mais sur les articles 212 et 213. J’aimerais être certain d’avoir bien compris à la fois le travail du rapporteur et la volonté du Gouvernement. Je souhaite que ces deux articles soient parfaitement connus, car ils risquent de donner lieu à une jurisprudence extrêmement riche et intéressante s’ils étaient méconnus des époux.
    L’article 212 distingue en effet dans les obligations mutuelles la fidélité et le respect. Pour moi qui suis marié depuis presque un demi-siècle, les deux me semblaient former un tout ! En réalité, les auteurs du code civil ont tenu à faire cette distinction, car, à une époque où la procréation était moins maîtrisée, la fidélité était indispensable. Elle démontrait que « pater is est quem nuptiae demonstrant ».
    Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oh là là !
    M. Charles Revet. Écoutez-le !
    M. Gérard Longuet. S’il n’y a pas de fidélité, particulièrement de l’épouse, il est évident que la présomption de paternité ne peut que tomber.
    Le respect est tout autre chose : il consiste à ne pas mettre son conjoint dans une situation grotesque. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la merveilleuse tirade du boulanger de Pagnol, qui s’adresse à la chatte Pomponette. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Le théâtre et le cinéma nous ont familiarisés avec le récit des déboires sentimentaux de ce boulanger, bien connus de tout le village. En l’espèce, c’est le manque de respect qui est en cause et non la fidélité.
    Le maire devra donc appeler l’attention des conjoints sur le fait qu’ils doivent faire preuve à la fois de fidélité et de respect.
    Quant à l’article 213, il évoque l’éducation des enfants. Encore faut-il qu’il y en ait ! La procréation non maîtrisée plaçait les couples devant l’incertitude de l’enfant, qui pouvait être une heureuse félicité ou provoquer des déceptions. La procréation maîtrisée, elle, pose problème aux couples qui, après s’être formés, découvrent en définitive qu’ils n’ont pas le même désir d’enfant au même moment. C’est un sujet que nous connaissons depuis trente ou quarante ans.
    Mme Cécile Cukierman. Depuis des siècles même !
    M. Gérard Longuet. Dans le cas de l’absence d’altérité, la décision d’avoir des enfants les conduira à devoir suivre un véritable chemin de croix. Tous ceux qui s’intéressent à la grave question des procédures d’adoption en savent quelque chose.
    Accepter de suivre ensemble ce cheminement représente un effort particulier sur lequel des couples qui n’avaient pas envisagé la complexité de la procédure risquent de se briser.
    Mme Cécile Cukierman. Il y en a qui se brisent pour moins que cela !
    M. Gérard Longuet. L’article 213 sera-t-il opposable à ces mariés sans altérité qui n’ont d’autre espoir pour élever un enfant que de parcourir le cheminement complexe de l’adoption ? J’évoque l’adoption puisque, avec le projet de loi, elle est ouverte à tous les couples mariés.
    Il faut rappeler que l’article 213 ne met pas les couples de personnes de même sexe dans la même situation que les couples hétérosexuels. Ces derniers ont une probabilité plus élevée de pouvoir éduquer des enfants, ceux-ci pouvant arriver naturellement, même si cette certitude n’est, hélas ! pas totale.
    Les articles 212 et 213 ne sont donc pas des survivances d’un passé révolu. Ils soulèvent au contraire des questions de fond sur la durabilité et la construction de la vie conjugale, fût-elle homosexuelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. André Reichardt. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cette discussion montre bien la difficulté d’application de la réforme constitutionnelle. L’article 1er bis CA a été introduit dans le projet de loi par un amendement du rapporteur adopté en commission. Il ne devrait donc pas faire l’objet d’un débat en séance et pourtant, nous le voyons bien, il mérite d’être discuté, comme nous le faisons.
    L’article 1er bis CA est la reprise intégrale d’une disposition qui avait été votée au Sénat, à l’unanimité me semble-t-il, lors de l’examen de la proposition de loi de M. Doligé sur la simplification des normes, et qui reprenait une suggestion de M. Gélard. L’Assemblée nationale ayant estimé que cette mesure était un cavalier législatif, elle l’avait rejetée.
    La commission a trouvé tout à fait opportun de reprendre la disposition dans le présent projet de loi, ce qui a recueilli l’assentiment de tous, et notamment des associations de maires.
    En revanche, je précise que les articles 212 et 213 devront bien évidemment toujours être lus intégralement par le maire lors des différents mariages qu’il aura à faire si ce projet de loi est adopté.
    Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même s’il n’a fait l’objet d’aucun amendement, cet article soulève des questions qui viennent d’être précisément formulées. Le Gouvernement reprend à son compte l’argumentaire développé par M. le rapporteur.
    Monsieur Longuet, vous avez fait un développement…
    M. Jean-Marc Todeschini. Un monologue !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … pour nous faire bien comprendre la différence entre la fidélité et le respect.
    M. Gérard Longuet. Exact !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La fidélité est bien évidemment liée à la présomption de paternité. Je l’ai dit, cette dernière est intégralement maintenue. D’éminents juristes estiment d’ailleurs que la présomption de paternité permet de préserver « la paix des familles ».
    Nous savons que la législation sur l’adultère est très différente selon que l’adultère est le fait de l’homme ou celui de la femme. C’est un clin d’œil que j’adresse à M. Gournac, qui semblait choqué que je dise que le mariage avait été pendant longtemps une institution de propriété. On alliait d’abord des patrimoines…
    M. Gérard Longuet. Quand il y en avait !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais cela a eu une grande influence sur le droit. Les futurs époux passaient d’ailleurs d’abord chez le notaire.
    Par la suite, le mariage est légalement devenu une institution de domination.
    Vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, la femme ne disposait pas de son salaire jusqu’en 1907. À partir de cette date, le grand progrès a été de la laisser disposer de son salaire, mais à condition de le consacrer aux frais du ménage, le mari étant autorisé à saisir la justice s’il estimait qu’elle ne le faisait pas suffisamment. Si cela n’est pas de la domination, qu’est-ce que c’est ? Et je pourrais citer d’autres exemples !
    Le respect, c’est un autre sujet. Vous vous souvenez, monsieur Longuet, des débats sur la loi de 2006, qui a introduit l’obligation de respect mutuel. À l’époque, les débats parlementaires ont surtout porté sur la lutte contre les violences au sein du couple. Cette prescription de respect visait à rappeler au mari en particulier – même si la loi désigne d’une façon générale les époux – qu’il ne doit pas donner de coups.
    Cela étant, je suis d’accord avec l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, qui, comme la plupart des maires, considèrent que la lecture de l’article 220 du code civil est malvenue. Elle casse tout le lyrisme et la poésie de l’instant : ce n’est pas le moment de rappeler à l’un et à l’autre qu’ils seront tenus par les dettes de l’époux.
    J’espère avoir fourni les éclaircissements demandés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. Gérard Longuet. Merci !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis CA.
    (L’article 1er bis CA est adopté.)
    Article 1er bis CA (nouveau)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis D
    Article 1er bis C
    (Non modifié)
    À l’article 165 du code civil, les mots : « célébré publiquement devant » sont remplacés par les mots : « prononcé lors d’une célébration publique et républicaine par ».
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Philippe Bas. J’avais songé un instant à vous épargner cette intervention. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mais il se trouve qu’elle porte sur un article particulièrement important. Toutefois, je m’efforcerai d’être bref, si tant est que la complexité de ces dispositions me le permette.
    M. Jean-Marc Todeschini. Alors, c’est fichu !
    M. Philippe Bas. Il ne faut pas mettre le mot « républicain » à toutes les sauces. Le mot « républicain » et le mot « civil » ne sont pas synonymes. Quand vous parlez d’une cérémonie républicaine, vous devriez faire référence à des cérémonies patriotiques, qui permettent d’honorer la République.
    Je récuse l’idée qu’un mariage soit une cérémonie républicaine : c’est une cérémonie civile. D’ailleurs, on ne demande pas aux époux s’ils sont eux-mêmes républicains. Nous espérons qu’ils le seront, car c’est le vœu qu’on peut former pour tout citoyen de notre République.
    Cette confusion, qui consiste à amalgamer cérémonie républicaine et droits des citoyens, nous entraîne vers des dérives au regard de nos valeurs fondamentales, car il y a les droits de l’homme et il y a les droits du citoyen. Le mariage est un droit fondamental de l’homme au sens d’être humain, et non un droit du citoyen. Sauf à dire que seuls les gens mariés auront le droit de vote, alors ce sera un droit du citoyen…
    Prenons garde à ne pas utiliser le mot « républicain » ou « républicaine » dans un sens qui le rendrait inapproprié et prêterait à confusion. On a déjà bien assez de mal à défendre les valeurs de la République qu’il vaut mieux éviter de les galvauder.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
    M. Bruno Retailleau. Cet article est important puisque son dispositif va s’insérer dans le chapitre du code civil intitulé Des formalités relatives à la célébration du mariage. Vous souhaitez ajouter l’adjectif « républicain » dans l’article du code civil disposant que le mariage sera célébré publiquement devant l’officier de l’état civil. À la suite de ce que vient de dire mon collègue Philippe Bas, je veux faire deux remarques.
    La première est de forme : qu’est-ce qu’une célébration républicaine ? La question concerne les nombreux maires et adjoints ainsi que, désormais, les conseillers municipaux, qui sont des officiers de l’état civil.
    Quels sont les attributs d’une célébration républicaine ? Un jour est-il approprié ? Existe-t-il une décoration qui serait plus républicaine qu’une autre ? Existe-t-il, de même, une mode vestimentaire qui serait plus républicaine qu’une autre ? J’aimerais, mesdames les ministres, que vous puissiez nous éclairer sur ces éléments qui permettront de caractériser une célébration républicaine.
    Une célébration publique, chacun sait ce que c’est : symboliquement, ce sont les portes ouvertes de la mairie ou du lieu public où se déroule le mariage. Désormais, quelles sont les caractéristiques de cette célébration ?
    J’en viens à ma seconde remarque.
    Je pense qu’il y a des mots – je rejoins ici Philippe Bas – qu’on utilise à proportion qu’on les vide de sens. Rappeler le caractère républicain, c’est peut-être chercher à faire oublier que le nouveau mariage que vous êtes en train d’instituer pour tous a bien peu de choses à voir avec un mariage républicain. En effet, il se fonde sur une conception qui confond le droit à l’égalité et l’égalité des droits. Vous connaissez – nos grands ordres juridictionnels l’ont rappelé constamment par leur jurisprudence – la source républicaine de l’égalité. Or vous vous en éloignez !
    Le régime républicain est celui de la séparation, de toutes les séparations : de l’Église et de l’État, des pouvoirs, de la vie publique et de la vie privée. Or que nous proposez-vous avec ce mariage, qui est bien peu républicain ? Dès lors qu’un sentiment naît, ce sentiment, qui relève de l’ordre de l’intime, de la sphère privée, devrait s’imposer à la sphère publique et donc être reconnu et célébré par un mariage républicain. Conception bien peu républicaine d’un sentiment qui fait loi, alors qu’une loi devrait être autre chose que la consécration de l’ordre intime, de la sphère privée.
    La République n’est pas un self-service normatif. Nous le répétons, ce n’est pas parce que des revendications sociales se font jour que le droit – comme fonctionnerait la loi de l’offre et de la demande – doit être prévu et conçu comme un bien de consommation. Ce n’est pas parce que tel ou tel groupe demande un droit qu’on doit lui accorder. Ce n’est pas la conception que nous avons de la République.
    Telles sont les raisons pour lesquelles cet ajout et cette répétition du terme « républicain » me paraissent suspects, comme s’il s’agissait de s’excuser de motifs qui, eux, sont bien peu républicains. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet article, issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, introduit à l’article 165 du code civil l’affirmation du caractère républicain du mariage.
    Monsieur le rapporteur, vous rappelez vous-même, pour mieux accréditer ce caractère, que, depuis la Révolution française, les époux sont mariés « au nom de la loi ». Nous sommes heureux que vous en conveniez, mais permettez-moi de souligner qu’il est assez cocasse – ou, plutôt, attristant – que votre groupe insiste pour inclure le caractère républicain dans un texte qui s’acharne, article après article, à dénaturer cette institution fondée sur l’altérité des sexes et reconnue comme telle, depuis 1804, par les lois de la République.
    Le mariage républicain, dans ce projet de loi, est donc réduit à une coquille vide et il ne suffit pas, pour qu’il soit républicain, de le décréter. Il ne le sera plus puisque le principe fondamental qui s’y attachait – l’union d’un homme et d’une femme – et qui le consacrait en tant qu’institution de la République n’existera plus.
    On peut également s’interroger sur le travestissement du sens des termes « mariage », « couple » et « parents ». Il est question de mariage, de couples, de parents homosexuels ou de même sexe. Voilà des termes contradictoires, qui ne peuvent s’accorder. Ce sont des oxymores !
    En droit, sans doute plus qu’en d’autres domaines, le choix des mots est exigeant. Cette alliance de mots contradictoires répond à la volonté des auteurs du texte d’introduire – je serais ironiquement tentée de préciser « à notre insu » – l’idéologie du genre, ou gender, dans notre droit. Ces efforts de dissimulation du but recherché permettent également aux auteurs du texte d’atténuer, aux yeux de l’opinion, les effets que le projet de loi va produire.
    Assurément, ce texte a été construit sur des subterfuges. Nous ne nous y sommes pas laissés prendre, mais le procédé est quand même antidémocratique.
    Le peuple de France et le Parlement sont bafoués ! Évidemment, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, sur l’article.
    M. Hugues Portelli. Comme ceux de mes collègues qui viennent de s’exprimer, je suis assez scandalisé par l’ajout du mot « républicain » pour qualifier la célébration du mariage, et ce pour deux raisons.
    En premier lieu, l’adjectif a été introduit dans la Constitution de la IIIe République, puis de la IVe République pour évoquer la « forme républicaine du gouvernement ». Cette formule est apparue après la défaite définitive des monarchistes pour empêcher toute restauration monarchique.
    En second lieu, à la lecture des deux premiers articles de la Constitution de la Ve République, on s’aperçoit que ce mot a trait à l’organisation de la République : aux termes de l’article 1er, la France est une République indivisible et laïque ; quant à l’article 2, il définit sa devise, son drapeau ou sa langue. Le mot « République » n’a donc aucun contenu idéologique. Il renvoie à une forme de gouvernement – comme celui des États-Unis ou de l’Allemagne –, mais pas à une forme de célébration du mariage.
    Dans ma commune, des administrés m’ont demandé de célébrer un baptême républicain. Je leur ai répondu que j’étais ravi de les recevoir, mais que, pour moi, un baptême, c’est un sacrement et pas une cérémonie laïque ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je ne célébrerai donc pas un baptême républicain, leur ai-je indiqué, mais je veux bien célébrer un parrainage civil.
    J’ai regardé le texte proposé dans cette circonstance et comme il ne me convenait pas vraiment et se trouvait dépourvu de toute valeur législative et réglementaire, je l’ai réécrit à ma façon pour y insérer des dispositions – qui plaisaient d’ailleurs aux intéressés – sur le bien commun, l’amour du prochain, etc. Je pratique cette cérémonie plutôt sympathique depuis maintenant une quinzaine d’années.
    Mais on n’a jamais tenu de cérémonie républicaine, car cela ne veut rien dire. Célébrer un mariage républicain, c’est carrément idiot ! On célèbre un mariage civil ou un mariage religieux, mais pas un mariage républicain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. André Reichardt. Bravo !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
    M. Gérard Longuet. Après la formidable intervention de notre collègue Portelli, je devrais me taire. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Mais je ne vous ferai pas ce petit bonheur, car je veux rendre hommage aux Capétiens dont la République a pérennisé l’héritage.
    M. Jean-Pierre Caffet. Oh là là !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Drôle de lecture de la République !
    M. Gérard Longuet. Les Capétiens ont fait quelque chose de formidable pendant huit siècles, que la République a consolidé, pérennisé, et nous en sommes les coresponsables. C’est pourquoi je suis profondément républicain et, de toutes les républiques, c’est la République française que j’aime d’abord et avant tout. C’est parce que je l’aime que je considère qu’une action publique doit être marquée du sceau de la pérennité.
    Pour le baptême républicain, je ne suis pas certain que l’on trouve facilement des bases juridiques. En revanche, nous en célébrons régulièrement sous la forme de parrainage. L’idée que des parents confient leur enfant à la République, je trouve cela formidable. D’ailleurs, je considère que les laïcs et les anticléricaux font partie de la République à part entière,…
    M. Jean-Pierre Caffet. Encore heureux !
    M. Gérard Longuet. … qu’ils ont même contribué à la rendre vivante. Il serait donc anormal qu’ils ne puissent pas s’exprimer à un moment ou à un autre. Après tout, qu’un maire réalise un baptême républicain, c’est d’autant plus sympathique que ce baptême va guider une personne tout au long de sa vie, jusqu’à son dernier souffle.
    Il n’en est pas de même du mariage. M. le rapporteur a auditionné des sociologues, et nous savons qu’un mariage sur deux se termine par un divorce. Allons-nous engager l’autorité de la République dans un contrat civil dont la probabilité de survie est faible, ou en tout cas n’est pas majoritaire ?
    L’idée que j’ai de la République m’interdit de lui confier le parrainage d’un accord civil précaire, comme vous l’avez souligné tout au long de votre défense du mariage tel que vous le concevez aujourd’hui. La République est trop sérieuse pour qu’on lui confie l’aléatoire ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.
    M. Dominique de Legge. J’avoue que je cherche à comprendre les motivations de cette réécriture.
    Le mariage sera non plus « célébré » mais « prononcé ». Au fond, il est vrai que l’officier de l’état civil, à la fin de l’échange des consentements, dit : « Au nom de la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage. » Le verbe « prononcer » est donc peut-être mieux adapté. Cependant, l’actuelle rédaction précise aussitôt que le mariage est célébré « publiquement », marquant bien le caractère public de l’acte. L’expression « prononcé lors d’une célébration publique » atténue quelque peu, à mon sens, le caractère public du mariage.
    Je voudrais ajouter quelques mots sur l’adjectif « républicain ».
    M. Marc Daunis. Nous sommes tout ouïe !
    M. Dominique de Legge. Chers collègues, lorsque vous mariez, je pense que vous ceignez, comme moi, votre écharpe aux couleurs de la République.
    Mme Cécile Cukierman. C’est exact !
    M. Dominique de Legge. Donc, on voit bien que le mariage s’inscrit dans les lois de la République. D’ailleurs, toutes les lois que nous votons ici sont des lois de la République !
    Le mariage est un acte inscrit dans le code civil, qui est une loi de la République. Par conséquent, je ne vois pas pour quelle raison vous souhaitez modifier la rédaction de cet article : les termes que vous employez sont redondants ; il faut que vous nous disiez ce que cache cette évolution sémantique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Je défendrai en même temps les amendements nos 19 rectifié bis et 87 rectifié bis. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Je n’aime pas beaucoup que l’on modifie le code civil pour le plaisir. Il est particulièrement bien rédigé, et nous ne savons plus toujours bien écrire les lois.
    Mme Isabelle Debré et M. René Garrec. C’est vrai !
    M. Patrice Gélard. Des colloques, des études sur le sujet ont montré que nous n’étions pas toujours de bons législateurs à cet égard.
    L’écriture de l’article 165 du code civil est claire et nette. C’est la raison pour laquelle je défends, dans un premier temps, un amendement de suppression de l’article 1er bis C.
    Cela étant, je comprends la volonté de Jean-Pierre Michel de renforcer, dans une certaine mesure, la solennité du mariage, et je ne veux pas lui faire de peine. (Ah ! sur plusieurs travées.) Je propose donc, par la voie de l’amendement n° 19 rectifié bis, une formulation légèrement différente, à savoir « célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine » au lieu de « prononcé lors d’une célébration publique et républicaine ».
    Enfin, dans un dernier sursaut de réflexion, je me suis dit que l’adjectif « républicain » ne convenait pas, pour les raisons qu’a en partie exposées Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 87 rectifié bis en prévoit la suppression.
    M. André Reichardt. Très bien !
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Remplacer les mots :
    prononcé lors d’une célébration publique et républicaine
    par les mots :
    célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine
    Cet amendement a déjà été défendu.
    L’amendement n° 87 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer les mots :
    et républicaine
    Cet amendement a également été défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 18 rectifié bis, 19 rectifié bis et 87 rectifié bis ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. On a beaucoup débattu, d’ailleurs de façon un peu contradictoire, de l’article 1er bis C. Monsieur Retailleau, monsieur Longuet, le mariage civil – je ne parle pas du caractère républicain – n’est pas un simple contrat ; c’est une institution.
    M. Gérard Longuet. C’est vrai, ma langue a fourché !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est d’ailleurs l’une des raisons essentielles pour lesquelles, et je peux le comprendre, vous êtes hostiles à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    M. André Reichardt. C’est exact !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous objectez le fait que nous nous attaquions à une institution de la République. Par le mariage civil, en effet, la sphère privée entre dans la sphère publique. S’il s’était simplement agi d’organiser les héritages sous la France rurale, un simple contrat notarié aurait suffi.
    M. Gérard Longuet. C’est la conception anglo-saxonne !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Or on a créé l’institution du mariage ; c’est donc bien une cérémonie où la République a sa part.
    La République fédérale d’Allemagne, monsieur Portelli, n’est pas la République française : elle est une démocratie, comme nous, mais nous sommes en plus une république laïque. Voilà la notion supplémentaire qui est comprise dans le terme « République ». Comme vous le savez, il y a des démocraties qui ne sont pas des républiques et des républiques qui ne sont pas laïques ; c’est le cas de la RFA.
    C’est la raison pour laquelle la commission s’est opposée à l’amendement n° 18 rectifié bis. Nous avons pensé que l’article, introduit à l’Assemblée nationale par un amendement de M. Tourret, était utile dans la mesure où il consacrait vraiment l’institution du mariage, y compris, si le texte est adopté, ouvert aux couples de personnes de même sexe.
    La commission des lois s’est ensuite déclarée favorable à l’amendement n° 19 rectifié bis, qui améliore effectivement la rédaction initiale.
    Enfin, monsieur Gélard, je regrette que vous ne vous soyez pas arrêté là et que, dans un dernier élan, vous ayez proposé de supprimer, à l’amendement n° 87 rectifié bis, l’adjectif « républicain ». La commission des lois s’y est également opposée.
    Autrement dit, la commission souhaite conserver l’article introduit à l’Assemblée nationale dans la rédaction proposée par M. Gélard à l’amendement n° 19 rectifié bis, c’est-à-dire « célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine », parce que le terme « républicain », en France, signifie quelque chose de plus que dans d’autres républiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai presque envie de remercier M. Longuet d’avoir rétabli dans son propos le baptême républicain, qui repose non pas sur un texte de loi mais sur un décret tombé en désuétude du 8 juin 1794, après le propos de M. Portelli, qui semblait refuser le concept même de baptême républicain.
    M. Gérard Longuet. Le baptême républicain dure, alors que le mariage ne dure pas !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les mariages hétérosexuels aussi se rompent, un sur deux en moyenne.
    M. Gérard Larcher. Il l’a dit !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie-t-il qu’il faut supprimer le mariage hétérosexuel ? Des mêmes causes, on tire les mêmes effets !
    Je m’interrogeais tout à l’heure sur le mariage non républicain mais civil de M. Portelli, qui se prononçait à la fois sur le bien commun et sur l’amour du prochain.
    Cela nous renvoie justement à la nécessité d’affirmer le caractère républicain de la cérémonie. Certaines conceptions qui se sont exprimées à la faveur du débat sur le mariage ne la rendent pas superflue. Si nous en doutions encore, les propos de M. Marini affirmant péremptoirement que nous aurions dû prendre en considération beaucoup plus visiblement les points de vue des trois cultes monothéistes nous ont confortés dans cette voie. Cela prouve la nécessité de rappeler que nous traitons bien, ici, du mariage civil.
    Venons-en aux amendements de M. le doyen Gélard.
    Ce n’est pas dans votre caractère d’être indécis, monsieur le doyen, mais vous avez choisi de suivre trois voies parallèles ; nous retenons la deuxième. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 18 rectifié bis de suppression de l’article, comme sur l’amendement n° 87 rectifié bis visant à supprimer la mention du caractère républicain de la célébration, pour les raisons que je viens d’exposer sur la nécessité de le réaffirmer. Il émet en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 19 rectifié bis et salue la rédaction, bien plus gracieuse et précise, que vous proposez.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° 19 rectifié bis.
    M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement présenté par notre collègue Gélard, qui a le mérite de réaffirmer le caractère républicain de la cérémonie, ce qui me semble très important.
    La matière est juridiquement complexe, il faut bien le reconnaître. Certains collègues ont rappelé la qualité d’officier de l’état civil du maire, l’importance des articles du code civil dont il doit faire la lecture, ainsi que le symbole de la République attaché à l’écharpe tricolore.
    Les valeurs du mariage restent essentielles, et il convient de ne pas les banaliser, comme on a trop souvent tendance à le faire. N’oublions pas non plus, dans cette cérémonie républicaine, d’associer les témoins, dont nous avons peu parlé mais qui ont, eux aussi, un rôle important à jouer aux côtés des futurs mariés.
    Parallèlement, auprès des valeurs du mariage, énumérées par les articles du code civil, il y a le baptême républicain, héritage de notre histoire. Cette cérémonie n’a pas de valeur juridique, mais elle fait toujours l’objet de demandes, y compris au sein des petites communes. Elle fait partie de nos institutions.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.
    (L’amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Belle unanimité !
    En conséquence, l’amendement n° 87 rectifié bis n’a plus d’objet.
    M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je souhaitais prendre la parole sur l’amendement n° 87 rectifié bis. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Il n’existe plus !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Exact !
    Mme la présidente. Il est tombé, monsieur Longuet.
    M. Gérard Longuet. Je n’ai pas entendu le bruit mat de sa chute. Cela veut donc dire que vous avez adopté la cérémonie républicaine… Dans ce cas, je demande la parole pour explication de vote sur l’article.
    Mme la présidente. Vous avez la parole, mon cher collègue, pour explication de vote sur l’article 1er bis C. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Longuet. J’éprouve un réel souci concernant cette cérémonie républicaine.
    Dominique de Legge a évoqué l’écharpe tricolore, qu’il convient de porter dans le bon sens. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Toutefois, reconnaissons-le, ce qui donne à la République toute son autorité, c’est l’hymne national.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pas seulement !
    M. Gérard Longuet. En conséquence, si cet article devait être adopté, je suggère de réunir une commission pour modifier l’un des couplets de La Marseillaise. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
    M. Gérard Longuet. « De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes : », dit de son côté le Chant du départ.
    « Loin de nous de lâches douleurs !
    « Nous devons triompher quand vous prenez les armes :
    « C’est aux rois à verser des pleurs.
    « Nous vous avons donné la vie,
    « Guerriers, elle n’est plus à vous ;
    « Tous vos jours sont à la patrie :
    « Elle est votre mère avant nous. »
    La question de la mère et du père apparaît avec force, car, très clairement, La Marseillaise est hétérosexuelle (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)…
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors là…
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il fallait la trouver, celle-là !
    M. Gérard Longuet. … et défend l’altérité. Il conviendra donc de modifier cet article si vous souhaitez maintenir le caractère républicain de votre cérémonie et si vous ne voulez pas susciter une contradiction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis C, modifié.
    (L’article 1er bis C est adopté.)
    Article 1er bis C (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Organisation des travaux
    Article 1er bis D
    I. – Le chapitre II bis du titre V du livre premier du code civil est complété par une section IV ainsi rédigée :
    « SECTION IV
    « DE L’IMPOSSIBILITÉ POUR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE DE CÉLÉBRER LEUR MARIAGE À L’ÉTRANGER
    « Art. 171-9. – Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux de même sexe, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence dans un pays qui n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques et consulaires françaises ne peuvent procéder à sa célébration, le mariage est célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74. À défaut, le mariage est célébré par l’officier de l’état civil de la commune de leur choix.
    « La compétence territoriale de l’officier de l’état civil de la commune choisie par les futurs époux résulte du dépôt par ceux-ci d’un dossier constitué à cette fin au moins un mois avant la publication prévue à l’article 63. L’officier de l’état civil peut demander à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à l’audition prévue à ce même article 63. »
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Philippe Bas. Il s’agit là d’un article très important.
    M. Alain Néri. Oh là là !
    M. Philippe Bas. Il a pour objet d’éviter que des discriminations dans un pays étranger empêchent de célébrer le mariage d’un couple homosexuel, dans la mesure où la loi française l’aura autorisé.
    Ce que je reproche à cet article, ce n’est pas de permettre la célébration de ces mariages dans une commune de rattachement en France, c’est d’être intrinsèquement discriminatoire. Dès lors que l’on permet aux couples homosexuels de célébrer leur mariage dans une commune de rattachement en France, on devrait accorder cette autorisation à tout couple, de manière générale, que ses membres soient de même sexe ou de sexe opposé.
    Au surplus, nous l’avons constaté il y a quelques instants à l’occasion de l’examen d’un des précédents articles, des facilités ont été accordées à tous pour faire célébrer un mariage dans une commune de France autre que la sienne.
    Enfin, je souligne qu’ainsi rédigé, cet article encourt des reproches qui pourraient aller jusqu’à entraîner la censure du Conseil constitutionnel.
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 187 rectifié quater est présenté par MM. Marseille, Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet, Deneux et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Nous souhaitons la suppression de cet article pour une raison très simple : nous étant opposés, via les précédents amendements, au mariage des couples de personnes de même sexe sur le territoire français, nous adoptons la même attitude à l’égard des couples de Français vivant à l’étranger. Voilà pourquoi nous défendons cet amendement de suppression.
    Au demeurant, je souscris aux réserves de M. Bas concernant la constitutionnalité de cet article.
    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 187 rectifié quater.
    M. Hervé Marseille. Il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
    L’article en question est très intéressant, et les sénateurs représentant les Français établis hors de France l’apprécieront : lorsqu’un couple – je parle de tous les couples – formé d’un Français et d’un étranger ne pourra se marier dans le pays où il réside, il pourra venir se marier en France. Cet article vise particulièrement le cas de couples de personnes de même sexe résidant dans un pays où l’homosexualité serait réprimée, voire criminalisée.
    MM. Gélard et Marseille souhaitent supprimer cette disposition. Ils sont opposés à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et excluent en conséquence cette possibilité qui, je le répète, s’applique à tous les couples.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
    M. Gélard manifeste sa cohérence contre le mariage des couples de personnes de même sexe. Toutefois, l’avis défavorable du Gouvernement manifeste une cohérence plus grande encore. Je rappelle en effet que l’article 1er a été adopté. Cela signifie que, grâce au vote de la Haute Assemblée, le mariage est désormais ouvert aux couples de personnes de même sexe. Par conséquent, puisque le mariage est possible pour les Français résidant en France, il doit également l’être pour nos concitoyens résidant à l’étranger.
    Dans les pays qui reconnaissent le mariage des couples de personnes de même sexe, ces couples pourront se marier au consulat.
    Dans les pays qui ne reconnaissent pas ce mariage, les missions diplomatiques n’auront pas la possibilité de le célébrer. Il fallait donc permettre aux couples concernés de se marier en France, dans des conditions de lieux que précise le présent article. C’est donc en toute cohérence que cette disposition s’inscrit dans le projet de loi.
    Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis et 187 rectifié quater.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 88 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 4 et 5
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Comme à l’accoutumée, à chaque fois qu’un de nos amendements de suppression a été rejeté, nous proposons la suppression de quelques alinéas de l’article.
    Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié quinquies, présenté par M. del Picchia, Mme Procaccia et MM. Cointat, Delattre, Magras, Cambon, Dulait, Sido, Milon, Frassa, G. Larcher, Bizet, Paul, Couderc, Chauveau et Retailleau, est ainsi libellé :
    I. - Alinéa 4, première phrase
    Rédiger ainsi cette phrase :
    Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être prononcé lors d’une célébration publique et républicaine par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un d’eux ou de la commune dans laquelle l’un de leurs parents a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
    II. - En conséquence, alinéa 3
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « Dispositions relatives aux Français établis hors de France
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Cet amendement, que je présente au nom de M. del Picchia, tend à réparer une injustice. En effet, il a pour objet de supprimer une discrimination qu’introduit le présent texte entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, en permettant aux couples de sexe différent établis hors de France et dont l’un des futurs époux est Français de célébrer leur mariage en France, avec leur famille et leurs amis, même si leurs parents n’y résident pas ou s’ils sont décédés.
    C’est une revendication de longue date de nos concitoyens, qui, on le comprendra, sont toujours soucieux de conserver un lien avec le territoire national, pour préserver leurs racines.
    Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié, présenté par Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    I. - Alinéa 4, première phrase
    Rédiger ainsi cette phrase :
    Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
    II. - En conséquence, alinéa 3
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « De la faculté offerte aux Français établis hors de France de célébrer leur mariage en France
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de permettre à tous les couples établis hors de France, dont l’un au moins des futurs époux est Français, de bénéficier de la faculté de se marier sur notre territoire.
    Il tend à modifier la rédaction de l’article 171-9 du code civil pour inclure les dérogations introduites par l’Assemblée nationale lorsque les futurs époux, de même sexe, résident dans un État qui n’autorise pas ces unions et dans lequel les autorités consulaires françaises ne peuvent pas célébrer le mariage. Plus largement, il englobe le cas de tous les ressortissants français résidant à l’étranger qui souhaiteraient pouvoir se marier en France, où beaucoup disposent d’attaches familiales et amicales.
    Tous les couples établis hors de France, franco-français, mixtes, composés de personnes de même sexe ou de sexe différent, pourront dès lors bénéficier de cette possibilité qui leur sera ouverte de se marier à l’étranger auprès des autorités consulaires françaises, lorsque cela est possible, ou sur le territoire français, auprès de leurs proches. Il s’agit d’une demande de nos compatriotes outre-frontières, qui conservent bien souvent de fortes attaches en France, et dont les familles et amis n’auraient pas nécessairement les moyens matériels de les rejoindre à l’étranger pour assister à la célébration de leur union.
    Mme la présidente. L’amendement n° 105, présenté par M. Yung, Mme Lepage et M. Leconte, est ainsi libellé :
    Alinéa 4, première phrase
    Rédiger ainsi cette phrase :
    Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.
    La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
    M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le précédent.
    Il y a quelques instants, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont souligné l’apport de l’Assemblée nationale, qui a permis aux Français établis hors de France souhaitant se marier avec un futur conjoint de même sexe, et ne pouvant pas le faire dans leur pays de résidence, de venir s’unir en France.
    Dès lors, nous souhaitons, via cet amendement, étendre cette possibilité aux Français de sexe différent qui souhaitent se marier. Faute de quoi, le présent texte créerait une discrimination entre différents types de couples. Il s’agit donc d’une question d’égalité, qui rejoint l’argumentation développée par M. le rapporteur sur l’amendement n° 85 rectifié bis.
    À partir du moment où cette possibilité a été ouverte pour les couples homosexuels, nous souhaitons qu’elle soit également accordée aux couples hétérosexuels, qui peuvent effectivement se marier à l’étranger. Tel est l’objet du présent amendement.
    Mme la présidente. L’amendement n° 282, présenté par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 4, première phrase
    1° Après les mots :
    ont leur
    insérer les mots :
    domicile ou leur
    2° Remplacer les mots :
    des parents des époux
    par les mots :
    de leurs parents
    La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 282 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 88 rectifié bis, 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 282 est purement rédactionnel.
    J’en viens à l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
    M. Gélard ayant échoué à faire supprimer tout l’article, il propose maintenant de le vider de sa substance en supprimant les alinéas 4 et 5. La commission des lois a bien entendu émis un avis défavorable sur l’amendement n° 88 rectifié bis, qui n’aborde pas vraiment le fond du sujet.
    Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 sont semblables sur le fond, même si leur rédaction n’est pas identique. De quoi s’agit-il ?
    L’article 1er bis D, que M. Gélard voulait supprimer, offre la possibilité à des couples de personnes de même sexe constitués d’un Français et d’un étranger de venir se marier en France si l’homosexualité est criminalisée dans le pays où ils résident. Ces dispositions sont maintenues, puisque les amendements de suppression de cet article ont été rejetés.
    Ces trois amendements visent à permettre à tous les couples mixtes franco-étrangers de célébrer leur mariage en France, même si rien ne les empêche de se marier dans le pays où ils sont établis. Or ils peuvent déjà le faire, monsieur Leconte. Selon le droit commun, si l’époux français a encore ses parents, ce qu’on lui souhaite, le couple peut se marier dans la commune de résidence ou du domicile du père ou de la mère. Cela fait quatre possibilités !
    La commission des lois a jugé que les possibilités offertes par le projet de loi étaient suffisamment larges et qu’il n’était pas souhaitable de les étendre sans limite pour de simples raisons de convenance. Elle a donc émis un avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à l’amendement n° 88 rectifié bis.
    Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 ont le même objet : permettre aux couples hétérosexuels de bénéficier des dispositions applicables aux couples homosexuels. Je rappelle que ces dispositions ont été rendues nécessaires par le fait que, dans les pays où le mariage des couples homosexuels n’est pas admis par la loi, les représentations diplomatiques sont dans l’impossibilité de le célébrer.
    Il sera donc loisible à ces couples de choisir de venir se marier en France. Les dispositions qui ont été maintenues dans le texte, malgré les amendements de l’opposition visant à les supprimer, ouvrent la possibilité à tous les couples de se marier dans la commune de résidence des parents, au choix exclusif des époux. Le choix offert aux couples hétérosexuels est donc plus large qu’auparavant, quand le code civil limitait le choix à la commune de résidence de l’un des époux.
    Les couples hétérosexuels ne sont pas dans la même situation que les couples homosexuels. Pour ces derniers, si le mariage ne peut pas être célébré à l‘étranger, il y aurait rupture d’égalité entre Français vivant en France et Français résidant à l’étranger. Pour les couples hétérosexuels, le mariage peut être célébré dans nos représentations diplomatiques et ces couples pourront choisir de venir se marier en France, en bénéficiant désormais d’une plus grande souplesse de domiciliation.
    Pour ces raisons, tout en en comprenant l’esprit dans lequel ils ont été proposés, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. En revanche, il est favorable à l’amendement n° 282.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 88 rectifié bis.
    M. Gérard Longuet. L’amendement n° 88 rectifié bis est très pertinent. Mais l’article 1er ayant été adopté, vous nous avez répondu, madame le garde des sceaux, que nous sommes coincés et que nous ne pouvons pas supprimer les alinéas visés.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas coincée : je suis cohérente !
    M. Gérard Longuet. C’est précisément par cohérence avec leur ligne de conduite que ceux qui sont opposés au mariage homosexuel, dont je suis, voteront l’amendement du doyen Gélard.
    Une autre raison devrait interpeller ceux de nos collègues qui sont favorables au mariage homosexuel. Malgré tout le respect que j’ai pour la commission des lois et pour l’excellent travail de M. le rapporteur, le projet de loi ne traite pas tous les problèmes rencontrés par nos compatriotes vivant dans des pays qui n’acceptent pas le mariage homosexuel. Je pense en particulier à des communautés dont la population n’est pas anecdotique.
    Vous avez offert la possibilité de célébrer le mariage dans la dernière commune de résidence en métropole de l’époux ou dans la commune de résidence des parents. Vous affirmez que, avec quatre possibilités, on devrait bien trouver une commune de rattachement en France. Vous auriez raison s’il n’y avait pas, de part le monde, des pays qui accueillent de façon durable et quantitativement significative des populations qui restent françaises et attachées à la France.
    Prenons l’exemple de Pondichéry, vieux comptoir français avec Yanaon, Chandernagor, Mahé, Karikal,…
    M. Marc Daunis. C’est la leçon de géographie du soir !
    M. Gérard Longuet. … où vit une importante communauté française qui n’est plus rattachée par parents, grands-parents ou arrière-grands-parents à une commune de résidence en métropole.
    Ses habitants furent français avant les Lorrains, puisque Pondichéry était français sous Louis XIV alors qu’il a fallu attendre la mort de Stanislas, en 1766, pour que les Lorrains le deviennent. Voilà donc de vieux Français, qui restent Français de génération en génération, sans être rattachés à aucune commune de la métropole. Or vous allez les priver de la possibilité de se marier sans altérité, parce que vous n’avez pas prévu ce cas particulier.
    Je n’ai peut-être pas bien compris, me direz-vous, ce qui est fort possible – avec le temps, l’usure, on finit par ne plus tout comprendre –, mais j’ai le sentiment que votre restriction est trop forte et méconnaît le droit des familles qui ont l’intention d’organiser un mariage homosexuel alors qu’elles sont coupées depuis plusieurs générations d’une résidence métropolitaine au sein de la République.
    L’adoption de l’amendement du doyen Gélard ne serait pas une remise en cause en appel de l’article 1er. Cet article a été voté, dont acte ! Elle permettrait d’appeler l’attention du Gouvernement afin de susciter une solution qui pourrait advenir à la faveur de la navette.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Longuet, le problème que vous soulevez est réglé : ces Français, y compris ceux de Pondichéry, pourront se marier dans la commune de leur choix.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
    M. Jean-Yves Leconte. Je retiens de l’intervention de M. Longuet que l’on peut appartenir à la communauté nationale tout en résidant à l’étranger depuis des générations. Voilà pourquoi nous devons adopter l’un des trois amendements ouvrant la possibilité aux couples hétérosexuels de venir se marier en France. C’est une question d’égalité !
    Certes, les couples hétérosexuels peuvent se marier au consulat, mais il paraît logique que le droit qui est offert aux couples homosexuels leur soit également ouvert. Il existe en effet beaucoup de Français établis à l’étranger depuis des générations. Pour eux, la référence aux parents n’est pas pertinente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
    M. Hervé Marseille. Le projet de loi écarte, sous condition de résidence en France ou de nationalité française de l’autre époux, la loi de l’époux étranger en tant qu’elle fait obstacle au mariage entre personnes de même sexe. Cette exception déroge à la règle traditionnelle du droit international privé français en matière de mariage et sera donc privée d’effets lorsqu’une convention bilatérale comporte des dispositions contraires. Il aurait été meilleur, pour des raisons de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi, d’introduire explicitement cette réserve.
    J’ajoute que l’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages qualifiés de boiteux, car ils produiront des effets en France mais s’avéreront nuls selon la loi étrangère des époux.
    Dans des hypothèses exceptionnelles, mais qui doivent être prises en considération, ces mariages peuvent même exposer certains des étrangers concernés à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. Il serait donc bon d’informer les officiers de l’état civil afin que ceux-ci indiquent aux futurs mariés qu’ils sont susceptibles de se retrouver exposés à ces sanctions pénales dès lors qu’ils retourneront dans leur pays.
    Il est important de prévoir des dispositions en ce sens. C’est la raison pour laquelle je ne voterai évidemment pas ce texte.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié quinquies.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 105.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 282.
    (L’amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis D, modifié.
    (L’article 1er bis D est adopté.)
    Organisation des travaux

    Article 1er bis D
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis
    Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
    M. François Zocchetto. Madame la présidente, je me fais l’interprète de nombre de nos collègues qui, à ce stade, s’interrogent sur le déroulement de nos travaux.
    Il est une heure quarante-cinq. Le Sénat a commencé à examiner ce texte aujourd’hui à quatorze heures trente. Nous avons eu des échanges extrêmement riches et nous nous préparons à aborder un sujet majeur dans la mesure où l’article 1er bis concerne les dispositions relatives à la filiation adoptive.
    De plus, je précise que la conférence des présidents n’avait pas prévu que le Sénat siège cette nuit. Dans ces conditions, je vous demande de lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission est à toute heure à la disposition du Sénat, et elle est prête à avancer sur ce sujet important.
    Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Franchement, je suis en pleine forme ! Nous pouvons donc passer la nuit ensemble. (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Cela étant, il revient à la Haute Assemblée de décider souverainement l’heure à laquelle elle souhaite arrêter ses travaux. Le Gouvernement est à sa disposition et se soumettra à la décision qui sera prise.
    Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. J’ai bien entendu les propos de notre collègue François Zocchetto, mais on pourrait avancer encore un petit peu. Si vous en êtes d’accord, mes chers collègues, on pourrait arrêter nos travaux vers deux heures trente. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste. – Non ! sur les travées de l’UMP.)
    Mme Cécile Cukierman. Trois heures !
    M. François Rebsamen. J’essaie de trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. Prenez cela comme une avancée, mes chers collègues de l’opposition !
    Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.
    Mme Catherine Troendle. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, madame la présidente.
    Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes.
    J’indique qu’il reste 221 amendements à examiner.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’avez-vous décidé, madame la présidente ?
    Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Marques d’approbation sur certaines travées.)
    M. Charles Revet. Nous entamons un article très important !
    Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas sérieux !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
    M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, il m’avait semblé que la proposition que vous venez de formuler recueillait l’assentiment général.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Certains de nos collègues ne sont pas encore revenus de la réunion du groupe !
    M. Jean-Pierre Caffet. J’ai eu l’impression que plusieurs de nos collègues de l’opposition étaient d’accord.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tant que vous êtes entre vous, il n’y a pas de problème !
    M. Jean-Pierre Caffet. Puis-je m’exprimer ?...
    Pour ma part, j’adhère à la proposition de Mme la présidente. Nous pourrions ainsi lever la séance à deux heures trente.
    M. Alain Bertrand. Très bien !
    Mme la présidente. Mes chers collègues, j’appelle donc en discussion l’article 1er bis.
    CHAPITRE IER BIS
    DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT
    Organisation des travaux
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Organisation des travaux
    Article 1er bis
    Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
    « 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».
    Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article. (Plusieurs membres de l’UMP regagnent l’hémicycle.)
    Mme Laurence Cohen. Je vois que nos collègues reviennent…
    Sans nier l’attachement des couples homosexuels à pouvoir se présenter, comme tout autre couple, devant un maire pour se jurer amour, fidélité et assistance, il est évident que, bien plus que la question de l’union en elle-même, c’est celle de la filiation qui est aujourd’hui le grand enjeu du projet de loi que nous examinons. C’est en tout cas – on le remarque au travers des différentes interventions – le point sur lequel se sont cristallisées, et continuent de se cristalliser, les principales oppositions.
    C’est bien l’idée que l’on se fait de la famille – je devrais d’ailleurs dire « des familles » – qui est mise ici en débat. Pour certains, la famille serait enfermée dans les carcans du mariage, alors que nous estimons, pour notre part, qu’elle les dépasse largement.
    Quoi qu’il en soit, débattre du désir de fonder une famille dans le cadre du mariage ou en dehors est de notre responsabilité, car il est enfin temps de reconnaître le désir de parentalité de tous les couples.
    Reconnaître ce désir revient non pas à assouvir une revendication égoïste d’un droit à l’enfant, mais à reconnaître simplement une volonté légitime de donner à un enfant des droits en matière de sécurité affective et matérielle.
    Comme contre-argument, on nous invoque l’intérêt de l’enfant à être élevé par un homme et une femme. Mais nous vous rappelons que le droit actuel autorise les célibataires – cela a d’ailleurs été dit à plusieurs reprises –, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, à adopter un enfant. Dès lors, pourquoi ne pas le permettre aux couples homosexuels ? Il n’y a pas de droit à être élevé par un homme et une femme, sinon, de nombreuses familles monoparentales seraient hors la loi.
    L’intérêt de l’enfant n’est que prétexte, car rien ne démontre qu’un enfant élevé par un couple homosexuel serait plus en souffrance qu’un autre. Les risques psychologiques et physiologiques invoqués ne sont, à mon sens, que des risques fantasmés.
    Au contraire, c’est essentiellement l’intérêt de l’enfant qui guide le Gouvernement et les membres de la majorité. L’intérêt de cet enfant commande que celui-ci puisse bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi. Or cette protection est fragilisée par le fait que l’un des deux parents n’a aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève avec son conjoint.
    Le projet de loi ouvre deux possibilités, l’adoption de l’enfant du conjoint et l’adoption conjointe, qui permettront de remédier à cette situation. L’article 1er bis est donc tout à fait bienvenu.
    Mme Cécile Cukierman. Très bien !
    Organisation des travaux (suite)

    Article 1er bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis (début)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Larcher.
    M. Gérard Larcher. Je souhaite lancer un appel à la réflexion collective, en ce début de journée…
    Avec l’examen de l’article 1er bis, nous abordons l’un des sujets majeurs du projet de loi, mais aussi de notre engagement : l’enfant. Cette question de l’enfant au travers de la famille est-il bien raisonnable de l’aborder à cette heure avancée, d’une manière tronçonnée, avec quelques prises de parole et la présentation de morceaux d’amendements, avant que la suite de la discussion ne soit renvoyée à cet après-midi ?
    Je trouve qu’il serait plus raisonnable d’avoir un débat cohérent et construit.
    M. Jean-Marc Todeschini. Comme sous la présidence Larcher ?
    M. Gérard Larcher. Nous tous, quelle que soit notre position, ne donnons pas collectivement l’impression que nous traitons de la filiation et de l’enfant d’une manière qui ne serait ni approfondie ni respectueuse de la question majeure que nous sommes sur le point d’aborder.
    Voilà pourquoi, madame la présidente, je vous demande solennellement que nous puissions interrompre nos travaux pour reprendre la discussion du projet de loi cet après-midi, dans les conditions de dignité et de sérénité qui conviennent à une question majeure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme Isabelle Debré. Très bien !
    Mme la présidente. Monsieur Larcher, j’ai proposé au Sénat d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Je consulte le Sénat sur cette proposition.
    (La proposition est adoptée.) – (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.
    Mme Isabelle Debré. J’observe que le nom de Mme Cohen ne figure pas sur la liste des orateurs inscrits sur l’article 1er bis.
    Mme Cécile Cukierman. Elle s’est inscrite en séance !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Apprenez le règlement, madame Debré : pour une prise de parole, on peut s’inscrire à tout moment !
    Mme Isabelle Debré. Il a été annoncé que la séance serait levée à deux heures trente, après les prises de parole sur l’article 1er bis. Or nous ne savons pas quel sera le nombre de prises de parole, et il est tout à fait possible que, à deux heures trente, tous les orateurs désireux d’intervenir n’aient pas eu le temps de s’exprimer. Autrement dit, nous risquons de devoir encore une fois scinder la discussion. Je trouve que cette méthode n’est ni sérieuse ni raisonnable lorsqu’on aborde une question aussi importante que celle des enfants.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
    Mme Cécile Cukierman. Nous assistons à des débats ubuesques.
    Chers collègues de l’opposition, vous avez le droit d’user de tous les moyens prévus par le règlement du Sénat. Seulement, puisque vous parlez de respect et de débat sérieux, je vous rappelle que, depuis jeudi soir, nous connaissons le sujet de chaque article. On ne peut donc pas, comme vous l’avez déjà fait vendredi dernier, utiliser tout au long de la journée les procédés que notre règlement met à la disposition de chacun d’entre nous et, soudainement, dès que l’heure avance, demander le report de l’examen d’un article qui soulève des questions sérieuses.
    J’ai le sentiment que, depuis jeudi, vous décidez de l’organisation de nos débats : quand vous en avez marre de trop intervenir, il faudrait qu’on s’arrête pour revenir le lendemain. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Le problème, c’est que ce ne peut pas être le groupe UMP qui dicte le calendrier et la méthode de travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. Non, madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, très solennellement mais sans aucune agressivité.
    Je constate d’abord que l’ordre du jour de nos travaux prévoyait une séance pour ce soir et non pour cette nuit.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
    M. Philippe Bas. Je constate ensuite qu’il est tôt ce mercredi matin et que nous abordons un sujet qui est aussi important que celui de l’article 1er.
    M. Gérard Larcher. Bien sûr !
    M. Philippe Bas. Je n’ai pas de doute sur le fait que, sur l’ensemble des travées, nos collègues ont à cœur que le débat se déroule dans de bonnes conditions. Dès lors, je ne vois pas comment nous allons faire si nous tronçonnons la discussion.
    Si certains d’entre nous prennent maintenant la parole sur l’article 1er bis, quelques minutes avant la levée de la séance, les uns et les autres, parce que nous sommes humains, nous aurons oublié ce qui aura été dit lorsque nous reprendrons l’examen du projet de loi, de sorte que nous serons obligés de nous répéter. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. Jean-Pierre Caffet. C’est indigne de vous !
    Mme la présidente. Monsieur Bas, ce n’est pas un rappel au règlement !
    M. Philippe Bas. Le temps que nous croyons gagner par des travaux nocturnes, nous le perdrons cet après-midi parce qu’il faudra tout recommencer.
    Je suis de bonne volonté et, comme Mme la garde des sceaux, je suis tout à fait disponible et en forme ; je me sens jeune, comme vous tous…
    M. Jean-Pierre Caffet. Eh bien, continuons !
    M. Philippe Bas. Seulement, il y a un moment où le travail ne se fait pas dans de bonnes conditions. Or je souhaite que le débat se déroule dans de bonnes conditions.
    Mme la présidente. Monsieur Bas, si vous ne voulez pas vous exprimer sur l’article 1er bis, je considérerai que vous renoncez à votre prise de parole… (M. Philippe Bas regagne sa place et croise les bras.)
    La parole est à M. Gérard Larcher, sur l’article. (M. Gérard Larcher fait un signe de refus.)
    La parole est à M. François Zocchetto, sur l’article.
    M. François Zocchetto. Je suis moi aussi contraint de faire un rappel au règlement, car je n’imaginais pas que la discussion évoluerait de cette façon.
    Mes chers collègues, vous avez bien compris qu’il n’est pas possible de poursuivre nos travaux à cette heure avancée compte tenu de l’importance de l’article 1er bis, qui a trait à l’adoption.
    M. Gérard Larcher. Ce n’est évidemment pas raisonnable !
    M. François Zocchetto. Procéder par un vote alors que les avis sont presque également partagés n’est pas une bonne méthode. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
    Pour que la conférence des présidents se réunisse, il faut que deux groupes le demandent. Dans les circonstances présentes, je demande, au nom du groupe UDI-UC, la réunion de la conférence des présidents.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme Isabelle Debré. La réunion de la conférence des présidents a été demandée !
    Mme la présidente. Elle n’est pas de droit.
    M. Philippe Bas. Si !
    M. François Zocchetto. Madame la présidente, je n’insisterais pas si nous n’avions pas organisé nos travaux de façon aussi détaillée lors des deux dernières réunions de la conférence des présidents.
    Avec le président de la commission des lois, nous avons pris soin de mettre au point le calendrier le plus approprié, et nous n’avons pas souhaité prévoir une séance dans la nuit de mardi à mercredi.
    M. Gérard Larcher. Absolument !
    Mme la présidente. Je vais suspendre la séance…
    Mme Catherine Troendle. Le groupe UMP demande également la réunion de la conférence des présidents. (La séance est suspendue ! sur les travées du groupe socialiste.) Elle est donc demandée par deux groupes !
    Mme la présidente. Je suspends la séance pour cinq minutes, afin que nous puissions nous entendre sur l’organisation de la suite de nos travaux.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à deux heures dix, est reprise à deux heures quinze.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Mes chers collègues, le temps passe, et il est deux heures quinze. Pour que nos débats se poursuivent demain et jusqu’à jeudi soir dans la sérénité qui sied à la Haute Assemblée, je propose que nous interrompions nos travaux à deux heures trente, comme je l’avais suggéré. D’ici là, madame la présidente, nous pourrions, si tout le monde en est d’accord, commencer les prises de parole sur l’article 1er bis.
    Mme Isabelle Debré. Nous y consentons, pour vous être agréables !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La paix nocturne à deux heures dix-huit… (Sourires.)
    Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur cette proposition.
    Il n’y a pas d’opposition ?...
    Il en est ainsi décidé.
    Organisation des travaux
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis (interruption de la discussion)
    Article 1er bis (suite)
    Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée auprès de Mme la ministre des affaires sociales, chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le magistrat Michel, madame le rapporteur pour avis,…
    M. Alain Néri. Vous le faites un peu longuet !
    M. Philippe Bas. … mes chers collègues,…
    M. Marc Daunis. Saluez Portalis aussi !
    M. Philippe Bas. … je me résous, malgré l’heure matinale, à présenter les observations générales que m’inspire l’article 1er bis, qui est en réalité un ensemble d’articles.
    Je le disais précédemment, de mon point de vue, que mon groupe partage, on est sans doute là au cœur du projet de loi. En effet, l’article que nous nous apprêtons à examiner décline, de manière explicite ou implicite, toutes les conséquences des dispositions figurant à l’article 1er, qui a été adopté à notre grand regret.
    Contrairement à ce qu’on dit souvent, le mariage par lui-même n’est pas une simple cérémonie, pas plus qu’un ensemble d’engagements mutuels entre deux époux. C’est avant tout une institution qui n’existe dans le code civil que parce que la société y trouve intérêt, puisqu’elle fait de la famille sa cellule de base. Par conséquent, le plus important dans l’institution du mariage est bien sûr le cadre offert pour le développement de la vie familiale, c’est-à-dire pour les enfants.
    De ce point de vue, nous l’avons dit et redit,…
    M. Alain Néri. Redit, c’est vrai !
    M. Charles Revet. À force, ça va rentrer !
    M. Philippe Bas. … la différence fondamentale de situation qui existe, selon nous, entre couples de personnes de sexe opposé et couple de personnes de même sexe aurait dû nous conduire naturellement à rechercher d’autres solutions que le mariage pour régler les problèmes familiaux qui existent dans les familles, que nous reconnaissons également, constituées par deux personnes de même sexe.
    Nous voyons se dérouler un certain nombre de dispositions ayant pour but de faire en sorte que deux adultes de même sexe, en quelque sorte des coparents, soient à égalité de droits et de devoirs vis-à-vis d’un enfant.
    À nos yeux, la difficulté d’une telle structure, c’est qu’elle comporte soit deux mères soit deux pères. L’enfant, quelles que soient les qualités éducatives de ses deux parents, quels que soient les sentiments qu’ils se portent l’un à l’autre et quels que soient les sentiments qu’ils lui portent, ne pourra combler le manque qui est à la racine de sa vie familiale. Car un enfant qui a deux pères, c’est toujours un orphelin de mère. Et un enfant qui a deux mères, c’est toujours un orphelin de père. Nous savons bien que, si la vie permet à tout enfant grandissant dans une telle situation de s’épanouir, le manque qu’il ressent est irréparable. Ceux qui, parmi nous, l’ont ressenti dans leur enfance – il y en a, bien sûr – ne diront pas le contraire.
    Je constate ainsi que, contrairement à ce que vous avez prétendu en parlant de « mariage pour tous » – ce n’était qu’un slogan, bien vite abandonné, qui ne figure pas dans le projet de loi –, il y aura, du point de vue de l’enfant, plusieurs formes de mariage. Je laisse de côté, naturellement, le cas du foyer formé par un homme et une femme, dans lequel l’enfant devient l’enfant de son père par application de la présomption de paternité, qui ne nécessite aucun acte juridique particulier.
    Pour ce qui concerne les foyers composés de deux femmes mariées, cas prévu par le texte…
    M. Alain Néri. C’est fini !
    M. Philippe Bas. Vous vous êtes suffisamment plaint tout à l’heure que je ne parle pas pour me laisser terminer mon raisonnement !
    Dans les foyers composés de deux femmes, celle qui met au monde l’enfant sera sa mère, mais son épouse ne sera pas automatiquement sa deuxième mère : il faudra en effet un jugement d’adoption. Cela montre bien qu’il y a deux types de mariage : un mariage dans lequel l’enfant est, sans décision juridique particulière, l’enfant des deux membres du couple et un autre mariage, dans lequel l’enfant ne peut que devenir l’enfant des deux membres du couple.
    Mme Laurence Cohen. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d’une minute !
    M. Philippe Bas. Ne voulant pas, madame la présidente, que vous ayez à me rappeler à votre tour le temps de parole qui m’est imparti, je conclus.
    Mme la présidente. Achevez votre raisonnement, cela en vaut la peine…
    M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame la présidente.
    Nous aurons aussi des couples d’hommes, dans lesquels peut survenir l’enfant par le recours à l’étranger à la gestation pour autrui. Or notre droit, et à cet égard j’apprécie la fermeté du Président de la République, empêche radicalement la reconnaissance de la paternité et de la maternité de l’enfant conçu par une mère porteuse à l’étranger. Ce couple d’époux, à la différence du couple d’épouses que je viens d’évoquer, ne pourra même pas faire reconnaître sa coparenté à l’égard des enfants. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Trois mariages là où il n’y en avait qu’un : tel est le résultat de ce projet de loi, qui dissocie l’institution du mariage et qui créera de très nombreux problèmes vis-à-vis des enfants.
    Mme Laurence Cohen. Et le temps de parole ?
    M. Philippe Bas. J’aurai l’occasion, si vous le permettez, madame la présidente, de revenir tout à l’heure (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) sur les graves problèmes de conventionnalité que cela posera, puisque la Cour européenne des droits de l’homme, …
    Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Bas.
    M. Philippe Bas. … sur la base d’un contentieux noué avec l’Autriche, a déjà affirmé qu’on peut choisir de ne pas permettre le mariage de couples de personnes de même sexe, mais que, dans le cas contraire, il faut respecter le principe d’égalité et ne pas créer des régimes différents. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Alain Néri. Comme le disait Boileau, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » ! On n’a rien compris !
    M. Philippe Bas. Je vous réexpliquerai volontiers, mon cher collègue !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l’article.
    M. Daniel Raoul. Faites-nous une explication de texte, monsieur Longuet !
    M. André Reichardt. C’était pourtant très clair !
    M. Gérard Longuet. Le débat qui s’instaure est intéressant, continuez…
    Mme la présidente. Monsieur Longuet !
    M. Gérard Longuet. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole à cet instant, car, comme l’a dit Philippe Bas, l’adoption est au cœur du projet de loi. À quoi servirait-il d’autoriser le mariage homosexuel si l’on n’ouvrait pas la perspective aux couples stables et qui le souhaitent d’organiser une continuité grâce au bonheur d’éduquer un ou plusieurs enfants ?
    L’adoption – c’est un aspect essentiel du projet de loi – est ouverte de droit aux personnes mariées. M. Gélard a rappelé dans son intervention générale que l’adoption était cependant, y compris et d’abord pour le mariage hétérosexuel qui est fondé sur l’altérité, une solution exceptionnelle dont le recours s’explique par des raisons particulières. L’adoption n’a jamais été conçue comme un mode de continuité familiale. L’adoption, le doyen Gélard le rappelait avec justesse, était possible pour les couples hétérosexuels qui avaient l’intention d’assurer la transmission d’un patrimoine ou d’un nom. Ils surmontaient ainsi l’obstacle que leur imposait la nature, car tous les couples hétérosexuels ne sont pas nécessairement procréatifs. C’est donc une adoption exceptionnelle, qui est à fois importante et utile, mais parfaitement minoritaire.
    Vous ouvrez, nous en parlerons tout au long de la discussion de l’article 1er bis, une continuité de premier exercice, une sorte de droit à l’adoption. Je ne reviendrai pas en cet instant sur l’impossibilité matérielle d’apporter la probabilité d’une réponse positive à ces couples, qui seront nécessairement déçus puisque le nombre d’enfants à adopter a diminué. Je voudrais insister sur un point qui m’a choqué lors de la discussion générale. L’un de nos collègues du groupe socialiste nous a dit : « Vous refusez le mariage homosexuel, parce qu’il ne peut pas engendrer naturellement. Dès lors, vous devriez interdire tous les mariages hétérosexuels qui ne débouchent pas sur la procréation. »
    Tous les mariages hétérosexuels ne débouchent pas nécessairement en effet sur la procréation, l’adoption n’étant qu’une suppléance à laquelle il est recouru de façon très minoritaire.
    Selon moi, il y a une différence fondamentale entre un état de nature nécessaire mais non suffisant et une situation absolument impossible. Le mariage hétérosexuel ouvre la possibilité de la procréation, c’est une condition nécessaire. Nous sommes tous d’accord sur le fait que ce n’est pas une condition suffisante. L’âge, la fertilité font que la procréation n’est pas certaine. Nous avons cependant toujours autorisé le mariage, y compris lorsque la probabilité de la procréation n’était pas établie, pour une bonne raison qui s’articule autour de deux arguments.
    La bonne raison, c’est que, dans le cas des couples hétérosexuels, la condition nécessaire est satisfaite. Dès lors, les deux conjoints ont tout loisir de prendre en compte d’autres possibilités. L’adoption possède alors un caractère parfaitement supplétif, d’autant que les progrès de la science, et notamment de la PMA, accessible aux couples hétérosexuels pour lesquels une insuffisante fertilité a été constatée, leur rendent une espérance.
    Mme Cécile Cukierman. Plus de cinq minutes déjà !
    M. Gérard Longuet. Avec le mariage homosexuel, que vous avez accepté en adoptant l’article 1er, vous ouvrez un droit à l’adoption, que vous ne pourrez pas satisfaire, et vous créez une injustice profonde entre deux types de couples : les couples hétérosexuels, qui ont la condition nécessaire pour accéder à la procréation, sachant par ailleurs que cette condition nécessaire n’est, hélas, pas toujours suffisante, et les couples homosexuels, pour lesquels vous autorisez l’accès à l’adoption, alors qu’ils ne répondent pas à l’obligation de nécessité et se placent hors du cadre des conditions suffisantes complémentaires, telles que l’âge ou la fertilité.
    Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Longuet : vous dépassez largement votre temps de parole !
    M. Gérard Longuet. Je suis vraiment désolé ! Je vais donc interrompre mon propos. Ce n’est pas grave, puisque nous nous retrouverons demain ou, plus exactement, cet après-midi. J’aurai alors l’occasion de préciser ma pensée au cours de l’examen des amendements.
    Vous me rappelez à l’ordre, madame la présidente, en me demandant de conclure. C’est une juste cause, puisqu’il vous faut lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    Mme la présidente. Sachez, mes chers collègues, qu’il reste 216 amendements à examiner.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
    Article 1er bis (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    6
    ORDRE DU JOUR

    Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 avril 2013, à quatorze heures trente et le soir :
    Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
    Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
    Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
    Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
    Personne ne demande la parole ?…
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 10 avril 2013, à deux heures trente.)

  • Séance du 10 avril 2013

    15 janvier 2018

    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    Secrétaires :
    M. Jacques Gillot,
    Mme Odette Herviaux.
    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
    1
    PROCÈS-VERBAL

    M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
    Il n’y a pas d’observation ?…
    Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
    2
    PUBLICATION DU RAPPORT D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE

    M. le président. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours francs pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée le 3 octobre 2012 sur l’initiative du groupe du RDSE, en application de l’article 6 bis du règlement.
    En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 480.
    3
    DEMANDE DE CRÉATION D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE

    M. le président. Par lettre en date du 9 avril 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a fait connaître que le groupe CRC exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.
    La conférence des présidents prendra acte de cette création lors de sa prochaine réunion.
    4
    COMMUNICATION RELATIVE À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

    M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
    5
    CANDIDATURES À UNE ÉVENTUELLE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

    M. le président. J’informe le Sénat que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
    Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
    6
    DÉPÔT D’UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

    M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 39 de la loi n° 2005–706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
    Acte est donné du dépôt de ce rapport.
    Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.
    7
    RENVOIS POUR AVIS

    M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (n° 441, 2012–2013), dont la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
    J’informe également le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 489, 2012–2013), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
    8
    Article 1er bis (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Mise au point au sujet d’un vote
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
    Mise au point au sujet d’un vote

    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
    Mme Catherine Troendle. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 148 sur l’article 1er du projet de loi. Alain Fouché a été déclaré votant contre, alors qu’il s’était abstenu.
    M. David Assouline. C’est mieux !
    M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
    Discussion des articles (suite)

    M. le président. Nous poursuivons la discussion des articles.
    CHAPITRE IER BIS (SUITE)
    DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT
    Mise au point au sujet d’un vote
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Mise au point au sujet d’un vote
    Article 1er bis (suite)
    M. le président. Nous continuons l’examen de l’article 1er bis, entamé hier et sur lequel deux orateurs se sont déjà exprimés.
    Je rappelle les termes de cet article :
    Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
    « 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».
    La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
    Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, autant il est légitime, et même urgent, d’améliorer la sécurité juridique des enfants élevés par un couple de personnes de même sexe, autant nous devons prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et la problématique de la construction de son identité. Je regrette d’ailleurs beaucoup que cette notion juridique précise, qui correspond aux engagements internationaux de la France, ne soit pas prise en compte par le projet de loi ni par son étude d’impact.
    Je vous en prie, mes chers collègues, ne faisons pas fi des droits de l’enfant au nom d’un droit absolu à l’adoption. L’adoption doit avoir pour objectif non pas de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. Vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, puisque vous instaurez un droit à l’enfant. Un enfant, ce n’est pas un bien de consommation. Avoir un enfant, c’est une chance qui n’est hélas ! pas donnée à tout le monde, mais c’est surtout une immense responsabilité qui ne doit pas être prise à la légère, a fortiori par les législateurs que nous sommes.
    M. David Assouline. Arrêtez avec ça, nous aussi, nous pensons aux enfants !
    Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Beaucoup de couples homosexuels risquent d’ailleurs d’éprouver de grandes déceptions. Les belles promesses électorales s’effaceront devant la réalité des faits. Nombreux sont les pays qui ne peuvent concevoir la cellule familiale sans le critère de l’altérité sexuelle. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Agence française de l’adoption, l’AFA, un organisme indépendant, comme vous le savez.
    L’adoption se fait aujourd’hui à 80 % auprès de pays étrangers, dans la mesure où, en France, nous avons la chance de connaître une diminution importante du nombre d’enfants adoptables. Or l’AFA relève que le volume d’adoptions internationales connaît lui aussi une décroissance importante depuis près de dix ans ; seuls 1 589 enfants ont été adoptés à l’étranger l’an dernier. Ce phénomène s’explique notamment par la diminution des abandons pour cause économique et le développement de structures sociales permettant de prendre en charge les enfants privés de famille dans les pays en voie de développement.
    Parallèlement, le nombre de demandes émanant des pays d’accueil n’a cessé de croître.
    Dans ce contexte, les pays concernés par l’adoption de leurs ressortissants ont dû faire en sorte de rééquilibrer l’offre et la demande, en mettant en place une politique de quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou en renforçant les critères de sélection, qui portent notamment sur la situation financière, le niveau d’éducation, l’état de santé ou encore l’engagement religieux des postulants à l’adoption. L’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels s’inscrit donc dans un contexte particulier, où chaque pays fixe des critères de sélection toujours plus restrictifs en fonction de ses codes sociaux, culturels ou religieux.
    La plupart des pays qui autorisent l’adoption de leurs enfants par nos concitoyens ne reconnaissent pas la structure familiale organisée autour de l’homoparentalité. Même si, en France, l’homosexualité relève de la vie privée et ne peut constituer un critère pour la sélection des dossiers, cette position n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté internationale. Il faut savoir qu’une soixantaine de pays pénalisent encore l’homosexualité, que beaucoup d’autres pratiquent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et que la plupart manifestent explicitement, comme vous pourrez le lire dans la fiche relative à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de personnes de même sexe : c’est le cas par exemple de la Colombie, du Burkina Faso, du Mali et de la Chine.
    Certains pays – je pense notamment à la Chine et au Vietnam – demandent même à l’adoptant de rédiger une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est hétérosexuel.
    Le dernier élément du raisonnement est l’origine des enfants étrangers adoptés par des Français. Plus de 60 % de ces enfants proviennent de pays refusant explicitement l’adoption par les couples homosexuels ; seuls deux enfants étaient originaires du Royaume-Uni, qui autorise ce type d’adoption.
    De tous ces éléments, on peut tirer deux conclusions. La première est évidente : sur la base d’une promesse électorale irresponsable, vous faites croire aux couples homosexuels qu’ils auront le droit à un enfant, alors que, en réalité, l’offre d’adoption est extrêmement réduite, voire quasi inexistante, pour eux. La seconde apparaît subrepticement : si les couples homosexuels ne peuvent satisfaire leur besoin d’enfant par le biais de l’adoption, ils se tourneront vers la gestation pour autrui, la GPA, et la procréation médicalement assistée, la PMA, ou encore, comme l’a souligné le Défenseur des droits lors de son audition, vers l’accouchement sous X, c’est-à-dire une forme de GPA qui ne dit pas son nom.
    M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, sur l’article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m’oppose pas au mariage des couples de personnes de même sexe, mais je suis totalement opposé à l’ouverture de l’adoption à ces couples, car cela conduira à des drames pour les enfants.
    Comment pouvez-vous concevoir qu’un enfant, qui a besoin de l’amour de sa mère et de l’autorité de son père, puisse se développer normalement s’il en est privé ? Comment pourra-t-il supporter de ne pas avoir un papa et une maman comme les autres enfants ? Comment supportera-t-il de ne jamais savoir qui est sa vraie mère ou qui est son vrai père ? Il sera un éternel orphelin, il ne sera protégé par personne et grandira dans cette incertitude qui le traumatisera toute sa vie.
    S’il est entouré de deux hommes, vers lequel se tournera-t-il s’il a besoin de protection ou d’affection ? (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.) S’il a peur, qui le consolera, qui le protégera ? S’il est entouré de deux femmes, laquelle s’occupera de lui ? On ne peut avoir qu’une mère et non pas deux, car alors elles ne seraient ni l’une ni l’autre la vraie mère. L’enfant ne trouvera jamais l’affection d’une mère fière et heureuse de s’occuper de l’enfant qu’elle a conçu, et il en souffrira. Il grandira dans cette incertitude qui le poursuivra toute sa vie.
    Pour se développer normalement, les enfants ont besoin d’une ambiance familiale équilibrée où ils trouvent à la fois l’affection de leur mère et l’autorité de leur père. La famille est le noyau principal de la société ; c’est là que se prépare l’avenir, avec les enfants. Si ces enfants sont travailleurs et bien équilibrés, ils deviendront plus tard responsables de l’avenir. Mais s’ils sont malheureux, troublés par l’inconnu qui entoure leur naissance, s’ils n’ont pas d’équilibre familial, s’ils se sentent différents des autres, humiliés, s’ils sont privés de l’amour d’une mère que nul n’oublie, alors ce sera l’aventure et parfois le désastre.
    Que deviendront-ils plus tard ? Seront-ils comme leurs parents adoptifs, écartés du circuit de la reproduction normale ? Leur vie sera un enfer.
    C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas accepter cette adoption contre nature qui ne produira que des drames pour ces enfants malheureux et compromettra l’avenir de la France. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, sur l’article.
    M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je voudrais remercier M. le rapporteur du travail de réflexion qu’il a mené sur l’adoption.
    Pourtant, s’il a tenté de régler un certain nombre de problèmes, c’est en vain, car, en voulant trouver des solutions, il a, en fin de compte, mis en avant une série de difficultés concrètes en la matière.
    Je m’explique : par les amendements qu’il a fait adopter par la commission des lois, il a, certes, fait sauter le verrou de l’article 360 du code civil, lequel constituait une anomalie constitutionnelle, puisqu’il prévoyait qu’un enfant qui avait été préalablement adopté ne pouvait pas faire l’objet d’une autre adoption, sauf « motifs graves ». Personne ne sachant ce que recouvrait vraiment cette notion, il était aisé de passer outre l’interdiction.
    J’avais également déposé un amendement en ce sens, ainsi qu’une proposition de loi, qui n’a jamais été discutée, par laquelle j’avais imaginé créer une nouvelle catégorie d’adoption, à savoir l’adoption plénière partagée, laquelle aurait permis à des familles d’accueillir des enfants, qui gardaient des liens avec leur famille initiale, mais qui, en même temps, avaient une nouvelle famille.
    M. Jean-Pierre Leleux. Très bien !
    M. Patrice Gélard. Une telle solution permettait de régler de manière satisfaisante le problème d’accession aux sources et le sort d’orphelins qui, de fait, passaient d’une maison à une autre, de foyer en foyer, de famille d’accueil en famille d’accueil.
    M. René Garrec. C’est vrai !
    M. Patrice Gélard. Je regrette qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un examen approfondi.
    De même, M. Michel a corrigé une autre anomalie en vertu de laquelle, dans l’adoption simple, l’autorité parentale appartient à l’adoptant.
    Or, comme il propose qu’il y ait à la fois un parent naturel ou adoptif et un autre, il fallait bien parvenir à un partage de l’autorité parentale. Mais, ce faisant, il a fait apparaître la multiplicité des cas qui vont se présenter.
    Ainsi, certains enfants pourront faire l’objet d’une adoption plénière, mais jamais simultanée, car il n’y a pas d’enfants disponibles et, à moins de mettre en place des quotas au niveau départemental, je ne vois pas comment nous pourrons favoriser, pour une adoption plénière, un couple homosexuel par rapport à un couple hétérosexuel.
    De même, il n’y aura pas d’adoption plénière simultanée d’enfants étrangers, car il n’y aura pas d’enfants adoptables par des couples homosexuels.
    Cette adoption plénière simultanée n’existera donc pas. En revanche, il sera possible qu’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière ou dont la mère biologique est connue soit adopté de façon plénière, mais après coup, par l’autre parent.
    Dans certains cas, ce ne sera pas possible, car l’enfant aura déjà deux parents. Dans ces situations, aucune adoption plénière ne sera permise, à moins que l’un des deux parents ne soit déchu de l’autorité parentale ou ne décède.
    Il en sera de même pour l’adoption simple. Nous allons arriver à une situation assez étonnante : en effet, nous risquons d’avoir non plus deux parents, mais trois parents, à savoir le père, la mère et l’adoptant.
    M. le rapporteur va même un peu plus loin, puisqu’il prévoit une seconde adoption postérieurement. En effet, il faut bien envisager le cas où les parents divorceront. À ce moment-là, le nouveau conjoint voudra à son tour adopter.
    Vous le voyez, nous sommes face à une multitude de cas qui ne sont pas prévus dans le texte. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 1er bis, car il faut revoir l’intégralité de notre législation relative à l’adoption et à l’autorité parentale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l’article.
    Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Agence française de l’adoption est très claire dans les rapports qu’elle émet sur l’adoption : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %.
    Ce phénomène s’explique notamment par l’amélioration des conditions de vie dans les pays en voie de développement. Ceux-ci ont désormais les moyens d’assumer progressivement les malheurs de l’orphelinat, soit que l’abandon pour raisons économiques se résorbe, soit que des structures sociales prennent en charge les enfants abandonnés.
    En revanche, la diminution du nombre d’enfants adoptables que l’on constate également en France pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers pour adopter des enfants.
    De ce fait, les pays qui font l’objet d’une demande toujours plus importante sont obligés d’instaurer des quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou de durcir les critères ouvrant droit à l’adoption. Ainsi vont être pris en compte non plus seulement des critères financiers, mais aussi des critères sociaux, religieux et culturels.
    Or beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant. C’est le cas du Vietnam.
    Ainsi, il est certain – dire l’inverse, c’est mentir aux couples homosexuels – que la majeure partie des pays qui accordent une adoption à des couples français écarteront d’office les dossiers se rapportant aux couples homosexuels ou à des individus dont l’orientation sexuelle ne peut pas être établie. Tel sera le cas pour la Colombie, le Mali, le Vietnam et le Burkina Faso. Or, à eux seuls, ces pays représentent plus de 60 % des adoptions réalisées chaque année.
    D’ailleurs, le seul pays qui serait susceptible d’accorder les autorisations nécessaires à des couples homosexuels serait le Royaume-Uni, mais, en cinq ans, de 2005 à 2010, ce pays a délivré en tout et pour tout deux autorisations d’adoption.
    Aussi, madame la ministre, qu’aurez-vous à répondre non seulement à tous ces couples dont la croyance en d’illusoires promesses va se heurter aux dures réalités des démarches administratives, mais aussi à ces pays, qui sont souverains et qui se verront stigmatisés, je pense, par les lobbies homosexuels les plus radicaux ? Que leur direz-vous ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je leur dirai bien des choses !
    Mme Catherine Troendle. Pourtant, faut-il croire un instant que cette réalité vous arrêtera ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, vous avez déjà trouvé le moyen de contourner le problème : puisque le Gouvernement recherche à satisfaire un principe d’égalité, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raisons médicales, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes, afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.
    L’ouverture de la PMA aux couples de même sexe est bien la suite logique du texte, à telle enseigne que certains amendements avaient été proposés à ce sujet. Simplement, le Gouvernement a souhaité attendre l’adoption du projet de loi sur le mariage pour les couples de même sexe, avant de proposer la PMA dans un prochain grand texte sur la famille.
    Mais un droit à la PMA réservé à la femme, au prétexte qu’elle seule peut porter un enfant, est illusoire. Dès lors que la PMA sera accessible pour des femmes en couple, il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a d’ailleurs déjà été approuvé par le Gouvernement au travers de la circulaire Taubira concernant les enfants nés par GPA à l’étranger.
    Vous passez donc votre temps à enfouir les problèmes, à ne rien dire ou, pis, vous mentez aux Français quand vous leur dites que ce texte n’aura aucun impact sur le droit des familles et sur la filiation.
    Vous êtes des marchands d’illusions, mais le temps que vous voulez gagner contre les réalités économiques et sociales qui échappent au Gouvernement va jouer en votre défaveur ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh non, madame Troendle, ce n’est pas vous qui avez écrit cela ! Je vous connais, cela ne vous ressemble pas !
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis sur les chiffres relatifs à l’adoption.
    Près de 25 000 foyers français bénéficient d’un agrément d’adoption depuis plusieurs années et on compte 2 000 enfants adoptables en France. Mme Troendle l’a dit, le nombre d’adoptions internationales a chuté de 4 000 en 2005 à 1 500 en 2012.
    Depuis que la Belgique – je prends l’exemple d’un pays proche – a ouvert l’adoption aux couples homosexuels, voilà six ans, aucune adoption internationale n’a eu lieu.
    L’adoption internationale va donc forcément diminuer, puisque de nombreux pays refuseront que leurs enfants soient adoptés par des couples homosexuels.
    M. Bruno Sido. Absolument !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous vous alertons sur le fait que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, dans les conditions que vous proposez, risque de porter un réel préjudice aux adoptions internationales.
    Mais le plus grave, c’est que ce sont les enfants qui vont subir le plus grand préjudice : donner l’illusion juridique à l’adoptant qu’il va être pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint de même sexe, c’est instaurer une filiation sociale qui nie la biologie et la filiation symbolique grâce à laquelle l’enfant pouvait, jusqu’à aujourd’hui, se structurer.
    Mme Esther Benbassa. Encore !
    Mme Françoise Férat. On ne s’en lasse pas !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans ce contexte, il est difficile de prétendre que le mariage entre personnes de même sexe ne change ni les règles du mariage pour les couples hétérosexuels ni l’avenir et la construction de nos futurs enfants, adoptés ou non.
    Le droit donnera l’illusion aux enfants de couples homosexuels qu’ils sont issus de ce couple de même sexe. De son côté, l’enfant, lui, aura le sentiment psychique de ne pas avoir de père ou de mère.
    M. Bruno Sido. Absolument !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Après la blessure de l’abandon, vous proposez donc aux enfants adoptés d’être définitivement privés de mère ou de père, alors même que ce sont eux qui ont le plus besoin d’un père et d’une mère. (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Un père, c’est celui qui engendre ; une mère, c’est celle qui donne la vie. Cela n’a pas de sens d’avoir deux pères ou deux mères. Cela n’existe pas et ne pourra jamais exister ! (Mmes Esther Benbassa et Hélène Lipietz s’exclament.)
    M. Alain Gournac. Très bien !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un enfant peut être élevé, en raison des aléas de la vie, par deux hommes ou deux femmes. Le sujet n’est pas là ! Mais il ne peut pas avoir deux pères ou deux mères !
    Vous allez placer ces enfants dans des situations terribles alors que, je le répète, ils portent déjà en eux la blessure de l’abandon ou de la perte de leurs parents biologiques. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
    Mettez-vous quelques instants à la place de l’enfant qui a été abandonné : que ressent-il ? que pense-t-il ? Il se demande pourquoi il a été abandonné !
    Lorsqu’on on lui annoncera qu’il va avoir une famille, qu’il est adopté par deux hommes ou deux femmes, il se demandera probablement pourquoi, lui, il n’a pas le droit d’avoir un père et une mère comme les autres enfants.
    C’est en regardant son père et sa mère que l’enfant devrait pouvoir se construire, trouver sa place, s’identifier et panser ses blessures.
    Mes chers collègues, n’oubliez pas que ces enfants, comme tous les enfants, sont des adultes en devenir.
    L’enfant ne peut pas être considéré comme un remède pour les couples de personnes de même sexe en mal de reconnaissance.
    Mme Catherine Troendle. Absolument !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’adoption doit être fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant, non pas sur un droit à l’enfant.
    M. Bruno Sido. Absolument !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le droit ne doit pas suivre le désir des uns et des autres, mais il doit poser les limites. La limite, que vous êtes en train de dépasser, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant !
    En matière d’adoption, nous n’aurions jamais dû en arriver à ce stade, qui nous divise. Nous vous avions proposé l’union civile, qui aurait pu nous rassembler.
    Mme Esther Benbassa. Elle n’a pas été votée !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes en désaccord avec vous. Vous auriez pu accepter cette union civile, qui était le mariage sans l’adoption ni la PMA, mais vous avez refusé notre main tendue.
    Je vous mets en garde : en faisant du mariage une affaire de droits et de sentiments en dehors de toute donnée naturelle, vous prenez une lourde responsabilité.
    Je constate, d’ailleurs, votre difficulté à passer du questionnement éthique, qu’il est légitime d’avoir en cette enceinte, au registre de la loi. Mais vous ne réalisez pas l’étendue des difficultés dans lesquelles vous nous entraînez.
    Vous créez une fracture de plus dans notre société, une fracture sociétale, ce que je regrette. C’est ridicule ! (M. François Rebsamen manifeste des signes d’impatience.)
    Le doyen Gélard a fait un plaidoyer pour une grande loi sur l’adoption et j’adhère à sa proposition. Cessez de diviser les Français et de provoquer des fractures dans notre société ! Rassemblez nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.
    M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cet article 1er bis, nous abordons la question cruciale de l’adoption plénière et de la filiation, question cruciale parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est l’horizon de notre préoccupation.
    Tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, a une égale capacité à procréer. Aussi tout citoyen est-il à égalité de droits dans le mariage, tel que le connaît notre code civil. Or les personnes homosexuelles souhaitant s’unir par le mariage ruinent ce principe d’égalité en portant atteinte à la possibilité de sa mise en œuvre. Elles-mêmes, en effet, s’interdisent et s’empêchent mutuellement d’être des procréateurs.
    Avec l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, on accorde aux couples d’homosexuels le beurre et l’argent du beurre – je ne reviendrai pas sur le gruyère, parce que cette réflexion ne m’a pas du tout plu ! Elle m’est restée sur l’estomac. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    La contradiction, voire l’incohérence, des couples homosexuels tient à ce qu’ils veulent l’enfant à la fois ensemble et séparément : ils veulent s’unir devant le maire pour se séparer dans l’enfant, alors que les couples composés d’un homme et d’une femme, unis devant le maire, donnent corps à cette union dans l’enfant. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
    Dans un couple composé d’un homme et d’une femme, l’enfant est le signe extérieur de l’intimité de ses parents. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et si cet homme et cette femme, ne pouvant avoir d’enfant, en adoptent un, cet enfant demeure, aux yeux de la société tout entière, le signe plausible de leur intimité.
    Dans un couple homosexuel, l’enfant cesse d’exprimer cette intimité. Or le présent projet de loi le prive de cette expression. Lorsque l’enfant de Victor Hugo paraît, mes chers collègues, il n’apparaît pas invraisemblable. Vous pouvez y mettre tout l’amour du monde que vous voulez, jamais cet amour ne pourra dissiper cette invraisemblable généalogie.
    Il faut être obsédé jusqu’à l’aveuglement par le droit à l’enfant pour ne pas voir que votre projet de loi, madame la ministre, ruine une représentation fondamentale non seulement chez l’enfant, mais également dans la société tout entière.
    Notre institution du mariage, telle que nous la connaissons, par l’encadrement ordonnancé de la part procréative de la vie sexuelle des hommes et des femmes, assure sa solidité et son équilibre à notre société.
    Bertrand Delanoë déclarait avec ironie, dans le film de Jean-Luc Romero – que je cite pour la deuxième fois ! –, que le mariage était « classique ». Il ne croyait pas si bien dire, car « classique » vient du latin classis, qui signifie « bateau ». Or, les marins le savent, il est nécessaire, à bord, que tout soit perpétuellement bien ordonné pour assurer une parfaite navigation !
    M. Bruno Retailleau. Vive le Vendée Globe ! (Sourires.)
    M. Alain Gournac. Le Premier ministre prétend tenir la barre, avoir un cap. Pendant ce temps-là, vous mettez la pagaille à bord, avec ce projet de loi !
    Non seulement le mariage homosexuel ruine le principe d’égalité, comme je l’ai rappelé, mais il ruine également la filiation. Le président de la commission des lois va sans doute nous expliquer, comme il sait si bien le faire, que les mots évoluent. Or vous ne faites pas évoluer le mot « mariage », vous vous en servez pour habiller deux réalités différentes. Essayez un peu de faire évoluer le mot « procréation » ! Venez me l’expliquer !
    Mariage, filiation biologique, filiation adoptive, vous croyez faire évoluer ces mots, parce que vous mettez sous le boisseau le mot « procréation », qui est le cœur du débat, l’axe de toute cohérence et qui, lui, ne peut évoluer !
    L’adoption plénière que vous proposez est une mise à mal de la filiation. Votre article 1er bis s’avère une voiture piégée jetée contre elle, qui ébranle tout l’édifice social. Nous n’en avons pas besoin en ce moment ! Je voterai donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.
    M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, à l’origine, le titre de ce projet de loi évoquait le mariage et l’adoption.
    Toutefois, vous avez découvert assez rapidement que, si une majorité de nos concitoyens étaient ouverts à une évolution de notre législation et à l’ouverture de droits civils, sociaux, fiscaux en faveur des couples de même sexe, une majorité de Français n’étaient pas enthousiastes – c’est un euphémisme ! – à l’idée de voir les règles de la filiation chamboulées et avaient compris, en quelque sorte, que l’on ne pouvait pas créer un droit à la filiation.
    C’est le même raisonnement qui vous a conduits à supprimer, dans un premier temps, les mots « père » et « mère » du code civil et, découvrant très vite qu’une majorité de nos compatriotes ne l’acceptaient pas, à inventer ce fameux « article balai ». Nous aurons l’occasion d’en parler.
    Revenons au fondement de votre engagement, la fameuse mesure n° 31 du candidat François Hollande : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. »
    Très clairement, pour nous, le mariage est non pas un droit, mais une institution. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption, sauf à dire que vous voulez créer un droit à l’enfant. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption – les chiffres viennent d’être rappelés –, sachant que, par définition, l’adoption ne permettra pas aux couples homosexuels d’accéder à ce droit à l’enfant que vous créez à travers ce droit à l’adoption.
    C’est précisément parce que ce droit-là ne verra jamais le jour que certains d’entre vous n’osent pas nous dire que, derrière ce texte, se profilent la PMA et la GPA.
    C’est parce que nous ne voulons ni de la PMA ni de la GPA que nous refusons ce droit à l’adoption que vous voulez créer à la faveur de ce projet de loi.
    Le droit à l’adoption n’existe pas, mes chers collègues, c’est un mensonge ! Et lorsque le Président de la République, chef de l’État, parle d’un droit à l’adoption, cela devient un mensonge d’État ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un de plus !
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article dont nous abordons l’examen, à l’instar de l’article 1er, est l’un des plus importants du projet de loi qui nous est soumis, puisqu’il traite de l’adoption.
    Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous avez organisé des auditions nombreuses et intéressantes, qui m’ont appris beaucoup de choses importantes et inspiré quelques inquiétudes. Monsieur le rapporteur, lors de ces auditions, il me semble que vous nous avez dit, même si je ne vous cite pas mot pour mot, qu’il serait nécessaire de remettre à plat l’ensemble du dispositif relatif à l’adoption, parce qu’il ne correspondait plus aux situations vécues aujourd’hui. Vous avez même ajouté qu’il eût été préférable de le faire avant l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Je pense que je ne déforme pas vos propos, monsieur le rapporteur. (M. le rapporteur acquiesce.) C’est bien la preuve de l’enjeu que représentent cet article et l’ensemble des dispositions de ce projet de loi relatives à l’adoption.
    Madame le garde des sceaux, vous nous avez dit que le débat avait eu lieu, mais encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « débat » ! Des auditions nombreuses et intéressantes se sont tenues, nous avons pu poser nos questions, mais l’adoption représente un tel enjeu qu’elle exige une réflexion poussée et un véritable échange. Je suggère donc que nous reportions l’examen de ce dispositif, afin que la réflexion dont parlait M. le rapporteur puisse avoir lieu, et que nous le reprenions à l’occasion du débat sur la famille, puisque Mme la ministre chargée de la famille nous a annoncé un débat sur ce sujet dans quelques mois.
    Madame le garde des sceaux, vous nous avez montré, en présentant ce texte sans vous référer à aucune note écrite, que vous maîtrisiez parfaitement ce dossier. Je vous ai posé une question à plusieurs reprises, et je ne suis pas le seul. Je vous la soumets une nouvelle fois, en espérant que vous pourrez nous répondre. En effet, si vous n’y répondiez pas, soit pour me contredire, soit pour apporter des éléments d’information, cela signifierait, pour nos collègues et les personnes qui suivent nos travaux, que vous acquiescez.
    Si ce projet de loi est adopté et publié au Journal officiel, et si une famille ou une structure, quelle qu’elle soit, forme un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par delà l’adoption simple ou plénière, la PMA et, peut-être, la GPA ? Je vous remercie de la réponse que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Godefroy. Cela n’a rien à voir !
    M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
    Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe ne se trouvent pas en situation d’insécurité juridique. Cet argument témoignerait d’une méconnaissance de la loi, parce que celle-ci a justement une vocation universelle : elle protège tous les enfants. Des possibilités en matière de tutelle, de partage ou de délégation de l’autorité parentale existent déjà.
    Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra. Il y aura un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », où la filiation tiendra du virtuel. D’ailleurs, de nombreux homosexuels ne souhaitent pas l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, car elle reviendrait à priver les enfants adoptés d’un père ou d’une mère.
    Pour les enfants adoptés, l’adoption maintient une analogie de structure entre le couple qui a conçu l’enfant et celui qui l’adopte. La filiation ne se réduit pas à la vérité biologique. En revanche, même si l’enfant n’est pas issu biologiquement de cette union, il peut se penser comme tel. Dans les cas d’adoption par une personne célibataire, le parent de l’autre sexe est considéré comme manquant. L’adoption par un célibataire ne crée donc pas de filiation incohérente.
    Dans le cadre d’une adoption plénière, où toute la filiation initiale est effacée, reconnaître l’adoption par un couple homosexuel revient à s’émanciper totalement du modèle naturel de parenté et de filiation. L’enfant adopté par deux personnes de même sexe ne peut pas se penser comme issu de leur union.
    En dépit du fait que le terme « parent » continuera à être utilisé, il changera complètement de sens, puisque donner à un enfant des parents de même sexe reviendra, en fait, à lui donner des éducateurs, mais à le priver de parents au sens propre du terme.
    En autorisant l’adoption par des couples homosexuels, vous allez inscrire ces enfants dans une généalogie unisexe. Un enfant rattaché à deux mères est privé de père ; un enfant rattaché à deux pères est privé de mère. Pourquoi priver les enfants adoptés d’une mère ou d’un père ? A-t-on le droit d’enlever à un enfant le fait d’avoir une mère ou un père ? Certes, les orphelins n’ont pas de père ou de mère, mais c’est en raison des aléas de la vie et non parce que l’État l’autorise !
    Nous ne doutons pas que les homosexuels soient capables d’élever un enfant, nous ne doutons pas de leur moralité ni de l’affection qu’ils peuvent donner à un enfant, mais ce n’est pas une raison pour légaliser ce mariage, qui entraîne trop de conséquences.
    La privation définitive d’une mère ou d’un père, l’impossibilité de se construire au travers d’une filiation homosexuée, complètement fictive, risque, à terme, de conduire à la PMA et à la GPA pour tous.
    Vous vous honoreriez donc, madame le garde des sceaux, à choisir l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt que de bidouiller le droit de la famille ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous arrivons à un point absolument central. En effet, parce qu’il concerne la filiation, l’adoption, il concerne, d’abord et avant tout, l’enfant.
    Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, la voie de la radicalité. Vous n’avez pas souhaité vous en tenir au seul mariage entre des personnes de même sexe. Vous allez ouvrir la filiation et l’adoption, mais sans en tirer toutes les conséquences.
    Ce qu’il aurait fallu faire, ce sont des réformes globales. À partir du moment où vous vouliez abandonner la conception classique de la filiation, fondée sur la biologie, sur l’imitation de la nature ou de la biologie avec l’adoption, à partir du moment où vous vouliez inventer une filiation nouvelle, fondée sur la volonté, sur le projet de parentalité, alors il y avait une exigence. Cette exigence, c’était de mettre sur la table tous les moyens offerts pour créer cette nouvelle filiation pour les réformer de façon globale et cohérente. Et l’on sait que ces moyens sont au nombre de deux : l’adoption et les techniques de procréation médicale.
    Vous ne l’avez pas fait, vous n’avez pas voulu le faire pour des raisons politiques, d’abord, et du coup, vous n’allez pas jusqu’au bout de votre logique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Votre texte, qui souffre de graves défauts de fabrication, encourt deux types de critiques.
    Les premières critiques sont d’ordre juridique. Votre texte est critiquable sur le plan constitutionnel, sous l’angle de ce que l’on appelle l’« incompétence négative » du législateur et de l’exigence de clarté et d’intelligibilité de la loi.
    Je m’explique.
    En faisant figurer l’état des personnes dans le domaine de la loi, l’article 34 de la Constitution nous confie une responsabilité, celle de nous emparer et d’aller au bout du sujet, lequel englobe, justement, la filiation et l’adoption. Or nous ne le faisons pas puisque nous allons, par l’article 4 bis du projet de loi, laisser le soin au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, « les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur ». Nous allons le laisser régler un problème qui relève de nos responsabilités.
    Et puis nous allons aussi renvoyer les problèmes au juge, auquel il reviendra de dire le droit. Car, faute d’être allé au bout de votre logique, vous présentez un texte qui comporte tant d’incohérences qu’il faudra demander au juge de se prononcer. Et cela n’est pas acceptable !
    Nous sommes donc confrontés à un problème d’incompétence négative au sens où le Conseil constitutionnel l’entend, ainsi qu’à un problème de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, la réforme que vous nous proposez est une réforme à la découpe, enchaînant, aujourd’hui, le texte sur le mariage, la filiation et l’adoption, et, demain, une loi sur la famille qui traitera sans doute d’autre chose, notamment de la PMA. Et cela nuit, bien sûr, à la clarté de la loi !
    Faire des choix politiques, pourquoi pas ? Ceux que vous faites ne sont pas les nôtres. Mais, au moins, assumez-les ! Dites-le aux Français ! Tirez-en toutes les conséquences juridiques !
    Après ces premières critiques, qui sont d’ordre juridique, il y a d’autres critiques, beaucoup plus fondamentales, qui portent sur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant, c’est la clé de voûte, c’est l’alpha et l’oméga de notre droit interne, régulièrement constaté et rappelé par notre jurisprudence, comme de toutes les grandes déclarations internationales – je pense à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
    Or, madame le garde des sceaux, comment est-il possible que l’étude d’impact ait oublié rien de moins que les conséquences en matière d’adoption ? Ce n’est pas moi qui le dis, madame la garde des sceaux, c’est le Conseil d’État dans son avis ! Mes chers collègues, cela signifie qu’on a fait une réforme sans vérifier son impact sur les enfants. Cela en dit long sur l’aspect idéologique de la réforme ! Plutôt que l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il faudrait absolument promouvoir, c’est le droit à l’enfant que vous voulez instituer !
    Comme vous n’en tirez pas, bien entendu, les conséquences, vous allez, malheureusement, créer un double traumatisme pour ces enfants : le traumatisme de la méconnaissance des origines, le double traumatisme d’être privé d’un père et d’une mère, une première fois parce qu’ils ont été abandonnés, une deuxième fois parce qu’ils auront soit deux pères, soit deux mères.
    M. Éric Doligé. Bien sûr !
    M. Bruno Retailleau. Tout cela n’est pas acceptable !
    On sait très bien qu’il est plus compliqué pour ces enfants adoptés de se construire psychologiquement. Ils ont subi une blessure qu’il faut réparer. Oui, madame la ministre chargée de la famille, vous avez l’air de dire que tout cela n’est pas grave, dans la suite logique de ce que vous déclariez jeudi soir, ici même.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Elle n’a pas dit cela !
    M. Bruno Retailleau. Je sais bien quelle est votre conception de la famille, mais ce que je veux vous dire…
    M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure !
    M. Bruno Retailleau. Je termine !
    M. le président. Oui ! Il faut terminer, et vite !
    M. Bruno Retailleau. Pour que ces enfants puissent s’identifier à des parents, il faudrait leur proposer une adoption pensable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Ladislas Poniatowski. On le fait taire parce qu’il est bon !
    M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, sur l’article.
    M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de ce texte est sans ambiguïté : il vise à reconnaître pour les couples homosexuels un droit au mariage, mais aussi un droit d’accès à tous les attributs de la parentalité, notamment la transmission du nom et du patrimoine, et, surtout, la reconnaissance du lien de filiation et l’exercice de l’autorité parentale.
    Bien que je ne partage pas du tout l’opinion de Mme le garde des sceaux, je dois bien admettre que cette revendication est logique dès lors que la question du mariage a toujours été intimement liée à la question de la filiation. Rappelons que le mariage ne peut se comprendre, même actuellement, qu’au regard de la présomption de paternité, dont il assure la protection.
    En effet, cette filiation artificielle est indispensable puisque, vous en conviendrez, ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes.
    C’est pour cette raison, madame le garde des sceaux, que vous ouvrez l’adoption aux couples de même sexe. Néanmoins, il faut que les Français sachent que le pays ne pourra pas, à lui seul, faire face à la demande d’adoption.
    D’une part, parce que le nombre d’enfants français adoptables s’est considérablement réduit au cours de ces dernières années ; d’autre part, parce que la plupart des adoptions d’enfants étrangers par des Français se font en accord avec des pays qui ne reconnaissent pas l’union homosexuelle.
    L’Agence française de l’adoption est très claire sur ce dernier point : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %. Pour autant, la demande, elle, ne faiblit pas puisque la diminution du nombre d’enfants français adoptables pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers.
    Or, vous le savez, beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe – Colombie, Burkina Faso, Mali, Chine. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant – c’est le cas du Vietnam, par exemple.
    Pour remédier à ce problème, et puisque le Gouvernement cherche à satisfaire un principe d’égalité muable et sans contenu stable, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raison médicale – infertilité pathologique ou risque de transmission d’une maladie grave –, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.
    Mme la ministre chargée de la famille est très claire sur ce point puisqu’elle a dit qu’une loi sur la PMA « sera examinée au Parlement avant la fin 2013 ». Madame la ministre, vous avez d’ailleurs ajouté que la PMA sera abordée dans le cadre de ce projet de loi sur la famille et précisé que le texte concernera toutes les familles, hétérosexuelles ou homosexuelles.
    Dès lors, la raison invoquée qu’un droit à la PMA soit réservé à la femme, sous prétexte qu’elle seule puisse porter un enfant, est illusoire. Il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a, d’ailleurs, déjà été approuvé par le Gouvernement.
    Ainsi, nous l’avons toujours affirmé, en liant la question du mariage à celle de la filiation, ce qui est logique, vous ouvrez la porte à un droit à l’enfant qui bouleverse non seulement le droit de la famille, mais encore les droits bioéthiques.
    Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas possible d’entendre cela !
    M. Jackie Pierre. C’est une réalité !
    La médecine et les avancées dans ce domaine n’ont pas vocation à assouvir les besoins de consommation de nos concitoyens ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Si, aujourd’hui, la PMA est admise, c’est seulement pour des raisons médicales : pallier une stérilité pathologique ! Notre droit en matière de bioéthique se limite à cela puisque, depuis toujours, notre pays ne veut pas faire du corps humain une marchandise.
    Cette position s’exprime d’ailleurs dans le domaine tant de la procréation médicalement assistée que de la GPA. Ni l’utérus, ni le ventre, ni aucune autre partie du corps humain de la femme ne peut se comparer aux bras des ouvriers ! (Mêmes mouvements.)
    D’ailleurs, s’agissant du constat que je viens de dresser, certaines questions restent en suspens.
    Si la PMA est légitimée en dehors des cas de maladie et si la GPA est tout simplement reconnue en France, pourra-t-on toujours, sauf à contrevenir au principe d’égalité, interdire aux femmes en couple avec un homme d’avoir recours aux dons de gamètes pour avoir un enfant avec telles ou telles caractéristiques ou à la GPA pour éviter les contraintes de la maternité ? (Vives marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
    Madame la ministre, parce qu’un droit à l’adoption…
    M. le président. Merci, mon cher collègue !
    M. François Rebsamen. C’est trop long ! Il faut faire plus court !
    M. Jackie Pierre. … dans lequel l’enfant serait considéré non plus comme un sujet, mais comme un objet, parce qu’un droit à l’adoption, disais-je, appelle un droit à la PMA et à la GPA au nom du principe d’égalité…
    M. le président. Merci, mon cher collègue !
    M. Jackie Pierre. Tout cela est bien lié et bien ficelé ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
    M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par l’examen de l’article 1er bis de ce projet de loi, nous entrons dans le cœur du cœur de ce texte, la filiation adoptive. J’évoquerai non pas les aspects juridiques de la question, mais plutôt la dimension affective et émotionnelle du débat, cette dimension qui doit nous guider pour graver cette loi dans le marbre, parce que, après, nous ne pourrons plus l’effacer !
    En 1998, lors du débat sur le PACS, Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, s’était engagée à ce que le projet qu’elle défendait n’ouvrît pas la boîte de Pandore de l’adoption et, donc, de la filiation.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cela a déjà été dit !
    M. Alain Houpert. Lors des débats à l’Assemblée nationale sur le PACS, le 3 novembre 1998, la garde des sceaux avait déclaré : « Le choix a été fait de dissocier pacte et famille car lorsqu’on légifère sur la famille, on légifère aussi forcément sur l’enfant. Le PACS ne change rien au droit actuel de la famille car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C’est donc volontairement que le pacte civil de solidarité est sans effet sur les règles de la filiation, de l’autorité parentale et sur les droits de l’enfant. »
    Notre collègue Catherine Tasca, alors présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, s’était empressée d’approuver ces propos. Mais, aujourd’hui, cette parole est reniée !
    Mme Éliane Assassi. Elle a évolué !
    M. Alain Houpert. Du PACS, vous souhaitez désormais, mes chers collègues, évoluer vers le mariage et l’adoption et, partant, vers la filiation et donc, demain, implicitement, vers la procréation médicalement assistée.
    Comment vous croire lorsque vous nous dites que le projet de loi présenté aujourd’hui ne concerne que le mariage et l’adoption ?
    Nous sommes tout à fait favorables, sur un plan juridique, au renforcement du PACS, qui apparaît insuffisant en matière d’égalité de droits entre couples homosexuels et hétérosexuels.
    Nous sommes donc favorables à une véritable union civile. Toutefois, de notre point de vue, le renforcement de ces droits n’inclut pas le droit à l’enfant, car l’enfant n’est pas un droit.
    Par ailleurs, l’égalité des droits ne signifie pas l’égalitarisme. L’égalité juridique, c’est traiter de manière inégale des situations inégales.
    Un couple de personnes de même sexe ne peut pas procréer naturellement ; il ne peut donc avoir les mêmes droits en matière de filiation.
    L’enfant n’est ni un droit ni une chose. Il ne saurait être une réponse à une frustration liée à l’incapacité naturelle d’un couple de même sexe de procréer.
    Je partage tout à fait l’idée selon laquelle un couple homosexuel peut donner de l’amour à un enfant, et bien l’éduquer. Toutefois, je réfute l’argument utilisé par certains, selon lequel il vaut mieux être élevé par un couple homosexuel aimant plutôt que par un couple hétérosexuel en crise, au sein duquel, par exemple, le père serait violent.
    On ne peut être que d’accord sur le fond avec une telle argumentation, mais celle-ci est cependant trop facile !
    M. Jean-Jacques Mirassou. Elle existe pourtant !
    M. Alain Houpert. Un enfant, pour se construire, a besoin d’un modèle masculin et féminin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Dire le contraire, et je parle en médecin,…
    Mme Éliane Assassi. Quel argument ! On ne parle pas de médecine !
    M. Alain Houpert. … reviendrait à remettre en cause les travaux de Freud, ainsi que l’importance des complexes d’Œdipe et d’Électre dans la construction de l’enfant. (Mêmes mouvements.)
    Mme Éliane Assassi. Scandaleux !
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous encouragez les inégalités !
    M. Alain Houpert. C’est non pas le besoin d’un second parent qui est en cause, mais la nécessité d’avoir les deux sexes en modèle de référence, afin de se construire de manière équilibrée, de construire sa personnalité au regard d’un modèle à la fois masculin et féminin.
    Mme Esther Benbassa. Et les familles monoparentales ?
    M. Alain Gournac. Et la parité ?
    M. Jean-Pierre Raffarin. Vive la parité pour tous ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Houpert. Respecter l’enfant, c’est respecter le droit de l’enfant de se construire autour de cette différence, de cette dualité, de cette richesse qui a construit notre société.
    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
    M. Alain Houpert. Un enfant est un être en devenir qui a besoin de se construire autour de cette altérité qui s’additionne : le masculin et le féminin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, j’entends déjà le Gouvernement dénoncer, comme il ne manquera pas de le faire dans un instant, le caractère itératif de nos prises de parole.
    M. René Vandierendonck. Mais non ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. François Rebsamen. C’est un peu le cas…
    M. Jean-Claude Lenoir. Sans doute Mmes les ministres préféreraient-elles des interventions semelfactives !
    Je ne serai pas original, mais, pour autant, je n’en serai que plus sincère.
    J’ai lu avec beaucoup d’attention, comme mes collègues, le texte qui nous est proposé. Son intitulé est le suivant : « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ».
    Le mot « adoption » a été supprimé, alors qu’il faisait partie des engagements du candidat François Hollande. Après tout, je crois savoir que certaines de ces promesses, que je n’ai pas toutes retenues, attendent toujours d’être satisfaites…
    Dans le projet de loi finalement soumis au Parlement, il n’est donc plus question d’adoption. Or voilà de nouveau le sujet à l’ordre du jour, l’Assemblée nationale ayant adopté un certain nombre de dispositions à cet égard, qui constituent le deuxième pilier de ce texte.
    Nous avons longuement débattu de l’article 1er, qui concerne l’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels ; nous aurions pu nous arrêter là, considérant, comme c’est notre cas, que ce texte ne correspond pas à ce que nous souhaitons. Nous avions proposé un contrat d’union civile qui vous aurait donné toute satisfaction.
    Nous aurions donc pu faire une pause, puis nous retrouver pour réfléchir au sort qui serait réservé au grand absent de ce débat : l’enfant.
    L’enfant ne s’exprime pas. Nous devinons cependant qu’il est évidemment concerné et qu’il pourra, demain, s’interroger sur le sort qui lui a été réservé à l’occasion de ce débat et dans le texte qui sera éventuellement adopté.
    Loin de moi l’idée de porter un jugement sur la capacité des uns et des autres, couples hétérosexuels ou homosexuels, à bien élever un enfant et à faire en sorte qu’il se sente bien. La question n’est pas là.
    Nous nous sommes demandé, puisque vous vouliez aborder le sujet de l’adoption, si nous allions plutôt retenir l’adoption simple ou l’adoption que l’on qualifie de plénière.
    Pour ma part, j’ai été particulièrement convaincu par les arguments exposés par le doyen Gélard. L’aspect « bricolé » du texte qui nous est proposé, son caractère artisanal en quelque sorte, doit nous conduire à prendre conscience ensemble de la nécessité de renvoyer à plus tard, après une large consultation, la discussion d’un dispositif entier relatif à la famille.
    Nous sommes d’ailleurs en plein paradoxe : vous nous annoncez un texte consacré à la famille et, déjà, nous anticipons cette discussion puisque nous évoquons déjà ce sujet ! Pourquoi ne pas attendre ?
    En réalité, nous voyons bien quel est le but de la manœuvre. Après vous être efforcés de cacher les intentions réelles du Gouvernement, et sans doute de la majorité, le porte-parole dudit gouvernement a déclaré que celui-ci était favorable à la PMA : personne ne l’a contesté, quand bien même ces déclarations dataient du 28 janvier dernier, car c’est ce que vous voulez !
    Nous savons bien que les demandes des couples homosexuels en matière d’adoption ne seront pas satisfaites. Sur ce point, votre texte est un mensonge, car le nombre d’enfants en situation d’être adoptés a beaucoup diminué ces dernières années.
    Pourquoi faire croire à des couples homosexuels qu’ils pourront adopter, qu’il s’agisse d’ailleurs – ce débat n’a en effet plus aucun sens ! – d’adoption simple ou d’adoption plénière ?
    Nous savons, je le répète, qu’il n’y aura pas suffisamment d’enfants adoptables. Pour satisfaire la demande, somme toute assez légitime, de ces couples qui souhaitent avoir des enfants, vous nous expliquerez qu’il n’y a pas d’autres solutions que la GPA et la PMA.
    M. Bruno Sido. C’est évident !
    M. François Rebsamen. Ce n’est pas le sujet !
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous nous direz dans quelques mois, une fois établi le constat selon lequel il n’est pas possible d’adopter plus d’enfants que ceux qui se présentent à l’adoption, qu’il convient de recourir à d’autres moyens pour satisfaire cette demande.
    Mes chers collègues, on se bouscule au bal des hypocrites ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) J’avais même à l’esprit une autre expression…
    Mme Esther Benbassa. C’est plutôt le bal des vampires !
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous pourrez alors pratiquer la danse que vous aimez le mieux et dont vous êtes des spécialistes, le tango : deux pas en avant, un pas en arrière ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est incorrect !
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez abuser les parlementaires et tromper l’opinion française. Nous sommes là pour dénoncer cette manœuvre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis bouleversé… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
    Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous l’avons tous compris, cet article sur l’adoption aura de graves conséquences, non pas seulement sur notre droit de la famille, mais aussi sur la philosophie bioéthique qui oriente notre système de santé.
    Je ne répéterai pas les propos qui ont été tenus sur la PMA et la GPA. Aujourd’hui, tous les doutes ont été levés : l’adoption entraînera inéluctablement un glissement vers la PMA et la GPA !
    Ce texte me donne l’occasion d’aborder un point sur lequel le Gouvernement n’est pas très clair.
    Vous nous assurez depuis le début de cette discussion, mesdames les ministres, que le projet de loi ne changerait rien pour les couples hétérosexuels ! Or c’est complètement faux, et l’article sur l’adoption nous en donne un exemple flagrant.
    Tout d’abord, il me paraît normal d’aborder dès à présent la question du nom – nous aurons l’occasion d’y revenir, puisque c’est la conséquence directe de cet article –, sans toutefois la développer autant qu’elle le sera par la suite.
    Lorsqu’un couple de deux hommes ou de deux femmes adoptera un enfant, il faudra bien trancher la question de la transmission du nom de famille, n’est-ce pas ! Si les deux conjoints se mettent d’accord sur le nom qu’ils souhaitent transmettre, alors, j’en conviens, il n’y aura pas de problème ; mais qu’arrivera-t-il si jamais ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, ou bien si, par erreur, ils ne signalent pas expressément leur choix ?
    Aux termes de la nouvelle règle, il conviendra de transmettre à l’enfant le nom de ses deux parents selon un ordre organisé par les textes, à savoir l’ordre alphabétique en l’absence d’accord des parents.
    Quoi qu’il en soit, les couples hétérosexuels seront concernés par cette modification. Or la règle en vigueur jusqu’à présent disposait qu’à défaut de précision expresse, le nom transmis à l’enfant devait être celui de son père. Pourquoi, me direz-vous ? Non pas pour des raisons machistes, mais parce que le mariage, nous ne cessons de le dire, englobe la présomption de paternité.
    Or qu’est-ce ce qui concrétise la présomption de paternité ? La transmission du nom du père à son enfant !
    Les choses sont donc simples. En ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, avec les conséquences pratiques que cela entraîne, vous faites peser ce choix sur l’ensemble des couples hétérosexuels.
    Peut-être cela ne signifie-t-il pas grand-chose pour vous, mais pour des millions de Français, cela veut dire beaucoup.
    Il faut concevoir le mariage comme un tout : l’altérité sexuelle s’explique par la procréation, et la transmission du nom de famille à l’enfant par la présomption de paternité. Ce sont tous ces éléments que vous fragilisez avec le présent projet de loi !
    Par ailleurs, je voudrais comprendre pourquoi Mme le garde des sceaux ne se préoccupe pas d’égalité lorsqu’il s’agit des enfants dont il est question dans ce texte.
    Pour ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’une des préoccupations majeure dans ce débat, je rappellerai, comme nombre d’autres collègues avant moi, que beaucoup de pays ouvrant l’adoption à des couples français le font, notamment, sur la base de leur situation matrimoniale. Certes, cette position peut vous déplaire ; elle n’en constitue pas moins une réalité.
    Par ailleurs, ce texte entraîne une rupture d’égalité entre les enfants qui auront le droit à un père et une mère, et ceux qui en seront privés. Ces derniers voudront un jour rechercher leurs parents, et les blessures suscitées par ce projet de loi seront alors profondes, causant des traumatismes psychologiques et des carences affectives. C’est un grave problème, auquel vous ne répondez pas ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
    Je crois que ce silence, comme celui qu’oppose le Gouvernement aux questionnements de tous les Français, lui coûtera cher !
    Vous ne cessez de nous reprocher de ralentir la procédure, de nous répéter.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
    Mme Colette Mélot. C’est pourtant bien normal, puisque vous ne répondez pas à nos questions !
    Mme Cécile Cukierman. Nous ne sommes pas d’accord avec vous !
    Mme Colette Mélot. De deux choses l’une : soit vous vous moquez complètement des interrogations que nous soulevons, et qui sont pourtant celles, légitimes, des Françaises et des Français, soit vous n’avez pas de réponse à nous donner parce que vous savez que le tableau que nous dressons correspond à la réalité. Dans tous les cas, c’est bien malheureux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
    M. Bruno Sido. Je vous avais dit, madame la ministre chargée de la famille, que nous nous retrouverions après l’article 1er pour débattre de ces questions de fond.
    Je tiens à dire une nouvelle fois combien il est regrettable, de mon point de vue, que le contrat d’union civile n’ait pas été adopté. C’était en effet la bonne solution, celle qui aurait permis d’éviter tous les problèmes liés à la PMA et à la GPA.
    Je veux saluer, à cet égard, les propos excellents tenus par le doyen Gélard, Jean-Jacques Hyest et tous les orateurs qui sont intervenus pour défendre cette proposition. Pourtant, rien n’y a fait !
    Nous avons l’impression d’une « bunkerisation » de la majorité et du Gouvernement, majorité qui, je le précise, libre de voter comme elle l’entend, n’est pas le moins du monde « godillot » et a soutenu et voté avec beaucoup d’enthousiasme l’article 1er.
    M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n’avons pas besoin de vous pour savoir ce qu’il faut faire !
    M. Bruno Sido. Cet article ayant été voté, et puisque le mariage emporte l’adoption, ainsi que vous l’avez dit, madame le garde des sceaux, les difficultés commencent.
    Avec cet article 1er bis, nous voici au pied du mur, et nous sommes toujours au cœur du sujet.
    On aurait pu écouter le Comité consultatif national d’éthique. Il n’en a rien été !
    On aurait pu créer une commission ad hoc – après tout, elle n’aurait pas été la première ! –…
    M. Alain Gournac. Ils adorent ça !
    M. Bruno Sido. ... pour discuter de ces sujets de fond et trouver des solutions adaptées. Je vous signale d’ailleurs que le doyen Gélard vient de nous expliquer à nouveau, et je l’en remercie, qu’il conviendrait de revoir l’ensemble du corpus législatif concernant l’adoption.
    La commission des lois elle-même, monsieur le rapporteur, aurait également pu faire des propositions alternatives ou des annonces, bref bouger. Il ne s’est rien passé !
    J’en veux d’ailleurs un peu à François Rebsamen d’avoir transformé la majorité du Sénat, au moins le groupe socialiste, en toile cirée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Quoi que l’on dise, on n’obtient aucune réponse !
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On connaît votre capacité de réaction à vous !
    M. Jean-Pierre Godefroy. Et vous ? Rappelez-vous les retraites, le CPE ou d’autres débats !
    M. Bruno Sido. Il ne se passe rien ! Le débat n’a pas lieu ou alors il se réduit à un monologue de l’opposition, car nous n’entendons pas nos collègues. C’est fort dommage ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n’en ont rien à cirer ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Le Gouvernement, la majorité, la commission des lois font en quelque sorte preuve d’autisme.
    J’en viens maintenant aux enfants, puisque c’est le cœur du sujet. Cela a été rappelé, mais je le répète : les enfants ne sont pas des objets, ce sont les premiers concernés. Ils sont sensibles et les enfants adoptables, qui sont blessés, cherchent plus que les autres la normalité vis-à-vis de leurs camarades.
    Vous le savez, dans les collèges ou dans les lycées, c’est la dictature de la normalité : tout le monde est habillé de la même manière. (M. David Assouline s’exclame.) Bien sûr ! Et vous qui êtes professeur, monsieur Assouline, vous le savez mieux que quiconque : les enfants ne veulent pas se distinguer les uns des autres.
    Avec plusieurs de mes collègues, j’ai essayé de démontrer que l’adoption, nationale ou internationale, deviendrait impossible. Il ne reste que l’adoption de l’enfant du conjoint ou – et l’on revient toujours au même sujet – la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
    Margaret Thatcher...
    Mme Cécile Cukierman. Elle est morte !
    M. Bruno Sido. Feu Margaret Thatcher aurait dit : il n’y a pas d’alternative ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Permettre l’adoption pour les couples de même sexe aujourd’hui, c’est permettre la PMA ou la GPA demain.
    Vous n’êtes pas intervenue à ce sujet hier, madame le garde des sceaux. Je dois même dire que vous sembliez gênée. (Mme le garde des sceaux esquisse un geste de surprise.) Vous avez préféré parler du gruyère qui picotait plutôt que de cette question lourde ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) D’ailleurs, je précise, pour la bonne information de M. le rapporteur, que l’emmenthal ou le gruyère sont d’origine helvétique ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. le rapporteur ne m’écoute pas : il est en train de dormir, comme à son habitude ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dites des choses sensées !
    M. Bruno Sido. Madame le garde des sceaux, c’est maintenant qu’il faut nous dire la vérité.
    M. le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé le temps de parole qui vous était imparti !
    M. Bruno Sido. Monsieur le président, j’interromps donc mon intervention, mais je reprendrai la parole. En tout cas, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quel galimatias !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l’article.
    M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention s’inscrit dans le droit fil de celle de M. Sido.
    L’article 1er bis, dont nous commençons l’examen, découle de l’article 1er qui a été voté. C’est parce que nous savions que l’adoption serait consécutive à l’introduction du mot « mariage » que nous nous sommes battus, tous autant que nous sommes, pour tenter de lui substituer l’expression « union civile ».
    Par cet article, vous confirmez que vous voulez créer un droit à l’enfant au détriment des droits de l’enfant. Ce faisant, vous apportez une réponse à un désir exprimé par des adultes, désir presque physique des couples homosexuels d’avoir un enfant et de l’élever. Votre démarche est compréhensible, car il est normal que le politique essaie de répondre favorablement à un désir exprimé par des adultes.
    Si nous pouvons entendre ce souhait formulé par ces couples, ce désir a-t-il pour autant le droit de dépasser le droit de l’enfant ? À nos yeux, il ne saurait en être question : le désir exprimé par des adultes d’avoir un enfant ne peut primer le droit de l’enfant d’être élevé dans l’altérité sexuelle d’un père et d’une mère.
    J’entends déjà vos objections : les familles monoparentales, les enfants orphelins… Bien sûr, ces souffrances existent, elles ne nous échappent pas. Notre rôle à nous, pouvoirs publics, est de les soulager, de les accompagner, non de généraliser un problème. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
    Mes chers collègues de l’UMP, je tiens à vous saluer, parce que vous intervenez tous, certes dans l’itérativité, mais avec une conviction qui m’époustoufle. Je suis heureux de faire partie de ce groupe (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tant mieux !
    M. Jean-Pierre Leleux. … dont chacun des membres, avec sa personnalité, s’exprime dans cet hémicycle pour se heurter, me semble-t-il, non pas à une toile cirée, mon cher Bruno Sido, mais à un mur. Dans cette attitude, je discerne…
    M. Roger Karoutchi. Du mépris !
    M. Jean-Pierre Leleux. … de l’indifférence, parfois de l’ironie, souvent du dédain, voire, je le regrette, du mépris.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. De la consternation aussi !
    M. Jean-Pierre Leleux. Que se cache-t-il derrière ce ciment et derrière ce mur ? Je sais pertinemment que, parmi les gens de gauche, beaucoup sont extrêmement réticents devant ce texte.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, on en connaît tous !
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et chez vous, certains ne sont pas pour ?
    Mme Cécile Cukierman. Vous faites les débats et vous parlez pour nous !
    M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaite citer une philosophe que vous connaissez bien et qui, aujourd’hui, inspire mon respect par le courage dont elle fait montre. Loin de moi l’idée de l’instrumentaliser, elle m’en voudrait, mais je rappelle qu’elle parle d’« intoxication idéologique » : « En réalité, je pense qu’il y a énormément de gens de gauche qui sont extrêmement sceptiques sur ce projet. Je crois que le Gouvernement s’est fourvoyé en unissant d’entrée de jeu le mariage et l’adoption, ce qui constitue immédiatement les deux époux comme un couple parental. »
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Complètement fourvoyé !
    M. Jean-Pierre Leleux. Vous l’aurez deviné, il s’agit de Mme Sylviane Agacinski (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste), courageuse philosophe, qui inspire la pensée de gauche et dont je voudrais un jour qu’elle touche votre conscience pour que le ciment qui vous unit dans une discipline partisane se fissure et que vous ayez le courage de nous accompagner et de voter la suppression de cet article ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. François Zocchetto applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l’article.
    M. Gérard Bailly. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes là au cœur de ce projet de loi et nous abordons un thème qui m’attriste. Comme ma collègue députée Marie-Christine Dalloz, qui est issue du même département que moi, je considère que « la modification profonde de la filiation est bel et bien inscrite dans ce texte, même si le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’elle fera l’objet d’un autre texte, d’un autre débat – peut-être aurons-nous d’ailleurs réellement un débat au moment du projet de loi sur la famille. En effet, comme le mariage, la filiation est une notion essentielle du droit de la famille tel que nous le connaissons. Juridiquement, le mariage ouvre droit à l’adoption et demain, au nom de la même égalité qu’aujourd’hui, puisque nous sommes sur ce registre, à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes ».
    « Les désirs des individus ne sont pas constitutifs de droits ou de créances sur la société. Toute la partie du code civil relative à la filiation adoptive doit être lue au travers de ce principe d’interprétation et d’application. »
    C’est pour cette raison que je ne souhaite pas que soit instauré un droit à l’enfant, comme vous voulez le faire, même si un certain nombre de couples, homosexuels ou hétérosexuels, le souhaitent. Ce n’est d’ailleurs pas ce qui se passe dans les commissions d’agrément : ce n’est pas parce que les gens veulent des enfants qu’on leur délivre un agrément. Ainsi que je l’ai fait remarquer au cours de nos débats, donner des enfants aux couples homosexuels n’est pas la solution.
    Il est clair que le droit à l’enfant nie le droit de l’enfant. Un certain nombre d’entre vous, notamment les plus raisonnables, s’accordent pour donner la primauté au droit de l’enfant. Si vous êtes d’accord avec cette idée fondamentale, vous devez accepter d’inscrire dans la loi qu’il n’y a pas de droit à l’enfant et qu’il n’y en aura pas.
    Il est parfaitement compréhensible et respectable que les couples de même sexe aient un désir très fort d’enfant, mais il appartient à la société, à nous, législateurs, d’accorder la priorité au droit de l’enfant et de ne pas céder à ce fantasme, à cette attente, à ce désir, même s’ils sont compréhensibles. C’est le droit de l’enfant d’avoir un père et mère ; je pensais, mes chers collègues, que vous partagiez également ce point de vue.
    Il est surprenant que ce projet de loi ne parle jamais de l’enfant. C’est à l’opposition, et à elle seule, que l’on doit d’avoir ouvert la question centrale des droits sacrés de l’enfant. Est-ce bien le souci du Gouvernement, du ministre chargée de la famille ? Cela nous étonne.
    Vous prétendez que ce texte ne crée pas de situation nouvelle. Bien sûr que si ! Dès lors que le mariage sera autorisé pour deux personnes de même sexe, nous serons dans une situation nouvelle, parce que certains enfants vivront avec deux mères ou deux pères C’est une situation totalement nouvelle qui sera légalisée. Certes, elle existe aujourd’hui, mais elle n’est pas la règle. Or vous voulez en faire la règle de demain, voire permettre à ces couples d’obtenir l’adoption d’un enfant extérieur à eux-mêmes, ce que, en tant que président de conseil général, je n’acceptais pas.
    Dans ces conditions, nous devons accorder la priorité absolue au droit de l’enfant de vivre avec un père et une mère.
    Cette idée n’est pas d’ailleurs le monopole des hommes politiques et je ne rappellerai pas les propos de Mme Guigou qui ont déjà été cités. Il n’est qu’à lire l’analyse du pédopsychiatre Pierre Lévy-Soussan dans le Figaro Magazine du 5 novembre 2012.
    Mme Esther Benbassa. Ah ! Le Figaro Magazine !
    M. Gérard Bailly. Réaffirmer qu’il n’existe pas de droit à l’enfant, c’est donc faire usage du principe de précaution au regard de deux dérives : d’une part, les avancées technologiques, qui nous obligent à anticiper un phénomène de marchandisation des êtres humains, d’autre part, la filiation fictive via l’adoption que ce texte veut instaurer au titre du principe d’égalité.
    Or ce principe d’égalité qui vous aveugle nous conduira inéluctablement à la procréation médicalement assistée pour convenance – et non plus pour raison médicale – et à la gestation pour autrui, laquelle est contraire à la dignité de la femme.
    Mes chers collègues, je ne comprends pas que, de ce côté de l’hémicycle, nous soyons quasi unanimes à penser que l’adoption suppose un père et une mère et que, de l’autre côté, comme si un mur avait été érigé entre nous, personne ne pense que, comme nous, il faut un père et une mère à un enfant. Je n’arrive pas à comprendre un tel clivage politique sur ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Nous devons le dire haut et fort : chaque enfant a droit à un père et à une mère. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, sur l’article.
    M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas rédigé mon intervention à l’avance, parce que, sur un sujet aussi grave, il me semble que l’on peut parler avec son cœur, de façon simple et spontanée.
    Vous pensiez que, dans l’opinion publique, les thèmes que nous abordons dans le cadre de ce débat – le mariage, l’adoption, la PMA et la GPA – iraient decrescendo ; or, à mon avis, c’est le contraire qui se produit : les discussions iront crescendo. Hier, nous avons débattu du mariage, aujourd’hui, c’est de l’adoption qu’il s’agit, demain, il sera question de PMA et de GPA.
    Gérard Bailly a raison de parler de mur, mais, plus que d’un débat entre la droite et la gauche, je pense qu’il s’agit d’un débat avec notre conscience. Le point de fracture surgira lorsque nous aborderons la question de la PMA et de la GPA.
    Le débat ne doit pas se faire dans la rue. Il ne doit pas non plus être dans l’invective, comme on l’a vu à l’Assemblée nationale, où les discussions étaient trop politiques. Nous devons faire preuve de tolérance et parler.
    Je n’ai pas l’outrecuidance de décréter ce qu’il faut penser : je me pose des questions.
    La première interrogation s’est imposée à moi après l’audition de Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre de renommée internationale.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il y en a d’autres !
    M. Gérard Roche. Alors que je suis moi-même médecin neurologue, son intervention m’a beaucoup frappé. Il nous a expliqué que, quoi que l’on fasse, puisque l’enfant passait neuf mois dans le ventre de sa mère, il y avait dans la vie affective de celui-ci une asymétrie entre le père et la mère, asymétrie contre laquelle on ne pouvait pas lutter.
    Il explique qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel peut reporter cette asymétrie affective sur ses parents adoptifs. Mais que se passera-t-il, s’est-il demandé, dans le cas d’un couple adoptif homosexuel ? Qu’adviendra-t-il de cette asymétrie affective, et quelles en seront les conséquences pour l’enfant ?
    Je voulais vous faire part de cette interrogation, mes chers collègues, car, depuis que j’ai entendu ses propos et acheté son livre, je me pose vraiment des questions.
    Ma deuxième interrogation tient au fait que, en tant que président de conseil général, je signe des agréments d’adoption. De fait, je connais le parcours du combattant auquel les familles candidates doivent se livrer. Certaines doivent attendre cinq ou six ans.
    Pour 25 000 demandes courantes et 8 000 demandes supplémentaires chaque année, il n’y a environ que 5 000 enfants adoptés en France chaque année, dont 4 000 sont nés à l’étranger.
    Si l’adoption est ouverte aux couples homosexuels, les chiffres des demandes vont croître de manière exponentielle. En conséquence, certains couples hétérosexuels, à qui le destin n’a pas permis d’avoir des enfants, et qui devaient jusqu’à présent attendre cinq ou six ans, se verront peut-être définitivement privés de la possibilité d’adopter, car il n’y aura jamais assez d’enfants pour tout le monde.
    Et comme il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter, ce texte, en ouvrant l’adoption aux couples de même sexe, ouvre en réalité la porte au débat sur la PMA et la GPA.
    Or ces pratiques posent un véritable problème de conscience, en raison de notre culture et de nos convictions religieuses et philosophiques.
    C’est pourquoi je m’interroge et je vous invite, mes chers collègues, à vous interroger également.
    Je comprends parfaitement que l’on puisse être favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Je respecte cette position. Mais sachez que l’on ouvre ainsi inévitablement le débat sur la PMA et la GPA, avec à la clé des enjeux philosophiques et humains autrement plus importants. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l’article.
    M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons ouvert aujourd’hui avec le mariage et la filiation pose de nouveau, bien entendu, l’ensemble des questions relatives à la filiation elle-même, même si l’on voudrait nous convaincre que ce projet de loi peut être totalement séparé de ces implications.
    La GPA est peut-être un fantasme, mais la circulaire du 25 janvier 2013 de Mme le garde des sceaux visant à régulariser la situation des enfants nés d’une GPA à l’étranger semble contredire cette hypothèse.
    Mme Esther Benbassa. Cela n’a rien à voir !
    M. Pierre Bordier. Vous vous arc-boutez sur une dénégation, sans donner aucune preuve de la fermeté de votre conviction. Or votre position est loin d’être claire sur le sujet.
    Les choses sont assez simples : si, aujourd’hui, l’article 16-7 du code civil interdit la gestation pour autrui, il existe cependant, à l’avenir, un risque de sollicitations nouvelles et de pressions, au nom de l’égalité revendicative.
    Madame la ministre, si vous voulez vraiment couper court à ce que vous considérez être une suspicion infondée de notre part, vous avez là une très bonne occasion de le faire.
    Malheureusement, je me doute bien que vous n’en ferez rien, tant le lien entre mariage, adoption, PMA et GPA est évident, en raison des motivations mêmes de ce texte.
    Sur ce point, je partage donc l’avis d’Aude Mirkovic, qui n’est pas dupe et qui, dans son ouvrage Mariage des personnes de même sexe : la controverse juridique, affirme : « La filiation est l’essence même du mariage, comme en témoigne la présomption de paternité qui désigne le mari comme père. Un mariage sans filiation ne serait jamais qu’un sous-mariage. [...] Les personnes de même sexe ne pouvant procréer ensemble, et les enfants adoptables étant peu nombreux, le mariage, comme l’adoption, aboutira obligatoirement à l’insémination artificielle et à la fécondation in vitro pour des femmes fertiles, comme la gestation pour autrui pour des hommes eux aussi fertiles, les uns comme les autres refusant la relation sexuelle procréatrice. Le lien entre mariage et filiation est si évident que le projet gouvernemental comporte déjà, comme découlant ipso facto du mariage, la possibilité de l’adoption. Le lien avec la PMA est tout aussi évident.
    « En témoigne le fait que, avant même le début du débat parlementaire, des amendements visant à inclure l’assistance médicale à la procréation pour des femmes fertiles sont annoncés.
    « En outre, une fois admise la PMA pour les femmes, on voit mal comment pourrait être évitée la gestation pour autrui pour les hommes, c’est-à-dire “l’esclavage des mères porteuses”, selon l’expression de Sylviane Agacinski. La GPA est déjà réclamée ouvertement, car, sans elle, le projet de loi restera lettre morte en ce qui concerne les couples d’hommes. »
    Cette évolution a d’ailleurs déjà été anticipée par le garde des sceaux dans la circulaire de janvier 2013, qui régularise les naissances issues de GPA à l’étranger. Pour transcrire un acte de naissance étranger à l’état civil français, on cherche à connaître la manière dont la filiation a été établie ; dès lors que l’on autorise la transcription pour les enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui, on reconnaît implicitement celle-ci.
    Ainsi, non seulement cette circulaire permet l’octroi de certificats de nationalité, mais le juge admet aussi, de plus en plus, que les actes d’état civil puissent confirmer une GPA.
    Ainsi, c’est en bloc que nous nous opposons à ce projet, parce que mariage et filiation sont liés, mais aussi parce que PMA et GPA sont les conséquences inévitables de ces dispositions.
    Mes chers collègues, la discipline de vote dans un groupe politique comme le vôtre ne devrait avoir pour limite, comme dans le nôtre, que celle de votre conscience individuelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, sur l’article.
    M. Christophe Béchu. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour reprendre les mots de quelqu’un qui m’est cher : « Les enfants ont des droits, mais n’en sont pas. »
    Mme Hélène Lipietz. Ils ont aussi quelques devoirs !
    M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, j’aimerais à présent vous lire un texte,…
    M. Jean-Pierre Caffet. La Bible ?
    M. Christophe Béchu. … écrit par un juge des enfants, Jean-Pierre Rosenczveig.
    Ces mots ont été écrits non pas voilà dix ou quinze ans, au moment des débats sur le PACS, mais il y a quelques mois, et je crois utile de les porter à votre connaissance.
    « Il faut le dire clairement : on ne peut qu’être déçu et choqué de ce que la Gauche au pouvoir ne nous offre rien d’autre aujourd’hui que le texte avancé sur le mariage homosexuel et l’adoption par les couples homosexuels.
    « Promesse électorale certes – et encore certains contestent que tout l’engagement pris soit tenu –, mais c’est bien par le petit bout de la lorgnette que ce gouvernement aborde la question majeure pour tous les Français de la condition parentale et de la parentalité. Alors que la problématique est bien aujourd’hui, et depuis deux décennies, de clarifier les responsabilités au sein de la famille avec 2 à 2,5 millions d’enfants élevés par un adulte qui n’est pas leur parent biologique, on affiche comme priorité les revendications de quelques milliers de couples homosexuels ! Ce n’est pas être homophobe que de dire que le sujet n’est pas prioritaire et est maltraité. Bref, on doit y voir une illustration du danger des promesses électorales trop rapides et de la réponse aux intérêts d’un groupe de pression.
    « Plus grave, il y a bien longtemps que je n’avais pas eu le sentiment qu’on allait purement et simplement légiférer pour des adultes. Les enfants n’intéressent pas ceux qui nous gouvernent. D’ailleurs, il n’y a pas eu de ministère de l’enfance dans les gouvernements Ayrault – donc l’enfance n’est pas un objet de politiques publiques – et la jeunesse est reliée aux sports, ce à quoi nous avions échappé depuis quelques gouvernements ! »
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il n’y en avait pas avant non plus !
    M. Christophe Béchu. « J’entends que les homosexuels veuillent faire consacrer leur union comme les hétérosexuels : après tout le mariage est un contrat et une institution. Pourquoi leur en refuserait-on l’accès ? Reste à terme une difficulté à régler – et gouverner c’est prévoir ! – : comment, demain, refusera-t-on à un frère et une sœur qui s’aiment la possibilité de se marier quand on aura déjà fait tomber le tabou du mariage homosexuel ? Passons. »
    Mme Cécile Cukierman. C’est limite !
    M. Jean-Jacques Mirassou. C’est nul !
    M. Christophe Béchu. « En revanche, l’adoption est plus problématique et ne s’impose absolument pas aujourd’hui. Déjà, on sait que les homosexuels seront payés en monnaie de singe. Et ils le savent. Pragmatiquement, peu d’enfants de France délaissés sont adoptables et on s’en réjouira, car c’est la preuve que l’immensité des enfants sont ici désirés, que le statut de la femme célibataire et les aides apportées aux jeunes parents permettent d’élever un enfant. »
    J’escamote le passage sur l’adoption internationale et je poursuis la citation : « En vérité, dans le projet de loi, c’est bien l’adoption de l’enfant du “conjoint” qui est visée et en arrière fond une question “politique” majeure sur la filiation s’esquisse. Car en détachant la filiation de la maternité et de la paternité, on touche au système de filiation et d’organisation sociale. […]
    « Le nœud gordien implicite du débat actuel est bien celui de la reconnaissance d’un droit à l’enfant […] à travers les procréations médicalement assistées. C’est tellement vrai que le Gouvernement qui se veut responsable refuse de mettre le doigt dans un engrenage non maîtrisé.
    « Reste que dans ce débat, tel qu’il est ou tel qu’il est annoncé, on s’inscrit plus que jamais dans un débat d’adultes, nullement dans la prise en compte des besoins de l’enfant né ou à naître. On peut même en arriver à présenter implicitement l’enfant comme un objet de désir, voire comme un produit qu’on fabriquerait à la demande pour satisfaire des besoins identitaires. Quelle régression !
    « […] Les enfants d’aujourd’hui ont droit à un exercice clair de leurs responsabilités par les adultes qui les environnent. Si le couple devient très stable, on peut imaginer une délégation d’autorité parentale partielle du parent ayant à charge l’enfant à son compagnon ou compagne [avec la création d’un statut du tiers], solution qui offrirait [au Gouvernement] une sortie honorable et positive aux yeux de tous les Français, jeunes et moins jeunes. »
    Mes chers collègues, ces mots émanent non pas d’un sénateur de l’UMP, ni d’un catholique intégriste, ni de ceux que vous voudriez dépeindre comme les seuls adversaires du texte que vous nous présentez, mais d’un homme de gauche, qui considère que les droits de l’enfant doivent primer les droits des adultes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, sur l’article.
    M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, je voudrais m’adresser à nos collègues de gauche pour leur dire que je prends leur texte extrêmement au sérieux. Il s’agit en effet, pour eux, d’un texte fondateur, et cet article l’est également.
    Je comprends pourquoi les chefs de file de la gauche sénatoriale, après ceux de l’Assemblée nationale, ont voulu soumettre leurs troupes à une discipline de fer. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Il n’y a pas de « discipline de fer » !
    M. Hugues Portelli. Ce texte vise en effet à vous donner une nouvelle base idéologique, à vous enraciner dans une conception individualiste et post-familiale de la société.
    Mme Cécile Cukierman. Il faut changer de logiciel !
    M. Hugues Portelli. Force est de reconnaître que vous le faites de façon extrêmement efficace.
    Bien sûr, sur le plan juridique, c’est un peu bricolé : quand on compare, article par article, le code civil et les greffes que vous tentez d’y faire prendre, on s’aperçoit que votre projet ne tient pas parfaitement la route. Vous aurez assurément droit, au minimum, à de substantielles réserves interprétatives du Conseil constitutionnel sur la plupart des articles de ce texte.
    Mais vous en ferez votre affaire, puisque votre but principal est de poser les fondements d’une nouvelle structure culturelle et idéologique.
    Vous avez agi de la même manière sur le plan social : vous savez très bien que la classe ouvrière, c’est fini,…
    M. Marc Daunis. Et les maîtres de forges ?
    M. Hugues Portelli. … que le socialisme à l’ancienne, c’est fini, et qu’il vous faut fabriquer quelque chose d’autre, en vous enracinant auprès des nouvelles classes moyennes des villes.
    Mme Cécile Cukierman. C’est M. Wauquiez qui n’arrête pas de parler des classes moyennes !
    M. Hugues Portelli. Vous faites aujourd’hui la même chose sur le plan culturel.
    Je ne vous cacherai pas que, pour nous, c’est un vrai défi, car nous ne pouvons plus nous contenter de vous opposer la défense de la famille, de la culture et de la religion traditionnelles. Nous devons être beaucoup plus efficaces que cela !
    Nous avons commencé à le faire. Vous avez d’ailleurs pu constater que nous n’étions ni complètement ignares ni complètement débiles : nous vous avons proposé des alternatives, que vous avez rejetées, à juste titre, puisque votre but est d’envoyer un message idéologique clair à votre nouvelle base électorale potentielle.
    Mme Cécile Cukierman. Qu’avez-vous contre les idéologies ?
    M. Hugues Portelli. Nous avons donc commencé à travailler, mais il est vrai que nous ne sommes pas tout à fait au point, car, sur ce sujet, nous sommes meilleurs dans la bataille défensive que dans la bataille offensive.
    Je vous rassure toutefois, chers collègues de la majorité, nous avons deux atouts.
    Premièrement, votre fameuse base est animée d’une contradiction interne. Ce texte vous permet certes d’afficher, d’une certaine manière, une cohérence culturelle nouvelle. Toutefois, les classes populaires nouvelles des villes, que vous chérissez, et à qui vous voulez accorder le droit de vote pour celles d’entre elles qui ne l’ont pas encore, ne vous soutiendront jamais dans ce domaine. Croyez-moi, nous sommes quelques-uns sur ces travées, maires de banlieue, à bien les connaître.
    Elles sont venues nous voir et nous ont demandé de résister, coûte que coûte, car ce texte ne correspond pas à leur conception de la famille ni de la société. Pour elles, il s’agit d’un signe de décadence ! (Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Ces classes moyennes-là, elles ne seront jamais à vos côtés !
    Mme Cécile Cukierman. C’est vraiment de la sociologie de comptoir ! Une caricature !
    M. Hugues Portelli. Vous pouvez très bien vous fabriquer un nouveau socle idéologique, vous disposez de la majorité politique pour ce faire, à défaut d’avoir la majorité morale. Toutefois, ce n’est pas avec ce genre de texte ou de dispositif que vous conserverez une majorité durable dans le pays !
    Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, nous savons très bien, d’autres l’ont dit avant moi, que le dispositif que vous mettez en place, qui repose sur trois articles bâclés, ne marchera jamais !
    M. Marc Daunis. Nous verrons bien !
    M. Hugues Portelli. Il est fait pour ça : ne jamais marcher ! Son seul but est de permettre de passer à ce que vous voulez vraiment, mais que vous avez été obligés de mettre de côté pour le moment, à savoir la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. C’est cela que vous voulez ! Et pour cela, il vous faut d’abord démontrer que le système de l’adoption ne marche pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, sur l’article.
    M. Philippe Darniche. Mes chers collègues de la majorité, je sais que vous souhaitiez voir le débat s’accélérer après l’adoption de l’article 1er, qui constitue véritablement le squelette de ce projet de loi. Je l’ai d’ailleurs entendu dire hier, sur l’antenne de Public Sénat, par le rapporteur, Jean-Pierre Michel. Je considère pour autant que le débat n’est pas clos !
    Vous n’intervenez à aucun moment pour répondre à nos observations ; nous continuerons néanmoins à dénoncer le mensonge d’État qui caractérise ce projet de loi.
    Égalité, égalité, égalité…Vous n’avez que ce mot à la bouche !
    M. Marc Daunis. C’est un beau mot !
    M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne l’aimez pas, ce mot !
    M. Philippe Darniche. Qui plus est, vous en avez une interprétation biaisée.
    Toujours est-il que, si, au nom d’une sacro-sainte égalité érigée en modèle par le Gouvernement et sa majorité, vous autorisez le mariage homosexuel et l’adoption, alors, d’une part, les couples lesbiens vont demander la PMA au nom de la non-discrimination entre couples hétérosexuels et couples de même sexe – des amendements ont déjà été déposés en ce sens –, et, d’autre part, les couples homosexuels vont demander la GPA au nom de la non-discrimination entre couples lesbiens et homosexuels !
    À ce jour, la loi interdit la gestation pour autrui et circonscrit l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation aux seuls couples dont l’infertilité est d’origine médicale.
    Une entorse à ces principes entraînerait des conséquences en cascade, contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine : organisation par la loi de la conception d’enfants privés de père ou de mère, violation des lois fondamentales de bioéthique qui ne peuvent être modifiées sans un large débat préalable et, en cas de GPA, atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d’indisponibilité du corps humain.
    Aujourd’hui, un couple d’hommes peut recourir à la GPA, autorisée dans certains pays. On peut choisir sur catalogue les gamètes d’une femme et trouver une mère porteuse. Il existe déjà, dans certains pays en développement – en particulier en Inde – un véritable trafic dans l’exploitation des mères porteuses. Vous le savez !
    Lors des auditions, Claire Neirinck, professeur à l’université de Toulouse, nous disait ceci : « Si vous autorisez la GPA, il devient inutile de réformer l’adoption, car plus personne n’adoptera. Pourquoi s’embêter à demander un agrément et à attendre cinq ans pour avoir un enfant […], alors qu’avec la GPA, vous avez l’enfant qui vous convient ? Et s’il a une anomalie, il suffira de faire avorter la mère porteuse… »
    Mme Hélène Lipietz. N’importe quoi !
    M. Philippe Darniche. Il en ira de même si les parents sociaux abandonnent leur projet parental, leur désir d’enfant, s’ils se rétractent au cours de la grossesse.
    Ces réalités, qui existent à l’étranger, sont à nos portes ! Est-ce le monde que nous voulons ? En tout cas, ce n’est pas celui que mon cœur souhaite.
    Autoriser l’adoption d’enfants conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait, in fine, à légitimer et à légaliser ces pratiques.
    Or, madame le garde des sceaux, que vous le vouliez ou non, faciliter l’accès à la nationalité française des enfants conçus par GPA à l’étranger, comme vous l’avez fait par circulaire, revient à entretenir le raisonnement selon lequel ce qui est interdit en France ne l’est pas à l’étranger et qu’il est donc possible de contourner la loi.
    À l’heure de la dénonciation des niches fiscales partout dans le monde, l’encouragement de l’exploitation des femmes hors de nos frontières sonne comme une violence faite à l’honnêteté intellectuelle.
    Mme Cécile Cukierman. Que d’amalgames !
    M. Philippe Darniche. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même, surpris de ne pas vraiment percevoir les consciences individuelles s’exprimer au travers de vos avis, continuerons à nous battre. Cet article n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais faire trois remarques à partir des grandes thématiques que vous avez développées au cours de vos interventions.
    Premièrement, nous pouvons nous réjouir de la tenue de ce débat – et remercier les homosexuels – grâce auquel nous revisitons l’ensemble du droit de la famille : statut du beau-parent, nouvelles filiations, réforme de… (Un brouhaha persistant sur les travées de l’UMP couvre la voix de Mme la ministre déléguée.)
    Manifestement, cela ne vous intéresse pas ! Vous souhaitez que l’on vous réponde, que l’on tienne un débat « constructif » et, quand on aborde le fond, cela ne vous intéresse pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. Charles Revet. Nous vous écoutons !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. M. Gélard a évoqué, avec beaucoup de justesse, la question de l’adoption. Au regard des évolutions sur lesquelles je reviendrai dans un instant, il est légitime de s’interroger sur une véritable réforme de celle-ci : réduction de l’adoption internationale, existence d’un droit spécifique français se partageant entre adoption simple et adoption plénière, situation des enfants ayant quitté leur famille biologique – M. Gélard l’a rappelé –, dans laquelle ils ne retourneront pas, mais qui ne sont pas adoptables. Ces derniers vont souffrir d’une forme d’errance affective, de famille d’accueil en famille d’accueil, de foyer en foyer. Vous qui êtes tant attachés à l’intérêt supérieur de l’enfant, comment pouvez-vous supporter une telle situation ?
    Ces questions devraient faire l’objet d’une loi sur la famille, mais, je l’ai dit et je le redis, tant que des familles, tant qu’une partie de nos concitoyens n’ont pas les mêmes droits ni les mêmes devoirs, comment pourrions-nous parler de réforme ? Nous devons d’abord donner à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs !
    Il s’agit du principe même de l’égalité. Que cela vous déplaise et que vous préfériez parler d’équité, c’est votre affaire ! Nous, nous préférons parler d’égalité !
    Le temps viendra d’une grande loi sur la famille qui s’adressera indifféremment aux familles hétérosexuelles et homosexuelles et qui permettra d’aborder ces questions de nouvelles filiations dans leur grande diversité, qu’il s’agisse de l’accès aux origines ou du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle. Cette question fait partie des réflexions en cours.
    Je suis pour un ministère de l’enfance. J’irais presque jusqu’à dire que je rejoins, au moins sur ce point, Jean-Pierre Rosenczveig. Depuis des décennies et des décennies, l’enfant est perçu à travers des catégories différentes : écolier, collégien, délinquant ou, malheureusement, malade. Il a été scindé en différents tronçons sans aucune réflexion globale. Pourquoi ne pas me soutenir dans ma demande de création d’un ministère de l’enfance ? Il s’agirait d’une petite révolution !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Chiche ! Pourquoi ne pas le faire à l’occasion du prochain remaniement ? D’ailleurs, cela ne saurait tarder… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Absolument ! Je vous prends au mot, monsieur Raffarin. Chiche ! Faisons en sorte qu’il y ait un véritable ministère de l’enfance dont nous définirions ensemble les contours.
    Deuxièmement, vous nous accusez d’être dans l’hypocrisie, le mensonge, sur la question de l’adoption. N’est-ce pas plutôt vous qui ne connaissez pas la réalité des familles homoparentales ? Vous me voyez désolée de vous le rappeler, mais, aujourd’hui, entre 30 000 et 300 000 enfants vivent déjà dans des familles homoparentales ! Pour ces derniers, l’adoption par le deuxième parent, qui ne dispose aujourd’hui d’aucune reconnaissance juridique, apportera une véritable sécurisation juridique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    J’entends dire que la loi permet déjà de répondre à ces situations. Mais si tel était le cas, pourquoi, au sein des familles recomposées, les beaux-parents s’acharneraient-ils à obtenir un véritable statut qu’ils ne possèdent pas ? Et pourquoi, dans le même temps, réclamez-vous l’instauration d’un statut du beau-parent ? Il y a là une contradiction ! Cela revient à dire que la situation est satisfaisante pour les familles homoparentales et qu’il faudrait, pour les familles recomposées, créer un statut du beau-parent ou du tiers !
    Nous sommes face à un vide juridique. Les familles homoparentales attendent, grâce à l’adoption par le deuxième parent – ou parent social, si vous le souhaitez –, la mise en place d’une véritable reconnaissance juridique, c’est-à-dire une sécurisation, une protection juridique des enfants présents dans ces familles.
    Arrêtez de prendre les homosexuels pour des sots ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
    M. Philippe Bas. Nous n’avons jamais dit cela !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Quand vous dites que l’on va laisser croire à ces enfants qu’ils sont nés de deux pères ou de deux mères, c’est une insulte !
    Lorsque vous laissez croire que les homosexuels attendent tout de l’adoption internationale, pensez-vous qu’ils ne sachent pas lire les chiffres comme vous ? Ceux qui demanderont un agrément pour adopter à l’international seront placés exactement dans les mêmes conditions juridiques et sociales que les autres couples hétérosexuels !
    J’ai entendu des choses, à propos de l’adoption, qui n’étaient pas tout à fait justes. En revanche, il est vrai que les chiffres, en matière d’adoption internationale, ont été divisés par deux entre 2006 et 2011 : nous sommes passés de 4 000 adoptions à un peu moins de 2 000.
    Toutefois, le nombre d’enfants adoptables au niveau national est quasi stable, voire progresse légèrement : 698 enfants en 2006 et 761 en 2011.
    La réflexion peut porter sur l’adoption internationale. À ce titre, laisser croire que les pays qui se sont déjà engagés dans l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ont vu les adoptions se raréfier est une idée fausse, que ce soit en Belgique, aux Pays-Bas et, plus encore, en Espagne.
    Dans ce dernier pays, depuis 2006 ont eu lieu près de 160 adoptions par des couples homosexuels. Aujourd’hui, l’Espagne est le troisième pays d’accueil d’enfants adoptés, passant devant la France. Ce fait doit nous amener à nous livrer à une véritable réflexion sur ce qu’est devenue l’adoption internationale, afin de mieux informer les parents qui veulent adopter, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.
    Les services de l’adoption du ministère des affaires étrangères n’ont pas trouvé un seul État qui ait pris des mesures de rétorsion à l’égard de couples hétérosexuels souhaitant adopter et qui leur ait refusé l’accès à des enfants adoptables au motif que leur pays a voté une loi relative au mariage de couples de même sexe.
    Cessez donc de faire croire, d’une part, à tout un chacun, que les homosexuels pensent pouvoir adopter très facilement à l’international, et, d’autre part, aux familles hétérosexuelles adoptantes, qu’elles ne pourront plus adopter ou que l’adoption se raréfiera en raison de la voie que nous suivons.
    Troisièmement, j’en viens à l’intérieur supérieur de l’enfant. Il se résume, tel que vous le concevez et si j’ai bien compris, à avoir un père et une mère.
    M. Charles Revet. Personne ne peut dire le contraire !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Toutefois, en raisonnant ainsi, vous mettez de côté les célibataires qui peuvent adopter aujourd’hui. Si vous êtes cohérents, il faut supprimer cette faculté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Esther Benbassa. Bravo !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Non, car il y a une règle générale et des variantes !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les familles monoparentales et leurs enfants apprécieront…
    M. Henri de Raincourt. Vous êtes méchante !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je le répète, vous partez du principe qu’il suffit d’être un géniteur ou une génitrice pour devenir d’emblée un père ou une mère.
    M. Henri de Raincourt. Non, on le sait !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh bien, c’est beaucoup plus compliqué que cela, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    L’intérêt supérieur de l’enfant ne se résume pas à la conception. Il faut ensuite prendre en compte l’aspect éducatif, affectif, environnemental, qui n’a rien à voir avec la sexualité des parents qui élèvent des enfants. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
    M. Charles Revet. Nous vivons dans deux mondes différents !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Et prenez garde ! Des femmes ont suffisamment réclamé que le père s’occupe des enfants, y compris dans leur plus jeune âge. Certains pères sont d’ores et déjà en train de materner. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Henri de Raincourt. On le sait !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Vous mélangez tout !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. De même, certaines mères sont peut-être en train de « paterner ».
    M. Jean-Pierre Raffarin. Quelle confusion idéologique !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’évolution est telle que la sexualité des parents n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt supérieur de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Alain Gournac. Si !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous nous parlez sans cesse d’« altérité », depuis je ne sais combien de journées…
    M. Bruno Sido. Depuis quelques jours seulement !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cependant, l’altérité d’un enfant se conçoit-elle seulement en fonction de l’image masculine et féminine qu’il aurait chez lui ?
    Mme Françoise Férat. Cela aide !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’en conviens, cela va peut-être l’aider. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Peut-être !...
    M. Bruno Retailleau. Et c’est la ministre chargée de la famille qui parle ainsi !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Retailleau, je suis la ministre de toutes les familles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne le dirait pas !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens à le dire, ces enfants qui vivent dans des familles homoparentales ont des grands-parents, des cousins, des cousines. Par conséquent, ils savent très bien ce qu’est l’altérité.
    M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas pareil !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous ne pouvez pas réduire l’altérité à la seule question d’avoir un père et une mère – ou alors, je le répète, les familles recomposées, monoparentales, sont aussi pour vous des victimes.
    J’ai bien compris que la PMA et la GPA étaient votre leitmotiv. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Eh bien, je vais vous parler de la GPA. Je ne vous fais pas l’insulte de ne pas avoir compris les propos tenus par le Président de la République, qui étaient d’une clarté absolue,…
    M. Jean-François Husson. Cela dépend des jours !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … lors de son intervention télévisée. Il a affirmé que le débat sur le GPA ne serait pas ouvert pendant son quinquennat.
    M. Charles Revet. Il a dit qu’il n’en serait pas question pendant son quinquennat !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaite vous rendre attentifs à un élément. Vous parlez de GPA à l’égard des homosexuels.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Et alors ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Or ce sont des couples hétérosexuels, et non des couples homosexuels, qui, en premier, ont eu recours à la GPA. Ne mettez pas sur le dos des homosexuels toutes les réelles interrogations de notre société. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. C’est votre texte qui a cet effet !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous voulez un débat serein. Nous aussi !
    Je souhaite citer certains de vos propos relatifs au Gouvernement. « Vous bidouillez », avez-vous dit.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je confirme !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. « Vous mentez. »
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et vous avancez masqués !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. « Vous êtes des marchands d’illusions. » (Oui ! sur les travées de l’UMP.) « Vous êtes irresponsables. » (Oui ! sur les mêmes travées.) « Vous êtes hypocrites. » (Oui ! sur les mêmes travées.) Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vous ridiculisez ! (Non ! sur les mêmes travées.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous aussi !
    M. David Assouline. On n’est pas au cirque !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. « Vous êtes décadents. »
    Certes, vous êtes dans votre rôle de membres de l’opposition et, nous, nous avons le cuir tanné. Toutefois, pensez aux homosexuels et aux enfants qui vivent dans des familles homoparentales et qui entendent les propos suivants : « Ces enfants troublés par l’inconnu de leur naissance » ! Mettez-vous à leur place !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est vrai !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pensez-vous un seul instant qu’ils ignorent d’où ils viennent ?
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Justement !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les deux remarques que je vais formuler maintenant s’adressent indifféremment aux hétérosexuels et aux homosexuels. L’enfant n’est pas un remède pour les couples.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Jean-Pierre Raffarin. Précisément !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’enfant n’est pas un bien de consommation. Il n’est pas un objet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Or vous pointez du doigt les familles homoparentales et vous leur dites : « Vous, familles homoparentales, vous considérez l’enfant comme un objet ou comme un bien de consommation. » C’est très choquant ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez rien compris au débat !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous invoquez le double traumatisme de ces enfants, leurs carences affectives. Mais qu’en savez-vous ? Avez-vous su les entendre lorsqu’ils ont été auditionnés ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Quant à la « normalité », ils apprécieront…
    Je vous le dis franchement, vous faites preuve au pire d’un manque de respect, au mieux d’une méconnaissance des projets parentaux des familles homoparentales.
    M. René-Paul Savary. Vous mélangez tout !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il serait bien de commencer par respecter…
    M. Alain Gournac. La République !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … la force des projets parentaux qui animent souvent les familles homoparentales. Si vous voulez un vrai débat, avec de réels échanges, je vous invite à faire preuve d’un peu plus d’humilité et de modestie vis-à-vis des familles homoparentales et de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Maintenant, on va aller de citation en citation !
    M. David Assouline. Un peu de respect !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que cette ambiance me rajeunit. Elle est en effet assez potache ! Elle nous renverrait presque aux premières années du collège, si le sujet n’était pas extrêmement grave.
    M. Charles Revet. Nous sommes d’accord !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, permettez-moi de vous le dire, il arrive à certains d’entre vous de tenir des propos regrettables et tristes, qui ne contribuent à renforcer ni le lien social ni le pacte républicain.
    Ne cherchez pas à diviser le Gouvernement sur ce dossier.
    M. Alain Gournac. Il y arrive tout seul !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D’autres ministres s’en chargent !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En chahutant la ministre chargée de la famille et en faisant croire que vous m’accueillez avec plus de cordialité qu’elle, ne croyez pas que vous allez introduire la moindre division au sein du Gouvernement, qui est profondément soudé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Le texte que nous étudions correspond à un engagement du Président de la République, avec lequel nous faisons corps, et nous essayons de le soutenir avec la plus grande dignité possible.
    Mme la ministre chargée de la famille a répondu à certaines des questions posées, notamment à celle qui concerne l’altérité sexuelle.
    L’altérité ne s’enferme pas, en quelque sorte, dans le couple. Quel qu’il soit, l’autre est l’autre. L’altérité sexuelle n’est donc qu’une forme de l’altérité. C’est le nom que vous donnez, abusivement d’ailleurs, à la simple complémentarité sexuelle pour l’engendrement.
    L’altérité authentique, c’est autre chose : c’est l’autre tel qu’il est, dans son individualité, sa singularité, son intégrité humaine. C’est cette altérité-là qui nous préoccupe. Nous pensons qu’elle n’est pas fragilisée par l’ouverture de l’institution du mariage aux couples de même sexe. Au contraire, nous en élargissons l’univers.
    Monsieur Revet, je ne me fais aucune illusion : quelles que soient les réponses que nous vous apportons, vous posez en boucle les mêmes questions. Nous ne sommes pas dépaysés. Nous avons affronté cet exercice pendant une quinzaine de jours à l’Assemblée nationale : après la vingt et unième réponse à la même interrogation, les députés, relisant les mêmes fiches, nous reposaient exactement la même !
    M. Charles Revet. Moi aussi, je vous reposerai la même question si vous ne me répondez pas !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il fut question de PMA, de GPA, voire de clonage, même si ce dernier thème n’a pas prospéré. Peu importaient les réponses : pour les députés, l’essentiel était de faire durer les débats.
    M. Roland Courteau. C’est exactement ça !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour cela, vos collègues de l’opposition à l’Assemblée nationale ont déposé des milliers d’amendements tendant à la suppression de toute une série d’articles du code civil.
    M. Henri de Raincourt. Pas nous !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous en donne acte, monsieur le sénateur. Si ces amendements avaient été adoptés, le code civil aurait fondu. Toutefois, nous avons veillé à son intégrité.
    Vous avez posé des questions sur la PMA et sur la GPA. Nous vous avons répondu. Le périmètre du présent texte est clair, précis : il concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.
    « Tout aurait été tellement plus simple si vous vous étiez arrêtés au mariage », a fait remarquer M. Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. À l’union civile !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Lenoir, il faut faire votre deuil de l’union civile ! Que ce soit douloureux, je peux en convenir, voire compatir, mais le Sénat a adopté l’article 1er du présent projet de loi !
    M. François Rebsamen. Avec vingt-deux voix d’écart !
    M. Bruno Sido. Il y aura une deuxième lecture.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Or, monsieur Lenoir, de la rédaction du code civil, il résulte que le mariage emporte l’adoption. Le fait d’être marié ouvre le droit à l’adoption pour les couples hétérosexuels et homosexuels.
    Si nous n’étions pas allés au-delà du mariage, la préoccupation que vous exprimez avec insistance, monsieur Revet, aurait eu une réalité.
    M. Charles Revet. Mais en cas de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, que va-t-il advenir ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai entendu la question, puisqu’elle a été sans cesse posée, malgré les réponses apportées.
    M. Charles Revet. Non, vous ne répondez pas !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais vous répondre, si vous me le permettez. Cela ne vous empêchera probablement pas de reposer cette même question, et je vous répondrai d’ailleurs de nouveau !
    La Cour européenne des droits de l’homme pourrait être fondée à prendre une décision à l’encontre de la France, lui reprochant, alors qu’elle ouvre l’institution du mariage, de l’amputer d’une conséquence du mariage inscrite dans le droit français.
    M. François Rebsamen. Très bien !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La Cour pourrait invoquer une discrimination entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Par conséquent, c’est votre proposition à vous qui pourrait tomber sous le coup de la censure de la Cour européenne des droits de l’homme. (Bien sûr ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. Bruno Sido. C’est certain !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous interrogez sur la PMA et la GPA. (Brouhaha sur les travées de l’UMP.) Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas terminé !
    M. Jean-Claude Lenoir. Et l’union civile ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai déjà évoqué le risque que nous courrions si nous obtempérions à vos suggestions présentées avec itération.
    M. Charles Revet. Il y a donc bien un risque !
    M. Bruno Sido. Pas un risque, une certitude !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai répondu partiellement à votre question, car celle-ci mérite que nous allions plus loin.
    Vous voudriez savoir, notamment, quelles seraient les conséquences de la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme. Ne nous contraindrait-elle pas à ouvrir la PMA et la GPA ?
    Je vous ferai une première réponse presque factuelle : la France n’est pas le premier pays européen à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe. Que je sache, l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal sont dans ce cas !
    À partir du moment où ces couples sont autorisés à se marier, la Cour européenne des droits de l’homme peut-elle imposer la PMA et la GPA ? Telle est la question, madame Des Esgaulx, quelle que soit la différence de législation entre les pays !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, c’est cela !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous le répète, ce serait déjà arrivé dans les pays que je viens de citer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Charles Revet. Cela peut encore arriver !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Peut-être, mais il se trouve que ce n’est pas arrivé ! Et la raison en est simple. Pour la connaître, il suffit de se référer aux propos de M. Gélard sur les engagements de la France au travers des conventions bilatérales et multilatérales, ainsi que sur les risques éventuels en découlant. Comme je l’ai rappelé, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé sans équivoque en 2010 que ces questions relevaient des législations et des autorités nationales.
    Souvenez-vous des contestations qui se sont exprimées fortement dans un certain nombre de pays, y compris en Espagne, qui est l’avant-dernier pays à avoir protesté dans la rue. La Cour suprême espagnole a été saisie en 2005 et a rendu sa décision récemment, à la fin de l’année 2012, après mûre réflexion. Or elle a considéré que cette disposition était tout à fait conforme à la Constitution du pays.
    Évidemment, ceux qui ont saisi la Cour suprême de l’Espagne auraient aussi porté un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme s’ils pensaient que cette saisine avait des chances de prospérer.
    M. Roland Courteau. Évidemment !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sept ans plus tard, ils ne l’ont toujours pas fait ! Pour quelle raison ? Parce que le droit comme la jurisprudence montrent très clairement que la Cour européenne des droits de l’homme n’a aucun fondement juridique pour imposer l’ouverture de la PMA. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Il incombe aux pays de le faire s’ils le souhaitent.
    Le texte qui nous est soumis concerne, je le rappelle, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.
    Sur la PMA, Mme la ministre déléguée chargée de la famille vous a répondu – comme à des enfants au collège, oserais-je dire, car on retrouve parfois cette ambiance dans l’hémicycle –, je ne sais combien de fois, qu’elle est chargée d’un projet de loi sur la famille et sur la filiation et que cette question sera traitée.
    L’un d’entre vous nous a demandé pourquoi nous n’avons pas tenu compte de l’avis du Conseil consultatif national d’éthique, le CCNE. Je crois que c’est M. Revet…
    M. Roland Courteau. C’est lui !
    M. Charles Revet. Ce n’est pas moi !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, cela ne vous ressemble pas, monsieur Revet.
    M. Charles Revet. Je partage néanmoins ces idées ! (Sourires.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne vois pas ce que le Conseil consultatif national d’éthique vient faire ici, alors que nous discutons de l’état des personnes figurant dans le code civil !
    Par conséquent, le Gouvernement n’avait aucune raison de se préoccuper ni de saisir le Conseil. D’ailleurs, ce dernier ne s’est pas autosaisi de cette question, alors qu’il l’a fait pour la PMA – plus exactement l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, dans notre droit en vigueur –, qui figure dans le code de la santé publique et qui vise à apporter une assistance aux couples hétérosexuels, mariés ou non.
    La PMA n’étant pas liée au mariage, pourquoi faudrait-il absolument débattre de la PMA, une pratique que l’Union européenne, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’homme, serait censée nous imposer ? Pourquoi ce sujet serait-il inévitable ? La meilleure preuve qu’il ne l’est pas, comme je l’ai indiqué lors de ma première intervention à la tribune, c’est que les pays peuvent s’en saisir.
    En outre, ceux qui ont ouvert le droit au mariage et à l’adoption…
    M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas partout la même chose !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’en conviens, monsieur le sénateur, mais écoutez au moins la fin de ma phrase, au lieu de répéter sans cesse la même chose.
    Je disais donc que les pays qui ont ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe n’ont pas tous autorisé la PMA. Ceux qui l’ont fait ont eu recours à deux textes de lois distincts, dans la plupart des cas un texte de bioéthique et, pour les Pays-Bas par exemple, un projet sur l’égalité de traitement.
    D’autres pays ont même permis la PMA aux couples de femmes homosexuelles ou célibataires sans ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe. C’est bien l’illustration que le mariage et la PMA peuvent être traités séparément. Consentez enfin que nous avancions dans le débat en procédant de la sorte !
    M. Bruno Retailleau. Nous n’avons pas la même lecture des décisions européennes !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Premier ministre, quant à lui, a clairement indiqué que la PMA ferait l’objet d’un texte relatif à la famille et aux modes de filiation et que le Gouvernement, avant d’aviser, attendrait le rapport du Conseil consultatif national d’éthique, qui s’est autosaisi. Or ce document serait disponible, selon le CCNE, au dernier trimestre 2013, probablement au mois d’octobre prochain.
    Monsieur Bordier, vous évoquez la circulaire qui, selon vous, vise à attribuer la nationalité française à des enfants nés de la GPA et à transcrire leur identité à l’état civil.
    Je me dois, à ce stade, de vous apporter une information qui a pu vous échapper, encore que j’ai eu à l’expliquer onze fois exactement à l’Assemblée nationale ; c’est ainsi que se déroule ce débat : plus nous répondons et plus la question revient !
    M. André Reichardt. Vous ne vous êtes pas expliquée ici !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai bien l’intention de le faire, monsieur Reichardt ; je pense d’ailleurs que le Sénat compte parmi ses membres ce que l’on appelle un peu trivialement des leaders d’opinion, qui veilleront à ce que vous ne vous livriez pas au même type d’exercice que les députés.
    À qui s’adresse ladite circulaire ? Aux parquets généraux pour attribution, aux parquets pour information et aux greffiers pour exécution, car, en ma qualité de garde des sceaux, c’est à eux que je peux m’adresser.
    Cette circulaire demande aux greffiers de ne pas faire opposition à la délivrance du certificat de nationalité à des enfants pour lesquels ils auraient un doute quant à la naissance par suite d’une GPA.
    La situation réelle est la suivante. Les enfants obtiennent la nationalité par filiation, en vertu de notre code civil. Des enfants français naissent à l’étranger de couples français et s’adressent au consulat, qui enregistre leur état civil et le transmet, afin qu’il soit transcrit sur le registre national d’état civil. Des dizaines de milliers d’enregistrements de naissances d’enfants français à l’étranger sont ainsi effectués chaque année.
    Or il arrive qu’un doute surgisse et que, au moment de l’enregistrement, le consulat se demande si l’enfant concerné ne serait pas né à la suite d’une GPA. Consciencieusement, il alerte – vous le savez, monsieur Mercier, vous qui êtes mon prédécesseur et qui avez publié à ce titre le nombre d’enfants concernés en 2011 – sur les signes, les suspicions qui permettent de penser que cet enfant est né à la suite d’une GPA.
    Toutefois, qu’en est-il de la nationalité de cet enfant ? Si ses parents sont français et s’il est établi que c’est bien leur enfant, celui-ci obtient la nationalité française conformément aux dispositions du code civil. Néanmoins, cela n’évacue pas le doute du consulat, qui transmet au service de l’état civil de Nantes. Et ce dernier saisit le parquet pour l’examen de ce cas.
    M. Daniel Raoul. Voilà !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entre 2008 et 2011, quarante-quatre dossiers ont été examinés, et on en recense onze pour 2012, soit une moyenne stable d’année en année.
    Comment les choses se passent-elles ? Tout d’abord, le procureur de la République se prononce sur chaque cas, et dans la plupart d’entre eux, il a confirmé le doute sur la GPA. Pour 2012, par exemple, cela s’est produit huit fois sur onze.
    Ensuite, puisque l’enfant, dont la filiation est bien établie, a la nationalité française, il n’est pas question de la lui attribuer. Il se retrouve alors devant les tribunaux, qui lui délivrent son certificat de nationalité française. Et il arrive qu’un greffe de tribunal refuse de lui donner le certificat de nationalité en raison du doute qui subsiste sur la GPA.
    Or la nationalité est déjà établie ! C’est un peu comme si, au moment de la délivrance du diplôme du baccalauréat – j’avais déjà pris cet exemple à l’Assemblée nationale –, le fonctionnaire émettait un doute sur une éventuelle tricherie de la part d’un candidat, alors que la preuve de la réussite à cet examen est présentée.
    En cas de tricherie, c’est une autre action en justice qui peut éventuellement être intentée. Néanmoins, la reconnaissance officielle du succès au baccalauréat doit emporter la délivrance du diplôme.
    De la même façon, le droit de disposer du certificat de nationalité ne peut être contesté. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    L’objet de cette circulaire du mois de janvier dernier est donc, tout simplement, d’interpeller les greffiers sur le fait que, la nationalité française étant établie pour ces enfants, aucun fondement juridique ne les autorise à refuser de délivrer ce certificat de nationalité française.
    Au cours des dernières années, les Gouvernements que vous avez soutenus ont fait la même chose : ils n’ont pas osé publier de circulaire, et ils ont eu tort d’ailleurs, car cela aurait été porté à leur crédit.
    M. Jean-Pierre Caffet. Évidemment !
    M. Michel Mercier. L’indépendance de la justice était en cause ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardon, monsieur Mercier, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que l’indépendance de la justice n’interdit pas les circulaires, bien au contraire !
    Plus la justice sera indépendante, plus l’exécutif sera responsable de la politique pénale et des politiques publiques de la justice sur le territoire, plus se fera sentir la nécessité de circulaires impersonnelles et générales. (Vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Pendant cinq ans, le gouvernement que vous souteniez a adopté la même attitude : il a admis que, la nationalité étant établie, les certificats de nationalité devaient être délivrés.
    J’en viens à la transcription sur le registre de l’état civil, qui suscite également des discussions.
    En effet, un doute étant apparu sur ces quarante-quatre enfants nés entre 2008 et 2011, auxquels s’ajoutent les onze enfants nés en 2012, la transcription de leur nationalité sur les registres de l’état civil pose un problème.
    Ces enfants ayant la nationalité française, ils ont le droit d’obtenir leur certificat de nationalité. Mais quid de la transcription ? Puisque la justice énonce un doute sur la GPA, la circulaire ne donne pas consigne de transcrire sur le registre de l’état civil, d’autant qu’elle s’adresse aux greffiers et non aux personnes qui sont chargées de la transcription.
    Cependant, nous ne pouvons pas nous en contenter. Vous parlez sans arrêt de l’intérêt supérieur de l’enfant, du souci qui vous anime de ces enfants bien réels, des êtres physiques, de chair,…
    M. Bruno Sido. Eh oui, ils sont nés !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … avec toutes leurs qualités et tous leurs défauts. Nous nous soucions de l’avenir de ces enfants-là.
    M. Bruno Sido. C’est normal.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils auront donc leur certificat de nationalité. La circulaire affirme bien qu’il faut le leur donner, car ils y ont droit. En revanche, leurs actes de naissance ne sont pas transcrits sur le registre d’état civil.
    Je le rappelle, la reconnaissance de leur nationalité française ouvre tous les effets de droits liés à la nationalité et à la filiation. Ces enfants ne rencontreront donc aucune difficulté pour être inscrits à l’école ; leurs parents percevront normalement les allocations familiales ; l’autorité parentale et les droits successoraux seront préservés. Tout cela est déduit de la filiation.
    Cependant, n’étant pas inscrits sur le registre d’état civil, ils feront face à une difficulté chaque fois qu’ils auront besoin d’une pièce d’état civil, car il leur faudra s’adresser au consulat où ils ont été enregistrés. Face à cette complication, nous nous interrogeons. J’ai chargé un groupe de réflexion d’élaborer des solutions afin que ces enfants entrent dans l’état civil français à leur majorité, puisqu’ils sont Français. Il s’agit, convenez-en, d’un acte de justice.
    Cette circulaire n’a que cet objet. J’aimerais donc mettre un terme au procès qui m’est intenté sur l’attribution de la nationalité aux enfants nés de la GPA ou sur une prétendue transcription indue sur les registres de l’état civil. Mais je ne suis pas persuadée d’y parvenir !
    M. Roland Courteau. Nos collègues auront-ils compris la leçon ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entendrai certainement de nouvelles interventions à ce sujet… Et, de nouveau, j’y répondrai de bonne grâce ! (Mmes et MM. les sénateurs du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC se lèvent et applaudissent. ― Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Joël Guerriau. Ce n’est que du spectacle !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de cet hommage chaleureux, même si je n’ai pas terminé mon propos.
    Je reçois votre geste avec beaucoup de gratitude. Je sais qu’il vient de sénateurs très attachés au travail mené par la Haute Assemblée sur les questions sociales.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et les sénatrices ? Il n’y a pas que des hommes sur ces travées !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela ne saute pas aux yeux en regardant vos travées, madame Des Esgaulx ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes mal placée pour dire cela ! Cela suffit, la théorie du genre !
    M. Jean-Pierre Caffet. Arrêtez sur ce thème, vous qui tenez à dire : « Mme le sénateur » !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez s’exprimer Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Des Esgaulx, vous me cherchez inutilement querelle, car j’utilise systématiquement la formule « mesdames, messieurs les sénateurs ».
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais cette fois, vous ne l’avez pas utilisée ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. François Rebsamen. Elle n’est pas agréable !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voulais donc vous dire toute ma gratitude pour votre hommage. Je sais le sérieux avec lequel vous avez travaillé à la préparation de ce texte de loi. Je sais le temps et l’énergie que vous y avez consacrés.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais également combien, depuis le début de nos débats, vous brûlez d’intervenir !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi ! (Sourires.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous souhaiteriez répondre et argumenter, et je sais que vous le feriez brillamment ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je sais le sacrifice que vous consentez en gardant le silence !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !
    M. Jean-Pierre Caffet. Nous nous en privons pour vous aider, madame la garde des sceaux !
    M. Jean-Claude Lenoir. On les empêche de parler, en réalité !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens donc à vous exprimer toute ma gratitude, à vous qui cédez ainsi votre temps de parole à l’opposition afin de nous permettre d’avancer, afin que la Haute Assemblée et le Gouvernement puissent se consacrer rapidement à d’autres tâches. Vous avez toute ma reconnaissance personnelle.
    Monsieur Retailleau, je voudrais terminer mon intervention en répondant à vos observations relatives à l’incompétence négative.
    Je ne sais plus si vous avez indiqué précisément que le texte ne modifiait pas les articles 57 et 354 du code civil, mais c’est un fait. Vous avez évoqué l’incompétence négative en reprochant au législateur de ne pas épuiser le champ de sa responsabilité, en l’occurrence de ne pas aller jusqu’à l’élaboration de l’état civil. Mon résumé est-il clair ? (M. Bruno Sido rit.) Si j’ai mal compris, je vous fais confiance pour me le faire savoir en posant de nouveau la question. D’ailleurs, ce sera sans doute le cas même si j’ai bien compris !
    Ces articles 57 et 364 précisent les éléments contenus dans les déclarations d’état civil. C’est à dessein que ni l’Assemblée nationale ni la commission des lois du Sénat ne les ont modifiés.
    Le législateur est en effet chargé des règles qui relèvent du code civil – et celles-ci sont bien élaborées au Parlement –, non de leur format ou de leur présentation. Ces éléments de détail sont d’ailleurs régis par la dernière circulaire générale relative à l’état civil, qui date d’octobre 2011 et qui a été élaborée sous la responsabilité de la précédente majorité. Il n’y a donc aucune incompétence négative de la part du législateur en la matière. Ce dernier porte son action aussi loin qu’il le doit et n’empiète pas inutilement sur la responsabilité, plutôt que sur le pouvoir, du règlement. Il a bien raison, d’ailleurs !
    Il est certes déjà arrivé que le législateur piétine le pouvoir réglementaire. En qualité de parlementaires, nous avons tous été conduits à le grignoter un peu. Je l’ai moi-même fait… (Oh ! sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.) Toutefois, ce fut toujours en argumentant et en expliquant quelle nécessité m’y poussait. En effet, l’exécutif met parfois de la mauvaise volonté à avancer et laisse s’installer une certaine inertie, qui contraint le législateur soucieux de l’aboutissement de son travail à outrepasser quelque peu les limites de son périmètre.
    Par ailleurs, vous évoquez les ordonnances pour expliquer pourquoi et comment le législateur se placerait en situation d’incompétence négative. Or, monsieur Retailleau, les ordonnances, telles qu’elles sont prévues dans le texte qui vous est soumis, ne concernent aucunement ces règles-là !
    Je vous rappelle qu’elles relèvent du choix fait par la commission des lois de remplacer la disposition interprétative qui avait été introduite par l’Assemblée nationale, trivialement appelée « article balai », par une disposition générale qui prévoit que les effets et les obligations de droits sont identiques, que les époux ou parents soient de sexe différent ou de même sexe. La commission des lois a souhaité habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance dans les six mois des dispositions qui concernent non pas les règles, mais la coordination nécessaire des textes.
    Souvenez-vous, la première rédaction choisie par le Gouvernement pour ce texte consistait à procéder de façon exhaustive à toutes les coordinations nécessaires dans le code civil et dans les autres codes, lois et ordonnances.
    L’Assemblée nationale a fait un autre choix, puis votre commission des lois en a fait un troisième, en privilégiant une disposition générale adossée à une habilitation gouvernementale. Nous ne sommes donc pas dans une situation d’incompétence négative !
    Pour finir, je regrette vivement de ne pas avoir de citation à proposer à Mme Des Esgaulx. (Sourires sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je suis vraiment navrée qu’elles vous déplaisent tant, madame la sénatrice.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais pas du tout !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est peut-être un peu égoïste, mais elles me font plaisir, comme en général à ceux qui les entendent. Je n’ai d’ailleurs aucun mérite, car elles ont été écrites par de très grands auteurs dont je suis heureuse de partager les mots avec vous.
    M. Vincent Eblé. Nous, nous les adorons !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Mais vous êtes très bien quand vous êtes vous-même, madame la garde des sceaux !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous en ferai cadeau lors d’une prochaine intervention ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. ― Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
    Mise au point au sujet d’un vote

    Article 1er bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
    M. Jean-François Husson. Monsieur le président, hier soir, lors du scrutin public n° 148 sur l’article 1er du projet de loi, et alors même que j’étais présent en séance, j’ai été comptabilisé par erreur comme votant pour.
    Or, conformément à mon opposition ancienne à ce projet de loi, je souhaitais voter contre l’article 1er. Je reste donc bien solidaire de mes collègues non inscrits et j’espère que nos collègues de la majorité n’en seront pas trop affectés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
    Mise au point au sujet d’un vote
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement
    Article 1er bis (suite)
    M. le président. Sur ‘article 1er bis, je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 174 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et Guerriau, Mme Létard et M. de Montesquiou.
    L’amendement n° 210 rectifié est présenté par MM. Milon et Pinton.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à Mme Françoise Férat pour présenter l’amendement n° 174 rectifié ter.
    Mme Françoise Férat. Voici venu le moment de confirmer nos positions.
    En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale, enfin, lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.
    L’article 1er bis du texte vise à permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque l’enfant a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint.
    Les dispositions de l’article 1er bis sont liées à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Cet article nous est présenté comme une simple précision pour éviter des interprétations divergentes de la loi. Or, s’il peut également s’appliquer aux couples composés d’un homme et d’une femme, il anticipe en réalité l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.
    Il vise à permettre l’adoption non simultanée par un couple homosexuel marié, donc à faire de l’adoption intrafamiliale le moyen privilégié pour établir un lien de filiation entre un enfant et deux adultes du même sexe.
    Comme nous sommes opposés à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels, nous proposons la suppression de cet article 1er bis. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 210 rectifié.
    M. Alain Milon. Si nous proposons également de supprimer cet article, M. Louis Pinton et moi-même ne partageons pas les motivations exprimées par Mme Férat.
    Nous considérons que l’adoption plénière ne peut être prononcée au bénéfice d’un couple homosexuel dans la mesure où cela entraînerait une rupture nette dans la filiation. L’adoption plénière entraîne en effet la suppression complète des origines et de la filiation naturelle, issue d’un père et d’une mère.
    Nous préférons mettre en place une adoption simple, qui n’entraîne pas de rupture de la filiation biologique et qui permettrait ainsi à l’enfant de ne pas subir la suppression complète de ses origines. Je présenterai des amendements dans ce sens par la suite.
    Cela dit, je voudrais revenir rapidement sur certains des propos émis par mes collègues pour leur rappeler que, si la GPA n’existe pas en France, la PMA, elle, est pratiquée tous les jours au profit de couples stériles ou non fertiles. Mes chers collègues, je souhaite que vous ne vous disiez plus opposés à la PMA, mais, à la rigueur, et bien que ce ne soit pas mon opinion, opposés à la PMA de convenance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. ― Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Michel Le Scouarnec applaudissent également.)
    M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est opposée à ces amendements de suppression. Dans ce projet de loi, aucun article n’évoque l’adoption plénière, car le mariage en accorde ipso facto la possibilité aux couples mariés.
    Mme Françoise Férat. C’est toute l’astuce !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Que contient cet article ? Il apporte une précision, ce dont François Zocchetto était d’ailleurs convenu en commission des lois. Il vise à protéger la règle qui interdit la double adoption tout en ouvrant la possibilité d’adopter l’enfant précédemment adopté par son conjoint. Un enfant ne peut donc avoir que deux parents adoptifs, un point c’est tout ! Étant hostiles à l’adoption plénière, vous vous opposez à cette précision. Toutefois, il ne s’agit ici que de cela.
    Bien sûr, nous sommes également défavorables au second amendement de suppression, même si ses motivations sont différentes, puisque M. Milon est hostile à l’adoption plénière, mais semble favorable à l’adoption simple. Nous évoquerons cette dernière à l’article suivant.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, sans doute n’est-il pas utile de rappeler de nouveau la différence entre l’adoption simple et l’adoption plénière : après avoir été auditionnée moi-même, j’ai lu les comptes rendus des auditions menées par la commission, lesquelles accordent une large place à cette question. Chacun connaît ces deux dispositifs et, surtout, en mesure les conséquences respectives.
    L’Assemblée nationale a introduit des modifications que la commission des lois a corrigées en vue d’éviter une pluri-parentalité. Nous considérons que le travail réalisé par la commission des lois élimine ce risque.
    L’adoption plénière soulève cette question, dont je peine à exprimer les termes, car les mots qui me viennent à l’esprit me semblent tous quelque peu agressifs : en effet, elle supprime, élimine, gomme ou efface la filiation qui précédait. En revanche, l’adoption simple s’inscrit dans la filiation qui existait au préalable.
    Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ça recommence !
    M. Jean-Pierre Caffet. Et c’est reparti ! PMA, GPA, etc. !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. En ce qui concerne l’adoption, ce projet de loi va créer des inégalités entre les enfants : certains ne seront pas adoptables, d’autres le seront par adoption simple, d’autres encore le seront par adoption plénière.
    En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : premièrement, lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint ; deuxièmement, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ; troisièmement, et enfin, lorsque le conjoint du parent est décédé sans laisser d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.
    L’article 1er bis a pour objet de permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque celui-ci a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint.
    Si cet article nous est présenté comme une simple précision destinée à éviter des interprétations divergentes de la loi, ses auteurs souhaitent en réalité rendre possibles des adoptions intrafamiliales au sein de familles homoparentales dans lesquelles la filiation des enfants n’est établie, par la voie de l’adoption, qu’à égard de l’un des deux parents.
    Aussi, cette disposition anticipe l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe. Nous y sommes donc opposés, en l’état actuel du droit. Mieux vaut traiter de ces situations via une loi future sur la famille, et plus particulièrement sur l’adoption. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
    M. René-Paul Savary. Tout en répondant à Mme la ministre chargée de la famille, je souhaite livrer, en tant que président du conseil général de la Marne, un témoignage sur une situation que nombre de nos collègues connaissent bien.
    Vous le savez, les départements ont à gérer les difficultés des enfants. Les compétences de l’enfance et de la famille sont véritablement dévolues aux conseils généraux.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La compétence de l’enfance ! Seulement cela.
    M. René-Paul Savary. Vous savez combien nous nous efforçons de mener ces missions, avec le soutien des travailleurs sociaux, naturellement, et en insistant sur la dimension humaine tout à fait nécessaire au traitement de ces difficultés.
    À cet égard, on voit bien l’ensemble des difficultés qu’éprouvent les familles déstructurées que nous rencontrons et que les travailleurs sociaux dirigent vers nous.
    Vous le savez, les conseils généraux ont également la responsabilité du tutorat pour les enfants qui sont retirés à leur famille. Pour ce qui concerne le département de la Marne, ce sont plus de 1 300 enfants qui sont placés sous ma responsabilité. C’est la raison pour laquelle les leçons de Mme Bertinotti sont, à mon sens, difficiles à entendre. (M. Vincent Eblé s’exclame.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. La vérité est parfois cruelle !
    M. René-Paul Savary. Quoi qu’il en soit, j’en reviens au problème de l’adoption. Celle-ci fait l’objet de règles de droit et, dans ce cadre, comme tous les départements, la Marne dispose d’une commission qui accomplit un travail particulièrement important.
    Je le rappelle, à ce jour l’article 346 du code civil précise que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux.
    Mme Dominique Gillot. Certes !
    M. René-Paul Savary. De plus, en France, la législation sur l’adoption est stricte concernant les conditions d’accueil. Elle réserve prioritairement l’adoption à des couples mariés et engagés dans la durée. Ce processus exige une solidité particulière pour celles et ceux qui ont à accueillir ces enfants, dont la souffrance est parfois inévitable.
    Madame la ministre chargée de la famille, la force des projets parentaux est, bien sûr, tout à fait décisive dans les décisions qui sont prises.
    L’ouverture à l’adoption pour les couples de même sexe fait croire à un droit à l’enfant et occulte parallèlement les droits de l’enfant.
    Comme beaucoup et sans doute même comme l’ensemble de mes collègues ici présents, je considère l’enfant comme un don, et non comme un dû ! (M. le rapporteur manifeste sa lassitude.) L’adoption doit donc rester un droit de l’enfant, et non un droit des adultes.
    Vous avez mentionné les chiffres de l’adoption à l’échelle nationale. Si vous me le permettez, je déclinerai, sur le plan local, le nombre d’agréments et le nombre d’enfants adoptés.
    Pour ce qui concerne le département de la Marne, de taille médiane, 48,6 demandes d’agrément ont été formulées chaque année en moyenne entre 2008 et 2012, dont 37,2 exprimées par des couples, 4 adressées par des personnes seules vivant en couple et 7,4 émises par une personne célibataire.
    Parallèlement, pour ce qui concerne la réalisation de ces projets d’adoption, à savoir le nombre d’enfants adoptés, la moyenne s’élève à 17,8 par an, dont 7 enfants pupilles de l’État, avec un minimum de 11 par an et un maximum de 24, tous enfants confondus, le nombre de pupilles se limitant parfois à 4.
    Bref, en moyenne, il y a trois fois plus de demandes d’agrément que d’adoptions. De surcroît, rappelons que la procédure d’agrément nécessite un délai de cinq ans et qu’elle laisse beaucoup de parents déçus !
    Dans cette affaire, il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces préoccupations, d’autant que certains pays ont déjà prévu de réduire le nombre des adoptions conclues avec la France, parfois même de rompre les autorisations existant dans ce domaine, si ce projet de loi est voté.
    On le voit bien, le problème se pose ; il faut l’appréhender à sa juste mesure. C’est la raison pour laquelle, si je puis concevoir l’adoption simple de l’enfant d’un conjoint, il me semble personnellement impossible d’aller plus loin, compte tenu de la manière dont ce projet de loi est tourné.
    De fait, l’adoption plénière gomme la filiation, comme Mme la garde des sceaux l’a souligné. À mon sens, si la législation allait plus loin dans ce sens, elle conduirait à une véritable destruction de la filiation.
    Voilà pourquoi je ne pourrai voter cet article.
    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
    Mme Isabelle Debré. Cet article est très différent du précédent. En effet, l’article 1er traitait de la vie en couple, c’est-à-dire d’une existence choisie par des adultes. Ici, nous parlons d’adoption, c’est-à-dire d’une vie imposée par des adultes à des enfants. Il s’agit là d’une différence fondamentale.
    Madame la ministre, vous l’avez indiqué il y a quelques instants, dans notre pays, il est possible qu’un célibataire adopte un enfant. Dont acte. Effectivement, lorsque ce célibataire se met en couple avec une personne de sexe opposé, l’adoption est possible. Aujourd’hui, lorsque ce célibataire se met en couple avec une personne de même sexe, l’adoption plénière ou simple n’est pas possible.
    Vous le savez, je défends l’enfance depuis de nombreuses années. À cet égard, il me semble impensable qu’un enfant puisse dire : « J’ai deux papas » ou : « J’ai deux mamans ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
    M. Marc Daunis. C’est reparti !
    Mme Françoise Laurent-Perrigot. Pitié !
    Mme Isabelle Debré. Chers collègues de la majorité, je fais toujours preuve de beaucoup de respect lorsque vous vous exprimez. Laissez-moi, s’il vous plaît, m’expliquer à mon tour et poursuivre mon propos !
    A contrario, il est tout à fait possible à mes yeux qu’un enfant dise : « J’ai un papa et le compagnon de mon papa » ou « J’ai une maman et la compagne de ma maman. » Je n’ai jamais mis en doute la capacité, pour un couple homosexuel, d’élever un enfant. Ces couples peuvent effectivement apporter de la sécurité, de l’affection et de l’éducation. Là n’est pas le problème.
    Mme la ministre l’a souligné avec raison, il est ici question des droits de l’enfant. Dans ce cadre, il me semble également nécessaire d’évoquer les devoirs des adultes.
    Aujourd’hui, lorsqu’un enfant fait l’objet d’une adoption plénière de la part d’un célibataire, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, et que celui-ci se met en couple avec une personne de même sexe, l’enfant devient de facto orphelin s’il arrive par malheur un accident à l’adoptant. Ce n’est pas acceptable ! Il faut non seulement donner des droits à de tels enfants, mais aussi des devoirs aux personnes qui les ont élevés des années durant.
    Il est impensable que le conjoint ou la conjointe du parent adoptant ne puisse continuer d’exercer ses devoirs vis-à-vis de l’enfant, et que l’enfant ne puisse pas avoir des droits à l’affection et à la poursuite de son éducation.
    L’adoption simple répond parfaitement à ce problème. Il est donc d’autant moins concevable de légiférer ainsi, immédiatement !
    Nous pouvons parfaitement attendre, comme le propose le doyen Gélard, l’examen de la prochaine loi sur la famille ; nous pouvons supprimer le présent article ; nous pouvons privilégier l’adoption simple. Quoi qu’il en soit, l’adoption plénière n’est pas possible.
    Par ailleurs, je tiens à soulever un autre problème.
    Depuis le début de nos débats, Mmes les ministres et nos collègues de la majorité nous parlent d’égalité. Mais où est l’égalité ? Prenons le cas de deux enfants confiés à une famille d’accueil, le premier à une famille homosexuelle, le second à une famille hétérosexuelle.
    Je le répète, je ne remets jamais en doute la possibilité que ces enfants reçoivent une excellente éducation des deux côtés. Là n’est pas la question ! Le problème, c’est celui des repères.
    Aujourd’hui, on connaît des enfants parfaitement bien élevés par des couples homosexuels. Toutefois, leurs repères ne sont pas les mêmes : les enfants ont besoin de savoir qu’ils ont été conçus – jusqu’à nouvel ordre ! – par un homme et par une femme.
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qu’est-ce qui empêche de le leur dire ?
    Mme Isabelle Debré. À mes yeux, il est donc inconcevable que deux personnes puissent se dire pères ou mères d’un même enfant. Voilà pourquoi je m’oppose à l’adoption plénière par les deux conjoints. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Charles Revet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Avant tout, je souligne que je souscris pleinement à l’interprétation juridique, tout à fait cohérente, avancée par Mme la garde des sceaux il y a un instant.
    De fait, si l’on entre dans le régime du mariage, il convient d’en dérouler la logique jusqu’au bout : il n’est pas possible d’instituer le mariage sans l’assortir de l’adoption. L’adoption par le conjoint est en effet l’un des éléments constitutifs de ce régime. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, étant en désaccord avec l’adoption par les couples de même sexe, je suis également en désaccord avec le mariage pour ces derniers.
    Chacun d’entre nous a ses cohérences propres. Du moins pouvons-nous partager une même interprétation du droit en la matière. Celle-ci me semble, au surplus, tout à fait exacte.
    Cela étant, je me distingue de Mme la garde des sceaux quant à l’appréciation qu’elle fait des chances, ou des risques – le terme varie selon l’approche que l’on adopte au sujet de cette probabilité ! – que la CEDH nous contraigne à aller plus loin en matière d’assistance médicale à la procréation si nous entrons dans le régime du mariage, et cela pour une raison très simple : avec ce système, nous inscrirons dans la loi le principe d’une équivalence absolue de la parenté au sein des couples de même sexe et des couples composés de personnes de sexe différent.
    La notion même de parenté évolue. On ne limite plus le mariage au lien du sang, pour employer une expression qui figure dans le code civil. On affirme que la parenté va au-delà de ce lien. Voilà pourquoi, dans le code civil tel qu’il résulterait de l’adoption du présent texte, la définition de la parenté serait la même pour les couples homosexuels et hétérosexuels.
    Néanmoins, si ces deux réalités ne sont pas différentes, pourquoi, lorsqu’il s’agit d’adopter l’enfant de son conjoint, la reconnaissance de la parenté supposerait-elle, dans un cas, un acte juridique et, dans l’autre, via l’application de la présomption de paternité, un strict automatisme ?
    Il y aura des revendications, qui auront leur cohérence. La Cour européenne des droits de l’homme, prenant acte de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe dans notre pays, nous obligera à aller au bout de notre logique. Dans la mesure où, par essence, la parenté est la même dans les deux types de couples, elle nous imposera d’instituer une reconnaissance identique de cette parenté.
    Sans qu’il soit besoin de se poser la question de savoir si l’on peut, ou non, recourir à l’insémination artificielle en France, de très nombreux enfants naissent au sein de couples de femmes d’une insémination pratiquée à l’étranger. Ce moyen est déjà largement utilisé. L’adoption automatique par le conjoint, avalisée par un jugement d’adoption, permettra d’établir la parenté de l’épouse de la mère à l’égard de l’enfant. C’est une évidence !
    Cette disposition est portée dans le texte ; on ne peut pas la nier. On peut simplement dire si l’on est pour ou contre. Le texte, dans sa rédaction actuelle, traite juridiquement, même si c’est de manière implicite, de la question de l’assistance médicale à la procréation.
    De ce point de vue, madame la garde des sceaux, dans l’intérêt même de l’interprétation qui sera donnée à votre texte, s’il est adopté, il serait tout à fait judicieux que vous proclamiez et assumiez votre position : l’assistance médicale à la procréation aura des effets de droit, dans la mesure où elle permettra un jugement d’adoption pour l’épouse de la mère. C’est simple, c’est clair et c’est inscrit dans la logique juridique de votre texte.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non ! Pas du tout.
    M. Philippe Bas. Nous discutons de la suppression d’un article introduit par l’Assemblée nationale et dont la rédaction, je dois le dire, a été nettement améliorée par la commission. Je veux en rendre hommage à notre rapporteur. Si la filiation était établie à l’égard d’un tiers, permettre une deuxième adoption deviendrait véritablement insupportable. Cela engagerait les droits d’un tiers, et nous ne pourrions y souscrire.
    Pour autant, nous ne pouvons pas soutenir la disposition que vous avez introduite, parce que, comme l’indiquait Mme Bertinotti voilà un instant, et comme le demande la commission des lois, nous serons saisis d’un projet de loi sur l’adoption.
    Or, je viens de le rappeler, les dispositions prévues dans le code civil s’appliquent déjà aux couples de même sexe qui seront formés en application de la future loi. Vous introduisez là une sorte de cavalier qui relève du projet de loi sur l’adoption que vous préparez.
    D’une part, je me refuse à tout élargissement des possibilités d’adoption par les couples de même sexe. D’autre part, le support d’une telle disposition, qui n’est pas rendu nécessaire par votre texte, devrait être le projet que Mme Bertinotti est en train de préparer. Dans ces conditions, il me paraît nécessaire, voire indispensable, que le Sénat ne retienne pas cette disposition.
    Le présent article, et c’est heureux, n’est pas applicable aux seuls couples de même sexe. Légiférer aujourd’hui sur l’adoption en général alors qu’un projet de loi sur ce sujet devrait être déposé dans quelques semaines ou dans quelques mois, cela n’a tout simplement pas de sens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
    M. Yves Pozzo di Borgo. Je suis peu intervenu dans cette discussion, aussi me permettrai-je deux observations préliminaires avant de m’exprimer sur les amendements de suppression de l’article 1er bis.
    Tout d’abord, en qualité de sénateur de Paris, président d’un groupe au Conseil de Paris, je tiens à rappeler les termes de la déclaration du maire de cette ville, Bertrand Delanoë, après l’agression brutale dont ont été victimes deux Parisiens dans la nuit de samedi à dimanche, au motif qu’ils se tenaient par la main.
    M. Alain Gournac. Très bien !
    M. Yves Pozzo di Borgo. Bertrand Delanoë a déclaré : « J’apprends avec colère et tristesse [cette] brutale agression […]. Le déchaînement de violence qu’a subi ce couple […] est profondément inquiétant et parfaitement inqualifiable ».
    M. Alain Gournac. Absolument !
    M. Yves Pozzo di Borgo. Ensuite, madame la garde des sceaux, vous êtes, comme moi et beaucoup de nos collègues, l’émanation de la génération de 1968, même si vous ne le paraissez pas et faites beaucoup plus jeune. (Sourires.)
    Cette génération – c’est l’une de ses caractéristiques –, a été très influencée par une pensée marxiste souvent très mal digérée, à droite comme à gauche d’ailleurs, elle-même marquée par le concept de dialectique historique empruntée à Hegel, selon laquelle l’histoire va dans le sens du progrès.
    Or les trente dernières années ont montré que la régression existait aussi en histoire. Et l’histoire du communisme a mis en évidence que la régression existe dans la dialectique historique.
    Si je prends cette comparaison, madame la garde des sceaux, c’est parce que nous avons l’impression que la réflexion qui vous a conduit à présenter un projet de loi instituant le mariage pour tous est influencée par cette pensée : l’histoire irait dans le sens du progrès.
    Je prétends pour ma part que la régression existe aussi en histoire : lorsque l’on bouscule trop le naturel, celui-ci se venge. Nous verrons dans quelques années qui a raison.
    J’en viens aux amendements de suppression de l’article 1er bis. Madame la garde des sceaux, c’est peut-être le sens de l’histoire, mais votre obstination à vouloir coûte que coûte faire adopter un texte préparé trop hâtivement fait que l’article 1er bis est l’un des meilleurs exemples des paradoxes de votre position.
    Cet article étend le champ de l’adoption plénière en permettant de fait au conjoint d’une personne ayant adopté ou ayant eu un enfant naturel, de l’adopter de manière plénière. C’est la conséquence logique de l’article 1er. Le mariage permettant l’adoption, il s’agit, dans cet article, de régler les situations intermédiaires nées des insuffisances antérieures.
    Cette modification introduite à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur Erwann Binet, semble cohérente dans la logique générale de votre texte. Le fait est que vous vous apprêtez purement et simplement à fabriquer une machine à frustration.
    La convention de La Haye de 1993 stipule que l’adoption internationale n’est possible que lorsque les voies nationales ont été épuisées. Or, on le sait bien, en France, il y a plus de demandes d’adoption que d’enfants à adopter ; cela a été dit plusieurs fois. Tous les projets parentaux ne peuvent être satisfaits et votre texte va rendre cette situation, déjà douloureuse, encore plus tendue.
    Certes, pour l’image et la communication politique on fera passer quelques dossiers en haut de la pile. Mais les autres couples qui feront cette demande, vous les lancerez contre un mur des lamentations administratives.
    La seule échappatoire à cette aporie du texte – problème insoluble et inévitable –, c’est l’adoption internationale. S’il n’est pas possible de réaliser son projet dans son propre pays, autant aller voir à l’étranger.
    La seule petite nuance en la matière, madame la garde des sceaux, c’est que, parmi les pays qui sont les premiers partenaires des ressortissants français en matière d’adoption internationale, nombreux sont ceux qui ne partagent pas votre politique de civilisation et les transformations que vous souhaitez faire subir à l’institution familiale.
    La Russie en est un bon exemple. C’est l’une des cinq nations les plus sollicitées par les ressortissants français en matière d’adoption internationale. Les classements sont aléatoires selon les années, mais l’on voit la Russie osciller entre la troisième et la cinquième place de ce classement, avec une moyenne de 400 enfants russes adoptés par des couples français ou des célibataires français tous les ans.
    Or la Russie ne souscrit pas du tout à votre politique. On n’ignore pas quel triste sort est encore réservé à ceux qui aiment des personnes de leur propre genre en Russie. On sait également les progrès que fait la société russe depuis vingt ans, mais le fait est que, en l’état actuel des choses, la Russie conservatrice et orthodoxe refusera très certainement de laisser des enfants être adoptés par des couples mariés homosexuels.
    Cette situation n’est pas propre à la Russie, malgré ce que dit Mme Bertinotti, et concerne aussi de très nombreux pays du Sud, qui sont particulièrement attachés au prétendu conservatisme suranné que vous entendez dénoncer.
    D’un trait, vous promettez des adoptions qui n’auront pas lieu, parce que là où vous vous bercez d’illusions, là où vous bercez des centaines de milliers de Français dans le mythe de la fondation d’une famille grâce au mariage des couples de même sexe, vous ne ferez que semer la frustration, la colère et l’incompréhension.
    Au surplus, cela a été indiqué à plusieurs reprises, nous connaissons l’issue de ce paradoxe. C’est mécanique : c’est la PMA et la GPA ! Dans six mois ou dans six ans – j’espère que vous ne serez plus au pouvoir dans six ans – vous reviendrez devant nous pour nous parler d’égalité et de grands principes après nous avoir promis aujourd’hui du bout des lèvres en séance que ces questions-là n’avaient rien à voir avec votre projet de loi. Et nous serons alors dans le domaine décrit par Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes, dont le titre reprend cette phrase ironique de Voltaire : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »
    M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue, mais vous êtes arrivé au terme de votre intervention.
    M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, c’est très gentil de me couper la parole…
    M. le président. Je suis désolé, mais il faut respecter son temps de parole !
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote. (Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Bruno Retailleau. Permettez-moi de préciser ma pensée, mon raisonnement eu égard aux réponses qui m’ont été apportées sur la compétence négative. Je ne visais pas les articles auxquels vous avez pensé, madame la garde des sceaux. En fait, je visais plutôt l’article 310 du code civil et d’autres articles relatifs à la possession d’état et à la reconnaissance de paternité.
    Je ne prendrai qu’un seul exemple, car nous pourrions discuter très longtemps de ce que j’ai voulu caractériser.
    Jusqu’à présent, deux obstacles fondaient l’interdiction faite aux couples de même sexe d’avoir accès à l’adoption : le premier était l’impossibilité de se marier ; le second est le principe d’ordre public qui s’oppose à la double filiation, qu’elle soit maternelle ou paternelle. Dès lors que ce principe d’ordre public tombe, c’est tout le droit de la filiation qu’il faut revoir. Telle est la première observation que je souhaitais faire.
    Par ailleurs, je ne fais pas la même lecture que vous des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Deux décisions sont ici concernées : la première, de juin 2012, concerne la France, et la seconde, du 19 février 2013, concerne l’Autriche. Or, chose plutôt exceptionnelle, c’est la grande chambre de la CEDH qui pointe l’affaire française. Dès lors qu’il y a des situations juridiques identiques, qu’il s’agisse de la PMA ou de l’adoption, les cas doivent être traités de la même façon. La CEDH s’appuie sur le principe de non-discrimination, clef de voûte qu’elle tiendra envers et contre tout. Et je pense que ce principe prévaudra.
    Toutefois, nous avons la conviction – je vous rassure, il ne s’agit pas là d’une question de génération, comme le disait mon excellent collègue Yves Pozzo di Borgo – que vous autoriserez la PMA avant même que la CEDH ait le temps d’être saisie et de statuer sur un cas français. C’est la deuxième observation que je souhaitais formuler.
    Enfin, madame Bertinotti, et ce sera ma troisième observation, je comprends mieux aujourd’hui qu’avec la vision relativiste que vous avez des familles – pour ma part, je les respecte toutes – le Gouvernement ne cesse d’introduire des coins dans notre politique familiale, par exemple en remettant en cause l’universalité des allocations familiales, le quotient familial ou les déductions fiscales pour le service à domicile de gardes d’enfants.
    Lorsque l’on vous écoute, madame la ministre, on comprend les visées du Gouvernement qui tendent à ébranler les éléments constitutifs du socle de notre politique familiale depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette politique donnait lieu à consensus. Vous avez finalement exprimé en peu de mots votre conception.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les temps changent !
    M. Bruno Retailleau. Elle explique parfaitement les prises de position du Gouvernement en matière de politique familiale en France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Gournac. Tout à fait !
    M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
    M. Michel Mercier. Madame la garde des sceaux, vous êtes, comme d’habitude, d’une grande habileté. Toutefois, je tiens à vous remercier d’avoir répondu avec respect à chacun des orateurs. Vos réponses sont ce qu’elles sont : nous pouvons vous rejoindre sur certaines d’entre elles, mais pas sur d’autres. En tout cas, elles ont le mérite d’exister.
    Vous êtes d’ailleurs passée assez facilement d’un argument général plaidant pour le texte à un autre qui fait valoir l’intérêt supérieur de l’enfant.
    Pour ma part, je partage vos propos concernant les enfants nés de la GPA. Ces derniers ne sont pas responsables de la façon dont ils ont été conçus et ils ne doivent pas en supporter les conséquences. Même si la GPA est interdite, il est tout à fait normal d’agir, car l’État français n’a pas su faire appliquer sa loi. Pour ma part, j’accepte tout à fait l’idée que le législateur ou le Gouvernement, suivant les cas, doive se préoccuper de leur situation.
    Toutefois, l’intérêt supérieur de l’enfant nous inspire aussi les positions qui sont les nôtres en matière d’adoption plénière. Vous avez en quelque sorte diaboliquement,…
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Diaboliquement ?
    M. Michel Mercier. Oui, de manière diaboliquement habile !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’habitude, on me dit plutôt que je ressemble à un ange ! (Sourires.)
    M. Michel Mercier. Ce serait beaucoup dire, mais je n’en ai jamais vu ! J’ai l’impression que vous les connaissez mieux que moi. (Nouveaux sourires.)
    Je pense donc que vous avez été diaboliquement habile en faisant voter l’article 1er du projet de loi. Juridiquement, vous avez raison de dire qu’on ne touche pas aux effets du mariage, dès lors qu’il est simplement mentionné que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Toutefois, votre argumentation n’est-elle pas un peu brève, eu égard à l’intérêt supérieur de l’enfant ? Quid du débat et du texte sur l’adoption plénière ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il a lieu !
    M. Michel Mercier. Le débat a lieu, certes, mais sans texte ! Vous le savez bien, seul cet article concerne cette question. Un texte nous sera proposé un autre jour, nous dit-on. Néanmoins, nous parlons aujourd’hui de droit civil, l’adoption étant régie par ce dernier.
    C’est pourquoi il convenait de rappeler très clairement les effets juridiques de l’adoption plénière. Celle-ci rompt la filiation existante au profit d’une nouvelle filiation, qui, elle, est complètement artificielle, puisque l’enfant est déjà né, avec une filiation.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il a été abandonné !
    M. Michel Mercier. L’adoption plénière gomme cette filiation pour lui en substituer une autre. Cependant, s’ensuivent un certain nombre de conséquences, que je ne rappellerai pas toutes. Que deviendront, par exemple, les grands-parents initiaux de l’enfant, qui sont des créanciers alimentaires de ce dernier ? Le texte n’en parle pas. On ne sait donc pas ce qui se passera demain.
    On se contente de nous dire que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe leur donne le droit d’adopter. C’est évident. Mais qu’en est-il du régime de la filiation, de l’adoption ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est à droit constant ! Les conséquences sont les mêmes !
    M. Michel Mercier. Mais cet enfant est né de parents biologiques.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ils l’ont abandonné !
    M. Michel Mercier. Il fait l’objet d’une adoption, alors que cette question n’est pas réglée. Il faudra bien en parler un jour. L’intérêt supérieur de l’enfant aurait dû nous conduire à avoir un débat plus approfondi en la matière.
    Par ailleurs, je partage aussi, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, les propos tenus par M. Milon lors de la présentation de l’amendement n° 210 rectifié : l’intérêt supérieur de l’enfant prime les intérêts des adultes en présence et impose de ne pas donner à l’enfant une « homofiliation ». Cela fait aussi partie de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui-là même que vous avez invoqué pour justifier, à juste titre, l’action que vous avez menée pour les enfants nés de la GPA.
    L’article 1er ayant été voté hier, ces deux amendements identiques sont notre dernier recours pour nous opposer à l’adoption plénière par des couples de même sexe.
    M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
    M. André Reichardt. Est-il réellement indifférent que l’enfant soit élevé ou non par l’homme, son père, et la femme, sa mère, qui lui ont donné la vie ? A-t-on le droit de priver délibérément un enfant de son père ou de sa mère, sauf en cas de défaillances graves ? D’ailleurs, même dans ces cas, les services sociaux semblent s’accorder à essayer de ne pas couper complètement les liens de l’enfant avec ses parents.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela n’a rien à voir !
    M. André Reichardt. Or n’est-ce pas ce qui risque de se produire avec l’instauration de l’adoption plénière par deux parents de même sexe et, surtout, à une échelle beaucoup plus grande, avec ce qui suivra immanquablement et dont on reparlera sitôt cette première loi votée, à savoir le recours à l’insémination artificielle, puis aux mères porteuses ?
    Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué tout à l’heure que nos craintes à l’égard de la PMA et de la GPA n’avaient pas lieu d’être. Pour reprendre peu ou prou vos propos, si la Cour européenne des droits de l’homme avait dû prendre une décision à cet égard, elle aurait déjà pu le faire compte tenu des cas d’ouverture du mariage homosexuel intervenus antérieurement dans d’autres pays d’Europe, notamment en Espagne.
    Or, ainsi que l’a souligné notre collègue Bruno Retailleau, vous semblez oublier que ce n’est que très récemment, le 19 février dernier exactement, que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Autriche, au nom de l’égalité, pour avoir refusé d’envisager l’adoption d’un enfant par la compagne de sa mère, alors que le père, qui versait une pension alimentaire et voyait régulièrement son enfant, s’y opposait. Nous sommes donc bien là dans ce cas de figure.
    M. Alain Gournac. Voilà !
    M. André Reichardt. Poser ces questions revient déjà à y répondre. La Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’ensemble des sociétés formant notre humanité, abonde d’ailleurs clairement en ce sens, dans son article 7 : l’enfant a « le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »
    Je me suis permis d’insister sur ce point, car c’est la dernière fois que nous pourrons – peut-être ! – influer sur le vote de nos collègues. Aussi, je voterai les amendements identiques nos 174 rectifié ter et 210 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 rectifié ter et 210 rectifié.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Gournac. Godillots ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous avez la mémoire courte !
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 152 :
    Nombre de votants 343
    Nombre de suffrages exprimés 340
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 164
    Contre 176
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
    Article 1er bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er bis
    M. Jean-Claude Lenoir. Nos travaux sont très suivis sur les canaux spécialisés et sur internet, je le sais. Aussi aimerais-je expliquer aux personnes qui suivent la séance publique les raisons pour lesquelles un scrutin public vient d’être organisé. En fait, la gauche était minoritaire dans l’hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
    M. Jean-Claude Lenoir. Alors qu’ils étaient appelés à se prononcer sur une disposition importante, deux amendements identiques tendant à supprimer le dispositif relatif à l’adoption plénière, les sénateurs de la majorité ont demandé un scrutin public parce que les sénateurs des groupes de l’UMP et de l’UDI-UC étaient beaucoup plus nombreux en séance. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir !
    M. Jean-Claude Lenoir. Cette procédure permet en effet de faire voter les sénateurs qui ne sont pas présents dans l’hémicycle. Tel est le commentaire que je souhaitais faire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
    Rappel au règlement
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er ter
    Article 1er bis (suite)
    M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 81 rectifié quinquies, présenté par MM. Gélard, G. Bailly, Beaumont, Bécot et Billard, Mmes Bruguière et Cayeux, MM. César, Chauveau, Cléach, Couderc et de Legge, Mme Debré, MM. del Picchia et Delattre, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé et du Luart, Mme Duchêne, MM. Dulait, Duvernois, Ferrand, J.P. Fournier, Gilles, Grosdidier et Houpert, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lecerf, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Magras, Mme Mélot, MM. Milon, Paul, Pillet, Pintat, Pinton, Poniatowski, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin et Mmes Sittler et Troendle, est ainsi libellé :
    Rédiger ainsi cet article :
    Le titre VIII du livre Ier du code civil est abrogé.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement est un peu une arme atomique ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
    J’ai rendu hommage tout à l’heure au rapporteur pour ses efforts visant à harmoniser ou, à tout le moins, à faciliter les règles relatives à l’adoption. Toutefois, ceux-ci me paraissent insuffisants, car se posent d’autres problèmes, tout aussi importants et graves.
    Ainsi, pour ce qui concerne l’adoption d’un enfant par le membre d’un couple homosexuel, il existe non pas une solution, mais cinq ou six solutions différentes. Certains enfants ne seront pas adoptables parce qu’ils ont un père et une mère, tandis que d’autres ne le seront pas pour d’autres raisons. Certains seront adoptables par adoption plénière, d’autres par adoption simple et d’autres ne le seront pas du tout. C’est une atteinte au principe d’égalité. Or les conséquences de ces différentes situations n’ont pas été examinées dans l’étude d’impact du projet de loi.
    Face à cette situation, je ne vois qu’une seule solution : mettre en stand by notre législation relative à l’adoption, qui est devenue totalement inadaptée. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
    Je rappelle que l’adoption plénière est irrévocable. Elle ne peut donc pas tenir compte des risques éventuels, tels que le divorce.
    C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d’abroger le titre VIII du livre Ier du code civil relatif à l’adoption, en attendant que soit adoptée cette grande loi sur la famille dont on parle depuis le début de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
    M. le président. L’amendement n° 208 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
    Rédiger ainsi cet article :
    L’article 345-1 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 345-1. – L’adoption plénière de l’enfant de l’un des conjoints ou de l’un des partenaires peut être demandée par son conjoint ou son partenaire s’il est de sexe différent. Elle est permise :
    « 1° Lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint ou de ce partenaire, ou lorsqu’il a été adopté plénièrement par ce seul conjoint ou partenaire et n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce dernier ;
    « 2° Lorsque l’autre parent que le conjoint ou partenaire s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;
    « 3° Lorsque l’autre parent que le conjoint ou partenaire est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant. »
    La parole est à M. Alain Milon.
    M. Alain Milon. Dans la mesure où il tend à réécrire l’article 1er bis du projet de loi, cet amendement aurait eu tout son sens si les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avaient été adoptés. Je le maintiens malgré tout, car cette proposition me permet de m’exprimer sur la question de l’adoption plénière.
    Nous estimons que l’intérêt supérieur de l’enfant, qui prime les intérêts des adultes en présence, impose de ne pas donner à celui-ci une « homofiliation » qui le ferait apparaître sur l’état civil comme issu de deux hommes ou de deux femmes.
    À la suite de Bruno Retailleau, je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme, qui considère qu’on ne doit pas discriminer une famille homoparentale, peut nous condamner pour discrimination, non pas sur la filiation mais sur la parentalité ; à cet égard, le Gouvernement est peut-être en train de commettre une confusion.
    L’adoption simple permet de reconnaître la famille homoparentale tout en préservant l’intérêt de l’enfant, qui réside dans sa filiation. En revanche, l’adoption plénière pour deux personnes de même sexe priverait l’enfant d’une filiation conforme à la réalité biologique.
    Il y a évidemment plusieurs formes de parentalité, par exemple les familles monoparentales ou recomposées, mais chacun d’entre nous a une seule filiation. C’est pourquoi l’adoption plénière est irrévocable. L’enfant peut avoir des beaux-parents, au gré des unions et des désunions des adultes, mais il a droit à la pérennité de son statut sur le plan de la filiation.
    En voulant l’adoption plénière pour les couples homosexuels, vous faites preuve d’une certaine hypocrisie – excusez-moi du terme, je n’en ai pas trouvé d’autre. Au bout du compte, en effet, vous avez l’intention de la détruire, parce que l’adoption par un couple homosexuel n’entre pas dans la filiation classique du titre VIII du livre Ier du code civil. Il sera donc nécessaire de déclasser cette adoption plénière.
    D’ailleurs, Mme Bertinotti et M. Sueur veulent revoir l’état civil des adoptés pléniers, qui est actuellement le même que celui des enfants classiques, ce qui serait une régression par rapport à la loi du 5 juillet 1996 relative à l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. L’amendement n° 238, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, M. Desessard, Mme Aïchi, M. Labbé et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
    Alinéa 1
    Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
    L’article 345-1 du code civil est ainsi modifié :
    1° Le premier alinéa est complété par les mots : « quel que soit le mode de conception de l’enfant » ;
    2° Après le 1°, il est inséré un 1°bis ainsi rédigé :
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Je défendrai en même temps cet amendement et l’amendement n° 239 à l’article 1er ter, car ils ont le même objet ; le premier vise l’adoption plénière, le second l’adoption simple.
    En l’état actuel de notre droit, une personne peut adopter l’enfant de son conjoint de manière plénière ou simple, dans les conditions prévues par la loi. À cet égard, le droit n’opère aucune distinction entre les enfants, ce qui est heureux. Faut-il rappeler que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ?
    Toutefois, depuis deux arrêts de la Cour de cassation de 1991 et 2003, on observe une véritable rupture d’égalité entre les enfants en fonction de leur mode de conception. En effet, la Cour de cassation a refusé l’adoption par le conjoint du parent d’un enfant né par gestation pour autrui à l’étranger, au motif que cette pratique contrevenait à l’ordre public français.
    J’insiste une nouvelle fois : il ne s’agit pas ici de légaliser la GPA en France. Il s’agit de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe d’égalité, sans autre considération morale. Pour cela, nous souhaitons prévoir aux articles 345-1 et 360 du code civil que l’adoption de l’enfant du conjoint peut et même doit être prononcée en tenant compte uniquement de l’intérêt supérieur de l’enfant – cet intérêt que, chers collègues de l’opposition, vous invoquez inlassablement depuis plusieurs jours ! –, et non de son mode de conception.
    Ces deux amendements visent simplement à assurer le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que j’ai citée il y a quelques instants, ainsi que celui de la Convention internationale des droits de l’enfant. Celle-ci, dans son article 3-1, stipule que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
    Mes chers collègues, la véritable manière de prendre en compte l’intérêt d’un enfant est de préparer à ce dernier un avenir digne de ce nom ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
    M. le président. L’amendement n° 211 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après le mot :
    conjoint
    insérer les mots :
    de sexe différent
    La parole est à M. Alain Milon.
    M. Alain Milon. Mes collègues et moi-même proposons de préciser que le droit de la filiation interdit une double filiation maternelle ou paternelle.
    M. le président. L’amendement n° 120 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... – Le dernier alinéa de l’article 345 du code civil est ainsi rédigé :
    « S’il a plus de treize ans, l’adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière, après avoir bénéficié d’un entretien avec un psychologue. Le consentement ne peut être recueilli selon les formes prévues au premier alinéa de l’article 348-3 moins de quinze jours après cet entretien. Le consentement peut être rétracté à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 121 rectifié bis.
    Je tiens à rendre justice à M. le rapporteur, car, comme l’a dit très justement Philippe Bas, il a tenté de contenir un certain nombre de dommages que le projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, causait en matière d’adoption et même de pluriadoption. Nous sommes assez peu d’accord avec lui sur nombre de questions, mais, quand la vérité l’exige, nous rendons à César ce qui lui appartient !
    Mesdames les ministres, je ne vois pas pour quelle raison vous pourriez être défavorables à l’amendement n° 120 rectifié bis. Il vise à permettre aux enfants de plus de treize ans, dans une période difficile, l’adolescence, où ils ont parfois du mal à formuler une volonté, de recevoir l’aide d’un psychologue avant de consentir à leur adoption. Nous pensons que, ainsi éclairés, ils pourront donner un consentement venant du cœur, qui soit véritablement réfléchi.
    Je pense qu’on ne peut pas s’opposer à cette proposition. Mesdames les ministres, vous le pouvez d’autant moins que, pour vous qui voulez créer une filiation sociale, la volonté est extrêmement importante. Faire en sorte que celle des enfants de plus de treize ans soit éclairée est donc un objectif qui ne peut que vous agréer.
    Quant à l’amendement n° 121 rectifié bis, il tend à proscrire les pratiques qui pourraient nous entraîner vers la PMA et vers la GPA ; il va de soi que, à cet égard, je ne suis pas du tout d’accord avec Mme Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Il n’est pas question de GPA dans le projet de loi !
    M. Bruno Retailleau. J’ai bien compris, madame Benbassa, que vous souhaitiez régulariser la GPA pratiquée à l’étranger. Ce faisant, vous affaibliriez la cohérence de notre droit !
    Mme Esther Benbassa. C’est faux ! Nous ne demandons par la GPA !
    M. Bruno Retailleau. Du reste, même si je ne les partage pas, je respecte vos convictions, qui sont fermes et que vous assumez ; les convictions que j’estime le moins sont les convictions tièdes.
    Ce projet de loi ouvre le droit à l’adoption. Néanmoins, pour que celle-ci se concrétise, il n’y a pas une infinité de solutions. L’adoption internationale n’en est pas une, puisque les enfants adoptables sont de moins en moins nombreux, pour de multiples raisons, parmi lesquelles la convention de La Haye, qui stipule qu’il faut d’abord épuiser toutes les solutions pour l’adoption dans le pays d’origine, et l’amélioration de la condition des femmes. Cette source devant être extrêmement faible, la voie de l’adoption sera celle du conjoint, soit qu’il y ait eu antérieurement un enfant, soit qu’on « fabrique », en quelque sorte, un enfant ad hoc.
    C’est ici qu’un problème se pose, dans la mesure où le projet de loi peut conduire au contournement de certaines dispositions d’ordre public pour ouvrir la voie à la GPA et à la PMA de convenance, dont Alain Milon a eu raison de rappeler qu’elle pouvait aussi concerner des couples hétérosexuels. Je pense, notamment, à l’article 16 du code civil, qui prévoit l’indisponibilité du corps humain, et aux articles L. 2141-1 et L. 2141-2 du code de la santé publique. Pour notre part, nous affirmons de façon très claire que, pas plus pour aujourd’hui que pour demain, nous n’acceptons ces évolutions !
    Chers collègues de la majorité, vous ne cessez de soutenir que la PMA et la GPA ne sont pas l’horizon à l’arrière-plan de ce projet de loi. En adoptant les amendements nos 120 rectifié bis et 121 rectifié bis, vous lèveriez toute ambiguïté et vous régleriez définitivement cette question ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
    L’amendement n° 121 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
    L’amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Bécot, César, Cornu, Bordier, Houel, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 166 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 202 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 251 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... – L’article 345-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée interdite par la législation française. »
    L’amendement n° 121 rectifié bis a été défendu.
    La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.
    M. Michel Bécot. Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel. Cette proposition soulève d’ailleurs un problème, sans nécessairement lui apporter de solution, du moins dans l’immédiat.
    Mes chers collègues, je vous rappelle que la PMA est autorisée en droit français, pour les couples de personnes de sexe différent, mais seulement pour raisons médicales. Quant à la GPA, notre législation l’interdit. Certains n’hésitent pas à contourner la loi en ayant recours à l’étranger à une PMA de convenance, selon la formule d’Alain Milon, ou à une GPA.
    Ce contournement de la loi française peut être le fait de couples de personnes de sexe différent qui, ne remplissant pas les critères prévus par notre droit, se rendent à l’étranger pour bénéficier d’une PMA de convenance. Il est également le fait de couples de personnes de même sexe, qui ont recours à une PMA de convenance hors de France, par exemple en Belgique ou en Espagne.
    Ceux qui recourent à ces méthodes de procréation interdites en France le font en connaissance de cause et sont informés des conséquences juridiques de leur démarche. Ils mettent le législateur devant un fait accompli en lui demandant d’y remédier. Est-ce bien notre rôle ? Faire appel à des méthodes de procréation interdites en France constitue un détournement de notre loi ; cette attitude est inadmissible, car les enfants ainsi conçus sont délibérément privés d’une filiation paternelle ou maternelle, afin d’être adoptés par le compagnon ou la compagne de la mère ou du père biologique.
    En autorisant l’adoption par le compagnon ou la compagne du parent biologique d’un enfant issu d’une PMA ou d’une GPA pratiquée à l’étranger, nous ouvririons la porte à la légalisation de la PMA de convenance et de la GPA.
    En effet, dans la mesure où, selon leurs moyens financiers, certains couples pourront se rendre à l’étranger et d’autres pas, il est inévitable qu’on nous demande dans peu de temps, au nom du principe d’égalité, d’autoriser la PMA de convenance et – pourquoi pas ? – la GPA en droit français.
    Ainsi, l’adoption aura été un moyen de donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’accéder à la PMA de convenance et à la GPA. Une fois ces méthodes procréatives autorisées, l’adoption n’aura plus d’objet : il n’y aura plus aucune raison d’attendre un agrément pendant des années, alors que, avec la PMA de convenance ou la GPA, on aura accès à l’enfant de son choix.
    Assouplissons les conditions d’application, mais ne bouleversons pas tout le droit de la famille pour répondre au désir de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié.
    M. Jean-Pierre Leleux. L’amendement que j’ai l’honneur de présenter, après que MM. Bruno Retailleau et Michel Bécot ont présenté les leurs, est un amendement de mesure. Non pas au sens d’un amendement d’équilibre, mais au sens où son adoption permettra, mesdames les ministres, de mesurer votre sincérité.
    Vous avez souligné que la PMA ne faisait pas du tout partie du périmètre de ce projet de loi, et la GPA encore moins. Nous voulons bien vous croire, de même que nous voulons bien croire le Premier ministre et le Président de la République, lequel a assuré que, tant qu’il serait en fonction, la GPA ne serait pas autorisée dans notre pays.
    Le Président de la République ayant affirmé que la GPA ne sera jamais en vigueur en France, vous devez évidemment, madame la garde des sceaux, accompagner cette volonté présidentielle, qui honore M. Hollande, en bloquant le périmètre de la « glissade ». Or vous avez l’occasion, avec cet amendement que j’ai qualifié de « mesure », de prouver votre sincérité, en interdisant l’adoption dans le cadre d’une GPA.
    Dans l’attente de votre réponse, je puis vous dire que nous serions très heureux si vous émettiez un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 202.
    M. Charles Revet. Cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue Philippe Darniche, tend à s’inscrire dans la même démarche que les précédents.
    En raison des multiples interrogations soulevées par le texte, nous souhaitons introduire certaines sécurités, comme vient de le dire mon collègue Jean-Pierre Leleux, pour nous garantir contre des excès ou des effets qui pourraient se produire à la suite de l’adoption de ce texte.
    C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui est identique à celui de nos collègues : cela témoigne de l’importance que nous accordons à cette question, qui suscite chez nous de vives inquiétudes.
    M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter l’amendement n° 251.
    M. Alain Gournac. Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée tout à l’heure avec une attention soutenue. J’ai été en partie convaincu par tout ce que vous avez dit : comme nous, vous avez le souci de l’intérêt de l’enfant, ce dont je ne doutais d’ailleurs pas.
    Vous l’avez affirmé clairement, le texte est borné et se limite au mariage entre personnes du même sexe et à l’adoption. Pour moi, les choses sont donc claires. Votre position correspond d’ailleurs à celle du Président de la République, cela vient d’être rappelé. Certains de vos collègues n’ont pas dit la même chose, mais nous avons l’habitude d’une telle situation.
    Pour soutenir votre positionnement, j’ai souhaité inscrire dans le texte, afin de prévenir tout risque éventuel, l’interdiction de l’adoption pour les enfants conçus par PMA ou GPA, disposition qui se révélera utile lors de l’examen du projet de loi à venir sur la famille.
    Le fait d’inscrire noir sur blanc une telle mesure sécurise chacun d’entre nous et protège les enfants. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)
    M. le président. L’amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet et Couderc, est ainsi libellé :
    Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... – L’article 345-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée ne respectant pas les conditions posées par la législation française. »
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. J’ai déjà défendu cet amendement dans le cadre de mon intervention précédente.
    Comme l’a souligné à l’instant mon collègue Alain Gournac, la réponse est simple, et nous l’attendons.
    Dans la mesure où la loi interdit aujourd’hui la gestation pour autrui et circonscrit l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation aux seules couples dont l’infertilité est d’origine médicale, une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine : organisation par la loi de la conception d’enfants privés de père ou de mère, violation des lois fondamentales de la bioéthique, qui ne peuvent être modifiées sans recourir à un large débat préalable, et, surtout, en cas de GPA, atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d’indisponibilité du corps humain.
    Autoriser l’adoption d’enfants conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait in fine à légitimer et légaliser ces pratiques. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit adopté par le Sénat.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 81 rectifié quinquies, on ne peut, sur le fond, qu’être d’accord avec M. Gélard. Je l’ai dit plusieurs fois, la législation actuelle de l’adoption plénière n’est pas adaptée aux réalités de l’adoption, notamment concernant la possibilité pour les enfants de connaître leurs origines. Une telle situation nécessite une réforme, tout le monde l’a dit ici.
    Dans un tel cadre, M. Gélard choisit d’avoir recours au bazooka, et même à l’arme atomique : il propose ainsi de supprimer totalement l’ensemble de la législation sur l’adoption. Si son amendement était adopté, plus personne ne pourrait adopter, y compris les couples hétérosexuels, et les procédures en cours s’arrêteraient immédiatement.
    On voit bien que M. Gélard veut, par ce biais, insister lourdement auprès du Gouvernement pour que celui-ci revoie rapidement la législation sur l’adoption, comme je le souhaite moi-même d’ailleurs. Toutefois, il sait très bien que cet amendement ne peut pas être adopté en l’état. La commission des lois y est donc défavorable.
    Monsieur Milon, l’amendement n° 208 rectifié bis a un double objet. Vous souhaitez, dans la ligne de ce que vous avez déjà dit, interdire l’adoption pour les couples de même sexe, et cela en dépit de votre adhésion au texte. Or, vous le savez très bien, la CEDH n’aurait pas été d’accord avec un mariage qui n’implique pas l’adoption pour tous les couples.
    En revanche, vous proposez également, ce qui est assez curieux, d’autoriser l’adoption par le « partenaire » du parent. Or ce terme n’existe pas en droit. Si le couple vit en concubinage, le partenaire du parent sera, aux yeux de la loi, un célibataire. Il pourra adopter ou pas, cela dépendra de l’agrément et du jugement d’adoption. S’il s’agit d’un pacsé – il aurait fallu le dire ! –, l’adoption est aujourd’hui interdite. Au demeurant, un amendement visant à autoriser l’adoption plénière par les couples pacsés a été déposé sur ce texte.
    Par conséquent, bien que cet amendement vise deux sujets tout à fait distincts, la commission a émis un avis défavorable.
    L’amendement n° 238 de Mme Esther Benbassa est tout à fait différent et contraire, dans un certain sens, aux amendements identiques qui suivent. Il s’agit de prendre en compte des situations qui existent aujourd’hui. En effet, certains enfants, nés par PMA ou GPA au sein d’un couple, n’ont pas le même statut que les autres. La circulaire de Mme la garde des sceaux a réglé uniquement le problème, dans certains cas, de leur nationalité. S’agissant de leur état civil, la difficulté demeure.
    Vous proposez, madame Benbassa, de rendre ces enfants adoptables, quel que soit le mode de conception du conjoint.
    Même si je comprends tout à fait le sens de votre amendement, même si, comme vous, en tant que rapporteur du texte, j’ai reçu un certain nombre d’associations ou de familles qui sont dans ce cas, je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Je vous invite donc, à titre personnel, à le retirer. Sinon, il sera repoussé, même si, à la suite d’un vote quelque peu compliqué, la commission s’y était déclarée favorable. Je serais en effet surpris que la majorité de nos collègues soutienne aujourd’hui un tel amendement. En commission, on peut entrer et sortir… (Sourires.)
    M. Gérard Larcher. En séance aussi !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Certes. Mais en séance, il y a des délégations de vote !
    L’amendement n° 211 rectifié bis de M. Milon est très proche de l’amendement n° 208 rectifié bis, puisqu’il tend à interdire l’adoption plénière pour les couples de même sexe, la réservant aux couples de sexes différents. La commission y est défavorable.
    L’amendement n° 120 rectifié bis est intéressant, bien qu’il soit curieux. Tout d’abord, monsieur Retailleau, je vous remercie des paroles obligeantes que vous avez prononcées à mon égard.
    M. Bruno Retailleau. Ce n’est que justice !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne manquerai pas de vous retourner la pareille. (Sourires.)
    Il s’agit de prévoir que, dans le cadre d’une adoption nationale – et non pas internationale, pour laquelle le jugement a lieu à l’étranger –, le mineur de plus de 13 ans est appelé à consentir à son adoption. Le conseil de famille, vous le savez mieux que moi puisque vous êtes président d’un conseil général, comme nombre de nos collègues ici, propose l’adoption. Si l’enfant de moins de 13 ans ne veut pas être adopté, je serais très surpris – je me réfère sur ce point à nos collègues directement concernés – que le conseil général l’y oblige.
    Sans doute n’avez-vous pas, monsieur le sénateur, une confiance extrême dans les enquêtes d’aide sociale qui seront diligentées ou dans le juge. Selon vous, un entretien avec un psychologue doit forcément avoir lieu.
    Pourtant, quand le dossier arrive devant le tribunal, il est déjà assez fourni. Dans une existence antérieure, en tant que substitut près la première chambre du tribunal de Créteil, je traitais de nombreuses affaires d’adoption. Je me souviens que les dossiers du conseil général comportaient une enquête très complète de l’aide sociale, ainsi qu’une enquête médico-psychologique ou psychologique.
    Si le juge estime que ces documents sont insuffisants, si l’enfant, qu’il peut entendre, soulève des difficultés, il peut alors ordonner de procéder à des examens complémentaires avant de rendre son jugement. Selon moi, le juge fera ce qu’il faut pour être suffisamment éclairé avant de prononcer l’adoption, laquelle, vous l’avez tous dit, implique que l’enfant appartient totalement à la famille de ses parents. Sauf si la législation est éventuellement modifiée, il perd alors tout lien avec sa famille d’origine, qui peut toujours se réveiller un jour, même s’il n’en a plus officiellement.
    La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, estimant qu’il n’était pas totalement nécessaire et que son adoption aurait pour conséquence de surcharger le texte. En effet, les conditions qu’il vise à prévoir peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre par le juge.
    Quant aux amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251, leur esprit est totalement contraire à celui qui a été défendu par Mme Benbassa. Ils visent en effet à interdire totalement l’adoption si les enfants sont nés par PMA ou GPA.
    Pour ce qui concerne la GPA, le problème a été réglé, mes chers collègues, par un arrêt du 6 avril 2011 rendu par la première chambre de la Cour de cassation, laquelle a considéré que l’adoption n’était pas possible si la conception de l’enfant s’inscrivait dans une démarche contraire à notre droit et au principe d’ordre public.
    Par ailleurs, je considère qu’il est prématuré de traiter aujourd’hui de la PMA. Cela revient à anticiper ce qui sera peut-être fait plus tard et dont nous ne savons rien. Je pense donc que ces amendements doivent être rejetés.
    Enfin, j’ajoute que rapporteur de ce texte est celui de la commission des lois, donc de l’ensemble du Sénat. Il donne l’avis de la commission. Il peut arriver, comme tout à l’heure, qu’il s’agisse d’un avis personnel, mais on voit très bien que, finalement, cet avis personnel aurait correspondu dans d’autres circonstances à celui de la commission. Le rapporteur est donc, mes chers collègues, à votre entière disposition.
    Je demande simplement à ceux qui ont été les plus assidus à nos réunions préalables de faciliter, au stade où nous en sommes parvenus, l’avancée de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le doyen Gélard a lui-même qualifié l’amendement n° 81 rectifié quinquies d’« arme atomique ». C’est bien mon avis : cet amendement vise en effet à abroger la totalité du titre VIII du livre Ier du code civil, qui comprend les articles 343 à 370-5, c’est-à-dire à supprimer toute possibilité d’adoption en éliminant les dispositions juridiques qui encadrent cette possibilité, et ce alors même que, nous le savons tous, des procédures d’adoption sont en cours.
    M. le rapporteur a eu raison d’assimiler cet amendement à une interpellation forte ; c’est même le moins qu’on puisse en dire, parce que l’arme atomique est totalement destructrice : aucun de nous ne survivrait à son utilisation ! Il nous reste pourtant de si belles choses à faire !
    Le Gouvernement entend parfaitement votre interpellation, monsieur Gélard. Je réitère l’engagement qui a été pris : dans le cadre du projet de loi sur la famille, nous travaillerons en profondeur sur l’ensemble de notre régime d’adoption, parce qu’il existe effectivement des interrogations de fond à son sujet.
    Comme il me coûte toujours de vous être désagréable, monsieur le doyen Gélard, je n’émettrai pas d’avis défavorable sur votre amendement. Cependant, le Gouvernement, la commission et l’ensemble des parlementaires ayant entendu votre interpellation, peut-être déciderez-vous de le retirer.
    L’amendement n° 120 rectifié bis de Bruno Retailleau vise à inscrire dans la loi l’obligation pour les adoptés de plus de treize ans, qui, aux termes du code civil, doivent déjà consentir à leur adoption, de s’entretenir préalablement avec un psychologue. La décision d’accorder à l’adopté l’assistance d’un psychologue, d’une assistance sociale, d’un médecin ou d’un psychiatre, est une décision d’ordre pratique, dont il appartient au magistrat en charge de l’affaire d’apprécier l’opportunité. En l’état actuel du droit, le juge peut déjà décider, si l’enfant en fait la demande ou si son attitude donne à penser que cela serait nécessaire, d’organiser pour l’adopté un entretien avec un psychologue, un médecin, un aide médico-psychologue ou tout autre spécialiste. Le droit actuel va donc plus loin que ce que vous demandez, monsieur le sénateur, puisque vous ne réclamez qu’un entretien avec un psychologue.
    Dans la mesure où les dispositions en vigueur répondent déjà à votre inquiétude, et parce que votre amendement tend à transformer en règle juridique une disposition d’ordre pratique, l’avis du Gouvernement est défavorable.
    Plusieurs amendements concernent l’adoption d’enfants conçus par GPA. Il existe deux cas de figure : soit le recours à la GPA est présumé, soit il est certain. Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur votre amendement n° 238, madame Benbassa.
    Les cas où le recours à la GPA est certain sont rarissimes, convenons-en, puisque le recours à la GPA est contraire à l’ordre public français. Le Président de la République et le Premier ministre ont d’ailleurs tous deux réaffirmé qu’il n’était pas question de revenir sur le principe d’indisponibilité du corps humain, ni même d’ouvrir ne serait-ce qu’un débat sur la GPA, pendant toute la durée du quinquennat. Le Premier ministre a indiqué que, sous réserve de l’appréciation qu’il portera sur le rapport du Comité consultatif national d’éthique, l’ouverture de la PMA aux couples de personnes de même sexe figurera dans le projet de loi sur la famille, mais il n’y a pas la moindre ambiguïté au sujet de la GPA : le Président de la République a été formel.
    Je le répète, les cas où le recours à la GPA est certain sont extrêmement rares. Un jugement de 2003 a affirmé que, lorsque le recours à la GPA était établi, l’adoption de l’enfant n’était pas autorisée. Cette jurisprudence constitue notre référence. Introduire dans notre droit la possibilité d’adopter un enfant conçu par GPA contreviendrait aux dispositions du code civil, et notamment à son article 16-7, qui interdit très clairement le recours à la GPA. Il s’agit d’un principe d’ordre public, c’est-à-dire d’un principe absolu, auquel il est impossible de déroger. Bien entendu, si le recours à la GPA n’est pas certain mais seulement présumé, et si le juge estime qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’autoriser son adoption, je ne doute pas qu’il prononcera cette autorisation.
    Pour l’ensemble de ces raisons, madame Benbassa, je vous invite à retirer votre amendement. Le débat que vous avez provoqué était nécessaire, car des éclaircissements devaient être apportés. Maintenant qu’ils l’ont été, je pense que vous pouvez retirer votre amendement, car je suis certaine que vous ne souhaitez pas aller contre l’ordre public français en la matière.
    M. Bruno Sido. Ni en toute autre matière !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela va de soi ! J’ai parlé de cette matière parce que c’est de celle-là que nous débattons. Nous aurons l’occasion de confirmer notre attachement à l’ordre public en d’autres circonstances, monsieur Sido.
    S’agissant des amendements qui visent à interdire la GPA, je n’en vois pas l’utilité, puisque la GPA est déjà interdite par notre droit. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l’amendement n° 81 rectifié quinquies. (Vives manifestations d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout de même malheureux : dès que je veux prendre la parole, la fièvre s’empare de certaines travées ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    Madame la garde des sceaux, je souhaite vous poser une question qui fait écho à celle que se posent actuellement tous les maires. Je pense donc que vous aurez à cœur d’y répondre à un moment ou à un autre.
    Vous avez déclaré hier que le nouveau livret de famille – je sais bien qu’il relève du domaine réglementaire, mais il n’en concerne pas moins tous les maires – serait un document unique. Un certain nombre d’entre nous avaient pourtant compris, au vu notamment de vos propos à l’Assemblée nationale, que les termes « père » et « mère » ne disparaîtraient pas et qu’il y aurait à l’avenir trois livrets de famille. Je souhaiterais donc, madame la garde des sceaux, que vous nous donniez des précisions à ce sujet. Je pense que tous les maires de notre pays apprécieraient que vous le fassiez. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
    M. Patrice Gélard. Je ferai deux remarques sur ce qui a été dit tout à l’heure.
    Tout d’abord, la Russie interdit les adoptions monoparentales.
    Ensuite, la plupart des enfants – je n’ai pas les chiffres, mais ils ont été cités lors des auditions – qui vivraient dans des familles homoparentales auraient un père et une mère.
    Cette parenthèse étant fermée, j’en viens à la demande de retrait formulée tant par notre rapporteur que par Mme la garde des sceaux. Dans l’intérêt des familles qui sont actuellement en cours d’adoption, et compte tenu de l’effet destructeur qu’aurait la prise en compte de mon amendement, je le retire. (Applaudissements.)
    M. le président. L’amendement n° 81 rectifié quinquies est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 208 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 238 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 238 est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 211 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251.
    M. Jean-Pierre Leleux. Madame la garde des sceaux, je n’ai pas bien compris votre réponse. Vous avez déclaré que vous émettiez un avis défavorable parce que ces amendements visaient à interdire la GPA. Or nous n’avons jamais demandé l’interdiction de la GPA dans le cadre de ce projet de loi, car nous savons bien que tel n’est pas son objet. Ce que nous demandons, c’est qu’il ne soit pas possible d’adopter un enfant conçu par GPA.
    M. Alain Gournac. Exactement !
    M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaiterais donc que vous nous répondiez plus précisément sur cette question. Puisque personne ne veut de la GPA, démontrez-nous dès aujourd’hui qu’il n’est pas possible d’adopter un enfant conçu par GPA.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai déjà répondu ! J’ai même cité le jugement de 2003 !
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
    M. Dominique de Legge. Mon intervention s’inscrit dans le prolongement des propos de Jean-Pierre Leleux. J’avoue que j’ai du mal à comprendre la logique qui nous a été présentée par M. le rapporteur.
    En gros, il nous a dit que la jurisprudence de la Cour de cassation réglait le problème et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu d’introduire de nouvelles dispositions dans le projet de loi. Mais alors, si vous êtes tellement satisfaits de la jurisprudence de la Cour de cassation, n’auriez-vous pas intérêt à la transcrire dans la loi afin de vous mettre à l’abri de toute évolution de cette jurisprudence ?
    M. Charles Revet. Eh oui !
    M. Dominique de Legge. J’ajoute que, lors de notre débat d’hier sur la définition du mariage, vous nous avez expliqué que le mariage était une cérémonie républicaine. Nous ne pouvions qu’en convenir puisque, la loi étant nécessairement celle de la République, tout ce qu’elle établit est, par définition, « républicain ». Votre remarque était donc redondante.
    Si vous estimez qu’il faut respecter les engagements du Président de la République, vous auriez tout intérêt à faire en sorte que ce projet de loi garantisse au Président de la République la possibilité de respecter son engagement à cet égard. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
    M. Alain Milon. Je voudrais revenir un instant sur le problème de la PMA de convenance et de la GPA.
    Je rappelle que le juge qui autorise l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu. S’il y a eu PMA à l’étranger et que l’enfant naît en France, la femme qui accouche est considérée comme la mère de l’enfant. Par conséquent, l’argumentation de notre collègue Michel Bécot ne tient pas vraiment.
    Je rappelle également que, en cas de recours à la GPA, l’adoption par la mère d’intention est interdite sur notre territoire. Cependant, si le père biologique recourt à la GPA à l’étranger, rien ne s’oppose à ce que le mari du père adopte l’enfant ainsi conçu, sauf si le recours à la GPA est prouvé. Si le père biologique déclare qu’il a eu cet enfant avec une femme qui a refusé d’en être la mère, l’adoption peut se faire sans problème, car il est difficile de prouver la fraude.
    Enfin, il me semble que M. le rapporteur a dit quelque chose que je crois faux. L’adoption plénière n’interdit pas la connaissance des origines.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Sur la question du mariage des couples de personnes de même sexe, il existe des dissensions qui dépassent les clivages classiques entre la droite et la gauche ; c’est un fait, et vous le savez bien. Les uns diront que l’alliance d’un homme et d’une femme est une chose naturelle, et les autres diront que ce qui est naturel, c’est ce que l’on observe dans notre société, c’est-à-dire l’union de couples de personnes de même sexe.
    Je respecte ces arguments, mais je vais me situer dans une autre perspective.
    À mon sens, nous sommes là pour faire un choix de société important. Étant légitime pour défendre mon opinion dans cette assemblée, je ne m’exprime pas au nom de certains lobbies, de certains psychanalystes ou de certains philosophes. Je défends ici une conviction profonde quant à la finalité du mariage.
    Pour plus d’un million de Français, ce dernier n’a pas pour vocation de reconnaître un lien affectif entre deux personnes : il s’agit d’une institution.
    Force est de constater que l’altérité sexuelle n’a jamais été remise en cause dans la succession des textes ayant réformé le mariage, ce qui en fait, au passage, comme l’a expliqué le doyen Gélard, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et ce parce que tous les responsables politiques ont, depuis plus de deux cents ans, admis qu’un enfant a besoin, pour se construire, d’avoir auprès de lui un père et une mère.
    M. François Rebsamen. Ça recommence !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Bien sûr, un enfant peut être malheureux auprès de deux parents de sexes différents, mais cela ne remet nullement en cause ce que je viens d’expliquer.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous l’avez répété vingt fois !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je sais, c’est du raisiné après souper !
    Je crois qu’un enfant qui vit avec son père et sa mère a plus de chances d’avoir une structure psychique équilibrée, tout simplement parce qu’il pourra vraisemblablement accéder plus facilement à la réponse à son questionnement quant à son origine.
    Nous connaissons tous, autour de nous, des adultes qui, ayant été adoptés, recherchent indéfiniment leurs origines et souffrent de ne pas les retrouver. Pour ma part, j’en connais qui rechercheront leur père jusqu’à leur mort.
    Il s’agit non pas d’une thèse quelconque, mais d’une opinion forgée à partir d’un fait incontestable.
    Nous le savons tous, un enfant a besoin, autant que possible, d’avoir un papa et une maman ! (Exclamations et signes d’exaspération sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Hélas, la vie en décide quelquefois autrement, et c’est quelque chose que j’ai vécu personnellement.
    Christian Flavigny, psychanalyste et pédopsychiatre, directeur du département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière s’exprimait ainsi dans Le Monde daté du 9 novembre 2012 : « S’il est adopté, ce projet gouvernemental ouvrira le mariage et l’adoption à tous ; cela validerait qu’un enfant pourrait de droit n’avoir jamais son père et sa mère. [...] Il en ressent une mésestime de lui-même [...] l’épreuve de l’enfant qui n’a jamais eu de père et mère est d’une intensité bien plus vive, à la limite de l’inexprimable. [Que le conjoint homosexuel] soit convoqué comme un deuxième parent brouille la réflexion de l’enfant et plaque une figure factice sur celle manquante du père, dans un artifice de solution au défaut du père. […] Le placage comporterait une confusion nuisible à l’équilibre de toutes les familles. […] Cette indifférenciation dissipe le principe fondateur de la vie familiale : l’interdit de l’inceste. » (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. François Rebsamen. Elle radote !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Vous trouverez peut-être que cet homme raconte n’importe quoi. En tout cas, il a une réputation de compétence qui est loin d’être remise en cause. (Le tumulte s’amplifie sur les mêmes travées.)
    M. François Rebsamen. Zéro !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Vous ne m’empêcherez pas de dire ce que j’ai à dire !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Je voudrais remercier Mme la garde des sceaux d’avoir bien expliqué sa circulaire, car cela m’a permis de considérer qu’il s’agit d’un bon texte dans la mesure où il tient compte du fait que l’enfant est là, qu’il existe. Évidemment, ce n’est pas du tout la même situation que lorsqu’il est question d’organiser une GPA à partir de rien, sinon d’une éprouvette !
    Il est vrai que j’ai cosigné deux de ces cinq amendements identiques, mais, au fond, après l’explication de Mme la garde des sceaux, je le regrette, parce que ces amendements concernent des enfants qui sont là.
    Mme Jacqueline Gourault. Eh oui !
    M. Bruno Sido. En fait, ces amendements sont inopérants, car, si l’enfant n’est pas adoptable, où va-t-il aller ? Il sera pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du conseil général et, de ce fait, il deviendra adoptable. Par conséquent, ces amendements induisent une certaine contradiction. Le mieux serait donc de les retirer. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
    M. Bruno Retailleau. Alain Milon nous a apporté une précision importante. De surcroît, il a eu la gentillesse de me dire qu’elle lui avait été communiquée par un magistrat.
    Madame la garde des sceaux, je me retourne donc vers vous, peut-être aussi vers M. le rapporteur, lui-même ancien magistrat, pour savoir si l’assertion de notre collègue Alain Milon est exacte. C’est très important pour nos débats.
    En effet, il a indiqué : « Le juge qui autorise l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu. »
    Désormais, le mariage étant ouvert indifféremment aux couples de sexes différents et aux couples de même sexe, que ce soit deux hommes ou deux femmes, si le juge qui doit prononcer l’adoption d’un enfant du conjoint ne vérifie pas les conditions de la conception, il est clair que le mécanisme dans lequel vous nous faites entrer aboutit à une forme de régularisation de ce que l’on a appelé les « bébés Thalys ».
    Je souhaite donc que Mme la garde des sceaux nous éclaire sur ce point de droit.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 231 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole à M. Christian Favier, pour explication de vote sur l’article 1er bis.
    M. Alain Gournac. Oh là là !
    M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous l’avons entendu, des craintes se sont exprimées concernant l’ouverture de l’adoption plénière à un couple de même sexe, qui remettrait en question un modèle bâti sur les lois de la nature, ainsi que sa retranscription sur les actes de naissance de ces enfants puisque l’adoption plénière entraîne une nouvelle filiation effaçant la filiation d’origine. Il y aurait là, selon certains, un risque d’inconstitutionnalité.
    Je voudrais simplement rappeler que, depuis 1966, l’adoption plénière est ouverte aux personnes seules et que, dans ce cas aussi, l’acte d’état civil ne fait pas mention d’une altérité sexuelle.
    Par ailleurs, comme l’a précisé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nous devons faire la part entre le principe de l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe et la nécessité de résoudre des questions concernant la filiation en général que pose le modèle français de l’adoption plénière.
    Celle-ci est en effet parfois qualifiée de « mensonge institutionnalisé » Un tel « mensonge » n’est pourtant pas propre aux couples de personnes de même sexe. Je dirai même que la critique vaut essentiellement pour l’adoption par des couples de sexes opposés et met en débat la question de l’adoption plénière elle-même, laquelle coupe les liens avec la filiation d’origine et permet une substitution totale dans les actes d’état civil. Le vrai débat, cela a été dit, est donc bien celui de l’accès aux origines.
    Sur cette question, comme sur toutes les problématiques soulevées par l’adoption, à propos desquelles Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales est intervenue, une volonté politique forte sera nécessaire pour mener à bien une réforme. Nous faisons confiance aux ministères concernés pour qu’il en soit ainsi.
    Aussi, mes chers collègues, nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Claude Dilain applaudit également.)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
    Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le plus grave, dans cette affaire, c’est que les défenseurs de ce texte ne semblent nullement mesurer les bouleversements qu’il va entraîner sur l’institution du mariage.
    Prenons un exemple : la présomption de paternité, qui fait partie intégrante du mariage.
    Deux solutions s’offrent à nous.
    Si l’on applique cette disposition aux couples de même sexe, la conjointe de la mère est désignée comme seconde mère. Que devient alors le père biologique ? Comment départager la conjointe et le père biologique lorsqu’ils souhaiteront tous les deux établir leur paternité ?
    A contrario, si l’on décide de supprimer cette présomption de paternité pour tout le monde, au nom de l’égalité que le Gouvernement et sa majorité entendent promouvoir, le conjoint devra reconnaître l’enfant ou l’adopter et, à défaut, il faudra intenter contre lui une action en recherche de paternité. Pour imposer la parenté à un parent prétendu, il faudra prouver qu’il s’était engagé dans le projet parental. À défaut d’une telle preuve, nul ne pourra être désigné parent contre son gré, y compris le père biologique. N’est-ce pas là une remise en cause implicite des fondements du mariage, qui repose, je vous le rappelle, sur la reconnaissance par la femme de son époux comme étant le père de ses enfants ?
    Il est une conséquence implicite de ce projet qui n’est nullement évoquée : la question de la filiation par PMA ou GPA. Non seulement le présent texte se contente d’aborder le cas de l’adoption sans véritable remise à plat de la législation en la matière, alors qu’elle en aurait bien besoin, mais il fait l’impasse sur la PMA et la GPA, ce qui est de nature à inciter les couples de même sexe à y recourir.
    Au-delà des problèmes bioéthiques posés, c’est l’atteinte à l’intérêt de l’enfant qui me préoccupe.
    On décide délibérément de priver des enfants à naître d’un de leurs deux parents et, par ricochet, de la moitié de leurs origines, et l’on trouve cela normal !
    On introduit une discrimination entre les enfants et cette rupture d’égalité ne choque personne.
    Or l’ensemble des liens de famille risquent d’être ainsi bouleversés !
    Quelles seront, en outre, les conséquences sur la PMA avec donneur ? À ce jour, la PMA est exclusivement réservée à des couples ayant des problèmes médicaux et les donneurs sont des militants qui le font au nom de la solidarité entre hommes. Qu’en sera-t-il si l’on ouvre la PMA pour des raisons de confort ? Le risque sera alors de voir le nombre de donneurs chuter.
    Quelles conséquences cette réforme aura-t-elle enfin en cas de séparation ? En permettant l’adoption de l’enfant du conjoint issu de GPA ou de PMA, on créera une double filiation, biologique et « sociale », comme disent certains. Au-delà du risque de multiparentalité, de nombreux juges aux affaires familiales craignent d’être confrontés à une forme de déni des droits de l’autre sur l’enfant au motif, justement, qu’il n’est pas le géniteur.
    La notion d’irrévocabilité du projet parental sera-t-elle à dimension variable ?
    Ces questions complexes ne sont pas abordées dans ce texte.
    C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 1er bis, non plus, du reste, que l’ensemble du projet de loi.
    M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
    (L’article 1er bis est adopté.)
    Article 1er bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er quater (supprimé)
    Article 1er ter
    Après le deuxième alinéa de l’article 360 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L’enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l’être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple. »
    M. le président. L’amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. J.L. Dupont, Maurey, Merceron, Tandonnet, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
    M. Jean-Léonce Dupont. Cet amendement de suppression est motivé par les raisons qui nous ont amenés à défendre un statut d’union civile. Il est donc en cohérence avec ce que nous avions alors soutenu.
    Avec l’union civile, nous souhaitions dissocier le sujet de l’union de celui de l’adoption parce qu’il nous paraît que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un débat de qualité puisse avoir lieu sur le second.
    Mais, au fond, nous pourrions être d’accord : l’adoption simple est une approche juridique assez pertinente pour régler bien des situations. La difficulté tient en partie à sa dénomination : l’adoption plénière emporte, en droit, des effets très puissants, tandis que les effets de l’adoption simple sont d’une autre nature, en particulier parce que celle-ci ne rompt pas la filiation existante.
    L’adoption simple est en réalité mal désignée dans notre droit, car le public tend à penser qu’adoption plénière et adoption simple sont au fond la même chose parce que le mot adoption est utilisé dans les deux cas. Or ce sont deux réalités juridiques totalement différentes.
    Lorsque nous proposons l’amélioration du droit des tiers, notamment pour des enfants vivant dans des foyers de personnes homosexuelles, nous plaidons pour un dispositif qui n’est pas extrêmement éloigné de ce qu’est aujourd’hui l’adoption simple.
    Mais si vous aviez inventé quelque chose de neuf pour des enfants vivant dans tous types de foyers, et donc aussi dans des foyers composés de personnes de même sexe, ce concept nouveau aurait permis, dans un consensus, d’apporter une réponse juridique adaptée.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable puisque cet amendement de suppression, comme celui qui a été déposé par les mêmes auteurs à l’article précédent, supprime une disposition qui profite aux époux de même sexe comme à ceux de sexes différents. Il s’agit, en outre, d’un encadrement des doubles adoptions, la commission des lois étant intervenue pour interdire les pluri-parentalités.
    Cet article 1er ter est tout à fait opportun, et je m’étonne que ce soient M. Zocchetto et ses amis qui proposent de le supprimer.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis défavorable : cet article représente un vrai progrès, y compris pour les familles hétéroparentales.
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
    M. Patrice Gélard. Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de l’article 1er ter, mais, partageant le point de vue des auteurs de l’amendement n° 175 rectifié ter, nous voterons ce dernier.
    En effet, nous estimons que l’adoption simple mérite un autre sort que celui que lui réserve, à l’heure actuelle, notre code civil, non pas du fait du législateur, mais par la faute de Bercy. Si l’adoption simple a été petit à petit délaissée, c’est parce que les adoptants et les adoptés n’ont pas été traités comme ils auraient dû l’être : on n’a vu en eux que des « vaches à lait » fiscales. Avec une telle conception, il est bien évident que l’adoption simple ne présente qu’un intérêt limité !
    C’est la raison pour laquelle nous souhaitons très vivement que Mme le garde des sceaux fasse pression sur son collègue ministre de l’économie et des finances pour faire en sorte que l’adoption simple puisse remplir toutes les missions qui devraient être les siennes, notamment en ce qui concerne les couples homosexuels.
    Je connais un certain nombre de cas où l’adoption simple fonctionne déjà, par exemple quand une mère fait adopter son enfant par sa conjointe en la forme simple. C’est donc jouable, mais les conséquences financières ne sont guère satisfaisantes.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Rédiger ainsi cet article :
    Après le premier alinéa de l’article 360 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L’adoption simple peut être demandée par le conjoint de même sexe que le père ou la mère de l’adopté. »
    La parole est à M. Alain Milon.
    M. Alain Milon. Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple autorise une filiation additionnelle. Dans ce cadre, il est donc possible que le conjoint de même sexe adopte, en la forme simple, l’enfant de son époux ou de son épouse, quel que soit l’âge de l’adopté.
    M. le président. L’amendement n° 239, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, M. Desessard, Mme Aïchi, M. Labbé et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
    Alinéa 1
    Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
    L’article 360 du code civil est ainsi modifié :
    1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et quel que soit le mode de conception de l’enfant » ;
    2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    Mme Esther Benbassa. Je retire cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 239 est retiré.
    L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    « L’adoption simple de l’enfant précédemment adopté en la forme simple ou plénière par une personne seule peut être demandée par le conjoint ou le partenaire de l’adoptant. »
    La parole est à M. Alain Milon.
    M. Alain Milon. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui vise à prévoir expressément l’adoption simple de l’enfant, précédemment adopté par une personne seule, par le conjoint ou le partenaire de celle-ci. Cet amendement correspond partiellement à l’article 1er ter du texte de la commission des lois, en le coordonnant aux dispositions qui précèdent et en simplifiant la règle.
    M. le président. L’amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Supprimer les mots :
    une seconde fois,
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Il s’agit simplement de supprimer une précision inutile.
    M. le président. L’amendement n° 62 rectifié quinquies, présenté par M. Gélard et Mme Duchêne, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après les mots :
    le conjoint de cette dernière
    insérer les mots :
    ou la personne ayant conclu un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à étendre la possibilité de recourir à l’adoption simple aux partenaires des personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ou qui vivent en concubinage.
    M. le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Guerriau, Bockel, Dubois et Maurey, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Compléter cet alinéa par les mots :
    après avis de l’enfant doué de discernement, et dont cette caractéristique a été validée après une analyse pédopsychiatrique et sous contrôle du juge aux affaires familiales
    La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
    M. Jean-Léonce Dupont. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, si le projet de loi s’était borné à n’accorder qu’une égalité de protection aux couples de même sexe, qui peut d’ailleurs facilement se réaliser par un contrat d’union civile, je suis persuadé qu’il aurait été voté dans un contexte social beaucoup plus apaisé. Mais le bruit de la rue ne vous atteint pas, non plus que les récents sondages qui montrent que 53 % des Français sont opposés à l’adoption par des couples de même sexe.
    Aussi convient-il, sur cette question de l’adoption, de ne pas oublier l’intérêt supérieur de l’enfant et de considérer son opinion, renforçant ses droits dès lors qu’il est doué de discernement. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une notion juridique précise, qui doit être une considération primordiale dans toute décision qui concerne les enfants. C’est aussi une obligation juridique qui s’impose au législateur puisqu’elle résulte, notamment, de nos engagements internationaux régulièrement approuvés et ratifiés.
    Ainsi, cet amendement vise à créer une exception à la règle du veto de l’enfant, qui peut être formulé après treize ans, en permettant à l’enfant de moins de treize ans, doué de discernement – après validation de ce caractère par une analyse pédopsychiatrique –, le tout encadré par le juge aux affaires familiales, d’opposer son veto à l’adoption simple, automatique, sur simple demande du conjoint du premier adoptant.
    M. le président. L’amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
    Toutefois, la révocation de la première adoption en la forme simple entraîne de plein droit la révocation de la seconde, sauf si le mineur de plus de treize ans s’y oppose ou si le juge estime qu’il est de l’intérêt de l’enfant de ne pas prononcer cette révocation.
    La parole est à M. Jean-Claude Requier.
    M. Jean-Claude Requier. Cet amendement traite de la question de l’adoption simple, par le conjoint d’une personne, de l’enfant adopté antérieurement par cette personne, telle qu’elle est prévue à l’article 1er ter.
    Le code civil autorise la révocation de l’adoption simple, pour des motifs graves, et à la demande de l’adoptant, de l’adopté de plus de quinze ans ou, si celui-ci a moins de quinze ans, du ministère public. Cette révocation ne vaut que pour le futur. La révocation de la première adoption simple ouvre donc la possibilité que le conjoint ayant adopté en second demeure l’unique parent, alors même qu’il n’avait originellement pas de lien avec l’enfant.
    Afin d’éviter une forme de glissement de la parenté en cas de révocation, le présent amendement prévoit la révocation de plein droit de l’adoption simple à l’égard du second conjoint, si la première adoption en la forme simple est révoquée. Deux tempéraments sont prévus : l’opposition expresse du mineur de plus de treize ans ou une décision motivée du juge, si celui-ci estime qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de maintenir cette filiation.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les six amendements restant en discussion ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’observe que l’amendement n° 216 rectifié est d’ores et déjà satisfait. En effet, l’adoption étant ouverte aux couples de même sexe, comme aux couples de sexes différents, en vertu de l’article 365 du code civil, l’adoption simple de l’enfant du conjoint sera possible.
    Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
    À mon sens, l’amendement n° 213 rectifié n’a plus d’objet, puisque l’amendement n° 208 rectifié bis, avec lequel il établit une coordination, n’a pas été adopté.
    L’amendement n° 90 rectifié bis vise à supprimer l’expression « une seconde fois ». Devant la commission, j’ai soutenu que cette précision n’était pas inutile, car, en son absence, l’enfant pourrait être adopté plusieurs fois, pourvu qu’il l’ait été, successivement, par une seule personne. L’article 360 du code civil fait en effet exception à la règle de l’article 346 et n’est pas tenu par la limitation à deux du nombre d’adoptants.
    C’est la raison pour laquelle la précision que cet amendement tend à supprimer me paraît devoir être maintenue, pour éviter les pluri-adoptions et les pluri-paternités. La commission a toutefois émis un avis favorable sur cet amendement.
    À titre personnel, je ne peux qu’être très favorable à l’amendement n° 62 rectifié quinquies puisque j’avais déposé une proposition de loi, dont Mme Des Esgaulx avait été le rapporteur, qui ouvrait l’adoption aux couples pacsés. Ce texte avait été rejeté à l’époque. Aujourd’hui, M. Gélard nous propose d’introduire une disposition en ce sens dans le projet de loi. Mon cher Patrice, vous le voyez, nous nous rejoignons très souvent. En général, d’ailleurs, c’est plutôt vous qui marchez dans mes pas ! (Sourires.)
    Malheureusement, une telle disposition n’entre pas dans le périmètre de ce projet de loi, qui ne porte pas sur le PACS. M. Cointat avait d’ailleurs déposé un amendement visant à instaurer un PACS amélioré et cet amendement a été rejeté. Nous y reviendrons peut-être ultérieurement, lors de l’examen d’un autre texte.
    J’ai donc demandé à la commission, malgré mon approbation totale sur le fond, d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, ce qu’elle a fait.
    Les auteurs de l’amendement n° 143 rectifié proposent, dans le seul cas de l’adoption simple d’un enfant déjà adopté, que l’avis de l’enfant doué de discernement soit recueilli, après analyse par un pédopsychiatre. Une telle disposition me paraît encore plus superflue que celle que tendait à introduire un amendement de M. Retailleau et que nous avons rejetée. En effet, nous parlons ici de la situation d’un enfant déjà adopté, qui fait ensuite l’objet d’une adoption simple : est-il nécessaire qu’un pédopsychiatre soit invité à se pencher sur une telle demande ?
    J’ajoute que l’intérêt de l’enfant est d’ores et déjà protégé par le code civil : non seulement, pour les matières qui le concernent, l’enfant est entendu s’il le souhaite, quel que soit son âge, mais encore le juge ne prononce l’adoption qu’en considération de l’intérêt de l’enfant.
    L’avis de la commission sera donc défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
    Enfin, je demande aux auteurs de l’amendement n° 148 rectifié de bien vouloir le retirer, car le risque qu’ils dénoncent n’est pas avéré. En effet, la révocation d’adoptions successives ne produit d’effets que pour l’avenir, en vertu de l’article 370-2 du code civil.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, mais je souhaite formuler trois observations.
    Je comprends ce qui gêne les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié bis. La mention « une seconde fois » est une précaution, compte tenu de l’adoption de l’article précédent. En effet, comme vous le savez, les adjectifs « second » et « deuxième » n’ont pas le même sens : après un « second », il n’y a pas de « troisième ». L’ajout de cette mention peut donner à penser que l’on permet une adoption « une fois de plus », alors qu’il s’agit de fermer toute possibilité d’une troisième adoption. Cette formulation n’est peut-être pas idéale, mais il me semble qu’elle introduit une précaution nécessaire.
    L’amendement n° 216 rectifié, qui tend à ouvrir l’adoption simple au conjoint ou au partenaire de même sexe, introduit en fait une discrimination en limitant la possibilité d’adoption plénière aux seuls couples de sexes différents. Il est donc contraire à l’esprit même du texte du Gouvernement.
    L’amendement n° 148 rectifié présente incontestablement un intérêt. Le Gouvernement demande cependant à ses auteurs de le retirer, parce que l’inquiétude qu’ils expriment n’est pas fondée, le droit en vigueur leur apportant entièrement satisfaction.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l’amendement n° 216 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. Mon intervention aura une portée plus générale.
    Madame la ministre, je vous ai interrogée à la suite de l’assertion faite tout à l’heure par Alain Milon, qui reprenait les propos d’un magistrat, assertion selon laquelle « le juge qui prononce l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu ». Cela est-il, oui ou non, exact ?
    Je vous remercie de bien vouloir m’apporter une réponse, quel qu’en soit le sens.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Je souhaite aider Mme le garde des sceaux en contribuant à formuler une réponse à la question de notre collègue Bruno Retailleau.
    Il me semble que le juge n’a pas, en effet, par principe, à vérifier systématiquement, lorsque le lien de filiation est établi à l’égard de l’un des deux adultes, comment ce lien de filiation s’est constitué, même si, dans la plupart des cas, cela ne l’empêchera pas de le savoir.
    Il est cependant un cas où le juge est tenu d’empêcher l’adoption de la manière la plus stricte : lorsqu’il existe un soupçon que l’enfant a été conçu à l’étranger par une mère porteuse, ce qui contrevient totalement à l’ordre public international français. Je rappelle d’ailleurs que le délit de recours à une mère porteuse s’applique directement aux deux adultes qui ont en quelque sorte « passé commande » de cet enfant à l’étranger.
    La situation me paraît un peu différente s’agissant du recours à l’assistance médicale à la procréation. Je ne sais pas, mon cher collègue, ce que vous en pensez vous-même, mais, pour moi, le délit est alors constitué non par l’initiative des parents, mais par l’initiative du médecin qui aurait prêté son concours à l’assistance médicale à la procréation en France.
    À supposer que l’enfant qui arrive dans le foyer de deux épouses soit le fils ou la fille de l’une d’elles et que cet enfant soit issu d’une assistance médicale à la procréation, quel que soit le lieu où elle est pratiquée – je précise ici la question de mon collègue Retailleau, madame la garde des sceaux –, il ne me semble pas que le juge soit tenu de vérifier l’origine de sa conception, en l’occurrence l’assistance médicale à la procréation, non plus que de s’opposer à l’adoption du seul fait que l’assistance médicale à la procréation pour deux femmes n’est pas reconnue en France. Je crois au contraire – et c’est la logique du texte – que la filiation de cet enfant à l’égard de sa mère sera pleinement reconnue.
    Mais j’attends la réponse de Mme la garde des sceaux, en espérant qu’elle me dira que je me trompe.
    M. Jean-Louis Carrère. Elle n’est pas obligée de vous répondre !
    M. Philippe Bas. Cela renforce, de mon point de vue, considérablement l’obstacle qui existe à la reconnaissance de cette voie d’adoption. En effet, sans qu’il soit besoin de prévoir la moindre disposition supplémentaire, et même si j’écarte à ce stade la gestation pour autrui, je crois que le texte a nécessairement pour effet, alors que l’assistance médicale à la procréation est illégale pour une femme seule et pour un couple de femmes, de permettre l’établissement d’une filiation de l’enfant à l’égard de l’épouse de la mère qui l’aura mis au monde.
    Cela me paraît, du point de vue du respect de la loi française, extrêmement choquant mais, je le crains, inévitable.
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Retailleau, je vous réponds très volontiers, tout en vous faisant observer qu’il n’est pas nécessairement opportun d’ouvrir un débat à l’intérieur de la discussion d’un amendement. De la même manière, je répondrai le moment venu à la question que m’a posée Mme Des Esgaulx. Il reste que, lorsqu’une question m’est soumise qui n’a pas de lien direct avec le ou les amendements en discussion, je ne me sens pas obligée d’y répondre immédiatement. En tout cas, nous ne gagnerons pas de temps si des sénateurs reviennent plusieurs fois à la charge pour dire : « La ministre n’a pas répondu ! »
    Cela étant précisé, je vais me donner la peine de vous répondre.
    Oui, M. Milon a parfaitement raison, le juge n’a pas à aller enquêter sur les conditions de conception de l’enfant. Vous imaginez, d’ailleurs, la charge de travail que représenteraient, pour chaque enfant adopté, ces enquêtes dans les hôpitaux, pour savoir à quelle heure l’accouchement a eu lieu, qui l’a pratiqué, en présence de qui, etc.
    Le droit est fait ainsi !
    Ce qu’il importe surtout de rappeler, c’est que le juge intervient au terme du processus. Car la demande d’adoption est d’abord adressée aux conseils généraux. Je n’oublie pas que je m’exprime devant la Haute Assemblée, qui représente les collectivités territoriales et qui compte parmi ses membres un certain nombre de présidents de conseil général. Vous êtes donc bien placés pour savoir que c’est au conseil général qu’est adressée la demande d’adoption ! C’est à lui qu’il revient, après qu’il a été procédé à une instruction, de donner ou non un agrément. Pour ma part, je n’ai jamais entendu personne dire que l’agrément était obtenu facilement ou rapidement. J’ai entendu, au contraire, que le processus était long, rigoureux,…
    M. Charles Revet. C’est vrai !
    M. Bruno Sido. Tout à fait !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … intrusif, voire excessif.
    Les présidents de conseil général s’entourent donc de toutes les sécurités possibles avant d’accorder l’agrément.
    M. Henri de Raincourt. C’est très sérieux !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le juge intervient après, sur la base de cette enquête sérieuse et rigoureuse qui a été effectuée avant l’attribution de l’agrément. Son dossier comporte les enquêtes sociales, l’état civil de l’enfant, sa filiation. Le juge dispose donc d’éléments qui lui permettent de prononcer, le cas échéant, l’adoption sur la base de l’intérêt de l’enfant énoncé à l’article 353 du code civil.
    Si le magistrat a un doute sur les conditions de conception de l’enfant, il décide de ne pas autoriser l’adoption. L’un des parents peut alors choisir d’aller plus loin. C’est bien ce qui s’est passé avec l’arrêt de la Cour de cassation de 2003 que j’ai évoqué très rapidement tout à l’heure. Il y avait, en l’espèce, non pas doute, mais certitude.
    Ainsi, le juge se prononce dans l’intérêt de l’enfant, sur la base d’un dossier rigoureusement constitué, après l’attribution d’un agrément. Si jamais il a un doute, il sait que, en vertu d’un principe d’ordre public, la GPA exclut toute exception et que le code civil lui-même frappe de nullité tout acte consécutif à une GPA. Donc, s’il estime qu’il a pu y avoir GPA, il ne prononcera pas l’adoption, et nous pouvons faire confiance à nos magistrats pour agir ainsi. En tout cas, si des magistrats avaient dérogé à ce principe d’ordre public, nous le saurions !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 216 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 213 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l’amendement n° 62 rectifié quinquies.
    M. Patrice Gélard. Je me suis rendu compte que cet amendement n’était pas utile pour la simple raison que l’adoption simple peut être prononcée dans n’importe quelles conditions. Par conséquent, je retire cet amendement.
    M. le président. L’amendement n° 62 rectifié quinquies est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 143 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 148 rectifié est-il maintenu ?
    M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 148 rectifié est retiré.
    La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article 1er ter.
    M. Gérard Longuet. Madame le garde des sceaux, je vais être obligé de voter contre cet article. (Marques de surprise feinte sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Carrère. Il vient d’arriver !
    M. Gérard Longuet. En effet, la réponse que vous avez apportée à mon collègue Philippe Bas ne m’a pas paru parfaitement claire.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr ! Vous avez raté des heures d’explications !
    M. Gérard Longuet. L’enquête du conseil général à laquelle vous faites allusion – qui est, en effet, une enquête approfondie – a pour objet de permettre à un couple ou à une femme de faire acte de candidature à l’adoption. Ce qui est alors en cause, c’est non l’autorisation d’adopter un enfant, mais l’agrément pour poser sa candidature à l’adoption Il faut, ensuite, une décision judiciaire. Si la personne est agréée pour adopter, elle présente sa demande d’adoption, qui est examinée par le juge.
    Pour se prononcer sur cette demande, le juge ne dispose pas des éléments approfondis qu’a recueillis le conseil général Il constate simplement que cette personne est agréée et est apte à élever un enfant, puis prend sa décision.
    La question implicitement posée par Philippe Bas concerne la surveillance de l’adoption d’enfants issus de ce que nous récusons, et que vous récusez en cet instant, à savoir la PMA à l’étranger, qui n’est absolument pas placée sous le contrôle du conseil général.
    Je voulais faire ce rappel pour expliquer nos positions. Les juges vont, faute d’informations sur l’origine de l’enfant adopté, légitimer l’adoption d’un enfant qui sera le produit d’une procédure, à ce jour, délictuelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
    M. Bruno Retailleau. Je voudrais, dans le droit fil du propos de Gérard Longuet, m’adresser à Mme la ministre.
    Président de conseil général, je sais que, dans le cas qui nous intéresse, les conseils généraux de France n’accorderont pas l’agrément pour l’adoption lorsque la demande aura été présentée par un couple composé de deux femmes ou de deux hommes.
    Nous ne nous interposerons pas, comme vous avez semblé le dire, dans le processus d’instruction du dossier. Si j’ai soulevé cette question, c’est parce qu’on se retrouvera devant un juge qui n’aura pas à vérifier, d’autant que la présomption de maternité n’existe pas en dehors de l’accouchement – j’en discutais avec Jean-Jacques Hyest à l’instant. On aura ainsi un moyen très simple de détourner l’ordre public français, notamment pour la PMA réalisée à l’étranger.
    Mais les conseils généraux n’interviendront pas dans l’instruction de ce dossier et ne donneront pas d’agrément pour l’adoption de l’enfant du conjoint. C’est une évidence, et le rapporteur pourrait le dire tout aussi bien que moi !
    M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter.
    (L’article 1er ter est adopté.)
    Article 1er ter
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er quater (réservés jusqu’après l’article 23)
    Article 1er quater
    (Supprimé)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 131, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
    Le premier alinéa de l’article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
    « L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint ou le partenaire d’un pacte civil de solidarité du père ou de la mère de l’adopté.
    « Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint ou partenaire d’un pacte civil de solidarité, lesquels l’exercent en commun. »
    L’amendement n° 130, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
    Le premier alinéa de l’article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
    « L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, du père ou de la mère de l’adopté.
    « Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, lesquels l’exercent en commun. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter ces deux amendements.
    Mme Esther Benbassa. L’amendement n° 131 est un amendement de repli, qui ne vise, outre les couples mariés, bien sûr, que les couples pacsés, alors que l’amendement n° 130 vise également les couples vivant en concubinage.
    En l’état actuel de notre droit, seul le mariage permet au conjoint d’un parent d’adopter l’enfant sans que le parent perde l’autorité parentale.
    Le texte issu de l’Assemblée nationale précisait que, lorsque l’adoptant est le conjoint du parent, « l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun ».
    Cette précision nous paraît nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous rétablissons l’article 1er quater, supprimé par la commission.
    Il n’en reste pas moins que les partenaires d’un PACS et les concubins ne pouvant partager l’autorité parentale, leurs enfants ne peuvent voir leur filiation reconnue à l’égard de l’un d’entre eux. De nombreuses familles sont, par conséquent, privées de la reconnaissance des liens qui les unissent.
    Il convient donc qu’un juge puisse prononcer, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commande, une adoption simple au profit du concubin ou du partenaire de PACS du parent biologique, sans que ce parent biologique soit privé de ses droits d’autorité parentale.
    M. Jean Desessard. Très bien !
    M. le président. L’amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
    Au premier alinéa de l’article 365 du code civil, les mots : « L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l’adopté » sont remplacés par les mots : « L’adoptant est seul investi de tous les droits de l’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint ou le ou la partenaire du père ou de la mère de l’adopté ».
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 131 et 130 ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission demande à Mme Esther Benbassa de bien vouloir retirer ses amendements. Sinon, l’avis sera défavorable pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure : dans le périmètre de ce texte, on ne parlera pas du PACS, même si l’on peut souhaiter qu’il y ait des évolutions positives sur ce point.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable exactement pour les mêmes raisons que celles qui ont été formulées par M. le rapporteur. La question que vous soulevez, madame Benbassa, est tout à fait pertinente et méritera que l’on s’y intéresse, mais cela ne fait pas partie du périmètre du présent projet de loi.
    Le Gouvernement vous prie donc de bien vouloir retirer ces amendements.
    Mme Esther Benbassa. Je les retire, monsieur le président !
    M. le président. Les amendements nos 131 et 130 sont retirés, et l’article 1er quater demeure supprimé.
    Article 1er quater (supprimé)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Organisation des travaux
    Articles additionnels après l’article 1er quater (réservés jusqu’après l’article 23)
    M. le président. Je rappelle que les amendements portant article additionnel ont été réservés jusqu’après l’article 23.
    Organisation des travaux

    Articles additionnels après l’article 1er quater (réservés jusqu’après l’article 23)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 1er quinquies
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président je souhaite vous poser une question qui me paraît susceptible d’intéresser l’ensemble des membres de la Haute Assemblée : comment comptez-vous organiser la suite de nos travaux ?
    La séance doit en effet être levée à zéro heure trente puisqu’il est prévu que nous reprenions nos travaux, demain matin, à neuf heures trente.
    Dans ces conditions, à quelle heure envisagez-vous de suspendre la séance pour le dîner ?
    M. le président. Mon cher collègue, elle sera suspendue au plus tard à vingt heures trente.
    La parole est à Mme Isabelle Debré.
    Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, le texte que nous examinons actuellement est très important. Il se trouve que la commission des affaires sociales, à laquelle j’appartiens et qui est saisie pour avis du présent projet de loi, doit aussi se réunir demain matin pour examiner le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Or, pas plus que mes collègues de l’UMP également membres de la commission des affaires sociales, je n’ai la faculté de me dédoubler ! (Manifestations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous ferez comme hier après-midi !
    Mme Éliane Assassi. Nous avons connu cela aussi...
    Mme Isabelle Debré. Cela vous amuse peut-être, mes chers collègues, mais, moi, je ne vois aucunement là matière à rire ! Nous avons l’impression que l’on veut nous écarter de l’hémicycle ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
    Comment faire pour être présent, en même temps, ici et en commission ?
    Pour la bonne organisation de nos travaux, je vous demande, monsieur le président, de faire en sorte que tous les membres de la commission des affaires sociales, ceux de l’UMP et les autres, puissent participer à ce débat.
    M. le président. Madame Debré, la question que vous soulevez relève de la commission des affaires sociales. La séance publique, quant à elle, s’ouvrira à neuf heures trente, comme prévu.
    Organisation des travaux
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
    Article 1er quinquies
    I. – Après le mot : « non », la fin du deuxième alinéa de l’article 371-4 du code civil est ainsi rédigée :
    « , en particulier lorsqu’il a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. »
    II. – L’article 353-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Constitue un dol au sens de l’alinéa précédent, la dissimulation au tribunal du maintien des liens entre l’enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 371-4. »
    M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 29 rectifié ter.
    Je comprends parfaitement les intentions de notre rapporteur, qui a tenté, avec cet article 1er quinquies, de régler un vrai problème, que j’avais soulevé il y a quinze ans lors de l’adoption du PACS : celui des droits des conjoints, des anciens conjoints, des beaux-parents, des ascendants, des oncles et des tantes, en un mot des tiers, à l’égard des enfants, et de ceux des enfants à l’égard de ces personnes.
    Cet article est donc important, mais sa rédaction ne me satisfait pas. C’est la raison pour laquelle je propose, dans un premier temps, de le supprimer, puis, dans un second temps, de le réécrire sous une autre forme, qui me paraît plus convaincante, par le biais de l’amendement n° 29 rectifié ter.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission considère que la rédaction de l’article 1er quinquies, qui reprend d’ailleurs en partie celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale en votant un amendement de M. Erwann Binet, rapporteur de ce texte, répond bien à la question posée.
    Bien entendu, je le précise pour que cela figure au Journal officiel, le tiers dont il s’agit peut aussi être le parent social. Mais l’article a une portée beaucoup plus large puisqu’il concerne également des grands-parents ou des parents que l’on empêcherait de voir ou de recevoir l’enfant.
    Je m’oppose à la suppression de l’article 1er quinquies tel qu’il a été adopté par la commission, car je considère que c’est un bon texte. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 30 rectifié bis.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les questions relatives au statut du tiers ou du beau-parent sont intéressantes et, comme je l’ai dit précédemment, elles seront incluses dans le futur projet de loi sur la famille.
    Sur le présent amendement, le Gouvernement se range à l’avis de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 29 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 1 et 2
    Rédiger ainsi ces alinéas :
    I. - L’article 371-4 est ainsi rédigé :
    « Art. 371-4. – L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, le tiers, parent ou non, qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    L’amendement n° 183 rectifié quater, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou, est ainsi libellé :
    Alinéas 1 et 2
    Rédiger ainsi ces alinéas :
    I. - Après l’article 371-4 du code civil, il est inséré un article 371-4-... ainsi rédigé :
    « Art. 371-4-... – L’enfant peut entretenir des relations personnelles avec le tiers, parent ou non qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. »
    La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
    M. Jean-Léonce Dupont. Cet amendement est le premier d’une série visant globalement à l’élaboration d’un statut du beau-parent.
    Ces propositions font suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes émises dans le cadre du rapport de 2006 du Défenseur des enfants, intitulé « L’enfant au cœur des nouvelles parentalités : pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui ».
    Malheureusement, du fait de la réserve demandée hier par le président de la commission des lois, le présent amendement se retrouve quelque peu isolé, la discussion des autres amendements de cette série ayant été renvoyée après l’article 23, le dernier du texte.
    Cet amendement tend à prévoir le maintien de relations personnelles entre l’enfant et le tiers, parent ou non, qui a partagé la vie de l’enfant et noué avec lui des liens affectifs étroits.
    M. le président. L’amendement n° 277, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Remplacer les mots :
    lorsqu’il
    par les mots :
    lorsque ce tiers
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
    M. le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Supprimer les mots :
    , à son entretien ou à son installation,
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Nous estimons que, dans cet article, les mots « à son entretien ou à son installation » sont superfétatoires.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, auxquels j’étais, à titre personnel, défavorable.
    Je pense en effet que ces amendements ne changent rien et qu’il faut conserver le texte tel que nous le proposons, au demeurant très proche de celui qui nous vient de l’Assemblée nationale.
    Les auteurs de ces amendements souhaitent en fait « tripatouiller » le statut du beau-parent, qui pose en lui-même une vraie question. Mais celle-ci ne peut être réglée, selon moi, par des amendements successifs visant à modifier le dispositif introduit par l’Assemblée nationale.
    Ce dispositif, peut-être imparfait, se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour donner la possibilité à un juge saisi par un tiers, qu’il s’agisse d’un beau-parent, d’un grand-parent ou d’un parent, de maintenir un droit de visite ou de garde lorsqu’il est prouvé que des liens affectifs ont été maintenus entre l’enfant et le tiers, ou que celui-ci a pourvu à l’éducation de l’enfant.
    Je propose que l’on s’en tienne là et que l’on n’aille pas plus avant dans la définition du statut du beau-parent, car celui-ci pose d’autres problèmes qui seront sans doute abordés dans le futur texte sur la famille, comme nous le dira certainement Mme Bertinotti.
    Je rappelle que la commission s’est néanmoins prononcée pour ces amendements.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En effet, le statut du beau-parent, ou du tiers, sera traité dans toute sa diversité dans le cadre du projet de loi sur la famille.
    L’amendement n° 91 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 371-4 du code civil, la référence proposée par la commission des lois à l’entretien ou à l’installation de l’enfant. Je fais observer que ces critères existent déjà en droit, notamment dans la définition de la possession d’état, à l’article 311-1 du code civil.
    J’émets un avis défavorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, et favorable sur l’amendement n° 277.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183 rectifié quater.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 277.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Alinéas 3 et 4
    Supprimer ces alinéas.
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 275, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
    Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    … – Le deuxième alinéa de l’article 353 du même code est ainsi rédigé :
    « Le tribunal vérifie en outre si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale, notamment dans le cas où l’adoptant a des descendants, ou encore, lorsque, en application de l’article 371-4, le juge aux affaires familiales a prévu le maintien des liens de l’enfant avec un tiers. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. La raison de cet amendement est, une nouvelle fois, la protection de l’intérêt de l’enfant.
    Certains enfants, issus du désir d’un couple et d’un projet parental commun, n’ont de filiation établie qu’à l’égard d’un parent, ce qui donne à ce dernier, en cas de séparation, les pleins pouvoirs sur les relations de son enfant avec celui que l’on a coutume d’appeler « l’autre parent ».
    Ce parent social doit être pris en compte par tous ceux qui sont amenés à considérer et à décider de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous proposons de convier les tribunaux à prendre en compte, dans le cadre de la procédure d’adoption, les liens existants entre un enfant et son parent social.
    Il est temps de reconnaître au parent social le rôle qui lui revient, étant donné son importance dans le projet d’engendrement et d’éducation, ainsi que dans le projet d’avenir de l’enfant.
    Cette disposition est destinée à s’appliquer dans le cadre tant d’une procédure d’adoption plénière que d’une procédure d’adoption simple. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au juge aux affaires familiales, ou JAF, d’examiner si l’adoption de l’enfant n’est pas susceptible de porter atteinte aux liens qu’il a noués avec un tiers.
    L’intention de l’auteur de l’amendement est louable et s’inspire du dispositif particulier qui a été adopté sur l’initiative de la commission s’agissant de la tierce opposition au jugement d’adoption : outre la saisine du juge en vue de maintenir le lien de l’enfant avec un tiers, il est possible, dans le cas où ce lien a été maintenu par une décision du JAF, lorsqu’il y a une adoption postérieure par le nouveau conjoint, et à condition que le juge de l’adoption n’ait pas été informé de la décision du JAF, de s’opposer à l’adoption et de la faire annuler pour dol. Avec le présent amendement, l’idée est à peu près la même : il est donc d’ores et déjà satisfait.
    En outre, la rédaction proposée risque de porter préjudice à l’intérêt de l’enfant. En effet, le droit en vigueur, en l’espèce le deuxième alinéa de l’article 353 du code civil, protège les droits des descendants éventuels de l’adoptant contre l’atteinte que l’adoption pourrait porter à leur propre vie familiale. Il s’agit, par exemple, d’éviter que l’adoption ne lèse les enfants de l’adoptant. Ce dispositif oppose donc, par définition, les droits des descendants et l’intérêt de l’adopté.
    Concevoir sur le même modèle l’intervention d’un tiers titulaire d’une décision du JAF, c’est obliger le juge à examiner si, bien que l’adoption de l’enfant soit dans son intérêt, elle ne compromet pas la vie familiale du tiers. C’est ainsi lier l’appréciation du juge, en l’obligeant à concilier ou à opposer l’intérêt de l’enfant et l’intérêt du tiers. Or, en la matière, l’intérêt de l’enfant doit toujours prévaloir.
    Si l’on oblige le juge à agir ainsi, celui-ci pourrait être conduit à faire prévaloir l’intérêt du tiers sur celui de l’enfant dans le jugement d’adoption qu’il aura à rendre. Dès lors, il semble qu’il y ait une contradiction entre l’intention de l’auteur, que je partage, et l’effet juridique possible de cette disposition.
    Pour ces raisons, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable, dans l’intérêt des enfants.
    Je reconnais que tout cela est un peu compliqué…
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, j’approuve entièrement votre dernière phrase ! (Sourires.)
    La description technique que vous nous avez livrée est tout à fait fondée, mais l’amendement a néanmoins sa justification. C’est pourquoi je ne souhaite pas écarter définitivement une solution allant dans ce sens. Il reste que j’ai tout de même un doute.
    Madame Benbassa, je vous propose donc de retirer cet amendement et, dans la mesure où la ministre chargée de la famille va mener une réflexion approfondie sur la question de l’adoption, d’y travailler avec elle. Il n’est pas dit que la précaution supplémentaire que vous demandez soit superflue ; en même temps, il ne me semble pas tout à fait raisonnable de l’inscrire en l’état dans le droit civil.
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 275 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa. Si le Gouvernement s’engage à créer, après avoir engagé une réflexion à ce sujet, un véritable statut du parent social dans le cadre du futur texte sur la famille je suis prête à retirer cet amendement. Il va de soi que je ne cherche pas à présenter des amendements pour le plaisir !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Madame Benbassa, je tiens à vous apporter les assurances que vous demandez : dans le futur projet de loi sur la famille, le statut du tiers ou du beau-parent sera évoqué et toutes les questions relatives à ce sujet seront abordées.
    Mme Esther Benbassa. Je retire l’amendement, monsieur le président !
    M. le président. L’amendement n° 275 est retiré.
    Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.
    (L’article 1er quinquies est adopté.)
    Article 1er quinquies
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Organisation des travaux
    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
    M. le président. Je rappelle que les amendements portant article additionnel ont été réservés jusqu’après l’article 23.
    Organisation des travaux

    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2 A (nouveau)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
    Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, nous allons commencer l’examen du chapitre II, qui concerne les dispositions relatives au nom de famille. Je ne pense pas que nous puissions l’achever avant vingt heures trente, heure à laquelle vous avez dit vouloir suspendre la séance. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Nos travaux se déroulent dans un cadre normal : nous pourrions donc suspendre nos travaux à dix-neuf heures trente, pour les reprendre deux heures plus tard et lever la séance à minuit trente, puisque nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, à partir de neuf heures trente.
    Dans ces conditions, pourquoi appeler maintenant l’article 2 A, au risque de devoir saucissonner ensuite l’examen du chapitre II ?
    Mme Jacqueline Gourault. Là, on perd du temps !
    M. le président. Ma chère collègue, dans la mesure où ce chapitre ne comporte que trois articles, nous pouvons les examiner rapidement et respecter parfaitement l’organisation de nos travaux telle qu’elle a été prévue.
    CHAPITRE II
    DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
    Organisation des travaux
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2 (début)
    Article 2 A (nouveau)
    Après l’article 225 du code civil, il est inséré un article 225-1 ainsi rédigé :
    « Art. 225-1. – Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit. »
    M. le président. L’amendement n° 68 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Je constate une fois de plus que l’on est en train de violer toutes les règles du droit du travail en nous imposant des rythmes de travail difficilement supportables (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.),…
    Mme Éliane Assassi. C’est la meilleure ! On en reparlera la semaine prochaine !
    M. Patrice Gélard. … et ce, vraisemblablement, pour que certains puissent suivre le match de football retransmis ce soir à la télévision ! (Ah ! sur les travées de l’UMP. – Nouvelles exclamations sur les travées sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas très glorieux !
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 A, qui introduit dans le code civil une disposition à nos yeux inutile. En effet, le code civil contient déjà des règles fondées sur le même principe, comme le précisait l’amendement adopté en commission qui est à l’origine de cet article.
    M. le président. L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Remplacer les mots :
    Chacun des époux
    par les mots :
    Le mari ou la femme
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Dans la logique de ce que nous avons défendu jusqu’à présent, cet amendement vise à remplacer les mots « chacun des époux » par les mots « le mari ou la femme ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Contrairement à ce qu’estiment les signataires de l’amendement n° 68 rectifié bis, la précision qui est introduite dans le code civil est tout à fait opportune. L’article 2 A a été inséré dans le projet de loi en commission des lois grâce à l’adoption d’un amendement de l’un de ses membres. Il avait été présenté à l’Assemblée nationale, mais n’avait pas pu être voté en raison du temps programmé. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 68 rectifié bis.
    Dans la mesure où nous avons adopté l’article 1er qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe, il me semble que l’amendement n° 92 rectifié bis n’a plus lieu d’être. Il ne devrait plus avoir d’objet d’un point de vue politique, même si, sur le plan juridique, il garde sa légitimité. La commission y est donc tout à fait défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
    Le Gouvernement est défavorable à l’amendement de suppression pour les raisons qu’a indiquées la commission, même si la question du nom doit être encore l’occasion de débats aussi bien dans la société qu’au Parlement. Il ne s’agit pas seulement de faire référence à des habitudes et à des traditions qui sont devenues du droit ; nous devons aussi aborder ces questions en fonction de l’évolution de la société, des enjeux de l’égalité entre les hommes et les femmes, des engagements internationaux de la France, auxquels je vous sais très attachés. J’ai déjà rappelé, par exemple, les interpellations des Nations unies sur la préséance donnée au nom patronymique masculin, au détriment de l’attribution du nom de la mère.
    Nous ne pourrons éluder ce débat, mais nous ne pouvons pas le tenir dans le cadre du présent texte.
    Quant à l’amendement n° 92 rectifié bis, je le considère comme une sorte clin d’œil.
    En premier lieu, l’article 1er ayant été adopté, le texte que nous examinons, en tout cas à ce moment de la navette parlementaire, a déjà consolidé l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
    En second lieu, monsieur Gélard – et c’est un clin d’œil que je vous adresse à mon tour –, je vous rappelle l’étymologie de chacun des mots en cause, puisque vous indiquez préférer « mari » et « femme » à « époux ». « Mari » vient du latin mas, maris, c’est-à-dire le mâle, et le mot « femme » a la même étymologie que « femelle », alors que « époux » vient de sposare, qui signifie : « promettre solennellement ». Le mot « époux » a tout de même plus de dignité, plus d’allure, plus de solennité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 68 rectifié bis.
    M. Jean-Jacques Hyest. Il convient tout de même de le savoir, une fois mariée, la femme garde son nom : l’ajout du nom de son époux est un simple usage, certes très répandu.
    Cet aspect est assez secondaire, mais il en sera question lorsque nous allons évoquer le nom de famille des enfants.
    Je vous rappelle que nous avons adopté en 2003 une proposition de loi relative à la dévolution du nom de famille, dont notre ancien collègue Henri de Richemont était le rapporteur au nom de la commission des lois. Je ne suis pas sûr qu’il se soit agi d’une bonne réforme, mais l’Assemblée nationale a en tout cas aggravé les choses et l’on aboutit désormais des situations tout à fait ridicules.
    Ce débat est sérieux. Dans toutes les grandes civilisations, le nom, c’est ce qui détermine l’être ; nommer quelqu’un est tout à fait fondamental, c’est lui donner existence. Ce caractère symbolique est extrêmement important, et nos concitoyens en ont bien conscience.
    Nous devrons d’ailleurs aborder d’autres aspects du problème, par exemple la disparition des noms. Notre excellent collègue François Zocchetto est en droit de craindre, compte tenu de l’ordre alphabétique retenu pour accoler les noms, que les noms commençant par la lettre Z ne disparaissent progressivement. (Sourires.) C’est une réalité ! Ces questions sont tout à fait sérieuses ! Il faut essayer, autant que faire se peut, de ne pas bricoler davantage ce qui, de mon point de vue, est déjà assez compliqué. Je pense, par exemple, à la possibilité de choisir pour son enfant le nom du père ou de la mère – ou demain, peut-être, des parents qui ne seront pas un homme et une femme. On nous répond que, dans la plupart des cas, par manque d’information, on choisit le nom du père.
    Madame le garde des sceaux, vous en êtes consciente, ce sont là des affaires qu’il ne faut pas traiter à la légère, en appelant simplement au rejet de ces amendements pour pouvoir passer à autre chose. C’est pourquoi je regrette que l’on n’ait pas pu examiner en bloc l’ensemble des dispositions relatives au nom de famille.
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
    M. René-Paul Savary. Mon propos s’inscrira dans le droit fil de ce qu’a dit Jean-Jacques Hyest.
    Cet article bouleverse les règles de transmission du nom de famille.
    Traditionnellement, l’enfant porte le nom de famille du père. Depuis quelques années, il est également possible d’accoler le nom de la mère.
    La filiation va de pair avec l’intérêt de l’enfant, donc son état civil. Elle détermine son attachement à son père et à sa mère et repose sur le principe de protection familiale, mais aussi civile.
    Avec cet article, en l’absence de démarche particulière, l’enfant prendra les noms de chacun des deux « parents », qu’ils soient de sexes différents ou de même sexe, accolés dans l’ordre alphabétique, sauf déclaration conjointe et formelle des deux parents.
    Les complications engendrées par ces dispositions ne sont pas suffisamment mesurées. Les répercussions ne sont pas entièrement appréhendables à ce jour.
    Nous pouvons d’ailleurs avoir une pensée pour nos généalogistes, qui auront du fil à retordre pour retrouver les héritiers dans le cadre des successions.
    En outre, n’oublions pas que le mot « parents » connaît diverses définitions. Ainsi, aux termes de l’article 734 du code civil relatif aux ordres des héritiers, les « parents » appelés à succéder, sont tout à la fois les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs, les collatéraux. Le mot « parents » désigne donc aussi les membres d’une même famille.
    En ce qui concerne les extraits d’acte de naissance, y compris la compilation de ces actes dans le livret de famille, avec indication de la filiation, ils comportent l’indication du nom du père ou de la mère, sans précision quant au mode d’établissement, par effet de la loi, par jugement, y compris adoptif, ou par acte notarié.
    Les extraits d’actes d’état civil demandés par les intéressés ou les personnes autorisées comportent également l’indication des noms du père ou de la mère.
    En l’état actuel du droit, la filiation est fondée sur l’identification d’un lien maternel et d’un lien paternel. La distinction des sexes structure juridiquement le lien de filiation, par le sang ou non.
    Elle se retrouve dans l’autorité parentale, laquelle est détenue, en vertu de la loi, conjointement par le père et par la mère. L’état civil reflète l’identité de la personne ; il est censé être le plus proche de la réalité et résulte des déclarations de naissance ou de reconnaissance, et plus généralement d’éléments connus. Traduction administrative du lien de filiation, fondé sur l’altérité sexuelle, l’état civil est aujourd’hui sexué.
    En conséquence, les enfants adoptés par des couples de même sexe n’auront même plus de filiation symbolique à laquelle se rattacher, et l’état civil deviendra asexué. Biologiquement, c’est incompréhensible et invraisemblable puisque l’état civil est, par définition, la traduction administrative du lien de filiation, et donc du fait d’être né d’un père et d’une mère.
    Les dispositions relatives au nom de famille sont, par conséquent, contraires au principe d’intelligibilité de la loi. (Mme Esther Sittler et M. Gérard Bailly applaudissent.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Je souhaite poser une question à Mme la ministre ou à M. le professeur de droit Gélard.
    Aux termes de l’article 225 du code civil, « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels ». Or je ne vois pas quel est le rapport entre cet article et l’article 225-1 nouveau, que l’article 2 A du projet de loi tend à insérer dans le code civil.
    Quelqu’un pourrait-il me l’expliquer ?
    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
    Mme Isabelle Debré. Je souhaite poser une question à Mme la ministre chargée de la famille.
    Dans cet article, il est effectivement question de mari, de femme et de parents.
    Vous nous avez expliqué que nous ne pouvions pas demander de référendum puisqu’il s’agissait d’un texte sociétal, et non social. Or, depuis une demi-heure, j’entends parler de « parent social ».
    Il me semble qu’il y a là, à tout le moins, un petit problème sémantique. Si ce texte n’est pas un texte « social », pourquoi parle-t-on de « parent social ».
    Je vous remercie par avance de votre réponse.
    M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
    M. André Trillard. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, la transmission des patronymes, dans votre texte, pose un vrai problème. Elle repose sur une tromperie : la négation de l’altérité sexuelle, l’interchangeabilité entre un homme et une femme.
    Nous avons vu, lors de l’examen de l’article 1er, qui forme le socle de ce projet, les lourdes incertitudes que ce bouleversement sociétal fait peser sur l’avenir des enfants concernés. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
    Toutefois, l’article 2, tel qu’il est ressorti des travaux de l’Assemblée nationale, apporte lui aussi son lot de leurres et de tromperies !
    De quoi s’agit-il ?
    Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article 2, au terme de son examen par l’Assemblée nationale, remettait tout simplement en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. C’était, ni plus ni moins, la fin de la « présomption de nom paternel » pour l’enfant.
    Aujourd’hui, en effet, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 311-21 du code civil, « en l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre ».
    Les modifications apportées par l’article 2 signifiaient que, désormais, un acte volontaire et écrit serait nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis. En l’absence d’indication spécifique, cette transmission n’était plus de droit.
    Ainsi, sur un plan pratique, si le père déclarait la naissance à la mairie, il devait se munir d’un document écrit de la mère autorisant explicitement l’enfant à porter le nom du père. Dans le cas contraire, c’était l’accolement des deux noms de famille dans l’ordre alphabétique qui prévalait, et non plus le seul nom du père.
    Je tiens à rappeler ici l’historique de cet article parce qu’il s’agit là d’un point extrêmement important du projet, notamment en ce qu’il contredit totalement l’assertion selon laquelle ce dernier ne change en rien la situation des couples hétérosexuels.
    Si la commission des lois du Sénat, à laquelle je tiens à rendre hommage, ne s’était pas attaquée à ce problème, dont vous concédiez tout juste, du bout de lèvres, madame la ministre, qu’il était « sensible », les Français, qui ont quand même transmis le patronyme paternel à 83 % des enfants nés en 2011, se seraient réveillés un beau matin sans avoir aucunement connaissance de la déclaration qu’ils devaient faire expressément pour conserver cet usage, auquel ils sont manifestement attachés !
    Avec cette conséquence totalement absurde : l’extinction inéluctable et programmée de la diversité des patronymes français.
    Madame la ministre, nos patronymes respectifs commençant par un T, nous risquons d’avoir un problème avec cette affaire d’ordre alphabétique !
    Lorsqu’on touche aux patronymes, à leur diversité, à leur mode de transmission, on touche très profondément à l’intime. Et cela, vous le faites au nom d’un égalitarisme aveugle.
    Je passe sur les conséquences pratiques d’une déclaration spécifique, des difficultés administratives d’une démarche conjointe, des cafouillages, des oublis, sans parler des contentieux…
    Vous avez dit à maintes reprises que ce texte ne changerait rien à la situation des couples hétérosexuels. C’est faux : il la bouleverse ! Cela démontre que, avec ce projet de loi purement dogmatique, vous êtes concentrés sur votre but et que, obnubilés par l’égalitarisme, vous ne remarquez même plus les dommages collatéraux que vous créez dans la vie de la grande majorité des gens, qui n’ont rien demandé à personne, mais qui se trouvent entraînés dans le grand maelström de votre « réforme de civilisation ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui est en jeu, à travers l’article 2, c’est la modification d’une pratique pluriséculaire de transmission du nom de famille à l’enfant.
    Nous avons bien vu et décrit le préjudice à la fois symbolique et pratique qu’il cause puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la présomption de nom paternel pour l’enfant.
    Pour l’anecdote, et pour démontrer l’absurdité de ce système, dans la mesure où l’on prendra systématiquement, lors de l’association des noms, celui qui, dans l’ordre alphabétique, commence par la lettre la plus proche du A, il y aura beaucoup de A et de B – je n’ai pas de souci à me faire, pas plus que M. Bel ! (Sourires.) –, mais il y aura de moins en moins de noms commençant par les lettres M, N, et suivantes !
    Autre difficulté : les cousins ne porteront plus le même nom, c’est-à-dire que les grandes familles verront leur solidarité niée !
    Mme Laurence Rossignol. C’est déjà le cas des cousins par la mère !
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Or nos concitoyens n’ont guère conscience que nous touchons ici à la transmission des noms de famille. C’est la raison pour laquelle nous demandons, depuis le début, un débat national sur cette question.
    Je redoute aussi la multiplication des difficultés administratives, puisqu’il faudra que nos concitoyens effectuent une démarche alors qu’ils n’y ont pas été habitués. Il y aura sans doute beaucoup d’erreurs, beaucoup d’oublis, donc vraisemblablement beaucoup de contentieux.
    Certains le découvriront d’ailleurs dans des conditions qui ne faciliteront pas les choses. Cette formalité sera donc beaucoup plus difficile à mettre en œuvre qu’on peut le penser.
    Vous n’avez cessé de répéter que vous ne compreniez pas notre opposition à un texte qui n’ôtait rien aux couples hétérosexuels, mais étendait les droits de ces derniers aux couples homosexuels. En réalité, avec les dispositions de cet article, ce n’est plus le cas. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Pour apporter de l’eau au moulin de Patrice Gélard et de Jean-Jacques Hyest, je rappellerai que les toutes premières lois de décentralisation ont conféré aux départements une responsabilité en matière culturelle, notamment en ce qui concerne la gestion des archives départementales.
    M. Jean-Louis Carrère. Des lois que vous avez combattues !
    M. Bruno Retailleau. Monsieur Carrère, essayez de m’écouter comme vous écoutez Mme Des Esgaulx : en silence ! (Sourires.)
    Il est impressionnant de voir combien de Français s’intéressent à la généalogie : c’est fantastique ! Je vous assure, monsieur le président, que les Mormons ne sont pas les seuls à se consacrer à la généalogie ! Tous âges et catégories sociales confondus, nos concitoyens sont nombreux à venir consulter en ligne ou physiquement les archives, comme si cette quête de leurs racines faisait contrepoids à la mondialisation et l’accélération du temps.
    Le sujet qu’abordait Jean-Jacques Hyest tout à l’heure est donc tout sauf anecdotique.
    Si, demain, nous assistons à une dilution des noms, non seulement certains d’entre eux tomberont en désuétude, mais surtout le recoupement généalogique deviendra de plus en plus complexe.
    Sur cette question, il eût fallu, à tout le moins, consulter les Archives de France. Le Gouvernement l’a-t-il fait ? Je pose la question…
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, je ne peux m’empêcher d’avoir une inquiétude…
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une de plus !
    M. Charles Revet. Vous avez affirmé que, avec ce texte, nous changions de civilisation.
    On voit en effet, à travers les différents articles, que vous voulez chambouler les pratiques, y compris, maintenant, celles qui ont trait au nom de famille…
    Ma question est simple : s’il y a encore quelques oiseaux rares…
    M. Jean-Louis Carrère. Des ortolans ? (Sourires.)
    M. Charles Revet. … qui veulent continuer à vivre de manière classique, comme on le fait depuis des siècles, pourront-ils simplement garder leur nom et leurs habitudes, ou seront-ils obligés de se plier aux exigences de cette loi ?
    Pour être simple, cette interrogation me semble néanmoins essentielle. Peut-être M. le président de la commission des lois pourra-t-il m’apporter une première réponse.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Monsieur Gélard, je pense pouvoir considérer que l’amendement n° 92 rectifié bis n’a plus d’objet. (M. Patrice Gélard en convient.)
    Je mets aux voix l’article 2 A.
    (L’article 2 A est adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je voudrais essayer de répondre à la question qui m’a été posée sur le « parent social ».
    Nous n’avons pas inventé cette expression : dans les travaux sociologiques ou juridiques, chaque fois qu’on a voulu qualifier le parent dépourvu de lien biologique avec son enfant, l’adjectif « social » a été employé.
    Madame Debré, j’entends votre interrogation sur ce qui relèverait, au sein du projet de loi, du « sociétal ». Mais avouez qu’il semble difficile, en l’occurrence, de parler de « parent sociétal ».
    On pourrait certes appeler autrement ce parent « social », mais c’est simplement une façon de signifier la différence entre la filiation biologique et une filiation d’une autre nature, qui n’empêche pas le parent concerné de se reconnaître dans sa fonction de parentalité, au même titre que le parent biologique.
    Je ne pense pas que l’on puisse mettre sur le même plan un projet de société et la définition d’une fonction parentale exercée par un parent autre que le parent biologique.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je ne voudrais surtout pas rallonger ces débats intéressants…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne vous entend pas assez, monsieur Sueur ! Nous aimons quand vous parlez ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Cela cache quelque chose ! (Nouveaux sourires.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission lois. Il faut aussi savoir écouter, mes chers collègues… Le sage tourne sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de parler !
    Monsieur Revet, comme les êtres vivants, les mots changent au fil de l’histoire : ils changent de forme, de prononciation et de sens.
    Cela vaut en particulier pour les noms propres. Pendant longtemps, il n’existait pas de noms de famille, puis ces derniers se sont répandus peu à peu, issus de noms communs, en particulier de noms de métiers, de noms de lieux, etc.
    Tout change, voyez-vous ! Nous sommes dans une société où tout change, y compris les patronymes, l’appellation, la manière de nommer et de dénommer.
    Mme Isabelle Debré. Le changement, c’est maintenant !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission lois. Vous voyez là, mes chers collègues, une nouvelle étape de mon combat contre le fixisme et l’immobilisme !
    Nous devons accepter de changer et, si possible, d’aller de l’avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. René Garrec.
    M. René Garrec. Monsieur le président de la commission des lois, c’est une manie chez vous de vouloir changer les mots et les noms !
    Mon nom n’est pas français, il est breton ! (M. Ronan Kerdraon applaudit) Nous ne sommes rattachés à la France que depuis 1532 ! Mes copains bretons présents ce soir savent que nos noms ont souvent une origine lointaine. Le mien est d’origine galloise. Et savez-vous ce qui sépare le duché de Cornouailles, cher au fils aîné de la reine Elizabeth II, du reste de l’Angleterre ? Ce sont les Carrick Roads, un estuaire dont le nom n’a pas été modifié depuis 2 000 ans ; à l’orthographe près, c’est l’origine cornique du nom que je porte.
    Je finis par me dire que, lorsque la Bretagne se sera reconstituée sur des bases historiques complètes, j’irai prendre ma retraite là-bas. Au moins, on ne touchera pas à mon nom ! (Sourires.)
    M. le président. Merci, mon cher collègue, de ces utiles précisions…
    La parole est à M. Bruno Sido.
    M. Bruno Sido. Il ne fallait pas voter l’article 2 A avant que l’on m’ait répondu ! Après tout, s’il y avait une erreur… Il y a ici de nombreux spécialistes : qu’attendent-ils pour répondre à la question toute simple que j’ai posée ?
    M. Gérard Bailly. Très bien !
    Article 2 A (nouveau)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2 (interruption de la discussion)
    Article 2
    I. – L’article 311-21 du code civil est ainsi modifié :
    1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « En cas de désaccord entre les parents, signalé, le cas échéant avant la naissance, par l’un d’eux à l’officier d’état civil, l’enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » ;
    2° Au troisième alinéa, la référence : « ou du deuxième alinéa de l’article 311-23 » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 ».
    II. – (Non modifié) Au troisième alinéa de l’article 311-23 du même code, la référence : « ou du deuxième alinéa du présent article » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa du présent article ou de l’article 357 ».
    III. – (Non modifié) L’article 357 du même code est ainsi rédigé :
    « Art. 357. – L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant.
    « En cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
    « Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une seule fois.
    « En l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique.
    « Lorsqu’il a été fait application de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou du présent article à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour l’adopté.
    « Lorsque les adoptants ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à l’adopté.
    « Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant. »
    IV. – (Non modifié) Au début du premier alinéa de l’article 357-1 du même code, les mots : « Les dispositions de l’article 311-21 sont applicables » sont remplacés par les mots : « À l’exception de son dernier alinéa, l’article 357 est applicable ».
    M. le président. L’amendement n° 171 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
    M. Jean-Léonce Dupont. Le droit d’adoption des couples étant, en l’état actuel du droit, strictement réservé aux couples mariés, la possibilité d’adopter pour les couples de personnes de même sexe découle automatiquement de l’ouverture du mariage à ces couples, sans qu’il soit besoin de procéder à une modification du code civil.
    Sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, cet article consacre en réalité l’établissement d’une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
    Comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC, je suis opposé à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. Une telle adoption consiste à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale, fondée sur une impossibilité biologique. En outre, il convient de veiller à l’intérêt de l’enfant qui se verrait ainsi privé d’un père ou d’une mère.
    Le fait que certains enfants aient pu s’épanouir sans le repère de l’un ou l’autre ne justifie pas que la loi étende la possibilité d’adopter aux couples de personnes de même sexe.
    Avec cet amendement de suppression, nous nous inscrivons dans la logique de notre opposition à ce projet de loi, et en particulier à toutes les dispositions relatives à l’adoption.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je voudrais d’abord apporter quelques précisions à M. Sido.
    Si l’on regarde le code civil, et plus précisément le chapitre intitulé « Des devoirs et des droits respectifs des époux », on constate que l’article 225 est le dernier des articles consacré à ces devoirs et à ces droits. Pour cette raison, nous créons un article 225-1.
    Je voudrais maintenant répondre un peu longuement sur l’amendement qu’a présenté M. Jean-Léonce Dupont… (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Oui, mes chers collègues, car nous ne sommes pas ici pour parler football. (Sourires.) Du reste, moi, je suis supporteur de Sochaux et de Rennes ! Alors… (Nouveaux sourires.)
    Le texte qui nous venait de l’Assemblée nationale était, j’en conviens, un texte proprement révolutionnaire : dans tous les cas, filiation biologique incluse, les deux noms étaient accolés suivant l’ordre alphabétique.
    La commission des lois a considéré que l’on ne pouvait conserver ces dispositions en l’état et a donc réécrit l’article 2 pour en revenir à la règle traditionnelle, qui place le nom du père en tête.
    M. Charles Revet. Voilà enfin la réponse à ma question !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cher monsieur Revet, fiez-vous à votre rapporteur et non à des considérations philosophiques ou philologiques ! (Sourires.)
    Toutefois, en cas de désaccord exprimé entre les deux parents – cela peut arriver, par exemple, lorsqu’ils sont séparés au moment de la naissance – et afin d’éviter que l’un des deux – le père, en l’occurrence – n’impose son nom, nous revenons à la règle des deux noms accolés dans l’ordre alphabétique.
    Il se trouve que j’ai quelques accointances avec des maternités à Paris, notamment dans de très grands hôpitaux du nord de la capitale, et je les ai consultées. J’ai appris à cette occasion que les parents – ceux qui sont ensemble au moment de la naissance, mariés ou non – se disputent jusqu’au dernier moment devant le cadre de santé ou l’officier d’état civil sur le prénom : la maman dit qu’elle s’appellera Noémie ; le papa penche, lui, pour Amélie ; et finalement, leur fille s’appelle Clémence ! (Sourires.)
    M. Gérard Longuet. La clémence d’Auguste ! (Nouveaux sourires.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ensuite, perturbée par cette dispute, la personne qui est chargée d’enregistrer le nom de l’enfant oublie de demander aux parents quel nom de famille ils retiennent et, de manière quasi-automatique, elle inscrit le nom du père.
    Nous en revenons donc à cette règle tacite qui consiste à donner le nom du père si les parents n’ont rien indiqué.
    Il peut aussi arriver, même si c’est aujourd’hui devenu plus rare, que des jeunes gens mettent des jeunes filles enceintes. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Jadis, cela arrivait notamment dans les villes de garnison. (Rires.)
    M. Gérard Longuet. Ah, les artilleurs de Metz !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très fiers, ces jeunes hommes déclaraient l’enfant en mairie avant la naissance et s’enorgueillissaient auprès de leurs amis du fait que leur enfant porterait leur nom.
    M. Henri de Raincourt. C’est du vécu ! (Nouveaux sourires.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Las, l’enfant à peine reconnu, ils disparaissaient ! Bien entendu, dans une telle situation, il faut protéger la mère et lui permettre de donner son nom à l’enfant qu’elle élève seule.
    Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 171 rectifié ter.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le rapporteur a expliqué le choix fait par la commission des lois.
    Je rappelle que les députés avaient souhaité généraliser le dispositif présenté par le Gouvernement pour les seuls couples de même sexe, à savoir les noms des deux parents, à raison d’un seul par parent, accolés dans l’ordre alphabétique.
    Lors du débat à l’Assemblée nationale, j’ai dit que j’entendais les protestations, que je les considérais comme partiellement fondées. Il faut constater que l’égalité progresse et que, en matière de nom, les femmes sont tout à fait en droit de réclamer la même préséance. Les Nations unies ont d’ailleurs fait une observation à la France sur la préséance systématique accordée au nom du père… (Sourires.)
    Un sénateur du groupe UMP. Du fils et du Saint-Esprit…
    Plusieurs sénateurs et sénatrices du groupe UMP. Chassez le naturel…
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En l’occurrence, il ne s’agit pas de naturel, mais d’acquis ! De l’acquis qui n’est du reste pas contesté !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Vous n’en savez rien ! C’est peut-être la grâce !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous me comblez, monsieur le Premier ministre ! Je n’en espérais pas tant ! (Nouveaux sourires.)
    Votre commission des lois a choisi de distinguer entre le silence des parents et leur désaccord. En cas de silence, la préséance traditionnelle du nom du père l’emporte. En cas de désaccord, les deux noms, à raison d’un seul nom par parent, sont accolés suivant l’ordre alphabétique.
    Il s’agit, à mon avis, d’une amélioration du dispositif adopté par l’Assemblée nationale, qui allait trop loin dans la généralisation.
    Je voudrais rappeler au président Hyest, qui s’est exprimé lors de l’examen de l’article précédent, que le mariage ne modifie pas le nom des époux, ce que la plupart de nos concitoyens ignorent absolument. On tient pour acquis que, à l’occasion du mariage, la femme prend automatiquement le nom de l’époux. Néanmoins, de plus en plus de femmes choisissent de conserver leur nom. Ce sont de tels actes qui font progresser la cause des femmes et qui nous ont d’ailleurs conduits à découvrir qu’elles n’avaient nullement l’obligation de prendre le nom de leur époux.
    À côté de cette réalité juridique, force est de constater que le code civil ne traite du nom des époux qu’en cas de divorce et de séparation de corps. Aucun article ne vient préciser quel nom choisir au moment du mariage, s’il faut l’accoler, le mettre avant ou après… C’est seulement au sujet de la dissolution du mariage ou de la séparation de corps que le code civil prend la précaution de dire que l’un des conjoints peut conserver son nom marital, soit avec l’accord de l’autre soit par décision du juge.
    Autrement dit, si l’épouse peut prendre le nom de son mari, l’époux peut également prendre le nom de son épouse ! Ne faudrait-il pas commencer à s’y mettre ? (Sourires.) Il est sans doute trop tard pour nous autres ici, mais il faudra bien commencer un jour !
    M. Charles Revet. On ne sait jamais ! (Nouveaux sourires.)
    M. Alain Gournac. Il n’est jamais trop tard !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet article vient donc préciser un peu les choses alors que le code civil était jusque-là resté silencieux : l’un des époux peut prendre le nom de l’autre, tout simplement.
    M. Sido a demandé pourquoi nous avions placé cette disposition à cet endroit du code civil ? Toute la difficulté résidait dans ce que je viens de rappeler : le silence du code civil sur cette question. Nous avons donc placé la nouvelle disposition, l’article 225-1, à la fin du chapitre concerné. Certes, l’article 225, qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels » n’a pas un rapport immédiat et flagrant avec le nom, mais c’est le seul endroit où nous pouvions insérer cette nouvelle disposition.
    Je termine en indiquant que le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 171 rectifié ter.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 171 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LÉONCE DUPONT

    vice-président
    M. le président. La séance est reprise.
    Article 2 (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    9
    MODIFICATION DE L’ORDRE DU JOUR

    M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour de demain soir, jeudi 11 avril, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.
    Acte est donné de cette communication.
    10
    NOMINATION À UNE ÉVENTUELLE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

    M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
    La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
    En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
    Titulaires : MM. Raymond Vall, Roland Ries, Jean-Jacques Filleul, Michel Teston, Gérard Cornu, Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Vincent Capo-Canellas ;
    Suppléants : MM. Pierre Camani, Jean-Luc Fichet, Mme Évelyne Didier, MM. Ronan Dantec, Jean Bizet, Rémy Pointereau et Henri Tandonnet.
    Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
    11
    Article 2 (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    CHAPITRE II (SUITE)
    DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (début)
    Article 2 (suite)
    M. le président. Au sein de l’article 2, nous en sommes parvenus à l’examen de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les amendements nos 218 rectifié et 254 sont identiques.
    L’amendement n° 218 rectifié est présenté par MM. Milon et Pinton.
    L’amendement n° 254 est présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Alinéas 2 et 3
    Rédiger ainsi ces alinéas :
    1° La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
    « En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de chacun de ses deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » ;
    L’amendement n° 218 rectifié n’est pas soutenu.
    La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 254.
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet d’aligner les règles subsidiaires de dévolution du nom de famille entre les filiations par le sang et adoptive. En cas de désaccord ou d’absence de choix des parents, les premiers noms de chacun d’eux, accolés dans l’ordre alphabétique, seront dévolus à l’enfant.
    La commission des lois a supprimé cette avancée. Pourtant, la motivation des députés était légitime : l’égalité entre les enfants. En effet, à défaut de choix des parents, le maintien d’une règle d’attribution patronymique du nom de famille pour les seuls cas de filiation par le sang est susceptible d’introduire une rupture d’égalité entre les couples, selon qu’il s’agisse d’une filiation par le sang ou adoptive.
    Ainsi, dans le premier cas de figure, le nom de famille du père prévaudra, alors que dans le second le nom sera choisi dans l’ordre alphabétique.
    À l’encontre de cette harmonisation des règles de dévolution des noms de famille est avancé un souci de simplification et, surtout, de préservation de l’histoire familiale à travers la généalogie. Mais l’histoire n’est pas que masculine. Les recherches généalogiques ne se réduisent évidemment pas à la branche paternelle ; la branche maternelle participe aussi de l’histoire familiale.
    Le fait qu’il y ait plusieurs noms accolés ne devrait pas nuire aux recherches. L’argument invoqué n’est donc pas convainquant. C’est pourquoi nous proposons de revenir à la règle adoptée par nos collègues députés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)
    M. le président. L’amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    , le cas échéant avant la naissance, par l’un d’eux à l’officier d’état civil,
    par les mots :
    par l’un d’eux à l’officier de l’état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l’établissement simultané de la filiation,
    La parole est à M. Jean-Claude Requier.
    M. Jean-Claude Requier. Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 2, en cas de désaccord des parents sur le nom de l’enfant, l’un des parents peut le « signaler » à l’officier de l’état civil, le cas échéant avant la naissance de l’enfant.
    Or la rédaction actuelle de cet article ne permet pas de savoir dans quel délai cette contestation peut être effectuée ; elle laisse même entendre que cette faculté pourrait courir sans limitation dans le temps après la naissance.
    L’immutabilité du nom et la nécessaire stabilité de l’état civil requièrent de limiter dans le temps la manifestation de ce désaccord.
    La modification que je propose permet de limiter la manifestation de ce désaccord au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou, par la suite, en cas d’établissement simultané de la filiation.
    Il s’agit donc d’un amendement de sécurisation juridique.
    M. le président. L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    par l’un deux
    par les mots :
    conjointement par les parents
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. La proposition relative au choix du nom en cas de désaccord des parents formulée par M. le rapporteur ne m’a pas du tout convaincu.
    En effet, notre collègue n’a pas prévu certaines situations, qui, malheureusement, ne sont pas que des hypothèses, dans lesquelles l’un des parents veut se venger de l’autre.
    Cependant, mes chers collègues, la solution que je vous soumets ne me satisfait pas non plus, car la situation à laquelle nous sommes confrontés est très compliquée. Toute mesure qui concerne le nom est loin d’être parfaite.
    À cet égard d’ailleurs, la loi que nous avons adoptée, voilà maintenant plus d’une dizaine d’années, est elle-même imparfaite. Elle ne permet pas de résoudre correctement les problèmes, dans cette continuité historique qu’aime tant M. Sueur…
    L’usage du nom nous réserve de grandes difficultés. N’étant pas plus satisfait de mon amendement que de celui de la commission, je le retire. (Dommage ! sur les travées de l’UMP.)
    Je tenais néanmoins à m’exprimer et je souhaite que nous étudiions de nouveau le problème du nom lors de la réforme du droit de la famille que nous aurons à examiner.
    M. le président. L’amendement n° 93 rectifié bis est retiré.
    L’amendement n° 278, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    d’état
    par les mots :
    de l’état
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui n’aura plus l’objet si l’amendement n° 149 rectifié est adopté.
    M. le président. L’amendement n° 132 rectifié bis, présenté par Mmes Lipietz, Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    l’ordre alphabétique
    par les mots :
    l’ordre apparu après tirage au sort devant l’officier d’état civil
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 177 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto, Mme Morin-Desailly et MM. Merceron, Roche et Guerriau, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer les mots :
    l’ordre alphabétique
    par les mots :
    un ordre déterminé aléatoirement
    La parole est à M. Gérard Roche.
    M. Gérard Roche. Monsieur le président, cette intervention vaudra pour l’amendement n° 177 rectifié bis et pour l’amendement n° 276, puisque les dispositifs proposés sont similaires.
    En l’espèce, nous souhaitons réaffirmer notre opposition formelle à toute disposition qui contribuerait à la concentration des noms sur les treize premières lettres de l’alphabet. Nous proposons que l’ordre des noms soit déterminé par tirage au sort, et non par référence à l’ordre alphabétique comme le prévoit le texte actuel.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 254, qui tend à revenir au système retenu par l’Assemblée nationale. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons élaboré un dispositif plus logique, qui reprend le nom du père dans la très grande majorité des cas.
    La commission est favorable à l’amendement n° 149 rectifié. S’il était adopté, les différents cas de figure et la façon dont les époux pourront faire connaître leur absence d’accord seront alors bien précisés.
    L’amendement n° 132 rectifié bis prévoit, pour le choix du nom, de procéder par tirage au sort.
    Si le système proposé peut prêter à certaines interrogations, dont celles que formule M. Gélard, cette solution paraît encore pire et la commission y est défavorable.
    Pour ce qui est de l’amendement n° 177 rectifié bis, je regrette que M. Zocchetto ne l’ait pas présenté, car il est lui-même directement concerné ! (Sourires.) Il est compréhensible en effet qu’il veuille assurer la continuité des noms commençant par les dernières lettres de l’alphabet, notamment par l’initiale du sien.
    M. Bruno Sido. L’ordre alphabétique est injuste !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est néanmoins défavorable à cet amendement.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je n’ai que quelques rares souvenirs des enseignements de latin et de grec que j’ai suivis au lycée, mais je me souviens avoir vu il y a bien longtemps, alors que j’étais étudiante, un magnifique film de Costa-Gavras, Z, ce qui signifie « il est vivant » en grec.
    M. Bruno Sido. C’est un film à revoir !
    Mme Nathalie Goulet. Absolument !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant l’amendement n° 254, qui vise à rétablir la formulation adoptée par l’Assemblée nationale, le Gouvernement entend, bien sûr, les arguments de Mme Gonthier-Maurin.
    L’histoire des noms n’est effectivement pas que masculine. Installons donc le débat dans la société afin que nous parvenions à changer d’époque. Pardon à ceux que cela pourrait blesser, mais il est injuste et quelque peu archaïque de s’accrocher au mode actuel de détermination du nom patronymique.
    Cependant, plutôt que de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui avait d’incontestables défauts, le Gouvernement préfère la rédaction proposée par la commission des lois, tout en insistant sur le fait que le problème n’est pas définitivement réglé.
    Pour cette unique raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
    Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 149 rectifié, qui introduit des éléments de précision utiles.
    Il convient en effet de décharger l’officier de l’état civil de la responsabilité de conserver l’information sur le désaccord des parents ; prévoir un délai améliore réellement le texte.
    Le Gouvernement est défavorable aux amendements suivants.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 254.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149 rectifié.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l’amendement n° 278 n’a plus d’objet.
    Je mets aux voix l’amendement n° 132 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 177 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 65 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 6 à 13
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 66 rectifié bis et 67 rectifié bis.
    Ces trois amendements, qui concernent naturellement le nom, sont la conséquence logique de notre position antérieure, à savoir notre refus de la modification des règles applicables en matière d’adoption plénière.
    Comme nous sommes hostiles à cette modification, nous le sommes tout autant à la modification des règles applicables en matière de transmission du nom, d’où la suppression des alinéas 6 à 13 proposée à l’amendement n° 65 rectifié bis
    L’amendement n° 66 rectifié bis complète le précédent : nous proposons le remplacement des alinéas dont nous demandons la suppression à l’amendement précédent par cinq alinéas qui précisent comment nous entendons que le nom de l’adoptant soit dévolu à l’enfant.
    Enfin, l’amendement n° 67 rectifié bis a pour objet de sauver certains noms en faisant en sorte que le juge puisse intervenir dans l’intérêt de l’enfant et inverser, le cas échéant, l’ordre des noms choisi à l’origine.
    M. Alain Bertrand. Excellente idée !
    M. le président. L’amendement n° 66 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 6 à 13
    Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
    III. - Les premier à troisième alinéas de l’article 357 du même code sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
    « L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant.
    « En cas d’adoption de l’enfant du conjoint marié, ou d’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants déterminent le nom de famille dévolu à l’enfant en application des règles énoncées aux articles 311-21 et 311-23.
    « Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une fois.
    « Sur demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant. »
    L’amendement n° 67 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 8
    Compléter cet alinéa par les mots :
    , sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant
    Ces amendements ont déjà été défendus.
    L’amendement n° 276, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
    Alinéa 10
    Remplacer les mots :
    l’ordre alphabétique
    par les mots :
    un ordre déterminé aléatoirement
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 94 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 13
    Après les mots :
    des adoptants,
    insérer les mots :
    lorsqu’ils sont mariés ou qu’ils ont adopté conjointement un enfant,
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement tend à éviter qu’un adoptant seul, dans le cas où il aurait adopté conjointement un enfant, puisse demander seul au tribunal de modifier les prénoms de l’enfant adopté, car nous souhaitons que les deux parents puissent intervenir.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 65 rectifié bis et 66 rectifié bis, qui sont la conséquence logique de l’opposition de leurs auteurs à l’adoption par les couples mariés de personnes de même sexe.
    Sur l’amendement n° 67 rectifié bis, qui tend à permettre au juge d’inverser l’ordre du nom dans l’intérêt de l’enfant, la commission a émis un avis favorable.
    Néanmoins, à titre personnel, je suis défavorable à ce dispositif, qui ne me paraît pas nécessaire. En effet, en cas d’adoption conjointe, l’absence de déclaration conjointe des parents est l’exception, puisqu’ils sont tous les deux parties au jugement d’adoption. On peut donc supposer qu’ils ne seront pas en désaccord à ce moment-là sur la façon dont le nom sera donné à l’enfant.
    L’amendement n° 94 rectifié bis me paraît superfétatoire, car la précision proposée va de soi, les adoptants étant par définition mariés. Il me paraît donc inutile d’apporter une telle précision, mais, puisque M. Gélard le souhaite… Avis favorable de la commission et défavorable du rapporteur.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
    M. Gélard a le mérite de maintenir sa position initiale sur l’ouverture du mariage et de l’adoption ; nous avons nous celui de tirer toutes les conséquences de l’adoption de l’article 1er. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Je formulerai deux observations.
    D’abord, M. le rapporteur exprime souvent son désaccord sans donner d’argumentation, ce que je trouve déplorable.
    M. Alain Gournac. Moi aussi !
    M. Bruno Sido. J’ai été souvent rapporteur et je me suis toujours échiné à expliquer la position de la commission.
    Ensuite, monsieur le rapporteur, j’ai remarqué que vous mélangiez trop souvent votre position personnelle et celle de la commission.
    M. Jean-Pierre Caffet. C’est arrivé une seule fois !
    M. Bruno Sido. Cela ne date pas de cet instant ! Mes collègues et moi-même l’avions déjà constaté cet après-midi.
    Monsieur le président, c’est inadmissible !
    Le rapporteur doit exprimer la position de la commission. S’il parle en son nom, qu’il change de place ! Il ne faut pas mélanger les genres.
    M. Pierre Bordier. C’est bien vrai !
    M. Bruno Sido. J’irai plus loin : il passe plus de temps à expliquer sa position personnelle que celle de la commission. Nous ne pouvons l’admettre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Caffet. Il ne l’a fait qu’une fois !
    M. David Assouline. M. Marini le fait pendant des heures !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Sido, je tiens à répondre à votre intervention.
    En premier lieu, M. Michel a rendu scrupuleusement compte, pour tous les amendements, de la position de la commission. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Je ne dis pas le contraire !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En second lieu, monsieur Sido, il est de tradition constante, ici comme à l’Assemblée nationale, que, lorsque le rapporteur n’est pas d’accord avec la position majoritaire de la commission, il puisse exprimer sa position personnelle.
    Cela se pratique depuis toujours, et M. Michel a exercé ce droit avec beaucoup de modération. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Ah non !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut être très vigilants, monsieur Sido, car il arrive aussi parfois que certains présidents de commission tiennent à la tribune un discours qui, de la première à la dernière phrase, pourrait être celui du porte-parole de leur groupe…
    M. Alain Gournac. Des noms !
    M. Jean-Pierre Caffet. M. Marini !
    M. David Assouline. Il le fait dans tous les débats !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et nous n’avons jamais formulé de remarques jusqu’à ce jour.
    Certes, en tant que président de commission, il peut arriver que l’on s’exprime avec sa propre personnalité, mais je tiens à dire, et chacun peut le constater, qu’il y a une grande honnêteté, une grande intégrité et beaucoup de rigueur dans la manière dont M. Michel accomplit sa mission. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. Bruno Sido. C’est merveilleux !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
    M. Bruno Retailleau. Un président de commission vient de mettre en cause le président d’une autre commission,…
    M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas du tout le cas !
    M. Michel Berson. C’était opportun !
    M. Bruno Retailleau. … mystérieusement d’ailleurs.
    Tous les présidents de commission ne sont pas là. Par conséquent, si vous voulez mettre en cause nommément des personnes, faites-le au moins en leur présence.
    M. Jean-Pierre Caffet. Dès que M. Marini sera là, je n’hésiterai pas à le faire !
    M. Bruno Retailleau. Cela permettra, d’une part, à nous de savoir qui vous visez et, d’autre part, à ces personnes de répondre à vos attaques, monsieur le président de la commission des lois ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Leleux. Je voterai bien entendu contre l’article 2, et cela pour deux raisons.
    La première est une raison de fond.
    Le projet de loi est porté par une volonté politique : la conquête d’une nouvelle liberté pour les couples de personnes de même sexe sans que rien ne soit enlevé aux autres.
    Or, au travers de cet article, on change complètement les règles de transmission du nom non pas seulement pour les couples de personnes de même sexe mais pour tout le monde, ce qui peut ne pas satisfaire des couples de personnes de sexe différent.
    M. David Assouline. Cela ne leur enlève rien !
    M. Jean-Pierre Leleux. Peut-être, mais c’est l’une des raisons de notre opposition à cet article. Pour ma part, je n’ai pas forcément envie que notre façon de faire depuis des millénaires soit modifiée.
    M. Marc Daunis. Frileux conservateur ?
    M. Jean-Pierre Leleux. La seconde raison tient au fait que les choses seront désormais inversées. Le nom paternel ne sera plus transmis comme avant, sauf volonté des deux parents.
    Demain, à moins d’une inversion, l’enfant portera automatiquement les noms des deux parents, cela dans l’ordre alphabétique s’il n’y a pas accord entre eux.
    En conséquence, je m’interroge : au bout de combien de générations n’aurons-nous plus que des noms de famille commençant par A et par B ? La question est posée !
    M. André Reichardt. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
    M. Robert del Picchia. Je ne suis jusqu’à présent pas beaucoup intervenu, mais cet article m’inquiète un peu inquiet, moi qui réside à l’étranger depuis quarante ans.
    Que va-t-il se passer pour les Franco-Espagnols ou les Franco-Brésiliens, qui ont des noms très compliqués et très longs, les noms de famille s’ajoutant les uns aux autres jusqu’à ceux des grands-parents.
    Lorsqu’il s’agit de Franco-brésiliens, par exemple, un nom français s’ajoute déjà au nom brésilien. Avez-vous réfléchi au résultat lorsqu’un le nom français cumulera les noms du père et de la mère, que ce soit dans l’ordre alphabétique ou non ?
    M. Bruno Sido. Non, ils n’ont pas réfléchi du tout !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais c’est un nom par famille !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
    M. Gérard Cornu. Pour ma part, j’abonde dans le sens des observations de Bruno Sido. Il est vrai qu’il n’est pas courant que la commission et le rapporteur émettent deux avis différents !
    Certes, j’ai entendu M. le président de la commission des lois, mais, naïvement, je pensais jusqu’à présent que la commission ne pouvait pas ne pas suivre le rapporteur puisque celui-ci représentait la position majoritaire. Je ne comprends donc pas comment le rapporteur peut être en contradiction avec la commission !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ça arrive !
    M. Gérard Cornu. Je le répète, j’ai bien écouté les explications de M. Sueur. Toutefois, comme cette situation n’est pas banale, je souhaite l’entendre encore, et entendre aussi M. le rapporteur.
    M. David Assouline. Ça suffit !
    M. Gérard Cornu. Un rapporteur qui est en contradiction avec sa commission, laquelle est censée avoir une majorité et le suivre majoritairement, ce n’est pas courant dans cette enceinte ! C’est même un événement et c’est pourquoi je souhaite obtenir des informations complémentaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Caffet. Vous en êtes donc là !
    M. David Assouline. Il n’y a plus rien à dire !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Chers collègues, si vous pensez que j’ai trop largement exprimé mon avis personnel, j’en ferai moins état en débattant des quelques amendements qui restent à examiner sur cet article.
    M. Bruno Sido. Merci !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela étant, les exemples de désaccord entre le rapporteur et la commission sont fréquents. Rappelez-vous – et je parle sous le contrôle de Mme Dini, qui a présidé la commission des affaires sociales – le psychodrame qui a eu lieu à propos du projet de loi bioéthique !
    Mme Muguette Dini. Ce n’était pas pareil !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’en garde quelques souvenirs ! Non seulement nous avons dû changer de rapporteur en cours de discussion, mais M. Lorrain a à plusieurs reprises dit que la commission était favorable à tel ou tel amendement mais qu’à titre personnel il était contre. Voilà comment tout le débat s’est déroulé, et personne n’a rien dit ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Plusieurs sénateurs du groupe UDI-UC. Il ne s’agissait pas de ce texte !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pardonnez-moi, mes chers collègues, il s’agissait en effet du projet de loi sur la psychiatrie ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Ça change tout !
    M. Marc Daunis. De la psychiatrie à la schizophrénie…
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En l’espèce, les désaccords sont très résiduels. (Brouhaha sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Cornu, je m’étonne de la conception que vous vous faites du travail parlementaire : il est déjà arrivé, et il arrive presque chaque semaine, notamment au sein de la commission des lois, que, sur tel ou tel amendement, la majorité ne suive pas le rapporteur. Heureusement d’ailleurs !
    M. Michel Le Scouarnec. C’est la démocratie !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas des mécaniques !
    M. Bruno Sido. Il ne s’agit pas de cela !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes en commission pour travailler. Il y a souvent des votes, des partages différents, et c’est ce qui donne tout son intérêt au travail parlementaire !
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 94 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    I. - Alinéa 14
    Supprimer les mots :
    À l’exception de son dernier alinéa
    II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... - Après le même article 357-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans ces deux cas, la demande du ou des adoptants de modification des prénoms de l’enfant est jointe à leur déclaration d’option relative au nom de famille. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote sur l’article 2. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Esther Sittler. Le présent article, qui traite du nom de l’enfant, est intéressant, car il illustre l’impréparation qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi dans son ensemble…
    M. Charles Revet. Eh oui !
    Mme Esther Sittler. … et les risques non mesurés que celui-ci fait peser sur le mariage et la famille.
    On nous dit que le mariage pour tous n’entraînera pas de transformations de l’institution du mariage telle qu’elle existe aujourd’hui. Or, force est de le constater, nos collègues députés ont remarqué que la règle actuelle consistant à donner à l’enfant le nom du père ne sera nullement applicable aux couples de même sexe. Ils ont donc proposé de changer cette règle pour tous, portant ainsi atteinte au mariage.
    Consciente de cette difficulté, la commission des lois nous propose à présent un double système,…
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est faux !
    Mme Esther Sittler. … à savoir : on maintient la règle en vigueur pour les couples hétérosexuels et on établit un autre dispositif pour les couples homosexuels.
    Même si la majorité gouvernementale tente de s’en défendre, c’est bien un mariage à deux têtes que l’on nous propose ici.
    Cela prouve que l’institution du mariage n’est nullement adaptée à la distinction entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, car leurs situations ne sont pas équivalentes.
    C’est pourquoi il m’est impossible de voter une telle disposition. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
    M. Dominique de Legge. Chers collègues de la majorité, vous conviendrez sans doute avec moi que l’enfant participe, en principe, d’un projet parental et familial. Par conséquent, on peut déjà former le vœu que toutes les dispositions dont nous venons de débattre ne se traduisent pas trop souvent dans les faits, mais restent au contraire exceptionnelles.
    J’avoue que j’ai du mal à comprendre que la transmission du nom puisse susciter des conflits au moment même où l’enfant entre dans la famille.
    En outre, j’avoue que ce débat fait écho en moi à l’annonce du Président de la République appelant, il y a quelques jours, à un « choc de simplification ».
    M. Alain Gournac. Ah !
    M. Dominique de Legge. Je ne vois pas en quoi le présent texte répond à ce souhait de simplification. J’ai plutôt le sentiment que nous allons dans le sens inverse.
    Par ailleurs, nos débats montrent que, contrairement à ce qui a été affirmé, ce texte n’est pas neutre pour les familles hétérosexuelles, loin s’en faut !
    Au terme de cette discussion, après tout ce que j’ai entendu et avant ce que vous vous apprêtez sans doute à voter, je tiens à souligner que, si accepter le nom revient à reconnaître l’autre, le mode de transmission du nom de famille que vous prônez montre pour le moins que votre conception de la famille n’est pas tout à fait la même que la nôtre.
    M. Bruno Sido. Elle en est même très éloignée !
    M. Dominique de Legge. Madame la ministre chargée de la famille, on voit bien que vous avez du mal à « nommer » clairement la famille et à dire ce qu’elle est pour vous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. Jean-Jacques Mirassou. Amen !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. David Assouline. La droite freine !
    M. François Rebsamen. Il n’y a pas d’accord possible avec vous, chers collègues de l’opposition ! Je m’en souviendrai !
    M. David Assouline. Vous n’êtes pas fiables !
    M. Gérard Cornu. Cela ne surprendra sans doute personne, comme beaucoup de mes collègues, je considère que cette disposition, qui consiste à rendre expresse la déclaration d’attribution du nom du père, faute de quoi, les noms des deux parents seront transmis à leurs enfants, porte atteinte à la lisibilité généalogique qui permet à chacun de s’inscrire dans une histoire familiale cohérente. Mon collègue Dominique de Legge l’a très justement souligné, comme simplification, on ne fait pas mieux !
    Cette modification fragilisera la présomption de paternité puisqu’elle entraînera une importante généralisation des noms doubles.
    Avec un tel dispositif, nous obligeons les parents à procéder, de génération en génération, à un choix permanent alors que les familles sont, pour la plupart, déjà dépassées par les nombreuses démarches administratives qui font suite à la naissance de leurs enfants.
    À mes yeux, il s’agit d’une atteinte non négligeable au droit de chacun d’accéder à ses origines. C’est tout simplement scandaleux !
    Les Français ont manifesté massivement à ce sujet. Ils restent particulièrement attachés au nom de famille, et c’est probablement la raison pour laquelle ils n’ont eu que très rarement recours au dispositif permettant, depuis 2002, de transmettre un nom double à son enfant.
    Nous ne comprenons pas pourquoi cette disposition qui ne concerne que les couples de personnes de même sexe serait applicable à tous les couples mariés.
    Je conçois qu’il soit impossible de sortir de l’impasse du défaut de choix lorsqu’il s’agit de couples de personnes de même sexe, mais est-ce une raison pour imposer un dispositif qui ne concerne que ces couples à toutes les familles françaises ?
    Mme la ministre chargée de la famille nous dit qu’il s’agit de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. L’égalité, encore et toujours… Néanmoins, je lui rappelle qu’il ne s’agit pas d’égalité puisque les parents ont bel et bien le choix. Si les couples homosexuels veulent transmettre un nom en particulier, ils le peuvent.
    Certes, on ne doit pas laisser les textes créer des zones d’ombre. Toutefois, dans ce cas, peut-être pourrions-nous profiter de la navette pour améliorer le dispositif en prévoyant une règle particulière pour les couples de personnes de même sexe ?
    Très honnêtement, nous ne pouvons pas maintenir cet article en l’état, car nous allons assister à la disparition progressive – par erreur ou par dépit – de la transmission du patronyme qui constitue aujourd’hui la réalisation concrète de la présomption de paternité.
    Ainsi, nous aurions préféré que le dispositif actuellement en vigueur reste applicable, non pas par convenance par rapport à un sexe en particulier ou par rapport à un type d’union, mais parce que la transmission du nom paternel permet aujourd’hui – et depuis plusieurs siècles ! – d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de famille, la présomption de paternité. À ce titre, je rappelle que le lien paternel est beaucoup plus difficile à établir que celui qui noue la mère à l’enfant.
    La naissance d’un enfant étant un moment fort dans la vie de chaque parent, je demande au Gouvernement de ne pas « assommer » les familles en alourdissant encore les procédures administratives.
    La suppression de cette disposition évitera par ailleurs des coûts administratifs importants. Vous imaginez bien que l’ensemble des documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif ! Avec cette mesure, il va donc falloir les modifier un à un. Est-ce là la simplification que M. le Président de la République appelle de ses vœux ?...
    M. Alain Gournac. Le « choc »…
    M. Gérard Cornu. Quel serait le coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise ? En somme, on veut tout et son contraire !
    Ainsi, parce que cette réforme porte atteinte à la famille et parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous ne pouvons pas l’adopter en l’état. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Alain Gournac. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
    Mme Catherine Deroche. L’article 2 du projet de loi tend à réécrire l’article 311-21 du code civil, lequel précise les règles de dévolution du nom de famille. Je dois dire que je ne comprends pas l’obsession du progrès et de la modernité en matière d’attribution du nom de famille dont semble souffrir la majorité !
    L’article 311-21 du code civil prévoit que les couples qui ne font pas de déclaration conjointe, ce qui constitue la majorité des cas, verront leur enfant prendre le nom du père. Cela n’empêche pas les parents de donner à leur enfant le nom de la mère ou les deux noms.
    Dans l’état actuel de sa rédaction, cet article n’impose rien à personne ! Il est parfaitement en adéquation avec la réalité de notre pays et les pratiques majoritaires qui y ont cours. Donner par défaut le nom du père, ce n’est pas passer en force, ce n’est pas méconnaître la société, ce n’est pas contraindre les Français à adopter un comportement qu’ils réprouvent, puisqu’ils y adhèrent massivement !
    Vous vous en rendrez compte en mettant en application ces mauvaises dispositions ! Les Français ne comprendront pas immédiatement le changement, et il est très possible qu’il y ait de nombreuses demandes de correction après leur adoption.
    Vous constaterez ainsi que les Français sont attachés à la transmission à l’enfant du nom du père, non pour montrer la supériorité du père sur la mère, ou sa plus grande autorité, mais simplement pour marquer la filiation. Cessez donc de voir de la domination masculine là où il n’y en a pas, et c’est une femme qui vous le dit !
    Par ailleurs, cette pratique est culturelle et elle peut donc varier d’un pays à l’autre.
    En tant que femme, je pense qu’il est un peu ridicule, au regard de nos coutumes, de lier le système de dévolution du nom de famille au statut des femmes. C’est en effet sans rapport avec l’objectif, légitime, d’amélioration de la condition féminine. C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 2 du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
    M. François-Noël Buffet. En 2005, nous avons connu une évolution, peut-être même une révolution, puisque c’est cette année-là que les pères ont perdu le « privilège » de transmettre automatiquement leur nom à leurs enfants.
    Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est un vaste débat, dans lequel je me garderai bien de porter un jugement de valeur en chaussant les lunettes de la modernité. Nous sommes bien souvent trop durs avec nos ancêtres !
    Je veux dire cependant que cette réforme n’enlève rien à la possibilité pour chacun de faire perdurer son nom patronymique, mais, avec un choix de seize noms dès la deuxième génération et un choix exponentiel pour les suivantes, les arbres généalogiques pourront rapidement ressembler à des usines à gaz !
    Sans être un spécialiste de la question, il m’apparaît que l’objectif pourrait être de placer sur un pied d’égalité les couples mariés et les concubins. Comme on ne parle plus que d’égalité, je ne dois pas être loin du compte !
    Pourtant, il faut constater le peu de succès de la réforme de 1985 qui a permis de donner comme nom d’usage non transmissible celui des deux parents accolés.
    Près de vingt ans après, l’INSEE nous révélait que seulement 7 % des couples avaient choisi cette possibilité. Et aujourd’hui encore la très grande majorité des femmes, soit près de 90 %, abandonnent leur nom de jeune fille pour celui de leur époux. Elles ne semblent pourtant pas sur le point de protester dans la rue, ou alors sur des sujets qui déplairaient sans doute à notre rapporteur !
    Chacun trouvera ses raisons pour justifier la protection du nom patronymique.
    Pour les psychanalystes, dans la lignée du très célèbre Totem et Tabou, le nom du père est présumé être un garant contre l’inceste. Les filles portent le nom de celui qui n’a pas le droit de les toucher : leur père ou leur frère.
    Pour Lacan, le nom du père est le symbole de l’altérité. La mère donne la vie, le père donne le nom et, ce faisant, il reconnaît cet enfant comme le sien. Voilà d’ailleurs encore un exemple de la complémentarité entre l’homme et la femme !
    La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval dira quant à elle ceci : « Lors du vote de la loi, en 2002, j’étais plutôt pour que la mère puisse donner son nom à l’enfant. Je pensais qu’il y avait un intérêt à sortir de cette éternelle dichotomie : le symbolique pour le père et le charnel pour la mère. Aujourd’hui, je serais plus nuancée. Non, les sexes ne sont pas égaux en matière de procréation. La tradition patrilinéaire est peut-être ringarde mais, quoi que l’on y fasse, les femmes portent les enfants et pas les hommes. En attendant le jour où l’on mettra au monde des enfants sans l’utérus de leur mère, il est important que l’enfant garde le nom de son père, justement à cause de cette inégalité fondamentale. Alors que tous les repères familiaux explosent, le nom reste l’un des éléments forts de paternité. Celle-ci étant de plus en plus fragile, il faut conserver ce repère-là parce que nous vivons dans une société qui en a énormément besoin. »
    L’importance du symbole est si grande qu’aujourd’hui encore moins de 5 % des femmes non mariées n’attribuent pas à leur enfant le nom du père ; dans le cas contraire, neuf fois sur dix elles ne le font pas parce que le père ne reconnaît pas l’enfant.
    Nous ne sommes pas psychanalystes – en tout cas pas moi ! –, mais nous pouvons adhérer à cette analyse.
    Plus largement, la généralisation des noms doubles telle qu’elle est organisée par le présent dispositif va affaiblir la présomption de paternité.
    Plus encore, elle va complexifier l’établissement de la généalogie de chacun et faire de la recherche de nos origines une véritable course d’obstacles.
    Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’aurais préféré que le dispositif en vigueur reste applicable. En disant cela, je ne crois pas me ranger du côté d’une société patriarcale ! Nous savons tous que plus personne ne raisonne ainsi, sauf quelques fanatiques.
    M. Bertrand Auban. Ce sont vous, les fanatiques !
    M. François-Noël Buffet. Si je souhaite que les règles de la transmission du nom privilégient le nom du père, c’est pour que l’on ait encore les moyens d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de familles, la présomption de paternité. Le lien paternel est en effet beaucoup plus difficile à établir, évidemment, que celui de la mère avec son enfant !
    Madame la garde des sceaux, madame la ministre, entendez ces propos, qui ne sont pas polémiques… (Au banc du Gouvernement, Mme la garde des sceaux s’entretient avec M. Jean-Pierre Caffet.)
    M. Jean-Marc Todeschini. Oh non !
    M. Marc Daunis. Non, non, ils sont éclairés, intelligents et mesurés ! (Sourires.)
    M. François-Noël Buffet. Mais je vois que vous êtes occupée à autre chose, madame la garde des sceaux…
    M. Jean-Marc Todeschini. Temps de parole épuisé !
    M. François Rebsamen. Monsieur le président, le temps est écoulé !
    M. François-Noël Buffet. Merci, madame la garde des sceaux, pour l’attention que vous portez aux parlementaires !
    M. François Rebsamen. C’est fini le blabla !
    M. Jean-Marc Todeschini. Terminé !
    M. François-Noël Buffet. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’attirer votre attention, dans d’autres circonstances, sur un sujet qui viendra en discussion dans quelques semaines et à propos duquel ni vous ni votre cabinet n’avez pas davantage daigné répondre !
    M. François Rebsamen. Le temps est dépassé, monsieur le président !
    M. François-Noël Buffet. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de ne pas m’avoir écouté ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. Bruno Sido. Madame la garde des sceaux, vous ne m’écoutez pas, mais je tiens néanmoins à dire que nous nous trouvons dans une situation absolument caricaturale.
    L’état d’impréparation du texte qui nous est proposé apparaît à tous. J’en veux pour seule preuve que la loi devient bavarde,…
    M. Marc Daunis. Vous aussi !
    M. Bruno Sido. … ce qui est toujours très mauvais signe.
    M. le rapporteur n’était lui-même pas très satisfait de son amendement, pas plus que ne l’était du sien M. Gélard, qui, lui, a retiré le sien et qui n’y est de surcroît pour rien. Ce n’est pas son texte : il a juste essayé de sauver les meubles, avant de s’apercevoir qu’il ne pouvait rien !
    Il est inconcevable, sur un sujet aussi important que la transmission du nom et les lignées familiales, de présenter un texte rédigé sur un coin de table, et décidé avant d’avoir été réfléchi !
    Le gouvernement actuel ne sait que tout compliquer et tout emmêler, gratuitement de surcroît ; c’est flagrant sur de nombreux sujets, mais je veux en rester à celui qui nous occupe. Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner que nos concitoyens soient désorientés, protestent et se trouvent finalement poussés vers les extrêmes.
    Rédigé dans la précipitation, ce texte est idéologique. Il ébranle ce temple de la loi qu’est le code civil, qui ne ressemblera plus à rien. Ce n’est pas faire une déclaration politique que d’affirmer qu’il est impossible de le voter cet article 2 qui met la pagaille partout ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
    Article 2
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (suite)
    M. François Rebsamen. Chers collègues de l’opposition, nous vous écoutons avec calme, tranquillité, quiétude…
    M. Jean-Claude Lenoir. Et la garde des sceaux avec indifférence !
    M. François Rebsamen. … lire les fiches que l’on vous distribue (Oh ! sur les travées de l’UMP.) et qui, au gré de ce que l’on vous a écrit, vous font varier dans vos interventions, sur un mode tantôt tranquille, tantôt agressif.
    M. Bruno Sido. Personne ne nous écrit de fiches !
    M. François Rebsamen. Sentez-vous parfois le poids du ridicule de vos interventions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Gournac. C’est vous qui êtes ridicules !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel mépris !
    M. François Rebsamen. Je souhaite simplement en appeler à votre conscience de parlementaire, pour laquelle j’ai un profond respect. Vous pourrez reprendre la parole pour me répondre, et gagner ainsi encore quelques minutes, mais cela ne changera rien à notre détermination.
    Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Catherine Troendle. Ni à la nôtre !
    M. François Rebsamen. Nous allons vous écouter sereinement débiter les propos que l’on vous écrit et vous regarder, les uns et les autres, vous distribuer des papiers !
    Mon intervention, dans ces circonstances, avait pour but de dire aux membres de mon groupe combien je suis fier de leur patience,…
    M. Charles Revet. Et de leur conviction ?...
    M. François Rebsamen. … de leur détermination,…
    M. Jean-Pierre Caffet. Et de leur présence !
    M. Gérard Longuet. Les muets du sérail !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne grandit pas le Sénat !
    M. François Rebsamen. J’ai pour habitude, chers collègues de l’opposition, de ne pas interrompre quelqu’un qui s’exprime, ce qui vous est manifestement difficile ! Vous n’êtes même pas capables d’écouter un seul orateur de notre groupe. Son président vous parle : vous pourriez au moins avoir la politesse de l’écouter ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Gournac. Laissez parler l’opposition !
    M. Bertrand Auban. Vous avez été battus !
    M. François Rebsamen. Voilà ce que je voulais vous dire, mais je n’en ai pas fini ! Je vais moi aussi prendre encore un peu de temps, car cela me fait du bien de m’adresser à vous, pour mes collègues et pour moi-même.
    Vous répétez inlassablement les mêmes arguments,…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous aussi !
    M. François Rebsamen. … arguments auxquels Mmes les ministres vous ont déjà répondu, mais, je l’ai dit, nous sommes sereins et déterminés, et nous allons continuer à vous entendre.
    Chers collègues de la majorité, je le sais, cette intervention va nous faire perdre quelques minutes, et je m’en excuse,…
    M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas grave !
    M. François Rebsamen. … mais je la fais en votre nom, parce que, si je connais votre détermination, je sais aussi la lassitude qui parfois peut vous prendre à entendre les mêmes arguments encore et encore.
    M. Alain Gournac. Mais vous ne les écoutez pas !
    M. François Rebsamen. Si vous souhaitiez vraiment faire avancer le débat parlementaire, nous irions au fond des choses, mais c’est impossible, car vous répétez des arguments en boucle jusqu’à vous contredire !
    M. Gérard Longuet. Si nos orateurs se répètent, c’est qu’ils ne se contredisent pas !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous, vous ne défendez rien !
    M. Alain Gournac. Vous avez bâillonné les membres de votre groupe !
    M. François Rebsamen. Parfois, nous vous entendons buter – ne m’en voulez pas – sur les mots lorsque vous lisez les feuillets qui vous sont distribués. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l’UMP.) Continuez donc, nous vous écoutons, et, en répondant à cette intervention, vous pourrez d’ailleurs gagner encore quelques instants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
    La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
    Rappel au règlement (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2 (début)
    M. Gérard Longuet. Je répondrai au président Rebsamen en tant qu’ancien président du groupe UMP.
    Son intervention est l’expression d’une mauvaise foi insigne qui n’honore pas sa naturelle et légendaire courtoisie. Elle nous surprend.
    Je comprends, chers collègues de la majorité, que vous soyez exaspérés d’entendre inlassablement cette vérité qui vient de notre histoire et de notre peuple ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme Éliane Assassi. On a connu ça avant vous !
    M. Gérard Longuet. Chacun des sénateurs ici présents aura à cœur de l’exprimer, et il sait qu’il aura la fierté d’en rendre compte devant ses mandataires.
    M. Bertrand Auban. Vous êtes nuls !
    M. Gérard Longuet. Votre silence, en revanche, est éloquent, car vous n’avez pas l’intention de défendre un texte dont vous savez qu’il est contraire aux convictions profondes de notre peuple. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
    Mme Nicole Bonnefoy. Non seulement nous le défendons, mais nous allons le voter !
    M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
    Rappel au règlement (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2 (interruption de la discussion)
    Article 2 (suite)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
    M. Gérard Larcher. Il a été dit que nous étions « abreuvés » de papiers ! Si nous sommes si diserts, c’est parce que la question du nom n’est pas légère. Sans remonter aux textes les plus anciens – M. le président de la commission des lois s’est référé à un dictionnaire datant de la fin du XVIIe siècle ! –, vous me permettrez de revenir sur l’étymologie du mot.
    Le nomen, c’est celui que je reconnais, qui a une identité et qui est un être unique. C’est donc bien au niveau de l’enfant, être unique par excellence, que le nom doit être reconnu !
    M. Jean-Pierre Caffet. C’est le cognomen !
    M. Gérard Larcher. Cet être unique est inscrit dans notre société depuis le Xe siècle, avec le retour du droit romain et de la présomption de paternité. Il est clair, à nos yeux, que le nom induit la filiation au travers de la paternité, mais, paradoxalement, il protège aussi la mère et le régime matrimonial qui s’est constitué autour du nom transmis. Il protège donc la mère et le père.
    Nous ne sommes pas ringards…
    Mme Dominique Gillot. Ah si !
    M. Gérard Larcher. … parce que nous pensons que l’enfant est sans doute aujourd’hui plus qu’hier exposé à des risques. Voilà pourquoi ce débat n’est pas futile.
    Mme Nathalie Goulet. Exactement !
    Mme Éliane Assassi. Selon vous !
    M. Gérard Larcher. Il est même essentiel dans la mesure où ces valeurs de la société font sans doute la différence entre certains d’entre vous et nous-mêmes. Pardonnez-moi, mais cette question mérite véritablement que nous nous y attardions.
    M. Alain Gournac. Bravo !
    Mme Catherine Morin-Desailly. Exactement !
    M. Gérard Larcher. Je rappelle que l’unicité, y compris dans le livre de la Genèse, fonde la reconnaissance d’une identité, et donc du respect dû à chaque individu, par-delà sa situation, son âge ou son handicap. C’est ce principe que je veux défendre ce soir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme Éliane Assassi. C’est surréaliste !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a parlé sans papier !
    M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
    M. Bertrand Auban. Encore avec une fiche !
    M. André Reichardt. J’invite le président Rebsamen et les membres de son groupe à venir constater que le document que je tiens à la main est manuscrit et qu’il ne m’a pas été remis par qui que ce soit !
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Caffet. C’est une exception !
    M. André Reichardt. Je tiens à dire que la problématique du nom est bien symptomatique, comme l’a dit notre collègue Gérard Larcher, de l’imbroglio créé par ce projet de loi sur le mariage homosexuel.
    M. Bruno Sido. Tout à fait !
    M. André Reichardt. Mmes les ministres nous ont expliqué tout au long du débat que l’extension du mariage aux couples homosexuels conduisait en fait à un approfondissement, à une confortation de la famille. Drôle de famille dont les différents membres pourront porter, dès la deuxième génération, jusqu’à seize noms, selon la volonté des uns et des autres !
    M. Gérard Cornu. Oh ! là ! là !
    M. André Reichardt. Dans ces conditions, où est la famille ?
    La transmission du patronyme était récemment encore un élément fondamental de la cellule familiale,…
    Mme Éliane Assassi. Réactionnaire !
    M. André Reichardt. … elle-même fondatrice de notre société. Même si la situation a évolué, fallait-il aller aussi loin dans l’innovation, dans la révolution, dans le changement de civilisation que vous avez évoqué, madame la garde des sceaux ?
    La vérité, c’est que votre projet de loi est mauvais. S’il eût fallu un simple exemple de la destruction de la société que ce texte porte en germes, l’article 2 l’illustrerait à souhait. Nous allons donc voter contre cet article ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mme Cécile Cukierman. Comme c’est surprenant !
    M. Bertrand Auban. C’est nul !
    M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
    M. Bertrand Auban. Il vient d’arriver !
    M. René Beaumont. Monsieur le président du groupe socialiste, en vous écoutant, je me demandais de quel côté se situait le ridicule. Après avoir entendu les interventions de MM. Longuet et Larcher, je le sais : il est du vôtre ! Mais, rassurez-vous, le ridicule ne tue pas !
    M. David Assouline. Ça vole haut !
    Mme Cécile Cukierman. Ça, c’est politique !
    M. René Beaumont. J’en viens maintenant au sujet qui nous occupe.
    Au début de la discussion, je n’avais pas conscience des bouleversements qu’allait entraîner ce texte.
    M. Bruno Sido. Eux non plus !
    M. René Beaumont. Je dois dire que je découvre chaque jour un peu plus à quel point vous avez la volonté de fragiliser, voire de détruire, le socle fondateur de notre société : la famille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !
    M. René Beaumont. Après avoir joué aux apprentis sorciers biologistes en décrétant que les couples de personnes de même sexe pourraient désormais avoir des enfants, il vous faut bien, maintenant, régler le problème de la transmission du nom de famille.
    Qui peut voir dans l’importance qu’occupe le nom paternel dans le processus de filiation le seul vestige d’une société patriarcale et la marque encore vivante d’une domination absolue d’un sexe sur l’autre ?
    Mme Éliane Assassi. Eh oui, c’est encore un peu le cas !
    M. René Beaumont. Croyez-vous vraiment que la femme française se sente ainsi rabaissée au simple rang d’objet et que l’homme marque autour elle et de son enfant un territoire où son autorité absolue pourrait s’exercer ?
    Mme Éliane Assassi. Malheureusement, cela existe encore !
    M. René Beaumont. Permettez-moi de penser que vous êtes bien loin des priorités des Français…
    M. Jean-Pierre Caffet. C’est délirant !
    M. René Beaumont. … et des réalités de l’histoire de nos familles ! Vous surestimez la malveillance des hommes d’aujourd’hui et la volonté des femmes d’hier !
    Il n’est pas ici question d’égalité ; il s’agit tout simplement, pour vous, de régler vos problèmes d’intendance. Au fond, c’est bien cela le grand problème de votre réforme : elle n’a de stratégique que la manœuvre politicienne ! Elle ne suit qu’une vision à court terme et sa seule cohérence se trouve dans l’idéologie. Vous ajustez en permanence le texte, en contournant les obstacles que vous rencontrez.
    Quoi qu’il en soit, sur le fond, j’estime que, sauf en cas de déclaration expresse, le nom transmis à l’enfant doit être celui du père.
    Un tel dispositif est clair et simple en ce qu’il permet au père d’établir concrètement la présomption de paternité, qui est aujourd’hui, en ce qui concerne la filiation, la conséquence réelle et substantielle du mariage.
    Ce dispositif est beaucoup plus légitime que celui que vous instaurez. Dans la plupart des cas, les jeunes filles renoncent à leur nom quand elles se marient, et je ne crois pas qu’elles le fassent sous le joug de leur époux !
    Mme Esther Benbassa. N’importe quoi !
    M. René Beaumont. Depuis 2002, celles qui le souhaitent peuvent faire accoler leur nom à celui de leur mari et à celui de leurs enfants. Pourquoi généraliser un dispositif dont l’exception se justifie par son caractère occasionnel et minoritaire ?
    Vous essayez ici d’inverser une tendance.
    Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons que les Français soient libres !
    M. René Beaumont. Non, vous trompez les Français, qui, pour la plupart, n’indiquent rien sur la transmission du nom, car ils savent que leur enfant héritera du nom du père.
    Ceux qui seront vigilants sauront que le père devra se munir, pour déclarer la naissance de l’enfant à la mairie, d’un document écrit de la mère stipulant qu’elle accepte explicitement que le nom de famille de l’enfant sera celui de son mari. On imagine déjà l’imbroglio que vous allez créer ! Voilà ce que j’appellerai, pour reprendre vos termes, un véritable choc… de complication !
    Par votre faute, nous assisterons à une généralisation des noms doubles, ce qui va inévitablement brouiller la lisibilité généalogique. Avec le méli-mélo des noms des uns accolés à celui des autres dans la limitation de deux, ce qui impliquera un choix permanent entre l’un et l’autre, les cousins, par exemple, auront une faible probabilité de porter le même nom et deux frères nés avant et après l’entrée en vigueur du texte pourront très bien ne pas avoir le même patronyme ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est vraiment n’importe quoi.
    Il est inopportun de fragiliser le socle anthropologique sur lequel se construisent les sociétés humaines en étendant à la majorité des Français une mesure qui n’a été revendiquée que par une stricte minorité d’entre eux.
    M. Charles Revet. Eh oui !
    M. René Beaumont. Enfin,…
    M. Marc Daunis. Fini !
    M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !
    M. René Beaumont. … vous imaginez bien que les documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif !
    Mme Éliane Assassi. Votre temps de parole est écoulé !
    M. René Beaumont. Il va donc falloir les modifier un à un.
    M. Jean-Marc Todeschini. C’est fini !
    M. René Beaumont. Quel coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise !
    M. Jean-Marc Todeschini. Vous dépassez votre temps de parole de vingt-deux,…vingt-trois,… vingt-quatre,… vingt-cinq secondes…
    M. René Beaumont. Ainsi, parce que cette réforme est loin de concerner tous les Français, parce qu’elle porte atteinte à la famille,…
    M. François Rebsamen. Arrêtez-vous !
    M. René Beaumont. … mais aussi parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous refuserons de la voter ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
    Un sénateur du groupe socialiste. Où est votre papier ?
    M. Jean-Claude Lenoir. Il n’en a pas !
    M. Patrice Gélard. Monsieur le président Rebsamen, mes chers collègues, je n’ai jamais de papier ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) J’étudie depuis plus de quatre mois le texte dont nous discutons aujourd’hui et j’ai travaillé en profondeur sur les dispositions qu’il contient.
    Je voudrais tout d’abord revenir sur un point. M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois ont souligné que certains amendements ou passages du texte n’avaient pas été adoptés de la même façon que le reste.
    Il faut dire les choses telles qu’elles sont : certains de nos collègues ont eu des impératifs urgents qui les ont obligés à quitter la salle de la commission, et la majorité s’est alors inversée pendant un, deux ou trois votes.
    M. Bruno Sido. Le cumul des mandats !
    M. Patrice Gélard. Personnellement, je regrette que mon amendement, qui avait recueilli un avis favorable de la commission, n’ait pas été adopté, mais cela me fournit un argument supplémentaire pour soutenir l’une des thèses que je défends depuis le début, à savoir la profonde inconstitutionnalité du texte.
    M. Jean-Marc Todeschini. Ah bon ?
    M. Patrice Gélard. Avec la question du nom, cette inconstitutionnalité continue de se développer avec une harmonie étonnante.
    MM. Bruno Sido et François Zocchetto. Absolument !
    M. Patrice Gélard. Le nom devient inintelligible.
    MM. Jean-Jacques Hyest et Robert del Picchia. Tout à fait !
    M. Patrice Gélard. Une loi doit viser l’intelligibilité. Or le dispositif que celle-ci prévoit sera complètement illisible.
    M. Alain Néri. C’est ce que disait Fillon !
    M. Patrice Gélard. En réalité, nous sommes en train de faire une mauvaise loi et, heure après heure, nous accumulons les motifs d’inconstitutionnalité. Merci pour ce travail ; nous nous en servirons lorsque nous saisirons le Conseil constitutionnel ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
    (M. Jean-Pierre Bel remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    Article 2 (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    12
    HOMMAGE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SÉNAT

    M. le président. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, au nom du Sénat, rendre un hommage particulier à son Secrétaire général, Alain Delcamp, qui, après être resté quarante-deux ans au service de notre institution, quittera ses fonctions dans quelques instants.
    Je tiens à saluer les qualités exceptionnelles de ce grand spécialiste de la Constitution, de ce haut fonctionnaire dont j’ai pu mesurer la force de l’engagement au service de la République.
    Au moment où il s’apprête à partir à la retraite, je tiens à le remercier en votre nom à tous, mes chers collègues, des grands services qu’il a rendus à la Haute Assemblée et de l’image qu’il a su en donner.
    Monsieur le Secrétaire général, nous vous exprimons toute notre reconnaissance et vous souhaitons bonne chance dans cette nouvelle vie. (Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
    (M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LÉONCE DUPONT

    vice-président
    13
    Article 2 (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. Mes chers collègues, nous poursuivons la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    CHAPITRE II (SUITE)
    DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Demande de vérification du quorum
    Article 2 (suite)
    M. le président. Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’article 2.
    La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
    M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, je conjure le Sénat de ne pas voter l’article 2 du projet de loi, car on ne mesure pas à quel point il va perturber les générations à venir !
    M. Jean-Marc Todeschini. Il va nous faire pleurer !
    M. Jean-Pierre Leleux. La transmission du nom patronymique n’est pas un jeu ; c’est un principe important qui participe de l’équilibre même de l’individu.
    Mes chers collègues, peut-être avez-vous remarqué que, depuis quelques années, les adeptes de la généalogie sont de plus en plus nombreux. Pourquoi ?
    M. Bruno Sido. C’est la retraite !
    M. Jean-Pierre Leleux. Certes, mon cher collègue, mais c’est surtout parce que, dans une période où on a du mal à trouver sa place dans un espace humain et dans la succession des générations, on a besoin de se situer dans une filière. S’inscrire dans une histoire est un souci quasi viscéral !
    Avec mon collègue Philippe Bas, je me suis livré à une petite simulation que je vais vous exposer. Que les personnalités que je vais citer n’en prennent pas ombrage ! Il n’y a dans mon propos aucune allusion liée au sujet de fond dont nous débattons.
    Donc, mes chers collègues, imaginons que M. Chaban-Delmas se marie avec M. Dupont-Aignan. (Exclamations et rires sur de nombreuses travées). Qu’ils ne m’en veuillent pas, je n’ai pas trouvé d’autres exemples !
    M. Charles Revet. Ils ne sont pas là !
    M. Jean-Pierre Leleux. Ils adoptent un enfant et essaient de s’accorder sur le nom à lui donner.
    M. Gérard Larcher. Bordeaux ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Leleux. Comme ils n’y parviennent pas, c’est au juge de trancher. Celui-ci prend un des deux noms dans chaque nom de famille et les juxtapose par ordre alphabétique : nous avons un petit Chaban-Dupont. (Rires sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Si, à la génération suivante, cet enfant a la chance de rencontrer M. Aignan-Delmas, on aura de nouveau un Chaban-Delmas. (Nouveaux rires sur les mêmes travées). Si, au lieu de cela, il rencontre M. Giscard d’Estaing, on se retrouvera, par un curieux hasard, avec un petit Chaban-Giscard ! (Nouveaux rires.)
    Mme Annie David. C’est ridicule !
    M. Marc Daunis. Et Gnafron, il arrive quand ?
    M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, j’ai pris volontairement ce sujet sur le ton de l’humour, mais, si je l’ai fait, c’est pour montrer quel genre de situation risque de se produire après seulement trois générations. On se retrouvera avec des contentieux à perte de vue !
    Comme vous tous, j’adore jongler avec les mots, mais je ne veux pas tricher avec les noms patronymiques, qui ont un sens, qui sont un fil conducteur et s’inscrivent dans l’histoire. Ces noms participent de l’équilibre même de l’individu, particulièrement des enfants. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas voter l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)
    M. Bruno Sido. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. S’il m’est permis de m’élever un instant au-dessus de ma condition, j’aimerais répondre au président Rebsamen.
    M. Jean-Claude Lenoir. Remarquez, monsieur Rebsamen, que M. Bas s’exprime sans notes !
    M. Charles Revet. M. Bas n’a jamais de papier !
    M. Philippe Bas. Monsieur Rebsamen, eussé-je été particulièrement sensible, je me serais senti humilié par les propos que vous avez tenus. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
    Je vois, mes chers collègues de l’opposition, le travail que chacune et chacun d’entre vous a accompli pour préparer ce débat, avec tant de détermination mais aussi de générosité pour trouver des solutions.
    M. André Reichardt. L’union civile !
    M. Philippe Bas. Je suis témoin aussi du silence imperturbable qui est opposé aux millions de Français qui, pour des raisons qu’on peut juger bonnes ou mauvaises mais qui sont sincères, s’opposent à ce projet de loi.
    Je me dis donc, chers collègues de la majorité, que, si vous considériez que tout était joué d’avance et que, de toute façon, puisque vous avez la majorité, nous n’avions rien à dire, c’est que vous avez une conception du débat parlementaire qui ne correspond pas du tout à ce que j’imaginais et attendais en entrant, avec tant de joie, il y a un peu plus d’un an, dans votre maison.
    M. Bruno Sido. Très bien !
    M. Philippe Bas. En effet, si tous nos amendements sont systématiquement rejetés, si toutes nos prises de position se heurtent à un mur de silence pour aller plus vite – car il ne s’agit que de cela : vous êtes pressés ! –, si enfin vous opposez le mutisme, parfois les vociférations, dans certains cas l’arrogance, à des propos qui ne sont que constructifs, c’est que le Parlement, après beaucoup d’autres institutions de notre pays, vit une période bien difficile.
    Mme Éliane Assassi. On va pleurer !
    M. Bruno Sido. C’est du mépris !
    M. Philippe Bas. Je me dis que tant de détermination à imposer des rapports de force au lieu de dialoguer et de délibérer de bonne foi cache certainement un malaise face au projet de loi qui nous est soumis. De fait, chers collègues de la majorité, j’ai bien compris que la discipline de vote qui vous est imposée pesait à certains d’entre vous, et je comprends pourquoi.
    En ce qui concerne le nom patronymique, mes collègues ont déjà présenté d’excellents arguments contre l’article 2 du projet de loi. On peut jouer avec les mots, mais pas avec le nom patronymique, qui touche profondément à l’identité de chaque personne, à l’héritage qu’elle reçoit d’une lignée et qui lui permet de s’identifier à ceux qui l’ont précédée. Le patronyme n’est pas, comme le prénom, le fruit d’un libre choix des époux.
    M. André Reichardt. Absolument !
    M. Philippe Bas. Même si ce n’est pas l’intention de ses partisans, il est inévitable que le dispositif proposé conduise à une multiplication des contentieux sur une question qui n’est pas secondaire pour l’enfant, ni d’ailleurs pour ses parents, celle de l’identité. C’est une question grave, et la légèreté avec laquelle vous la traitez ne correspond par à l’idée que je me fais du code civil ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
    M. Jean-François Husson. Nouvel élu dans cette assemblée, je m’exprime en général avec modération et pas trop souvent, mais j’avoue avoir été assez surpris par les propos du président du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Je le dis sur le ton de la provocation démocratique, je crois que, plutôt que d’avoir à appeler ses collègues au mutisme pour éviter un débat dont la démocratie sortirait pourtant grandie, M. Rebsamen préférerait se trouver trois sièges plus bas, à la place de Mme Taubira (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), dont je respecte les convictions comme la capacité à accepter le débat et à répondre point par point à nos arguments.
    Chers collègues de la majorité, pourquoi ne pas accepter que, ce soir et jusqu’à la fin de ce débat, nous puissions exprimer des opinions différentes ? Je respecte les vôtres, écoutez-nous un peu !
    Mme Éliane Assassi. Nous ne faisons que cela !
    Mme Cécile Cukierman. Depuis jeudi dernier !
    Mme Esther Benbassa. Vous vous répétez sans cesse !
    M. Jean-François Husson. Qu’on ne dise pas que je me répète quand je parle à peine depuis cinq minutes !
    M. Marc Daunis. Depuis quatre jours !
    M. Jean-François Husson. Chers collègues de la majorité, je vous prie de me laisser poursuivre : vous portez un sparadrap sur la bouche et, de temps en temps, vous l’enlevez pour respirer ; moi, j’exprime les convictions d’une partie de la population, celles de ces Français, confrontés à de graves difficultés, au chômage et à la précarité,…
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qui défend le libéralisme ?
    M. Jean-François Husson. … qui en ont assez, alors que l’on pourrait appeler à une forme d’union nationale, d’assister aux dérives actuelles, non pas seulement sur le plan économique, mais aussi, je le dis, sur celui des valeurs. Or, je crois, comme d’autres, que les valeurs de la famille ne sont pas rien !
    Madame la ministre de la famille, vous avez prétendu, après avoir parlé de désir d’enfant, ce qui, je ne vous le cache pas, m’a choqué, que vous étiez ministre « des familles ». Surpris, j’ai vérifié : vous êtes ministre de la famille !
    J’entends que les familles soient différentes ; elles ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient hier. De votre côté, pourriez-vous accepter que nous exprimions posément nos points de vue et que nous débattions ? Vous adopterez le projet de loi, puisque vous avez la majorité.
    M. Bruno Sido. Tout juste !
    M. Jean-François Husson. Pour notre part, nous avons le droit de faire entendre notre différence et vous devez la respecter. Si en plus vous nous écoutiez, la démocratie en sortira grandie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. J’ai beaucoup de respect pour M. Rebsamen. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, je ne crois pas que ces propos aient déjà été tenus ce soir ; je vous prie donc de me laisser poursuivre dans cette voie originale… (Sourires sur les travées de l’UMP.) En disant cela, je n’exprime pas seulement le respect dû à sa fonction ou à son ancienneté ; je parle aussi sur le fondement de mon expérience au Sénat au cours des quinze derniers mois.
    Sincèrement, je ne comprends pas les propos qu’il a tenus.
    M. Marc Daunis. C’est dommage !
    M. Christophe Béchu. Le mot « ridicule » a été employé pour qualifier les interventions de mes collègues – et, accessoirement, les miennes.
    M. David Assouline. Oui !
    M. Christophe Béchu. Je comprends encore moins que l’on puisse considérer qu’il y a une sorte d’illégitimité dans le temps que nous prenons pour nous exprimer.
    M. David Assouline. C’est cela !
    M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, ce projet de loi ne traite pas de la transposition d’une directive européenne sur la prime à l’herbage…
    M. Marc Daunis. Merci pour les agriculteurs !
    M. Christophe Béchu. … ou de la mise en place d’une éventuelle convention fiscale entre la France et Singapour.
    Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas dans une cour de récréation !
    M. Christophe Béchu. Nous débattons d’un sujet dont personne dans cet hémicycle ne peut considérer qu’il est mineur. Personne ! Même vous, madame Assassi, car je ne peux croire que vos propos soient une manière de minorer l’importance que vous accordez à ce projet de loi.
    Si nous sommes d’accord sur le fait que ce projet de loi est important, comment dénier aux uns et aux autres le droit de s’exprimer ?
    Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa. Nous ne vous dénions rien du tout !
    M. Christophe Béchu. Nous utilisons notre temps de parole pour dire à haute voix ce que nous pensons, mais aussi ce que pensent de nombreux hommes et de nombreuses femmes qui ont le droit d’être représentés.
    M. André Reichardt. Très bien !
    M. Christophe Béchu. Je vais aller plus loin : que vous ayez été intransigeants sur l’article 1er, que vous n’ayez pas voulu dévier d’un iota d’une règle que vous considérez comme immuable et absolue au nom de l’égalité, c’est une chose, mais que, sur la question des noms de famille, vous n’acceptiez pas un débat qui ne modifie pas les dispositions déjà votées est à mes yeux incompréhensible.
    En effet, cette question ne correspond pas à une ligne de fracture idéologique ! Il s’agit simplement d’examiner les aménagements législatifs des dispositifs que vous proposez, mais, même sur cela, il n’y a ni dialogue ni débat possible ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    Mes chers collègues, cessons de nous accuser les uns les autres de ridicule, au motif que certains arguments seraient fondés et d’autres pas, et parce que l’on exprime ce que l’on croit juste avec sa propre sensibilité.
    M. David Assouline. C’est grotesque !
    M. Christophe Béchu. Le débat parlementaire, sur un sujet comme celui-là, exige non seulement respect, mais aussi patience et écoute. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Demande de vérification du quorum

    Article 2
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
    Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du document en votre possession demandent la vérification du quorum. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Caffet. Voilà qui va faire avancer le débat !
    M. le président. J’ai en effet été saisi d’une demande écrite de vérification du quorum. Mais nous en sommes encore aux explications de vote, et nous étudierons donc cette demande au moment du vote.
    Demande de vérification du quorum
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Vérification du quorum (début)
    Article 2 (suite)
    M. le président. Dans la suite des explications de vote sur l’article 2, la parole est à M. Michel Bécot.
    M. Michel Bécot. Je suis un peu gêné de prendre la parole ce soir. Je dois avouer en effet, monsieur Rebsamen, que je ne suis pas un universitaire. Je suis un électronicien, un chef d’entreprise qui a créé son entreprise et donc de la richesse (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), mais, ne possédant pas le vocabulaire de bien des personnes présentes dans l’hémicycle, je suis obligé de m’appuyer sur un papier pour exprimer mes convictions. Je m’en excuse, monsieur Rebsamen, mais je suis comme cela !
    M. Gérard Cornu. Ne vous en excusez pas !
    M. Michel Bécot. Au regard de la révolution anthropologique que nous proposent les articles 1er et 1er bis, l’article 2 fait figure de simple aménagement relatif au nom de famille. Cependant, il aura des conséquences très concrètes dans la vie de nos concitoyens, ce qui montre bien à quel point ce texte gouvernemental est intrusif.
    Il tend à contraindre les Français, sans le dire explicitement, puisque la mesure n’est pas obligatoire, à changer leur méthode de dévolution des noms de famille. Or quoi de plus intime qu’un nom de famille ?
    En changeant les règles de dévolution du nom de famille, l’adoption de cet article viendra mécaniquement altérer la transmission de celui-ci aux enfants. Cela se fera au profit de l’injonction progressiste consistant à transmettre deux noms de famille aux enfants, celui du père et celui de la mère.
    Or, même si cette méthode de dévolution n’est pas acceptée par les Français, son automaticité risque de la transformer en règle générale.
    Il aurait donc été plus honnête de la rendre obligatoire, pour que les Français puissent se rendre compte du caractère quelque peu envahissant de ces dispositions. (Un brouhaha tend à couvrir la voix de l’orateur.)
    Mme Cécile Cukierman. Même ses collègues de l’UMP ne l’écoutent pas !
    M. Michel Bécot. Au lieu de cela, vous rendez une pratique effective et, une fois que celle-ci sera entrée dans les mœurs, nous aurons sans doute droit au deuxième étage de la fusée, à savoir l’interdiction pure et simple de la seule transmission du nom du père.
    Pour conclure, je dirai les choses simplement : il est évident que ce type de disposition se nourrit de deux tendances lourdes que nous combattons.
    Il s’agit d’abord, et c’est sans doute la moins grave de ces deux tendances, du recours systématique au novlangue.
    En effet, partant du constat élémentaire, mais vrai, que les mots ont un sens et qu’ils influencent les activités humaines, vous tentez d’imposer un vocabulaire nouveau qui permette un conditionnement des esprits tendant à favoriser l’acceptation des idées que vous défendez. Or, par cet article 2, même nos enfants seront atteints par le syndrome du novlangue.
    Seconde tendance lourde que je veux dénoncer, le fait que nos enfants puissent porter quasi systématiquement le nom de leur père constitue une très grande violence pour ceux qui y voient la marque de la domination masculine.
    Cette disposition sur la dévolution du nom de famille témoigne d’une véritable phobie des attributs extérieurs de la masculinité. En effet, plutôt que de lutter contre ce qui peut apparaître comme de véritables atteintes à la condition féminine, par exemple les différences de salaire ou la précarité de nombreuses mères de famille, qui doivent cumuler éducation des enfants, tâches ménagères et travail salarié, le Gouvernement s’attaque à des symboles, pensant que leur destruction entraînera une prise de conscience qui permettra, à terme, de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.
    Or c’est une grave erreur de penser que notre système de dévolution n’est qu’un héritage d’une société patriarcale agonisante. Il s’agit d’un dispositif pratique qui donne aux hommes la place qui leur revient dans la famille, tout en les obligeant à s’investir. Que vous le vouliez ou non, le système de dévolution que vous voulez casser protège les femmes.
    Pour cette unique raison, nous devrions tous rejeter cet article 2. Les familles françaises sont attachées à leur nom et à leur histoire et souhaitent conserver à travers le temps le lien que constitue leur nom. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, afin de ne pas compromettre le bon déroulement de nos travaux et d’accélérer le cours de la discussion, j’ai l’honneur de vous faire savoir que je renonce à mon temps de parole ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est déjà trop long !
    M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
    M. François Zocchetto. M’autorisez-vous, monsieur le président, à vous poser une question ? S’agit-il de la dernière explication de vote sur l’article ?
    M. le président. Pour l’instant, vous êtes le dernier.
    M. François Zocchetto. Il n’aura échappé à personne que le Gouvernement entend imposer un ordre nouveau,…
    M. François Rebsamen. L’Ordre nouveau, ce n’est pas nous !
    M. François Zocchetto. … celui de l’alphabet, par cet article 2 du projet de loi. Je m’exprime donc en dernier, puisque désormais ce sera la règle qui s’appliquera pour moi, madame la garde des sceaux.
    Je me suis abstenu d’intervenir dans le débat, car je ne voulais pas être soupçonné de conflit d’intérêt en demandant que le choix du nom se fasse de façon aléatoire et non en fonction de l’ordre alphabétique. Je remercie donc ceux qui ont défendu mes intérêts… pardon, mes amendements (Sourires.), et encore plus ceux qui les ont votés.
    Plus sérieusement, je pense qu’il n’est pas possible de retenir la solution proposée par le Gouvernement, qui est une solution de facilité. Bien qu’elle paraisse, de prime abord, satisfaisante, elle crée en réalité un véritable déterminisme du nom. En votant cet article, après avoir repoussé les amendements que j’avais déposés, vous allez renforcer un déterminisme favorable aux noms commençant par les premières lettres de l’alphabet.
    Cela avait été dit dans cette enceinte voilà quelques années, et cela a été répété tout à l’heure par ceux qui ont eu la gentillesse de s’exprimer sur ce sujet. Bien évidemment, je ne peux qu’être soupçonné de partialité sur ce sujet. Je vous demande toutefois de m’écouter. Retenir l’ordre alphabétique dans le cadre de la dévolution du nom en cas de désaccord ne constitue pas une bonne solution.
    Pourquoi ne pas s’en remettre à une sélection aléatoire ? Cela vous permettrait de rétablir une certaine égalité, principe sous lequel vous avez choisi de placer ce texte. Puisque vous ne l’avez pas voulu, votez donc contre l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    Vérification du quorum

    Article 2
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Vérification du quorum (interruption de la discussion)
    M. le président. Mes chers collègues, j’ai été saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par Mme Catherine Troendle et plusieurs de ses collègues.
    En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
    Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
    Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
    (L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Christophe Béchu, Dominique de Legge, Bruno Retailleau, Gérard Bailly, Mme Esther Sittler, MM. Michel Bécot, René Beaumont, Patrice Gélard, Bruno Sido, Gérard Larcher, Charles Revet, René Garrec, Mme Catherine Troendle, MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Vial, Pierre Bordier, Jackie Pierre, André Reichardt, Mme Élisabeth Lamure, MM. Philippe Bas, Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Deroche, M. Ambroise Dupont, Mme Sophie Joissains, MM. René-Paul Savary, Alain Gournac, Jean-Jacques Hyest, Gérard Cornu, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Gérard Longuet, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Claude Lenoir, François Zocchetto, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Hervé Marseille, Gérard Roche, Mmes Catherine Morin-Desailly et Muguette Dini.)
    M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
    La vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
    Je vais procéder à la vérification du quorum et j’invite donc Mme Odette Herviaux et M. Marc Daunis, secrétaires de séance, à venir m’assister.
    (La vérification du quorum a lieu.)
    M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
    En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
    Vérification du quorum (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    14
    ORDRE DU JOUR

    M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 avril 2013 :
    À neuf heures trente :
    1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
    Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
    Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
    Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
    À quinze heures :
    2. Questions d’actualité au Gouvernement.
    À seize heures quinze et le soir :
    3. Suite de l’ordre du jour du matin.
    Personne ne demande la parole ?…
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 11 avril 2013, à zéro heure quinze.)

  • Séance du 11 avril 2013

    15 janvier 2018

    PRÉSIDENCE DE M. DIDIER GUILLAUME

    vice-président
    Secrétaires :
    M. Gérard Le Cam,
    Mme Catherine Procaccia.
    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
    1
    PROCÈS-VERBAL

    M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
    Il n’y a pas d’observation ?…
    Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
    2
    Vérification du quorum (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 2
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
    Nous poursuivons la discussion des articles.
    CHAPITRE II (SUITE)
    DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (début)
    Article 2 (suite)
    M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, au vote sur l’article 2.
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons reçu ce matin par e-mail l’appel d’un collectif de juristes internationaux, lequel a également été publié dans l’hebdomadaire français Valeurs Actuelles. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Ces juristes issus de nombreux continents, ces voix qui nous parviennent de pays sources pour l’adoption nous rappellent que le droit international, lequel est fondé sur le droit universel, c’est-à-dire non pas le droit français, européen ou américain, mais le droit de tous les humains (M. Patrice Gélard fait un signe d’approbation.), est fondé sur trois principes.
    Premièrement, une famille est composée d’un homme et d’une femme. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. François Rebsamen. C’est de l’obstruction !
    Un sénateur du groupe socialiste. Sur quel article du règlement se fonde votre rappel ?
    M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, un enfant a le droit d’avoir un père et une mère. Troisièmement, la société est garante de l’intérêt supérieur de l’enfant. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Retailleau achever son intervention !
    M. Bruno Retailleau. Je pense que nous devrions les entendre.
    Mme Cécile Cukierman. Ce ne sont pas les experts qui font la loi !
    M. Bruno Retailleau. Ils s’appuient sur de grands textes internationaux (Les protestations sur les travées du groupe socialiste se poursuivent.), de la Déclaration de Genève jusqu’à la Convention de La Haye, et nous rappellent les dangers de la possession d’autrui et de la réification de l’enfant.
    Je pense que nous devrions entendre ces voix autorisées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Très bien !
    M. le président. Je ne vous donne pas acte de votre rappel au règlement, cher collègue, car ce n’en était pas un. Il s’agissait d’une intervention.
    Pour la clarté et la sérénité de nos débats, je demanderai aux orateurs souhaitant faire un rappel au règlement de brandir le règlement du Sénat et d’indiquer sur quel article ce rappel se fonde. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    Mme Nathalie Goulet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, je m’apprêtais à dire exactement ce que vous venez d’indiquer. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) M. Retailleau se livre à un véritable détournement. En quoi l’e-mail de juristes qu’il a reçu justifie-t-il un rappel au règlement ? Si, nous devions faire un rappel au règlement à chaque fois que nous recevons un email ou que nous lisons un article dans le journal, cela n’aurait plus aucun sens ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. Bertrand Auban. Cela mérite une sanction !
    M. Richard Yung. Un blâme !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je suis très heureux que vous ayez décidé d’appliquer le règlement avec rigueur alors que nous observons des mises en cause de nos procédures. (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste.) Monsieur Mercier, je suis persuadé que l’ancien garde des sceaux que vous êtes – nous vous connaissons – ne manquera pas de s’insurger contre de telles pratiques.
    M. Bruno Retailleau. Vous étiez experts !
    M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
    J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe UMP.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 153 :
    Nombre de votants 340
    Nombre de suffrages exprimés 336
    Majorité absolue des suffrages exprimés 169
    Pour l’adoption 177
    Contre 159
    Le Sénat a adopté.
    Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
    Article 2
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (suite)
    Mme Catherine Troendle. Conformément à votre demande, monsieur le président, je brandis le règlement du Sénat et l’ouvre à la page de l’article 29 bis. C’est en effet sur cet article relatif à l’organisation de nos travaux que se fonde mon rappel au règlement.
    Nous reprenons aujourd’hui nos travaux sans savoir exactement quand ils s’achèveront. Certains s’en moquent peut-être, mais ceux, très nombreux, qui participent à ce débat depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, aimeraient savoir comment va se dérouler la suite de nos travaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
    Hier soir, vous nous avez annoncé que l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale était retiré de l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui. Quelles conclusions devons-nous en tirer pour la discussion du projet de loi en cours ? Telle est ma première question, monsieur le président.
    En outre, il a été décidé, dès le début de l’examen des amendements, d’en réserver le plus grand nombre. J’imagine, comme une rumeur persistante émanant des travées de la majorité sénatoriale le laisse entendre, que vous allez probablement recourir à l’application de l’article 42, alinéa 7, de notre règlement ? C’est un acte de mépris à l’égard des travaux parlementaires (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)…
    M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un procès d’intention !
    Mme Catherine Troendle. … et de défiance vis-à-vis de l’opposition et des millions de Français qui s’opposent à ce texte ! (M. Bertrand Auban s’exclame.)
    Vous persistez dans votre démarche. Vous avez refusé l’organisation d’un référendum. Mme Vallaud-Belkacem refuse de venir s’exprimer devant la représentation nationale. Le président du groupe socialiste a demandé à l’opposition de sortir de l’hémicycle pour gagner du temps, alors même que c’est son groupe qui a ralenti le déroulement de nos travaux (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) en n’assurant pas une présence suffisante de ses membres dans l’hémicycle et en imposant, au cours de la séance d’hier, scrutin public sur scrutin public.
    M. François Zocchetto. Çà, c’est vrai !
    Mme Catherine Troendle. Je vous le dis, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, car nous sommes motivés !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Nous aussi !
    Mme Catherine Troendle. Par conséquent, monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir nous faire un point précis sur le déroulement de nos travaux et de nous indiquer quelles sont vos intentions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Troendle.
    La réponse que vous attendez est dans votre question, me semble-t-il. En début d’après-midi, nous aurons à mon avis une meilleure idée du déroulement de nos travaux pour la fin de la journée. S’agissant de ce matin, je vous informe que nous siégerons jusqu’à treize heures.
    La parole est à M. François Rebsamen.
    Rappel au règlement (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (suite)
    M. François Rebsamen. Je voudrais dire à l’opposition que l’on ne peut pas gérer tout à la fois l’ordre du jour et les temps de parole en fonction des disponibilités des uns et des autres.
    M. Jean-Jacques Hyest. Sur quel article du règlement se fonde ce rappel ? Il faut brandir le règlement !
    M. François Rebsamen. Je le dis avec respect à l’opposition : ce n’est pas le groupe UMP qui fixe l’ordre du jour !
    M. Bruno Sido. Non, hélas !
    M. Jean-Louis Carrère. Vous en aviez l’habitude !
    M. François Rebsamen. Nous sommes présents et nous travaillons.
    S’agissant du propos de Mme Troendle sur la « rumeur », c’est un commentaire sur une rumeur !
    Par ailleurs, je souhaite que l’on évite les manœuvres de retardement.
    M. Jackie Pierre. Ça, c’en est une !
    M. François Rebsamen. Hier après-midi, M. Lenoir a encore une fois stigmatisé l’absence en séance de sénatrices et de sénateurs socialistes.
    M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
    Mme Catherine Troendle. Vous n’étiez pas là !
    M. François Rebsamen. Pour ce qui nous concerne, mes chers collègues, quand il y a des réunions de commission ou des auditions, nous y allons ! (M. Jackie Pierre s’exclame.)
    Quant à vous, chers collègues qui siégez à la droite de cet hémicycle, vous vous énervez quand des réunions de commission sont prévues en même temps que la séance : l’intervention de Mme Debré, hier soir, le montre bien. Mais on ne peut pas avoir une chose et son contraire !
    Cette intervention est l’occasion pour moi de vous inviter à travailler dans la sérénité : avançons dans le débat et évitons les manœuvres de retardement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    Rappel au règlement (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 3 (Texte non modifié par la commission)
    M. Hugues Portelli. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Sur quel article se fonde-t-il ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Hugues Portelli. Sur la base de l’intervention de M. Rebsamen.
    M. le président. M. Rebsamen répondait au rappel au règlement fait par Mme Troendle. Vous avez remarqué, monsieur le sénateur, que je ne lui ai pas donné acte de son rappel au règlement.
    Mes chers collègues, nous devons reprendre nos travaux dans la sérénité. Le règlement du Sénat permet à chacun de s’exprimer, de faire vivre ses convictions et d’aller au bout du débat. En ce sens, il est moins restrictif que celui de l’Assemblée nationale. Je souhaite donc que chacun utilise le règlement du Sénat, et rien que lui.
    M. Hugues Portelli. Bien sûr !
    M. le président. Monsieur Portelli, je vous ai dit quelle règle devait être suivie pour un rappel au règlement. Pouvez-vous me dire sur quel article se fonde le vôtre ?
    M. Hugues Portelli. Il se fonde sur l’article 29 bis du règlement, monsieur le président. (L’orateur brandit le règlement du Sénat.)
    M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
    M. Hugues Portelli. Monsieur Rebsamen, j’ai fait partie du groupe de travail, présidé par Gérard Larcher, sur la dernière révision du règlement du Sénat, au sein duquel tous les groupes parlementaires de cette assemblée étaient représentés.
    M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
    M. Hugues Portelli. Après un très long débat sur la question du temps législatif programmé, nous avons fini par aboutir à un consensus. Rappelez-vous : à la suite de la révision constitutionnelle de 2008, les députés avaient voulu introduire ce type de dispositif au sein du règlement de l’Assemblée nationale. La majorité comme l’opposition sénatoriales y étaient, en revanche, hostiles.
    MM. Jean-Marc Todeschini et François Rebsamen. Ce n’est pas un rappel au règlement !
    Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est un rappel à l’Histoire !
    M. Hugues Portelli. Nous nous sommes mis d’accord pour ne pas introduire le temps législatif programmé dans le règlement du Sénat et pour continuer à travailler comme nous l’avions fait jusqu’alors. Les sénateurs sont libres d’utiliser leur temps de parole et leur droit d’amendement, conformément à la tradition sénatoriale.
    M. Jean-Pierre Caffet. Ce ne sont pas vos mémoires, monsieur Portelli !
    M. Hugues Portelli. Je tenais simplement à rappeler cette tradition et notre accord politique d’alors,…
    M. François Rebsamen. Mais quel est le problème ?
    M. Hugues Portelli. … que l’on ne peut pas remettre en cause en détournant les procédures !
    M. Marc Daunis. Et c’est vous qui parlez de détournement de procédure ?
    M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Portelli.
    Je vous indique, mes chers collègues, que la présidence veillera au respect du règlement par tous, afin que chacun puisse s’exprimer et que le débat se déroule sereinement.
    Rappel au règlement (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4
    Article 3
    (Non modifié)
    I. – À l’article 361 du code civil, les références : « des trois derniers alinéas de l’article 357 » sont remplacées par la référence : « du dernier alinéa de l’article 357 ».
    II. – L’article 363 du même code est ainsi rédigé :
    « Art. 363. – L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction.
    « Lorsque l’adopté et l’adoptant, ou l’un d’eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté.
    « En cas d’adoption par deux époux, le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté.
    « Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l’adoptant, décider que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, que l’adopté conservera son nom d’origine. En cas d’adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »
    M. le président. L’amendement n° 172 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Yves Détraigne.
    M. Yves Détraigne. Mes chers collègues, nous le disons depuis le début de cette semaine, le groupe UDI-UC est très majoritairement opposé à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. En effet, cela reviendrait tout simplement à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale, nécessairement paradoxale car fondée sur une impossibilité biologique.
    Nous nous devons de protéger l’intérêt de l’enfant, qui, si cette disposition était adoptée, se verrait ainsi privé d’un père ou d’une mère. Le fait que certains enfants aient pu s’épanouir sans le repère de l’un ou de l’autre ne justifie en rien que la loi généralise la possibilité pour les couples de personnes de même sexe d’adopter. Enfin, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe risque d’entraîner une rupture d’égalité entre les enfants, selon qu’ils seront nés de couples hétérosexuels ou adoptés par eux – cela représente encore, heureusement, la majorité des cas – ou adoptés par des couples homosexuels, et, par conséquent, privés de père ou de mère. L’égalité entre adultes – ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire au début de nos débats, c’est le seul motif qui nous est opposé pour justifier ce texte – se ferait donc au détriment de celle des enfants.
    Nous vous proposons par conséquent de supprimer l’article 3 du présent projet de loi qui, sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, tend en réalité à consacrer l’établissement d’une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
    Nous sommes évidemment contre une telle évolution, qui – permettez-moi de le dire, car je le pense vraiment – confine à l’absurde. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Comme l’a dit lui-même M. Détraigne, cet amendement est la conséquence logique de l’opposition du groupe UDI-UC à l’adoption plénière par un couple composé de deux personnes de même sexe.
    La commission, défavorable à la suppression de l’article 3 du présent projet de loi, se prononce contre l’amendement n° 172 rectifié ter.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
    Je dois tout de même vous faire part de mon étonnement. Bien entendu, il est cohérent que vous fassiez preuve de constance à vous opposer au texte, à vouloir contrarier chacune des dispositions qu’il contient, et à faire valoir l’union civile.
    Néanmoins, votre qualité de législateur devrait vous amener à prendre acte de l’adoption de l’article 1er. Dès lors, faisons en sorte, dans l’intérêt de nos concitoyens, que la loi soit la mieux construite, la plus structurée, la plus cohérente possible !
    Vous semblez décidés – j’allais dire « farouchement déterminés » – à discuter jusqu’au bout, sur toutes les dispositions. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Entendons-nous bien, je ne remets pas en cause votre liberté d’amender. Mais pourquoi, compte tenu du vote conforme de l’article 1er intervenu précédemment, ne pas discuter d’amendements qui pourraient permettre d’améliorer le texte ?
    M. François Rebsamen. Bien sûr !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est un peu étonné de cette méthode, monsieur le sénateur, même si, naturellement, il y fera face aussi longtemps que vous l’aurez décidé. En matière de fabrication de la loi, cette pratique lui semble assez surprenante.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié ter.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, ils ne sont pas assez nombreux !
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 154 :
    Nombre de votants 341
    Nombre de suffrages exprimés 341
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 163
    Contre 178
    Le Sénat n’a pas adopté.
    L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par MM. Gélard, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Belot, Billard, Bizet et Bordier, Mme Bouchart, M. Bourdin, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Cardoux et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier et Dassault, Mme Debré, MM. del Picchia, Delattre et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati et Doublet, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Emorine et Falco, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, Fleming, Fontaine, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Frogier, Gaillard et Garrec, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosdidier, Guené, Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. G. Larcher, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Lorrain, du Luart, Magras, Marini et Martin, Mme Masson-Maret, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, de Montgolfier, Nachbar, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raffarin, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Saugey, Savary, Savin et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vendegou, Vial, Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 5, première phrase
    Remplacer le mot :
    époux
    par les mots :
    conjoints mariés ou ayant contracté une union civile
    La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
    M. Jean-Jacques Hyest. Mme le garde des sceaux va encore nous reprocher de continuer à présenter des amendements de suppression des articles !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En effet !
    M. Jean-Louis Carrère. Oui, mais comme vous ne le comprenez pas…
    M. Jean-Jacques Hyest. Mais enfin, c’est logique ! À partir du moment où nous ne voulons pas des modifications que vous proposez d’apporter au code civil, nous demandons leur suppression !
    Madame le garde des sceaux, l’article 363 du code civil que vous proposez n’a pas seulement pour objet de tirer les conséquences de l’adoption de l’article 1er du projet de loi en substituant le mot « époux » aux mots « mari » et « femme ». Si cette dernière modification est logique, vous allez cependant plus loin en modifiant les dispositions applicables en cas de désaccord sur le nom dans une adoption simple, par exemple. Avant, c’était l’adoptant qui décidait, maintenant il en ira autrement.
    Tout cela soulève un certain nombre de questions. Pour ma part, je me méfie énormément des modifications du code civil, particulièrement en ce qui concerne le nom : elles interviennent quasiment tous les dix ans, la dernière remontant à 2002. À peine les règles sont-elles un peu assimilées – certains ne savent toujours pas comment on choisit un nom – que l’on modifie encore tout !
    Cette frénésie législative n’est pas forcément bonne. Et, comme d’habitude, aucune évaluation n’a été réalisée. On ne regarde pas ce qui s’est passé, la façon dont la législation a évolué et quels étaient les vrais problèmes rencontrés. On n’examine pas la jurisprudence. On ne dispose de rien. Néanmoins, on modifie les textes !
    Je propose que nous supprimions cet article pour deux raisons : premièrement, parce que nous ne sommes pas d’accord avec le mariage des personnes de même sexe ; deuxièmement, parce que les modifications apportées ne me paraissent pas complètement pertinentes.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Hyest, l’amendement n° 36 rectifié ter ne vise pas à supprimer l’article. Il concerne les personnes ayant contracté une union civile. Celle-ci ayant été repoussée, l’amendement n’a logiquement plus d’objet. Le service de la séance aurait dû le signaler.
    La commission émet un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
    Monsieur Hyest, ce que j’ai dit tout à l’heure vaut pour tous les amendements à venir qui ne tiennent pas compte de l’adoption de l’article 1er.
    Vous insistez sur la question de la dévolution du nom, et vous avez raison car c’est un sujet de fond. Cependant, comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce point n’est pas vraiment l’objet de l’amendement, qui concerne les personnes ayant contracté une union civile. Or l’union civile n’existera pas !
    Vos observations sur la dévolution du nom sont tout à fait fondées. Il est vrai qu’une loi est intervenue il y a une dizaine d’années. Elle est restée inachevée parce que le sujet est tellement complexe qu’aucune des deux chambres n’est arrivée à obtenir une majorité pour voter jusqu’au bout ce qui avait été prévu à l’époque par le projet de loi. Cependant, il ne s’agit pas de revenir tous les dix ans, de façon cyclique, sur la question du nom ! Simplement, cette question « travaille » la société.
    J’ai souligné hier que le mariage ne modifiait pas la pratique en vigueur par rapport au nom. L’usage veut que, éventuellement, l’épouse prenne le nom du conjoint : on a rarement, pour ne pas dire jamais, vu l’inverse se produire. Pourtant, le code civil le permet. À telle enseigne que lors de la dissolution du mariage, en cas de divorce ou de séparation de corps, un des conjoints, pour pouvoir renoncer au nom, doit obtenir l’accord de l’autre conjoint. Il s’agit indifféremment de l’un ou de l’autre.
    M. Roland Courteau. C’est vrai !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’allons pas refaire ce débat. Discutons de points qui concernent le texte !
    Hier, un sénateur de l’opposition s’est livré à un exercice sur les noms composés. Il a fait ce que l’on appelle en mathématiques du calcul de probabilités, c’est-à-dire qu’il a envisagé toutes les combinaisons possibles entre plusieurs termes. Cela a semblé réjouir ses collègues siégeant à la droite de cet hémicycle.
    M. Charles Revet. Ça ne nous a pas réjouis, ça nous a inquiétés !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais c’était totalement hors sujet ! En effet, si ce sénateur avait pris la peine de lire le texte, il se serait aperçu que, quand il y a deux noms, un seul nom peut être retenu, l’adjonction respectant l’ordre alphabétique !
    Je veux bien qu’on se livre à tous les exercices, y compris à quelques exercices de divertissement – mon propos ne vous vise pas, monsieur Hyest –, mais je rappelle que nous sommes en train de légiférer ! Cette loi, si elle est adoptée, s’appliquera aux citoyens, et nous devons donc avoir tous le souci – je ne doute pas une seconde que ce ne soit le cas – de lui permettre de sortir dans le meilleur état possible des mains du législateur.
    J’attends que l’énergie déployée pour faire durer l’examen du projet de loi vise surtout à améliorer le texte ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Je n’avais pas prévu de prendre la parole à ce stade de la discussion. Néanmoins, madame la ministre, je veux saisir au vol vos propos sur l’explication de vote de Jean-Pierre Leleux, hier, car je ne pense pas que notre collègue se soit écarté de l’exposé des conséquences concrètes de votre texte.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’a juste pas lu le texte !
    M. Philippe Bas. Il a bien expliqué – vous l’aurez noté si vous l’avez écouté, mais je ne suis pas sûr que tel ait été le cas (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) –…
    M. François Rebsamen. C’est insupportable !
    M. Jean-Louis Carrère. Quelle suffisance !
    M. Philippe Bas. … que, quand les deux « parents » auront chacun un nom composé, il faudra retenir, pour le nom de l’enfant, l’un des deux éléments du patronyme de chacun. S’ils ne s’entendent pas sur ce choix, il appartiendra à l’officier d’état civil de retenir deux patronymes sur les quatre. Il choisira le premier nom du patronyme de chaque membre du couple et ordonnera chacun des deux noms en suivant l’ordre alphabétique.
    Si, à la deuxième génération, les deux parents ont de nouveau un nom composé, il faudra recommencer l’opération. Et là, ce sera une véritable loterie des patronymes. C’est ce qui nous inquiète.
    Puisque vous ne comprenez pas nos propos lorsqu’ils restent abstraits, il était intéressant que notre collègue s’appuie sur des exemples concrets, déroulant implacablement tous les effets de la réforme que vous proposez en matière de nom de famille.
    Le nom de famille, c’est l’identité. Or l’identité est essentielle dans la construction de la personnalité. Personne parmi nous ne peut nier l’importance qu’il y a à développer des liens de qualité entre l’adulte et l’enfant. C’est vrai dans tous les cas. La notion de parenté, de filiation ne peut pas se limiter à l’intention, même profonde, même judicieuse, qui se trouve dans la tête et le cœur des parents. Une construction du cœur et de l’esprit, c’est noble, c’est beau, c’est admirable, mais c’est une utopie !
    En allant au-delà de l’utopie et en donnant à cette dernière des répercussions pratiques, on ne saura plus finalement qui est qui et d’où chacun d’entre nous vient. Il est absurde de bouleverser de la sorte des traditions qui ne sont pas toutes mauvaises.
    Madame la ministre, l’amendement présenté par notre collègue Jean-Jacques Hyest a tout son intérêt. De mon point de vue, il faut absolument l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 95 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 5, première phrase
    Remplacer les mots :
    à la demande des adoptants
    par les mots :
    à la demande conjointe des adoptants
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 38 rectifié bis et 37 rectifié ter.
    M. le président. J’appelle donc également en discussion les deux amendements suivants.
    L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 5, dernière phrase
    Compléter cette phrase par les mots :
    , sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant
    L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par MM. Gélard, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Belot, Billard, Bizet et Bordier, Mme Bouchart, M. Bourdin, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Cardoux et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier et Dassault, Mme Debré, MM. del Picchia, Delattre et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati et Doublet, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Emorine et Falco, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, Fleming, Fontaine, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Frogier, Gaillard et Garrec, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosdidier, Guené, Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. G. Larcher, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Lorrain, du Luart, Magras, Marini et Martin, Mme Masson-Maret, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, de Montgolfier, Nachbar, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raffarin, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Saugey, Savary, Savin et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vendegou, Vial, Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 6
    1° Première phrase
    Après le mot :
    conjoint
    insérer les mots :
    marié ou ayant contracté une union civile
    2° Deuxième phrase
    Remplacer le mot :
    époux
    par les mots :
    conjoints mariés ou ayant contracté une union civile
    Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
    M. Patrice Gélard. Les auteurs de l’amendement no 95 rectifié bis souhaitent que les démarches soient faites conjointement par les deux adoptants. En effet, les démarches réalisées par un seul adoptant risquent d’aboutir, par la suite, à des contentieux extrêmement complexes et difficiles.
    L’amendement no 38 rectifié bis vise à compléter la dernière phrase de l’alinéa 5 par les mots : « sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant ».
    Certains noms peuvent provoquer moqueries et insultes, et donner lieu à un véritable harcèlement. C’est le cas, notamment, des noms qui prennent la forme d’adjectifs peu avantageux ou évoquent une personnalité célèbre à laquelle on ne veut pas être assimilé.
    Or l’article 3 du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe prévoit dans les dispositions relatives à l’adoption simple et au nom de famille que, en l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci se verra accoler à son premier nom d’origine le nom de son premier adoptant selon l’ordre alphabétique.
    Même si le texte de l’article 3 du projet de loi prévoit que « sur la demande des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant », il conviendrait de permettre l’intervention du juge pour le cas où l’ordre des noms dévolus à l’enfant à défaut de choix s’avérerait inapproprié, et partant contraire à l’intérêt de l’enfant. Cette intervention est d’autant plus précieuse qu’en matière d’adoption simple le ridicule peut aussi advenir à raison de la juxtaposition du prénom et du nom. Nous avons tous connu des Jean Bonnot ! Et un de mes amis, qui vient de décéder, s’appelait Otto Bus !
    Cette situation ne se rencontre qu’en cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption d’un enfant par les deux époux. Encore faut-il ouvrir la faculté pour le juge de décider de l’ordre des patronymes afin d’éviter que l’enfant ne porte un nom ridicule. Cela éviterait à l’avenir une multitude de procédures longues et coûteuses.
    Avec l’amendement n° 37 rectifié ter, nous restons fidèles aux propositions que nous avons défendues jusqu’à présent. Je rectifie néanmoins le texte de cet amendement afin d’en supprimer les mots : « ou ayant contracté une union civile », qui n’ont plus de raison d’être. En revanche, je maintiens les mots :« conjoints mariés ».
    M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 37 rectifié quater ainsi libellé :
    Alinéa 6
    1° Première phrase
    Après le mot :
    conjoint
    insérer les mots :
    marié
    2° Deuxième phrase
    Remplacer le mot :
    époux
    par les mots :
    conjoints mariés
    Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 95 rectifié bis, 38 rectifié bis et 37 rectifié quater ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je remercie Patrice Gélard de ses explications.
    Un amendement similaire à l’amendement no 95 rectifié bis a déjà été repoussé à l’article 2. Quoi qu’il en soit, la disposition proposée est satisfaite par le droit en vigueur : l’adoption simple conjointe suppose l’accord des deux adoptants, qui sont parties à la demande. J’invite donc au retrait de cet amendement. À défaut, la commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement
    En ce qui concerne l’amendement n° 38 rectifié bis, l’application de la règle par défaut suppose un désaccord entre les adoptés et l’adoptant sur l’ordre des noms. On peut raisonnablement considérer qu’aucun des deux adoptants n’aura voulu imposer un double nom ridicule à l’adopté, souvent majeur dans la mesure où il s’agit là des adoptions simples et pas des adoptions plénières, comme à l’article 2 où un amendement semblable, qui me semblait avoir plus de pertinence, a été présenté.
    La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, malgré l’avis du rapporteur en commission.
    L’amendement no 37 rectifié ter vient d’être rectifié, ce dont je me félicite. M. Gélard a retiré les mots « ou ayant contracté une union civile » puisque l’amendement n° 36 rectifié ter a été rejeté et que l’union civile n’existe plus.
    Qu’il me soit permis de faire un point pour que cette précision figure au procès-verbal. Je ferai la comparaison avec l’amendement n° 172 rectifié ter, qui a été présenté tout à l’heure par M. Détraigne.
    L’article 1er a été adopté. Vous êtes contre, mais vous pouvez toujours, à mon avis, même si c’est en contradiction avec ce que sera le texte de loi, déposer des amendements montrant votre opposition constante à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, et donc à l’adoption par ces derniers. Ces amendements peuvent à mon avis subsister.
    En revanche – je le dis au service de la séance, même si je ne serai pas entendu… –, lorsque l’opposition quelle qu’elle soit souhaite introduire dans un texte une nouveauté telle l’union civile, et que celle-ci n’est pas adoptée, tous les amendements subséquents se référant à l’union civile doivent à mon avis être déclarés sans objet par le service de la séance, sans même être appelés en discussion.
    M. Gélard, en grand juriste que vous êtes, vous avez bien compris. Vous rejoignez ma position en supprimant de votre amendement les mots : « ou ayant contracté une union civile » Cet amendement peut bien évidemment être appelé, mais, par coordination avec l’amendement n° 36 rectifié ter, la commission émet un avis défavorable.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très clair, très cohérent !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces différents amendements.
    Vous avez évoqué le cas des patronymes ridicules. Mais le ministère de la justice – et l’ancien garde des sceaux Michel Mercier, qui est présent ce matin,…
    M. Bruno Sido. Il est toujours là !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Absolument !
    … peut en témoigner – est souvent saisi de telles situations et autorise assez largement les changements de nom, sauf dans les cas, assez rares, où la demande n’est pas justifiée.
    Certains patronymes sont à l’évidence ridicules et de nature à porter préjudice. Il arrive également que des personnes dont le nom d’usage s’est imposé au fil du temps souhaitent revenir à leur ancien nom de famille.
    Par conséquent, je ne vois pas la nécessité d’une telle mention dans le code civil ; la procédure fonctionne déjà admirablement.
    M. le président. Je réponds à M. le rapporteur : ni la direction de la séance ni la présidence ne peuvent déclarer que des amendements de conséquence n’ont plus d’objet.
    Toutefois, par cohérence, dans la mesure où l’article 1er a été adopté, M. le rapporteur peut effectivement demander le retrait des amendements concernés ou présenter, au nom de la commission, une liste d’irrecevabilité.
    Un sénateur du groupe socialiste. Et voilà !
    M. François Rebsamen. Très bien ! Il faut le faire !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié quater.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l’article.
    M. Jean-Claude Lenoir. Avant d’expliquer mon vote contre l’article 3, je souhaite répondre à M. Rebsamen.
    M. le président. Mon cher collègue, je me permets de vous rappeler un point de procédure.
    Depuis l’ouverture de la séance, nous travaillons dans la sérénité et le respect absolu du règlement. Le temps de parole consacré aux explications de vote ne doit pas servir à débattre des propos tenus par d’autres membres du Sénat.
    Par conséquent, je vous donne bien volontiers la parole pour explication de vote, mon cher collègue. En revanche, si votre intention est de répondre aux propos de M. Rebsamen, je serai contraint, à mon grand regret, de devoir vous interrompre.
    Mme Nathalie Goulet. Très bien !
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’ai demandé la parole pour pouvoir expliquer mon vote. Mais si vous tenez à décider vous-même de ce que je dois dire, je vous en prie.
    M. le président. Ce n’est pas ce que j’ai indiqué, mon cher collègue. Veuillez poursuivre.
    M. Jean-Claude Lenoir. Si nous sommes ici, c’est parce que nous avons fait des choix. Ce matin, j’aurais pu participer à la réunion de la commission des affaires économiques…
    M. Jean-Pierre Caffet. Qui ne se réunit pas ce matin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lenoir. … ou à celle de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe.
    Mais il y a une hiérarchie des valeurs. J’ai donc préféré participer à la séance publique pour combattre votre projet de loi, madame la ministre.
    L’article 3 porte sur le nom. Comme l’a souligné à juste titre notre collègue Philippe Bas, le nom, c’est l’identité de la personne. Le nom doit être porté ; il doit aussi être simple.
    Je souligne l’importance qu’un nom soit rattaché à une personne. Souvenez-vous de L’Odyssée : pour échapper à la vindicte du Cyclope, Ulysse lui a dit : « Je m’appelle Personne ! »
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. « Personne », c’est quelqu’un !
    M. Jean-Claude Lenoir. Le nom marque l’identité, l’originalité de la personne. C’est, par exemple, ce qui me distingue de mes collègues du genre masculin.
    Le Canada a des liens historiques avec la région où je suis né. Au XVIIe siècle, un certain nombre de familles ont traversé l’Atlantique et ont fondé les premières colonies françaises sur le bord du Saint-Laurent. Ces cousins d’Amérique sont très attachés au nom de la famille, au point de se retrouver par milliers, voire par dizaines de milliers dans des associations qui entretiennent ces liens. Jamais il ne viendrait à l’esprit de ces personnes de rompre le lien non seulement familial, mais même quasi social avec des générations qui les ont précédées ; c’est ce qui a forgé, finalement, l’identité de la famille.
    Je suis également frappé de constater que l’on se réunit souvent par familles entières pour célébrer la communauté d’ascendance et préserver le patronyme.
    Or, demain, le nom sera dissous. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Certaines personnes ont un nom si compliqué qu’un diminutif finira par s’imposer, comme nous avons déjà pu le voir dans les établissements scolaires que nous avons fréquentés. De même, dans des familles aristocratiques, quand le patronyme a plusieurs particules, les différents membres n’en gardent qu’une partie, pas toujours la même, si bien que plusieurs noms différents finissent pas coexister au sein d’une même famille !
    Comme le soulignait hier le doyen Patrice Gélard, cette loi est mauvaise pour des raisons qui tiennent à son article 1er, à son article 1er bis, mais également à la question du nom. C’est la raison pour laquelle nous sommes résolus à combattre l’idée que l’on puisse dissoudre l’identité des personnes en adoptant une telle disposition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le discours de M. Jean-Claude Lenoir est très intéressant. C’est l’expression des adeptes du fixisme,…
    M. Bruno Sido. Ça y est ! C’est reparti !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … pour qui rien ne change et rien ne doit changer en matière lexicale.
    M. Lenoir a évoqué le mot « personne ». Mais, comme vous le savez, à l’origine, « personne », cela signifiait « quelqu’un » ; aujourd’hui, cela signifie « le contraire de quelqu’un ». C’est exactement comme « rien », qui signifiait étymologiquement « quelque chose » – cela vient du latin rem – et qui, aujourd’hui, signifie « le contraire de la chose ».
    Tout cela est dû à l’usage de la forme négative. La phrase : « Je ne vois personne » signifie : « Je ne vois pas quelqu’un ». Nous constatons comment « quelqu’un » devient « personne ». On pourrait d’ailleurs en jouer : Raymond Devos était expert en matière.
    Tous ceux qui invoquent la société et l’Histoire, tous ceux pour qui rien ne doit changer sur les noms, propres ou communs, tiennent des discours qui sont à l’évidence contraires à la réalité historique et à la situation immédiate.
    Je tenais à le rappeler, car il faut quelquefois parler du fond et ne pas accepter que certains profèrent tout le temps des affirmations que le minimum de sciences historiques du langage contredit à l’évidence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’article.
    M. Dominique de Legge. Le commentaire de M. le président de la commission des lois sur le nom est intéressant… Mais, en l’occurrence, il s’agit de « personne ».
    Moi, c’est sur le nom que je voudrais m’exprimer à l’occasion de cette explication de vote.
    Le nom, c’est un identifiant. C’est ce qui nous permet de nous parler et de nous interpeller dans cet hémicycle.
    À cet égard, le projet de loi suscite mon inquiétude. En effet, dans nos territoires, nous constatons tous – et il ne nous appartient pas d’en juger – que beaucoup d’enfants sont en quête d’identité et de repères. Or je crains que l’introduction de telles dispositions dans le code civil n’aille pas en ce sens et n’aide pas à la construction de la personnalité des enfants.
    La violence exprimée par les enfants est souvent une interpellation envers les adultes : « Donnez-nous des repères ! Dites-nous qui nous sommes ! »
    Ce texte ne va dans le sens ni de la quête des repères ni de la construction de l’identité des jeunes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. De mon point de vue, une loi n’est bonne que si elle est comprise par l’ensemble de nos concitoyens ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est bien ! Bonne idée ! (Sourires sur les mêmes travées.)
    M. Christian Cambon. C’est le bon sens !
    M. Charles Revet. Pour ma part, j’ai eu la chance de participer à nos travaux. Mais je me mets à la place de nos concitoyens : si je n’avais pas assisté à l’ensemble des auditions, je serais sans doute nettement moins en mesure de comprendre la loi en préparation…
    L’un des intervenants avait souligné la nécessité que soit remis aux futurs époux, lors du mariage, un document expliquant l’ensemble du texte et de ses conséquences.
    Je viens d’écouter M. le président de la commission des lois. Je bénéficie donc des explications qu’il a fournies. Mais je doute qu’elles aillent bien au-delà des murs de la Haute Assemblée.
    Aussi, je reprends l’interpellation des personnes que nous avons auditionnées, dont les analyses étaient de grande qualité : madame le garde des sceaux, est-il envisagé que, dans le cadre du mariage pour tous, le maire ou l’officier d’état civil fournisse aux contractants un document leur exposant toutes les conséquences de leur décision pour l’avenir de leurs enfants, notamment en matière de nom ? Je pense que c’est important.
    On est en train de tout araser, de tout remettre à plat. Vous nous avez dit qu’il s’agissait d’un « changement de civilisation ».
    Je partage les propos de M. Lenoir. Je me suis moi-même rendu récemment au Canada, où j’ai rencontré nombre de personnes. Lorsque je donnais mon nom, mes interlocuteurs montraient un grand intérêt – je vous rappelle qu’il y a eu beaucoup d’émigration vers le Canada, en particulier le Québec, depuis chez moi, le pays de Caux, en Normandie, ou depuis la Bretagne – et m’interrogeaient par exemple sur l’origine géographique de mon patronyme, se demandant s’ils pourraient retrouver des racines. Il y a en effet un véritable désir de connaître ses racines.
    Si vous changez tout, comment voulez-vous que les gens s’y retrouvent ? Aujourd’hui, les personnes émigrées recherchent leurs racines. Demain, nous serons tous dans ce cas-là !
    Madame le garde des sceaux, si toutes les dispositions sont votées, est-il envisagé que les contractants reçoivent un document leur permettant de mieux comprendre ce à quoi ils s’engagent ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourquoi pas ?
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Je voterai moi aussi contre cet article.
    Sans revenir sur les arguments que j’ai déjà développés, je tiens à souligner, car c’est à mon sens l’argument le plus fort, et il mérite, mes chers collègues de la majorité, d’être pris en considération, que cet article s’appliquera à des enfants adoptés.
    L’adoption, c’est le fait d’accueillir dans un foyer un enfant abandonné, dont l’histoire qui le précède a été effacée du fait de cet abandon. À cet enfant va être offert un nouveau foyer, qui, dans mon esprit, devrait être constitué soit d’un père, soit d’une mère, soit, mieux encore, d’un père et d’une mère. Avec le vote des premiers articles de ce projet de loi, il pourra s’agir aussi de parents de même sexe.
    Or, par rapport à l’expérience que connaîtra l’enfant dans son milieu de vie, notamment scolaire, plus ce foyer sera « atypique » (Mme la ministre déléguée s’exclame.), plus l’identification à la famille qui élève l’enfant sera difficile pour celui-ci. L’un des besoins de l’enfant adopté, outre celui d’être pris en charge par des parents aimants, est de s’approprier l’histoire d’une famille qui, biologiquement, n’est peut-être pas la sienne mais qui va le devenir parce que la greffe va prendre.
    Si on souhaite que l’enfant puisse s’approprier cette histoire, il faut commencer par l’assumer soi-même et ne pas la nier. Laisser aux deux personnes qui vont accueillir l’enfant en tant qu’adoptants le choix du nom de famille, c’est signifier à l’enfant que son histoire n’a finalement pas beaucoup d’importance. Or, elle en a beaucoup, et même énormément, plus encore que pour tout autre enfant.
    Voilà un enfant privé de parents, qui va en recevoir. Plus que tout autre enfant, il a besoin de s’inscrire dans une famille qui ne se limite pas au foyer de ses parents ; peu importe d’ailleurs que les liens de ses parents avec les grands-parents soient étroits ou distendus, l’essentiel est qu’il puisse s’inscrire dans cette histoire.
    De ce point de vue, le choix du nom de famille – je n’ose plus employer le terme de « patronyme » puisque cette notion semble désormais devoir être effacée de nos pratiques – n’est absolument pas neutre. Il ne devrait même pas en être un, plus encore pour l’enfant adopté que pour un autre enfant. Pour un enfant non adopté, la question ne se posera pas dans les mêmes termes ; elle sera moins difficile à résoudre et les enjeux, s’ils sont forts, ne le seront pas autant que pour l’enfant adopté.
    C’est la raison pour laquelle j’en appelle à votre raison en vous demandant de mesurer la responsabilité que nous prendrions en mettant en œuvre un dispositif qui comporte autant d’aléas dans le choix du nom que portera l’enfant. En lui permettant de porter un nom qui ne sera pas celui des parents que la loi lui aura désignés et qui ne sont déjà pas ses parents biologiques, on aggrave encore la difficulté pour cet enfant (Mme Renée Nicoux s’exclame.) qui vit déjà avec le traumatisme initial de l’abandon.
    Je vous demande donc, mes chers collègues de la majorité, de bien vouloir entendre ces arguments et de mesurer la responsabilité que vous prendriez en adoptant cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Bas, je tiens à souligner que vos propos s’appliquent à l’article 2 – d’ailleurs, vous l’avez vous-même dit hier soir – que nous avons voté ce matin. L’article 3 concernant l’adoption simple, vos arguments, mon cher collègue, ne peuvent valoir pour cet article. Je le dis pour la clarté de nos débats.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela méritait en effet d’être souligné !
    M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur plusieurs travées de l’UMP.)
    Mme Catherine Troendle. Ils sont encore minoritaires ! Ils ne savent pas mobiliser leurs troupes !
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 155 :
    Nombre de votants 342
    Nombre de suffrages exprimés 342
    Majorité absolue des suffrages exprimés 172
    Pour l’adoption 178
    Contre 164
    Le Sénat a adopté.
    CHAPITRE III
    DISPOSITIONS DE COORDINATION
    Article 3 (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement
    Article 4
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° Le titre préliminaire est complété par un article 6–1 ainsi rédigé :
    « Art. 6–1. – Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion du titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
    1° bis (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 34, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
    2° Au dernier alinéa de l’article 75, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « époux » ;
    3° (Supprimé)
    4° (Supprimé)
    4° bis (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article 371–1, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».
    5° (Supprimé)
    6° (Supprimé)
    7° (Supprimé)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l’article.
    M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 4 est un article dit de coordination, mais, outre le mariage, il a trait à beaucoup d’autres sujets, notamment à l’état civil.
    Madame le garde des sceaux, je rappelle que, dans le projet de loi initial, vous aviez fait le choix, dans tous les textes où apparaissaient les termes « père et mère », d’y substituer le terme « parents ». Cela avait sa logique.
    Même si la technologie informatique limite le risque d’oubli en facilitant la recherche dans les textes, les occurrences sont nombreuses. Et à voir le tableau comparatif figurant dans le rapport de M. Jean-Pierre Michel, où le seul article 4 occupe plusieurs dizaines de pages, on se dit que l’Assemblée nationale a très largement taillé dans le projet du Gouvernement.
    L’Assemblée nationale a en effet souligné les inconvénients que suscitait le choix du Gouvernement. Elle a décidé que, quand on dirait « père et mère », cela ne voulait pas dire « père et mère ».
    M. Michel Bécot. Effectivement !
    M. Bruno Sido. Là, il faut nous expliquer !
    M. Jean-Jacques Hyest. Forcément, c’est ce qui est écrit !
    Par exemple, je vous renvoie à l’article 34 du code civil qui concerne les informations recueillies dans les actes d’état civil par les maires – et non bien sûr les mères !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. On s’y perd ! (Sourires.)
    M. Jean-Jacques Hyest. Je vais m’efforcer d’être précis pour ne pas risquer de susciter les observations linguistiques ou lexicales de M. le président Sueur, à qui je signale d’ailleurs qu’il a utilisé le mot « rem » pour « chose », alors que c’est « res », autrement c’est l’accusatif. (Exclamations sur plusieurs travées.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On parle de l’accusatif !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Hyest.
    M. Jean-Jacques Hyest. On m’interrompt, monsieur le président, ce qui est extrêmement désagréable.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On part forcément de l’accusatif : c’est bien rem et non res !
    M. René Garrec. Ce n’est pas le plus important !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Reportez-vous au Klincksieck !
    M. le président. Seul M. Hyest a la parole !
    M. Jean-Jacques Hyest. Je vous remercie, monsieur le président, car je commence moi-même à perdre le fil de mon discours.
    Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a considéré que la solution finalement retenue par l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisante. La commission des lois a donc accepté un amendement prévoyant que « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exception du titre VII – il est quand même difficile de modifier le titre VII qui a trait à la filiation, encore qu’il aurait peut-être fallu modifier les textes sur la filiation pour tirer toutes conséquences de votre projet ! – du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent ».
    L’ennui, c’est que, dans le code civil, « parents » ne veut pas toujours dire « père et mère » (M. René-Paul Savary opine.) et, par ailleurs, « époux » peut, à la limite, s’appliquer au mariage de deux personnes de même sexe.
    Mme Esther Benbassa. Ah ! quelle évolution !
    M. Jean-Jacques Hyest. Ce sera bien le cas. En revanche, le terme « parents », surtout quand il ne s’agit pas du mariage mais de toute une série de dispositions concernant l’état civil, peut effectivement désigner la parenté, mais aussi beaucoup d’autres liens.
    M. Yves Détraigne. Tout à fait !
    M. Jean-Jacques Hyest. La difficulté inhérente à ce texte tel qu’il a été élaboré par étapes successives, j’en sais la raison. En effet, nos concitoyens ont été très choqués que l’on ait remplacé brutalement « père et mère » par « parents » et que disparaisse par conséquent du code civil les notions de « père » et de « mère ».
    M. Charles Revet. Eh oui !
    M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez essayé de trouver des biais, mais qui ne fonctionnent pas. (Mme la garde des sceaux s’exclame.)
    Par exemple, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 4 du projet de loi, qui remplace « père et mère » par « parents », l’article 34 du code civil disposera désormais que « Les actes de l’état civil énonceront […] les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance : a) Des parents dans les actes de naissance et de reconnaissance […] » C’est quand même extraordinaire !
    Pour d’autres articles, le code civil n’a pas été modifié. Quand il y aura « père et mère », il faudra se reporter à un article 6-1 chapeau pour comprendre comment lire ces termes.
    De telles dispositions s’opposent totalement à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, surtout s’agissant du code civil, qui devrait être le plus clair possible. C’est une raison essentielle, à mon avis, pour rejeter cet article 4, qui est extrêmement dangereux et qui, je vous l’assure, ne manquera pas de susciter l’examen du Conseil constitutionnel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. Rassurez-vous, mes chers collègues, après les excellentes explications apportées par notre collègue Jean-Jacques Hyest, je ne serai pas long.
    La rédaction qui nous est proposée est ingénieuse, puisqu’elle permet de régler en une fois ce qui demandait une dizaine de pages dans les versions antérieures de cet article. Toutefois, c’est bien son seul mérite.
    Comme vient de le rappeler le président Hyest, du point de vue de l’intelligibilité de la loi, le fait qu’un petit bout d’article situé quelque part dise comment on devra lire les expressions « père et mère » justement quand il n’est pas question d’un père et d’une mère rend les choses extrêmement compliquées. (M. Michel Bécot opine.)
    Ce premier problème est assez grave pour l’application du texte.
    Le second problème est le suivant : pourquoi le Gouvernement, suivant en cela, je le suppose, puisque c’est une tradition juridique bien établie, l’avis du Conseil d’État, avait-il souhaité reprendre chacune des dispositions où figurent les mots « mari et femme » et les mots « père et mère » ? Pour une raison très simple : on ne peut pas légiférer à l’aveugle ! Or c’est exactement ce que propose la commission avec le texte qu’elle présente. (Mme Catherine Troendle opine.)
    En effet, l’article, tel qu’il est issu des travaux de la commission, précise que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion du titre VII du livre Ier [du code civil]… ». Quelles sont ces « lois » ? Mes chers collègues, vous les connaissez toutes ? Moi, malheureusement, tel n’est pas mon cas.
    M. Jean-Claude Gaudin. Il est impossible que M. Bas ne connaisse pas toutes les lois. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Philippe Bas. Pourtant, en tant que législateurs, nous devrions toutes les connaître. Quant aux Français et aux officiers d’État civil, ils les connaissent sûrement encore moins que nous !
    « Les lois », c’est une notion beaucoup trop générale pour que l’on puisse savoir à quoi s’applique ce nouvel article 6-1 du code civil, qui, je le répète, nous imposerait de légiférer à l’aveugle.
    Le Gouvernement ne s’est bien sûr pas encore exprimé, mais il doit lui-même être très embarrassé de laisser le Parlement adopter des dispositions aussi vagues et dont l’application est aussi difficile. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
    M. René-Paul Savary. Lorsque je suis intervenu hier sur la question des noms de famille, j’avais rappelé que, aux termes de l’article 734 du code civil relatif à l’ordre des héritiers, les « parents appelés à succéder » sont notamment les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs, et les collatéraux. Le terme « parents » désigne par conséquent les membres d’une même famille, ascendants et descendants.
    Dans l’article que nous examinons, le terme « parents » ne désigne que le père et la mère : il est entendu dans un sens bien plus restrictif.
    Il y a donc, me semble-t-il, une véritable antinomie entre l’article 734 et cette disposition du projet de loi. (Mme Esther Sittler applaudit.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. S’agissant de l’article 4, j’aimerais renvoyer notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest à l’ouvrage d’Édouard Bourciez intitulé Précis historique de phonétique française,…
    M. Philippe Bas. Nous le connaissons !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … paru aux éditions Klincksieck, qui lui montrera avec force détails que tous les substantifs viennent de la forme accusative du latin. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l’UMP.)
    Mme Esther Benbassa. Bravo !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 39 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 173 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Je dois vous dire que, tel qu’il est rédigé, cet article 4 m’a stupéfié.
    M. Jean-Claude Lenoir. C’est dire !
    Mme Esther Benbassa. Ah !
    M. Patrice Gélard. Tout d’abord, parce qu’il complète le titre préliminaire du code civil intitulé « De la publication, des effets et de l’application des lois en général ». Or je ne vois pas très bien en quoi les définitions de vocabulaire énoncées à l’article 4 du projet de loi ont leur place à cet endroit.
    D’autant que les six articles qui composent ce titre préliminaire concernent l’applicabilité des lois et règlements, qui a valeur constitutionnelle, le principe de non-rétroactivité des lois, qui a valeur constitutionnelle,…
    M. Bruno Sido. Oui !
    M. Patrice Gélard. … les lois de police et de sûreté, qui ont valeur constitutionnelle, les obligations des juges de juger, qui sont une obligation constitutionnelle, l’interdiction des arrêts de règlement, qui a valeur constitutionnelle, et l’interdiction de toute dérogation aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. Nous sommes ici face au ciment constitutionnel du code civil, comme l’avait souligné le doyen Capitant.
    Pourquoi faire figurer ces dispositions, somme toute essentiellement linguistiques, dans cette partie du code civil ? Cela me semble choquant : ce n’est pas à cette place que cet « article balai » devrait figurer.
    Par ailleurs, si l’on pousse l’analyse plus avant, on se retrouve face au risque d’inconstitutionnalité que je n’ai cessé de dénoncer tout au long de mes interventions. Cet article 4 met en effet tout simplement en place deux systèmes de mariage. À la place d’un mariage unique valable pour tous, il y a le mariage des homosexuels et le mariage des hétérosexuels. C’est ce qui est écrit en toutes lettres ! Cette anomalie juridique ne pourra naturellement que faire l’objet d’une condamnation par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Sido. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 173 rectifié ter.
    M. Michel Mercier. Madame le garde des sceaux, l’article 1er ayant été voté ici dans les termes retenus par l’Assemblée nationale, je sais parfaitement ce que cela signifie. Cependant, s’agissant de l’article 4, qui est un article de conséquence de l’article 1er, nos amendements sont parfaitement bienvenus pour en améliorer le texte.
    Aux termes de l’article 1er, le mariage est ouvert à deux personnes de même sexe ou de sexe différent. Rien ne vous empêchait d’écrire simplement que le mariage était ouvert à deux personnes. Vous avez choisi de distinguer les personnes de même sexe et les personnes de sexe différent.
    Puisqu’il semble que ce matin il faille parler latin (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.), je dirai que, pour interpréter les textes juridiques comme il convient, il faut les interpréter potius ut valeant quam ut pereant.
    Mme Hélène Lipietz. Il faut un traducteur !
    M. Michel Mercier. Je ne comprends pas très bien l’alinéa 3 de l’article 4 qui précise que, à l’exception des dispositions du titre VII, les dispositions du présent livre s’appliquent également aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère.
    Alors que l’on distingue le père et la mère, et que l’on différencie deux personnes de sexe différent pour le mariage, on voudrait maintenant nous faire voter un article aux termes duquel les mots « père et mère » signifieraient « parents de même sexe ».
    On peut faire les choix que l’on veut, et le Parlement a d’ailleurs adopté l’article 1er, mais, je le répète, on ne peut pas écrire, comme c’est le cas à l’article 4, que « père et mère » signifie « parents de même sexe ».
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
    M. Michel Mercier. Vous pouvez parfaitement reprendre les choses et faire figurer à chaque article « père et mère ou parents de même sexe », à l’instar de ce que vous avez fait à l’article 1er. Mais on ne peut voter une disposition dans laquelle « père et mère » serait sous-entendu dans « parents de même sexe ».
    Les personnes de même sexe ont droit au respect, notamment à celui du législateur, mais un homme et une femme qui se marient y ont aussi droit ! Ils seront père et mère. On peut faire figurer dans l’article l’expression « ou parents de même sexe », mais on ne peut retenir une rédaction aux termes de laquelle « père et mère » signifie « parents de même sexe ». Ce serait manquer de respect à ceux qui s’unissent dans le mariage tel qu’il existe aujourd’hui. (Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.)
    Je le redis, s’il était possible de voter l’article 1er en l’état, on ne peut pas adopter l’article 4 tel quel. L’article 1er a été voté, c’est un fait juridique, mais on ne peut pas dire, en revanche, que « père et mère » signifie « parents de même sexe ». Vous devez trouver, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, une autre formulation juridique. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je commencerai par répondre à M. Mercier. La formulation de l’Assemblée nationale était la suivante : « … aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère. » J’ai voulu supprimer cette disposition (M. Michel Mercier s’exclame.) pour aller dans le sens que vous évoquez. Cette notion ne figure plus dans l’article 4 tel qu’il a été adopté par la commission des lois. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) C’est très clair.
    Par ailleurs, l’article 4 est la conséquence de l’article 1er de la loi.
    M. Jean-Jacques Hyest. Pas seulement !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 1er garantit un seul mariage.
    M. Gérard Longuet. Il n’y en a qu’un seul ! Ce n’est pas nouveau !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 4 tire les conséquences de l’article 1er. Monsieur Bas, cet article 4 n’a pas été placé n’importe où : nous l’avons volontairement inséré dans le titre préliminaire du code civil qui règle l’application de toutes les lois.
    Quant au principe d’égalité, monsieur Gélard, il a valeur constitutionnelle. Pour cette raison, l’article 4 est rédigé de telle sorte qu’il y ait un principe général d’égal traitement des époux et parents adoptifs, qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe, et on lira « parents » au lieu de « père et mère » lorsque cela sera nécessaire.
    Cette substitution de termes s’appliquera dans les cas de mariage et de filiation, quand le mot « parents » est bien employé dans le sens de « père et mère ». (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) Voilà ce qui figure dans l’article 4.
    Aussi, nous avons considéré que cet article 4 était bien placé et que la formulation que nous avons choisie tirait bien mieux les conséquences de l’article 1er que ne le faisait la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.
    C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez le droit de penser différemment et d’en faire la démonstration, comme vous le faites abondamment, certains avec plus de talent que d’autres, je dois le dire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas bien !
    M. Ladislas Poniatowski. Pas de mépris !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même ceux qui ont moins de talent en ont assez pour nous éblouir ! Je le reconnais bien volontiers après avoir écouté certaines démonstrations acrobatiques, sur la généalogie notamment, qui, à mes yeux, constituent de véritables morceaux d’anthologie ! Je salue le talent général,…
    M. Henri de Raincourt. Ah !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … qui s’applique à des arts différents.
    Monsieur le président Hyest, vous avez parfaitement raison, mais vous avez retracé l’historique de cet article. Je vous en donne acte. Vous semblez trouver aujourd’hui toutes les vertus à la version gouvernementale du projet de loi. Vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que le titre VII, celui qui concerne la filiation, n’avait pas été modifié. Pendant des semaines et des mois, des parlementaires UMP – vous n’en faisiez pas partie, monsieur le président Hyest ; il y avait d’ailleurs peu de sénateurs, mais beaucoup de députés ! – ont sillonné les studios, les plateaux et les rédactions pour expliquer que les notions de père et de mère disparaissaient totalement du code civil.
    M. Jackie Pierre. Au début, c’était comme ça !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une sorte de fébrilité s’est alors emparée de nos concitoyens, angoissés – cela peut se comprendre, car c’est comme un monde qui s’effondre ! – par la disparition de ces termes du code civil. Mais c’est absolument faux ! Vous avez eu l’honnêteté, monsieur le président Hyest, de dire que personne n’avait touché au titre VII du code civil, et que les notions de père et de mère n’en étaient nullement rayées.
    Aujourd’hui, le texte du Gouvernement a toutes les vertus, alors que, pendant toute une période où c’était ce texte qui était sur la table, il représentait une monstruosité absolue ! (M. Gérard Longuet s’exclame.)
    Monsieur Hyest, reconnaissez que c’est essentiellement du fait de cette ambiance que la rédaction du Gouvernement a été remplacée par celle de l’Assemblée nationale !
    Cette dernière a choisi d’introduire une disposition interprétative avant le début du livre Ier du code civil.
    À plusieurs reprises, vous avez dit, à l’Assemblée nationale comme ici, qu’une telle formulation était absolument inconstitutionnelle. Entre-temps, la commission des lois du Sénat est intervenue et a opté pour une autre rédaction, introduisant un principe général, à une place particulière, comme vient de le démontrer le rapporteur.
    S’il n’est pas interdit de refaire l’historique du texte, je note que préférer le passé au présent est un tropisme habituel, presque un réflexe. C’est exactement ce qui se passe avec la rédaction du Gouvernement, que l’on trouve aujourd’hui merveilleuse.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Même chose que pour le PACS !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’observe simplement que, en plus de la motion référendaire, l’opposition a défendu à la tribune de cet hémicycle trois motions de procédure, dont l’une tendait à opposer l’exception d’irrecevabilité.
    M. Jean-Jacques Hyest. Pour ce motif !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends bien ici les développements sur les motifs d’inconstitutionnalité, y compris ceux de M. le doyen Gélard, qui a lui aussi admirablement défendu une autre motion de procédure.
    Pour avoir écouté attentivement la présentation de ces motions de procédure et les multiples explications de vote qui les ont suivies, j’observe cependant qu’aucune démonstration ne s’est fondée sur le bloc de constitutionnalité ou sur le contenu du rapport confidentiel du Conseil d’État et que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République n’ont même pas été invoqués. (Si ! sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Longuet. Ils l’ont été !
    M. Jean-Pierre Raffarin. On va recommencer puisque vous ne les avez pas entendus ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends enfin parler de l’accessibilité, de l’intelligibilité de nos lois : cet argument est bienvenu, mais je vous rappelle – et vous en conviendrez, monsieur Hyest – que ce n’est ni une règle ni un principe : c’est un objectif…
    M. Jean-Jacques Hyest. Posé par le Conseil constitutionnel !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … posé par le Conseil constitutionnel, qui l’apprécie.
    Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition sénatoriale, vous affirmez que le texte est objectivement incompréhensible, qu’il est contradictoire – démontrez-le ! – et que son application est impossible – tel n’est pas le cas.
    Bien évidemment, nous nous attendons à ce que vous défériez le texte au Conseil constitutionnel.
    M. Bruno Sido. Ce sera fait !
    M. Henri de Raincourt. Vous ne serez pas déçus !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien entendu, car c’est la règle, c’est un droit, c’est un pouvoir !
    Du reste, nous n’avons pas la moindre anxiété à cet égard. (Exclamations amusées sur plusieurs travées de l’UMP.) : nous attendons sereinement la décision du Conseil constitutionnel. En attendant, c’est à vous qu’il appartient de démontrer l’inconstitutionnalité du texte afin de convaincre le Conseil !
    M. Bruno Sido. Bien sûr !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous aviez l’opportunité de le faire au moment où vous avez défendu vos motions de procédure. (Oui ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez alors choisi de vous en dispenser et de reporter cette démonstration à l’étape suivante. Tel est votre droit !
    Je l’affirme, cette disposition est solide. J’entends bien toutes les démonstrations sémiologiques sur les multiples sens possibles du mot « parents », mais la polysémie, c’est la richesse de la langue française ! (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) Souvent, un mot a plusieurs significations, parfois extrêmement éloignées l’une de l’autre.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parfois, comme l’a démontré le président Sueur, un mot peut même avoir deux significations absolument contraires. Pour ma part, je considère que c’est l’un des charmes majeurs de notre langue… (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En droit, nous avons besoin de rigueur, mais c’est souvent le contexte qui précise le sens !
    Monsieur le sénateur Bas, vous vous demandez comment l’officier d’état civil s’en sortira s’il doit interpréter chaque occurrence du mot « parents » figurant dans le code civil. Pardonnez-moi, mais l’officier d’état civil ne passe pas son temps à interpréter le code civil !
    M. Bruno Sido. Ça, c’est sûr !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, il n’est pas concerné ! Il est concerné par les actes d’état civil, mais pas par l’application des dispositions du code civil. La plupart du temps, c’est au juge d’appliquer et donc d’interpréter ces dernières ! L’interprétation d’autres dispositions relève du maire, et d’autres encore auront à être interprétées par l’administration fiscale ! Vous ne pouvez donc pas nous dire que l’officier de l’état civil va passer son temps à s’arracher les cheveux pour comprendre et interpréter les dispositions du code civil.
    Comme je l’ai déjà dit, vous nous avez apporté une démonstration acrobatique sur la généalogie,…
    M. Bruno Sido. Belle construction !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … avant de procéder à des développements extrêmement péremptoires sur de nombreux sujets. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Oh ! et protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Charles Revet. Ce qui est péremptoire ne vient pas de notre côté !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, péremptoires, et je pense qu’il ne suffit pas de prendre un air savant pour le devenir ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.) Puisque vous commencez à être désagréables, nous allons vous montrer que nous savons aussi l’être ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Gérard Longuet. On le savait au départ !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chez nous, être agréable, être respectueux, ce n’est pas un accident : c’est un choix. Quand nous vous respectons, c’est un choix !
    Nous vous écoutons avec beaucoup d’attention mais vous n’avez pas le droit de passer votre temps à tromper les citoyens (Exclamations sur les travées de l’UMP.) en affirmant d’absolues contre-vérités sur ce qui est contenu dans ce texte de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. Gérard Cornu. Vous dérapez !
    M. François-Noël Buffet. Et M. Cahuzac ?
    M. Michel Savin. La gauche est mal placée pour dire cela !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme il m’est déjà arrivé de vous le dire, 150 % de vos propos ne sont pas acceptables.
    Tel n’est pas votre cas, monsieur Revet : je dois reconnaître que vous avez le souci de coller au texte et que vos questions sont précises. Et, d’une façon générale, lorsque la réponse vous a été apportée, vous passez à une autre question ! Il n’en est pas ainsi de tout le monde…
    M. Jean-Claude Gaudin. Nous vous avons connue meilleure !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas ici pour être jugée par vous !
    M. Jean-Claude Gaudin. Nous non plus !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est la seule curiosité qui me fait apprécier les jugements que vous pouvez porter.
    M. Ladislas Poniatowski. Gardez votre sang-froid !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais nous pouvons continuer longtemps à nous faire des civilités…
    M. Ladislas Poniatowski. Pourquoi la garde des sceaux est-elle si agressive ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Revet, vous nous demandez si l’on va informer les « contractants ». Pour ma part, je ne connais que les « futurs époux », même si j’admets qu’il existe, dans le mariage, à la fois une dimension de contrat et une dimension d’institution.
    Monsieur le sénateur, la réponse est oui. Vous savez bien que, au moment où les personnes qui envisagent de se marier viennent s’inscrire pour faire procéder à la publication des bans, l’officier de l’état civil leur fournit les informations dont il dispose. Vous savez bien que la société est organisée !
    Cela me fait penser au débat que nous avons eu tout à l’heure sur le nom. Vous sembliez laisser entendre qu’il y aurait un problème dans chaque situation. Or dans 99 % des cas il n’y a aucun problème !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Du reste, la loi anticipe et prévoit les dispositions utiles en cas de conflit. Lorsqu’il y a litige, lorsqu’il y a désaccord, la loi sert à départager.
    Ne faites donc pas croire aux Français que, tout à coup, donner un nom à un enfant deviendra un casse-tête phénoménal ! Pour les centaines d’enfants qui naissent chaque jour, les choses vont continuer à se passer normalement et naturellement.
    La loi prévoit simplement les situations où un problème est susceptible de se poser et les solutions à même de les régler pour que les Français ne se retrouvent pas sans solution, pieds et poings liés.
    Dès lors, assez de dramaturgie ! Parmi les arguments que vous nous avez présentés, il y a des arguments de force, il y a des arguments de droit, il y a des arguments de conviction…
    M. François Rebsamen. Eh oui !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … mais, au risque d’être déplaisante, il y a aussi des arguments de manipulation (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
    M. François Rebsamen. Absolument !
    M. Christian Cambon. De quel côté ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … des arguments qui trompent, de la part de ceux qui n’ont pas lu le texte.
    Tel a été le cas avec la démonstration qui nous a été faite hier sur la combinaison des noms composés.
    M. Bruno Sido. Notre collègue Jean-Pierre Leleux a été parfait !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a été excellent !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement, sa démonstration reposait sur une absence de lecture du texte ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Philippe Bas. C’est péremptoire !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est aisé de vérifier que son propos est absolument contraire au contenu du texte. Des démonstrations de ce genre relèvent de la mauvaise foi !
    M. Ladislas Poniatowski. Il est inutile d’être aussi agressive !
    M. Gérard Cornu. Cessez d’être aussi agressive !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant aux démonstrations de bonne foi, il est de notre responsabilité d’y répondre et d’en éclairer leurs auteurs. Convenez quand même que nous le faisons très volontiers !
    M. Gérard Cornu. Ne vous énervez pas !
    M. Ladislas Poniatowski. Cessez d’être agressive !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me demande comment vous auriez réagi si la majorité s’était livrée à l’exercice auquel vous vous livrez depuis le début ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Michel Savin. Ne nous donnez pas de leçons !
    M. Christian Cambon. Et la loi sur La Poste !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà des jours et des nuits que nous vous écoutons attentivement.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, madame la sénatrice Des Esgaulx, et nous prenons la peine de vous répondre. C’est tout simplement la marque du respect que nous portons à chacune et chacun d’entre vous.
    M. François Rebsamen. Du respect à notre égard, il n’y en a pas toujours eu !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et vous voyez bien que, malgré la déférence que m’inspirent Jean-Jacques Hyest et le doyen Gélard, sentiment dont je n’ai aucune raison de me cacher parce qu’il repose sur des raisons tout à fait objectives et précises, malgré la déférence que m’inspirent également quelques autres personnalités, dont M. Jean-Pierre Raffarin… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Cornu. C’est scandaleux !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette déférence, vous la devez à tout le monde !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, madame Des Esgaulx ! On voit bien là que vous confondez identité et égalité ! L’égalité ne signifie pas que tout le monde est pareil !
    M. Ladislas Poniatowski. Une telle agressivité est inutile !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, j’affirme et j’assume la déférence particulière que m’inspirent Jean-Jacques Hyest, le doyen Gélard, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, MM. les anciens ministres Gaudin, Karoutchi…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … et Mercier.
    Il n’en demeure pas moins que j’éprouve du respect pour toutes les sénatrices et pour tous les sénateurs ! J’en veux pour preuve que je prends le temps de relever le nom de ceux des sénatrices et des sénateurs qui s’expriment et que je ne connaissais pas et je prends le temps de répondre à chacun d’entre eux en l’appelant par son nom. Voyez-y une marque de mon respect !
    Maintenant, vous ne nous interdirez pas de vous dire que vous montrez des signes d’impatience quand nous prenons le temps de répondre à un certain nombre de points d’interrogation. Comme je vous l’ai déjà dit, si vous voulez poursuivre la séance jusqu’à six heures du matin,…
    Mme Catherine Troendle. L’examen du projet de loi est censé durer jusqu’à samedi, madame la ministre !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … le Gouvernement est à votre disposition ! Je pense que nous vous démontrons ainsi que nous vous consacrons du temps !
    Quant à vous, hier soir encore, vous avez fait en sorte que la séance soit levée une heure plus tôt, en arguant de l’absence de quorum.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avons surtout démontré qu’il n’y avait pas de mobilisation de votre côté !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous vous démontrons que nous avons tout notre temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa applaudissent également. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Pour terminer, monsieur Hyest, comme l’a d’ailleurs dit le rapporteur, nous tirons les conséquences de l’adoption de l’article 1er. En ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ce dernier induit des modifications à l’intérieur du code civil. Nous serions bien misérables de ne pas tirer ces conséquences et de permettre que figurent dans le code civil des contradictions entre la réforme introduite et d’autres dispositions ! Tel a été le choix du Gouvernement.
    Vous avez rappelé que l’informatique permet de faire une recherche pour retrouver les différentes occurrences d’un mot au sein d’un code. Néanmoins, cela ne garantit absolument pas qu’une disposition ne puisse pas nous échapper !
    Le Gouvernement avait choisi de procéder à un recensement exhaustif et d’opérer toutes les coordinations nécessaires, non seulement dans le code civil, mais aussi dans les autres codes, dans toutes les lois et même dans les ordonnances.
    M. Michel Mercier. Vous aviez raison !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cependant, l’Assemblée nationale a fait un autre choix.
    Alors que, pendant des mois, on a accusé le Gouvernement d’avoir fait disparaître les mots « père » et « mère » du code civil, la rédaction pour laquelle le Gouvernement avait opté a dorénavant toutes les vertus. J’en prends acte,…
    M. Jackie Pierre. Nous aussi !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … même si c’est avec un peu de nostalgie.
    Le texte que nous examinons aujourd’hui est encore rédigé différemment. Cette rédaction n’est ni absurde ni de nature à introduire une incompréhension dans le texte : il s’agit d’énoncer un principe général selon lequel les effets du mariage seront les mêmes, que les époux et parents soient de même sexe ou de sexe différent ! C’est un élément de clarté incontestable, même si vous êtes bien évidemment totalement fondés à le contester.
    Monsieur Revet, je pense avoir répondu à vos questions. Bien sûr, je répondrai aux éventuelles questions qui pourraient m’être posées ultérieurement.
    Pour l’heure, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la garde des sceaux, je regrette un peu votre dernière intervention, car, jusqu’à présent, je vous avais trouvée plutôt habile. (M. Michel Mercier s’entretient avec Mme la garde des sceaux). Je souhaiterais que l’ancien garde des sceaux cesse de polariser votre attention et que vous m’écoutiez, mais il est vrai que vous ne vous intéressez qu’à ceux qui ont été ministres… Monsieur Mercier, peut-être laisserez-vous la garde des sceaux m’écouter quand je m’adresse à elle ? (M. Michel Mercier continue de s’entretenir avec Mme la garde des sceaux). J’attendrai le temps qu’il faudra…
    M. le président. Monsieur Mercier, je vous en prie. Veuillez poursuivre, madame Des Esgaulx.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Même si je ne suis pas ministre, on peut écouter ce que je dis !
    Je regrette donc votre intervention, madame la garde des sceaux, car, je le répète, je vous avais trouvée jusqu’alors très habile. En l’occurrence, vous venez de dépasser les limites de la mauvaise foi ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
    Mme Renée Nicoux. Oh !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De la mauvaise foi, ou quelque chose qui tient de la méthode Coué ! Sur cet article 4, il se confirme ce que j’ai déjà dénoncé dans la discussion : vous avez beaucoup de mal à passer d’un débat éthique au registre de la loi.
    M. Gérard Longuet. C’est vrai !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Or c’est tout le sujet aujourd’hui !
    Sur le débat éthique, vous avez vos positions et je les respecte, même si ce ne sont pas les miennes. Mais le problème est que vous n’avez pas su passer de ce débat à l’écriture, au registre de la loi. Vous-même venez de le dire, les formes d’écriture sont très contestables.
    C’est ainsi que l’article 4 fait ressortir toutes les difficultés provenant de l’adoption de l’article 1er, et il est normal que mes collègues le dénoncent.
    M. Gérard Longuet. Absolument !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors, madame la garde des sceaux, puisque vous dites que vous répondez à toutes les questions, c’est peut-être le moment de me répondre. Hier, je vous ai interrogée sur le livret de famille. J’ai donc pris mon temps pour attendre votre réponse…
    Vous venez de dire que figureront bien les mentions de père et mère. Or, vous avez dit mardi dernier qu’il n’y aurait qu’un seul livret de famille, qui serait adapté. Alors je vous repose la question au nom des quelque 36 000 maires de notre pays : Quid du livret de famille ? Y en aura-t-il un ? Y en aura-t-il trois ? Quelles mentions y figureront ? Ce sujet nous intéresse. Il ne concerne pas uniquement les officiers de l’état civil ou les personnes travaillant au greffe, mais tout le monde !
    Nous voulons enfin savoir ce qu’il en sera de ce livret de famille ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme Catherine Troendle. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
    M. Jean-Jacques Hyest. Je ne ferai pas le savant. Il est vrai, concernant la question qui vient d’être posée par Mme Des Esgaulx, que le livret de famille relève du domaine réglementaire.
    Vous affirmez que l’on tire les conséquences logiques sans toucher à la filiation. Je suis désolé de vous le dire, les actes de naissance ne sont pas liés au mariage. En effet, il y a beaucoup de naissances hors mariage.
    M. Roland du Luart. Eh oui !
    M. Jean-Jacques Hyest. Vous touchez donc indirectement à la filiation en touchant à l’article 34 du code civil. Jusqu’à présent, cet article précisait qu’un enfant est né d’un homme et d’une femme et, sans parler du mariage, cela continue. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Sauf à accepter des paternités ou des maternités artificielles, mais alors, on change tout !
    Certes, il arrive, lors de la déclaration, qu’on ne connaisse pas le père. Jusqu’à maintenant, on connaît toujours la mère…
    M. Bruno Sido. C’est plus facile !
    M. Jean-Jacques Hyest. … – hormis le cas des enfants abandonnés qui étaient déposés dans le tour des couvents.
    Dès lors, si l’on dit qu’il ne faut plus parler des « père et mère » dans l’article 34, mais uniquement des parents, je me demande bien ce que l’on vise. Cette question n’est donc pas liée au mariage, mais à la filiation.
    Pourquoi avez-vous tout changé ? Parce que vous avez eu peur de l’opinion publique. Les gens avaient très bien compris ce que tout cela voulait dire. On nous accuse de faire des procès d’intention. Pour ma part, je n’en fais jamais, j’essaye de regarder les choses et d’évaluer les conséquences des règles de droit.
    D’ailleurs, pour la déclaration de décès, votre projet était extraordinaire ! Jusqu’à présent, c’était d’abord aux parents, généralement l’épouse ou les enfants, de la faire. Comme on a supprimé le terme de parents, on a renvoyé à quelqu’un qui a des renseignements précis. Pourquoi ? On ne voulait pas que ce terme de parents ne puisse renvoyer qu’à des couples de même sexe ! On aboutit donc à des absurdités totales.
    Alors, pour supprimer toutes ces absurdités, on crée une disposition générale qui sera inapplicable et incompréhensible.
    Il y aura plusieurs types de livrets de famille pour les mariages – nonobstant l’existence de livrets de famille sans mariage dès lors qu’il y a des enfants.
    Cela peut paraître secondaire mais, j’en suis désolé, l’article 34 n’est pas qu’un article de coordination, il touche indirectement à la filiation, ne serait-ce que par le remplacement des termes « père et mère » par « parents » dans les actes de l’état civil. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
    M. Hugues Portelli. Je souhaiterais aborder trois points.
    Tout d’abord, Mme la garde des sceaux a fait des remarques concernant les questions de constitutionnalité soulevées à l’occasion de la discussion des différents amendements. Je rappelle que lorsque le Conseil constitutionnel est conduit à examiner la constitutionnalité d’une loi, il se réfère aux travaux parlementaires. Ce faisant, il ne s’en tient pas aux motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Il se réfère à tous les travaux qui ont eu lieu au sein du Parlement à l’occasion de la discussion du texte concerné.
    On peut donc soulever des problèmes d’inconstitutionnalité à tout moment, lors de l’examen des motions de procédure ou au cours de la discussion des articles et des amendements. Ce premier point est important.
    Ensuite, le débat que nous avons sur les problèmes de terminologie n’est pas inutile. On ne parle pas de vocabulaire en général mais de vocabulaire juridique, de droit, et le français juridique n’est pas le français commun. Le droit a besoin de précision et de clarté. Nous devons donc employer des termes qui ont un sens.
    Il est vrai que le mot « parents » – il vient du latin parere, qui signifie engendrer – peut être juridiquement précis. Mais dans le français courant, ce mot a acquis plusieurs sens, si bien que l’expression « père et mère » est plus précise. En italien, on utilise les termes il genitori, ce qui n’a pas besoin d’être traduit, on comprend que sont visés les géniteurs, donc le père et la mère, sans qu’il soit besoin d’autre explication.
    Enfin, je m’adresse au président de séance pour rappeler que nous sommes dans une République – M. Jean-Pierre Michel le souligne tous les matins –, dans une démocratie, et dans une assemblée où il n’y a pas de hiérarchie,…
    M. David Assouline. C’est bon !
    M. Hugues Portelli. … pas de distinction entre ceux qui seraient compétents et les autres, pas de titres de noblesse eu égard à d’anciennes fonctions ministérielles…
    M. Christian Cambon. Très bien !
    M. Hugues Portelli. … et pas de gueux pour n’en avoir jamais exercé ! Nous sommes tous égaux !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout quand on s’appelle Des Esgaulx ! (Rires.)
    M. Hugues Portelli. Et si seuls les juristes ont le droit de parler de droit et les financiers, de finance, nous n’avons pas grand-chose à faire ici. Aussi, je voudrais que l’on cesse ce genre de polémique de mauvais aloi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié bis et 173 rectifié ter.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Cornu. Ils ne sont pas assez nombreux !
    M. Gérard Longuet. Tant mieux !
    M. Gérard Cornu. On voit quels sont ceux que cela s’intéresse et ceux que cela n’intéresse pas !
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 156 :
    Nombre de votants 340
    Nombre de suffrages exprimés 340
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 163
    Contre 177
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 2 et 3
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 71 rectifié bis, 72 rectifié bis, 73 rectifié bis et 74 rectifié bis, qui découlent de la même logique, celle que j’applique depuis de début de la discussion : lorsqu’un amendement de suppression d’un article n’a pu être adopté, nous proposons ensuite la suppression de ceux de ses alinéas que nous n’estimons pas conformes à ce que nous voulons faire.
    L’ensemble des dispositions prévues aux alinéas 2 et 3 de l’article 4 visant à mettre en place ce à quoi nous nous opposons depuis le début, nous souhaitons les supprimer avec l’amendement n° 71 rectifié bis. Il en va de même pour les alinéas 4, 5 et 8 respectivement avec les amendements nos 72 rectifié bis, 73 rectifié bis et 74 rectifié bis.
    Pour être logique avec l’attitude que nous avons adoptée depuis le début du débat, nous proposons la suppression de ces alinéas.
    M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo et J.L. Dupont, Mme Morin-Desailly et MM. Dubois et Guerriau, est ainsi libellé :
    I. – Alinéa 2
    Rédiger ainsi cet alinéa :
    1° Après l’article 15, il est inséré un article 15–1 ainsi rédigé :
    II. – En conséquence, alinéa 3
    Remplacer la référence :
    Art. 6-1
    par la référence :
    Art. 15-1
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 279, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    1° Remplacer les mots :
    l’exclusion du
    par les mots :
    l’exclusion de ceux prévus au
    2° Après le mot :
    soient
    rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
    de sexe différent ou de même sexe. » ;
    La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 71 rectifié bis.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 279 est purement rédactionnel.
    Le Sénat vient de rejeter les amendements de suppression de l’article 4. L’amendement n° 71 rectifié bis vise à supprimer les alinéas 2 et 3 dudit article : la commission y est bien entendu défavorable, comme elle l’était à la suppression de l’article.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 71 rectifié bis. Le doyen Gélard a lui-même expliqué la logique de son amendement, qui n’est pas compatible avec le texte dont l’adoption a commencé.
    Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 279 de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 71 rectifié bis.
    M. Gérard Longuet. Je ne suis pas le plus grand spécialiste du code civil dans cette assemblée,…
    M. David Assouline. De La Marseillaise !
    M. Gérard Longuet. … mais l’amendement du doyen Gélard a tout de même l’immense mérite d’appeler notre attention collective sur le sens du mot « parents ».
    Je voudrais simplement que vous nous confirmiez, madame le garde des sceaux, que les parents ne sont que les géniteurs. Dans l’acception du droit, les parents représentent la famille, les oncles, les cousins, les ascendants… On pourrait imaginer, en effet, en dehors de tout problème de mariage homosexuel ou hétérosexuel, qu’au titre de l’article 4, s’il était adopté sans modification, les ascendants puissent déclarer la naissance d’un petit-fils naturel en dehors des liens du mariage. À ce moment-là, cet enfant serait reconnu.
    J’ai du mal à comprendre. Vous allez me dire que ce n’est pas le moment de faire des cours de droit, mais comme il a été insisté sur le fait que nous n’étions pas tous compétents (Sourires sur les travées de l’UMP.), je voudrais plaider mon incompétence pour obtenir cette information qui sera extraordinairement utile au législateur, et en particulier à la jurisprudence lorsqu’il faudra évaluer la volonté du législateur. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’UMP.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Incroyable !
    M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 157 :
    Nombre de votants 339
    Nombre de suffrages exprimés 339
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 162
    Contre 177
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 279.
    (L’amendement est adopté.) – (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Cornu. Il faut recompter !
    Mme Catherine Troendle et M. Jean-Claude Lenoir. Il faut revoter, ce n’est pas possible !
    M. Charles Revet. Il faut procéder pas assis et levé, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un amendement rédactionnel dénué de toute dimension politique !
    M. le président. Cet amendement rédactionnel me semblait recueillir l’unanimité et je suis sans doute allé un peu vite, je vous prie de m’en excuser.
    Je vais donc procéder à la mise aux voix de l’amendement n° 279 par assis et levé.
    (Le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 4
    Supprimer cet alinéa.
    L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 5
    Supprimer cet alinéa.
    L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 8
    Supprimer cet alinéa.
    Ces trois amendements ont déjà été défendus.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 158 :
    Nombre de votants 341
    Nombre de suffrages exprimés 341
    Majorité absolue des suffrages exprimés 171
    Pour l’adoption 163
    Contre 178
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Rappel au règlement

    Article 4
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
    Mme Catherine Troendle. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis du règlement du Sénat. (L’orateur brandit un exemplaire dudit règlement.)
    Monsieur le président, je pense qu’il serait judicieux de suspendre la séance pour permettre aux membres de la majorité de mobiliser leurs collègues afin d’éviter que la poursuite de nos débats ne soit ralentie par des demandes systématiques de scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Madame la sénatrice, je prends acte de votre rappel au règlement, mais je ne peux y souscrire.
    Rappel au règlement
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (début)
    Article 4 (suite)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote sur l’article 4.
    Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le présent article est intéressant, car il illustre une fois de plus l’impréparation qui a présidé à la rédaction du projet de loi dans son ensemble et les risques non mesurés qu’il fait porter sur le mariage et la famille. Je l’ai déjà dit hier soir mais je le répète, car, si, comme vous l’avez dit, vous nous écoutez, en revanche, vous ne nous entendez pas !
    On nous propose notamment de remplacer les termes de « père et mère » par le terme vague de « parents ». Cette modification n’est nullement anodine. On ne peut pas remplacer les termes « père et mère » par le terme « parents » ou permettre à un enfant d’appeler la compagne de sa mère « maman ».
    Non, un enfant ne peut pas avoir deux mères ou deux pères : c’est un mensonge ! On ne peut pas laisser croire à un enfant qu’il puisse être issu de deux hommes ou de deux femmes.
    Comme l’a très bien expliqué le philosophe Daniel Sibony lors de son audition, « la langue n’est pas une pelouse où l’on se promène en cueillant des mots. »…
    M. Roland Courteau. Que c’est beau ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Esther Sittler. … « Les langues nous traversent, nous en faisons partie. Avec cette loi, on casse le sens d’un mot, ce qui rejaillit sur les autres mots. N’est-ce pas trop cher payé pour réparer les injustices passées envers les homosexuels que de casser ou distordre certains mots ? »
    On nous propose en outre une « disposition balai » à l’alinéa 3, car on s’est aperçu, grâce au travail des parlementaires, que l’on est très loin d’avoir mesuré les conséquences précises des dispositions prévues par le projet de loi. On nous a pourtant remis une étude d’impact. Comment pouvez-vous demander aux parlementaires que nous sommes de voter un texte qui va bouleverser le mariage et la famille, alors que vous n’en avez pas mesuré les effets ? Non, madame la garde des sceaux, nous ne pouvons l’accepter ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 4, que l’on présente comme un « article balai », m’inspire trois réflexions. Tout d’abord, madame la garde des sceaux, je souhaite revenir sur ce que vous avez répondu lorsque j’ai dit qu’il serait bon de remettre un document aux futurs contractants – j’avais employé ce terme car, après tout, le mariage est un contrat, me semble-t-il, mais je suis prêt à parler des « futurs époux » si vous préférez cette expression. Je pense que ce n’est pas au moment du mariage qu’il faudrait remettre ce document aux conjoints, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, mais lorsqu’ils déclarent qu’ils veulent contracter mariage.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est ce que j’ai dit !
    M. Charles Revet. Les auditions auxquelles nous avons procédé étaient extrêmement intéressantes et enrichissantes. J’ai été très marqué par ce que nous ont dit les magistrats, les avocats et les notaires au sujet des incidences qu’auront certaines dispositions du projet de loi. C’est pourquoi je pense qu’il serait bon qu’un document fasse la synthèse des répercussions entraînées par le mariage. Bien entendu, ce document ne serait pas remis le jour du mariage, car c’est un moment de fête, pendant lequel on n’est guère réceptif à ce type d’informations.
    M. Gérard Longuet. Le mariage est une fête éternelle ! (Rires.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Ce sera répété ! (Même mouvement.)
    M. Charles Revet. C’est bien dit, monsieur Longuet !
    En tout cas, il me paraît important qu’un tel document soit remis aux futurs époux.
    Ensuite, je souhaiterais évoquer l’évolution des mots. Monsieur le président de la commission des lois, vous avez dit que le sens des mots changeait. C’est vrai que le sens des mots a toujours changé. Quand ce changement est le fruit d’une évolution du langage commun, je le comprends, et chacun l’assimile. Mais lorsque c’est le législateur qui opère ce changement par les dispositions qu’il introduit dans la loi, c’est tout à fait différent.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le législateur est un acteur de la société !
    M. Charles Revet. Monsieur le président de la commission des lois, j’ai évoqué les relations particulières que nous entretenons avec nos cousins canadiens ou québécois, ainsi que leur attachement extraordinaire – presque plus fort que le nôtre, aussi paradoxal que cela puisse paraître (Mme Catherine Tasca s’exclame.) – à notre langue et leur recherche de racines dans notre pays. L’évolution des noms telle qu’elle est envisagée, ou du moins le fait qu’il soit notamment possible de changer de nom et d’interchanger des noms, compliquera les recherches généalogiques pour nous comme pour eux.
    Enfin, vous le savez, madame la garde des sceaux, la langue française est parlée dans de nombreux pays. On s’en réjouit beaucoup, même si on perd un peu pied. Or ce que nous faisons peut avoir des conséquences dans tous ces pays où l’on parle français. Par conséquent, j’aimerais savoir si nous avons eu des contacts avec l’Organisation internationale de la francophonie, OIF, qui permet des échanges entre tous les pays dont la langue principale est le français, afin de mesurer les conséquences qu’auront certaines dispositions de ce projet de loi.
    La France est bien entendu le pays d’origine de la langue française, mais cette langue est aujourd’hui parlée dans je ne sais combien de pays – peut-être que certains dans cet hémicycle pourraient nous indiquer le nombre exact. Est-ce que nous avons noué des contacts afin de mesurer les répercussions que pourrait avoir l’adoption de ce projet de loi dans certains pays francophones ? Il me semble qu’il s’agit d’une vraie question. La France a une responsabilité particulière, puisque nous avons la chance d’avoir une langue internationale. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Tout ce qui se fait ici a donc des conséquences à l’échelon international.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4 découle bien entendu de l’article 1er, qui a malheureusement été voté. Comme je l’ai déjà souligné, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, personnes homosexuelles, aura des conséquences terribles sur le contenu du code civil. La pagaille s’introduit : il va falloir revoir toute la partie relative à l’adoption, on ne sait plus quel nom vont porter les enfants adoptés, cela sera compliqué – Jean-Pierre Leleux l’a bien montré hier soir. Parce que vous êtes des spécialistes, vous ne vous rendez pas compte de la complexité que vous introduisez dans le code civil.
    M. Gérard Cornu. Eh oui !
    M. Bruno Sido. Il va devenir complètement incompréhensible pour le commun des mortels,…
    M. Charles Revet. Voilà !
    Mme Cécile Cukierman. Parce que le code civil est très compréhensible aujourd’hui ?
    M. Bruno Sido. … pour tous ceux qui n’ont pas été ministres, etc., en clair les gens normaux, si je puis dire.
    Mme Esther Benbassa. Vous distinguez encore les normaux des anormaux ?
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est scandaleux !
    M. Bruno Sido. Vous ne vous rendez pas compte que le nom est un patrimoine qui indique les racines des uns et des autres. Par les temps qui courent, nous y tenons…
    M. Gérard Cornu. Effectivement !
    M. Bruno Sido. … et nos concitoyens y tiennent de plus en plus.
    Vous avez refusé, contre toute évidence, d’accepter les amendements déposés et remarquablement défendus par nos collègues. Je trouve que c’est fort dommage, car l’adoption de ces amendements aurait permis de corriger au moins quelques aspects de l’article 4.
    Pour tous ces motifs, je ne voterai pas cet article.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous aurions tort de penser que cet article est un article mineur, car il s’agit bien d’un article majeur, qui porte la trace de deux ressorts importants qui sont dans la dynamique de ce projet de loi et l’ont même précédé. Il y a quelques jours, l’un de nos collègues a cité cette formule d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Quand on demandait à Aristote quelle était la source de la sagesse… (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Oui, madame la sénatrice, Aristote, l’un des fondateurs de notre civilisation.
    Mme Esther Benbassa. Merci !
    Mme Hélène Lipietz. Bravo !
    M. Bruno Retailleau. Rome, Athènes, Jérusalem, ce sont des sources de notre civilisation.
    Mme Esther Benbassa. Merci !
    M. Bruno Retailleau. Aristote disait que la source de la sagesse est dans la réalité des choses, car les choses ne savent mentir.
    Je pense que les mots ne sont pas seulement les instruments du vocabulaire. Les mots d’une langue expriment une appréhension du monde. Nous pensons avec les mots, nous rêvons avec les mots,…
    Mme Esther Benbassa. Ah !
    M. Bruno Retailleau. … nous chantons avec les mots. Les mots sont des traces qui nous emmènent beaucoup plus loin que la syntaxe, la grammaire et le vocabulaire.
    Mme Esther Benbassa. Oh, c’est lyrique !
    M. Bruno Retailleau. La gauche l’a compris bien avant la droite.
    Mme Esther Benbassa. Ah ! Grâce soit rendue !
    M. Bruno Retailleau. Gramsci l’avait déjà souligné : les batailles politiques doivent d’abord être gagnées sur le terrain culturel (Mme Esther Benbassa s’exclame.), et notamment sur le terrain sémantique.
    Mme Esther Benbassa. C’est déjà gagné !
    M. Bruno Retailleau. Ce que vous faites, avec cet article, c’est aligner le droit… Madame Benbassa, nous n’avons pas la même couleur politique, ni d’autres couleurs non plus, d’ailleurs (Rires sur plusieurs travées.), mais nous pouvons au moins nous écouter, nous entendre, au-delà de ces couleurs, variées. Moi je n’ai aucun problème !
    M. Jean-Vincent Placé. Qu’est-ce que cela veut dire, sur la question des couleurs ? C’est lamentable ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Retailleau. Cela veut dire que, quelles que soient nos couleurs politiques,…
    M. Jean-Vincent Placé. Vous vous déshonorez ! C’est scandaleux !
    M. Bruno Retailleau. Monsieur Placé, quelles que soient nos couleurs politiques, le respect doit s’imposer et nous devons pouvoir nous écouter, tout simplement.
    Mme Esther Benbassa. Ça suffit !
    M. Jean-Vincent Placé. Scandaleux !
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je vous demande de faire la police de l’assemblée.
    M. Jean-Vincent Placé. Absolument scandaleux !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Je vous remercie.
    M. Jean-Vincent Placé. C’est scandaleux ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste auxquelles répondent des exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Bruno Retailleau. La bataille des mots… (Brouhaha.)
    Mme Esther Benbassa. Ça suffit, le Lagarde et Michard !
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, la parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Quelles que soient nos différences, nous devons pouvoir nous écouter, c’est tout ! (M. Bertrand Auban s’exclame.)
    Ce que je dis, c’est que cela ne revient pas au même d’employer le mot « parents » ou les mots « père » et « mère », parce que ces derniers mots renvoient à une ascendance, et cela fait une grande différence. Le mot « parentalité », qui a souvent résonné ici, ne désigne pas la même chose que le mot « parent » : il désigne une fonction éducative. La « parentalité » n’est pas non plus équivalente à l’ « homoparentalité ».
    Mme Hélène Lipietz. Oh !
    Mme Esther Benbassa. Eh oui, ce n’est pas la même chose !
    M. Bruno Retailleau. On voit bien que les mots sont signifiants. Vous allez aligner le droit sur la falsification des termes. L’étymologie du mot « mariage » renvoie à la mère. Oui, pour engendrer un enfant, il faut un père et une mère.
    Un sénateur du groupe socialiste. Et la Vierge Marie, alors ?
    M. Bruno Retailleau. C’est ce que je voulais rappeler. Vous allez toucher aux premiers mots de notre vocabulaire, aux premiers mots que nous apprenons : « père » et « mère », « papa » et « maman ». (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.) C’est quelque chose d’extrêmement symbolique !
    Enfin, votre projet de loi bouleverse si profondément…
    Mme Esther Benbassa. Heureusement !
    M. Bruno Retailleau. … les bases du droit de la famille et de la civilisation qu’il impose ce changement à tous les couples, à tous les Français,...
    Mme Esther Benbassa. La civilisation évolue, monsieur !
    M. Bruno Retailleau. … et pas seulement aux couples de personnes de même sexe. Je tenais à le rappeler sereinement, et je regrette qu’il soit difficile de se faire entendre dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À Charles Revet, qui parle toujours avec beaucoup de chaleur humaine et dont on sent qu’il est très intéressé par ces questions – je l’en remercie –,…
    M. Jean-Pierre Raffarin. Il pourrait être ministre !
    M. Gérard Longuet. Il mérite mieux que ça ! Il pourrait être président de commission !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … je tiens à dire que, dans cette France où le langage est bien entendu le fruit du parler commun, la langue a toujours été un enjeu politique. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les lois et les règles régaliennes ont toujours pesé sur la réalité de la langue. La langue est vivante, elle vit de tous les acteurs qui jouent dans la société. Parmi ces acteurs, il y a le Parlement, qui précise constamment le sens des mots. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
    Si je réponds ainsi à Charles Revet, avec lequel nous avons plaisir à dialoguer, je m’élève en revanche avec beaucoup de force, monsieur le président, contre les propos tenus par M. Retailleau. (Oh ! sur les travées de l’UMP.) En effet, vous avez déclaré, monsieur Retailleau, qu’il y avait entre vous et l’une de nos collègues des différences de couleur politique mais aussi d’autres différences de couleur.
    M. Gérard Longuet. Elle est Verte ! Et d’ailleurs elle revendique sa « vertitude » !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Retailleau, je veux vous rappeler les termes de l’article 1er de la Constitution. Je veux aussi vous dire que je réprouve totalement la manière dont vous vous référez à Gramsci et dont vous faites parler une fois encore dans cet hémicycle Albert Camus (Mme Esther Benbassa s’exclame.), qui ne pensait certainement pas comme vous sur ces questions fondamentales qui tiennent au respect des uns et des autres. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Gérard Larcher. Vous n’allez tout de même pas l’interpréter !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à dire la vérité,…
    M. Bruno Sido. Oh !
    M. Henri de Raincourt. Votre vérité !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … parce que cette vérité existe et que l’on n’a pas le droit de bafouer l’article 1er de la Constitution.
    M. Alain Gournac. Vous n’avez pas le droit d’insulter ainsi un sénateur !
    M. le président. Monsieur le président de la commission, je vous en prie.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a entre nous des différences politiques, mais aussi des différences qui tiennent au fond des choses.
    Rappels au règlement

    M. Bruno Retailleau. Je demande la parole, monsieur le président.
    Article 4
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Rappel au règlement (suite)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement. Pour un fait personnel, je n’aurais pu en effet vous donner la parole qu’à la fin de la séance.
    M. Bruno Retailleau. Ce qui se passe est insupportable ! Dans un premier temps, dès lors qu’on s’inscrivait en faux sur le texte, on était traité d’homophobes.
    Tout à l’heure, malgré les interruptions, j’ai cité un philosophe grec, en m’adressant à une collègue qui est Verte – je suis désolé, c’est sa couleur politique (Mme Esther Benbassa s’exclame.)…
    M. Jean-Pierre Raffarin. Elle le revendique ! C’est son nom !
    M. Bruno Retailleau. Les couleurs vestimentaires, peu importe ! Elle a une couleur éclatante, peu importe ! Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Vous voudriez nous faire croire que nous avons d’autres pensées !
    M. François Rebsamen. Il a dérapé, ça arrive !
    M. Bruno Retailleau. Franchement, il est possible d’échanger tous les arguments, mais faire penser que, parce que quelqu’un est d’une autre couleur, d’une autre religion,…
    Mme Esther Benbassa. La religion maintenant !
    M. Bruno Retailleau. … ou quoi que ce soit d’autre, je serais capable de lui manquer de respect, je ne peux le tolérer !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne sont pas dignes !
    M. Bruno Retailleau. Toutes celles et ceux qui me connaissent – je suis élu depuis vingt-cinq ans – savent…
    Mme Catherine Troendle. C’est vrai !
    M. Bruno Retailleau. … ce que je pense. Mes écrits, mes discours peuvent en témoigner, et je défie quiconque de montrer le moindre écart, le moindre manque de respect à la dignité de qui que ce soit, au cours de ces vingt-cinq années de carrière politique !
    M. François Rebsamen. Vous parlez trop ! C’est la fatigue !
    M. Bruno Retailleau. J’ai toujours fait preuve de respect, quelles que soient la couleur de peau, la religion, la culture, et je défie quiconque de montrer l’inverse !
    Lorsque nous nous exprimons, nous devrions pouvoir le faire avec la force de nos convictions, sans risquer d’être maltraités. Monsieur le président, je vous remercie de faire respecter la police de l’assemblée, pour assurer la sérénité de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
    M. le président. Monsieur Retailleau, je veille à la sérénité de l’assemblée.
    Je vous donne acte de votre rappel au règlement.
    La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour un rappel au règlement.
    Rappel au règlement (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4 (suite)
    M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mes chers collègues, je trouve les propos de notre collègue Retailleau extrêmement graves. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Pour des raisons évidemment liées à vos interventions redondantes et répétitives, ce qui, au passage, n’honore pas du tout la Haute Assemblée,…
    M. Alain Gournac. Laissez-nous faire !
    M. Gérard Longuet. Qu’en savez-vous, mon cher collègue ?
    M. Jean-Vincent Placé. … et à votre stratégie d’obstruction, d’occupation du temps, que l’on ne comprend pas trop, d’ailleurs, car jamais un argument nouveau n’est avancé (Protestations sur les travées de l’UMP.) dans nos discussions depuis quelques heures, voire quelques jours,…
    M. Gérard Cornu. Vous n’êtes pas là !
    M. Jean-Vincent Placé. … nous avons la sagesse, dans la majorité présidentielle, gouvernementale et parlementaire, de nous taire (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), alors que nous sommes l’objet de provocations idéologiques, culturelles et philosophiques que vous portez.
    C’est une chose d’entendre ce type de propos, c’en est une autre d’entendre notre collègue Retailleau dire – je cite ses propos qui ont motivé mon rappel au règlement – : « Nous ne sommes pas de la même couleur politique et, d’ailleurs, nous ne sommes pas de la même couleur ».
    Monsieur Retailleau, tels sont, in extenso, vos propos.
    M. Bruno Retailleau. C’est faux !
    M. Jean-Vincent Placé. Il est scandaleux de tenir de tels propos ! Aussi, je vous demande non pas des explications – vous venez d’ailleurs de tenter maladroitement de vous justifier dans une diatribe –, mais des excuses ! (Oh ! sur les travées de l’UMP.) C’est le sens du rappel au règlement que je fais au nom du groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
    Mme Sophie Primas. Vous souhaitiez être vu à la télévision : c’est fait !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de faire en sorte que la sérénité revienne dans l’hémicycle.
    Un sénateur du groupe UMP. Très bien !
    M. le président. Monsieur Placé, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
    Rappel au règlement (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4 bis
    Article 4 (suite)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 159 :
    Nombre de votants 338
    Nombre de suffrages exprimés 338
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 176
    Contre 162
    Le Sénat a adopté.
    Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour quelques instants.
    M. Bruno Retailleau. Je suis attaché à la sérénité de nos débats. Je tiens donc à réaffirmer solennellement que, tout à l’heure, lorsque je me suis adressé à ma collègue, qui, d’ailleurs, ne cessait pas de m’interrompre,…
    M. Alain Gournac. Ah oui !
    M. Bruno Retailleau. … j’ai simplement visé la différence de couleurs politique et vestimentaire. Si vraiment il y avait une ambiguïté, je la lève tout de suite !
    Nous nous côtoyons tous les jours, nous sommes presque voisins de bureau. Aucun de mes actes ni de mes propos ne vise la dignité d’un être humain, quel qu’il soit ou quelle qu’elle soit. Tous ceux qui me connaissent, tous ceux qui travaillent avec moi le savent parfaitement ! Au sein de la commission, des relations de courtoisie existent…
    M. Jean-Louis Carrère. Qu’elles continuent !
    M. Bruno Retailleau. Il ne doit donc pas y avoir d’ambiguïté. De grâce, n’instrumentalisons pas ce genre d’incident,…
    Un sénateur du groupe UMP. Voilà ! Très bien !
    M. Bruno Retailleau. … ce n’est pas bon pour la sérénité des débats, ni pour la cause que, de chaque côté de cet hémicycle, nous souhaitons défendre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Dont acte, monsieur Retailleau.
    Nous en revenons au débat.
    La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec l’article 4 bis, nous allons changer de sujet et passer à l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Je voulais donc intervenir auparavant, pour répondre à deux questions posées au sujet de l’article 4, l’une, par M. le ministre Longuet – il a été ministre, je n’y suis pour rien, ce n’est pas moi qui l’ai nommé ! (Sourires.) –, et l’autre, par Mme la sénatrice Des Esgaulx. J’ai manqué de réactivité en ne demandant pas la parole avant l’ouverture du scrutin sur l’article 4 et je vous prie de m’en excuser.
    Monsieur le ministre Longuet, vous m’avez demandé de vous confirmer que « parents » signifie « père et mère ». Vous savez bien que le mot « parent » figure déjà dans le code civil et qu’il ne désigne pas uniquement le père et la mère.
    J’ai fait vérifier par mes services le nombre d’occurrences de ce mot. À l’Assemblée nationale, j’avais déjà rappelé que nous n’avions pas touché au titre VII du code civil, sur la filiation. Toutes les occurrences de « père et mère » dans ce titre demeurent telles quelles, non pas parce que nous aurions reculé devant la difficulté, mais parce que nous n’avions aucune raison de les modifier.
    Au titre VIII figurent déjà des occurrences du mot « parent » et je les ai fait dénombrer pour que vous constatiez que je tiens à répondre très sérieusement à votre question, que je ne me contente pas d’affirmer une chose sans la vérifier. Dans la version actuelle du code civil, puisque le texte dont nous discutons n’est pas encore adopté ni promulgué, le mot « parent » apparaît deux fois à l’article 345–1, deux fois à l’article 348–3, une fois aux articles 348–6, 349, trois fois à l’article 350 et une fois à l’article 351. Au titre IX, ce mot apparaît à l’article 371–1, alinéa 3, aux articles 371–2, 372–2, 373–2 et dans quelques autres.
    Nous ne nous livrons donc pas à une innovation sans précédent : le code civil contient déjà de nombreuses occurrences du mot « parent ».
    Il ressort des propos qu’un certain nombre d’entre vous ont tenus que vous nous reprochez de ne pas suffisamment tenir compte de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Je vous rappelle que la France a ratifié cette convention et qu’elle l’applique sérieusement – ne laissons pas croire, à l’occasion de ce débat, que notre législation ne serait pas protectrice de l’enfant ! Ce n’est pas parce que, dorénavant, les couples de personnes de même sexe peuvent se marier que les enfants sont tout d’un coup en danger ! Notre droit est solide et des magistrats, en chaque circonstance où ils sont appelés à le faire, veille à faire respecter l’intérêt des enfants et à protéger leurs droits.
    Les enfants qui sont actuellement élevés par des familles homoparentales – il y en a déjà – sont dans une situation d’insécurité juridique et ce projet de loi va leur apporter une sécurité juridique. Quand les couples seront mariés, le fait que leur rupture soit arbitrée par un juge apportera une protection au membre du couple le plus vulnérable, le plus fragile, ainsi qu’aux enfants qui existent déjà dans ces familles. Ne laissez pas entendre que notre droit serait léger, fragile et ne protégerait pas les enfants ! Notre droit de l’enfant est solide et une institution de protection des enfants existe, puisque l’adjointe du Défenseur des droits est Défenseure des enfants.
    Notre droit est solide, notre code civil dit très clairement que les décisions doivent être prises dans l’intérêt des enfants : ne faisons pas comme si nous étions au commencement de tout et comme si rien n’existait !
    La question posée par Mme la sénatrice Des Esgaulx portait sur les documents d’état civil. M. le président Hyest a eu raison de rappeler que ces matières étaient réglementaires. Lorsque j’ai répondu à M. le sénateur Retailleau sur l’incompétence négative, j’ai rappelé jusqu’où allait la compétence du législateur en matière d’élaboration des règles, le relais étant pris par le pouvoir réglementaire ; j’ai notamment évoqué l’instruction générale relative à l’état civil. Bien que cette question relève du pouvoir réglementaire, il est tout à fait normal que les parlementaires souhaitent être éclairés.
    Depuis que la loi de 2005 a établi que les règles relatives au livret de famille étaient déterminées par arrêté, nous disposons, en France, d’un livret de famille unique pour toutes les familles, délivré à l’occasion du mariage ou de la naissance du premier enfant.
    Nous nous sommes très tôt posé la question de savoir comment serait présenté le futur livret de famille. Deux options étaient possibles : soit créer trois livrets de famille distincts, un pour les couples hétérosexuels, un pour les couples de femmes et un pour les couples d’hommes ; soit maintenir un livret unique, avec les trois options possibles.
    Nous avons procédé à de nombreuses consultations et étudié ce qui se faisait à l’étranger. Notamment avec l’Association des maires de France, nous sommes tombés d’accord pour retenir la seconde solution, c’est-à-dire le maintien d’un livret unique pour toutes les familles, en prévoyant des rubriques distinctes. En effet, depuis la loi de 2005 et la mise en œuvre du nouveau livret de famille, et c’était d’ailleurs assez largement le cas avant pour les actes d’état civil, nous ne sommes plus dans une écriture littérale, mais dans une écriture par rubriques.
    La Chancellerie travaille déjà avec les éditeurs de logiciels et les imprimeurs des livrets de famille pour définir un nouveau modèle. Nous aurons par conséquent un livret unique, comportant différentes rubriques qui seront renseignées par les services de l’état civil, en fonction des caractéristiques de la famille. Rien ne changera donc pour les livrets de famille des couples hétérosexuels.
    Si ces explications ne vous paraissaient pas suffisamment précises, je suis prête à en rediscuter avec la commission des lois, à l’occasion d’une séance de travail spécifique, même si ces règles relèvent du domaine réglementaire.
    Je tiens à rappeler que notre administration est très contrôlée, puisque tous nos formulaires sont soumis au Centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs, le CERFA. Je le répète, notre société est solide, toute une série de procédures d’élaboration et de contrôle font que les citoyens ne sont pas amenés à remplir une foule de formulaires extravagants, même si un certain nombre d’entre eux doivent être repensés, pour répondre à l’engagement de simplification administrative pris par le Premier ministre : il nous faut en effet remédier à une accumulation de formulaires portant sur les mêmes questions.
    J’ajoute un dernier mot. Madame Des Esgaulx, il me semble que vous n’avez pas apprécié le fait que j’exprime une déférence particulière à l’égard des anciens ministres. Je ne cherche aucunement à vous être désagréable ni à distinguer une hiérarchie ou une aristocratie au sein du Parlement. Reconnaissez cependant que les ministres ont une vie publique, nous avons donc davantage l’occasion, sans les fréquenter, de connaître leurs prises de position et l’action qu’ils ont menée. Je ne me livre donc pas à une appréciation de la valeur intrinsèque des uns et des autres : s’il vous était arrivé d’être ainsi exposée publiquement, j’aurais probablement eu l’occasion de saluer ce que vous auriez eu l’occasion de faire en qualité de ministre. Il me paraît tout simplement important de reconnaître que certaines actions ou prises de position, dans certaines circonstances, sont extrêmement courageuses et méritent d’être saluées.
    Encore une fois, égalité ne signifie pas identité. J’ai le même respect pour tous les sénateurs, mais je perçois bien chacune et chacun d’entre vous dans sa singularité. Cette appréciation vaut également pour mes anciens amis politiques, qui restent cependant des amis dans mon cœur et mon esprit. Je tenais donc à apporter cette précision, afin de ne pas créer de malentendu.
    Je me permets enfin de vous adresser un clin d’œil, madame Des Esgaulx, puisque je commence à vous connaître un peu, depuis le début de cette discussion. Je ne vous cacherai pas que, les premières fois que je vous ai entendue, j’ai été assez surprise…
    M. Gérard Longuet. Vous voulez dire : étonnée !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me rends compte, en effet, que votre ton est en général beaucoup plus véhément que le fond de votre propos ! (Rires sur les travées du groupe UMP.) Au début, je me demandais pourquoi vous sembliez fâchée, mais j’ai constaté que vos interventions comportaient toujours une argumentation et une démonstration. Seulement, votre ton pourrait faire croire à une certaine agressivité, alors que tel n’est pas le cas. Ces spécificités font incontestablement le charme et le mystère de chacune et de chacun ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Hélène Lipietz applaudit également.)
    Article 4 (suite)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Demande de vérification du quorum
    Article 4 bis
    I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance :
    1° Les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l’exception de celles du code civil, afin de tirer les conséquences de l’application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent ;
    2° Les mesures relevant du domaine de la loi permettant, d’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions mentionnées au 1° en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne Mayotte et les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    L’ordonnance prévue doit être prise dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi.
    II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 69 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 176 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche et Tandonnet, Mme Létard et MM. Capo-Canellas, Jarlier et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, permettez-moi de remonter dans l’histoire du Sénat.
    Je me souviens du temps où l’actuel président de la commission des lois, de concert avec le regretté Michel Dreyfus-Schmidt et d’autres collègues, tel Pierre-Yves Collombat, les uns et les autres rigoureusement hostiles à l’utilisation des ordonnances, se livraient à une défense âpre et convaincue des prérogatives du Parlement.
    Il est intéressant de voir qu’avec la réapparition des ordonnances il nous revient à nous, qui sommes maintenant dans l’opposition, d’endosser le costume qu’avaient autrefois revêtu les socialistes et d’attaquer les ordonnances. Cela démontre bien que, quand on est dans la majorité, on a un point de vue et que, une fois dans l’opposition, on en a nécessairement un autre !
    J’ajouterai, toutefois, qu’en ce qui nous concerne il est des cas où les ordonnances nous apparaissent nécessaires.
    Il en va ainsi, par exemple, dans le domaine de la codification, à l’exclusion, bien évidemment, du code de procédure pénale, du code pénal et du code civil. Je veux parler de codes et de matières très complexes, qui atteignent un degré de technicité incompatible avec l’organisation de véritables débats dans l’hémicycle.
    De même, nous avons estimé, à juste titre, que la nécessité d’aller vite pour combler des retards accumulés en matière de transposition de directives européennes ou de ratification de traités internationaux – sujets, là encore, très techniques – justifiait parfois le recours aux ordonnances.
    Dans le cas précis qui nous intéresse aujourd’hui, je m’interroge sur le bien-fondé de l’utilisation de l’article 38 de la Constitution.
    En effet, il s’agit là de revoir toute une série de textes qui n’ont pas été visés par le projet de loi que nous examinons. Peut-être allons-nous être aussi amenés à aller parfois dans l’inconnu tant l’argumentation développée en faveur du recours aux ordonnances me paraît faible.
    Pour toutes ces raisons, je pense absolument nécessaire de ne pas autoriser le Gouvernement à prendre l’ordonnance ici prévue mais de faire confiance au législateur pour modifier lui-même, normalement et en vertu de l’article 34 de la Constitution, les dispositions à appliquer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Le groupe centriste, qui est, par principe, hostile au recours aux ordonnances, l’est a fortiori sur un sujet aussi fondamental que celui qui nous occupe aujourd’hui. Avec cette ordonnance, il s’agit, en effet, ni plus ni moins, de donner au Gouvernement la possibilité de légiférer sur un sujet qui touche aux fondements mêmes de notre organisation sociale.
    Sans vouloir en rajouter dans les citations, je dois dire que je suis assez d’accord avec le député François Hollande qui, s’exprimant à l’Assemblée nationale le 8 juin 2005, voyait dans la procédure des ordonnances le moyen de flouer le Parlement et de renoncer à la confrontation démocratique et au débat. Je ne saurais mieux dire.
    Sur un sujet de cette importance, je considère qu’il n’est pas raisonnable d’ôter à la représentation nationale, à la représentation démocratique, la responsabilité du débat.
    Voilà pourquoi nous sommes hostiles à l’article 4 bis et en demandons la suppression.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements identiques nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter, qui tendent à supprimer l’article 4 bis.
    Après avoir voté l’article 1er sur le mariage, le Sénat vient d’adopter l’article 4. Ce dernier modifie le code civil en complétant le titre préliminaire par un article général qui pose le principe d’égalité.
    S’il avait fallu passer en revue tous les articles concernés, contenus dans des textes et codes différents, cela aurait pris, compte tenu de la longueur et de la densité des débats, beaucoup de temps, plusieurs mois peut-être !
    Il est donc tout à fait normal que le Gouvernement demande au législateur, qui a voté les principes, l’autorisation de prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur.
    Ces ordonnances présentent deux garanties pour le Parlement.
    D’abord, si le Gouvernement veut réintégrer l’ordonnance dans le domaine législatif - à mon avis, ce sera le cas, car le Gouvernement est prêt -, il nous demandera, après l’avoir prise dans un délai de six mois suivant la publication de la loi d’habilitation, de l’approuver par un projet de loi de ratification qui sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
    Vous le savez très bien, les projets de loi de ratification ont donné lieu, ici même, à des débats souvent très longs. Ce fut le cas, par exemple, lorsque le code du travail a été modifié par ordonnance. Il se trouve qu’un certain nombre d’articles n’avaient pas été codifiés à droit constant. M. Xavier Bertrand, alors au banc du Gouvernement, en était convenu et avait accepté un certain nombre d’amendements. La discussion prit un certain temps. Cette garantie, vous la retrouvez ici.
    Ensuite, supposons que le projet de loi de ratification ne soit pas présenté dans les délais, soit par inadvertance, soit en raison de bouleversements politiques ou autres, ce qui est déjà arrivé : les textes adoptés seraient alors caducs et pourraient, en tant que tels, être attaqués à tout moment devant le Conseil d’État.
    L’article 4 bis me paraît donc présenter toutes les garanties et permet, à mon sens, d’améliorer d’autant la lisibilité du projet de loi.
    Je laisse maintenant à Mme le garde des sceaux le soin de vous donner les explications détaillées que je ne suis pas en mesure de vous fournir, notamment quant à l’état d’avancement des travaux du Gouvernement pour modifier un certain nombre de textes, dans le prolongement de l’article 1er du projet de loi.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
    Nous savons que les deux chambres du Parlement refusent farouchement de se voir dépossédées de l’élaboration de la loi et de transférer cette responsabilité à l’exécutif.
    Cette préoccupation est une constante dans l’histoire d’un Parlement qui a toujours vigoureusement contesté un tel transfert. J’y suis d’autant plus sensible que j’ai moi-même été parlementaire et que j’ai, dans ce cadre, bataillé contre les ordonnances. J’entends donc votre protestation, mesdames, messieurs les sénateurs.
    Je rappelle simplement que l’article 38 de la Constitution a introduit des conditions très strictes pour encadrer le recours aux ordonnances en ce qu’il impose le dépôt d’un projet de loi de ratification dans un délai très précis. Le Parlement a ainsi la possibilité de discuter du contenu des ordonnances et, par conséquent, de contester éventuellement certaines des dispositions prises. La Constitution apporte donc une garantie solide au législateur, qui, loin d’être dépossédé de son pouvoir, en voit simplement l’exercice différé de quelques mois.
    Je rappelle à M. le doyen Gélard que le Gouvernement sera habilité non pas à élaborer des règles mais à procéder, dans les six mois de la publication de la loi, aux coordinations nécessaires dans tous les codes, à l’exception de celles qui concernent le code civil et qui demeurent de la compétence du Parlement.
    Donc, le Parlement n’est pas dépossédé de ses prérogatives.
    Nous serons en mesure de tenir les délais, puisque le travail a été fait lors de la première phase d’écriture du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Les ordonnances font partie de ce parlementarisme rationalisé que nous avons voulu instaurer en 1958. L’usage que nous en avons fait a en général été critiqué par l’opposition et défendu par la majorité, comme il se doit.
    Il est évident que les ordonnances de l’article 38 participent au bon fonctionnement de nos institutions.
    Y a-t-il, derrière notre opposition, car je soutiens l’amendement du doyen Gélard, un jeu politique ? La réponse est non ! Absolument pas !
    La matière sur laquelle nous travaillons aujourd’hui, et nos débats le démontrent très largement, est horriblement complexe. On comprend bien votre volonté initiale ; vous avez le sentiment que l’adoption de l’article 1er a fixé définitivement et globalement une orientation. Or nous découvrons en fait – ce n’est pas un grief contre les travaux de la commission, tant le sujet est complexe –, au fur et à mesure de l’avancement de nos débats, toute une série de complications.
    J’aurais pu ne pas intervenir puisqu’il est clairement dit par l’article 4 bis que tout ce qui est lié au code civil ne sera pas dans le champ de l’habilitation. Tant mieux ! En revanche, tout le reste, notamment cette dimension sociale et sociétale du mariage, peut être traité par ordonnance.
    Vous nous renvoyez à des débats ultérieurs. Or nous aimerions dès aujourd’hui pouvoir mesurer les implications de ces changements. En effet, le rythme, sinon expéditif, en tout cas, accéléré de nos travaux sur un sujet de société primordial fait que l’opinion, qui découvre les choses, s’interroge, à juste titre, à travers ses parlementaires.
    J’évoquais à l’article 4 le concept de « parents ». Vous balayez notre inquiétude en disant que tout ce qui est lié au code civil ne sera pas traité par ordonnance.
    Nous aurons pourtant à décliner le changement apporté au code civil dans différents domaines qui ne relèvent absolument pas de ce code, qu’il s’agisse, par exemple, de prestations sociales, de logement, d’éducation, de responsabilité fiscale des uns et des autres. Et nous allons être privés de ce débat.
    Je prendrai en outre deux exemples de ces dispositions que nous découvrons, chemin faisant, mais que la commission n’a pas traités définitivement, alors qu’ils seront concernés par l’ordonnance bien que relevant par nature du code civil.
    Il s’agit d’abord des ascendants, lesquels sont des « parents » au sens du langage commun, mais pas des « géniteurs », pour reprendre la formule employée par Hugues Portelli.
    Or ces ascendants sont impliqués dans la modification du code civil issue de l’article 4 du projet de loi. L’adoption est désormais autorisée si les ascendants ne manifestent aucun intérêt ou s’ils n’ont pas manifesté clairement un intérêt pour l’enfant - en l’occurrence, il s’agit du petit-fils ou de la petite-fille, puisque l’on saute une génération. L’adoption dudit enfant peut donc avoir lieu sans leur intervention.
    Ce débat relève-t-il du code civil ? Oui ! Ne relève-t-il que du code civil ? Non ! L’ordonnance risque de créer des situations de fait avant même que nous n’ayons débattu des conséquences de ces dispositions sur le code civil – même si nous avons vocation à en parler à un autre moment.
    Je prendrai brièvement un second exemple.
    M. Jean-Louis Carrère. Oui, il est temps de conclure !
    M. Gérard Longuet. Vous avez renvoyé la GPA à un texte à venir sur la famille. Ce texte, nous aimerions qu’il soit examiné avant que l’ordonnance ne soit prise. En effet, si nous parlons de la GPA et de la PMA dans le projet de loi sur la famille, cela va avoir toute une série de conséquences dans des domaines qui relèvent manifestement de l’ordonnance que vous nous proposez.
    C’est la raison pour laquelle nous allons nous opposer à cet article. Notre opposition, qui n’est pas de principe, se justifie parce que nous souhaitons avoir une vision d’ensemble. Cette vision, nous l’aurons à l’occasion du débat sur la famille, qui permettra de revenir sur des aspects du code civil jusqu’à présent traités très superficiellement.
    Par ce vote négatif, nous souhaitons non pas condamner le système des ordonnances, mais signifier que ces dernières ne devraient être prises qu’après un examen approfondi par le Parlement des conséquences d’ensemble du vote de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela a été dit, vous l’avez repris les uns et les autres, le Parlement n’aime guère être dessaisi de ses prérogatives. C’est vrai, il y a une propension – pas forcément de ce seul gouvernement ! – à vouloir légiférer par ordonnances.
    Je reprends ce que disait tout à l’heure le doyen Gélard. Dès lors qu’il s’agit de la transcription d’un texte qui s’impose à nous – directives européennes ou autres – de toute façon, notre marge de manœuvre est epsilon. Si le recours aux ordonnances peut nous laisser plus de temps pour examiner d’autres textes, importants pour la société, j’y suis favorable ; de toute façon, on ne peut rien modifier dans ces cas-là.
    Mais il en va différemment quand il s’agit d’un texte aussi fondamental que le présent projet de loi, dont nos discussions montrent qu’il va modifier la société en profondeur. En outre, il ne fait pas l’objet de l’engagement de la procédure accélérée, ce qui signifie qu’il nous reviendra.
    Madame le garde des sceaux, ce texte aura manifestement des incidences qui n’ont pas été encore totalement recensées. Pourquoi ne pas mettre à profit ce temps supplémentaire que nous offre la navette pour demander à vos services de travailler sur ces questions et pour nous proposer en deuxième lecture des amendements intégrant des éléments d’évolution que nous pourrions adopter ? Après tout, c’est une possibilité ouverte au Gouvernement, à défaut de l’être toujours au Parlement.
    Je ne suis pas juriste, madame le garde des sceaux ; je parle donc simplement, et vous pouvez me reprendre si mes propos sont inexacts. Toutefois, il me semble que, lorsque le Gouvernement légifère par ordonnances, le Parlement ne dispose d’aucune marge de manœuvre et ne peut que se prononcer pour ou contre. Mieux vaudrait, sur ce texte dont chacun peut mesurer les enjeux, que vous nous proposiez des amendements et, disant cela, je m’adresse aussi à l’ensemble de nos collègues.
    Dès lors que le texte a été adopté en première lecture par la majorité, le fait de nous soumettre un ou plusieurs amendements visant à prendre en compte les évolutions qui s’imposeront nous permettrait d’en débattre à nouveau, voire d’apporter nous-mêmes des modifications.
    Ce serait de bon sens, madame le garde des sceaux, car la démarche nous permettrait d’appréhender les conséquences de ce texte, en faisant la part des dispositions nécessaires et des points susceptibles d’être modifiés, sans pour autant que nous prenions du retard.
    Puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée, et puisqu’une deuxième lecture aura lieu, pourquoi ne pas procéder de cette façon ? Ce serait plus démocratique. Sur un projet de loi d’un tel enjeu, cela me paraîtrait – permettez-moi de répéter ces mots que j’aime bien, même s’ils sont de moins en moins traduits en actes – de bon sens !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je n’ai pas d’objection de principe à l’habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement pour modifier, par voie d’ordonnance et pendant une durée limitée, la législation en vigueur. Comme le rappelait notre collègue Gérard Longuet, c’est un apport de la Constitution de la Ve République.
    Toutefois, et bien que le principe en soit admis, il convient de ne recourir aux ordonnances que lorsque le contexte le justifie.
    Je relève qu’au fil des décennies l’interprétation de l’article 38 de la Constitution a été de plus en plus extensive. Il portait à l’origine, nous ne devons pas l’oublier, sur la seule exécution du programme du Gouvernement, ce qui avait un sens fort dans l’esprit des constituants : il s’agissait de mettre en œuvre, dans un délai limité, un train de réformes très importantes pour faire face à l’urgence imposée par les circonstances.
    Le Gouvernement pourrait ainsi nous annoncer, aujourd’hui, qu’il souhaite légiférer par ordonnances pour faire face aux très graves difficultés économiques et sociales que nous rencontrons. Nous aurions certes le droit de lui refuser l’exercice de ce droit, mais le Gouvernement serait, alors, tout à tout à fait dans l’esprit de l’article 38. On pourrait d’ailleurs se demander si le Gouvernement ne devrait pas y recourir en la matière ; mais c’est un autre débat...
    En revanche, s’il s’agit d’utiliser les ordonnances pour des raisons qui tiennent à la complexité juridique et au détail de changements législatifs auxquels on n’a pas encore réfléchi, mais dont on a l’intuition qu’il serait complexe et trop long d’en délibérer au Parlement, alors la situation est tout autre !
    Je crains fort que nous soyons, en l’occurrence, dans ce dernier cas de figure : sans savoir exactement ce que l’on veut faire, on dessaisit à l’avance le Parlement de son droit de délibérer, de crainte que le débat ne soit trop long et trop compliqué. Je remercie le Gouvernement, ou plutôt la commission, de vouloir nous épargner, mais notre devoir serait, bien au contraire, de délibérer dans le détail des questions qui seront soulevées.
    Mais je laisse de côté le principe et je reviens sur ses modalités d’application.
    On peut certes, et j’ai souligné mon attachement à l’article 38 de la Constitution, vouloir légiférer par ordonnances, mais dans un cadre qui a été déterminé avec précision par le texte d’habilitation.
    Or que lit-on dans le texte qui nous est proposé ? On nous demande en quelque sorte de signer un chèque en blanc, dans la mesure où l’on ne nous dit pas sur quelles lois porte l’habilitation. Il s’agirait en effet de « l’ensemble des dispositions législatives en vigueur », bref, de toutes les lois, ou de n’importe lesquelles !
    Je n’ai vraiment pas envie d’habiliter le Gouvernement à légiférer sur n’importe quelle loi, ce qui pose d’ailleurs un problème juridique très important. Je veux bien, en revanche, l’habiliter à modifier des textes précis – tel chapitre d’une loi votée en 1967 ou en 1972, par exemple – qu’il s’agit, à l’avance, d’adapter à de nouvelles dispositions législatives votées par le Parlement. Dans ce cas, en effet, je serai à même de vérifier le bien-fondé de sa demande.
    Dans le cas contraire, si le Gouvernement ne précise pas sur quels textes porte l’habilitation et quelles en sont les modalités, je ne peux qu’avoir le sentiment de l’habiliter d’une manière générale, presque universelle, à changer toute loi, dans des conditions qu’il ne m’est pas possible de prévoir.
    Je veux donc bien discuter du principe du recours aux ordonnances, même si nous sommes bien loin des motifs originels qui justifiaient l’application de l’article 38. Toutefois, s’agissant des modalités, je ne peux accepter que le Parlement accorde au Gouvernement, de manière totalement indéfinie, un pouvoir général lui permettant de modifier des lois qui ne sont même pas nommées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Louis Carrère. C’était très intéressant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
    M. Hugues Portelli. Je précise, dans le prolongement des propos de Philippe Bas, qu’il n’est pas suffisant, selon moi, de prévoir une exception pour les dispositions du code civil, ainsi que le prévoit l’article qui nous est proposé, et ce pour une raison très simple : le droit civil ne se limite pas à ce qui figure dans le code civil !
    Par ailleurs, il est de tradition que le Parlement, et en particulier le Sénat, répugne à laisser modifier par ordonnances des dispositions qui relèvent du droit civil.
    Je sais bien qu’il y a eu un précédent, sous le gouvernement Villepin, qui portait sur un sujet assez grave puisqu’il s’agissait de filiation. Nous avions d’ailleurs été nombreux, y compris de ce côté-ci de l’hémicycle, à protester contre le recours de l’article 38 dans ce genre de cas.
    Je partage l’avis de notre collègue centriste. À titre personnel, je suis contre le recours à l’article 38, y compris dans les domaines qui ne relèvent pas du droit civil.
    Je citerai, pour illustrer ce propos, le récent débat que nous avons eu ici même sur le harcèlement sexuel. Il arrive en effet très souvent, et même systématiquement, que l’on utilise l’article 38 pour transposer des directives européennes.
    Certes, je sais bien que la France figure à l’avant-dernier rang pour la transposition des directives, ce qui n’est pas très glorieux, et que le recours aux ordonnances est un moyen d’accélérer la procédure. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une erreur très grave.
    Le droit européen, en effet, n’existe pas. Il n’est qu’un mélange des droits anglais, allemand, français et italien. Le problème se pose alors très souvent, au moment de la transposition des directives, de la traduction dans le droit français de concepts qui viennent d’autres pays.
    Or il arrive que cette traduction ne soit pas possible. Ainsi, dans le texte sur le harcèlement sexuel auquel je faisais allusion, et que nous avons examiné voilà quelque mois, figurait le mot « environnement ». Or, en anglais, environment signifie le cadre, ou le climat social et familial. Cela n’a pas du tout le même sens que le mot français ! Nous avons donc bataillé, de façon au demeurant fort sympathique, pour savoir quel terme utiliser, et nous avons finalement décidé que l’on ne toucherait pas au mot « environnement ».
    Il n’est donc pas bon de recourir aux ordonnances lorsqu’il s’agit de faire un travail juridique précis, cas de figure dans lequel nous nous trouvons en l’occurrence. Je vous le redis très franchement, c’est une erreur !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avant que nous passions au vote sur ces amendements, je tiens à rassurer MM. Revet et Bas.
    L’habilitation est exigeante, notamment depuis la révision de la Constitution de 2008, qui fut bonne en cela (Ah ! sur les travées de l’UMP.) : non seulement le Gouvernement doit déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification, mais encore les dispositions deviennent caduques si aucun texte de ratification n’a été déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, ici dans les trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
    Nous avons donc la garantie d’être saisis d’un projet de loi de ratification, que les parlementaires conservent tout pouvoir d’amender.
    Nous l’avons d’ailleurs déjà fait – je ne sais si vous étiez alors sénateur, monsieur Bas, mais je parle sous le contrôle de Mme Dini, alors présidente de la commission des affaires sociales ! – pour la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».
    Le Parlement avait alors autorisé le Gouvernement à modifier par ordonnances l’ensemble des textes qui étaient impactés par la nouvelle législation. Les ordonnances ont alors été publiées, puis le projet de loi de ratification a été présenté au Sénat, qui l’a modifié. En effet, le Gouvernement a accepté un certain nombre d’amendements, dont certains avaient été déposés par la commission des affaires sociales, et tout s’est passé le mieux du monde. Il en sera exactement de même si le présent article est adopté ! (M. le président de la commission des lois applaudit.)
    Demande de vérification du quorum

    Article 4 bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Vérification du quorum (début)
    M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques de suppression nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter.
    Mes chers collègues, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum.
    En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
    Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
    Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
    (L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. David Assouline, Bertrand Auban, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Jean-Pierre Caffet, Pierre Camani, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Luc Carvounas, Félix Desplan, Claude Domeizel, Vincent Eblé, Mmes Anne Emery-Dumas, Frédérique Espagnac, M. Jean-Jacques Filleul, Mmes Bariza Khiari, Virginie Klès, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Claude Leroy, Roger Madec, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Pierre Michel, Mme Danielle Michel, MM. Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Thani Mohamed Soilihi, Mme Renée Nicoux, M. Jean-Marc Pastor, Mme Gisèle Printz, M. François Rebsamen, Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, MM. Yannick Vaugrenard, Michel Teston et Hervé Poher.)
    M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
    Vérification du quorum

    Demande de vérification du quorum
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Vérification du quorum (interruption de la discussion)
    M. le président. Mes chers collègues, la vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Cependant, l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification, pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
    Je vais procéder à la vérification du quorum et j’invite donc Mme Catherine Procaccia et M. Gérard Le Cam, secrétaires de séance, à venir m’assister.
    (La vérification du quorum a lieu.)
    M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
    En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Aussi, conformément au règlement, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement. Nous reprendrons ensuite la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, avec le vote sur les deux amendements identiques de suppression de l’article 4 bis.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    M. le président. La séance est reprise.
    Vérification du quorum (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    3
    QUESTIONS D’ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
    Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
    Je demande à chacune et à chacun de se plier à cette règle, qui est absolument nécessaire au bon déroulement des questions d’actualité.
    TIBET

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
    M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
    Madame la ministre, le Président de la République effectuera son premier voyage officiel en Chine les 25 et 26 avril prochain. Nous ne disposons pas encore d’un ordre du jour précis, mais il semble que ce déplacement vise notamment à stimuler les relations commerciales entre nos deux pays.
    De fait, ce sont là des enjeux importants. Ils ne doivent cependant pas en occulter d’autres, en particulier ceux qui se rapportent au respect des libertés civiles et des droits humains, auxquels notre pays a toujours été très attaché.
    À ce sujet, et sans réduire la question des libertés en Chine à ce seul point, la situation actuelle du Tibet est particulièrement préoccupante.
    Depuis le mois de février 2009, 112 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre les atteintes graves aux droits humains au Tibet. Ce décompte macabre évolue malheureusement de jour en jour. Il traduit le désespoir absolu d’un peuple qui refuse de voir sa culture et son avenir annihilés.
    Depuis de nombreux mois, l’accès à cette région est totalement fermé aux étrangers, qu’il s’agisse de diplomates, d’organisations humanitaires, de journalistes ou de simples voyageurs.
    Inquiet de cette situation, le Sénat, à l’initiative de son groupe d’information internationale sur le Tibet, a adopté le 27 novembre dernier une résolution européenne relative à l’action européenne en faveur de la protection des droits des Tibétains.
    Cette résolution met notamment l’accent sur un recours disproportionné à la force face aux manifestations au Tibet et sur l’impasse actuelle des pourparlers entre le gouvernement chinois et les émissaires du dalaï-lama. Elle demande au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de confier au Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, M. Lambrinidis, un mandat pour faire de la question tibétaine une priorité de son action.
    La France n’est pas la seule à se préoccuper ainsi de la situation au Tibet. Plusieurs autres pays ont également voté des résolutions allant dans le même sens.
    Cette semaine, lors d’un voyage officiel en Chine, la Première ministre australienne n’a pas manqué d’exprimer auprès du président Xi Jinping sa vive préoccupation quant au respect des droits de l’homme en Chine, au Tibet en particulier.
    Madame la ministre, ma question porte sur trois points précis.
    Premièrement, le Président de la République entend-il lui aussi évoquer avec son homologue chinois la question des droits de l’homme en Chine et à l’intérieur du Tibet ?
    Deuxièmement, le Président de la République est-il favorable à une médiation européenne, ainsi que le propose le Sénat dans la résolution précitée ?
    Troisièmement, enfin, le Président de la République envisage-t-il, dans un avenir proche, de recevoir le dalaï-lama en France ou, à tout le moins, M. Lobsang Sangay, Premier ministre du gouvernement tibétain en exil ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
    Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Laurent Fabius, retenu à la réunion des ministres des affaires étrangères du G8, à Londres.
    M. Jean-Claude Gaudin. Mais vous êtes enfin là !
    Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez raison, la vague d’immolations observée depuis le printemps 2011 dans les régions de peuplement tibétain en Chine suscite, partout dans le monde, émotion et tristesse.
    À cet égard, la France s’est exprimée publiquement pour faire part, systématiquement, de sa préoccupation profonde face aux récents développements, pour rappeler son attachement au respect des droits de l’homme, à la liberté de religion, à la liberté de conviction, ainsi qu’à la préservation de la culture et des traditions tibétaines.
    Monsieur le sénateur, en ce domaine, la position de la France est constante. Nous considérons que le dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama est la voie pour parvenir à une solution durable qui respecte pleinement l’identité culturelle et spirituelle tibétaine, et ce au sein de la République populaire de Chine.
    Le prochain déplacement du Président de la République en Chine sera l’occasion de renforcer notre dialogue et notre partenariat dans tous les domaines. Ce partenariat est global, il n’oublie aucun sujet, il porte sur tous les thèmes d’intérêt commun, et il va de soi que les droits de l’homme en font partie intégrante. Dans ce cadre, aucun sujet n’est exclu, toutes les questions seront abordées, dans un esprit de franchise et de respect mutuel.
    La situation des droits de l’homme en Chine, en particulier dans sa dimension tibétaine, est très régulièrement évoquée dans les institutions de l’Union européenne, ainsi qu’avec l’ensemble des États membres. L’Union européenne s’est d’ailleurs dotée d’un Représentant spécial pour les droits de l’homme.
    Par ailleurs, la situation du Tibet est mentionnée lors de chaque session du dialogue euro-chinois sur les droits de l’homme. Nous continuerons notre action, nous sommes décidés à le faire, de conserve avec chacun de nos partenaires européens.
    Enfin, sachez que, pour le moment, nous n’avons pas connaissance d’un projet de visite du dalaï-lama en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste.)
    RÉPONSES À APPORTER À LA CRISE ÉCONOMIQUE

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
    Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
    Une crise politique grave se déroule dans notre pays. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
    La démission du ministre délégué chargé du budget ainsi que ses aveux de malversations ont mis en évidence l’imbrication étroite entre la finance et le domaine public, y compris le champ politique. (Exclamations sur les mêmes travées.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
    Mme Éliane Assassi. Les sénatrices et les sénateurs communistes, qui ont déposé il y a près de trois ans, le 1er juillet 2010, une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, approuvent sans réserve les mesures qui permettront d’assurer la transparence et d’éliminer – c’est cela l’objet – l’influence néfaste des financiers et lobbyistes sur les choix politiques, économiques et sociaux.
    Un élu ne doit pas tirer un profit personnel de sa fonction. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un menteur sera toujours un menteur !
    Mme Éliane Assassi. La question de la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts se pose, certes. Reste à examiner de quelle manière, pour ne pas tomber dans une surenchère voyeuriste. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
    Mme Nathalie Goulet. Très bien !
    M. Rémy Pointereau. Excellente réaction !
    Mme Éliane Assassi. Dans leur immense majorité, les élus, qui se dévouent pour leur population, qui participent au débat politique et idéologique, n’ont rien et n’auront rien à craindre en la matière.
    Mme Isabelle Debré. Oui !
    Mme Éliane Assassi. Mais ce n’est pas tout. Les hésitations actuelles montrent bien que l’essentiel est ailleurs.
    En insistant sur le rôle des banques et la lutte contre les paradis fiscaux, le Président de la République a pointé un fait essentiel : c’est le libéralisme, la libre circulation de l’argent, des capitaux qui est source de dérive, source de corruption. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
    Trop longtemps, nous avons été seuls, au parti communiste et au Front de Gauche, avec quelques personnalités, à dénoncer l’argent roi, l’argent qui corrompt.
    Il est temps aujourd’hui d’affronter le monde de la finance, cet ennemi sans visage hier dénoncé.
    Mesdames, messieurs les ministres, montrer du doigt les banques est une bonne chose, car celles-ci profitent de la crise, vampirisent les États et les peuples, mais ce n’est pas suffisant. Il faut s’attaquer au système qui organise leur action. Seul un changement de cap, en France comme en Europe, peut redonner confiance aux peuples ; quelques mesures de transparence ne suffiront pas.
    L’affaire Cahuzac est un symptôme du triomphe du libéralisme en Europe. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Rémy Pointereau. C’est plutôt la gauche caviar !
    M. Gérard Cornu. Oui, plutôt !
    Mme Éliane Assassi. C’est la démocratie qui est moralement atteinte par le pouvoir de l’argent.
    Nous vous demandons d’en prendre conscience en stoppant l’austérité maquillée en sérieux budgétaire, en mettant enfin le cap sur la croissance, la politique industrielle durable et l’emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, vous m’avez posé une question à tiroirs (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) ...
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas une bonne image !
    M. Alain Gournac. Parlons plutôt de tiroirs-caisses !
    M. Jean-Marc Todeschini. Arrêtez !
    M. Pierre Moscovici, ministre. ... à laquelle j’apporterai d’emblée une nuance. Je ne crois pas et je ne peux pas laisser dire ici que nous soyons devant autre chose que la faute grave et impardonnable d’un homme.
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Permise par un système !
    M. Pierre Moscovici, ministre. Ce mensonge n’est le symptôme d’aucune autre chose ! Il n’est pas plus le symptôme d’une faute du Gouvernement que du libéralisme.
    Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr que si !
    M. Gérard Longuet. Merci pour le libéralisme !
    M. Pierre Moscovici, ministre. Il faut savoir établir les responsabilités au niveau où elles sont.
    Il n’en demeure pas moins que cette révélation a incontestablement créé un choc. C’est à ce choc que le Président de la République a voulu répondre hier par un autre choc, un choc de moralisation.
    Un sénateur du groupe UMP. Un choc chasse l’autre !
    M. Éric Doligé. Vivent les autos tamponneuses !
    M. Pierre Moscovici, ministre. C’est la raison pour laquelle il a souhaité que la transparence soit faite sur les patrimoines. Mais la transparence ne suffit pas : il faut aussi le contrôle (Exclamations sur les travées de l’UMP.), à travers une autorité indépendante, présidée par une personnalité incontestable. Et, au-delà de la transparence, il faut aussi la répression.
    Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogé sur la lutte contre certaines dérives de la finance. Cette lutte, nous avons commencé à la mener ici même. Je pense au vote de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, texte qui, pour la première fois, permet à un pays – et je ne parle pas seulement pour la France – de demander aux banques des informations sur leurs activités, leur chiffre d’affaires, dans tous les pays du monde, y compris dans les paradis fiscaux.
    M. Jean-Claude Gaudin. C’est déjà fait !
    M. Pierre Moscovici, ministre. Vous savez que le Président de la République a insisté fortement sur ce point.
    Il nous faut aller plus loin encore. En proposant, avec mes homologues allemand, italien, britannique et espagnol, l’adaptation d’un instrument qui existe aux États-Unis, le fameux FATCA, ou Foreign Account Tax Compliance Act, c’est-à-dire l’échange automatique d’informations, c’est ce que nous faisons.
    Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons loin, et même très loin !
    Enfin, madame la sénatrice, vous avez également évoqué dans votre question la politique économique que nous suivons. Je répète à la représentation nationale, au Sénat, que, contrairement à ce qui est affirmé ici, cette politique n’est pas une politique d’austérité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Je combats l’austérité en Europe, parce que je pense, en effet, que si l’Europe n’est qu’une discipline punitive, l’Europe ne convaincra pas ses peuples.
    M. Didier Guillaume. Très bien !
    M. Pierre Moscovici, ministre. En tant que ministre de l’économie et des finances, la politique que je mène, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, n’est pas une politique d’austérité. La politique que je mène va au rythme qui s’impose, donne les marges de manœuvre nécessaires et fait jouer les stabilisateurs automatiques quand la croissance est faible. Mais c’est une politique sérieuse qui passe par le désendettement.
    Comme l’a souligné le Président de la République hier, il y a un cap, c’est le sérieux ; il y a un objectif, c’est la croissance ; il y a une exigence, c’est l’emploi. Nous n’en dévierons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
    SITUATION À LA DGCCRF

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
    M. Robert Tropeano. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, la crise de la viande de cheval résulte de l’accumulation d’évolutions inacceptables au cours de ces dernières années, qui ont aussi conduit les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, à manifester samedi dernier à Paris.
    Il faut rappeler ici que ces agents ont joué un rôle crucial dans la révélation de ces fraudes, fraudes qui témoignent de pratiques peu scrupuleuses dans l’industrie agroalimentaire, mais aussi de carences dans les réglementations françaises et européennes.
    Ces agents accomplissent un travail remarquable qui mérite d’être salué. Or ils sont aujourd’hui gagnés par la colère et le découragement, et on peut les comprendre ! Depuis 2007, 560 postes ont été supprimés. Résultat, les 3 000 agents qui couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire national ne peuvent plus assurer correctement leurs trois missions essentielles, que sont la sécurité des consommateurs, leur protection économique et la régulation concurrentielle des marchés.
    Conséquence directe de la diminution drastique des moyens humains et financiers, le nombre de contrôles effectués par la DGCCRF est en chute libre, baissant de 13 % en 2012. Dans certains départements, le nombre d’agents a été divisé par plus de trois depuis 2009. Ainsi, dans l’Aude, département cher à nos collègues Roland Courteau et Marcel Rainaud, où les fraudes dans l’affaire de la viande de cheval ont été constatées, un seul agent est affecté aux contrôles alimentaires !
    La réforme de la DGCCRF enclenchée en 2008 a, de surcroît, conduit à une désorganisation totale des services. Les agents sont désormais répartis entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et des directions départementales de la protection des populations. À un organigramme particulièrement complexe s’ajoute l’absence de mise en réseau rapide et efficace des informations. Cette inertie, directement liée à la nouvelle organisation, affaiblit les conditions d’exercice des agents de la DGCCRF.
    C’est pourquoi il est indispensable non seulement d’accorder à ces agents des moyens supplémentaires, mais aussi d’engager un retour à une organisation plus efficace et cohérente. C’est une condition sine qua non pour permettre à la DGCCRF de remplir pleinement ses missions de service public, ô combien primordiales pour nos concitoyens.
    Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour permettre à la DGCCRF de fonctionner correctement et d’assumer pleinement ses missions de contrôle et de protection ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
    M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, votre question est double.
    Vous m’avez interrogé, d’une part, sur la nécessité de renforcer les effectifs de la DGCCRF, de façon à ce que ses agents remplissent correctement leur mission sur le terrain et soient en mesure d’effectuer les contrôles qui leur sont demandés.
    Vous m’avez interrogé, d’autre part, sur la manière de renforcer aujourd’hui les pouvoirs de cette administration pour qu’elle fasse mieux respecter les procès-verbaux qu’elle dresse et les injonctions qu’elle adresse aux différentes entreprises.
    La réalité, c’est que l’affaire de la viande de cheval a révélé la diminution de la présence des agents de la DGCCRF sur le terrain, conséquence d’un double mouvement, fruit notamment d’une mise en œuvre assez absurde de la RGPP, qui a entraîné une réduction de 16 % des effectifs au sein de cette direction au cours des cinq dernières années. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Éric Doligé. Et qui supprime les sous-préfectures ?
    M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, on peut vouloir mener une politique de réduction de la dépense publique sans pour autant être sots au point de renoncer à des choix aussi prioritaires que la protection des consommateurs contre la tromperie économique !
    C’est la raison pour laquelle je me réjouis que M. le ministre de l’économie et des finances ait demandé, pour l’année 2013, la stabilisation des effectifs de la DGCCRF, en dépit du fait que cette direction n’était pas prioritaire et que toutes les administrations devaient contribuer au financement des créations de postes dans la police, la gendarmerie et l’éducation nationale.
    Nous avons donc maintenu les effectifs, mais nous devons aussi subir les conséquences de la RéATE, c’est-à-dire la réforme de l’administration territoriale de l’État, que, là encore, le précédent gouvernement a souhaitée, et qui a séparé les missions en deux niveaux territoriaux distincts, et en deux départements interministériels distincts.
    En conséquence, nous avons aujourd’hui une désorganisation des services, une chaîne de commandement qui a été remise en cause et une baisse de 13,5 % des contrôles sur le terrain.
    Or la Commission européenne exige aujourd’hui des services de la DGCCRF qu’ils remplissent de nouvelles missions de contrôle.
    M. Gérard Cornu. Autrement dit, encore l’Europe !
    M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons nous-mêmes voulu que les filières viande et poisson soient mises sous surveillance après l’affaire Spanghero.
    C’est la raison pour laquelle nous souhaitons aujourd’hui que les effectifs de la DGCCRF soient revus et que l’organisation territoriale mise en œuvre dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, ou CIMAP, tienne compte des défauts qui ont été hérités du précédent gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
    Je me réjouis de constater que vous reconnaissez un tant soit peu vos erreurs, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.
    M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je suis sûr que vous nous soutiendrez quand il s’agira de renforcer les pouvoirs de la DGCCRF, vous qui êtes toujours champions pour donner des leçons ! (Brouhaha sur les travées de l’UMP.) Vous voterez certainement le projet de loi relatif à la consommation pour faire en sorte que, demain, nous ayons davantage de sanctions administratives et que nous puissions punir les entreprises qui fautent. Ainsi, grâce à vous, le crime arrêtera de payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations continues sur les travées de l’UMP.)
    SUITES DE L’AFFAIRE CAHUZAC

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. Philippe Marini. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Philippe Marini. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Pierre Moscovici. (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
    Serait-il possible que vous me laissiez parler durant deux minutes trente, chers collègues ?
    M. Alain Richard. Expliquez-vous sur la réserve !
    M. le président. Veuillez poser tranquillement votre question, mon cher collègue.
    M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, beaucoup d’entre nous pensent que les annonces faites cette semaine ne constituent qu’une simple diversion dans le contexte d’une situation très grave, que le Gouvernement n’arrive pas à gérer.
    En matière de lutte contre les excès des paradis fiscaux, ces annonces sont excellentes dans leur principe. Mais il faut aussi savoir utiliser les outils qui existent déjà.
    M. David Assouline. La réserve !
    M. Philippe Marini. Or, à la suite de la crise financière et des réunions du G20, le réseau de conventions internationales s’est perfectionné, avec notamment la signature d’un avenant à la convention qui nous lie à la Suisse, complété en février 2010 par un échange de lettres entre les directeurs des administrations fiscales suisse et française.
    M. Alain Richard. On le sait déjà !
    M. Jean-Marc Todeschini. Moralisez donc la réserve !
    M. Philippe Marini. Cet échange de lettres vous aurait permis, monsieur le ministre, d’interroger beaucoup plus largement que vous ne l’avez fait l’administration fiscale suisse pour savoir si, oui ou non, un certain docteur Cahuzac détenait bien, directement ou indirectement, des comptes en Suisse.
    Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous limité votre question à la seule banque UBS ? (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on encore sur certaines travées du groupe socialiste.)
    En second lieu, et alors qu’il était de notoriété publique, monsieur le ministre, que d’éventuels comptes en Suisse avaient pu être déplacés vers Singapour, pourquoi n’a-t-on pas utilisé la convention franco-singapourienne, qui date de la même époque et qui permettait de s’assurer de l’existence ou non d’un compte auprès de cet État ?
    M. Jean-Louis Carrère. Quand on donne des leçons, il vaut mieux être irréprochable !
    M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, les réponses que vous avez bien voulu m’adresser par écrit ne me semblent pas de nature à épuiser le sujet, d’autant qu’elles sont aujourd’hui éclairées par de nouveaux bruits, de nouvelles rumeurs, de nouvelles indications parues dans la presse (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, où l’on scande de nouveau : La réserve ! La réserve ! La réserve !) Ces nouveaux développements prouvent que cette affaire n’en est probablement qu’à ses débuts ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Marini, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évidemment lu et entendu toutes les questions, tous les raccourcis, toutes les simplifications sur ce que l’on appelle « l’affaire Cahuzac ».
    Je répète ici qu’il s’agit de la faute et du mensonge d’un homme, et non d’une responsabilité collective. Prenez garde de ne pas tomber dans ce type de dérives.
    J’ai en effet constaté que de nouvelles allégations étaient publiées ce matin dans un hebdomadaire classé à droite, et même très à droite, Valeurs actuelles. Ce sont ces allégations qui vous conduiront, cet après-midi, monsieur le président de la commission des finances, à vous rendre au ministère des finances - vous y êtes évidemment le bienvenu -, pour vérifier de quoi il s’agit.
    Mais je veux dire ici, avec la plus grande force et la plus grande fermeté, que ces allégations sont mensongères, et je les démens formellement. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je combattrai les mensonges, en me réservant la possibilité de leur donner des suites judiciaires.
    Pour le reste, je veux m’en tenir aux faits. Vous êtes certes légitime à m’interroger en votre qualité de président de la commission des finances, monsieur Marini, mais il est facile de réécrire l’histoire a posteriori.
    Il y avait bien, ici ou là, des analyses, mais une seule mise en cause existait, celle de Mediapart, qui affirmait que Jérôme Cahuzac aurait possédé, au début de 2010, un compte à la banque UBS, en Suisse, compte transféré par la suite à Singapour.
    C’est cette information-là, et elle seule, que l’administration fiscale a cherché à vérifier, à travers une convention d’entraide avec la Suisse.
    J’ai déjà répondu sur le champ de notre demande d’entraide.
    Nous avons interrogé la Suisse sur l’hypothèse de la détention d’un compte à la banque UBS, car nous n’avions pas à cette date d’éléments nous permettant de viser d’autres établissements financiers.
    Vous évoquez un avenant, monsieur Marini. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, il est plus restrictif que la convention en la matière, et ne permettait pas d’évoquer des circonstances ou des conditions exceptionnelles.
    Nous avons demandé aux autorités suisses de remonter loin dans le temps - aucun gouvernement ne l’avait fait avant nous -, jusqu’en 2006, date de la prescription fiscale.
    M. Albéric de Montgolfier. Il n’y avait pas eu de Cahuzac avant !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avions eu la bonne idée de ne pas le nommer ministre ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons interrogé les autorités suisses non seulement au sujet de M. Cahuzac, mais aussi au sujet d’éventuels ayants droit qui auraient pu servir d’intermédiaires ; nous avons demandé aussi s’il y avait eu des transferts.
    Sur tous ces points, je dis bien sur tous ces points, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse des autorités suisses fut claire, nette et précise,… et négative !
    Ensuite, tout a été transmis à qui de droit, d’abord à la police judiciaire, puisqu’il y avait une enquête en cours, ensuite, dès que vous l’avez demandé, à vous-même, monsieur Marini, en votre qualité de président de la commission des finances.
    Pour terminer, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de m’adresser à vous plus personnellement.
    Dans cette affaire, l’administration fiscale a fait tout ce qu’elle devait faire, tout ce qu’elle pouvait faire, dans le respect du droit, et c’est fondamental.
    M. François Rebsamen. C’est vrai !
    M. Pierre Moscovici, ministre. Comme toujours, elle a été remarquable, honnête, vigoureuse, rigoureuse.
    Prenons garde de ne pas transformer la faute d’un homme en attaque contre un gouvernement ou contre un ministre intègre. Prenons garde de ne pas salir cette administration qui est l’une des plus capables du monde, l’une des plus compétentes du monde, et que je suis fier aujourd’hui de diriger, avec Bernard Cazeneuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
    M. Pierre Moscovici, ministre. « Rien n’est blessant comme un reproche injuste », disait Sophocle. Mais, lorsque l’on n’a rien à se reprocher, on affronte les reproches avec fermeté. C’est précisément ce que je fais ! (De nombreux sénateurs sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE se lèvent et applaudissent longuement.)
    LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
    Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je vois que c’est M. Moscovici qui me répondra.
    En mars dernier, le Sénat a engagé, à la demande du groupe CRC, qu’il faut remercier, sous la présidence de Philippe Dominati et la houlette d’Éric Bocquet, excellent rapporteur, un travail remarquable, qui s’est soldé par la publication d’un rapport d’information de plus de 2 000 pages sur l’évasion et le fraude fiscales.
    Nos auditions ont été largement médiatisées et nul ne pouvait ignorer nos conclusions, en particulier les soixante et une mesures préconisées pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et contre les territoires non coopératifs, autrement dit, les paradis fiscaux.
    C’est ainsi que certains d’entre nous ont tenté, mais sans succès, d’insérer quelques dispositions issues de ce rapport lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de l’été, puis lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.
    Lors du débat que nous avons eu sur ce sujet au Sénat, le 3 octobre dernier, dans le cadre de la semaine de contrôle, c’est Mme Escoffier, remarquable ministre (Marques d’approbation sur les travées RDSE et de l’UMP.), mais non rattachée au ministère de l’économie et des finances, qui était au banc du Gouvernement, preuve sans doute de l’intérêt que Bercy porte à nos travaux !
    Aujourd’hui, l’affaire Cahuzac crée un climat maccarthyste qu’il ne faut à aucun prix alimenter par des mesures prises sous le coup de l’émotion.
    La question de la fraude fiscale, amalgamée à celle de la moralisation de la vie publique, engendre un climat délétère, regrettable pour tous les élus qui, dans leur très grande majorité, ont le sens de l’État et de l’intérêt général, et dont l’activité est déjà très encadrée.
    Ce n’est pas le cas de certaines banques ni de certaines entreprises, y compris celles dont l’État est actionnaire, qui usent et abusent de paradis fiscaux et de schémas d’optimisation fiscale en toute impunité.
    De ce point de vue, les annonces du Président de la République vont dans le bon sens.
    Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question simple et légitime, compte tenu de la qualité du travail accompli par la Haute Assemblée et du degré de frustration des membres de sa commission d’enquête, qui ont le sentiment de voir leur travail négligé. Pourquoi n’avez-vous pas pris le temps, depuis le mois de juillet, de mettre en application certaines mesures que nous préconisons dans notre rapport ? Beaucoup d’entre elles sont du domaine réglementaire, de bon sens et peu onéreuses.
    Un projet de loi est annoncé pour le 24 avril. Pouvez-vous nous en donner les détails et nous assurer qu’il prendra en compte le travail de la Haute Assemblée, marquant ainsi une volonté politique forte d’endiguer ce fléau qu’est l’évasion fiscale ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je vous remercie, madame Goulet, de ne pas contribuer à alimenter ce climat maccarthyste que vous décrivez, et qui peut en effet régner ici ou là.
    Je m’associe aux compliments que vous adressez à Mme la ministre chargée de la décentralisation, Mme Escoffier, et au sénateur Éric Bocquet, qui a en effet accompli, avec Philippe Dominati, un travail absolument remarquable, dont M. le Premier ministre s’est d’ailleurs entretenu ce matin même avec les élus communistes.
    Nous tirons bien évidemment les leçons de ces travaux. Il n’est pas exact de dire que le Gouvernement n’a pas agi, mais il est vrai de dire qu’il agira encore plus fort dans les temps qui viennent pour renforcer les outils de lutte contre l’évasion fiscale.
    Je voudrais d’abord rappeler les mesures que nous avons prises, qui vont dans le sens de vos propositions.
    Dans la loi de finances rectificative de la fin de l’année dernière, nous avons fait voter un paquet de mesures contre la fraude, par exemple la taxation d’office, à 60 %, des sommes détenues à l’étranger non justifiées, mais aussi l’accès facilité aux relevés bancaires des contribuables qui ont omis de déclarer des comptes bancaires ou des contrats d’assurance vie à l’étranger.
    L’objectif assigné à toutes ces mesures, et qui a été voté, est d’accroître de un milliard d’euros le rendement de l’action des services fiscaux.
    Il faudra bien entendu aller plus loin, et vos propositions y contribuent. Je pense à la lutte contre le blanchiment, qui me semble déterminante.
    Dans le cadre de la loi bancaire – je me souviens d’ailleurs que vous avez largement participé au débat au Sénat, madame Goulet –, nous avons déjà pris une décision forte s’agissant des paradis fiscaux. Le Président de la République a annoncé hier qu’il souhaitait que cette mesure soit étendue à l’ensemble des entreprises.
    Il faudra encore aller plus loin. Je pense aux révélations dites « Offshore Leaks », qui montrent au passage que, contrairement aux affirmations d’un ancien Président de la République, les paradis fiscaux, ce n’est pas terminé ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    M. Alain Gournac. Arrêtez !
    M. Pierre Moscovici, ministre. Je veux aussi agir en ce sens au plan européen.
    On voit bien que le secret bancaire, un sujet sur lequel la commission d’enquête du Sénat s’est également penchée, est en train de chanceler, qu’il est attaqué de toutes parts, à juste titre, d’ailleurs. Avec mes collègues ministres des finances des principaux pays de l’Union européenne, j’ai pris une initiative en la matière, laquelle a déjà reçu, entre autres soutiens, celui du commissaire chargé de ces questions, M. Semeta.
    Je constate que des mouvements s’opèrent déjà dans des pays qui ont été extrêmement restrictifs par le passé, comme le Luxembourg ou l’Autriche. Tout cela débouche sur la proposition que j’ai faite d’un FATCA européen, c’est-à-dire un échange automatique d’informations.
    Madame Goulet, mesdames, messieurs les sénateurs, nous tiendrons compte des travaux de la Haute Assemblée pour aller plus loin, beaucoup plus loin dans cette lutte contre l’évasion fiscale, qui doit être collective et unanime. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    PARADIS FISCAUX

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. François Marc.
    M. François Marc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
    M. Alain Gournac. Encore une question téléphonée !
    M. François Marc. Dans une de ces déclarations définitives dont il était coutumier, Nicolas Sarkozy…
    M. Alain Gournac. Ah ! On l’attendait, celle-là !
    M. François Marc. … avait annoncé,…
    M. Gérard Cornu. Il va revenir, ne vous inquiétez pas !
    M. Rémy Pointereau. Nicolas Sarkozy leur manque visiblement !
    M. François Marc. … le 24 septembre 2009, à la veille du sommet du G 20 à Pittsburgh : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé ! ».
    M. Bertrand Auban. Eh oui !
    M. François Marc. Près de quatre ans plus tard, il est clairement établi, en particulier après la publication par la presse de listes de comptes offshore, que cet optimisme était sinon trompeur, du moins prématuré. Le poids des paradis fiscaux reste en effet considérable : plus de 1 000 milliards d’euros sont perdus chaque année dans l’Union européenne en raison de la fraude et de l’évasion fiscales. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP, où l’on évoque les îles Caïmans.)
    Il faut le dire avec force : le secret bancaire et les paradis fiscaux sont le cancer de l’économie mondiale !
    Incontestablement, il est urgent d’agir.
    C’est dans cet esprit, mes chers collègues, que, le 21 mars dernier, lors de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, le Sénat a durci les obligations de transparence des banques et voté un alourdissement des sanctions.
    Nous devons, bien évidemment, nous féliciter de la détermination du Président de la République et du Gouvernement à agir vite sur ces questions. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Rémy Pointereau. Trop tard !
    M. Alain Gournac. Augier !
    M. François Marc. Vous avez vous-même pris le problème à bras-le-corps, monsieur le ministre (Protestations sur les mêmes travées.) en enjoignant au commissaire européen chargé de la fiscalité, avec vos collègues allemand, britannique, italien et espagnol, de mettre en place un système d’échange automatique d’informations bancaires entre les pays membres de l’Union européenne.
    Que va-t-il se passer maintenant ? Quelle est l’échéance ? Quels pays seront concernés ? L’Union européenne va-t-elle prendre modèle sur la loi américaine dite « FATCA », qui imposera à toutes les banques du monde de divulguer les comptes détenus par des citoyens américains ? (Augier ! Augier ! Augier !, scande-t-on sur les travées de l’UMP.) La France et ses partenaires pourront-ils engager rapidement un tel processus ?
    Monsieur le ministre, sous la législature précédente, on a beaucoup parlé des paradis fiscaux, mais on a très peu agi ! Il est nécessaire, à présent, de renverser la table. De quels moyens disposons-nous pour le faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Augier ! Augier ! Augier !, scande-t-on encore sur les travées du groupe UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
    M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le rapporteur général, votre question me permet de présenter de manière un peu plus détaillée (Ah ! sur les travées de l’UMP.) les mesures annoncées hier par le Président de la République.
    En effet, contrairement à ce qui avait été affirmé avec un peu de précipitation,…
    M. Didier Guillaume. De légèreté ? (Sourires.)
    M. Pierre Moscovici, ministre. … les paradis fiscaux, ce n’est pas fini ! La publication des listes dites « Offshore Leaks » montre que des conditions fiscales beaucoup trop avantageuses et un secret bancaire beaucoup trop épais perdurent dans un certain nombre de pays. Tout cela nous incite à agir davantage encore.
    Des mesures fortes, je le rappelais dans ma réponse à Mme Goulet, ont été prises dès le changement de majorité, dans le collectif budgétaire de l’été 2012, contre l’évasion fiscale des entreprises.
    Comme vous le savez, et le rôle de la Haute Assemblée fut prépondérant en la matière, une disposition figurant dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que vous avez adopté récemment, va apporter une réponse forte. Forte et unique au monde : les banques françaises devront rendre publiques, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, pays par pays, ainsi que leur activité.
    L’ensemble de ces informations seront publiques et transmises également aux ONG, dont le rôle est très important dans ce domaine.
    Mais il faudra aller plus loin, comme l’a déclaré le Président de la République, et faire en sorte que les entreprises soient soumises aux mêmes obligations.
    Aller plus loin, cela signifie également prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au secret bancaire. Je ne peux qu’abonder dans votre sens : nous nous trouvons dans un système où les échanges se font à la demande. Si M. Marini voulait dire qu’il y a encore trop de secret bancaire,…
    M. Didier Guillaume. Il est parti !
    M. Pierre Moscovici, ministre. … que les coopérations internationales sont trop difficiles à mettre en œuvre ou que les conventions sont trop peu efficaces, surtout lorsqu’on les restreint, je suis d’accord avec lui !
    C’est pour cela qu’il faut substituer au système actuel, un système d’entraide et d’échange automatique. Je l’ai proposé et, j’en suis sûr, l’Union européenne finira par l’adopter.
    Enfin, autre action essentielle, la liste des paradis fiscaux fixée chaque année par le Gouvernement sera revue, non plus seulement en fonction de la signature de la convention d’échange d’informations, mais aussi en s’attachant à la réalité, évaluée pays par pays.
    Le Président de la République a dit à quel point il était ferme sur ces questions.
    L’objectif est clair. Je le redis devant vous : non, les paradis fiscaux, ce n’est pas fini ! Dès lors, la lutte contre les paradis fiscaux s’apparente à un combat. Ce combat, la France le mènera, et elle le mènera dans le cadre français, dans le cadre européen, dans le cadre international. Je ne doute pas, grâce à la volonté qui nous anime, que nous le gagnerons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    DOTATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DÉCENTRALISATION

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
    M. Albéric de Montgolfier. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation (Ah ! sur les travées de l’UMP.), et porte, bien évidemment, sur le projet de loi de réforme des collectivités et ses conséquences pour les budgets locaux.
    M. Bruno Sido. Le saucisson !
    M. Albéric de Montgolfier. Face aux multiples protestations dans les rangs de la majorité et à l’approche de certaines échéances électorales, le Gouvernement a décidé, lors du dernier conseil des ministres, de scinder son projet en trois textes portant respectivement sur les métropoles, les régions et les solidarités territoriales.
    Ce saucissonnage est critiqué sur de nombreux rangs, y compris par le président de la commission des lois, qui dénonçait, dès le premier projet, « un objet législatif allant dans tous les sens et accordant des compétences à géométrie variable ».
    M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agissait du premier projet !
    M. Albéric de Montgolfier. La semaine dernière encore, dans cet hémicycle, il regrettait un tel découpage.
    Ces trois textes accordent, madame la ministre, la priorité aux métropoles dans le calendrier parlementaire. Nos communes et nos départements seront donc seulement évoqués dans le dernier projet de loi.
    Madame la ministre, en donnant la priorité aux métropoles et aux grandes agglomérations, vous risquez de faire reposer le développement du pays sur le seul fait urbain !
    M. Philippe Darniche. Bien sûr !
    M. Albéric de Montgolfier. L’Assemblée des départements de France, présidée par un élu de votre majorité, condamne un texte qui considère nos territoires comme « un sujet annexe ».
    Le Gouvernement a également annoncé la baisse de 4,5 milliards d’euros des dotations aux collectivités locales. À cette baisse s’ajoute le coût des nouvelles normes, évalué par la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, à 800 millions d’euros pour cette année. Un groupe de travail du Comité des finances locales s’est réuni ce matin pour évoquer la répartition de cette baisse entre les collectivités.
    Mais comment répondre à cette question alors même que nous ignorons, à ce stade, quelles seront les futures compétences de nos collectivités ? Comme l’a très justement souligné mon collègue Éric Doligé, le premier texte à étudier aurait dû être celui de la clarification et de la simplification des compétences.
    M. Roger Karoutchi. Évidemment !
    M. Albéric de Montgolfier. Alors que les élus locaux avaient condamné, lors des états généraux de la démocratie territoriale, la complexification croissante des textes, quelle est la cohérence du séquençage de cette nouvelle réforme ?
    Comment nos concitoyens, comment les élus peuvent-ils comprendre les annonces multiples, parfois contradictoires, du Gouvernement ?
    M. Alain Gournac. Du vent !
    M. Albéric de Montgolfier. Quel est le calendrier exact de l’examen de ces textes, en particulier celui du dernier projet de loi, consacré aux communes et aux départements ?
    Madame la ministre, je crois que les élus ont besoin de clarté ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur de Montgolfier, votre question me donne l’occasion de vous apporter des réponses aussi précises que possible sur l’état des travaux que nous avons conduits.
    Je tiens d’abord à préciser que la volonté du Gouvernement, une volonté affirmée, déterminée (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.),…
    M. Bruno Sido. Très bien !...
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … est de bâtir un texte de clarification, d’efficacité et de maîtrise des dépenses.
    Ces trois objectifs, que nous avons inscrits dans ce texte, nous avons la volonté de les atteindre à travers une véritable concertation, un vrai dialogue avec vous, tel que nous l’avons souhaité dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale,…
    M. Gérard Larcher. Ah !
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … mais aussi avec l’ensemble de nos élus partenaires, qui nous ont apporté des éclairages tout à fait indispensables.
    Le texte présenté en conseil des ministres serait selon vous « saucissonné », monsieur le sénateur.
    M. Albéric de Montgolfier. Vous l’avez découpé en trois textes !
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Non, je ne peux accepter ce terme. Nous présentons un texte unique,…
    M. Dominique de Legge. Un texte unique en trois parties…
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … un véritable pacte de démocratie, de décentralisation et de réforme de l’action publique, qui ne dissocie pas les collectivités territoriales de l’État, mais qui apporte cette cohérence indispensable à l’action publique si l’on veut qu’elle ait un véritable sens pour les citoyens.
    Je vous le disais, il s’agit d’un texte de clarification, d’efficacité, de maîtrise des dépenses.
    La maîtrise des dépenses est un objectif auquel nous sommes tous attachés. Toutes les collectivités ont accepté de participer à l’effort annoncé lors d’une réunion présidée par le Premier ministre, le 12 mars dernier, au cours de laquelle nous avons inscrit les principes d’un pacte de confiance et de responsabilité.
    Ce pacte, que nous écrirons ensemble, permettra de préciser, à l’intérieur des dotations, comment réaliser les économies prévues à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, comme vous l’avez justement dit, pour l’année 2014, niveau qui sera repris en 2015.
    Nous essaierons de faire peser cet effort sur l’ensemble des collectivités territoriales, en veillant à ce que la péréquation serve l’intérêt…
    M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
    Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … des moins favorisés par rapport aux plus favorisés. Rien ne nous échappera dans ce travail, ni sur les dotations, ni sur la péréquation, ni sur la fiscalité.
    Je veux vous assurer, en tout cas, de notre détermination à faire en sorte que les textes, que nous attendons et dont nous avons besoin, puissent intervenir avant les élections de 2014. Pour les deux premiers textes, nous entendons aboutir avant la fin de cette année.
    Telles sont les assurances que je voulais vous apporter, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
    LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
    Mme Christiane Demontès. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail (Exclamations sur les travées de l’UMP.), de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
    Monsieur le ministre, la crise économique que nous traversons est grave, très grave, et ses conséquences sont tout aussi graves : des centaines de milliers d’emplois ont été détruits et plus de 3 millions de personnes en France, aujourd’hui, ne travaillent pas du tout, plus de la moitié d’entre elles étant au chômage de longue durée, c’est-à-dire depuis plus d’un an.
    Après l’action, ou plutôt l’inaction, en faveur de l’emploi du précédent Gouvernement, (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.) qui prônait, je le rappelle, le « travailler plus pour gagner plus »…
    M. Alain Gournac. On l’attendait aussi, celle-là !
    Mme Christiane Demontès. … sans se soucier des conséquences en termes d’injustice entre ceux qui avaient un travail et ceux qui n’en avaient pas, vous avez décidé, sous la responsabilité du Président de la République, de travailler, d’agir en faveur du travail pour tous.
    Le Président de la République a fait de la lutte contre l’emploi sa priorité, la priorité nationale ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Vous avez, monsieur le ministre, avec l’ensemble du Gouvernement, décidé de mettre en œuvre un certain nombre d’actions en faveur du travail et contre le chômage.
    M. Alain Gournac. Quelle réussite !
    Mme Christiane Demontès. Vous l’avez fait avec une méthode,…
    M. Alain Gournac. La méthode Coué !
    Mme Christiane Demontès. … celle du dialogue social.
    Un certain nombre de mesures ont déjà été prises : les emplois d’avenir, qui favorisent l’accès au travail des jeunes sans qualification, …
    M. Didier Guillaume. Très bonne mesure !
    Mme Christiane Demontès. … les contrats de génération, qui vont permettre aux entreprises de recruter des jeunes en CDI…
    M. Didier Guillaume. Excellente initiative !
    Mme Christiane Demontès. … tout en maintenant dans l’emploi des travailleurs âgés.
    Nous travaillons aujourd’hui sur la sécurisation des parcours professionnels, la sécurisation de l’emploi. Nous aurons l’occasion d’y revenir la semaine prochaine.
    M. Alain Gournac. La question !
    Mme Christiane Demontès. Pour autant, monsieur le ministre, le chômage ne se résorbe pas comme cela ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Nous comptons toujours plus de 3 millions de chômeurs ! Vous avez décidé, et le Premier ministre nous l’a confirmé,…
    M. Alain Gournac. La question !
    Mme Christiane Demontès. … de recruter davantage d’agents pour le service public de l’emploi, et particulièrement pour Pôle emploi.
    Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre (Enfin ! sur les travées de l’UMP.), comment et quand auront lieu ces recrutements ?
    Et je pense que cela intéresse l’ensemble de mes collègues sénateurs, comment allez-vous répartir ces agents sur l’ensemble du territoire afin de répondre au plus près aux besoins de l’ensemble de nos concitoyens chômeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
    M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les désastres que provoque socialement, depuis plus de cinq ans, l’augmentation continue, mois après mois, du nombre de chômeurs. Les Français les connaissent et vivent tous les jours des situations difficiles.
    Il faut agir ! Nous le faisons et avec des outils nouveaux.
    Les emplois d’avenir s’adressent aux jeunes sans emploi (Cela ne marche pas ! sur plusieurs travées de l’UMP.), sans formation. Pensez : 500 000 jeunes sans emploi et sans formation ! Jamais avant votre arrivée au pouvoir, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, la République n’avait été confrontée à un tel phénomène. Nous, nous agissons ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Les contrats de génération…
    M. Philippe Dallier. Cela ne marche pas !
    M. Michel Sapin, ministre. … sont, eux, destinés à aider un jeune, quelle que soit sa qualification, à entrer dans une entreprise ; dans le même temps, il est fait appel à l’intelligence, à l’expérience, à la capacité de transmettre son savoir d’un salarié plus âgé, qui reste dans l’entreprise.
    Le texte relatif à la sécurisation de l’emploi aura des conséquences bonnes pour l’emploi et mauvaises pour les licenciements.
    M. Alain Gournac. Il n’aura aucun résultat !
    M. Michel Sapin, ministre. Nous discuterons dans cet hémicycle de chacune des mesures que comporte ce texte. J’attends beaucoup des explications qui seront alors fournies ; j’espère qu’elles permettront à ceux qui n’auraient pas encore compris tous les progrès qui peuvent résulter de ce texte…
    M. Alain Gournac. Encore la méthode Coué !
    M. Michel Sapin, ministre. … de les apprécier, puis de soutenir le projet de loi.
    Madame le sénateur, vous avez eu raison de parler de ce grand service public qu’est celui de l’emploi. Qui sont donc ceux qui rencontrent les chômeurs, ceux qui doivent appréhender des situations dramatiques, ceux qui ont en face d’eux des hommes et des femmes qui cherchent une explication, une recommandation, une information ? Ce sont ces agents de Pôle emploi qui vivent au quotidien les difficultés des chômeurs et qui leur apportent des solutions concrètes.
    À ces hommes et à ces femmes, je veux ici rendre hommage et dire que, grâce à eux, grâce à elles, un grand nombre de chômeurs trouvent des solutions (Protestations sur les travées de l’UMP.), alors que tous supportent par ailleurs les difficultés que peuvent vivre ces chômeurs dans leur vie quotidienne.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout va bien, alors ! C’est le monde des Bisounours ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
    M. Michel Sapin, ministre. Alors, oui, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, l’année dernière, le Gouvernement a décidé d’autoriser Pôle emploi à embaucher 2 000 salariés supplémentaires en contrat à durée indéterminée, alors que vous, vous aviez détruit 1 800 emplois au cours des années précédentes. (Protestations sur les mêmes travées.)
    Nous avons considéré qu’il fallait renforcer encore les moyens de cette agence. Cette année, le Premier ministre a autorisé la création de 2 000 emplois supplémentaires, soit, au total, 4 000 créations d’emploi.
    Par ailleurs, Pôle emploi lui-même fait un effort afin qu’un certain nombre d’emplois qui étaient affectés à des tâches administratives soient désormais consacrés aux chômeurs. In fine, ce sont donc 6 000 personnes supplémentaires qui vont enfin pouvoir rencontrer les chômeurs et tenter de leur apporter des solutions.
    Ainsi, les effectifs des agents de Pôle emploi qui sont en contact avec les chômeurs augmenteront de plus de 20 %.
    M. Alain Gournac. Stop ! C’est fini !
    M. Michel Sapin, ministre. Oui, la bataille pour l’emploi, contre le chômage, la diminution du nombre de chômeurs, que nous obtiendrons d’ici à la fin de cette année, passe aussi par le dévouement des hommes et des femmes qui, au sein de Pôle emploi, font face aux difficultés et apportent des solutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Didier Guillaume. Très bien ! C’est une vraie ambition !
    FILIÈRE AUTOMOBILE ET SOUS-TRAITANTS

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
    M. Gérard Cornu. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Monsieur le ministre, chaque jour, notre pays s’enfonce un peu plus dans la crise, une crise économique, d’abord, mais une crise morale, aussi.
    Alors que la « République exemplaire », promise par le président Hollande, a vécu et est enterrée dans les conditions calamiteuses que l’on sait, alors que le Sénat débat depuis des jours du « mariage pour tous », qui divise les Français et dont l’urgente nécessité continue d’échapper au plus grand nombre, où va l’économie française ?
    M. Didier Guillaume. Dans la bonne direction !
    Un sénateur du groupe UMP. Non, dans le mur !
    M. Gérard Longuet. Très bonne question !
    M. Gérard Cornu. Pendant ce temps, en effet, les dernières prévisions, passées inaperçues, traduisent une réalité économique alarmante : croissance zéro en 2014, déficit budgétaire de 4,5 %, endettement proche de 100 % du PIB, déficit extérieur et chômage accrus, et cela sans aucune garantie de reprise en 2015.
    Que fait le Gouvernement ?
    Après l’affaire ArcelorMittal et l’arrêt des hauts fourneaux de Florange décidé en ce moment, c’est l’équipementier automobile Heuliez qui annonçait lundi son dépôt de bilan : 280 emplois sont menacés. On apprend ce matin que l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Un sursis !
    Cette décision qui concerne un secteur très durement touché par la crise, est exemplaire, hélas, pour ne pas dire symbolique, de l’incapacité de ce gouvernement à apporter des réponses efficaces face à des réalités économiques qu’il ne connaît pas et des problèmes auxquels il tente d’appliquer des solutions idéologiques.
    Monsieur le ministre, on ne peut vouloir tout et son contraire, taxer et décourager les automobilistes et, dans le même temps, se plaindre que la filière automobile va mal. Il faut être cohérent !
    Au-delà du cas de Heuliez, ce sont de nombreuses petites entreprises sous-traitantes, les « équipementiers de deuxième rang », comme on les appelle, qui irriguent l’ensemble du territoire et qui souffrent, en raison du manque de commandes et donc de travail. Ces petits patrons n’en peuvent plus ! Toute la filière est en danger.
    La précédente majorité, avec raison et lucidité, avait mis en place des mécanismes de soutien.
    M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question !
    M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, quelles actions entendez-vous mener pour préserver non seulement Heuliez, mais aussi toute la filière automobile ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
    M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, vous venez d’évoquer la filière automobile et, à juste titre, le cas de ces entreprises invisibles, dont on ne parle pas, qui ne sont pas des constructeurs donneurs d’ordres, mais qui, situées sur nos territoires, subissent par contrecoup les affaiblissements du marché.
    Cette question concerne non seulement la France, mais également toute l’Europe. Ainsi, le marché de l’automobile enregistre une baisse de 16 points en Espagne, de 20 points en France, de 22 points en Italie ; même l’Allemagne est affectée et connaît une baisse de 5 points ; il ne progresse qu’au Royaume-Uni. Partout ailleurs, particulièrement dans les pays de la zone euro, les affaissements de commandes, la diminution de la consommation sont un phénomène général, et structurel. Les questions de taxation ne sont d’ailleurs pas corrélées.
    Que fait le Gouvernement ? Il a tout d’abord pris des mesures d’urgence. À cet égard, je voudrais vous donner quelques exemples de la façon dont nous organisons le sauvetage du secteur, afin de préserver nos outils industriels, nos savoir-faire, nos technologies, nos ingénieurs, autant que nous le pouvons.
    Tous les acteurs réunis autour de la table acceptent des sacrifices, au premier rang desquels les salariés, dont certains, malgré nos efforts, perdent leur emploi, ou encore le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, les commissaires au redressement productif, les personnels des préfectures, mais aussi les actionnaires, l’État et les autres créanciers, qui abandonnent une partie de leurs créances. Mais nous faisons face pour maintenir notre tissu industriel. Telle est notre stratégie, à l’allemande.
    Permettez-moi de vous citer quelques exemples de succès : à Charleval, dans l’Eure, en association avec le constructeur, nous avons sauvé l’équipementier Sealynx ; dans le Haut-Jura, nous avons sauvé la fonderie d’aluminium MBF-Technologies, menacée de disparition ; nous avons enregistré un autre succès, toujours en liaison avec les constructeurs, dans le Loir-et-Cher, l’Ille-et-Vilaine et dans la Mayenne, 500 emplois ayant été préservés dans l’entreprise Sora Composites, rachetée par Faurecia, grâce à des équipementiers de premier rang.
    Nous travaillons au cas par cas. Nous connaissons des succès, parfois des échecs, ou encore des demi-succès ou des demi-échecs.
    Monsieur le sénateur, vous avez évoqué des questions macroéconomiques, d’ordre général. Bien sûr, nous nous battons pour la réorientation de l’Union européenne, pour la croissance, comme l’a dit le Président de la République. Nous avons été élus pour cela et précisément parce que nous avons connu la récession pendant cinq ans. (Protestations sur les travées de l’UMP.) À vous qui ne semblez pas vouloir saluer les efforts du Gouvernement, je voudrais dire que les 600 milliards d’euros de dettes que nous devons rembourser ne doivent rien à l’opération de la Sainte Vierge !
    Mme Isabelle Debré. On dit « l’opération du Saint-Esprit » !
    M. Arnaud Montebourg, ministre. Ces dettes existent parce que certains ont vécu au-dessus de leurs moyens. Et je crains que vous n’ayez soutenu certains gouvernements qui ont commis quelques abus en la matière…
    En cinq ans, un million de chômeurs de plus, 600 milliards d’euros de dettes de plus, 70 milliards d’euros de déficit du commerce extérieur ! Monsieur le sénateur, faites preuve d’un peu de modestie pour aborder les sujets qui nous sont communs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Pas un mot sur Heuliez et les 300 personnes concernées !
    L’EXCEPTION CULTURELLE

    Voir la vidéo

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
    Mme Catherine Tasca. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
    Depuis plus de deux décennies, l’exception culturelle est un principe fondamental de la politique culturelle de la France que nous avons constamment soutenu de ce côté-ci de l’hémicycle.
    L’expression, souvent brocardée et qualifiée de « ligne Maginot », ne vise évidemment pas à affirmer une quelconque supériorité de la culture française. Elle traduit la volonté politique de considérer que les productions culturelles, les œuvres de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres et ne peuvent pas être soumises aux seules règles du marché.
    Dès l’après-guerre, ce principe s’est imposé pour le cinéma, avec la création à l’époque du Centre national de la cinématographie, le CNC, outil de soutien à la production originale française face à la puissance du cinéma américain.
    Depuis, cette nécessité a été reconnue bien au-delà de nos frontières. Avec les autres pays francophones, la France a joué un rôle moteur dans l’adoption par l’UNESCO, en 2005, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Jusqu’à maintenant, jamais l’Union européenne n’a mis en cause cette « exception ».
    Aujourd’hui, sur l’initiative de la Commission, guidée par une vision ultralibérale du marché, s’annonce la négociation d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne qui, pour la première fois, n’exclurait pas de son mandat de négociation les biens et les services culturels.
    Alors que l’industrie cinématographique et audiovisuelle américaine n’a pas cessé de contester nos règlementations en la matière, tous ceux qui sont attachés à l’identité culturelle, à la vitalité de la création originale autant qu’à son poids économique en termes d’emplois ne peuvent qu’éprouver une grande inquiétude et une profonde indignation devant cette initiative de la Commission.
    Fort heureusement, le Président de la République et le Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, et par celle de la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, qui sera en première ligne lors de cette négociation, ont affirmé sans réserve leur opposition à toute tentative de réintroduction de l’audiovisuel dans un accord de libre-échange.
    Madame la ministre, face à la nouvelle donne du développement d’internet et du numérique, pouvez-vous nous dire quelle place tient l’exception culturelle dans votre politique et quelles initiatives vous comptez prendre avec vos collègues européens pour barrer l’initiative funeste de la Commission ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.– Mme Catherine Troendle et M. Hugues Portelli applaudissent également)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
    Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, Nicole Bricq et moi-même sommes fortement mobilisées contre ce funeste projet de la Commission européenne qui tend à revenir sur un principe stable, qui prédomine depuis au moins vingt ans et qui date des premiers accords du GATT conclus sous la présidence de François Mitterrand : l’exception culturelle. Ce principe fait d’ailleurs l’objet d’un large consensus sur les travées de cet hémicycle.
    Il ne s’agit pas pour autant d’une exception culturelle française. Le principe vise à préserver des mécanismes de financement de la culture, en particulier de l’audiovisuel, qui permettent d’échapper à la seule loi du marché, à la seule loi de la libre concurrence.
    En effet, et vous l’avez souligné, les produits culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Ils véhiculent une vision du monde et de la société. Ce sont également des instruments de puissance et de rayonnement. Ils sont aussi facteurs de croissance – il faut le rappeler, car ce fait est souvent sous-estimé – : ils sont source de création d’emplois tant en France qu’en Europe. Selon une étude publiée par la Commission européenne pas plus tard que la semaine dernière, plus de 3,3 % du PIB européen et 3 % des emplois proviennent des industries culturelles.
    Alors, ne laissons pas notre marché ouvert à tous les vents, en particulier au vent venant des États-Unis.
    Bien sûr, nous aimons le cinéma américain, mais nous n’avons pas envie d’être envahis par des productions audiovisuelles américaines bradées sur nos marchés pour la simple et bonne raison qu’elles sont déjà amorties sur le marché américain. Ce serait extrêmement dangereux pour l’ensemble de nos concitoyens et pour les citoyens européens, attachés au principe de la diversité culturelle.
    M. François Marc. Très bien !
    Mme Aurélie Filippetti, ministre. Car l’exception culturelle est au service de la diversité culturelle.
    Le Président de la République l’a affirmé avec force : il ne laissera pas la Commission européenne brader ce principe essentiel de l’exception culturelle.
    M. Alain Gournac. S’il l’a dit…
    M. Didier Guillaume. Il a raison !
    Mme Aurélie Filippetti, ministre. Dans le cadre des négociations qui s’ouvrent entre l’Union européenne et les États-Unis, il est hors de question que la France revienne sur ce qui fait le cœur de sa conception et de sa vision du monde et de la société,…
    M. Alain Gournac. Parlez-nous de la famille !
    M. Éric Doligé. Oui, et la famille ?...
    Mme Aurélie Filippetti, ministre. … ce principe de l’exception culturelle. Pour cela, nous avons le soutien des parlementaires, dont vous êtes. L’Assemblée nationale va adopter une proposition de résolution sur ce sujet qui nous permettra, à Nicole Bricq et à moi-même, d’avoir encore plus de force pour défendre nos positions vis-à-vis de nos collègues européens, ce que je ferai notamment lors du conseil des ministres européens de la culture, au mois de mai.
    Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Gérard Roche applaudit également.)
    M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    4
    DÉPÔT D’UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

    M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 11 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, le deuxième rapport d’évaluation prospective des résultats de l’expérimentation du rattachement à l’Institut français du réseau culturel de la France à l’étranger.
    M. Henri de Raincourt. Très bien !
    M. le président. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires étrangères et de la défense, ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
    Acte est donné du dépôt de ce rapport.
    Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
    5
    SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION DE PARLEMENTAIRES CANADIENS

    M. le président. Chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de parlementaires canadiens, conduite par l’honorable Claudette Tardif, sénatrice de l’Alberta et présidente de l’Association interparlementaire Canada-France. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la garde des sceaux et Mme la ministre déléguée chargée de la famille se lèvent et applaudissent.)
    Cette délégation est accompagnée par notre collègue Claudine Lepage, sénatrice représentant les Français établis hors de France.
    Notre groupe d’amitié France-Canada, animé par notre collègue, reçoit cette délégation aujourd’hui au Sénat. La délégation est en France depuis dimanche, à l’occasion de la 39e session annuelle de l’Association interparlementaire France-Canada.
    Cette visite s’est déroulée à Bordeaux, puis à Paris, autour des thèmes de l’agroalimentaire et du développement durable. Elle s’achève ce soir.
    Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues canadiens ! (Applaudissements.)
    6
    Vérification du quorum (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4 bis
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Nous poursuivons la discussion des articles.
    CHAPITRE III (SUITE)
    DISPOSITIONS DE COORDINATION
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 4 ter (Texte non modifié par la commission)
    Article 4 bis (suite)
    M. le président. Dans la discussion de l’article 4 bis, nous en sommes parvenus au vote sur les amendements identiques nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter tendant à supprimer l’article.
    Je mets donc aux voix ces deux amendements identiques de suppression.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 160 :
    Nombre de votants 339
    Nombre de suffrages exprimés 339
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 163
    Contre 176
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Supprimer cet alinéa.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement s’inscrit dans la stratégie que nous avons suivie depuis le début de la discussion : si un amendement tendant à supprimer un article n’est pas adopté, nous défendons des amendements tendant à supprimer des alinéas de celui-ci.
    En l’occurrence, nous estimons que l’alinéa visé est trop flou. S’il est maintenu, le Gouvernement se trouvera habilité à légiférer par ordonnance sur un ensemble de mesures trop peu défini. Cela risquerait de nous entraîner dans des voies que nous ne désirons pas emprunter, et nous nous verrions obligés de remettre en cause les choix opérés lors de l’examen du projet de loi de ratification.
    Par conséquent, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 4 bis.
    M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J. P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après les mots :
    du code civil
    insérer les mots :
    et du code de la santé publique
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Je commencerai par formuler deux remarques.
    Oui, l’article 38 de la Constitution permet parfaitement au Gouvernement de légiférer par ordonnances.
    Oui, il est vrai que, par le passé, des gouvernements dont nous étions proches ont eu recours à ce moyen pour légiférer, y compris pour intervenir sur certaines dispositions du code civil.
    Cela étant, recourir aux ordonnances, après que nous avons longuement débattu de l’opportunité d’organiser un référendum, s’apparente à un dessaisissement du Parlement. Lorsque l’on est dans l’opposition, cela n’a rien d’agréable. Souvenez-vous, chers collègues de la majorité, des cris que vous poussiez quand, mutatis mutandis, vous étiez dans notre situation.
    Par ailleurs, ainsi que l’a souligné Patrice Gélard, l’habilitation prévue par cet article est très large. Afin que les choses soient claires, cet amendement vise donc à exclure explicitement de son champ, outre les dispositions du code civil, celles du code de la santé publique.
    M. le président. L’amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J. L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly, MM. Guerriau, Bockel, Dubois, Jarlier et Maurey et Mme Létard, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après le mot :
    civil
    Insérer les mots :
    et du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique
    La parole est à M. Hervé Marseille.
    M. Hervé Marseille. Dans le même esprit que M. Retailleau, nous pensons qu’il convient d’exclure du champ de l’habilitation le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, dans un souci de meilleure lisibilité du texte. Il importe que le Gouvernement nous apporte, quant à ses intentions, les éclaircissements que nous cherchons à obtenir depuis plusieurs jours.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
    En ce qui concerne l’amendement n° 75 rectifié bis de M. Gélard, nous sommes tout aussi défavorables au démantèlement de l’article 4 bis qu’à sa suppression.
    Quant aux amendements nos 270 rectifié et 145 rectifié, ils n’ont pas lieu d’être. En effet, l’habilitation conférée au Gouvernement ne vaut qu’à droit constant. Le Gouvernement ne pourra donc pas modifier les règles concernant, par exemple, la PMA, qui se trouvent dans le code de la santé publique.
    Peut-être le Gouvernement vous confirmera-t-il, monsieur Retailleau, monsieur Marseille, qu’il ne pourra pas, par ordonnance, revenir sur les règles régissant la PMA. Je vous invite à retirer vos amendements.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
    M. Gélard propose de supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, de prendre des ordonnances afin de procéder à des coordinations : il ne s’agit que de cela, je le rappelle.
    Ces mesures de coordination figurent d’ailleurs dans la version initiale du projet de loi, puisque le Gouvernement avait pour sa part choisi de les inscrire dans le texte. Elles concernent le code de la santé publique, le code de la défense, le code de l’environnement, etc. Je le répète, il suffit de vous reporter au projet de loi tel qu’il avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale : il n’y a pas de surprise possible.
    Les coordinations concernant le code de la santé publique ne peuvent porter sur les dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation, dans la mesure où ce sujet n’est absolument pas abordé dans le texte qui vous est soumis, ni dans la version initiale du projet de loi.
    Cela étant, j’entends parfaitement les préoccupations exprimées par M. Gélard à propos des ordonnances, d’autant que j’étais moi-même très attentive à cette question lorsque j’étais parlementaire. Le pouvoir législatif s’est parfois dessaisi de ses prérogatives au profit de l’exécutif, qui pour sa part s’est souvent comporté en prédateur…
    Je rappelle que le Parlement aura à débattre du projet de loi de ratification. Cela me permet de répondre à une question soulevée ce matin par M. Revet : les parlementaires auront la faculté de contester, de modifier, de supprimer les dispositions de coordination proposées par l’exécutif qu’ils jugeraient inacceptables, malvenues, dangereuses ou inefficaces.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements et préfère que l’on s’en tienne à la rédaction actuelle de l’article 4 bis.
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 75 rectifié bis.
    M. Dominique de Legge. Dans notre esprit, l’amendement de M. Retailleau est de clarification et d’apaisement. Ces dernières heures, nous avons débattu des conséquences qui, selon nous, découlent du texte proposé, s’agissant de la PMA et de la GPA.
    M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux nous disent que cet amendement est superflu, parce qu’il n’est pas question de la PMA et de la GPA dans le texte. Toutefois, au-delà de l’aspect purement juridique, vous avez ici l’occasion de donner un signe d’apaisement à ceux qui éprouvent des inquiétudes et craignent des dérives. Si, selon vous, cela va sans dire, je pense pour ma part que cela irait mieux en le disant ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. N’ayant pas cosigné l’amendement n° 270 rectifié, je voulais lui apporter publiquement mon soutien, afin que nul n’en ignore.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié bis.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 161 :
    Nombre de votants 339
    Nombre de suffrages exprimés 339
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 163
    Contre 176
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 270 rectifié.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 162 :
    Nombre de votants 339
    Nombre de suffrages exprimés 339
    Majorité absolue des suffrages exprimés 170
    Pour l’adoption 163
    Contre 176
    Le Sénat n’a pas adopté.
    Je mets aux voix l’amendement n° 145 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 280, présenté par M. J. P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
    Alinéa 4
    Remplacer les mots :
    suivant la publication
    par les mots :
    à compter de la promulgation
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
    M. Charles Revet. Mais d’une grande importance !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait, le Sénat se pique de bien écrire le français ! (Sourires.)
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable. Le Sénat écrit mieux encore le droit que le français ! (Nouveaux sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 280.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
    J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
    Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
    Le scrutin est ouvert.
    (Le scrutin a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
    Le scrutin est clos.
    J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
    (Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
    M. le président. Mes chers collègues, il semblerait qu’une erreur soit survenue. Je propose de procéder à un nouveau vote, si les groupes sont d’accord.
    Mme Catherine Troendle. Quelle est la nature de cette erreur, monsieur le président ?
    M. Gérard Longuet. Errare humanum est…
    M. le président. Certains ont cru qu’ils votaient sur le dernier amendement, et non sur l’article.
    Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, cette erreur prouve que nous commençons tous à fatiguer. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Il serait opportun d’éviter à l’avenir de multiplier les scrutins publics. Cela est fastidieux et peut provoquer des confusions.
    Nous acceptons bien volontiers que l’on procède à un nouveau vote sur l’article, mais pourriez-vous nous confirmer, monsieur le président, que nous siégerons bien demain vendredi, conformément à ce qu’a prévu la conférence des présidents ? Je crois que cela permettrait d’apaiser nos débats. (M. Bruno Sido applaudit.)
    M. le président. Madame Troendle, je suis moi aussi soucieux d’apaiser nos débats. Pour aller dans votre sens, je propose que le second vote sur l’article 4 bis ait lieu à main levée. (Assentiment.)
    Quant à la suite du déroulement de nos travaux, je ne dispose pas, à cet instant, de tous les éléments pour me prononcer. Nous y verrons certainement plus clair dans le courant de l’après-midi.
    M. Charles Revet. Vous pouvez quand même nous dire si nous lèverons la séance à minuit ou à cinq heures du matin !
    M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
    (L’article 4 bis est adopté.)
    Article 4 bis
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles 5 à 10
    Article 4 ter
    (Non modifié)
    L’article L. 211-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
    1° Au deuxième alinéa, après le mot : « mariage », sont insérés les mots : « ou le pacte civil de solidarité » ;
    2° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « physiques », sont insérés les mots : « , sans distinction de sexe ou liée à l’orientation ou identité sexuelle, ».
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
    M. Philippe Bas. Cet article vise à modifier le code de l’action sociale et des familles. Il résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement.
    Actuellement, les associations familiales regroupent des familles constituées par le mariage et la filiation, ainsi que des couples mariés sans enfant ou des personnes physiques ayant charge légale d’enfants.
    L’Assemblée nationale a ajouté à cette liste les familles constituées par un pacte civil de solidarité. Dans quelques instants, la commission des affaires sociales du Sénat nous proposera de prévoir que les couples sans enfant liés par un pacte civil de solidarité pourront également adhérer aux associations familiales.
    De notre point de vue, il y a là une erreur de droit, car le pacte civil de solidarité ne permet en aucun cas de constituer une famille au sens juridique du terme. Dans la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité, il n’est nullement fait mention de la famille. Le PACS est un cadre juridique qui a été posé pour permettre d’organiser la relation à l’intérieur d’un couple de personnes de même sexe ou de sexes différents. Par conséquent, il n’existe pas de familles constituées juridiquement par le pacte civil de solidarité : il s’agit de couples, mais pas de familles. C’est pourquoi cet article ne nous paraît pas acceptable.
    M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après le mot :
    solidarité
    insérer les mots :
    ou l’union civile
    Cet amendement n’a plus d’objet, du fait du rejet de l’amendement n° 4 rectifié bis portant article additionnel avant l’article 1er.
    L’amendement n° 58, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
    Après l’alinéa 2
    Insérer un alinéa ainsi rédigé :
    …° Au troisième alinéa, après les mots : « couples mariés », sont insérés les mots : « ou liés par un pacte civil de solidarité » ;
    La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. En l’état actuel du droit, une association regroupant des couples pacsés avec ou sans enfant ne peut se voir reconnaître la qualité d’association familiale.
    Or, le PACS s’étant imposé comme un cadre à part entière pour « faire famille », rien ne justifie que les familles dont les parents sont pacsés soient exclues de la possibilité de se constituer en association familiale reconnue.
    Par cohérence, cet amendement de la commission des affaires sociales vise à permettre aux couples pacsés sans enfant d’adhérer à une association familiale reconnue, au même titre que les couples mariés sans enfant.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a adopté cet amendement.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement émet un avis favorable.
    Monsieur Bas, même les associations familiales sont favorables à la reconnaissance de la diversité des familles. Elles ne considèrent pas qu’il faille exclure les familles dont les parents sont pacsés, d’autant qu’il se conclut à peu près autant de PACS que de mariages aujourd’hui.
    Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Non !
    M. Jean-Claude Lenoir. Il y a un peu plus de mariages !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il y a encore un peu plus de mariages, mais la convergence se confirme.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Je ne peux vous laisser dire, madame la ministre déléguée, que l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, est favorable à cette disposition : elle a précisément émis un avis contraire. Vous le savez d’ailleurs parfaitement, puisque le Gouvernement n’a pas approuvé un amendement de même objet à l’Assemblée nationale. Vous aviez alors déclaré, à juste titre, qu’aucune discrimination fondée sur l’orientation sexuelle des couples adhérents aux associations visées n’était possible au sein de l’UNAF.
    Il n’était donc nul besoin d’apporter de telles précisions au code de l’action sociale et des familles. En tout cas, je puis assurer que l’UNAF, dont j’ai pu consulter les écrits portant sur ce sujet, n’est nullement d’accord avec ces évolutions.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Bien que Mme Meunier l’ait défendu avec beaucoup de conviction, je ne puis voter l’amendement de la commission des affaires sociales.
    Les associations familiales ont une double nature.
    D’une part, elles ont une mission de service public et sont considérées comme représentatives. À ce titre, elles sont, de droit, associées à toute une série d’organismes de dialogue, de contrôle, de participation, aux échelons départemental, régional ou national. J’imagine qu’elles sont également représentées au Conseil économique, social et environnemental.
    D’autre part, comme toutes les associations relevant de la loi de 1901, elles se constituent librement, en regroupant des personnes ayant des valeurs communes.
    Si le Sénat adopte cet amendement, va-t-on leur demander de renoncer à leurs convictions et leur imposer d’accepter toutes les formes de familles ?
    J’aimerais connaître la position de Mme la ministre déléguée sur cette question. Certes, les associations familiales ont, en quelque sorte, une mission d’intérêt collectif, mais elles restent des associations libres, fondées sur des convictions partagées, qui ne sont pas nécessairement relativistes ou universelles.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’argumentation de MM. Bas et Longuet est recevable pour les deux amendements suivants, mais pas pour celui-ci, car l’UNAF est favorable à l’adhésion des couples pacsés sans enfant. S’agissant de l’amendement de Mme Meunier, il n’y a aucune difficulté.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Supprimer cet alinéa.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’alinéa 3 de l’article 4 ter.
    En effet, nous estimons que les précisions apportées par cet alinéa sont superfétatoires et que celui-ci suppose par principe le caractère discriminatoire de certaines associations.
    Les auteurs de cet amendement étant hostiles à toute forme de discrimination, ils refusent que ce type de présomption soit inscrit dans cette loi.
    M. le président. L’amendement n° 255, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
    Alinéa 3
    Remplacer cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... - L’article L. 211-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les unions départementales des associations familiales ne peuvent refuser l’adhésion des associations qui remplissent les critères définis à l’article L. 211-1. »
    La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
    Mme Isabelle Pasquet. Contrairement à M. Gélard, nous estimons nécessaire de maintenir cet alinéa, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Cependant, il convient de rectifier une erreur de référence, afin de viser le bon article du code de l’action sociale et des familles.
    Nos collègues députés ont voulu lever les difficultés que les familles homoparentales rencontrent pour adhérer aux structures représentatives des familles afin d’y être officiellement intégrées. En effet, aujourd’hui, les associations de familles homoparentales voient leurs demandes d’affiliation aux unions départementales des associations familiales, les UDAF, parfois contestées.
    Notre amendement s’inscrit dans la logique de progrès du projet de loi, ouvrant le mariage et l’adoption à toutes et à tous, et dans la démarche de lutte contre les discriminations engagée à l’Assemblée nationale. Il s’agit de préserver la liberté d’association tout en obligeant les UDAF à reconnaître toutes les associations familiales, y compris celles qui regroupent les familles homoparentales.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Gélard a raison. Nous pensons que les problèmes soulevés seront réglés par l’adoption de la présente loi. D’ailleurs, on peut dire que, au cours de son audition publique, le président de l’UNAF a répondu positivement : il a énoncé un certain nombre de critères et déclaré que, si ces derniers étaient remplis, il n’y avait aucune raison de discriminer telle ou telle association familiale.
    M. Philippe Bas. Évidemment !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dans ces conditions, monsieur Gélard, je pense que votre amendement est en réalité satisfait par celui du groupe CRC.
    Par conséquent, la commission donne un avis favorable à l’amendement n° 255 et demande le retrait de l’amendement n° 40 rectifié bis. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Longuet, il y a une diversité parmi les associations familiales et les structures qui les regroupent. Vous avez évoqué l’UNAF, mais vous auriez aussi pu citer le Conseil national des associations familiales laïques, le CNAFAL, ou les associations de familles catholiques, par exemple.
    En ce qui concerne les deux amendements en discussion, le Gouvernement tient à souligner qu’il n’est en réalité pas nécessaire d’adopter des dispositions supplémentaires puisque, en l’état actuel du droit, rien ne peut justifier le rejet de la demande d’adhésion d’une association familiale à une UDAF au motif qu’elle regrouperait des familles homoparentales. En particulier, les discriminations de toute nature sont déjà proscrites de manière générale.
    Cela étant, dans la réalité, les questions soulevées se sont posées de façon très concrète. En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 40 rectifié bis.
    M. Dominique de Legge. Madame le ministre, j’ai cru déceler une confusion dans vos propos.
    L’UNAF et les UDAF sont dotées d’un statut quelque peu particulier, résultant d’une loi de 1975, qui a d’ailleurs dû être révisée un peu plus tard. Cette loi leur confère une mission de service public. Dans le même temps, elles sont régies par la loi de 1901. Leur statut est donc assez bâtard.
    En revanche, le CNAFAL, de même d’ailleurs que l’ensemble des autres mouvements familiaux, qu’il s’agisse de Familles rurales, de Familles de France ou des associations familiales protestantes ou catholiques, n’est pas régi par la loi de 1975 et n’est donc pas soumis aux obligations afférentes.
    Par conséquent, s’il n’y a pas d’inconvénient majeur à ce que nous précisions les choses pour l’UNAF et les UDAF, dont la mission de service public est inscrite dans la loi de 1975, je crains que, en imposant des contraintes à des associations qui ne relèvent pas de cette dernière, nous n’enfreignions la loi de 1901, qui consacre la liberté totale d’association.
    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
    Mme Isabelle Debré. Madame le ministre, vous nous avez dit qu’il n’était pas nécessaire de prendre de nouvelles dispositions puisque, en l’état actuel du droit, toute discrimination est d’ores et déjà interdite. Dès lors, pourquoi en rajouter dans la loi ? Cela n’est pas la peine ! Autant supprimer toute nouvelle précision. De ce point de vue, l’amendement de M. Gélard est plus satisfaisant. La loi devient de plus en plus bavarde !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Mes chers collègues, croyez-le bien, je n’ai aucune objection de fond à ces règles, puisqu’elles existent déjà. Mon intervention se justifie exclusivement par le souci d’élaborer une bonne législation. Or, en voulant inscrire dans la loi des dispositions inutiles, parce que le droit en vigueur impose déjà l’application des principes visés, nous courons le risque de commettre certains oublis. Par exemple, les concubins avec enfants ne sont pas cités, alors que les couples pacsés sans enfants le sont. Pourtant, les premiers, quelle que soit d’ailleurs leur orientation sexuelle, ont d’ores et déjà les mêmes droits que les seconds !
    À vouloir trop raffiner la rédaction d’un texte dont l’application ne pose strictement aucun problème, on risque de mal légiférer. En l’occurrence, il s’agit d’ailleurs d’un cavalier législatif : le dispositif n’a absolument rien à voir avec l’objet du projet de loi, à savoir l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a raison !
    M. Bruno Sido. C’est très clair !
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
    M. Yves Détraigne. Mes propos rejoindront ceux de M. Bas : je m’étonne que l’on en vienne à préciser dans le texte ce que doit être la composition des unions départementales ou régionales des associations familiales. Certes, leur statut est défini par la loi, mais elles disposent tout de même d’une certaine liberté pour s’organiser.
    Dans mon département, la Marne, j’ai pu constater que l’UDAF représentait la diversité des familles. Cette diversité étant déjà reconnue en pratique, je ne vois pas l’intérêt de préciser les choses dans la loi, au risque de donner à ces associations le sentiment qu’elles perdent une partie de leur liberté de gestion et se trouvent placées, en quelque sorte, dans une situation de subordination par rapport à l’État, alors que leur vocation est de faire remonter les préoccupations et les attentes des familles, quelles qu’elles soient. (M. René-Paul Savary applaudit.)
    M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
    Mme Cécile Cukierman. Chers collègues, j’entends votre souci que la loi soit bien écrite ; le nôtre est qu’elle s’applique également à tous. Cela va peut-être sans dire, mais cela va encore mieux en le disant…
    Si nous avons déposé un amendement tendant à compléter un dispositif introduit à l’Assemblée nationale, c’est parce que des associations nous ont saisis de difficultés rencontrées dans un certain nombre de départements. De deux choses l’une : soit nous ne légiférons pas et nous leur laissons le soin d’engager des recours, soit nous intervenons à travers ce texte pour réaffirmer leur droit d’adhérer aux UDAF. Comme M. Détraigne vient de le rappeler, celles-ci ne sont pas de simples instances d’échanges entre associations familiales ; elles ont pour rôle de faire remonter au niveau national les attentes de toutes les familles, sans exclusive. Par conséquent, selon nous, la loi doit encadrer leur fonctionnement pour éviter certaines dérives que l’on observe parfois sur le terrain.
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ainsi que M. le rapporteur l’a indiqué, la rédaction du troisième alinéa de l’article 4 ter pose problème. En l’état, elle interdit de reconnaître la qualité d’association familiale aux associations ne regroupant que des familles relevant d’une catégorie spécifique.
    Mme Isabelle Debré. Jusque-là, nous sommes d’accord !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Je pense par exemple à des associations de pères célibataires ou de familles homoparentales.
    Or, Mme la ministre déléguée l’a bien dit, il s’agit non pas d’exclure, mais au contraire de permettre aux associations de familles homoparentales d’être reconnues comme des associations familiales à part entière.
    M. Détraigne a indiqué qu’il n’y avait pas de difficultés dans son département, mais il est de fait que certaines UDAF ont refusé des adhésions ; je pense notamment à l’UDAF de Paris.
    M. Gérard Longuet. Elle l’a fait pour des raisons précises !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Inscrire explicitement dans le code de l’action sociale et des familles que les UDAF ne peuvent refuser l’adhésion d’associations satisfaisant aux critères requis rendrait de telles décisions juridiquement infondées. Je suis donc tout à fait favorable à l’amendement n° 255.
    J’insiste sur le fait que la véritable difficulté réside dans le refus de certaines associations homoparentales de transmettre la liste de leurs adhérents, pour d’évidentes raisons de confidentialité. Or les UDAF en ont besoin, ne serait-ce que pour l’organisation des votes. Par conséquent, tout l’enjeu est de trouver un compromis. Il s’agit de donner un signal fort en faveur de l’intégration de toutes les familles au sein des UDAF.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 255.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article 4 ter.
    M. Gérard Longuet. Je ne peux voter cet article, car son dispositif introduit une ambiguïté dans le fonctionnement des UDAF et, partant, de l’UNAF.
    Les familles homoparentales doivent bien sûr pouvoir participer à la structure départementale regroupant les associations familiales, mais il faut aussi qu’aucune de ces dernières ne se trouve obligée, au travers de son appartenance à l’UDAF, de cautionner des positions qui seraient contraires aux convictions de ses adhérents.
    Si je vous ai bien comprises, madame la ministre, madame la rapporteur pour avis, les associations familiales seront libres, de par leurs statuts, de ne s’ouvrir qu’aux familles partageant leurs valeurs. Si tel n’est pas le cas, veuillez me l’indiquer dès à présent : pour reprendre la célèbre formule des mariages protestants, que ceux qui s’y opposent le disent maintenant ou se taisent à jamais !
    Les associations familiales dont les membres se rassemblent autour de certaines convictions, quelles qu’elles soient, ne seront donc pas tenues d’accepter l’adhésion de personnes ou de familles qui ne partageraient pas celles-ci. En revanche, les UDAF auront l’obligation d’accepter toutes les associations familiales, y compris celles qui ont un caractère spécifique. C’est ainsi que je comprends le dispositif de l’article.
    Mme la rapporteur pour avis a évoqué le cas de l’UDAF de Paris : si elle a refusé l’adhésion d’une association de familles homoparentales, c’est uniquement parce que celle-ci refusait de transmettre le fichier de ses membres.
    Il y a un problème de confidentialité, nous dit-on, les mentalités n’ayant pas encore suffisamment évolué vers davantage de tolérance, d’ouverture, de respect des différences. Toutefois, une véritable difficulté se pose, car il faut pouvoir mesurer le poids respectif des différentes associations membres de l’UDAF. Dans une organisation démocratique, l’un des moyens simples d’opérer cette pondération est de se fonder sur le nombre d’adhérents de chacune des associations. Si ces données ne peuvent être connues ou vérifiées, il ne sera pas possible d’assurer la coexistence pacifique, au sein des UDAF, d’associations familiales partageant la même volonté de défendre l’ensemble des familles mais animées par des convictions différentes.
    Il importe donc, me semble-t-il, de dissiper une ambiguïté, car les positions prises par les UDAF doivent pouvoir découler de votes, ce qui implique une pondération du poids respectif des différentes associations familiales. Sinon, ce sera la porte ouverte à l’activisme, à la surenchère, aux stratégies de communication, au détriment de l’instauration d’une démocratie pluraliste apaisée au sein du mouvement familial.
    Il faut des règles de fonctionnement. Je ne demande pas qu’on les inscrive dans la loi, mais il convient que le législateur souligne que les UDAF ne pourront pas œuvrer dans de bonnes conditions sans une connaissance précise de la représentativité des associations qui les composent.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les associations familiales homoparentales devront respecter les statuts de l’UNAF et des UDAF.
    M. Gérard Longuet. Parfait !
    M. Henri de Raincourt. Encore heureux !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Celles qui ne voudront pas communiquer la liste de leurs membres ne pourront pas adhérer : c’est clair !
    M. Gérard Longuet. Je vous remercie de cette précision, monsieur le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement précise simplement, afin d’éviter toute ambiguïté, que les UDAF ne pourront refuser une adhésion pour autant que l’association concernée satisfait aux critères prévus.
    M. le président. Je mets aux voix l’article 4 ter, modifié.
    (L’article 4 ter est adopté.)
    Article 4 ter (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 11
    Articles 5 à 10
    (Suppression maintenue)
    Articles 5 à 10
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles 12 et 13
    Article 11
    (Suppression maintenue)
    M. le président. La suppression de l’article 11 a été maintenue, mais, par l’amendement n° 59, Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
    Les deuxième et dernier alinéas de l’article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
    « Un orphelin peut cumuler au maximum deux pensions de réversion obtenues du chef de ses parents au titre des régimes de retraite énumérés à l’article L. 86-1. »
    La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. L’article 11 est un article de coordination qui concerne le code des pensions civiles et militaires de retraite. Il a été malencontreusement supprimé à l’Assemblée nationale.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avis favorable.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Sauf erreur de ma part, nous venons d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de procéder à des coordinations consécutivement à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Je considère, à tort peut-être, que la mesure prévue par cet amendement relève de l’ordonnance. Cela vaut aussi, me semble-t-il, pour nombre d’amendements à venir. J’ai l’impression que l’on travaille dans le désordre, de manière incohérente. J’aimerais comprendre.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois est favorable à cet amendement, car il convient de supprimer la dernière distinction faite dans la loi entre enfant légitime et enfant naturel. Or cela ne relève pas du domaine de l’ordonnance.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
    M. Bruno Sido. Ce n’est pas une réponse, monsieur le rapporteur. Pourquoi cela ne relève-t-il pas de l’ordonnance ? Vous ne démontrez rien. J’ai l’impression que les juristes font bon marché de la cohérence.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mon cher collègue, la démonstration, je l’ai faite ! L’ordonnance d’habilitation ne concernera que les effets du mariage, et non la filiation. Ce sont les ordonnances de 2005 qui portaient sur la filiation ; il avait alors été omis de supprimer cette dernière distinction entre l’enfant légitime et l’enfant naturel : il faut donc le faire par la loi.
    M. Bruno Sido. Voilà qui est déjà plus précis !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l’article 11 est rétabli dans cette rédaction.
    Article 11
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 13 bis (Texte non modifié par la commission)
    Articles 12 et 13
    (Suppression maintenue)
    Articles 12 et 13
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 14 (Texte non modifié par la commission)
    Article 13 bis
    (Non modifié)
    Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
    1° L’article L. 732-10 est ainsi modifié :
    a) Après le mot : « maternité », la fin du premier alinéa est supprimée ;
    b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
    1° bis Après l’article L. 732-10, il est inséré un article L. 732-10-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 732-10-1. – Les personnes mentionnées aux 1° et 2°, au a du 4° et au 5° de l’article L. 722-10 bénéficient, à l’occasion de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié, en vue de son adoption, par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption, sur leur demande et sous réserve de se faire remplacer par du personnel salarié dans les travaux de l’exploitation agricole, d’une allocation de remplacement.
    « L’allocation de remplacement est également accordée aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article titulaires de l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.
    « Les durées maximales d’attribution de l’allocation sont celles prévues à l’article L. 331-7 du code de la sécurité sociale. La période d’allocation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa du même article. Dans ce cas, la durée maximale d’attribution de l’allocation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
    2° L’article L. 732-11 est ainsi modifié :
    a) La référence : « à l’article L. 732-10 » est remplacée par les références : « aux articles L. 732-10 et L. 732-10-1 » ;
    b) Les mots : « non-salariées agricoles visées » sont remplacés par les mots : « non-salariés agricoles mentionnés » ;
    c) Les mots : « lorsqu’elles » sont remplacés par les mots : « lorsqu’ils » ;
    3° L’article L. 732-12 est ainsi modifié :
    a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 732-10 », est insérée la référence : « , L. 732-10-1 » ;
    b) Le dernier alinéa est supprimé ;
    4° Au premier alinéa de l’article L. 732-12-1, les mots : « ou de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption » sont remplacés par les mots : « d’un enfant ».
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 184 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Mon collègue Charles Revet aurait été plus qualifié que moi pour présenter cet amendement, qui concerne le régime des exploitants agricoles. (Sourires.)
    L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement ce congé d’adoption revient en propre à la femme.
    Dans la mesure où le Gouvernement indiquait, dans l’étude d’impact du projet de loi, vouloir procéder par décret à cette modification, on ne comprend pas bien la nécessité législative de cette coordination.
    Le texte poursuit donc son entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation de l’emploi de termes neutres tels que « époux », « parents », « conjoints » et, désormais, « assurés » ou « titulaires ».
    Toutefois, la question est moins celle de la coordination des droits parentaux et familiaux entre parents de sexes différents et parents de même sexe que celle de l’ouverture du droit à l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Le projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 184 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Dans la mesure où les membres du groupe UDI-UC sont majoritairement défavorables à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe, c’est en toute logique que nous proposons de supprimer l’article 13 bis.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements, pour une raison qui rejoint les explications que j’ai données tout à l’heure à notre collègue Bruno Sido.
    Le sujet ne peut relever de l’ordonnance, car en l’espèce nous ne sommes pas à droit constant. En effet, pour les exploitants agricoles, le régime du congé d’adoption, conçu sur le modèle de celui de la maternité, est réservé aux femmes : il convient d’en ouvrir le bénéfice aux hommes, ce qui ne peut se faire que par la loi.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe impose une adaptation de certains dispositifs sociaux afin que les couples mariés bénéficient tous des mêmes droits, que les époux soient de sexes différents ou de même sexe.
    L’article 13 bis vise à ce que le congé d’adoption du régime des exploitants agricoles puisse être accordé sans considération de sexe ou de la composition du couple. C’est donc une mesure d’égalité des droits.
    Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 rectifié bis et 184 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis.
    (L’article 13 bis est adopté.)
    Article 13 bis (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles 15 et 16
    Article 14
    (Non modifié)
    Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
    1° L’article L. 331-7 est ainsi modifié :
    a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la femme assurée » sont remplacés par les mots : « l’assuré » ;
    b) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « intéressée » est remplacé par le mot : « assuré » ;
    c) Au troisième alinéa, le mot : « assurée » est remplacé par le mot : « assuré » ;
    d) L’avant-dernier alinéa est supprimé ;
    e) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
    « La période d’indemnisation prévue au présent article peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptifs lorsque l’un et l’autre ont vocation à bénéficier d’une indemnisation ou d’un maintien du traitement en cas de cessation de leur travail ou de leur activité dans le cadre d’une adoption. » ;
    2° L’article L. 351-4 est ainsi modifié :
    a) Au premier alinéa du II, les mots : « du père ou de la mère assuré social » sont remplacés par les mots : « de l’un ou l’autre des deux parents assurés sociaux » ;
    b) Le cinquième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Lorsque les deux parents sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux. » ;
    c) Le troisième alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Lorsque les deux parents adoptants sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux. » ;
    3° à 7° (Supprimés)
    8° Les articles L. 613-19 et L. 722-8 sont ainsi modifiés :
    a) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
    – au début de la première phrase, les mots : « Les femmes mentionnées au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « Les assurés qui relèvent à titre personnel du régime institué par le présent titre » ;
    – à la deuxième phrase, les mots : « femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 » sont remplacés par les mots : « titulaires de l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 » et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
    b) Le 2° est complété par deux phrases ainsi rédigées :
    « La durée d’indemnisation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 331-7. Dans ce cas, la durée maximale d’indemnisation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
    9° Les articles L. 613-19-1 et L. 722-8-1 sont ainsi modifiés :
    a) Au début du quatrième alinéa, le mot : « Elles » est remplacé par les mots : « Les conjoints collaborateurs remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa » ;
    b) Le 2° est complété par deux phrases ainsi rédigées :
    « La durée d’indemnisation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 331-7. Dans ce cas, la durée maximale d’indemnisation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
    c) Au septième alinéa, le mot : « femmes » est supprimé et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
    10° Aux deux premiers alinéas des articles L. 613-19-2 et L. 722-8-3, les mots : « ou de l’arrivée au foyer » sont supprimés ;
    10° bis Au début de l’article L. 711-9, les mots « des quatrième et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « du dernier alinéa ».
    11° (Supprimé)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 43 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 185 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Je ne ferai pas de long discours : l’article 14 étant en contradiction totale avec le point de vue que nous exprimons depuis le début de ce débat, nous en souhaitons la suppression.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 185 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Nos motivations sont identiques à celles de nos collègues du groupe UMP. Je n’ajouterai donc rien aux propos de M. Gélard.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est hostile à ces deux amendements, pour des raisons que j’ai déjà exposées tout à l’heure.
    Cela étant, je comprends bien les motivations de leurs auteurs. Ils savent parfaitement que les coordinations prévues par l’article ne peuvent se faire que par la loi, puisque nous ne sommes pas à droit constant, mais comme ils sont contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, ils sont évidemment opposés à ces coordinations.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements.
    L’article 14 prévoit l’adaptation des règles du code de la sécurité sociale relatives aux congés d’adoption et aux majorations de durée d’assurance en matière de retraite afin de permettre leur application à toutes les familles, sans considération de la composition du couple. C’est donc, là encore, une mesure d’égalité des droits.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié bis et 185 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 2 à 8
    Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
    1° Au troisième alinéa de l’article L. 331-7, les mots : « le ménage » sont remplacés par les mots : « le couple marié » ;
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement s’explique par son texte même.
    M. le président. L’amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 3 à 5
    Supprimer ces alinéas.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Monsieur le président, je souhaiterais, si vous le permettez, présenter en même temps les trois amendements suivants.
    M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 45 rectifié bis, 48 rectifié bis et 46 rectifié bis.
    L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 9 à 14
    Supprimer ces alinéas.
    L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 16 à 21
    Supprimer ces alinéas.
    L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéas 22 à 26
    Supprimer ces alinéas.
    Veuillez poursuivre, monsieur Gélard.
    M. Patrice Gélard. Ces amendements relèvent de la démarche que nous avons suivie depuis le début de la discussion de ce projet de loi, consistant, lorsqu’un amendement de suppression de l’article n’a pas été adopté, à proposer d’en supprimer des alinéas.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois est défavorable à ces cinq amendements.
    Tout d’abord, la coordination doit se faire par la loi.
    Ensuite, l’amendement n° 44 rectifié bis, qui vise notamment à remplacer les mots « le ménage » par les mots « le couple marié », fait très bien apparaître les motivations de M. Gélard et de ses collègues : contrairement à eux, nous sommes favorables à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les explications données par M. le rapporteur sont tout à fait judicieuses. L’adoption de ces amendements créerait une inégalité de traitement entre adoptants en fonction de la composition du couple. Cela serait contraire à l’esprit même du projet de loi.
    Le Gouvernement est donc défavorable à ces cinq amendements.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 60 rectifié, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
    Alinéa 29
    Rétablir le 11° dans la rédaction suivante :
    11° L’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
    « Art. L. 713-6. - Les veuves et veufs de guerre, bénéficiaires d’une pension au titre du premier alinéa de l’article L. 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont le conjoint était militaire de carrière au moment du décès, ont droit aux mêmes prestations que les veuves et veufs titulaires d’une pension de réversion. »
    La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cet amendement de coordination vise à tirer les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe à l’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale, relatif aux pensions de réversion versées aux veuves de guerre. Pour être précis, il s’agit de substituer au terme « veuves » les mots « veuves et veufs » et au terme « mari » le mot « époux ».
    Cette mesure de coordination, qui figurait à l’article 14 de la version initiale du projet de loi, a été malencontreusement supprimée à l’Assemblée nationale.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a donné un avis favorable à cet amendement.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’adoption de l’article 4 bis par l’Assemblée nationale a effectivement entraîné la suppression de cette mesure de coordination, ce qui avait pour conséquence de laisser subsister une rédaction obsolète de l’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale, ne visant que les veuves de guerre.
    Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Je voterai cet excellent amendement. Aujourd’hui, il y a des femmes soldats, qui peuvent laisser des veufs.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tout bouge !
    Mme Cécile Cukierman. Quand on favorise l’égalité, tout le monde y gagne !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60 rectifié.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
    (L’article 14 est adopté.)
    Article 14 (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 16 bis (Texte non modifié par la commission)
    Articles 15 et 16
    (Suppression maintenue)
    Articles 15 et 16
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles 17 à 20
    Article 16 bis
    (Non modifié)
    Après l’article L. 1132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-2 ainsi rédigé :
    « Art. L. 1132-3-2. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié ou lié par un pacte civil de solidarité à une personne de même sexe. »
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 61, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
    Rédiger ainsi cet article :
    Après l’article L. 1132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-2 ainsi rédigé :
    « Art. L. 1132-3-2. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité. »
    La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est sur l’initiative de la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Mme Marie-Françoise Clergeau, qu’a été introduit cet article 16 bis, qui vise à protéger contre toute mesure de sanction, de licenciement ou de discrimination les salariés mariés ou pacsés avec une personne de même sexe qui refuseraient une mutation dans un État incriminant l’homosexualité.
    Ainsi que cela a déjà été souligné au début de l’examen de ce texte, l’homosexualité est encore passible de la peine de mort dans sept pays et elle est pénalement sanctionnée dans près d’une soixantaine.
    Notre collègue Jean-Pierre Michel le confirmera, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît d’ores et déjà la possibilité pour un salarié, homme ou femme, de refuser, sans encourir de sanction, de licenciement ou de discrimination, une mutation qui porterait « une atteinte injustifiée ou disproportionnée » à son droit à une vie familiale et personnelle.
    Si l’on peut juger légitimement que la Cour de cassation appliquerait cette jurisprudence à l’occasion d’une procédure contentieuse relative à une mutation dans un pays qui incrimine l’homosexualité, il est néanmoins préférable d’en affirmer le principe dans le code du travail.
    La rédaction de l’article 16 bis pose cependant une difficulté en ce qu’elle vise uniquement les salariés, hommes ou femmes, mariés ou pacsés à une autre personne du même sexe. Certains employeurs pourraient donc alléguer du fait qu’un ou une salarié n’est ni marié ni pacsé pour le sanctionner en raison d’un refus de mutation. Ainsi, les salariés homosexuels célibataires ou qui vivent en union libre ne seraient pas couverts par cette disposition protectrice, ce qui reviendrait à introduire une nouvelle discrimination en fonction de la situation familiale et, par là même, à créer un risque de recul par rapport à la jurisprudence.
    Pour exclure tout risque de ce type, la commission des affaires sociales a adopté le présent amendement, qui étend la mesure de protection à l’ensemble des salariés homosexuels, sans considération de leur situation familiale.
    M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Après les mots :
    l’homosexualité
    insérer les mots :
    ou où il est porté notoirement atteinte aux droits fondamentaux des personnes en raison de leur orientation sexuelle
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. En Afrique du Sud, l’homosexualité, certes, n’est pas réprimée, le mariage entre personnes de même sexe est même autorisé. Ce n’est donc pas l’État qui porte atteinte aux droits des personnes LGBT.
    En revanche, certains groupes et associations, ainsi que des partis politiques homophobes, exercent de graves pressions et des violences insupportables à l’encontre des homosexuels. De nombreuses personnes et associations se mobilisent d’ailleurs aujourd’hui pour mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les auteurs de « viols correctifs », d’agressions commises en vue de « guérir » leurs victimes de leur homosexualité…
    Il s’agit ici d’empêcher qu’un refus de mutation par un salarié marié ou pacsé avec une personne de même sexe dans un État tel que l’Afrique du Sud puisse être sanctionné.
    M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2
    Supprimer les mots :
    , s’il est marié ou lié par un pacte civil de solidarité à une personne de même sexe
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Mon amendement va dans le même sens que celui de Mme le rapporteur pour avis. Il me semble toutefois que sa formulation est plus simple.
    La rédaction de l’article 16 bis issue des travaux de l’Assemblée nationale ne permettra pas de sanctionner tous les cas d’homophobie. Nous voulons nous aussi y remédier, car, chacun le sait, personne n’est homophobe ici. (Très bien ! sur diverses travées.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a émis un avis favorable sur l’amendement de la commission des affaires sociales. Elle regrette vivement de ne pouvoir accepter l’amendement d’un de ses membres, monsieur Gélard : vous comprendrez, mon cher collègue, qu’il faut tout de même faire droit aux quelques amendements déposés par la commission des affaires sociales, saisie pour avis ! Je vous suggère donc de vous rallier à l’amendement n° 61.
    Madame Benbassa, je vous invite également à retirer votre amendement. En effet, il est satisfait par l’amendement n° 61 et, pour le cas des mutations dans des pays où l’homosexualité n’est pas incriminée, par l’article L. 1121-1 du code du travail, qui dispose que « nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
    Si ces deux amendements ne sont pas retirés, la commission y sera défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 61, qui tend à renforcer la protection législative et jurisprudentielle encadrant les clauses de mobilité. Il permettra, en posant pour limite à la mobilité le respect de la vie personnelle et familiale, d’accroître la protection des salariés homosexuels célibataires dont l’orientation sexuelle est révélée, de quelque manière que ce soit, et qui, en raison de leur situation familiale, ne bénéficient pas de la protection offerte par la jurisprudence.
    Concernant l’amendement n° 137, il serait difficile de garantir la protection que propose d’instituer Mme Benbassa, dont l’intention est bien évidemment très louable. Comme M. le rapporteur, nous souhaiterions qu’il soit retiré, de même que l’amendement de M. Gélard ; sinon, nous émettrons un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 61.
    M. Bruno Sido. Il n’y a pas d’homophobes chez nous : nous voterons cet amendement !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61.
    (L’amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l’article 16 bis est ainsi rédigé.
    Par ailleurs, je constate que l’amendement n° 61 a été adopté à l’unanimité des présents.
    Les amendements nos 137 et 49 rectifié bis n’ont plus d’objet.
    Article 16 bis (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 21 (Texte non modifié par la commission)
    Articles 17 à 20
    (Suppression maintenue)
    Articles 17 à 20
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 22 (Texte non modifié par la commission)
    Article 21
    (Non modifié)
    Après le premier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans le cas d’un couple de personnes de même sexe dont les deux membres assument à leur foyer la charge effective et permanente de l’enfant, l’allocataire est le membre du couple qu’ils désignent d’un commun accord. À défaut d’accord, la qualité d’allocataire est attribuée à celui qui en fait la demande en premier. »
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
    L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par M. Soilihi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. M. Soilihi n’ayant pu être présent cet après-midi, je présenterai à sa place cet amendement et le suivant, bien que je ne connaisse malheureusement pas Mayotte.
    L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales dans le cas d’un couple de personnes de même sexe.
    Actuellement, la priorité est donnée à la mère pour être désignée allocataire des prestations. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames.
    Le projet de loi prévoit, pour les couples de même sexe, la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire. Les auteurs de cet amendement sont opposés à une telle disposition.
    M. le président. L’amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Soilihi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Alinéa 2, seconde phrase
    Remplacer les mots :
    à celui qui en fait la demande en premier
    par les mots :
    par décision de justice
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Les auteurs de cet amendement souhaiteraient que, en cas de désaccord, la désignation de l’allocataire des prestations soit opérée par une décision de justice, afin d’éviter toute demande hâtive malvenue.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
    Selon elle, il ne faut pas supprimer l’article 21, car cela ne ferait que compliquer encore l’attribution des allocations en cas de désaccord. Vous l’avez compris, il y a encore, à Mayotte, des familles polygames.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces deux amendements.
    L’objet de l’article 21 est d’établir une égalité des droits, en permettant aux couples de personnes de même sexe de désigner l’allocataire, comme c’est le cas en métropole.
    Par ailleurs, son existence étant constitutionnellement garantie, le statut personnel en vigueur dans différentes collectivités d’outre-mer ne saurait être remis en cause. Ainsi, le législateur ne peut modifier les règles applicables aux personnes de statut local que pour imposer un droit constitutionnellement protégé. Si la Constitution garantit le maintien de règles coutumières, toute personne de statut local a la possibilité de renoncer à ce statut au profit du statut civil de droit commun et de bénéficier des mêmes droits que l’ensemble des Français.
    M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
    M. Thani Mohamed Soilihi. En suivant les débats de l’Assemblée nationale, j’ai été extrêmement dérangé par le fait que les prises de parole sur cet article visaient en fait non pas à parler du département de Mayotte, faute sans doute de connaissance de celui-ci, mais uniquement à réaffirmer un rejet épidermique du projet de loi.
    Laissez-moi vous parler de cette île qui m’est très chère. Il y a encore quelques années, à Mayotte, la laïcité ne s’appliquait pas tout à fait comme sur le reste du territoire français. Le statut personnel coutumier spécifique de cette île, où l’islam est fortement majoritaire, autorisait la polygamie en droit ou, pour être plus exact, la loi attachait des effets juridiques à l’union polygame.
    Néanmoins, comme vous le savez tous, lors du référendum de mars 2009, plus de 95 % des électeurs mahorais ont souhaité que leur île devienne le cent-unième département français. Ce choix nécessitait donc de renoncer à certaines pratiques contraires aux principes républicains que nous voulions désormais faire nôtres, ou de les adapter. L’accession à la départementalisation a eu pour conséquence que désormais les nouvelles unions polygames n’emportent plus d’effets juridiques.
    En effet, si la polygamie a été abolie, pour l’avenir, à compter du 1er janvier 2005, il subsiste de fait des ménages polygames, même s’il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date. L’article 21 du projet de loi tient compte de cet état de fait et permet de préserver le dispositif spécifique d’allocation des prestations familiales s’appliquant à Mayotte, au bénéfice des femmes vivant toujours au sein de foyers polygames. Il permet également de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe, en édictant une règle identique à celle en vigueur en métropole. La désignation de l’allocataire se fera d’un commun accord par les deux membres du couple.
    Ainsi, le Gouvernement démontre une nouvelle fois sa volonté de consolider le processus de départementalisation.
    En cas de désaccord, l’article 21 prévoit que l’allocataire sera celui qui aura le premier demandé à l’être. Il ne s’agira pas, comme j’ai pu le lire ici ou là, d’une course de vitesse : les allocations profitent en définitive à l’ensemble du foyer, et non pas à celui des membres du couple qui aura couru le plus vite ! Si le désaccord entre les époux est tel qu’il n’y a plus de conciliation possible et qu’il emporte le divorce, alors un juge interviendra pour arbitrer la situation.
    L’amendement n° 51 rectifié bis, qui tend à prévoir que la désignation sera faite par une décision de justice, n’est pas sérieux. Son adoption alourdirait inutilement le dispositif de délivrance des allocations familiales.
    Enfin, certains lient mariage homosexuel et polygamie : soyons sérieux, ne mélangeons pas tout ! Je rappellerai simplement que la polygamie n’a rien à voir avec ce dont nous sommes en train de débattre, sauf à considérer que les couples de personnes de même sexe pourront également constituer des foyers polygames. Le droit français considère que le couple s’entend de l’union de deux personnes de sexes opposés ou, bientôt, de même sexe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. Je peux comprendre la partie de l’intervention de notre collègue Thani Mohamed Soilihi relative au premier des deux amendements défendus par M. Gélard, celui qui tend à supprimer l’article 21. En effet, la suppression de cet article signifierait que ne s’appliquerait pas à Mayotte le régime des allocations familiales.
    Si je ne soutiens pas ce premier amendement, j’aimerais en revanche appeler à la réflexion sur le second.
    Que, en cas de désaccord, l’allocataire des prestations familiales soit celui qui en aura fait la demande en premier pose un problème de fond. Partout sur le territoire national, il doit revenir aux tribunaux de trancher sans drame ce type de différends. Je ne comprends donc pas le rejet par le Gouvernement et la commission de l’amendement n° 51 rectifié bis.
    Le sujet n’est pas ici celui du mariage entre personnes de même sexe ou de l’adoption : il s’agit de mesures de portée générale au regard d’un dispositif juridique de droit commun. Je suis choqué que notre droit puisse prévoir que les prestations familiales soient accordées à celui qui demande le premier à en être l’allocataire. Je crois sincèrement, mes chers collègues, qu’il serait raisonnable d’adopter l’amendement n° 51 rectifié bis, d’autant, monsieur Thani Mohamed Soilihi, qu’il me semble aller dans le sens d’une unification du droit sur l’ensemble du territoire de la République.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié bis.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous devriez le voter, vraiment !
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 21.
    (L’article 21 est adopté.)
    CHAPITRE IV
    DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES
    Article 21 (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
    Article 22
    (Non modifié)
    Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l’égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l’objet d’une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. À compter de la date de transcription, il produit effet à l’égard des tiers.
    M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
    M. Richard Yung. Je veux souligner l’importance de cet article 22, ayant été confronté, en tant que sénateur des Français établis hors de France, à plusieurs cas difficiles.
    Je me rappelle, par exemple, du cas d’un Français qui a été déchu, en 2008, de la nationalité française, pour s’être marié aux Pays-Bas avec un Néerlandais, en acquérant de ce fait la nationalité néerlandaise. S’il avait épousé une Néerlandaise, il aurait pu conserver sa nationalité française. La France a préféré la lui retirer plutôt que de le considérer comme marié à un homme, violant par la même occasion la convention qui la lie aux Pays-Bas.
    C’est peut-être un cas extrême, mais il n’est pas complètement isolé : les mariages de personnes de même sexe conclus à l’étranger en toute légalité, soit entre deux personnes de nationalité française, soit entre un ressortissant français et une personne d’une autre nationalité, ne sont pas reconnus en France et ne produisent donc pas d’effets.
    Pourtant, le droit international privé oblige la France à reconnaître les mariages homosexuels célébrés à l’étranger entre deux étrangers dont la loi personnelle le permet. Nous sommes donc dans une situation ubuesque – si l’on peut dire – où les couples homosexuels étrangers mariés à l’étranger sont reconnus par la France et, par conséquent, sont mieux protégés par le droit français que les couples homosexuels français ou binationaux mariés à l’étranger. Comprenne qui pourra !
    Devant cette injustice, j’avais déposé, en novembre 2008, une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance des unions conclues dans un autre État de l’Union européenne pour tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle.
    Le Sénat ne m’a pas suivi et, depuis, rien n’a bougé… jusqu’à aujourd’hui, puisque nous allons enfin donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité de se marier.
    Je défendrai, pour ma part, cet article 22, qui permettra aux mariages de couples homosexuels français et binationaux célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la présente loi d’être reconnus en France, sous réserve, bien entendu, d’avoir été conclus dans le respect des conditions de validité requises en France.
    Certains députés de l’opposition ont reproché à cet article d’instituer une sorte d’amnistie pour les couples de personnes de même sexe s’étant mariés à l’étranger dans le passé. Mais une telle critique est dénuée de tout fondement : il n’est pas question d’amnistier qui que ce soit, car, à l’époque, ces personnes n’ont pas contrevenu à une législation, puisqu’elles se sont mariées à l’étranger sous l’empire d’une loi étrangère le permettant.
    Étant donné que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient le jour de la célébration, les mariages célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi, bien que tout à fait légaux et devenus conformes à notre code civil, ne seront toujours pas reconnus. Il faudrait donc que les couples concernés divorcent pour se remarier ! Vous en conviendrez, ce n’est pas une solution particulièrement facile, ni élégante…
    Il s’agit donc de permettre une ratification de ces mariages conclus à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 53 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 186 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Marseille, Delahaye, Arthuis, J. Boyer, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Je suis déjà intervenu sur ce sujet lors de l’examen d’articles précédents.
    Le dispositif de cet article 22 constitue une violation manifeste de l’article 2 du code civil, qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, a valeur constitutionnelle et pose un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En d’autres termes, nous sommes ici face à une irrégularité majeure au regard de la Constitution.
    À mon avis, on aurait pu recourir à d’autres solutions, mais la rétroactivité de la loi telle que prévue par l’article 22 est manifestement contraire à notre État de droit et fera donc, en tout état de cause, l’objet d’une sanction.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 186 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Il est défendu.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié bis et 186 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. L’amendement n° 234 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc, Retailleau, B. Fournier et Dufaut, est ainsi libellé :
    Rédiger ainsi cet article :
    Le mariage entre personnes du même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est nul et non avenu. Il ne peut lui être accordé aucun effet ni rétroactif, ni pour l’avenir.
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Dans le droit fil des propos que vient de tenir M. Gélard, cet amendement tend à éviter la validation rétroactive des mariages homosexuels célébrés dans l’illégalité.
    J’ai compris que certains s’indignaient que des maires puissent envisager de refuser de célébrer des mariages entre des personnes de même sexe, par fidélité à leurs convictions les plus profondes. On leur dénie le droit d’exercer leur liberté de conscience et on les accuse de s’apprêter à ne pas respecter les lois de la République. Or voilà que, avec l’article 22, on voudrait légaliser les agissements passés de maires qui, dans un esprit de provocation, ont défié les lois de la République en mariant deux personnes de même sexe. Étrange conception de la justice !
    Rappelons ici que la Cour de cassation a bien sûr annulé les prétendus mariages prononcés par des élus locaux qui ont cru bon, sans doute par conviction et peut-être aussi pour s’offrir une promotion médiatique à bon compte, d’unir des couples homosexuels quand la législation ne le permettait pas.
    La rédaction proposée pour l’article 22 instaure une sorte de prime à l’illégalité, qui viendrait récompenser des comportements d’élus violant les lois qu’ils sont supposés faire respecter. Cela créerait un précédent et donnerait à penser que les provocations sont, tôt ou tard, couvertes de manière rétroactive.
    En outre, la validation rétroactive d’unions homosexuelles poserait de graves problèmes au regard des droits nés entre-temps, le cas des mariés de Bègles remontant, par exemple, à 2004.
    Je propose donc une nouvelle rédaction garantissant la sécurité juridique ainsi que la force de la loi, tout en rappelant aux élus ce que signifie l’État de droit.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne reprendrai pas les excellentes explications de Richard Yung, qui connaît mieux la matière que moi. Je préciserai simplement à MM. Darniche et Gélard qu’il s’agit non pas, avec l’article 22, de valider rétroactivement des mariages célébrés illégalement, en contravention avec le droit français alors en vigueur, mais de faire en sorte que des mariages célébrés en toute légalité à l’étranger puissent produire des effets en France. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas, puisque le mariage n’est pas ouvert aux couples de personnes de même sexe. Il ne s’agit pas de valider a posteriori des mariages de couples homosexuels qui auraient été célébrés en France. D’ores et déjà, de nombreux mariages célébrés à l’étranger produisent des effets dans notre pays, notamment en matière patrimoniale.
    La commission des lois est donc défavorable à l’amendement de M. Darniche.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si l’amendement était adopté, nos ressortissants devraient, dans certains cas, divorcer puis se remarier après l’entrée en vigueur de la loi pour que leur mariage soit reconnu en France et opposable aux tiers.
    Prenons l’exemple d’un Français et d’un Belge qui se seraient mariés l’an dernier en Belgique. Aujourd’hui, le Français est considéré comme célibataire, puisque le présent texte n’est pas encore entré en vigueur, mais le Belge est considéré comme marié, puisque son mariage est valide au regard de sa loi personnelle. À défaut d’adoption de l’article 22, ce couple devrait se remarier après l’entrée en vigueur de la loi après avoir divorcé en Belgique, le ressortissant belge n’étant pas célibataire au regard de sa loi personnelle.
    L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 234 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 22.
    (L’article 22 est adopté.)
    Article 22 (Texte non modifié par la commission)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 23 (début)
    Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
    M. le président. Je rappelle que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 22 ont été réservés jusqu’après l’article 23.
    Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Article 23 (interruption de la discussion)
    Article 23
    Les articles 1er à 4 et 22 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
    L’amendement n° 55 rectifié bis, présenté par M. Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Supprimer cet article.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Malheureusement, je ne suis encore jamais allé en Polynésie, mais je vais tout de même défendre cet amendement en l’absence de M. Frogier !
    L’article 23, relatif à l’applicabilité outre-mer du texte, nous donne l’occasion de rappeler, grâce à nos territoires d’outre-mer, qu’à situations différentes, il peut y avoir traitements différents.
    Cet amendement de suppression de l’article 23 est de coordination avec les suppressions d’articles précédemment demandées concernant la métropole et les collectivités régies par l’identité législative, mais il permet en outre d’aborder l’épineux sujet de la discrimination.
    Outre-mer plus encore qu’ailleurs, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité, pour ne pas dire qu’il fait l’objet de vives critiques. C’est la raison pour laquelle M. Frogier et les membres de notre groupe demandent la suppression de l’article 23.
    M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    I. – Supprimer les mots :
    et en Polynésie française
    II. – En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
    ... – L’article 14-1 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité est applicable en Polynésie française.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à étendre l’application des dispositions relatives au PACS à la Polynésie française.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements. Nous pensons que la loi doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la République, y compris en Polynésie française.
    En outre, mes chers collègues, l’application des dispositions relatives au PACS ne nécessite aucune mesure législative. On constate que l’Assemblée territoriale de Polynésie n’a pris aucune disposition visant à rendre applicable le PACS sur son territoire. Il lui appartient de le faire si elle le juge bon.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les explications de M. le rapporteur sont très claires : le Gouvernement est lui aussi défavorable aux deux amendements.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 55 rectifié bis.
    M. Bruno Sido. La Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont des territoires d’outre-mer régis chacun par un statut différent, n’ayant rien à voir avec le régime de la métropole.
    Les assemblées délibérantes de ces territoires ont-elles été consultées ? Je pense qu’elles devraient l’être afin de vérifier que l’on ne bousculera pas les habitudes de vie des populations, même si je sais que, par exemple, les Polynésiens portent, de longue date, un regard particulier sur les homosexuels…
    M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
    M. Serge Larcher. Je voudrais relever que certains de nos collègues ont employé un vocabulaire désuet !
    La République française ne compte plus de territoires d’outre-mer, mais des départements et des collectivités d’outre-mer. Quant au mot « métropole », ayez l’obligeance, mes chers collègues, de le rayer de votre vocabulaire concernant les départements et les collectivités d’outre-mer : la métropole se définit par rapport à des colonies, or il n’en existe plus depuis 1946 ! Je vous invite donc à employer les termes appropriés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’article 23.
    (L’article 23 est adopté.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec l’examen des articles proprement dits du projet de loi.
    La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance d’un quart d’heure.
    M. le président. Je vous accorde dix minutes. (Rires.)
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Article 23 (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    7
    DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 11 avril 2013, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.
    Acte est donné de cette communication.
    8
    ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE POUR L’EXAMEN D’UNE PROPOSITION DE LOI

    M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 avril 2013.
    9
    Article 23 (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
    M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er, précédemment réservés.
    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
    Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
    M. le président. L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Longuet et Laufoaulu, Mme Lamure, MM. Lecerf, Cointat, de Legge, del Picchia, Delattre et du Luart, Mme Duchêne, MM. Charon, Cambon, Bizet, Doligé et Fleming, Mme Giudicelli et MM. Magras, Paul, Pillet, Vial et de Montgolfier, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 433-21 du code pénal est abrogé.
    La parole est à M. Hugues Portelli.
    M. Hugues Portelli. Avant de présenter cet amendement, je ne peux résister au plaisir de me réjouir de la décision du Conseil constitutionnel sur la taxe énergétique. Le Conseil a en effet validé les arguments qui avaient motivé la saisine du groupe UMP, en censurant les dispositions que nous jugions contraires au principe d’égalité devant la loi.
    M. Philippe Bas. Très bien !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On devrait nous écouter un peu plus !
    M. Hugues Portelli. L’amendement n° 76 rectifié bis vise à abroger une disposition très ancienne, qui remonte au décret du 20-25 septembre 1792 créant l’état civil. Nous étions alors dans une période complexe s’agissant des relations entre l’Église catholique et l’État français.
    Ainsi, tout ministre d’un culte qui procède « de manière habituelle » aux cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l’acte de mariage civil est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois et d’une amende.
    Aujourd’hui, cette disposition n’a plus guère de signification : d’une part, elle n’est pas connue ; d’autre part, elle n’est pas respectée. Les ministres du culte de certaines religions célèbrent des mariages religieux sans se demander à quel jour et à quelle heure a eu lieu le mariage civil. Par conséquent, de notre point de vue, cette disposition a un caractère purement discriminatoire, dans la mesure où elle ne concerne pas toutes les religions. En outre, il est très difficile de vérifier qu’elle est bien respectée, parce qu’il faudrait s’en assurer mariage par mariage. Enfin, le texte comporte une ambiguïté, du fait de la présence de l’expression « de manière habituelle ». Cela signifie que, pour qu’un ministre du culte soit sanctionné, il faudrait qu’il contrevienne à la loi de manière systématique.
    À notre sens, cette disposition est surannée et obsolète ; en pratique, elle n’est même plus en vigueur. Nous demandons donc qu’elle soit abrogée.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a émis un avis défavorable.
    Depuis la Révolution, c’est le mariage civil et non le mariage religieux qui produit des effets civils dans notre pays, contrairement à ce qui se passe dans certains pays d’Europe du Nord, par exemple. Si nous votions cet amendement, les ministres du culte pourraient tenir des registres d’état civil. Il arrive parfois, dans certaines communes – le cas s’est d’ailleurs présenté dans la mienne –, que le mariage religieux soit célébré avant le mariage civil, mais ce mariage religieux ne produit aucun effet de droit. Je pense qu’il faut nous en tenir à la législation actuelle.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.
    Dans notre société laïque, un acte religieux ne peut produire des effets de droit, tant entre les époux qu’à l’égard des tiers.
    Il n’est absolument pas opportun, à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, d’en ouvrir un autre sur la laïcité de nos institutions et sur la séparation des Églises et de l’État.
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
    M. Patrice Gélard. L’amendement de M. Portelli ne vise pas à substituer le mariage religieux au mariage civil. Ce dernier garde tous ses effets civils, tandis que le premier n’en a aucun. Les deux sont complètement indépendants.
    Je ne vois pas pourquoi il faudrait maintenir des dispositions pénales qui ne sont plus applicables ni appliquées.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
    M. Jean-Jacques Hyest. Pour avoir participé d’un bout à l’autre à la réforme du code pénal, je peux vous dire que, après nous être fortement interrogés, nous avions supprimé cette incrimination. Toutefois, le Gouvernement nous avait mis en garde sur les risques de conclusions de mariages polygames qu’entraînerait cette suppression. Il avait donc été décidé de la conserver.
    Je rappelle que le maire, lorsqu’il procède à un mariage, délivre un certificat. Le prêtre, le rabbin ou le pasteur font donc attention, car ils connaissent le dispositif. Par ailleurs, je souligne que le texte du code pénal fait référence au caractère habituel, c’est-à-dire que le ministre du culte ne tombe pas sous le coup de la loi s’il agit de manière exceptionnelle ou occasionnelle.
    Mes chers collègues, c’est une survivance d’une l’époque où il fallait imposer le mariage civil en mettant une forte pression sur ceux qui n’admettaient pas cette forme de cérémonie, devenue républicaine au bout de deux siècles…
    Je voterai donc l’amendement de notre collègue Portelli.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
    M. Jean-Yves Leconte. Les considérations religieuses n’ont pas leur place ici, dans un texte sur le mariage civil entre couples de personnes même sexe ; elles relèvent de l’intime de chacun, et l’État n’a pas à s’en mêler.
    L’amendement défendu par M. Portelli semble rationnel. Toutefois, la loi doit d’abord protéger la société. À cet égard, je me rappelle que Mme Jouanno, lors de la discussion générale, avait évoqué la polygamie comme une atteinte à la dignité.
    Nous voyons bien quel serait le risque de l’abandon de cette disposition du code pénal, qui protège, qui rend la société meilleure, en adéquation avec ses valeurs. Par conséquent, malgré l’absolue rationalité de cet amendement, son adoption serait de nature à retirer une protection contre cette indignité qu’est la polygamie.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Les arguments développés par notre collègue Leconte m’interpellent.
    Comme j’ai pour habitude de suivre Hugues Portelli, j’ai cosigné son amendement en toute bonne foi. Or, vous le savez, mes chers collègues, je suis Lorrain, et il se trouve que nous ne sommes plus tout à fait dans le cadre du concordat de 1801, lorsqu’il y avait trois religions reconnues en Alsace-Moselle. Certes, elles existent toujours, et je leur souhaite longue vie et prospérité, mais elles ne sont plus les seules.
    M. Hugues Portelli. Il y a une confusion !
    M. Gérard Longuet. Des religions nouvelles sont apparues, qui acceptent la polygamie. Nous risquons d’avoir des mariages n’ayant aucun effet civil – M. le rapporteur a eu raison de le rappeler – et qui ressembleront plus à des fêtes communautaires.
    Je suis donc très gêné, monsieur Portelli, et j’attends un éclaircissement de votre part.
    M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
    M. Hugues Portelli. Je crois qu’il y a une confusion. Au départ, j’avais déposé deux amendements.
    L’amendement n° 77 rectifié bis visait à faire produire au mariage religieux les mêmes effets que le mariage civil. De manière provocatrice, je me disais que, à partir du moment où l’on fait tout ce que l’on veut, pourquoi ne donnerait-on pas des effets civils au mariage religieux ? Comme nous sommes dans une phase d’apaisement, j’ai décidé de le retirer avant la séance.
    Présentement, je ne défends que l’amendement n° 76 rectifié bis. Celui-ci tend à abroger l’article 433-21 du code pénal, qui reprend une disposition remontant au 20 septembre 1792.
    M. Gérard Longuet. Le jour de Valmy !
    M. Hugues Portelli. C’est aussi la veille de la proclamation de la République.
    À l’époque, il a été décidé de regrouper l’état civil en récupérant tous les registres tenus pas les curés des paroisses pour les confier aux maires des communes. Cependant, cela ne s’est pas fait sans une certaine résistance. Je vous rappelle que la constitution civile du clergé avait provoqué un schisme au sein de l’Église catholique : certains prêtres, ceux qui avaient accepté ce régime et prêté serment, ont remis leurs registres ; d’autres, refusant ce statut, sont entrés en dissidence. C’est à ces derniers que s’adressait le texte : si vous continuez à marier religieusement, de manière habituelle, je le souligne, sans mariage civil préalable, vous serez punis d’une peine d’emprisonnement et d’une amende.
    Le temps a passé ; nous sommes en 2013, et la société n’est plus la même. Je peux vous dire qu’il n’y a plus beaucoup de prêtres catholiques qui s’amusent à enfreindre la loi de manière habituelle et volontaire. Le mariage civil est donc bien le seul à avoir des effets. Si un ministre du culte, quelle que soit sa religion, célèbre un mariage religieux sans mariage civil, celui-ci n’a aucun effet en droit civil.
    Cet amendement vise simplement à abroger cette disposition pénale légèrement désuète. Il ne change rien au droit, c’est-à-dire que le mariage civil reste obligatoire et est le seul à avoir des effets civils. Simplement, cette peine n’avait plus grand sens, plus de deux siècles après son instauration.
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
    M. Dominique de Legge. M. le rapporteur a eu raison de nous rappeler que le mariage religieux ne pouvait être générateur de droits. Reste que nous sommes dans une République laïque. En vertu de la séparation des Églises et de l’État, ce qui se passe dans les sacristies ou dans les temples ne regarde donc pas la République. En outre, je ne vois pas en quoi l’adoption de cet amendement porterait atteinte à la République. À mon sens, il s’agit plutôt d’une précision qu’il était temps d’apporter.
    M. Leconte pense que voter cet amendement serait très embêtant, parce que la mesure qu’il vise à supprimer permet de lutter contre la polygamie. Mais depuis quand devons-nous demander aux religions de lutter contre la polygamie ? La polygamie est condamnée par nos lois !
    De mon point de vue, l’amendement défendu par notre collègue Portelli a toute sa raison d’être. Son adoption permettrait tout simplement de mettre à jour le droit avec la pratique.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
    M. Yves Détraigne. Le projet de loi que nous sommes en train d’examiner est, comme beaucoup l’ont dit, un texte clivant. Cet amendement, qui débarque brusquement, est également clivant, c’est le moins que l’on puisse dire.
    Nous sommes parfois un certain nombre à regretter l’absence d’une étude d’impact lorsque nous délibérons. En l’occurrence, adopter cet amendement sans un tel document nous ferait courir le grand risque d’ouvrir un front sans raison.
    Pour ma part, je suis totalement opposé à ce que l’on modifie le droit en vigueur : le mariage religieux ne peut pas produire les mêmes effets que le mariage civil – je me réfère à l’amendement n° 77 rectifié bis, qui a effectivement été retiré – et si un mariage religieux est célébré sans mariage civil préalable, il faut qu’il y ait une sanction.
    Mme Annie David. Eh oui !
    M. Yves Détraigne. Je suis donc totalement contre l’amendement qui nous est proposé.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
    M. Charles Revet. Personnellement, je n’avais pas cosigné l’amendement n° 77 rectifié bis, qui nous aurait entraînés un peu trop loin, mais Hugues Portelli vient de reconnaître qu’il était volontairement provocateur.
    S’agissant de l’amendement n° 76 rectifié bis, soyons logiques : dès lors qu’il y a séparation des Églises et de l’État, que nous sommes dans une République laïque, un régime de liberté, il ne me paraît pas choquant qu’un ministre du culte puisse, sans encourir de sanctions, célébrer un mariage religieux dès lors que celui-ci n’emporte aucun effet civil. Après tout, c’est le choix des futurs époux !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. La loi concernant la séparation des Églises et de l’État a été votée voilà plus d’un siècle. Certes, notre société évolue, mais nul ne peut ignorer les risques liés à la polygamie. Nous venons d’ailleurs d’évoquer le cas d’un département français, Mayotte, où la polygamie est encore une réalité.
    Je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 76 rectifié bis ni de l’amendement n° 77 rectifié bis, et, à titre personnel, j’y suis opposé. Il est en effet inutile de ranimer de vieilles querelles, d’autant que nous connaissons tous les risques de débordements.
    J’irai même plus loin. N’étant pas juriste, j’ignorais l’existence de cet article du code pénal, sinon j’aurais déposé un amendement pour supprimer les mots « de manière habituelle ». Peut-être M. le rapporteur ou M. le président de la commission des lois ont-ils autorité pour le faire…
    M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
    M. Albéric de Montgolfier. Avant que nous ne passions au vote, je souhaiterais savoir si des condamnations ont été prononcées sur le fondement de ces dispositions pénales. Le Gouvernement peut-il nous éclairer ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une, en 2008 !
    M. Albéric de Montgolfier. Une seule ? Cette disposition est donc tombée en désuétude !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je comprends votre raisonnement, monsieur Portelli. C’est vrai, monsieur de Montgolfier, que très peu de sanctions ont été prononcées sur le fondement de cette disposition. Mais écoutez les arguments de M. Sido ou de M. Détraigne.
    Aujourd’hui, dans notre pays, un certain nombre de religions – évangéliste, musulmane et d’autres – prétendent enfoncer la porte de la laïcité. Si nous supprimions cette sanction, qui n’est pas appliquée – soyons discrets ! –, nous leur donnerions un signe d’encouragement. Au bout d’un certain temps, les personnes qui n’auront contracté qu’un mariage religieux revendiqueront le fait que celui-ci produise les mêmes effets que le mariage civil. J’ai peut-être tort, mais c’est ce que je crains. Il n’est donc pas opportun de supprimer cette sanction, qui joue un rôle de verrou et peut dissuader les ministres des cultes de célébrer des mariages religieux en l’absence de mariage civil préalable.
    Je sais bien que certaines personnes se marient culturellement, socialement, familialement… J’ai moi-même assisté à des cérémonies de ce type. Celles-ci pourront bien sûr continuer à être célébrées, mais sans l’intervention d’un ministre du culte. Nombre de nos compatriotes de religion catholique font en effet une grande fête pendant leurs vacances, au Maroc ou ailleurs, et se marient à la mairie à leur retour. On peut considérer qu’ils sont mariés socialement ou familialement, mais pas religieusement.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Abroger ce délit reviendrait à considérer que le mariage civil, dès lors qu’il est ouvert à tous, est dévalué et qu’il n’est plus aussi grave de procéder à des mariages religieux sans mariage civil préalable. Certes, la rareté des condamnations prononcées a été soulignée puisque la dernière remonte à 2008. Mais on peut aussi estimer que cette situation témoigne de l’efficacité de la loi telle qu’elle existe.
    Il demeure que le maintien de cette incrimination est indispensable pour trois raisons : premièrement, pour affirmer le caractère laïque de la République ; deuxièmement, pour éviter que des personnes ne se marient que religieusement, sans prendre conscience que ce mariage n’aurait aucune valeur ni conséquences juridiques dans leur vie quotidienne ; troisièmement, pour interdire des mariages religieux polygames concernant une personne déjà engagée dans les liens du mariage.
    Cette sanction n’est nullement contraire à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui précise : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
    Il est parfaitement évident qu’une législation nationale peut interdire la célébration du mariage religieux sans mariage civil préalable et assortir le non-respect de cette interdiction de sanctions pénales.
    M. Gérard Longuet. Non !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 236 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    En tant qu’institution stabilisatrice de la famille et de la société, le mariage relève du champ social de la politique.
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Cet amendement vise, après la discussion de la motion référendaire défendue par Bruno Retailleau, à ouvrir le débat et à indiquer que le mariage relève bien du champ social de la politique.
    Le projet de loi touche à la famille, cellule de base de la société, nous en conviendrons tous. Le mariage relève du champ social, en ce sens qu’il est le cadre protecteur des familles créées par les couples qui se marient. Il me semble donc extrêmement important de rappeler dans la loi une évidence qui, apparemment, échappe au Gouvernement.
    Le mariage relève du champ social de la politique, car il est l’institution stabilisatrice de la famille et de la société. Je m’appuie sur les propos de Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université de Lyon, selon lequel il se peut fort bien qu’un sujet puisse à la fois être relatif à la politique sociale de la nation et considéré comme un sujet dit de « société ». Le mariage des personnes de même sexe, mais aussi le travail du dimanche, ou encore la législation relative aux droits sociaux accordés aux étrangers ont à la fois une dimension « sociale » et « sociétale », pour ce que l’on peut savoir du sens donné à une expression qui, en réalité, n’a jamais que celui que l’on veut bien lui donner et que l’on est capable d’imposer. Votre présence, madame la ministre, en qualité de ministre de la famille, est une bonne preuve de cette évidence qu’il suffit de rappeler.
    Pourquoi la famille n’appartiendrait-elle pas au champ social ? La politique sociale ne serait-elle liée qu’aux droits sociaux ? Mais si le social renvoie à la société, la famille, et donc le mariage, font bien partie de la « société ». Aussi me semble-t-il primordial de rappeler l’importance du caractère social du mariage, afin que le projet de loi, qui touche si profondément à cette institution, sache définir le sujet dont il traite.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Darniche revient sur une question qui a été évoquée lors de la discussion de la motion référendaire. Si nous reconnaissions que le mariage relève de la politique sociale, l’organisation d’un référendum serait bien entendu justifiée. Nous nous sommes déjà très longuement expliqués sur le sujet, et il n’est pas nécessaire d’y revenir. La commission a donc émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet amendement n’a pas sa place dans le projet de loi. Nous voyons bien quel est l’objectif visé par ses auteurs : rouvrir le débat sur le référendum. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 273 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, G. Larcher, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le premier alinéa de l’article 34 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « L’utilisation des termes père et mère est obligatoire, aucun autre terme ne peut leur être substitué. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. La discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels vient à contretemps, en raison de la décision prise mardi de réserver leur examen après le vote de l’ensemble des articles.
    Cet amendement aurait dû venir en discussion ce matin, lors du débat sur l’emploi des mots « parent », « père » et « mère ». Il n’est pas nécessaire d’en dire plus, mais nous tenons à signifier notre attachement à cette terminologie.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable, car cet amendement est contraire à l’esprit même du projet de loi, en particulier des articles de coordination que nous avons adoptés.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
    Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
    M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les cinq premiers sont identiques.
    L’amendement n° 109 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Savary.
    L’amendement n° 151 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 168 rectifié bis est présenté par Mmes Procaccia et Giudicelli, M. Dulait et Mme Deroche.
    L’amendement n° 191 est présenté par M. Gournac.
    L’amendement n° 196 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° L’article 165 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Si dans une commune aucun officier de l’état civil n’accepte de célébrer un mariage, après en avoir été informé au plus tard vingt-quatre heures après la publication des bans, le procureur de la République autorise la célébration dans toute autre commune où un officier de l’état civil accepte de remplir cette fonction. » ;
    2° L’article 74 est complété par les mots : « , ou dans toute autre commune en application du second alinéa de l’article 165 ».
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 109 rectifié bis.
    M. Bruno Retailleau. Je défendrai en même temps les amendements nos 268 rectifié et 108 rectifié bis, qui ont le même objet, à savoir la liberté de conscience.
    Permettez-moi de relire l’engagement pris par François Hollande, au sujet de ce projet de loi, lors du salon des maires : « Je connais les débats qu’il suscite, ils sont légitimes dans une société comme la nôtre. Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais je le dis aussi, vous entendant : des possibilités de délégation existent. Elles peuvent être élargies, et il y a toujours la liberté de conscience. »
    Cette liberté de conscience est un principe fondamental que le Conseil constitutionnel a reconnu dans plusieurs décisions, notamment en 2001. Alors qu’une majorité de maires désapprouvent le projet de loi, nous le savons tous, pour avoir lu les sondages, nous défendons l’idée que la loi doit organiser elle-même les procédures à mettre en œuvre afin que la liberté de conscience des maires soit respectée. En effet, le Président Hollande le leur avait signifié, assuré et confirmé !
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié bis.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. Retailleau. Il est donc défendu.
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié bis.
    Mme Catherine Deroche. Il est défendu.
    M. le président. L’amendement n° 191 n’est pas soutenu.
    La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 196.
    M. Charles Revet. Il me semble utile de prendre des dispositions pour assurer le respect de la liberté de conscience des élus. Le Président de la République a dit qu’il entendait le garantir, même si, semble-t-il, il est revenu sur son engagement. Malgré tout, il s’est exprimé devant des milliers de maires, et il a été entendu !
    Dans une commune, il peut se trouver que personne ne souhaite célébrer un mariage entre personnes de même sexe. Si aucune délégation n’est accordée, donner la possibilité au procureur d’autoriser la célébration de ce mariage dans une autre commune permettrait, finalement, d’aller dans le sens de l’application de la loi.
    M. le président. L’amendement n° 268 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge et Cléach, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 165 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Un officier de l’état civil n’est jamais tenu de célébrer un mariage. Si aucun officier de l’état civil n’accepte de célébrer un mariage dans une commune, le maire use de son pouvoir de délégation et désigne, en tant qu’officier de l’état civil ad hoc, un agent public relevant de son pouvoir hiérarchique, sous réserve d’acceptation de ce dernier. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion commune ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour plusieurs raisons.
    Les auteurs de ces amendements envisagent le cas où un maire refuserait de célébrer un mariage. Or nous avons déjà vu dans le cours des débats qu’un certain nombre de possibilités s’offraient pour que le mariage puisse être célébré. Par exemple, la liste des lieux où l’on peut se marier a été étendue.
    Par ailleurs, nous avons adopté un amendement de M. Gélard tendant à rappeler que l’officier de l’état civil est non pas sous la surveillance, mais sous le contrôle du procureur de la République. Si jamais des personnes souhaitent se marier dans une commune dont le maire refuse de célébrer le mariage, elles peuvent saisir le procureur.
    Dans le cadre du dispositif qui nous est proposé, le maire qui refusera d’assumer ses devoirs d’officier de l’état civil se placera lui-même sous une sorte de tutelle du procureur de la République, ce qui ne me paraît pas très correct à l’égard des maires.
    M. Charles Revet. Ce n’est pas exactement cela !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mais si ! Si le maire n’est pas d’accord, il devra demander au procureur de désigner quelqu’un d’autre. Si le procureur refuse et déclare qu’il doit célébrer le mariage, que se passera-t-il ?
    Si ces amendements étaient adoptés, nous irions au-devant de très graves difficultés. Avec les dispositions que nous avons adoptées, le projet de loi contient déjà toute une série de possibilités pour ne pas heurter la conscience de certains maires, ce que nous souhaitons tous. Mes chers collègues, restons-en là !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le projet de loi ne saurait contenir en parallèle un texte qui permettrait aux officiers de l’état civil de refuser d’appliquer la loi à certains couples. Une telle réserve discriminatoire serait totalement incohérente avec l’esprit et l’objet mêmes du texte en discussion.
    En outre, les dispositions de l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales permettent au préfet, en cas de refus du maire, en tant qu’agent de l’État, de faire un acte prescrit par la loi, de le requérir afin d’y procéder. Il serait donc inutile et source de confusion d’envisager un pouvoir de substitution parallèle du procureur de la République.
    Enfin, pour avoir été maire, je sais qu’il est possible de donner des délégations aux conseillers municipaux.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 rectifié bis, 151 rectifié bis, 168 rectifié bis et 196.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 268 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Un officier de l’état civil peut refuser, pour des motifs personnels, de célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe.
    « Il doit cependant informer, sans délai, les intéressés de son refus et leur communiquer le nom des officiers de l’état civil de la commune ou en cas d’impossibilité manifeste, de communes voisines, susceptibles de célébrer ledit mariage. »
    La parole est à M. Darniche.
    M. Philippe Darniche. Cet amendement est de même nature que ceux qui viennent d’être examinés à l’instant.
    M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
    L’amendement n° 108 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Savary.
    L’amendement n° 150 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 190 est présenté par M. Gournac.
    L’amendement n° 195 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Un officier de l’état civil peut refuser de célébrer un mariage. Il doit cependant en informer sans délai les intéressés et leur communiquer le nom des officiers de l’état civil de la commune susceptibles de célébrer ledit mariage. »
    L’amendement n° 108 rectifié bis a déjà été défendu.
    La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié.
    M. Bruno Sido. Il est défendu.
    M. le président. L’amendement n° 190 n’est pas soutenu.
    La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 195.
    M. Charles Revet. Il est défendu.
    M. le président. L’amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Dufaut et Retailleau, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le maire et les adjoints peuvent refuser de célébrer un mariage entre personnes de même sexe si leur conscience s’y oppose. Dans ce cas, le maire délègue, en application du premier alinéa de l’article L. 2122-18, la célébration de ce mariage à un membre du conseil municipal qui accepte de remplir cette fonction. »
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Il est défendu.
    M. le président. L’amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo, Détraigne, Deneux, Roche, Marseille, Maurey et Guerriau, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le maire peut déléguer par arrêté à des conseillers municipaux la célébration de mariages, sous sa surveillance et sa responsabilité, sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints. »
    La parole est à M. Yves Détraigne.
    M. Yves Détraigne. Par cet amendement, légèrement différent des précédents, le maire et ses adjoints seraient, comme aujourd’hui, officiers de l’état civil, mais il serait possible de déléguer par arrêté à un simple conseiller municipal la fonction d’officier de l’état civil pour célébrer un mariage. Cette proposition très simple répond plus ou moins à une demande de l’Association des maires de France.
    Cette mesure ne signifie pas que tous les membres du conseil municipal deviendront officiers de l’état civil, mais elle permettrait de régler bien des problèmes. Ainsi, il n’y aura pas besoin d’autorisation particulière ni de l’intervention du procureur de la République.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
    M. Jean-Jacques Hyest. Dans une commune, seuls le maire et ses adjoints ont la qualité d’officier de l’état civil. Ils ne sont pas trente-six ! En cas d’empêchement, ce sont les adjoints qui interviennent dans l’ordre du tableau. Rappelez-vous de la célèbre affaire dite des mariages de Montrouge, dont tous les anciens étudiants en droit se souviennent, sur la validité desquels on s’est interrogé.
    Madame la ministre, j’ai entendu des choses bizarres de votre part.
    En matière d’état civil, de quel droit le préfet pourrait-il requérir un maire ? Je suis désolé de vous le dire, mais cette compétence relève du procureur de la République. Quand vous avancez des arguments, soyez au moins exacte ! Le préfet n’a heureusement rien à voir avec l’état civil, il ne manquerait plus que ça ! D’ailleurs, M. le rapporteur l’a très bien dit, les officiers de l’état civil sont sous le contrôle du procureur de la République.
    Je rappelle que dans le cas de mariages douteux, c’est non pas le préfet, mais le procureur de la République qui oblige les maires à célébrer la cérémonie.
    M. le président. L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le maire peut déléguer par arrêté à des conseillers municipaux, à leur demande, la célébration de mariages, sous sa surveillance et sa responsabilité, sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement comporte une seule différence avec l’amendement présenté par M. Détraigne : nous avons ajouté que la délégation intervient à la demande des conseillers municipaux. Cette précision me paraît nécessaire.
    M. le président. L’amendement n° 82 rectifié bis, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis C
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Par exception, le maire peut déléguer à un conseiller municipal qui le lui demande, la célébration d’un mariage, même dans le cas où lui-même ou ses adjoints pourraient procéder à la célébration. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Parmi tous ces amendements, les trois derniers sont de nature différente. D’ailleurs, je remarque que les premiers n’ont pas vraiment été défendus. L’idée était que le maire opposé à la célébration d’un mariage pouvait informer les intéressés de son refus et les inviter à se rendre dans une autre mairie.
    La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 230 rectifié et 229 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
    Les trois derniers amendements visent à inscrire dans la loi ce qui existe déjà dans les faits, c’est-à-dire qu’un maire peut déléguer à un conseiller municipal la célébration d’un mariage. Nos collègues qui sont également maires le savent, les mariages sont célébrés par le maire. Dans les faits, l’officier de l’état civil téléphone au maire quinze jours avant pour lui demander : « Madame Bruguière, serez-vous disponible samedi pour faire les mariages ? » (Sourires.) En cas d’indisponibilité, on fait appel aux adjoints, dans l’ordre du tableau. C’est vrai que la procédure n’est pas scrupuleusement respectée dans toutes les communes. On ne prend pas toujours des arrêtés.
    Il peut arriver qu’un conseiller municipal, qui n’a pas le droit de célébrer les mariages, demande au maire de le laisser marier sa fille, voire sa première épouse qui se remarie.
    M. Charles Revet. Pourquoi pas !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela m’est arrivé. (Sourires.)
    Le bureau de l’état civil prend alors un arrêté aux termes duquel le maire, empêché, délègue au conseiller municipal en question. Or ces amendements visent à inscrire ce genre de pratique dans la loi, ce qui n’a pas grand intérêt.
    M. Lecerf, qui ne peut pas être présent cet après-midi, m’a demandé non pas de défendre son amendement, mais d’expliquer son intention. Il a d’ailleurs rectifié son amendement initial afin de préciser que la délégation accordée par le maire à un conseiller municipal intervient à la demande de ce dernier.
    M. Patrice Gélard. C’est aussi ce que je propose !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Soyons francs, je crois que les choses doivent être dites, y compris pour la compréhension de l’Assemblée nationale lorsque le texte lui reviendra. Garder la formulation de M. Gélard, qui se ralliera peut-être à la rédaction de M. Lecerf, c’est sous-entendre que le maire qui n’est pas d’accord pour célébrer le mariage peut donner une délégation à un conseiller municipal.
    M. François Rebsamen. Bien sûr !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En revanche, la rectification de M. Lecerf, précisant que la délégation intervient à la demande d’un conseiller municipal, change les choses. Elle permet d’écarter l’idée selon laquelle certains maires ne voudraient pas, pour des raisons qui leur appartiennent, célébrer des mariages.
    Même si le rapporteur, à titre personnel, était défavorable à l’amendement n° 82 rectifié bis, la commission a émis un avis favorable.
    M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 82 rectifié bis n’a pas été soutenu.
    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion commune ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 230 rectifié et 229 rectifié ainsi qu’aux amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
    J’en viens à la possibilité de déléguer, sans justification, aux conseillers municipaux les célébrations de mariage.
    La législation en vigueur n’autorise le maire à déléguer à un conseiller municipal la célébration d’un mariage qu’en cas d’absence ou d’empêchement du maire et des adjoints. Il est proposé ici d’admettre davantage de souplesse dans la loi et de l’aligner ainsi sur une interprétation assez extensive de la notion d’empêchement, qui semble déjà prévaloir dans les faits.
    Permettez-moi tout de même de m’étonner qu’il faille précisément attendre le débat sur le mariage des personnes de même sexe pour que le législateur se saisisse de cette question qui se pose en pratique depuis longtemps.
    M. Bruno Sido. C’était l’occasion !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Est-ce la discussion que nous venons d’avoir sur la liberté de conscience ou la clause de conscience qui la rend subitement si urgente ?
    Vous comprendrez que, en la matière, le Gouvernement puisse être réticent devant ce type de proposition, malgré les arguments objectifs développés en sa faveur. Il émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 135 rectifié et 20 rectifié ter.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
    M. Yves Détraigne. Mme la ministre vient de s’étonner que cette proposition vienne soudainement. C’est tout simplement parce que, comme on le dit souvent ici, nous avons un véhicule législatif pour inscrire cette mesure, qui aurait de plus le mérite de mettre fin à une certaine hypocrisie.
    Nous sommes en effet un certain nombre de maires à avoir accordé des délégations à des conseillers municipaux, y compris de notre opposition – peu importe alors la sensibilité politique –, parce que ceux-ci avaient l’occasion de marier leur frère, leur sœur, leur fils ou leur fille. Nous le faisons d’ailleurs bien volontiers.
    Adopter ce dispositif clarifierait les choses et représenterait vraiment un progrès. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
    M. Patrice Gélard. J’ai du mal à comprendre l’interprétation de M. le rapporteur. En effet, mon amendement est beaucoup plus complet que celui de M. Lecerf. J’ai pris toute une série de précautions : d’abord, c’est une délégation par arrêté du maire ; ensuite, c’est à la demande du conseiller municipal, sous la surveillance et la responsabilité du maire.
    Ces précautions sécurisent le dispositif que je propose. C’est la raison pour laquelle je préférerais que ce soit lui qui se rallie à ma rédaction.
    M. le président. Je rappelle une nouvelle fois que l’amendement n° 82 rectifié bis n’a pas été soutenu.
    Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 229 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 135 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
    La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er bis D, précédemment réservés.
    Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
    Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
    M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis D
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le premier alinéa de l’article 171-2, les articles 171-3, 171-4, le deuxième alinéa de l’article 171-5, l’article 171-6 et les deux premiers alinéas de l’article 171-7 du code civil sont abrogés.
    La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
    M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet de supprimer des dispositions relatives au certificat de capacité à mariage à l’étranger, instauré par la loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006.
    L’évaluation qui peut être faite, six ans après l’entrée en vigueur de cette loi, révèle que celle-ci n’a pas produit les effets escomptés. En effet, alors qu’elle aurait dû permettre une transcription plus aisée des mariages célébrés à l’étranger, nous pouvons constater que, en réalité, ces demandes de certificat de capacité à mariage représentent une formalité supplémentaire et une charge pour les consulats.
    Malgré la production, après la célébration du mariage, de ces certificats, nous constatons que, dans un certain nombre de consulats à l’étranger, les transcriptions prennent parfois plusieurs années. Ainsi, à Bamako, où je me suis rendu en janvier, j’ai pu constater qu’une liste entière de mariages célébrés en 2010 et 2011 n’étaient toujours pas transcrits en droit français, alors même que les époux concernés avaient obtenu auparavant un certificat de capacité à mariage.
    Cette situation porte atteinte au droit à la vie familiale. Je propose par conséquent que nous supprimions, dans le cadre de ce projet de loi, cette disposition qui n’apporte rien à la sécurité de la reconnaissance du mariage et qui empêche les époux de vivre ensemble, dès lors qu’ils souhaitent revenir en France.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a bien compris l’intention de M. Leconte, qui connaît bien le sujet. Nous savons que certaines difficultés se posent s’agissant du certificat de capacité à mariage. Reste que ces difficultés sont plus d’ordre administratif que juridique. Je ne suis donc pas certain, à titre personnel, que cette disposition soit de nature législative. Il me semble d’ailleurs que notre collègue avait déjà interrogé Mme la garde des sceaux sur cette question lors de son audition par notre commission des lois.
    M. Leconte souhaitant appeler l’attention du Gouvernement sur ce problème, j’espère que Mme la ministre répondra à sa demande concernant la suppression des formalités préalables relatives aux mariages de Français à l’étranger.
    Sur cet amendement, la commission des lois s’en remet donc à l’avis du Gouvernement.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Votre amendement, monsieur Leconte, qui a pour objet d’abroger l’ensemble des formalités préalables aux mariages célébrés à l’étranger par une autorité étrangère, ne concerne pas le mariage entre personnes de même sexe. À ce titre, il est hors du champ du projet de loi.
    La suppression des formalités préalables aux mariages célébrés à l’étranger pourrait faire l’objet d’une réflexion plus générale. Pour cette raison, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
    Je souhaite également vous apporter des précisions concernant l’amendement n° 78, qui viendra ensuite en discussion : les visas de court séjour susceptibles d’être délivrés afin que la personne concernée puisse venir se marier en France sont aujourd’hui régis par le règlement n° 810-2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas.
    Or l’article 32, paragraphe 2, du code communautaire des visas, impose déjà de motiver tous les refus de visas de court séjour. Par ailleurs, l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, visé par l’amendement, liste quant à lui les catégories d’étrangers pour lesquels le refus de visa doit être motivé et ne concerne en rien les conditions de fond de délivrance du visa, mais il n’a vocation à s’appliquer qu’aux visas de long séjour.
    Cet amendement est donc inutile, car l’obligation de motivation qu’il prévoit existe déjà à l’article 32 du code communautaire des visas. Je vous demande donc, pour des motifs différents, de le retirer également. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
    M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 79 est-il maintenu ?
    M. Jean-Yves Leconte. J’avais évidemment conscience que l’objet de cet amendement se situait hors du périmètre du projet de loi. Cependant, compte tenu de l’atteinte portée au droit à la vie familiale, j’espère que nous trouverons très rapidement une solution à cette question, qui est bien de nature législative. Je compte sur le Gouvernement !
    En attendant, je retire mon amendement.
    M. le président. L’amendement n° 79 est retiré.
    L’amendement n° 78, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er bis D
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un 8° ainsi rédigé :
    « 8° Futur époux d’un ressortissant Français ayant sollicité un visa court séjour pour mariage dès lors qu’il est en possession du certificat de publication des bans et de non-opposition. »
    La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
    M. Jean-Yves Leconte. Sur cet amendement, j’ai pris bonne note de vos explications par anticipation, madame la ministre.
    Nous avons permis aux couples de personnes de même sexe, dont l’un au moins à la nationalité française, de venir se marier en France si le pays dans lequel ils résident n’autorise pas ce type de célébration. Or, dans ces cas-là, la délivrance d’un visa peut être nécessaire.
    Je suis prêt à retirer mon amendement si le Gouvernement s’engage à prendre une circulaire très précise permettant de s’assurer que ces couples ne seront pas empêchés de se marier pour un simple problème de visa. Le droit de vivre en couple, le droit à l’amour, ne peut être entravé par des problèmes de frontières. (M. André Gattolin applaudit.)
    Je compte sur vous, mesdames les ministres, pour qu’aucun de nos consulats ne bloque cette union pour des raisons administratives. (Mme la garde des sceaux opine.) Dès lors que vous vous y engagez, j’accepte de retirer mon amendement.
    M. le président. L’amendement n° 78 est retiré.
    Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
    Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
    M. le président. L’amendement n° 265 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et G. Larcher, Mme Giudicelli, MM. del Picchia, Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès de son père et de sa mère biologiques.
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Je défendrai en même temps les amendements nos 110 rectifié, 266 rectifié et 111 rectifié, qui ont un objet commun : les droits de l’enfant.
    Ces quatre amendements visent en effet à tirer les conséquences de grands textes juridiques internationaux, dont le premier, qui certes ne s’impose pas aux États, est la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant du 26 septembre 1924, et le dernier la Convention de La Haye du 29 mai 1993. Chacun connaît en outre les grands textes onusiens, notamment la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959.
    Nos amendements visent à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant, en particulier son droit à être élevé dans une famille composée d’un père et d’une mère. Nous voulons également réaffirmer qu’il n’existe pas de droit à l’enfant.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La référence aux père et mère biologiques, visée par l’amendement n° 265 rectifié, entre en contradiction avec le projet de loi.
    Je l’ai dit vingt fois, le texte dont nous débattons n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant : il sécurisera notamment la situation des enfants qui existent déjà dans les couples homosexuels.
    L’avis de la commission est donc défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet amendement, en posant le principe que l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre auprès de son père et de sa mère, procède d’une interprétation erronée de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, qui reconnaît, à l’article 7, alinéa 1, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».
    L’amendement énonce donc une règle générale qui ne tient pas compte des réalités. L’intérêt de l’enfant, tel que le comprennent d’ores et déjà la loi, la jurisprudence et la pratique, consiste à ne pas être séparé, autant que possible, de ceux qui sont ses parents au regard de la loi, qu’ils soient ou non ses parents biologiques.
    L’avis est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
    M. Gérard Bailly. Je suis intervenu, hier, pour défendre le droit de l’enfant, plutôt que le droit à l’enfant. Réaffirmer le droit pour tout enfant d’avoir un père et une mère est pour moi un point capital.
    Vous avez dû recevoir ce matin, mes chers collègues, cette lettre d’une dame âgée de soixante-seize ans expliquant combien son père, mort trop jeune, lui avait manqué. Des témoignages comme celui-là, il n’en manque pas ! Je regrette vraiment que vous ne choisissiez pas de permettre à chaque enfant, dans la mesure du possible, d’avoir un père et une mère.
    Je soutiens donc cet amendement très important, et j’espère que vous serez nombreux à le voter à nos côtés.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 265 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les cinq premiers sont identiques.
    L’amendement n° 110 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary, G. Larcher et Mayet.
    L’amendement n° 152 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 159 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 197 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 222 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 15 du code civil, il est rétabli un chapitre Ier ainsi rédigé :
    « Chapitre Ier
    « De la protection de l’enfant
    « Art. 15-1. – La loi garantit à l’enfant, dans les règles qu’elle crée, le droit fondamental de se voir reconnaître un père et une mère.
    « L’enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses père et mère et d’être élevé par eux.
    « Les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement.
    « La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef au père et à la mère ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant, en assurant son éducation, sa sécurité ainsi que sa protection matérielle et morale.
    « Art. 15-2. – La loi assure la protection de l’enfant, elle interdit toute atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et morale de celui-ci et garantit spécialement le respect qui est dû à sa personne et à sa pudeur.
    « Art. 15-3. – Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite à la protection de l’enfant.
    « Art. 15-4. – Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public.
    « Art. 15-5. – L’enfant a le droit, dans les procédures l’intéressant devant une autorité judiciaire et dès lors qu’il a acquis un discernement suffisant, de recevoir toute information pertinente, d’être consulté et d’exprimer son opinion et d’être informé des conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et des conséquences éventuelles de toute décision le concernant.
    « Dans les procédures intéressant un enfant ou susceptibles de l’intéresser, le juge a le pouvoir de désigner un représentant spécial pour l’enfant en cas de conflit d’intérêts entre l’enfant et ses représentants légaux.
    « En l’absence de désignation judiciaire préalable, l’enfant a le droit de demander, en cas de conflit d’intérêts avec ses représentants légaux, personnellement ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, la désignation d’un représentant spécial dans les procédures l’intéressant devant une autorité judiciaire.
    « L’enfant a le droit, dans toute procédure l’intéressant, de demander à être assisté par une personne appropriée de son choix afin de l’aider à exprimer son opinion.
    « Art. 15-6. – Lorsque le bien-être d’un enfant est sérieusement menacé, l’autorité judiciaire a le pouvoir de se saisir d’office.
    « Le cas échéant, elle a l’obligation d’agir promptement.
    « En cas d’urgence, l’autorité judiciaire a le pouvoir de prendre des décisions qui sont immédiatement exécutoires. »
    L’amendement n° 110 rectifié a déjà été défendu.
    La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 152 rectifié.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 159 rectifié.
    M. Michel Bécot. Il est également défendu.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 197.
    M. Charles Revet. On a beaucoup parlé de la situation des couples de personnes de même sexe, en faveur desquels il fallait en effet prévoir des dispositions.
    Selon nous, le mariage n’est pas la formule adaptée. C’est pourquoi nous avons fait avec plusieurs collègues des propositions visant à prendre en compte les aspirations de ces personnes, sans pour autant remettre en cause les bases de notre société.
    Si nous avons longuement parlé de l’adoption et d’un certain nombre de dispositions qui lui sont relatives, nous n’avons pas beaucoup évoqué le droit de l’enfant. De fait, l’enfant semble un peu à la marge de nos débats, alors qu’il devrait être au centre ! Nous devons organiser la société en ayant en perspective l’intérêt de l’enfant.
    Tel est bien l’objet de cet amendement : prévoir des mesures prenant en compte le droit de l’enfant.
    M. le président. L’amendement n° 222 n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Revet, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 15 du code civil, il est rétabli un chapitre Ier ainsi rédigé :
    « Chapitre Ier
    « De la protection de l’enfant
    « Art.15 -... - La loi garantit la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant.
    « Art. 15 -...- La loi garantit à l’enfant, dans les institutions et règles qu’elle crée, le droit fondamental de se voir reconnaître un père et une mère. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    L’amendement n° 80 rectifié quater, présenté par MM. de Legge, Hyest et Portelli, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil est complété par un article 315 -... ainsi rédigé :
    « Art. 315 -... - Tout enfant a droit de connaître ses origines, dans la mesure du possible. »
    La parole est à M. Dominique de Legge.
    M. Dominique de Legge. Monsieur le rapporteur, s’il est un sujet sur lequel nous sommes souvent tombés d’accord lors des auditions, c’est bien celui de l’accès aux origines. Ainsi, le 5 février dernier, vous avez déclaré en commission : « Je suis très favorable à l’accès aux origines qui nous différencie des autres espèces animales. » Je partage sans réserve cette appréciation que vous avez formulée à plusieurs reprises lors des auditions.
    Cet amendement vise justement à permettre aux enfants de connaître leurs origines, dans la mesure du possible. Ce faisant, nous sommes tout à fait en conformité avec les conventions internationales. La filiation sociale ne suffit pas, il faut aussi reconnaître la filiation biologique. Un enfant a besoin de repères pour acquérir une identité ou tout simplement pour répondre au médecin qui lui demandera s’il a des antécédents familiaux.
    Ce dispositif va dans le sens de l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi il mérite d’être adopté.
    M. le président. L’amendement n° 227 rectifié bis, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil est complété par un article 315 -… ainsi rédigé :
    « Art. 315 -... – Tout enfant a le droit de connaître ses origines. »
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Je partage l’opinion de mon collègue Dominique de Legge sur le droit de l’enfant à connaître ses origines. C’est un sujet essentiel sur lequel un certain nombre de personnes qualifiées, pédopsychiatres ou philosophes notamment, nous ont fait part de leurs analyses.
    Sylviane Agacinski, qui a souvent été citée, parle de fiction d’une conception désexualisée, où l’on occulte l’origine des géniteurs et où l’on empêche les enfants d’accéder à leurs origines. Elle s’est insurgée au nom des enfants à naître « qui ne sont pas représentés politiquement mais dont nous devons défendre les droits en commençant par ne pas les mettre dans des situations particulièrement complexes ».
    En audition, M. Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre et psychanalyste, professeur à l’université Paris-Diderot, s’est ainsi exprimé : « Le problème dans ce texte n’est pas le mariage, c’est qu’il s’attaque à la filiation organisée par la naissance en la faisant reposer sur un acte de volonté.
    « [...] Remettre en cause la notion de père et mère affectera tous les enfants et emportera une véritable déqualification parentale. [...] Cela discrimine également les enfants adoptés entre eux : quand ils auront un père et une mère, ils auront les moyens de reconstruire quelque chose ; avec deux pères ou deux mères, ils n’auront qu’un seul type d’identification. L’État aura décidé qu’on peut les priver de père ou de mère. »
    Pour ma part, comme tous nos collègues, j’observe sur le terrain les souffrances des personnes adoptées qui dépensent une énergie considérable pour retrouver leurs origines biologiques et « recoller » ainsi à leur histoire. Les obstacles que ces personnes rencontrent sont multiples et parfois notre impuissance à les aider est un crève-cœur. Et nous voudrions avec cette loi créer des situations perturbantes pour l’enfant et augmenter le nombre de personnes qui sont confrontées à ces difficultés à connaître leurs origines ?
    Le problème de l’égalité d’accès aux origines est fondamental. Priver l’enfant d’un père ou d’une mère, c’est le priver d’un pan entier de son origine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements identiques ainsi que sur l’amendement n° 266 rectifié, puisqu’il y est question du père et de la mère.
    Je tiens à préciser à nos collègues – je parle sous votre contrôle, monsieur Bas – que l’enfant bénéficie en France d’une protection bien supérieure à celle de tous les autres pays européens. (M. Philippe Bas acquiesce.) Cela est possible grâce à la loi réformant la protection de l’enfance que vous avez soumise au Parlement lorsque vous étiez ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille et qui a été votée avec une certaine unanimité.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Quel talent ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quant aux amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis, ils n’ont pas leur place ici. Certes, nous voulons que les enfants, qu’ils soient adoptés ou nés d’une PMA, notamment, puissent connaître leurs origines, mais cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille que présentera Mme la ministre. Le texte que nous examinons ne change rien au droit positif. Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les amendements identiques et l’amendement n° 266 rectifié visent à inscrire dans le code civil un ensemble de règles relatives aux droits de l’enfant. Il faut rappeler que ces dispositions sont pour la plupart inutiles. En effet, la Convention internationale des droits de l’enfant s’applique déjà en droit français et l’intérêt de l’enfant est déjà consacré comme la considération primordiale dans toute décision le concernant, que ce soit dans le code civil ou dans le code de l’action sociale et des familles.
    De plus, certaines de ces dispositions sont redondantes, car elles figurent déjà dans le code civil ou dans le code de l’action sociale et des familles. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
    Les amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis portent sur l’accès aux origines. Vous avez raison, il s’agit là d’un débat important, qui concerne non pas simplement les enfants de couples homoparentaux, mais de façon beaucoup plus générale les enfants de couples hétérosexuels qui sont nés grâce à la PMA ou les enfants qui sont nés sous X.
    M. Bruno Sido. Non !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !
    Comme l’a dit M. le rapporteur, cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille et elle n’a pas sa raison d’être dans ce projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. J’ai l’impression que l’on ne prend pas bien en compte le problème des enfants adoptés, qu’il s’agisse d’une adoption internationale ou nationale, ou des enfants nés d’une PMA, et je m’arrêterai là… Ces enfants ne connaissent pas forcément leurs origines, parce que des impossibilités demeurent. Pourtant, cette question les taraude véritablement !
    Les excellents amendements qui ont été déposés montrent qu’il faut traiter cette problématique. Certes, le droit ne change pas, mais le mariage pour les couples de personnes de même sexe crée des problèmes nouveaux auxquels il faut répondre. À problèmes nouveaux, réponses nouvelles !
    C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110 rectifié, 152 rectifié, 159 rectifié et 197.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 266 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié quater.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux et du Luart, Mme Procaccia, MM. Béchu, Legendre, Sido, del Picchia et Darniche, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, G. Larcher, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
    « Art. 310 ... – Nul n’a de droit à l’enfant. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 111 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
    « Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’une consultation du Comité consultatif national d’éthique. »
    L’amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
    « Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’un débat national organisé par les pouvoirs publics et de consultations de nature à garantir que la réforme envisagée fait l’objet d’un éclairage démocratique approfondi et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter ces deux amendements.
    M. Bruno Retailleau. Ces deux amendements ont un même objet : favoriser le débat. Or, nous le voyons bien, dans le pays, cette envie de débattre est réelle. Dès lors que l’on touche à des sujets aussi importants, il est nécessaire d’en passer par là.
    L’amendement n° 112 rectifié vise à prévoir la consultation du Comité consultatif national d’éthique à chaque fois que l’on cherche à bouleverser par la voie législative le régime de la filiation. C’est important, car le régime de la filiation a des incidences sur le code de la santé publique, notamment en matière de PMA.
    L’amendement n° 113 rectifié tend à insister sur la nécessité d’organiser un débat national dès lors qu’est envisagée une quelconque modification du régime de filiation.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le Parlement ne peut pas se lier. C’est ici que se votent les textes ! La commission a donc émis un avis défavorable.
    M. Gérard Longuet. Consultation n’est pas obligation !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. M. le rapporteur nous rappelle que la loi se fait au Parlement. Naturellement ! Pour autant, rien n’interdit le Parlement d’être éclairé par l’avis de groupes de réflexion dont l’autorité intellectuelle et morale ainsi que l’indépendance de jugement sont reconnues. En outre, cela permet d’ouvrir un débat public sur des bases parfois moins partisanes et moins conflictuelles et de le nourrir de l’expertise de ces organismes. En effet, ceux-ci, parce qu’ils dédient leurs travaux à tel ou tel sujet qui justifie leur existence même, apportent une valeur ajoutée et méritent le respect et la considération. Cela étant, les avis qu’ils émettent ne lient en rien les parlementaires. Bruno Retailleau a bien parlé de « consultation ».
    La France est un pays extraordinaire ! Quand il s’agit d’une déviation routière ou d’un grand équipement industriel, quand cela concerne des dispositions somme toute très marginales qui ont trait à la protection de telle ou telle catégorie d’animaux, le débat public est indispensable. En revanche, quand il est question de filiation, on ne peut pas consulter des experts, des consciences, et vous n’acceptez pas qu’un comité de personnalités reconnues soit consulté et rende un avis public, qui n’est en rien injonctif.
    Cette fermeture d’esprit m’étonne de la part d’un rapporteur aussi ouvert habituellement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur s’exclame.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Qui dans cet hémicycle a fait l’objet d’une enquête des services sociaux d’un conseil général en vue d’une adoption ? Lorsque cela arrive, et si le travail est bien fait, ce qui est toujours le cas, on demande toujours aux candidats à l’adoption pourquoi ils entreprennent une telle démarche et on leur précise qu’ils n’ont pas de droit à l’enfant. Nous sommes là au cœur du sujet ! Si un couple candidat à l’adoption affirmait avoir un droit à l’enfant, il va de soi que les services sociaux recommanderaient au président du conseil général de ne pas délivrer l’agrément, parce que ce couple veut un enfant, mais ne cherche pas l’intérêt de l’enfant.
    Nous devrions donc introduire dans le code civil qu’il n’y a pas de droit à l’enfant. De ce point de vue, l’amendement n° 111 rectifié brillamment défendu par Bruno Retailleau était tout à fait pertinent.
    Par ailleurs, alors que le mariage emporte l’adoption, le code civil n’ayant pas été modifié sur ce point, le Comité consultatif national d’éthique n’a pas été consulté. C’est pourquoi Bruno Retailleau a parfaitement raison d’avoir déposé l’amendement n° 112 rectifié, que j’ai cosigné. Il faut absolument interroger cette instance !
    Vous nous dites, madame la ministre, que cette consultation aura lieu dans le cadre du futur projet de loi sur la famille. Il coulera beaucoup d’eau sous les ponts avant que ce texte n’arrive au Parlement, et je ne sais pas qui le présentera. Il n’en reste pas moins que je trouve cela parfaitement dommage : ce projet de loi a été rédigé dans la précipitation, sans aucun garde-fou pour prévenir les conséquences sur le droit de l’enfant.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 125, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 311-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Sauf lorsque l’enfant a déjà une double filiation établie, la possession d’état peut s’établir entre un enfant et une personne du même sexe que la personne à l’égard de laquelle un lien de filiation est déjà établi, à condition qu’il ait été traité par celui dont on le dit issu comme son enfant et que lui-même l’a traité comme son parent. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’affirmer l’applicabilité de la possession d’état aux couples de parents de même sexe, sauf si la double filiation de l’enfant est déjà établie.
    Il s’agit ici d’envisager les histoires ordinaires de couples de femmes, pacsées ou non, qui construisent ensemble un projet parental et qui ont parfois recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger. Les enfants nés de cette union ont, de fait, deux parents mais une seule mère légale, l’autre n’étant titulaire d’aucun droit ni devoir sur l’enfant, qui est pourtant aussi le sien.
    Le concept de possession d’état, qui ne repose pas sur la biologie mais sur la réalité des liens, permet alors de résoudre, en partie, le vide juridique qui caractérise le lien entre un enfant et « l’autre maman ». Il est donc capital que les couples de personnes de même sexe puissent avoir recours au mécanisme de la possession d’état.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’introduction de la possession d’état remet en cause l’équilibre du texte, puisque la filiation biologique est réservée aux couples hétérosexuels.
    En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis au regret de vous annoncer, madame Benbassa, que le Gouvernement partage l’avis de la commission.
    Votre amendement établit une autre voie de filiation. En conséquence, je vous suggère aimablement de le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 125 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, c’est un maillage entier qu’il faut envisager pour que la protection des enfants et de leurs parents soit complète.
    J’entends vos arguments. Je retire donc cet amendement. Cependant, nous serons vigilants à ce que cette question figure dans la prochaine loi sur la famille.
    M. le président. L’amendement n° 125 est retiré.
    L’amendement n° 126, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° Après l’article 312, il est inséré un article 312-1 ainsi rédigé :
    « Art. 312-1. - L’enfant conçu ou né pendant le mariage d’un couple composé de deux femmes, qui résulte d’un projet parental commun et qui est sans filiation paternelle connue, a pour parent la conjointe de sa mère. » ;
    2° À la première phrase de l’article 313, à l’article 314, à la première phrase de l’article 315, au second alinéa de l’article 327 et à la première phrase de l’article 329, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou de parenté » ;
    3° Au premier alinéa de l’article 327, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou la parenté » ;
    4° À l’article 314 et à la première phrase de l’article 336-1, après le mot : « paternelle » sont insérés les mots : « ou parentale ».
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. L’article 312 du code civil dispose que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari », établissant ainsi une filiation légitime.
    Nous nous réjouissons que les couples de femmes puissent bientôt se marier et en tirons les conclusions en proposant un amendement dont l’objet est d’instaurer une présomption de parenté au profit de la conjointe de la mère. Nous précisons que cette présomption ne s’appliquerait que si l’enfant n’a pas de filiation paternelle connue et s’il est issu d’un projet parental commun.
    Cette notion de projet parental commun est ici essentielle puisqu’elle permet de distinguer l’un des beaux-parents et l’« autre parent », le « parent social » ou le « parent intentionnel », selon la dénomination choisie.
    Avec cette présomption, l’enfant pourrait voir sa filiation établie à l’égard de ses deux parents, lesquels auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs envers lui. En pratique, cela concernera, notamment, les enfants issus d’une PMA à l’étranger, pour lesquels l’une des deux mamans n’a aucune relation juridique avec son enfant.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement n’entre pas dans le champ du présent texte.
    En conséquence, l’avis est défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis est également défavorable.
    Je vous propose que nous travaillions sur le sujet, madame la sénatrice. Vous calquez la présomption de maternité sur la présomption de paternité. Or cette dernière est prévue par le code civil et repose sur une présomption de lien biologique, qui peut être vérifié scientifiquement, et donc contesté. Dans le cas que vous envisagez, il n’y a pas de preuve scientifique possible.
    M. Gérard Longuet. Voilà une réponse qui fait plaisir à entendre !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pensez faciliter les choses pour le deuxième parent, sauf que, ce faisant, vous le contraignez à reconnaître l’enfant, en lui retirant toute liberté en la matière.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
    M. Jean-Jacques Hyest. Mme Benbassa suit sa logique. Personne n’a encore osé s’attaquer au titre VII du code civil, mais, avec des amendements comme celui-ci, on fait incontestablement un pas dans cette direction.
    Ma chère collègue, vous venez d’évoquer le cas d’un enfant né de l’union de deux femmes. Voilà une conception pour le moins étrange, qui traduit l’aboutissement d’une logique de maternité sociale dans laquelle la paternité biologique n’a plus d’importance.
    Quand j’entends Mme la garde des sceaux dire gentiment que l’on peut étudier cette question, je suis extrêmement inquiet. Cette perspective changerait la nature de ce qui a été voté aux articles 1er et suivants. C’est effrayant !
    M. Charles Revet. En effet !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
    M. Philippe Bas. Contrairement à M. le rapporteur, je pense que cet amendement est en parfaite cohérence avec le texte que nous examinons.
    Quand vous modifiez le droit de l’adoption pour permettre à l’épouse de la mère de devenir à son tour mère de l’enfant, vous aménagez bien les règles de la filiation pour permettre à deux femmes qui conçoivent ensemble un projet d’engendrement, comme l’on dit aujourd’hui, d’être reconnues l’une et l’autre comme parents de l’enfant, alors que, naturellement, une seule d’entre elle est sa mère.
    Vos explications sur les fondements de la présomption de paternité sont parfaitement exactes, madame la garde des sceaux. Vous omettez toutefois de rappeler que, depuis les lois de bioéthique, qui ont permis de recourir à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, la présomption de paternité s’applique, dans le cas de couples mariés formés de personnes de sexe différent, pour le lien unissant l’enfant et son père, alors même qu’il ne peut y avoir de lien biologique entre eux. Cette présomption de paternité est même irréfragable.
    L’amendement présenté par Mme Benbassa, auquel je suis très fortement opposé, n’est donc pas totalement dépourvu de cohérence avec le texte. À partir du moment où l’on reconnaît que l’on peut être parent sans être ni père ni mère, ce type de questions surgissent inévitablement. C’est la raison pour laquelle je trouve l’ensemble du texte extrêmement inquiétant. Si l’on suit sa logique, on devra aller jusqu’à adopter l’amendement de Mme Benbassa.
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite vous répondre en quelques mots, monsieur Bas.
    Vous avez terminé votre propos sur deux affirmations contradictoires.
    Dans le cas des couples hétérosexuels qui recourent à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur, il y a effectivement cette présomption de paternité, qui s’accompagne – c’est important – de l’anonymat. Comme vous le disiez, cette présomption est irréfragable.
    Quand vous dites que ce texte ouvre la possibilité d’être parent sans être ni père ni mère, il se trouve que, en l’occurrence, dans l’exemple que vous prenez, le père n’est pas le père biologique.
    Nous n’allons pas engager ce débat maintenant, mais je tenais à souligner cette contradiction dans vos propos.
    Monsieur Hyest, j’ai simplement expliqué à Mme Benbassa pourquoi nous ne pouvions pas retenir son amendement. Cela ne nous empêche pas d’étudier avec elle de quelle manière le droit peut, dans ces situations, organiser la reconnaissance du deuxième parent sans introduire pour autant une présomption de maternité. Mais ne me faites pas dire que nous allons étudier la façon d’introduire une présomption de maternité, alors que je viens précisément d’exposer les raisons pour lesquelles nous ne retiendrons pas cet amendement.
    Par ailleurs, si cet amendement était vraiment cohérent avec le texte, il serait dans le texte ! Il est un peu tard pour nous faire un procès d’intention, mais je puis vous assurer que la cohérence du Gouvernement est totale.
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 126 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa Comme nous étudions un texte qui exige l’égalité entre tous les couples, c’est ce même souci d’égalité qui nous a poussés à déposer cet amendement.
    Toutefois, nous prenons acte de votre proposition, madame la garde des sceaux, et attendons avec impatience les réflexions qui ne manqueront pas d’entourer cette question de la présomption de parenté dans le cadre de la future loi sur la famille.
    Nous retirons donc cet amendement.
    M. le président. L’amendement n° 126 est retiré.
    Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 138 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre, Guerriau, Dubois, Namy et Maurey, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    La présente loi est sans conséquence sur la nullité de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui énoncée à l’article 16-7 du code civil.
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Cette nullité s’applique aux couples constitués de personnes de sexe différent ou de même sexe. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Mon intervention vaudra également défense des amendements nos 261 rectifié, 262 rectifié, 258 rectifié et 122 rectifié.
    Le code civil, en proclamant le principe d’indisponibilité du corps, proscrit toute location de ventre pour la GPA.
    Nous souhaitons simplement que le recours à la GPA soit expressément interdit dans le code civil.
    Nous voulons aussi faire en sorte que toute diffusion d’informations qui inciterait à la GPA – cela a encore été le cas hier soir, non pas au Lutetia, mais dans un autre établissement parisien, où une clinique privée américaine spécialisée dans ce business n’hésitait pas à proposer ses services – tombe sous le coup de la loi. Il s’agirait ainsi de créer une nouvelle infraction, un peu sur le modèle du délit d’entremise de l’article 227-12 du code pénal.
    Enfin, le gouvernement français doit bien évidemment demander aux autres États européens d’interdire la GPA chez eux. Il devrait aussi, lors d’une prochaine assemblée générale des Nations unies, proposer la rédaction d’une déclaration universelle, valable pour tous les pays, qui proscrirait clairement la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, MM. Desessard et Labbé, Mme Aïchi, M. Gattolin et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 47 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Fait également foi l’acte de naissance établi par une autorité étrangère dont le droit national autorise la gestation ou la maternité pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte au registre français de l’état civil, où mention est faite de la filiation établie à l’égard du ou des parents intentionnels, respectivement reconnus comme parents, sans que l’identité de la gestatrice ne soit mentionnée dans l’acte. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Je l’affirmerai autant de fois qu’il le faudra : cet amendement ne vise en aucun cas à légaliser la pratique de la gestation pour autrui en France. Quelle que soit la position de chacun sur cette question – chacun est libre de son opinion –, des enfants naissent chaque année par GPA à l’étranger. Il convient d’apporter des réponses à leur délicate situation.
    Nous souhaitons donc par cet amendement que les actes de naissance des enfants nés par GPA à l’étranger puissent être transcrits à l’état civil français. En dehors de toute considération éthique ou morale, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir, et son intérêt est sans aucun doute de pouvoir exister aux yeux de la République.
    Je veux à cet égard saluer le courage de Mme Taubira, qui a pris ces enfants en considération en facilitant l’octroi de certificats de nationalité française. Mais il faut aller plus loin ! La jurisprudence est trop fluctuante en matière de transcription des actes de naissance de ces enfants, ce qui crée une grande inégalité entre les familles. C’est au législateur de prendre ses responsabilités et de donner à ces enfants les mêmes droits qu’aux autres, sans considération pour les fautes supposées de leurs parents.
    M. le président. L’amendement n° 147 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-... ainsi rédigé :
    « Art. 336-... - Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »
    La parole est à M. Robert Tropeano.
    M. Robert Tropeano. Cet amendement reprend une proposition de loi déposée par un certain nombre de membres du RDSE, le 31 juillet 2012. Il vise à autoriser la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger du fait d’une gestation pour autrui.
    Notre droit interdit aujourd’hui expressément la GPA. Il n’entre certainement pas dans nos intentions de l’autoriser, que ce soit bien dit. Toutefois, cette prohibition n’empêche pas de nombreux couples de se rendre à cette fin dans des pays où cette pratique est autorisée.
    En l’état de notre droit, c’est fort logiquement que le parquet de Nantes refuse la transcription sur les registres d’état civil d’actes de naissance établis à l’étranger au profit d’enfants issus d’une GPA, au motif que ces demandes sont contraires à l’ordre public international français.
    Ce refus soulève donc la question du statut juridique des enfants. Dans son avis de mai 2009, le Conseil d’État, qui s’était prononcé pour le maintien de l’interdiction de la GPA, préconisait que « la situation juridique des enfants nés à l’étranger par recours à cette pratique soit aménagée, de façon que ceux-ci ne soient pas pénalisés par le fait que leurs parents d’intention ont eu recours à une pratique interdite en France. »
    L’absence de transcription complique l’existence de ces familles, notamment à l’occasion de certains événements de la vie tels que, par exemple, le divorce des parents ou le décès de la mère d’intention.
    Par ailleurs, je tiens à souligner que les enfants nés dans un pays qui ne reconnaît pas le droit du sol sont non seulement apatrides, mais ils ne peuvent parfois pas entrer sur le territoire français. C’est le cas des enfants nés d’une mère porteuse en Ukraine : le consulat de France réclame aux parents des documents supplémentaires pour attester qu’ils n’ont pas eu recours à une GPA et refuse de délivrer des laissez-passer. Depuis fin 2010, plusieurs demandes de passeport ont été refusées. Les parents, dans l’impossibilité de rentrer sur le territoire français avec des bébés sans papiers, ont le choix entre revenir en France dans la clandestinité ou abandonner leurs enfants aux autorités ukrainiennes.
    Cette situation n’est pas tolérable. Elle porte atteinte à l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée le 7 août 1990 par la France. La circulaire du 25 janvier 2013, qu’il convient de remettre précisément dans son contexte, visait à régler la question de la nationalité de ces enfants et éviter qu’ils deviennent apatrides. Elle dispose ainsi que le seul soupçon du recours à une GPA ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française.
    Il s’agit d’un premier pas, mais il est encore insuffisant : la valeur normative d’une circulaire n’est pas des plus fiables. Il convient donc de donner une base légale à cette décision. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est hostile à tous ces amendements, qui, de près ou de loin, concernent la GPA, alors que cette dernière n’entre pas dans le périmètre du texte.
    Je peux comprendre que Mme Benbassa veuille régler la question de ces enfants venus au monde à la suite d’une gestation pour autrui, mais nous pensons qu’il n’est pas opportun de le faire dans ce texte.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces trois amendements. Il se trouve que l’organisation des débats fait que ces propositions viennent maintenant en discussion, mais elles soulèvent des interrogations auxquelles j’ai déjà répondu hier, notamment aux vôtres, madame Benbassa.
    Je souhaiterais apporter une précision à M. Tropeano : ces enfants ne sont pas apatrides mais français par filiation. Ils ne deviendraient apatrides qu’en cas de déchéance de nationalité. Or, ces cinq dernières années, aucune décision n’a contrevenu à l’article 25 du code civil. Cet amendement est donc hors champ et son objet contraire à l’ordre public français, qui pose en principe absolu l’indisponibilité du corps humain.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne vais pas ouvrir un débat sur la GPA, car, comme l’a dit le rapporteur, ce sujet est hors périmètre du texte. Je voudrais simplement rappeler à M. Retailleau, avec qui j’ai déjà eu l’occasion de discuter de cette question il y a quelques années, que deux propositions de loi – l’une de gauche, l’autre de droite – tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui ont été déposées sur le bureau du Sénat.
    Pourquoi s’interdire tout débat ? Ce serait tout à fait anormal. Je suis d’accord pour dire que ce texte n’est pas le bon moment, mais en discuter nous permettra de sortir de la confusion.
    J’ai eu à connaître du cas de parents ayant eu recours à la gestation pour autrui à l’étranger, c’est-à-dire de manière parfaitement illégale. Le problème est celui des enfants : on ne peut pas les pénaliser parce que leurs parents n’ont pas respecté la loi. Ils n’ont pas demandé à naître, mais ils sont là !
    Je voudrais ajouter une dernière précision : le recours à une mère porteuse n’est pas la GPA. La gestation pour autrui consiste en l’implantation d’un embryon. À cet égard, ceux qui s’opposent à la recherche sur l’embryon devraient s’interroger sur le fait de ne pas lui donner vie.
    Madame la garde des sceaux, vous avez pris une décision tout à fait remarquable en signant cette circulaire. Hier, j’ai applaudi à votre réponse parfaite. Ces enfants sont totalement innocents, et il n’y a aucune raison pour qu’ils n’obtiennent pas un jour la nationalité française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’amendement n° 98 rectifié.
    Mme Esther Benbassa. J’ai entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux. Je retire donc cet amendement. Je tiens tout de même à dire que nous serons vigilants au sort réservé à ces enfants dans les textes et les débats à venir. Attentifs et présents, nous ne les oublierons pas. Il y va de notre responsabilité !
    M. le président. L’amendement n° 98 rectifié est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 228 rectifié bis est présenté par MM. Darniche, Pierre, Bizet et Dufaut.
    L’amendement n° 261 rectifié est présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2013 concernant les propositions qu’il pourrait soumettre à la prochaine Assemblée générale des Nations unies pour l’adoption d’une résolution interdisant la gestation pour autrui dans le monde.
    La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié bis.
    M. Philippe Darniche. La GPA n’entre pas dans le champ du texte, dites-vous ? Soit ! Cependant, nous savons très bien que le désir d’enfant des couples homosexuels conduira inéluctablement, comme cela se passe dans d’autres pays, à l’utilisation de la PMA et de la GPA. Vous voudriez que l’on passe ce problème sous silence ? Ce n’est pas possible !
    Si nous ne discutons que ce soir des articles additionnels, c’est parce que la majorité et le Gouvernement ont choisi d’en reporter la discussion. Il est normal de vouloir parler de la GPA, car nous savons qu’il s’agit d’un chemin inéluctable.
    La gestation pour autrui est une pratique contraire à la dignité humaine, qui conduit à la marchandisation du corps humain, comme le rappellent les articles 1er et 21 de la Convention d’Oviedo, l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 16 du code civil.
    Nous voulons mettre fin aux dérives illustrées par les propos de Pierre Bergé, qui nous ont tous choqués : « Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » Quelle honte, plutôt ! Il est urgent que l’Organisation des Nations unies prenne position sur cette pratique contraire à la dignité humaine. Il est essentiel de continuer à l’affirmer.
    L’Inde, qui avait légalisé le commerce des mères porteuses en 2002, vient de revenir sur cette législation en interdisant aux célibataires et aux couples homosexuels étrangers de recourir à la gestation pour autrui. Une certaine prise de conscience, qu’il convient d’encourager, est en train d’apparaître dans les pays émergents, où cette pratique participe de l’exploitation de femmes défavorisées.
    Il nous semble que c’est à la France, patrie des droits de l’homme, qu’il revient de conduire une telle démarche. C’est la raison pour laquelle nous devons en parler, même s’il ne s’agit pas de l’objet du texte. Nous en reparlerons probablement lors de la discussion de la loi sur la famille qui a été annoncée. En attendant, je souhaitais exposer les dangers de la GPA à toutes celles et tous ceux qui nous entendent et qui attendent que l’on se batte sur ces principes.
    M. le président. L’amendement n° 261 rectifié a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. Certains souhaitent qu’on puisse prolonger le débat sur la GPA. Nous allons donc déposer une proposition de loi pour pouvoir en discuter dans cette enceinte.
    M. Bruno Sido. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 228 rectifié bis et 261 rectifié.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. L’amendement n° 262 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le Gouvernement remet un rapport au Parlement concernant les propositions qu’il pourrait soumettre au Président de l’Union européenne, au Président du Conseil européen et au Président de la Commission européenne visant à leur faire prendre une position solennelle sur l’interdiction de toute pratique de gestation pour autrui avant la prochaine journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre 2013.
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les deux premiers sont identiques.
    L’amendement n° 139 rectifié bis est présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Guerriau, Bockel, Dubois, Jarlier, Namy et Maurey.
    L’amendement n° 233 rectifié est présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, B. Fournier, Delattre, Bizet, Dufaut, Couderc et Retailleau.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’assistance médicale à la procréation est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme souffrant d’une infertilité à caractère pathologique dans les conditions prévues par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique.
    L’amendement n° 139 rectifié bis n’est pas soutenu.
    La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l’amendement n° 233 rectifié.
    M. Philippe Darniche. Il est défendu.
    M. le président. L’amendement n° 100, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Placé et Desessard, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
    1° Après le premier alinéa de l’article L. 2141-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Elle a également pour objet de répondre à la demande parentale d’un couple de femmes. » ;
    2° Le second alinéa de l’article L. 2141-2 est ainsi modifié :
    a) À la première phrase, les mots : « L’homme et la femme formant le » sont remplacés par les mots : « Les deux membres du » ;
    b) À la dernière phrase, les mots : « l’homme ou la femme » sont remplacés par les mots : « l’un des membres du couple » ;
    3° Au 1° de l’article L. 2141-10, les mots : « de l’homme et de la femme formant le » sont remplacés par les mots : « des deux membres du ».
    II. - Les actes réalisés en application du second alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique ne sont pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale.
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes. L’égalité est la principale revendication ayant présidé aux réflexions et à l’élaboration du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Il me semble que l’on ne peut aboutir à une égalité effective entre tous les couples sans ouvrir la PMA aux couples de femmes. En effet, tout comme un couple hétérosexuel qui souffrirait d’infertilité, les couples de femmes ont par définition une sexualité non reproductive. Ce droit à la procréation médicalement assistée doit donc leur être reconnu afin de mettre fin à toute discrimination.
    Il ne s’agit pas ici de questions d’ordre éthique ou moral comme celles que peut soulever la gestation pour autrui. Il s’agit uniquement, je le répète, de réaffirmer le principe d’égalité entre tous les couples et de protéger les intérêts de l’enfant.
    Le droit d’initiative parlementaire étant limité par l’obligation de ne pas créer ou aggraver de charges publiques, les frais induits par cette extension de la PMA ne seraient pas supportés par les organismes de sécurité sociale. Il serait cependant souhaitable, à terme, que le Gouvernement ne limite pas financièrement ce droit et harmonise les conditions d’accès à la procréation médicalement assistée pour tous les couples.
    M. le président. L’amendement n° 253, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, David et Demessine, MM. Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. D. Laurent, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
    A. – L’article L. 2141-2 est ainsi modifié :
    1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Elle a également pour objet de répondre à la demande parentale d’un couple de femmes. » ;
    2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
    a) À la première phrase, les mots : « L’homme et la femme formant le » sont remplacés par les mots : « Les deux membres du » ;
    b) À la dernière phrase, les mots : « l’homme ou la femme » sont remplacés par les mots : « l’un des membres du couple ».
    B. – Au 1° de l’article L. 2141-10, les mots : « de l’homme et de la femme formant le » sont remplacés par les mots : « des deux membres du ».
    II. – Les actes réalisés en application du présent article ne sont pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale.
    La parole est à Mme Cécile Cukierman.
    Mme Cécile Cukierman. Je défendrai en même temps l’amendement n° 252.
    Si nous souscrivons à l’idée d’un prochain texte sur la famille, lequel traitera plus en profondeur des questions de filiation, d’adoption et de procréation médicalement assistée, nous souhaitons tout de même, à travers le texte dont nous discutons ce soir, poser la question de l’accès pour toutes à la PMA.
    À défaut d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, ces dernières continueront de recourir aux méthodes actuelles pour concevoir, puis faire adopter l’enfant par la conjointe. Ces méthodes, nous les connaissons. Il s’agit souvent, malheureusement, de pratiques indiciblement dangereuses, qui conduisent l’une des partenaires à chercher, parfois à l’aveuglette, le géniteur d’un soir. C’est aussi, pour le plus grand nombre, le recours au tourisme procréatif, d’un coût non négligeable, voire à des PMA « artisanales », ce qui est pire.
    Loin de nous l’idée, par le biais de ces amendements, d’autoriser un système au seul motif, comme on l’entend, qu’il existe dans d’autres pays. Nous trouverions alors effectivement une raison de légaliser la gestation pour autrui. Nous pensons que le débat doit nous permettre de relever les arguments tant en faveur qu’en défaveur du recours à la PMA par les couples de femmes tout en tenant compte de l’intérêt de l’enfant.
    Ceux qui s’opposent à la faculté, pour ces couples, de recourir à la PMA invoquent cet intérêt, qui commanderait qu’un enfant soit issu d’un homme et d’une femme pour être heureux. Nous avons beaucoup entendu cet argument, mais il n’est pas convaincant, tant sont nombreux les cas d’enfants malheureux dans les familles qualifiées de « traditionnelles ». (M. Gérard Longuet s’exclame.)
    Enfin, je pense que le vrai problème apparaît lorsqu’une fille ou un garçon découvre que celui qu’il croyait être son géniteur ou sa génitrice ne l’est pas. Malheureusement, cette violence existe, quelle que soit la famille dans laquelle il a grandi, qui l’a chéri et éduqué. Je ne reviendrai pas davantage sur ce point que j’ai déjà développé.
    La dernière objection que nous entendons régulièrement vise l’inégalité qu’une telle disposition engendrerait à l’égard des couples d’hommes, inégalité qui ne serait pas compatible avec la Constitution. Là encore, il s’agit d’un faux argument.
    M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !
    Mme Cécile Cukierman. Il existe deux procédés différents : la GPA et la PMA. La légalisation de la seconde n’entraîne pas celle de la première. Quoi qu’il en soit, le débat peut avoir lieu.
    Dans tous les cas, se pose la question de l’accès aux origines pour l’enfant issu de la procréation médicalement assistée avec tiers donneur. De même, si nous légalisons la PMA dans notre pays, se posera la question, que vient d’évoquer notre collègue Esther Benbassa, du coût et de son éventuelle prise en charge et certainement aussi celle de l’ouverture de cette procédure aux femmes célibataires, qui, aujourd’hui, peuvent adopter.
    M. Bruno Sido. Théoriquement !
    Mme Cécile Cukierman. Des réponses devront être apportées à ces questions. Nous en sommes conscients, elles dépassent le cadre du présent débat.
    Par le dépôt des amendements nos 253 et 252, nous entendons lancer le débat afin d’obtenir des éléments de réponse. (Mme le rapporteur pour avis applaudit.)
    M. le président. L’amendement n° 258 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le premier alinéa de l’article 311-20 du code civil est ainsi rédigé :
    « Le couple, constitué d’un homme et d’une femme, qui pour procréer, recourt à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doit préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, son consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Chacun des membres du couple doit accorder individuellement son consentement. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    L’amendement n° 99, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard et Gattolin, Mme Lipietz et M. Placé, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 311-20 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsque le couple ayant consenti à une procréation médicalement assistée est composé de deux femmes, la filiation avec la conjointe est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa. (Rires sur les travées de l’UMP.)
    Mme Esther Benbassa. Il n’y a là rien de risible !
    On le sait, de nombreux couples de femmes qui ont un projet parental commun ont recours à l’assistance médicale à la procréation dans les pays qui entourent le nôtre. Or, selon le droit français, lorsque des couples hétérosexuels ont recours à une telle assistance, la paternité du conjoint de la mère doit être judiciairement déclarée.
    Nous souhaitons que la même procédure s’applique aux couples de femmes qui pourront bientôt se marier, afin que l’enfant voie sa filiation établie à l’égard de ses deux parents. Cette faculté doit être ouverte si les enfants ont été conçus à l’étranger, même si nous espérons et revendiquons l’ouverture rapide en France de la PMA aux couples de femmes. Actuellement, plus de 8 000 femmes ont recours à la PMA à l’étranger.
    M. le président. L’amendement n° 252, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, David et Demessine, MM. Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 311-20 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsque le couple ayant consenti à une assistance médicale à la procréation est composé de deux femmes, la filiation avec la conjointe est établie selon les mêmes dispositions que pour le conjoint d’un couple ayant eu recours à l’assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements, mais pour des raisons différentes.
    Tout d’abord, les amendements nos 233 rectifié et 258 rectifié sont d’ores et déjà satisfaits par les dispositions légales en vigueur relatives à la PMA.
    Quant aux amendements nos 100, 253, 99 et 252, la commission en comprend bien l’intérêt, à savoir ouvrir le débat. Mais la PMA ne fait pas partie du périmètre du texte dont nous débattons actuellement. Après un certain nombre de discussions qui ont eu lieu, notamment à l’Assemblée nationale, la commission a décidé de conserver le périmètre du projet de loi initial. Par conséquent, pour des questions de pure forme, elle est défavorable à ces amendements.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Pour des raisons de forme et de fond !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames Benbassa et Cukierman, je salue tout particulièrement votre combativité. Néanmoins, comme le sujet en question se situe en dehors du périmètre du projet de loi, j’émets un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 233 rectifié.
    M. Jean-Pierre Godefroy. J’en conviens, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, le sujet abordé se situe en dehors du périmètre du texte dont nous débattons.
    Cependant, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que, lors de la révision des lois de bioéthique, en première lecture, j’avais eu l’honneur de défendre, au nom du groupe socialiste, un amendement qui visait à permettre l’assistance médicale à la procréation pour des raisons médicales ou sociétales. À l’époque, et ceux qui étaient présents à ce moment devraient se le rappeler, j’avais reçu le soutien actif du rapporteur, Alain Milon. Cet amendement avait été voté par notre assemblée à une très large majorité…
    M. Henri de Raincourt. Par erreur !
    M. Jean-Pierre Raffarin. On peut s’égarer !
    M. Jean-Pierre Godefroy. En deuxième lecture, apparemment, quelques instructions avaient été données… Je suppose que ceux qui étaient alors présents s’en souviennent. Quoi qu’il en soit, le Sénat a débattu du sujet.
    Je rappelle à ceux qui voudraient renvoyer le débat aux lois de bioéthique, que, à l’époque de leur révision, il n’était pas question de revenir sur ces textes qu’on avait considérés comme exhaustifs. Il avait fallu mener un long combat pour obtenir un nouvel examen d’ensemble, mais sept ans seulement après. En l’espèce, n’attendons pas sept ans pour discuter de nouveau de l’AMP ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Vous êtes hors périmètre !
    M. Jean-Pierre Godefroy. Mais c’est une vérité !
    M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
    M. Alain Richard. Monsieur le président, même si je respecte tout à fait l’aspiration de certains de nos collègues à ouvrir ce débat, je suis cependant surpris par leur façon de procéder...
    Il ne s’agirait pas, selon Mme Benbassa, d’une question éthique. Je ne comprends pas cet argument. Le sujet que nous étudions est par excellence une question éthique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Charles Revet. Évidemment !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’amendement n° 100.
    Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, je retire cet amendement, mais je compte sur la réflexion qui sera menée sur la famille et sur les futures lois pour que soit prise en considération cette question très importante.
    M. le président. L’amendement n° 100 est retiré.
    Madame Cukierman, l’amendement n° 253 est-il maintenu ?
    Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 253 est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 258 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 99 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 99 est retiré.
    Madame Cukierman, l’amendement n° 252 est-il maintenu ?
    Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 252 est retiré.
    L’amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après le troisième alinéa de l’article 227-12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le fait, soit dans un but lucratif, soit par don, de diffuser des informations relatives à la conception d’un enfant grâce à un tiers donneur en dehors des conditions prévues par les articles L. 2141-1 à L. 2141-12 du code de la santé publique est puni de 5 000 euros d’amende. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
    L’amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
    L’amendement n° 165 rectifié est présenté par MM. Bécot, Bordier, César, Houel et P. Leroy.
    L’amendement n° 167 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
    L’amendement n° 203 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 257 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 1211-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1211-5. - Seuls les médecins du donneur ou du receveur peuvent avoir accès, en cas de nécessité thérapeutique, aux informations permettant l’identification de ceux-ci.
    « L’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, dans les conditions prévues par les articles L. 2141-1 à L. 2141-12, peut accéder à des données non identifiantes relatives aux tiers dont les gamètes ont permis sa conception.
    « Sous réserve du consentement exprès du ou des donneurs, il peut demander à avoir accès à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 123 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. Il s’agit de modifier le code de la santé publique. En effet, au cours de l’ensemble de nos débats, nous avons constaté que les techniques médicales de procréation comportent un risque quant à l’accès aux origines.
    Nous souhaitons donc solennellement pointer cette faille et, par le biais de cet amendement, instituer le principe de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, afin de prendre en compte l’intérêt des enfants qui désireront avoir accès à leurs origines.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 165 rectifié.
    M. Michel Bécot. Cet amendement est défendu.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est également défendu.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 203.
    M. Charles Revet. L’anonymat du donneur de gamètes pose un problème qu’il faudra résoudre. En effet, j’ai reçu certains enfants issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur qui m’ont fait part de leur volonté, pour différentes raisons, d’avoir accès à un certain nombre d’éléments.
    M. le président. L’amendement n° 257 n’est pas soutenu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission y est défavorable.
    Je vous le rappelle, mes chers collègues, nous avons eu un débat assez long sur cette question lors de la révision des lois de bioéthique. Un certain nombre d’entre nous étaient favorables à la levée de l’anonymat. Finalement, cette mesure n’a pas été adoptée. Vous connaissez l’objection soulevée, qui vaut ce qu’elle vaut…
    M. Charles Revet. Il faudrait l’indiquer !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si on levait l’anonymat, il n’y aurait plus de donneurs.
    M. François Rebsamen. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. De surcroît, ce débat ne relève pas du présent texte.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, il s’agit d’un sujet majeur et complexe, mais il ne fait pas l’objet du débat de ce jour. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 rectifié, 165 rectifié, 167 rectifié et 203.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. L’amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
    « Art. 343...– Par application du principe de précaution, lorsqu’une décision relative à l’établissement d’une filiation adoptive pourrait affecter le développement physique, intellectuel, psychologique, social ou éducatif de l’enfant, les pouvoirs publics renoncent à cette décision. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. En déposant cet amendement, j’ai souhaité revenir sur le principe de précaution, qui concerne tous les sujets. Il a émergé pour la première fois en 1992, sous la forme du principe 15 de la déclaration de Rio. En 1995, lors de la discussion de la loi Barnier, le législateur l’a repris et reformulé. Ensuite, l’ensemble de nos débats qui ont conduit à la révision constitutionnelle et à la Charte de l’environnement ont consacré ce principe.
    Les membres du groupe UMP souhaitent rappeler solennellement que ce principe ne saurait faire l’objet d’usages différents selon les sujets. Les questions dont nous traitons sont extrêmement graves. Nous le savons, aucun consensus scientifique ne se dégage quant aux conséquences sur les enfants. Nous voulons réaffirmer avec force que ce principe de précaution doit s’appliquer à tous les sujets, y compris aux plus graves.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement est sans objet, car lorsque le juge prononce l’adoption, il le fait dans l’intérêt de l’enfant. C’est ce qui a été indiqué à la commission tout au long de ses auditions. Aucun doute ne demeure. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’arrêtons pas de le marteler, l’article 353 du code civil vise l’intérêt de l’enfant. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Dans l’intérêt de l’enfant, certes, mais encore faut-il savoir quel est l’héritage génétique de cet enfant. La question posée par Bruno Retailleau, parfaitement pertinente, donne toute leur légitimité aux amendements précédents visant à reconnaître à l’enfant le droit de connaître ses origines, amendements que vous avez repoussés.
    À l’avenir, certains enfants ne bénéficieront pas de la faculté qu’offre désormais la science d’accéder à la médecine génétique, laquelle se fonde sur la connaissance des antécédents génétiques de l’enfant.
    De surcroît, le juge n’a qu’une appréciation sociale de l’intérêt de l’enfant. Or il existe un volet médical génétique. Même si ce n’est pas ma spécialité, je formule une observation de bon sens. Je trouve surprenant que vous écartiez aussi facilement la proposition qui nous est faite. Mais nous retrouverons ce sujet lors du débat sur la famille.
    M. Bruno Sido. Bien sûr !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 114 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
    « Art. 343...– Les parents d’un enfant peuvent spécifier par testament les conditions dans lesquelles ils veulent que leurs enfants soient adoptés s’ils décèdent. L’État les respecte si elles sont compatibles avec l’intérêt supérieur de l’enfant. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. François Rebsamen. Arrêtons-le ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Bruno Retailleau. Si le texte que nous examinons devient loi, l’adoption pour les couples de même sexe sera autorisée. Par cet amendement, nous souhaitons permettre aux parents d’indiquer, par disposition testamentaire, les conditions dans lesquelles ils souhaitent que leurs enfants soient adoptés s’ils venaient à décéder. Certes, les cas seront peut-être fort rares, mais c’est important. À partir du moment où les règles de l’adoption vont radicalement changer, la loi doit autoriser que de telles conditions soient posées.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Aux termes de la loi, lorsque les parents décèdent, c’est le conseil de famille qui décide sous l’autorité du juge si l’enfant peut être adopté et par qui. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce sujet peut être étudié lors de la préparation du texte sur la famille. Il a été abordé à l’Assemblée nationale. Il n’est pas nul et non avenu. En revanche, il n’est pas pertinent d’en discuter dans le cadre du présent projet de loi. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
    L’amendement n° 116 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et G. Larcher.
    L’amendement n° 153 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
    L’amendement n° 160 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 198 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 223 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant le chapitre 1er du titre VIII du livre 1er du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
    « Art. 343... L’État s’efforce, notamment par ses politiques familiale et sociale, de permettre à l’enfant de vivre auprès de ses parents biologiques, sauf lorsque cela est contraire à l’intérêt de l’enfant. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 116 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. Les amendements nos 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié visant tous trois à préserver l’intérêt des enfants, je ne vois pas pourquoi il n’est proposé de les examiner que maintenant. Ce sujet ayant déjà été abordé lorsque nous avons entamé l’examen des amendements portant articles additionnels, je considère qu’ils sont défendus. Ils tendent à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment le droit d’avoir un père et une mère, sur le fondement de tous les textes internationaux que j’ai déjà cités maintes fois.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 153 rectifié.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié.
    M. Michel Bécot. Même chose. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 198.
    M. Charles Revet. Nous sommes nombreux à répéter qu’il faut tenir compte de la place de l’enfant. Alors que celle-ci est au cœur de nos débats, nous n’en avons malheureusement pas beaucoup parlé. Peut-être y reviendrons-nous lors de l’examen du texte sur la famille…
    M. le président. L’amendement n° 223 n’est pas défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, car ils font primer le biologique dans les lois sur l’adoption, ce qui est contraire à tous nos principes.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, pour les mêmes raisons.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 116 rectifié, 153 rectifié, 160 rectifié et 198.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
    L’amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.
    L’amendement n° 154 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 161 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 199 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 225 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Avant le chapitre 1er du titre VIII du livre 1er du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
    « Art. 343...– Les décisions prononçant une adoption plénière ou simple sont prises dans l’intérêt de l’enfant pour réparer le fait qu’il ne peut grandir en relation avec ses parents biologiques. Le désir des adoptants n’est pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant. »
    L’amendement n° 117 rectifié a déjà été défendu.
    La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 154 rectifié.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 161 rectifié.
    M. Michel Bécot. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 199.
    M. Charles Revet. Il est également défendu, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 225 n’est pas défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, car l’intérêt de l’enfant prime d’ores et déjà dans le droit positif. Il est donc inutile de le redire.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La précision que tendent à introduire ces amendements étant superfétatoire, le Gouvernement émet le même avis que la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 117 rectifié, 154 rectifié, 161 rectifié et 199.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 127, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° L’article 343 est ainsi rédigé :
    « Art. 343. – L’adoption peut être demandée par :
    « 1° Deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ;
    « 2° Deux partenaires d’un pacte civil de solidarité, liés par ce pacte depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. » ;
    2° Le dernier alinéa de l’article 343-1 est ainsi modifié :
    a) Après les mots : « non séparé de corps, », sont insérés les mots : « ou lié par un pacte civil de solidarité, » ;
    b) Après les deux occurrences du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    3° L’article 343-2 est complété par les mots : « ou du partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    4° À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 344, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou de leur partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    5° À l’article 345-1, après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    6° L’article 346 est ainsi modifié :
    a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité » ;
    b) Au dernier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    7° Le dernier alinéa de l’article 356 est ainsi modifié :
    a) Après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
    b) Il est complété par les mots : « ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ».
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. L’argument selon lequel seul le mariage serait gage de stabilité pour le couple et donc de sécurité affective et légale pour l’enfant a été maintes fois entendu. Quand on sait que, à Paris,…
    Un sénateur du groupe UMP. Paris ! Toujours Paris !
    Mme Esther Benbassa. … un mariage sur deux se termine par un divorce, cet argument ne tient pas.
    En 2010, plus de 205 000 PACS ont été conclus. Par ailleurs, à l’époque des débats sur le PACS, l’adoption en avait été exclue, car elle aurait été ouverte aux couples de personnes de même sexe. Ce droit étant voué à l’issue de nos débats à être ouvert à tous les couples mariés, cette interdiction pour les couples pacsés n’a plus lieu d’être.
    Pour toutes ces raisons, nous proposons d’ouvrir le droit à l’adoption aux couples pacsés.
    M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 343 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 343. – L’adoption peut être demandée conjointement soit par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans, ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans soit par deux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 343 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 343 - L’adoption peut être demandée par deux époux de sexe différent, non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    À l’article 343 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « les deux époux de sexe différent ».
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que – je l’indique par avance – les amendements nos 24 rectifié bis, 25 rectifié ter, 26 rectifié ter et 27 rectifié ter, pour une raison très simple, c’est qu’ils visent à défendre ce que, en commission, on a appelé le « point de vue Adam et Ève ». Compte tenu des dispositions qui ont été adoptées, ils sont désormais dépassés.
    Je regrette toutefois que vous n’ayez pas suivi ce que nous avions proposé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. L’amendement no 23 rectifié bis est retiré.
    L’amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Delattre, Bizet, Couderc et Pierre, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    À l’article 343 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un mari et une femme ».
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Cet amendement vise à limiter les cas d’adoption aux seuls couples mariés hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents.
    M. Gérard Longuet. Exactement !
    M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
    L’amendement n° 118 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
    L’amendement n° 155 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
    L’amendement n° 162 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 200 est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 226 est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Les articles 343–1 et 343–2 du code civil sont abrogés.
    L’amendement n° 118 rectifié a déjà été défendu.
    La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 162 rectifié.
    M. Michel Bécot. Il est également défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 200.
    M. Charles Revet. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement no 226 n’est pas défendu.
    L’amendement n° 207 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 343-2 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
    « Art. 343- ... . – L’adoption plénière conjointe n’est permise qu’aux couples composés d’un homme et d’une femme. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Au premier alinéa de l’article 346 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un homme et par une femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».
    L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Au second alinéa de l’article 346 du code civil, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « de sexe différent ».
    L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Au premier alinéa de l’article 353-1 du code civil, après le mot : « requérants », sont insérés les mots : « , homme et femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans, ».
    L’amendement n° 27 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Avant l’article 1er bis
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le second alinéa de l’article 356 du code civil est ainsi modifié :
    1° À la première phrase, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « de sexe différent » ;
    2° À la seconde phrase, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un homme et par une femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».
    Ces quatre amendements ont été précédemment retirés.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Gélard a expliqué pour quelle raison il retirait ses amendements. Tous les autres sont semblables et visent à réserver l’adoption aux couples hétérosexuels. La commission y est donc défavorable.
    L’amendement de Mme Benbassa est un peu différent. Ma chère collègue, nous avons dit ici que nous n’évoquerions pas la question du PACS. Même si M. Milon était d’accord avec vous, même s’il serait logique d’ouvrir aux couples pacsés le droit à l’adoption, ce sujet n’entre pas dans le périmètre du texte que nous examinons. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.
    J’aimerais juste m’assurer que M. Darniche n’a pas commis d’erreur… (Mme la ministre est prise d’un fou rire.)
    M. Gérard Longuet. Respirez tranquillement, madame le garde des sceaux ! Comptez jusqu’à trois. (Rires.)
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il nous a dit qu’un enfant… (Mme la ministre ne peut plus parler et se rassoit.– Rires sur l’ensemble des travées.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Alors que l’ambiance est un peu détendue, permettez-moi de rappeler que le sujet dont nous débattons est extrêmement grave. Je tiens à dire à tous ceux qui nous regardent que ce débat est essentiel.
    Je ne voudrais pas que, en fin de parcours, nous donnions l’impression de lâcher prise. Si nous ne revenons pas sur ce débat, c’est parce qu’il a été tranché. Toutefois, je le répète, nous en sommes convaincus : un enfant a droit – c’est fondamental – à un papa et à une maman. Ce rappel est au cœur de cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 127 est-il maintenu ?
    Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 127 est retiré.
    Je mets aux voix l’amendement n° 232 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118 rectifié, 155 rectifié, 162 rectifié et 200.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
    Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
    M. le président. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quater
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 368 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 368 – L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les droits successoraux d’un enfant légitime. Les descendants de l’adopté ont, dans la famille de l’adoptant, les droits successoraux prévus au chapitre III du titre Ier du livre III. L’adopté et ses descendants n’ont cependant pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement est important, car il vise à permettre aux enfants adoptés par adoption simple de bénéficier des mêmes droits successoraux que les enfants légitimes – le terme n’est pas bon –, que les autres enfants.
    Nous savons parfaitement que l’abandon progressif de l’adoption simple tient tout simplement à l’excès d’imposition de Bercy dans ce cas.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à garantir des droits à l’adopté en la forme simple, mais il manque son objet. D’abord, il fait référence à l’enfant légitime, concept qui n’existe plus. Avant d’être adopté, cet amendement devrait donc être rectifié. Ensuite, il ne fait que réitérer la rédaction actuelle de l’article 368 du code civil, sans y apporter de modification.
    J’avais émis un avis défavorable en commission, mais celle-ci a émis un avis contraire.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car nous sommes partagés sur ce point.
    Monsieur Raffarin, permettez-moi de revenir sur l’amendement de M. Darniche. Nous traitons certes un sujet sérieux, mais il ne s’agit ni de décès ni d’enterrements ! Je me suis simplement demandé si j’avais bien compris une phrase qui me paraissait illogique, dans laquelle il était question du décès des parents.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne faisais pas référence à vous, madame le garde des sceaux, j’expliquais simplement pourquoi nous allions vite.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Très bien. Il s’agit donc d’un malentendu. Dans ce cas, je retire ce que je viens de dire.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. L’amendement de M. Gélard me paraît extrêmement pertinent et révélateur des dégâts considérables que les services de la législation fiscale et, d’une façon générale, de Bercy aujourd’hui, de Rivoli hier, peuvent provoquer dans la société.
    L’adoption simple avait sa légitimité : elle permettait de régler humainement un ensemble de situations difficiles en consolidant les liens entre un enfant et des parents désireux de le prendre en charge sans pour autant rompre sa filiation biologique. Grâce à l’intelligence des parents et à la maturité progressive de l’enfant, cette double filiation était acceptée. Elle n’était cachée de personne. Elle signifiait simplement qu’un couple avait pris la responsabilité d’une adoption sans pour autant nier la réalité biologique.
    La mise en œuvre de l’adoption simple, cette construction ancienne du droit civil parfaitement pertinente, a été détruite par des dispositions permettant au fisc, par mesquinerie budgétaire, à la seule fin de racler les fonds de tiroirs, de gagner un peu d’argent sur les successions.
    Si nous parvenions à mettre un terme à la rapacité des services fiscaux et à restaurer une équité d’avantages entre l’adoption simple et l’adoption plénière, nous réglerions en pratique bien des problèmes qui se posent aujourd’hui et qui pourraient parfois être réglés par des solutions simples.
    Le législateur l’avait prévu. Au fil du temps, Bercy a détruit ce qui était une véritable construction législative. Ce n’est pas le seul exemple de cette nature – il en existe dans bien d’autres situations –, mais je tenais à le signaler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 217 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quater
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil est supprimé.
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les amendements nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter sont identiques.
    L’amendement n° 31 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 179 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois et Amoudry, Mme Férat, M. J.L. Dupont, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas, Guerriau et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 372-2 du code civil est complété par les mots : « ou qu’il délègue l’autorisation au tiers vivant avec lui et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant, d’effectuer un tel acte ».
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. L’article 372–2 du code civil prévoit une présomption d’accord pour les actes usuels, valant dispense de preuve de l’accord des deux parents et décharge de responsabilité au bénéfice des tiers de bonne foi. Cet amendement vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant législativement la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au tiers d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.
    Comme je l’ai déjà indiqué, il est nécessaire de modifier et d’améliorer le système de la délégation de l’autorité parentale afin de régler un ensemble de problèmes n’ayant malheureusement pas à ce jour reçu de solution satisfaisante.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Nous abordons avec cet amendement un pan important des dispositions que nous proposons.
    Il s’agit de compléter le régime des actes usuels en consacrant dans la loi la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au beau-parent d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.
    Cet amendement et les suivants visent à aborder l’élaboration d’un statut du beau-parent. Cette proposition fait suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes émises dans le rapport annuel du Défenseur des enfants de 2006, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités – Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui.
    Avec cette série d’amendements, notre objectif est de mieux encadrer l’intervention du tiers dans l’exercice de l’autorité parentale, selon trois axes.
    En premier lieu, ils tentent de mieux définir le régime des actes usuels et importants afin de circonscrire la sphère d’intervention ouverte aux tiers et celle qui est réservée aux deux parents.
    En deuxième lieu, il s’agit de clarifier l’association d’un tiers à l’exercice de l’autorité parentale, en aménageant la procédure de délégation partage de l’autorité parentale, telle qu’elle existe actuellement dans le code civil.
    En troisième lieu, enfin, tout en aménageant les modalités d’exercice de l’autorité parentale pour permettre l’intervention d’un tiers, ces propositions visent à renforcer le maintien des liens affectifs tissés entre l’enfant et un tiers dans des circonstances particulières, telles que le décès et la séparation.
    L’amendement n° 179 rectifié ter vise donc à compléter le régime des actes usuels de l’autorité parentale pour lesquels le code civil prévoit déjà une présomption d’accord des parents, en consacrant la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au beau-parent pour accomplir ces actes.
    Son adoption constituerait donc une ouverture tout à fait importante et permettrait que le parent seul ne soit pas isolé.
    M. le président. L’amendement n° 104, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 372-2 du code civil est complété par les mots : « ou qu’il autorise un tiers résidant avec lui et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant, à accomplir un tel acte ».
    La parole est à M. Philippe Bas.
    M. Philippe Bas. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que vient de défendre M. Détraigne.
    Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement l’amendement n° 102.
    M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 102, présenté par M. Bas et ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 373-4 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le tiers à qui est confié l’enfant peut saisir le juge afin d’être autorisé à accomplir un acte important relevant de l’exercice de l’autorité parentale lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige en cas d’impossibilité pour les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale d’effectuer un tel acte. »
    Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
    M. Philippe Bas. Ces deux amendements, qui reprennent la jurisprudence de la Cour de cassation, visent à consacrer celle-ci dans nos textes législatifs.
    L’amendement n° 104 tend à offrir la possibilité aux titulaires de l’autorité parentale de donner l’autorisation au tiers résidant avec l’un des deux parents d’accomplir des actes usuels, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.
    L’amendement n° 102 vise à ce que l’on puisse obtenir du juge qu’il autorise un tiers à accomplir un certain nombre d’actes dans l’intérêt de l’enfant.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 31 rectifié bis, 179 rectifié ter, 104 et 102 ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les trois premiers amendements sont assez semblables. Ils abordent un problème réel et tendent à simplifier la vie courante. Toutefois, ils n’offrent pas les garanties juridiques requises.
    En effet, telles qu’elles sont rédigées, les dispositions qui y sont visées, si elles étaient adoptées, pourraient donner lieu à des instrumentalisations en cas de séparation conflictuelle des parents.
    À mon sens, la réflexion devra être poursuivie dans le cadre de la prochaine loi sur la famille, qui définira le statut du beau-parent, avec toutes les garanties juridiques nécessaires. Ce débat sera probablement moins conflictuel que celui qui porte sur la PMA !
    L’amendement n° 102, quant à lui, est déjà satisfait par notre droit en vigueur, monsieur Bas.
    J’étais personnellement défavorable à ces amendements. Cependant, la commission a émis un favorable sur les quatre.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements, même si les questions posées sur le statut du beau-parent sont réelles. Cela dit, elles concernent indifféremment les familles hétérosexuelles ou les familles homosexuelles. À ce titre, elles ne rentrent pas spécifiquement dans le cadre du présent projet de loi.
    Ces questions seront traitées sous leurs aspects les plus divers et les plus complexes dans le cadre de la prochaine loi sur la famille.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter.
    M. Bruno Sido. C’est un sujet que je connais un peu, pour l’avoir pratiqué. La question de la délégation de l’autorité parentale dépasse largement celle des beaux-parents. Dans le cas d’une adoption internationale, une délégation d’autorité parentale peut être accordée pendant plusieurs années aux adoptants, avant qu’ils n’accèdent à l’adoption plénière.
    Si la délégation de l’autorité parentale, accordée à des personnes situées, parfois, à des dizaines de milliers de kilomètres de distance, est bien rédigée par le juge pour enfants, elle ne pose aucun problème.
    Alors, c’est vrai, la question des beaux-parents, qui, généralement, n’habitent pas très loin les uns des autres, se pose aussi, en cas de conflit. Cependant, j’appelle l’attention de mes collègues sur l’importance de bien réfléchir à la question de l’autorité parentale, très importante, dans le cadre de la loi sur la famille. En effet, les règles qui s’y attachent sont assez pertinentes, alors, surtout, ne détruisons pas ce qui ne marche pas trop mal !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous sommes d’accord !
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les deux premiers sont identiques.
    L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 180 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mmes Férat et Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas, Guerriau et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 373-4 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
    « Art. ... – Le père et la mère, ou l’un d’eux, peut donner mandat à un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, afin d’accomplir tel acte ou telle catégorie d’actes usuels ou graves relatifs à la personne de l’enfant. La catégorie des actes graves nécessite l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. »
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.
    M. Patrice Gélard. Par cet amendement, nous entendons permettre aux deux parents ou à l’un d’eux de donner le pouvoir au tiers de réaliser, de façon occasionnelle ou temporaire, certains actes concernant l’enfant. Ce mandat pourrait concerner des actes usuels et, avec l’accord des deux parents, des actes graves. Il se ferait par simple convention et prendrait fin par la volonté du mandant ou du mandataire.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Bruguière et MM. Paul, Bizet, Leleux, Pintat, Lenoir et Retailleau, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 373-4 du code civil, il est inséré un article 373-4-1 ainsi rédigé :
    « Art. 373-4-1. - Le père et la mère peuvent donner mandat à un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, afin d’accomplir tout acte usuel ou grave relatifs à la personne de l’enfant. L’accord des deux parents fait l’objet d’une convention lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. »
    La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
    Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit, encore une fois, d’un problème très important et très grave. Mais, franchement, monsieur Gélard, les dispositions que vous nous proposez d’adopter constitueraient une innovation extraordinaire !
    M. Patrice Gélard. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ceux qui connaissent bien la législation relative à l’autorité parentale y seront particulièrement sensibles. Le dispositif est inédit, en effet, puisqu’il tend à créer un mandat d’autorité parentale ponctuelle donné par des parents à un tiers, y compris pour accomplir des actes graves, comme le passage d’une frontière ou l’autorisation d’actes chirurgicaux. Il n’accorde pas les garanties nécessaires et entre en contradiction avec l’article 376 du code civil, qui dispose qu’« aucune renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si ce n’est en vertu d’un jugement ».
    Personnellement, j’étais défavorable à ces amendements. Cependant, la commission a émis un avis favorable, du fait de l’absence de certains de ses membres lors du vote.
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Oh non ! De toute façon, c’est l’avis de la commission qui importe.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’avis de la commission est donc favorable !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Présents et absents compris !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La question de la délégation de l’autorité parentale et des conditions de son exercice est importante, c’est vrai.
    Je l’ai dit, elle concerne aussi bien les couples hétérosexuels qu’homosexuels, dans toute la variété de leurs situations. Ce point demande à être approfondi dans le cadre de la loi sur la famille, et non pas dans le cadre de ce texte, dont l’objet est plus spécifique.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 rectifié bis et 180 rectifié ter.
    M. Jean-Claude Lenoir. Je soutiens tout à fait l’amendement de M. Gélard.
    En tant que maires ou présidents de communauté de communes, nous nous retrouvons souvent avec des problèmes liés au fait que nous ne savons pas exactement quelle est la personne qui peut avoir l’autorité nécessaire pour prendre une décision, d’hospitalisation notamment.
    Une colonie de vacances, un centre aéré, des activités périscolaires peuvent produire des situations extrêmement complexes à appréhender.
    Je comprends bien que l’on ne puisse pas y apporter de réponses à cet instant. On nous renvoie toujours à une loi sur la famille, mais je ne sais pas quand nous aurons l’occasion de l’examiner. J’aimerais donc qu’on nous éclaire et qu’on nous indique la personne à laquelle on doit s’adresser et qui peut être investie de l’autorité suffisante, dans des circonstances graves et urgentes, en cas d’hospitalisation, notamment.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. J’avoue ne pas très bien comprendre. Au fond, l’autorité parentale est transférée aux deux parents. Elle n’est pas détachable et on ne peut pas la donner à l’un des deux seulement, l’un des deux ne peut pas l’exercer au détriment de l’autre, ou alors ce dernier lui a accordé une délégation de signature. Par conséquent, je ne comprends pas très bien le sens de ces amendements. Personnellement, je ne les voterai pas.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié bis et 180 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Au premier alinéa de l’article 377 du code civil, les mots : « lorsque les circonstances l’exigent, » sont supprimés et après les mots : « , membre de la famille », sont insérés les mots : « ou ayant contracté une union civile ».
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Je retire cet amendement, monsieur le président. Son objet n’a plus de sens, étant donné ce qui a été adopté par le Sénat.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Merci !
    M. le président. L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
    L’amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Delattre, Cornu, Pointereau, Savary, Cambon, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le premier alinéa de l’article 377 du code civil est ainsi modifié :
    1° Les mots : « , lorsque les circonstances l’exigent, » sont supprimés ;
    2° Après le mot : « famille, », sont insérés les mots : « partenaire de pacte civil de solidarité, ».
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 260 rectifié est retiré.
    L’amendement n° 103, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après le premier alinéa de l’article 377 du code civil, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
    « Lorsque la filiation paternelle n’a pas été établie ou avec l’accord du père, la mère, dans exercice de son autorité parentale, peut saisir le juge aux affaires familiales en vue de voir déléguer tout ou partie de cet exercice au tiers qui réside avec elle lorsque les circonstances l’exigent. L’accord de ce tiers doit être recueilli.
    « La décision du juge doit être justifiée par l’intérêt supérieur de l’enfant. »
    La parole est à M. Philippe Bas.
    M. Philippe Bas. Je vais, à mon tour, retirer cet amendement, non sans vous avoir expliqué ce qui m’a poussé à le déposer, mes chers collègues.
    Depuis quelques années, une jurisprudence, confirmée par la Cour de cassation, s’est établie. Elle tend à autoriser la compagne de la mère à prendre soin de l’enfant, dans des circonstances exceptionnelles, et dans l’intérêt supérieur de ce dernier. Cette jurisprudence est née de situations donnant à observer que la mère avait des engagements professionnels très importants et que c’était sa compagne qui, en réalité, s’occupait le plus de son enfant.
    Dans ce type de situations, il faut naturellement préserver l’autorité parentale du père, qui, certes absent, l’exerce conjointement avec la mère. Dans le cas où le père est d’accord, le juge peut décider de déléguer l’exercice de son autorité. Lorsque la filiation paternelle n’a pas été établie, il est souhaitable de permettre au tiers qui, effectivement, s’occupe le plus de l’enfant, d’assumer cette responsabilité dans des conditions de bonne sécurité juridique.
    Il faudra d’ailleurs concevoir la règle symétrique, dans l’hypothèse où c’est le père qui s’occupe de l’enfant avec son compagnon, si la mère est décédée ou si la filiation maternelle n’est pas établie, ce qui peut arriver tout à fait exceptionnellement.
    Compte tenu de ce qui nous a été expliqué tout à l’heure, il me semble préférable de discuter de ce dispositif quand nous débattrons de l’ensemble des questions susceptibles de se rattacher à la future loi sur la famille. C’est la raison pour laquelle je retire donc cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L’amendement n° 103 est retiré.
    L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après le deuxième alinéa de l’article 377-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le conjoint ou l’ancien conjoint d’un parent peut également demander une délégation partage de l’autorité parentale si l’enfant résulte d’un projet parental commun. »
    La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’élargir la délégation partage de l’autorité parentale au conjoint ou ancien conjoint du parent, afin d’offrir des droits au parent non biologique.
    Pour les couples de même sexe, la délégation partage d’autorité parentale est la seule possibilité pour que le parent à l’égard duquel aucune filiation n’est établie ait quelques droits et puisse prendre des décisions relatives à l’éducation de son enfant. En l’état actuel du droit, seuls les parents peuvent saisir le juge de cette demande.
    Cet amendement a donc pour objet de permettre au conjoint ou à l’ancien conjoint de le faire. Très concrètement, ce sont les situations de séparation des parents qui sont visées. L’ex-conjoint pourrait alors saisir le juge, afin de continuer à exercer l’autorité parentale sur un enfant qu’il a voulu et élevé jusque là, et ce même si l’autre parent ne le souhaite pas.
    Toujours est-il que je retire, moi aussi, cet amendement. Il s’agit, en réalité, d’un appel adressé à Mme la ministre pour qu’elle puisse prendre cette question en considération dans le cadre de la future loi sur la famille.
    M. le président. L’amendement n° 128 rectifié est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 182 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou.
    L’amendement n° 269 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, Savary, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 377-1 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
    « Art. 377-1-... – Les père et mère, ou l’un d’eux, peuvent partager tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale par convention judiciairement homologuée avec un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents. La réalisation d’actes graves relatifs à la personne de l’enfant nécessite l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. Cette convention prend fin par la volonté des parties, par déclaration au greffe ou sur décision du juge aux affaires familiales, à la demande d’un parent, du tiers, ou du ministère public. »
    La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement no 182 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à instaurer un système de partage de l’autorité parentale par convention judiciairement homologuée.
    Ce système ferait du partage de l’autorité parentale pour le beau-parent un dispositif propre et le rendrait plus souple que le dispositif existant puisqu’il pourrait être réalisé par convention homologuée par le juge aux affaires familiales. L’étendue du partage serait adaptée en fonction de l’exercice unilatéral ou conjoint de l’autorité parentale.
    En cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, le beau-parent pourrait réaliser les actes usuels et les actes graves nécessitant l’accord des deux parents. En cas d’opposition du parent, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, mais qui ne vit pas avec l’enfant, le juge aux affaires familiales pourrait être utilement saisi afin de trancher le conflit.
    En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale, le parent pourrait partager avec le beau-parent le pouvoir de faire tout acte relatif à la personne de l’enfant, dans le respect des droits de l’autre parent qui n’exerce pas l’autorité parentale.
    Il s’agit d’un dispositif innovant de partage d’autorité parentale.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 269 rectifié.
    M. Bruno Retailleau. Comme l’a parfaitement souligné Yves Détraigne, il s’agit d’instaurer un dispositif souple permettant de réaliser les actes usuels. Une telle disposition apporterait une valeur ajoutée dans la vie pratique et quotidienne des uns et des autres.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
    Ces deux amendements identiques sont intéressants, mais ils sont largement satisfaits par le droit en vigueur, notamment par la délégation de l’autorité parentale prévue à l’article 377 du code civil.
    Avant de modifier le code civil, peut-être faudrait-il réaliser un bilan de l’application depuis 2002 de l’article 377 ? Le projet de loi que nous examinerons prochainement contiendra un certain nombre de mesures qui concerneront les délégations de l’autorité parentale.
    En l’état, une telle disposition me semble prématurée, voire assez mal rédigée. L’avis de la commission est carrément défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : cette disposition n’a pas sa place dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
    Je veux dire à Mme Benbassa que toutes les questions qu’elle a évoquées, ainsi que le problème de l’autorité parentale et de la délégation de l’autorité parentale, feront partie de la réflexion que nous conduirons ensemble dans le cadre de la future loi sur la famille.
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous prenons date !
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Dans la mesure où la délégation d’autorité parentale n’est pas l’objet du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, le Gouvernement sera défavorable à l’ensemble des amendements traitant de cette question.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 182 rectifié ter et 269 rectifié.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
    L’amendement n° 63 rectifié ter est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 178 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet et Namy, Mme Létard et MM. Capo-Canellas et de Montesquiou.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le code civil est ainsi modifié :
    1° L’article 373-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « En cas de décès de l’un des parents ou si ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté, le tiers qui a vécu avec l’enfant et l’un de ses parents et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant peut saisir le juge aux affaires familiales afin que l’enfant lui soit confié. Il peut également être désigné par le juge comme tuteur de l’enfant. » ;
    2° Après le premier alinéa de l’article 377, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le tiers, qui a résidé avec l’enfant et l’un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui, peut, en cas de décès de ce parent ou si ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté, saisir le juge aux affaires familiales en vue de se voir déléguer tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale. »
    La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement no 63 rectifié ter.
    M. Patrice Gélard. Le droit actuel prévoit que le juge aux affaires familiales qui statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale après séparation des parents peut décider, du vivant même des parents, que, en cas de décès de celui d’entre eux qui exerce cette autorité, l’enfant n’est pas confié au survivant.
    Cet amendement vise à compléter ce dispositif en permettant au tiers qui a résidé avec l’enfant et à l’un de ses parents de saisir directement le juge aux affaires familiales d’une demande de se voir confier l’enfant. Il prévoit également la possibilité de l’ouverture d’une tutelle.
    En outre, cet amendement vise à réformer la procédure de délégation de l’autorité parentale prévue par l’article 377 du code civil.
    La procédure actuelle permet, « lorsque les circonstances l’exigent », aux « père et mère » de saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers. Or elle ne prévoit pas le cas du décès de l’un des parents.
    Le présent amendement tend à compléter ce dispositif en permettant au tiers qui résidait avec le parent décédé, qui aurait participé à l’éducation de l’enfant au quotidien et noué avec lui des liens affectifs étroits, de saisir le juge en vue de se voir déléguer tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale.
    Ces propositions font suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes tracées par le rapport annuel de 2006 du Défenseur des enfants, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités – Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 178 rectifié ter.
    M. Yves Détraigne. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
    Ces amendements reprennent deux propositions distinctes du Défenseur des enfants datant de 2006. Or, depuis cette date, les choses ont évolué.
    D’une part, des réformes sont intervenues pour organiser la protection de l’enfant en cas de décès de ses parents. Je pense, par exemple, à la désignation d’un tuteur ou d’un mandataire de protection future.
    D’autre part, l’adoption de ces amendements remettrait en cause l’équilibre sur lequel repose notre droit civil et le principe essentiel selon lequel l’autorité parentale appartient aux parents de l’enfant, le parent survivant la recevant totalement en cas de décès de l’autre parent.
    M. Bruno Sido. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Notre droit civil organise alors un mécanisme d’administration légale sous contrôle judiciaire, auquel il soumet le parent restant.
    Le futur projet de loi sur la famille sera peut-être l’occasion d’examiner toutes ces questions, sur lesquelles il nous faudra probablement revenir. En attendant, une telle disposition n’a pas sa place dans le texte que nous examinons.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
    À l’heure actuelle, l’article 403 du code civil permet au dernier vivant des père et mère qui détient seul l’autorité parentale de désigner un tuteur.
    La question qui est abordée au travers de ces deux amendements identiques a sa raison d’être, à tout le moins partiellement. Elle sera mieux traitée dans le futur projet de loi sur la famille que nous examinerons prochainement.
    M. Bruno Sido. Qu’elle sera riche, cette loi ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Henri de Raincourt. Ce sera une grande famille ! (Mêmes mouvements.)
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié ter et 178 rectifié ter.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le paragraphe 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article ainsi rédigé :
    « Art. ... – Le parent, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, qui exerce l’autorité parentale sur son enfant mineur, peut désigner le tiers qui réside avec l’enfant et ce parent et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, mandataire chargé de le représenter à compter du jour où il décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé mineur. Cette désignation peut faire l’objet d’une révocation unilatérale de la part du parent ayant l’autorité parentale. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à permettre au parent qui exerce l’autorité parentale sur un enfant mineur de donner mandat au tiers qui réside avec lui et l’enfant et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui de le représenter, en cas de décès ou d’incapacité future.
    M. le président. L’amendement n° 181 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le paragraphe 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article 374-... ainsi rédigé :
    « Art. 374-... – Le parent, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, qui exerce l’autorité parentale sur son enfant mineur, peut désigner le tiers qui réside avec l’enfant et l’un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui, mandataire chargé de le représenter à compter du jour où il décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé. »
    La parole est à M. Yves Détraigne.
    M. Yves Détraigne. Cet amendement, semblable à celui que vient de présenter le doyen Gélard, est le dernier que nous proposons visant à élaborer un statut du beau-parent.
    J’ai noté, madame le garde des sceaux, madame la ministre, que, même si vous n’émettez pas d’avis favorable ce soir sur ces amendements, vous les jugez intéressants. Ils font progresser en effet la question de la délégation d’autorité parentale tout en évitant certains excès, comme d’autres dispositions qui ont été adoptées ce soir.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le dispositif est déjà satisfait par le droit en vigueur depuis la réforme de la protection juridique des majeurs en cas d’incapacité ou de décès. Cette protection peut aussi être mise en œuvre dans le cas d’un mandat de protection future. Cette décision s’impose alors au juge.
    Au surplus, la mesure proposée pourrait faire l’objet d’une proposition plus large dans le cadre de la future loi sur la famille.
    La commission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, tout en précisant qu’il sera très attentif à toutes les propositions et suggestions de M. Détraigne.
    Les sujets abordés sont de vrais sujets. Parfois, les amendements proposés sont déjà satisfaits par le code civil, mais, parfois, ils méritent une évaluation afin d’approfondir la discussion.
    Je ne doute pas, monsieur Détraigne, que vous participerez aux travaux préparatoires sur le futur projet de loi sur la famille. La ministre chargée de la famille a déjà bien avancé sur ce projet. Nous veillerons à ce que les propositions que vous avez faites pour améliorer les relations entre les enfants et le beau-parent et favoriser le maintien de la relation familiale soient prises sérieusement en considération.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 34 rectifié bis.
    M. Bruno Sido. Avec cette loi, les choses deviennent d’une complexité extraordinaire. Gardons les pieds sur terre ! On a l’impression d’être dans une bulle où l’on discute de problèmes qui, éventuellement, n’existeront pas.
    Je ne sais pas qui a été à l’origine, en amont, de ce type d’amendements. Je ne cherche pas à le savoir, d’ailleurs.
    Je veux juste souligner que c’est déjà compliqué aujourd’hui quand les parents biologiques transfèrent l’autorité parentale à d’autres parents adoptants, que l’adoption soit simple ou pas. Il faut qu’un juge intervienne pour que le transfert soit réalisé dans les « règles de l’art ». Imaginez un instant si l’on sous-transfère cette autorité parentale… Franchement, on croit rêver !
    La future loi sur la famille, madame la ministre, contiendra beaucoup de choses.
    M. François Rebsamen. Eh oui, on verra à ce moment-là !
    M. Bruno Sido. Son examen prendra du temps et sera compliqué ! Certes, la vie se complexifie, mais est-ce une raison pour rédiger des lois qui compliquent à l’envi tout ce qui est déjà naturellement compliqué ?
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. On ne complique rien !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas le texte qui est compliqué !
    M. Bruno Sido. En tout état de cause, sous-traiter l’autorité parentale me paraît quelque peu démesuré par rapport à la problématique actuelle.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Je soutiens naturellement ces deux amendements, qui présentent l’immense mérite de mettre l’accent sur le lien extrêmement étroit entre le principe que vous avez posé, et qui a été adopté par le Sénat à l’article 1er, et l’ensemble des dispositions concernant la famille.
    Je ne suis pas le meilleur juriste de cette assemblée, mais je connais un peu la vie. Or, dans la vie, lorsqu’on ne peut pas se marier, on ne se marie pas ! En ouvrant la porte au mariage des personnes de même sexe, vous allez inévitablement déstabiliser à la fois les mariages existants et les couples non mariés homosexuels, qui seront confrontés à une question simple : allons-nous nous marier ou pas ? (Mme la garde des sceaux rit.)
    J’ai de la vie une connaissance suffisamment riche pour savoir que tant qu’on ne peut pas se marier, il est relativement facile de maintenir le statu quo. Cela peut changer lorsque la possibilité du mariage est offerte : le couple peut s’en trouver alors non pas consolidé, mais fragilisé, jusqu’à éclater, le cas échéant. Car, lorsque nous recevons nos administrés dans nos permanences, nous constatons qu’ils ont parfois le don pour se mettre dans des situations impossibles.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils ne sont pas raisonnables ! (Sourires.)
    M. Gérard Longuet. Par exemple, ils vivent en concubinage tout en étant mariés par ailleurs. Tant que la rupture du mariage ne débouchait sur rien, ils ne pouvaient pas être incités ni encouragés par le concubin à la rupture du mariage antérieur.
    Mme Annie David. Qu’est-ce que c’est tordu !
    M. Gérard Longuet. Si maintenant cette rupture débouche sur un mariage, il va y avoir accélération des ruptures !
    Mme Annie David. Vos amis avocats gagneront plus d’argent !
    M. Gérard Longuet. La grande étude réalisée par l’INSEE sur un échantillon de 200 000 couples français met en lumière une vérité statistique. Dans l’immense majorité des cas, les enfants qui vivent dans des familles homoparentales n’ont pas été conçus au sein de ces couples, ils sont simplement les enfants de couples qui se sont reconstitués sur la base de l’homosexualité après avoir vécu une phase d’hétérosexualité, ce qui leur a permis d’avoir un enfant.
    Par conséquent, ils se partagent cet enfant et tout se passe très bien. Mais à partir du moment où le mariage devient possible, par ricochet, l’appel au mariage va déconstruire d’autres mariages.
    M. Jean-Pierre Godefroy. Que c’est compliqué !
    M. Gérard Longuet. Nous aurons à gérer des relations extraordinairement complexes entre des parents qui étaient mariés, mais qui ne vivaient plus ensemble, et qui seront obligés de divorcer puisqu’ils peuvent se marier. (M. Jean-Pierre Raffarin rit, ainsi que Mme la garde des sceaux.)
    Très honnêtement, je suggère que nous attendions cette loi sur la famille pour mettre en œuvre la loi sur le mariage, qui aura un double effet.
    D’une part, des couples hétérosexuels légitimes qui ne vivent plus ensemble devront divorcer parce que l’un des deux conjoints en aura fait la demande pour pouvoir se marier. (Rires sur plusieurs travées.)
    Mme Annie David. On a perdu le fil, monsieur Longuet !
    M. Gérard Longuet. D’autre part, des personnes homosexuelles vivant en concubinage seront sans doute effrayées par la perspective du mariage, donc amenées à se séparer. (Mêmes mouvements.)
    Mme Éliane Assassi. On n’a rien compris, monsieur Longuet. Vous pouvez tout recommencer depuis le début ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
    M. Gérard Longuet. Si ceux qui pouvaient vivre ensemble tant qu’ils n’avaient pas la possibilité de se marier se trouvent confrontés à l’obligation légale de respect, de fidélité et de soutien, ils voudront sans doute reprendre leur liberté, par peur d’une situation qu’ils n’avaient pas envisagée. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
    Madame le garde des sceaux, je vous suggère avec beaucoup de sagesse de continuer sur le chemin que vous avez emprunté, et sur lequel nous ne vous suivrons pas, mais d’attendre le texte sur la famille pour mettre en œuvre de telles mesures. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC applaudissent ironiquement.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 181 rectifié ter.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 70, présenté par M. Savin, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 373-2-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Si un enfant a plus de douze mois et que l’un des parents demande la résidence alternée, elle s’applique de plein droit et le juge est tenu de l’accorder quelle que soit la distance qui sépare les domiciles des parents. Elle peut être refusée par le juge par une décision spéciale qu’il doit motiver. »
    Cet amendement n’est pas soutenu.
    L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article 388-1 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 388-1. – Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement est, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, entendu par le juge, ou lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
    « Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.
    « Le mineur est entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.
    « L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à protéger avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’agit de lui garantir une construction saine et équilibrée, reposant sur deux parents réellement présents.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable : la situation en vigueur nous paraît plus sensée que le dispositif envisagé par M. Gélard.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
    L’amendement n° 119 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Savary et G. Larcher.
    L’amendement n° 156 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
    L’amendement n° 163 rectifié bis est présenté par MM. Bécot, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
    L’amendement n° 201 rectifié est présenté par MM. Revet et Darniche.
    L’amendement n° 237 rectifié est présenté par M. Gournac.
    Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
    Après l’article 1er quinquies
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    L’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « L’éducation de l’enfant incombe, sauf application de dispositions législatives expresses, à son père et à sa mère. Dans le cas où la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère, le père ou la mère assume seul cette responsabilité. »
    La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié bis.
    M. Bruno Retailleau. Par souci de cohérence, nous proposons d’introduire dans le code de l’action sociale et des familles le principe que nous défendons depuis le début de ce débat : l’éducation d’un enfant incombe à ses père et mère.
    M. Gérard Longuet. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 156 rectifié bis.
    M. Bruno Sido. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 163 rectifié bis.
    M. Michel Bécot. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 201 rectifié.
    M. Charles Revet. J’ai souligné tout à l’heure que l’on faisait peu de cas du droit de l’enfant.
    Les amendements que nous avons déposés ont pu vous sembler répétitifs. J’ai bien compris que, pour vous, il n’était pas question d’en adopter un seul. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
    À l’instar de M. Sido, j’estime que le texte sur la famille dont nous serons bientôt saisis, semble-t-il, devra aborder ces différents éléments. Les parents ont des devoirs à l’égard de leurs enfants.
    Certains proposent de soustraire le plus tôt possible les enfants à l’influence de leurs parents. Nous prônons exactement le contraire. Éduquer un enfant, c’est une responsabilité. Ce sont les parents, c’est-à-dire le père et la mère, les mieux placés pour l’exercer. Et en cas de séparation ou si l’un des deux parents disparaît, c’est au père ou à la mère de s’en charger.
    Cet amendement vise donc à rappeler le rôle essentiel des parents.
    M. le président. L’amendement n° 237 rectifié n’est pas soutenu.
    Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, et ce pour deux raisons.
    D’une part, de tels éléments figurent déjà dans le code civil ; ce n’est pas donc la peine de les introduire dans le code de l’action sociale et des familles. D’autre part, ces amendements interdisent de facto l’adoption par des couples de personnes de même sexe.
    M. Gérard Longuet. Pas du tout !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ce sont des amendements « Adam et Ève ». Nous en avons déjà longuement discuté.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
    Avoir un père et une mère n’est pas une garantie, une assurance de vie heureuse pour l’enfant ; je vous renvoie à des exemples littéraires comme Vipère au poing ou Poil de Carotte. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Cela peut y contribuer !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Je remercie les auteurs de ces amendements identiques de me donner l’occasion de confirmer une conviction forte : les pères et les mères doivent continuer à exister même si les enfants sont élevés au sein de couples homosexuels, ceux qu’institue l’article 1er.
    Selon l’étude de l’INSEE, les cas d’adoption sont marginaux. En outre, la PMA et la GPA ne sont pas autorisées aujourd’hui. L’immense majorité des enfants élevés au sein de couples homosexuels ont été conçus par un père et par une mère, que le mariage ait été dissous par un divorce, qu’il n’ait jamais existé ou qu’il soit maintenu, en attendant mieux, pour des raisons de convenance.
    Quelque forme qu’elle ait revêtu, c’est donc une union hétérosexuelle qui a donné naissance à ces enfants.
    Le fait de préciser, comme le proposent les auteurs de ces amendements, que l’enfant est éduqué par son père et par sa mère n’interdit absolument pas qu’il y ait un mariage homosexuel ultérieur. Il s’agit simplement de rappeler qu’un enfant élevé par un couple d’homosexuelles a toujours un père et qu’un enfant élevé par un couple d’homosexuels a toujours une mère.
    Le lien entre le père et la mère continue d’exister quel que soit l’avenir de leur couple. C’est le problème qui se pose pour les divorcés. En cas de divorce, des familles se recomposent et il y a des disputes au sein d’anciens couples. Mais il y a toujours un père et une mère qui restent responsables de l’enfant et de son éducation. Les auteurs de ces amendements veulent simplement le rappeler.
    Je vois bien ce qui est proposé ; vous voudriez gommer le père ou la mère. Pourtant, ils existent, y compris, j’en suis convaincu, dans 95 % des cas d’enfants élevés par des couples homosexuels. Ces enfants n’ont aujourd’hui pas de statut ; ils en auront un demain. Ce sont des enfants de couples hétérosexuels qui ont éclaté à l’épreuve du temps, l’un des conjoints ayant changé de mode de vie, ce qui est son droit.
    Mais il n’empêche que le lien créé par la venue au monde de l’enfant, né de deux personnes de sexe différent, demeure, quelles que soient les orientations sexuelles tardives de l’un des conjoints. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. J’ai bien lu les amendements identiques et écouté l’intervention de mon collègue et ami Gérard Longuet.
    Ce qui nous est proposé – d’ailleurs, c’est le risque lorsque l’on se contente de signer des amendements rédigés et adressés par des associations… – n’a rien à voir avec le mariage pour tous.
    Selon le texte des amendements : « L’éducation de l’enfant incombe […] à son père et à sa mère. » Je ne vois rien d’extraordinaire à cela. Il est également précisé que dans les cas où « la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère », l’autre parent n’exerce pas cette responsabilité. Mais enfin ! Si l’autre parent n’exerce pas cette responsabilité, c’est que ce n’est pas le père ou la mère ! Car le père et la mère doivent évidemment se charger tous les deux de l’éducation de l’enfant.
    Ces amendements sont des cavaliers législatifs. Ils n’ont rien à voir avec l’objet du texte dont nous discutons depuis plusieurs jours. Je suis donc très dubitatif quant à leur pertinence. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. Je souhaite réagir aux propos de Mme la ministre chargée de la famille, qui affirme, référence à Hervé Bazin à l’appui, qu’avoir un père et une mère n’est pas une garantie de vie heureuse pour l’enfant.
    M. Jean-Pierre Raffarin. L’assurance !
    M. Christophe Béchu. Garantie, assurance…
    Personne, ici, n’a prétendu le contraire ; personne n’a soutenu qu’il s’agissait d’une garantie de bonne éducation ! Simplement, madame la ministre, vos propos pourraient laisser accroire que le fait de ne pas être élevé par un père et une mère, lui, en est une !
    Je le dis clairement, nous avons la conviction, la certitude même, qu’avoir un père et une mère, à défaut d’être une garantie ou une assurance de vie heureuse, reste le meilleur modèle possible et souhaitable pour un enfant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119 rectifié bis, 156 rectifié bis, 163 rectifié bis et 201 rectifié.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Articles additionnels après l’article 23
    Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
    M. le président. L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 22
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2013 sur les conséquences en matière d’adoption internationale de la présente loi, en particulier sur le nombre d’enfants proposés à l’adoption en France.
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à combler une lacune liée à l’absence de données dans l’étude d’impact.
    Nous demandons au Gouvernement un rapport évaluant les conséquences de la présente loi en matière d’adoption internationale, notamment ses effets sur le nombre d’enfants proposés à l’adoption en France. Une telle information est nécessaire à la fois pour les couples hétérosexuels et pour les couples homosexuels, lesquels pourront désormais adopter.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable.
    L’Agence française de l’adoption et le Conseil supérieur de l’adoption remettent des rapports annuels qui fournissent un certain nombre d’informations et permettent au Parlement d’exercer sa mission de contrôle.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
    Au demeurant, le Sénat produit souvent lui-même des rapports de grande qualité, dans le cadre de missions d’information. Il n’a donc pas besoin que le Gouvernement lui fournisse en un.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
    M. Bruno Sido. Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur.
    Les auteurs de cet amendement réclament une étude d’impact, alors que l’Agence de l’adoption internationale – j’ai siégé au sein de son conseil d’administration – fournit des chiffres ex ante. Je pense que la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement s’impose.
    Cela dit, les conséquences de la présente loi sur l’adoption, nous les connaissons ! Certains pays offrant des enfants à l’adoption étaient déjà très réticents lorsqu’il s’agissait de personnes seules. Désormais, ils n’offriront plus d’enfant du tout ! L’Afrique du Sud l’a déjà dit explicitement, le Vietnam fera de même, la Colombie se fermera, ainsi sans doute que la Russie…
    Toutefois, même si nous connaissons déjà les conséquences d’une telle loi sur l’adoption internationale, il est effectivement souhaitable qu’un rapport puisse les confirmer. Je pense donc qu’il s’agit d’un excellent amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. L’amendement n° 52 rectifié bis, présenté par MM. Frogier, Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
    Après l’article 22
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Après l’article 14-4 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, il est inséré un article 14-5 ainsi rédigé :
    « Art. 14-5. – Les articles 515-1, 515-2 et 515-8 du code civil sont applicables en Polynésie française. »
    La parole est à M. Patrice Gélard.
    M. Patrice Gélard. Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre collègue Pierre Frogier, vise à appliquer les dispositions relatives au PACS en Polynésie française, comme cela a déjà été fait pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
    Actuellement, il n’est pas possible de faire enregistrer un PACS au greffe du tribunal de Papeete.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable. Comme je l’ai déjà expliqué tout à l’heure, le PACS n’est pas appliqué en Polynésie française, car cela relève de la compétence de l’assemblée territoriale. Ce n’est donc pas à nous de dire à l’assemblée territoriale qu’elle doit appliquer le PACS. En revanche, le mariage est applicable de plein droit.
    M. Daniel Raoul. Très bien !
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Le pacte civil de solidarité est un contrat et, en tant que tel, il relève des compétences du territoire de Polynésie française. Par conséquent, c’est au territoire de prendre la décision d’instaurer un PACS. J’ai d’ailleurs proposé aux députés de Polynésie française, qui ont également soulevé ce problème, des séances de travail – une première séance a peut-être déjà eu lieu –, afin de les aider, s’ils le souhaitent, à rassembler des éléments en vue de l’élaboration d’un pacte civil de solidarité.
    Le mariage, en revanche, n’est pas seulement un contrat entre deux personnes, c’est surtout une institution. Il vise l’état des personnes. Il ne relève donc pas de la compétence de l’assemblée territoriale et s’appliquera en Polynésie française, qui fait partie du territoire de la République.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié bis.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Intitulé du projet de loi (début)
    Articles additionnels après l’article 23
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    L’amendement n° 235 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, B. Fournier, Bizet et Couderc, est ainsi libellé :
    Après l’article 23
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2014 établissant un état des lieux de l’application de la théorie du genre en France.
    La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Il s’agit de demander au Gouvernement, par un rapport annuel, d’établir un état des lieux de l’application de la théorie du genre en France.
    Il n’est pas question, par cet amendement, de remettre en cause cette théorie qui met en lumière, par des méthodes scientifiques, les modes d’organisation de la société à partir des fonctions spécifiques assignées à l’homme et à la femme en raison de leur différence sexuelle et des situations d’inégalité qui en résultent.
    Il est en effet intéressant de s’interroger, à travers l’histoire, sur les différences non biologiques entre hommes et femmes, en cherchant la racine et les causes des inégalités observées.
    En revanche, il nous faut être renseignés sur l’importance de l’introduction de la théorie du genre en France, car cette théorie, qui est non pas une étude scientifique, mais un système de pensée, pourrait avoir inspiré ou pourrait inspirer notre législation.
    Or, pour les tenants de cette théorie, c’est non pas la différence des sexes qui importe, mais la perception subjective que chaque individu se fait de son identité, lui permettant ainsi de déterminer librement son orientation sexuelle qui pourrait prendre des formes diverses, tout comme elle pourrait évoluer dans le temps.
    La théorie du genre, en se fondant non plus sur la différence des sexes, mais sur celle des sexualités, se retourne en fait contre les femmes, car il ne peut y avoir égalité sans reconnaissance des sexes. L’homme et la femme ont une spécificité liée à leur nature et la véritable égalité consiste à en tenir compte.
    Cette indifférenciation des sexes conduit donc à une rupture majeure de notre société et à un bouleversement pour l’ensemble des Français. Ceux-ci ont le droit de savoir. La théorie du genre ne peut être imposée en catimini, sans que les citoyens aient conscience de ce qu’elle représente et des conséquences qu’elle entraîne pour la politique de la petite enfance, l’éducation, l’enseignement scolaire et supérieur, les droits des femmes, le droit de la famille, le droit social, la justice et l’administration.
    Il nous faut donc un état des lieux, et c’est l’objet de cet amendement.
    M. le président. L’amendement n° 272 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après l’article 23
    Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
    Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2014, un rapport établissant un état des lieux de l’enseignement, la diffusion, l’application de la théorie du genre en France et ses conséquences.
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Cet amendement a le même objet que celui que mon ami Philippe Darniche vient de présenter.
    Je tiens à signaler que la théorie du genre est maintenant proposée à l’enseignement, non pas de philosophie, mais de SVT, les sciences de la vie et de la terre. Ce n’est d’ailleurs pas l’actuel gouvernement qui a mis l’enseignement de cette théorie au programme scolaire.
    Celle qui a pensé, conçu la théorie du genre, Judith Butler, a écrit un livre intitulé Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité. Demander un rapport, c’est savoir si nos enfants sont soumis à une subversion, et laquelle. Je vous rappelle que cette théorie pousse à une déconstruction-reconstruction en matière de genre, c’est évident, mais aussi en matière de famille, laquelle devient suspecte puisque la femme y serait maintenue dans un état de domination, soumettant aussi les enfants à un déterminisme naturel négatif. La maternité y est aussi perçue comme suspecte puisque l’idée de la seule reproduction naturelle doit être déconstruite au profit de l’idée selon laquelle l’enfant ne se reçoit pas, il se désire. Il faut donc recourir à d’autres techniques.
    À partir du moment où cette théorie est reconnue comme telle et qu’elle fait l’objet d’un enseignement – sans doute n’est-elle d’ailleurs pas complètement étrangère à l’inspiration de ce texte –, il me semble que le Gouvernement serait bien inspiré de proposer à la représentation nationale un rapport sur les conséquences de cette théorie, en tout cas de son enseignement.
    Mme Nicole Bonnefoy. Quel rapport ?
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel. Avis défavorable, car la théorie du genre n’a pas de rapport direct avec le texte.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 235 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    Articles additionnels après l’article 23
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
    Intitulé du projet de loi
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
    Les deux premiers sont identiques.
    L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
    L’amendement n° 140 rectifié est présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Bockel, Dubois, Jarlier, Lasserre et Maurey.
    Ces deux amendements sont ainsi libellés :
    Rédiger ainsi cet intitulé :
    Projet de loi portant création d’une union civile
    Ces amendements n’ont plus d’objet.
    L’amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après le mot :
    mariage
    Rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
    et l’adoption aux couples de même sexe, et supprimant la nécessité de la différence sexuelle propre à la filiation
    La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je présenterai en même temps l’amendement n° 263 rectifié.
    M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 263 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido, del Picchia et Darniche, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, G. Larcher, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
    Après le mot :
    mariage
    Rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
    et l’adoption aux couples de même sexe
    Vous avez la parole pour présenter ces deux amendements, monsieur Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Ce sont des amendements un peu facétieux, mais importants. Je souhaitais en effet, avec plusieurs de mes collègues, dire, nommer les choses, notamment en indiquant que ce texte visait aussi à supprimer la nécessité de la différence sexuelle propre à la filiation.
    M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements qui sont non pas seulement facétieux, mais aussi quelque peu provocateurs.
    M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.
    J’espère que, cette fois, Mme Des Esgaulx, qui ne semblait guère tout à l’heure apprécier le fait que nous détendions l’atmosphère, goûte la facétie… (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Lorsque le génie vient de vos rangs, peut-être y êtes-vous sensible, madame la sénatrice ?
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait !
    M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
    M. Christophe Béchu. L’amendement n° 264 rectifié est facétieux. Soit. Mais je ne comprends pas que l’amendement n° 263 rectifié recueille un avis défavorable puisque la disposition qu’il prévoit correspond très précisément à ce sur quoi vous nous avez fait voter.
    Selon le dernier amendement que nous examinons ce soir, le projet de loi serait non plus relatif à l’ouverture au mariage aux couples de personnes de même sexe, mais à l’ouverture au mariage et à l’adoption aux couples de même sexe ou, pour reprendre vos mots, au mariage et à l’adoption pour tous.
    Pourquoi refuser de modifier l’intitulé du projet de loi qui intègre l’adoption comme un droit nouveau et comme une égalité nouvelle, alors qu’on pourrait penser que c’est avec fierté que vous avez porté et défendu ce texte dans l’ensemble de ses conséquences ? Je ne comprends donc pas que le rapporteur et, plus encore, le Gouvernement refusent d’ajouter le mot adoption dans le titre du projet qu’ils défendent, ce qui aurait pourtant le mérite de clarifier encore un peu plus la réalité du changement juridique qu’ils nous proposent.
    Madame la ministre, doit-on voir – et il n’y a là nulle facétie de ma part –, dans ce refus d’ajouter l’adoption dans l’intitulé du projet de loi, un aveu ? Vous savez en effet que nos concitoyens n’ont pas le même degré d’adhésion au mariage et à l’adoption et qu’ils sont très majoritairement opposés à l’adoption élargie à tous les couples. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    C’est la question que je me pose et je ne veux pas croire que ce soit la seule raison pour laquelle vous refusez de nommer les choses telles qu’elles sont.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cher Christophe Béchu, je vois bien que vous voulez être le dernier à parler, comme si vous étiez accusé, mais vous n’avez rien à vous reprocher. Si nous sommes défavorables à cet amendement, c’est parce qu’il vise à ouvrir l’adoption aux « couples de même sexe » et non aux « personnes de même sexe » et qu’il est donc mal rédigé. (Exclamations sur les travées de l’UMP. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Béchu, le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour d’autres raisons.
    Ce n’est pas la première fois que vous faites la démonstration à laquelle vous venez de vous livrer. Méfiez-vous de ne pas être pris de vertige à toujours tourner autour des mêmes arguments ! Nous avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle que le mariage emporte l’adoption. Vous êtes législateur, vous le savez. Le Gouvernement a justement fait preuve de courage en parlant systématiquement de mariage et d’adoption parce que le citoyen, lui, n’est pas censé savoir que le mariage emporte l’adoption.
    Vous avez prétendu que nous avancions à visage masqué. Au contraire, nous n’avons cessé d’évoquer le mariage et l’adoption parce que nous estimons que le citoyen, qui ne lit pas le code civil tous les matins – contrairement, semble-t-il, à certains sénateurs (Sourires.) –, n’est pas censé savoir que le mariage, en vertu de l’article 343 du code civil, emporte l’adoption. Vous, vous le savez.
    Donc, lorsque nous faisons du droit, lorsque nous sommes entre législateurs, il n’y pas de lieu de mentionner le mariage et l’adoption. Pendant toute la période d’explication, nous avons dit qu’il s’agissait de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Mais le fait que le mariage emporte l’adoption découle de notre code civil. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
    M. Gérard Longuet. Madame le garde des sceaux, juridiquement, votre démonstration est incontestable mais je soutiens totalement l’amendement qui a été admirablement défendu par Christophe Béchu…
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même son auteur ne le défend pas !
    M. Gérard Longuet. … pour une raison très simple : c’est qu’en autorisant le mariage des personnes de même sexe, vous les condamnez à l’adoption. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. N’importe quoi !
    M. Gérard Longuet. Aujourd’hui, 95 % des enfants de couples homosexuels sont issus de mariages ou de couples hétérosexuels constitués sous différentes formes. En leur offrant la possibilité du mariage, vous les condamnez au mariage homosexuel, c’est-à-dire que vous les condamnez à l’adoption, vous aviez raison de le rappeler.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
    M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais abonder dans le sens qui vient d’être indiqué par mon ami Gérard Longuet.
    Madame le garde des sceaux, madame la ministre, au terme de cette discussion, et avant que nous ne nous retrouvions demain pour les explications de vote, je tiens à souligner que vous nous avez décrit, au cours des jours que nous avons passés ensemble, un monde absolument merveilleux, dans lequel chaque personne visée par ce texte allait vivre un grand bonheur et se voyait promis à une belle destinée.
    Dans quelques secondes, il sera minuit. Cendrillon retrouvera son carrosse transformé en citrouille et ses pantoufles de vair redeviendront des sabots.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et le prince charmant ?
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez bâti un édifice sur du rêve, mais la réalité, beaucoup plus dure que celle que vous avez décrite, va s’imposer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Mme Cécile Cukierman. Mais à la fin, tout s’arrange : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants !
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263 rectifié.
    (L’amendement n’est pas adopté.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi et des amendements portant article additionnel.
    Je vous remercie tous de votre participation à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Demain matin, nous procéderons aux explications de vote, et le Sénat se prononcera ensuite sur l’ensemble du projet de loi.
    La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
    Intitulé du projet de loi (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Discussion générale
    10
    ORDRE DU JOUR

    M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 12 avril 2013, à neuf heures :
    Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
    Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012 2013) ;
    Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
    Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
    Personne ne demande la parole ?…
    La séance est levée.
    (La séance est levée à minuit.)

  • Séance du 12 avril 2013 (Explications de vote)

    15 janvier 2018

    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    Secrétaires :
    M. Jean Desessard,
    M. Alain Dufaut.
    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)
    1
    PROCÈS-VERBAL

    M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
    Il n’y a pas d’observation ?…
    Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
    2
    Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Explications de vote sur l’ensemble (début)
    OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

    Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
    M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
    Nous avons achevé la discussion des articles et nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’ensemble du projet de loi.
    Vote sur l’ensemble

    Discussion générale
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Explications de vote sur l’ensemble (fin)
    M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
    M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, dans la solitude de son palais élyséen, le Président de la République va pouvoir cocher une petite case, la case « Mariage homosexuel » que nous avons qualifié de « Mariage et adoption pour les couples homosexuels ».
    Certes, M. Hollande aura au moins une petite satisfaction à l’issue d’une année au pouvoir, mais ce sera la seule, puisqu’il ne cochera pas les autres cases – « J’inverserai la courbe du chômage » ; « Je ferai la guerre à la finance » ; « J’assurerai la sécurité des Français » –, qui risquent d’être oubliées pour longtemps.
    Quel est le prix, pour les Français, de cette satisfaction présidentielle ?
    C’est tout d’abord un texte bâclé.
    Plutôt que de réécrire le code civil à l’aune de l’évolution des couples et des familles, vous avez préféré bricoler un dispositif construit à une autre époque et qui formait un tout.
    Vous auriez dû admettre que le système de 1804 ne pouvait, en l’état, répondre à votre souhait, qui est aussi le nôtre, d’assurer aux couples homosexuels considération légitime et droits égaux auxquels ils peuvent légitimement prétendre.
    Nous quitterons donc cet hémicycle avec un texte juridiquement fragile qui, je l’espère, fera l’objet d’un examen attentif par le Conseil constitutionnel.
    Nous avons formulé des propositions pour vous permettre de sortir de l’impasse dans laquelle vous vous étiez mis en voulant ajouter ce mariage des couples de personnes homosexuelles à ce qui emportait, de par notre code civil, la filiation et l’adoption.
    Nous vous avons suggéré l’union civile pour tous, mais là aussi, comme vous l’avez décidé par exemple pour le statut du beau-parent, nous nous sommes heurtés à un mur : au-delà des apparences, il n’y a pas eu débat.
    Il n’est d’ailleurs pas étonnant que vous refusiez de débattre dans l’enceinte du Parlement puisque vous n’acceptez même pas d’entendre la population, d’organiser un référendum sur des questions sémantiques ou de recevoir ceux qui représentent plusieurs millions de nos concitoyens.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. François Zocchetto. Au Sénat, pendant une semaine, nous avons bien compris que nous étions seuls pour parler. Où étaient nos collègues de la majorité dans ce débat ? (Là ! sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Souvent, ils étaient absents physiquement. (Non ! sur les mêmes travées.) Oui, ils étaient retenus en commission. (Présent ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Oui, ils étaient pris par d’autres tâches. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Ils étaient absents, comme en ont témoigné les scrutins publics successifs.
    Mais les sénateurs de la majorité étaient aussi absents par leurs prises de position, et le contraste est frappant avec nous, sénateurs de l’opposition, qui nous sommes exprimés spontanément selon nos divers moyens oratoires, toujours avec passion et conviction.
    En face de nous, nous n’avons rien entendu, sinon des invectives ou des interruptions qui n’avaient pas leur place dans le débat.
    Au-delà des apparences et de vos grandes qualités d’expression, madame la garde des sceaux, nous avons vraiment eu le sentiment – et je le dis avec le respect qui vous est dû – que vous avez contourné les opinions émises de notre côté.
    M. Bertrand Auban. Charmant…
    M. François Zocchetto. Tel est le contexte dans lequel ce texte va être adopté.
    Les conséquences directes seront les suivantes : cette semaine, dans de grands hôtels parisiens, des laboratoires proposeront leurs services à ceux qui souhaitent, leur disent-ils, s’offrir un enfant parfait. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment ! C’est parti !
    M. François Zocchetto. Ils rodent déjà sous nos fenêtres.
    Voilà concrètement à quoi aboutira ce texte, alors même qu’il n’est pas encore promulgué.
    Dans ces circonstances, nous sommes très amers. Soyez bien conscients, mesdames, messieurs les sénateurs qui siégez sur les travées de gauche de cet hémicycle, qu’une majorité de la population partage notre sentiment,…
    M. Richard Yung. Croyez-le !
    M. François Zocchetto. … car ce qui nous sépare, ce n’est pas l’union des couples de personnes homosexuelles, ce sont les questions de filiation et d’adoption.
    Madame la garde des sceaux, à l’issue de cette discussion, vous repartirez du Sénat avec un texte qui est exclusivement le vôtre, puisque ni la représentation nationale ni la population n’ont pu participer à son élaboration et se l’approprier.
    Il s’agit, je le répète, d’un texte fragile. Vous laissez une France profondément divisée ; elle n’en avait pas besoin… Vous laissez de futures familles désemparées et des enfants oubliés.
    Vous comprendrez que, dans ces circonstances, nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
    Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi, pour cette explication de vote, de ne pas reprendre ici les arguments déjà développés par beaucoup en faveur de l’adoption de ce projet de loi.
    Permettez-moi de ne pas céder non plus, en cet instant si solennel, aux séductions de la polémique, et de ne pas répondre une énième fois aux arguments du camp adverse. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Isabelle Debré. « Camp » ? Ce n’est pas gentil !
    Mme Esther Benbassa. Je souhaite seulement donner à mon intervention un peu de chair, d’esprit, un peu de cette simple humanité qui a parfois manqué à nos débats, et vous raconter une histoire.
    Voilà trente ans, au début des années quatre-vingt donc, alors professeur dans l’enseignement secondaire, j’ai rencontré, dans le fonds d’archives où je préparais ma thèse d’État, un jeune doctorant américain. Par le plus pur des hasards, nous travaillions sur des sujets connexes et exploitions souvent les mêmes sources. Ce jeune homme avait l’aisance et le brio de ces étudiants des grandes universités de la côte Est. Je l’enviais un peu, bien sûr.
    M. Christian Cambon. C’est passionnant !
    Mme Esther Benbassa. À force de travailler côte à côte, nous finîmes par devenir amis.
    Un soir d’hiver, après une longue après-midi passée en bibliothèque, sortant tous deux du métro Châtelet (Exclamations sur les travées de l’UMP.), voilà qu’il me prend par la manche et me fait entrer, presque de force, dans le premier bistrot qu’il trouve (Oh ! sur les travées de l’UMP.),…
    M. Jean-Claude Lenoir. Canaille !
    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Et alors ?...
    Mme Esther Benbassa. … pour me dire quelque chose… pour me dire qu’il est gay et pour me dire sa peur panique que cet aveu ne mette brutalement fin à notre déjà riche amitié. Je n’oublierai jamais son émotion et aussi quelque chose qui ressemblait, chez lui, à de la honte. Je n’oublierai jamais l’expression sombre, anxieuse de son visage.
    Je suis peu perméable aux préjugés. Ce n’est pas de la vertu, c’est le fruit, plutôt, d’une histoire. Je fus donc stupéfaite, non de l’aveu, mais de l’angoisse profonde qui s’exprimait avec lui. Ma réponse fut simple, sans doute naïve – j’étais jeune. Je ne comprenais tout bonnement pas pourquoi il se mettait dans un tel état. Son homosexualité ne me gênait pas. Je le prenais et l’aimais tel qu’il était. Il me raconta alors sa vie en parallèle, les humiliations au quotidien, sa peur que d’autres n’apprennent son secret.
    Nous sommes restés amis, bien sûr. Aujourd’hui, l’étudiant d’hier, devenu un éminent professeur, assume son identité en toute simplicité, ainsi que son couple. Quand je prononçais ici même mon intervention lors de la discussion générale, c’est à lui que je pensais, à son visage d’alors, tourmenté par l’aveu. Mon émotion, si vous l’avez perçue, c’est de là qu’elle venait, pas de la perspective des débats qui s’annonçaient. Lui me suivait des États-Unis par vidéo interposée. Nous étions fiers, je crois, l’un de l’autre.
    C’est donc pour lui, et parce qu’il m’a tant appris, c’est pour tous ces gays et toutes ces lesbiennes qui ont, à un moment de leur vie, tant souffert de ne pouvoir simplement dire leur homosexualité, c’est pour tous ceux et toutes celles qui n’exigent que la banalisation de leur condition, qui n’exigent que l’égalité, et donc la possibilité de se marier et de fonder une famille, c’est pour eux, pour elles, et pour la grandeur de notre démocratie que je voterai, avec le groupe écologiste unanime, ce beau projet de loi, et que je continuerai à me battre.
    Pardonnez, chers collègues, la tonalité inédite de cette explication de vote. Vous savez bien que je n’en suis pas à mon premier péché sénatorial. J’assume celui-là comme les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
    M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat a encore une fois montré le mur idéologique contre lequel nous avons buté. Vos silences révélateurs d’une consigne de vote et non de l’expression personnelle ont révélé les difficultés dans lesquelles vous vous trouviez.
    Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, nous n’avons pas la même conception de la liberté, car nous avons la liberté de vote, nous voulons l’objection de conscience pour les maires, nous pensons que la liberté n’ouvre pas la porte à toutes les exigences communautaristes. La liberté n’est pas d’avoir l’enfant que l’on veut, comme l’on veut, quand on veut. La procréation médicalement assistée, ou PMA, de convenance et la gestation pour autrui, ou GPA, ce n’est pas notre manière de concevoir la liberté.
    Nous n’avons pas la même conception de l’égalité, car, pour nous, ne peuvent être traitées de manière égale des situations analogues. Or, nous l’avons expliqué, la nature fait que seule l’union d’un homme et d’une femme engendre la procréation.
    Nous n’avons pas la même conception de la fraternité, car nous aimons la vie et pensons que la première des charités est d’offrir à un enfant un père et une mère, de lui offrir la vérité sur ses origines, sur l’altérité sexuelle qui est complémentaire. Tout comme ma main droite n’est pas ma main gauche, jamais l’homme ne sera la femme, jamais la femme ne sera l’homme. Nous ne laisserons pas l’idéologie du genre balayer tous nos repères ancestraux.
    Par votre refus du référendum, par votre mépris des opposants à ce texte, par votre rejet de notre proposition d’union civile et par vos mensonges, vous contribuez à fracturer la société en dehors de tout souci de bien commun.
    M. François Rebsamen. Oh là là !
    M. Yves Daudigny. Ces propos sont inacceptables !
    M. Philippe Darniche. Vous êtes enfermés dans votre obsession d’assouvir les intérêts particuliers d’un lobby homosexuel minoritaire.
    Pour l’honneur de l’amour et des enfants qui viendront demain, avec mes collègues non inscrits, je m’oppose à ce texte car je m’oppose à cette destruction de la famille. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ah !
    M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec le vote de ce projet de loi, nous voilà partis sur une barque qui n’a ni rames, ni voiles, ni gouvernail, ni moteur,…
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans ce cas, elle va rester sur place !
    M. René Garrec. Oh non ! Hélas !
    M. Patrice Gélard. … et qui est lancée dans le brouillard.
    En fait, on ne sait pas où nous mènera l’adoption de ce texte, et ce pour plusieurs raisons.
    Premièrement, ce projet de loi se fonde sur une vision faussée de l’égalité. Nous ne souscrivons pas à la conception que l’on veut nous imposer, à savoir que l’égalité, quoi qu’il arrive, serait la même pour chacun, quelle que soit sa situation, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle doit s’exercer.
    Deuxièmement, le présent texte repose sur une analyse insuffisante, qui, comme nous l’avons déjà souligné, ne tient pas compte de l’opinion publique.
    Chers collègues de la majorité, je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas voulu accepter les solutions simples que nous apportions. Je songe notamment à l’union civile, qui permettait de résoudre le problème alors que le projet de loi tel qu’il apparaît ne prévoit pas de véritable mariage : seul un ersatz de mariage est proposé ! Nous le verrons bien dans la pratique, le mariage des couples de personnes homosexuelles n’est pas la même chose que le mariage des couples de personnes hétérosexuelles, et ne peut pas être la même chose !
    De même, vous n’avez pas tenu compte de nos avertissements sans cesse répétés concernant l’inconstitutionnalité de toute une série de mesures contenues par ce texte. Ces inconstitutionnalités se sont d’ailleurs développées jusqu’à la fin de la discussion des articles, en particulier avec la dénégation de l’article 2 du code civil qui, comme chacun le sait, a valeur constitutionnelle.
    Face à cette situation, on nous assure que le mariage sera désormais le même pour tous. Non ! Le mariage homosexuel n’est pas le même que le mariage hétérosexuel et ne sera jamais le même car, en définitive, les règles de la filiation ne peuvent pas être similaires.
    De surcroît, on est en train de mettre en place un système par lequel les enfants auront des statuts différents selon les cas : les premiers seront adoptables de façon plénière, les deuxièmes seulement de façon simple, les troisièmes ne pourront être adoptés par aucun des deux conjoints. Résultat : ce texte va engendrer une situation d’inégalité, alors que – là encore ! – notre solution était de nature à satisfaire tout le monde. Il s’agissait de l’adoption simple, qu’il fallait naturellement moderniser et adapter. Nous avons présenté un certain nombre d’amendements à cette fin. Ils n’ont malheureusement pas été acceptés.
    Dès lors, dans quelle direction nous orientons-nous ? Je le répète, avec le texte qui nous est aujourd’hui proposé, nous sommes tout simplement lancés dans un brouillard juridique et constitutionnel où se perdent les fondements essentiels du contrat social qui nous unit tous. Sans doute n’a-t-on pas suffisamment réfléchi aux conséquences que ce projet de loi peut avoir sur l’ensemble de notre société ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.
    M. Vincent Eblé. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de cette belle réforme conduisant à l’ouverture de l’institution du mariage aux personnes de même sexe.
    À mes yeux, ce texte opère une double avancée.
    La première avancée concerne les couples de personnes de même sexe qui souhaitent inscrire leur amour dans la conjugalité. Sans doute faut-il se féliciter qu’au cours du débat on ait de multiples fois réaffirmé ici, et sur toutes les travées, que l’amour homosexuel a toute sa place dans la société française d’aujourd’hui, qu’il mérite une reconnaissance sociale, et que l’homophobie, trop longtemps présente – jusque dans notre arsenal juridique et pénal ! –, est désormais clairement écartée, interdite et dénoncée.
    Si cette affirmation partagée est sincère, nous franchissons alors aujourd’hui une étape positive pour le vivre-ensemble, sans discrimination, sans ostracisme et sans exclusion fondée sur les préférences sexuelles. De notre point de vue, cette affirmation se traduit par une évidence : l’ouverture de l’institution du mariage aux personnes de même sexe.
    Dans quelques instants, nous verrons si cette perspective est majoritaire au sein de la Haute Assemblée. Pour ma part, je le crois et je l’espère.
    La seconde avancée qu’opère cette importante réforme est peut-être moins consensuelle. Je souhaite néanmoins m’y arrêter quelques instants. Elle concerne les enfants que les couples ainsi constitués peuvent accueillir.
    Il ne viendrait à personne l’idée saugrenue d’affirmer que le processus d’accueil de ces enfants s’est exempté des exigences de la nature. À cet égard, il n’y a aucune fiction, car il ne peut pas en exister ! Les enfants eux-mêmes sont bel et bien les premiers à le savoir.
    Les modalités d’accueil des enfants sont nombreuses, de même que les formes des familles le sont, et ce depuis fort longtemps : enfants issus d’un premier couple hétérosexuel et élevés par un couple homosexuel ; enfants issus d’une procréation médicalement assistée ou d’une gestation pour autrui à l’étranger – cette méthode a beau être contraire à notre droit, elle n’en existe pas moins, nous le savons tous ! – ; enfants adoptés, bien sûr, par un parent isolé, conformément aux exigences de la loi, et même si cette personne vit en couple, sorte de mensonge légal.
    Toutes ces situations existent, et ces enfants doivent nous importer au premier chef. Ils sont d’ores et déjà présents en nombre au cœur de notre société, et notre responsabilité est de leur assurer la place qui leur revient.
    La question n’est donc pas : « Par le mariage pour tous, faut-il permettre à des enfants de couples homosexuels de survenir ? » Le mariage ne fait pas les enfants ! À preuve, le mariage des personnes de même sexe n’existe pas encore à ce jour, et les enfants sont, eux, déjà là par dizaines, voire par centaines de milliers !
    La question est donc : « Le mariage pour tous offre-t-il de nouveaux droits protecteurs aux enfants de couples homosexuels ? » Cette fois, la réponse est naturellement positive. En particulier, en faisant cesser l’insécurité juridique du conjoint survivant, qui deviendra héritier et touchera une pension de réversion, ce mariage protégera les enfants ! Il serait absurde que ces derniers soient qualifiés d’orphelins parce qu’un des deux parents qui les élèvent disparaît. Au demeurant, ce qui est vrai dans le cas d’un décès l’est également pour une séparation. L’autorité parentale conjointe est évidemment un acquis formidable.
    De plus, la reconnaissance sociale des couples confirme le refus par la représentation nationale de toute discrimination homophobe. L’accès offert à la charge symbolique du mariage est une conquête d’égalité. La protection juridique complète des enfants a pour but non pas de prétendre à une filiation naturelle fictive, qui ne peut pas être puisqu’elle est impossible, mais de confirmer le lien étroit de parentalité qui se noue dans la relation conjugale ouverte à tous les couples.
    Telle est la double avancée que nous appelions de nos vœux et qui, demain, fera progresser une nouvelle fois l’égalité et la fraternité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
    Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, si l’égalité est une commune aspiration de l’Homme, à l’évidence, il n’est pas dans la nature de chacun de l’établir spontanément. Pourtant, nous avons toutes et tous ici cette lourde responsabilité.
    Chers collègues, comme je vous le disais au premier jour de nos débats, il y a déjà plus d’une semaine, l’égalité ne se négocie pas, elle s’applique. Il revient à l’autorité supérieure de l’imposer et de la faire respecter afin qu’elle ne devienne que normalité. C’est là la fonction régalienne de la loi : protéger et ne pas contraindre.
    Cette égalité que nous défendons aujourd’hui est non seulement un droit fondamental de la personne humaine mais aussi une valeur sociale et politique essentielle du système démocratique.
    Ainsi, ce projet de loi s’inscrit dans la lignée des combats historiques et des conquêtes d’émancipation sociale, qu’il s’agisse du droit à disposer de son corps grâce à l’IVG ou de la fin de toute pénalisation de l’homosexualité, survenue en 1982 seulement !
    Le groupe CRC a toujours été de tous les combats contre les discriminations et des luttes pour les droits des personnes dites LGBT. C’est naturellement qu’il y a pris part et qu’il votera ce texte, car ce dernier participe du combat universel pour la reconnaissance de toutes et de tous dans leurs diversités sans ôter aucun droit à qui que ce soit.
    Durant ces longues journées de débats, les sénateurs communistes ont mené le combat de la laïcité contre l’invocation de l’ordre moral qui, à mon sens, a fortement dérapé à l’extérieur de notre hémicycle, dans les rues voisines du Sénat ; ils ont mené le combat contre toutes les injustices que légitiment tous les discours et les actes homophobes ; enfin, ils ont mené le combat pour la reconnaissance de toutes les familles dans l’intérêt des enfants actuellement privés d’un cadre protecteur et épanouissant.
    Notre but a été de répondre à l’intérêt général, celui des enfants nés et élevés au sein de ces familles, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense. À ce titre, nous n’avons aucun jugement à porter.
    Nous avons exprimé le refus de toute hiérarchisation des individus et des familles fondée sur l’orientation sexuelle. Ce faisant, nous avons poursuivi notre objectif politique : la protection de toutes et de tous dans notre société, que nous voulons toujours plus juste et plus protectrice. Nous avons défendu nos exigences jusqu’au bout des valeurs républicaines.
    Au cours de ce débat, différents points de vue se sont exprimés, certains beaucoup plus souvent et plus longuement que d’autres. Nous avons entendu divers arguments, certains ayant pour simple but de provoquer, mais d’autres, nous l’entendons, visant à alerter et à présenter d’autres propositions.
    Toutefois, je le répète, l’égalité ne se négocie pas.
    Chers collègues de l’opposition, vous nous avez effectivement proposé l’union civile. Mais, pour en discuter, il faut pousser la logique à son terme : puisque l’égalité ne se négocie pas, supprimons le mariage et débattons de l’union civile ! Sinon, permettons à toutes et à tous d’accéder au mariage. Ne créons pas deux statuts et deux droits !
    Nous restons donc convaincus que ce texte rejoint les lois émancipatrices qui font de notre code civil un livre protégeant toutes les familles, sans jamais imposer de contrainte.
    La demande sociale de changement dans l’ordre familial a été très forte durant le XXe siècle. Dès ses premières années, des réformes ponctuelles l’ont jalonné, qui ont modifié le divorce et la filiation puis transformé la puissance paternelle. Vinrent ensuite les grandes lois de 1964 et 1972.
    Cette recomposition exalte avant tout l’égalité : égalité de l’homme et de la femme, égalité des filiations dans la vie en couple. Aujourd’hui nous pouvons le dire, et nous pourrons bientôt l’affirmer, s’y ajoute l’égalité de tous les couples devant toutes les unions possibles.
    Nous sommes fiers à l’idée de voter ce texte dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
    M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, désormais, un homme pourra épouser un homme, une femme pourra épouser une femme, et ces couples pourront adopter des enfants qui auront deux papas ou deux mamans, en attendant évidemment de pouvoir recourir à la PMA – pour les couples de femmes – et à la GPA – pour les couples d’hommes. Cette évolution viendra nécessairement : nous en avons eu la preuve cette nuit, avec les amendements déposés par notre collègue Esther Benbassa. Ce n’était pas le moment d’en discuter, mais ces propositions reviendront et l’on ouvrira inévitablement la GPA et la PMA aux couples homosexuels !
    Comme disait Pierre Dac, autre Marnais célèbre et résistant bien connu : « Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. » (Sourires.) À mon sens, nous sommes en train d’en faire la démonstration !
    Les groupes UDI-UC et UMP ont proposé une formule qui répondait aux attentes légitimes des couples homosexuels, à savoir l’union civile. Mais il n’était pas question de parler d’union civile, puisque, dans ses propositions, le candidat François Hollande évoquait, lui, le mariage pour tous !
    Comme on nous l’a expliqué, notamment au cours des deux premiers jours de ce débat, le candidat François Hollande étant devenu Président de la République, les Français ont d’ores et déjà adopté le mariage pour les couples homosexuels. Ah, si seulement il en était de même pour les propositions formulées en matière économique ! En effet, si j’en crois cette théorie, les Français ont voté pour le redressement économique de notre pays. Il semble, hélas ! que ce chantier soit un peu plus compliqué à mettre en œuvre…
    Vous me permettrez par ailleurs de m’étonner que, à propos d’un texte qui touche à l’humain, aux fondements de notre société, la majorité ait été aussi peu présente ― combien de scrutins publics… ― et aussi peu diserte. Je n’arrive pas à croire que les tenants d’une vraie démocratie, ceux qui écoutent plus que nous, semble-t-il, les attentes de la population, aient pu donner des consignes de vote sur un sujet touchant aux convictions personnelles. Je souhaite me tromper ; rassurez-moi ! Je crains malheureusement que ce silence et cet absentéisme ne soient trop éloquents !
    Vous avez commencé à saper l’institution du mariage, l’institution de base de notre société des hommes et des femmes, autour de laquelle tant de choses se sont construites. Vous avez refusé les autres solutions. Je le regrette pour notre société. Vous accélérez en effet sa désorientation alors même que l’on se plaint depuis des années du manque de repères des jeunes générations.
    Vous comprendrez dans ces conditions que je vote contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
    M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je ne veux pas galvauder la formule, mais le moment que vit le Sénat est historique.
    M. Charles Revet. Oh là là !
    M. Robert Hue. Après avoir débattu pendant près d’une semaine, nous nous apprêtons à mettre fin à une inégalité. C’est bien au nom de l’égalité, ce principe inscrit au frontispice de notre République, qui fait la grandeur de notre pays, que, demain, des couples homosexuels pourront se marier, adopter, élever des enfants, mais aussi divorcer comme n’importe quel autre couple – il faut aussi le rappeler.
    C’est toujours au nom de l’égalité que les personnes de même sexe pourront jouir de leur droit à vivre une vie familiale normale, à l’image des couples hétérosexuels, dans l’indifférence de l’État, sous réserve, bien sûr, du respect de l’ordre public.
    C’est enfin au nom de l’égalité que les enfants adoptés par des familles homoparentales bénéficieront enfin du même statut juridiquement protecteur que tous les autres enfants nés d’une union hétérosexuelle.
    L’histoire de la République, que nous avons en commun dans cet hémicycle, nous enseigne que la liberté demeure une fiction si l’égalité est sacrifiée à son seul profit. Aujourd’hui, nous ajoutons un degré de plus à ce délicat équilibre, car « il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle », comme l’écrivait Condorcet – certains l’auront reconnu.
    Pour notre part, nous nous réjouissons de contribuer à la marche du progrès, mais nous restons conscients, malgré tout, qu’il reste beaucoup à faire pour que les discriminations dont sont victimes les homosexuels dans notre pays continuent à reculer pour enfin disparaître.
    Plus que jamais, nous sommes convaincus que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe ne provoquera pas le changement de civilisation ou le changement anthropologique que certains ici redoutent, ainsi qu’ils l’ont longuement exprimé. Bien au contraire !
    S’il n’appartient pas au droit de dicter les faits, le droit ne peut ignorer le réel, tel un concept abstrait enfermé dans le monde des idées.
    M. Patrice Gélard. Vous êtes gonflé !
    M. Robert Hue. Le droit, qu’il nous appartient constamment de créer et d’améliorer, doit correspondre à la réalité sociale d’aujourd’hui, et c’est pourquoi nous faisons œuvre utile en ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.
    L’histoire montre que la notion même de modèle familial est contingente et évolutive, et nos débats se sont largement épanchés sur ce point. Le statut de l’épouse ou des enfants adultérins et naturels ont fait l’objet d’évolutions majeures durant les dernières décennies, et il n’existe donc aucune raison pour que nous nous arrêtions sur cette voie.
    Oui, cette réalité ne peut plus être ignorée ! L’hypocrisie de la société à l’égard des enfants nés dans des familles homoparentales doit cesser : ces enfants sont élevés avec le même amour et la même attention que dans n’importe quelle autre famille. Leur intérêt supérieur commande que leur soient offertes et garanties les conditions nécessaires à leur développement.
    Madame la garde des sceaux, madame la ministre, je vous remercie d’avoir porté ce texte avec éloquence et avec toute la passion nécessaire pour concevoir une œuvre législative difficile mais désormais pratiquement aboutie. Je souhaite également remercier nos rapporteurs, dont la minutie a éclairé nos travaux.
    Enfin, je souhaite saluer, avec toute la courtoisie républicaine qui s’impose, nos collègues, toutes sensibilités confondues, pour leur engagement déterminé dans le débat. Certes, nos positions divergent et les débats ont pu être parfois assez virulents, mais c’est aussi l’honneur du Parlement d’être le réceptacle du pluralisme, dans le respect des valeurs qui transcendent nos clivages.
    M. Jean-Claude Lenoir. Merci !
    M. Robert Hue. Mesdames les ministres, mes chers collègues, c’est en nous réjouissant que l’égale dignité des citoyens soit demain renforcée que la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera ce texte.
    M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
    Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec le vote de cette loi, les gays et les lesbiennes, ou, même s’ils ne se nomment pas comme tels, un homme qui aime un homme, une femme qui aime une femme, pourront choisir de vivre seuls, de vivre en union libre, de vivre pacsés, de se marier ou non, de fonder une famille ou de ne pas le faire, d’avoir des enfants et de les élever, avec des droits et des devoirs.
    Il s’agit d’une loi de liberté et d’égalité qui n’enlève rien à personne. Puissions-nous, malgré la virulence du débat à certains moments et les faits regrettables qui se sont produits à l’extérieur de cette enceinte, en faire une loi de fraternité ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.
    M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous venons de vivre un débat intéressant, même s’il fut pour nous profondément décevant.
    Je voudrais, pour commencer, relever deux petites satisfactions. Tout d’abord, après notre mise au point à la suite du dérapage de M. Laurent, les accusations d’homophobie contre notre groupe ont cessé dans cette assemblée. Elles étaient pour nous inacceptables (Très bien ! sur les travées de l’UMP.) et nous n’aurions pu participer plus avant au débat si elles s’étaient poursuivies.
    M. Gérard Larcher. Très bien !
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous n’avons d’ailleurs plus revu M. Laurent !
    M. Charles Revet. Il n’est pas revenu !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Je remercie donc tous nos collègues pour le respect réciproque dont nous avons su faire preuve sur ces sujets.
    Une autre satisfaction fut la controverse, très symbolique de notre débat, le choc des talents latinistes entre Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Sueur : la bataille du nominatif contre l’accusatif !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, c’était très intéressant !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Car il s’agit, au fond, d’un point très significatif. Le camp du nominatif est le camp du nom, du sujet, le camp de l’accusatif celui de l’objet et de l’accusation ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. ― Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) Permettez-moi de répondre à votre joute par cette boutade !
    Je poursuivrai en affirmant une nouvelle fois qu’il y a dans ce texte une double faute politique !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Attention au passif, maintenant !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Tout d’abord, le pays vit un choc social majeur, le chômage augmente depuis vingt-deux mois et va continuer à progresser puisque les lourdes actions nécessaires n’ont pas été engagées. Alors que cette souffrance sociale est la première des souffrances de la société, on ne donne pas le sentiment – et c’est la première faute – qu’elle est la priorité du législatif et de l’exécutif.
    Nous nous trouvons dans une crise morale majeure, qui attaque toutes les institutions, qui nous atteint, les uns et les autres, dans notre éthique, ce que nous avons de plus cher. Et nous donnons le sentiment de répondre à côté des préoccupations des Français.
    Je crois que cette faute-là est lourde, qu’elle nous sera reprochée, qu’elle vous sera profondément reprochée. À une crise sociale et à un choc moral, vous ajoutez une rupture sociétale.
    Ensuite – et j’en viens à la seconde faute –, je regrette que nous soyons passés à côté de véritables avancées consensuelles pour notre pays. Notre histoire nous a montré – et j’avais pris l’exemple du voile à l’école, à cet égard – que, quand nous sommes capables de trouver des consensus, nous sommes respectés dans la société !
    Ne croyez pas que le vote de la loi effacera la rupture que vous avez créée ! Cette dernière a jeté dans la rue des centaines de milliers de gens qui ne comprennent pas et qui le disent. Ils resteront sur leurs positions ! Ce qui était au départ un choc de conscience devient un choc de conviction et suscite des blocages dans la société que le vote de la loi n’effacera pas. (M. Gérard Larcher opine.)
    Nous aurions pu avancer ensemble sur les droits des couples homosexuels, puisque nous souhaitions tous les améliorer. Non par compassion seulement, comme le disait Mme Esther Benbassa, mais avant tout par respect, ce qui est fondamental pour faire la loi. C’est ce respect qui aurait pu nous permettre d’avancer ensemble sur le statut du couple homosexuel, mais également vers une nouvelle pensée de l’adoption.
    En créant l’Agence française de l’adoption, nous avions en effet pris la mesure de la situation d’échec que vivait notre pays dans ce domaine. Je dois avouer que notre volonté de repenser cette politique n’a pas suffi à surmonter les échecs. L’adoption reste en effet un échec dans notre pays.
    Vous avez rendu la situation plus complexe sans régler aucun des problèmes de notre société. Il y a là vraiment une occasion ratée : alors que nous faisions preuve de bonne volonté, il n’y a pas eu débat ; vous n’avez en effet pas favorisé une méthode politique de rassemblement, une méthode qui aurait pu permettre que, sur ces sujets majeurs, sur ces sujets de conscience, nous adoptions une approche de rassemblement.
    Enfin, j’évoquerai avec regret une dimension du sujet qui a été presque absente de notre débat : la dimension spirituelle. L’enfant est-il reçu ou est-il désiré ? Il y a eu quelques oppositions à cet égard. Je crois quant à moi qu’un enfant est à la fois reçu et voulu. Le lien entre l’enfant, la mère et le père est un lien historique. C’est un lien de création et de dépassement. René Char avait cette belle phrase : « Aimer, c’est vouloir que les choses soient ce qu’elles sont ».
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est aussi vouloir qu’elles changent, c’est souhaiter la transformation !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Cela signifie qu’existe à côté de la volonté une part de réalité que certains appellent « immanence », d’autres lui donnant un nom différent. C’est la conscience d’une réalité qui nous est imposée parce que plus grande que nous. Le lien historique qui unit le père, la mère et l’enfant nous dépasse.
    Sommes-nous légitimes à toucher, par ce travail législatif, à ce lien d’humanité, ce lien de vie qui concerne la naissance, la création et le dépassement ? C’est une grande question pour moi, mais je ne crois pas que la réponse soit nécessairement positive.
    Je ne conteste pas votre ambition de paradis social ; je ne conteste pas votre volonté d’améliorer la vie sociale ; je ne conteste pas que la dimension sociale soit très importante. Mais je pense à Henri de Lubac qui disait : « Un paradis social peut être un enfer spirituel. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Hou là là !
    M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
    M. Yves Daudigny. Madame la garde des sceaux, j’étais présent dans l’hémicycle ce jeudi 4 avril quand vous êtes montée à la tribune pour présenter ce projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Depuis ce jour, j’ai peu quitté ma place et j’ai vécu des moments intenses de travail parlementaire, des tensions vives, parfois des rires. J’ai surtout ressenti beaucoup de fierté : fierté de participer à la construction d’un texte soutenu par mon groupe avec cohérence et cohésion, sans ambiguïté, un groupe animé d’une formidable conviction de promouvoir l’égalité des droits pour toutes et tous quelle que soit leur orientation sexuelle.
    On nous a opposé que ces jours auraient pu être plus utilement consacrés à l’examen de la situation économique de notre pays. Mes chers collègues, le temps de la démocratie n’est jamais perdu quand il est consacré à construire de nouveaux espaces de liberté, quand il met fin à une discrimination vieille de deux siècles, quand il est guidé par les idéaux de justice et d’égalité !
    Je veux, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, vous remercier, chacune, de votre engagement, de votre talent, de votre capacité à argumenter et à répondre aux interrogations, ainsi que du respect que vous avez témoigné pendant toutes ces heures aux membres de la Haute Assemblée. Madame la garde des sceaux, vous nous avez très souvent subjugués.
    Je tiens aussi à adresser mes remerciements à M. le rapporteur, à Mme la rapporteur pour avis, à M. le président de la commission des lois, ainsi qu’aux présidents de séance qui se sont succédé.
    Je veux également remercier mes collègues de la majorité sénatoriale, qui, au-delà de leur détermination, ont manifesté tant de patience, d’écoute et de sérénité.
    Je veux, enfin, remercier nos collègues de l’opposition de leur tolérance.
    Nous oublions, en cet instant, les répétitions, les tentatives de désinformation, les amalgames et les confusions. Nous oublions tout cela parce que le vote de la loi traduisant l’engagement du Président de la République d’ouvrir le mariage et l’adoption à droit constant aux couples de personnes de même sexe est un vote emblématique, un vote qui marquera l’histoire.
    C’est bien le mariage, avec toute sa charge symbolique et toutes ses règles d’ordre public, qui s’ouvre aux couples de personnes de même sexe, avec les mêmes conditions d’âge et de consentement de la part de chacun des conjoints, avec les mêmes interdits, les mêmes prohibitions, avec les mêmes obligations d’assistance, de fidélité et de respect, avec les mêmes obligations pour chaque conjoint, l’un à l’égard de l’autre, les mêmes devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents, et inversement.
    C’est selon les mêmes processus et dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels et les couples homosexuels pourront adopter. L’agrément sera accordé en vertu des mêmes règles par les conseils généraux. L’adoption sera prononcée dans les mêmes conditions par le juge, conformément à l’article 353 du code civil, qui dispose que l’adoption est prononcée si elle est conforme aux droits de l’enfant.
    Aujourd’hui, nous parachevons l’évolution vers l’égalité d’une institution, le mariage civil auquel la constitution de 1791 a donné naissance.
    Cette évolution a d’abord concerné les femmes. Comment imaginer aujourd’hui que les femmes avaient encore besoin, il y a quarante ans, de l’autorisation de leur époux pour ouvrir un compte bancaire ?
    Elle a aussi progressivement reconnu les droits des enfants. Ce n’est qu’en 1972 que le législateur a cessé d’établir une différence entre les enfants légitimes et les enfants naturels.
    Enfin, cette évolution rend aujourd’hui justice aux personnes homosexuelles. L’homosexualité ne doit pas seulement être dépouillée de ses qualifications d’infraction, de fléau, de maladie ou de péché. Elle doit bénéficier de droits et de devoirs équivalents à ceux de l’hétérosexualité.
    Autrefois, institution de propriété, de possession et d’exclusion, le mariage devient aujourd’hui une institution universelle. Des droits nouveaux sont accordés, et aucun droit n’est ôté à ceux qui les possèdent déjà. Chacun a le droit de s’unir avec la personne qu’il aime, de protéger son conjoint, de fonder une famille, avec des enfants reconnus et protégés.
    Mes chers collègues, dans cette évolution, la France n’est pas seule. Elle rejoint les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Canada, l’Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal, l’Islande, l’Argentine, mais aussi le Royaume-Uni et l’Uruguay.
    Si des États des Nations unies considèrent encore aujourd’hui que l’homosexualité est un crime, aucun de ceux que je viens de mentionner n’a sombré dans le chaos ou la guerre civile.
    Le groupe socialiste votera ce projet de loi : permettez-moi, en conclusion, de citer Montesquieu : « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
    Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, avec le vote de ce projet de loi, nous pouvons nous féliciter de voir s’ériger enfin, à côté du droit du mariage, un véritable droit au mariage, dont chacune et chacun pourra se prévaloir.
    Les mesures que nous avons adoptées durant ces longs jours de débat ne feront que traduire les évolutions de notre société. Le législateur en a simplement pris acte et, dans l’intérêt général, il lui revient aujourd’hui de voter ce projet de loi, afin que l’ensemble des citoyens bénéficient des mêmes protections, des mêmes droits et des mêmes obligations.
    L’intérêt de l’enfant a beaucoup été invoqué durant cette longue discussion. La question de l’égalité n’a pas occulté celle de l’homoparentalité, loin de là, et je dirai même que les principales oppositions se sont cristallisées sur le point essentiel qu’est le bien-être de nos enfants. Voilà qui est rassurant, même si les réponses diffèrent en fonction des travées sur lesquelles nous siégeons.
    Ouvrir un droit qui combat les discriminations est, à mes yeux, protecteur. Nous avons entendu les inquiétudes de chacune et de chacun, mais nous sommes convaincus que cette loi n’est que bienfait pour les enfants. Les arguments consistant à dire que cette loi détruira la famille ne sont que fantasmés. La famille en sortira au contraire renforcée !
    Les arguments invoquant d’hypothétiques risques physiologiques ou psychologiques encourus par un enfant élevé par un couple homosexuel ne sont pas plus pertinents.
    En effet, n’oublions pas que notre motivation première est de répondre à la détresse d’enfants nés ou qui naîtront dans ces familles. Leur protection est aujourd’hui fragilisée par l’absence de lien juridique de l’un des deux parents avec l’enfant qu’il élève avec son conjoint. L’intérêt des enfants commande qu’ils puissent enfin bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
    M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, à l’issue de ce débat, je relèverai les points qui m’ont marqué.
    Tout d’abord, nous avons assisté à un dialogue de sourds, qui restera dans les annales de la Haute Assemblée et servira sans doute, dans le futur, aux instituts d’études politiques pour l’étude d’un cas de figure qu’il ne faut bien sûr pas suivre !
    Ensuite, j’ai été frappé par la façon dont le Gouvernement et la majorité ont minimisé, caricaturé et, plus grave encore, ignoré l’émotion et les convictions exprimées par des centaines de milliers de Français pendant que nous débattions.
    En outre, à la crise politique majeure que nous vivons actuellement, à la crise économique et sociale que nous connaissons, nous ajoutons une crise sociétale, ce qui n’est pas une bonne chose.
    Enfin, le Gouvernement devrait rassembler. D’ailleurs, tous les élus doivent rassembler : quand on est un élu local, on cherche à rassembler au niveau local ; cet esprit de rassemblement devrait également prévaloir au niveau national. Or nous nous sommes au contraire heurtés à un mur, un mur de convictions sans doute, mais un mur inébranlable.
    Sur le fond, il y a ici une quasi-unanimité, je pense, pour reconnaître aux homosexuels le droit de vivre en couple, pour admettre qu’ils ont subi depuis des années des discriminations et pour nous opposer à ces dernières. Nous sommes donc tout à fait favorables à une partie du texte, de même qu’à la reconnaissance de leurs droits sociaux et fiscaux, et nous aurions pu, me semble-t-il, aboutir à un vote unanime sur le sujet.
    Toutefois, pourquoi céder à la frange la plus extrême des homosexuels, le collectif Inter-LGBT ? Pourquoi créer un droit à l’enfant, qui n’existait absolument pas jusqu’à présent ? Pourquoi donner la primauté de ce droit à l’enfant par rapport aux droits de l’enfant ? Pourquoi créer un nouveau type d’enfant ?
    Certes, des enfants vivent aujourd’hui avec deux hommes ou deux femmes, mais la nouveauté, avec cette loi, c’est que, demain, des enfants auront deux papas ou deux mamans. Pourquoi, s’agissant de l’être humain, des enfants à naître, ne pas mettre en avant le principe de précaution, si souvent utilisé à tort et à travers sur certaines travées ?
    Mes chers collègues, j’avais abordé ce débat avec une volonté constructive, mais je me suis aperçu qu’une telle volonté n’existait que d’un côté de l’hémicycle : si des opinions différentes se sont exprimées à droite et au centre, à gauche, on n’a entendu aucune différence – et on n’a d’ailleurs pas entendu grand-chose… Or, dans l’opinion publique, on le sait, le clivage se situe non pas entre la gauche et la droite, mais au sein même de chaque camp.
    Je l’ai indiqué dans certaines de mes interventions, si des personnes ont osé s’exprimer à gauche, elles l’ont fait en dehors des hémicycles. J’ai cité Élisabeth Guigou, et ceux qui voudront bien se référer à l’intervention qu’elle a faite sur le PACS voilà quatorze ans la trouveront très instructive : son virage à 180° sur un tel sujet décrédibilise, à mon avis, la parole politique. Mais je pourrais également citer Lionel Jospin, ancien Premier ministre, son épouse (Mme Esther Benbassa s’exclame.), ainsi que beaucoup d’élus de gauche. Cela prouve qu’il y a aussi des courageux à gauche. J’aurais aimé en entendre ici, mais j’ai l’impression qu’on les a bâillonnés !
    Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
    M. Vincent Delahaye. Cela donne l’impression que la discussion a été, comme je l’indiquais au début de mon propos, un dialogue de sourds. Le débat n’a pas eu lieu, et c’est fort dommage.
    Pour des raisons tenant à la fois à l’attitude du Gouvernement, à la création d’un droit à l’enfant et d’un nouveau type d’enfant et à l’ouverture de la PMA et de la GPA – vous ne nous avez pas du tout rassurés sur ce point, madame la garde des sceaux –, suivies sans doute demain de la marchandisation des enfants, je voterai, comme la quasi-unanimité du groupe UDI-UC, contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
    M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, je veux me réjouir, au terme de ce débat, de la passion qui a embrasé nos travées.
    Majorité, opposition, nous n’avons pas ménagé nos forces. Nous nous sommes battus, pied à pied, car nous avions malgré tout un point commun : la conscience que ce texte était tout, sauf anodin.
    Ces derniers jours, divers arguments juridiques ont été égrenés, défendus, développés. Dans le cadre des explications de vote, je vous propose de les oublier.
    Oublions tout cela ! Oublions la technique, les arcanes du droit pour nous attacher une ultime fois au cœur du projet de loi, le mariage !
    J’entends la crainte profonde que certains d’entre vous ont exprimée, celle que l’on touche à quelque chose de sacré : le mariage. Aussi, c’est à vous, collègues de l’opposition, que je veux m’adresser.
    Oui, le mariage est sacré. Bien sûr qu’il l’est ! Et je ne parle pas ici de religion. D’ailleurs, qui, ici, parle de religion ? Nous sommes laïcs et républicains !
    M. Jean-Pierre Raffarin. Cela n’interdit pas de parler de la religion !
    M. Jean-Vincent Placé. Nous parlons de mariage civil et, je vous le dis, le mariage civil est à mes yeux sacré !
    L’essence du mariage, c’est le couple. Et le ciment de ce couple, c’est l’amour.
    L’amour. Un mot que l’on n’a pas assez entendu ces derniers temps. Pourtant, c’est en cela que le mariage est sacré dans nos cœurs.
    Chers collègues, nous en avons parlé hier, je vous propose de lever vos bulletins de vote ! Affichez fièrement la couleur ! Et dites que, oui, vous acceptez qu’ils s’aiment et qu’elles s’aiment !
    Dites que, oui, en France, être homosexuel, c’est être et vivre comme tout le monde.
    Dites que, oui, nous sommes du même monde, que nous partageons les mêmes envies dans la vie : être heureux, être compris, pouvoir dire « oui » devant un maire, sa famille, ses amis, tous ses proches, fonder une famille.
    Dites, que, oui, il pourra déclarer à tous et à toutes : « c’est lui que j’ai choisi » et qu’elle pourra dire à tous et à toutes : « c’est elle que j’ai choisie. »
    Cette loi semble heurter certaines sensibilités. C’est pourtant dans ces moments, rares, que l’on se trouve face à soi-même avec le pouvoir de participer, en toute liberté, à une révolution majeure de notre société. Chacun a le pouvoir de corriger une règle de notre société, en se disant que l’on devait être bien aveugle pour ne pas avoir pris cette décision plus tôt. Notre société doit se débarrasser de ses peaux mortes. Elle doit préserver et cultiver les belles choses qu’elle a construites au fil du temps, mais tourner le dos à l’inégalité.
    Je suis hétérosexuel, comme la plupart d’entre vous. Si l’on venait ici vous dire que vous n’avez pas le droit d’épouser celle que vous aimez, vous répondriez : « Et de quel droit ? » Cela vous semble absurde ? Mais pourtant c’est bien de cela qu’on parle ! Et c’est ce que ressentent certains !
    Cela a été dit, de nombreux pays ont déjà adopté cette loi. Sentez le vent de l’histoire qui souffle autour de nous sur ces travées ! C’est pour cela que je me suis engagé en politique. Et je n’ai plus de mots pour vous dire la fierté qui est la mienne d’être parmi ceux et celles qui, dans l’histoire de notre pays, auront soutenu ce noble combat aujourd’hui.
    Nous avons débattu, et longuement débattu. Personne n’aura su me démontrer qu’il n’y a pas une injustice patente, et une injustice que nous devons enterrer maintenant !
    On nous regarde – je ne parle pas de ceux qui suivent notre débat dans les tribunes, que je salue ; je vois nombre de visages amis… – dans la rue ou à la télévision. Mais je pense aux enfants, aux petits-enfants de la France de demain, qui seront d’ailleurs issus de couples hétérosexuels ou de couples homosexuels. Ceux-là regarderont ce jour avec le respect et l’émotion que l’on ressent pour les moments qui marquent les grandes avancées sociales, pour les jours historiques.
    Mes chers collègues, comme vous, je suis sénateur ; mais, à la différence de beaucoup d’entre vous, je sais ce qu’est l’adoption.
    J’ai été orphelin. J’ai eu la chance extraordinaire d’être adopté, par une famille française qui avait déjà des enfants naturels, trois frères et une sœur que j’ai eu la chance de côtoyer pendant ma jeunesse. Mes parents n’avaient pas un désir d’enfant supplémentaire, ils avaient envie de partager, de donner de l’amour, ils voulaient un autre modèle familial que la famille de papa-maman ressassée par nos collègues de l’opposition, qui est d’une certaine façon la famille du droit du sang.
    Chers collègues de l’opposition, je souhaite que vous respectiez les couples homosexuels qui vont adopter dans les mois à venir. Ils ont envie non pas de se faire plaisir, mais de concrétiser leur amour dans des valeurs qu’ils veulent transmettre, dans un amour qu’ils veulent partager, avec le souci que notre société se perpétue avec ces valeurs partagées.
    Permettez-moi de vous le dire : vous avez été extrêmement caricaturaux en ce qui concerne l’adoption, dont je crois que vous ne maîtrisez pas beaucoup les notions. Je ne vous demande qu’une chose, mais c’est du fond du cœur : respectez les familles qui vont voir le jour, avec leurs enfants, dans les prochains mois et les prochaines années !
    Aujourd’hui, je vote pour que tous les couples puissent s’unir devant la loi, quelles que soient leur religion, leur couleur de peau, leur condition sociale et leur orientation sexuelle. Je vote pour le mariage, pour toutes et pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
    M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années que je siège dans cette assemblée, j’ai vu passer de nombreux textes, mais jamais ne n’ai senti le poids d’une telle responsabilité. Cette responsabilité devrait nous amener, sur quelque travée que nous siégions, à nous poser trois questions.
    En premier lieu, pouvons-nous prendre la responsabilité de changer notre pacte social par la voie d’une loi ordinaire ? En effet, ce que proposent les partisans de ce projet de loi, c’est un changement radical, pour le mariage mais aussi pour la filiation.
    Pour ce qui est du mariage, il ne sera plus, désormais, cette institution inventée par les sociétés partout sur la planète, pour donner un cadre protecteur aux plus faibles et aux plus vulnérables, en particulier aux femmes et aux enfants, pour offrir un cadre stable au renouvellement des générations, de manière que les patrimoines matériel et immatériel, mais aussi spirituel, comme l’a fort bien dit M. Raffarin, puissent être transmis de génération en génération.
    Pour ce qui est de la filiation, fondée depuis des siècles, et même davantage, sur une réalité biologique et symbolique – lorsqu’il s’agissait de l’adoption –, elle sera désormais fondée sur une intention, une volonté, avec toute la fragilité que l’une ou l’autre peut comporter.
    Chers collègues de la majorité, vous avez voulu ce projet de loi au nom de l’égalité. Seulement, cette égalité pour les adultes va se traduire par des injustices pour les enfants, ceux qui n’auront pas accès à leurs origines et ceux qui ne connaîtront ni papa ni maman, ce double visage de notre humanité. Bien sûr, nous avons à cœur, comme vous, de soulager toutes les souffrances ; mais pas au prix d’en créer de nouvelles !
    En deuxième lieu, même s’ils ont été au cœur de notre débat, les enfants risquent d’être les grands oubliés, les grands perdants de votre réforme. En effet, derrière le slogan du mariage pour tous, il y a le droit à l’enfant pour tous et le droit à l’adoption pour tous. Prenons garde que ce droit à l’adoption pour tous ne se transforme, au bout du compte, en adoption pour personne, lorsque la décision que vous vous apprêtez à prendre aura tari les adoptions dans les pays d’origine. Certains grands pays de l’Est considèrent déjà que la France ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt supérieur des enfants !
    Comme nous vous l’avons répété, ce projet de loi est une tromperie, parce qu’il est un cheval de Troie, un engrenage.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est faux ! Nous l’avons répété mille fois !
    M. Bruno Retailleau. Ce projet de loi est une tromperie aujourd’hui au sujet du mariage et de l’adoption, mais aussi de la PMA ; à cet égard, il est clair qu’il va régulariser des situations de fraude. Peut-on l’accepter ? Il sera une tromperie demain, parce que l’engrenage nous conduira au bout du compte à la GPA.
    Chers collègues de la majorité, quels sont ce progrès et cette modernité au nom desquels vous soutenez ce projet de loi, quand déjà le marché toque à notre porte ? Quand, dans notre pays, dans un hôtel de la rue Cambon, de grands laboratoires américains font leurs propositions sordides pour la fabrique d’enfants parfaits ? Sont-ce là le progrès et la modernité ?
    En troisième lieu, cette réforme relève-t-elle des représentants du peuple ou du peuple lui-même ? Nous pensons qu’elle relève évidemment du peuple. Madame le garde des sceaux, on ne change pas une civilisation par la loi ordinaire ! Lorsqu’il a parlé d’un droit à la liberté de conscience, le Président de la République a eu raison, car ce projet de loi n’est pas comme les autres.
    Le peuple, qui d’ailleurs est en train de basculer massivement contre ce projet de loi, demande à s’exprimer, comme il est bien normal ; non pas pour des droits acquis, mais pour sa conviction. Le référendum était une exigence, et la voie de l’apaisement.
    Non ! Je ne prendrai pas la responsabilité de voter ce projet de loi. Je vous la laisse : vous aurez à l’assumer devant les futures générations, devant l’Histoire, que certains d’entre vous ont invoquée, mais surtout devant tous les Français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – M. François Zocchetto applaudit également.)
    Mme Catherine Troendle. Bravo !
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
    Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, pendant tout notre débat, de nombreux orateurs ont invoqué la nécessité de respecter le sens des mots, en particulier celui du mot « mariage ».
    Ce souci honore l’attachement de la Haute Assemblée à la langue française, mais, franchement, nous ne sommes pas à l’Académie française et nous n’avons pas besoin de convoquer le Petit Robert. Nous devons faire notre travail de législateur en nous attachant non seulement aux mots, mais aux faits, aux réalités de la société, aux attentes des citoyens.
    Nous avons clairement entendu les difficultés de vie que rencontrent les couples de même sexe et leurs enfants. Ces difficultés, chers collègues de l’opposition, vous n’avez pas voulu les entendre lors de l’adoption du PACS. Votre effort pour vous rattraper en proposant un nouveau contrat d’union civile ne trompe personne, vu le peu d’empressement dont vous avez fait preuve sur ce sujet pendant vos dix années de gouvernement.
    Aujourd’hui, l’objectif du projet de loi est de donner à tous, sans discrimination, une égale liberté de choix. Nos concitoyens disposent d’un éventail de possibilités pour organiser leur vie commune : union libre, concubinage, PACS, mariage. Au nom de quoi les couples de même sexe n’auraient-ils pas accès à l’ensemble de ces possibilités ?
    On parle beaucoup de reconnaître leur amour, mais ce n’est pas le sujet essentiel pour le législateur. Le vrai sujet pour ces couples et leurs enfants, c’est que le mariage organise un engagement durable et juridiquement sécurisé, où chaque partenaire trouve son juste droit dans l’union comme en cas de séparation ou de deuil.
    Dans une société du changement, de la précarité et, il faut bien le dire, d’un individualisme ravageur, pourquoi refuser le libre choix du mariage aux couples de même sexe qui souhaiteraient légitimement fixer leur union ? Rien ne le justifie !
    Je m’adresse à vous, chers collègues de l’opposition, qui n’avez pas fait le même choix que nous. Je regrette que trop d’idées fausses aient enfermé notre débat dans une ronde sans fin. Même si nous n’espérons pas nous convaincre les uns les autres, nous devons au moins nous écouter. Le procès en mensonge que vous intentez à ce projet de loi est sans fondement, compte tenu de son périmètre clairement délimité. (Mme la rapporteur pour avis acquiesce.)
    Le procès que vous lui intentez au sujet de l’altérité, que vous limitez à la relation homme-femme, est lui aussi sans fondement. Prétendre que ce projet de loi tendrait à nier l’altérité, comme vous le faites sans cesse, est un contresens ou un fantasme propre à impressionner l’opinion. Nous n’avons jamais songé à nier la différence biologique des sexes. Du reste, soyez sûrs que les enfants élevés par une famille homoparentale ne confondront pas, eux ; ils n’imagineront pas un instant être nés de deux hommes ou de deux femmes. Ils ont les yeux ouverts, faites-leur donc confiance !
    Ce sont des situations qu’on ne peut regarder abstraitement. Je songe à tous ces parents d’élèves qui ne voyaient aucune objection à l’expulsion des étrangers sans papiers et qui changeaient radicalement de point de vue le jour où l’expulsion frappait un enfant de la même école, de la même classe que leur propre enfant.
    Même parmi les plus farouches opposants au mariage de personnes de même sexe, chacun peut se trouver, un jour, devant la réalité de l’homosexualité d’un enfant, d’un parent ou d’un ami. Alors, son regard changera nécessairement et il pourra même se réjouir que la loi assure aux homosexuels droit de cité !
    L’adoption de ce projet de loi, bien loin de provoquer les bouleversements annoncés, sera pour toutes les familles concernées une nouvelle heureuse, bien plus joyeuse que toutes les annonces catastrophistes que nous avons entendues tout au long de ce débat.
    C’est à ces familles que nous penserons en votant ce projet de loi. Il ne fait ni plus ni moins que mettre fin à une discrimination d’un autre âge et, tout simplement, conforter un ordre républicain qui doit nécessairement s’adresser à tous les citoyens, sans aucune discrimination, même si certains ne l’ont toujours pas admis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
    Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, en votant ce projet de loi, nous allons prendre le chemin d’une société plus égalitaire, plus juste et plus soucieuse du bien-être des individus. Nous allons commettre un acte de grande portée qui réaffirmera l’image de notre pays, patrie de droits de l’homme dont il faut reconnaître qu’ils sont aujourd’hui bien mis à mal.
    Nous allons ouvrir l’égalité, ce qui n’est pas un acte mineur. Ce sera un progrès non pas seulement pour les couples homosexuels, mais pour tous les couples qui conçoivent le mariage comme un espace d’amour, un espace de liberté.
    De nombreux arguments ont été développés, sur toutes les travées, certains plus vifs que les autres. In fine, ils ont démontré que, sur le fond, ce sont bien deux projets de société qui se sont affrontés.
    En tout état de cause, je crois pouvoir dire que tous les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen sont fiers de rendre possible une nouvelle liberté. Ils n’oublient pas que le chemin a été semé d’embûches et que, si nous en sommes là aujourd’hui, c’est aussi grâce aux luttes et aux actions d’associations et de forces politiques progressistes. Celles-ci se sont battues pendant des années pour affirmer que le mariage pour les couples de personnes de même sexe représentait un enjeu d’égalité et de justice sociale. Je tiens à les saluer et à leur rendre hommage.
    Aujourd’hui, notre assemblée va contribuer à une avancée humaine. Nous mettrons nos pas dans ceux des parlementaires qui ont voté la loi Badinter abolissant la peine de mort et la loi Veil autorisant l’IVG.
    Oui ! Notre vote va mettre fin à une discrimination qui s’appuie sur un ordre : la domination patriarcale. Il va permettre qu’enfin, le mariage ne se réduise pas à un modèle familial unique, où amour et sexualité sont liés à la procréation et à la filiation. Ainsi, nous mettrons fin à une certaine hypocrisie, de même qu’à des souffrances et à des frustrations.
    Oui ! Notre vote va en finir avec un modèle qui serait fondé sur la seule loi de la nature, selon certains de nos collègues de l’opposition qui oublient que les droits acquis par les peuples, par les femmes en particulier, ont permis de dépasser l’état de nature.
    Oui ! Notre vote va contribuer à ce que des hommes, des femmes et des enfants puissent enfin vivre un vrai bonheur, en toute liberté. Comme le disait Saint-Just, « le bonheur est une idée neuve ». (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Nous pouvons aujourd’hui le démontrer avec force.
    Mes chers collègues, c’est avec une grande fierté que les sénateurs communistes, républicains et citoyens voteront ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
    Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, je voterai ce projet de loi, même si ma position est minoritaire au sein de mon groupe.
    M. Gérard Longuet. Elle n’est pas minoritaire, elle est unique !
    Mme Chantal Jouanno. Au sein du groupe UDI-UC, nous sommes attachés à la liberté de vote et d’expression des uns et des autres. De fait, je suis très fière que nous puissions nous exprimer très librement sur ce sujet, où les certitudes n’ont certainement pas leur place.
    M. Gérard Longuet. Chère collègue, excusez-moi de vous le dire : votre position n’est pas celle de vos électeurs !
    Mme Chantal Jouanno. Je voterai ce projet de loi parce que j’ai des convictions libérales qui ne s’arrêtent pas aux questions économiques, mais s’étendent aux questions de société. Or, dans la nouvelle liberté qui va être offerte, je ne vois pas d’atteinte aux principes républicains qui justifierait une intervention de l’État pour la limiter.
    Certains mettront en avant l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais cette notion n’est pas juridiquement définie aujourd’hui, ce qui pose d’ailleurs un vrai problème. Il n’existe pas de charte de l’enfant, alors que nous avons adopté, par exemple, une charte de l’environnement.
    Si nous considérons que l’intérêt supérieur d’un enfant est d’avoir un père et une mère biologiques, certains écueils apparaîtront très vite : quelle position adopter à l’égard des mères célibataires, des familles monoparentales ou de l’interruption volontaire de grossesse ? C’est une voie, sinon potentiellement dangereuse, du moins délicate.
    Par ailleurs, comme la très grande majorité de mes collègues, je pense que les familles homoparentales ont la même capacité que les familles hétéroparentales à assumer leurs responsabilités de parents et à élever des enfants dans le cadre, j’insiste sur ce point, d’un projet parental. Aujourd’hui, en effet, l’enfant est le plus souvent le fruit d’un projet parental, ne serait-ce qu’en vertu du droit à la contraception.
    C’est vrai, ce texte de loi se heurte à deux écueils, en ne répondant pas à deux questions fondamentales. La première est celle de l’adoption, et tout particulièrement de l’adoption plénière, qui crée une fiction. La question se pose aujourd’hui à tous : dès lors que l’adoption plénière gomme les origines, jusqu’où devons-nous aller dans la fiction ? Ce dispositif, qui était justifié à une certaine époque, l’est-il encore ?
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il ne l’est plus !
    Mme Chantal Jouanno. C’est un vrai sujet, que nous devrons un jour traiter. Pour ma part, je ne suis pas favorable à l’effacement des origines qu’implique l’adoption plénière.
    La seconde question fondamentale est celle de la procréation médicalement assistée : jusqu’où devons-nous aller dans la médicalisation ? En autorisant la PMA avec tiers donneur, on a déjà ouvert une brèche. Faut-il aller plus loin ? C’est aussi une question à laquelle nous n’avons pas répondu. Il est dommage que notre débat ait eu lieu avant que le Conseil consultatif national d’éthique n’ait pu formuler ses conclusions.
    Ces questions en suspens peuvent justifier de nombreuses oppositions à ce texte, oppositions qui s’expriment plus ou moins selon les travées sur lesquelles chacun siège.
    Avec ce vote, une page se tourne et une autre s’ouvre. Je pense très honnêtement que le temps est à l’apaisement de notre société, à sa réconciliation. Veillons, dans nos discours, à nous positionner comme s’il s’agissait de nos propres enfants. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Christian Cointat applaudit également.)
    M. Bertrand Auban. Elle est courageuse !
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
    M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je n’ai pas participé au débat.
    Si j’ai voté pour le candidat François Hollande,…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tiens donc !
    M. Gérard Longuet. Nul n’est parfait ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
    M. Nicolas Alfonsi. … je n’étais pas favorable à sa proposition 31. Faudrait-il pour autant qu’une sorte de mandat impératif me conduise aujourd’hui à voter le texte qui nous est présenté ? La réponse est non. L’engagement que constitue cette proposition lie François Hollande, mais n’oblige pas nécessairement tous ceux qui ont pu voter pour lui. Si chaque électeur de François Hollande avait voté l’ensemble de ses propositions – aurait-il été élu dans ces conditions ? –, peut-être aurions-nous pu voter d’un cœur léger un texte de cette importance.
    Ainsi, je le répète, je ne suis lié par aucun engagement.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Belle honnêteté intellectuelle !
    M. Nicolas Alfonsi. Si je n’ai pas voté la motion référendaire, à laquelle j’étais favorable sur le fond, c’est tout simplement parce que je souhaitais que le débat continuât. Je ne voulais pas laisser le Sénat dans l’état de frustration qu’il a connu à l’occasion du vote du budget.
    Au demeurant, le Président de la République est libre de retenir les moyens de son choix pour faire adopter ce texte, la voie parlementaire ou la voie référendaire. Dans la mesure où la majorité du Parlement y est favorable, il a choisi la première, au nom du principe de réalité.
    C’est d’ailleurs ce même principe de réalité qu’il retient en renonçant à défendre sa proposition 56, en faveur de laquelle une majorité constitutionnelle n’existe pas. On devine aisément le sentiment de frustration de ceux qui auraient voté pour François Hollande uniquement pour voir cette proposition adoptée. En la matière, le principe de réalité s’impose donc.
    Le Président de la République aurait également pu tenir compte d’une autre réalité : celle des manifestants, ceux de l’ouest parisien et ceux de l’est parisien, puisque chacun tient une comptabilité notariale de ceux qui protestent contre ce projet et de ceux qui le soutiennent. Mais on oublie – finalement, je crois que je suis aujourd’hui le seul interprète de cette position – tous ceux qui n’ont pas manifesté et qui ont voté pour François Hollande tout en étant défavorables à sa proposition 31. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Le problème, pour moi, se pose dans ces termes. Comme je tiens exclusivement au mandat représentatif – je regrette de m’étendre sur ce point qui me paraît important –, je reprends ma liberté.
    Je n’évoquerai pas le fond, vous l’avez fait au cours de ces derniers jours. Je dirai simplement que le mariage est une institution déjà malade. Faut-il l’achever, en étendant en quelque sorte toutes les libertés qui sont prises ? Je respecte toutes les sensibilités, mais j’ai toujours eu le sentiment que, si je ne participais pas à ce vote, je manquerais, en quelque sorte, à mes devoirs. Il s’agit de questions trop importantes pour ne pas voter ! Des divergences existent, au sein de mon groupe, en la matière. Robert Hue a parlé de marche vers l’égalité parfaite, et il a même cité un auteur que je connais bien et qui nous enseigne que la démocratie est une marche vers toujours plus de liberté. Je réponds amicalement à mon collègue que, s’il avait poursuivi sa lecture, il aurait lu ceci sous la plume de Montesquieu : « Autant le ciel est éloigné de la terre, autant le véritable esprit d’égalité l’est-il de celui d’égalité extrême. » C’est cette règle qui m’a toujours conduit dans la République, c’est ce phare qui a toujours été le fondement de mon action. Dans ces conditions, vous le comprenez, je voterai contre ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
    Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avant de voter en faveur de ce texte, je pense à ceux qui s’y opposent, avec qui je corresponds depuis plus d’un mois, notamment par le biais d’Internet. À leurs yeux, l’évolution de la famille est un véritable bouleversement, une remise en cause profonde de ce à quoi ils croient.
    Mais à quelle famille pensent-ils ? De quelle famille rêvent-ils ? Celle des temps anciens, où le fils de famille engrossait la bonne après le père, qui la renvoyait lorsque les œuvres de la nature étaient visibles ? (Oh ! sur les travées de l’UMP.) Ou celle des parents adoptifs qui cachent ou cachaient aux enfants leur réalité biologique ? La famille n’est plus cela ! Depuis le divorce, la fin de la tutelle du mari sur la femme et de la puissance paternelle, l’IVG et l’égalité de toutes les filiations, les familles recomposées ont bouleversé la famille, les familles. Oui, ce texte introduit une évolution de la norme républicaine, mais il ne révolutionne pas la société.
    Aujourd’hui, en effet, notre société est prête à l’indifférence. Je suis sûre que, demain, les enfants des opposants à ce texte joueront avec les enfants d’homos,…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est déjà le cas !
    Mme Hélène Lipietz. … tout comme les enfants de divorcés ou de filles mères jouent aujourd’hui avec eux, alors qu’il n’y a pas si longtemps, à l’époque où j’étais moi-même à l’école primaire, on ne devait pas jouer avec les enfants de divorcés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Eh oui, mes chers collègues !
    Mme Bariza Khiari. Elle a raison !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !
    M. Christian Cambon. Dans quelle école étiez-vous ? Une école de riches ?
    Mme Hélène Lipietz. Je pense aussi aux homosexuels, qu’ils soient femmes ou hommes, et tout particulièrement à cet homosexuel massacré il y a cinq jours. Je pense surtout à leurs enfants, qui n’auront plus à redouter leur avenir familial et qui pourront dire ou se dire que leurs parents sont dans la norme, parce que dans le droit, qu’ils sont « normaux », eu égard à leurs devoirs et leurs droits de parents.
    Enfin, je pense aux hétérosexuels, qui font aujourd’hui, dans cet hémicycle, ce geste républicain de fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
    M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, un homme politique du début du XXe siècle disait que les échanges pouvaient changer ses opinions, mais jamais son vote.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est dommage !
    M. René Garrec. Herriot !
    M. Jean-Jacques Hyest. On prête ces propos à Édouard Herriot, en effet.
    Nous avons pu dialoguer au cours des nombreuses auditions organisées par le Sénat. À l’issue de notre débat, qui a été vif, mais digne, je m’aperçois que notre réflexion a acquis, comme c’est le cas dans l’opinion publique, une certaine maturité. Celle-ci ne peut se résumer à des slogans tels que l’égalité ou la liberté. Ce serait trop facile ! Combien de crimes ont-ils été commis au nom de ces deux principes ? Quand on cite Saint-Just et qu’on en fait un modèle, j’ai parfois froid dans le dos.
    Aujourd’hui, le problème, ce n’est pas de reconnaître aux personnes de même sexe le droit de s’unir. C’est leur vie et personne n’a à contester ou à dénoncer ce droit. C’est pourquoi nous avions proposé la création d’une union civile.
    Mais c’est bel et bien l’« intérêt supérieur de l’enfant » – deuxième slogan ! – qui est en cause.
    Gérard Longuet a bien expliqué, hier et avant-hier, que l’adoption ne concerne que très peu d’enfants, la plupart d’entre eux bénéficiant aujourd’hui d’une filiation maternelle et paternelle. Les seuls cas réels – sauf en cas d’adoption plénière, demain, par des couples homosexuels – concernent des adultes qui n’ont pas respecté la loi, en recourant soit à une PMA, soit à une GPA.
    Il me paraît tout de même curieux, sous prétexte qu’elle met en cause des enfants, de valider une telle situation, qui procède uniquement de la volonté de certains adultes. Dans un autre registre, il existe aussi des enfants qui sont nés illégalement d’autre manière. Va-t-on valider, par exemple, ce qui est totalement interdit par la loi et constitue même un tabou ?
    Pour ma part, j’estime qu’on se trompe complètement ! Madame le garde des sceaux, si vous commencez à toucher à l’adoption et à l’état civil, vous modifiez forcément les règles de filiation. Vous avez dit que vous sanctuarisiez le chapitre du code civil relatif à la filiation, mais demain, au nom de la liberté individuelle – c’est un principe formidable ! –, ce cadre volera en éclats. Dans ces conditions, nous ne pouvons demander à la société de tout prévoir.
    Comme le rappelait notre collègue Nicolas Alfonsi, l’institution du mariage va mal. On a ainsi offert aux couples la possibilité de régler un certain nombre de problèmes par le PACS, et beaucoup de jeunes ménages utilisent cette possibilité juridique. Le nombre de mariages diminue. Seuls les couples homosexuels, reconnus en tant que tels et désireux d’avoir des enfants, se marieront-ils demain ?
    Nous sommes en train de détruire l’institution du mariage, qui était, jusqu’à présent, un principe du droit français.
    Selon moi, l’exigence que les époux soient un homme et une femme est conforme au principe d’égalité, qui a valeur constitutionnelle en droit français. Nous avons donc formulé des propositions, nous avons contesté sur le plan juridique le texte que vous nous avez proposé, mais en vain.
    Bien entendu, je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
    M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
    Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, voici venue l’heure des explications de vote, qui doit être aussi celle de l’apaisement et du retour à la sérénité.
    M. Christian Cambon. Certainement…
    Mme Virginie Klès. Je commencerai mon propos en soulignant que le doyen Gélard a partiellement raison lorsqu’il affirme qu’un mariage homosexuel n’est pas la même chose qu’un mariage hétérosexuel. Partiellement seulement, parce qu’aucun mariage n’est égal à un autre, qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel !
    M. Henri de Raincourt. C’est vrai !
    Mme Virginie Klès. Un mariage est l’aboutissement de l’histoire de deux individus qui ont décidé de faire route commune, qui ont décidé par amour l’un pour l’autre, quel qu’il soit, d’unir leurs vies et de se protéger mutuellement jusqu’à la fin.
    Pour cela, ils viennent se mettre à l’abri de la loi, du droit. Ils nous demandent de célébrer leur mariage. Le terme a son importance : ce n’est pas la même chose qu’une union civile. Ceux d’entre nous qui sont maires savent combien de mariages sont célébrés sans que les époux aient conclu de contrat de mariage. Autrement dit, ceux-ci ont fait confiance au droit pour se protéger mutuellement et réciproquement. Ils ne se sont pas préoccupés d’examiner en détail la loi, parce qu’ils ont confiance dans le droit.
    Le mariage doit donc bien être le même pour tous, et ouvrir les mêmes droits. Sinon, il faudrait interroger les couples qui veulent se marier et soit décider pour eux, soit les engager à choisir l’une de ces voies : l’union civile, le PACS, l’union libre ou le mariage. « Avez-vous un projet de famille ? », « Êtes-vous sûrs que vous n’en aurez pas un d’ici à cinq ou à dix ans ? », « Avez-vous un passé de famille ? », devrions-nous leur demander.
    En effet, les couples qui se marient aujourd’hui peuvent déjà avoir des enfants ; il en va de même quelquefois des personnes homosexuelles qui décident de construire leur vie ensemble. On ne peut donc, ne serait-ce que pour cette simple raison, différencier les deux types d’union : il doit n’exister qu’un seul mariage, qui confère exactement les mêmes droits à tous.
    Les questions de fond qui ont été soulevées au cours du débat sont les mêmes pour les couples homosexuels et pour les couples hétérosexuels, dès lors qu’il s’agit d’enfants. L’argument de la loi de la nature a beaucoup été avancé. Pourtant, si le désir d’enfant est naturel, il n’est ni une obligation, ni une contrainte, ni un devoir.
    On a également beaucoup parlé de droit à l’enfant ou de droits de l’enfant. Mais on ne s’est pas souvent demandé où était la limite entre ces deux droits. Cette question doit, à mon sens, être posée quand l’enfant n’est pas encore né, quand on est en amont de sa conception. À ce moment-là, la frontière est peut-être encore à construire. En tout cas, quand l’enfant est là, quand il est présent parmi nous, il ne doit plus être question que des droits de l’enfant, lesquels doivent être les mêmes pour tous.
    Ont aussi été évoqués le mensonge sur les origines et l’appellation des parents.
    Je vous signale, chers collègues, qu’un enfant adopté peut avoir connu ses deux parents et avoir partagé une histoire avec eux. En effet, l’enfant adopté n’est pas forcément un bébé de quelques jours ou de quelques mois qui a tout à apprendre ! Ce peut être un enfant d’une dizaine d’années, qui a une histoire, qui a déjà eu une mère et un père. Il aura du mal à appeler une autre femme « maman » et un autre homme « papa ».
    Or cet enfant trouvera comment appeler ses adoptants, avec leur aide et grâce à la voix de l’amour. Je connais une petite fille qui a connu ses parents biologiques et qui, une fois adoptée par un couple hétérosexuel, n’a pas voulu appeler sa mère « maman ». Elle l’a appelée « Mamboise », contraction de « maman » et de « Framboise ». Les enfants ont cette intelligence du cœur qui leur permet de trouver des solutions. L’appellation n’est pas un problème en soi.
    Quant au mensonge sur les origines, la question se pose exactement de la même façon pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels. Avec cette loi, avec l’ouverture de droits à tous, nous posons des questions fondamentales sur lesquelles nous devrons demain réfléchir. Ouvrons la porte de l’adoption, attendons la grande loi sur la famille et aidons les parents à ne pas mentir à leurs enfants !
    Oui, le livret de famille est important, mais ce qui y est inscrit ne permettra, ni n’empêchera, le mensonge, qui intervient bien avant. Si un enfant doit attendre d’être capable d’ouvrir le livret de famille, de le lire et de le comprendre pour s’apercevoir qu’il a été adopté, cela signifie qu’on lui ment depuis longtemps ! Ce mensonge aura été porté non par l’État, mais bien par ses parents.
    Aidons les familles et construisons une société tolérante, dans laquelle tous les parents, quels qu’ils soient, auront les mêmes droits et seront considérés comme de vrais parents par la société, dans laquelle les enfants auront des repères en matière de tolérance et n’auront aucun doute quant à l’amour que leurs parents leur portent, quant aux droits que leurs parents ont à leur égard et quant aux devoirs que leurs parents ont envers eux !
    Pour toutes ces raisons, je voterai bien évidemment ce projet de loi et j’attendrai la suite avec une grande impatience ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
    M. Philippe Bas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avons passé ensemble sept jours à traiter de sujets qui, malgré nos désaccords, sont à coup sûr des questions essentielles, qui touchent aux fondamentaux de la vie familiale et de la vie en société. Personnellement, je suis très impressionné par la responsabilité que nous prenons en examinant ce texte.
    C’est une évidence, la famille a subi des coups de boutoir tout au long des dernières décennies, mais, heureusement, elle résiste ! Elle reste aujourd’hui le lieu des apprentissages fondamentaux, celui où se forge la personnalité et celui de l’accomplissement. C’est aussi, finalement, le lieu où l’on devient citoyen, car la famille est la première structure sociale que l’on découvre en grandissant.
    Les questions que nous avons abordées touchent à l’intimité la plus grande de tout être humain, à son aspiration fondamentale à aimer, à trouver l’être aimé, à construire avec lui une vie commune, dont on espère toujours qu’elle durera toute la vie.
    Au travers de cette vie commune, les deux adultes qui composent le couple ont, dans leur cœur, l’espérance fondamentale qu’un enfant puisse arriver et que leur amour réciproque se traduira par celui qu’ils porteront à leur enfant, pour lui permettre de grandir dans les meilleures conditions. À l’évocation de cette question, la polémique doit être loin, naturellement, et une exigence de prudence doit s’imposer à nous.
    Nous avons les uns et les autres à cœur, me semble-t-il, que la loi apporte des réponses aux problèmes de société, parmi lesquels figure l’expérimentation d’une nouvelle forme de famille que les intéressés ont eux-mêmes qualifiée d’« homoparentalité ». Sans doute cette expression vise-t-elle à souligner que cette forme de famille est spécifique. Et ce n’est pas manquer d’égards à ces familles que de le dire.
    Puisqu’il s’agit d’une forme spécifique de famille, la question s’est posée de savoir si le meilleur cadre que nous pouvions lui offrir est celui qui a été prévu pour toutes les autres formes de familles. Pourquoi pas ? Le débat en tout cas méritait d’avoir lieu.
    Toutefois, nous pensons fondamentalement que ce n’est pas une bonne chose. Selon nous, l’homoparentalité doit se construire dans la vérité. Ce n’est pas aller en ce sens que d’utiliser le cadre du mariage, avec les conséquences qu’il emporte en termes de filiation. En effet, les règles du mariage, du divorce et de la filiation n’ont pas été établies pour permettre à ces familles de s’épanouir, de s’accomplir, de grandir et de trouver la stabilité dont elles ont besoin.
    Cette transposition repose sur des conceptions qui me paraissent fausses. Je le dis peut-être de manière quelque peu brutale, mais je peux l’expliquer. Il s’agirait ici de construire une famille composée d’un couple de personnes de même sexe avec un enfant, dans lequel l’un des deux parents est soit le père soit la mère, car ils ne peuvent pas être pères tous les deux ou mères toutes les deux. On invente donc une troisième forme de parenté, qui consiste à être parent sans être mère ou sans être père.
    Nous pouvons considérer que certains éléments vont effectivement dans cette direction : je pense notamment à l’amour qui sera porté à l’enfant, qui va lui permettre de se construire, et à l’amour que les deux membres du couple se portent l’un à l’autre.
    Cependant, tout cela est basé sur une erreur fondamentale. Certes, la filiation ne peut reposer uniquement sur la biologie. Néanmoins, quand elle ne s’appuie pas du tout sur ce fondement, elle est fragilisée. On le voit bien avec l’assistance médicale à la procréation et avec l’adoption : dans ces deux cas, il faut faire preuve de grandes précautions pour réussir l’accueil de l’enfant. Quand on n’a ni l’altérité sexuelle ni le lien de la biologie pour construire une famille, alors il faut reconnaître qu’il y a un père ou une mère, mais pas deux pères ou deux mères.
    C’est en raison de cette différence fondamentale de point de vue que nous avons proposé l’union civile et que nous refusons le mariage des personnes de même sexe, l’adoption, l’assistance médicale à la procréation et, naturellement, la gestation pour autrui, qui forment un ensemble, vers lequel nous irons irrésistiblement si nous adoptons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de nos débats.
    Le Gouvernement a décidé de passer en force, coûte que coûte, malgré notre opposition et celle de millions de Français, qui ont défilé et qui font connaître chaque jour davantage leur désaccord. Il ne reste donc plus à l’opposition qu’à mettre en garde la majorité.
    Avec ce projet de loi, nous sommes très loin de l’intérêt général. Certaines zones d’ombre risquent d’entraîner de graves insécurités juridiques. Vous avez eu manifestement de grandes difficultés à passer du débat éthique au registre de la loi, du droit. Il ne faut en effet pas oublier, ce que personne ne fait ici, les risques d’inconstitutionnalité de ce texte et les problèmes d’articulation avec le droit international qu’il soulève.
    Notre désaccord vient de la définition du mariage. Celui-ci n’est pas seulement, mes chers collègues, la reconnaissance sociale de l’amour, même entre personnes de sexe différent ; c’est une institution qui inclut la perspective de la procréation. L’enfant bénéficie d’une filiation paternelle du seul fait de la loi. Voilà le point de départ de tout, et la raison de notre désaccord. Voilà à quoi vous vous êtes attaqués, au nom, selon vous, de l’égalité.
    Votre objectif est de soumettre à un traitement égal la reconnaissance des différents sentiments amoureux. Or, nous vous l’avons dit, l’égalité consiste seulement à traiter de la même manière ceux qui sont dans des situations équivalentes. Au contraire, la différence de situations justifie la différence de traitement.
    De fait, l’égalité n’est toujours que relative. Les couples de personnes de sexe différent et ceux de personnes de même sexe ne sont pas dans la même situation au regard de la procréation. Il n’y aurait pas eu de problème si le Gouvernement avait proposé de créer un contrat spécifique pour les couples homosexuels, un contrat d’union civile ouvrant les mêmes droits patrimoniaux, offrant même une protection juridique renforcée. L’erreur est d’avoir voulu aller plus loin, d’être passé à ce que vous avez appelé le « mariage pour tous ». Car, derrière la formule, c’est un imbroglio juridique et un enjeu de société qui nous sont imposés !
    Imposer est bien le terme qui convient. C’est un texte sur lequel le peuple français aurait dû se prononcer. Je n’ai pas attendu l’intervention remarquable et courageuse de notre collègue Nicolas Alfonsi pour dire ici qu’aucun sénateur ne peut vraiment prétendre avoir un mandat de ses électeurs pour décider, ou non, d’un mariage pour tous. Donner la parole au peuple aurait été juste et prudent, car une véritable réforme de société ne peut être réfléchie et conçue que de manière consensuelle.
    En outre, j’en suis convaincue, je vous l’ai dit, les enfants sont les grands oubliés de ce texte. Leur intérêt supérieur n’est pas respecté. Ce qui me perturbe vraiment, c’est que le législateur, avec votre texte, est en train de décider et de condamner plusieurs générations à se voir privées de leurs origines.
    Où est l’objectif d’égalité dans tout cela ? Mes chers collègues, quelle responsabilité que de décider pour ces enfants d’effacer délibérément leurs origines ! Ni les nouvelles techniques de procréation, ni les innovations juridiques, ni le droit ne peuvent, et ne doivent, aboutir à la fabrication d’enfants sur le simple désir d’adultes.
    Monsieur Placé, tout cela n’a rien à voir avec la situation de l’adoption, que vous avez rappelée tout à l’heure. Votre situation, celle d’un orphelin recueilli par un père et une mère, est merveilleuse ; elle est formidable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et alors ?
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes tous d’accord sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    En réalité, ce vote en appelle à nos consciences, d’où la gravité particulière de notre séance de ce matin. Ne jugeons personne, respectons tout le monde, car ce débat touche à l’intime de chacun, à sa vie affective, à sa fécondité, à ses blessures, à ses hauts et ses bas.
    Madame la garde des sceaux, je vous ai reproché, gentiment mais fermement, c’est vrai, de vous réfugier derrière quelques citations fameuses, derrière Aimé Césaire et bien d’autres. Pour ma part, derrière ces grandes personnalités que vous avez citées, c’est Christiane Taubira que j’aurais aimé entendre ! J’aurais aimé vous entendre nous dire quelle conviction profonde vous guide, en tant que fille, en tant que femme, en tant que mère.
    Madame Taubira, n’avez-vous pas peur de prendre la responsabilité de fracturer une institution si chère au cœur de nos concitoyens…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. N’exagérons rien !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … pour accomplir une réforme qui, en réalité, ne convient, dans sa totalité, qu’à une toute petite minorité de Français ?
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Vos propos sont inadmissibles !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quant à moi, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je vous le dis en conscience, ma conviction est demeurée intacte : je reste favorable à l’union des couples de personnes de même sexe, mais fermement opposée à l’adoption par ces couples,…
    M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … ainsi qu’à la PMA et à la GPA, qui, en réalité, sont liées en droit.
    Par conséquent, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
    M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je crains que l’examen de ce projet de loi ne fasse pas date dans les annales du Sénat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est dommage, car ce n’est pas si souvent que nous avons à légiférer sur un projet de société fondamental.
    Mme Marie-Noëlle Lienemann. À chaque fois, vous votez contre !
    M. Charles Revet. Il ne fera pas date pour celui qui, dans dix ou vingt ans, lira le compte rendu de nos débats et se rendra compte de la façon dont nous avons procédé à ce « changement de civilisation » que, madame la garde des sceaux, vous avez évoqué dans votre intervention.
    Il ne fera pas date parce qu’il y a eu absence de dialogue, absence de débat. Bien sûr, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, les auditions ont été intéressantes et enrichissantes ; je l’ai déjà souligné. Toutefois, si nous avons pu poser des questions, il n’y a pas eu de débat.
    M. François Rebsamen. Vous avez obtenu des réponses à vos questions !
    M. Charles Revet. Nous n’avons pas eu de débat parce que, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez été absents. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Marc Daunis. Mais non !
    M. Charles Revet. Vous avez été physiquement absents, comme en témoignent les scrutins publics à répétition. Vous avez aussi été absents en raison du faible nombre des amendements que vous aviez déposés et de la rareté de vos interventions dans cet hémicycle.
    Le parlementaire que je suis trouve que c’est dommage. Pour ma part, je pensais que le Parlement était justement un lieu de débat, en particulier sur les problèmes de société…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il l’est !
    M. Charles Revet. Madame la garde des sceaux, si nous avons souligné votre connaissance du dossier, la qualité de votre écoute et des réponses que vous nous avez fournies, tout cela n’en reste pas moins dommage.
    En effet, à partir de nos premières propositions – les amendements visant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er que nous avions déposés –, nous aurions peut-être pu trouver une solution acceptable par tous, correspondant aux attentes des personnes de même sexe vivant en couple et à l’engagement du Président de la République, sans remettre en cause les valeurs fondamentales de la société que chacun reconnaît, à savoir, en l’occurrence, la notion de mariage.
    Nous sommes en désaccord sur ce point, parce que, étymologiquement, le mariage a toujours renvoyé à la situation d’un homme et une femme,…
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cela va changer !
    M. Charles Revet. … qui s’unissent pour donner la vie. Surtout, nous nous opposons à ce qui peut découler de votre texte concernant l’adoption et, éventuellement, la PMA ou la GPA.
    Bien entendu, nous sommes également en désaccord sur ce qui a été proposé en termes d’adoption. En effet, madame la ministre de la famille, nous avons parlé du désir d’enfant plutôt que du droit de l’enfant ; nous reviendrons sans doute sur ce point. Alors que les droits des enfants devraient être au cœur de nos préoccupations, je crains que, dans les évolutions qui interviendront si ce texte est adopté et publié, l’intérêt de l’enfant ne passe en dernier.
    Nous sommes aussi en désaccord parce que vous n’avez pas voulu du référendum que nous avions souhaité. Pourtant, il n’eût pas été extraordinaire que les Français donnent leur avis par référendum ! On sait que, s’ils ont pu s’interroger, ils sont aujourd’hui majoritairement opposés à cette mesure.
    M. David Assouline. Bien sûr…
    M. Charles Revet. Vous le savez, je ne désespère jamais ! Madame la garde des sceaux, quand vous aurez relu le compte rendu de nos débats, quand vous aurez réexaminé nos propositions – en réalité, les seules suggestions qui aient été émises sur ce texte –, peut-être ferez-vous votre propre cheminement sur ce projet de loi et, animée du souci d’apaisement manifesté, à plusieurs reprises, par le Président de la République et les membres du Gouvernement, formulerez-vous des propositions qui modifieront le résultat final… Bien sûr, je pense notamment aux amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er que nous avons déposés.
    Pour terminer, je veux saluer le travail de l’ensemble de mes collègues, notamment de Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest et de notre vice-présidente chargée de coordonner le travail du groupe sur ce texte, mais aussi, plus largement de tous mes collègues ayant formulé des propositions. En fait, je le répète, il s’est agi des seules propositions émises sur ce texte, et vous n’y avez répondu, monsieur le rapporteur, madame la ministre, qu’en vous en tenant à ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas exactement ce que j’appelle un échange.
    Bien entendu, compte tenu de tous ces désaccords,…
    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
    M. Charles Revet. … nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
    M. Dominique de Legge. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, que retenir de ces huit jours de débat ?
    Selon moi, il en restera une triple faute.
    Tout d’abord, vous avez commis une faute politique. S’il y a bien, dans le pays, une majorité favorable à une évolution du droit de nature à tenir compte de la situation fiscale, sociale et civile des personnes homosexuelles vivant en couple, il n’y en a pas pour remettre en cause les règles de la filiation.
    Les milliers de personnes descendues dans la rue ne sont pas homophobes, contrairement à ce que vous auriez voulu nous laisser croire, à nous ainsi qu’à l’opinion. Elles sont tout simplement attachées au code civil.
    En d’autres temps, des chefs d’État, faisant passer l’unité de la Nation avant l’intérêt partisan, n’avaient pas hésité à retirer un texte : ainsi avaient fait François Mitterrand ou Jacques Chirac. Pour votre part, vous n’avez pas voulu le faire. Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir ouvert une porte de sortie avec l’union civile…
    Vous avez préféré vous entêter, car, par les temps qui courent, votre priorité est de rassembler ce qui reste de votre majorité et de retrouver l’euphorie du 6 mai 2012. En somme, vous avez pris en otage les familles du pays pour tenter de régler les problèmes de votre propre famille. Ce n’est pas correct !
    Du reste, personne n’est dupe car, dans vos rangs, certains, doutant, ont préféré ne pas venir siéger, ce qui vous arrangeait bien, puisque cela vous permettait de recourir au scrutin public, contournant ainsi la nécessité d’une discipline de vote. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
    Ensuite, vous avez commis une faute juridique. « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels ». Tel était le trente et unième engagement de celui qui allait être élu à la présidence de la République.
    Non, monsieur le Président de la République, le mariage n’est pas un droit ; c’est une institution ! Non, monsieur le Président de la République, l’adoption n’est pas un droit, sauf à considérer qu’il y a un droit à l’enfant et que l’enfant serait non pas un objet, mais un sujet de droit !
    C’est encore une faute juridique que de vouloir, au nom d’une prétendue lutte contre les discriminations, abolir toute différence. C’est cette erreur qui, demain, malgré vous, peut-être, mais plus sûrement à cause de vous, ouvrira la PMA de convenance et la GPA.
    Enfin, vous avez commis une faute sociale. Le patronyme, qui permet de nommer et d’identifier, obéit non plus à une logique de transmission, mais à l’aléatoire de l’alphabet. Le patronyme, c’est souvent le seul patrimoine que les familles ont à transmettre ; et même cela, vous voulez le leur ôter.
    Vous avez encore commis une faute sociale, lorsque, ne sachant pas répondre à nos objections, vous avez renvoyé nos amendements à une hypothétique loi sur la famille à venir – sans que l’on sache bien quand. J’y vois la preuve que le présent texte déstructure et, à tout le moins, fragilise la famille elle-même. J’y vois un aveu de votre part !
    Nos amendements sur l’accès aux origines, sur les ordonnances ou sur la clause de conscience des maires ne visaient pas à remettre en cause la philosophie du projet de loi, que nous condamnons par ailleurs. Ils vous permettaient de donner un signe : un signe de bonne volonté, un signe de votre désir de dialogue. Or même ceux-là, vous les avez refusés…
    Ni sur le fond ni sur la forme vous n’avez voulu ouvrir le dialogue ! Depuis un an, chers collègues de la majorité, vous êtes drapés dans vos certitudes. Pour avoir gagné les élections, vous pensez pouvoir vous affranchir de tout, y compris de la réalité économique et sociale, et même de la réalité juridique, puisque M. Placé lui-même nous a invités à « oublier le droit » !
    Les lois emblématiques sur le logement, sur la taxation à 75 % des hauts revenus ou sur l’énergie ont toutes été condamnées par le Conseil constitutionnel, et cela parce que vous êtes sourds aux arguments de droit ! Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que la France est un pays de droit : c’est le pays des droits de l’homme, le pays des droits des enfants !
    Je ne veux pas d’un changement de civilisation, fût-il placé sous le patronage de Saint-Just. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) C’est pourquoi je voterai contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
    M. Hugues Portelli. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, comme l’ont dit ce matin mes collègues de l’opposition sénatoriale, il n’y a pas eu de vrai débat sur ce texte, même si je dois reconnaître, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que vous nous avez écoutés et que vous avez échangé avec nous, ce dont je vous remercie, même si vous n’avez strictement rien lâché.
    Nous aurons eu au moins une discussion avec vous, faute d’en avoir eu une avec la majorité. De toute façon, de dialogue avec cette dernière, il ne pouvait pas y avoir, pour la raison très simple qu’elle était obligée de verrouiller le débat dans ses rangs pour ne pas faire éclater ses contradictions.
    Pour ce qui nous concerne, je peux vous le dire, nous avons eu un grand débat, très intéressant, passionnant même, ouvert, démocratique, avec liberté de vote à la clef.
    Je veux m’adresser à présent à tous les membres de la gauche républicaine et laïque modérée, qui sont nombreux dans les rangs de la majorité : chers collègues, vous auriez dû saisir la main que nous vous avons tendue avec le projet d’union civile !
    M. Charles Revet. Eh oui !
    M. Hugues Portelli. Pourquoi l’avez-vous refusé ? La raison en est simple : il existait dans vos rangs une contradiction intime.
    D’une part, vous souhaitiez, comme nous, donner des droits équivalents aux couples de même sexe en leur offrant un statut juridique qui leur permette de créer une famille. C’était ce que nous proposions avec l’union civile, que l’on aurait pu, d’ailleurs, appeler autrement.
    D’autre part, certains parmi vous voulaient aller beaucoup plus loin et considéraient le mariage comme une simple première étape. Pour eux, l’adoption devait être suivie de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.
    Si nous avions pu trouver un compromis intelligent sur la première étape, sur laquelle nous étions d’accord, si nous avions pu nous entendre pour nous arrêter là et écarter le reste, le débat aurait été possible au sein de cette assemblée. Or vous n’avez pas voulu de ce débat ; vous avez voulu tout verrouiller.
    Permettez-moi de formuler deux remarques. En effet, s’il ne fait pas de doute que ce texte sera voté et entrera en vigueur, vous allez vous trouver face à deux difficultés.
    Tout d’abord, le débat dont vous n’avez pas voulu va maintenant s’ouvrir dans vos rangs, notamment à l’occasion des textes que Mme la garde des sceaux nous a annoncés ; je pense, notamment, à celui qui portera sur le droit de la famille.
    Ensuite, vous n’avez pas voulu nous entendre quand nous vous avons dit que vous désiriez faire une greffe sur un tronc qui ne peut l’accepter. En France, le droit de la famille et du mariage est hérité du droit romain ! Il ne peut intégrer des dispositions qui reposent sur une autre logique, par le simple ajout de morceaux de phrases épars. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Il y aura des contradictions ! Et se poseront non seulement la question de l’intelligibilité du texte, mais aussi, plus fondamentalement, celles du droit de la filiation et du droit de l’état de la personne, comme nos collègues l’ont montré tout au long de cette semaine.
    Ces questions, vous les retrouverez devant le Conseil constitutionnel, mais aussi devant les tribunaux qui, au jour le jour, auront à régler les problèmes que suscitera le texte ! Et nous ne serons pas les derniers à mener la bataille juridique sur ce terrain.
    Je conclurai en m’adressant à ceux qui, comme moi, pensaient que les racines judéo-chrétiennes de notre société avaient encore un peu de vitalité,…
    M. David Assouline. Les racines de notre société, ce sont aussi les valeurs de la République !
    M. Hugues Portelli. … que cet héritage existait encore. Eh bien, mes chers amis, c’est fini ! On peut le regretter, mais nous ne sommes plus dans cette société-là, et il faut en tirer toutes les conséquences. Nous devrons faire passer nos idées culturelles, spirituelles, sociales et juridiques par d’autres moyens, qu’il nous revient d’inventer.
    En attendant, ici et maintenant, pour ce projet de loi, c’est non ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    (Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
    PRÉSIDENCE DE MME BARIZA KHIARI

    vice-présidente
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je lisais ce matin, avant de regagner le palais du Luxembourg, les premiers articles de la presse nationale sur notre semaine de travaux. Il y est fait état d’un débat. Toutefois, en réalité, il n’y a pas eu de débat !
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qu’est-ce qu’il vous faut ! Cinquante heures de séance !
    M. Jean-Claude Lenoir. Il y a eu des échanges avec une opposition très mobilisée, très motivée et très convaincue. Nous nous sommes retrouvés face à un Gouvernement qui, bien sûr, défendait pied à pied ce texte. À cet égard, je remercie M. Hue d’avoir souligné notre engagement et d’avoir ajouté qu’il avait été de qualité.
    Je salue, à titre personnel, la détermination et la force de conviction des ministres, notamment de Mme la garde des sceaux, même si nous ne partageons pas l’idée qu’elle se fait du mariage et des textes que nous devons voter.
    Cet échange s’est poursuivi avec les rapporteurs et le président de la commission des lois, mais, face à nous, se trouvait un groupe majoritaire ficelé par une règle qui lui avait été imposée. Il n’avait pas le droit d’avoir une opinion différente de celle qui avait été décidée en plus haut lieu.
    En effet, c’était un engagement du Président de la République ! Comme si, mes chers collègues, vous étiez tenus par tous les engagements de François Hollande ! Comme si les Français étaient obligés, parce que certains d’entre eux, majoritaires lors de l’élection, avaient voté pour François Hollande, d’accepter tout ce qu’il avait proposé.
    D’ailleurs, une sorte de malédiction pèse sur les engagements transformés en textes de loi. C’est presque une scoumoune qui les frappe aujourd’hui ! La décision du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi de M. Brottes relative à la tarification progressive de l’électricité et du gaz en est le dernier avatar. Elle doit vous interpeller.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’électricité et le gaz n’ont pas beaucoup de rapport avec le mariage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Cet avatar s’ajoute à tant d’autres !
    Nous sommes opposés à ce texte car vous bouleversez ici le code civil. La démonstration en a été faite brillamment par plusieurs de mes collègues et amis, notamment le doyen Gélard. Vous introduisez dans notre système plusieurs mariages et nous avons noté que le livret de famille serait particulièrement riche en complications.
    Aujourd’hui, pour qu’une loi soit applicable, comprise, admise, elle doit d’abord être simple et intelligible. Or vous ouvrez un champ extrêmement vaste de situations complexes. Celles-ci ne sont d’ailleurs, en réalité, que des réponses adressées à une minorité de personnes influentes, qui ont réussi à introduire dans notre code civil les dispositions qui leur convenaient. Ce faisant, vous bouleversez la famille, qui est le socle, le pilier central de notre société, uniquement parce que vous voulez que le droit à l’enfant soit reconnu.
    Chacun a son histoire. La mienne est celle, très simple, d’un enfant qui appartient à une famille nombreuse, qui a été élevé par un père et une mère – celle-ci est toujours en vie, plus que centenaire ! –, à qui je dois beaucoup. Bien sûr, j’admets que d’autres situations aient pu exister, mais reconnaissez que notre société doit beaucoup à la famille, à une famille bien différente de la famille idéale, mais fausse, dépeinte un moment par notre rapporteur pour l’opposer à celle qui aurait existé il y a un siècle.
    Cette famille, à laquelle je crois, porte des valeurs. Elle a éduqué plusieurs générations. Elle a permis aux uns et aux autres – c’est le cas de l’immense majorité d’entre nous, me semble-t-il – de vivre dans un pays apaisé, qui savait mobiliser ses forces vives et son énergie pour relever l’ensemble des défis posés à notre société et au monde.
    Madame la ministre de la justice, vous dites, ce qui est révélateur, qu’un « changement de société » accompagnait le vote de ce texte. Je pense, malheureusement, que vous avez raison : c’est un véritable changement de société qui s’amorce.
    Nous refusons de prendre la direction que vous empruntez. D’autres rendez-vous auront lieu. Nous nous retrouverons donc, et nous vous empêcherons, si possible, de légiférer sur la gestation pour autrui et sur la procréation médicalement assistée. C’est un monde différent, hélas, que vous êtes en train de construire, et je n’ai pour le décrire que cette phrase de Paul Valéry : « Le temps du monde fini commence ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
    M. Christian Cambon. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous voilà donc parvenus au terme de ce débat.
    Dans quelques minutes, madame la garde des sceaux, vous pourrez goûter la satisfaction d’une promesse tenue – enfin une ! – par le Président de la République. Quitte à avoir perdu le combat de la morale, quitte à perdre celui de la croissance et de la lutte contre le chômage,… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. François Rebsamen. Attendez un peu !
    M. Christian Cambon. … autant gagner sur le front des réformes de société. Celles-là, au moins, ne coûtent pas cher !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Caricature !
    M. Christian Cambon. Cette réforme donnera au moins satisfaction à un groupe de pression parisien très branché, l’association LGBT – pour lesbiennes, gays, bisexuels et trans –, qui sera devenue ainsi le logiciel de toute pensée en la matière !
    Chers collègues de gauche élus en province, il vous sera utile de raconter tout cela dans vos réunions locales. Croyez-moi, le succès sera garanti ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
    M. François Rebsamen. Je n’y manquerai pas !
    M. Jean-Pierre Godefroy. Pour qui nous prenez-vous ?
    M. Christian Cambon. Ainsi, le bel édifice du mariage qui, depuis des siècles, a organisé la rencontre d’un homme et d’une femme souhaitant construire leur vie ensemble et se faire ce don réciproque de concevoir et d’élever un enfant, aura vécu.
    Vous vous serez obstinés jusqu’au bout à en détourner le contenu au profit d’une autre union, tout aussi respectable, mais tellement différente, l’union de deux personnes du même sexe.
    Au terme de ce débat, c’est un sentiment de triple gâchis que nombre de collègues ressentent aujourd’hui.
    Gâchis dans la méthode, tout d’abord : effectif minimal de vos groupes, utilisation compulsive du scrutin public – cela ne trompe pas, c’est le signe d’un verrouillage du débat. Or, en d’autres temps, nous avons connu cette situation, à front renversé, et nous l’avons payé très cher ensuite.
    Plutôt que d’adresser des compliments flatteurs et forcés à nos chefs de file, madame la garde des sceaux, vous auriez été mieux inspirée de prendre en compte leurs amendements. Existe-t-il un autre parlement démocratique au monde où une réforme d’une telle importance et d’une telle violence n’aura tenu compte que de deux amendements de l’opposition, qui plus est mineurs ?
    Est-ce cela, la France apaisée et unifiée voulue par M. Hollande ? Est-ce cela, monsieur Bel, la nouvelle démocratie parlementaire que vous appeliez de vos vœux lors de votre élection à la présidence du Sénat ?
    Gâchis sur le fond, ensuite : ce débat divise les Français que nous aurions pu réunir en votant une union civile, comme tant d’autres pays européens. Notre majorité, en d’autres temps, aurait dû le faire. Votre majorité aussi aurait pu mieux faire. Aujourd’hui, vous redonnerez avec ce vote plus de force et plus d’ampleur à la protestation.
    M. François Rebsamen. Nous verrons !
    M. Christian Cambon. Le sentiment de millions de Français de ne pas avoir été entendus est appelé à se manifester, dès à présent dans les sondages, demain au fond des urnes.
    Aussi, vous pouvez ricaner à propos de ces familles qui croient encore que l’enfant est un don et non pas un droit. Vous pourrez leur expliquer le principe de la société dont vous rêvez : « J’ai envie, donc j’y ai droit ».
    Vous pourrez citer la constatation goguenarde du président de la commission des lois, selon lequel « la société change, c’est ainsi, il faut accompagner le mouvement ! »
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Caricature, encore !
    M. Christian Cambon. Ce n’est sûrement pas avec des jugements d’une telle portée que les juristes dont les statues nous regardent dans cet hémicycle ont écrit les quelques règles intangibles d’un droit que le monde entier nous envie.
    Gâchis, enfin, pour le Sénat : la Haute Assemblée ne vivra pas aujourd’hui un de ses jours glorieux.
    M. David Assouline. Ah, si !
    M. Christian Cambon. Chaque jour du débat, nous avons découvert la portée inquiétante, voire dramatique, de certaines dispositions du texte, notamment pour le nom ou le régime d’adoption. Plutôt que de répondre à sa belle mission de seconde chambre en améliorant ce texte, le Sénat s’est contenté d’être une chambre d’enregistrement, consignant toutefois nos mises en garde, nos appels à une réforme nécessaire, mais comprise et acceptée par tout le pays.
    Cependant, vous n’en avez cure. L’important, pour vous, c’était que la gauche emporte une victoire, quel qu’en soit le prix, pour laisser croire au peuple que vous tenez vos promesses !
    Aussi, maintenant, assumez vos responsabilités,…
    M. Marc Daunis. On a l’habitude !
    M. Christian Cambon. … mais apprêtez-vous aussi à vivre la suite du film. Hier encore, pour la cinquième fois en dix mois, le Conseil constitutionnel vous a sanctionné ! Le combat n’est pas fini. Et lorsque le Conseil constitutionnel aura parlé, vous n’attendrez pas longtemps avant de mesurer le rejet de votre politique, car celle-ci non seulement ne résout aucun des problèmes des Français, mais, aujourd’hui, divise la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mes interventions ne se limitent pas aux propos qui viennent de m’être attribués, je tiens à le préciser !
    (M. Jean-Pierre Bel remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

    M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
    M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de la discussion de ce projet de loi.
    À tous ceux qui répandaient la rumeur selon laquelle les représentants de l’outre-mer, en raison de leur nombre et de la faiblesse de la majorité présidentielle, feraient capoter cette loi, nous avons su apporter un démenti par notre présence constante, nos interventions et nos votes.
    Je tenais à leur dire qu’ils doivent cesser d’avoir des a priori sur les représentants de l’outre-mer et de les considérer comme des rétrogrades ou des conservateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
    Nous vivons, pour la plupart, dans des parties du monde bien plus avant-gardistes que la vieille Europe. Moi-même, je vis en Guyane, donc en Amérique du Sud, un continent où l’on a l’habitude de voir des femmes chef d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Le mariage pour tous y est déjà instauré, même dans le pays dont est originaire le pape actuel.
    Nous voterons donc ce projet de loi, comme nous l’avons fait pour chacun de ses articles durant la discussion. Je tenais à remercier les ministres qui ont défendu ce texte, le rapporteur et le président de la commission des lois.
    Enfin, avec beaucoup de fierté, et en associant mon collègue Jean-Étienne Antoinette, qui est comme moi guyanais, je tenais tout particulièrement à remercier notre ministre et compatriote Christiane Taubira. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
    M. Gérard Larcher. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous venons de partager, pendant huit jours, ce que je peux qualifier pour ma part de débat parlementaire.
    Ce débat, partant du projet du Gouvernement, a suivi la trajectoire d’une balle de pelote basque renvoyée par un fronton, celui des deux groupes de l’opposition, ici, au Sénat. Il s’est fondé notamment sur les quatre motions qui ont été respectivement présentées par le doyen Gélard, par Jean-Jacques Hyest, par Hugues Portelli et par Bruno Retailleau. Elles ont structuré notre débat, face au projet du Gouvernement.
    Je tenais à remercier, d’une façon générale, l’ensemble de nos collègues, à qui nous devons ce débat. Il s’est tenu, pour le groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir, dans le respect de liberté de choix de chacun,…
    M. Patrice Gélard. Tout à fait.
    M. Gérard Larcher. … ce dont je remercie ses membres. C’est un point extrêmement important, car aucun mandat n’est impératif et chacun décide, en conscience, de ses choix et de son vote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. Christian Cointat. Ce n’est pas le cas dans tous les groupes !
    M. Gérard Larcher. Au fil du XXe siècle, qui fut sans doute le plus chaotique et le plus tragique pour les différences, nous avons cheminé vers l’acceptation, puis vers le respect de ces dernières. Ce fut notamment le cas pour l’orientation sexuelle, ce qui est pour moi le signe d’un progrès de civilisation.
    Sur ce point, un peu comme le disait Rabaut Saint-Etienne de la liberté de conscience, en août 1789, dans les débats préalables à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, nous sommes passés de la tolérance, qui est condescendance, à la liberté, qui est respect – Jean-Pierre Raffarin le rappelait tout à l’heure.
    À la différence légitime, au nom d’une conception réductrice de l’égalité – cette égalité extrême qu’évoquait Nicolas Alfonsi –, vous répondez par l’uniformité d’une institution fondée sur l’altérité, à savoir le mariage. Comme si, au nom des principes essentiels, certaines valeurs fondatrices ne devaient pas, elles aussi, être considérées comme essentielles !
    Ce débat m’a fait prendre conscience que l’enfant est le véritable fondement de notre société, que ce soit au travers de l’adoption, de la filiation, du nom ou de la famille. Le nom – ce sujet s’est révélé, pour moi, au cours du débat –, qui fait que chaque personne à la fois est unique et s’inscrit dans une continuité, traduit sans doute la dimension d’humanité spécifique qui sied à ce débat.
    Tous ces fondements sortiront bouleversés, sans boussole, de nos débats. Une institution déjà fragilisée, le mariage, en sortira lézardée. Bientôt, dans quelques mois ou quelques années, viendront d’autres débats, qui porteront sur l’essentiel et sur le caractère du don que nous avons évoqué tout au long de nos travaux.
    C’est donc vraiment en conscience, au-delà de mon appartenance claire à l’opposition politique, et avec la liberté que me confère mon mandat, que je voterai contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
    M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous voilà parvenus, après huit jours de débats et plus de soixante heures d’échanges, au terme de l’examen de ce projet de loi, qui doit ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.
    Je reconnais avoir ressenti par moments une certaine lassitude…
    M. Jean-Claude Lenoir. Cela s’est vu !
    M. François Rebsamen. Nous étions tout à la fois là, mes chers collègues, et un peu las de vous entendre quelquefois répéter en boucle les mêmes arguments. (Sourires.)
    M. Gérard Longuet. C’est du Hollande : c’est plat !
    M. François Rebsamen. Il y a eu plus de deux cents explications de vote, certaines très originales et intéressantes, mais beaucoup d’autres reprenant inlassablement les mêmes raisonnements.
    M. Henri de Raincourt. C’est de la pédagogie !
    M. François Rebsamen. Je n’ai en revanche jamais éprouvé le moindre découragement, la moindre inquiétude, ni surtout le moindre doute, parce que je savais que nous adopterions ce texte.
    Comment se décourager, en effet, quand on lutte pour une cause que l’on pense juste, pour faire cesser les inégalités et les discriminations qui frappent, aujourd’hui encore, certains de nos concitoyens en raison de leur orientation sexuelle ? Comment douter quand on combat pour des valeurs qui fondent notre République ? Et celles-ci ne sont pas dévalorisées, monsieur Hyest : la liberté reste une grande valeur, l’égalité est la plus belle de toutes et la fraternité doit nous rassembler à travers la laïcité.
    Oui, la liberté, celle de vivre ensemble alors que certains de nos concitoyens – ce qui s’est produit ces derniers jours l’a prouvé – sont encore poursuivis, voire pourchassés en raison de leurs orientations sexuelles ! Ce n’est pas tolérable. (Marques d’approbation sur diverses travées.)
    L’égalité des droits, quelle plus belle perspective ? La fraternité, enfin, face aux différences, est une valeur essentielle, qui doit nous rassembler dans la laïcité de la République. L’institution du mariage n’appartient à aucune religion, elle appartient à la République.
    Pourquoi s’inquiéter lorsque la gauche se rassemble pour combattre en faveur de valeurs républicaines ?
    Mme Isabelle Debré. Pas toute la gauche !
    M. François Rebsamen. J’adresserai deux brèves remarques à nos collègues de l’opposition.
    Vous nous avez opposé, madame Des Esgaulx, encore dernièrement, « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Ainsi, vous seriez les défenseurs de l’intérêt supérieur des enfants (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, je le crains !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Nous aussi !
    M. François Rebsamen. … alors même que vous avez supprimé, sans même le dire, le Défenseur des enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.) Et nous, alors ?
    Mme Isabelle Debré. Vous mélangez tout !
    M. François Rebsamen. Monsieur Raffarin, vous avez souligné que vous vouliez être le camp du « nom » – belle formule ! –, mais j’ai entendu d’autres de vos collègues dire que vous étiez le camp du « non », celui du refus du progrès ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce texte n’est pas un progrès !
    M. François Rebsamen. Pour ma part, je préfère cette gauche qui s’est battue pour mettre fin aux discriminations et à la pénalisation dont étaient frappés les homosexuels,…
    Mme Isabelle Debré. Cela n’a rien à voir !
    M. François Rebsamen. … ici même, autour du sénateur Caillavet ! Je préfère cette gauche qui a su imposer le PACS, auquel vous vous opposiez, à l’époque, avec une violence que vous regrettez aujourd’hui !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On n’en est plus là !
    M. François Rebsamen. Je préfère cette gauche qui va, dans quelques instants, donner aux couples homosexuels la possibilité de se marier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
    Mes chers collègues, je voudrais dire, en quelques mots, la fierté qui nous envahit au moment de voter ce projet de loi et vous remercier de la part que vous avez prise aux débats.
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne vous trouve pas très joyeux !
    M. François Rebsamen. Nous sommes favorables à ce texte, qui fait avancer les droits avec noblesse, et nous lui avons apporté notre soutien, par notre présence aux côtés de Mme la garde des sceaux et de Mme la ministre de la famille. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nos débats de ce matin sont à l’image de ceux qui se sont déroulés depuis le début de l’examen de ce projet de loi et reflètent bien deux visions distinctes.
    Sur le côté droit de l’hémicycle, on entend des propos alarmistes, alarmants, pessimistes, parfois prédictifs d’un monde qui, on le sait, n’apparaîtra pas. Les pays qui ont ouvert le droit au mariage homosexuel en Europe – et, cette semaine encore, en Amérique latine – n’ont connu ni la révolution ni le chaos redoutés. Toutefois, vous voulez faire peur ! (Mais non ! sur les travées de l’UMP.)
    Il est certain que votre vision de la famille, vous le sentez, est en train de s’effriter. C’est au nom des mêmes valeurs que vous, c’est-à-dire dans l’intérêt de l’enfant, que nous défendons, du côté gauche de l’hémicycle, une vision plus progressiste, incluant toutes les familles, toutes celles et tous ceux qui veulent fonder une famille, quelle que soit leur orientation sexuelle.
    M. Gérard Longuet. Vous vous gargarisez de mots !
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Pour ma part, je remercie toutes celles et ceux qui ont contribué à ce que cette loi, que je m’apprête à voter avec fierté et conviction, voie le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous le comprendrez, c’est avec beaucoup de fierté et d’émotion que je savoure ce moment, quinze ans après l’adoption du PACS.
    Je remercie le groupe socialiste et la commission des lois, qui m’ont désigné pour être le rapporteur de ce texte. Je suis redevable de la confiance que m’ont accordée François Rebsamen et Jean-Pierre Sueur, pour participer à une histoire qui n’est pas terminée, vous l’avez tous dit, et qui se poursuivra par des améliorations constantes, parce que telle est notre société ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
    Mme Isabelle Debré. Eh non !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Oui, le débat a eu lieu, mes chers collègues, mais il portait naturellement sur les propositions du Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous en avons fait aussi !
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez rien accepté !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les vôtres, celles qui portaient sur l’union civile, sont dépassées. En dix ans, vous avez raté des étapes ! Il aurait peut-être pu en être autrement, mais vous n’avez rien fait, et vous avez perdu la main ! Aujourd’hui, acceptez que ce soient le Gouvernement et François Hollande qui proposent cette réforme majeure aux Français !
    M. Gérard Longuet. Nous avons choisi la famille !
    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je remercie toutes celles et tous ceux qui m’ont aidé dans ce rapport, les collaborateurs du groupe socialiste et les services de la commission des lois, et je salue affectueusement Mmes Taubira et Bertinotti, leur connaissance du dossier – vous me direz que c’est le moins que l’on puisse faire, mais cela n’a pas toujours été le cas – et surtout leur engagement profond et leur fougue pour défendre nos idées.
    Je voudrais également adresser un salut amical à Erwann Binet, qui va poursuivre et peut-être achever le travail entamé à l’Assemblée nationale voilà quelques mois.
    Pour finir, ma pensée va à toutes celles et tous ceux qui attendent avec impatience le jour où ils pourront, enfin, se marier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
    M. Gérard Longuet. Il n’y a pas de scrutin public ?
    M. Daniel Raoul. Il fallait le demander !
    (Le projet de loi est adopté.)
    (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs sénateurs du groupe UMP se lèvent et quittent l’hémicycle.)
    M. Bertrand Auban. Vous pourriez rester encore un peu !
    M. Gérard Longuet. Nous allons nous marier !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voulais à mon tour dire la grande émotion qui est la nôtre et me tourner vers l’avenir, maintenant que ce texte est adopté au Sénat et qu’il le sera bientôt à l’Assemblée nationale, pour beaucoup d’hommes et de femmes homosexuels.
    Ces hommes et ces femmes ont traversé des situations dans lesquelles ils étaient constamment vilipendés, critiqués ; ils ont vécu tellement longtemps dans la honte qu’ils ont demandé la reconnaissance. Ce projet de loi est donc d’abord un texte de reconnaissance pour celles et ceux qui ont demandé, depuis bien des années, de pouvoir passer de la honte à la fierté, afin que chacune et chacun, dans ce pays, puisse être fier d’être qui il est et respecté dans son être propre. Tel est le premier avenir de ce texte.
    Ensuite, ce projet de loi est voté comme il est, dans la rédaction qui est la sienne. À cet égard, je tiens à dénoncer les faux procès qui nous ont constamment été intentés sur ce texte, qui ne porte pas sur autre chose que ce qui est son objet, à savoir le mariage et l’adoption.
    Sur les autres questions, il est clair que nous aurons encore à travailler et à réfléchir ; aucune position n’est prise sur les mesures qui ont été constamment présentées comme étant impliqués par le texte. Sur l’adoption, je le dis avec confiance, je tiens à souligner l’accord général pour que la prochaine loi sur la famille comporte un vaste volet reprenant la totalité de la législation sur le sujet.
    Pour terminer, je veux remercier de tout cœur nos rapporteurs, Jean-Pierre Michel et Michelle Meunier, de leur générosité, leur sincérité et la force de leurs convictions.
    À mon tour, je salue toutes celles et tous ceux qui ont participé à nos travaux, notamment nos collègues de la commission des lois et, pour finir, nos deux ministres, Dominique Bertinotti et Christiane Taubira, qui ont fait preuve de la même force de conviction. Cela fait plaisir quand la politique est portée par le cœur et par l’esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
    Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, je précise, pour que cela figure au Journal officiel, que les membres du groupe UMP sont défavorables à ce projet de loi, à l’exception de M. Christian Cointat, Mmes Jacqueline Farreyrol et Fabienne Keller, qui sont pour, et de MM. Alain Fouché, Yann Gaillard, Roger Karoutchi et Alain Milon, qui ont déclaré vouloir s’abstenir.
    Quant aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, ils sont tous défavorables à ce projet de loi.
    M. le président. Je vous en donne acte, ma chère collègue.
    La parole est à M. François Rebsamen.
    M. François Rebsamen. Monsieur le président, les membres du groupe socialiste sont favorables à ce projet de loi, à l’exception de MM. Roland Povinelli et Richard Tuheiava, qui sont contre, et de MM. Maurice Antiste, Jacques Cornano, Claude Domeizel, Jean-Noël Guérini et Jeanny Lorgeoux, qui ont déclaré vouloir s’abstenir.
    M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
    M. Yves Détraigne. Monsieur le président, les membres du groupe UDI-Union centriste sont défavorables à ce projet de loi, à l’exception de Mme Chantal Jouanno, qui est pour, et de M. Vincent Capo-Canellas, qui a déclaré vouloir s’abstenir.
    M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
    Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, l’ensemble du groupe CRC est favorable à ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
    M. Robert Hue. Monsieur le président, les membres du groupe du RDSE sont favorables à ce projet de loi, à l’exception de MM. Nicolas Alfonsi et Gilbert Barbier, qui sont contre, et de MM. Jean-Pierre Chevènement, Pierre-Yves Collombat et François Vendasi, qui n’ont pas pris part au vote.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
    M. Jean-Vincent Placé. Le groupe écologiste formule la même demande, monsieur le président.
    En cette belle journée, nous souhaitons faire figurer dans le compte rendu intégral des débats du Sénat que l’ensemble des membres du groupe écologiste sont favorables à ce texte.
    M. le président. Je vous donne acte de vos déclarations, mes chers collègues.
    La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de vivre un moment d’émotion. Christiane Taubira et moi-même en avions déjà vécu un premier lors du vote du texte à l’Assemblée nationale, en voici un second. Il est tout aussi important et tout aussi fort.
    Le peuple a souvent été convoqué dans cette assemblée au cours des débats. Or respecter le peuple, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est d’abord le respecter dans sa diversité. Il n’est plus possible aujourd’hui d’imposer un seul modèle familial à l’ensemble de la société, car il en existe plusieurs. Nos concitoyens, dans leur grande diversité, nous demandent de leur accorder les mêmes droits et les mêmes devoirs. C’est bien nous qui sommes en train de défendre la famille, même si celle-ci présente des visages multiples. Tel est le choix de nos concitoyens. En tant que représentants de l’État, nous devons leur assurer les mêmes droits et les mêmes devoirs.
    Je me tourne à présent vers Esther Benbassa pour lui dire combien ses propos m’ont touchée. En effet, dans mes fonctions antérieures, en tant que maire d’arrondissement, j’ai connu des situations humaines très proches de celles qu’elle a évoquées avec beaucoup de cœur.
    J’ai eu l’occasion d’entendre de nombreux homosexuels me faire part de leurs souffrances, de leurs luttes contre eux-mêmes, de leur honte, parce qu’ils vivaient dans une société qui, hier – je l’espère –, tolérait plus les homosexuels qu’elle ne les acceptait. C’est ce qui explique encore, il ne faut jamais l’oublier, le taux de suicide bien trop élevé que l’on connaît chez les jeunes homosexuels.
    Au fond, cette loi est une façon de leur donner enfin le droit d’exister sereinement, avec une dignité retrouvée. C’est cela qui est à mettre à votre honneur, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette loi va leur permettre de ne plus être des clandestins dans leur famille, dans la société, dans la République.
    Monsieur Raffarin, cette loi n’a vocation ni à assurer le paradis social ni à engendrer l’enfer spirituel. Elle vise simplement à permettre à chacun, quelle que soit son orientation sexuelle, d’être un citoyen à part entière, doté des mêmes droits et des mêmes devoirs.
    Enfin, madame Des Esgaulx, en conscience, comme fille, comme mère, comme citoyenne, je partage pleinement le propos de cette mère que nous avons auditionnée et qui nous a demandé : « Comment justifier auprès de mes deux garçons, dont l’un est homosexuel, qu’ils n’aient pas les mêmes droits ? ». En conscience, je réponds que rien ne le justifie.
    Je partage avec vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs qui avez voté pour cette loi, une immense fierté, car ce texte est un grand moment, une véritable avancée pour l’ensemble de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a en cet instant une émotion si profonde, si forte, qu’elle emplit l’hémicycle. Nous ressentons bien le climat qui nous environne en ce moment particulièrement important.
    Avant d’évoquer brièvement quelques éléments essentiels de ce texte, je tiens à saluer les présidents des groupes parlementaires.
    Je commencerai par saluer les groupes de la majorité : M. François Rebsamen, président du groupe socialiste et, à travers lui, l’ensemble des sénateurs de son groupe ; Mme Assassi, présidente du groupe CRC et, à travers elle, les sénateurs de son groupe ; M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, et M. Robert Hue, qui a été fortement présent pendant les débats, ainsi que l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE ; M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste et, à travers lui, l’ensemble des sénateurs de son groupe.
    Je vous remercie de votre constance et de votre sens du travail commun, malgré, parfois, des divergences d’appréciation, de votre capacité à faire vivre ce texte et à l’enrichir. Grâce à vous, c’est un beau texte qui émanera du Parlement.
    Je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, à quel point j’ai été sensible à la rigueur avec laquelle vous avez participé aux travaux préparatoires, à la très grande qualité de vos interventions lors de la discussion générale, à la dignité dont vous avez fait preuve lors de la discussion des motions de procédure et de l’examen des articles.
    Ayant moi-même été parlementaire, je sais à quel point on peut brûler d’envie d’intervenir pendant les échanges. Je sais que vous avez stoïquement résisté à la tentation d’intervenir pour défendre vos convictions,…
    M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très vrai !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … mais aussi pour faire connaître, ce qui est légitime, vos prises de position à vos électeurs.
    Je tiens particulièrement à souligner l’abnégation qui a été la vôtre, qui vous a conduit à participer à ce débat et à être présents tout en économisant vos interventions. Je salue votre sens des responsabilités et je vous remercie de votre présence active et stimulante. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Je tiens également à saluer les sénatrices et les sénateurs de l’opposition qui ont fait vivre ce débat.
    Je salue Mme Troendle, qui a assuré avec vigilance la défense des intérêts du groupe UMP au cours de ces huit jours de débat.
    Je salue d’une marque particulière MM. Gélard, Hyest et Raffarin, compte tenu de la qualité de leurs interventions. Je les remercie d’avoir veillé à ce que nous ayons un texte de qualité et de s’être assurés de la compatibilité de ce projet de loi avec les dispositions de notre loi fondamentale.
    Puisque vous n’aurez plus le temps de riposter, et compte tenu de ce qu’ont parfois été vos réactions, je tiens, madame Des Esgaulx, à saluer votre pugnacité. (Sourires.) Vous m’avez interpellée en qualité de fille, de mère et de femme. Toutefois, vous avez omis ma qualité d’épouse. Or je l’ai possédée – et même deux fois ! (Rires.)
    Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est la vie privée, cela !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est justement ce que j’allais vous dire ! Je suis ici en qualité de garde des sceaux. Je porte un texte du Gouvernement. Je le porte sans la moindre réticence. Je le porte avec une incontestable fierté. Je le porte avec toutes mes convictions et, surtout, avec le souci de la rigueur indispensable à la rédaction d’une loi, car celle-ci est une règle commune, qui vise à protéger les citoyens.
    Il n’est donc nullement nécessaire de s’interroger sur ce que ma personne peut avoir à faire dans cette affaire. Ma personne n’est aucunement en contradiction avec le contenu de ce projet de loi. C’est en étant consciente de la responsabilité qui est la mienne que, en qualité de garde des sceaux, j’ai présenté ce texte devant vous.
    Je salue Dominique Bertinotti, sa présence, sa forte implication, la qualité de ses interventions et sa combativité. Elle a sans doute mesuré l’attente extraordinaire que suscite le texte sur la famille qu’elle aura prochainement le plaisir et l’honneur de présenter devant les deux chambres du Parlement.
    Même s’il n’est pas présent aujourd’hui, je salue Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, qui est venu à plusieurs reprises, par respect pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
    La commission des lois et celle des affaires sociales ont effectué un travail en commun, en bonne intelligence avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. C’est là une méthode de travail entre les deux chambres qui est exemplaire.
    Nous ouvrons l’institution républicaine du mariage aux couples de personnes de même sexe. La force et la puissance de la loi, c’est d’énoncer des règles générales pouvant couvrir toutes les situations dans leur diversité et permettant d’anticiper des litiges complexes. Or nous savons que l’imagination des hommes et des femmes est infinie lorsqu’il s’agit de rendre les litiges complexes, notamment lorsque les sentiments sont en cause. La force et la puissance de la loi, c’est d’être capable d’anticiper les règles nécessaires pour répondre à ces situations, dont certaines sont imprévisibles.
    L’ouverture de l’institution du mariage aux couples de personnes de même sexe se fait dans les mêmes conditions d’âge et de consentement que pour les couples hétérosexuels, avec les mêmes obligations de respect, d’assistance, de fidélité, avec les mêmes sécurités par les effets d’ordre public, et les mêmes conséquences sur le régime social et fiscal, avec les mêmes protections aussi.
    En cas de séparation ou de conflit, le juge interviendra pour protéger le membre du couple ou de la famille le plus vulnérable, le plus fragile. Il interviendra pour veiller à l’intérêt des enfants. Il interviendra pour s’assurer que ces adultes, qui sont pris dans le vertige d’un conflit et qui, souvent, deviennent déraisonnables dans ces moments-là, ne perdent ni leur dignité, ni leurs droits, ni le sens des devoirs qui demeurent, et continuent à veiller sur leurs enfants.
    Je parle d’enfants, oui, qui vivent, qui existent, au sein de ces familles. Je parle de ces enfants qui sont faits de chair et d’os, qui sont tout vibrants de cris et de rires, de ces enfants qui s’écorchent le genou, qui aiment les sucreries, qui détestent les brocolis (Rires sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.), de ces enfants qui nous explosent la tête. Ce sont ces enfants-là que vous protégez, avec ce texte de loi ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Vous protégez aussi ces adolescents qui, en ces moments particuliers où la personnalité s’épanouit dans des élans et des tensions parfois contradictoires, vivent déjà dans le trouble et doivent affronter le trouble supplémentaire de regards, de paroles, de gestes qui signent leur exclusion de la société. Par ce texte, vous leur dites qu’ils sont pleinement citoyens de ce pays, qu’ils sont des adolescents comme les autres, avec leur singularité et leur individualité. Pour le reste, c’est leur affaire. Nous y veillerons, avec une vigilance sans faille.
    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En votant ce texte, vous avez renforcé le pacte républicain, la res publica, c’est-à-dire la chose publique. Car quel bien commun est plus précieux que nos institutions ?
    En ouvrant cette institution républicaine aux couples de même sexe, nous reconnaissons, tout simplement, leur pleine citoyenneté. Nous disons à ces personnes qui décident de s’unir, animées d’un projet conjugal et parental, qu’elles ont exactement les mêmes droits que tous les autres citoyens. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous contribuez à la paix civile.
    Je le dis devant la Haute Assemblée, qui est si attachée aux libertés individuelles, à leur défense, à leur préservation, comme ses membres l’ont souvent montré, parfois contre le gouvernement qu’ils soutenaient.
    Je le dis devant la Haute Assemblée, à qui les mœurs, parfois, posent quelques problèmes. C’est vrai, avec le mariage des couples de même sexe, nous sommes à la croisée des libertés individuelles et des mœurs. Je dis bien des mœurs, et non pas de leur évolution, car l’homosexualité a toujours existé.
    Nous consentons aux mœurs. Nous acceptons de faire un pas supplémentaire vers l’égalité, en ouvrant cette institution républicaine aux couples de même sexe. Ainsi, nous faisons en sorte que leurs membres deviennent des citoyens comme les autres. Nous affirmons que nous n’avons pas à distinguer leur orientation et à en faire un marqueur personnel.
    Personne ne s’offusquera que je salue plus particulièrement les parlementaires des outre-mer. Comme tous les parlementaires de la majorité, ils ont consenti à être présents, actifs, à stimuler notre travail, à nous accompagner, à nous encourager. Dans le même temps, ils ont consenti à nous faire gagner du temps lors de nos débats, pour lesquels ils ont traversé au moins un océan.
    Je les remercie particulièrement, parce qu’ils ont fait preuve de courage, compte tenu de l’ambiance entretenue ces dernières semaines dans les territoires des outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
    Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous remercie de la très grande qualité de la plupart de vos interventions, qui ont contribué à l’enrichissement de ce débat.
    Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité et de l’opposition qui avez voté ce texte, je vous adresse mes remerciements chaleureux. En adoptant ce projet de loi, vous nous avez conduits dans ce lieu, à la fois symbolique et social, que décrit très bien le grand poète Rabîndranâth Tagore :
    « Là où l’esprit est sans crainte et où la tête est haut portée,
    Là où la connaissance est libre,
    […]
    Là où le clair courant de la raison ne s’est pas mortellement égaré dans l’aride et morne désert de la coutume ».
    (M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur, Mme la rapporteur pour avis, Mmes et MM. les sénateurs du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC se lèvent et applaudissent longuement.)
    M. le président. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues de toutes sensibilités politiques, permettez-moi de vous remercier à mon tour de la qualité de vos interventions au cours de ce débat qui, je le crois, a honoré le Sénat.
    Explications de vote sur l’ensemble (début)
    Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

0 | 5 | 10

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


Partager :