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lundi 15 janvier 2018

3e séance du samedi 2 février 2013

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 53 portant article additionnel après l’article 1er.

Après l’article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Julien Aubert. Nous avons abordé à plusieurs reprises la question de la clause de conscience. Je constate avec regret que Mme la ministre et M. le rapporteur n’ont jamais apporté de réponses juridiques aux arguments que j’ai développés.

Je les rappelle brièvement. Il n’y a pas de contrainte juridique imposée par l’Europe, que ce soit par la convention européenne des droits de l’homme ou la jurisprudence. Le refus de célébrer un mariage de personnes de même sexe n’est pas considéré comme une discrimination ou une atteinte à la convention européenne des droits de l’homme.

Vous avez décidé, et c’est votre droit, d’étendre la définition du mariage, mais c’est au prix d’une atteinte aux garanties constitutionnelles qui sont attachées à la liberté de conscience. Ces garanties sont inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais aussi dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ma question est la suivante : quel argument juridique justifie cette restriction de la liberté individuelle ?

Une autre question, pourtant simple, vous a été posée plusieurs fois au sujet des propos tenus par le Président de la République au congrès des maires : pourquoi refusez-vous d’introduire cette clause accordant la liberté de conscience ? Faut-il considérer que l’ensemble des maires de France ont été victimes d’une hallucination collective lorsque le Président de la République les a assurés qu’ils auraient la liberté de conscience ? S’est-il passé la même chose qu’à Fatima, ont-ils vu des choses dans le ciel ? (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Y a t-il une divergence entre la majorité présidentielle et la majorité législative ? Si vous êtes en désaccord avec le Président de la République, dites-le nous ! Expliquez-nous ! C’est votre dernière possibilité de le faire.

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Même avis que pour la discussion précédente, donc rejet par la commission.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis identique, pour les mêmes raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est la dernière occasion de vous exprimer !

M. Julien Aubert. Je suis heureux de savoir que c’est le même avis… mais quel avis ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Plusieurs députés du groupe SRC. Défavorable !

M. Julien Aubert. Est-il possible de se faire entendre ?

M. le président. Mes chers collègues, pourquoi chaque début de séance devrait-il être agité ?

M. Julien Aubert. N’essayez pas de me museler. Ce n’est pas ainsi que vous ferez avancer le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pouvez pas reprocher à M. Guaino ou M. Wauquiez, lorsqu’ils défendent une motion référendaire, de ne pas avoir d’arguments juridiques et ne répondre à aucun moment à ceux que je vous présente. Ce n’est pas beaucoup vous demander. Vos services, madame la ministre, doivent vous avoir donné une fiche qui fournit les explications nécessaires.

Pour ce qui est du congrès des maires, ce n’est pas trop vous demander que d’expliquer pourquoi le Président de la République dit blanc et vous noir.

M. Henri Jibrayel. Ça suffit !

M. Julien Aubert. Vous pouvez vous contenter de dire « même avis ». Il me semble que ce n’est pas vraiment une manière de débattre.

Mme Marie-George Buffet. La ministre vous a répondu sur le fond !

M. Julien Aubert. J’essaie de vous respecter, de vous apporter la contradiction. Si vous répondez « circulez, y a rien à voir » je ne sais pas à quoi sert ce débat.

(L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

M. le président. À la demande de la commission, l’amendement n° 5039 et le sous-amendement n° 5369 sont réservés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Pour quelle raison ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’y a pas à le justifier.

M. le président. J’ai l’impression qu’il y a eu des discussions entre des représentants des deux groupes, afin peut-être de parvenir à un travail plus abouti.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Si, enfin, sur un sujet, l’opposition arrive à se faire entendre et si, enfin, un travail constructif peut être fait, nous en sommes ravis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Plutôt que de vociférer, prenez le micro, exprimez-vous ! La parole est libre dans cet hémicycle. Intervenez si vous avez quelque chose à dire.

Je voulais rappeler que la tradition veut qu’on justifie la réserve lorsqu’on la demande.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai.

M. le président. Mes chers collègues, monsieur Jacob, si j’avais été plus strict, j’aurais pu dire : « dans le cadre de l’article 95, alinéa 5, la réserve est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le président décide. »

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. J’espère ne commettre aucune maladresse, mais il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté sur le fond. J’entends que certains essaient d’améliorer cet article mais sur le fond, il demeure très loin d’être compatible avec notre vision des choses. Les améliorations techniques que certains pourraient avoir en tête, pour des raisons locales que je peux comprendre, n’engagent pas nécessairement le groupe. Nous ne sommes pas favorables au mariage des personnes de même sexe en France, nous n’y sommes pas non plus favorables pour les Français de l’étranger.

M. le président. Soit. Mais la commission a demandé la réserve et nous la lui accordons.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2701.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne les liens entre le mariage civil et le mariage religieux. De tels liens ne devraient par définition pas exister dans une République laïque. Pourtant, ils existent. Pour quelle raison ?

Avant la révolution, le mariage civil n’existait pas et le mariage religieux faisait office d’état civil.

M. Bernard Roman. Ah ! la nostalgie…

M. Marc Le Fur. Avec la révolution, ceci a évidemment disparu.

M. Serge Bardy. Il regrette !

M. Marc Le Fur. D’un point de vue juridique, seul existe dorénavant le mariage civil. Une disposition concordataire – nous sommes en 1802, c’est le Concordat – posait comme condition au mariage religieux la célébration préalable d’un mariage civil. Curieusement, en 1905, la situation concordataire disparaît mais le lien entre les deux mariages subsiste : le mariage religieux continue à devoir être précédé d’un mariage civil. C’est tout à fait curieux dans une république laïque, laquelle repose sur « l’ignorance » entre les deux mondes. Ce lien est d’autant moins compréhensible aujourd’hui que les notions mêmes de mariage religieux et de mariage civil se sont éloignées, et vont l’être encore un peu plus dès lors que le mariage civil permettra le mariage homosexuel.

La solution que je propose – je suis convaincu que les plus laïques d’entre vous y adhéreront ; moi j’y adhère peut-être pour d’autres raisons, mais peu importe – entraîne une distinction totale : l’affaire religieuse devient totalement privée et n’a pas à être nécessairement précédée d’un mariage civil. Cela suppose la disparition de la disposition pénale qui interdit aux ministres du culte de procéder à un mariage religieux s’il n’y a pas préalablement de mariage civil. Vous comprenez que, dans un monde laïque, cette disposition n’a aucun sens, aucun intérêt. C’est une survivance que je me propose de faire disparaître.

M. Bernard Roman. Nous sommes déjà dans un monde laïque.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement identique n° 4953.

M. Julien Aubert. La garde meurt mais ne se rend pas !

Cet amendement est très important. Mme la ministre a souvent cité des pays dans lesquels a été instauré le mariage civil pour les couples de même sexe. Je suis convaincu que si, en Espagne par exemple, cela n’a pas posé problème, c’est parce que le mariage religieux et le mariage civil y sont deux choses totalement séparées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre pays, le débat sur le mariage est passionné car des liens subsistent entre eux, malgré la loi de séparation des églises et de l’État. Distinguer le mariage civil, qui peut concerner des couples de même sexe, et le sacrement religieux serait de nature à apaiser le débat. (Interruptions persistantes sur les mêmes bancs.) Cet amendement permet aux gens qui veulent conserver une image sacrée du mariage de séparer les deux. Il permet de clarifier les choses ainsi que l’a démontré M. Le Fur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission n’a pas donné un avis favorable à ces deux amendements pour plusieurs raisons. La première, vous l’avez dit, tient à ce que cette infraction est tombée en désuétude, non parce que le problème ne se pose plus mais parce que les éléments constitutifs sont difficiles à réunir. Je les rappelle : la célébration du mariage religieux, la circonstance d’habitude car aucune poursuite n’est possible pour un acte isolé, l’absence de mariage civil préalable évidemment et enfin l’intention délictueuse. Ce délit de célébration d’un mariage religieux sans mariage civil existe dans notre droit, dans le code pénal, depuis 1810. Une tentative d’abrogation a eu lieu à l’occasion d’une proposition de loi de M. Madelin en 1981, mais il a été jugé alors préférable de maintenir cette incrimination qui garantit l’ordre public et assure au mariage civil la plénitude de sa valeur en tant qu’institution du droit de la famille.

Deuxième raison, importante : le mariage religieux ne crée pas de droits alors que le mariage civil en crée. Il ne faudrait pas envoyer un message à la population qui brouillerait la différence de valeur entre les deux. Ce serait source de confusion, en laissant croire à nos concitoyens que la célébration religieuse pourrait suffire à créer des liens de droit dans le mariage.

Dernier argument, le sujet n’est pas dans le champ de notre texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs de cet amendement, les dispositions du code pénal qui sanctionnent les célébrations de mariage religieux sans vérification de l’existence du mariage civil ne s’opposent pas à la liberté de pensée, de conscience ou de religion. Mais nous sommes en république, nous statuons selon le code civil. Il serait dommageable de laisser croire à des couples, probablement aux plus vulnérables, à ceux qui sont plus exposés que d’autres, qu’un mariage religieux pourrait suffire. C’est bien le mariage civil qui emporte des règles d’ordre public et entraîne des conséquences à caractère social, fiscal et autre.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à la suppression de cette disposition pénale – particulièrement en ce moment : il ne s’agit pas de créer des espèces de voies de dérivation avec le mariage religieux ou la liberté de conscience. C’est bien du mariage civil que nous traitons aujourd’hui, c’est bien le mariage civil qui est institué par la République, c’est bien lui qui crée des droits. Faire, en plus, célébrer un mariage religieux ressort de la liberté de chaque couple.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Vous êtes trop nombreux à vouloir vous exprimer. Je donne donc la parole à M. Aubert, mais je ne la donnerai pas, ensuite, à trois autres orateurs sur un amendement comme celui-ci ; ce n’est pas possible.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Le premier argument avancé par le rapporteur, si j’ai bien compris, est que, dans les faits, cet article du code pénal ne s’applique pas. Mais alors, s’il n’est pas appliqué, pourquoi ne pas l’abroger ?

M. Bernard Roman. Il n’a pas dit ça !

M. Julien Aubert. Le deuxième argument me paraît assez spécieux : les gens risqueraient d’être troublés. Mettons de côté le fait que je préfère croire à l’intelligence de nos concitoyens. Je vous rappelle madame la garde des sceaux, puisque vous avez cité le code civil, que son article 1er dispose que « nul n’est censé ignorer la loi » ! On ne peut donc pas partir du principe que les gens ignorent la loi pour justifier le maintien de dispositions qui n’ont plus lieu d’être au motif qu’il risquerait d’y avoir une confusion. L’argument ne tient pas, et me paraît relativement spécieux.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. J’ai beaucoup de mal à comprendre le sens de cet amendement, qui me semble aller totalement à l’encontre de l’éthique laïque de notre République.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Très bien !

M. Bernard Roman. S’il y a une prééminence à affirmer par la loi républicaine, c’est bien celle du code civil et du mariage civil. Si l’on peut marier les gens n’importe comment dans un cadre religieux – et quelle que soit la religion, comment protégez-vous les personnes qui le sont dans le code civil, eu égard à leur âge ou à leur consentement par exemple ? Comment empêchez-vous que l’on marie des gamines de seize ans ? Comment empêchez-vous des mariages forcés, dont on fera croire qu’ils correspondent aux mariages de la République ? Non, vraiment, ça n’est pas sérieux. Vive la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Se sont exprimés un orateur en faveur de l’amendement et un orateur qui s’y oppose. Nous en restons là.

(Les amendements identiques nos 2701 et 4953 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n° 4365.

M. Alain Tourret. J’espère que cet amendement va permettre de trouver une solution. À mon avis, la célébration d’un mariage religieux sans mariage civil préalable est non seulement l’objet d’un interdit mais, en outre, elle doit être passible d’une sanction.

Rappelons cependant les sanctions prévues. Les articles 199 et 200 de l’ancien code pénal prévoyaient, à titre de première sanction, une amende de 3 000 ou 6 000 francs, en cas de récidive, cinq ans d’emprisonnement et, en cas de nouvelle infraction, les galères. Bien évidemment, tout cela ne veut plus rien dire. C’est pourquoi l’article 433-21 du code pénal prévoit dorénavant, à titre de première sanction, à la fois une peine d’amende de 7 500 euros et une peine d’emprisonnement de six mois.

Est-il bien nécessaire de prévoir, pour sanctionner une première infraction, une peine d’emprisonnement ? Je maintiens le principe d’une sanction, je maintiens l’interdit, mais je pense qu’il est inutile, pour la première infraction, d’envoyer un curé en prison – et c’est un laïc qui vous parle, cela ne souffre aucune contestation. Cette peine d’emprisonnement me paraît d’autant plus inutile que l’article 433-22 prévoit des peines complémentaires extrêmement sévères : l’interdiction des droits civiques et civils et l’interdiction d’exercer un ministère.

C’est pourquoi une peine d’amende en cas de première infraction, puis, en cas de récidive, l’amende et la prison, me paraît très largement suffisant.

M. le président. Il faut conclure.

M. Alain Tourret. Je suis moi-même très peu sensible aux peines de prison : je pense que c’est la menace de la sanction qui compte avant tout. Cet amendement me paraît donc susceptible d’être retenu. Je pense que notre excellent rapporteur, dont j’ai écouté les arguments, a intérêt à suivre mon argumentation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Erwann Binet, rapporteur. Intérêt !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement, monsieur Tourret, est plus raisonnable que celui de M. Aubert, dans la mesure où il ne supprime pas complètement le caractère d’infraction des faits en cause : il en réduit les conséquences.

Vous avez parlé de première infraction. Soyons clairs : pour constituer une infraction, il faut plusieurs actes. C’est une infraction d’habitude. L’infraction n’est donc pas constituée au premier acte et la sanction intervient à la première infraction, pas au premier acte.

M. Alain Tourret. Effectivement.

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous sommes d’accord. Vous proposez donc que la peine d’emprisonnement ne soit plus encourue qu’en cas de récidive. Dans la mesure où cette peine, pour les raisons que j’ai données tout à l’heure, n’est quasiment jamais prononcée, il n’y a pas d’objection à sa suppression. La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, par rapport à l’amendement précédent et aux dispositions en vigueur, cet amendement représente une position médiane. À titre personnel, je ne crois pas opportun d’alléger les sanctions pénales prévues. Cela étant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je pense que le premier mouvement de la garde des sceaux était le meilleur… Cet amendement et ces discussions sont très révélateurs du trouble dans lequel nous jette la perspective du mariage de personnes de même sexe.

L’une des conséquences est la démolition de l’équilibre qui s’est fait dans la laïcité à la française – la démolition de l’articulation entre le mariage civil et, lorsqu’il existe, le mariage religieux. Le mariage civil revêt, en France, une dimension extrêmement forte, contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays en Europe et dans le monde. Il a acquis une forme de solennité, il a été en quelque sorte sacralisé. Vous allez casser la sacralisation du mariage civil. Vous ouvrez un débat entre religieux et laïcards, on n’est pas sortis de cette affaire-là ! C’est extrêmement grave, et c’est une conséquence concrète du projet pour l’ensemble des couples, de même sexe ou de sexes différents.

Je formule, au passage, une remarque technique. Comment allez-vous gérer la revendication par un couple de personnes de même sexe d’un mariage religieux, alors même que vous n’envisagez pas de dispositions protectrices des religions telles que celles que le gouvernement britannique envisage pour l’Angleterre ? Vous ouvrez des risques de contentieux sur ce terrain. Vous dites qu’il n’y en a pas eu mais, au titre de la non discrimination, il y aura des contentieux judiciaires ! C’est pour cette raison que le gouvernement du Royaume-Uni par exemple, alors qu’il n’envisage le mariage que pour la seule Angleterre, prend bien des précautions législatives pour protéger ce qui est, au Royaume-Uni, le mariage principal : celui de l’église anglicane. Il prend des précautions pour que les couples de personnes de même sexe ne puissent, en aucune manière, demander un mariage anglican.

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. C’est, monsieur le président, pour contester le terme très péjoratif de « laïcard »…

M. Patrick Hetzel. Il est dans le dictionnaire !

M. Serge Janquin. …et demander à celui qui l’a prononcé de le retirer.

M. Hervé Mariton. Il n’en est pas question !

M. le président. Soit, mais faisons attention, les uns et les autres, aux expressions que nous employons…

(L’amendement n° 4365 n’est pas adopté.)

Avant l’article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n° 5256, relatif à l’intitulé du chapitre Ier bis.

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de cohérence, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. L’amendement du rapporteur nous permet de parler de l’adoption et de la filiation, puisque c’est l’objet de l’article suivant du projet de loi, et de répondre à M. Roman qui nous disait tout à l’heure que ce que nous refusions c’était d’abord le mariage. Oui, monsieur Roman, nous refusons le mariage des couples de même sexe, et nous refusons encore plus le fait que les couples de même sexe puissent avoir, par le biais de l’adoption mais aussi, bien sûr, par celui de la PMA et par celui de la GPA, des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Gérald Darmanin. La lecture assidue du journal Le Monde m’a permis de découvrir un excellent texte, que je vous recommande, de Mme Jospin – Mme Agacinski – intitulé « Deux mères = un père ? ». Je me permets de vous en lire un petit passage, vers la fin : « La crainte qu’on peut ici exprimer, c’est précisément que deux parents de même sexe ne symbolisent, à leurs yeux comme à ceux de leurs enfants adoptifs, et plus encore… » – ce n’est pas le fantasme de l’UMP, hein ! – « …de ceux qui seraient procréés à l’aide de matériaux biologiques, une dénégation de la limite que chacun des deux sexes est pour l’autre, limite que l’amour ne peut effacer ». M. Bergé a dû s’étouffer à la lecture de la prose, dans les propres colonnes du Monde, de la femme de l’ancien Premier ministre.

Nous refuserons donc même l’amendement de cohérence du rapporteur, puisque nous sommes contre l’adoption, contre la PMA, contre la GPA pour les couples de même sexe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de cohérence.

(L’amendement n° 5256 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n°4374, qui tend à insérer un article additionnel avant l’article 1er bis.

Mme Sophie Dion. Nous défendons ici quelque chose qui est évidemment central dans toutes nos discussions : l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans toutes ces discussions, nous avons senti la menace que l’enfant puisse devenir objet de droit alors qu’en réalité, il est sujet de droit. C’est une personne humaine, il est protégé par le principe de dignité de la personne humaine.

Cet amendement vise à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que de droit fondamental, que l’on pourra décliner dans toutes ses composantes. La première d’entre elles, en particulier, c’est que, a priori, l’enfant doit pouvoir être élevé par ses père et mère.

M. Luc Belot. Oui, c’est vrai, par ses pères !

Mme Sophie Dion. La deuxième composante, c’est quelque chose dont nous avons peu parlé, du moins sur quoi nous avons eu peu de réponses, même si nous avons posé beaucoup de questions : c’est la question de la connaissance des origines. C’est très important. Cela ressort des droits de la personne, de la dignité de la personne humaine.

L’enfant qui naîtra aura donc le droit, à l’âge de trente ans, de savoir d’où il vient, non seulement parce qu’il aura besoin de se construire, en tant qu’individu responsable, mais aussi surtout, parfois, en raison de problèmes génétiques. Voilà qui touche au cœur de l’ensemble de nos discussions. Nous regrettons de ne pas avoir eu les réponses, madame la garde des sceaux, aux questions que nous avons posées, et nous soutenons, je le répète, ce principe : l’enfant est bien sujet de droit, avec toutes les implications que cela implique.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Julien Aubert. Effectivement, nous touchons là au cœur du problème juridique. La Déclaration des droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1959, proclame entre autres deux principes, dont l’un est retranscrit par l’amendement qui vous est soumis. Selon le principe n° 2 de cette déclaration, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante » de la construction de la famille. Selon le principe n° 6, « l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère ». En d’autres termes, si l’on permet qu’un enfant ait deux pères, on contrevient au principe n° 6 de la Déclaration des droits de l’enfant de novembre 1959.

Toujours au plan juridique – puisque vous nous avez reproché de ne pas faire de droit – j’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Fretté contre France, relatif au rejet d’une demande d’agrément préalable à l’adoption d’un enfant par une personne homosexuelle, a estimé que les autorités nationales ont légitimement et raisonnablement pu considérer que le droit d’adopter trouve sa limite dans l’intérêt de l’enfant, nonobstant les aspirations légitimes du requérant, sans que soient remis en cause ses choix et sans violation des articles 14 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, c’est-à-dire ceux relatifs à la discrimination.

Ces éléments juridiques complètent les arguments qui vous sont fournis. La Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, et notamment son article 3, nous conduisent à poser la question suivante : ce projet de loi ne viole-t-il pas le droit international ? Vous savez que la Constitution assure la supériorité du droit international sur la loi. Par conséquent, tout citoyen pourra attaquer cette loi au motif qu’elle ne respecte pas le droit international. La seule possibilité pour y échapper serait de modifier la Constitution – mais pour cela, madame la garde des sceaux, il faudrait peut-être un référendum.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien ! Bravo !

M. le président. Sur les amendements n° 4374 et 7, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Bernard Roman. Cela ne fera que rendre plus évident le rapport de force !

M. le président. Sur ces amendements, quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements, pour deux raisons principales. La première, c’est qu’ils n’apportent rien de nouveau au droit français. Vous avez cité, monsieur Aubert, la Convention internationale des droits de l’enfant, qui est supérieure à la loi et s’applique pleinement. Notre droit de la famille, tel qu’il est prévu par le code civil, est déjà entièrement guidé par la notion d’intérêt de l’enfant. Cette notion est très présente dans le code civil : les termes « intérêt de l’enfant » y figurent à trente et une reprises, et si vous adoptez un amendement que je soutiendrai plus tard dans la discussion, il y figurera une trente-deuxième fois.

La deuxième raison – la plus importante à mes yeux – est que nous ne partageons pas la même vision de l’intérêt de l’enfant. Vous en conservez une vision très formelle, fermée, normative : pour vous, il relève de l’intérêt de l’enfant d’être accueilli par une famille au schéma traditionnel. De ce fait, vous n’incluez pas dans l’intérêt de l’enfant toutes les autres formes de famille, monoparentales, homoparentales, recomposées. Cette vision normative de la famille, qui induit votre conception de l’intérêt de l’enfant, me semble trop restrictive. C’est pour cette raison que la commission a donné un avis défavorable sur ces amendements.

M. Frédéric Reiss. C’est complètement tiré par les cheveux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est bien évidemment très attentif à l’intérêt des enfants. Simplement, ces amendements n’apportent rien à la protection des enfants. Le code civil est déjà protecteur à l’égard des enfants. Qu’il s’agisse du titre IX du livre premier, qui porte sur l’autorité parentale, ou du titre X du même livre, qui porte sur la minorité et l’émancipation, le code civil contient de nombreuses dispositions veillant à l’intérêt de l’enfant. Les procédures d’adoptions, notamment, sont soumises à l’intérêt de l’enfant. Les procédures administratives en la matière sont ainsi couvertes par une procédure judiciaire.

Par conséquent, le Gouvernement se serait montré favorable à ces amendements s’ils avaient contenu des dispositions protectrices supplémentaires pour les enfants. Ce n’est absolument pas le cas. Ces amendements, en réalité, plaident en faveur du droit des enfants à un père et une mère.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, autant que possible, les enfants doivent avoir un père et une mère, mais ce n’est pas une garantie de bonheur, ni de réussite dans la vie, ni de bonne éducation. Il y a des familles monoparentales dans ce pays, dont les enfants réussissent parfaitement.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a aussi des familles nucléaires très classiques, économiquement et socialement très installées, dont les enfants connaissent des problèmes qui nous désolent tout autant que s’ils avaient appartenu à d’autres milieux sociaux.

Par conséquent, ces amendements n’apportent aucune protection supplémentaire aux enfants. Ils ne contiennent qu’une profession de foi, selon laquelle les enfants ont besoin de – et droit à – un père et une mère. C’est le slogan de la campagne menée depuis plusieurs mois contre le projet du Gouvernement. Vous avez le droit de le défendre jusqu’au bout, mais ce n’est pas un élément de droit qui permettrait de protéger davantage les enfants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Pardonnez-moi d’insister sur cette question. J’entends bien Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur nous expliquer que plusieurs dispositions du code civil visent l’intérêt de l’enfant. Certes, mais là n’est pas la question. Mme la garde des sceaux parle très fréquemment de la hiérarchie des normes : je serais très contente de l’entendre dire qu’une chose est de trouver dans certains textes spécifiques une référence à l’intérêt de l’enfant, et une autre chose de l’ériger au rang de droit fondamental. Nous ne parlons pas du même sujet.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Philippe Gosselin. Mme Dion a raison, ce n’est pas la même chose.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis désolé d’insister, madame le garde des sceaux : il ne s’agit pas d’une question idéologique, mais juridique ! Nous avons signé en 1989 une convention, ainsi que différents autres instruments juridiques internationaux, qui reconnaissent le droit de l’enfant à avoir une mère, et définissent la famille comme réunissant un père et une mère, indépendamment du sujet de savoir s’il est bon ou mauvais qu’il y ait des familles monoparentales. À partir du moment où vous modifiez le code civil, il n’y a plus de corrélation juridique entre le droit français et les instruments internationaux qui ont, dans la hiérarchie des normes, une valeur supérieure à la loi. Vous ouvrez donc une brèche très importante dans la sécurité juridique.

M. Bernard Roman. On transpose !

M. Julien Aubert. Si, demain, vous accordez le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, et qu’au bout de quelques années un jugement international estime non conforme au droit international la loi que nous allons voter, nous nous retrouverons dans une situation de grande insécurité juridique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison ! C’est évident !

M. Julien Aubert. Je vous demande simplement, madame le ministre, des éléments juridiques que vos services vous ont sans doute déjà fournis, car je suis bien certain que vous ne vous risquez pas sur un tel sujet sans avoir analysé tous les textes portant sur la protection de l’enfance.

M. Patrick Hetzel. Encore que… Pas sûr !

M. Julien Aubert. Le problème réside donc dans l’inadéquation prévisible du code civil avec le droit international. Comment résoudrez-vous ce problème de non-compatibilité et de hiérarchie des normes ?

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. On en revient toujours à la même histoire, celle de la gauche irresponsable qui n’a pas réfléchi à tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui ! C’est bien cela !

M. Philippe Gosselin. C’est déjà bien de le reconnaître !

Mme Elisabeth Pochon. Pour ce qui concerne les droits fondamentaux et la protection de l’enfant, ces amendements n’apportent pas grand-chose. Mais ils dissimulent un point relatif au droit des enfants à connaître leurs origines. Vous serez tous d’accord avec moi pour dire que l’on ne peut se décider ainsi, au détour d’un amendement, sur un tel sujet. Ce débat mérite d’être posé dans un autre cadre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Et voilà ! Un débat national !

Mme Elisabeth Pochon. Je vous invite à réfléchir à ce que vous pouvez faire… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez parler l’oratrice !

Mme Elisabeth Pochon. Vous nous accusez d’envisager la PMA et la GPA, alors que ce projet de loi n’en parle pas. En revanche, ce que vous proposez reviendrait à modifier des choses fondamentales. Cela mérite largement une discussion.

M. Philippe Cochet. Enfin ils avouent !

M. Philippe Gosselin. S’il y avait eu des états généraux, on n’en serait pas là !

Mme Elisabeth Pochon. Bref, ces amendements n’apportent pas grand-chose hormis, comme toujours, la consécration du lien biologique et la remise en cause des adoptants célibataires et des liens qui peuvent être créés entre un enfant et les personnes qui l’élèvent. Il ne suffit pas, pour protéger ces liens, de dire qu’un enfant ne peut être élevé que par un père et une mère.

M. Philippe Gosselin. C’est pourtant ce qui ressort de la convention de New York sur les droits de l’enfant.

Mme Elisabeth Pochon. Là encore, vous déniez aux familles homosexuelles le droit de pouvoir élever et éduquer un enfant.

M. Philippe Cochet. Nous l’assumons !

Mme Elisabeth Pochon. Il n’y a rien d’autre que cela derrière vos propositions.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4374.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 284

Nombre de suffrages exprimés 284

Majorité absolue 143

Pour l’adoption 79

contre 205

(L’amendement n° 4374 n’est pas adopté.)

M. Thomas Thévenoud. Un rapport de un à trois !

M. Nicolas Bays. Elles sont où, vos troupes ? Parties avec François Fillon ?

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 7.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 283

Nombre de suffrages exprimés 283

Majorité absolue 142

Pour l’adoption 81

contre 202

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce rappel au règlement est basé sur l’article 58 de notre règlement, monsieur le président. Il vise à apporter plus de clarté à nos débats. J’ai écouté très attentivement l’intervention de Mme Pochon il y a quelques instants. J’invite nos collègues de la majorité, lorsqu’ils prennent position sur les amendements que nos présentons, qu’ils lisent au nom du groupe socialiste la position que leur communique M. Roman, soigneusement dactylographiée… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est la réalité, mes chers collègues ! On l’a vu tout au long de cet après-midi ! Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année, moi moins que les autres ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe UMP encouragent l’orateur.)

Je souhaite vous interroger à propos de deux choses que vous avez dites – je l’ai déjà fait à deux reprises, et vous ne m’avez pas répondu. Vous avez dit que cet amendement dissimulait quelque chose, je vous ai demandé quoi, sans que vous me répondiez. Vous avez dit que nous souhaitons modifier des choses fondamentales, je vous ai demandé lesquelles, sans que vous me répondiez. Je souhaite donc, afin que nous soyons éclairés sur le sens de nos propres amendements, qu’à l’avenir la majorité s’exprime plus précisément sur nos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je suis sûr que la majorité a entendu vos propos. En revanche, je ne peux pas vous dire ce qu’elle en pense !

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements en discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1983.

M. Hervé Mariton. Le préambule de la Constitution de 1946 consacre la place de la mère. La Convention des droits de l’enfant, en son article 21, souligne le rapport de l’enfant à ses père et mère. Il nous paraît important d’en tirer pleine conséquence en soulignant l’intérêt supérieur de l’enfant de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né.

Je précise « prioritairement », ceci a été évoqué tout à l’heure, pour ne pas entrer sur le terrain du droit à l’origine, et en particulier ne pas interdire l’accouchement sous X, qui est me semble-t-il un droit très important. Mais « prioritairement » aussi parce que toutes les études, toutes les évaluations, font bien apparaître que vivre auprès du père et de la mère confère les meilleures chances de développement. Il est important à l’occasion de ce texte de le rappeler. Le préambule de la Constitution de 1946, et cela fera partie de notre recours devant le Conseil constitutionnel, insiste explicitement sur le rôle de la mère.

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2977.

M. Jean-Frédéric Poisson. Même s’il n’est pas formulé de la même façon, cet amendement est très proche de celui de M. Mariton, qui vient d’en exposer les objectifs avec précision. Notre sujet de ce soir, depuis l’ouverture de cette séance, est l’intérêt de l’enfant. Il s’agit de réaffirmer qu’il est préférable, dans toute la mesure du possible, que les enfants vivent prioritairement auprès des parents dont ils sont nés, comme le précisait M. Mariton.

Vous avez mon amendement sous les yeux, je n’entrerai donc pas dans le détail.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3056.

M. Patrick Hetzel. Par cet amendement, je défends évidemment l’intérêt supérieur de l’enfant. L’enfant doit pouvoir « s’originer » dans la différence des sexes. Si nous ne maintenons pas la vérité sur la naissance des enfants, à savoir l’inscription filiative dans un couple composé d’un homme et d’une femme, des enfants se retrouveront dans des impasses filiatives, privés du sens de leur histoire, confrontés à de l’indicible. Aller dire à un enfant qu’il n’est pas grave de ne pas connaître sa véritable origine est, d’ailleurs, très clairement en contradiction avec ce que nous disent toutes les personnes nées sous X, qui manifestent, à cet égard, une véritable souffrance.

Cet amendement n’est rien d’autre qu’une protection élémentaire due à l’enfant, sujet de droit. C’est la raison pour laquelle je pense que vous l’accepterez.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3554.

M. Xavier Breton. Ce que nous souhaitons, par cet amendement, c’est échanger avec vous sur votre conception de la filiation. Vous confondez parentalité et parenté. La parentalité, c’est la fonction d’être parent. On ne préjugera alors pas de la capacité d’une personne d’élever un enfant. Il en va différemment de la parenté. Notre conception de la filiation ne se résume pas simplement à l’aspect éducatif et affectif. Il y a également un pilier biologique ou corporel. Il est certain que le pilier éducatif et affectif est, sans aucun doute, le plus important. Mais nous savons que ce pilier biologique ou corporel, quand il manque, crée une souffrance, pour les parents qui ne peuvent pas avoir physiquement d’enfant et pour les enfants qui ne connaissent pas leurs parents biologiques et qui les recherchent. Ce qui est souhaitable pour notre société, pour chaque enfant, c’est d’avoir ces deux piliers : le pilier biologique ou corporel et le pilier affectif et éducatif.

Il y a, bien sûr, des accidents de la vie : dans ces cas-là, il s’agit de réparer la situation. Mais, en inscrivant la filiation dans ce texte via l’adoption, en attendant l’assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui…

M. Bernard Roman. Et le clonage !

M. Xavier Breton. …vous créez volontairement une situation où il manque un pilier.

Quelle est votre conception de la parenté ? Ce pilier biologique ou corporel a une réalité. Quelle importance lui donnez-vous ? Notre échange doit aller au-delà des réponses insuffisantes que nous avons eues en commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4258.

M. Marc Le Fur. Il s’agit du même amendement. La filiation n’est pas une abstraction, mais, d’abord, une réalité de la nature. C’est ce que nous tenons à rappeler. Nous voulons également redire on ne peut plus clairement qu’il existe de grandes conventions internationales et, en particulier, la Convention sur les droits de l’enfant que notre pays s’est engagé à respecter. Cela devrait rassembler sans ambiguïté 100 % des membres de cette assemblée. Je serais, pour ma part, surpris que notre rapporteur, que le Gouvernement et que d’autres trouvent quelque argutie pour refuser ce qui est une évidence et qui est la démonstration que nous sommes très attachés aux droits « de » l’enfant ! (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Allons-y pour les « arguties ».

Monsieur Le Fur, la nature n’est pas toujours dans l’intérêt de l’enfant. Je rappelle le texte de vos amendements, qui sont très courts : « L’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né » – c’est le premier amendement – ou, dans les amendements identiques, « auprès de son père et de sa mère biologiques ».

Quel message donnez-vous ce soir, par ces amendements, à toutes les autres formes de familles ?

M. Xavier Breton. Il n’y en a pas !

M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants battus par leurs parents biologiques ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Quel message donnez-vous aux enfants adoptés ?

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants de familles monoparentales ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Très bien !

M. Erwann Binet, rapporteur. Quel message donnez-vous aux enfants de parents divorcés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel message donnez-vous aux enfants nés de PMA ? Avis défavorable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Ce sont, en effet, des arguties !

M. le président. S’il vous plaît !

La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler, tout d’abord, que la France est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Point n’est besoin de l’écrire dans le code civil. Le texte auquel M. Aubert a fait référence, s’agissant du droit de l’enfant de ne pas être séparé de sa mère, est une déclaration de l’Assemblée générale des Nations-unies de 1959, donc un texte qui n’a pas la portée juridique d’une convention internationale. En outre, le préambule de la Constitution de 1946 garantit la protection de l’enfant.

M. Hervé Mariton. Le mot « mère » est cité !

M. le président. Monsieur Mariton !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Le projet de loi que nous vous présentons aujourd’hui va bien dans l’intérêt de l’enfant. Il n’est certainement pas dans l’intérêt de l’enfant qu’un de ses parents n’ait aucune légitimité…

Un député du groupe UMP. Quel parent ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …ni qu’un de ses parents ne soit pas reconnu par la société. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est pourtant ce qui est le cas, aujourd’hui, dans les familles homoparentales et c’est pourquoi le projet de loi participera à la sécurisation de ces situations.

Enfin, le seul problème pour les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales, ce sont les discriminations dont ils peuvent être victimes du fait de leur situation familiale. C’est la norme que véhicule la société qui distingue, ainsi, les « normaux » des « anormaux ». (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Or la loi, en reconnaissant le mariage entre personnes de même sexe, ne fera plus de distinction entre les citoyens de notre pays (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP) puisqu’elle prévoira les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous. L’intérêt de l’enfant, c’est d’avoir une famille où il trouve l’affection et l’accès à l’éducation, à la santé, à un logement décent et à une sécurité matérielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Bertinotti, pour donner l’avis du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe UMP. La ministre « des » familles !

M. le président. S’il vous plaît ! Il y a des limites !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. J’aimerais faire deux ou trois observations.

Vous posez la question du droit de l’enfant à son histoire originelle. C’est une vraie question.

M. Bernard Roman. À laquelle vous n’avez jamais répondu, messieurs !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une vraie et importante question.

M. Céleste Lett. Mais encore ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Ce que je trouve paradoxal, c’est que cette question, qui n’a pas reçu pleinement réponse, et ce quelles que soient les législatures, n’a rien à voir avec l’homosexualité.

M. Jacques Myard. Et la PMA ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Myard !

M. Philippe Gosselin. M. Myard a raison !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Que je sache, la procréation médicale assistée existe. Elle est ouverte aux couples hétérosexuels. Chaque année, 1 500 enfants naissent par insémination artificielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Laissez les ministres répondre ! Si vous voulez que je donne la parole à plus d’un orateur pour et un orateur contre, vous devez au moins vous écouter !

M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il est tout de même assez stupéfiant de réagir comme vous le faites, lorsqu’on aborde une question aussi fondamentale que celle du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle. En effet, je le répète, cette question n’a rien à voir avec l’homosexualité ou l’hétérosexualité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait. Nous sommes d’accord !

M. Bernard Accoyer. L’homosexualité n’a rien à voir avec le mariage, c’est bien cela le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est insupportable ! Vous défendez l’intérêt supérieur de l’enfant, mais lorsque l’on soulève une question de fond, vous vous bornez à dire qu’il faut qu’il y ait un père et une mère et que vous êtes contre le fait que des enfants puissent être élevés par deux pères ou deux mères !(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Dites-le simplement comme cela ! Ainsi, nous ne discuterons pas de la question, pourtant fondamentale, du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, parce que vous liez ce problème à la question de l’homosexualité. Or ça n’a rien à voir !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vais reprendre des exemples plus anciens. Pendant toute une époque, on taisait à l’enfant qu’il avait été adopté. Puis, certaines études ont amené à considérer que la famille adoptante devait révéler à l’enfant les conditions de son adoption.

S’agissant l’accouchement sous X, la création du CNAOP – Conseil national pour l’accès aux origines – a été une première étape permettant à l’enfant d’avoir accès à un certain nombre d’informations. Et il y a, aujourd’hui, des revendications qui vont jusqu’à la levée de l’anonymat de l’accouchement.

La situation des enfants de couples hétérosexuels nés de PMA mérite également de faire l’objet d’une véritable réflexion.

Voilà les véritables sujets de réflexion. Mais le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ne crée aucune situation nouvelle par rapport à ces questions, qui concernent absolument indifféremment les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cette façon d’appréhender les choses et de porter toujours la suspicion sur l’intensité, la valeur, la solidité de l’engagement des familles homoparentales est insupportable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Un député du groupe UMP. Là n’est pas la question !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mme la ministre chargée de la famille a très clairement expliqué la problématique de l’accès aux origines, question récurrente et extrêmement importante. Elle se pose, en effet, assez régulièrement, sous forme tant de demandes d’accès aux origines que de supplications de ne pas ouvrir l’accès aux origines compte tenu d’un certain nombre de difficultés qui pourraient en découler.

Ce sujet de fond mérite d’être traité correctement, et certainement pas par le biais d’un amendement qui n’est qu’une pétition de principe. En effet, préciser que « l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et la mère dont il est né » est une pétition de principe qui n’est pas fondée scientifiquement.

La conception du Gouvernement et la vôtre sont effectivement différentes. Nous avons, pour notre part, le souci de chaque enfant, quand vous établissez des généralités sur les enfants (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qui vous amènent à nier des réalités sociologiques vieilles de centaines d’années dans ce pays !

M. Hervé Mariton. On veut leur proposer les meilleures conditions !

M. le président. Monsieur Mariton !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous refusez ces réalités sociologiques que sont les familles monoparentales, les familles homoparentales, les familles divorcées, composées, recomposée ! Vous refusez de voir les conséquences d’un décès dans une famille.

Pour sa part, le Gouvernement considère que le droit de chaque enfant est essentiel. Notre droit est organisé sur cette logique. Vous vous préoccupez de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant, mais elle est déjà inscrite dans le droit ! À telle enseigne que la Cour de cassation, elle-même, a considéré que l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant était d’application immédiate.

Cet article prévoit en substance que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées ou qu’il s’agisse de mesures judiciaires, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. C’est traduit dans le droit par l’article 353 du code civil, par exemple, selon lequel l’adoption n’est prononcée par un juge que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, même si, au préalable, un agrément avait été attribué à l’adoptant, agrément dont nous avons déjà vu qu’il n’était attribué qu’au terme d’une investigation extrêmement rigoureuse que certains considèrent même comme intrusive.

Par conséquent, la convention internationale des droits de l’enfant est déjà transcrite dans notre droit et, ce qui est étonnant, c’est que vous ne sembliez vous préoccuper de son application qu’aujourd’hui. Vous êtes tout d’un coup saisis d’un doute qui vous taraude sur la valeur de notre droit en matière de protection de l’enfant. Je vous rassure – mais nous ne sommes pas les seuls à en avoir le mérite parce que c’est dans notre droit depuis très longtemps : le droit français protège l’enfant ! Mais il le fait dans chaque circonstance, en tenant compte de sa situation. Il ne parle pas d’un enfant virtuel pour lequel on fait des pétitions de principe comme celles qui figurent dans vos amendements.

Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Parler en deux minutes d’un sujet aussi vaste est évidemment difficile mais, comme nous présenterons un grand nombre d’amendements pour vous permettre de compléter vos réponses, nous aurons le temps d’apporter des précisions.

Mesdames les ministres, il faut lire précisément les mots qui sont écrits. Il y a dans cet amendement l’adverbe « prioritairement ». Vous pouvez me répondre, madame la garde des sceaux, que c’est déclaratif, que cela n’emporte rien sur le plan du droit, que cela ne crée aucune obligation parce que la formulation est générale. Soit, mais, premièrement, ce n’est pas le premier sujet sur lequel il y aurait des intentions déclaratives, deuxièmement, nous ne serions pas les seuls à écrire le droit de cette façon, et, troisièmement, nous attendrions du pouvoir exécutif qu’il décline cette déclaration en un certain nombre de choses concrètes. Je crois que c’est une façon assez habituelle d’écrire le droit.

M. Philippe Cochet. Vous pourriez faire une circulaire !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons comme vous le souci de tous les enfants. Nos expériences, personnelles et d’élus locaux, nous ont permis de rencontrer autant de familles diverses que n’importe lequel des élus des bancs de la majorité. Si quelques-uns d’entre vous en doutent, j’en suis désolé, mais faites-moi le crédit de croire que notre expérience est comparable à la vôtre. Elle n’est ni meilleure ni pire, c’est la même. Nous n’ignorons rien des situations que vous décrivez. Je regrette d’avoir à rappeler après trois jours de débat que nous connaissons nous aussi la diversité des familles. En principe, cela devrait aller de soi.

Je vais parler avec beaucoup de précaution, parce que toutes les histoires personnelles sont différentes, mais d’après le peu d’expérience que j’ai, j’ai évoqué le sujet à plusieurs reprises avec Mme Pochon ou Mme Buffet par exemple, les enfants battus, monsieur le rapporteur, sont sans doute ceux qui sont les plus attachés à leurs parents.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous attendez quoi, l’arrivée de Zorro ? On n’est pas à la télé ! Laissez-moi dérouler mes arguments.

Même dans les cas de détresse profonde, même dans les cas de violence familiale les plus difficiles, l’attachement aux parents, qu’ils soient biologiques ou pas d’ailleurs, est incontestable.

M. Erwann Binet, rapporteur. Ce n’est pas sujet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si, c’est justement le sujet de l’amendement, monsieur le rapporteur.

Au fond, quand nous écrivons cet amendement, nous ne disons pas autre chose. Il s’agit prioritairement de permettre à l’enfant de vivre auprès des parents dont il est né. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 1983, d’une part, et sur les amendements identiques n°s 2977, 3056, 3554 et 4258, d’autre part, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. En réduisant l’intérêt supérieur de l’enfant au fait qu’il vive prioritairement auprès de son père et de sa mère, je ne sais pas si l’on pense vraiment à son intérêt.

Qu’un enfant n’ait pour seul repère que des adultes qui le battent, monsieur Poisson, ce n’est pas la garantie de son bonheur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mieux vaut au contraire qu’il soit placé et trouve dans une famille d’accueil le bien-être nécessaire. Ce n’est pas la simple vision du père et de la mère qui crée automatiquement le bien-être de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas ce qu’il a dit, vous êtes de mauvaise foi !

Mme Marie-George Buffet. Lorsqu’un couple hétérosexuel a un enfant par PMA – parce que je vous rappelle que la PMA existe – le père, c’est celui qui élève cet enfant avec la mère qui l’a porté, ce n’est pas celui qui a fait un don de gamètes. La notion de père et de mère est donc bousculée. Lors d’une adoption plénière, le père et la mère, ce sont l’homme et la femme, les hommes ou les femmes qui accueillent l’enfant et lui donnent l’amour, la protection, l’éducation nécessaires.

Dans les familles monoparentales, ou dont les parents ont divorcé, le problème, souvent, n’est pas qu’il n’y a pas de père ou de mère, c’est qu’elles sont confrontées à de très grandes difficultés sociales ! Ce n’est pas un manque d’amour ou d’éducation !

L’air de rien, vous êtes en train de vouloir nous faire lever rapidement, ce soir, un certain nombre d’anonymats alors que cette question mérite un grand débat que nous aurons, j’espère, dans la future loi sur la famille. Oui ou non, sommes-nous d’accord pour préserver l’anonymat de la femme qui accouche sous X ou le remet-on en cause ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Philippe Gosselin. C’est un débat !

Mme Marie-George Buffet. Sommes-nous oui ou non d’accord pour préserver l’anonymat de celui qui fait un don de gamètes ? Tout cela doit se discuter, pas être voté au coin d’un amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Monsieur Poisson, les députés de la majorité n’ont absolument pas besoin de notes. Nous sommes des femmes et des hommes totalement libres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Hervé Mariton. Non !

Mme Colette Capdevielle. …et nous savons parfaitement formuler notre pensée, n’ayez aucun doute à ce sujet.

Vous faites une lecture totalement erronée et tronquée de la Convention internationale des droits de l’enfant.

M. Philippe Gosselin. On verra ce que fera le cas échéant le Conseil constitutionnel !

Mme Colette Capdevielle. J’aurais aimé que, pendant dix ans, vous l’appliquiez un peu plus. Vous avez enlevé des enfants au sein de leur mère pour les mettre dans des centres de rétention ! Il fallait leur amener du lait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous qu’on l’ait oublié ? Nous avons été condamnés pour traitement inhumain et dégradant, notre pays a été la honte de l’Europe. Croyez-vous qu’on l’ait oublié ?

Comme la garde des sceaux l’a souligné très justement, l’article 3-1 de la Convention européenne des droits de l’enfant prévoit que l’intérêt supérieur est fonction de chaque enfant. Parfois, il est de ne pas vivre avec ses deux parents, ou l’un de ses deux parents. Interrogez les juges des enfants, ils vous diront si c’est vraiment la norme familiale pour un grand nombre d’enfants que de vivre avec leur père et leur mère.

La Convention internationale des droits de l’enfant, et heureusement d’ailleurs, ne donne pas de définition juridique de l’intérêt supérieur de l’enfant puisqu’il s’apprécie en fonction de l’âge et de la situation de l’enfant. Par contre, elle fixe un socle minimal, c’est-à-dire que l’enfant a des droits : le droit à son identité, à la santé, à la protection, à l’éducation et à la participation.

M. Philippe Cochet. Le droit d’avoir un papa et une maman !

Mme Colette Capdevielle. La vérité, c’est que vous vous abritez derrière l’intérêt supérieur de l’enfant pour empêcher encore aux personnes homosexuelles d’élever des enfants. C’est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il y a deux mots dans l’amendement, que je voudrais souligner : « vivre » et « prioritairement ». Quand nous parlons du fait de vivre avec son père et sa mère, nous n’abordons pas la question de l’accès aux origines, qui est effectivement plus compliquée. Personnellement, je ne suis pas pour la levée de l’anonymat du don de gamètes ou lors de l’accouchement sous X. J’ai voté en ce sens lors de l’examen de la loi de bioéthique. Il y a d’ailleurs des divergences à ce sujet au sein de mon groupe, même si nous avons beaucoup de points communs.

Il nous paraît souhaitable qu’un enfant ait ses deux piliers, un pilier biologique, corporel, et un pilier éducatif, affectif. Nous savons bien que tel n’est pas toujours le cas. Nous disons simplement que c’est une priorité, même s’il y a parfois des cas exceptionnels.

N’oublions pas que, dans notre pays, plus de 75 % des enfants vivent avec leur père et leur mère.

M. Bernard Roman. Non ! Ce n’est plus vrai.

M. Xavier Breton. On nous parle toujours des autres cas mais trois enfants sur quatre vivent tout de même dans ce schéma, qui nous paraît préférable.

Il y a bien sûr des accidents de la vie, il peut y avoir des circonstances qui rendent les situations plus difficiles, l’État est parfois même obligé de suppléer la défaillance des parents en cas de violence, mais ce sont des cas exceptionnels. Ce que nous affirmons, c’est simplement une priorité. L’exception ne peut pas devenir la règle.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1983.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 298

Nombre de suffrages exprimés 298

Majorité absolue 150

Pour l’adoption 88

contre 210

(L’amendement n° 1983 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 2977, 3056, 3554 et 4258.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 286

Nombre de suffrages exprimés 284

Majorité absolue 143

Pour l’adoption 86

contre 198

(Les amendements n°s 2977, 3056, 3554 et 4258 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Sur la base de l’article 58, monsieur le président.

Pour la bonne compréhension de nos débats et pour la bonne tenue de la vie de notre assemblée, mais cela vous appartient, il me paraît préférable de ne pas considérer dans nos échanges qu’il y aurait les députés qui connaissent la France et la vie, plutôt ceux de la majorité tant qu’à faire, et d’autres, ceux de l’opposition, qui ignoreraient ce que sont la France et la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il me paraît également important que nos débats portent sur le texte de nos amendements. Lisez nos amendements, s’il vous plaît, lisez les verbes et les adverbes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand nous écrivons « prioritairement », cela veut dire quelque chose.

Je souhaite enfin que chacun accepte que certains mots du vocabulaire existent encore. Quand nous pensons important d’écrire dans un amendement les mots de père et de mère, c’est parce que c’est essentiel à nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en venons à des amendements pouvant être soumis à une discussion commune, l’amendement n° 1905 et une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1905.

M. Hervé Mariton. Cet amendement souligne l’importance de la politique familiale et de la politique sociale, et l’importance du rôle des parents dont l’enfant est né, sauf lorsque les circonstances de la vie en décident autrement.

Nous sommes sensibles à la fois à ce qui nous paraît être la meilleure configuration possible et à ce que peuvent être les circonstances de la vie.

Au moment où le Gouvernement envisage d’abîmer et de sacrifier la politique familiale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), après la lettre de mission envoyée par le Premier ministre au président du Haut conseil de la famille, M. Fragonard, pour lui demander, si j’ai bien compris, de mettre à bas cette politique, il est plus que jamais important de dire le prix que nous y attachons. Elle fait depuis longtemps l’objet d’un consensus dans notre pays. La CGT elle-même s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur de l’universalité des allocations familiales. Et c’est une lourde responsabilité que prennent aujourd’hui le Gouvernement et la majorité d’abîmer ce qui a longtemps été dans notre pays un consensus fort.

À côté de la politique familiale, il y a aussi une importante dimension sociale, tout aussi centrale dans notre raisonnement, et qui justifie d’ailleurs notre appel au référendum.

Oui, l’État, par ses politiques familiale et sociale, doit permettre à l’enfant de vivre auprès des parents dont il est né, sauf lorsque c’est contraire à l’intérêt de l’enfant, tout en respectant, bien sûr, la diversité et la variété des circonstances de la vie.

M. le président. J’appelle à présent une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2085.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais vous lire les réflexions d’une maître de conférence en droit privé à l’université d’Ivry. Le titre de son article, Les dommages pour tous du mariage de quelques-uns, dérangera forcément la majorité, ainsi que ce qu’elle écrit : « La filiation se définit en référence à la biologie et à ses exigences pour l’engendrement d’un enfant, à savoir que les parents soient un homme et une femme. »

M. Bernard Roman. Qui est l’auteur ?

Mme Marie-Christine Dalloz. « Le droit français garantit ainsi à l’enfant une filiation vraisemblable, en ce qu’il ne peut être rattaché qu’à un seul père et une seule mère. Ce principe est posé à l’article 320 du code civil, selon lequel la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait, tant qu’elle n’a pas été contestée en justice. Par exemple, si un homme veut reconnaître un enfant qui a déjà un père légal, il doit d’abord contester la paternité existante avant de pouvoir établir la sienne, tout simplement parce qu’un enfant ne peut avoir deux pères. »

Ainsi, votre projet de loi sur le mariage et l’adoption ne peut pas se contenter d’ouvrir de nouveaux droits aux parents sans proclamer parallèlement que les enfants ont des droits auxquels les désirs des adultes ne peuvent faire échec. Je pense que c’est la réalité : il faut vraiment rétablir le droit de l’enfant parce que, sinon, nous ne ferons prévaloir qu’une vision adulte et nous détruirons la génération de ces enfants-là pour l’avenir.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2338.

M. Nicolas Dhuicq. Plus nous avançons, plus je m’interroge, car nous sommes de plus en plus dans la négation et le déni. Vous ne pensez jamais, chers collègues de la majorité, à la dyade primitive entre la mère et l’enfant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Quelle sera cette dyade, dans votre conception de l’avenir ? Qui fera le travail de séparation entre la mère et l’enfant ? Qui tiendra le rôle des noms-du-père pour permettre à l’enfant de progresser ? C’est une question fondamentale. (Mêmes mouvements.)

J’entends les réflexions de personnes qui n’ont jamais eu à s’occuper de mères psychotiques enceintes. Vous ne connaissez pas la difficulté, dans une équipe souvent constituée de jeunes femmes pour qui la séparation avec un enfant est la chose la plus traumatisante qui soit, de faire entendre que c’est de l’intérêt de l’enfant de partir dans une famille d’accueil, ce que notre droit ne permet d’ailleurs pas. Vous ne connaissez pas ces réalités cliniques. Vous allez compliquer le travail des équipes ainsi que la vie des enfants. Vous n’entendez pas ces soignants qui n’osent pas s’exprimer trop ouvertement et qui disent que vous êtes totalement en dehors de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. C’est combien, la consultation ?

M. Nicolas Dhuicq. Oui, il y a une double dimension dans l’être humain : biologique et psychique. L’une ne va pas sans l’autre.

Enfin, n’oubliez pas que l’adoption est réussie non quand les parents adoptent un enfant, mais quand l’enfant a lui-même adopté ses parents adoptifs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne l’oubliez que trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Elisabeth Pochon. Vous enfoncez les portes ouvertes !

M. le président. Mes chers collègues, le sujet est techniquement complexe, tâchons de nous calmer un peu.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2954.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement met l’accent sur les politiques sociale et familiale de l’État. Je souhaite relayer les interrogations de mes collègues, en vous posant, madame la ministre, quelques questions simples, sur lesquelles j’espère que vous pourrez nous répondre.

Nous entendons parler depuis quelques semaines d’un grand projet sur la famille, prévu pour le printemps. Pouvez-vous nous donner quelques indications sur son contenu ? De même, nous avons entendu parler de l’intention, même si je crois savoir que c’est discuté au sein de la majorité, de revenir sur l’universalité des allocations familiales, peut-être de les mettre sous condition de ressources, d’en diminuer le montant, d’ajuster les politiques de quotient familial (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR), donc de toucher à des choses très importantes qui participent des politiques familiale et sociale de l’État et sont susceptibles d’aider les familles.

M. Philippe Meunier. Les Français vont trinquer !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous considérons, pour notre part, que les outils existants doivent être maintenus dans leur philosophie, quitte à les ajuster sur tel ou tel point. Nous voudrions connaître les intentions du Gouvernement sur une éventuelle modification de l’économie générale de ces politiques.

M. Pascal Deguilhem. Quel rapport avec le texte ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Deguilhem, j’en profite pour interroger le Gouvernement sur ce qui se prépare car nous ne savons rien et nous aimerions savoir.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3049.

M. Patrick Hetzel. « Le domaine dans lequel la différence entre homme et femme est fondatrice, et d’ailleurs constitutive de l’humanité, c’est celui de la filiation. Un enfant a droit à un père et à une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit à toute personne d’avoir une vie sexuelle de son choix, mais ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. » C’est ainsi que s’exprimait à la tribune de l’Assemblée nationale, en s’appuyant sur l’alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946, Mme la garde des sceaux Élisabeth Guigou. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Madame la garde des sceaux, quels sont les arguments auxquels vous pouvez recourir pour contredire les propos de Mme Guigou ? Pour nous, ils sont toujours pertinents et nous ne comprenons pas pourquoi ce que Mme Guigou avait solennellement déclaré à la tribune de l’Assemblée nationale n’aurait plus force de vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3792.

M. Philippe Gosselin. Je ne ferai pas l’exégèse des propos de mes collègues sur l’intérêt de l’enfant. J’évoquerai plutôt des éléments de politique familiale et sociale. Nous avons en France, depuis le Conseil national de la Résistance et la Libération, un pacte républicain qui lie toutes les sensibilités de ce pays. Au-delà des divergences, nous nous retrouvions pour établir une distinction forte entre la politique familiale et la politique redistributive, l’une et l’autre ayant leur légitimité et leur intérêt.

Aujourd’hui, nous risquons de glisser vers une confusion des genres, en remettant en cause l’universalité de la politique et des allocations familiales qui forment le moteur de notre pays depuis soixante-dix ans, et qui assurent aussi, pour les femmes, la conciliation d’une vie de famille et d’une vie professionnelle. À l’heure où le Gouvernement annonce une réforme d’importance de la politique familiale, qui devrait être présentée en conseil des ministres d’ici à quelques semaines, et dans laquelle pourrait figurer la PMA – nous y reviendrons – nous souhaiterions des éclaircissements. Et puisque nous sommes tous attachés ici aux politiques familiale et sociale, joignez le geste à la parole et votez pour ces amendements ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements demandent que le législateur fixe les politiques familiale et sociale de l’État avec pour principal objectif de permettre à l’enfant de vivre auprès de ses parents d’origine.

L’état actuel de notre droit répond déjà très largement à vos préoccupations. Vous avez souvent évoqué la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France et applicable dans notre pays. Je veux en citer deux articles. Selon l’article 7, l’enfant a dès sa naissance, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Selon l’article 9, « les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ». Ces deux articles vont dans votre sens et ont une force normative supérieure à un texte qui sortirait de notre assemblée.

Notre droit respecte ces exigences conventionnelles. L’adoption n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un enfant est orphelin ou abandonné. Il n’est pas question aujourd’hui de remettre en cause notre droit de l’adoption, sa philosophie, qui tourne exclusivement autour de l’intérêt de l’enfant.

Sur le plan juridique, l’article 375-2 du code civil dispose que, chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu familial. Dans les collectivités locales, nous sommes confrontés à ce genre de situations. Nous savons tous que les travailleurs sociaux et les magistrats ont en permanence à l’esprit, dans leur pratique professionnelle, le maintien prioritaire des liens de l’enfant avec ses parents. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne savais pas que nous étions dans une séance de questions au Gouvernement ! Je croyais que nous débattions du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous aussi !

M. Julien Aubert. Quel humour !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est peut-être une nouvelle phase du débat, ou bien s’agit-il de faire en sorte qu’il se prolonge indéfiniment, en dérivant vers les politiques familiale et sociale du Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je suis désolée mais je ne vois pas en quoi parler de la politique familiale et sociale éclaire le projet de loi ! (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Gosselin. C’est le fond du problème !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous me direz comment vous faites un lien entre une interrogation sur la mission qui a été confiée à Bertrand Fragonard, président du Haut conseil de la famille, et l’objet du présent projet !

M. Hervé Mariton. Il y aura plus d’enfants !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je pense que vous êtes en train d’instrumentaliser les couples homosexuels et les familles homoparentales pour des questions qui n’ont rien à voir avec le sujet ! (Interruptions sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Bernard Accoyer. C’est insupportable !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous voulez dire que nous considérons ces familles comme des familles à part entière, comme tout autre type de famille, classique, monoparentale ou recomposée, alors oui, j’assume totalement d’être la ministre de toutes les familles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Alors répondez !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je répondrai à des questions portant sur le projet de loi ! Si vous voulez m’interroger sur la politique familiale, faites-le dans une séance de questions au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le lien des politiques familiale et sociale avec cette loi est tout de même ténu. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Quand j’entends parler d’enfants battus, de mères psychotiques, de pauvreté des enfants, je trouve absolument insupportable de lier toutes ces questions ensemble. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne sommes pas en train de débattre de la politique familiale, …

M. le président. S’il vous plaît, calmez-vous. Plus vite nous aurons voté, plus vite il y aura une suspension.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …nous ne sommes pas en train de débattre sur la protection de l’enfance. Revenez à l’essentiel et donnez vos positions précises sur le mariage et l’adoption. La seule chose que j’entende, de façon répétitive, c’est que pour vous un enfant ne peut avoir qu’un père et une mère.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais oui !

M. Philippe Meunier. C’est comme ça qu’ils sont faits !

M. le président. Mes chers collègues, je vais donner la parole à un certain nombre d’entre vous, d’autant que je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 1905 et sur les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792 – il y aura donc deux votes. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Là, c’est un grand moment !

M. Patrick Bloche. Je vous remercie, monsieur le président de me donner la parole. Je suis effaré…

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !

M. Patrick Bloche. …par ce que ces amendements, les précédents comme ceux-là, révèlent de dérives et de régression. Régression – j’insiste – ne serait-ce que par rapport aux travaux qui ont occupé pendant un an, en 2005, au sein même de cette assemblée, un certain nombre d’entre nous, qui nous étions retrouvés à l’initiative du président Jean-Louis Debré dans une mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant.

À cette occasion, les députés de l’opposition, alors majoritaires, n’avaient jamais émis de telles assertions, faisant explicitement référence à ce lien naturel, ô combien ambigu,…

M. Philippe Gosselin. « Père » et « mère », ambigu ! En quoi est-ce ambigu ?

M. Patrick Bloche. …cette primauté donnée au biologique. Nous avions su, à cette époque, travailler de manière intelligente et collective sur la Convention internationale des droits de l’enfant et la façon dont la France pourrait mieux l’appliquer.

Nous étions convenus que notre système de protection de l’enfance donnait trop souvent la priorité à la famille biologique par rapport à la famille d’accueil, alors que c’était parfois contraire à l’intérêt de l’enfant.

Mais qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? Nous l’exprimons parfaitement dans notre cérémonie de parrainage civil : c’est le protéger, relativement à sa santé, à sa sécurité et à sa moralité. La vérité, chers collègues de l’opposition, c’est que vous n’aimez pas l’égalité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Mais ce n’est pas possible !

M. Patrick Bloche. Vous refusez de lever les discriminations actuelles dans l’accès au mariage et à l’adoption.

M. Philippe Meunier. C’est vous qui en créez !

M. Patrick Bloche. Qui plus est, vous voulez créer de nouvelles discriminations dans notre droit, en visant cette fois-ci les enfants, selon les familles dans lesquelles ils sont élevés. Cela serait tout à votre honneur de retirer ces amendements indignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. C’est tout de même incroyable de voir les vierges effarouchées… (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Ah ! Je savais bien qu’elles étaient là, les vierges effarouchées.

Vous avez organisé des auditions partisanes ; vous avez refusé le référendum ; leprésident de la commission des lois écrit sur Twitter « Nous allons fixer le rapport des forces » – nous voyons bien à quel point vous êtes désireux de coopérer au Parlement ; et vous avez l’outrecuidance de nous donner des leçons d’égalité et de République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous n’avons pas à recevoir de leçons de tempérance de votre part ! (Mêmes mouvements.)

Voilà le problème qui nous préoccupe : l’article 7 de la Convention de 1989 dispose que…

M. Jean-Jacques Urvoas. Respire !

M. Julien Aubert. Si vous me laissez parler, vous verrez que je respirerai mieux : l’oxygène fait parfois défaut dans ce Parlement ! Il dispose, donc, que l’enfant a droit à un père et à une mère : il ne s’agit donc pas de notre vision étriquée, mesdames et messieurs de la majorité, mais de la conception internationale.

Le problème juridique qui se pose pour vous, c’est de savoir si votre texte est applicable dans le cadre de cette conception internationale de la famille. Et le second problème de fond, c’est que, s’il existe effectivement toutes sortes de familles, je préfère toutefois qu’un enfant ait un père et une mère car je considère que cette configuration est la meilleure pour son épanouissement. Si vous pensez le contraire, mesdames et messieurs, si vous pensez qu’il est préférable de n’avoir qu’un père, de n’avoir qu’une mère, d’avoir deux pères ou deux mères, alors dites-le.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Coupez-le, il faut qu’il respire !

M. Julien Aubert. Il y a là une fracture profonde. Nous pensons tous, sur nos bancs, qu’il vaut mieux, pour l’épanouissement de l’enfant, un père et une mère. Et figurez-vous qu’à votre seule exception, le monde entier le pense aussi : c’est inscrit dans les textes de droit international ! Il est bon de savoir lire – ou alors, il est vraiment grand temps de refonder l’école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1905.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 279

Nombre de suffrages exprimés 279

Majorité absolue 140

Pour l’adoption 77

contre 202

(L’amendement n° 1905 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 284

Nombre de suffrages exprimés 284

Majorité absolue 143

Pour l’adoption 77

contre 207

(Les amendements identiques nos 2085, 2338, 2954, 3049 et 3792 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Le groupe UMP ayant demandé une suspension de séance, la séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en arrivons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1887.

M. Hervé Mariton. Nul n’a de droit à l’enfant. Les droits de créance, quand il s’agit d’objets, sont déjà une manière assez périlleuse de procéder. Ils engagent des créances bien davantage qu’une responsabilité et sont causes de déséquilibres et de désillusions. Le droit au logement, d’autres types de « droits à » en témoignent.

Quand il s’agit du droit à l’enfant, la situation est encore plus périlleuse. L’une des auditions les plus passionnantes que le rapporteur ait organisé fut celle du professeur Hefez qui souligna l’intensité du désir d’enfant chez les couples de personnes du même sexe qu’il recevait dans son cabinet. La description qu’il fit de ce désir d’enfant, profond, sincère, laissait paraître qu’il n’y avait aucune limite à ce désir. Mme la garde des sceaux nous a parfois raillés : on lui parlait de PMA, de GPA, pourquoi pas demain du clonage et du mouvement raëlien ?

Parce que des papiers sont parus dans la littérature scientifique, j’ai évoqué la possibilité d’engendrer un animal à partir de deux animaux du même sexe. L’expérience a été réalisée à plusieurs reprises à partir de 2011 et a fait l’objet d’études très documentées. Des scientifiques ont pu prélever des cellules et les pousser à se reproduire pour obtenir des lignées mâles. Suite à des accidents, une proportion significative de ces lignées mâles se sont développées en perdant le chromosome sexuel Y de leur paire XY. Ces lignées, notées XO, ont pu, avec des chromosomes XY, permettre une nouvelle reproduction.

Ce sont des réalités physiologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Bernard Accoyer. Mais c’est compliqué !

M. Hervé Mariton. Entre le désir d’enfant qu’évoque le professeur Hefez et le droit à l’enfant que propose le Gouvernement, je voudrais juste savoir où se situe la limite.

Vous pouvez sourire, en considérant que ces hypothèses sont improbables, impossibles, qu’elles relèvent du raëlisme. Mais non, madame la garde des sceaux. Elles sont possibles, même si, pour le moment, elles ne concernent que le règne animal. L’homme ou la femme, ce n’est pas la même chose…

Mme Karine Berger. Ah bon ?

M. Hervé Mariton. …mais s’il est possible aujourd’hui d’obtenir une reproduction dans une lignée mâle, que répondrez-vous demain lorsque deux hommes vous réclameront un enfant sur leur propre patrimoine génétique ?

C’est pour cette raison qu’il me semble essentiel de rappeler que nul n’a de droit à l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2089.

Mme Marie-Christine Dalloz. Avant de défendre mon amendement, je voudrais juste rappeler à Mme la ministre des familles…

Mme Sandrine Mazetier. De la famille !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je dis bien : des familles. Je voudrais donc lui rappeler que si un amendement arrive en séance, c’est justement qu’il a été validé par le service de la séance, ce qui signifie qu’il correspond au texte et que nous pouvons nous attendre à ce qu’on nous réponde.

M. Bernard Roman. Encore faut-il que vos amendements concernent le fond du texte : relisez le règlement !

Mme Marie-Christine Dalloz. La modification profonde de la filiation est bel et bien inscrite dans ce texte, même si le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’elle fera l’objet d’un autre texte, d’un autre débat – peut-être aurons-nous d’ailleurs réellement un débat au moment du projet de loi sur la famille. En effet, comme le mariage, la filiation est une notion essentielle du droit de la famille tel que nous le connaissons. Juridiquement, le mariage ouvre droit à l’adoption et demain, au nom de la même égalité qu’aujourd’hui, puisque nous sommes sur ce registre, à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes.

À quand une société imaginée sur le modèle du Meilleur des mondes de Huxley, où un tabou aurait été posé sur les sujets de la viviparité, de la maternité et de la famille ?

Les désirs des individus ne sont pas constitutifs de droits ou de créances sur la société. Toute la partie du code civil relative à la filiation adoptive doit être lue au travers de ce principe d’interprétation et d’application. C’est pour cette raison que je souhaite, par cet amendement, faire inscrire dans un article 342-9 du code civil que nul n’a de droit à l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2335.

M. Nicolas Dhuicq. Nous voici parvenus au moment de la toute puissance, la toute puissance des adultes qui ne peuvent accepter de se construire avec le manque alors que le manque est constitutif de la nature humaine depuis qu’Éros et Thanatos cheminent de conserve grâce à l’invention de la sexualité, qui a pour but un renouvellement plus rapide des générations et la création d’individus dans chaque espèce. Nous voici donc au moment que mes prédécesseurs évoquaient. Mon inquiétude est peut-être extrêmement lointaine. Pour le moment, l’humain ne sait pas fabriquer du sang artificiel. Mais viendra un jour où nous saurons créer des utérus artificiels ! (« Oh là là ! sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Il y a des recherches sur ce sujet ! Ce n’est pas un fantasme !

M. Nicolas Dhuicq. Et là, tous les barrages sauteront, à commencer par celui de l’anonymat du don de sperme et d’ovocyte. Nous ne le verrons peut-être pas de notre vivant mais à terme, vous aurez créé deux humanités.

Dans cette logique infernale il est essentiel qu’ici et maintenant, la représentation nationale de ce pays prenne conscience que le verbe est créateur, que la loi est là non pas pour suivre le réel tel qu’il est, mais pour le façonner, l’accompagner, donner un cadre et des limites. Penser le contraire reviendrait à nier ceux qui sont représentés sur cette tapisserie qui orne l’hémicycle et à qui nous devons d’être ici, nous aussi, en tant que législateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’ai peur de cet avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque l’on franchit les portes de l’éthique, que l’on n’est plus fasciné que par la seule technique, lorsque l’on se laisse dominer par la toute puissance des adultes qui ne supportent pas le manque, c’est un monde orwellien que l’on crée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2942.

M. Jean-Frédéric Poisson. Des députés de la majorité se sont étonnés des perspectives scientifiques qu’évoquait M. Dhuicq. Je les renvoie au livre du professeur Atlan sur l’utérus artificiel, qui date de quelques années. C’est un livre connu…

M. Christophe Borgel. Quel est le rapport avec le débat ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Suivez attentivement et vous le verrez. J’ai deux minutes pour m’exprimer, permettez-moi de les utiliser !

Nous voici arrivés à un moment où les progrès scientifiques rendent possible ce qui était encore inimaginable il y a quelques années. Bientôt, si ce n’est pas déjà le cas, nous pourrons créer artificiellement des enfants. De ce fait, ces êtres créés par des processus industriels ou artificiels pourront être disponibles à toute volonté ou à toute forme de désir.

Plusieurs députés SRC. Et le texte ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais j’y arrive, mes chers collègues, ne soyez donc pas si impatients.

Puisque la situation évolue et que nous avons aussi la responsabilité d’y adapter notre droit – c’est ce que nous entendons régulièrement depuis hier matin – il est devenu parfaitement nécessaire de déclarer solennellement que nul ne peut être considéré comme ayant un droit à l’enfant. Tel est le sens de cet amendement.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. On atteint le fond.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3046.

M. Patrick Hetzel. Pour qu’une société perdure, les citoyens doivent accepter de contenir leurs désirs. C’est à la loi de poser les limites à ce que chacun veut.

Il est clair que le droit à l’enfant nie le droit de l’enfant. Un certain nombre d’entre vous, notamment les plus raisonnables, s’accordent pour accorder la primauté au droit de l’enfant. Si vous êtes d’accord avec cette idée fondamentale, vous devez accepter d’inscrire dans la loi qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura pas, de droit à l’enfant.

Or, c’est précisément ce que propose cet amendement de raison, qui permet de clarifier les choses. Vous prétendez que nous nous trompons, vous nous accusez de vous faire un procès d’intention en considérant, à tort, que vous voudriez créer un droit à l’enfant. Dans ce cas, soyons explicites et inscrivons dans le texte qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura pas, de droit à l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3364.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement tend à préciser que nul n’a de droit à l’enfant. Or, nous venons de le rappeler, les couples de personnes de même sexe ont très souvent un désir très fort d’enfant, parfaitement compréhensible et respectable. Il appartient à la société, au législateur, d’accorder la priorité au droit de l’enfant et de ne pas céder à ce fantasme, cette attente, ce désir, même s’il est compréhensible.

Et c’est bien là toute la problématique dont nous débattons et qui, madame la ministre chargée de la famille, a toute sa place au cœur de ce débat.

Ce projet de loi ne parle jamais de l’enfant. C’est à l’opposition que l’on doit d’avoir ouvert la question centrale des droits sacrés de l’enfant, à l’opposition seule, sous les quolibets et les critiques incompréhensibles du Gouvernement, et pas de n’importe quel membre du Gouvernement, du ministre de la famille ! Cela est extrêmement surprenant.

Je constate, madame la ministre chargée de la famille, que vous êtes plus occupée à consulter votre portable qu’à écouter le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est votre choix. Mais je me souviens d’une ministre qui vous a précédée il y a plusieurs législatures et qui, elle, lisait un roman policier sur ses genoux. Cela s’est mal terminé pour elle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Revenons au sujet qui nous occupe, car il est d’une gravité majeure.

Vous-même, madame la ministre déléguée, vous avez dit que ce texte ne créait pas de situation nouvelle. Bien sûr que si ! Dès lors que le mariage sera autorisé pour deux personnes de même sexe, nous serons dans une situation nouvelle parce qu’il y aura évidemment des enfants qui vivront deux mères ou deux pères. C’est une situation totalement nouvelle qui sera légalisée. Elle existe aujourd’hui, mais elle n’est pas la règle, alors que vous voulez en faire la règle pour demain.

Dans ces conditions, nous devons accorder la priorité absolue au droit à l’enfant. C’est pour cette raison que nous ne devons en aucun cas omettre de rappeler dans le texte cette spécificité : « Nul n’a de droit à l’enfant. » (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°3444.

M. Philippe Gosselin. Pour nous mettre en jambes, je voudrais revenir sur les propos de Patrick Bloche. Je le cite : « Les termes de « père » et « mère » sont des termes désormais ambigus ». Il est intéressant de le souligner ! C’est sans doute la même ambiguïté qui pousse notre collègue Mazetier à demander la suppression…

M. Patrick Bloche. Quand ai-je dit cela ?

M. Philippe Gosselin. Tout à l’heure dans votre intervention, mon cher collègue !

M. Patrick Bloche. Non !

M. Philippe Gosselin. Si ! Vous pourrez vérifier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Gosselin, parlez-nous de votre amendement !

M. Philippe Gosselin. C’est sans doute de la même veine que notre collègue Mazetier sur les écoles maternelles ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Un peu de calme, chers collègues !

M. Philippe Gosselin. Petit rappel à l’ordre sur les rangs de la majorité…Merci, monsieur le président, d’être le défenseur acharné des droits de l’opposition ! Nous vous en sommes reconnaissants. Vous pouvez l’applaudir, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Vous voulez me griller ? (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. La voie de la rédemption est proche, monsieur le président ! (Même mouvement.)

Le Préambule de la Constitution de 1946 reconnaît aux citoyens des droits et des créances sur la société. Cela ne prote pas sur l’enfant. Nous sommes en train de nous lancer dans une politique de l’enfant à tout prix, en confondant droits de l’enfant et droit à l’enfant. Pour essayer de vous donner une formule brève, qui peut éventuellement faire réagir, autant je comprends qu’il y ait un DALO – un droit au logement – autant je récuse particulièrement le DALE – le droit à l’enfant !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°3524.

M. Xavier Breton. Cet amendement devrait aller de soi. Qui, parmi nous, va voter contre un tel amendement : « Nul n’a de droit à l’enfant » ?

La vraie question est : pourquoi est-on obligé de l’inscrire dans la loi ?

D’abord, il y a des avancées technologiques qui nous obligent à anticiper et à dire expressément, face au délire technologique, qu’il n’y a pas de droit à l’enfant.

Puis, le texte propose l’ouverture d’un droit à la filiation via l’adoption, qui va, au titre de ce principe d’égalité qui vous aveugle, conduire à la procréation médicalement assistée pour convenance – et non plus pour raison médicale – et qui, toujours en raison du principe d’égalité, conduira à la gestation pour autrui, laquelle est contraire à la dignité de la femme.

Il est donc indispensable que nous ayons ce mot d’ordre très fort, que nous adressons à toute la société : « Nul n’a de droit à l’enfant ». Encore une fois, qui va voter contre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons beaucoup entendu les opposants à ce texte parler du droit à l’enfant. Mais c’est un slogan, pas une réalité sociale ni juridique.

Parlons d’abord de l’adoption, puis j’évoquerai les risques scientifiques, ou plutôt les progrès qui pourraient venir et que vous avez évoqués.

Vous connaissez, pour beaucoup d’entre vous, les procédures extrêmement longues qui constituent un véritable parcours du combattant, expression souvent reprise par les parents qui engagent une démarche d’adoption. Il faut d’abord un agrément, puis il faut passer par une phase d’apparentement. Il y a ensuite un jugement du tribunal de grande instance. À chaque étape, il y a une véritable analyse de la situation de l’enfant, bien sûr, mais surtout de celle des familles qui demandent l’agrément. Au final, le dossier de l’enfant, dans une démarche d’apparentement, est mis, par le conseil de famille, en regard des dossiers de plusieurs familles. L’apparentement se fait à ce moment-là. Un enfant en face de plusieurs familles.

Donc, le droit à l’enfant n’existe pas dans notre droit et il n’y a aucune crainte de le voir se développer.

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

M. Erwann Binet, rapporteur. Bien sûr que non.

Quant au progrès scientifique, j’ai découvert beaucoup de choses avec vous sur les possibilités de notre science.

M. Philippe Gosselin. C’est que vous êtes mal informé !

M. Erwann Binet, rapporteur. Sans doute…Mais je veux vous rassurer s’agissant de la parthénogenèse et des utérus artificiels auxquels a fait allusion M. Mariton. Le jour où il y aura effectivement un risque de voir ce processus entrer en application n’est pas encore arrivé. Il ne s’agit que d’expériences.

M. Philippe Gosselin. Légiférer, c’est anticiper !

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article L 211-1 du code de la santé publique obligera à faire des états généraux de la bioéthique, car il oblige, lorsqu’une évolution scientifique touche à une question sociale, à l’organisation d’états généraux de la bioéthique. Cela me permet aussi de répondre sur le fait que l’ouverture de la PMA aux couples de personnes de même sexe ne relève pas d’états généraux de la bioéthique parce que la PMA est une technique scientifique éprouvée qui existe dans notre pays.

En l’occurrence, lorsque les utérus artificiels et la parthénogenèse entreront dans le domaine du possible, cela justifiera de réunir des états généraux de la bioéthique. Peut-être déciderez-vous alors si, oui ou non, il est possible de donner un accord au développement de ces techniques, comme vous l’avez fait sur le clonage après que les expériences sur les animaux ont été probantes dans notre pays – vous vous rappelez sans doute Dolly.

Parce que le droit de l’enfant n’existe pas dans notre droit, la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Sur les amendements identiques n°s1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3444, 3524, je suis saisi par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous rassure, monsieur Accoyer, les femmes peuvent faire deux choses en même temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’insiste sur ce qu’a indiqué Erwann Binet. « Nul n’a de droit à l’enfant » : c’est déjà vrai en droit français en raison de la primauté de l’intérêt de l’enfant.

M. Patrick Hetzel. Vous avez dit le contraire tout à l’heure !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous êtes dans cette logique, il faut aller jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’il faut aussi déposer un amendement qui vise à supprimer purement et simplement la procréation médicalement assistée.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !

Mme Marie-George Buffet. Absolument !

M. Bernard Accoyer. Et les couples stériles ?

M. le président. Monsieur Accoyer, laissez parler Mme la ministre !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Reconnaissez-le, selon les cas, vous parlez de désir d’enfant ou de droit à l’enfant ! Vous voudrez bien m’expliquer la différence ! C’est pourquoi je vous le dis, si vous allez dans cette logique, allez jusqu’au bout et supprimez la procréation médicalement assistée !

Vous rendez un très mauvais service aux familles qui ont eu recours à la procréation médicalement assistée. Si elles vous entendent, elles doivent se sentir profondément atteintes dans la mesure où vous semblez ne pas respecter leur désir d’enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bernard Accoyer et M. Philippe Gosselin. Mais non !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est la même chose pour les familles qui ont adopté.

Vous ne voulez pas vous interroger sur la signification du désir d’enfant, c’est-à-dire le désir de transmettre des valeurs, un héritage familial, culturel et intellectuel. Je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué ces questions au moment où nous travaillions sur les lois bioéthiques et que vous en parliez précisément au moment où nous débattons de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Les masques sont en train de tomber ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur Mariton, vous avez déclaré en février 2011, lors des états généraux de la bioéthique – vous voyez, j’ai de bonnes lectures : « La première de ces questions est celle de la parentalité ; est-elle biologique ou sociale ? Le politiquement correct conduit à affirmer qu’elle n’est que sociale. Pour ma part, je ne dirai pas qu’elle n’est que biologique. Je pense qu’elle est les deux à la fois. »

M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Quelle conclusion en tirez-vous ?

M. le président. la parole est à Mme la garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je trouve l’exercice assez déconcertant. Vous inventez un droit à l’enfant à partir de rien et vous demandez maintenant que soit inscrite dans le droit l’interdiction du droit à l’enfant.

Sur quoi est fondé ce droit à l’enfant ? Aucun d’entre vous ne sera en mesure de l’illustrer, de l’argumenter, d’en donner des références juridiques, administratives ou réglementaires. Vous n’avez aucun élément ni de droit interne ni de droit international qui illustre le droit à l’enfant. Vous inventez un droit à l’enfant et vous demandez qu’on inscrive dans le droit l’interdiction de votre invention…C’est plutôt singulier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Gosselin, l’opposition ne cesse de se poser en chantre de la défense de l’enfant. Vous savez l’estime que j’ai pour vous, car nous avons eu l’opportunité de travailler sur divers sujets durant la dernière législature et j’ai pu apprécier la qualité du travail que vous fournissiez et votre implication dans les rapports dont vous vous êtes chargé.

Si je précise cela…

M. Philippe Gosselin. Pour mieux me flinguer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour vous dire que j’ai été extrêmement surprise de l’analogie hasardeuse et regrettable que vous avez faite entre l’enfant et le logement. Vous avez voulu faire un mot d’esprit, mais franchement, depuis trois jours que vous prétendez être les chantres, les défenseurs des enfants, vous permettre des plaisanteries de ce niveau…Je pense que vous aurez l’élégance de le regretter.

M. Philippe Gosselin. En effet.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président Accoyer, vous nous expliquez que c’est l’opposition qui a fait prendre l’enfant en considération. Le Gouvernement ne se préoccupe pas de considérations générales, il se soucie des droits de l’enfant, spécifiques, singuliers, particuliers, des intérêts de l’enfant, spécifiques, singuliers, particuliers. En effet, le Gouvernement ne fait pas de grands développements philosophiques sur l’enfant, il s’appuie sur le droit ! Ce texte ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe fait accéder l’enfant à l’adoption en lui offrant en droit un deuxième parent. Ce texte défend donc très concrètement les droits de l’enfant singulier, celui qui est dans les familles monoparentales et qui, en cas de difficulté, se retrouve sans parent. C’est cet enfant-là que protège le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste)

Je suis par ailleurs assez étonnée de votre exaltation pour des règles et des lois que l’on croyait révolues. J’ai l’impression que vous faites revenir avec vénération et fascination les lois naturelles, revenant au temps de Lamarck et de l’évolutionnisme, de Mendel et de ses fameuses lois. Vous avez la fascination du naturel, du biologique et de la génétique ! Il y a longtemps qu’on n’avait plus entendu cela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Il y a longtemps que les Lumières ont imprégné la réflexion philosophique et scientifique ! Il y a longtemps que l’on sait ce qu’est l’environnement social et culturel ! Et vous, vous en êtes encore à la révérence et à la vénération des lois de Mendel, qui travaillait sur les pois ! (Les députés des groupes SRC, GDR et écologiste se lèvent et applaudissent longuement)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Quel talent, madame le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel talent mal employé ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Philippe Gosselin. Le soulagement est de courte durée !

M. Hervé Mariton. Vous nous dites que l’expression « droit à l’enfant » n’a aucun sens. Votre collègue et le rapporteur nous ont dit tout à l’heure qu’il n’y a pas de différence entre le droit à l’enfant et le désir d’enfant. Il faudrait savoir si ça ne veut rien dire ou si ça veut dire quelque chose, synonyme à l’appui !

M. Bernard Roman. Elle n’a pas dit que ça ne voulait rien dire !

M. Hervé Mariton. J’ai écouté le rapporteur avec beaucoup d’attention. Il nous a dit qu’au fond il n’y a pas de problème, le droit à l’enfant étant satisfait. Est-ce donc une ineptie ? Une invention ? est-il satisfait ? On ne sait plus très bien. Il nous a dit qu’il n’y a pas de problème car les tribunaux protègent l’enfant et règlent un certain nombre de situations. Voilà qui est fort intéressant ! Les enfants dont nous parlons de manière très opérationnelle, comme vous le dites très justement, madame la ministre, ceux-là mêmes qui vivent aujourd’hui dans des couples de même sexe, peuvent faire l’objet d’une délégation ou d’un partage de l’autorité parentale ou encore d’une adoption testamentaire. Quel est l’objet du projet ?

M. Bernard Roman. L’égalité !

M. Hervé Mariton. C’est d’introduire une démarche systématique plutôt que prendre le risque de l’intervention du juge.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Et pourquoi ? Parce qu’il arrive en effet, en matière de partage, de délégation et d’adoption testamentaire, que le juge n’aille pas exactement dans le sens du partenaire. Mais peut-être y a-t-il une raison à cela, liée à la protection de l’enfant ? Si le rapporteur a raison, il faut alors considérer que nul n’a le droit à l’enfant et que votre projet est totalement inutile et même dangereux, car il va à l’encontre de la protection de l’enfant que le juge accorde parfois utilement et nécessairement aujourd’hui.

Enfin, nous ne méconnaissons pas la science, madame le ministre. Nous savons qu’elle peut conduire à l’assistance médicale à la procréation et à la GPA, qui ne sortent pas de mon imagination – j’en ai très peu. Acceptez s’il vous plaît que nous posions ces questions, tout en reconnaissant votre immense talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Merci, monsieur le président. Je voudrais dire à ceux de nos collègues de l’opposition qui croient à l’enfer qu’il est souvent pavé de bonnes intentions. Il n’y a pas, dans ce pays, de droit à l’enfant. Les seuls qui se battent pour le droit à l’enfant, ce sont les commandos anti-IVG qui s’enchaînent régulièrement devant les cliniques et les hôpitaux, faisant obstacle à un droit qui existe vraiment dans ce pays !

M. Hervé Mariton. L’enfer fait-il partie du code civil ?

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais aussi vous dire que les débats que nous menons vous emportent bien loin. Je voudrais vous alerter, mes chers collègues de l’opposition, sur la portée des amendements que certains vous font défendre et que vous ne mesurez pas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Et la suppression d’« école maternelle » ?

Mme Sandrine Mazetier. Dire que l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès du père et de la mère dont il est né, ce sont des choses qu’on ne dit plus dans notre pays depuis plus d’un siècle ! La priorité biologique, cela fait bien longtemps que c’est fini !

M. Hervé Mariton. Arrêtez de faire la police du vocabulaire !

Mme Sandrine Mazetier. L’intérêt supérieur de l’enfant est ailleurs. Il aurait dû vous amener à dénoncer Civitas et les amis du professeur Lejeune, qui faisaient prier des petits enfants l’autre soir à 22 heures dans la rue, sous la pluie. Des photos en témoignent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Puisqu’on en est à dénoncer, nous avons ici une collègue qui cherche à lutter contre tous les stéréotypes de genre et veut nous voir supprimer du vocabulaire le terme d’« école maternelle », au motif qu’il serait infantilisant et trop proche de la garderie. Excusez-moi, mais chacun ses valeurs et je préfère encore les miennes aux vôtres ! Ça commence à bien faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas leçons à recevoir ! Nous ne sommes pas ici dans une enceinte religieuse avec Civitas ou je ne sais qui, nous sommes des élus de la République et nous nous exprimons dans une enceinte républicaine ! Nous le sommes tous ici ! Occupez-vous de vos troupes, nous nous occuperons des nôtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour revenir au sujet qui nous occupe, le rapporteur nous dit qu’il n’y a aucune difficulté. Très bien, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Meunier. Il n’est pas là !

M. Philippe Gosselin. Si, il a pris place pour aller voter. Il est juste en face de moi, je l’ai dans le collimateur ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Provocation !

M. Philippe Gosselin. Ça n’a rien d’infamant ! Quand j’aurai besoin de m’adresser à vous, monsieur Galut, je le ferai en toute simplicité. Le rapporteur, donc, pas même nommé en commission des lois, publiait avec une collègue une tribune dans Libération dans laquelle il disait que le projet de loi est évidemment lié à la PMA. Nous ne l’avons pas inventé ! Mme Marisol Touraine a dit la même chose ! Trois autres ministres, dont certains sont venus faire de la figuration cet après-midi, nous ont affirmé la même chose ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)Et vous…

M. le président. Merci. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Merci, monsieur le président. Nous voterons bien sûr contre ces amendements. Je vais reprendre ce que disait tout à l’heure la garde des sceaux, avec moins de talent, ainsi que ma collègue Sandrine Mazetier.

M. Pierre Lequiller. Fayot !

M. Olivier Dussopt. Vous devez avoir conscience qu’avec les amendements que vous nous avez présentés tout à l’heure, vous avez remis au goût du jour et voulu inscrire dans notre droit la supériorité de la filiation biologique, que plus personne ne revendique depuis des décennies, sans même vous rendre compte de la récession que vous vouliez imposer par là à la société et au droit de la famille.

M. Patrick Ollier. La régression !

M. Patrick Hetzel. Belle maîtrise du français !

M. Olivier Dussopt. Avec l’amendement que vous nous présentez à l’instant, nul n’a de droit à l’enfant. Vous voulez intégrer cette phrase en tête du chapitre du code civil consacré à la filiation adoptive. Personne n’avait jamais imaginé que ce chapitre puisse débuter par un tel carcan ! Mais derrière la volonté d’ouvrir ainsi le chapitre sur la filiation adoptive et de rendre à la filiation biologique une supériorité sur les autres, il y a autre chose. Nous avons voté l’article 1er sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et vous savez pertinemment que l’adoption est autorisée aux couples mariés. Le vote de l’article 1er a donc pour conséquence l’accès de ces couples à l’adoption.

M. Philippe Gosselin. C’est bien le problème !

M. Olivier Dussopt. Vous livrez depuis une bataille de procédure, guérilla dont l’unique objectif est de faire entrer dans notre droit positif des phrases, des alinéas et des ajouts limitant l’accès à la parentalité et à la filiation du plus grand nombre de couples, en particulier des couples homo parentaux. Et ce pour une seule raison : votre incapacité chronique à ne pas voir ces familles et ces enfants en vous cachant derrière la protection et le droit de l’enfant. En réalité, en empêchant la reconnaissance de ces filiations et de cette parentalité, en répétant à l’envi que la filiation biologique est supérieure, vous faites en sorte que ces enfants soient en réalité bien moins protégés que les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3 444 et 3 524.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 284

Nombre de suffrages exprimés 280

Majorité absolue 141

Pour l’adoption 72

contre 208

(Les amendements n° 1887, 2089, 2335, 2942, 3046, 3364, 3444, 3 524 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Merci, monsieur le président, de m’accorder ce rappel au règlement sur le fondement de l’article 58.1. Il concerne très précisément le bon déroulement de nos travaux. Celui-ci suppose que des orateurs ne se prêtent pas entre eux des propos qu’ils n’ont pas tenus.

M. Hervé Mariton. C’est un fait personnel, ça !

M. Philippe Gosselin. Et c’est normalement en fin de séance !

M. Patrick Bloche. Vous m’avez prêté tout à l’heure, monsieur Gosselin, des propos que je n’ai tenus à aucun moment. Je comprends que ce que nous disons vous dérange et que la dénonciation de ces amendements que nous jugeons mauvais vous gêne, mais ce n’est pas une raison pour me prêter des propos que je n’ai pas tenus ! Je n’ai dit à aucun moment que les mots « père » et « mère » sont ambigus. Sur les bancs de la gauche, nous aimons les termes « père » et « mère », et même doublement puisque nous voulons que des enfants élevés par deux pères ou deux mères soient sécurisés par ce projet de loi au nom même de l’intérêt supérieur de l’enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4506.

Mme Annie Genevard. Merci, monsieur le président. Vous avez dit à plusieurs reprises, mesdames les ministres, que nous activons des peurs. Nous ne les activons pas, nous exprimons les peurs que ressent aujourd’hui la population. Les Français ne sont pas stupides. Ils savent qu’il y a moins d’enfants adoptables que de couples désireux d’en adopter. Ils craignent confusément qu’on ne joue aux apprentis sorciers avec la nature.

C’est pourquoi je propose d’insérer, avant l’article 1er bis, un article visant à insérer, après l’avant-dernier alinéa de l’article 16-4 du code civil, un alinéa ainsi rédigé : « Est pareillement interdite toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe ».

Cet alinéa est destiné à renforcer l’interdiction de remettre en cause le caractère sexué de la reproduction humaine. Un enfant est nécessairement issu d’un homme et d’une femme, et la loi doit garantir que cette nécessité ne sera jamais remise en cause. Cette disposition renforcera ainsi l’interdit exprimé par l’alinéa 3 sur le clonage, en l’étendant à toute autre forme de technique de reproduction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. J’ai été assez surpris par une phrase de votre exposé des motifs, madame Genevard, celle selon laquelle « ce projet porte en germe une atteinte irréversible à l’intégrité de l’espèce humaine ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne comprends pas vraiment, ou je n’ose comprendre ce que vous sous-entendez ainsi. Vous proposez d’introduire la phrase suivante : « Est pareillement interdite toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe. » Mais la seule façon de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe, ou issu d’une seule personne, c’est le clonage, une technique aujourd’hui interdite par le droit français et réprimée en tant que crime contre l’espèce humaine en vertu des articles 214-1 et 215-4 du code pénal. Autrement dit, votre amendement est inutile, c’est pourquoi la commission y est défavorable.

M. le président. Sur l’amendement n° 4506, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vais être brève, monsieur le président…

M. Charles de La Verpillière. Quel dommage !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous souhaitez interdire toute intervention ayant pour but de concevoir un enfant issu de deux personnes de même sexe. Si vous voulez parler d’un enfant issu biologiquement, c’est-à-dire de gamètes de personnes de même sexe, vous évoquez une possibilité qui n’existe pas encore techniquement. Si elle existe un jour, nous verrons s’il convient d’appliquer l’article L14-12-1-1 du code de la santé publique, qui prévoit un débat public sous forme d’états généraux pour « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ». Nous sommes, pour le moment, tout à fait hors du champ prévu par cet article. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 4506.

M. Marc Le Fur. Faire la loi, ça ne consiste pas à dire : « on verra » !

M. Pierre Lequiller. Cela aurait été bien de les faire, ces états généraux !

M. Bernard Roman. C’est ridicule, c’est vous-mêmes qui avez voté cette disposition !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors que nous débattons d’un texte sur le mariage et l’adoption, l’opposition ne cesse de parler, depuis trois jours, de la PMA et la GPA. Le clonage, annoncé par M. Fenech ce matin, vient désormais lui aussi enrichir nos débats. Cela étant, le clonage étant déjà interdit en droit français, je ne vois pas l’intérêt de l’amendement n° 4506.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la garde des sceaux, j’aimerais vous exprimer ce que j’ai ressenti lorsque, présente en commission des lois, j’ai entendu que l’on débattait de la question de la double empreinte génétique féminine d’un enfant – un concept dont j’ai d’abord cherché à comprendre le sens. Le simple fait que cette question se trouve posée en commission des lois indique que l’on n’est plus dans une projection surréaliste : les questions de ce type se posent déjà, et je ne vois pas pourquoi il ne serait pas légitime de les anticiper en cherchant à protéger l’espèce humaine de possibilités technologiques qui, même si elles n’existent pas encore, pourront peut-être exister un jour.

La formulation très générale de l’alinéa que je propose permet de prendre en compte les recherches qui pourraient être menées dans le but d’explorer toutes les possibilités techniques de concevoir un enfant en s’affranchissant des lois naturelles.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. La politique-fiction appliquée à la science-fiction donne sans doute lieu à de très intéressantes séries télévisées, mais je ne suis pas sûre que notre hémicycle soit le lieu qui convient pour discuter de ces choses. Comme les ministres et le rapporteur l’ont déjà souligné, nous disposons déjà de lois de bioéthique prévoyant la tenue d’états généraux dans le cas où de futures évolutions de la science le nécessiteraient. Je vous suggère par conséquent de vous appliquer vos propres conseils en la matière.

Pour ce qui est des techniques existant déjà, je répète que, pour nous, si la procréation médicalement assistée a effectivement un lien direct avec ce texte, elle sera mieux traitée dans le cadre d’un prochain projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles de La Verpillière. Ben voyons !

Mme Corinne Narassiguin. Comme le rapport Leonetti l’indique lui-même, c’est dans le cadre d’un projet de loi sur la famille que l’on traitera le mieux de la question de l’accès à la procréation médicalement assistée.

Enfin, pour ce qui est de la gestation pour autrui, je veux essayer de mettre fin à la discussion qui s’est engagée, même si je doute un peu de ma capacité à vous convaincre.

M. Philippe Gosselin. Effectivement, ce n’est pas gagné !

Mme Corinne Narassiguin. Je ne parviens pas à comprendre comment, alors que vous vous érigez en porte-parole féministes des éventuelles mères porteuses du monde entier, vous vous permettez de mettre à égalité la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

M. Philippe Gosselin. Nous ne les mettons pas à égalité ! Nous avons toujours bien distingué les deux !

Mme Corinne Narassiguin. Comment pouvez-vous prétendre qu’être un donneur de sperme anonyme et porter un enfant pendant neuf mois pour quelqu’un d’autre revienne au même ? (« Nous n’avons jamais dit ça ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est bien vous qui mettez ces deux techniques sur un pied d’égalité, tandis que nous ne cessons de répéter qu’il n’y a aucune équivalence éthique et morale entre les deux.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Corinne Narassiguin. C’est bien pour cela que la gestation pour autrui est interdite en France et que, si nous voulions un jour y réfléchir, comme le propose par exemple le sénateur Milon, nous devrions passer par la tenue d’états généraux.

M. Philippe Cochet. Ce projet de loi, c’est une fusée à étages !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 4506.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 263

Nombre de suffrages exprimés 263

Majorité absolue 132

Pour l’adoption 69

contre 194

(L’amendement n° 4506 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1594.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, je voudrais d’abord revenir un instant sur l’excellent rappel au règlement fait par M. Bloche tout à l’heure. Nous estimons également qu’il ne sied pas, dans cet hémicycle, de prêter aux orateurs du groupe d’en face des propos qu’ils n’ont pas tenus. Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Narassiguin, nous n’avons jamais considéré qu’il convenait d’établir une stricte équivalence entre l’assistance médicale à la procréation et les mères porteuses.

Mme Annick Lepetit. Vous n’arrêtez pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce que nous disons, c’est qu’en déclinant comme vous le faites le principe d’égalité, sans tenir compte des limites qui lui ont été apportées par la jurisprudence constitutionnelle, votre texte conduira mécaniquement à ce que la gestation pour autrui soit prochainement possible. Si c’est votre droit de ne pas être d’accord avec la perspective de cet enchaînement, c’est également notre droit, et même notre devoir, que de vous alerter sur ce sujet.

C’est pourquoi l’amendement n° 1594, que j’ai l’honneur de vous présenter, vise à poser une sécurité supplémentaire dans l’hypothèse où des couples homosexuels composés de deux hommes voudraient recourir à la gestation pour autrui pour accueillir un enfant. Il précise ainsi que la GPA est impossible « aux couples de personnes de sexe différent et aux couples de personnes de même sexe. »

M. Bernard Roman. C’est déjà dans le droit !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n°2715.

M. Philippe Gosselin. Je tiens à redire, moi aussi, qu’à aucun moment, nous n’avons mis sur le même plan la PMA et la GPA. Le premier cas correspond à la possibilité, pour des couples stériles, de recourir à une assistance médicale à la procréation – une possibilité tout à fait légitime. Le débat n’a pas été rouvert aujourd’hui et il n’y a, de notre point de vue, aucune stigmatisation des 50 000 enfants dont Mme Buffet a parlé hier, en des termes auxquels je m’associe pleinement.

Il y a en revanche, en ce qui concerne la gestation pour autrui, une ambiguïté qui, du reste, ne concerne pas uniquement les couples homosexuels – sans doute, d’ailleurs, les premiers couples demandeurs de GPA seraient-ils des couples hétérosexuels. Si nous n’avons jamais dit le contraire, le débat que nous avons ouvert aujourd’hui avec le mariage et la filiation pose à nouveau l’ensemble des questions relatives à la filiation. On voudrait nous convaincre que le projet de loi qui nous est présenté peut être totalement séparé de ses implications. La GPA est peut-être un fantasme, mais la circulaire dont nous parlons existe bien. De même, le sénateur Alain Milon a rédigé un rapport relatif à la maternité pour autrui – dont nous ne sommes pas solidaires, je le précise, ses propos n’engageant que lui.

Si vous voulez nous montrer que vous êtes, vous aussi, totalement opposés à la GPA, il vous suffit de voter les amendements que nous vous proposons ; l’ambiguïté est bien là : vous vous arc-boutez sur une dénégation, sans donner aucune preuve de la fermeté de votre conviction. Or, votre position est loin d’être claire, puisque des responsables importants, voire des membres du Gouvernement, ainsi que M. le rapporteur, ont fait des déclarations publiques constituant un faisceau d’indices qui nous conduit à douter sérieusement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3405, pour soutenir l’amendement n°3405.

M. Hervé Mariton. Depuis plusieurs jours, le Gouvernement multiplie les dénégations au sujet de la GPA. Eh bien, prenons le Gouvernement au mot ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

J’ai entendu parler tout à l’heure d’amendements qui sentaient mauvais. À côté de cela, vous conviendrez que proposer un amendement visant à prendre le Gouvernement au mot et le Président de la République à la lettre – je pense au courrier qu’il a adressé au président Jacob – n’a rien de déplacé.

M. Charles de La Verpillière. Précisons qu’il s’agit de la lettre du jour, puisque cela change sans arrêt !

M. Hervé Mariton. Quand vous dites ne pas vouloir de la GPA, nous voulons vous croire, mais c’est en votant notre amendement que vous seriez vraiment crédibles. À l’inverse, si vous n’acceptez pas cet amendement, c’est qu’il y a un loup !

Les choses sont assez simples : si, aujourd’hui, l’article 16-7 du code civil interdit la gestation pour autrui, il existe cependant un risque de sollicitations nouvelles, de pressions, dans l’avenir. Pour marquer sa fermeté au-delà des positions prises par certains membres du Gouvernement – je pense à M. Vidalies, M. Valls, Mme Filippetti, Mme Vallaud-Belkacem –, le Gouvernement, encouragé par le Président de la République, pourrait accepter cet amendement qui a le mérite de mettre les points sur les « i ».

Madame la ministre, si vous voulez vraiment couper court à ce que vous considérez être une suspicion infondée de notre part, vous avez là une très bonne occasion de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission émet évidemment un avis défavorable, puisque contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Mariton, il n’est pas nécessaire, de marquer une fermeté. La gestation pour autrui est déjà très clairement entravée dans notre droit.

M. Philippe Gosselin. Elle n’est pas entravée !

M. Erwann Binet, rapporteur. Elle est entravée par le code civil, par le code pénal et par la Cour de cassation, qui refuse la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui. Il est inutile de prévoir une nouvelle entrave au travers de ce texte, dont l’objet, me semble-t-il – mais peut-être n’est-ce pas votre opinion – n’est pas lié de manière évidente avec ce sujet.

M. Christian Jacob. Deux précautions valent mieux qu’une !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans doute que dans la sagesse quotidienne, deux précautions valent mieux qu’une, monsieur Jacob. Mais en droit, s’agissant des règles d’ordre public, une précaution suffit parce qu’elle est absolue.

M. Hervé Mariton. Pourquoi avez-vous ajouté le terme « exclusif » tout à l’heure, dans ce cas ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’une disposition non pas particulière mais d’ordre public : l’article 16-7 du code civil s’applique à tous, il ne peut y être prévu aucune dérogation, aucune !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tournez-la page du code, monsieur Mariton ! C’est inscrit à l’article 16-9 du code civil !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En indiquant qu’une telle règle s’applique à tous les couples, on introduirait une tautologie, une précision superfétatoire. Le droit répond déjà à votre demande.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je veux bien écouter les explications de Mme la ministre ou de M. le rapporteur. Toutefois, madame la ministre, convenez qu’avec votre circulaire autorisant la transcription à l’état civil, une brèche a été ouverte !

Mme Annick Lepetit. Mais non !

M. Christian Jacob. De fait, pour transcrire un acte de naissance étranger à l’état civil français, on cherche à connaître la manière dont la filiation a été établie ; dès lors que l’on autorise la transcription pour les enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui, on reconnaît implicitement celle-ci. C’est la raison pour laquelle cet amendement est nécessaire : il permet de sécuriser le droit français sur un point qui, du moins je le croyais, faisait consensus. Je constate toutefois que l’accord est loin d’être unanime, sinon pour quelle raison refuseriez-vous cet amendement ?

M. Bernard Roman. Parce que c’est déjà interdit !

M. Christian Jacob. Si nous sommes d’accord sur le fond, soyons-le sur la lettre et acceptez cet amendement.

M. le président. Sur les amendements nos 1594, 2715 et 3405, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Jacob, je vous remercie de m’interroger à nouveau sur la circulaire ; j’ai déjà expliqué son contenu douze fois, mais je le fais à nouveau de bonne grâce.

Permettez-moi simplement de vous faire observer ceci : alors que je l’avais déjà expliqué six fois dans cet hémicycle, vous m’avez à nouveau interrogée et vous avez postulé qu’un certificat de nationalité française octroyait la nationalité. Il se trouve que non, monsieur le ministre Jacob : le certificat atteste de la nationalité, laquelle est établie en amont, auparavant.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Répondez à ma question !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous passez votre temps à nous dire que le Gouvernement ne répond pas. Il m’a paru utile de vous rappeler que, après avoir répondu six fois, vous m’objectez que le certificat de nationalité française octroie la nationalité. J’explique donc une fois encore.

M. Christian Jacob. Écoutez la question !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Écoutez la réponse : puisque le certificat de nationalité française n’octroie pas la nationalité, cela signifie qu’une circulaire demandant la délivrance sur une nationalité établie de certificats qui sont dus dans tous les cas…

M. Christian Jacob. Il y a une recherche de la filiation ! Il y a un constat de filiation ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …où la filiation paternelle est constatée ou vérifiée ne le fait pas. Et c’est elle… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, vous pouvez être en désaccord avec les ministres qui vous répondent, mais laissez-les au moins aller au bout de leur raisonnement.

Vous avez la parole, Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La filiation paternelle est établie et le consulat effectue les vérifications énoncées dans l’article 47 du code civil pour en attester la validité. Une fois celle-ci confirmée, l’enfant se voit octroyer la nationalité française au titre de l’article 18 du même code. Dans ces cas précis, le consulat transcrit l’acte d’état civil étranger.

M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il arrive qu’il ait un doute. Entre 2008 et 2011,…

M. Christian Jacob. Mais comment la filiation est-elle établie ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …l’ensemble des consulats ont eu des doutes sur 44 dossiers. Après que le parquet a été saisi, le procureur a confirmé les doutes sur 38 dossiers.

M. Christian Jacob. Des enfants nés par GPA !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a eu refus de transcription dans le registre d’état civil. Quant à ma circulaire, monsieur Jacob, elle ne dit pas qu’il faut transcrire mais simplement qu’il faut délivrer le certificat de nationalité puisque l’enfant est français. Ne prétendez donc pas que nous reconnaissons la GPA !

M. Christian Jacob. Mais si !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais comment on appelle ce comportement dans les classes maternelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Nous sommes dans une situation assez incroyable. L’article 16-7 interdit fermement la GPA : « Toute convention portant sur la création ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. »

M. Christian Jacob. Pour l’instant !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. En France, un vieil adage dit : « Qui trop embrasse mal étreint. » Vos fantasmes attestent de leur stérilité. Vous êtes pathétiques dans votre façon de vouloir toujours en rajouter. Quand on précise trop, on affaiblit la force de la loi, qui est universelle, et cette universalité est au fondement de notre droit. Cette prescription interdit clairement la procréation et la gestation pour autrui, alors n’en rajoutez pas ! Vous voulez faire parler de vous ? Nous allons une fois de plus vous empêcher de dire des bêtises ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1594, 2715 et 3405.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 260

Nombre de suffrages exprimés 260

Majorité absolue 131

Pour l’adoption 72

contre 188

(Les amendements nos 1594, 2715 et 3405 ne sont pas adoptés.)

M. le président. À la demande du président du groupe UMP, je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure vingt-cinq, le dimanche 3 février, est reprise à zéro heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en venons à l’examen d’une série d’amendements identiques. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1545.

M. Nicolas Dhuicq. La certitude, dans un monde ouvert où la connaissance va bien plus vite que les lois, que les barrages juridiques nationaux seront suffisants pour arrêter les progrès de la connaissance m’étonne quelque peu.

J’appartiens à une génération qui a lu et écouté des auteurs, dont la structure était d’ailleurs probablement psychotique, comme Philip K. Dick, dont Ridley Scott a tiré son excellent Blade Runner.

M. Olivier Faure. Vous regardez trop la télévision !

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas la télévision, lisez de bons romans, vous verrez. Cette œuvre, sans doute prémonitoire, poétique, peut être lointaine, doit nous amener à réfléchir sur ce qu’est la définition de l’humain.

Vous ne nous ôterez pas l’idée que, dans ce qui fonde l’humain, il y a cette altérité, cette différence des sexes, cette question du manque que vous cherchez absolument à nier en faisant des adultes parfaits, que vous voulez toujours priver de toute possibilité de travail sur eux-mêmes, de progrès et d’évolution en répondant à l’avance à leurs demandes.

Dans une société où nos adolescents, justement, souffrent de l’absence de repères identificatoires, de l’absence, souvent, de cadre parental, de l’absence de repères adultiques et de l’incapacité, précisément, à transgresser des interdits – raisonnables –, vous n’offrez aux gens que des portes ouvertes et des solutions faciles.

L’humain, c’est le progrès, c’est le travail, un travail personnel long et difficile, avec nos imperfections. Alors souffrez…

M. le président. Merci. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1654.

M. Marc Le Fur. Mesdames les ministres, je reviens sur la question de la GPA. La circulaire existe, je n’en parlerai pas. Il y a aussi un certain nombre de décisions de justice. Celle-ci par exemple : Suite à la naissance de jumeaux, en Inde, par convention avec une mère porteuse, le père biologique a demandé la transcription sur les registres consulaires de cette naissance. Le tribunal de grande instance de Nantes a accueilli favorablement cette demande. Le ministère public, bien naturellement, a interjeté appel sur le fondement de l’interdiction de la procréation pour le compte d’autrui – article 16-7 du code civil. Or la cour d’appel de Rennes confirme la décision des premiers juges et admet la retranscription sur les registres d’état civil de la naissance d’un enfant issu d’une convention passée à l’étranger avec une mère porteuse. Cette affaire est désormais pendante devant la Cour de cassation.

Cela signifie que cette affaire est passée devant nos organisations consulaires, devant le TGI de Nantes – saisi puisqu’il s’agissait d’une affaire relevant de l’un de nos consulats – et devant la cour d’appel de Rennes. Tous ces obstacles ont été franchis. Cela veut dire que nous devons agir vite si nous voulons endiguer cette montée massive du risque de gestation pour autrui.

Non seulement votre circulaire, madame la garde des sceaux, permet l’octroi de certificats de nationalité, mais le juge admet aussi de plus en plus que les actes d’état civil puissent confirmer la GPA.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1780.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement, qui vise à préciser que la présente loi est sans conséquence sur la nullité de toute convention portant sur la procréation médicalement assistée ou sur la gestation pour le compte d’autrui énoncée à l’article 16-7 du code civil, ouvre le débat sur les conséquences inévitables auxquelles conduirait l’adoption du présent texte.

Il convient de garantir explicitement l’application de l’article 16-7 du code civil, qui prohibe la GPA. En effet, ce projet de loi, qui n’a pas fait l’objet du débat national que nous avions demandé, a malgré tout soulevé de très grandes interrogations dans l’opinion publique – on le voit aujourd’hui encore avec les mobilisations sur le terrain – concernant la conception qu’a le Gouvernement français de la famille.

Aujourd’hui, vous avez la majorité politique pour agir et pour légiférer, mais jusqu’où voulez-vous aller dans les modifications législatives en matière de PMA et de GPA ?

Des membres du Gouvernement ont déjà ouvert des pistes. Cet amendement vise à créer le débat et à préciser à nouveau le devoir des autorités gouvernementales, qui est de défendre l’intérêt de l’enfant. Il est aussi de leur devoir de créer un climat de confiance, ce qui n’est pas le cas puisque ce projet instaure une véritable fracture au sein de la société française.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 1856.

M. Patrick Ollier. L’article 16-7 du code civil prohibe la GPA, cela est indiscutable. Mais nul ne peut contester aussi que ce texte, qui sera certainement adopté, créera un environnement nouveau.

On a le droit de penser à l’avenir lorsqu’on légifère. Vous parlez d’égalité, c’est légitime. Vous créez un régime d’égalité, c’est compréhensible. Il s’agit d’une égalité par effacement de la différence entre les sexes, mais c’est votre affaire. Par respect du principe d’égalité, il est inévitable que les couples de même sexe demanderont l’accès à la GPA. En effet, comment expliquer à un couple d’hommes qu’il ne pourra pas avoir d’enfants alors qu’un couple de femmes pourra en avoir en accédant à la PMA, ce que le rapporteur souhaite et que vous avez prévu d’inscrire dans un texte futur.

Vous ne pourrez pas résister à la demande. D’ailleurs, M. Coronado a ouvert le débat en commission des lois, comme il en a parfaitement le droit. Devant ces nouvelles pressions, la loi devra changer. Vous ouvrez une vanne que vous ne parviendrez pas à contrôler. Cela implique des précisions. Nous avons déposé cet amendement de précaution, afin que l’on comprenne bien qu’il n’est pas question, malgré ce nouvel environnement que vous créez, de faire évoluer la loi dans l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2595.

M. Hervé Mariton. L’AMP et la GPA ne figurent pas dans le texte mais la majorité, en toute transparence, a souligné le lien qui existait entre leur ouverture aux couples de même sexe et le projet de loi – le rapporteur l’a écrit dans son rapport, nombre de ministres se sont exprimés en ce sens, et chacun sait que le groupe SRC avait fait le choix de déposer un amendement en faveur de ce que vous appelez la procréation médicalement assistée.

Il est donc normal que nous proposions un amendement de « précaution », comme l’a très bien dit Patrick Ollier, En effet, si nous devons vous croire lorsque vous affirmez que l’accès à la GPA ne sera pas ouvert, alors il vaut mieux l’écrire dès maintenant. Vous nous dites que la GPA est interdite aujourd’hui ; c’est vrai. Mais vous savez bien que certains membres du Gouvernement ont pris position en sa faveur, qu’un débat s’est installé, qu’un trouble s’est fait jour dans l’opinion.

Il serait utile de dire très clairement que vous ne voulez ni PMA ni GPA, y compris pour borner, si vous êtes sincères, les conséquences de votre projet de loi. Si vous agissiez ainsi, vous feriez alors tomber un argument important dont nous usons contre vous.

S’agissant de la PMA, puis-je souligner que le rapporteur oublie systématiquement de rappeler que, dans la très grande majorité des cas, les gamètes sont issues des deux membres du couple ? Cela ne retire rien à la légitimité des autres configurations de la PMA, mais c’est une affaire de proportions, qu’il n’est pas inutile de rappeler s’agissant des couples de même sexe. Il nous paraît essentiel d’affirmer, si par malheur votre projet devait être voté, que nous ne souhaitons pas son extension à la PMA et à la GPA. Si vousd acceptez cet amendement…

M. le président. Merci. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2914.

M. Philippe Meunier. Nous souhaitons, avec cet amendement, ouvrir le débat sur la GPA, pour éclairer nos compatriotes.

Nous avons tous entendu ici rappeler les propos de Mme Guigou à l’époque du PACS, quand la gauche assurait devant la représentation nationale et le peuple français que le PACS devait permettre de rééquilibrer les droits entre les différents couples mais qu’il n’était pas question d’aller plus loin.

Aujourd’hui, la gauche va plus loin, puisque nous en sommes au mariage entre personnes du même sexe. Nous voulons que les choses soient claires, et il s’agit donc maintenant d’assumer vos positions et d’éclairer les Français sans ambiguïté.

Mme Pascale Crozon. Nos positions sont claires !

M. Philippe Meunier. Aujourd’hui le mariage, demain la PMA, et nous savons qu’au sein de la majorité certains souhaitent la GPA. Il faut donc arrêter d’avancer masqués et dire aux Français ce que vous voulez pour la France et notre société.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3248.

M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement et sa majorité se cachent la réalité qui découle de ce texte, à moins qu’ils ne veuillent l’un et l’autre la cacher au pays. Tout ceci crée de la confusion.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Bernard Accoyer. Le problème de ce texte est que le mariage vaut droit à l’adoption, ce qui n’aurait pas été le cas si vous aviez opté, après un débat dans le pays, pour ce qui existe dans de nombreux pays, une forme d’union qui n’entraîne pas automatiquement le droit à l’adoption.

À partir du moment en effet où votre mariage ouvre le droit à l’adoption, il autorisera immanquablement la PMA pour les couples stériles de femmes, puisque les couples stériles hétérosexuels y ont droit, puis, selon le principe de l’égalité des droits, il permettra la gestation pour autrui pour les couples stériles d’hommes.

Monsieur le président, si vous me le permettez, afin de gagner du temps (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je voudrais compléter mon intervention par une forme de rappel au règlement. Nous sommes aujourd’hui dimanche, il est zéro heure quarante-cinq, et voilà bientôt treize ans maintenant que l’Assemblée n’a jamais siégé un dimanche, jamais ! La dernière fois, je pense que c’était à l’occasion du débat sur les trente-cinq heures, et l’on connaît les conséquences de ce funeste texte. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Thévenoud. Entendre ça de la part d’un ancien président !

M. Bernard Accoyer. Et comme on ne cesse de l’entendre dans nos circonscriptions, c’est le signe d’une autre confusion sur les priorités qu’exige notre pays. Car les priorités, pour nos compatriotes, c’est le chômage, c’est le pouvoir d’achat, c’est la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En réalité…

M. le président. Merci. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n° 3375.

M. Bernard Accoyer. Je souhaite la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Accoyer. Nous sommes dans une série d’amendements identiques. Ce que vous me demandez ne sera pas un rappel au règlement, alors que sur le temps de parole, depuis tout à l’heure, j’accorde largement plus que ce que prévoit le règlement. Il faut savoir le reconnaître.

Monsieur Bernard Perrut, vous avez la parole.

M. Bernard Perrut. Madame la garde des sceaux, je suis particulièrement inquiet à propos de la GPA lorsque je songe aux propos de M. Bergé, selon qui louer son ventre pour faire un enfant n’est pas différent du fait de louer ses bras pour travailler à l’usine. Je vous ai déjà interrogé pour connaître votre position sur ce point qui nous inquiète.

M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

M. Bernard Perrut. Après la PMA, le pas sera facile à franchir au nom de l’égalité. Les couples d’hommes ne manqueront pas d’exiger le droit à la gestation pour autrui ; beaucoup le réclament déjà, et certains n’ont pas hésité à y recourir à l’étranger. Ce jour-là, quel argument le Gouvernement leur opposera-t-il ? Celui de l’inégalité ? Sûrement pas, puisqu’il fait de l’égalité des droits le fil directeur de son projet. Celui de l’interdiction de marchander son corps ? Naturellement, cet argument sera avancé, mais il sera rapidement démonté par ceux qui vous convaincront que le recours à une mère porteuse est aussi estimable que le recours à la science et à un tiers donneur anonyme. Ils évoqueront alors les quelques exemples de pays étrangers où la PMA est ouverte à tous, et certains dénonceront même le vide juridique qui entoure leur enfant né hors de nos frontières.

Sur ce point, madame la ministre, votre circulaire est loin de nous rassurer, puisqu’elle facilite l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de mère porteuse. Les partisans de la GPA s’engouffreront dans la brèche que vous avez ouverte, et ils ne manqueront pas de reprocher à la France d’être à la traîne du progrès.

Que n’a-t-on dit et exigé au nom du progrès, sans se poser la seule question qui vaille : vers quel monde courons-nous et pour quel humanisme ? Nous souhaiterions une réponse très claire de votre part, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3418.

M. Jacques Myard. L’article 16-7 du code civil sur la non marchandisation du corps humain est d’ordre public, ce qui n’a pas empêché le TGI de Nantes et la cour d’appel de Rennes de prendre les décisions que Marc Le Fur vient de nous rappeler.

M. Bernard Roman. Et la Cour de cassation ?

M. Jacques Myard. Madame la ministre, concernant votre circulaire, vous avez raison de dire que le certificat ne fait que constater la nationalité d’un enfant né d’une mère ou d’un père français. Il n’en demeure pas moins que cet enfant n’est pas né du Saint-Esprit – et ce n’est pas moi qui défendrai le Saint-Esprit ! Il est né d’une méthode que l’on nomme la GPA. Implicitement donc – et c’est là que votre circulaire est extrêmement maladroite, dans les termes –, vous reconnaissez la GPA. Certes, cet enfant est de filiation française, soit par le père, soit par la mère, mais, en tout état de cause, il est né de la GPA. D’où la nécessité de rappeler fermement que l’article 16-7 est véritablement d’ordre public, et que rien dans cette loi ne peut y ouvrir de brèche.

Il est grand temps aujourd’hui que la France prenne l’initiative d’une convention internationale qui interdise la GPA en Europe et ailleurs.

Je vais maintenant donner la parole à M. Xavier Breton.

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, nous demandons la parole pour des rappels au règlement !

M. le président. Monsieur Le Fur, vous êtes en train de dévoyer la procédure et vous perturbez le bon déroulement de la séance. Cela étant, si vous le souhaitez, je vais vous accorder votre rappel au règlement, mais, puisque c’est ainsi, les orateurs n’auront plus désormais pour s’exprimer que deux minutes, à la seconde près. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Le président de la commission des lois a proféré hier à mon endroit une sorte de menace, fondée sur une interprétation pour le moins étrange de notre règlement intérieur, car je ne crois pas m’être laissé aller à des insultes.

Le président Accoyer a rappelé qu’à cette heure il n’est pas sûr que notre travail législatif se déroule dans les meilleures conditions.

Je voudrais également revenir sur les propos de Mme Taubira. J’avais demandé à faire un rappel au règlement, que vous n’avez pas accepté, lorsqu’elle a considéré tout à l’heure que le travail de l’opposition dans cette assemblée était digne d’une école maternelle ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Elle n’a pas dit ça !

M. Jean-Marc Germain. Mais elle aurait eu raison !

M. Hervé Mariton. Il n’est pas convenable que le Gouvernement s’adresse de cette manière à l’opposition.

M. le président. À propos de nos conditions de travail, je voudrais rappeler que l’Assemblée a siégé le dimanche à plusieurs reprises : le 11 juillet 2004, sur la réforme de l’assurance maladie ; le 8 novembre 1998, sur le pacte civil de solidarité ; le 14 décembre 1997, sur l’entrée et le séjour des étrangers ; le 10 décembre 1995, sur le projet de loi d’habilitation sur la réforme de la protection sociale ; le 12 novembre 1995, sur le projet de loi de finances pour 1996 ; le 11 décembre 1994, sur diverses dispositions d’ordre social ; le 10 juillet 1994, sur le développement territorial… j’en resterai là.

Je voulais éviter que l’on rentre dans ce débat sur le travail de l’Assemblée le dimanche, parce que c’était une erreur de dire que nous n’avions pas siégé un dimanche depuis bien longtemps.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3440.

M. Xavier Breton. Pourquoi parler de la gestation pour autrui ? À cause de cette circulaire, bien sûr. Au-delà des questions que Christian Jacob a posées et qui n’ont pas reçu de réponses claires et précises, cette circulaire va inciter ceux qui hésitaient encore à franchir le pas, créant des difficultés dont on ne pourra sortir qu’en légalisant purement et simplement la GPA. Avec cette circulaire, le Gouvernement a donc posé un jalon sur la route de la légalisation de la pratique des mères porteuses.

Nous parlons également de la GPA, car, au nom de l’égalité, une mécanique implacable va nous conduire du mariage à l’adoption, de l’adoption à l’assistance médicale à la procréation pour convenances personnelles, puis à la gestation pour autrui. L’exposé des motifs de la loi indique d’ailleurs clairement que cette loi n’est qu’une étape : « Une nouvelle étape doit donc être franchie. » Il y aura donc d’autres étapes, qui sont annoncées.

Ensuite, c’est également la logique de l’ouverture du droit à la filiation qui est inscrite dans ce projet de loi et qui, dans les faits, va conduire à l’assistance à la procréation pour convenances personnelles, puis à la gestation pour autrui. On sait en effet que l’adoption ne permettra pas de répondre au désir d’enfant des couples de même sexe. Ces couples, logiquement, se tourneront donc vers l’assistance à la procréation et vers la gestation pour autrui, dans un premier temps à l’étranger, avant que vous soyez, comme d’habitude sous la pression, conduits à légaliser la gestation pour autrui.

J’ajoute que l’unanimité de la gauche et du Gouvernement contre la gestation pour autrui n’est qu’une unanimité de façade. Les Verts avaient eu le courage, au moment des lois de bioéthique, de proposer un amendement en faveur de la GPA que certains députés socialistes avaient soutenu ; aujourd’hui, des ministres, au sein du Gouvernement, militent pour la GPA. Vopus pourriez donc dire…

M. le président. Merci. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 4077.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement vise à ouvrir le débat – un débat avec les Français, celui-là – sur les conséquences inévitables auxquelles conduirait l’adoption de ce texte.

À vous écouter attentivement, à vous lire abondamment, nous ne pouvons nous empêcher de douter de votre sincérité lorsque vous affirmez qu’il n’y aura ni PMA ni GPA pour les couples de même sexe.

M. Thomas Thévenoud. C’est un procès d’intention !

Mme Isabelle Le Callennec. Le million de manifestants du 13 janvier (« Le million ! le million ! » sur les bancs du groupe SRC.) et les dizaines de milliers de manifestants de ce jour – cinq à six mille à Rennes –, témoignent, s’il en était encore besoin, que nous craignions que vous ne vous arrêtiez pas à ce texte sur le mariage.

Adopter cet amendement serait tout simplement la preuve que votre majorité ne franchira pas la ligne jaune, puis la ligne rouge, que certains d’entre vous – nous l’avons encore entendu ce soir – voudraient vous voir franchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 4544.

Mme Annie Genevard. Mesdames les ministres, vous avez, à plusieurs reprises, affirmé que cette question de la GPA n’était pas pertinente et que nous n’avions pas à en débattre. Dans ce cas, pourquoi la presse s’en est-elle saisie à longueur de colonnes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi les juristes se sont-ils emparés de cette question ? Pourquoi des ministres se sont-ils prononcés en faveur de la GPA ? Pourquoi des témoignages nous sont-ils rapportés dans la presse, relatant d’invraisemblables et effrayantes histoires familiales, de père donneur, de mère donneuse, de mère porteuse, tout ça pour un même enfant ?

La GPA est une pratique encore minoritaire, mais la pression monte ! Je vous ai dit hier qu’un récent sondage démontrait que la majorité des sympathisants de gauche y étaient favorables. J’ai évoqué la facilité avec laquelle on peut y recourir, grâce à l’existence de véritables marchés à l’étranger. Sept pays sur vingt-sept l’autorisent aujourd’hui en Europe, ou du moins ne l’interdisent pas : la Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie.

Une majorité des Français sondés considèrent d’ailleurs qu’il y a dans notre pays un agenda caché de la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4803.

M. Alain Leboeuf. Je fais partie des Français normaux, et ils sont aujourd’hui très inquiets. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Normal ? CA veut dire quoi ?

M. Thomas Thévenoud et M. Bernard Roman. Scandaleux !

Plusieurs députés du groupe UMP. Rappel au règlement !

M. le président. Laissez poursuivre l’orateur. Je donnerai la parole ensuite pour un rappel au règlement. (Vives protestations et brouhaha sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Monsieur le président ! Cela suffit !

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, avez-vous vu son geste ? Un geste inacceptable !

M. le président. Monsieur Leboeuf, je vous redonnerai la parole après les rappels au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, je veux indiquer à M. Roman que nous nous trouvons ici dans l’enceinte de la représentation nationale et qu’à ce titre, nous avons tous un devoir d’exemplarité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le signe que vous venez de faire, monsieur Roman, est inacceptable, il insulte notre collègue. Il est essentiel que vous présentiez vos excuses. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. J’ai sans doute fait un signe que j’aurais pu éviter de faire (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP) si je n’avais pas réagi avec les tripes à la manière dont notre collègue a introduit son intervention. Lorsqu’on se présente comme un citoyen ou un homme normal dans un débat tel que celui-ci, cela signifie-t-il qu’il y en a un certain nombre qui sont anormaux ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP : « Et le président normal ? ») Si c’est le cas, vous savez que nous sommes suivis attentivement par des dizaines de milliers de familles qui attendent beaucoup de la République aujourd’hui : tout simplement des droits ! Ils attendent l’égalité par rapport à tous les autres ! Ils attendent qu’on les reconnaisse,…

M. Hervé Mariton. On n’a pas leçons à recevoir de vous ! Excusez-vous !

M. Bernard Roman. …et leurs enfants espèrent pouvoir bientôt dire à l’école : « Oui, j’ai deux parents comme mes copains. » Mais vous, vous sous-entendez qu’ils pourraient ne pas être normaux, c’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je fais ce rappel au règlement parce que je suis choqué de l’attitude M. Roman et de vos réactions, chers collègues du groupe SRC. Vous qui avez soutenu un candidat dont l’essentiel, pour ne pas dire le seul, élément probant de sa campagne a été de se présenter en permanence comme le président normal, voulant ainsi établir un contraste avec Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), vous pourriez vous en souvenir, et plus encore vous, monsieur Roman, dans les responsabilités qui sont les vôtres … au lieu de vous précipiter pour faire un tweet de plus.

Un député du groupe UMP. Comme d’habitude !

M. Christian Jacob. Cessez ces provocations : vous êtes questeur, vous avez des responsabilités. Vous rendez-vous compte des provocations que vous en train de faire en permanence ?

Monsieur le président de l’Assemblée, je rejoins la remarque de notre collègue Bernard Accoyer tout à l’heure : il est une heure du matin et je ne pense pas qu’il soit utile de siéger encore pendant une heure. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) L’attitude de M. Roman et de plusieurs de ses collègues montrent qu’ils perdent leurs nerfs, peut-être par fatigue ou aussi par manque d’arguments, il serait de bon ton de lever la séance et de reprendre sérieusement nos travaux demain matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Assaf et M. Nicolas Bays. Non, on siégera !

M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre cinq minutes, puis nous poursuivrons nos travaux, comme je l’ai indiqué, jusqu’à deux heures du matin, avant de reprendre à dix heures du matin, puis l’après-midi et le soir.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure cinq, est reprise à une heure dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est de nouveau à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Je suis un député classique si cela vous convient mieux, mon cher collègue, c’est-à-dire un député normal, et, comme nombre d’autres Français, je fais partie de ceux qui sont inquiets aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai souhaité déposer cet amendement. La majorité a désormais voté un mariage des homosexuels identique à tous les autres. Nous aurons donc des mariés comme tous autres, et qui auront vocation à prétendre aux mêmes droits.

M. Olivier Faure. Exactement !

M. Alain Leboeuf. À partir de ce moment-là, comment les forces progressistes que vous êtes…

M. Yann Galut. Merci de le reconnaître !

M. Alain Leboeuf. …pourront-elles refuser que des couples de femmes mariés en France aillent profiter de la PMA à l’étranger ? Nous, nous sommes très inquiets d’une telle évolution possible et c’est pourquoi je souhaite le vote de mon amendement pour que l’affaire de la PMA et de la GPA soit définitivement classée en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. J’en reviens à l’incident de séance. Il semble que le geste de M. Roman était beaucoup plus déplacé que je ne l’imaginais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Par conséquent, je vous informe, monsieur le président, que je vais vous écrire pour que vous-même et le bureau visionniez les bandes et qu’une sanction soit, le cas échant, prise à son encontre. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Cochet et Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. le président. Nous examinerons cela, monsieur le président Jacob.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5113.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je propose, mes chers collègues, que nous essayons de reprendre le cours de nos débats. Cet amendement est, comme les précédents, motivés par l’inquiétude devant la PMA. Plusieurs raisons l’expliquent : tout d’abord, l’accès au mariage et à l’adoption ouvre, non pas juridiquement mais légitimement, la possibilité du recours à la PMA, et c’est clairement annoncé dans l’engagement n° 31 du futur Président de la République : « Ouvrir à tous les couples, de même sexe ou de sexe différent, l’assistance médicale à la procréation par insémination avec don anonyme. ».

Les motifs d’inquiétude par rapport à la PMA sont donc fondés eu égard aux conséquences du texte dont nous discutons et à l’engagement pris par le Président de la République. Or je rappelle que la PMA, vraiment une de nos préoccupations fondamentales, conduirait à un changement radical de société en ce sens qu’elle prive les enfants de l’accès à leurs origines et qu’elle introduit un artifice fondamental dans la structuration et l’organisation de notre société et de la famille.

Deux éléments pour finir.

L’un est lié aux travaux du professeur Friedman, l’inventeur de la PMA : il a mis récemment en garde, dans les colonnes du Monde, sur l’extension de la PMA aux couples homosexuels en disant qu’on détournait ainsi complètement l’acte médical et l’objectif de la PMA qu’il a inventée.

Je suis convaincu que c’est le meilleur rempart que d’introduire une telle réserve à la fois sur la PMA et sur la GPA puisque, au nom d’un principe d’égalité, la GPA deviendrait de fait complètement intégrée dans l’évolution du dispositif. Nos amendements rendraient inconstitutionnelles le recours à la PMA… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 5321.

M. Pierre Lequiller. Puisque l’on a droit à des vociférations et des protestations lorsque l’on intervient, alors je vais simplement lire – et je pense que je pourrai le faire dans le silence – ce que Mme Agacinski (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) a écrit aujourd’hui dans Le Monde…

M. Jérôme Guedj. Elle représente quelle circonscription ?

Mme Audrey Linkenheld. Et Mme Michu qu’a-t-elle dit ?

M. Pierre Lequiller. « Il est inquiétant et incohérent que Dominique Bertinotti, la ministre déléguée chargée de la famille, s’obstine à annoncer qu’on continuera à examiner la question des mères porteuses ou que la ministre de la justice, dans une circulaire pour le moins inopportune, accorde un certificat de nationalité aux enfants nés de mères porteuses », écrit-elle. Ce n’est pas Christian Jacob qui le dit, ce n’est pas la classe maternelle.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas Mme Michu !

M. Pierre Lequiller. Mme Agacinski ajoute : « On ne pourrait comprendre que, par des voies détournées, on donne finalement raison à ceux qui contournent délibérément la législation en vigueur. » Moi, je ne dis pas « qui contournent » mais « qui violent » la législation en vigueur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’êtes-vous pas d’accord avec moi pour dire que la GPA est quelque chose de monstrueux, d’ignominieux, d’inacceptable ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine et Mme Sophie Dessus. Vous mélangez tout !

M. Pierre Lequiller. On donne finalement raison à ceux qui violent la législation en vigueur. Dans cette affaire, nous devons donc être extrêmement fermes à la fois sur la PMA et sur la GPA. Nous avons des raisons de nous inquiéter du lien que vous faites et qui a été fait par le groupe socialiste qui voulait associer un amendement sur la PMA au texte d’aujourd’hui avant d’y renoncer parce que le groupe était divisé, mais il reste que…

M. le président. Merci. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements parce qu’ils sont satisfaits par le code civil et le code pénal, notamment concernant la GPA. La PMA n’étant pas possible pour deux femmes, inutile de prévoir son interdiction, mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard dans le débat.

L’article 16-7 du code civil rend nulle toute convention qui aurait pour objet la gestation pour autrui et Mme la garde des sceaux a rappelé que l’article 16-9 rajoutait à cette disposition une valeur d’ordre public.

Vous ne faites que fermer une porte déjà close avec cet amendement qui est dès lors inutile.

Comment pourrez-vous résister à l’ouverture de la GPA pour les couples d’hommes ? demandez-vous, monsieur Ollier, suggérant qu’il y aurait une inégalité par rapport aux couples de femmes. Je l’ai dit souvent en commission et je le répète parce que le message est peut-être mal passé : il n’y a pas de discrimination entre les couples d’hommes et les couples de femmes, seulement une différence évidente, physique.

En revanche, entre deux couples hétérosexuels, il n’y a pas de différence. Il pourrait y avoir discrimination face au recours à la PMA pour satisfaire un désir d’enfant. Puisque vous êtes député depuis 1988, vous avez participé aux discussions sur les lois de bioéthique, monsieur Ollier. En 1994, la loi de bioéthique a instauré l’autorisation de la PMA et l’interdiction de la GPA. Ces dispositions ont été réaffirmées en 2004 puis en 2011. À chaque fois, vous avez résisté à une pression, celle des couples hétérosexuels qui avaient besoin de la GPA, alors que, dans le même temps, vous accordiez la PMA aux couples hétérosexuels qui pouvaient en bénéficier.

Vous avez résisté sans aucun problème alors qu’il y a objectivement deux situations tout à fait identiques : deux couples hétérosexuels. La situation que vous nous renvoyez – discrimination entre les couples d’hommes et les couples de femmes – ne tient pas debout.

Évidemment, la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mariton, à la fin d’un rappel au règlement, vous me reprochez d’avoir accusé l’opposition d’employer des méthodes de maternelle.

Le Journal officiel fera foi. Alors que je tentais depuis plusieurs minutes de répondre à l’une de ses questions, le président Jacob a utilisé une pratique qu’il est seul à employer : l’interruption systématique toutes les quatre secondes. En général, vous écoutez les réponses aux questions que vous posez, même s’il vous arrive de protester ou de faire un geste. Au bout de plusieurs minutes, le président de l’Assemblée lui a demandé d’écouter la réponse. Je lui ai moi-même demandé d’écouter la réponse puisqu’il nous reproche sans arrêt de ne pas répondre. Le président Jacob a continué à m’interrompre toutes les quatre secondes.

Au terme de cet échange, j’ai dit : on sait comment on nomme ce genre de comportement à la maternelle. Ne prenez pas des airs offusqués pour prétendre que j’ai accusé l’ensemble de l’opposition d’employer des méthodes de maternelle. C’est sous les yeux de tout le monde, ici dans l’hémicycle et au-delà, que M. Jacob interrompt toutes les quatre secondes et qu’il empêche de répondre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Au bout d’un moment, j’ai dit : on sait comment on nomme ce type de comportement à la maternelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Cela ressemble à une réponse en classe de maternelle !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant à cette circulaire que vous aviez lâchée quelques heures et sur laquelle vous revenez…

M. Philippe Cochet. C’est confus !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout le silence est confus pour vous, vous avez remarqué ?

M. Hervé Mariton. Ça n’a pas démarré !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur Mariton. Parce que, après l’avoir expliqué treize fois, je me demande en quelle langue reprendre. Je répète donc que la circulaire demande que pour onze enfants en 2012, comme votre Gouvernement l’a fait pour quarante-quatre enfants entre 2008 et 2011, il faut non pas transcrire dans l’état civil mais délivrer le certificat puisque la nationalité française est établie.

M. Marc Le Fur. Le certificat, ils l’ont par leur père !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La circulaire aurait pu demander une transcription dans le registre d’état civil. Dans ce cas, vous auriez été fondés à dire – indépendamment du fait qu’il s’agit d’une douzaine d’enfants qui risquent de devenir apatrides – que je donne un signe pour la GPA. Or la circulaire ne demande pas la transcription dans l’état civil mais de délivrer le certificat puisque la nationalité est établie.

M. Pierre Lequiller. C’est un encouragement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’encouragement, je vais vous dire d’où il vient.

Lors d’une séance à l’Assemblée nationale le 10 février 2011, M. Xavier Bertrand s’est exprimé sur la GPA à partir du même genre de situation, c’est-à-dire des consulats ayant signalé d’éventuels cas. M. Bertrand dit : « La validité des actes d’état civil étrangers et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L’acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n’imposant qu’il ait été transcrit sur les registres du service central de l’état civil, que ce soit pour l’inscription à l’école, l’accès de ces enfants, etc. » On en est exactement au même point.

M. Hervé Mariton. On avait tort !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. On avait tort mais maintenant on a raison !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pourquoi tous les journaux en parlent-ils, madame la députée Genevard ? Parce que vous avez réussi un super coup de communication en répandant la confusion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je dois dire qu’un journal régional, dès le lendemain du jour où l’opposition s’est emparée du sujet et a fait croire que la circulaire octroyait la nationalité – faux juridiquement – et encourageait la GPA – faux absolument –, a publié un article qui ne reprenait pas ces affirmations. Ce journal a écrit que la circulaire ne change pas la loi, qu’elle se contente de dire qu’il faut délivrer le certificat de nationalité à des enfants qui sont français, etc.

M. Philippe Meunier. De quel journal s’agit-il ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais une autre presse s’est emparée du sujet autrement. Quant à Mme Agacinski, elle a le droit de faire les analyses qu’elle veut. C’est une éminente philosophe mais il est certain que sur les questions de droit, il lui faut probablement procéder à quelques vérifications puisque, comme vous, elle prétend que la circulaire octroie la nationalité.

M. Hervé Mariton. Elle la facilite !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Le Fur, vous nous parlez d’un cas pendant à la cour d’appel de Rennes et, à partir de là, vous nous invitez à endiguer l’afflux massif – pour reprendre vos termes – de GPA.

Tout le monde appréciera qu’un cas en instance, c’est un afflux massif qu’il faut endiguer. Vous parlez d’une affaire pendante qui n’est pas jugée. Je vais vous rappeler trois arrêts clairs de la Cour de cassation, du 6 avril 2011, qui indiquent bien qu’en cas de suspicion de GPA, il n’y pas de transcription dans l’état civil. Cependant, les droits de l’enfant qui a la nationalité française sont reconnus en droit français.

M. Christophe Bouillon. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout cela est le fondement même de la circulaire. Mais je ne rêve pas que vous cessiez d’instrumentaliser cette circulaire, je vous fais totalement confiance sur ce point. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Philippe Gosselin. Vous avez raison !

M. Christian Jacob. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il est fondé sur l’article 58, alinéa 1. Ce n’est pas la première fois, madame la ministre, que vous confondez les rôles – votre rôle de représentante de l’exécutif et notre rôle de législateur – notamment en ce qui concerne l’ordonnancement de la séance.

L’ordonnancement et la police de la séance relèvent d’une seule personne : le président. Vous n’avez en aucun cas à intervenir en ces matières, en aucun cas à porter des jugements de valeur sur les parlementaires (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous êtes là – et je vous l’ai dit à plusieurs reprises – à notre disposition pour répondre à nos questions et pas pour porter des jugements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la réalité du règlement.

En ce qui concerne Mme Agacinski, je me doute que vous avez un petit passif avec la famille Jospin depuis 2002, mais laissons cela de côté. (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Lamentable !

M. Christian Jacob. C’est une réalité électorale.

Pour le reste, il faut bien établir la filiation pour délivrer les certificats de nationalité. Quand on établit la filiation, on sait comment l’enfant a été conçu et c’est ainsi que l’on reconnaît les enfants conçus par GPA. À partir de là, votre circulaire reconnaît de fait la GPA faite à l’étranger. Vous avez bien ouvert une brèche qui présente certains risques. C’est pourquoi nous avons défendu nos amendements visant à interdire formellement la GPA en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Sur l’amendement n° 1545 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mesdames les ministres, je trouve que cela commence à bien faire : on nous dit qu’il n’y a pas de sujet alors qu’il y en a un, de sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous invite à aller sur le site co-parents. fr, et vous verrez de véritables annonces de demandes de GPA. Tout cela est public, tout cela n’est pas sanctionné, tout cela ne donne même pas lieu à des investigations.

Cela commence à bien faire, parce que trois ministres de notre Gouvernement réclament explicitement la mise en place de la GPA. Tout cela commence à bien faire, parce que Terra Nova, dont on sait que c’est le laboratoire qui vous inspire, où sont vos intellectuels, prône la GPA. Tout cela commence à bien faire, parce que le sénateur Michel, qui est rapporteur du texte au Sénat, dit que la GPA, ce n’est pas si mal, que l’on peut imaginer sinon une rémunération, du moins une indemnisation. Après tout, la publicité, c’est la vente du corps des femmes, ajoute-t-il. Voilà plusieurs éléments inquiétants.

Ce qui commence à bien faire également, c’est de voir M. Bergé qui est votre inspirateur et – certains le disent – votre financier, prôner la gestation pour autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela commence à bien faire aussi d’entendre cette grande dame qu’est Mme Agacinski comparée à Mme Michu sur les bancs de la gauche.

M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. Dans le calme et la sérénité retrouvés en ce qui me concerne, je veux, en toute clarté, dire quelle est la position du groupe socialiste sur cette question.

M. Hervé Mariton. Et présenter des excuses ?

M. Bernard Roman. Je les ai présentées, monsieur Mariton. J’ai dit que je n’aurais pas dû faire ce geste qui n’était, contrairement à ce que je lis sur les tweets, ni un bras d’honneur, ni un doigt d’honneur. C’était entre les deux, si vous voyez ce que je veux dire (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. François de Mazières. Bravo pour la subtilité !

M. le président. Je prends acte des excuses de M. Roman.

M. Bernard Roman. Pouvez-vous décompter ce temps d’excuse de mon temps de parole, monsieur le président ?

M. le président. Vous allez faire court.

M. Bernard Roman. Très brièvement. Je veux rappeler d’abord que nous examinons un texte qui ne traite ni de la gestation pour autrui, ni de la procréation médicalement assistée. C’est l’opposition qui introduit ce débat par le biais d’amendements dans un texte qui n’en traite pas. Ensuite, nous pouvons nous lancer des noms d’auteurs qui défendent les positions les plus diverses. Je ne pense que la position de M. Milon et de vingt autres sénateurs UMP soit partagée sur les bancs de l’opposition. Je ne vous l’attribue donc pas. De la même manière, je vous demande de penser que ni Mme Agacinski ni M. Bergé ne sont les maîtres à penser du groupe socialiste de l’Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous nous interrogez clairement sur notre position sur la gestation pour autrui et sur la procréation médicalement assistée.

M. Gérald Darmanin. Il y a déjà la circulaire.

M. Bernard Roman. Nous aurons à revenir au moins sur l’une de ces questions. Sur la gestation pour autrui, on nous lit de nombreux documents. J’ai appris à vingt heures en écoutant les informations à la télévision que dans une lettre qui n’a pas été lue ici mais qui a été adressée à M. Jacob par le Président de la République, celui-ci lui confirme – je suppose, face à la reprise permanente de cet argument – qu’il est résolument opposé à l’introduction de la gestation pour autrui dans la loi. J’aurais aimé que cette information ne nous vienne pas par un journal télévisé. Comme je l’ai entendu, je m’autorise à la donner ici.

M. Céleste Lett. Si c’est comme au congrès des maires…

M. Bernard Roman. De ce point de vue, la position du parti socialiste et du groupe socialiste est connue puisque nous l’avons exprimée, notamment il y a moins de deux ans maintenant, à l’occasion de la révision des lois de bioéthique. Nous avons pris position de manière unanime contre la gestation pour autrui. Tant le Premier ministre que le Président de la République ont réitéré leur opposition à la gestation pour autrui. Reprendre en permanence cet argument est un non sens au regard de l’enjeu du texte sur le mariage.

M. Philippe Meunier. LGBT va vous appeler et vous allez changer de position.

M. Bernard Roman. Enfin, sur la procréation médicalement assistée, notre position est tout aussi claire. Le groupe socialiste et le parti socialiste, les socialistes ont déposé, lors de la révision des lois de bioéthique, des amendements, avec comme premier signataire le président de la commission spéciale, M. Alain Claeys, visant à ouvrir la procréation médicalement assistée à tous les couples. Notre position n’a pas varié. Nous pensons que ce n’est dans ce texte que nous devons le faire ; il y a un débat à organiser ; il faut prendre l’avis du comité consultatif national d’éthique. Nous reprendrons cette question dans le cadre de la loi famille d’une manière posée, argumentée, avec les études d’impact. Nous l’élargirons à l’organisation de la procréation médicalement assistée en France aujourd’hui. Je vous rappelle que des dizaines de milliers d’enfants nés de procréation médicalement assistée chaque année sont attentifs à ce que nous disons.

Notre position est claire : non à la gestation pour autrui, oui à la procréation médicalement assistée dans des conditions que nous déterminerons dans un prochain texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Dans le cadre du bon ordonnancement de nos travaux, je réponds à M. Roman qui me dit avoir été informé de la lettre que m’a envoyée le Président de la République par le journal télévisé. Monsieur Roman, vous auriez dû être présent en séance, je l’ai lue. J’en ai donné lecture car j’étais conscient des difficultés de communication entre le Président de la République et sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.).Vous auriez dû être attentif ou lire le Journal officiel, vous auriez eu un compte rendu précis. Vous auriez simplement assisté à nos travaux, vous auriez connaissance de cette lettre.

M. Bernard Roman. Pas à moi !

M. Christian Jacob. Je suis toujours attentif à vous répercuter les informations que nous donne le Président de la République et je le serai toujours.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1545,1654, 1780, 1856, 2595, 2914, 3248, 3375, 3418, 3440, 4077, 4544, 4803, 5113 et 5321.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 245

Nombre de suffrages exprimés 245

Majorité absolue 123

Pour l’adoption 73

contre 172

(Les amendements nos 1545, 1654, 1780, 1856, 2595, 2914, 3248, 3375, 3418, 3440, 4077, 4544, 4803, 5113 et 5321 ne sont pas adoptés)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. J’ai eu l’honneur lors d’un précédent mandat de participer à la commission spéciale sur la bioéthique, créée à l’initiative du président Accoyer et qui était tout à fait intéressante et pertinente. Nous avions deux responsables socialistes très engagés dans cette commission, MM. Claeys et Bapt. Autant nous étions en désaccord sur la procréation médicalement assistée, autant sur la gestation pour autrui, je suis parfaitement en confiance, je suis convaincu qu’ils partagent notre analyse. Comment se fait-il qu’on ne les entende pas dans ce débat ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Comment se fait-il qu’ils ne parlent pas ? Comment se fait-il qu’ils ne s’associent pas à vos propos ? J’ai le sentiment qu’ils sont mal à l’aise.

M. le président. Pour avoir présidé vos travaux, je peux témoigner que M. Claeys était présent tout à l’heure et qu’il a pris la parole sur cette question notamment.

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 2147.

M. Sergio Coronado. Je veux d’abord féliciter la garde des sceaux – cela fera peut-être hurler nos collègues de l’opposition mais nous commençons après de longues heures à en prendre l’habitude. Nous avions évoqué en commission ce que nous appelons les enfants de la République, les enfants nés d’un contrat de gestation pour autrui à l’étranger. Je vous avais interrogée sur vos intentions pour vous attaquer aux difficultés que ces enfants rencontrent alors qu’ils ne peuvent pas être tenus pour responsables d’un choix fait par leurs parents. Je me suis réjoui, comme l’ensemble de mon groupe, de voir que la circulaire permettait, non pas de délivrer la nationalité française, mais de constater une situation et de ne pas s’opposer à la délivrance d’un certificat de nationalité. Il s’agit en effet d’enfants nés d’un père français.

Cela dit – vous le savez, madame la ministre, parce que nous avions eu en commission des lois un débat très argumenté et solide, avec des membres de l’opposition d’ailleurs – cela ne règle pas l’ensemble des problèmes que nous avions évoqués. Sur la question de la transcription de l’état civil sur les registres français, il reste un flou voire des contradictions dans les décisions de justice. Je vous rappelle qu’en octobre 2007, la cour d’appel de Paris a validé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance américains de jumelles nées en Californie. La Cour de cassation a refusé cette transcription en 2011. Dans la dernière décision en date, en février 2012, la cour d’appel de Rennes estime qu’il n’y a pas à s’opposer à la transcription de l’état civil de ces enfants-là.

M. Marc Le Fur. Voilà ! Cela se confirme.

M. Sergio Coronado. Leur état civil n’est pas frauduleux car il a été établi dans des termes légaux conformément la législation des pays où le contrat de gestation pour autrui a été conclu. Je voudrais savoir – c’est le sens de cet amendement qui ne vise pas à ouvrir la gestation pour autrui – ce que compte faire le Gouvernement, après avoir pris la circulaire sur la délivrance de certificat de nationalité, sur la transcription de l’état civil dans les registres français. Cela me paraît une question extrêmement importante, nous l’avions évoquée en commission. J’espère que vous m’apporterez une réponse claire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission n’a pas donné un avis favorable à cet amendement car elle n’a pas souhaité revenir sur l’impossibilité, pour les enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger, de retranscription de leur état civil étranger en France.

Un député du groupe UMP. Un sursaut de bon sens !

M. Christian Jacob. Un éclair de lucidité !

M. Charles de La Verpillière. Merci les écolos !

M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez parlé de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes. Il faut néanmoins préciser que la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 avril 2011, a très clairement rappelé dans des termes que je vais citer qu’il est « contraire au principe de l’état d’indisponibilité des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet au regard de la filiation à une convention portant sur la gestation pour autrui qui, fut-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public ». Je veux préciser – nous avons eu cette discussion en commission – que, dans leur intérêt, les enfants nés de gestation pour autrui ont un état civil. Certes, il s’agit d’un état civil étranger mais il a une valeur probante dans notre pays. Il ne pénalise pas les enfants dans leur vie quotidienne. Sur la nationalité, la garde des sceaux l’a dit, la circulaire du 25 janvier répond à ce souci. Néanmoins, votre amendement, monsieur Coronado, tombe à pic après les discussions que nous avons eues. Derrière les termes de gestation pour autrui, quoi qu’on en pense, il y a des enfants. On peut tout imaginer, on peut imaginer de détruire, de supprimer leur acte d’état civil, de leur refuser la nationalité française, cela concerne tout de même des enfants ! Il faudra regarder leur situation au regard de leur intérêt supérieur. Avis défavorable.

M. Pierre Lequiller. Il faut surtout pénaliser les parents !

M. le président. Sur les amendements nos 2147 et 2757, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2147 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme vient de le rappeler le rapporteur, nous avons eu cette discussion au sein de la commission des lois le 16 janvier. Je me souviens de l’ambiance de travail de cette réunion…

M. Philippe Gosselin. Comme toujours à la commission des lois.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’expérience, j’en suis tout à fait convaincue. C’est pour cela que je suis surprise du tollé des membres de l’opposition ayant siégé et participé aux travaux puisque la discussion portait sur l’amendement présenté par Sergio Coronado. J’avais apporté une réponse très détaillée en rappelant, d’une part, le principe intangible de l’indisponibilité du corps qui ne peut souffrir, selon moi, la moindre éraflure. C’est la première réponse que j’ai donnée. La deuxième a été de dire que ces enfants existent néanmoins. J’ai précisé alors, qu’indépendamment de la formule des fantômes de la République, ces enfants ont un état civil.

M. Hervé Mariton. Et un passeport.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non justement, c’est là la difficulté. Je rappelais que cet état civil est producteur de droits : ces enfants peuvent être inscrits à l’école par leurs parents ; l’autorité parentale est reconnue ; ces enfants sont de nationalité française ; ils bénéficient de toutes les dispositions liées à la filiation, notamment les droits successoraux ; ils ont droit au certificat de nationalité française.

M. Pierre Lequiller. Alors que leurs parents ont violé la loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je précisais que j’avais effectivement été alertée.

En tout cas, nous avions constaté, en étudiant ce dossier, qu’il n’y avait pas de problème d’inscription à l’école, qu’il n’y avait pas de problème non plus pour les autres droits. Des difficultés ont, en revanche, été constatées, de façon inégale sur le territoire, en matière d’attribution des certificats de nationalité française.

J’ai donc déclaré le 16 janvier dernier que j’avais demandé que l’on prépare une circulaire. Je vous l’ai montrée physiquement, et j’ai dit qu’elle serait publiée de façon imminente. Quand le Gouvernement annonce quelque chose et le fait, cela provoque un tollé qui dure quatre jours, une semaine même !

Nous en sommes là.

J’ai ajouté, monsieur le député, que ce certificat de nationalité française pouvait faciliter l’acquisition d’un passeport mais que les difficultés se rencontraient, d’une part, au quotidien et, d’autre part, lorsqu’il s’agit de transcrire, un jour ou l’autre, l’état civil de ces enfants dans le registre français d’état civil.

La circulaire a pour objet de permettre à ces enfants d’avoir ce certificat de nationalité. Cela ne supprime pas les difficultés rencontrées au quotidien lorsqu’un document d’état civil récent est demandé, ce qui arrive souvent. Toute personne inscrite au registre d’état civil français, à qui l’on demande un document d’état civil récent, l’obtient rapidement ; pour ces enfants, il faut s’adresser à nouveau au consulat. Il y a là une vraie difficulté pratique, dans la vie quotidienne, qui ne sera pas levée, parce que, contrairement à ce que propage l’opposition depuis une semaine, je ne vais pas donner la consigne de transcrire dans le registre d’état civil français l’état civil de ces enfants, qui, je le rappelle, sont néanmoins français.

Ce que je vous ai dit, qui est inscrit au procès-verbal des travaux de la commission, et qui figure sur la vidéo consultable, c’est que je veux faire étudier les conditions dans lesquelles la transcription pourrait intervenir un jour ou l’autre, peut-être à partir de l’âge de seize ans, peut-être à la majorité. Il s’agirait en tout cas de faire en sorte que ces enfants, qui sont français, apparaissent bien, à un moment ou un autre, sur le registre d’état civil français.

Pour ces raisons, je vous propose, monsieur le député, de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Coronado, je vous donne la parole tout de suite s’il s’agit de retirer l’amendement. Si ce n’est pas le cas, je dois la donner à ceux qui me l’ont demandée.

M. Sergio Coronado. Si je vous demande la parole, c’est peut-être, effectivement, pour annoncer le retrait de l’amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. « Peut-être » !

M. Sergio Coronado. On a parlé de la PMA, on a parlé de la GPA, il nous reste un peu de temps, on pourrait parler de téléportation, chers collègues, si vous le voulez. Cela me paraît un thème intéressant, à deux heures du matin, même si j’ai l’impression que nous y avons déjà droit depuis quelques heures, puisque l’on aborde des thèmes qui étaient très vivaces il y a plusieurs siècles. Nous pourrons avoir un débat très intéressant sur ces questions-là, mais laissez-moi m’exprimer, et répondre au rapporteur.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, les arrêts de la Cour de cassation, mais il y a aussi ceux de la Cour d’appel de Rennes. Il est intéressant de prendre connaissance de son argumentation : « Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil, sans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. » Comme vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, vous n’avez pas, par votre circulaire, octroyé la nationalité française, vous avez simplement pris acte de la nationalité d’un enfant né d’un père français.

En l’occurrence, il ne s’agit pas non plus d’établir un état civil. L’état civil existe, il a été établi dans le pays, conformément, d’ailleurs, aux exigences de l’article 47 du code civil. Vous pouvez donc souffrir que je voie une petite contradiction dans le fait que vous prenez cette circulaire sur la délivrance des certificats de nationalité sans faire le pas de la transcription, d’autant que vous n’attaquez pas, que la France n’a jamais attaqué l’état civil établi à l’étranger, dès lors qu’il respecte les prescriptions de l’article 47, et ce même lorsqu’il s’agit d’un contrat de gestation pour autrui.

Nous retirons donc l’amendement n° 2147, mais nous reviendrons sur cette question, sans doute, dans le débat parlementaire. Si le Gouvernement aborde ces questions dans la discussion de la loi sur la famille, nous serons également présents, et très vigilants. Nous souhaitons pouvoir avancer sur cette question. Je retiens les mots que vous m’avez dits l’autre jour : « On avance, on avance. » Je tiens donc compte des petits pas que nous faisons.

(L’amendement n° 2147 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 2757.

Mme Véronique Massonneau. Il s’agit de la possession d’état.

La possession d’état permet de reconnaître la filiation dès lors que la personne a été traitée par celui ou ceux dont elle est issue comme son enfant et qu’elle-même l’a traité ou les a traités comme son parent ou ses parents. Cette possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. On l’appelle souvent la paix des familles.

Il s’agit, par cet amendement, de s’assurer que la possession d’état soit bien reconnue pour les parents homosexuels ayant eu un enfant à la suite d’un projet parental commun, afin que l’enfant puisse voir les droits de ses deux parents reconnus. Elle s’établirait quand l’enfant n’aurait pas de double filiation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons parlé de cette possibilité, lors des auditions et lors des réunions de la commission, comme d’une possible solution réglant les difficultés des couples de personnes de même sexe ayant des enfants et séparés avant la publication de la loi dont nous débattons. Mais la possession d’état ne peut être une solution.

Elle est satisfaisante dans la mesure où elle crée un lien de filiation. Moi-même, j’ai commencé – M. Coronado en est témoin – à travailler sur cette piste avec ceux et celles qui ont été présents assez régulièrement lors des auditions, mais établir une filiation via la possession d’état est extrêmement long. Dans le cadre d’un couple en conflit, ce qui peut arriver, surtout dans le cas d’un couple séparé, on peut imaginer que la possession d’état ne serait établie, dans le meilleur des cas, qu’après de nombreuses années de procédure. En outre, la possession d’état crée le lien de filiation mais ne donne pas de droit ni d’autorité parentale ni de droit de visite au parent social ou intentionnel.

Je vous proposerai donc, dans les prochaines heures de la discussion de ce projet de loi, un dispositif plus intéressant, qui ne créera pas de lien de filiation mais qui pourra, en revanche, permettre au juge de donner au tiers une autorité parentale et, en tout cas, des droits, dans l’intérêt de l’enfant, évidemment.

C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la députée, nous savons à quel point le problème que vous-même et les autres signataires de l’amendement soulevez est important et difficile, puisque nous avons passé plusieurs jours à chercher comment le régler de la façon la plus efficace. L’hypothèse de recourir à la possession d’état pour faire établir la filiation a été envisagée, puisque tel est le rôle de la possession d’état dans notre droit. Je rappelle que la possession d’état établit la filiation essentiellement par la voie de la réputation.

Le Gouvernement a choisi d’en rester, avec ce projet de loi, à la filiation adoptive. Par conséquent, la possession d’état ne peut pas régler le problème qui vous préoccupe, notamment la situation de ces familles où il y a séparation et où des difficultés surviennent entre les parents en matière de garde des enfants, de relations, d’autorité parentale. Il a été convenu avec le rapporteur et la commission que nous continuions à travailler de façon à trouver la solution de droit la plus efficace pour répondre à cette situation réelle sans introduire de la confusion puisque, je le répète, ce texte ne retient que la filiation adoptive pour les couples de même sexe, alors que la possession d’état est un mode d’établissement de la filiation.

Pour cette raison, le Gouvernement vous propose de retirer votre amendement. Vous savez que son engagement à trouver une rédaction satisfaisante est sérieux et que des séances de travail ont déjà eu lieu.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Nous retirons l’amendement.

(L’amendement n° 2757 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il y a vingt-quatre heures, je suggérais, monsieur le président, que nous prolongions nos travaux. Je vous propose cette fois de suspendre nos travaux, puisque les amendements dont l’examen suit sont assez cohérents entre eux. Nous pourrions d’ailleurs, si vous l’acceptiez, commencer demain matin par l’amendement n° 5039 de Mme Narassiguin, objet d’un sous-amendement de Mme Schmid, amendement sur lequel la commission avait demandé la réserve.

M. le président. Je pense plus sage de garder tous les amendements qui suivent, cohérents, pour la prochaine séance. Cela permettra aux uns et aux autres de repenser aux gestes et aux paroles.

2
Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, dimanche 3 février à dix heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée, le dimanche 3 février 2013, à une heure cinquante-cinq.)

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Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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