Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • Bruno Leroux (29 janvier)

    30 janvier 2013

    M. Bruno Le Roux.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, nous y voilà : dès cet été, deux hommes vont pouvoir se dire oui devant leur maire, dès cet été, deux femmes pourront se dire oui devant leur maire, et contrairement à ce que certains voudraient faire croire, cet été, un homme et une femme pourront toujours se dire oui devant leur maire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Régis Juanico. En effet !

    M. Bruno Le Roux.

    Dès cet été, deux hommes comme deux femmes pourront adopter ensemble un enfant, et contrairement à ce que certains prétendent, un homme et une femme pourront alors toujours adopter ensemble.

    M. Yves Nicolin. C’est moins vrai.

    M. Hervé Mariton. Il y aura moins d’enfants à adopter !

    M. Bruno Le Roux.

    Vous ramenez simplement cette question à la loi de l’offre et de la demande, mais cela améliore déjà la façon dont vous prenez en compte ce texte, monsieur Mariton !

    M. le président. Monsieur Mariton, vous avez eu largement la parole tout à l’heure. Laissez l’orateur s’exprimer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux.

    La vérité est d’une simplicité déconcertante : le mariage pour tous est une loi qui va faciliter la vie de ceux qui s’aiment. Oui, elle est une loi d’égalité, une loi qui renforce la France et les familles. Elle adapte le code civil à ce que sont les Français et leurs aspirations. Elle permet d’ouvrir les yeux sur ce qu’est devenue notre nation, sur la diversité des cellules familiales qui la composent. Elle permet aussi à chacun d’opter pour le cadre juridique qui lui correspond. Elle protège tous les enfants de France sans exception, n’opère pas de tri entre eux, ne distingue pas ceux qui seraient dignes d’être protégés et ceux qui ne le seraient pas. La vérité est évidente : c’est le mariage pour tous qui protège les enfants et non pas ceux qui s’obstinent à le caricaturer.
     
    Plus de dix ans après le PACS, il était temps que la France rattrape son retard sur tant de ses voisins européens qui, dans le calme et la concorde nationale, ont permis aux couples homosexuels de disposer des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Mais notre pays a la passion du déchirement : ce qui relève de l’évidence hors de nos frontières déchaîne souvent les divisions, les fantasmes et les angoisses. Pays-bas en 2001, Belgique en 2003, Espagne et Canada en 2005, Afrique du Sud en 2006, Suède en 2009, Portugal, Islande et Argentine en 2010, Grande-Bretagne et France en 2013 : le mariage pour tous correspond à un progrès historique qui construit des sociétés plus tolérantes et plus solidaires, il va dans le sens de l’histoire…

    M. Philippe Gosselin. Quelle histoire et quelle chance !

    M. Bruno Le Roux.

    …et surtout de l’évolution sociétale.
     
    Chers collègues, disons les choses clairement : la droite accuse la gauche de céder à un prétendu lobby gay.
     
    Mais qui sont les homosexuels en France ? Nos voisins, nos cousins, nos frères, nos parents, nos collègues, les enseignants de nos enfants, nos copains, nos coéquipiers, et ils aspirent simplement à vivre juste comme tout le monde. Faut-il les priver de ce droit ? Dans notre pays, l’homophobie demeure une réalité incontestable. Au travail, à l’école, dans la rue, au stade, être homosexuel peut encore être un calvaire. Je pense en particulier à tous ces jeunes, filles ou garçons, qui, dans nos villes ou nos campagnes, sont contraints de cacher ce qu’ils sont, à ceux qui ne peuvent déclarer leur orientation sexuelle qu’au péril des amitiés, des affections, des liens tissés au fil des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)Un chiffre suffit à révéler la prégnance du problème : un homosexuel sur quatre a été victime d’une agression physique au cours des dix dernières années ! L’homophobie tue dans notre pays ! Il ne faut pas avoir peur de le voir et de le dire.

    Un député du groupe UMP. Hors sujet !

    M. Jean-Claude Perez. C’est le sujet !

    M. Bruno Le Roux.

    Le taux de suicide chez les homosexuels en est une illustration particulièrement inquiétante, et ce qui est vrai en France l’est plus encore dans le reste du monde. À cet égard, je tiens à saluer l’initiative courageuse du Président de la République qui, le 25 septembre 2012, devant l’Assemblée générale des Nations unies, a plaidé pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Être homosexuel est encore passible de la peine de mort dans de nombreux États. Les récents débats en Ouganda montrent à quel point les homosexuels peuvent encore être pris pour cibles de manière odieuse. À ce propos, alors qu’il y avait tout à l’heure des prières à côté de chez nous, sur la place Édouard-Herriot, la récente rencontre entre le pape Benoît XVI et Rebecca Kadaga, présidente du parlement ougandais et supportrice acharnée d’une loi violemment antigay est du plus mauvais goût. Ne confondons pas les faits et les opinions, et regardons la vérité telle qu’elle se présente à nous. En France comme dans le reste du monde, l’homosexuel n’est pas un danger, c’est lui qui est bien trop souvent en danger.

    M. Hervé Mariton. Cela n’a rien à voir ! Quel amalgame !

    M. Bruno Le Roux.

    Parce que cela vous gêne, monsieur Mariton, et que vous savez où conduit le débat tel que vous le concevez, Erwann Binet vous l’a rappelé tout à l’heure.

    M. le président. Monsieur Mariton, vous n’avez pas la parole. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous vous êtes déjà largement exprimé à la tribune. Chacun écoute les différents intervenants. M. Gosselin, l’intervenant suivant, pourra répondre s’il le souhaite, mais ne harcelez pas chaque orateur qui monte à la tribune ! (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Monsieur Le Roux, veuillez poursuivre.

    M. Bruno Le Roux.

    Monsieur Mariton, je suis très calme et rien ne me détournera de ce que j’ai envie de vous dire quant à la façon dont vous posez ce débat aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    La plupart des parlementaires de l’opposition savent que le mariage pour tous correspond à ce qu’est devenue la société française, ils savent que le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels constituent un progrès indispensable et que sans ce projet de loi, plusieurs milliers d’enfants élevés par des couples homosexuels continueront à pâtir d’un vide juridique insensé. Ils savent aussi très bien qu’en cas d’alternance, ils ne remettraient pas en cause ce texte, n’en changeraient pas une ligne. C’est tellement vrai que leurs collègues conservateurs britanniques, qui ne sont pourtant pas connus pour être les plus progressistes d’Europe, vont, eux aussi, faire adopter une loi autorisant le mariage pour les couples homosexuels. Mais, en France, la droite est toujours empêtrée dans ses contradictions : derrière les jérémiades, les cris d’orfraie, il n’y a rien d’autre qu’une mise en scène assez hypocrite, et les envolées lyriques d’un Henri Guaino qui imite André Malraux aussi bien que Nicolas Sarkozy imitait le général de Gaulle n’y changeront rien. C’est le bal des hypocrites de la part de ceux qui ne reviendront sur rien de ce que nous faisons ici ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.))

    M. Philippe Gosselin. C’est minable de dire ça !

    M. Bruno Le Roux.

    Je rappelle tout de même qu’il n’y a ni surprise ni reniement de notre part : le texte examiné aujourd’hui est la transposition de l’engagement n° 31 du candidat Hollande lors de la campagne présidentielle. Depuis il est devenu Président, l’engagement est tenu.
     
    Si le mariage pour tous représentait une telle menace pour la société française, si, comme on nous le dit depuis des semaines, les fondements de notre société devaient soudainement s’effondrer sous les coups de butoir d’une gauche irresponsable et suicidaire, comment expliquer que Nicolas Sarkozy lui-même n’ait pas une seule fois évoqué ce grand péril lors des débats de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle ?
     
    Madame la garde des sceaux, avec cette loi, le Gouvernement et la majorité de gauche engagent une nouvelle rupture avec l’ère Sarkozy. Alors que la logique précédente privilégiait les particularismes et se complaisait dans l’hypersegmentation de la société française, nous faisons le choix d’unifier, de rassembler, de réconcilier les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.) Malheureusement, certains à droite dans cet hémicycle – on les entend – ne savent plus fonctionner sans mise en tension permanente de la société, sans hystérisation de la discussion. Ainsi, après un long débat en commission et malgré la volonté du Gouvernement de ne pas recourir à la procédure d’urgence ni au temps législatif programmé, l’opposition a agi de manière stérile en déposant plus de 5 300 amendements. Les 116 heures de débats prévus ne les intéressent pas, ou si peu qu’ils préféreraient qu’elles se transforment en référendum. Ce qu’ils recherchent, c’est l’obstruction, l’enlisement des discussions et ainsi l’affaiblissement de l’appareil politique. Dans un moment grave pour notre pays, les Français méritent mieux que ces petits jeux tactiques et que le bal des hypocrites sur ce texte ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
     
    Chers collègues, ce texte interroge également notre conception de la politique. Devons-nous épouser les instincts, les peurs, les angoisses ? Devons-nous craindre la vindicte de ceux qui considèrent l’homosexualité comme une abomination ?

    M. Philippe Le Ray. C’est lamentable de dire une chose pareille !

    M. Benoist Apparu. C’est d’un sectarisme !

    M. Bruno Le Roux.

    Devons-nous, au nom d’un apaisement qui ne serait rien d’autre qu’un renoncement, renier nos convictions et abandonner une loi d’égalité et de justice ? Le groupe SRC pense qu’au contraire il revient aux responsables politiques de faire ce qu’ils croient, de défendre ce qu’ils estiment juste, de convaincre, d’élever et d’éclairer le débat.
     
    Le champ économique et social n’est pas le seul où nos concitoyens attendent une parole politique forte, capable de faire bouger les lignes et de nous sortir de la crise. Le volontarisme politique, les Français l’attendent aussi dans le champ sociétal. Nous devons tous être conscients, à gauche comme à droite, que nous ne devons pas avoir peur de faire ce que nous pensons juste pour la société : offrir de nouvelles sécurités aux Français, aux couples et aux enfants de ce pays.
     
    Chers collègues, j’en termine.

    M. Gérald Darmanin. Enfin !

    M. Bruno Le Roux.

    De l’édit de Nantes à la loi sur le mariage pour tous, le destin de la France s’est forgé dans la construction d’une identité originale. Cette identité se caractérise par la recherche permanente de la conciliation de l’égalité et du respect des différences. Le mariage pour tous s’inscrit dans cette prestigieuse lignée.
     
    Nous sommes donc fiers d’apporter notre soutien à un texte qui correspond à ce qu’est la République française, à ses valeurs et à ses aspirations séculaires. C’est une loi de liberté, d’égalité, de fraternité. Tout comme il n’est pas nécessaire d’être noir pour lutter contre le racisme ou d’être femme pour combattre le sexisme, il n’est pas nécessaire d’être homosexuel pour lutter contre l’homophobie. C’est ce que nous faisons et c’est en cela que ce texte est un grand texte de fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
     
    Madame la garde des sceaux, après Simone Veil et Robert Badinter, vous vous apprêtez à prolonger la lignée glorieuse des ministres qui transforment la République et régénèrent son projet. Vous pouvez compter sur le groupe SRC pour accompagner votre énergie et votre force de conviction.
     
    C’est une loi pour la famille ; c’est une loi qui adapte le code civil aux évolutions de la société française ; c’est une loi qui consacre dans notre système juridique l’amour homosexuel et son droit à la normalité. Oui, je le dis parce je sais que c’est ce qui gêne sur une partie des bancs de cet hémicycle.

    M. Hervé Mariton. Enfin, stop !

    M. Bruno Le Roux.

    En faisant cela, nous ouvrons la voie à une société plus tolérante, plus juste et plus forte.

    M. Philippe Gosselin. Quel amalgame !

    M. Bruno Le Roux.

    Mes chers collègues, je vous demande de saisir cette opportunité ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
  • Bernard Roman (29 janvier)

    30 janvier 2013
    M. Bernard Roman. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, je n’ai pas très envie, à cette heure, de reprendre des arguments qui ont été répétés avec talent par les différents orateurs qui se sont exprimés à cette tribune. Certains arguments de la droite, que je ne partage absolument pas par ailleurs, sont parfois même présentés avec quelque talent, je veux bien le reconnaître. Cela dit, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur ce que vous, la droite, voulez et pensez réellement.

    M. Christian Jacob. La réciproque est vraie !

    M. Bernard Roman. Nous avons deux semaines pour le découvrir. Quoi qu’il en soit, sur le fond, je sens un malaise dans vos propres rangs – chez vos militants, et vous-mêmes quelquefois. Ce malaise s’exprime lorsque vous regrettez l’utilisation de telle ou telle formule par tel ou tel… Lorsqu’il est question, s’agissant de mes propos ou de ceux de M. Le Roux, de quelque chose comme l’homophobie… (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Daniel Fasquelle. Arrêtez avec ça !

    M. Bernard Roman. Cela nous ramène à ce que nous avons connu il y a une quinzaine d’années.
     
    J’entends également des militants de l’UMP et des collaborateurs du groupe UMP, un peu plus jeunes que la moyenne d’entre nous…

    M. Philippe Gosselin. Qu’est-ce que c’est que ce donneur de leçons ?

    M. Bernard Roman. Je ne suis pas donneur de leçons, j’essaye simplement d’analyser, monsieur Mariton !

    M. Hervé Mariton. Mais je n’ai rien dit !

    M. Bernard Roman. J’analyse par exemple les sondages, qui disent des choses différentes. De 50 % à 63 % des Français seraient ainsi pour l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.

    M. Hervé Mariton. Et contre l’ouverture de la filiation !

    M. Bernard Roman. Mais tous les sondages s’accordent sur une chose : les jeunes de moins de trente ans sont massivement – au-delà de 70, voire 80 % – pour le texte que nous présentons aujourd’hui. Je suis désolé de vous dire que, quelle que soit votre position, une part de ces jeunes de moins de trente ans – 40, 45 ou 50 % d’entre eux – ont voté pour Nicolas Sarkozy aux dernières élections présidentielles. Votre malaise vient sans doute de là ! Il est difficile de s’opposer à un texte de progrès, correspondant à l’évolution de la société et soutenu par la jeunesse, et en même temps d’assumer sa couleur politique.

    M. Daniel Fasquelle. Absolument pas !

    M. Christian Jacob. Je vous remercie, ça va très bien pour nous !

    M. Bernard Roman. Ce malaise se ressent à l’écoute des arguments que vous utilisez.

    M. Christian Jacob. Vous, vous n’en avez pas, d’arguments !

    M. Bernard Roman. Vous avez commencé par lancer un débat sur le débat : cela évite de parler du fond. Ensuite, vous avez lancé un débat sur l’organisation d’un référendum, selon vous nécessaire, bien que vous sachiez parfaitement qu’un tel référendum est impossible.

    M. Hervé Mariton. Rendez-le possible !

    M. Bernard Roman. À présent vous inventez des débats fantasmagoriques sur la GPA. Il n’y a pas un député dans cette assemblée qui se soit jamais prononcé en faveur de la GPA ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    Plusieurs députés du groupe UMP. Et la garde des sceaux ?

    M. Bernard Roman. Vous êtes obligés de chercher des personnes extérieures à cette assemblée, car il n’y a pas un seul député qui se soit prononcé pour la GPA. (Protestations persistantes sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
     
    Vous évoquez les amendements à venir. À votre place, je ne les évoquerais pas avant de les avoir tous lus. Je ne donne de leçons à personne, mais j’ai du mal à comprendre que les élus du Front national et quelques élus de l’UMP soient cosignataires de plusieurs amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Bruno Le Roux. Très bien !

    M. Bernard Roman. Vous pouvez continuer à nous dire qu’il n’y a aucun relent d’homophobie dans votre position…

    M. Hervé Mariton. Ce qui est vrai !

    M. Bernard Roman. …et que vous êtes tous d’accord, et applaudir plus ou moins mollement quelques expressions entendues à cette tribune. Mais lorsque, dès demain, vous devrez voter les amendements, voterez-vous tous, par exemple, l’amendement consistant à déporter des mariages homosexuels d’une commune à une autre parce qu’un maire ne souhaite pas marier des homosexuels dans sa commune ? Le ferez-vous ? Voterez-vous cet amendement signé par des élus de l’UMP ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Le Président de la République lui-même a reconnu ce droit !

    M. le président. Mes chers collègues, les débats se sont bien passés jusqu’ici. Veuillez retrouver votre calme.

    M. Bernard Roman. Voterez-vous les amendements cosignés par des élus du Front national et quelques élus UMP, mais pas par le reste du groupe ? J’attends vos explications sur ce cas de figure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
     
    M. Bernard Roman. Je conclus, puisqu’il ne me reste que quelques minutes.
     
    Il y a tout de même un véritable aveuglement à ne pas voir l’évolution de la société. Vous vous référez constamment à notre histoire, au modèle originel du mariage, qui serait resté le même depuis 1804 et le code napoléonien. Mais vous oubliez ce que le mariage était dans le code napoléonien !

    M. Hervé Mariton. On ne propose pas d’y revenir !

    M. Bernard Roman. Puis-je vous rappeler que le code Napoléon précise, dans son article 1124, que les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux ? Si ce mariage prévu dans le code napoléonien n’avait pas subi une multitude d’évolutions depuis 1804, la société ne serait pas celle que nous connaissons aujourd’hui ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
     
    Nous proposons tout simplement une évolution supplémentaire de cette conception du mariage.

    M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas un argument !

    M. Bernard Roman. Mais les œillères vous empêchent de voir l’avenir !

    M. Daniel Fasquelle. Pas du tout !

    M. Bernard Roman. Les œillères vous empêchent de voir que la gauche n’a pas le visage de Bruno Le Roux, comme le disait M. Gosselin tout à l’heure : elle a le visage de la République, et la République c’est la liberté, l’égalité et la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
  • Véronique Besse (29 janvier)

    30 janvier 2013

    Mme Véronique Besse.

    Monsieur le Président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons, s’il était adopté, bouleverserait totalement les fondements de notre société. Vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, il s’agit d’une réforme de civilisation. Ce bouleversement est-il souhaitable ? Comme des millions de Français, je ne le crois pas.
     
    Il n’est pas souhaitable, d’abord, parce qu’il aboutira à la dénaturation du mariage. Comme vous le savez parfaitement, le mariage n’a jamais été la reconnaissance sociale d’un sentiment entre deux personnes, aussi fort soit-il. Ce sentiment ne justifie pas, à lui seul, le mariage. Le mariage ne saurait non plus se définir comme une niche fiscale : on ne se marie pas pour bénéficier d’avantages fiscaux. On se marie parce que l’on veut, tout simplement, se construire un avenir.
     
    Le mariage est bien plus qu’un contrat, c’est une institution multiséculaire reposant sur l’altérité homme-femme, qui est destinée à assurer la continuité et la stabilité de la société. C’est sur cette famille naturelle que reposent toutes les sociétés du monde. L’institution du mariage est la reconnaissance juridique de l’alliance entre un homme et une femme pour la pérennité de la société à laquelle ils appartiennent.
     
    Deuxième enjeu majeur : ce projet ne prend pas en compte l’intérêt de l’enfant. C’est sans doute le point le plus fondamental. Votre projet de loi est décalé : il a été conçu par des adultes pour des adultes, sans tenir compte des besoins de l’enfant. Il a été conçu par un gouvernement et une majorité parlementaire pour répondre aux revendications de lobbies ultra-minoritaires, dans lesquels la grande majorité des couples homosexuels ne se retrouvent pas. En dernière analyse, les otages de ce texte, ce sont les enfants. Vous privilégiez le désir d’enfant par rapport aux droits de l’enfant. Le priver par anticipation du bénéfice de l’altérité sexuelle de ses parents n’est conforme ni à sa nature, ni à son intérêt. Cela revient à exposer volontairement sa personnalité à des difficultés d’identification et de structuration. Si le mariage civil prévoit la complémentarité homme-femme, c’est essentiellement parce que l’enfant a besoin d’un père et d’une mère.

    M. Bernard Roman. Et ceux qui n’en ont pas ?

    Mme Véronique Besse.

    Comme les millions de Français qui demandent un référendum ou qui sont opposés à ce projet de loi, nous considérons que personne ne peut s’octroyer le droit de priver un enfant d’un père ou d’une mère. C’est fondamental. C’est fondamental également pour sa filiation et ce sentiment d’appartenir à une continuité d’hommes et de femmes, qui ont souhaité un environnement, le plus stable possible, pour leur enfant.
     
    Ce projet de mariage pour tous, c’est aussi une porte ouverte. Porte ouverte, d’abord, à l’adoption par les couples homosexuels, nous l’avons déjà dit.

    M. Michel Ménard. C’est totalement faux !

    Mme Véronique Besse.

    Cela rendra plus difficile l’adoption à l’étranger pour des milliers d’autres couples, car l’autorisation d’adopter pour les couples homosexuels nous fermera la porte de l’adoption dans certains pays hostiles à ce type d’unions.
     
    C’est également une porte ouverte, au nom du droit à l’enfant, à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Vous la préparez pour mars : c’est la prochaine étape. Une fois ce texte sur le mariage adopté, plus rien ne s’opposera à la PMA. Au nom de l’égalité entre les adultes et du droit à l’enfant, elle sera sans aucun doute autorisée pour les couples de femmes.
     
    C’est une porte ouverte, enfin, à la gestation pour autrui pour les couples d’hommes. Telle est la suite logique de ce projet de loi. Au nom de quoi permettrait-on aux couples de femmes d’avoir leurs propres enfants mais pas aux couples d’hommes ? C’est d’ailleurs la revendication qu’a exprimée Pierre Bergé, dans des propos on ne peut plus choquants.

    M. Michel Ménard. Pierre Bergé n’est pas député !

    Mme Véronique Besse.

    Je le cite : « nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » On le voit bien, cette logique est sans fin.
     
    Nous n’en sommes pas là, me répondrez-vous ? Eh bien si, nous en sommes là. Après le mariage pour tous, vous l’avez annoncé, la procréation médicalement assistée sera la prochaine étape. Et la gestation pour autrui, synonyme de marchandisation du corps humain, sera la suivante, nous n’en doutons pas.

    M. Bernard Roman. Mais non ! Arrêtez de jouer la confusion !

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Tout cela est interdit en France !

    Mme Véronique Besse.

    Enfin, ce projet de loi est antidémocratique. Votre profitez de votre majorité au Parlement pour imposer cette réforme de civilisation aux Français. Vous transformez la société française en profondeur sans la consulter, sans vrai débat national. Vous refusez d’entendre les centaines de milliers de Français qui ont manifesté le 13 janvier. Vous refusez d’entendre les 220 parlementaires qui demandent également un référendum. Vous voulez faire passer ce projet contesté et contestable en catimini (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en utilisant votre majorité au Parlement.

    M. Marc Dolez. Catimini me semble un peu excessif…

    Mme Véronique Besse.

    Madame la ministre, une question : si cette réforme est aussi juste que vous le dites, pourquoi ne laissez-vous pas les Français s’exprimer ? Non, ce projet de loi n’est pas souhaitable pour nos enfants. Non, ce projet de loi n’est pas souhaitable pour notre société. Dans la période de crise que nous traversons, les Français ont besoin de repères et de stabilité. Cette réforme est une réforme d’apprentis sorciers, dont les premières victimes seront les enfants. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
  • Hervé Mariton (29 janvier)

    30 janvier 2013

    (Les passages surlignés en gras italique sont de notre fait).
    Mots clés : individualisme, matérialisme, inutilité pour la société.

    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, au nom du groupe UMP je veux d’abord et surtout m’adresser à nos collègues de la majorité pour leur dire que nous les respectons dans ce débat.

    M. Jean-Claude Perez et Mme Geneviève Gaillard. Heureusement !

    M. Hervé Mariton. Nous vous respectons, nous savons que certains d’entre vous peut-être, je pense pas très nombreux, font un choix par idéologie et que sans doute beaucoup sont de bonne foi, quelques-uns sans doute sous la pression… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Nous avons entendu et lu ce matin les déclarations de votre président de groupe qui dit à ceux qui hésiteraient qu’ils ne sont pas obligés d’être membres du Parti socialiste ou soutenus par le Parti socialiste, mais je crois que vous saurez résister à cette pression.
     
    En tout cas, l’objet de mon propos est de vous convaincre de ne pas voter ce texte…

    M. Michel Ménard. Ce n’est pas gagné !

    M. Hervé Mariton. … et de faire en sorte que ce texte, demain, ne soit pas loi de la République car je pense que ce n’est pas l’intérêt de la nation et je pense que ce n’est pas l’intérêt des enfants de France.
     
    Alors, bien sûr, ensemble, nous devons, nous pouvons, dans ce débat, respecter les Français. Respecter les Français, c’est déjà reconnaître qu’il y a d’autres enjeux, d’autres priorités, auxquelless les Français aimeraient que nous consacrions beaucoup de notre énergie.

    M. Matthias Fekl. Comme un référendum ?

    M. Hervé Mariton. Mais enfin, sur notre sujet, il y aurait une manière de respecter les Français qui serait un référendum : nous en reparlerons le mois prochain, après que, je le pense, le Sénat aura voté la loi organique qui permet d’organiser le référendum d’initiative populaire et vous ne sauriez naturellement vous opposer à cette percée, à ce progrès démocratique. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Mais, avant même de parler de référendum, regardons ensemble l’état de l’opinion. De manière assez solide nous devons le reconnaître, elle est majoritairement favorable au mariage des personnes du même sexe, et en même temps majoritairement défavorable à la filiation et à l’adoption. C’est apparemment une contradiction puisque la filiation, l’adoption, vont avec le mariage. Pour la résoudre, il y a deux choix, deux possibilités : soit la contrainte idéologique, mais vous valez mieux que cela ; soit la recherche d’une solution pragmatique et c’est l’objet de nos amendements pour le contrat d’union civile, l’alliance universelle, pour l’amélioration du droit des tiers également. En commission, j’ai même perçu que Mme le garde des sceaux, avant d’être reprise par M. le président de la commission, avait marqué quelque intérêt pour cette solution.
     
    Nous respectons les Français, nous vous respectons aussi. Nous pensons simplement qu’il est important toujours de choisir ceux qui nous inspirent : soyez attentifs, si l’on peut vous donner quelques conseils, à choisir ceux qui vous inspirent. Je lisais avant-hier une tribune de Me Mécary, avocate reconnue comme inspiratrice de l’évolution que vous portez, « le progrès » disent certains. Me Mécary n’a pas encore la certitude que ce projet de loi sera voté, qu’elle formule déjà d’autres propositions. Me Mécary, dans une démarche intéressante quant à sa conception du mariage, de la famille, fait des propositions révélatrices : Elle propose que dans le mariage on supprime la fidélité, elle propose aussi que dans le mariage on supprime la présomption de paternité.
     
    Et puis vous pouvez trouver d’autres inspirations : vous avez entendu, vous avez lu les déclarations de Sylviane Agacinski, qui marquent pour le moins peu d’enthousiasme pour le mariage des personnes du même sexe, peu d’enthousiasme pour l’adoption et la filiation, peu d’enthousiasme pour la procréation médicalement assistée et peu d’enthousiasme pour la gestation pour autrui.
     
    Est-ce que vous pensez réellement que Sylviane Agacinski ne mérite pas davantage de vous inspirer que Me Mécary ? Réfléchissez, s’il vous plaît.

    M. Bernard Roman. Il y a Élisabeth Badinter et d’autres aussi !

    M. Hervé Mariton. Il faut aussi, chers collègues, ensemble si vous le voulez bien, voir les conséquences de ce que vous pourriez voter. Ceux d’entre vous qui portent des amendements favorables à l’assistance médicale à la procréation êtes pleinement conséquents. Je ne peux pas critiquer les auteurs des amendements, je ne peux pas critiquer le président du groupe socialiste ni le Gouvernement, qui annoncent que la PMA viendra en conséquence de ce texte. Car, nous le savons, les auditions monsieur le rapporteur l’ont démontré : des adoptions internationales il n’y en aura pas, des adoptions internes il n’y en a guère. Ce texte aura essentiellement pour effet soit la régularisation de transgressions que constituent les PMA ou GPA faites à l’étranger, soit la légalisation de la PMA ou de la GPA en France.
     
    Alors, s’il vous plaît, ne cédez pas à ce qui est tout de même une facilité – et une habileté, comme dirait le président de la commission –, celle qui consiste à tronçonner la matière en deux : un projet de loi en janvier et février, un autre à peine un mois plus tard. Ni nous ni vous ne pouvons décemment être dupes de cette astuce, à moins d’en accepter la totalité des conséquences.

    M. Yannick Moreau. Bien sûr !

    M. Hervé Mariton. Bossuet disait que Dieu se rit de ceux qui se lamentent des conséquences dont ils adorent les causes. Nous en sommes exactement là.
     
    Et puis, chers collègues, vous pouvez aussi objecter à ce texte parce que vous, nous, portons, dans nos responsabilités, dans nos mandats, une ambition politique. Notre mission, c’est d’inventer plutôt que d’imiter. Quand il y a des enjeux nouveaux, des questions nouvelles, des situations différentes, faut-il absolument imiter ce qui existe, par seul respect dogmatique de l’histoire ? Ou faut-il avoir cette capacité d’inventer que nous pourrions appeler progrès ? Oui, nous, vous, devons porter des valeurs, donner du sens, plutôt que nous soumettre à une histoire implacable. N’est-ce pas pour cela que nous, vous, faisons de la politique ?
     
    Chers collègues, permettez-moi de corriger le propos de ma collègue Corinne Narassiguin. Attention aux comparaisons internationales. En France, à dire vrai, que l’on soit à gauche, à droite ou au centre, on accepte parfois qu’une réponse française soit élaborée.

    M. Matthias Fekl. Et à l’extrême droite ?

    M. Hervé Mariton. Une réponse française n’est pas interdite. Et à dire vrai, c’est une réponse qui n’est pas isolée. Le plus grand nombre de pays en Europe, le plus grand nombre de pays dans le monde, le plus grand nombre d’États aux États-Unis ne reconnaissent pas le mariage, l’adoption, la filiation pour les personnes de même sexe.
     
    Et puis, vous le savez, et c’est notre fierté, il y a une force exceptionnelle du mariage républicain en France. Vous l’avez dit cet après-midi, madame la garde des sceaux. Dans nombre de pays sur lesquels vous appuyez votre comparaison, la forme ordinaire du mariage est le mariage religieux, dans des pays qui n’ont pas, comme la France, cette belle force de la démocratie et de la République qu’est la séparation de l’Église et de l’État. Alors, je suis désolé, vos comparaisons ne tiennent pas. Et justement, la force de la laïcité en France, la force du mariage républicain, la force de la séparation de l’Église et de l’État, c’est ce qui justifie une réponse qui, en France, peut être différente de celle d’autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Michel Ménard. Ne dénaturez pas la laïcité !

    M. Hervé Mariton. Eh oui, chers collègues ! Quelle est notre vision de la famille ? Faut-il absolument que notre vision, sur ces bancs, soit différente ? Depuis des décennies, la gauche et la droite, en France, ont su porter une vision commune de la famille. La famille, comme d’autres questions de notre société, fait partie d’un consensus de la République. Il y a, dans le débat public, des sujets de division – c’est inhérent à la démocratie –, il y a aussi quelques sujets d’unité, et la famille en a longtemps fait partie. Faut-il absolument créer, sur la famille, des sujets de dispute, de clivage, de division, de rupture ? Hélas, François Hollande, dans la campagne présidentielle, a amorcé ce clivage et cette division.

    M. François Rochebloine. Et il disait vouloir rassembler !

    M. Hervé Mariton. Mais, je vous en conjure, ne persévérez pas dans cette voie !
     
    Pour lutter contre la précarité, nous voulons encourager la famille durable, la famille cellule de base de la société ,…

    M. Jean-Claude Perez. Les familles !

    M. Hervé Mariton. … la famille avec le projet – parfois difficile, parfois inaccompli – de la durée et de la transmission, utile à la société . La société reconnaît différentes sortes de conjugalité. Il peut y avoir une relation, il peut y avoir concubinage, il peut y avoir un PACS, il peut y avoir un mariage, parce que les engagements, les devoirs, les droits ne sont pas les mêmes. Alors oui, nous formons, pour les couples de même sexe, ce projet du contrat d’union civile, de l’alliance universelle, qui peut répondre de manière pragmatique aux enjeux qui sont posés.
     
    Eh oui, nous le disons, nous pensons que la solidité de la société, la solidité de la famille – toujours imparfaite – va mieux avec une définition ordinaire , qui se trouve dans la conjugaison d’une dimension naturelle et d’une dimension culturelle. Si nous étions exclusivement dans une définition naturelle, vous pourriez nous le reprocher. Si vous vous placez exclusivement dans une définition culturelle, c’est la famille, et la société tout entière, que vous fragilisez. Je crois que nous pouvons nous retrouver, nous rassembler dans cette double définition.
     
    Alors, attention. Vous dites parfois : « ce qui fait famille ». Attention à cette expression ! Attention à ce que l’on peut mettre derrière le désir d’enfant – toutes les combinaisons génétiques, je dirais presque mécaniques, que l’on peut imaginer. J’ai cité à plusieurs reprises, dans les débats en commission, monsieur le rapporteur, des papiers de la littérature scientifique. Je pense en particulier à toute une série de documents qui sont parus en 2010 , et qui traitent – il est vrai qu’il ne s’agit que d’expérimentations animales – de la capacité d’engendrer à partir de deux animaux de même sexe, sur leur propre patrimoine génétique. Où s’arrête le désir d’enfant ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. Qu’est-ce que ça a à voir ?

    M. Bernard Roman. C’est lamentable !

    M. Hervé Mariton. Et puis, attention aux faiblesses, aux dangers de la multiparentalité. Puis-je vous rappeler ce propos éclairant du laboratoire d’idées du parti socialiste, il y a à peine un an. Le laboratoire d’idées du PS valide l’homoparentalité, et, de ce fait, un plus grand nombre de parents – plus encore en cas de famille recomposée –, et il pose la question suivante, très sage et très juste : s’il y a beaucoup de parents, à combien de parents doit-on l’obligation alimentaire ? Et il répond : aux deux premiers, dans l’ordre chronologique. Est-ce cette définition-là de la famille que nous voulons ? Je ne le crois pas.
     
    Alors, c’est vrai, Terra Nova – suivie en cela par certains d’entre vous, mais pas par tous, et notamment pas par ceux qui sont le plus attachés à la dimension populaire de notre engagement politique – avait théorisé l’abandon des classes populaires, des classes moyennes, et l’addition des catégories. Mais attendez ! Ne vous arrêtez pas à cela ! Vous savez – et vous êtes attachés à cette idée – que des catégories ne fondent pas une nation. Attention à la dilution de la définition de la famille, qui l’affaiblit. À un certain moment, les moyens budgétaires, économiques, financiers ne sont plus là. Si vous avez une définition trop large de la famille, comment faites-vous pour financer la carte « Familles nombreuses », comment faites-vous pour financer la politique fiscale ?

    M. Bernard Roman. On fait comme aujourd’hui !

    M. Hervé Mariton. Enfin, chers collègues, quelle vision de la société avons-nous ? Voulez-vous privilégier l’individualisme ? Puis-je vous raconter une anecdote ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. Une rigolote, alors !

    M. Hervé Mariton. Il y a quelques mois, j’étais à Chambéry, à la permanence de l’UMP. Je discute avec une jeune femme qui explique qu’elle veut un enfant quand elle veut, comme elle veut, après avoir épanoui sa vie personnelle, professionnelle, politique. Et je lui dis : « Mais, madame, est-ce que ce n’est pas un peu égoïste ? ». Car au fond, ce qu’elle revendiquait, c’est la PMA pour elle-même, et quand elle veut. Et elle me répond : « Avec tout le temps que je donne à l’UMP, vous n’allez pas me traiter d’égoïste ! » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Jean-Claude Perez. Elle est très rigolote ! Une autre !

    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Mariton.

    M. Hervé Mariton. Eh bien, nous sommes là dans le sujet. Il y a des bornes au désir d’enfant ! Et c’est tout de même un peu paradoxal que ce soient nous, à droite et au centre, qui nous engagions contre ce danger d’individualisme et de matérialisme qui menace notre société . On pourrait s’attendre à ce que la gauche soit plus mobilisée pour faire face à ce danger de l’individualisme et du matérialisme. Le mariage, ce ne sont pas que des droits, ce sont aussi des devoirs. Ce n’est pas qu’un enjeu patrimonial, c’est bien plus que cela. C’est nécessairement un projet familial et un projet de transmission.
     
    Alors, pour conclure, ce qui m’inspire, ce n’est pas une consigne du parti – ce n’est pas mon genre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une consigne d’Église – ce n’est pas mon sujet. C’est le droit des enfants, c’est l’avenir de la société, c’est la transmission. Alors, oui, c’est tout simple : libérez-vous ! (Rires sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Chers collègues de la majorité, qui êtes élus en métropole et en outre-mer – et l’on sait combien les élus d’outre-mer sont rétifs à ce projet de loi –, exprimez votre choix !

    M. le président. Il faudrait libérer la tribune, cher collègue !

    M. Hervé Mariton. Secouez la contrainte du parti, exprimez votre opinion, exprimez librement votre vote !

    M. Philippe Gosselin. Lâchez-vous !

    M. Hervé Mariton. Pour que la liberté soit aussi responsabilité, pour que l’égalité soit aussi respect de la différence, et pour que la fraternité se fonde, plutôt que sur la division, sur l’unité, nous ne voterons pas ce texte. Mais je souhaite que de nombreux collègues, parmi vous, aient le courage de ne pas le voter non plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
  • Philippe Gosselin (29 janvier)

    30 janvier 2013

    (Les passages surlignés en gras italique sont de notre fait).

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vois que la garde des sceaux et le rapporteur ne sont pas encore revenus. Peut-être pourrait-on attendre un peu ? Il n’y a personne, en fait !

    M. le président. M. le président de la commission des lois et Mme la ministre de la famille sont présents.

    M. Philippe Gosselin. Mais les rapporteurs ne sont pas là. Peut-être pourrait-on leur laisser le temps de revenir ?

    M. le président. La commission est représentée. D’ailleurs le rapporteur est là.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je n’étais pas au banc mais je n’ai pas quitté l’hémicycle !

    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous voilà donc, après de nombreuses semaines, dans le vif du sujet. Et les échanges sont vifs aussi, comme en témoignent les propos un peu outranciers de M. Le Roux.
     
    Le projet de loi que nous examinons pose d’importantes questions – qui méritent moins de passion et de propos outranciers – sur la filiation et le droit des enfants, mais aussi sur le sens que l’on donne à l’égalité des droits et au rôle de l’État face aux désirs individuels.
     
    C’est à ce titre et pour ces raisons importantes que les députés de l’opposition, portés par la volonté de très nombreux citoyens, ont demandé qu’un large débat public, hors de l’enceinte du Parlement, soit ouvert sur le sujet avant de mettre en marche la procédure législative.
     
    Des états généraux de la famille auraient en effet permis d’aborder sans détours les évolutions qu’a connu au cours des dernières décennies cette cellule de base fondamentale qu’est la famille : augmentation des divorces, multiplication des familles monoparentales et recomposées, par exemple. Les familles sont aujourd’hui diverses, nul ne le conteste. La société évolue et nous n’avons pas la nostalgie de la famille du XIXe siècle qui est parfois idéalisée, il faut bien le reconnaître.
     
    Sauf à craindre les vérités qu’il pourrait faire émerger, le débat est toujours profitable tout particulièrement quand il porte sur les sujets de société, ceux qui touchent, dans leur vie quotidienne, les citoyens qui nous ont élus pour les représenter et servir l’intérêt général – notion parfois oubliée – de la nation, au-delà des désirs individuels de chacun.
     
    Il ne suffit pas de dire que le programme du candidat devenu Président de la République comportait un engagement n° 31, en balayant le reste d’un revers de main ! Non, les Français n’ont pas ratifié, comme je l’ai entendu précédemment, cette proposition n° 31 comme un seul homme.

    Plusieurs députés du groupe SRC. Si !

    M. Philippe Gosselin. La majorité a refusé que des états généraux de la famille soient organisés, sur le modèle de ceux qui avaient précédé la révision des lois de bioéthique. Elle prive ainsi les citoyens d’un débat national et suscite un climat de défiance et crée de regrettables divisions dans la société française, alors même que la crise que traverse actuellement notre pays et notre société appelle l’unité et l’union.
     
    Je remarque que le Président de la République lui-même ne s’est pas plus investi. Il a refusé catégoriquement de recevoir l’entente parlementaire qui regroupe, excusez du peu, 220 députés et sénateurs. Sans commentaire ! Cela montre le mépris dans lequel nous sommes tenus aujourd’hui.

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. Philippe Gosselin. À défaut d’états généraux, les députés et sénateurs doivent donc se contenter – vous me direz que c’est déjà essentiel – du débat parlementaire classique que connaît tout projet de loi. Cela donne le sentiment qu’il ne s’agit que d’un débat technique alors qu’on sait très bien, s’agissant de toutes ces questions de société, qu’il existe un effet de cliquet : on ne revient jamais sur ce qui a été voté ! Cela justifie donc d’insister avec force ici.
     
    Le débat parlementaire liminaire, nous a-t-on dit, a été extraordinaire, à la hauteur des espérances. Eh bien non ! Je ne partage pas ce point de vue.
     
    La commission spéciale que nous appelions de nos vœux a été refusée par la majorité alors qu’elle pouvait intéresser l’ensemble des députés, l’ensemble des commissions.

    M. Hervé Mariton. Hélas !

    M. Philippe Gosselin. Les auditions ont été menées le plus souvent à charge et non à décharge. Beaucoup de personnes ont été entendues, c’est vrai… mais la plupart d’entre elles allaient dans le même sens. Ce ne sont pas quelques rattrapages à la fin du processus, bien insuffisants au demeurant, qui permettront de rétablir l’équilibre.
     
    Je ne peux que regretter la méthode retenue par le Gouvernement et la majorité de cette assemblée sur une telle question de société.
     
    Mais au-delà de la forme se pose la question bien plus importante du fond. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ne me semble pas être la réponse adéquate aux objectifs poursuivis, qui pourtant apparaissent aujourd’hui légitimes. En effet, le Gouvernement a présenté ce projet de loi comme un remède aux difficultés quotidiennes que rencontrent les couples de même sexe et leurs familles ainsi qu’aux discriminations que subissent les personnes homosexuelles. Ces objectifs font désormais l’objet d’un large consensus au sein de la représentation nationale – je le rappelle, nous en sommes plus dans le débat de 1999 sur le PACS ! Mais c’est la réponse du Gouvernement qui ne fait pas l’unanimité : il a cherché à radicaliser, à cliver, à rompre l’équilibre là où il semblait possible. Et la gauche a le visage que nous avons pu voir avec M. Le Roux. Je le regrette profondément.
     
    Le mariage n’est pas un simple contrat. C’est une institution française et républicaine qui s’organise selon un mode différent de celui en vigueur dans d’autres pays de l’Union européenne. C’est une institution liant un homme et une femme et légitimant leur descendance éventuelle. C’est une institution qui encadre autant les relations parents-enfants que les relations entre époux. D’ailleurs, il ouvre des droits aux parents qui survivent à sa rupture, c’est-à-dire au divorce. C’est pourquoi il n’est pas conçu pour encadrer l’union de deux hommes ou de deux femmes qui est, par définition, infertile. C’est parce que le mariage est une institution intimement liée à la filiation que le fait qu’il ne soit ouvert qu’aux couples hétérosexuels ne constitue pas une rupture d’égalité. En effet, il y a rupture d’égalité lorsque des personnes se trouvant dans des situations identiques sont traitées de manière différente. L’égalité n’est pas la similitude .
     
    Il apparaît donc important de préserver l’essence même du mariage. Il est également légitime de proposer aux couples de même sexe une amélioration juridique et symbolique de leur situation, qui permettrait de répondre à leurs interrogations fondées concernant le devenir du conjoint en cas de décès ou de séparation. C’est l’intérêt du contrat d’union civile ou de l’alliance que le groupe UMP et moi-même proposons par voie d’amendement. C’est une solution responsable : elle préserve la spécificité du mariage qui concerne la très grande majorité des familles françaises et que traduisent ses dispositions relatives à la filiation ; elle sécurise la situation des couples de même sexe. Évidemment, cette proposition est trop consensuelle : le Gouvernement et la majorité refusent d’en entendre parler. Je regrette vraiment ce dogmatisme érigé au rang de principe.
     
    Sur le deuxième volet du projet de loi, à savoir l’accès à l’adoption, il faut rappeler que celle-ci consiste à donner des parents à un enfant, et non un enfant à des parents. Cette apparente subtilité masque une différence de taille. En effet, le législateur doit protéger les plus faibles. Il est de notre responsabilité de veiller à ce qu’au sein de notre société, le droit de l’enfant soit toujours respecté et défendu. Or, en vertu d’un jeu de dominos juridiquement implacable, après le mariage et l’adoption c’est bien l’accès à la procréation médicalement assistée qui sera ouvert aux couples de femmes puis, en vertu de la non-discrimination des sexes, l’accès à la gestation pour autrui aux couples d’hommes.

    M. Bernard Roman. Fantasme !

    Mme Corinne Narassiguin. C’est un procès d’intention !

    M. Philippe Gosselin. Certes, vous allez me dire que le texte actuel ne fait pas référence à la procréation médicalement assistée mais le Gouvernement, vous le savez cher M. Roman, prévoit de l’insérer dans un projet de loi dans quelques semaines – pas plus tard qu’au mois de mars.

    M. Bruno Le Roux. Bravo !

    M. Philippe Gosselin. Il ne s’agit donc pas d’un fantasme ! Vous savez que la gestation pour autrui est un sujet d’importance. Le ministère y réfléchit actuellement. Les exemples du Danemark et de la Suède sont éloquents. Et que dire du rapport de la sénatrice socialiste Michèle André qui préconise la gestation pour autrui en France : fantasme là aussi ? La procréation médicalement assistée entraîne inéluctablement, à terme, la légalisation des mères porteuses, il faut le rappeler. Ce serait là une dérive de la société : le droit à l’enfant prendrait le pas sur le droit de l’enfant. C’est aussi la logique de l’enfant à tout prix qu’on ne saurait accepter en tant qu’elle est la satisfaction d’un désir d’enfant qui ne peut être assouvi sans intervention de l’État. Pour résumer ce point, mariage et adoption signifient inévitablement procréation médicalement assistée et gestation pour autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. François Rochebloine. Très bien !

    M. Bernard Roman. C’est affligeant !

    M. Philippe Gosselin. Non, nous ne voulons pas d’un projet à la découpe, nous ne voulons pas d’une vente par appartements (Mêmes mouvements.) L’État doit-il lever l’obstacle biologique qui, aujourd’hui, empêche les couples homosexuels de satisfaire leur désir d’enfant ? Le législateur doit-il approuver tous les textes ? Non, je crois que le législateur ne doit pas créer de toutes pièces une fiction juridique pour faire apparaître un enfant dans le foyer d’un couple homosexuel en niant la filiation et la biologie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Marie-George Buffet. Le bonheur de l’enfant ne vous intéresse vraiment pas !

    M. Philippe Gosselin. Le législateur n’est pas un simple greffier de l’état de la société.
     
    En conclusion, le débat d’aujourd’hui est tout sauf secondaire. Il est essentiel, il est emblématique de toutes ces réformes de société dans lesquelles le Gouvernement et la majorité veulent entraîner le pays. Celles-ci constituent, je n’hésite pas à le dire, une offensive ultra-libérale, individualiste, voire libertaire, comme on n’en a pas connu peut-être depuis mai 1968 : filiation, droit de la famille, politique familiale, recherche sur l’embryon, euthanasie et autres théories du genre… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    M. Bernard Roman. Vous êtes tous d’accord ?

    M. Philippe Gosselin. Pour finir, si le débat actuel ne concernait que le mariage, il n’y aurait sans doute pas une telle force, des centaines de milliers de personnes, dans la rue le 13 janvier dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
     
    En définitive et plus largement, à ceux qui, sans cesse, dénoncent le dumping économique et social qui accable notre pays et qui vantent les mérites de notre mieux-disant social, je demande de ne pas céder à une forme de dumping éthique qui consiste à aligner la législation sociétale de la France sur les pratiques européennes ou mondiales toujours les moins-disantes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est une quête sans fin dans laquelle nous nous perdrons. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et UDI.)

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Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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