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lundi 15 janvier 2018

1ère séance du jeudi 7 février 2013

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1
Ouverture du mariage
aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Avant de passer à la suite de l’examen des amendements, mes chers collègues, je souhaite appeler tous les membres de l’Assemblée au respect de la présidence de séance. Je suis sensible aux hommages que vous rendez directement ou indirectement à la façon dont je conduis les débats,…

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est bien normal !

M. le président. …mais, que j’exerce cette fonction ou que je la délègue à l’une ou l’un des vice-présidents de l’Assemblée n’y change rien : diriger les travaux dans l’hémicycle est toujours une tâche très difficile, dont tous les vice-présidents, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, s’acquittent avec conscience et impartialité.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. Vous admettrez que cette tâche est pour le moins ardue dans le débat en cours. C’est pourquoi j’invite chacun d’entre vous, sur tous les bancs, à en tenir compte.

Rappel au règlement

M. le président. Conformément à ce qui est devenu une tradition depuis le début de la discussion, la parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je souhaiterais, monsieur le président, soulever deux points.

Votre homologue au Sénat, Jean-Pierre Bel, a indiqué qu’il lui paraissait possible et préférable que le Sénat, quand il en sera saisi, adopte ce texte conforme. Cela pose un problème quant à la suite de nos travaux, quant à la qualité de la loi, quant au respect de la cohérence et des avancées réalisées par le Gouvernement pour corriger un certain nombre d’incohérences du texte. Je pense en particulier aux déclarations du Gouvernement sur l’attribution du nom patronymique, reconnaissant aimablement que le texte tel qu’il était rédigé n’était pas très heureux puisque renversant le principe selon lequel, ordinairement, c’est le nom du père qui se transmet et les deux noms en cas de demande expresse. Or si, par malheur, le Sénat votait conforme, nous serions confrontés à une réelle difficulté.

Ensuite, j’appelle l’attention de l’Assemblée et du Gouvernement sur les déclarations du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, qui a déclaré : « Une telle réforme aurait exigé du cousu main ; le problème, c’est qu’on a fait du prêt-à-porter », tout en précisant : « sans préjuger de ce que nous [le Conseil constitutionnel] déciderons. » Cela fait parfaitement écho à nos interventions : plutôt que de dupliquer une situation juridique existante, nous aurions dû, mesdames les ministres, inventer, faire preuve d’innovation pour apporter, à la fois aux couples homosexuels et aux enfants dont ils peuvent avoir la charge, une réponse juridique mieux adaptée et aussi, lorsque c’était possible, améliorer la réponse juridique pour les couples composés d’un homme et d’une femme, les familles qu’ils constituent et leurs enfants. Je trouve la déclaration du président du Conseil constitutionnel intéressante et elle dit bien la situation dans laquelle nous nous trouvons : vous avez préféré le prêt-à-porter au cousu main.

M. le président. Pour le moment, monsieur Mariton, vous comprendrez que, en tant que président de cette institution, je demande à l’Assemblée de travailler sans tenir compte ni du Sénat ni du Conseil constitutionnel. Faisons notre travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

MM. Jean-Christophe Cambadélis et Bernard Roman. Voilà !

M. le président. Et mieux nous le ferons, Mme la garde des sceaux l’a souligné à plusieurs reprises, en évoquant certes nos divergences, mais en tâchant, y compris l’opposition, de veiller à ce que la qualité du texte soit la meilleure possible, moins nous aurons de difficultés avec les institutions mentionnées.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements n° 2260 et identiques, à l’article 4.

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2260.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais avant tout lever une incertitude puisqu’un certain nombre de nos collègues ont pris très aimablement des nouvelles de ma santé : le débit de Poisson se porte très bien ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Caullet. Il est frais !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes prêts pour engager une nouvelle séance dans des conditions tout à fait normales.

Je suis heureux, par ailleurs, de donner à Mme la ministre chargée de la famille des nouvelles de la pétition des psychanalystes face à l’égalité des droits et au mariage pour tous, qu’elle évoquait hier soir. Aux 1 826 signataires qu’elle mentionnait hier s’en sont ajoutés deux. Il s’agit d’éminents psychiatres et psychanalystes : le premier s’appelle Psycho – tout un programme –, le second Choupinou Tutu. Je vous invite à vous rendre sur le site de la pétition pour constater qu’il s’agit de deux psychanalystes éminents, reconnus dans leur métier de manière incontestable. Vous me permettrez par conséquent d’accorder un crédit assez limité à ce genre de démarche.

M. Bernard Roman. Et le docteur Dhuicq, a-t-il signé cette pétition ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Le présent amendement porte sur l’article 456 du code civil. Aucun terme de l’article balai, matériellement, ne s’applique à l’article 456. C’est une manière de montrer que l’article balai, d’un point de vue législatif, n’est pas rédigé correctement. Voilà pourquoi, monsieur le président, le présent amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3864.

M. Xavier Breton. Je reviens sur l’intervention de notre collègue Mariton à propos des déclarations du président du Sénat, qui illustrent tout à fait la méthode choisie par la majorité socialiste depuis le début de la discussion : le passage en force, le refus d’organiser un véritable débat public. Si le débat a bien lieu, ce n’est pas grâce à vous, chers collègues de la majorité, mais grâce à la société, qui s’en est emparée elle-même. Vous êtes des députés godillots qui votez tous les amendements qu’on vous demande et nous allons avoir désormais un Sénat godillot auquel on va demander de voter conforme.

Cela pose un vrai problème. Il est difficile, sur un tel sujet, de voir le Parlement réduit à exécuter les ordres. Pas nécessairement ceux de l’exécutif, car on sait que le président Hollande s’interroge sur de nombreux aspects de ce projet, et surtout sur sa logique qui conduira inéluctablement à l’assistance à la procréation et à la gestation pour autrui, nous y reviendrons. Je relève en attendant de nombreuses réticences parmi vous. On se rend bien compte que vous êtes muselés, que vous n’avez pas le droit à la parole, et, quand on évoque des sujets qui font appel à des convictions, nous n’avons aucun échange, aucune possibilité de discuter sur le fond, à de très rares exception près. Encore une fois, mes chers collègues, je vous invite à participer complètement au débat.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4919.

M. Hervé Mariton. L’article 456 du code civil concerne le conseil de famille des majeurs en tutelle. Là aussi, nous pensons que de meilleures dispositions auraient pu être prises pour mieux répondre à l’union de personnes de même sexe et à la filiation. Il est donc possible de mieux faire que ce que prévoit le texte.

Puis-je profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler, si cela n’a pas déjà été fait, un passage de l’avis du Conseil d’État tel qu’il est publié aujourd’hui sur le site de La Vie ? Le Conseil d’État souligne les failles de l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi : « Elle ne traite pas, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009, des questions multiples et complexes que soulève l’ouverture de l’adoption aux conjoints de même sexe, tant dans le cadre de l’adoption internationale que, plus généralement, au regard de l’appréciation que les autorités compétentes seront amenées à faire de l’intérêt de l’enfant et qui est opérée, en droit positif, de manière concrète, au cas par cas. »

Ce que vous reproche le Conseil d’État, ce sont les lacunes graves de l’étude d’impact, et c’est la démonstration que nous apportons, amendement après amendement lors de l’examen de l’article 4. L’article balai, par définition, vous a empêchés d’apprécier au cas par cas les dispositions sur lesquelles nous entendons revenir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Il est bon que nous entrions dans le vif du sujet. Les amendements défendus par l’opposition visent à empêcher l’application de la disposition interprétative aux articles signalés puisque cette disposition interprétative ne s’applique pas à la totalité du titre VII – qui contient les termes « père » et « mère » –, ce que nous ne cessons de répéter depuis des mois. Par conséquent, l’article indique bien que la disposition interprétative « s’applique à… », « à l’exception des dispositions du titre VII ».

Les amendements de l’opposition reviennent à vouloir ajouter des articles auxquels la disposition interprétative ne doit pas s’appliquer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes donc d’accord.

Ces amendements identiques veulent ajouter au titre VII, donc exclure de l’application de la disposition interprétative, l’article 456 du code civil.

M. Hervé Mariton. Pour faire mieux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour faire mieux, nous en jugerons lorsque nous examinerons de quoi il s’agit. Les auteurs de ces amendements nous indiquent que pour les couples de même sexe, on ne pourra pas appliquer l’article 456.

Cet article traite du conseil de famille et précise : « Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection de la personne – je dis bien : « de la personne », vous n’avez entendu ni le mot « mère » ni le mot « père », ni encore les mots « époux » ou « épouse » – ou la consistance de son patrimoine le justifient […]. » Plus loin, l’article dispose : « Le juge désigne les membres du conseil de famille en considération des sentiments exprimés par la personne protégée […]. » Il n’est donc question que de la personne dans cet article, mais l’opposition nous explique qu’il est nécessaire d’empêcher l’application de la disposition interprétative.

Vous comprendrez dans ces conditions que l’avis du Gouvernement soit défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur le vote des amendements no 2260 et identiques, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. J’émets un souhait au début de cette nouvelle séance : il serait tout de même intéressant que le rapporteur et le Gouvernement répondent effectivement et concrètement aux interrogations du groupe UMP. J’ai eu le bonheur de participer aux dernières séances et, chaque fois qu’une question était posée, nous avons eu l’impression qu’aucune réponse n’était apportée.

Au-delà, il est important de savoir qu’aujourd’hui la société dans son ensemble est en train de se saisir de ce dossier. Je citerai seulement l’association lyonnaise Cosette et Gavroche, qui a notamment commis un livre sur les états généraux de l’enfant – il faut savoir que Lyon est à la pointe du combat dans lequel nous nous sommes engagés. Je vous invite à lire ce livre, mes chers collègues socialistes. Lisez-le, imprégnez-vous en et vous comprendrez peut-être qu’il est bon, à un moment donné, d’être capable de s’affranchir de la consigne de vote de son parti politique pour pouvoir, en son âme et conscience, voter en ayant un seul objectif en tête : l’intérêt de l’enfant. Bien évidemment, nous défendons ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante », conseillait en son temps Portalis. En supprimant les mots « père » et « mère » du code civil, et en gommant ainsi le caractère hétérosexué de la filiation, vous touchez à un principe que le Conseil constitutionnel pourrait être amené à juger comme un principe fondamental, reconnu par les lois de la République. En effet, l’altérité sexuelle des époux et des parents, eu égard à sa constance et à son importance en droit français, remplit parfaitement les conditions fixées par le Conseil constitutionnel.

D’ailleurs, dans les années 1980, le doyen Carbonnier n’excluait pas que certaines dispositions du code civil puissent se voir reconnaître un caractère constitutionnel, parce qu’elles exprimeraient un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, que le Conseil constitutionnel a pris sous sa protection. Ce n’est pas parce que vous voulez donner à cette loi un caractère symbolique qu’elle pourra échapper à une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, qui a toujours rempli son office, celui de rappeler aux représentants du peuple que la loi doit respecter la Constitution. Aussi, si vous continuez sur la voie où vous souhaitez engager notre assemblée avec cet amendement balai, vous ne pourrez faire l’économie d’une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2260, 3864 et 4919.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 142

Nombre de suffrages exprimés 141

Majorité absolue 71

Pour l’adoption 49

Contre 92

(Les amendements nos 2260, 3864 et 4919 ne sont pas adoptés)

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.

M. le président. Non, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’un vrai rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. Vous n’allez pas nous réduire au silence !

M. le président. N’insistez pas. Vous aurez un prochain rappel au règlement à 16 heures : je vous le programme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez, je viens d’en discuter avec un quelques-uns. J’ai parfaitement compris que certains d’entre vous ont parfois la volonté d’utiliser les rappels au règlement pour préciser leur position, avec une tonalité plus politique que lors de la discussion des amendements.

M. Marc Le Fur. Mais il s’agit d’un vrai rappel au règlement !

M. le président. Eh bien vous attendrez. Quand j’ai ouvert la séance, j’ai eu droit à quatre demandes de rappel au règlement : je considère que c’est une manière de dévoyer notre ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2133.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, nous louons tous votre manière de présider ces débats. Je remercie également notre collègue Laurence Dumont d’avoir bien voulu vous succéder au perchoir hier soir. Je vous sais gré de prévoir qu’aucun incident susceptible de justifier un rappel au règlement ne se déroulera avant 16 heures. Néanmoins, s’il devait en être autrement, je fais confiance à votre sens de la justice pour apprécier les circonstances.

Madame la ministre, vous nous avez habitués à davantage de précision. Vous nous dites que vous ne voulez pas que l’amendement balai s’applique à l’article 456, car les personnes ne seraient plus protégées ; telle a été, en substance votre réponse.

L’amendement balai prévoit que, là où il est écrit « père » et « mère », « aïeul » et « aïeule », « veuf » et « veuve », « branche paternelle » et « branche maternelle », « époux », « mari », « femme » et « beaux-parents », il faut lire « parents », au sens générique. Mais enfin, madame la garde des sceaux, aucun de ces termes n’apparaît dans l’article 456.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela signifie que l’amendement balai n’a aucune utilité pour cet article, qu’il est complètement superfétatoire et qu’il ne sert donc à rien d’y inclure l’article 456. Il y a là une imprécision d’écriture. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter votre réponse en l’état, madame la garde des sceaux. L’amendement est défendu, monsieur le président.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’habitude, vous êtes meilleur que cela !

M. le président. Sur l’amendement n° 2133 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3714.

M. Xavier Breton. J’hésite à défendre cet amendement, tant je suis impatient d’entendre la réponse de Mme la garde des sceaux.

Je voulais revenir, comme notre collègue Mariton, sur les propos qu’a tenus le président du Conseil constitutionnel. S’il est certain que ces propos n’engagent absolument pas le Conseil constitutionnel, ils éclairent tout de même notre débat sur l’article 4, puisque le président du Conseil constitutionnel regrette que la loi relève davantage du « prêt-à-porter que du cousu main ». C’est bien ce que nous disons : la technique de l’article 4, que vous avez choisie par défaut, lorsque vous vous êtes rendu compte des réticences, voire des résistances, que la société française opposait à la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d’articles de notre droit, cette technique de l’article balai a consisté, précisément, à balayer tout le code. C’est bien la logique du prêt-à-porter qui a prévalu, là où il aurait effectivement fallu du cousu main, étant donné la diversité des situations juridiques et des situations personnelles.

L’expression qu’a employée le président du Conseil constitutionnel reflète tout à fait l’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez : il s’agit d’un passage en force. À l’Assemblée nationale, il y a les députés godillots, et bientôt ce texte passera au Sénat, devant les sénateurs godillots, mais le Conseil constitutionnel, lui, ne sera pas godillot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 4158.

M. Hervé Mariton. Cet amendement est en parfaite cohérence avec notre approche, selon laquelle il vaut mieux inventer, innover et faire du cousu main.

En réalité, l’article 460 paraît assez bien adapté à la situation. Si nous ne sommes pas favorables au mariage et si nous préférerions une autre formule, nous pensons cependant que l’union d’une personne en curatelle ou en tutelle doit pouvoir être célébrée, quelle que soit son orientation sexuelle. Si le contrat d’union civile était mis en place, nous ne verrions aucun inconvénient à ce qu’il puisse être conclu avec une personne en tutelle ou en curatelle. Il faut évidemment en prévoir les conditions juridiques, et celles qui sont exposées à l’article 460 paraissent assez adaptées. Mais au mariage, nous préférons le contrat d’union civile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable, avec une précision pour M. Poisson.

Monsieur le député, vous prétendez que la disposition interprétative est superfétatoire s’agissant de cet article, qui ne comporte pas les mots « père » et « mère ». Mais non ! Il serait superfétatoire s’il disait qu’il faut lire « parents », même lorsque les mots « père » et « mère » n’apparaissent pas. Là, oui, il serait superfétatoire.

Par ailleurs, il est bien précisé que la disposition ne s’applique pas au titre VII : cela signifie qu’elle ne s’applique pas aux mentions qui peuvent être faites du « père » et de la « mère » à l’intérieur du titre VII, et ceci pour la raison très simple que le titre VII porte sur la filiation, la filiation biologique. En dehors du titre VII, la règle s’applique quand vous rencontrez les mots « père » et « mère », mais, si vous ne les rencontrez pas, qu’est ce que vous voulez en faire, enfin ? Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

M. François Vannson. Monsieur le président, sauf le respect que je vous porte, je n’ai pas bien saisi le sens de l’intervention préliminaire que vous avez faite à l’ouverture de la séance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous dites cela alors que vous êtes arrivé en cours de route !

M. François Vannson. Vous avez rappelé que le Parlement est indépendant, et je souscris totalement à cette déclaration. En revanche, il va de soi que les textes que nous votons dans cette assemblée doivent être conformes à la Constitution, et c’est le cas aussi de cette loi ordinaire. C’est la raison pour laquelle je trouve un peu curieux que l’on évacue d’un revers de manche les positions et les remarques du président du Conseil constitutionnel.

M. le président. Il n’y a jamais eu de remarque a priori de la part du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. François Vannson. Nous avons, certes, un champ de compétence, mais le problème de la constitutionnalité des lois est un vrai problème, qui doit éclairer nos débats.

Par ailleurs, votre refus d’accorder des rappels au règlement me paraît également curieux, parce que l’évolution de nos débats peut susciter, de notre part, des rappels au règlement : si vous les refusez d’emblée, nos débats sont quelque peu contraints. Cela dit, il va de soi que j’apporterai un soutien actif aux amendements défendus par nos collègues. Je pense que notre assemblée est en train de voter un texte totalement irréversible pour l’avenir de notre société, et je souhaiterais que l’on prenne en compte ce caractère irréversible. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci monsieur Vannson. Je tiendrai naturellement compte de vos remarques, mais je suis persuadé que ceux de vos collègues qui sont les plus assidus depuis de très longues journées ont compris mes remarques sur les rappels au règlement.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2133, 3714 et 4158.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 159

Nombre de suffrages exprimés 159

Majorité absolue 80

Pour l’adoption 53

Contre 106

(Les amendements nos 2133, 3714 et 4158 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2137.

M. Jean-Frédéric Poisson. À ce stade de nos débats, je voudrais rappeler une nouvelle fois les quatre questions auxquelles le Gouvernement n’a pas encore répondu de manière précise. La première porte sur le traitement des exequatur dans le cadre de l’article 310 du code civil ; la deuxième sur la rédaction et la présentation des livrets de famille ; la troisième sur l’écriture des actes d’état civil. La quatrième, enfin, porte sur le Pacs : comme notre collègue Mariton vous l’a demandé hier soir, en fin de séance, je voudrais savoir s’il sera ou non ouvert aux mineurs. Sur ces quatre questions, madame la garde des sceaux, madame la ministre de la famille, nous aimerions avoir des réponses précises.

L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3730.

M. Xavier Breton. Après les propos du président du Conseil constitutionnel et du président du Sénat, je voudrais vous faire part de ceux qu’a tenus le président du Comité consultatif national d’éthique. Le problème qui est au cœur de cette loi, c’est qu’avec le principe d’égalité et l’ouverture d’un droit à la filiation artificielle, la logique veut que nous allions vers l’assistance à la procréation pour convenance personnelle. Le groupe socialiste avait d’ailleurs prévu d’intégrer la PMA dans ce texte : il y a donc bien un lien direct entre les deux.

Le Comité consultatif national d’éthique s’est autosaisi de cette question – il n’a pas été saisi par le Président de la République, contrairement à ce qui a pu être dit –, à la suite, notamment, d’une demande formulée par notre président de groupe, Christian Jacob, au mois d’octobre.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Il s’est autosaisi, mais à la suite d’une demande…

M. Xavier Breton. À présent, nous discutons du calendrier et il est important que nous y voyions clair. Une loi sur la famille est annoncée, qui va s’articuler étroitement avec le texte qui nous intéresse ici, notamment sur les questions d’adoption et de filiation. Il est donc important de savoir comment les choses vont s’orchestrer. À ce sujet, le président du Comité consultatif national d’éthique a indiqué qu’il répondrait à la question sociétale que pose la procréation médicalement assistée au mois d’octobre.

Madame la ministre de la famille, le projet de loi sur la famille est-il reporté au mois d’octobre, ou bien va-t-il être déposé au mois de mars, comme cela était initialement prévu, sans inclure la PMA, de manière à laisser au CCNE le temps de se prononcer ?

M. Bernard Roman. Et votre amendement, quel est-il ?

M. Xavier Breton. Il s’agit d’un point important : pour discuter de ce texte, et notamment de l’article 4, qui pose un problème, nous avons besoin de savoir de quelle manière vont s’articuler ces dispositions. Nous attendons une réponse claire, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 2137 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4160.

M. Hervé Mariton. J’ai lu avec attention les déclarations de Mme Najat Vallaud-Belkacem, comme d’usage le mercredi après le Conseil des ministres. J’ai trouvé qu’elles ajoutaient à la confusion et à l’incohérence. Elle s’est engagée à ce qu’un texte incluant la famille et la PMA soit présenté. À quoi sert la saisine du Comité consultatif national d’éthique sur la PMA si le Gouvernement s’engage d’ores et déjà à ce que la PMA figure dans le texte ? Le Comité national d’éthique risque de s’interroger sur la nature de la mission qui lui est confiée.

S’agissant de mon amendement, je le retire, car je n’ai aucune objection à ce que l’article 462 du code civil demeure. Il concerne le Pacs, et je crois que le dépôt de cet amendement était une erreur.

(L’amendement n° 4160 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Exception faite de l’amendement de M. Mariton, qui a été retiré, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Depuis quelques jours, nous parlons de mariage, de famille et d’enfants et nous débattons d’une loi qui aura des conséquences sur la société, que chacun jugera positives ou négatives selon sa sensibilité.

Nous n’obtenons pas de réponse aux questions que nous posons inlassablement. Nos collègues de la majorité pensent que nous faisons de l’obstruction, mais à cela, je répondrai simplement que chacun voit le monde à son image.

Mes chers collègues, nous continuerons à le faire, malgré la menace que court chaque membre de l’opposition d’être mentionné dans vos tweets. Mais je souhaite attirer votre attention sur une chose : regardez les commentaires orduriers que cela provoque sur internet. Je ne mets pas en cause vos tweets, mais voyez ce qui est écrit. Je trouve que cela est grave, parce que notre société traverse une crise économique, financière, mais aussi une crise morale.

Tout ce que vous faites sur la toile ne contribue pas à rétablir un climat d’unité au sein de notre société.

M. Bernard Roman. Sur quoi porte votre amendement ?

M. Jean-Pierre Barbier. Le projet de loi sur lequel nous voterons mardi aura bien évidemment un caractère normatif quand à la famille de demain sous toutes ses formes : hétérosexuelle, monoparentale, homosexuelle.

Depuis quelques jours, j’ai écouté vos arguments, chers collègues de la majorité, ainsi que ceux du Gouvernement. Je les ai entendus, et j’ai acquis une conviction : nous commettons une erreur ! Attendons les états généraux de la famille, sous toutes ses formes, étudions à ce moment-là les différentes formes de contrat, adaptées aux différents modes de vie de nos concitoyens. Attendons les avis du Conseil d’État, du Comité d’éthique. Ainsi, avec tous ces avis, mais aussi le vôtre, parce que nous ne vous entendons pas, nous pourrons construire demain une société fraternelle.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n° 2137 et 3730.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 150

Nombre de suffrages exprimés 148

Majorité absolue 75

Pour l’adoption 47

Contre 101

(Les amendements n° 2137 et 3730 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1935.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à vous présenter mes salutations.

Nous avons arrêté nos travaux cette nuit à quatre heures du matin. Cela ne m’a pas empêché d’écouter le président du Sénat répondre aux questions de Jean-Michel Aphatie à la radio ce matin. Ces propos sont essentiels, car il a déclaré qu’il souhaitait que le Sénat votât conforme.

C’était la raison de ma demande de rappel au règlement, car cela affecte directement nos travaux. Cela veut dire qu’il n’y aura pas de deuxième lecture à l’Assemblée. Nous n’aurons donc aucune possibilité de modifier le texte. Et comme nous n’examinons pas vraiment les choses, ce qui n’est qu’un brouillon va être gravé dans le marbre de la loi. Ces propos sont donc très importants.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il a raison !

M. Marc Le Fur. La garde des sceaux en convient elle-même : l’article 4, qui se substitue à la rédaction initiale du Gouvernement, n’est pas rédigé de façon satisfaisante. Tout le monde en convient : l’article 2 sur les noms de personnes n’est pas applicable pour des raisons de bon sens évidentes. Notre collègue Germain proposait même que le choix entre le nom de la mère et du père soit fonction des jours pairs et impairs. Voyez où nous en sommes !

Il faut que nous cessions de traiter ce texte ainsi. Nous devons aller au fond des choses, il faut que nous réexaminions un certain nombre d’articles. Il n’est pas encore trop tard pour obtenir, si ce n’est une rédaction idéale, au moins une rédaction convenable.

Les propos du président du Sénat ont donc des conséquences directes sur le déroulement de nos travaux. Pourquoi tient-il de tels propos ? Parce qu’il veut bien évidemment que le texte soit adopté avant la grande manifestation du 24 mars ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 1935 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1987.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais apporter à nos débats la lecture du chapitre trois d’un document préparatoire à l’avant-projet de loi sur la famille dont nous parlons dans cet hémicycle depuis maintenant quelques jours.

Je souhaite le porter à la connaissance de l’Assemblée car, parmi nos interrogations figure la façon dont le fait familial et la question du mariage sont traités par le Gouvernement.

Nous avons fait émerger, dans les jours précédents, que les questions de la gestation pour autrui et de la procréation médicalement assistée étaient traitées d’une manière qui manquait de cohérence à nos yeux. Nous avons mieux compris maintenant.

Dans cet avant-projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit de la famille, il y a énormément de dispositions modifiant le code civil. Ce chapitre trois, intitulé « dispositions relatives au mariage » prévoit trois modifications du code civil visant à modifier la manière dont le mariage pourrait être célébré, qu’il s’agisse du lieu de célébration ou des articles dont la lecture est faite par les officiers d’état civil. C’est le fameux article 220 dont nous avons parlé hier, et il est vrai qu’il serait bon de le retirer de la cérémonie, même si par ailleurs il faudrait y réfléchir plus avant.

Vous nous aviez annoncé un projet de loi pour le mois de mars ou d’avril, c’est-à-dire très prochainement. Je suis donc très surpris, alors que nous parlons du mariage depuis deux semaines, de trouver dans cet avant-projet de loi qui est porté à notre connaissance des dispositions que nous aurions pu traiter dans le présent projet de loi.

Je ne comprends pas pourquoi, par souci de cohérence du texte, nous n’en avons pas profité pour traiter ensemble des dispositions qui concernent à l’évidence le même sujet.

Ma surprise, mesdames les ministres, porte sur la méthode, comme dans le cas de la PMA et de la GPA, bien que je convienne que les sujets diffèrent.

L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3647.

M. Xavier Breton. En complément aux propos de notre collègue Poisson sur l’intelligibilité de la loi, et son articulation avec d’autres projets, je voudrais revenir sur les propos de Mme Vallaud-Belkacem à l’issue du conseil des ministres. Elle a indiqué que l’élargissement de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe figurerait dans le projet de loi sur la famille.

Nous en prenons note, nous savons que vous voulez cette PMA pour convenance personnelle. Mais de deux choses l’une : soit c’est après l’avis du Comité consultatif national d’éthique, et alors le projet de loi sur la famille ne sera pas présenté au mois de mars. Soit ce projet est déposé au mois de mars, incluant l’assistance médicale à la procréation, mais alors l’avis du Comité consultatif d’éthique n’a pas d’importance.

M. Bernard Roman. Et votre amendement, sur quoi porte-t-il ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Attendez, ça va venir ! (Sourires)

M. Xavier Breton. Après les députés socialistes godillots, après le Sénat godillot, aurons-nous un Comité consultatif national d’éthique godillot ? On connaît votre volonté de passer en force avec ce texte. Les propos du président du Sénat préconisant un vote conforme montrent bien que vous avez peur de la société française.

La manifestation du 13 janvier a eu lieu, celle du 24 mars s’annonce, vous essayez de passer en force. Mais plus vous essaierez de passer en force, plus la résistance sera forte.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3968.

M. Hervé Mariton. Cet amendement porte sur le mandat de protection future. C’est une réponse à la situation dans laquelle se trouvent deux adultes, dont l’un, ayant la charge d’un enfant, s’interroge sur son devenir dans l’hypothèse de son décès.

Ces propos me permettent de rappeler que contrairement à ce que certains évoquent en prétendant que nous méprisons la situation des enfants, qui seraient aujourd’hui sans aucune protection en cas de décès du parent car l’autre membre du couple ne pourrait plus s’en charger, tout ceci est faux.

Cet amendement de suppression est dû à ce que le dispositif de l’article 477 du code civil fait référence aux père et mère, il est donc profondément touché par l’article balais, ce qui nous paraît inapproprié.

Je rappelle que le mandat de protection future existe grâce à l’article 477 du code civil. C’est une bonne disposition qui, d’ores et déjà, produit des effets concrets. Si ces effets peuvent être améliorés, ce qui est sûrement le cas, cela exige des dispositions législatives spécifiques, le prêt-à-porter dont parle le président Jean-Louis Debré, et non pas la méthode trop globale et peu adaptée de l’article balai.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je ferai observer à M. Mariton que l’article 477 du code civil évoque déjà les parents, puisque son alinéa trois commence ainsi : « Les parents ou le dernier vivant des père et mère […] ». Il ne mentionnera plus que les parents, tout simplement, nous simplifions donc sa rédaction.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Une famille, ce n’est pas seulement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune, c’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. Vous savez que cette phrase a été prononcée par Mme Guigou le 3 novembre 1998 à l’occasion de l’examen du Pacs.

Cette phrase est extrêmement intéressante parce qu’elle exprime ce que nous essayons inlassablement de vous répéter en défendant la notion de père et de mère.

Je vous entendais tout à l’heure répondre à une question de Xavier Breton que nous disions toujours la même chose. C’est normal que nous y revenions sans arrêt, parce que nous voudrions avoir clairement votre calendrier en tête. C’est pourquoi, depuis deux semaines, nous vous demandons sans arrêt quand viendront la PMA et la GPA, qui sont au cœur de cette réflexion.

Je comprends que vous vous interrogiez sur les raisons qui nous poussent à revenir sans arrêt sur les articles qui citent les termes de père et de mère. Je regrette que nous ne travaillions pas sur l’alliance civile, parce qu’elle constituait un moyen de préserver ce qui nous paraît essentiel, c’est-à-dire la notion de « père et mère » dans l’adoption, tout en traitant le problème, qui est réel, de l’union des couples homosexuels. Nous regrettons qu’il n’y ait pas de travail sur ce point, cela aurait été beaucoup plus intéressant.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1935 et les amendements identiques.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 149

Nombre de suffrages exprimés 148

Majorité absolue 75

Pour l’adoption 52

contre 96

(Les amendements nos 1935, 1987, 3647 et 3968 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2263.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais porter à la connaissance de l’Assemblée ce passage de l’avis du Conseil d’État qui a été reproduit ce matin dans un hebdomadaire prestigieux.

Le Conseil d’État y répond, d’une certaine façon, à l’interrogation que nous formulons depuis le démarrage de ces débats sur l’impact éventuel de ce texte, au-delà des seuls couples de personnes de même sexe. Vous prétendez qu’il n’a pas d’impact alors que nous considérons que tout le monde est affecté par ce projet de loi.

Le Conseil d’État nous donne raison puisqu’il écrit : « Eu égard à la portée majeure d’un texte qui remet en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, l’altérité des sexes entre époux, et compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l’étude d’impact qu’un tel changement apportera à un grand nombre de législations, dans l’ordre pratique comme dans l’ordre symbolique, le Conseil d’État souligne l’importance qui s’attache au maintien, dans son périmètre actuel, d’un projet qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe dans les mêmes conditions que pour les autres couples, sans changer en rien les règles applicables à ces derniers ».

C’est une des multiples raisons pour lesquelles nous continuons de nous bagarrer contre ce projet de loi.

L’amendement est ainsi défendu.

M. le président. Sur l’amendement n° 2263 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3865.

M. Xavier Breton. Je profite de cet amendement pour aller un peu plus loin sur les questions de calendrier. Nos interrogations sont différentes selon les amendements que nous défendons, mais vos réponses sont identiques puisque vous ne nous opposez que le silence.

Madame la ministre chargée de la famille, je vous ai déjà interrogée sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique et sur son articulation avec le projet de loi sur la famille. Je voudrais maintenant aller un peu plus loin. Le président du Comité consultatif, Jean Claude Ameisen, a déclaré que ce pourrait être au Parlement de se prononcer sur l’organisation éventuelle d’états généraux sur l’assistance médicale à la procréation. Avez-vous un avis sur cette question ? Y aura-t-il bien des états généraux, comme nous en étions convenu – c’est en tout cas ce que j’avais compris il y a quelques heures ? Quelle lecture faites-vous de l’article des lois de bioéthique relatif à l’organisation de ces états généraux ?

M. Bernard Roman. Quel est le rapport avec votre amendement ?

M. Xavier Breton. Qui doit organiser ces états généraux ? Il serait intéressant que notre collègue Alain Claeys, qui a participé à l’organisation de précédents états généraux, puisse également nous donner son avis sur cette question. Qui doit prendre l’initiative des états généraux ? Comment ? Le Gouvernement y sera-t-il favorable ? Il est important d’étudier les modalités d’organisation de ces états généraux : y seront en effet abordées non seulement l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de personnes de même sexe, mais également des questions à la fois médicales et sociétales, comme la conservation des ovocytes par la technique de la vitrification, le maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes et la prise en charge par notre système de protection sociale des assistances à la procréation non médicales. Ces sujets très importants s’inscrivent dans la logique du texte que nous discutons.

Nous souhaiterions y voir un peu plus clair. Madame la ministre déléguée chargée de la famille, nous attendons avec une impatience grandissante votre réponse.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4923.

M. Hervé Mariton. Cet amendement concerne l’établissement, la vérification et l’approbation des comptes du tuteur. Je crains qu’il ne puisse y avoir, au quatrième alinéa de l’article 510 du code civil, un risque de contradiction entre le mot « parent » tel qu’il est utilisé dans cet alinéa et le même mot tel que vous l’employez dans l’article balai. Il ne me paraît pas évident qu’au quatrième alinéa de l’article 510 du code civil, « parent » signifie « père et mère » – sinon, cela eût été indiqué ainsi. Je pense que l’acception des mots « parent », « allié » et « proche » dans cet article du code civil peut être différente. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’une erreur juridique, mais cet article comporte au minimum une incertitude qui mériterait d’être levée.

J’ajoute une observation sur le déroulement de nos travaux, monsieur le président. La nuit dernière, la présidence a levé la séance à quatre heures du matin, et nous avons repris nos travaux à quinze heures. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi la présidence n’a pas levé la séance à une heure, ce qui aurait permis de reprendre nos travaux à neuf heures trente et de gagner une heure de débat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opposition ne fait pas d’obstruction,…

M. Bernard Accoyer et M. Philippe Briand. C’est vous qui faites de l’obstruction ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. …puisque c’est la présidence elle-même – que je respecte – qui a pris l’initiative de cet horaire de travail forcé jusqu’à quatre heures du matin. En adoptant cette organisation, vous supportez en réalité des coûts plus élevés, et vous avez surtout abrégé nos travaux d’une heure. Une levée de la séance à une heure aurait coûté moins cher et aurait permis à tout le monde de dormir normalement, tout en gagnant une heure de travaux, puisque nous aurions pu reprendre nos débats ce matin dès neuf heures trente. Je ne comprends pas les raisons d’une telle obstruction de la part de la présidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Dumont. Vous avez refusé de terminer l’examen des amendements à l’article 4 !

M. le président. Je suis sûr que la vice-présidente a voulu permettre aux uns et aux autres, après quelques jours très difficiles, de connaître une grasse matinée. (Sourires.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oui, cela nous a fait du bien !

M. François Vannson. Ça mérite un rappel au règlement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Permettez-moi de regretter que, depuis maintenant plusieurs jours, le Gouvernement et la majorité fuient le véritable débat. Nous apportons dans cette discussion un certain nombre d’arguments, mais nous n’obtenons pas de réponses à nos questions, ni de véritables échanges. C’est dommage, et je pense que nos concitoyens apprécieront.

Vous utilisez sans cesse l’argument – même s’il ne s’agit pas à mon sens d’un véritable argument – selon lequel ce projet de loi respecterait le cours de l’histoire, comme s’il existait un cours de l’histoire inexorable et une forme de déterminisme à la fois historique et social. En fait, vous devriez véritablement réfléchir avant d’utiliser un tel argument. En effet, derrière cet argument se cache en réalité une idée extrêmement pernicieuse, qui est le déni même de l’action politique. Si tout est déterminé par avance, alors ce que nous faisons ici est un simulacre. Vous devriez vraiment y réfléchir à deux fois avant d’utiliser un tel argument, parce que si nous sommes dans un simulacre, nous sommes en train de leurrer nos concitoyens…

Mme Laurence Dumont. Parole d’expert !

M. Patrick Hetzel. …et, pire encore, nous nous leurrons nous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2263, 3865 et 4923.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 160

Nombre de suffrages exprimés 159

Majorité absolue 80

Pour l’adoption 59

Contre 100

(Les amendements identiques nos 2263, 3865 et 4923 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), pour soutenir l’amendement n° 5253 rectifié.

M. Bernard Accoyer. Je m’inscris contre !

M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit simplement d’un amendement rédactionnel en vue de corriger un pluriel maladroit.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Excellent amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Nous allons voter pour : cela nous fera tout drôle ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. J’interviens contre cet amendement qui a été présenté de façon quelque peu succincte, chacun en conviendra. Il est vrai que le rapport est l’addition de non-dits et de confusions ; dans ces conditions, la présentation d’un amendement de clarification est en réalité une provocation à l’égard de l’Assemblée nationale !

M. Yannick Favennec. Il a raison !

M. Bernard Accoyer. Ce texte est une succession de confusions et de non-dits : confusion entre mariage et adoption, confusion entre adoption et procréation médicalement assistée, et confusion entre procréation médicalement assistée et gestation pour autrui.

M. Bernard Roman. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Bernard Accoyer. Dans ces conditions, cet amendement du rapporteur apparaît quelque peu excessif ou provocateur ! M. Binet multiplie d’ailleurs, dans son rapport volumineux en deux tomes qui atteint près d’un millier de pages,…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il a fait un bon travail !

M. Bernard Accoyer. …les allusions qui montrent bien que, derrière ce texte présenté de façon tout à fait anodine comme un changement sans conséquence sur la société, se cachent en réalité un changement profond et une révolution de notre code civil. C’est contre cela que nous nous élevons ! C’est cela que nous ne pouvons accepter, en l’absence d’un grand débat et de la recherche d’une solution alternative comme celle d’une alliance civile qui aurait permis de dégager sur ces bancs et dans le pays une large majorité.

À l’heure où le pays est confronté à tant de difficultés et où nous avons tellement d’autres priorités, il est tout à fait désolant de voir tout le temps et toute l’énergie…

M. Jean-Claude Perez. Dites-le vite !

M. Bernard Accoyer. …que le Gouvernement et sa majorité consacrent à une telle manipulation, avec un objectif tant discuté et si regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 5253 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Erwann Binet, rapporteur. Cette demande de scrutin public me laisse le temps de préciser qu’il n’y a rien de révolutionnaire à mettre au singulier « conjoint survivant ». Il n’y a généralement qu’un seul conjoint survivant : …

M. Jacques Myard. Et en cas de polygamie ?

M. Erwann Binet, rapporteur. …il s’agit donc bien sûr de corriger une maladresse rédactionnelle.

Monsieur Accoyer, il était inutile de consacrer une heure à ce sujet !

M. le président. Monsieur Mariton, vous avez demandé un scrutin public sur cet amendement, mais je l’ai annoncé il y a seulement quarante-cinq secondes. Dois-je attendre les cinq minutes règlementaires ?

M. Marc Le Fur. C’est la règle !

M. Hervé Mariton. Je propose de passer au vote.

M. François Vannson. Rappel au règlement ! (Sourires.)

M. le président. Vous en seriez capable !

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 5253 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 154

Nombre de suffrages exprimés 151

Majorité absolue 76

Pour l’adoption 92

Contre 59

(L’amendement n° 5253 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 4747.

M. Damien Abad. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle avec nos autres amendements.

Je profite de cette intervention pour vous exposer ma position sur ce texte. Beaucoup d’amendements à l’article 4 visent à repréciser la portée juridique et les conséquences des principes qui ont été affirmés. Nous aurions pu être plusieurs députés de l’opposition à ne pas forcément voter contre ce texte. Le problème, madame la garde des sceaux, est que vous avez commis trois erreurs dans la présentation de ce texte. Votre première erreur concerne la consultation, dont tout le monde a constaté, y compris sur les bancs de la majorité, qu’elle avait manqué sur un vrai sujet de société. Force est de constater que la comparaison avec les lois de bioéthique ne joue pas en votre faveur. La deuxième raison des difficultés que nous éprouvons sur ce texte est l’impact de celui-ci et l’effet domino qu’il pourrait avoir sur la société, au-delà de la simple question du mariage. Enfin, nous considérons que ce texte n’est pas une priorité alors que la situation économique est grave.

Nous avons proposé une solution alternative constructive : celle de l’alliance ou de l’union civile, pouvant être liée à un référendum sur la question du mariage ou de l’adoption. Vous n’avez voulu ni de l’union civile ni du référendum. Vous avez refusé d’entendre la volonté du peuple : vous aurez donc une opposition unie, forte et rassemblée contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Vous l’avez dit, monsieur Abad : il s’agit d’un amendement de cohérence avec un amendement précédemment rejeté par notre assemblée. Il n’a donc plus lieu d’être : l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Je ne fais pas un rappel au règlement : je présente juste une petite analyse. Pour ma part, j’ai été très sensible aux travaux et à la communication que nous a adressée M. Bertrand Vergely, universitaire de haut rang, professeur en khâgne et à Sciences Po. Cet homme a toujours eu une vision très éclairée sur les sujets de société. J’invite tous les parlementaires à lire sa contribution. Il conclut celle-ci en affirmant que le mariage gay, qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour, n’est pas raisonnable. La remise en cause de la distinction entre l’homme et la femme, ravalée au rang de pratique sexuelle, n’est pas non plus raisonnable. Toutes ces analyses sont de nature à éclairer nos débats.

(L’amendement n° 4747 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Marc Le Fur. Nous abordons ici l’un des amendements les plus symboliques, puisque c’est de la cérémonie de mariage qu’il s’agit. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Chaque couple se souvient de cette cérémonie, et chacun peut en mesurer l’importance. Mes collègues développeront notre argumentation.

En réponse aux propos de notre collègue Hervé Mariton, je souhaite simplement faire une observation. M. Mariton a demandé pourquoi nous avons travaillé cette nuit jusqu’à quatre heures, et pourquoi nous n’avons pas siégé ce matin. Il y aurait à cela une raison que je n’ose imaginer, monsieur le président, mais je vous la livre néanmoins : je devais présider la séance de ce matin ! (Rires sur de nombreux bancs.)

Mme Laurence Dumont. Vous n’auriez pas pu défendre vos amendements ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Le président de l’Assemblée aurait pu prendre le relais pour me permettre de défendre mes amendements.

M. Xavier Breton. Quel sectarisme !

M. Marc Le Fur. Mais loin de moi l’idée d’imaginer une telle hypothèse.

M. Bernard Accoyer et M. Christian Jacob. Non ! C’est impensable bien sûr !

M. Marc Le Fur. Si le Sénat vote le texte conforme, mes chers collègues,…

M. Bernard Accoyer. Cela veut dire qu’il ne sert à rien !

M. Marc Le Fur. …alors qu’il n’a pas été préparé et que le travail en commission a été très médiocre, nous ne pourrons pas l’examiner en deuxième lecture dans notre assemblée.

Pourquoi le législateur, le constituant a-t-il imaginé une deuxième lecture ? Parce que la loi doit être peaufinée, travaillée, ciselée. En l’occurrence, on va faire du brut, du médiocre, du quelconque, alors que nous parlons du code civil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Monsieur Le Fur, vous ne pouvez imaginer une seule seconde que nous aurions voulu nous débarrasser de votre talent ! (Sourires.)

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n° 166.

M. François Vannson. Je soutiens bien évidemment les propos de notre collègue Le Fur. En effet, la cérémonie du mariage n’est pas un acte anodin. Or nous avons le sentiment que rien n’a été préparé dans le texte et que nous sommes dans la confusion la plus totale.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. François Vannson. Il va de soi que je soutiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 219.

M. Bernard Deflesselles. Je veux revenir, à l’instar de deux de mes excellents collègues, sur la déclaration d’un haut personnage de l’État qui n’est autre que le président du Sénat, M. Bel. Sur une radio nationale, il a déclaré ce matin que le Sénat pourrait voter conforme. Cela signifie ni plus ni moins qu’il fige le débat et fait la preuve que le Sénat ne sert à rien !

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Bernard Deflesselles. Nous revenons aux heures sombres de notre République,…

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Bernard Deflesselles. …lorsque M. Jospin disait que le Sénat était une anomalie. Rappelez-vous, mes chers collègues de gauche !

Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’alinéa 8 de l’article 4, qui prévoit de remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ». Votre projet de loi vous oblige à supprimer ces mentions sexuées du code civil.

Il s’agit de supprimer la jolie formule du code civil prononcée par l’officier de l’état civil : « il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ». Mes chers collègues, tout cela ne sera plus possible. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’aliéna 8 de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 379.

M. Yves Albarello. L’ensemble de votre texte, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, n’est que maladresse, et pas simplement l’amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur tout à l’heure.

Les conséquences de ce texte ne sont à l’évidence pas approfondies. l’examen de cet article en est la preuve. C’est pourquoi, comme mes collègues, je persiste et signe : il nous faut impérativement supprimer l’alinéa 8.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr.

M. Yves Albarello. Ce texte, je le répète, n’est pas abouti. Et s’il devait y avoir, comme le disait Marc Le Fur, un vote conforme au Sénat, nous aurions un texte incompréhensible.

Mes chers collègues, la clarté est dans les rangs de l’opposition.

M. Christian Jacob. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 315.

Mme Dominique Nachury. Depuis de nombreuses heures, nous voulons mettre en évidence les imprécisions et les incohérences du projet, liées à la méthode utilisée et au refus de prendre le temps nécessaire pour élaborer un texte important au plan social.

Dans l’alinéa 8, il est proposé de remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ». Rappelons que cet article porte sur le déroulement de la cérémonie du mariage et, dans son dernier aliéna, dispose que l’officier d’état civil, « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme. Il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage et il en dressera acte sur le champ ». Il lui faudrait donc prononcer le mot « époux ». Pour les hommes, un ou deux, cela convient, mais pour les femmes, une ou deux, cela pose question. Faudra-t-il aussi interpréter la loi ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bonne question.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 415.

M. Hervé Mariton. Nous sommes dans une situation assez comparable à celle où nous étions à propos de l’article 371-1 du code civil, à la différence que le Gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait un problème, alors qu’il l’avait manifestement oublié à l’article 371-1.

Pourquoi avez-vous décidé de dispenser l’officier d’état civil de dire « mari et femme » à deux personnes de même sexe – et dans ce cas, vous ne lui demandez pas d’interpréter le code civil –, mais de projeter les mêmes personnes en tant que père et mère ? Le Gouvernement a compris que lorsque l’officier d’état civil mariait deux personnes de même sexe, il ne pouvait s’adresser à eux en tant que mari et femme. Mais il a oublié de penser qu’il ne pouvait pas non plus s’adresser à eux en tant que père et mère. Vous l’avez d’ailleurs, madame la garde des sceaux, avec toute la courtoisie nécessaire pour la majorité, implicitement admis, et avez renvoyé à la discussion au Sénat. Mais nous voilà maintenant sous la menace d’un vote conforme du Sénat.

M. François Vannson. Exact.

M. Hervé Mariton. Ce qui veut dire que le code civil va réussir ce tour de force de dire aux gens qu’ils ne sont plus « mari et femme, mais qu’ils restent « père et mère » !

M. Xavier Breton. Quel aveu !

M. Bernard Accoyer. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 428.

M. Christian Jacob. Je rebondirai sur les arguments d’Hervé Mariton.

Au départ, vous envisagiez de modifier l’ensemble des articles du code civil qui faisaient référence à des mentions sexuées, soit environ cent soixante-huit articles. Vous auriez remplacé les mots « père et mère » par « époux », « mari et femme »par « couples de même sexe ». Mais vous ne le faites pas s’agissant de l’article 371-1. Lorsque l’officier d’état civil mariera un couple d’homosexuels, selon vos vœux, et qu’il fera référence à l’article 371-1 relatif à l’autorité parentale, ce couple homosexuel sera désigné en tant que « père et mère » ! Avouez que la situation est compliquée et qu’elle peut être très mal ressentie par ce couple d’homosexuels.

M. François Vannson. Oui, c’est de la discrimination !

M. Christian Jacob. En revanche, au moment de l’échange de consentements lorsqu’il leur sera demandé de se prendre pour mari et femme, on parlera alors d’époux ! L’incohérence est totale.

Pourquoi ? Vous avez voulu un article balai, mais sans le soumettre au Conseil d’État. Je note, madame la garde des sceaux, que son avis commence à devenir public, un journal en a ce matin diffusé assez largement quelques extraits.

M. Jacques Myard. La situation est inadmissible.

M. Christian Jacob. Il serait temps, madame la garde des sceaux, de franchir le pas et de le rendre public.

On voit bien les problèmes auxquels vous avez été confrontés. Et vous vous contentez de supprimer les mentions sexuées dans cinq articles seulement. On est en pleine incohérence en raison de cette mauvaise rédaction juridique.

M. Jacques Myard. Mauvaise foi !

M. le président. Il faut conclure.

M. Christian Jacob. Si, chose invraisemblable, le Sénat adoptait le texte conforme, cela poserait la question de son existence politique. Au-delà, comment corriger les imperfections de votre texte ?

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 473.

M. François de Mazières. Je souhaite faire référence à un article fort intéressant du sénateur Philippe Bas publié dans La Croix, articledans lequel il répond à votre grand argument, à savoir que nous sommes terriblement ringards.

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est une tendance ! (Sourires.)

M. François de Mazières. Il montre qu’il n’y a de ringardise ni à droite ni à gauche et que l’histoire le démontre. L’ouverture du droit de vote aux femmes en 1945, c’est de Gaulle.

M. Jacques Myard. De Gaulle, pas vous !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Le Conseil national de la résistance !

M. François de Mazières. L’autorisation de la pilule, c’est la loi Neuwirth en 1967. En 1972, la reconnaissance des enfants naturels, etc. On ne peut donc pas nous accuser d’être constitutionnellement ringards !

Le deuxième argument que vous développez est celui de l’égalité. Nous, nous disons que le problème, c’est l’égalité pour les enfants : pour l’enfant adopté d’avoir droit à un père et une mère. Pour vous, c’est l’égalité du désir de l’adulte. Pour notre part, nous privilégions le droit de l’enfant sur le droit du désir de l’adulte.

Je souhaite également insister sur les prises de positions passionnantes de Michel Rocard, pour qui le Pacs aurait pu suffire, ou encore ceux de Mme Agacinski.

Il est pour le moins regrettable – et je reprends la conclusion de Philippe Bas – de ne pas remettre au goût du jour le contrat d’union civile pour réellement s’intéresser aux problèmes actuels des couples homosexuels et maintenir le fondement de notre civilisation, à savoir le mariage dans un couple hétérosexuel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 532.

M. Patrick Ollier. Nous nous situons au plan du droit. Je ne veux pas faire de politique…

Mme Annick Lepetit. Mais non !

M. Patrick Ollier. .Au plan du droit, nous sommes dans la plus grande confusion, monsieur Roman.

M. Bernard Roman. Je n’ai rien dit, pour une fois !

M. Patrick Ollier. Nous sommes dans la confusion, l’incohérence et même le quiproquo. Qui est responsable de ce quiproquo ? L’article 4.

Cet article a sans doute été élaboré avec beaucoup de bonne foi par la commission, je ne le mets pas en doute, mais il n’a pas été – et pour cause – validé par le Conseil d’État. La logique de la construction de la loi se heurte à des incertitudes provoquées par des réflexions de bonne foi dans le cadre des travaux de la commission. J’en sais quelque chose : pendant dix, j’ai présidé une commission dans cette assemblée et il m’est arrivé aussi d’être confronté à des erreurs, qui ont conduit à des incohérences de droit. Mais il faut être capable de les reconnaître publiquement.

En l’occurrence, votre incohérence touche à la symbolique de la cérémonie publique du mariage. L’annonce que le Sénat souhaiterait voter le texte conforme ajoute à la gravité de la situation car nous ne pourrions plus discuter du texte. Imaginez les réactions du Conseil constitutionnel ! Je vous mets en garde contre la sanction. Pour l’éviter, je vous invite à davantage de travail, à des discussions approfondies pour mieux construire la loi.

M. Bernard Accoyer. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n° 619.

M. Yves Foulon. Nous sommes toujours dans la même situation. Nous n’avons aucune réponse à nos interrogations. Nos collègues socialistes sont aphones et ne souhaitent pas nous parler.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il n’y a rien à répondre !

M. Yves Foulon. Le président de la commission est absent et le rapporteur ne répond pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie.

M. Yves Foulon. Quant au Gouvernement, il répond de façon méprisante quelquefois, ou ne répond pas du tout.

Nous continuons de défendre nos amendements qui nous permettent de dire que ce texte de loi est mauvais pour les Français.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1038.

M. Philippe Cochet. Le travail parlementaire suppose des échanges. Certes, nous pouvons poursuivre dans le monologue. Mais je vous demande de vous arrêter sur le monologue de l’officier d’état civil dans nos 36 000 mairies. Nous, qui sommes parfois également maires, devrons faire face à la demande des officiers d’état civil qui s’interrogent, comme nous, sur la manière de procéder.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Ce ne sera plus le cas avec la fin du cumul.

M. Philippe Cochet. C’est une vraie question.

Avec ce texte qui tient du bricolage, nous mettrons les agents de l’État dans une situation invraisemblable. Pour la régler, quelle réponse avons-nous ? Le silence.

Mes chers collègues, si telle est votre conception du travail parlementaire, vous devriez, je le dis franchement, faire autre chose. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un parlementaire qui s’est donné pour mission de se taire fait offense à ceux qui ont voté pour lui et à ce pour quoi nous sommes élus, c’est-à-dire faire une bonne loi. Voilà pourquoi, monsieur le président, je soutiens cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Geneviève Gaillard. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1310.

M. Yves Nicolin. L’article 4 pose des problèmes qui ne sont pas aujourd’hui mesurés, madame la garde des sceaux, madame la ministre de la famille. Ils vont entraîner des effets négatifs pour beaucoup d’enfants – vous savez comme je suis attaché aux sujets concernant l’adoption – mais aussi pour les futurs époux eux-mêmes. Après avoir voulu supprimer, chaque fois que cela était possible, les mots « père » et « mère », vous voulez maintenant supprimer les mots « mari » et « femme » au profit du terme générique « époux » qui ne satisfera personne.

Je rebondis sur ce qu’a dit mon collègue Philippe Cochet quant à l’embarras dans lequel vous allez plonger tous les officiers d’état-civil, tous les élus lorsqu’ils devront célébrer le mariage de deux « époux » comme s’il s’agissait d’êtres totalement asexués. Quelquefois, les propres enfants des futurs mariés assistent à la cérémonie. Désormais, ils ne comprendront plus rien : ils seront entrés dans la salle des mariages en étant les enfants d’un père et d’une mère, ils en sortiront en étant les enfants de deux « époux ».

Nous en sommes à dénaturer le mariage, pour faire plaisir à une minorité, en donnant des signaux extrêmement négatifs à beaucoup d’autres personnes. C’est tout à fait regrettable

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1442.

M. David Douillet. D’heure en heure, je suis de plus en plus consterné par ces débats. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Il faut que les Français le sachent : vous politisez la vie de futurs enfants, ceux des couples de même sexe qui vont adopter ou qui auront recours à la GPA. Vous provoquerez des plaies ouvertes. Ces plaies peuvent exister chez des couples malheureusement victimes d’accidents de la vie, mais là vous les provoquez sciemment, à des fins politiciennes. Voilà la vérité !

Un enfant, quel que soit l’amour que pourra lui porter un couple de même sexe, aura toujours ce manque biologique d’un père ou d’une mère. Croyez moi !

M. David Douillet. Cet enfant qui démarrera sa vie avec des questions auxquelles personne ne peut répondre, pas même son papa ou son papa bis, pas même sa maman ou sa maman bis – « de qui suis-je issu ? » subira des séquelles profondes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il y a des enfants malheureux dans les familles hétérosexuelles !

M. David Douillet. La recherche d’un père ou d’une mère biologique est un principe fondamental dans la pédopsychiatrie, vous le savez très bien. À un moment de la vie de ces enfants, ce besoin se fera sentir, c’est une certitude. Et vous porterez la responsabilité de leurs cicatrices.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Oh !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Cambadélis, vous ne faites pas le poids ! (Rires.)

M. David Douillet. Tout cela pour que de petits groupuscules votent pour vous, car c’est cela la vérité : vous allez saccager la vie d’enfants à des fins électoralistes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean-Claude Perez. Votre intervention n’est pas très glorieuse !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2229.

M. Pierre Lequiller. Je suis effaré des conditions dans lesquelles nous débattons d’un sujet aussi important, qui touche à ce qu’il y a de plus sacré : le mariage, l’enfant, la vie, le don de la vie. Vous n’avez pas consulté le Comité consultatif national d’éthique, vous n’avez pas organisé d’états généraux, vous ne mettez pas à notre disposition l’avis du Conseil d’État et le Sénat va s’abstenir d’entrer dans le jeu alors que ce texte touche à la PMA, à la GPA et à d’autres questions fondamentales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Élisabeth Guigou. Ce n’est pas vrai, nous sommes raisonnables !

M. Pierre Lequiller. En outre, vous commettez des fautes juridiques, comme celle de soustraire dans la formule très solennelle de la célébration du mariage les mots de « mari » et « femme » pour les remplacer par le mot « époux » – je ne sais d’ailleurs pas quels mots vous utiliserez lorsqu’il s’agira de deux femmes.

Nous le voyons bien, ce texte est bâclé et idéologiquement dangereux. Je demande que l’on revienne à une étude de fond, comme on l’a fait pour d’autres lois, la loi Leonetti ou les lois de bioéthique : le législateur a pris son temps, l’Assemblée puis le Sénat se sont prononcés, l’avis du Conseil d’État a été communiqué. Ou alors, il faut aller vers un référendum pour que le peuple se prononce lui-même.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3017.

M. Gérald Darmanin. Cet article a une incidence directe sur la cérémonie du mariage et touche tout particulièrement les élus et les officiers d’état civil. Mais il me paraît très étonnant que l’on évoque la possibilité d’un vote conforme au Sénat, et ce pour trois raisons.

Par trois fois, vous avez montré votre défiance envers les maires et les élus locaux.

Premièrement, vous avez refusé la clause de conscience aux élus alors que, dans toutes les circonscriptions, certains d’entre eux, quel que soit leur bord politique, ont demandé qu’elle s’applique.

Deuxièmement, avec un certain mépris, vous avez mis l’accent sur le fait que la cérémonie devait être républicaine comme si certains élus en France n’organisaient pas des cérémonies républicaines.

Troisièmement, vous avez insisté sur le fait que le procureur de la République avait la surveillance des actes des élus, comme si ce n’était pas une évidence que les élus, dans leur quasi-totalité – à part M. Mamère en d’autres temps – respectent la loi de la République.

Il est donc urgent d’adopter ces amendements.

Il est aussi urgent de faire comprendre à nos amis sénateurs – et il y a bien longtemps que la gauche n’a plus de majorité dans la Haute chambre, comme l’ont montré les votes de ces derniers mois – qu’il leur faudra discuter de ce texte, et que nous pourrons, en deuxième lecture, continuer à l’améliorer, ou du moins tenter d’améliorer ce qui est améliorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3070.

M. Patrick Hetzel. La rédaction de l’alinéa 8 montre combien ce projet de loi a été improvisé. C’est la raison pour laquelle nous proposons sa suppression.

Ce qui est plus frappant, c’est que si vous aviez entendu notre plaidoyer en faveur du contrat d’alliance civile, portée par la proposition de Daniel Fasquelle, nous ne serions pas aujourd’hui en train de devoir amender et bricoler un texte qui ne fait absolument pas consensus.

Je crois que vous ne mesurez pas à quel point vous prenez une lourde responsabilité en persistant dans votre erreur.

Aujourd’hui, la France est dans une situation critique. Nos concitoyens attendent que le Gouvernement crée de la concorde et fasse en sorte qu’il y ait des sujets de consensus. Il s’agit d’un véritable sujet de société, vous avez même parlé de sujet de civilisation, madame la ministre. Vous avez raison. Seulement, les sujets de civilisation ne se traitent pas à la hussarde, bien au contraire, ils se traitent dans l’apaisement, dans le calme et l’harmonie. Or, avec l’union civile, il y avait une possibilité de créer de la concorde et de l’harmonie. Vous portez une responsabilité très lourde en divisant là où l’on peut rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3166.

M. Bernard Accoyer. Cet alinéa fait partie de ces dispositions qui devraient conduire le Conseil constitutionnel à annuler le cœur du dispositif que le Gouvernement veut imposer à marche forcée au pays.

En effet, nous pouvons considérer que l’union d’un homme et d’une femme qui constitue le mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. L’article 144 du code civil le spécifie et d’innombrables autres articles contiennent les mots « père » et « mère », ce qui signifie par conséquent qu’un couple est composé d’un homme et d’une femme.

Ce point est d’une importance extrême, qui nous conduit à nous interroger sur les déclarations du président du Sénat. Comment peut-il prétendre, s’agissant d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, que le Sénat votera conforme ce texte avant même qu’il ait fini d’être examiné, amendé et adopté par notre assemblée ?

Dans ces conditions, une nouvelle fois, nous pourrions, à la suite du général de Gaulle, nous interroger sur l’utilité de la deuxième chambre. Surtout, nous devrions nous inquiéter de la fragilisation de la procédure, concernant un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3260.

M. Jacques Myard. Vous voulez rayer d’un trait de plume ce qu’est l’histoire de l’humanité. Se prendre pour mari et femme renvoie à l’altérité institutionnelle du mariage, quel que soit le lieu, quelle que soit la forme politique, quelle que soit la culture, quelle que soit la religion des hommes et des femmes qui font le genre humain. Nous sommes au cœur de l’absurdité de votre projet. Marier deux êtres de même sexe, c’est un oxymore : c’est une contradiction dans les termes mêmes.

Voilà pourquoi cet alinéa doit être supprimé. Vous croyez créer un monde nouveau. En réalité, la terre va se dérober sous vos pieds. Un jour ou l’autre, un tremblement de terre vous balaiera ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Claude Perez. Et d’immenses multitudes de criquets se répandront sur la surface de la terre !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 3317.

M. Thierry Mariani. Je ne reviendrai pas sur le bricolage de ce texte, mes collègues l’ont fait excellemment.

Je voudrais vous dire ce que je ressens, après la journée d’hier où j’ai manqué ces débats parce que j’assistais avec certains autres de mes collègues à la réunion de la grande commission parlementaire France-Russie. Combien de familles françaises vont-elles être privées de l’adoption d’un enfant à cause de la loi que nous sommes en train de voter, compte tenu de la réaction de certains pays ?

Il faut savoir – et je parle sous le contrôle d’Yves Nicolin qui est spécialiste de ces sujets – que 80 % des adoptions en France se font à l’étranger, et que le plus gros contingent d’enfants provient de la Fédération de Russie.

Le président de la Douma, Sergueï Narychkine, a lui aussi laissé clairement entendre mardi à Paris que la Russie pourrait durcir ses règles d’adoption pour la France. Le représentant pour les droits de l’homme du ministère des affaires étrangères russe a déclaré que la reconnaissance du mariage homosexuel en France et en Angleterre « réduit les chances pour les Français et les Britanniques d’adopter des enfants issus de Russie ».

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Depuis quand doit-on obéir aux diktats de la Russie ?

M. Thierry Mariani. Quel paradoxe : pour satisfaire une minorité, on risque de priver certaines familles qui ont entamé depuis des années une procédure de la possibilité d’adopter un enfant, car certains responsables étrangers – et on peut les comprendre, les parlements sont souverains – n’ont pas envie de confier leurs nationaux à des couples homosexuels en France. Permettez-moi à cette occasion de me faire l’interprète de l’inquiétude de ces familles.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est votre lecture !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3345.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise lui aussi à supprimer l’alinéa 8 de l’article 4, revenant sur la suppression d’une jolie formule du code civil, qui dispose que l’officier d’état civil recevra la déclaration que les mariés se prennent pour mari et femme.

Vous voulez supprimer l’expression « mari et femme » : il y aura donc bien un impact, pas seulement pour les couples de même sexe, mais également pour les couples de sexes différents, qui ne pourront plus être appelés par l’officier d’état civil dans cette déclaration « mari » et « femme ».

Je souhaite également prolonger la discussion sur l’article 371-1, lequel prévoit toujours le maintien des mots « père et mère ». Ma question est donc la suivante : s’agit-il de l’aveu que vous êtes contre le mariage, mais pour la filiation ? Nous l’aimerions, car ce serait déjà un progrès dans la discussion puisque les mots « père et mère » seraient réservés aux couples de sexes différents, tandis que le mot « époux » s’appliquerait au mariage.

C’est aussi l’occasion de montrer quel bricolage vous faites avec ce texte. Encore une fois, nous nous inquiétons de la position du président du Sénat, qui souhaite un vote conforme. Par cette position, il montre qu’existe une interrogation sur l’utilité même du Sénat, si celui-là devait voter conforme ce texte bricolé ; et au-delà de son utilité, ce serait l’existence même du Sénat qui serait remise en cause.

Nous pouvons collectivement remercier M. le président du Sénat d’avoir braqué les projecteurs sur la première lecture : nous serons très attentifs et très vigilants afin de nous assurer que le Sénat a encore une utilité dans ce pays, qui justifie pleinement son maintien.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3389.

Mme Catherine Vautrin. Le Président de la République a incontestablement mesuré l’importance de l’institution du mariage. Tel était finalement le sens de la clause de conscience, dont nous ne savions pas jusqu’où il entendait la porter ; mais pourquoi ne pas imaginer que, pour lui, cette institution peut être importante ?

À ce stade, même si nous acceptons de reconnaître que le code civil ne mentionne pas expressément le fait que le mariage unit deux personnes de sexes différents, il est absolument clair qu’il le sous-entend.

Ce qui nous gêne finalement aujourd’hui, c’est que nous pouvions parfaitement conserver cette institution et créer par ailleurs un outil de rassemblement : l’alliance civile.

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Catherine Vautrin. Le texte aurait existé, il aurait reconnu des droits et apporté des réponses.

Vous avez choisi la solution de la division, et cela ne fait que continuer car, quand on lit les intentions du Sénat, on se rend compte que les maires avaient particulièrement raison d’être très inquiets. Nous pressentons aujourd’hui que la discussion se déroulera à l’Assemblée, la volonté de la majorité étant d’éviter le débat au Sénat.

Incontestablement, il ne faut pas conserver ce projet de loi, et supprimer l’alinéa 8 permet de conserver cette jolie formule. Voilà ce qui nous conduit aujourd’hui, voilà le sens de cet amendement.

M. Yves Censi. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3496.

M. Daniel Fasquelle. Il y a un manque total d’écoute de la part du Gouvernement et de la majorité, cela a déjà été souligné ; écoute des Français, mais également écoute des maires.

Madame Bertinotti, vous nous avez intégralement lu hier la pétition des psychanalystes ; très franchement, vous n’avez pas regardé les noms des signataires ! À plusieurs reprises ne figure qu’un simple prénom, et parmi ces signataires figurent des psychanalystes qui aujourd’hui encore n’appliquent pas les recommandations de la Haute autorité de santé pour le traitement des enfants autistes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Daniel Fasquelle. Je crois vraiment que ce n’était pas une bonne référence : vous feriez mieux de lire la pétition des maires pour l’enfance, signée par de très nombreux maires qui condamnent votre projet de loi et notamment la disposition dont nous débattons en ce moment.

Absence d’écoute également à l’égard des parlementaires, qui demandent tout d’abord le retrait de la circulaire Taubira : elle reconnaît en effet la gestation pour autrui et, adossée au projet de loi que nous examinons, encourage à recourir aux mères porteuses et à la GPA à l’étranger.

De plus, ils réclament à nouveau l’avis du Conseil d’État : les parlementaires ont le droit d’avoir accès à cet avis ! Vous le cachez parce qu’il dit des choses qui vous sont désagréables : c’est un manque de courage et de transparence !

Par ailleurs, nous voudrions également prendre connaissance du projet de loi de Mme Bertinotti sur la famille. Il traitera – accrochez-vous bien ! – du statut du beau-parent, de l’adoption et de diverses questions qui concernent directement le sujet dont nous débattons aujourd’hui.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Daniel Fasquelle. En conclusion, retirez tout simplement ce projet de loi ! Mettons tout à plat, organisons des états généraux, débattons d’autres solutions, comme l’alliance civile proposée par plusieurs de mes collègues.

Le moyen d’organiser une meilleure reconnaissance des couples homosexuels existe évidemment, tout comme il est possible de permettre à ces couples d’accueillir des enfants dans de meilleures conditions. Mais ce que vous proposez n’est certainement pas la voie à suivre, et nous le condamnons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n° 3691.

M. Jean-Pierre Vigier. Depuis quelques jours, nous débattons du projet de loi de mariage pour tous. Je voudrais rappeler, encore et encore, que ce texte est un écran de fumée. Il ne traite pas des sujets attendus par les Français que sont l’économie et l’emploi.

M. Sébastien Denaja. Et alors ? De quoi traitent vos amendements ?

M. Jean-Pierre Vigier. L’ égalité des droits, oui, mais pas de cette façon ! Depuis le début de la discussion, vous ne répondez pas à nos questions, il n’y a aucune écoute, et vous avez refusé la demande de référendum.

Le mariage, oui ! Mais le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme. De cette union naît un enfant, avec un père et une mère. Pour les couples homosexuels, il suffisait de modifier et d’adapter le Pacs ou, comme cela vient d’être dit, de créer l’alliance civile.

Je vous répète que vous privilégiez le droit à l’enfant sur le droit de l’enfant. Vous déstructurez les valeurs de notre société, ce qui est très grave. Je demande donc la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3914.

M. Yves Censi. Mes chers collègues, je crois que le Gouvernement, depuis plusieurs jours, ne sait plus sur quel pied danser. Vous êtes en effet, mesdames les ministres, confrontées à un véritable paradoxe auquel vous n’avez pas eu le courage d’apporter une solution, cela a été dit à maintes reprises.

Pour en revenir à la question de la filiation, chacun se souvient que, dans la première version du texte, vous aviez d’abord tenté de supprimer toute référence au père et à la mère. Puis, face à l’énormité de la tâche et à la naissance de ce monstre linguistique – un peu comme la novlangue d’Océania dans 1984 de George Orwell, cette langue inventée pour éviter toute critique –, vous en êtes revenues à une autre position – le fameux amendement balai – reposant sur ce que Mme la garde des sceaux a appelé la « logique interprétative ».

Ainsi, lorsqu’on dit « père » et « mère », chacun doit, en fonction de sa vie intime, comprendre qu’une mère peut être un homme et qu’un père peut être une femme. Vous avez refusé de modifier le code civil, ce qui est le comble du déni et de l’évitement.

Par ailleurs, dans la formule que vous supprimez, vous appliquez une autre logique tout aussi grave qui, en supprimant la phrase : « ils veulent se prendre pour mari et femme », vise à supprimer le principe de l’altérité sexuelle.

À l’origine, l’idée, à laquelle nous serions parvenus avec l’alliance civile, était de créer une reconnaissance du couple homosexuel. Or, avec ce texte, vous n’opérez plus du tout une reconnaissance : vous désintégrez l’altérité sexuelle du code. Cette solution totalement différente a un impact sur l’ensemble des couples de notre pays, à l’opposé de ce que vous aviez affirmé, parce que vous êtes enfermées dans le déni et le refus de voir la vérité depuis le début de la discussion de ce texte.

Mme Élisabeth Guigou. Rien que ça ! Les ministres n’ont pas arrêté de vous répondre !

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah bon ?

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4121.

Mme Claude Greff. Je suis présente depuis le début de ces débats et, malheureusement, je n’ai pas eu de réponse à toutes mes interventions !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, vous n’étiez pas là tout le temps !

Mme Claude Greff. Je compte vraiment sur vous, mesdames les ministres, pour répondre à mes propos.

Je sais pourquoi, et je crois que la population dans sa globalité le comprend, vous ne pouvez pas dire « mari » et « femme » : c’est tout simplement parce que vous vous enfoncez dans le mensonge.

M. François Vannson. C’est sûr !

Mme Claude Greff. En fait, votre but premier est de transformer notre société, comme cela a toujours été la volonté de la gauche lorsqu’elle est arrivée au pouvoir.

Je regrette que vous utilisiez les homosexuels en leur faisant croire à une égalité. Celle-là n’existe pas puisque, de fait, dans votre projet de loi, nous pourrons écrire pour certains « père » et « mère », et pour d’autres « parents de même sexe ».

Alors, oui : je suis triste pour les homosexuels, qui méritaient vraiment mieux que cette loi,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors là, on ne sait plus quoi répondre !

Mme Claude Greff. …qui non seulement ne répond pas du tout à cette volonté d’égalité, mais qui crée en outre un vrai simulacre– tout comme votre loi ! – de cérémonie.

Je me méfie toujours de ce fameux packaging qui semble beau. Nous répétions souvent une phrase, dans notre jeunesse : « Il est sympa, il est attirant ! ». Mais méfiez-vous des conséquences !

Madame la ministre, j’aimerais bien que vous répondiez un jour aux députés, et surtout à l’ancienne secrétaire d’État à la famille qui a beaucoup travaillé avec les homosexuels,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas ce qu’ils nous ont dit !

Mme Claude Greff. …avec lesquels nous avions trouvé une véritable voie, qui n’opposait personne mais répondait à la demande tout à fait légitime de reconnaissance dans notre société.

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4312.

M. Claude Sturni. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon opposition à ce projet de loi. J’ai l’honneur de faire partie de ces nombreux députés qui sont également maires. C’est avec de tels textes que l’on mesure le mieux la complémentarité de ces deux mandats.

Légiférer, travailler la loi, ciseler le texte, pour reprendre une très belle expression de l’un de nos collègues, lorsqu’on a la possibilité d’améliorer le texte gouvernemental en s’appuyant sur l’expérience du terrain, celle des femmes et des hommes maires ou adjoints au maire, c’est l’occasion d’enrichir le débat, de soulever les bonnes questions, concernant notamment la mise en œuvre concrète des textes, dans la vie réelle.

Encore faut-il ne pas être hermétique ! Encore faut-il ne pas travailler dans la hâte, comme je le rappelais cette nuit ! Encore faut-il ne pas vouloir passer en force ! Encore faut-il ne pas prendre le risque de bâcler la rédaction des articles prétendument « balais », mais qui sont particulièrement importants, comme on l’aura compris.

Alors oui, aujourd’hui, les députés présents sur nos bancs tentent d’améliorer le texte qui nous a été soumis. À titre personnel, mais aussi au nom de ces dizaines de milliers de maires et d’adjoints au maire qui remplissent consciencieusement leur fonction d’officier d’état civil, et qui auront à appliquer ce texte tellement perfectible, je vous invite, mes chers collègues, à reprendre votre texte de loi parce qu’il est fondamentalement à revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Ressaisissez-vous !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4722.

M. Gilles Lurton. Cet amendement tend, comme nous l’avons déjà précisé, à supprimer l’alinéa 8 de l’article 4 visant à remplacer les mots « mari et femme » par le mot « époux ».

Cet article illustre encore une fois la suppression de l’altérité sexuelle dans notre société. Vous restez fidèles à votre idéologie en ne tenant pas compte d’une grande partie de nos concitoyens qui restent attachés à cette très belle formule du code civil : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme. Il prononcera au nom de la loi qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ ».

Une fois encore, pour une minorité de couples de même sexe, à laquelle je reconnais depuis le début de cette discussion le droit à une reconnaissance juridique, que nous aurions pu satisfaire par une union civile, vous imposez votre idéologie aux couples hétérosexuels. Vous persistez à sous-estimer toutes les conséquences qu’elle entraînera sur le code civil et sur l’ensemble des textes qui régissent notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 87 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 5138.

M. Damien Abad. Avec la suppression de l’alinéa 8 de l’article 4, nous sommes au cœur du sujet, au cœur des risques que font courir la surexposition et la surexploitation de sujets de société dans notre pays, entraînant des conséquences juridiques majeures.

Comme vous le savez, 70 % des Français considèrent que la question du mariage pour tous n’est pas prioritaire.

Dès lors, ma question est simple : pourquoi dites-vous d’un côté que ce n’est pas grave, que le mariage gay va dans le sens de l’histoire et qu’il s’agit juste d’acter dans le droit un certain nombre de faits, et de l’autre que cela est urgent – si cela n’a rien de grave ?

Deuxième question : comment se fait-il que l’on rencontre autant de résistance chez vous ? Nous avons pu constater qu’il y avait beaucoup d’allers-retours de la part du Gouvernement, beaucoup d’hésitations sur la PMA, la GPA et d’autres sujets encore.

Tous ces amendements sur le code civil et sur la portée juridique des divers principes qui seront adoptés illustrent les hésitations et les balbutiements de ce gouvernement.

Il est important de revenir à nos fondamentaux et à nos priorités, c’est-à-dire l’action économique et sociale. Après « le mariage pour tous », il est temps de s’occuper enfin de « l’emploi pour tous ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions sur l’alinéa 8 de l’article 4 que vous nous invitez à supprimer.

La disposition générale d’application ou article balai a vocation à se substituer aux très nombreuses coordinations qu’opérait l’article 4 du projet de loi dans sa version initiale. Néanmoins, la commission a pris la décision de maintenir un certain nombre de coordinations. C’est le cas des mots « mari et femme » qui sont remplacés par le mot « époux » aux articles 75 et 108 du code civil. Quant aux mots « leur beau-père et belle-mère », ils seront remplacés par les mots « leurs beaux-parents ».

La logique est tout simple : ces mots figurent très peu souvent dans le code civil. Par exemple, hors du titre VII, les mots « mari et femme » sont employés à deux reprises, et les mots « leur beau-père et belle-mère » ne sont présents qu’une seule fois. Il était donc logique de maintenir ces coordinations et de les sortir de l’article balai.

Bien évidemment, la commission est défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les députés de l’opposition contestent, avec ces amendements, une disposition du texte issu des travaux de la commission.

Je donne lecture du dernier alinéa de l’article 75 du code civil : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »

M. Bernard Accoyer. En clair ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est peut-être pas clair, mais en tout cas c’est ce que dit le code civil. En vérité, vous êtes en train d’en faire une histoire pour se faire peur la nuit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Il s’agit du code civil, tout de même !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais quand on vous entend commenter la disposition, on voit vraiment que vous en faites toute une histoire !

Je le répète, actuellement le code civil précise que : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ». L’article 4 propose de modifier ce texte par les mots : « Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux ».

Mme Dominique Nachury. Ce n’est pas la même chose !

M. Hervé Mariton. On supprime les mentions sexuées du code civil !

M. le président. Monsieur Mariton, je vous demande de laisser la garde des sceaux s’exprimer. Vous répondrez ensuite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Toutes ses interventions sont interrompues : ce n’est pas possible !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout qu’ils prétendent que je ne réponds pas ! Or chaque fois que je leur réponds, ils protestent pour étouffer ma voix !

De nombreux maires nous ont indiqué qu’ils disent déjà « se prendre pour époux ». Qu’est-ce qu’il a de moins joli, ce mot « époux », que les termes « mari et femme » ?

M. Thierry Mariani. Si c’est la même chose, alors pourquoi les modifier ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit donc simplement de remplacer les mots « mari et femme » par les mots « époux ».

Monsieur Mariani, s’agissant de la décision russe, je préfère le commentaire qu’a fait M. Mariton à deux reprises, parlant avec une très grande fermeté d’attachement à des valeurs et à une éthique, plutôt que de brandir les raisons pour lesquelles la Russie a pris cette décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. Et quand la ministre me répondra-t-elle ?

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Plus que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, c’est bien la filiation qui est au centre de notre travail législatif.

Vous avez tenté de brouiller les pistes en découpant votre projet de loi en fractions censées être moins visibles. Mais personne n’est dupe : aujourd’hui c’est l’adoption, demain ce sera la PMA et après-demain la GPA.

Avec votre loi, vous allez imposer à ces futurs enfants une voie de filiation impossible, sans origine, génératrice de contradictions tant sur un plan juridique que sur un plan humain et psychologique. L’enfant de couple homosexuel n’aura pas droit à une origine réelle mais à une origine absente. À la case père ou mère, il y aura un blanc, ce qui n’est pas simple à porter.

Vous pouvez bidouiller comme vous voulez la famille, grâce à un savant montage juridico-médical, vous allez créer des orphelins qui ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’un acte juridique délibéré, et vous en porterez la responsabilité. Vous privilégiez le droit à l’enfant plutôt que le droit de l’enfant. C’est pourquoi le groupe UDI votera ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. À mon tour, je veux dénoncer la procédure suivie sur ce texte. Vous avez refusé une commission élargie, vous avez rejeté en commission deux amendements que j’avais déposés, le premier qui portait sur la saisine du Comité consultatif national d’éthique, alors que le Président de la République l’a saisi sur la GPA, et le second sur la saisine du Défenseur des droits. Vous avez refusé le recours au référendum et vous décidez aujourd’hui que le débat sera tronqué au Sénat par un vote conforme.

Nous dénonçons ce comportement et nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question dite de société, comme nous avons saisi le Conseil d’État sur la circulaire GPA.

Nous aurions évidemment trouvé un consensus avec l’union civile ou l’alliance civile. Vous restez campé dans un combat idéologique, ce que je regrette.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cela fait des jours que nous débattons sur ce sujet…

M. Philippe Gosselin. Et ce n’est pas fini !

Mme Marie-George Buffet. …et je crois que nos échanges sont intéressants. Mais au-delà du débat dans cet hémicycle, celui sur l’accès aux droits pour toutes et tous parcourt la société depuis des années.

Si les discriminations envers les couples homosexuels reculent, nous sommes en retard pour faire en sorte que la loi reconnaisse cette réalité. Ne prenons donc pas plus de retard et allons-y !

Vous voulez faire appel au Comité consultatif national d’éthique. Mais je rappelle que ce projet de loi porte sur le mariage et l’adoption, ce qui n’appelle pas une intervention du Comité ; quant à la PMA, les lois sur la bioéthique sont revenues à plusieurs reprises sur ce sujet. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi nous aurions besoin de ce comité puisque David Douillet a déjà dit qu’on politisait la vie des enfants, que les plaies seront ouvertes, qu’il y aurait d’énormes blessures, et que nous faisions tout cela au nom de la politique : il a donc déjà tiré tous les enseignements.

M. David Douillet. Absolument !

M. Yves Censi. C’est vraiment le discours du comité central !

Mme Marie-George Buffet. Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. Myard. Avec cette loi, nous ne gommons pas le mariage, il demeure. Au contraire, nous lui donnons sa pleine étendue, sa pleine réalité…

M. Yves Nicolin. Baratin !

Mme Marie-George Buffet. …en l’ouvrant à toutes celles et tous ceux qui veulent construire un projet commun et une vie sur la base de leur amour réciproque.

Enfin, et je partage les propos que vient de tenir Mme la garde des sceaux, face à l’homophobie d’État, je veux bien que l’on écoute ce qu’ont dit les représentants de la République de Russie…

M. Thierry Mariani. Vous êtes une spécialiste !

Mme Marie-George Buffet. …mais ce qui m’intéresserait, c’est ce qu’ont répondu les représentants de la France pour lutter contre l’homophobie et pour être aux côtés des hommes et des femmes qui se battent en Russie contre ces lois iniques. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 87 et les amendements identiques.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 200

Nombre de suffrages exprimés 200

Majorité absolue 101

Pour l’adoption 77

contre 123

(L’amendement n° 87 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 relatif au bon déroulement de notre séance.

Madame la garde des sceaux, vous indiquez que plusieurs élus vous avaient confié, semble-t-il, qu’ils ne prononçaient pas les articles du code civil.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai dit cela, moi ?

M. Christian Jacob. Oui, vous avez dit, et le compte rendu de nos débats en fera foi, que plusieurs élus vous avaient dit qu’ils prononçaient déjà les mots « époux et épouse » et non pas, comme cela figure dans le code civil, les mots « mari et femme ». Cela veut donc dire que vous laissez la possibilité à des officiers d’état civil d’interpréter le droit et le code civil.

M. Daniel Fasquelle. C’est un vice de forme !

M. Christian Jacob. Or je vous rappelle que vous êtes garde des sceaux. Je n’imagine pas un instant qu’un officier d’état civil, dans l’exercice des responsabilités qui sont les siennes, lise au moment d’une cérémonie officielle autre chose que les articles du code civil.

De manière ironique, vous renvoyez l’un de nos collègues à la lecture du texte. Mais, contrairement à vous, madame la garde des sceaux, nous avons lu votre texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quand vous dites qu’il est écrit dans le texte « époux et épouse », c’est faux ! Il est écrit seulement « époux », ce qui est totalement différent. C’est la négation de l’altérité sexuelle, et c’est sur ce point que nous nous battons.

On peut jouer sur la forme, faire des numéros pour la presse, mais il faut être exact. Or vous n’êtes pas exacte, ce qui est particulièrement grave pour une garde des sceaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. J’interviens au titre de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, relatif à l’organisation de notre séance.

Je crois que chacun est soucieux de la façon dont se déroule notre débat et de l’image qu’il peut donner. Nous avons tous des convictions, les uns souhaitent défendre un texte auquel ils tiennent particulièrement tandis que les autres se battent pour faire valoir leurs arguments afin qu’ils puissent être entendus.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Je ne peux me satisfaire de certaines expressions, comme celle qui qualifie notre débat de naufrage.

J’ai souhaité regarder attentivement les quelque 2 300 amendements encore en discussion. En réalité, il y en a 145, puisque beaucoup sont identiques. Je ne prétends pas dire qu’il y en aurait de meilleurs que d’autres.

Mme Claude Greff. Et ce ne serait pas vrai !

M. Bruno Le Roux. Ces 145 amendements deviennent 2 300 amendements simplement par la multiplication des signatures. Sur le fond, il n’y a que 145 amendements.

Le groupe socialiste est disponible pour voir comment on peut vraiment discuter sur le fond ces 145 amendements, comment on peut réorganiser notre séance pour que le débat puisse avoir lieu sur le fond chaque fois que vous le souhaitez, et sur chacun de ces amendements, mais je souhaite qu’il soit mis fin à l’obstruction.

Je rappellerai enfin ce qui était dit dans un clip de l’UMP en 2009 : le droit d’amendement est fondamental, son détournement est humiliant pour le Parlement…

M. Philippe Gosselin. On ne le détourne pas !

M. Bruno Le Roux. …et néfaste pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Claude Goasguen. Nemo auditur propriam turpitudinem allegans !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Toujours sur la base de l’article 58.

Monsieur Le Roux, ce qui a permis d’avancer au cours de ce débat, c’est justement le fait que si 95 % du groupe UMP sont opposés % à ce texte, chaque orateur utilise des arguments différents.

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Christian Jacob. Vous savez que le droit d’amendement est un droit fondamental du député et qu’il est hors de question de le remettre en cause. Du reste, je ne pense pas que telle soit votre intention.

Le fait d’avoir pu examiner 2 500 amendements a permis de faire éclater la vérité sur de nombreux sujets. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Sans ce débat, nous n’aurions pas soulevé l’incohérence et la fragilité juridique de la circulaire sur la GPA. Sans ce débat, nous n’aurions pas fait reculer le Gouvernement sur la PMA. Sans ce débat, nous n’aurions pas dénoncé l’imbroglio juridique dans lequel nous sommes, et nous n’aurions pas non plus montré l’inapplicabilité d’un certain nombre d’articles, on l’a vu au sujet de l’article 371-1 du code.

S’il suffisait qu’un seul collègue pose la question ! Mais on voit bien que les réponses ne sont pas apportées. C’est par le renforcement de l’argumentation qu’on finit par obtenir des réponses. Sans ce débat, nous n’aurions pas apporté la démonstration que vous alliez faire encourir, si le texte était voté, à des couples d’homosexuels étrangers des risques au pénal chez eux ! C’est cela que vous avez fait voter !

Nous avons besoin de temps pour faire éclater la vérité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Christian Jacob. C’est ce que nous avons réussi à faire et je pense que nous allons encore avoir l’occasion de le faire. Nous le faisons au rythme qui est le nôtre.

Sur l’organisation de la séance et sur le coût que cela pourrait représenter, parce que j’ai aussi entendu cet argument, rien n’obligeait à siéger cette nuit jusqu’à quatre heures du matin et à ne pas siéger ce matin.

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Christian Jacob. Le temps de séance était le même.

Enfin, sur l’argument selon lequel nous occupons le temps au moment où il y a des sujets économiques et sociaux plus importants, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas inscrit d’autres textes à l’ordre du jour ? Le Gouvernement n’a rien dans son ordre du jour ! Nous allons donc continuer ce débat avec le temps qui convient, pour qu’il se déroule sereinement sous votre présidence, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Merci, monsieur le président. Je crois que nous devrions écouter ce que vient de demander Bruno Le Roux, et je voudrais dire deux ou trois choses à mes collègues de droite.

Il nous restait effectivement, en début de séance, 2 439 amendements à examiner. Je constate que, sur le grand projet que vous aviez proposé, qui était la nouvelle alliance… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

La sainte alliance, si vous préférez…

M. Christian Jacob. Vous préférez l’alliance fraternelle ?

M. Alain Tourret. Sur ce sujet, vous avez déposé un seul amendement. Vous aviez la possibilité de la défendre, vous ne l’avez pas défendu. En revanche, vous venez de déposer 1 120 amendements à l’article 4. C’est votre droit, mais actuellement vous êtes ankylosés. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Je constate qu’actuellement nous sommes dans un véritable naufrage et je ne veux pas que ce naufrage soit collectif. C’est pourquoi je vous propose, aux uns et aux autres, qu’au cours d’une suspension de séance nous puissions nous rencontrer pour discuter de la suite des débats.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, puis je suspendrai la séance.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, mes chers collègues, sur ce texte que d’aucuns jugent extrêmement important, le choix a été fait de ne pas organiser de grand débat public national pendant les mois qui ont précédé le débat à l’Assemblée nationale. C’est une option qui a été prise.

Pour autant, depuis que la discussion a démarré à l’Assemblée nationale, on voit le débat qui prospère aussi en dehors de l’Assemblée. Il n’y a pas une journée sans un débat, une chronique, des réunions publiques, des émissions, tout un développement de ce débat sur le mariage pour tous que s’approprient beaucoup de nos concitoyens, beaucoup d’intellectuels, beaucoup d’universitaires, beaucoup de ceux qui ont envie de parler sur ce sujet.

L’ampleur du débat à l’Assemblée nationale est une chose, mais elle doit être considérée aussi à l’extérieur, et le temps qui est pris n’est pas du temps perdu : on voit bien l’émotion que suscite ce texte à l’extérieur. Si par nos travaux nous permettons à ce débat de prospérer, alors ces travaux ne sont pas inutiles. Si de plus, comme il a été annoncé, ce débat va être expédié au Sénat dans quelques semaines, alors le débat à l’Assemblée prend également tout son sens : on ne peut pas passer à côté d’un texte comme celui-ci, sans prendre le temps de laisser chacun s’exprimer, à l’Assemblée nationale et en dehors de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. Il est fondé sur l’article 58, alinéa 1er, relatif au déroulement de nos séances. L’opposition est très inquiète des propos tenus par M. Le Roux, le président du principal groupe de la majorité. Il a donné l’impression que nos amendements l’exaspéraient et qu’il trouvait que le débat durait trop longtemps. Mais l’opposition tient à avoir des réponses aux questions qu’elle pose, et c’est le seul motif de la durée de nos débats.

Je me demande toutefois s’il n’a pas une arrière-pensée : n’est-il pas en train de suggérer que le Gouvernement pourrait faire appel à des principes constitutionnels ou au règlement de l’Assemblée pour écourter le débat ?

M. François Brottes. C’est l’expérience qui parle, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier. C’est une question que notre groupe est en droit de se poser. M. le ministre des relations avec le Parlement étant là, je serais heureux qu’il nous dise si les propos de M. Le Roux doivent être interprétés ainsi, ou si le débat peut aller jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’opposition aura défendu pied à pied, avec pugnacité, l’ensemble des amendements qu’elle a déposés. J’ai exercé cette fonction, je sais qu’il est parfaitement dans le secret de la procédure et capable de nous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Monsieur Ollier, je vous rappelle que vous souteniez en 2009 la procédure du temps programmé.

M. Patrick Ollier. On est en 2013 !

M. Bruno Le Roux. Elle avait pour justification l’idée que le droit d’amendement était fondamental et que son détournement était humiliant pour le Parlement et néfaste pour la démocratie. Mais je ne traite pas de l’éventualité d’aller plus loin demain dans l’utilisation des possibilités constitutionnelles, quand je propose de débattre de chaque série d’amendements identiques sur le fond et non plus amendement par amendement.

Une seconde remarque : depuis le début du débat, la majorité est majoritaire dans l’hémicycle, ce qui est totalement normal, mais il apparaît qu’à chaque scrutin public, que ce soit sur la motion référendaire, sur les motions de procédure ou sur les amendements, le taux de mobilisation de l’opposition est toujours très inférieur à celui de la majorité. Nous avons publié les chiffres cet après-midi : il est inférieur à 50 %.

M. Bernard Deflesselles. Mais la majorité est muette !

M. Bruno Le Roux. Il ne faudrait pas que l’obstruction masque la faible mobilisation qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je rappelle qu’en Conférence des présidents, nous n’avons pas retenu le temps législatif programmé.

M. Bernard Deflesselles. Cela ne nous a pas échappé.

M. le président. J’ai déjà dit à plusieurs reprises ce que j’en pensais, mais nous irons au bout du débat. Le week-end est prévu, ne perdons donc pas de temps !

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 90.

M. Marc Le Fur. Nous n’avons pas eu de réponse à la question posée par M. Ollier.

Un grand journal du soir titrait : « Le naufrage du débat ». Notre collègue Tourret a repris cette expression mais, pour ma part, je parlerais plutôt de Titanic. Nous commémorions l’an dernier le centième anniversaire du naufrage du Titanic… Tout y est ! Le Titanic, c’est la confiance dans des choix technologiques – ici, la PMA et la GPA –, l’illusion d’un progrès et puis, concrètement, un pseudo-progrès confronté à la réalité des icebergs ! On se heurte à la nature, ici à la famille, qui existe. Le Titanic, c’est aussi un capitaine qui a choisi la mauvaise route, celle du nord !

M. Yves Durand. Qu’avez-vous contre le Nord ? (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Il a choisi la route des icebergs alors qu’il y en avait d’autres plus au sud, plus faites de compromis, mais vous n’en avez pas voulu. La réalité vous rattrape, mes chers collègues. Vous avez commis l’erreur de choisir un mauvais plan de course, l’erreur théorique de vous accrocher à des certitudes qui ne collent pas avec la réalité. Nous, nous vous rappelons le réel, nous vous rappelons qu’il y a des familles en France et qu’elles sont attachées à l’altérité ; le couple, c’est un homme et une femme qui élèvent les enfants. Vous, vous n’en voulez pas, mais réfléchissez pour éviter tout ce qui risque d’arriver. L’ultime solution pour vous en sortir, c’est d’escamoter le débat. Le vote conforme au Sénat veut dire que le débat y sera escamoté et qu’il n’y aura pas de deuxième lecture ici. Tout cela pour éviter l’impact, gigantesque sans doute, de la manifestation du 24 mars.

Évitons le destin du Titanic, il en est encore temps, avant de devoir prononcer l’évacuation du Palais-Bourbon, monsieur le président. (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Cet amendement s’inscrit évidemment dans la parfaite logique de ce que viennent de défendre les orateurs précédents.

J’avais demandé tout à l’heure la parole pour un rappel au règlement, qui m’a été refusé. Je saisis donc l’occasion pour vous dire deux choses, monsieur le président. Vous avez dit en propos liminaire que vous étiez attaché à ce que notre assemblée puisse délibérer tranquillement, sereinement, en toute indépendance, et je vous en sais gré. Mais la position de votre homologue au Sénat n’est pas tout à fait la même et nous, parlementaires de l’opposition, avons bien du mal à accepter que le débat y soit tronqué alors que l’on attendait que la Haute Assemblée, par sa sagesse, enrichisse la discussion.

Ensuite, ce qui m’a aussi particulièrement contrarié, c’est que nous avons demandé à Mme la garde des sceaux de rendre publiques les réserves du Conseil d’État, et nous apprenons qu’un grand quotidien du soir vient de les publier. Nous considérons qu’il est tout de même regrettable, même si nous sommes bien sûr attachés à l’indépendance de la presse et si nous reconnaissons son professionnalisme, que l’Assemblée n’ait pas été éclairée comme elle le méritait.

M. Daniel Fasquelle. C’est humiliant !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souhaite préciser les choses afin qu’il n’y ait pas de faux débats. Le Gouvernement n’a pas demandé l’urgence sur ce texte et a donc prévu deux lectures devant chaque assemblée. Les deux sont programmées. Le Gouvernement ne peut évidemment pas faire de pronostic sur ce qui se passera au Sénat mais, au vu de ses travaux préparatoires, il apparaît que celui-ci exercera pleinement sa compétence et que nous aurons donc bien une nouvelle lecture. La procédure parlementaire, comme le débat actuel, ira jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 221.

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles. Vos précisions, dont je vous remercie, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, sont tout de même quelque peu en contradiction avec ce qu’a dit le président du Sénat, mais nous verrons… Pour ma part, je suis surpris de la déclaration de l’estimé président du groupe socialiste, M. Bruno Le Roux, que j’ai trouvé mieux inspiré en d’autres temps. Il nous explique qu’il a revisité nos 2 300 amendements. Mais je vous invite, chers collègues socialistes, à revisiter les 138 000 amendements que vous aviez déposés sur le projet de loi « Énergie ». Rappelez-vous.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Bernard Deflesselles. Vos amendements étaient, eux, des copiés-collés où n’était changé qu’une virgule ou qu’un point. C’est toute la différence avec le travail qu’a accompli le groupe UMP sur le présent texte.

Je voudrais revenir sur le fond de l’article 4 puisque nous sommes ici au cœur du débat. S’il s’agit, avec l’alinéa 9, de rendre asexué l’article 108 du code civil, l’ensemble de l’article 4, dit « article balai », crée une insécurité juridique, laquelle s’ajoute aux déclarations problématiques du président Bel ce matin. Et puis, mes chers collègues de la majorité, comment pouvez-vous rester muets, voués au silence, sur un projet qui bouleverse nos rapports sociaux ?

Enfin, madame la garde des sceaux, vous avez dit tout à l’heure qu’ici, nous faisions des histoires. Non, nous faisons la loi.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 319.

Mme Dominique Nachury. L’alinéa 9 modifie l’article 108 du code civil pour substituer aux mots : « Le mari et la femme », les mots : « Les époux ». Rappelons que cet article concerne la possibilité d’un domicile distinct « sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ». Il est vrai que dans le langage courant on utilise facilement l’expression « les époux », mais cette entreprise de gommage systématique des sexes m’amène à m’interroger sur l’effacement de l’altérité et des différences. Depuis longtemps, le combat des homosexuels est fondé sur le droit à la différence, et ce combat est légitime. Aujourd’hui, on veut nier les différences, et je ne suis pas sûr que tous se retrouvent sur ce nouveau positionnement.

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 385.

M. Yves Albarello. Mes chers collègues, devant une telle cacophonie, devant une telle impréparation, et pour vous éviter de rencontrer l’iceberg qui a été signalé par Marc Le Fur, il y a une solution : mettre le paquet sur le contrat d’union civile. On vous le répète depuis des semaines, mais vous n’entendez rien. Je ne peux personnellement me résoudre à accepter qu’au travers de cet article, on rende asexués le mari et sa femme. Je suis maire depuis plus de vingt-cinq ans, j’officie régulièrement, et il me sera à l’avenir impossible, à la fin de la cérémonie, d’en venir à l’instant privilégié du maire, qu’il autorise à embrasser la mariée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Caullet. C’est élégant !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n°417.

M. Hervé Mariton. La majorité doit manifestement revisiter son texte tant nous démontrons, amendement après amendement, certaines difficultés concrètes. Celles-ci pourraient être considérées comme vénielles parce qu’elles relèvent pour l’essentiel de la langue française, mais elles doivent être regardées.

Non, madame la ministre, mari et femme, cela ne veut pas dire la même chose, en tout cas cela n’a pas exactement la même acception qu’époux et épouse. L’article 75 du code civil – même si nous sommes ici sur l’article 108 – place de nouveau l’officier d’état civil dans une situation impossible quand il va parler d’époux à la place de mari et femme, potentiellement devant deux femmes.

Madame la ministre, tant à l’article 75 qu’à l’article 108 – auquel se réfère le présent amendement, même si le problème est un peu moins grave parce qu’il ne s’agit pas d’une notification à l’oral –, vous auriez pu prévoir époux et épouse. Au demeurant, les deux termes ne sont pas symétriques en français car, comme vous le savez, le masculin embrasse le féminin.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et avec plaisir !

M. Hervé Mariton. Dire époux en parlant de deux personnes de sexe différent peut signifier l’époux et l’épouse – même s’il est assurément plus élégant et plus fort de dire mari et femme – ou deux hommes, mais en aucune manière deux femmes. Notre maire qui aura déjà dit à deux femmes que l’autorité parentale appartient à père et mère, leur dira ensuite qu’elles sont les époux…

Je voulais vous rappeler – et cela aurait pu faire l’objet d’un rappel au règlement – une disposition de la Constitution. L’article 2 de la Constitution dispose que la langue de la République est le français. Pour l’intelligibilité de la loi, il serait bien qu’elle fût rédigée en français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n°432.

M. Christian Jacob. À propos de cet alinéa 9, je reviens sur l’argumentation que j’avais utilisée pour le précédent aliéna. Nous étions dans la même disposition : l’article balai vise à éviter de retirer les rédactions sexuées dans certains articles, pour que l’on entende époux ou couple de personnes de même sexe lorsqu’il est écrit père et mère ou mari et femme. Mais pourquoi l’avoir fait pour certains articles du code civil et pas pour d’autres ?

Cela pose un vrai problème de rédaction et de compréhension de la loi. Les remarques du Conseil d’État, dont vous ne nous avez pas donné connaissance, auraient pu constituer un avis éclairé permettant de parvenir à une bonne rédaction.

Pourquoi ne pas tenir compte de cela et pourquoi avoir choisi pour certains articles de maintenir la rédaction telle qu’elle est, tout en disant qu’il faut entendre l’inverse ? Pourquoi avoir modifié la rédaction d’autres articles comme le prévoit cet alinéa 9 ? Je pense qu’il serait utile que Mme la garde des sceaux nous réponde mais aussi M le rapporteur. Puisque Mme Taubira s’est souvent désengagée sur le mode « ce n’est pas mon texte, c’est celui de la commission », que le rapporteur nous explique clairement ce qui a guidé ses choix.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n°474.

M. François de Mazières. Monsieur Bruno Le Roux, les 145 amendements dont vous nous avez parlé sont soutenus par de très nombreux députés de l’opposition parce que nous avons vraiment le sentiment que le débat a été bridé.

Nous avons beaucoup insisté car nous avons l’impression que vous avez fait de la tactique en permanence : sur le calendrier, sur le fait de ne pas parler de la PMA et de la GPA, sur l’amendement balai. Pour nous, ce dernier point est le plus choquant, ce qui explique que nous y revenions sans arrêt : c’est le cœur, là où l’on abandonne les concepts de père et de mère.

Revenons aux fondements de notre République et prenons d’abord la notion l’égalité. Nous défendons la vraie conception juridique de l’égalité : quand il y a des différences par rapport à la conception de l’enfant, la vraie égalité consiste à les traiter.

Examinons ensuite la notion de fraternité. Ce qui nous frappe, c’est qu’on est en train de diviser, alors que nous avions proposé un débat sur l’union civile pour, au contraire, essayer de viser la vraie fraternité, c’est-à-dire de prendre en compte les cas particuliers tout en gardant l’unité de notre République.

Enfin, venons-en à un point fondamental : la liberté. Monsieur Le Roux, vous nous reprochez de manquer un peu de discipline. Nous, ce qui nous choque, c’est l’ultra-discipline que vous imposez, l’absence de liberté de pensée et de vote sur cette question fondamentale où c’est la personne qui doit juger et non pas seulement son parti.

M. Christian Jacob. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n°533.

M. Patrick Ollier. Tout d’abord, je voudrais remercier M. le ministre des relations avec le Parlement qui, en sa qualité, a très clairement indiqué qu’il n’y aurait pas de procédure constitutionnelle particulière et que le débat se déroulerait selon le rythme des amendements déposés. Merci !

S’agissant de l’article 108, je voulais revenir sur ce qu’a décrit M. Mariton avec beaucoup de talent : le ridicule de la situation dans laquelle va se trouver l’officier d’état civil – parler d’époux devant deux femmes – ; les questions de compatibilité avec la langue française.

Cela étant, sans changer le code civil, nous aurions pu prendre des mesures spécifiques pour les couples de personnes de même sexe et gérer le problème. Mais votre obstination, pour satisfaire les droits légitimes d’une minorité, à faire passer tous les futurs mariés, quel que soit leur sexe, sous les fourches caudines d’une loi qui uniformise le système est une erreur grave.

L’imprudence commise par M. Bel ce matin, qui sème le trouble dans les esprits des députés, ajoute à la confusion car ce texte va avoir besoin des navettes, d’être travaillé encore afin que nous arrivions à bonne loi.

Enfin, vous voulez soumettre la majorité aux lois de la minorité. J’y reviens, madame la garde des sceaux, je sais que cela vous fait rire.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne ris pas ! Pourquoi passez-vous votre temps à me faire des procès ? Je vous regarde mais est-ce que je ris ? Vous avez un problème.

M. Patrick Ollier. Vouloir l’égalité par la suppression de la différence des sexes, cela s’appelle la théorie du genre, que l’on voit cheminer petit à petit dans chacun des articles de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°620.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir aussi sur les formules que doivent prononcer les maires lors d’un mariage. Comme je l’ai fait cette nuit, je vous avoue ma surprise.

On a opposé une fin de non-recevoir à notre demande de liberté de conscience pour les maires, arguant, qu’en la circonstance, ceux-ci ne sont pas incarnés, qu’ils ne sont pas des hommes et des femmes mais qu’ils représentent la loi, qu’ils sont des écharpes. Puisque seule compte l’écharpe tricolore dont ils sont ceints, qu’ils ont une compétence liée en tant qu’officiers d’état civil, on leur dit : vous devez accomplir telle ou telle tâche.

Je m’étonne donc que le rapporteur vienne aujourd’hui reconnaître aux maires une liberté d’ajustement du code civil. Ajuster le code civil au gré des circonstances, cela m’inquiète un peu car cela peut entraîner une rupture d’égalité : en fonction de telle ou telle sensibilité du maire, de telle ou telle commune, les propos ne seront pas les mêmes. Je ne parle évidemment pas du petit mot d’accueil aux mariés, que chacun personnalise, mais je parle de la cérémonie que notre collègue Tourret a voulue désormais républicaine.

M. Alain Tourret. C’est un acquis remarquable !

M. Philippe Gosselin. L’acquis, mon cher collègue, se juge dans la durée. Pour le moment, la loi n’est pas adoptée. Seulement cette partie du texte l’est. On verra et on jugera l’acquis un peu plus tard.

En tout cas, il me paraît qu’une cérémonie républicaine, avec un officier d’état civil qui aurait compétence liée, est incompatible avec cette liberté d’appréciation de la lecture du code civil. J’en appelle à la raison pour que nous ayons des écharpes pensantes mais je crois que cela ne suffira pas.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n°1042.

M. Philippe Cochet. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, qui ne rapporte pas grand-chose pour l’instant, je vais suivre votre logique : supprimons la cérémonie, à la limite ! Le texte actuel a dû être rédigé par Pierre Dac, Fernand Raynaud ou éventuellement Pierre Desproges. Nous arrivons à un tel degré d’incohérence, chers collègues, que deux personnes du même sexe s’entendront tenir un langage en total décalage. Alors poussons l’absurdité jusqu’au bout ou, si nous sommes raisonnables, arrêtons la cérémonie, ce sera beaucoup plus simple, et vous pourrez marier de manière officielle. Mais, s’il vous plaît, ne tournez pas en ridicule les maires et les officiers d’état civil.

M. Jean-Pierre Barbier et M. Patrick Labaune. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n°1091.

M. Claude de Ganay. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré sur RTL, le 7 novembre dernier : « les mots père et mère ne vont pas disparaître du code civil, pour la simple raison que le mariage de couples hétérosexuels ne disparaît pas. »

Le Gouvernement fait-il preuve d’honnêteté intellectuelle quand il essaie de faire croire aux Français qu’en ayant voulu supprimer la quasi-totalité des mots père et mère dans le code civil, et a fortiori dans tous les autres codes, ces mêmes mots et la valeur symbolique qu’ils représentent n’auraient pas d’impact sur notre société ? Vous rendant compte de l’impact désastreux de cette suppression auprès de nos concitoyens, vous avez proposé un article balai qui n’est qu’un abus de langage et un enfumage législatif du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n°1140.

M. Alain Moyne-Bressand. Nous ne comprenons pas grand-chose au texte tel qu’il nous est présenté, il faut bien le reconnaître. Ces jeunes, qui sont dans les tribunes, et que nous avons également accompagnés lors de la manifestation contre le mariage pour tous, demandent de la clarté. La clarté, entre un homme et une femme, c’est une union, un mariage. Ce n’est pas le cas dans ce texte.

Si nous avions attendu les états généraux de la famille avant d’examiner ce texte, nous aurions pu nous exprimer, nous expliquer, y voir un peu plus clair et ainsi donner une ligne de conduite à nos concitoyens. Ce n’est pas le cas. Vous ne tenez compte ni des états généraux de la famille, ni de l’avis du Conseil d’État que nous réclamons, ni du Comité consultatif national d’éthique. Nous sommes dans le flou et c’est pour cela que nous continuerons à nous opposer à ce texte.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n°1314.

M. Yves Nicolin. Si nous voulons le maintien des mots mari et femme dans le code, c’est parce qu’il existe une différence, en particulier affective, pour l’enfant entre le père et la mère. De nombreux travaux scientifiques universitaires prouvent qu’un père et une mère ne manipulent pas l’enfant de la même façon, le verbe manipuler étant pris dans son sens étymologique, bien sûr : du latin médiéval manipulare, c’est-à-dire conduire par la main. C’est bien d’en revenir au latin s’agissant de ce projet de loi qui nous le fait perdre…

On doit se référer pour cela aux toutes premières expériences du bébé. Un père, aussi maternant soit-il, ne sera jamais comme une mère. Autrement dit : l’homme n’est pas une femme comme les autres, et inversement.

Je n’invente pas cela, mais je cite un psychologue clinicien en psychiatrie de l’enfant et doctorant en psychopathologie.

Mme Sandrine Mazetier. Peut-on avoir son adresse ? (Sourires)

M. Yves Nicolin. C’est dire que par rapport à certains noms, que vous avez cités, de psychiatres qui ont signé une pétition, il peut lui aussi faire référence.

Madame la ministre, vous avez dit que votre texte n’entraînerait aucune conséquence pour les couples hétérosexuels. Nous sommes bien au cœur de ce débat où nous essayons, bien que vous ne vouliez pas nous entendre, de vous démontrer que votre texte a aussi des conséquences pour les couples hétérosexuels. C’est la raison pour laquelle nous défendons ces amendements.

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n°1452.

M. David Douillet. Mon amendement demande la suppression de l’alinéa 9 qui tend à rendre asexué l’article 108 du code civil.

J’aimerais que vous me répondiez une bonne fois pour toutes sur les conséquences de ces décisions du Gouvernement. Une fois encore, je reviens sur leurs conséquences dramatiques pour des enfants qui vivront un manque terrible, celui d’un père ou d’une mère, selon les cas. Cet amour maternel ou paternel qui manquera, où iront-ils le puiser ?

J’aimerais enfin que vous me répondiez aussi sur ce que vous allez mettre en place – du moins, je l’espère – pour lutter contre la GPA. Je vous l’ai dit cette nuit, la gestation pour autrui permet, certes à des milliers de kilomètres de notre pays, à des réseaux mafieux de réduire des femmes à un esclavage absolument honteux et scandaleux. Pour quelques centaines d’euros, des ventres féminins sont loués par de riches personnes. Pour 8 000 euros, on se paie le luxe de louer un ventre en profitant de la misère, on tient en esclavage les femmes. C’est terrible.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui. Bravo !

M. David Douillet. Qu’allez-vous faire contre cela ? À aucun moment, vous ne répondez à cette question.

M. Philippe Cochet. Où est la ministre de la femme ?

M. David Douillet. Au contraire, vous avez signé une circulaire qui valide cette démarche en permettant, lorsque la filiation est établie, de délivrer un certificat de nationalité. C’est tout simplement irresponsable et scandaleux.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2231.

M. Pierre Lequiller. Je pense que si nous avions pris le temps de la discussion et de l’échange, si vous aviez pris le temps de l’écoute, nous aurions abouti à une solution qui a été adoptée en Allemagne comme dans de nombreux pays européens, celle de l’alliance civile. Cette solution permettait d’améliorer la situation des couples homosexuels sans mettre à bas le mariage.

Dans l’alinéa 9 de l’article 4, vous proposez de remplacer les mots : « le mari et la femme » par le mot « époux ». Ce terme est, en français, inapproprié dans le cas de deux femmes, vous auriez dû indiquer « épouses ». Encore une fois, lors de la cérémonie, le maire se trouvera dans une situation anormale.

En nous exprimant sur le fond, nous avons heureusement permis que les vrais sujets entrent dans ce débat, je veux parler des problèmes de l’adoption, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.

Je veux le redire, comme l’a fait à l’instant David Douillet : il est absolument nécessaire, madame la garde des sceaux, que vous preniez une circulaire demandant aux procureurs de poursuivre ceux qui ont recours à la gestation pour autrui et livrent ainsi à la marchandisation le corps de la femme, aussi bien en France qu’à l’étranger. Je m’étonne, madame la garde des sceaux, que vous n’ayez jamais répondu à cette demande.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3026.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur, nous avons essayé à plusieurs reprises dans ce débat d’expliquer que l’amendement balai – mais cela est vrai aussi pour les articles précédents – aboutissait à créer des fictions. Le texte que vous défendez introduit un décalage entre le langage du droit et la situation réelle vécue par les personnes.

Avec l’amendement balai, nous sommes au cœur de ce problème. Ainsi que l’a parfaitement démontré mon collègue M. Mariton, ce texte illustre la dichotomie entre ce que dit le droit et la réalité vécue par les personnes à qui cela s’adresse, en l’occurrence les personnes qui se marient confrontées aux mots du maire.

Je vous fais crédit, madame le garde des sceaux, de votre volonté d’écrire le droit comme il faut. Nous avons tous ce souci. Vous avez rappelé dans le débat que telle était certainement aussi notre intention. Précisément, personne ne peut se satisfaire d’un droit qui comporterait des failles ou créerait des fictions et qui aurait pour conséquence de mal prendre en compte ou de ne pas prendre en compte certaines situations.

Compte tenu de ce qui précède, je vois mal, en premier lieu, comment on peut imaginer de laisser le texte en l’état ; et en second lieu, comment le Sénat pourrait avoir une position si politisée qu’il ignore les failles du texte que nous mettons en lumière. C’est pourquoi je ne peux envisager que nous ne parvenions pas finalement à avancer dans le sens que nous souhaitons au travers de certains de ces amendements.

L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3071.

M. Patrick Hetzel. Il n’y a de sens que dans la différence. Cette question revient souvent. Je crois que vous avez du mal à entendre l’altérité. Nous avons une conception de l’altérité qui nous amène à penser qu’un homme et une femme, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas la même chose biologiquement, ni socialement. Avec cet article, vous cherchez en réalité à le nier.

Il est impressionnant de voir à quel point vous pouvez vous entêter. Cela montre que vous ne voulez pas véritablement nous entendre. Votre mutisme grandissant, votre refus de répondre montrent aussi de toute évidence un véritable malaise aujourd’hui dans votre majorité ; c’est de plus en plus frappant au fil de ces débats. Vous ne savez plus où vous allez. Vous êtes en perdition. Il n’y a plus de cap. Le Gouvernement oscille entre différentes positions tout au long du débat.

Il est saisissant de voir que là où nous avions besoin de calme et de sérénité, vous avez jeté le doute et le trouble. Le doute pourrait être positif, s’il ne concernait pas les fondamentaux de notre société et le droit civil. Douter alors que l’on rédige le code civil, c’est dramatique. Nous devrions avoir un peu plus d’égards pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 3322.

M. Thierry Mariani. Je ne voulais pas intervenir pour ne pas prolonger les débats, ce n’est pas mon style, monsieur le ministre. Ayant été mis en cause, fort courtoisement d’ailleurs par madame la garde des sceaux et moins courtoisement par Mme Buffet, je voulais revenir sur mon intervention précédente. Je n’ai jamais parlé d’homophobie. Je disais que 80 % des adoptions par les familles françaises sont faites à l’étranger. Parmi elles, 10 % ont lieu dans un pays qui annonce très clairement – comme peut-être d’autres pays le feront – qu’il remettra en cause la possibilité pour les familles françaises d’adopter des enfants ressortissants du pays si la France modifie ses règles. C’est le droit de la France que de modifier sa législation comme c’est celui de ce pays ou d’autres que de faire savoir qu’il est attentif au sort de ses ressortissants. Contrairement à ce que vous m’avez répondu, madame la ministre, il n’y avait aucune contradiction avec les propos de M. Mariton qui traitaient d’un autre sujet, en l’occurrence de lois condamnant l’homophobie. Je n’ai à aucun moment évoqué l’homosexualité ou l’homophobie. J’ai seulement parlé d’adoption.

Quant à Mme Buffet, elle a réagi beaucoup moins courtoisement. Mais il est vrai qu’elle a tant soutenu ce pays dans le passé qu’elle en rajoute peut-être pour se faire pardonner (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

En conclusion, cet échange illustre bien ce débat. J’ai parlé très sereinement d’un sujet, l’adoption, en demandant si certains de nos concitoyens ayant entamé des procédures d’adoption allaient voir ces procédures bloquées en conséquence du vote de votre loi. Mais on est immédiatement caricaturé.

M. Pascal Popelin. L’opposition se caricature très bien toute seule.

M. Thierry Mariani. Mme Buffet en est l’exemple même lorsqu’elle qualifie mes propos d’homophobes. Il faut arrêter le terrorisme intellectuel. L’opposition a le droit de répondre.

Mme Marie-George Buffet. Moi aussi.

M. Thierry Mariani. Mme Buffet, je veux bien que vous me répondiez tout de suite.

M. le président. Mme Buffet répondra à tout le monde.

M. Thierry Mariani. Je pense que mes propos ne contenaient aucune attaque contre quiconque.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3347.

M. Xavier Breton. Pourquoi souhaitons-nous des débats approfondis sur l’article 4 ? Parce que cet article 4, dit article balai, est en fait un piège qui est en train de se refermer sur vous.

Vous avez voulu apporter une réponse politique à des problèmes juridiques et vous ne parvenez pas à vous en sortir.

Vous disposiez pourtant de l’avis du Conseil d’État qui vous déconseillait de proposer une réponse transversale trop large. L’étude d’impact indiquait également que les adaptations devaient porter sur les cas strictement nécessaires. Vous avez balayé cela d’un revers de main. Aujourd’hui vous voyez les problèmes juridiques éclater.

Mais vous créez aussi un problème politique. Notre collègue Poisson l’a rappelé, l’article 4 rédigé par l’amendement balai est une fiction – il faut faire « comme si » –. C’est aussi un appauvrissement puisque vous êtes incapable de nommer des situations différentes. C’est enfin une lâcheté parce que vous n’avez pas le courage de dire à un couple homme-femme qu’ils sont mari et femme, à un couple d’hommes qu’ils sont deux maris et à un couple de femmes, qu’elles sont deux femmes ou deux épouses. Comme vous ne parvenez pas à nommer les choses, parce que vous êtes incapable de penser la différence, cela se retourne contre vous.

C’est le naufrage, auquel nous assistons actuellement, de cet article balai qui vous met en difficulté. Nous attendons de votre part des réponses, des réponses claires et non pas seulement des vociférations ou des onomatopées.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3390.

Mme Catherine Vautrin. L’objet de cet amendement est de supprimer l’alinéa 9. Avec cet alinéa 9, vous cherchez à supprimer toute référence sexuée dans les règles du mariage, en l’occurrence en matière de domicile.

D’après l’avis du Conseil d’État – plus exactement les éléments dont nous disposons par la presse qui s’en est fait l’écho puisque le ministre des relations avec le Parlement nous a confirmé que le Gouvernement ne voulait pas rendre public cet avis –, je lis la chose suivante qui me paraît tout à fait en rapport avec cet amendement : « Le Conseil d’État met en garde le Gouvernement d’une façon plus générale sur l’impact du projet sur les mariages hétérosexuels » ; puis « le Conseil d’État souligne l’importance qui s’attache au maintien, dans son périmètre actuel, d’un projet qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe dans les mêmes conditions que pour les autres couples, sans changer en rien les règles applicables à ces derniers ».

M. Patrick Ollier. Voilà la vérité !

Mme Catherine Vautrin. C’est précisément ce que vous ne faites pas avec cet alinéa 9. Nous comprenons donc pourquoi vous entretenez le flou en refusant de donner l’avis du Conseil d’État. D’autres ont dit beaucoup mieux que moi en d’autres temps : « quand c’est flou, il y a un loup ». Nous y voilà ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3498.

M. Daniel Fasquelle. Je voulais faire un rappel au règlement. Vous ne me l’avez pas accordé, donc je profite de cette prise de parole pour faire une mise au point à l’attention de notre collègue Le Roux qui malheureusement n’est plus là. Il nous a fait des remarques sur la présence des uns et des autres dans cet hémicycle. Mais notre président de groupe, Christian Jacob, est présent depuis le début, en permanence, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) à la différence de M. Le Roux qui fait des interventions à éclipses pour nous lancer des propos désagréables et disparaître ensuite.

M. Patrick Ollier. C’est un intermittent de l’hémicycle !

M. Daniel Fasquelle. S’agissant de la présence, je comprends, au vu de la mobilisation des uns et des autres, l’inquiétude de M. Le Roux qui nous demandait grâce tout à l’heure. J’ai fait le calcul : nous étions 34, vous étiez 38.

M. Christophe Borgel. Vous savez donc compter !

M. Daniel Fasquelle. En termes de mobilisation, vous n’avez donc pas de leçon à nous donner.

Nous sommes ici soudés, nous tenons tous le même discours. Nous faisons des propositions que vous refusez d’écouter. De votre côté, cela craque, cela part dans tous les sens, qu’il s’agisse de la procréation médicalement assistée ou de la gestation pour autrui. Nous avons assisté aujourd’hui à un nouveau couac absolument incroyable lorsque M. Vidalies a repris au vol le président du Sénat afin de corriger ses propos.

C’est absolument stupéfiant : entre les deux assemblées, entre le Gouvernement et le Parlement, à l’intérieur du Gouvernement, à l’intérieur de votre majorité, cela part dans tous les sens. Ce n’est pas un naufrage, chers collègues, c’est un fiasco (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Perez. Quel talent !

M. Daniel Fasquelle. M. Le Roux a également parlé d’humiliation. Mais la vraie humiliation est celle que vous subissez depuis dix jours : la circulaire sur la gestation pour autrui dont madame la ministre n’a pas dit un mot alors qu’elle était déjà signée, le projet de loi sur la famille qui est diffusé dans la presse, l’avis du Conseil d’État qui l’est également avant même d’être transmis aux parlementaires. C’est cela l’humiliation ! Mettez fin à cette humiliation : retirez votre texte et ouvrez enfin un vrai débat avec les parlementaires et avec les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. C’est dur d’entendre la vérité.

M. le président. La parole est à M. Censi. Calmez-vous !

Un député du groupe UMP. Le ministre a demandé la parole.

M. le président. Pardon. Merci de m’aider à présider. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je ferai simplement deux observations.

Je rappelle juste un principe constitutionnel. J’ai dit quelle était la volonté du Gouvernement – pas d’urgence, deux lectures – ; le Gouvernement n’a bien sûr aucune appréciation à porter sur la nature du débat qui se déroulera au Sénat.

Et puis, monsieur Fasquelle, vous venez de nous dire, dans une envolée dont vous avez le secret : « Ça craque de partout chez vous ! »

M. Daniel Fasquelle. Eh oui !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le seul problème, c’est une interview donnée par un sénateur UMP – je dis bien UMP, monsieur Fasquelle –, qui est publiée aujourd’hui. Il se prononce pour le mariage, pour la GPA et pour la PMA. C’est publié aujourd’hui ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Il y a la liberté de conscience, chez nous !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous feriez donc mieux de vous occuper de ce qui se passe dans vos rangs. Je sais bien que cela vous ennuie. (Tumulte prolongé sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Fasquelle ! Ne vous mettez pas dans ces états ! Je me préoccupe de votre santé.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Alors, pourquoi une telle crispation aujourd’hui ? La question est gênante, je le comprends. (Exclamations réitérées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Fasquelle, ne me faites pas un malaise en séance ! Allez, ça va, maintenant ! Monsieur Fasquelle, c’est la dernière fois que je vous le dis !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. On pose à M. Milon, qui est sénateur UMP, auteur d’un rapport, la question suivante : « Pourquoi, selon vous, le sujet déclenche-t-il une telle crispation aujourd’hui ? » C’est une bonne question, qui peut s’adresser à un certain nombre d’entre vous. M. Milon répond : « La crispation vient essentiellement de l’Assemblée nationale » ; c’est un sénateur UMP qui le dit. Et d’ajouter : « Elle s’explique aussi par le fait que l’on parle aujourd’hui […] pour des couples d’hommes [de] de la question de l’adoption [pour] les couples homosexuels [et qu’elle] fait l’objet du même blocage pour les opposants au projet de loi. Mais arrêtons de fantasmer sur des situations dans lesquelles l’enfant se porte […] bien. » Je laisse cela, qui émane non pas du Gouvernement mais d’un sénateur UMP, à votre appréciation.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Je veux rappeler à M. le ministre qu’il est, au titre de ses fonctions, responsable devant le Parlement. Vous êtes, monsieur le ministre, à disposition du Parlement,…

M. Bernard Roman. Il s’est fait interpeller !

M. Christian Jacob. …et vous n’êtes pas là, monsieur le ministre, pour porter des jugements sur les parlementaires.

M. Jean-Claude Perez. Vous aviez qu’à ne pas l’interpeller !

M. le président. Monsieur Perez, gardez votre calme !

M. Christian Jacob. Ensuite, je veux éclairer le Gouvernement sur le mode de fonctionnement de l’UMP. Nous, nous avons un principe, celui de la liberté de conscience, de la liberté de vote, de la liberté d’expression ; je note que ce n’est pas le cas au Parti socialiste. C’est la raison pour laquelle, par exemple, j’ai laissé un temps de parole important à notre collègue Franck Riester. Je l’ai toujours dit : je suis en désaccord avec lui, en revanche, je me battrai jusqu’au bout pour qu’il ait toute latitude pour s’exprimer dans cet hémicycle. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Quand, au groupe socialiste, tous ceux qui sont contre ce texte sont purement et simplement interdits de parole, interdits de dépôt d’amendements, c’est là qu’il y a un vrai problème de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quant à nous, eh bien, chacun a la liberté de s’exprimer comme il l’entend, qu’il soit sénateur ou député. C’est là la différence fondamentale entre nous.

Cela dit, encore une fois, vous n’avez pas, monsieur le ministre, dans l’exercice des responsabilités qui sont les vôtres, à porter de jugement sur les parlementaires.

M. le président de l’Assemblée nationale avait, dans une interview, exprimé le souhait que l’Assemblée ne soit pas une assemblée de godillots. Il semble, hélas, que la majorité ne réponde pas à ce souhait, et j’ai compris que cela pouvait aussi, parfois, être l’état d’esprit qui règne au Gouvernement.

Article 4 (suite)

M. le président. Sur l’amendement n° 90 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3931.

M. Yves Censi. Puisque nous sommes regardés par nos concitoyens et que M. le ministre a fait une remarque qui n’a pas grand-chose à voir avec les amendements, je reviendrai sur deux points importants.

Nous avons été accusés, notamment par notre collègue Roman – c’est une habitude –, de ringardise. La droite n’aurait pas droit à la parole sur ces sujets parce qu’elle aurait toujours défendu les forces réactionnaires contre le progrès.

Je rappelle donc simplement quelques éléments historiques pour nos concitoyens.

Le droit de vote, qui l’a donné aux femmes ?

Plusieurs députés du groupe UMP. De Gaulle !

M. Yves Censi. C’est de Gaulle, en 1944.

La pilule, qui l’a autorisée ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Neuwirth !

M. Yves Censi. C’est Neuwirth, en 1967.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et c’est nous qui votions !

M. Yves Censi. Qui a accordé les mêmes droits aux enfants nés hors mariage qu’aux demi-frères et demi-sœurs conçus dans le mariage ?

Un député du groupe UMP. C’est nous !

M. Yves Censi. C’est Pompidou, en 1972.

L’interruption volontaire de grossesse, c’est Simone Veil, sous Giscard d’Estaing. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Yves Censi. Le divorce par consentement mutuel, la majorité à dix-huit ans, c’est Valéry Giscard d’Estaing ! (Mêmes mouvements.)

Mes chers collègues, cela fait mal, mais écoutez-moi. Au moins, cela vous inspirera.

Les premières lois de bioéthique, c’est Édouard Balladur. Et n’est-ce pas Jacques Chirac qui a proscrit l’acharnement thérapeutique ? Quant à la proclamation des droits des personnes handicapées, bien sûr, c’est Jacques Chirac. La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, qui combat notamment les propos homophobes, c’est également Jacques Chirac. Enfin, c’est une loi de 2004 – c’est donc le fait de Jacques Chirac – qui sanctionne pénalement les propos homophobes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Sarko n’a rien fait, alors !

M. Yves Censi. Enfin, monsieur le ministre, vous citez un sénateur UMP qui exprime des positions qui ne sont pas celles de l’ensemble du groupe. Chez vous, c’est totalement l’inverse : les parlementaires n’ont pas le droit de s’exprimer individuellement. C’est d’eux que vous devriez vous occuper (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et des membres du Gouvernement qui, personnellement et donc officiellement…

M. le président. Merci !

La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n°4128.

Mme Claude Greff. La majorité a tout de même un sacré culot ! Nier que c’est Simone Veil qui nous a apporté le droit à l’interruption volontaire de grossesse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Durand. C’est la gauche qui l’a voté !

M. Bernard Roman. Vous voulez qu’on aille voir l’analyse du scrutin ?

M. Jean-Claude Perez. Mme Veil a pleuré, à cause de vous !

Mme Claude Greff. Franchement, mes chers collègues, quelle dérive ! Et votre mémoire vous fait défaut.

Monsieur le président, je dois dire à Mme la ministre qu’elle manque considérablement de respect à nos concitoyens et aux maires. Un sondage nous apprend que tout craque, aujourd’hui, dans la majorité (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), et que, malheureusement, vous êtes amenés, chers collègues, à défendre une proposition d’un François Hollande qui, même là, ne tient pas sa promesse, puisqu’il a retiré la PMA de ce projet de loi.

Bien au-delà, 61 % des maires souhaitent en effet que le Gouvernement suspende l’examen du projet de loi pour laisser la place au débat. Pire, c’est le cas de 36 % des maires de gauche et de 45 % des maires divers gauche, ce qui montre que la majorité présidentielle est en train de craquer et qu’elle n’est plus unie. Franchement, ne voyez-vous pas que nous sommes aujourd’hui face à un problème politique ? Si le Sénat nous dit que la loi sera votée conforme, c’est tout simplement parce que les sénateurs sont dépendants des élections locales, en particulier municipales. Quand 61 % des maires demandent d’arrêter l’examen de ce projet, cela montre une fragilité politique, la fragilité de votre majorité qui, on le voit, n’est à l’origine d’aucun amendement. Cela montre bien que vous ne voulez tenir que… quoi donc ? La proposition de François Hollande ! Vous êtes au-dessous de votre devoir de parlementaires, qui est de débattre ici dans l’hémicycle et…

Un député du groupe SRC. Parlez pour vous !

M. le président. Merci !

La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4314.

M. Claude Sturni. Je m’apprêtais à défendre mon amendement mais l’argumentaire de mes collègues est particulièrement complet. Pour n’en citer qu’un, je renvoie aux propres propos de M. Mariton défendant son amendement n° 417.

On aura bien compris pourquoi je parlais tout à l’heure d’un texte à revoir fondamentalement. Je suis évidemment déçu, très déçu, car nous comprenons de mieux en mieux, au fil des heures de ce débat, l’importance de cet article balai qui devait régler tous ces détails. Je suis déçu à titre personnel, mais je le suis aussi pour nos collègues officiers d’état civil, qui devront appliquer ces textes.

Mon collègue Philippe Cochet a parlé tout à l’heure du ridicule de la situation dans laquelle nous allons les mettre. Il a raison ! Je prie ces milliers d’officiers d’état civil de nous excuser par avance, ou plutôt de vous excuser, car c’est bien vous, chers collègues de la majorité, qui ne voulez pas améliorer ces articles bien souvent perfectibles, même à la marge, même sur des éléments totalement ridicules de votre texte. Si vous n’étiez pas si momifiés, si vous n’étiez pas si verrouillés, vous auriez, de vous-mêmes, déposé des amendements pour rectifier tous ces petits détails.

Un député du groupe UMP. Eh oui !

M. Claude Sturni. Enfin, oui, nous avons, dans notre groupe, la liberté de conscience, la liberté de vote. J’aimerais bien que l’on en revienne, conformément à ce que le Président de la République avait dit au congrès des maires, à la liberté de conscience également pour les maires et pour les officiers d’état civil.

M. Philippe Cochet et M. François de Mazières. Très bien !

Un député du groupe UMP. Liberté pour les maires !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4723.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 4 de votre projet, qui a pour objet de remplacer, au premier alinéa de l’article 108 du code civil, les mots « mari et femme » par les termes « les époux ». La phrase « Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie » serait ainsi remplacée par la phrase « Les époux peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »

Je m’interroge sur l’opportunité de nier dans la loi une donnée fondamentale vécue par tant de Français. Par ce texte, vous reniez, au sein même du code civil, la réalité vécue par la grande majorité de nos concitoyens en tant que « mari et femme », en tant que « père et mère ». En retirant les mots de « mari » et de « femme », ce projet de loi heurte profondément un grand nombre de personnes que je rencontre. La formulation qui en résulterait ne correspond pas à la réalité de ce que vivent la majorité de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 5150.

M. Damien Abad. Cet article 4 démontre bien que le projet de loi a des conséquences pour les couples hétérosexuels, pour la famille et pour tous les fondements de notre société. Remplacer les termes « mari et femme » par « époux », ce n’est pas anodin, sauf à considérer, effectivement, que le code civil n’a point de valeur.

Et je rejoins moi aussi mon collègue Mariton sur le fait que vous n’employez pas les termes distincts « époux » et « épouse ». C’est quand même paradoxal pour une majorité qui se veut, par ailleurs, l’apôtre de la parité !

C’est vrai, cet article balai porte bien son nom : il balaie vraiment les fondements de notre société. Ce n’est pas seulement nous qui le disons, ce sont aussi les maires. Effectivement, pour abonder dans le sens des propos tenus par Claude Greff, 52 % des maires sont opposés au projet de loi, et 61 % souhaitent que le Gouvernement suspende son examen.

C’est bien la preuve que plus nous avançons dans le débat, plus le texte suscite d’oppositions. Plus nous avançons dans le débat, plus ceux qui étaient, comme moi, modérés et s’interrogeaient sur le texte et son fondement même adoptent une position hostile. Interrogez-vous donc sur la manière dont vous menez les débats, interrogez-vous sur la manière dont vous mettrez ce projet de loi en œuvre, interrogez-vous sur la manière dont vous êtes en train de créer des fractures dans la société, bien au-delà des clivages politiques. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne répèterai pas les arguments que j’ai avancés lors de l’examen des précédents amendements. L’amendement n° 90 et les amendements identiques procèdent de la même logique.

Néanmoins, je tiens à relever dans votre exposé des motifs la présence d’un vocable qu’il m’a été, ces derniers jours, reproché d’employer. Vous évoquez en effet les « mentions sexuées du code civil ».

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je tiens donc à souligner que nous sommes au moins d’accord sur les mots.

Par ailleurs, comme, je le sens, un certain nombre de mes amis de la majorité souhaitaient que des choses soient précisées sur ce vote, le 20 décembre 1974, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur l’IVG par 277 voix contre 192. Le projet a recueilli toutes les voix de la gauche. En revanche, au sein de la majorité, seuls 70 députés sur 290 ont voté la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Mais le Gouvernement était de droite ! C’est embêtant, hein ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames et messieurs les députés, M. Nicolin nous a invités à revenir au latin. Revenons-y donc, pour retrouver l’origine du mot « mari » : mas, maris, qui signifie « mâle », ainsi que l’origine du mot « femme », qui vient de femina, feminæ. Ces mots viennent de l’empire romain…

M. Claude Goasguen. On parlait déjà latin à Rome sous la république, bien avant l’empire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mot mariage vient également de mas, maris, par l’intermédiaire de matrimonium, matrimonii. C’était un régime patriarcal : la femme n’ayant pas d’existence juridique, elle n’était désignée que par son sexe.

M. Claude Goasguen. Non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle passait de la tutelle de son père à celle de son mari.

Un député du groupe SRC. L’âge d’or, en somme !

M. Claude Goasguen. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mot « époux » vient du latin sponsus, sponsi, dérivé du verbe spondere qui signifie s’engager solennellement, promettre solennellement. Le mot « époux » implique donc un principe d’égalité entre les deux conjoints, et un engagement solennel de l’un et de l’autre. Voilà le sens premier que l’on retrouve en revenant au latin, voilà la charge historique et symbolique des mots « mari » et « femme », pour lesquels vous avez un attachement apparemment irréductible.

Je vous rappelle par ailleurs que le code civil actuel compte 304 occurrences du mot « époux ». Le texte sur lequel nous travaillons n’en ajouterait que deux, aux articles n° 75 et 108. Cela permet de relativiser un peu l’effondrement que vous nous accusez d’organiser ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Le mot « époux » se retrouve déjà dans deux articles majeurs du code civil. D’abord, à l’article 212 : (Mmes et MM. les députés récitent progressivement avec Mme la garde des sceaux) « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

M. le président. On voit bien qui sont les cumulards ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ensuite, à l’article 213 : (Mmes et MM. les députés récitent à nouveau avec Mme la garde des sceaux) « les époux assurent ensemble la direction morale… »

Mmes et MM. les députés. « …et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Excellent !

Mme Catherine Vautrin. Comme quoi le cumul des mandats peut être bénéfique !

M. Philippe Gosselin. Vous voyez bien, madame la ministre, pourquoi il sera difficile de changer les textes !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, seule Mme la garde des sceaux a la parole.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous accusez d’introduire de la fiction dans le code civil. Pardonnez-moi de vous rappeler qu’il existe déjà quelques fictions dans le code civil.

Mme Claude Greff. Lesquelles ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La première d’entre elles, c’est la présomption de paternité.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas une fiction !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Selon le code civil, le mari est présumé être le père de tout enfant né dans le mariage.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une fiction, c’est une présomption !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, c’est une présomption, fondée sur un fait biologique.

M. Claude Goasguen. Rien à voir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si : la preuve en est que cette présomption peut être contestée. Que cela vous déplaise est une autre affaire…

M. Claude Goasguen. Encore heureux, qu’elle puisse être contestée : c’est le cas de toutes les présomptions !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il arrive donc que cette présomption de paternité soit contestée, et qu’une preuve soit apportée qui la renverse. De grands juristes ont dit de la présomption de paternité qu’elle assurait la « paix des familles ».

Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ? Quel rapport ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un élément fondamental, auquel le Gouvernement n’a pas touché, non plus que la commission.

En 2005, des sondages et des études ont été réalisés à ce sujet : 39% des hommes et 25% des femmes mariés se sont déclarés infidèles. Comme je viens de le dire, la présomption de paternité est fondée sur un fait biologique et constitue donc du point de vue juridique un élément de preuve. Cet élément de preuve permet, éventuellement, de contester une paternité. Cela se fait désormais avec des tests ADN : environ 4% des enfants ne sont pas ceux du mari de la mère. Selon certaines estimations, il s’agirait de 8% des enfants. Pourquoi dis-je cela ? Parce que la vie c’est la vie, et les gens vivent leur vie ! Arrêtez donc de dresser un temple à la famille immuable, basée sur des éléments constamment prouvés biologiquement !

M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas dit cela !

M. Jean-Frédéric Poisson. Personne ne dit cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le code civil comporte d’autres fictions, comme l’adoption plénière…

M. Jean-Frédéric Poisson. Les adoptés ne sont qu’adoptés ! On ne change pas leur ADN !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis désolée de vous contredire, mais l’adoption plénière est une fiction organisée par la loi, et encadrée par le droit ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Absolument ! Que cela vous plaise ou pas ! L’adoption internationale en est une ! Les parents ne sont pas tenus de mettre un terme à cette fiction. Nous trouvons mieux, pour notre part, que les parents disent à leurs enfants qu’ils les ont adoptés. Nous avons reçu des associations d’enfants adoptés qui nous ont confié – je pense notamment à certaine jeune femme d’origine coréenne – qu’on ne leur a pas dit tout de suite qu’ils étaient adoptés. Voilà une fiction flagrante ! Nous pensons d’ailleurs qu’une politique publique devrait accompagner les parents au cours de l’adoption, et les aider à décider quelle est la meilleure attitude à adopter.

Pardonnez-moi à nouveau : la PMA pour les couples hétérosexuels est également une fiction !

M. Bernard Deflesselles. Incroyable !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une fiction encadrée par le droit, mais une fiction tout de même !

M. Patrick Ollier. Qu’a dit M. Le Roux sur la PMA ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’en est une, qui est clairement encadrée par le droit, car le droit interdit au donneur toute revendication en matière de filiation. C’est écrit dans le code de la santé publique et dans le code civil.

M. Hervé Mariton. Mais enfin, c’est contraire à la réalité !

M. Jean-Claude Perez. Vous n’écoutez même pas la ministre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Douillet, je veux bien entendre vos leçons. Pardonnez-moi, j’aurais préféré ne pas avoir à le faire, mais puisque vous venez à la charge aujourd’hui et me donnez des leçons sans la moindre nuance, je rappellerai un certain passage de votre autobiographie, L’âme du conquérant : « On dit que je suis misogyne. Oui, je suis misogyne, mais tous les hommes le sont, sauf les tapettes. » Vous écrivez également : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de valorisant. »

Tout cela devrait vous inciter à plus de nuance et de modestie. Avis défavorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avis défavorable sur les amendements.

M. Jean-Claude Perez. Eh alors ? Elle a raison ! Il fallait le dire !

M. Arnaud Leroy. Allez échanger des cartes Panini dans la cour de récréation !

M. Patrick Ollier. Ces mises en cause personnelles sont choquantes !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Merci, monsieur le président. (Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Pour le moment, c’est Mme Marie-George Buffet qui a la parole. Nous allons terminer les interventions sur ces amendements. Monsieur Fasquelle, s’il vous plaît, ne criez pas comme ça. Franchement, ce n’est ni agréable, ni bon pour l’image du Parlement ! (Protestations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

Écoutez, quatre personnes sont inscrites pour répondre à la commission et au Gouvernement : Mme Marie-George Buffet, M. Thierry Solère, M. Claude Goasguen et M. Jean-Yves Le Bouillonec. Je vous propose d’écouter ces réponses, puis de voter, après quoi je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, non ! Tout de suite !

M. le président. Bon, d’accord, allez-y.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, depuis plusieurs jours nous voyons les faiblesses de Mme la garde des sceaux et assistons à ses dérapages, incapable qu’elle est de nous répondre sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). À plusieurs reprises elle a commis des erreurs de droit portant sur l’interprétation du code civil, qui ont été corrigées par nos collègues. La seule réponse que nous donne Mme la garde des sceaux, toutes les deux heures, c’est de faire une sortie provocatrice ! La manière dont elle vient de se conduire envers notre collègue est inadmissible. Elle donne lecture de ragots colportés par la presse…

M. Arnaud Leroy et M. Jean-Claude Perez. Ce n’est pas des ragots, c’est dans son livre !

M. Christian Jacob. C’est une attaque personnelle. On attend d’un garde des sceaux qu’il soit capable de répondre en droit, et qu’il ne s’enferme pas dans la provocation.

M. Jean-Claude Perez. Elle a bien fait, il fallait le dire !

M. Christian Jacob. Depuis huit jours, à chaque fois qu’elle est incapable de répondre en droit, Mme la garde des sceaux répond par la provocation ! Son attitude est inacceptable, monsieur le président. Je vous demande une suspension de séance. Croyez-moi, la séance ne se déroulera pas bien tant que Mme la garde des sceaux restera sur cette position ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas fini, monsieur Jacob : j’en ai encore pour vous !

M. le président. La suspension de séance est de droit, puisque c’est le président de groupe qui la demande. Voulez-vous une suspension immédiate, ou pouvez-vous attendre que l’on vote la série d’amendements identiques ?

M. Christian Jacob. Tout de suite !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 4 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Je m’adresserai d’abord à notre collègue M. Mariani. Je répète ce que j’ai déjà dit. En Russie, il existe une homophobie d’État et une répression contre les couples homosexuels. M. Mariani a fait état de propos sur l’adoption tenus, lors d’une réunion, par certains représentants de la République de Russie. J’ai donc posé à M. Mariani une question très claire : qu’ont répondu les représentants de la République française lors de ce débat sur l’adoption ? Je pense, en effet, que la France doit être aux côtés de celles et ceux qui, en Russie, se battent contre cette homophobie d’État. Je ne vois donc pas ce qui peut choquer mon collègue Mariani.

Ensuite, je ne vois pas pourquoi on essaie, dans ce débat, de se lancer à la figure les différences qu’il y a dans la majorité ou dans l’opposition. Que des individus, de chaque côté de cet hémicycle, aient une opinion sur des questions qui touchent autant à l’humain que celles que nous abordons, aujourd’hui, c’est tout à fait normal ! Les positions des uns et des autres peuvent évoluer. Je remarque d’ailleurs, chers collègues de l’opposition, que vous avez, tout à l’heure, revendiqué avec force le vote de l’IVG, alors qu’à l’époque vous y étiez opposés ! Vous avez donc vous-mêmes évolué sur cette question !

Pourquoi n’essayons-nous pas de débattre sur le fond, sur le bien-fondé d’ouvrir le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels, au lieu de mener ce combat d’amendements sur des articles du code civil ? Essayons de discuter sur le fond et n’en restons pas aux arguments que vous opposez depuis le début sur l’état naturel, sur le fait qu’un couple doit être composé d’une femme et d’un homme avec, pour objectif, la procréation. Voyons la réalité telle qu’elle est aujourd’hui, et discutons-en !

M. le président. La parole est à M. David Douillet. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. David Douillet. Madame la garde des sceaux, je ne m’abaisserai pas à votre niveau. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) En ces lieux, il ne devrait pas y avoir place pour une telle médiocrité ! Ce manque de contrôle de soi traduit, en réalité,…

M. Jacques Myard. Une faiblesse !

M. David Douillet. …une énorme faiblesse !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est vrai ou ce n’est pas vrai, ce que vous avez dit ?

M. David Douillet. Je vous pensais à la hauteur de votre fonction ! Mais tel n’est malheureusement pas le cas !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Avez-vous tenu ces propos, oui ou non ?

M. David Douillet. Qu’un ministre de la République attaque personnellement un parlementaire, cela n’a aucun sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mme Buffet, vient de le dire : parlons du fond ! C’est exactement ce que je vous demande depuis le début ! S’agissant de la GPA, comme vous n’avez pas d’argument et comme vous manquez de courage pour affronter la réalité, vous préférez m’attaquer personnellement !

Plusieurs députés du groupe SRC. Assumez ce que vous avez dit, cher collègue !

M. David Douillet. C’est totalement lamentable, madame la garde des sceaux !

M. Yannick Favennec. Ça la fait rire !

M. David Douillet. Je suis triste pour mes collègues de la gauche que vous les représentiez !

M. Nicolas Bays. Pas nous ! On en est fiers !

M. David Douillet. Je suis triste pour le Président de la République que vous ayez ce genre de réflexions ! Je suis triste que la France ait, en son sein, un ministre qui ait si peu de considération pour l’opposition, pour des gens qui essaient de faire prévaloir l’intérêt national sur les intérêts personnels. C’est malheureusement ce qui vous caractérise, madame la garde des sceaux !

Je vous demande donc une dernière fois, instamment, quelles dispositions vous allez prendre pour lutter contre la GPA. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Vous ne nous répondez pas, et, bien au contraire, vous avez rédigé une circulaire pour l’encourager ! Vous aurez toute votre vie sur votre conscience le malheur d’innombrables femmes, à l’étranger, qui sont des esclaves par leur ventre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je n’ai pas, pour ma part, abusé de mon temps de parole, monsieur le président.

Je tiens à expliquer les raisons pour lesquelles le débat sombre dans le naufrage, comme l’a écrit un journal du soir. C’est que le texte est un naufrage !

M. Arnaud Leroy. Ce n’est pas ce que dit l’article !

M. Claude Goasguen. Ce texte est un naufrage parce qu’il ment. Depuis le début, vous mentez aux Français. Ce texte, d’une part, n’est pas un texte sur le mariage, mais sur le mariage et l’adoption. S’il y a un domaine qui est au cœur même du droit civil, c’est bien celui du droit des personnes. Or, depuis le début de ce débat, nous n’avons obtenu aucune réponse juridique ! Nous avons eu des invectives, des réponses lyriques, des réponses funambulesques. On se croirait, par moments, dans une bande dessinée. On nous dit que la présomption d’innocence est une fiction. On confond le code civil et Tintin ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Selon vos dires, le droit romain aurait été monolithique. Pour avoir enseigné le droit romain assez longtemps, je vous signale qu’il existe trois sortes de mariage en droit romain. Si vos conseillers techniques sont fatigués, ce qui est possible, je vous épargne cette critique, sachant que, lisant des notes, vous n’êtes pas obligée d’en juger l’exactitude. Vous nous répondez aussi en nous lisant le code civil. C’est bien ! Mais, si vous croyez que cela suffit à expliquer un certain nombre de faiblesses de votre texte, vous vous trompez. Or les Français, quant à eux, ne s’y trompent pas. J’en veux pour preuve les sondages – 52 % des maires – et les manifestations de centaines de milliers de personnes. Si vous croyez que vous allez vous en sortir comme ça, vous vous trompez.

Vous avez, de plus, la manie de faire croire aux Français que ce texte irait dans le sens de la norme internationale. Non seulement c’est faux, mais le mariage que vous êtes en train d’instituer est unique au monde. Les dix pays qui ont adopté le mariage homosexuel – dix pays sur 250, les 240 autres étant quantité négligeable, n’est-ce pas ? – traitent du mariage et non de l’adoption. Dans un pays comme le Royaume-Uni, qui vient de voter une réforme sur ce point, il existe plusieurs sortes de mariages. Cela n’a donc rien à voir !

Enfin, les conséquences de votre texte en matière de droit international privé sont considérables, non seulement sur l’adoption, nous l’avons souligné, mais également sur ce que la doctrine juridique appelle les « mariages boiteux ». Qu’est-ce qu’un « mariage boiteux » ? En cas de mariage homosexuel, si une des deux personnes est étrangère et originaire d’un pays qui interdit l’homosexualité et le mariage homosexuel, soit vous serez contraints de modifier l’état civil de la personne, auquel cas l’État sera en droit de faire un recours devant une juridiction internationale ; soit, vous maintiendrez l’état civil et vous condamnerez cette personne à des peines pénales si, par malheur, il retourne chez elle !

M. le président. Je vous remercie.

M. Claude Goasguen. Essayez de l’expliquer aux Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tenais, pour ma part, à dire aux Français que nous avons l’intention d’adopter ce texte qui est, en tous points, conforme aux obligations du législateur, s’agissant du code civil.

Vous faites grief au texte de vouloir remplacer les termes « mari et femme » par « époux ». Je prendrai l’exemple de l’article 75 que vous avez querellé dans un amendement précédent. Il décrit l’intégralité des obligations de l’officier d’état civil, dont celle de dresser procès-verbal. Le terme « mari et femme » n’apparaît qu’une fois dans cet article : pour le reste, c’est le mot « époux » qui y figure. Ainsi, le texte dispose que l’officier de l’état civil interpellera « les futurs époux » d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage. Et il reçoit de chaque partie la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux. Car je me permets de vous rappeler que, si le dernier alinéa de l’article 75 comporte, certes, la mention « mari et femme », l’acte de mariage, quant à lui, comporte la mention : « Ils ont déclaré, l’un après l’autre, vouloir se prendre pour époux. » Vous ne pouvez donc pas prétendre, chers collègues, que la modification que notre rapporteur a proposée au texte ébranle, dans la célébration, la notion même de mariage.

J’ai voulu faire un peu de droit, et veuillez m’en excuser, monsieur le président, mais je tenais à dire que ces questions posées depuis plusieurs heures sur ce sujet sont réglées depuis longtemps en droit. Cela démontre, s’il en était besoin, que nous sommes bien loin des bouleversements.

Certes, Le Monde parle de naufrage, mais il faudrait, cher collègue, que vous lisiez la suite de l’article qui indique : « L’UMP se demande comment sortir du piège. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 90 et ceux qui lui sont identiques.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 175

Nombre de suffrages exprimés 175

Majorité absolue 88

Pour l’adoption 67

Contre 108

(L’amendement n° 90 et ceux qui lui sont identiques ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Marc Le Fur. Je tenais tout d’abord à dire, à l’occasion de la défense de cet amendement, que je suis personnellement fier d’appartenir à la même assemblée et au même groupe que David Douillet (Applaudissements sur nombreux bancs du groupe UMP), qui a porté les couleurs de la France, qui a illustré le drapeau tricolore,…

M. Arnaud Leroy. Et alors ?

M. Marc Le Fur. …à un moment où d’autres militaient pour l’indépendance de la Guyane !

M. Bernard Roman. Il ne faut pas laisser dire cela !

M. Marc Le Fur. Donc, bravo David Douillet ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Nous évoquons, mes chers collègues, l’article 206 du code civil que vous voulez réformer : « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère… »…

M. Arnaud Leroy. Oh, lâchez-nous avec les belles-mères !

M. Marc Le Fur. Dans ce texte, vous voulez, une fois de plus, comme je l’ai déjà dit, supprimer les belles-mères ! Mais, curieusement, vous changez aussi le sens des mots, puisque vous conservez le mot « gendre », qui cesse d’être l’époux de la fille, mais qui devient indifféremment l’époux de la fille ou l’époux du fils.

Donc, extraordinairement, vous modifiez le sens des mots, vous modifiez le vocabulaire. Vous heurtez Littré, Larousse et quelques autres.

Dans votre logique prométhéenne, vous vous croyez tout permis, et tout est possible. Non, il y a des réalités naturelles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 224.

M. Bernard Deflesselles. Nous sommes bien sûr au cœur du sujet avec l’article 4, cet article dit balai, qui crée une insécurité juridique. Mais, monsieur le président, souffrez que j’interpelle M. le ministre chargé des relations avec le Parlement. Il s’est permis tout à l’heure, ainsi que la garde des sceaux, de porter des jugements sur les parlementaires de l’UMP, en particulier M. Milon, sénateur du Vaucluse. Vous remarquerez qu’avec beaucoup de délicatesse, nous ne portons pas de jugement sur les députés socialistes qui sont contre ce texte, qui, eux, sont muselés et obligés de courber l’échine devant le président du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, êtes-vous du côté du président du Sénat, M. Bel, qui veut museler le débat au Sénat – dans le même sens, M. Jospin disait, il y a une quinzaine d’années, que le Sénat était une anomalie de la République –, ou du côté de Mme Guigou, ancienne garde des sceaux, qui, il y a une quinzaine d’années, nous jurait, la main sur le cœur, après le vote du PACS, qu’il n’y aurait rien, ni mariage, ni adoption, ni PMA, ni GPA ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 321.

Mme Dominique Nachury. L’alinéa 10 de l’article 4 modifie l’article 206 du code civil, qui concerne l’obligation alimentaire envers les beaux-pères et belles-mères. Il faudrait maintenant lire « beaux-parents ». Cependant, le début de l’article reste inchangé, « Les gendres et belles-filles ».

Il me semble que gendre veut dire mari de la fille, et belle-fille femme du fils. Dès lors, dans un couple de personnes de même sexe, le conjoint du fils et la conjointe de la fille ne sont pas concernés. Ou alors, il faut encore interpréter la loi. Ou encore, considérer que le conjoint du fils est une belle-fille et la conjointe de la fille un gendre. Ou encore, changer les définitions portées par tous les dictionnaires.

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 393.

M. Yves Albarello. Après avoir supprimé le mari et la femme, on supprime le beau-père et la belle-mère. Mais où s’arrêtera-t-on ? On voit bien ici la limite de l’exercice.

Vous avez une possibilité de sortir de cette impasse, mes chers collègues socialistes, on vous l’explique depuis des jours, en renforçant le contrat d’union civile. Voilà la voie que vous devez suivre si vous voulez éviter un naufrage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 435.

M. Christian Jacob. Cet amendement concerne l’article 206 du code civil, et nous exprimons toujours la même logique de cohérence. Pourquoi avoir gardé les mots de « père » et « mère » dans un certain nombre de cas, comme dans l’article 371-1, qui a été évoqué encore tout à l’heure par quelques-uns de nos collègues, et proposer ici une modification ? Il y a un vrai problème de cohérence et de compréhension de la loi dans sa globalité. Dans certains articles, vous supprimez les références sexuées, ce qui est le cas pour l’article 206, dans lequel vous supprimez « beau-père » et « belle-mère » pour les remplacer par « beaux-parents », et, dans d’autres, au contraire, vous laissez la référence au père et à la mère. Tout cela nuit à la compréhension de la loi.

Notre argumentation est donc la même, et vous ne nous avez jamais répondu sur le fond. Pourquoi avoir traité différemment ces articles ? C’est la réponse que nous attendons de vous, monsieur le rapporteur, puisque nous avons bien compris que Mme la ministre se désengageait et considérait que c’était de la responsabilité de la commission. Comme nous n’avons pas d’explications de la ministre, expliquez-vous, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 420.

M. Hervé Mariton. Les propos que vous avez tenus tout à l’heure sont graves, madame la garde des sceaux.

Non, la PMA n’est pas une fiction. Déjà, à l’évidence, elle n’en est pas une pour la très grande majorité des couples qui en bénéficient avec les gamètes de l’un et l’autre des membres de ce couple. Vous rendez-vous compte de votre propos ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais des donneurs.

M. Hervé Mariton. Dans le plus grand nombre de PMA, il n’y a pas de donneur extérieur au couple.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai.

M. Hervé Mariton. Mesurez-vous la responsabilité que vous prenez à l’égard de ces couples – et les autres sont égaux en dignité – qui bénéficient du concours de la médecine avec les gamètes de l’un et de l’autre en leur disant que c’est une fiction ?

Si les membres de mon groupe permettaient à l’orateur de s’exprimer, ce serait un vrai progrès.

M. le président. Chers collègues du groupe UMP, laissez parler l’orateur.

M. Hervé Mariton. Madame la garde des sceaux, vis-à-vis d’un couple qui vit une difficulté personnelle intense et profite du secours de la médecine, mesurez votre propos !

Vous parlez également de fiction pour la présomption de paternité. Non, la présomption de paternité n’est pas une fiction – comme vous l’avez dit, d’ailleurs, car souvent votre logique est curieuse et vos développements contredisent vos résumés. La présomption de paternité, c’est un principe, et ce principe, en effet, peut être contredit.

Enfin, quelle provocation, madame la ministre de la famille, de changer la composition du Haut conseil de la famille en plein milieu de nos débats, pour servir vos objectifs, pour servir votre idéologie ! Ce n’est pas convenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 475.

M. François de Mazières. J’avais envie de dire exactement la même chose qu’Hervé Mariton. Car deux choses m’ont profondément choqué.

Jusqu’à présent, madame la ministre, vous avez été habile, trop habile. Mais là, vous avez dit le fond de votre pensée, sur deux éléments essentiels, fondamentaux.

Vous avez dit tout d’abord que la présomption de paternité était une fiction. Mais, madame la garde des sceaux, toute notre société est construite sur cette présomption de paternité. Tout le droit est construit sur cette présomption de paternité. C’est dingue, ont dû penser les notaires s’ils vous ont entendue.

Nous sommes enfin au cœur du débat. Il y a là un problème fondamental et c’est la raison pour laquelle nous nous battons depuis des heures et des heures sur cette notion de père et de mère. Nous sommes intégrés dans une histoire familiale, et les conséquences psychologiques sur l’enfant sont fondamentales. Le pédopsychiatre Flavigny nous a répété sans cesse qu’il fallait s’intégrer dans une histoire familiale, même quand il y a malheureusement des difficultés pour la conception.

Vous avez également déclaré que la PMA était une fiction. Et là aussi, je partage les propos d’Hervé Mariton. Pensez à tous ces couples en détresse qui ont dû avoir recours à la PMA. Aujourd’hui, on parle de « PMA sociale ». Mais vous imaginez les conséquences, vous voyez la folie dans laquelle nous sommes ?

Vos propos ont dévoilé ce qui constitue le cœur, le fondement de notre critique. Là, nous étions vraiment à l’essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 534.

M. Patrick Ollier. Tout à l’heure, M. Le Roux nous a demandé à quoi servaient nos amendements. De manière répétitive, certes, fastidieuse pour vous, certes, ils servent à obliger le Gouvernement à répondre. Il ne le fait pas mais nos amendements nous permettent d’expliquer notre position.

C’est comme si je vous disais, madame la garde des sceaux, que M. Le Roux était une fiction en tant que président de groupe. M. Jacob est présent en permanence dans le débat, M. Le Roux n’est pas là. Est-ce une fiction ? Non, parce qu’il peut revenir tout à l’heure. La PMA n’est pas là aujourd’hui mais, avec votre texte, nous savons qu’elle sera là demain.

Voici justement M. Le Roux qui arrive (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je l’en félicite.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas une fiction !

M. Patrick Ollier. Ce n’est plus une fiction. La PMA arrivera demain, ce ne sera pas non plus une fiction.

Pour détendre l’atmosphère, je dirai que c’est comme si, au banc du Gouvernement, on avait Robert Lamoureux dans Papa, la bonne et moi, parce que vous en êtes arrivés à une forme de confusion qui confine au comique.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. J’ai entendu M. Ollier. Je voudrais saluer en face de moi les intermittents de la présence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est le groupe UMP, qui n’a pas une seule fois réussi à se mobiliser plus que le groupe socialiste sur un scrutin public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Patrick Ollier. Vous êtes la majorité, c’est normal !

M. Philippe Gosselin. Et vous avez fait traîner le débat mardi parce que vous étiez minoritaires !

M. Bruno Le Roux. …qui nous parle de fiction ! Assumez, mes chers collègues ! Vous voulez faire croire à l’opinion publique que vous voulez à tout prix repousser ce texte qui concerne un problème de société, et, pour la plupart des scrutins, vous n’êtes pas capables de mobiliser plus de 30 % des députés de votre groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il n’y a pas un seul scrutin public depuis le début pour lequel vous vous êtes davantage mobilisés que le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous êtes majoritaires !

M. Bruno Le Roux. Je ne parle pas en nombre, je parle en proportion du groupe, pour vous ramener à vos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 4 (suite)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 622.

M. Philippe Gosselin. Je m’étonne des propos de M. Le Roux qui, absent, revient comme un deus ex machina, sauf qu’il n’a rien d’un deus. Nous avons été très présents et ce n’est pas chez nous qu’il y a eu une évaporation de vingt ou vingt-cinq suffrages, en pleine nuit, après le rappel à l’ordre du président Bartolone sur l’intérêt pour chacun d’appuyer sur son propre boîtier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Alors les leçons, monsieur Le Roux, vous les gardez, ou alors vous les faites avec discernement.

M. Bruno Le Roux. On vous a vu tricher, monsieur Gosselin !

M. Philippe Gosselin. C’est formidable. Il fallait le dire à ce moment-là et pas maintenant, par invective.

M. Bruno Le Roux. On l’a dit, et on le redit !

M. Philippe Gosselin. Je n’ai pas bougé d’ici ! Quoi qu’il en soit, il y a eu vingt-cinq suffrages en moins chez vous après le rappel à l’ordre du président.

Le pacte républicain, je vous le dis une fois de plus, est abîmé par la suppression des termes « père » et « mère ». Vous êtes en train de vous renier, mesdames, messieurs de la majorité, comme nous l’avons dit hier soir et je voudrais y revenir quelques instants. Vous êtes en train de passer du social-libéralisme au social-individualisme. Vous qui vous targuez de défendre la res publica, l’intérêt collectif, l’intérêt commun, vous êtes en train de l’abîmer. Je le pense très réellement. Peut-être que certains d’entre vous n’en ont pas conscience mais, pour que la République existe, elle doit avoir une démarche collective, elle doit respecter un certain nombre d’éléments de base fondamentaux, et la famille, même si elle est bien sûr diverse aujourd’hui, et non pas monolithique, elle reste attachée à cette notion de « père » et de « mère ».

Elle permet, cette notion, de vivre ensemble. Elle permet le bien commun. Au final, je crois que vous êtes en train de vous renier…

M. le président. Merci.

M. Philippe Gosselin. J’y reviendrai, monsieur le président.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il sera très court, monsieur le président, et de pure forme. Je rappelle simplement à notre collègue Bruno Le Roux que nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès de la présidence pour que nos collègues de la majorité n’utilisent pas d’autres boîtiers que le leur au moment du vote. J’ai demandé plusieurs fois à ce que les déroulements des votes soient visionnés…

M. Bruno Le Roux. Nous l’avons fait aussi !

Mme Claude Greff. Vous avez beaucoup triché !

M. Christian Jacob. …parce que quelques-uns de nos collègues de la majorité s’égaraient sur les boîtiers voisins.

Par ailleurs, la récente interprétation du règlement sur les suspensions de séance permet désormais que celles-ci interviennent alors que la procédure de vote est engagée. C’est votre majorité qui l’a souhaité, monsieur Le Roux. Cela signifie que, si des parlementaires arrivent en nombre important d’un côté de l’hémicycle, le président peut suspendre la séance. Je pense que ce n’est pas une bonne chose, mais la décision a été prise en Conférence des présidents. En d’autres termes, pour que le public comprenne bien, le coup du rideau n’est plus possible.

M. Claude Goasguen. Hélas !

M. Christian Jacob. Quant à la présence des parlementaires de l’opposition, monsieur Le Roux, elle est effective et nous avons l’intention qu’elle continue à l’être. Je constate un peu de faiblesse dans vos rangs,…

M. Bruno Le Roux. Ça va, merci !

M. Christian Jacob. …mais je ne doute pas que vous aurez la capacité de mobiliser vos collègues. Cela nous offre d’ailleurs le plaisir de vous voir siéger parmi nous. Merci de votre présence, monsieur Le Roux, mais ne revenez pas sur la participation et surtout sur les procédures de vote : nous aurons l’occasion de visionner les vidéos !

M. Bruno Le Roux. Les tricheurs, on les connaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous les connaissons mieux que vous !

Article 4 (suite)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1047.

M. Philippe Cochet. Avant que M. Le Roux ne quitte l’hémicycle, je souhaite intervenir sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, le masque est tombé, madame la garde des sceaux. Lorsque vous avez interpellé de manière éhontée l’un de nos collègues, vous avez montré ce qu’était votre vision des gens qui s’opposent à ce texte. Il y a un côté haineux... (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Philippe Cochet. …qui n’est pas nécessaire lorsque l’on défend des convictions. Je pense que vous devriez présenter des excuses à notre collègue. Je suggère même, monsieur le président, que M. le Premier ministre, comme il a eu l’occasion de le faire avec d’autres ministres, contacte Mme la garde des sceaux afin de la rappeler à l’ordre sur le respect dû aux membres du Parlement français.

Sur le fond, comme cela a été rappelé, le recours à la notion de « fiction », madame la garde des sceaux, signifie que vous êtes en train de commettre un mensonge d’État et que nous, législateurs, allons l’avaliser. C’est inimaginable. Mesurez-vous, chers collègues, où nous allons ?

Tout à l’heure, madame la garde des sceaux, vous avez voulu, par vos propos, ridiculiser les maires, notamment sur l’impossibilité de rendre compréhensible l’union de deux personnes de même sexe. Vous fragilisez l’édifice républicain. Aujourd’hui, non seulement vous fragilisez la famille, mais vous mettez la patrie en danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Thierry Mandon. Et l’Europe, elle va bien ?

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n° 1096.

M. Claude de Ganay. « Une belle-mère, c’est une dame qui donne sa ravissante fille en mariage à un monstre horrible et dépravé (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR)…

M. Erwann Binet, rapporteur. Quelle horreur !

M. Claude de Ganay. …pour qu’ils fassent ensemble les plus beaux enfants du monde. » Je vous rassure : ce n’est pas de moi, c’est une citation d’Alphonse Karr.

Au-delà de ce trait d’humour, l’alinéa 10 supprime du code civil toute allusion à la belle-mère et au beau-père. Peut-être pensiez-vous apaiser ainsi les relations de milliers d’époux avec leurs belles-mères, mais il est regrettable que toute allusion de parenté par alliance disparaisse de l’article 206. Madame la garde des sceaux, n’oubliez pas nos belles-mères ; les couples homosexuels en auront. Ne poussez pas la logique de l’absurde jusqu’au bout. Réfléchissons à un nouveau projet de loi garant des responsabilités et des particularités de tous. Les valeurs de l’égalité en sortiront renforcées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Assaf. Quel talent !

M. Alexis Bachelay. Quelle force de conviction !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 1060.

M. Philippe Vitel. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner la définition du « gendre » chez moi, en Provence, dans le beau pays de Pagnol et Mistral.

M. Nicolas Bays. Avé l’accent !

M. Philippe Vitel. On emploie l’expression « entrer en gendre » pour dire « se marier, habiter dans la famille de sa femme et éventuellement prendre la succession du beau-père ». Avec ce texte, cela va devenir sacrément compliqué !

Je suis un peu l’opinion publique et j’ai le sentiment qu’elle est en train de comprendre que beaucoup de choses ne vont pas, dans ce texte. Aujourd’hui, 61 % des maires souhaitent la suspension de l’examen du projet de loi. C’est un fort pourcentage, d’autant plus que, parmi ces maires, 36 % sont de gauche et ils sont 45 % si l’on inclut les divers gauche. Chers collègues, je crois donc qu’il est temps de suspendre ce débat ou, plus simplement, de donner la parole au peuple. Vive le référendum ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Vive la France !

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n° 1148.

M. Alain Moyne-Bressand. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l’amendement n° 1317.

M. Yves Nicolin. Nous assistons, avec ce texte, à un véritable hold-up de mots. Vous supprimez les mots « père », « mère », « mari », « femme », et, à cet alinéa, « belle-mère » et « beau-père ». Mais il y aura toujours un être qui continuera à reconnaître l’homme et la femme, et les discriminera : c’est l’enfant.

J’ai cité tout à l’heure une étude importante. Il existe pour l’enfant une différence affective entre un père et une mère. Les mêmes études scientifiques prouvent que l’enfant est sensible aux timbres de voix, aux textures de peau, évidemment différentes pour le père et la mère. Très tôt, l’enfant discrimine l’attitude du père et celle de la mère, à des rythmes, à des manières de le porter et de s’adresser à lui. On imagine d’ailleurs mal un enfant se blottir sur le sein de son père. Très tôt, l’enfant identifie père et mère par des sensations ; qui peut le nier ? Il faut bien avoir conscience que ses premières expériences s’impriment dans le cerveau en construction et fonde les bases du repérage sexuel du futur adolescent et adulte en devenir. Non, madame la garde des sceaux, les hommes ne sont pas des femmes comme les autres. Alors pourquoi vouloir des termes génériques identiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1465. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Le retour !

M. David Douillet. Quel accueil formidable ! Je suis content de vous faire tellement plaisir.

M. Nicolas Bays. On vous aime !

M. David Douillet. Vous voulez faire disparaître du code civil les mots « beau-père » et « belle-mère », comme ceux de « père », « mère », etc. Mais ne vous inquiétez pas : la GPA le fait pour vous !

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. David Douillet. Lorsqu’une femme indienne exploitée par des réseaux mafieux accouche, on lui retire tous ses droits vis-à-vis de son enfant. Forcément. On fabrique même une mère fictive qui sert de prête-nom auprès des autorités indiennes ; c’est d’ailleurs comme cela que ces dernières ont découvert ces pratiques sur leur sol.

D’une certaine façon, madame la garde des sceaux, je vous comprends : ce n’est pas facile de prendre une décision. Il faut avoir du courage et ce n’est pas simple, surtout quand il s’agit, d’un côté, de l’avenir et du bonheur d’un enfant, par un certificat de nationalité française, et, de l’autre, de l’avenir d’une femme, même si elle est à des milliers de kilomètres. J’ai parlé de l’Inde mais j’aurais pu aussi bien évoquer l’Ukraine.

Il faudra bien qu’au cours du débat vous ayez le courage de nous répondre à ce sujet. Je pense d’ailleurs que notre ancien collègue, M. Vallini, aurait eu ce courage, lui qui a conçu le programme du candidat Hollande pour la justice et qui espérait le siège que vous occupez aujourd’hui ; il aurait eu le courage d’affronter les vraies réalités, et il n’aurait pas commis l’erreur irresponsable d’émettre la circulaire dont vous êtes l’auteur.

M. Bernard Roman. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est affligeant !

M. Christian Jacob. Avouez qu’au fond vous êtes d’accord avec ce que vient de dire M. Douillet !

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 3021.

M. Gérald Darmanin. Permettez-moi de faire remarquer qu’il est très courageux – je pense notamment à notre collègue Nicolas Bays – de vilipender David Douillet quand il se trouve à quelques dizaines de mètres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. David Douillet. Je suis pacifique, rassurez-vous !

M. Gérald Darmanin. C’est un constat, et j’avais déjà remarqué, dans mes fonctions antérieures, que l’on est souvent courageux quand on se trouve assez loin de lui ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’article opère un nettoyage : il balaye du lexique du code civil les mots « beau-père » et « belle-mère ». Marc Le Fur a relevé, avec l’humour et l’intelligence qui le caractérisent, que vous tuez Jules Sandeau, Labiche, Feydeau…Plus généralement, vous tuez en partie la langue française. Vous l’avez dit vous-même, madame la garde des sceaux, ce texte est une révolution, une « réforme de civilisation » ; vous pourrez donc indiquer à M. Le Bouillonnec qu’il a tort de nous répondre que ce sont des détails.

J’ai été très choqué d’entendre tout à l’heure notre collègue dire que l’UMP était tombée dans le « piège » du texte, comme s’il ne s’agissait que d’un calcul politique ! À l’heure où le nombre de nos compatriotes chômeurs s’accroît de plus de mille par jour, où les chiffres de la délinquance augmentent, où M. Montebourg, malgré son talent, est plus le ministre du verbe que celui de la réindustralisation de la France, il y a bien en effet un côté « piégeux » dans ce que fait le Gouvernement. Je ne sais pas si c’est son inconscient qui a parlé, mais M. Le Bouillonnec, s’il m’a choqué, a au moins eu le mérite de relever que ce texte est un piège pour l’opposition. Mais l’opposition réagit à l’ordre du jour du Gouvernement, et nous nous battrons jusqu’au dernier amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3030.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’associe aux excellentes remarques de vocabulaire de notre collègue Dominique Nachury. Je souhaite par ailleurs, madame la garde des sceaux, rebondir sur vos propos au sujet des « fictions ». Je suppose qu’il y a un malentendu, car je ne peux croire que vos propos doivent être entendus dans toute leur portée. La présomption de paternité est le résultat d’un engagement légal : ce ne peut être une fiction. L’adoption est un transfert d’autorité parentale des parents biologiques vers les parents adoptifs : ce ne peut être une fiction,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si : pour la filiation !

M. Jean-Frédéric Poisson. …ou alors il n’y a pas d’adoption. L’assistance médicale à la procréation – je me réfère en particulier à la très émouvante intervention de la présidente de la commission des affaires sociales dans l’hémicycle l’autre jour – ne peut être une fiction : il y a des enfants qui naissent.

Notre point de désaccord sur le sujet, c’est que si, par l’accompagnement juridique de ces différentes réalités, certaines situations sont incluses dans le droit alors qu’elles sont, à l’origine, d’une autre nature, elles ne sauraient toutefois être appelées des fictions. Dès lors qu’intervient l’engagement des personnes de façon pleine et entière – sur l’adoption plénière et, au-delà, les deux types d’adoption –, on ne peut parler de fiction.

C’est pourquoi il y a au moins un malentendu de vocabulaire ; je peux vous faire ce crédit. Le malentendu, c’est quand vous dites : « Nous ne touchons pas à la présomption de paternité. »

Mais, si les mots ont un sens, madame la garde des sceaux, la présomption de paternité pour les couples de femmes, cela va quand même être difficile à apprécier !

Quand on se souvient de cet hémicycle il y a quelques jours, de l’énergie et de l’enthousiasme de sa majorité pour ajouter, sur la sollicitation de M. Tourret, comme un sceau nouveau – mais l’était-il vraiment ? – l’adjectif « républicain » dans la célébration des mariages, supposant que ces cérémonies n’étaient pas déjà républicaines, cela prouve bien que les mots ont un sens et un poids.

Votre texte, madame la garde des sceaux, est effectivement une source de fictions, ne serait-ce que relativement à cette présomption de paternité pour les couples de femmes.

L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3072.

M. Patrick Hetzel. Permettez-moi de revenir à mon tour sur cette question de la présomption de paternité.

Comme vient de l’indiquer M. Poisson, nous sommes arrivés à un point crucial dans notre discussion, qui montre bien que nous avons raison de chercher des reformulations et de persister dans nos interrogations, car ce que nous entendons là est particulièrement surprenant.

Le rôle d’un gouvernement est d’avoir un projet politique. Lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, il convient alors d’inscrire dans le droit ce projet politique. Mais il est essentiel que cette inscription juridique soit conforme à un certain nombre de règles.

Or la situation actuelle est particulièrement surprenante, parce que nous avons l’impression que vous vous appropriez cette fameuse maxime d’André Laignel – « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires » –, en faisant complètement fi de tous les aspects juridiques, pourtant constitutifs de notre code civil.

M. Claude Goasguen. Et le droit des personnes, surtout !

M. Patrick Hetzel. C’est sur le fond qu’il y a un véritable problème : si nous avons du mal à nous comprendre, c’est que vous ne voyez pas que ce projet de loi pose un grand nombre de problèmes juridiques et techniques.

Toutes ces approximations sont dangereuses et indignes d’un projet de la République.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3265.

M. Jacques Myard. Au fur et à mesure du débat, nous ne pouvons que constater l’incohérence juridique de ce texte et les confusions qu’il crée. Je ne peux donc que me rallier à tout ce qui a été dit précédemment, car nous ne sommes pas dans la fiction mais bien dans une réalité humaine.

Je n’avais pas compris l’annonce faite par le Premier ministre, il y a quelques jours, de l’ouverture d’une « salle de shoot », comme disent les journalistes. Mais maintenant, j’ai compris. Pour faire avaler un texte aussi incompréhensible, incongru et absurde, il faut vraiment fumer la moquette.

M. Sébastien Pietrasanta. C’est ridicule ! Comme d’habitude.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3350.

M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur la réponse de madame la garde des sceaux, notamment sur cette notion de fiction, qui est particulièrement intéressante : soit vous ne dites rien – et vos silences sont alors éloquents –, soit vous parlez, suscitant alors une confusion et des troubles.

Il est grave, madame la garde des sceaux, de dire que l’AMP est une fiction : 94 % des cas d’AMP sont faits avec les gamètes des couples concernés – ce sont les chiffres pour 2011 de l’Agence de la biomédecine. Affirmer à ces 94 % de couples qui utilisent l’AMP, que cette procréation est une fiction, c’est un mensonge.

Je vous invite donc, madame la garde des sceaux, à démentir ce propos que vous avez tenu.

Ou alors, vous parlez des 6 % restants, qui effectivement font appel à des gamètes ou à des embryons issus d’un don. Toutefois, ici encore, il est grave de parler de fiction : la fiction dont on parle à l’article 4, n’est une fiction que dans le droit.

Quand vous dites « père et mère » à propos d’un couple d’hommes qui deviendront parents, vous n’allez pas leur demander qu’il y ait, dans leur tête, un père et une mère – cela pourrait susciter un procès pour homophobie.

La différence avec l’AMP avec tiers donneur, c’est que si dans les deux cas la fiction est dans le droit, elle relève également ici de la psychologie, puisqu’il faut adhérer à une démarche consistant à « faire comme si ». Vous n’allez pas demander aux couples de personnes de même sexe d’adhérer au fait d’être mari et femme : vous le demandez uniquement dans le droit. Pour l’AMP, l’adhésion est nécessaire dans la psychologie de ces personnes.

Alors, madame la garde des sceaux, vos numéros de cinéma toutes les deux heures, ça va. Mais parlez-nous de la réalité humaine !

M. Bernard Roman. Oh ! Un peu de respect !

M. le président. Sur l’amendement n° 92 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3500.

M. Daniel Fasquelle. Mme la garde des sceaux nous a parlé de fiction en droit, de présomption de paternité ou d’adoption plénière, mais elle a oublié un élément très important, rappelé l’an dernier par la Cour de cassation et qui change tout : depuis le droit romain, auquel vous avez fait référence, madame la ministre, les fictions reposent sur le principe de vraisemblance. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle, par exemple, l’adoption est limitée à partir d’un certain âge.

Ce principe de vraisemblance est essentiel et fonde depuis toujours les fictions en droit. Ne nous dites pas que votre texte ne change rien à ce qui existe depuis toujours, puisque c’est faux : tous ceux qui vous entendent ici en ont conscience.

En rompant le principe de vraisemblance, vous allez détourner ces fictions, et en particulier l’adoption, à des fins que nous ne partageons pas. Le rapporteur a ainsi déclaré que « les couples homosexuels font des enfants » ; or pour arriver à cet objectif que nous ne partageons pas, nous allons devoir détourner des instruments juridiques et techniques, comme la PMA et la GPA.

Il existait une autre voie que vous n’avez pas voulu suivre. Certes, les débats se prolongent, non sans agacer M. Le Roux ; mais si nous avons ces débats ici, c’est parce que nous n’avons pas pu les avoir ailleurs, alors que notre pays méritait un grand débat national et des états généraux. Notre proposition relative à l’alliance civile méritait d’être entendue. Une autre voie était possible. Celle que vous nous proposez est extrêmement dangereuse.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3949.

M. Yves Censi. Puisque nous sommes dans la fiction, je voudrais puiser à bonne source, en vous citant à nouveau une analyse de Sylviane Agacinski, qui répondait à Mme la ministre de la famille lorsque celle-ci s’interrogeait sur les nouvelles formes de filiation, tant hétérosexuelle qu’homosexuelle. Mme Agacinski répond la chose suivante : « Elle substitue au caractère sexué des parents leur orientation "sexuelle." ». Vous créez une confusion entre les deux.

M. Claude Goasguen. Hélas !

M. Yves Censi. Un homme homosexuel reste un homme, il ne devient pas une mère du fait de son orientation sexuelle.

« Selon le modèle traditionnel, poursuit Mme Agacinski, un enfant est rattaché à un parent au moins, généralement la mère qui l’a mis au monde, et si possible à deux, père et mère. Y compris dans l’adoption, la filiation légale reproduit analogiquement le couple procréateur. […] Elle en garde la structure.

« C’est ainsi que l’on peut comprendre l’anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss lorsqu’il écrit que "les liens biologiques sont le modèle sur lequel sont conçues les relations de parenté". Or on remarquera que ce modèle n’est ni logique ni mathématique (du type : 1+1), mais biologique et donc qualitatif (femme + homme) parce que les deux ne sont pas interchangeables. C’est la seule raison pour laquelle les parents sont deux. »

Autrement dit, les parents sont deux parce qu’il y a une polarité. Lorsque vous employez le terme de « parents » s’agissant d’un couple de même sexe, vous vous trompez. Car si ces personnes sont bien au nombre de deux, il reste qu’il n’y a pas de polarité entre elles. Il n’y a pas de « parents » lorsqu’il n’y a pas un homme et une femme. C’est pourquoi nous nous opposons à votre projet de loi de la première à la dernière ligne.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1565.

M. Christophe Guilloteau. Le président Le Roux nous disait tout à l’heure que certains députés travaillaient plus que d’autres. Vous savez, j’appartiens à la commission de la défense. Et pour intervenir dans le débat sur un texte comme celui-ci, le vouloir. Je le veux, parce que je suis un député comme les autres, et aussi un père de famille.

Ce texte m’interpelle, parce que lorsqu’on y parle de GPA, de mariage pour tous, je ne m’y reconnais pas. L’élu rural que je suis ne connaît pas de telles situations dans sa circonscription ; toutefois, ce n’est pas pour cette raison que je le condamne, mais parce que votre texte ne me convient pas.

Hier, je demandais à Mme la garde des sceaux si elle n’était pas le dernier violon du Titanic. Monsieur Le Roux, le dernier violon du Titanic suppose la présence d’un orchestre : vous êtes peut-être le chef d’orchestre. Au début j’avais l’impression que vous étiez à la tête d’un bel orchestre. Mais votre public a disparu, ainsi que vos musiciens. Aujourd’hui, votre orchestre a plus à voir avec la batterie-fanfare de mon canton.

Mme Catherine Lemorton. Il va apprécier !

M. Bruno Le Roux. C’est déjà terminé ? Cela valait bien la peine de venir de la commission de la défense !

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4132.

Mme Claude Greff. Je vais défendre cet amendement à la méthode Taubira.

M. Nicolas Bays. Sans le talent !

Mme Claude Greff. …

M. Sébastien Pietrasanta. C’est ridicule !

Mme Claude Greff. …

M. Nicolas Bays. Bravo !

M. Christian Assaf. Quel talent !

Mme Claude Greff. C’est tout à fait cela : voilà mon amendement défendu. Il fallait vous montrer combien le Gouvernement a peu d’intérêt pour le Parlement, et combien le Gouvernement a le souhait de nous imposer son idéologie, avec une volonté un peu trop forte, en méprisant, en négligeant le peuple,…

M. Alexis Bachelay. C’était mieux au début de votre intervention, madame Greff !

Mme Claude Greff. … et en tout cas ses représentants Vous cassez tout. Je ne comprends plus rien. Que voulez-vous ? Vous avez détruit et vous détruisez tout ce que notre société a construit, au nom d’un principe hypothétique d’égalité.

Je le répète : vous ne répondez pas au principe d’égalité, vous stigmatisez, vous créez l’homophobie.

Monsieur le président, je vais conclure la défense de mon amendement comme je l’ai commencée, à la méthode Taubira : …

Mme Catherine Lemorton. Quel talent ! Pauvre d’elle… Elle ne sait pas ce qu’elle fait.

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4316.

M. Claude Sturni. On a voulu caricaturer ce débat (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC), en refusant de répondre à nos questions, en restant sourds à nos interpellations. La majorité dans cet hémicycle s’est sans doute consolée en se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Toutefois, mesdames et messieurs de la majorité, vous constatez que ce mauvais moment dure, et plus longtemps que ce que vous auriez imaginé.

De notre côté, nous nous disons que ces heures de débat enrichiront, sinon le texte qui sera voté par l’Assemblée nationale, du moins les débats futurs de nos collègues de la chambre haute, dans quelques temps.

Le nouveau député que je suis va faire confiance aux sénatrices et aux sénateurs, qui vont, je n’en doute pas, travailler avec l’énergie et la sagesse qu’on leur prête habituellement.

L’article 24 de notre Constitution attribue au Sénat la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. Je fais donc confiance à nos collègues pour obtenir les réponses que nous, députés, n’avons pas obtenues, mais que beaucoup d’autres élus attendent, ceux qui vont devoir mettre en œuvre la loi.

Les sénatrices et les sénateurs sauront être particulièrement attentifs aux besoins de leurs électeurs : les maires, leurs adjoints, tous ces officiers d’état civil qui devront obtenir des réponses pour pouvoir faire efficacement leur travail.

Compte tenu de la sagesse de nos collègues sénateurs, je me dis même que cette majorité de maires, 61 % selon le dernier sondage…

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. Pascal Popelin. C’était déjà bien assez !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4724.

M. Gilles Lurton. Moi aussi j’ai beaucoup de mal à comprendre tout cela et je ne suis même pas sûr que nos collègues de la majorité aient travaillé autant que nous pour préparer tous ces amendements,…

M. Pascal Popelin. Ce sont tous les mêmes !

M. Gilles Lurton. …pour rédiger les termes de cet article au demeurant fort compliqué.

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10 de l’article 4 qui prévoit, à l’article 206 du code civil, de remplacer les mots : « leur beau-père et belle-mère » par les mots : « leurs beaux-parents ». Encore une fois, il s’agit, dans votre proposition, de rendre asexuées les obligations qui naissent du mariage vis-à-vis des ascendants, niant une nouvelle fois la réalité de notre société. Les beaux-parents remplaceront désormais le beau-père et la belle-mère à l’article 206 du code civil qui dispose : « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés. »

Encore une fois, madame la garde des sceaux, à travers votre volonté de permettre à deux personnes de même sexe de se marier, vous avez sous-estimé les conséquences de votre décision sur l’ensemble du droit français.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5274.

M. Guillaume Larrivé. Depuis dix jours et presque dix nuits, nos débats se tiennent dans une atmosphère assez étrange. Les députés de l’opposition développent des arguments politiques, juridiques, rationnels variés. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. Ce sont toujours les mêmes

M. Guillaume Larrivé. En face, les députés de la majorité s’enferment dans le mutisme, comme s’ils étaient muselés ou aphones. Ils s’expriment néanmoins de manière assez…

M. Pascal Popelin. Atterrée !

M. Guillaume Larrivé. …créative sur les réseaux sociaux. Je citerai à cet égard un message de notre collègue Yann Galut, qui nous interpellait ainsi il y a quelques heures : « Adresse à l’UMP et à ses députés : cela fait dix jours et dix nuits que l’on débat (…), ne pensez-vous pas qu’il faut arrêter ? »

M. Yves Censi. Et voilà !

M. Guillaume Larrivé. Eh bien, mes chers collègues, je pense en effet qu’il faut arrêter. Il faut que le Gouvernement retire ce projet inutile (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce projet de division. Il faut que le Gouvernement travaille sur un projet consensuel, avec nous, sur l’alliance civile. Je pense surtout, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, que la priorité de votre action, celle que les Français attendent sur le terrain, ce serait plutôt une politique pénale efficace, de nature à réduire la délinquance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai du mal, chers collègues de l’opposition, à comprendre votre cohérence. Voilà deux jours que vous nous expliquez, à propos de l’article 4, qu’en utilisant la méthode de l’article balai, nous manquons de courage…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Erwann Binet, rapporteur. …en ne remplaçant pas les mots « père » et « mère » par le mot « parents ». Aujourd’hui, vous vous offusquez parce que nous remplaçons les mots « beau-père » et « belle-mère » par le mot « beaux-parents ». Je ne comprends pas la logique.

Mme Claude Greff. On aime les belles-mères, c’est tout !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je rappelle que l’article 206 du code civil encadre l’obligation alimentaire vis-à-vis de ces beaux-pères et belles-mères. C’est dans cet article que se trouve la seule mention, dans le code civil, de ces deux mots : « beau-père » et « belle-mère ». Nous les remplaçons donc, en cohérence, d’ailleurs, avec le texte initial du Gouvernement, par le mot « beaux-parents ».

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne disons pas que ce n’est pas cohérent !

M. Erwann Binet, rapporteur. Voilà bientôt une heure que nous discutons du remplacement de ces mots qui apparaissent à ce seul endroit dans le code civil.

Pour vous rassurer,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr…

M. Erwann Binet, rapporteur. …en reprenant les propos mesurés que vous avez employés pour contester cette modification sémantique, je vous dirai qu’il ne s’agit pas d’un hold-up de mots. Nous n’allons pas abîmer le pacte républicain, ce n’est pas un mensonge d’État et la patrie n’est pas en danger. Avis défavorable.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à madame la rapporteure pour avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour donner l’avis de la commission des affaires sociales, saisie pour avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Nous parlons famille depuis maintenant près de cent heures. Vous nous avez reproché l’installation, ce matin, du Haut conseil de la famille. Vous devriez plutôt vous en réjouir puisque ce Haut conseil, qui existe d’ailleurs depuis 2009, a réalisé de nombreux travaux, très intéressants, et dont chacun a pu s’enrichir. Le Premier ministre en a rappelé la mission : conduire une réflexion d’ensemble sur la politique familiale.

M. Hervé Mariton. Pourquoi en avez-vous modifié la composition ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous pourrions tous être heureux qu’il en soit ainsi et que M. Fragonard, président délégué depuis 2009, en soit aujourd’hui le président à part entière. Nous devrions donc plutôt nous en réjouir.

Mme Claude Greff. Justement pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a parfois des erreurs de casting !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ensuite, je ne vois pas pourquoi vous reprocheriez à la majorité de reprendre des citations des uns et des autres alors que, de votre côté, vous ne vous en privez pas.

À mon tour de vous livrer une citation, extraite d’un livre dont certains reconnaîtront le titre, L’âme du conquérant : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de valorisant. Pour l’équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. C’est un homme de gauche qui a écrit cela !

Mme Sandrine Mazetier. Mais non, c’est David Douillet !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reviendrai sur l’idée de fiction. Vous savez parfaitement, monsieur Poisson, que je parle de fiction juridique. Vous le savez si bien que M. Breton affirme lui-même que cette fiction existe mais qu’elle suppose l’adhésion psychologique, que M. Fasquelle affirme lui aussi que cette fiction existe mais qu’elle repose sur une vraisemblance du droit. Nous savons donc bien de quoi nous parlons.

La fiction juridique, c’est un concept établi par le grand juriste Jhering, qui explique très clairement qu’il s’agit d’un « mensonge technique consacré par la nécessité ». Lorsque je parle de fiction, je parle bien de fiction juridique et non pas de fiction de la réalité des familles et des personnes.

N’inversons pas les rôles ! Depuis des jours et des nuits vous ignorez, vous rayez d’un trait de plume l’existence des familles monoparentales,…

M. Hervé Mariton. Mais pas du tout !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour vous en tenir à la famille avec le père et la mère.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas dire cela, madame la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous niez une réalité sociologique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui a inspiré des progrès dans notre droit. Lorsque le législateur, en 1972, met un terme à la distinction – donc à une discrimination – entre les enfants légitimes et les enfants naturels, il fonde lui-même sa décision sur ce qu’il appelle la vérité sociologique. Cette vérité sociologique, elle est complexe, diverse, il nous faut en convenir.

Seulement, vous ne voulez pour votre part convenir que de l’existence de la famille avec le père, la mère et le ou les enfants.

M. Hervé Mariton. Mais non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a donc des fictions juridiques dans notre droit. Quand je dis que nous avons maintenu la présomption de paternité, vous savez parfaitement qu’il y avait une demande de présomption de parenté, vous savez que des amendements ont été présentés et que le Gouvernement les a repoussés : nous décidons de maintenir la présomption de paternité et, pour les couples de même sexe, nous refusons d’introduire une présomption de parenté. Pourquoi ? Parce que la présomption de paternité est fondée sur un postulat juridique qui repose, lui, sur une réalité biologique. Et c’est cette réalité biologique qui permet de contester. Dans un couple de même sexe, il n’y a pas la base qui permettrait de contester. Sur ce fondement, le Gouvernement a rejeté les amendements en question.

M. Yves Censi. C’est paradoxal !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, ce n’est pas paradoxal, c’est parfaitement cohérent. De toute façon vous utilisez les mots pour dire exactement le contraire de ce qu’ils signifient. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais oui, vous êtes quelques-uns à le faire, et cela depuis des jours.

Alors cessez d’inverser la réalité. La réalité, c’est que certains d’entre vous tiennent des propos d’une grande violence. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je veux bien que le fait de citer des mots inscrits dans un livre signé vous paraisse violent, mais je n’invente rien. Par contre, quand la même personne nous accuse de saccager la vie d’enfants pour des raisons électoralistes,…

M. Christian Jacob. Tenez compte du contexte !

M. Yves Nicolin. Souvenez-vous de ce que vous avez écrit en Guyane dans votre jeunesse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …c’est une violence vis-à-vis du Gouvernement, vis-à-vis de ma personne, ce qui est absolument sans importance, mais c’est surtout une violence vis-à-vis des enfants. C’est une violence vis-à-vis des enfants que de supposer que leurs vies sont saccagées. Qu’est-ce qui vous permet de supposer cela ? Cessons d’inverser les choses. L’usage par certains d’entre vous de certains mots est, depuis plusieurs jours, depuis plusieurs nuits, absolument regrettable. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il y a de votre part une négation de la réalité de certaines familles, de la construction de liens familiaux, de l’amour qui existe dans ces familles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), une négation de cette vérité sociologique qui est la diversité des familles,…

M. Philippe Gosselin. Nous n’avons pas nié cette diversité, enfin !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …une mise en cause de la façon dont certains enfants ont grandi – la présidente de la commission des affaires sociales vous l’a rappelé il y a plusieurs nuits de cela.

Donc, encore une fois, arrêtez d’inverser les choses. Je vous réponds en droit, je vous réponds sur la façon dont, justement, le droit a apporté des réponses construites à des réalités humaines diverses. Que cela ne vous convienne pas, je veux bien l’admettre, cela ne pose aucun problème. Cela fait des jours et des nuits que vous dites qu’on ne vous répond pas. Plus on vous répond, plus vous affirmez qu’on ne vous répond pas, et vous pensez arriver à transformer ces affirmations en vérité. Cet exercice peut se poursuivre.

L’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère.

M. Thierry Solère. Madame la garde des sceaux, vous ne nous répondez jamais en droit, Claude Goasguen vous l’a dit très précisément. C’est cela, notre problème. Vous passez votre temps à citer un livre qui date de vingt ans, avec des propos de notre collègue Douillet cueillis à la sortie des vestiaires.

Pour ma part, plutôt que de vous servir des citations hasardeuses, je reprendrai les propos de l’un de nos collègues : « Je ne remets pas en cause la logique de groupe, de travail collectif et de soutien à une majorité pour mettre en œuvre son programme ; mais, et je l’ai toujours exprimé, y compris au président de mon groupe, certains sujets revêtent une dimension anthropologique qui dépasse les rapports de force politiques. Le projet de loi sur le mariage pour tous, quand il traite de filiation, en fait partie, comme celui à venir sur la fin de vie. Sur ces sujets, je revendique la liberté pour chaque député de s’exprimer librement et de se prononcer en conscience au nom de son intime conviction, qu’elle ait ou non une inspiration religieuse, ce qui est mon cas. Il n’existe pas de mandat impératif. »

Mes chers collègues, ces propos sont de notre collègue Bernadette Laclais, députée socialiste de la quatrième circonscription de Savoie.

M. Bernard Roman. Cette citation a déjà été produite hier, il fallait venir en séance, mon cher collègue !

M. Thierry Solère. Monsieur le président Le Roux, le président Jacob vous rappelait tout à l’heure que nous assumions, nous, notre diversité : M. Riester s’est exprimé, Mme Kosciusko-Morizet veut s’abstenir sur ce texte. Levez donc l’interdiction faite à chaque parlementaire de votre groupe de voter en conscience sur ce texte important.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. La liberté avant tout !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Nous entendons régulièrement une demande de référendum et je rappelle pour l’ixième fois que la Constitution ne le permet pas pour les questions sociétales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à la différence des questions sociales. L’exégèse en a très bien été faite par Jacques Toubon qui explique que c’est le seul moyen de garantir que le référendum ne soit pas utilisé à des fins populistes,…

M. Claude Goasguen. Il a dit le contraire !

M. Jean-Louis Touraine. …ce que personne ici, bien sûr, ne souhaiterait.

Ensuite, si j’ai une infinie tolérance pour des points de vue différents, je regrette d’avoir entendu sur les bancs de l’opposition des propos beaucoup moins tolérants. Intolérance, bien sûr, vis-à-vis des personnes à orientation sexuelle différente,…

M. Yves Censi. Ça ne va pas, non ?

M. Jean-Louis Touraine. …qui seraient privées du droit au mariage et n’auraient droit qu’à un sous-mariage. Intolérance vis-à-vis des enfants qui, vivant dans des familles de type un peu différent, n’auraient droit ni à la reconnaissance ni à l’épanouissement,…

M. Yves Censi. C’est du crétinisme !

M. Jean-Louis Touraine. …alors que, quand on examine des études rigoureuses – et non pas le scientisme que j’ai entendu depuis malheureusement plusieurs jours –, toutes concluent qu’il n’y a aucun inconvénient, ni sur le plan intellectuel, ni sur le plan affectif, ni non plus concernant l’orientation.

M. Yves Censi. Ce n’est pas gagné, hein !

M. Jean-Louis Touraine. C’est ce qu’ont démontré l’association – conservatrice – des pédiatres américains, mais aussi des travaux de M. Golombock au Royaume Uni, de M. Brewaeys et Penning en Belgique,…

M. Philippe Cochet. Des études démontrent le contraire !

M. Jean-Louis Touraine. …de Gartrell et Chan aux États-Unis et de bien d’autres études menées ailleurs, dans tous les pays qui ont déjà légiféré de façon positive en ce sens.

J’ai aussi entendu des propos intolérants vis-à-vis de nos voisins britanniques. Cette anglophobie est choquante. Travaillistes et conservateurs se sont réunis pour voter un texte comme nous pourrions le faire ici. On entend dire que les Britanniques, en général, seraient des gens guidés par le seul utilitarisme. Je suis navré de rappeler à mes collègues que les Britanniques ont plus d’ancienneté que nous en matière bioéthique,…

M. Jean-Frédéric Poisson. En effet, ils ont voté la GPA !

M. Jean-Louis Touraine. …que sur ces sujets, ils ont pris des décisions qui sont tout sauf utilitaristes et que, pour ne citer qu’un exemple, dans le domaine de la transplantation, là où, en France, à des fins utilitaires que j’accepte très volontiers, on demande un consentement présumé du donneur, les Britanniques, pour préserver encore plus l’intérêt des familles, demandent une autorisation explicite.

Ne disons pas que les Britanniques sont utilitaristes : ils sont, sur le plan des libertés, très en avance sur nous…

M. Philippe Gosselin. Ils sont très en retard, du point de vue de l’éthique.

M. Jean-Louis Touraine. …et nous serions heureux d’avoir ici le même niveau de tolérance que de l’autre côté de la Manche.

M. Claude Goasguen. On aura tout vu ! Des socialistes français qui votent David Cameron !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 92 et ceux qui lui sont identiques.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 172

Nombre de suffrages exprimés 171

Majorité absolue 86

Pour l’adoption 63

Contre 108

(L’amendement n° 92 et ceux qui lui sont identiques ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. Avant de nous séparer pour une pause qui sera la bienvenue, je donne la parole à M. Mariton pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Je crois que ce débat exacerbe les difficultés que nous avons parfois à dialoguer au sein de cette assemblée, tout en stimulant le talent de certains d’entre nous.

Madame la garde des sceaux, vous avez assurément beaucoup de talent dramatique, mais il y a tout de même, en général, un problème de logique dans ce que vous nous exposez. Il y a en tout cas un vrai problème de démocratie, si vous partez du postulat que nos mots expriment le contraire de ce que nous pensons, ou que ce que nous pensons est le contraire de nos mots.

Cette manière de disqualifier ceux qui peuvent penser différemment de vous – nous sommes dans l’opposition – rend en réalité impossible tout dialogue et toute discussion. Il ne peut pas y avoir de discussion parlementaire, si vous partez du présupposé que nos mots n’ont pas de sens. Vous qui aimez bien manier les mots, acceptez que lorsque nous utilisons un mot, il a son sens. Les discussions que nous avons eues tout l’après-midi ont été l’occasion de vous rappeler à la réalité de notre langue.

Madame la garde des sceaux, la PMA n’est pas une fiction, elle n’est pas même une fiction juridique, pour les 94 % de parents qui pratiquent la PMA sur leur propre patrimoine génétique : acceptez cela. Vous essayez de vous raccrocher à l’idée de fiction juridique, mais ce n’est pas plus une fiction technique, qu’une fiction humaine ou juridique. C’est la réalité de la transmission du patrimoine génétique de deux parents, qui ne peuvent d’aucune manière entendre le terme de « fiction ». Je pense qu’à l’égard de ces parents, par décence et parce qu’ils sont souvent dans des situations difficiles, il serait bien, soit que vous vous excusiez, soit que vous assumiez…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une manie !

M. Hervé Mariton. Sans doute l’excuse est-elle fondamentalement contraire à votre caractère, mais il y a là une réalité humaine et une réalité scientifique qu’on ne peut pas nier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2
Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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