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mercredi 30 janvier 2013

François Sauvadet (29 janvier)

M. François Sauvadet.

J’espère que ces explications sur l’absence de la garde des sceaux permettront d’éclairer la représentation nationale. Pour avoir été moi-même membre d’un gouvernement, je pense que sur un sujet aussi essentiel, la présence des ministres dans le débat doit témoigner de la considération portée à chaque position. Il est nécessaire que le Gouvernement porte une égale attention à tous ceux qui représentent la nation et qui sont chacun porteurs de la même légitimité, ce qui ne change rien à l’existence d’un fait majoritaire. J’espère, monsieur le président, que vous nous fournirez des explications, comme vous vous y êtes engagé.

M. Philippe Martin. Et vous aurez honte !

M. François Sauvadet.

Je suis là dans mon rôle de parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. Nous en parlerons plus tard. C’est honteux !

M. le président. Monsieur Martin, je fournirai des explications aux présidents de groupes à l’issue de la séance. Je vous demande de laisser la parole à l’orateur.

M. François Sauvadet.

Je respecte la position de chacun et vous demande d’en faire de même pour celle que j’exprime en tant que membre de la représentation nationale.
 
Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les présidents de commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je trouve profondément regrettable que sur des sujets d’une telle importance sociétale, vous ayez choisi une méthode qui s’apparente au passage en force pour imposer au pays une réforme qui fait légitimement débat. Le fait majoritaire rappelé par la présidente de la commission des affaires sociales ne suffit pas à justifier le refus d’un véritable débat.

M. Nicolas Bays. Vingt jours de débat !

M. François Sauvadet.

J’observe que plus le débat se développe dans l’opinion, éclairé par les différentes prises de position, plus les Français s’approprient l’idée qu’il faut permettre aux couples homosexuels de vivre librement leur différence et d’être accompagnés pour trouver une réponse aux problèmes qu’ils rencontrent. Mais dans le même temps, je constate que le fossé se creuse sur la question de l’adoption, qui pose d’autres types de problèmes. J’attire votre attention sur le différentiel qui se creuse entre ces deux questions.
 
Je regrette d’autant plus cette méthode que ce sujet touche à la vie des familles, cela a été rappelé, et à celle de tous ces hommes et ces femmes qui veulent vivre sereinement leur différence. Vous avez fait le choix de fracturer le pays là où il fallait chercher les voies du vivre ensemble.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François Sauvadet.

Je le regrette aussi parce que sur d’autres sujets qui concernent la vie, je pense notamment à la bioéthique et à l’accompagnement de la fin de vie, la majorité précédente avait pris le temps du débat pour parvenir à une convergence qui n’est certes pas évidente mais qui aurait pu être retrouvée.

M. François Rochebloine. Le consensus est nécessaire !

M. François Sauvadet.

Et ce n’est pas faire honneur au Parlement – je le dis à Bruno Le Roux, pour qui j’ai beaucoup de respect – que de stigmatiser les arguments de l’opposition en brandissant le spectre de l’homophobie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. François Sauvadet.

Cette approche, je vous le dis, monsieur le président Le Roux, est particulièrement méprisante pour la conception de la représentation nationale que nous avons en partage. La légitimité, monsieur Le Roux, nous l’avons aussi. J’ai aussi été élu, comme chacun de ceux qui sont ici, en prenant des engagements clairs vis-à-vis de nos compatriotes, et cela mérite tout simplement le respect. En tout cas, évitons la caricature à laquelle vous vous êtes livrée, monsieur Le Roux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
 
Je n’apprécie pas non plus la tonalité que Mme la garde des sceaux – j’aurais préféré le dire à elle-même – a donnée à son intervention. Ce n’est pas, comme vous, à gauche, essayez de le présenter, une querelle d’anciens et de modernes. Ce n’est pas non plus une nouvelle conquête de l’égalité des droits, à laquelle nous sommes d’ailleurs tous attachés et dont vous tentez de vous faire les hérauts. Le débat que nous portons, dans l’opposition, l’attachement au mariage comme structure sociale, le respect des droits de l’enfant, que l’amour ne peut à lui seul forger, ce débat que nous portons est légitime, et nous le sommes tout autant, je l’ai dit, car nous avons été élus par le peuple pour le porter.
 
Puisque M. Urvoas nous a rappelé des règles constitutionnelles, je voulais en rappeler une autre : même si une direction est fixée par le Gouvernement, il n’y a pas de mandat impératif en droit.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Effectivement, c’est dans la Constitution !

M. François Sauvadet.

Je souhaite donc rappeler la chance que j’ai d’appartenir à un groupe, l’UDI, où la liberté de vote sur des sujets de conscience est absolument assurée. Je sais que c’est aussi le cas sur un certain nombre d’autres bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et plusieurs bancs du groupe UMP.)
 
Votre texte fait débat, un débat passionné, parce qu’il touche à l’essence même de la vie en société : à la famille, au droit à l’enfant mais aussi aux droits et aux devoirs vis-à-vis de l’enfant.
 
S’il s’agit simplement, monsieur le rapporteur, de liberté, s’il s’agit, comme vous l’avez dit, de la liberté de vivre sa vie, alors rejoignez-nous sur la création d’une union civile. Elle nous permettrait de nous rassembler autour d’un projet qui répond aux attentes de tous, car il apporterait à l’union de couples homosexuels la reconnaissance sociale attendue dans un cadre juridique plus protecteur que le PACS, et le débat sur cette sécurisation ne serait pas lié à celui sur l’adoption et cette question sous-jacente du droit à l’enfant.
 
Personne ne remet en cause la capacité d’un couple homosexuel à aimer un enfant, mais je crois au besoin et au droit fondamental de tout être humain à bénéficier de la richesse de l’amour maternel et de l’amour paternel, qui sont nécessairement différents. Je veux vraiment appeler votre attention sur le fait que tous les enfants que j’ai pu côtoyer, y compris dans mes responsabilités au conseil général, où l’on croise des enfants vraiment fracturés – tous les enfants donc réclament une histoire familiale, celle qui trouve son origine dans la rencontre d’un homme et d’une femme. Tous ceux qui ont été privés de cette filiation sont en quête de cette histoire qui est la leur.

M. Jean-Christophe Fromantin. Très bien !

M. François Sauvadet.

Cette conviction n’exclut pas de prendre en compte des réalités qui appellent une solution humaine : celle de l’enfant – vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur Le Roux – qui subit une rupture de vie, causée par la séparation ou le décès de l’un de ceux qui a partagé sa vie et a tissé des liens affectifs forts avec lui, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel.
 
Sur ce point encore, il y aurait une solution. Rejoignez-nous pour créer un véritable statut du beau-parent qui permettrait de répondre à des situations difficiles sans dénaturer le socle de notre politique familiale.
 
Il faut, on le voit bien, avoir une conscience aiguë au moment de légiférer. Derrière l’idée de mariage, il n’y a pas qu’un symbole : il y a la question de l’aide médicale à la procréation et de la gestation pour autrui, qui sera inévitablement posée.
 
Vous appelez, monsieur Le Roux, l’opposition à plus de clarté. À mon tour, je vous demande d’éclairer la représentation nationale sur vos intentions quant à la PMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Dès lors qu’elle sera autorisée, je ne vois pas comment, au nom de l’égalité, on pourra refuser la gestation pour autrui à des couples homosexuels composés de deux hommes qui aspireront, au nom de la loi que vous voulez faire voter, aux mêmes droits.
 
D’ailleurs, si j’ai bien entendu les leçons que vous avez données, j’aurais aimé entendre des réactions du Gouvernement et de la majorité lorsque M. Bergé a osé dire que louer ses bras dans une usine c’est la même chose que, demain, louer son ventre. Ce n’est pas conforme à l’idée que je me fais de la vie, et j’aurais aimé que vous dénonciez celui-là même qui est le héraut du mariage pour tous. Ses propos, qui touchent à l’essentiel, m’ont personnellement révolté.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet.

Du PS, j’attends des clarifications. J’attends un engagement formel de votre part, l’engagement que l’on ne touchera pas à la PMA sans l’avis du Comité consultatif national d’éthique, que l’on ne s’engagera pas sur la voie de la GPA. À défaut, je crains une forme de judiciarisation qui aboutirait à ce que le droit soit forgé par voie jurisprudentielle. Notre responsabilité n’est pas de laisser le droit de l’égalité forgé par une jurisprudence dont nous ne maîtriserions pas les contours.
 
S’agissant de l’adoption, je suis vraiment très attentif à la situation des personnes, des situations de vie parfois extrêmement difficiles comme les a décrites M. Roman. J’invite cependant chacun à mesurer la responsabilité que nous aurons. Je suis président d’un conseil général.

M. Christian Assaf. Ça ne va pas durer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Laissez M. Sauvadet conclure !

M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Alors, là, bravo !

M. Bernard Accoyer. C’est pitoyable !

M. François Sauvadet.

Nous côtoyons chaque jour des enfants confiés à la République, soit par voie judiciaire soit par voie administrative – des enfants fracturés. Je me demande quel regard ils porteront sur moi, demain, lorsqu’il s’agira de les confier à un couple de deux hommes ou de deux femmes.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est misérable !

M. François Sauvadet.

Je voulais vous faire part de cette réflexion que je vis au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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