Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • O. Dassault (30 janvier)

    31 janvier 2013
    M. Olivier Dassault. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’enjeu n’est pas ici l’homosexualité, qui est de fait une réalité.
     
    L’enjeu n’est pas non plus l’amour homosexuel ou l’amour hétérosexuel. Les deux existent, les deux sont légitimes ; il n’est question ni de les opposer, ni de les juger. Oser prétendre que les opposants au mariage homosexuel mèneraient un « combat contre l’amour » est aussi insane qu’indigne. Car comme le disait l’académicien Jacques de Bourbon Busset, « l’ennemi de l’amour, c’est l’amour-propre ».
     
    Depuis que le projet de loi a été annoncé, « le tribunal des bonnes consciences » – c’est ainsi que le dénomme le grand rabbin de France – siège sans discontinuer, s’efforçant de réduire au silence ceux qui osent aller contre l’idéologie du moment.
     
    Mesdames et messieurs les censeurs, de quoi donc avez-vous si peur ? (Exclamations sur plusieurs du groupe SRC.) Que craignez-vous tant qu’il faille jeter l’anathème sur ceux qui ne pensent pas comme vous ?

    Mme Catherine Quéré. C’est vous, les censeurs !

    M. Olivier Dassault. Vous nous traitez d’homophobes, d’ennemis de l’amour, voire carrément d’ennemis du progrès. Vous attaquez nos personnes car vous refusez d’entendre ce que nous avons à dire.

    M. Marcel Rogemont. Nous attaquons les idées !

    M. Olivier Dassault. Au risque de vous décevoir, mesdames, messieurs de la majorité, la France ne se divise pas entre le camp de la lumière et celui des ténèbres,…

    Mme Catherine Quéré. On se le demande parfois !

    M. Marcel Rogemont. Le soleil se lève pour tout le monde !

    M. Olivier Dassault. … entre progressistes et conservateurs. Ainsi, il n’y a aucun progressisme dans les propos de Pierre Bergé, qui ne voit aucune différence entre « louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine ».

    M. Bernard Roman. Cela a déjà été dit quatre fois ! Il faut arrêter de le répéter !

    M. Olivier Dassault. Où sont les consciences outrées ? Où sont les déclarations fracassantes contre la marchandisation des corps ? Si m’opposer aux folies de M. Bergé fait de moi un conservateur, qu’il en soit ainsi !

    M. Christian Hutin. Pas un conservateur, un réactionnaire !

    M. Olivier Dassault. Cette sortie annonce-t-elle le dénouement de la pièce que vous nous jouez depuis quelques semaines, où le mariage homosexuel serait le premier maillon d’une chaîne qui devrait nous entraîner vers l’adoption, la PMA et, pour finir, la GPA ?

    Mme Véronique Massonneau. Et c’est reparti !

    M. Olivier Dassault. Votre vision simpliste d’un monde divisé entre le bien et le mal n’existe que dans vos esprits. Ainsi, si des hétérosexuels soutiennent votre projet de loi, on peut être homosexuel et s’y opposer, comme l’a courageusement fait le maire de Chasselas…

    Mme Elisabeth Pochon. Le mariage n’est pas une obligation !

    M. Olivier Dassault. …car l’enjeu dépasse en effet les clivages politiques comme les préférences personnelles.
     
    Permettez-moi de vous rappeler les termes utilisés dans les premières lignes de l’étude d’impact du projet de loi : le mariage est une « institution pluriséculaire » qui « pendant des siècles » fut « indissociable de la fondation d’une famille ».

    M. Bernard Roman. Comment expliquez-vous que cela ait changé ?

    M. Olivier Dassault. Pour la majorité d’entre nous, le fondement du mariage demeure l’union d’un homme et d’une femme pour avoir des enfants. Nous l’avons dit, répété, et le répéterons encore. Ces Français que vous prenez de haut ont eux aussi droit à la parole et ils sont venus vous le dire en masse et de manière consistante, comme l’a constaté le Président de la République, lors de la manifestation parisienne du 13 janvier dernier.
     
    En 1998, Mme Guigou – que je salue –, alors garde des sceaux, s’élevait contre l’adoption par les couples homosexuels au motif que « le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes ».

    M. Hervé Mariton. C’est vrai !

    M. Olivier Dassault. Des propos de bon sens qui ne semblent plus avoir cours aujourd’hui : on ne va pas contre la volonté du prince.
     
    D’ailleurs, est-elle si affirmée que cela ? Devant les maires de France, le Président n’a-t-il pas reconnu la liberté de conscience à ceux qui refuseraient de célébrer des mariages entre personne du même sexe ? Expression, il est vrai, retirée le lendemain sous la pression, notamment, du toujours vert Noël Mamère, qui n’hésita pas à la qualifier de « capitulation en rase campagne ».
     
    D’où vient d’ailleurs cette soudaine passion de la gauche pour le mariage ? Celui-ci n’était-il pas « une institution bourgeoise répugnante », selon les mots même de Simone de Beauvoir lorsqu’elle refusa d’épouser Jean-Paul Sartre ?

    M. Sergio Coronado. Il ne le lui a jamais demandé ! (Sourires)

    M. Bernard Roman. Elle avait raison, Simone !

    M. Olivier Dassault. Il semble désormais devenu l’alpha et l’oméga de la pensée de gauche. Quelle est la suite ? Les anarchistes défendant les vertus de l’État ? Étrange époque où gauche et droite s’affrontent à fronts renversés !
     
    En revanche, j’ai cosigné la proposition de loi de notre collègue Daniel Fasquelle pour la création d’une alliance civile qui offrirait aux personnes du même sexe un cadre juridique à leur relation et une reconnaissance sociale.

    M. Patrick Balkany. Très bien !

    M. Olivier Dassault. L’Académie des sciences morales et politiques ne dit pas autre chose lorsqu’elle recommande la transformation du PACS en union civile, « une formule plus respectueuse de tous » ; on ne saurait mieux dire.

    M. Marcel Rogemont. Ce ne sont que des mirages !

    M. Olivier Dassault. Pour citer à nouveau Mme Guigou, « un couple, hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas le droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle ».

    M. Hervé Mariton. C’était exactement sa réponse !

    M. Olivier Dassault. Autrement dit, il n’existe pas de droit à l’enfant pour qui que ce soit ! Une position fortement soutenue par la majorité de l’époque, si j’en crois les applaudissements sur les bancs socialistes.
     
    Aujourd’hui pourtant, vous admettez la fiction que deux personnes de même sexe peuvent se substituer au père et à la mère d’un enfant. Notre devoir de législateur est donc de manier la plume avec une grande circonspection ; il en va des droits de l’enfant, lequel est, je vous le rappelle, une personne et non un objet.
     
    Mes chers collègues, ne nous laissons pas emporter par les passions du moment, si fortes soient-elles. Laissons un débat apaisé reprendre ses droits. Madame la garde des sceaux, repoussez ce texte…

    M. Bernard Roman. Elle ne peut pas ! Un ministre ne vote pas !

    M. Olivier Dassault. Modifiez-le, cherchez le consensus, les Français vous en seront reconnaissants.
     
    Pour finir, prêtons une oreille attentive à cette mise en garde prémonitoire d’Albert Camus : « Les générations qui nous ont précédés ont cru qu’elles avaient à refaire le monde, la nôtre devrait se contenter d’une mission : éviter que le monde ne se défasse. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • C. Assaf (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Christian Assaf.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, voici le moment où notre mission de législateur prend tout son sens.
     
    Depuis des semaines, j’ai, en mon âme et conscience, pesé avec une extrême attention tous les éléments constitutifs du projet de loi dont nous entamons la discussion.
     
    J’ai entendu les parents, les enfants, les pédiatres, les psychiatres, les juristes, les autorités religieuses, les associations. J’ai écouté attentivement les arguments de celles et ceux qui s’opposent à ce projet de loi et de celles et ceux qui y sont favorables. Je les ai mesurés avec beaucoup de précaution, je les ai pesés à l’aune de ce que je suis, de mes opinions, de mes convictions humanistes, de mes questionnements religieux, de ma vie d’homme, de mon rôle de père.
     
    Au terme de ce véritable cheminement intérieur, ma conviction est faite : le texte qui consacrera le mariage et l’adoption pour tous sera l’une des lois les plus importantes dans l’histoire de notre assemblée.
     
    J’étais favorable à la mesure 31 du projet du candidat François Hollande. Mais il ne s’agit pas ici de tenir une simple promesse électorale ! Il s’agit de consacrer l’égalité des droits et de considérer que la famille n’est pas uniquement fondée sur l’orientation sexuelle.
     
    Ce texte est bon pour la France. Il renforce la lutte que notre pays mène contre l’homophobie sur son territoire ainsi qu’au niveau international. Il nous fait entrer dans le concert des nations qui ont choisi de protéger leurs enfants – tous leurs enfants.
     
    Ce texte est juste pour les Français, pour ces hommes et ces femmes, citoyens à part entière, qui n’avaient pas les mêmes droits que les autres. Juste pour ces enfants, fantômes de notre République, qui doivent être reconnus pour ce qu’ils sont. Juste pour ces familles, qui doivent enfin pouvoir sortir de la clandestinité !

    M. Hervé Mariton. Cela rappelle le débat sur la GPA !

    M. Christian Assaf.

    Ce texte est salvateur pour notre société, parce que nous renforçons le mariage civil, laïc et républicain, fondé sur la volonté de deux personnes d’établir une communauté de vie, parce que nous renforçons ces couples, notamment dans les moments difficiles, en leur donnant des droits qu’ils n’avaient pas avec le PACS, parce que nous renforçons la famille. Car oui, ces femmes et ces hommes ont des enfants ! Quelles œillères pourraient occulter la réalité de ces nouvelles formes familiales et les exclure du champ républicain ? Ce texte est salvateur, enfin, parce que nous renforçons les droits des enfants, en permettant l’adoption qui sécurisera les enfants de ces couples dans une double filiation.
     
    Mes chers collègues, je souhaite que ce débat ne soit pas une guerre. J’ai entendu les questions qui ont été formulées, mais j’ai aussi regretté que certains membres de l’opposition continuent de jouer sur les peurs et les préjugés.

    M. Patrick Balkany. Mais non ! Décidément, vous n’avez rien compris !

    M. Christian Assaf.

    Ce jeu est dangereux. On a parlé à tort de GPA, mais aussi d’union spécifique, de la possibilité de ne pas célébrer ces mariages, de les cantonner légalement et géographiquement : on courrait le risque de ghettoïser ces mariages.
     
    Ce jeu d’une loi à la carte est contraire à l’intégration républicaine. La République s’honorera de reconnaître les nouvelles formes familiales qu’elle abrite et qui sont légitimes !
     
    Ce jeu a été humiliant pour les couples homosexuels qui aspirent à l’union et à l’adoption. Cette attitude a favorisé certains extrémismes et nous avons vu refleurir des discours aux relents homophobes, qui sont indignes. À ceux qui seraient tentés par cette aventure, je dis ici : le temps du triangle rose est terminé ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Hervé Mariton. C’est honteux !

    Mme Marie-Louise Fort. Inacceptable !

    Mme Annie Genevard. Un scandale !

    M. Christian Assaf.

    Notre rôle de législateur est tout autre ; il est de servir l’égalité et le bien commun par la règle commune qu’est la loi. C’est pour cela que je me suis présenté devant les électrices et les électeurs dans mon département, non pour avoir l’honneur de porter une écharpe tricolore ou pour pouvoir siéger dans cet hémicycle, aussi prestigieux fût-il. (Exclamations prolongées sur les mêmes bancs.) Je suis député parce que les mots « justice » et « égalité » ont, pour moi, un sens particulier. Aujourd’hui, mes chers collègues, la France a rendez-vous avec son Histoire.
     
    Or je constate, au nombre d’amendements déposés, que certains veulent transformer ces débats en guerre de tranchée. Ils font fausse route ! Pendant ces quinze jours, nous ne mènerons pas une guerre politique, nous parlerons d’amour, d’avancée sociétale attendue, de prolongement normal, de progrès de la civilisation !

    M. Patrick Balkany. Quel progrès ?

    M. Christian Assaf.

    Nous devons guider la nation pour faire accepter les réalités familiales d’aujourd’hui, ces nouvelles formes de familles tout aussi légitimes les unes que les autres : hétéroparentales, monoparentales, homoparentales, recomposées ou pas. Nous devons assumer la pluralité de notre société.
     
    Élus de la République, nous devons être à la hauteur de ce rendez-vous, comme chaque fois que cette assemblée a été confrontée aux grandes questions. À ceux qui s’opposent à ce texte, je veux rappeler que beaucoup de leurs prédécesseurs étaient contre la dépénalisation de l’homosexualité, puis contre le PACS. Qui oserait, aujourd’hui, revenir sur ces lois ?
     
    En ce jour, j’ai une pensée pour Tito Livio et Florent, ce couple de Montpelliérains qui ont été mariés dans ma ville sans que l’on puisse inscrire leur union sur les registres d’état civil, parce qu’elle était illégale. Je garde en mémoire le souvenir intact de l’émotion intense de ce moment de bonheur entre ces deux hommes.
     
    Mes chers collègues, je souhaite à tous les maires de France et à tous les élus locaux ici présents qui auront à célébrer ces mariages de connaître cette même émotion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • C. Greff (30 janvier)

    31 janvier 2013

    (Les passages surlignés en gras italique sont de notre fait).

    Mme Claude Greff. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues (mouvements divers)…

    M. le président. Allons, mes chers collègues !

    Mme Claude Greff. Il y a de l’électricité dans l’air, mais on va calmer tout cela…

    Mme Julie Sommaruga. S’il y a de l’électricité dans l’air, c’est bien vous qui avez les premiers appuyé sur le bouton !

    M. le président. Laissez Mme Greff parler : elle est la seule à s’exprimer dans cet hémicycle. Et je lui accorde vingt-trois secondes supplémentaires, parce que vous l’en empêchez.

    Mme Claude Greff. Merci, monsieur le président.
     
    Vous nous annoncez le mariage pour tous, madame la garde des sceaux ; il est déjà acquis à vos yeux. Vous en avez fait un argument électoral, et c’est bien cela qui nous déçoit. Vos arguments pour répondre à la demande des homosexuels passent au second plan, derrière votre devoir de soutenir l’une des promesses du Président, promesses que bien souvent, d’ailleurs, il ne sait pas tenir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Vous devez maintenant nous indiquer les tenants et les aboutissants de votre volonté de changer de civilisation. Sous le principe de l’union reconnue pour chaque couple sans différence de sexe, vous engagez notre société dans un changement fondamental, préoccupant pour bien des Français. Vous ne voulez pas l’entendre ; vous ne voulez même pas l’avouer.
     
    D’ailleurs, les homosexuels ne sont pas tous favorables à votre texte.

    Mme Elisabeth Pochon. Ce n’est pas une obligation de se marier !

    Mme Claude Greff. C’est bien la question essentielle de la connaissance de ses origines qui est remise en cause dans votre texte, car l’abolition dans la loi de la différence des sexes et de l’engendrement va à l’encontre de l’universalité des individus face à la différence des sexes. Aucune loi ne pourra nous affranchir de la logique de notre condition et de la raison qui nous fonde à vivre.
     
    Alors, vous refusez le débat avec les Français, vous refusez le référendum, vous refusez d’entendre les spécialistes qui s’opposent à votre projet.
     
    Vous divisez la France et cataloguez les Français : les pour et les contre, les tolérants et les homophobes, les égalitaristes et les sectaires, les progressistes et les conservateurs.
     
    Non, madame la garde des sceaux, je ne suis pas homophobe ! Non, je ne suis pas sectaire ! Non, je ne suis pas conservatrice ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Michel Issindou. Si peu !

    Mme Claude Greff. Oui, le mariage, c’est plus que l’union ! Oui, le mariage, c’est le droit à l’adoption ! Oui, le mariage, c’est le droit à la procréation ! Oui, le mariage, c’est davantage qu’une cérémonie en mairie !
     
    Oui, le mariage c’est une responsabilité mutuelle entre un homme et une femme, et envers leurs descendants ! Oui, le mariage civil prévoit la complémentarité homme-femme !
     
    C’est essentiellement parce que l’enfant a besoin d’un père et d’une mère. Notre droit s’appuie donc sur cette réalité naturelle, et considère que l’altérité homme-femme est une référence indispensable à la bonne croissance psychologique, affective et humaine de l’enfant.
     
    Oui, être père, c’est être géniteur ! Oui, être mère, c’est être génitrice  ! Oui, être un couple marié, c’est assumer la responsabilité de père et de mère, et s’engager ensemble vis-à-vis de son enfant !

    Mme Elisabeth Pochon. C’est incroyable ! Inacceptable !

    Mme Claude Greff. Vous ne parlez pas de la procréation dans votre texte, mais c’est pour l’introduire dans une autre loi, qui nous sera présentée dans quelques mois. Car votre intention est bien de ne pas vous arrêter à l’union et à l’adoption, avouez-le !
     
    Vous revenez sur le principe et la définition du père et de la mère. Vous ne regardez que le rôle social des parents.
     
    Non, l’enfant n’est pas un droit, mais l’enfant a des droits ! Oui, un enfant est en droit de connaître ses origines ! J’ai rencontré trop de personnes qui, toute leur vie durant, n’ont cessé de rechercher leurs origines. Trop de souffrances, trop de questions, trop de doutes pour se construire et se reconnaître comme un être à part entière dans notre société !
     
    Même si les Français ont évolué sur le principe selon lequel deux personnes du même sexe peuvent s’unir pour vivre et partager leur vie, il ne faut pas oublier que l’égalité ne peut être que de principe. Cette égalité ne signifie pas que tous les individus doivent être traités de la même façon . En revanche, si des différences sont possibles, elles doivent être justifiées par des critères objectifs.
     
    Deux hommes ou deux femmes, malgré tout l’amour qui les nourrit, ne pourront jamais avoir un enfant ensemble. La nature ne nous donne pas une égalité de fait . (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. le président. Je vous en prie !

    Mme Claude Greff. Attention : cette absence d’égalité ne signifie pas une anormalité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont des distinctions. Vous dites être fiers de ce que vous faites ; moi, je dis : soyons fiers de nos différences !
     
    Quoi que vous disiez, bien des couples homosexuels voudront des enfants. Il leur faudra bien faire appel à une personne extérieure pour assumer cette procréation, que ce soit par la PMA ou grâce à une mère porteuse. Quelle sera le rôle de cette dernière, sa responsabilité, sa place dans la famille ? Aucune ! Vous donnerez donc un parent anonyme à ces enfants.
     
    Je défends et revendique l’union civile, mais refuse votre texte mal conçu, insincère et clivant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Madame la garde des sceaux, vous pouvez vouloir changer avec votre loi la nature de la création des hommes, mais la nature ne changera pas avec votre loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
  • E. Guigou (30 janvier)

    31 janvier 2013

    Mme Élisabeth Guigou.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, j’ai cinq minutes – c’est court – pour dire d’abord mon indignation devant les propos que j’ai entendus hors de cet hémicycle depuis des mois, et dans cet hémicycle entre hier et aujourd’hui. Ce n’est pas le cas de tous, je le reconnais, et certains propos ont été plus modérés que d’autres.

    M. Michel Issindou. Assez peu !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Mais dans l’ensemble, ce furent travestissements, amalgames, procès d’intention et hypocrisies. Mesdames et messieurs de l’opposition, j’aurais cru, et l’ai même déclaré dans la presse hier, que les leçons du PACS avaient été retenues.

    M. Hervé Mariton. Et votre promesse ?

    Mme Élisabeth Guigou.

    Il y a quinze ans, on avait entendu au sujet du PACS des horreurs du style « le retour à la barbarie », « la nation n’a pas à encourager les déviances », « les tantes vont pouvoir se marier », « pourquoi pas avec son chien »…

    M. Hervé Mariton. Nous sommes en 2013 !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Quelques années après avoir proféré ces horreurs, la droite s’étant ralliée au PACS et l’ayant même amélioré après avoir proféré ce genre d’horreurs, je pensais que nous aurions un débat plus apaisé et plus serein.
     
    Or qu’ai-je entendu ? Des attaques incessantes contre la garde des sceaux, qui m’ont rappelé la tonalité de nos débats il y a quinze ans ! Des amalgames odieux ! Et même un ancien Premier ministre tout à l’heure a osé, comme d’autres avant lui, instrumentaliser mes propos !
     
    Non, le PACS n’avait rien à voir avec la famille : c’était seulement la reconnaissance, pour la première fois dans notre droit, de l’existence des couples homosexuels, que cela vous plaise ou non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    C’est encore ce qu’il nous faut accepter aujourd’hui : une reconnaissance plus forte, par un acte plus engageant encore, le mariage et non un simple contrat d’union civile, de ces couples de même sexe qui existent, s’aiment et ont envie d’élever ensemble des enfants.

    M. Hervé Mariton. Reniement !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Il me reste deux minutes pour donner les raisons qui me poussent à soutenir ce texte. Le débat actuel est différent ; il épouse les évolutions de la société (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il faut savoir regarder en face la réalité des familles homoparentales…

    M. Jean-Frédéric Poisson. Pas avant ?

    M. le président. Allons, monsieur Poisson ! Vous allez obliger M. Mariton à faire un rappel au règlement pour vous faire taire !

    Mme Élisabeth Guigou.

    S’ils veulent faire un rappel au règlement, allons-y !

    M. le président. Mais non, madame Guigou. Poursuivez.

    Mme Élisabeth Guigou.

    Ils renoncent, très bien !

    M. Laurent Furst. Ce n’est pas vous qui présidez !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Il faut admettre la situation douloureuse de ces couples de plus en plus nombreux, hétérosexuels ou homosexuels, qui élèvent un enfant mais dont un seul des deux membres est un lien juridique avec lui, soit qu’il l’ait conçu biologiquement, soit qu’il l’ait adopté en étant célibataire.

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Merci, Élisabeth !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Certains de ces couples veulent renforcer leur engagement, être reconnus par la société et, comme beaucoup de couples hétérosexuels, passer du PACS au mariage. Je considère depuis longtemps que la volonté de deux adultes consentants doit être respectée, car cela ne gène personne et que c’est une question de liberté.
     
    Il est vrai qu’au sujet de l’adoption, j’ai beaucoup réfléchi, et j’ai hésité. Et pourquoi ai-je évolué ? Justement parce que j’ai considéré le droit des enfants, l’intérêt des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis treize ans, j’ai rencontré des associations et vu des familles, homoparentales ou hétérosexuelles, dans lesquelles l’un des parents n’avait aucun lien juridique avec l’enfant : en cas de séparation ou même dans la vie quotidienne, comme l’a très bien dit Marie-George Buffet, lorsqu’il s’agit d’accompagner un enfant à l’école ou à l’hôpital, ce parent n’a aucun droit. Cette situation est intolérable, et il faut y remédier.
     
    Si nous voulons protéger ces enfants de la violence de séparations qui leur sont imposées, il faut permettre la permanence du lien entre ces enfants et les deux parents qui les élèvent.
     
    Oui, c’est eu égard à l’intérêt et au droit des enfants que je soutiens, madame la garde des sceaux, le texte que vous nous présentez, car il protège davantage ces enfants élevés dans des familles homoparentales ou des familles recomposées.
     
    Il faut dire aussi que notre droit autorisait une certaine hypocrisie : un célibataire pouvait adopter, mais pas un couple de même sexe, alors même qu’un couple est un gage de stabilité.
     
    J’ai toujours considéré que les enfants pouvaient être aussi bien – ou aussi mal – élevés par un couple homosexuel que par un couple hétérosexuel. Mais ce qui m’a déterminée au bout du compte, c’est que votre projet de loi n’annule pas la différence des sexes, qui est fondamentale.

    M. Hervé Mariton. Ah ! l’article-balai !

    Mme Élisabeth Guigou.

    Cette altérité est constitutive de l’humanité et elle est indispensable pour construire l’identité de l’enfant, quand bien même elle est d’ordre symbolique.
     
    C’est donc parce que votre projet de loi n’annule pas la différence des sexes que je le soutiens. Mais il faudra voir ce que l’on écrira dans les livrets de famille : là aussi, il faudra veiller à ne pas annuler la différence des sexes, comme dans les textes qui découleront de la loi.
     
    Je veux féliciter, pour conclure, la ministre de la justice, qui a su défendre la cohérence de ce projet de loi, mais aussi le rapporteur et le président de la commission des lois, qui ont su organiser des auditions exhaustives et équilibrées. Enfin, madame la ministre de la famille, soyez assurée de mon soutien à votre projet de loi sur les droits des différentes familles, car il y a bien plusieurs formes de famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
  • D. Fasquelle (30 janvier)

    31 janvier 2013

    M. Daniel Fasquelle.

    Madame la garde des sceaux, alors que les débats s’ouvrent dans notre enceinte sur le projet de loi ouvrant le mariage à deux personnes de même sexe, permettez-moi de m’interroger sur vos intentions. On nous a présenté au départ un texte sur le mariage et l’adoption : pas de procréation médicalement assistée, et jamais, au grand jamais, il ne saurait être question de gestation pour autrui, qui est, comme le dit fort justement Marisol Touraine, ministre de la santé, la marchandisation pure et simple du corps humain.

    M. Michel Issindou. C’est ce qu’elle a dit !

    M. Daniel Fasquelle.

    Seulement voilà, c’est la vertu de ce débat, petit à petit les masques tombent. Il y a eu tout d’abord la tentative d’une partie du groupe socialiste d’introduire la PMA dans le texte ; s’il a été fait machine arrière, tout le monde a compris que c’est pour y revenir très bientôt, dans un texte sur la famille, qui nous sera, dit-on, soumis au printemps.
     
    Il y a aussi, madame la garde des sceaux, votre circulaire de vendredi dernier sur la gestation pour autrui.

    M. Michel Issindou. Et allez !

    M. Daniel Fasquelle.

    Incroyable circulaire ! Je veux y revenir, et d’abord sur la méthode. En tant que parlementaires, nous votons la loi mais nous avons aussi à contrôler l’action du Gouvernement. Vous avez pris la parole hier à plusieurs reprises : à aucun moment vous n’avez mentionné cette circulaire. C’est du mépris à l’égard de notre institution. Comment ouvrir un débat pareil sans faire mention de cette circulaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
     
    De même, ce document a été signé vendredi, au moment où le Président de la République recevait les organisateurs de la manifestation pour tous, pour les rassurer : « Dormez tranquilles, mes enfants, Papa Hollande s’occupe de tout ! » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Philippe Gosselin. Papa Hollande nous endort !

    M. le président. Attention, s’il vous plaît !

    M. Daniel Fasquelle.

    « Bien évidemment, il n’y aura pas de PMA, pas de gestation pour autrui. » Au même moment, Mme la garde des sceaux, dans son cabinet, signait une circulaire qui légalise en France la gestation pour autrui. Là aussi, quel mépris à l’égard des Français, à l’égard de ceux qui ont manifesté le 13 janvier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)
     
    Je voudrais revenir également sur les engagements du Président de la République, puisqu’on nous dit que c’est en tant qu’engagement du Président que le mariage pour tous doit être mis en place.

    M. Bernard Roman. Ça change avec la législature précédente !

    M. Daniel Fasquelle.

    Dans ce cas, permettez-moi de revenir sur les engagements du Président à propos de la gestation pour autrui.

    M. Bernard Roman. Il n’y a aucun engagement sur la GPA !

    M. Daniel Fasquelle.

    Le 27 février 2012, dans le magasin Têtu, le Président dit la chose suivante : « Je suis hostile à la GPA. » On lui demande alors s’il serait néanmoins favorable à la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger – c’est bien notre sujet et celui de la circulaire. François Hollande répond : « Vous imaginez bien que si j’ouvrais cette question-là, cela pourrait être finalement une facilité donnée à la gestation pour autrui. »

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et voilà !

    M. Daniel Fasquelle.

    François Hollande, quand il était candidat, avait clairement dit qu’il n’était pas favorable à la légalisation de la GPA à l’étranger ; c’est pourtant ce que vous faites aujourd’hui. On voit bien qu’il y a deux poids et deux mesures : certains engagements doivent être respectés, d’autres non. On ne comprend rien à votre démarche. En tout cas, si vous voulez respecter tous les engagements de François Hollande, respectez celui-là aussi et retirez, madame la garde des sceaux, votre circulaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Je souhaite m’arrêter un instant sur le contenu de cette circulaire. Il ne faut pas mentir aux Français ni à la représentation nationale. On nous dit qu’il ne s’agit que de la délivrance d’un certificat de nationalité. Or il faut pouvoir accéder à la nationalité, et on y accède lorsque le lien de filiation est reconnu. C’est l’article 18 du code civil : « Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français. » Or, pour passer par le canal de l’article 18, il faut bien reconnaître cette paternité par rapport au droit français, et donc en réalité reconnaître la gestation pour autrui. Que vous le vouliez ou non, votre circulaire, c’est bien la reconnaissance de la gestation pour autrui à l’étranger.

    M. Philippe Gosselin. Évidemment ! Personne n’est dupe !

    M. Daniel Fasquelle.

    Ne mentez donc pas, et dites clairement les choses aux Français et à la représentation nationale !
     
    On nous réplique encore que c’est hors sujet, que cela n’a rien à voir avec ce projet de loi. Nous sommes au contraire au cœur du sujet, car que va-t-il se passer demain ? Comme l’a dit François Hollande, la légalisation de la gestation pour autrui à l’étranger sera un encouragement à la GPA. Davantage de couples iront à l’étranger pour y recourir ; à leur retour en France, la paternité sera reconnue pour l’un d’entre eux. S’ils ne sont pas encore mariés, ils le seront, et, par l’adoption plénière, on aura créé une double filiation, et définitivement coupé le lien avec la mère naturelle. C’est ce que nous ne voulons pas et ce que vous voulez. Votre circulaire, c’est bien la légalisation de la gestation pour autrui, et, ajoutée à votre projet de loi, c’est une machine que vous mettez en marche,…

    M. Philippe Gosselin. Une machine infernale !

    M. Daniel Fasquelle.

    …même si vous voulez nous faire croire le contraire.
     
    Un pas a été franchi, avec une situation invraisemblable et de la plus grande hypocrisie. D’un côté, vous rappelez que la gestation pour autrui est interdite en France et, de l’autre, vous faites produire des effets en droit français à la GPA réalisée à l’étranger.
     
    En conclusion, avec votre projet de loi, vous allez beaucoup trop loin ; vous méprisez les droits des enfants et des femmes ; c’est la porte ouverte à la PMA et à la gestation pour autrui. Il y a pourtant une autre voie, mais vous ne voulez pas écouter et je regrette que, ni en commission ni dans cet hémicycle, nous ne parvenions à avoir ce débat. Il y a une voie qui permet une meilleure reconnaissance des couples homosexuels : nous avons entendu leur souhait et nous avons proposé l’alliance civile. Il y a une voie qui permet de conforter les droits des enfants vivant dans des familles homoparentales. Il y a une voie moyenne…

    M. Philippe Gosselin. Ils n’en veulent pas ! Ils veulent cliver !

    M. Daniel Fasquelle.

    …entre la situation actuelle, qui n’est certes pas satisfaisante, et ce que vous proposez, qui ne l’est pas davantage. Cette voie, c’est celle de l’équilibre, de l’écoute, de la raison. Mes chers collègues, il n’est pas trop tard : empruntons cette voie ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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