M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, on se plaît beaucoup ici à répéter notre devise républicaine mais on oublie parfois que la réalité de ces trois mots n’est pas forcément la même pour tout le monde.La route vers l’égalité notamment a toujours été longue et c’est pour cela que je suis heureux de défendre devant vous ce projet de loi qui y participe.Nous allons tout simplement, au cours de ces prochains jours, permettre à des couples, des familles et des enfants, d’être reconnus pour ce qu’ils sont et ainsi d’être mieux protégés. Cela peut paraître simple, mais cette marche vers l’égalité s’inscrit dans une histoire douloureuse et qui dépasse la seule question du droit.À ce moment de nos débats, je veux penser à celles et ceux qui nous ont précédés. À Robert Badinter et Gisèle Halimi qui, il n’y a que trente ans, ont permis la dépénalisation de l’homosexualité en rappelant alors, par la voix du garde des sceaux, que le moment était « venu, pour l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations, comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France. »Je pense aussi à celles et ceux qui ont permis, en 1990, il n’y a que vingt ans, de rayer l’homosexualité de la liste des maladies mentales de l’Organisation mondiale de la santé. À celles et ceux qui, autour Patrick Bloche, ont permis à notre société de donner une première protection aux couples de même sexe grâce au vote du PACS.Je veux aussi et surtout penser à celles et ceux qui attendent ce texte. Ces hommes et ces femmes, appartenant à des générations qui nous ont précédés et qui nous écrivent pour dire, parfois pour la première fois, qu’ils ont connu l’internement psychiatrique à cause de leur homosexualité.Je pense à ces familles qui existent, à ces enfants qui grandissent entourés de l’amour de leurs parents au sein de couples de même sexe. À ces familles que nous allons sécuriser et protéger en ouvrant l’adoption et en permettant de garantir ce lien parental entre ces enfants et ceux qui les élèvent et qui les aiment. D’ailleurs ce sont ces familles qui nous montrent combien la filiation et la parentalité sont avant tout sociales et humaines. Ces familles s’affranchissent depuis bien longtemps des règles de droit mais nous appellent à les reconnaître par la loi, sans qu’une hiérarchie de valeur soit établie entre elles.Je pense aussi à ces femmes contraintes – pour encore quelque temps malheureusement – à traverser nos frontières pour aller au bout de leur projet parental. C’est aussi notre responsabilité d’aller vite pour autoriser et encadrer sur notre territoire l’accès à la PMA et ainsi reconnaître et sécuriser chaque étape de la filiation.Je pense aussi à ces hommes et à ces femmes qui ont peur car, aujourd’hui encore, certains s’autorisent dans la rue, au travail ou à la maison à les considérer comme inférieurs du fait de leur sexualité. Le rôle des institutions est aussi d’envoyer des messages et l’adoption ce texte en est un pour lutter contre l’homophobie.Je pense aussi à ces parents d’enfants homosexuels, que nous avons rencontrés. Ils nous interpellent et nous disent qu’eux aussi veulent l’égalité et qu’ils n’acceptent plus qu’un de leurs enfants ait moins de droits, soit moins bien considéré dans sa citoyenneté que ses frères et sœurs.Je pense enfin et bien évidemment aux adolescents qui découvrent leur homosexualité. Ces adolescents sont meurtris par la haine de certains propos et parfois plus encore par la réaction de leurs proches au sein même de leur famille. Nous avons le devoir impératif de veiller sur eux et de les protéger. C’est pour cela qu’il faut mesurer nos propos et penser à celles et ceux qu’ils peuvent blesser.Ils sont beaucoup trop à en être encore malheureux alors qu’ils ont déjà à affronter les regards en biais, les insultes furtives et l’isolement. Ils le font seuls, sans recours ni choix, et les associations savent mieux que quiconque le désespoir qui peut en naître. L’adoption de ce texte sera aussi pour eux un moyen de vivre mieux, de vivre pleinement leur vie sans que leur différence soit une cause de discrimination mais simplement un élément de leur identité.À tous ceux-là, je veux dire que nous sommes fiers de voter cette loi, heureux de faire progresser l’égalité et de leur permettre un peu plus de vivre comme ils sont, sans rien avoir à craindre, sans avoir à justifier un choix qui n’en a jamais été un.Nous votons cette loi avec quelques convictions, renforcées par le travail mené en commission et la qualité du débat permis et organisé par notre rapporteur.La première conviction, c’est que cette loi n’est qu’une étape supplémentaire vers plus d’égalité et que nous devons encore travailler pour que notre droit épouse totalement la réalité de la société en matière de filiation ou d’exercice de l’autorité parentale.La seconde conviction, c’est que la société ne nous a pas attendus et qu’elle ne nous attendra pas. Ces couples existent, ces familles existent, ces enfants grandissent. Ce projet de loi ne va rien créer mais il va sécuriser et encadrer pour mieux les protéger.La troisième conviction, c’est que seule l’égalité des droits permet le droit à l’indifférence pour que ces couples et ces familles n’aient plus à connaître un regard au mieux désapprobateur et au pire de rejet.Je terminerai par une dernière conviction, née des auditions, des rencontres et des débats. C’est une conviction plus personnelle à l’adresse de celles et ceux qui, ici ou ailleurs dans les médias ou dans la rue, s’opposent parfois violemment à ce texte : si tous les combats politiques sont respectables, celui-ci est déjà perdu. Vous avez déjà perdu car la société a déjà changé et ne nous a pas attendus.
M. Michel Issindou. Très bien !
M. Olivier Dussopt. Vous avez perdu parce que l’égalité finit toujours par l’emporter sur la domination et parce que plus personne n’acceptera d’être discriminé pour ses origines, sa couleur de peau, son sexe ou son orientation sexuelle.Et surtout vous avez vraiment perdu parce que pas un mot, pas une insulte, pas un soupçon d’intolérance ne pourra abîmer ni même écorner l’amour que se portent ces couples, et encore moins l’amour qu’ils portent à leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)