Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • S. Travert (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Stéphane Travert.

    Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le préambule de notre Constitution stipule que le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis dans la Déclaration de 1789 dont l’article premier dispose : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
     
    Nous voilà ainsi plongés au cœur de notre débat, car c’est bien l’égalité des droits qui est au cœur de ce projet de loi. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Ce texte s’est construit sur la base de la confiance populaire que nous avons reçue le 6 mai mais aussi le 17 juin, quand la majorité a été élue pour siéger sur ces bancs. Ce projet était connu et nous ne l’avons pas caché. Pourquoi, alors, demander un référendum quand les Français ont finalement tranché ?
     
    Nous entrons dans ce débat avec la détermination nécessaire et le sens de la justice qui doit prévaloir pour l’adoption d’un texte qui marquera l’histoire de ce quinquennat et de la République.

    M. Philippe Gosselin. De ce quinquennat, oui ; de la République…

    M. Stéphane Travert.

    Ce projet de loi renforce le mariage, puisque tous et toutes pourront y prétendre.
     
    Rappelons tout d’abord ce que la gauche a apporté pour que les discriminations envers la communauté homosexuelle n’aient plus le droit de cité.

    M. Laurent Furst et M. Philippe Gosselin. La communauté ? Un rappel au règlement, monsieur Bloche ?

    M. Stéphane Travert.

    En 1982, François Mitterrand dépénalise les relations homosexuelles et l’État ne reconnaît plus l’homosexualité comme une maladie mentale – c’était il y a trente ans.
     
    En 1999, la majorité de l’époque, sous l’autorité de Lionel Jospin, instaure le PACS. Les arguments de l’opposition étaient absolument identiques à ceux que nous entendons aujourd’hui.
     
    À l’heure où la République s’apprête à ouvrir de nouveaux droits pour une société du mieux vivre ensemble, sachez que, aux portes de l’Europe, le Parlement russe, le 25 janvier dernier, a voté à la quasi-unanimité une proposition de loi punissant tout acte public de propagande de l’homosexualité auprès des mineurs.
     
    La France, pays des droits de l’Homme, doit être au rendez-vous de son histoire. Elle est montrée, citée en exemple, pour être le creuset des libertés individuelles. C’est pourquoi, au regard de l’histoire de la République, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe doit être voté.
     
    Pourquoi sommes-nous déterminés à porter ce texte ?
     
    Tout d’abord, pour assurer l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine ou d’orientation sexuelle.
     
    Ensuite, parce que nous devons lutter contre les dogmatismes et que porter l’égalité des droits c’est porter le progrès social. Et nous sommes fiers de participer à cela !
     
    Nous sommes aussi portés par une majorité de Français, celles et ceux qui ont voulu le changement, mais aussi celles et ceux qui ne veulent pas se résoudre à voir notre pays ne pas se saisir des évolutions de notre société.
     
    Pourtant, que n’avons-nous pas entendu ou lu depuis des semaines !
     
    Nous avons reçu un grand nombre de courriers. Beaucoup d’entre eux reprenaient des arguments usés, éculés, les mêmes d’ailleurs qui prévalaient lors du débat instituant le pacte civil de solidarité. Disparition de la langue française des mots « père » et « mère », code civil démantelé : nous avons fait la démonstration qu’il n’en serait rien.

    M. Hervé Mariton. C’est faux !

    M. Stéphane Travert.

    J’ai lu et entendu parler de révolution anthropologique, d’inceste, de polygamie, de zoophilie, de la France qui s’effondre, de la foudre divine qui allait s’abattre sur nos têtes et nous serions même menacés des sept plaies d’Égypte.

    M. Hervé Mariton. C’est peut-être beaucoup, non ?

    M. Stéphane Travert.

    Enfin, certains ont voulu entraîner ce débat sur le terrain de la religion, alors que la laïcité est le principe qui encadre de façon claire notre société et nous permet cette liberté de conscience à laquelle nous sommes tous attachés.
     
    Ces courriers que, parfois, nous avons reçus, nous ont entraînés jusqu’à la nausée, tant leur contenu était indigne d’un pays comme le nôtre. Quel formidable bond en arrière ! L’invention d’ennemis imaginaires reste toujours l’arme de celles et ceux qui ont perdu la bataille du progrès social, de la justice et de la solidarité.
     
    Nous respectons, bien entendu, le point de vue de celles et ceux qui combattent ce projet, c’est la démocratie, mais, quand l’outrance, l’insulte et la stigmatisation viennent lutter contre le respect et la liberté, nous devons être déterminés plus encore à nous battre pour ce texte et faire taire les obscurantismes.
     
    Chers collègues qui vous opposez à ce projet, sachez que, pas plus ici qu’ailleurs, vous n’avez le monopole de la famille. La famille c’est celle que l’on choisit de construire autour d’un projet de vie.

    M. Hervé Mariton. Et vous n’avez pas le monopole du progrès !

    M. Stéphane Travert.

    Je suis un élu du département de la Manche, une terre que l’on dit « violemment modérée ». Ce débat n’est pas uniquement un phénomène urbain comme nous avons pu l’entendre çà et là. Non, le monde rural n’est pas hermétique à ce projet. Il a besoin d’explications, il a besoin de sentir que l’amour que l’on porte aux siens doit pouvoir être accessible à tous et toutes.
     
    De nombreux couples homosexuels vivent et connaissent des discriminations dans des petites communes, et c’est intolérable. Nous devons leur redonner cette fierté d’appartenir à la même société pour que, demain, ils puissent, sans craindre les regards et les jugements hasardeux, démontrer que la famille, le partage, sont aussi leurs combats quotidiens pour vivre épanouis dans une république apaisée.
     
    Madame la garde des sceaux, je veux saluer ici votre courage, votre détermination et la force qui est la vôtre pour porter, incarner ce texte face aux diatribes de celles et ceux qui mènent un combat qui appartient au passé. Je vous remercie d’avoir donné à ce débat la hauteur de vue nécessaire pour démontrer que ce texte répond aux enjeux de notre civilisation.
     
    Nous portons ensemble ce projet, car nous sommes dans ce grand mouvement d’émancipation en faveur de la communauté homosexuelle (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), entamé depuis de nombreuses années.

    M. Philippe Gosselin. M. Bloche nous a dit qu’il n’y avait pas de communauté !

    M. Stéphane Travert.

    L’histoire retiendra que ce projet a été porté par une majorité de Français, c’est sa force et sa légitimité. Nous voterons ce texte en ayant à l’esprit que nous n’avons pas failli devant nos responsabilités. Mes chers collègues, vive la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • A. Genevard (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Annie Genevard.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, en dépit de vos dénégations et des éléments de langage que vous avez ressassés jusqu’à en épuiser le sens, je suis persuadée que cette loi – présentée conformément au 31e engagement du programme de campagne de François Hollande – suscite dans vos rangs, et même probablement au plus haut niveau de l’État, de sérieux doutes.

    M. Marcel Rogemont. Ce ne sont que des supputations ! L’important, ce sont les actes !

    Mme Annie Genevard.

    Le premier des vôtres en témoigne : le Président de la République lui-même a laissé échapper devant les maires, réunis en congrès, cet incroyable aveu : le mariage des couples de même sexe est affaire de conscience et, à ce titre, on peut choisir de ne pas le célébrer. Allons bon ! Cette loi ne serait pas seulement la réparation d’une injustice liée à l’arbitraire des lois, mais une affaire qui interpelle la conscience ? C’est ce qu’avouait ainsi le Président de la République, et c’est ce que nous croyons aussi.
     
    Oui, monsieur le rapporteur, les maires ont une conscience, pas seulement une écharpe ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Bravo !

    Mme Annie Genevard.

    Vous-même, madame la garde des sceaux, avez imprudemment avoué que cette loi est une réforme de civilisation. Diable ! Et cela ne suffirait pas à ce que l’on consultât le peuple ? C’est peut-être la raison pour laquelle vous l’avez prudemment requalifiée, dans le Journal du Dimanche, en « réforme de société ».
     
    Quel enseignement tirer des propos de Mme Guigou qui affirmait : « il n’est pas question, ni aujourd’hui, ni demain, que deux personnes de même sexe puissent se marier. » Je ne veux pas la piéger, mais tout de même ! Voyez la fragilité des certitudes d’hier !
     
    Et que signifie le dépôt d’amendements sur la PMA, sinon qu’il s’agit d’une conséquence inévitable au mariage homosexuel, juste avant l’autorisation de la gestation pour autrui ?

    M. Marcel Rogemont. Oh, ça va !

    Mme Annie Genevard.

    L’amendement du groupe SRC sur la PMA, promis en septembre, a pourtant été retiré sous la pression du Gouvernement en octobre. Vous avez parfois, presque malgré vous, laissé s’exprimer ces doutes. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’un million de personnes – 800 000 si vous préférez – défilent pour dire leur attachement au mariage et à la famille ?

    Mme Catherine Lemorton. Dites qu’ils étaient 63 millions, tant que vous y êtes !

    M. Marcel Rogemont. Ils étaient 340 000 !

    Mme Annie Genevard.

    Comment pourrait-il en être autrement, quand des organismes aussi compétents que l’académie des sciences morales et politiques ou le conseil supérieur de l’adoption expriment des avis négatifs ou un sentiment d’inquiétude ? Enfin, comment rester sourd aux cris de détresse de ces enfants élevés sans père ou sans mère ? Jean-Dominique Brunel, soixante-six ans, explique ainsi dans un témoignage poignant publiée par un grand quotidien qu’il n’a pas souffert à cause du tabou de l’homosexualité, mais à cause de l’homoparentalité. Je tiens à préciser qu’il faut avoir un absolu respect pour l’homosexualité : j’étais d’ailleurs favorable au PACS quand la loi a été votée. M. Brunel condamne ainsi – je le cite – « l’indifférence des adultes aux souffrances intimes des enfants. Dans un monde où leurs droits sont chaque jour évoqués, en réalité, c’est toujours ceux des adultes qui prévalent ».
     
    L’enfant est, pour moi, trop absent de votre réflexion et, en fin de compte, de ce débat, alors qu’il aurait dû en constituer la priorité absolue.

    M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

    Mme Annie Genevard.

    Il est très symptomatique que les propos de MM. les présidents et rapporteurs aient essentiellement porté sur la reconnaissance de l’homosexualité et la condamnation de l’homophobie, avec quoi nous sommes parfaitement d’accord. Ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est une mutation anthropologique…

    M. Thomas Thévenoud. C’est faux !

    Mme Annie Genevard.

    …résumée à mon sens bien pauvrement par cette expression à la mode : « faire famille ». C’est une rupture du lien entre l’enfant et ses origines. Pour reprendre les termes de Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre spécialiste de l’adoption, « dire à un enfant qu’il est né de la relation amoureuse de deux adultes du même sexe, c’est introduire un faux dans sa filiation, c’est plaquer un mensonge sur sa filiation. L’enfant devient un SDF, sans domicile filiatif ». (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Lesterlin. Mais qui dit cela ?

    M. Yann Galut. Honteux ! Scandaleux !

    M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

    Mme Annie Genevard.

    Bien sûr, vous objecterez des témoignages inverses. Mais à qui le principe de précaution doit-il profiter ? Si vous écoutiez votre propre conscience, ne vous dicterait-elle pas d’examiner en profondeur les conséquences psychiques et psychologiques pour les enfants du fait d’être privés, pour certains à tout jamais, du droit merveilleux et si évident pour la plupart d’entre nous, de prononcer conjointement les mots de « papa » et de « maman » ?
     
    Après des centaines d’heures de discussion et de lecture de documents sur ce sujet, il reste parfois, dans le tamis, quelques phrases simples et fortes. Il m’en vient une à l’esprit : mesdames et messieurs les parlementaires, ce n’est pas parce que vous avez le pouvoir de légiférer sur tout, que vous devez le faire. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » : si vous n’éprouvez pas ces doutes, c’est que vous êtes des apprentis sorciers, et c’est grave. Mais si vous les éprouvez et que vous les taisez, c’est plus grave encore : l’histoire humaine, comme l’a si bien dit notre collègue Bruno Nestor Azerot, vous en demandera raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • M. Rogemont (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Marcel Rogemont.

    Mesdames les ministres, chère Christiane, pourquoi nous écharpons-nous avec force sur la question du mariage ? Pourquoi un tel débat, alors que le mariage – j’y reviendrai – a perdu de sa superbe, et ne représente plus, dans la République, le même symbole ? La réponse à cette question interroge nécessairement le mariage, l’homosexualité, mais aussi la République.
     
    Elle interroge le mariage, d’abord. En effet, certains voudraient que le mariage fût une sorte de cathédrale venue des siècles passés, et que notre seule tâche d’élus de la République serait de la restaurer sans cesse à l’identique. Comme si le mariage n’évoluait pas, comme si les formes d’unions n’évoluaient pas elles aussi. Aujourd’hui nous « faisons couple » et nous « faisons famille » de plus en plus souvent hors mariage.

    M. Hervé Mariton. Et vous « faites discours » également ?

    M. Marcel Rogemont.

    C’est un constat, pas un jugement.
     
    L’INSEE nous apprend qu’en 2000, sur 322 093 unions entre partenaires de sexe opposés, mariage et PACS réunis, 95 % étaient des mariages. En 2010 sur 448 069 unions, seuls 56 % sont des mariages. Nous « faisons couple » de plus en plus hors mariage.
     
    De même, l’INSEE nous apprend que plus de 55 % des enfants naissent hors mariage. Dès lors nous « faisons famille » de plus en plus hors mariage.

    M. Hervé Mariton. Et on « fait enfant », désormais ?

    M. Marcel Rogemont.

    M. le député Henri Guaino déclarait que le mariage n’était pas un droit mais une institution. Il n’était d’ailleurs pas le seul à le dire. Il a raison : c’est une institution ! Mais convenons que c’est une institution qui a perdu et perd encore aujourd’hui de sa force symbolique. Il est de moins en moins envisagé comme un rite social. Dès lors, pourquoi débattre d’un sujet qui perd de sa force symbolique ?
     
    Pourquoi, également, faut-il faire comme si le débat sur le mariage pour tous était nouveau ? Nous avons l’air de le découvrir en 2013, comme s’il n’avait jamais franchi les portes de l’Assemblée nationale. Mais il y a 220 ans, la question du mariage pour tous se posait déjà. Qui peut ne pas se rappeler du citoyen Talma ? C’est en 1792, lors de la première République, qu’un acteur en vue, François-Joseph Talma, protesta auprès de l’Assemblée nationale contre le refus d’un prêtre de célébrer son mariage. À l’époque, en effet, ni les juifs, ni les protestants, ni les comédiens ne pouvaient se marier.
     
    En ouvrant, selon les termes de l’époque, le mariage à tous, la première République enlevait au mariage son caractère sacré, et offrait à la nation un mariage laïc. Elle voulait affirmer l’égalité de chacun devant la loi et devant le mariage. Si aujourd’hui cette question nous occupe, ce n’est pas pour indiquer à la jeunesse le devoir de se marier ou pour restaurer une quelconque image que nous pourrions avoir du mariage. Cela tient simplement et encore au principe d’égalité devant la loi. Pourquoi des personnes seraient encore exclues du contrat de mariage ?
     
    En cela, on retrouve la question de l’homosexualité. Pourquoi parle-t-on encore d’homosexualité pour justifier des inégalités, alors qu’en 1982, le quatre août – date symbolique –, la République l’a dépénalisée, faisant des homosexuels des citoyens comme les autres ? C’est pourquoi, dans ce débat, je ne veux pas être mis en situation de choisir entre être pour ou contre les homosexuels. Je ne veux pas que la loi soit pour les homosexuels, ou contre les homosexuels. Au nom de quoi une orientation sexuelle, que désormais notre République reconnaît comme toute autre, pourrait être la cible d’une discrimination ? Ce que je demande est simple : ni pour ni contre, je demande l’indifférence !

    M. Thomas Thévenoud. Très bien !

    M. Marcel Rogemont.

    Je demande l’indifférence de la loi aux orientations sexuelles. Ainsi, l’orientation sexuelle retourne là où est sa place : dans le domaine privé, dans l’intime. Elle a sa place à côté de la liberté de conscience qui relève elle aussi du domaine privé. En cela, nous retrouvons la République.
     
    Pourquoi voudriez-vous que l’accès au mariage soit régi par des considérations qui ne regardent pas la République, mais les préférences intimes de chacun ? La loi se doit d’être indifférente à l’orientation sexuelle. Nous retrouvons ainsi les valeurs de la République : la laïcité, l’universalité et l’égalité. En cela, cette loi marquera notre République. Notre débat sera rangé parmi les grands moments de cette République. C’est devant cette responsabilité, mes chers collègues, que chacun de nous se trouve. Ne ratons pas ce rendez-vous !
     
    Nous serons avec vous, Christiane. (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • A.Y. Le Dain (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    Bonsoir à tous et bonne nuit ! (Sourires.)
     
    Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’ai écouté la parole des uns, les propos des autres, les grandes convictions et les petites finesses, le bruit et la fureur qui surgissent parfois dans cet hémicycle, les pour, les contre, les dits et les non-dits, les grandes sincérités et les outrances emphatiques. Oui, et c’est très bien ainsi, car ce texte assume enfin que, dans notre société française, l’homosexualité qui avant-hier était un délit et, hier encore, une maladie mentale est désormais une réalité humaine assumée socialement, politiquement : bref, une banalité. En 2013 enfin, nous avons le courage d’être banal, d’accepter la banalité de l’homosexualité.

    M. Bernard Roman. Très bien !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    Oui, notre société française a changé car, dans beaucoup et sans doute dans toutes les familles de France, il y a eu, il y a, il y aura des homosexuels, gays ou lesbiennes. Oui, maintenant, cela est su et cela est dit ; oui, ce texte l’assume et dira désormais à toutes ces personnes, à toutes ces familles, à tous ces jeunes qui entrent dans la sexualité, à tous ces adultes qui parfois encore la cachent, dans leur famille ou leur milieu professionnel ; oui, ce texte leur dira tout simplement : « Va ton chemin, construis ta vie, trouve ta voie, la société est là qui ne te juge pas, qui ne te juge plus et qui te laisse libre, vas ton chemin ».
     
    Cette liberté nouvelle leur donnera le choix de leur manière d’être libres, tout comme pour les couples hétérosexuels : mariage, PACS, union libre, célibat partagé. Les protections que la loi confère – ou pas – à ces différents modèles du « vivre en couple » sont nombreuses, et c’est tant mieux. Ce texte ne parle que de cela : de la liberté enfin donnée aux homosexuels du choix de se lier ou pas par le mariage, ce qui suppose évidemment qu’un jour peut-être il y aura divorce. Eh oui ! Le divorce est devenu banal lui aussi, évolution sociale oblige, égalité des individus dans le couple, égalité des droits et des devoirs de chacun et de l’autre dans le couple : homme et femme, homme ou femme, homosexuel ou hétérosexuel.

    M. Hervé Mariton. Et le célibat partagé ?

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    C’est la liberté conquise par les femmes, je le souligne, qui a conduit à la liberté de tous, quel que soit le sexe, quelle que soit la sexualité ! Éloge de la banalité, éloge de l’indifférence ! Cela m’amène à rappeler ici qu’en France le mariage civil n’est plus un sacrement, et ce depuis 1792…

    M. Hervé Mariton. Et le célibat partagé, c’est quoi ?

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    D’autant qu’il est seul à faire foi, même si les églises, toutes les églises et tous les cultes, conservent évidemment la liberté de marier ou de ne pas marier « religieusement » leurs fidèles, tout comme elles décident de baptiser ou non. C’est la laïcité de notre République qui le leur garantit et qui n’impose à personne les opinions et convictions d’un autre : libre de sa foi, certes, mais responsable devant la loi et seulement devant la loi !

    M. Marcel Rogemont. Très bien !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    Le mariage n’est sacrement que dans l’intimité, personnelle, familiale, religieuse.

    M. Marcel Rogemont. Exactement !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    Et la loi traite toujours de la vie telle qu’elle va. La loi concerne toujours la vie.
     
    L’heure est venue aussi de dire que « faire couple », cela peut aussi vouloir construire une descendance. Entourer, encadrer, accompagner des enfants sur le chemin de la vie, c’est pouvoir engendrer ou à défaut adopter et ainsi créer et assumer une filiation. L’adoption est là pour ces enfants en demande d’une famille qui les accueille et la fécondation assistée pour toutes les femmes devra l’être aussi, dans le respect de l’intégrité des corps, notamment du corps des femmes, ce qui interdit la GPA.

    M. Hervé Mariton. Mettez-vous d’accord !

    M. Yann Galut. Mais on est tous d’accord !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    « Faire famille » implique et impose des devoirs d’affection, d’éducation, d’accompagnement, et ce pour toute la vie. Être parent, être papa, être maman, c’est l’être toute la vie ; engendrer, adopter, c’est pour toute la vie. Oui, les homosexuels sont des gens responsables, comme le sont les hétérosexuels. Plus ou moins brillants, plus ou moins solides, plus ou moins aimants. Plus ou moins, comme tout le monde ! Pouvoir être comme tout le monde, banal enfin ! Quelle liberté, quelle force pour eux-mêmes et comme pour les enfants qu’ils aiment et accompagnent ! Alors oui, qu’il est étrange de voir des gens se lever aujourd’hui pour contester à leurs semblables la possibilité de jouir des mêmes droits qu’eux. Il y a dans cette démarche quelque chose qui échappe à la raison, dont je ne parviens pas à comprendre le sens…

    M. Hervé Mariton. Ah ! L’hôpital psychiatrique menace !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    …et qui témoigne, comme vous l’avez dit hier, madame la garde des sceaux, d’un profond égoïsme.
     
    Je reprendrai, ici, l’esprit de vos propos, madame la garde des sceaux : « Liberté de chacun, égalité de tous devant la loi, fraternité de notre société pour toutes les familles ». Voilà ce qu’assume ce texte, mesdames les ministres. Merci ! La France est un pays fondé sur des valeurs et non sur des usages, ce qui la différencie des pays dont la loi est fondée sur la coutume. L’heure est venue, aujourd’hui, de cesser de ruser avec nos valeurs. « Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde » disait Aimé Césaire. Cette loi élargit le droit, elle ne retire rien à personne, elle ouvre de nouveaux chemins des possibles à chacun, elle libère complètement la société de l’intimité amoureuse des hommes et des femmes qui la composent…

    M. Hervé Mariton. Mauvaise démonstration !

    M. Bernard Roman. Excellente démonstration !

    Mme Anne-Yvonne Le Dain.

    …tous différents mais tous identiques désormais en droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • Y. Galut (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Yann Galut

    . Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quinze ans, dans cet hémicycle, nous votions le Pacte civil de solidarité. Le PACS a été une première avancée majeure dans notre pays dans la reconnaissance des droits aux couples de personnes de même sexe.
     
    Aujourd’hui, nous parachevons cette avancée en ouvrant l’institution du mariage à l’ensemble de nos concitoyens qui seront, maintenant, égaux en devoirs et en droits face au mariage. Cette avancée va permettre aux couples homosexuels, qui subissent la discrimination depuis trop longtemps, d’obtenir le droit à l’égalité, à la reconnaissance de leurs familles, le droit à l’indifférence. Cette loi va, enfin, donner aux enfants de couples homosexuels une reconnaissance légitime et permettre la sécurisation de leur famille.
     
    Je suis fier, comme l’ensemble des parlementaires de gauche, mais aussi comme quelques parlementaires trop peu nombreux de droite, de participer à cette œuvre de justice et d’égalité dans le cadre de notre conception de la République.

    M. Christian Jacob. Et le droit d’expression !

    M. Yann Galut

    . Nous sommes fiers d’ouvrir des droits aux homosexuels sans en retirer à personne ! En effet, cette loi ne changera rien pour les couples hétérosexuels.

    M. Hervé Mariton. C’est faux !

    M. Thomas Thévenoud. Si, c’est vrai !

    M. Yann Galut.

    Telle est notre conception du progrès social.
     
    Cependant, je dois vous avouer que je suis atterré par les arguments de nombre de nos collègues de droite qui sont très exactement les mêmes que ceux d’il y quinze ans. Certes, les propos se sont policés pour certains, mais l’orientation idéologique reste la même. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) On sent poindre un sentiment d’homophobie qui était déjà présent en 1998, dans les propos de M. Myard, qui affirmait à l’époque en séance du 7 novembre 1998 que « Le PACS est un coup porté aux familles et à la société [qui] traduit une véritable confusion mentale rare » (Exclamations sur les mêmes bancs) ; ou de votre référence, Mme Boutin (Mêmes mouvements), laquelle s’inquiétait que « L’homosexualité [ne devienne] une référence sociale et institutionnelle » et osait dire qu’« une société qui mettrait sur le même plan l’homosexualité et l’hétérosexualité travaillerait à sa propre disparition. C’était la séance du 3 novembre 1998.

    M. Hervé Mariton. Trouvez les arguments de 2013 !

    M. le président. S’il vous plaît !

    M. Yann Galut

    Dans les interventions qu’on a pu entendre depuis hier, on constate que la droite n’a pas changé. Pire, elle se rapproche de l’extrême droite (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP)…

    M. Philippe Gosselin. On l’attendait !

    M. Yann Galut.

    …avec laquelle elle signe des amendements communs dans ce débat – des députés UMP ont cosigné l’amendement n° 55 avec des députés du Front national, chers collègues ! –, revendiquant ainsi sa vision conservatrice et rétrograde de la famille !

    M. Christian Jacob. Vous n’avez pas manifesté ?

    M. Yann Galut.

    Mais, vous devez le savoir, mes chers collègues, il n’y a pas un seul modèle de famille dans ce pays, il y a des familles plurielles et les familles homoparentales sont blessées par la violence des mots qu’elles entendent à leur sujet. Et on peut aisément imaginer l’impact des propos homophobes qui ont pu être tenus, ces derniers mois, sur les enfants de ces familles, dont l’existence même est récusée, dont la légitimité est contestée, qui se voient traitées de « fausses familles » !

    M. Hervé Mariton. Par qui ?

    M. Yann Galut.

    Les dizaines de milliers de familles homoparentales vivant en France souffrent de ce que vous les niez, au mépris des réalités sociologiques et au mépris des 63 % de Français qui, eux, les reconnaissent ! Alors que vous avez du mal à justifier votre position sur le fond…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument pas !

    M. Yann Galut.

    …vous tentez une diversion en expliquant qu’il ne peut y avoir que le référendum pour trancher cette question. À travers cette position, vous nous faites un procès en illégitimité. Pour vous, nous aurions gagné la présidentielle par effraction, nous serions des usurpateurs et il faudrait s’adresser directement au peuple sur ce sujet…

    M. Christian Jacob. Eh oui !

    M. Yann Galut.

    …mais aussi sur d’autres. Or votre cynisme et votre démagogie sont sans limites, puisque vous savez que, dans cette matière sociétale, le référendum n’a pas lieu d’être, comme l’indique l’article 11 de notre Constitution. Et c’est vous-mêmes, rappelez-vous, qui vous êtes opposés à ce que le référendum soit ouvert aux sujets de société dans notre pays en 1995, une première fois, et de nouveau en 2008, lors de la révision voulue par Nicolas Sarkozy, et ce par le biais d’un amendement pourtant présenté par un de vos collègues.
     
    Enfin, au-delà de l’attaque frontale sur notre légitimité, en reprenant une des propositions phare de votre candidat Nicolas Sarkozy lors des dernières élections présidentielles, vous dévalorisez le rôle du Parlement, qui a toute sa place dans ce débat.
     
    Depuis des mois, en effet, la société française discute de ce texte dans des conversations privées, à la télévision et au cours des auditions organisées par les commissions de l’Assemblée et par notre rapporteur.

    M. Hervé Mariton. Partielles et partiales !

    M. Yann Galut.

    Vous étiez, alors, très souvent absents !

    M. Hervé Mariton. Faux ! Et où est le rapporteur ? Et, vous, où étiez-vous, mon cher collègue ? Où étiez-vous ?

    M. Yann Galut.

    Les Français se sont mobilisés, certes de manières différentes. Ils se sont exprimés. Et nous allons, maintenant, débattre dans cet hémicycle pendant quinze jours, après l’avoir fait en commission. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Le débat, contrairement à ce que vous affirmez, a donc eu lieu, et il est public ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Et d’ailleurs les Français viennent encore dans un sondage paru aujourd’hui, de renouveler leur soutien au mariage pour tous, tout en estimant désormais que le débat a trop duré.
     
    En conclusion, je ne peux que condamner les glissements graves de certains d’entre vous, dont la dérive n’est plus seulement sémantique, mais idéologique et qui va de plus en plus sur le terrain de l’extrême droite ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. Sectaire !

    M. Yann Galut.

    Face à cela, nous répondons avec notre vision de la République et de la France et le vote de ce texte s’inscrit pleinement dans notre volonté de porter haut et fort notre devise « liberté, égalité, fraternité. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Paul Molac et M. Marc Dolez. Très bien !

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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