Mme Laure de La Raudière. Madame la garde des sceaux, j’allais commencer mon propos en disant : « Vous avez la majorité dans cet hémicycle », mais vous ne l’avez même pas en ce moment !
M. Philippe Gosselin. Passons au vote maintenant !
Mme Laure de La Raudière. Si nous le pouvions !
Mme Pascale Crozon. Nous serions là !
Mme Laure de La Raudière. Vous aurez sans doute la majorité mardi, lors du vote solennel, et nous n’avons pas beaucoup d’espoir de convaincre nos collègues de ne pas voter ce texte.Mais vous n’avez plus, sur ce projet, la majorité dans l’opinion, parce que le débat a permis d’expliquer que le mariage pour les couples homosexuels ouvrait droit à l’adoption, et parce que les Français sont inquiets sur les conséquences, directes et indirectes, de ce texte.Ce sera l’ouverture à la PMA pour les couples homosexuels de femmes, et, un peu plus tard, l’ouverture à la GPA pour les couples homosexuels d’hommes, et ce au nom des mêmes principes que ceux qui ont dicté votre souhait d’adopter ce texte, au nom de l’égalité entre les couples, au nom de la fin de l’hypocrisie. Mme la ministre de la famille a affirmé qu’il était bien hypocrite de laisser des couples de femmes se rendre en Belgique pour pratiquer une PMA. Au nom de la fin de l’hypocrisie, vous nous direz donc qu’il faut légaliser la GPA en France, car vous trouverez toujours des couples français prêts à se rendre à l’étranger pour la pratiquer. Cela, les Français l’ont compris, malgré votre refus de discuter.Ils ont bien compris également que vous aviez décidé par idéologie d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels, quitte à fracturer la société. Vous avez décidé de transformer l’institution du mariage. Vous pouviez parvenir à un consensus sur l’ouverture de nouveaux droits aux couples homosexuels. Cela aurait été tout à votre honneur. Nous vous avions indiqué la méthode. Il fallait d’abord lancer un grand débat dans la population, recueillir les avis d’experts, de philosophes, non sur un texte déjà ficelé, mais sur une belle volonté d’accorder de nouveaux droits légitimes aux couples homosexuels, en demandant à la fois à la population et à ces experts quelle était la meilleure solution, celle qui rassemblerait les Français sur ce projet. C’est d’ailleurs le rôle du chef de l’État de rassembler. Pourquoi a-t-il choisi de cliver ?L’union civile que nous proposions permettait de reconnaître de façon solennelle, en mairie, dans la maison de la République, l’amour homosexuel. L’union civile que nous vous proposions permettait d’accorder aux couples homosexuels de nouveaux droits équivalents à ceux des couples hétérosexuels. L’union civile permettait de rassembler la très grande majorité des Français. En ne lançant pas ce grand débat, vous avez commis une erreur de méthode majeure. Vous avez manqué l’occasion de rassembler.En sous-estimant l’ampleur de la contestation et des manifestations, vous commettez également une erreur majeure. En faisant systématiquement l’amalgame entre quelques extrémistes et les centaines de milliers de manifestants pacifiques qui expriment leur profond attachement au droit de l’enfant à avoir un père et une mère, vous commettez là encore une grave erreur. Ils se sentent méprisés, humiliés par ce passage en force, par l’accélération du calendrier, comme nous avons pu l’être, nous, députés de l’opposition. Vous les rendez encore plus déterminés. Ils seront encore plus nombreux demain, car ils ne veulent pas d’une société qui nie l’altérité sexuelle et dans laquelle on « fabriquerait » des enfants, selon l’expression même d’une députée de la majorité.Ce projet fragilise en outre tout l’édifice de l’adoption. Il met à mal les critères de vraisemblance biologique de la filiation qui existent aujourd’hui pour les enfants adoptés. C’est d’ailleurs pour cette raison que les associations d’enfants adoptés ou de parents ayant adopté sont majoritairement opposées à ce texte, comme je le suis moi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)