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lundi 15 janvier 2018

Séance du 11 avril 2013

PRÉSIDENCE DE M. DIDIER GUILLAUME

vice-président
Secrétaires :
M. Gérard Le Cam,
Mme Catherine Procaccia.
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Vérification du quorum (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 2
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
Nous poursuivons la discussion des articles.
CHAPITRE II (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (début)
Article 2 (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, au vote sur l’article 2.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons reçu ce matin par e-mail l’appel d’un collectif de juristes internationaux, lequel a également été publié dans l’hebdomadaire français Valeurs Actuelles. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Ces juristes issus de nombreux continents, ces voix qui nous parviennent de pays sources pour l’adoption nous rappellent que le droit international, lequel est fondé sur le droit universel, c’est-à-dire non pas le droit français, européen ou américain, mais le droit de tous les humains (M. Patrice Gélard fait un signe d’approbation.), est fondé sur trois principes.
Premièrement, une famille est composée d’un homme et d’une femme. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. C’est de l’obstruction !
Un sénateur du groupe socialiste. Sur quel article du règlement se fonde votre rappel ?
M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, un enfant a le droit d’avoir un père et une mère. Troisièmement, la société est garante de l’intérêt supérieur de l’enfant. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Retailleau achever son intervention !
M. Bruno Retailleau. Je pense que nous devrions les entendre.
Mme Cécile Cukierman. Ce ne sont pas les experts qui font la loi !
M. Bruno Retailleau. Ils s’appuient sur de grands textes internationaux (Les protestations sur les travées du groupe socialiste se poursuivent.), de la Déclaration de Genève jusqu’à la Convention de La Haye, et nous rappellent les dangers de la possession d’autrui et de la réification de l’enfant.
Je pense que nous devrions entendre ces voix autorisées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je ne vous donne pas acte de votre rappel au règlement, cher collègue, car ce n’en était pas un. Il s’agissait d’une intervention.
Pour la clarté et la sérénité de nos débats, je demanderai aux orateurs souhaitant faire un rappel au règlement de brandir le règlement du Sénat et d’indiquer sur quel article ce rappel se fonde. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, je m’apprêtais à dire exactement ce que vous venez d’indiquer. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) M. Retailleau se livre à un véritable détournement. En quoi l’e-mail de juristes qu’il a reçu justifie-t-il un rappel au règlement ? Si, nous devions faire un rappel au règlement à chaque fois que nous recevons un email ou que nous lisons un article dans le journal, cela n’aurait plus aucun sens ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bertrand Auban. Cela mérite une sanction !
M. Richard Yung. Un blâme !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je suis très heureux que vous ayez décidé d’appliquer le règlement avec rigueur alors que nous observons des mises en cause de nos procédures. (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste.) Monsieur Mercier, je suis persuadé que l’ancien garde des sceaux que vous êtes – nous vous connaissons – ne manquera pas de s’insurger contre de telles pratiques.
M. Bruno Retailleau. Vous étiez experts !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 153 :
Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 177
Contre 159
Le Sénat a adopté.
Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
Article 2
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (suite)
Mme Catherine Troendle. Conformément à votre demande, monsieur le président, je brandis le règlement du Sénat et l’ouvre à la page de l’article 29 bis. C’est en effet sur cet article relatif à l’organisation de nos travaux que se fonde mon rappel au règlement.
Nous reprenons aujourd’hui nos travaux sans savoir exactement quand ils s’achèveront. Certains s’en moquent peut-être, mais ceux, très nombreux, qui participent à ce débat depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, aimeraient savoir comment va se dérouler la suite de nos travaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Hier soir, vous nous avez annoncé que l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale était retiré de l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui. Quelles conclusions devons-nous en tirer pour la discussion du projet de loi en cours ? Telle est ma première question, monsieur le président.
En outre, il a été décidé, dès le début de l’examen des amendements, d’en réserver le plus grand nombre. J’imagine, comme une rumeur persistante émanant des travées de la majorité sénatoriale le laisse entendre, que vous allez probablement recourir à l’application de l’article 42, alinéa 7, de notre règlement ? C’est un acte de mépris à l’égard des travaux parlementaires (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un procès d’intention !
Mme Catherine Troendle. … et de défiance vis-à-vis de l’opposition et des millions de Français qui s’opposent à ce texte ! (M. Bertrand Auban s’exclame.)
Vous persistez dans votre démarche. Vous avez refusé l’organisation d’un référendum. Mme Vallaud-Belkacem refuse de venir s’exprimer devant la représentation nationale. Le président du groupe socialiste a demandé à l’opposition de sortir de l’hémicycle pour gagner du temps, alors même que c’est son groupe qui a ralenti le déroulement de nos travaux (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) en n’assurant pas une présence suffisante de ses membres dans l’hémicycle et en imposant, au cours de la séance d’hier, scrutin public sur scrutin public.
M. François Zocchetto. Çà, c’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Je vous le dis, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, car nous sommes motivés !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Nous aussi !
Mme Catherine Troendle. Par conséquent, monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir nous faire un point précis sur le déroulement de nos travaux et de nous indiquer quelles sont vos intentions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Troendle.
La réponse que vous attendez est dans votre question, me semble-t-il. En début d’après-midi, nous aurons à mon avis une meilleure idée du déroulement de nos travaux pour la fin de la journée. S’agissant de ce matin, je vous informe que nous siégerons jusqu’à treize heures.
La parole est à M. François Rebsamen.
Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (suite)
M. François Rebsamen. Je voudrais dire à l’opposition que l’on ne peut pas gérer tout à la fois l’ordre du jour et les temps de parole en fonction des disponibilités des uns et des autres.
M. Jean-Jacques Hyest. Sur quel article du règlement se fonde ce rappel ? Il faut brandir le règlement !
M. François Rebsamen. Je le dis avec respect à l’opposition : ce n’est pas le groupe UMP qui fixe l’ordre du jour !
M. Bruno Sido. Non, hélas !
M. Jean-Louis Carrère. Vous en aviez l’habitude !
M. François Rebsamen. Nous sommes présents et nous travaillons.
S’agissant du propos de Mme Troendle sur la « rumeur », c’est un commentaire sur une rumeur !
Par ailleurs, je souhaite que l’on évite les manœuvres de retardement.
M. Jackie Pierre. Ça, c’en est une !
M. François Rebsamen. Hier après-midi, M. Lenoir a encore une fois stigmatisé l’absence en séance de sénatrices et de sénateurs socialistes.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
Mme Catherine Troendle. Vous n’étiez pas là !
M. François Rebsamen. Pour ce qui nous concerne, mes chers collègues, quand il y a des réunions de commission ou des auditions, nous y allons ! (M. Jackie Pierre s’exclame.)
Quant à vous, chers collègues qui siégez à la droite de cet hémicycle, vous vous énervez quand des réunions de commission sont prévues en même temps que la séance : l’intervention de Mme Debré, hier soir, le montre bien. Mais on ne peut pas avoir une chose et son contraire !
Cette intervention est l’occasion pour moi de vous inviter à travailler dans la sérénité : avançons dans le débat et évitons les manœuvres de retardement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 3 (Texte non modifié par la commission)
M. Hugues Portelli. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Sur quel article se fonde-t-il ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Hugues Portelli. Sur la base de l’intervention de M. Rebsamen.
M. le président. M. Rebsamen répondait au rappel au règlement fait par Mme Troendle. Vous avez remarqué, monsieur le sénateur, que je ne lui ai pas donné acte de son rappel au règlement.
Mes chers collègues, nous devons reprendre nos travaux dans la sérénité. Le règlement du Sénat permet à chacun de s’exprimer, de faire vivre ses convictions et d’aller au bout du débat. En ce sens, il est moins restrictif que celui de l’Assemblée nationale. Je souhaite donc que chacun utilise le règlement du Sénat, et rien que lui.
M. Hugues Portelli. Bien sûr !
M. le président. Monsieur Portelli, je vous ai dit quelle règle devait être suivie pour un rappel au règlement. Pouvez-vous me dire sur quel article se fonde le vôtre ?
M. Hugues Portelli. Il se fonde sur l’article 29 bis du règlement, monsieur le président. (L’orateur brandit le règlement du Sénat.)
M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Hugues Portelli. Monsieur Rebsamen, j’ai fait partie du groupe de travail, présidé par Gérard Larcher, sur la dernière révision du règlement du Sénat, au sein duquel tous les groupes parlementaires de cette assemblée étaient représentés.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Hugues Portelli. Après un très long débat sur la question du temps législatif programmé, nous avons fini par aboutir à un consensus. Rappelez-vous : à la suite de la révision constitutionnelle de 2008, les députés avaient voulu introduire ce type de dispositif au sein du règlement de l’Assemblée nationale. La majorité comme l’opposition sénatoriales y étaient, en revanche, hostiles.
MM. Jean-Marc Todeschini et François Rebsamen. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est un rappel à l’Histoire !
M. Hugues Portelli. Nous nous sommes mis d’accord pour ne pas introduire le temps législatif programmé dans le règlement du Sénat et pour continuer à travailler comme nous l’avions fait jusqu’alors. Les sénateurs sont libres d’utiliser leur temps de parole et leur droit d’amendement, conformément à la tradition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce ne sont pas vos mémoires, monsieur Portelli !
M. Hugues Portelli. Je tenais simplement à rappeler cette tradition et notre accord politique d’alors,…
M. François Rebsamen. Mais quel est le problème ?
M. Hugues Portelli. … que l’on ne peut pas remettre en cause en détournant les procédures !
M. Marc Daunis. Et c’est vous qui parlez de détournement de procédure ?
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Portelli.
Je vous indique, mes chers collègues, que la présidence veillera au respect du règlement par tous, afin que chacun puisse s’exprimer et que le débat se déroule sereinement.
Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4
Article 3
(Non modifié)
I. – À l’article 361 du code civil, les références : « des trois derniers alinéas de l’article 357 » sont remplacées par la référence : « du dernier alinéa de l’article 357 ».
II. – L’article 363 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 363. – L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction.
« Lorsque l’adopté et l’adoptant, ou l’un d’eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté.
« En cas d’adoption par deux époux, le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté.
« Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l’adoptant, décider que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, que l’adopté conservera son nom d’origine. En cas d’adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »
M. le président. L’amendement n° 172 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Mes chers collègues, nous le disons depuis le début de cette semaine, le groupe UDI-UC est très majoritairement opposé à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. En effet, cela reviendrait tout simplement à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale, nécessairement paradoxale car fondée sur une impossibilité biologique.
Nous nous devons de protéger l’intérêt de l’enfant, qui, si cette disposition était adoptée, se verrait ainsi privé d’un père ou d’une mère. Le fait que certains enfants aient pu s’épanouir sans le repère de l’un ou de l’autre ne justifie en rien que la loi généralise la possibilité pour les couples de personnes de même sexe d’adopter. Enfin, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe risque d’entraîner une rupture d’égalité entre les enfants, selon qu’ils seront nés de couples hétérosexuels ou adoptés par eux – cela représente encore, heureusement, la majorité des cas – ou adoptés par des couples homosexuels, et, par conséquent, privés de père ou de mère. L’égalité entre adultes – ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire au début de nos débats, c’est le seul motif qui nous est opposé pour justifier ce texte – se ferait donc au détriment de celle des enfants.
Nous vous proposons par conséquent de supprimer l’article 3 du présent projet de loi qui, sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, tend en réalité à consacrer l’établissement d’une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
Nous sommes évidemment contre une telle évolution, qui – permettez-moi de le dire, car je le pense vraiment – confine à l’absurde. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Comme l’a dit lui-même M. Détraigne, cet amendement est la conséquence logique de l’opposition du groupe UDI-UC à l’adoption plénière par un couple composé de deux personnes de même sexe.
La commission, défavorable à la suppression de l’article 3 du présent projet de loi, se prononce contre l’amendement n° 172 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je dois tout de même vous faire part de mon étonnement. Bien entendu, il est cohérent que vous fassiez preuve de constance à vous opposer au texte, à vouloir contrarier chacune des dispositions qu’il contient, et à faire valoir l’union civile.
Néanmoins, votre qualité de législateur devrait vous amener à prendre acte de l’adoption de l’article 1er. Dès lors, faisons en sorte, dans l’intérêt de nos concitoyens, que la loi soit la mieux construite, la plus structurée, la plus cohérente possible !
Vous semblez décidés – j’allais dire « farouchement déterminés » – à discuter jusqu’au bout, sur toutes les dispositions. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Entendons-nous bien, je ne remets pas en cause votre liberté d’amender. Mais pourquoi, compte tenu du vote conforme de l’article 1er intervenu précédemment, ne pas discuter d’amendements qui pourraient permettre d’améliorer le texte ?
M. François Rebsamen. Bien sûr !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est un peu étonné de cette méthode, monsieur le sénateur, même si, naturellement, il y fera face aussi longtemps que vous l’aurez décidé. En matière de fabrication de la loi, cette pratique lui semble assez surprenante.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, ils ne sont pas assez nombreux !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 154 :
Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 163
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par MM. Gélard, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Belot, Billard, Bizet et Bordier, Mme Bouchart, M. Bourdin, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Cardoux et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier et Dassault, Mme Debré, MM. del Picchia, Delattre et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati et Doublet, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Emorine et Falco, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, Fleming, Fontaine, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Frogier, Gaillard et Garrec, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosdidier, Guené, Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. G. Larcher, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Lorrain, du Luart, Magras, Marini et Martin, Mme Masson-Maret, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, de Montgolfier, Nachbar, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raffarin, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Saugey, Savary, Savin et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vendegou, Vial, Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer le mot :
époux
par les mots :
conjoints mariés ou ayant contracté une union civile
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Mme le garde des sceaux va encore nous reprocher de continuer à présenter des amendements de suppression des articles !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En effet !
M. Jean-Louis Carrère. Oui, mais comme vous ne le comprenez pas…
M. Jean-Jacques Hyest. Mais enfin, c’est logique ! À partir du moment où nous ne voulons pas des modifications que vous proposez d’apporter au code civil, nous demandons leur suppression !
Madame le garde des sceaux, l’article 363 du code civil que vous proposez n’a pas seulement pour objet de tirer les conséquences de l’adoption de l’article 1er du projet de loi en substituant le mot « époux » aux mots « mari » et « femme ». Si cette dernière modification est logique, vous allez cependant plus loin en modifiant les dispositions applicables en cas de désaccord sur le nom dans une adoption simple, par exemple. Avant, c’était l’adoptant qui décidait, maintenant il en ira autrement.
Tout cela soulève un certain nombre de questions. Pour ma part, je me méfie énormément des modifications du code civil, particulièrement en ce qui concerne le nom : elles interviennent quasiment tous les dix ans, la dernière remontant à 2002. À peine les règles sont-elles un peu assimilées – certains ne savent toujours pas comment on choisit un nom – que l’on modifie encore tout !
Cette frénésie législative n’est pas forcément bonne. Et, comme d’habitude, aucune évaluation n’a été réalisée. On ne regarde pas ce qui s’est passé, la façon dont la législation a évolué et quels étaient les vrais problèmes rencontrés. On n’examine pas la jurisprudence. On ne dispose de rien. Néanmoins, on modifie les textes !
Je propose que nous supprimions cet article pour deux raisons : premièrement, parce que nous ne sommes pas d’accord avec le mariage des personnes de même sexe ; deuxièmement, parce que les modifications apportées ne me paraissent pas complètement pertinentes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Hyest, l’amendement n° 36 rectifié ter ne vise pas à supprimer l’article. Il concerne les personnes ayant contracté une union civile. Celle-ci ayant été repoussée, l’amendement n’a logiquement plus d’objet. Le service de la séance aurait dû le signaler.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Monsieur Hyest, ce que j’ai dit tout à l’heure vaut pour tous les amendements à venir qui ne tiennent pas compte de l’adoption de l’article 1er.
Vous insistez sur la question de la dévolution du nom, et vous avez raison car c’est un sujet de fond. Cependant, comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce point n’est pas vraiment l’objet de l’amendement, qui concerne les personnes ayant contracté une union civile. Or l’union civile n’existera pas !
Vos observations sur la dévolution du nom sont tout à fait fondées. Il est vrai qu’une loi est intervenue il y a une dizaine d’années. Elle est restée inachevée parce que le sujet est tellement complexe qu’aucune des deux chambres n’est arrivée à obtenir une majorité pour voter jusqu’au bout ce qui avait été prévu à l’époque par le projet de loi. Cependant, il ne s’agit pas de revenir tous les dix ans, de façon cyclique, sur la question du nom ! Simplement, cette question « travaille » la société.
J’ai souligné hier que le mariage ne modifiait pas la pratique en vigueur par rapport au nom. L’usage veut que, éventuellement, l’épouse prenne le nom du conjoint : on a rarement, pour ne pas dire jamais, vu l’inverse se produire. Pourtant, le code civil le permet. À telle enseigne que lors de la dissolution du mariage, en cas de divorce ou de séparation de corps, un des conjoints, pour pouvoir renoncer au nom, doit obtenir l’accord de l’autre conjoint. Il s’agit indifféremment de l’un ou de l’autre.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’allons pas refaire ce débat. Discutons de points qui concernent le texte !
Hier, un sénateur de l’opposition s’est livré à un exercice sur les noms composés. Il a fait ce que l’on appelle en mathématiques du calcul de probabilités, c’est-à-dire qu’il a envisagé toutes les combinaisons possibles entre plusieurs termes. Cela a semblé réjouir ses collègues siégeant à la droite de cet hémicycle.
M. Charles Revet. Ça ne nous a pas réjouis, ça nous a inquiétés !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais c’était totalement hors sujet ! En effet, si ce sénateur avait pris la peine de lire le texte, il se serait aperçu que, quand il y a deux noms, un seul nom peut être retenu, l’adjonction respectant l’ordre alphabétique !
Je veux bien qu’on se livre à tous les exercices, y compris à quelques exercices de divertissement – mon propos ne vous vise pas, monsieur Hyest –, mais je rappelle que nous sommes en train de légiférer ! Cette loi, si elle est adoptée, s’appliquera aux citoyens, et nous devons donc avoir tous le souci – je ne doute pas une seconde que ce ne soit le cas – de lui permettre de sortir dans le meilleur état possible des mains du législateur.
J’attends que l’énergie déployée pour faire durer l’examen du projet de loi vise surtout à améliorer le texte ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je n’avais pas prévu de prendre la parole à ce stade de la discussion. Néanmoins, madame la ministre, je veux saisir au vol vos propos sur l’explication de vote de Jean-Pierre Leleux, hier, car je ne pense pas que notre collègue se soit écarté de l’exposé des conséquences concrètes de votre texte.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’a juste pas lu le texte !
M. Philippe Bas. Il a bien expliqué – vous l’aurez noté si vous l’avez écouté, mais je ne suis pas sûr que tel ait été le cas (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) –…
M. François Rebsamen. C’est insupportable !
M. Jean-Louis Carrère. Quelle suffisance !
M. Philippe Bas. … que, quand les deux « parents » auront chacun un nom composé, il faudra retenir, pour le nom de l’enfant, l’un des deux éléments du patronyme de chacun. S’ils ne s’entendent pas sur ce choix, il appartiendra à l’officier d’état civil de retenir deux patronymes sur les quatre. Il choisira le premier nom du patronyme de chaque membre du couple et ordonnera chacun des deux noms en suivant l’ordre alphabétique.
Si, à la deuxième génération, les deux parents ont de nouveau un nom composé, il faudra recommencer l’opération. Et là, ce sera une véritable loterie des patronymes. C’est ce qui nous inquiète.
Puisque vous ne comprenez pas nos propos lorsqu’ils restent abstraits, il était intéressant que notre collègue s’appuie sur des exemples concrets, déroulant implacablement tous les effets de la réforme que vous proposez en matière de nom de famille.
Le nom de famille, c’est l’identité. Or l’identité est essentielle dans la construction de la personnalité. Personne parmi nous ne peut nier l’importance qu’il y a à développer des liens de qualité entre l’adulte et l’enfant. C’est vrai dans tous les cas. La notion de parenté, de filiation ne peut pas se limiter à l’intention, même profonde, même judicieuse, qui se trouve dans la tête et le cœur des parents. Une construction du cœur et de l’esprit, c’est noble, c’est beau, c’est admirable, mais c’est une utopie !
En allant au-delà de l’utopie et en donnant à cette dernière des répercussions pratiques, on ne saura plus finalement qui est qui et d’où chacun d’entre nous vient. Il est absurde de bouleverser de la sorte des traditions qui ne sont pas toutes mauvaises.
Madame la ministre, l’amendement présenté par notre collègue Jean-Jacques Hyest a tout son intérêt. De mon point de vue, il faut absolument l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
à la demande des adoptants
par les mots :
à la demande conjointe des adoptants
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 38 rectifié bis et 37 rectifié ter.
M. le président. J’appelle donc également en discussion les deux amendements suivants.
L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant
L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par MM. Gélard, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Belot, Billard, Bizet et Bordier, Mme Bouchart, M. Bourdin, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Cardoux et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier et Dassault, Mme Debré, MM. del Picchia, Delattre et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati et Doublet, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Emorine et Falco, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, Fleming, Fontaine, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Frogier, Gaillard et Garrec, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosdidier, Guené, Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. G. Larcher, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Lorrain, du Luart, Magras, Marini et Martin, Mme Masson-Maret, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, de Montgolfier, Nachbar, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raffarin, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Saugey, Savary, Savin et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vendegou, Vial, Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Après le mot :
conjoint
insérer les mots :
marié ou ayant contracté une union civile
2° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
époux
par les mots :
conjoints mariés ou ayant contracté une union civile
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Patrice Gélard. Les auteurs de l’amendement no 95 rectifié bis souhaitent que les démarches soient faites conjointement par les deux adoptants. En effet, les démarches réalisées par un seul adoptant risquent d’aboutir, par la suite, à des contentieux extrêmement complexes et difficiles.
L’amendement no 38 rectifié bis vise à compléter la dernière phrase de l’alinéa 5 par les mots : « sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant ».
Certains noms peuvent provoquer moqueries et insultes, et donner lieu à un véritable harcèlement. C’est le cas, notamment, des noms qui prennent la forme d’adjectifs peu avantageux ou évoquent une personnalité célèbre à laquelle on ne veut pas être assimilé.
Or l’article 3 du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe prévoit dans les dispositions relatives à l’adoption simple et au nom de famille que, en l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci se verra accoler à son premier nom d’origine le nom de son premier adoptant selon l’ordre alphabétique.
Même si le texte de l’article 3 du projet de loi prévoit que « sur la demande des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant », il conviendrait de permettre l’intervention du juge pour le cas où l’ordre des noms dévolus à l’enfant à défaut de choix s’avérerait inapproprié, et partant contraire à l’intérêt de l’enfant. Cette intervention est d’autant plus précieuse qu’en matière d’adoption simple le ridicule peut aussi advenir à raison de la juxtaposition du prénom et du nom. Nous avons tous connu des Jean Bonnot ! Et un de mes amis, qui vient de décéder, s’appelait Otto Bus !
Cette situation ne se rencontre qu’en cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption d’un enfant par les deux époux. Encore faut-il ouvrir la faculté pour le juge de décider de l’ordre des patronymes afin d’éviter que l’enfant ne porte un nom ridicule. Cela éviterait à l’avenir une multitude de procédures longues et coûteuses.
Avec l’amendement n° 37 rectifié ter, nous restons fidèles aux propositions que nous avons défendues jusqu’à présent. Je rectifie néanmoins le texte de cet amendement afin d’en supprimer les mots : « ou ayant contracté une union civile », qui n’ont plus de raison d’être. En revanche, je maintiens les mots :« conjoints mariés ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 37 rectifié quater ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Après le mot :
conjoint
insérer les mots :
marié
2° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
époux
par les mots :
conjoints mariés
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 95 rectifié bis, 38 rectifié bis et 37 rectifié quater ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je remercie Patrice Gélard de ses explications.
Un amendement similaire à l’amendement no 95 rectifié bis a déjà été repoussé à l’article 2. Quoi qu’il en soit, la disposition proposée est satisfaite par le droit en vigueur : l’adoption simple conjointe suppose l’accord des deux adoptants, qui sont parties à la demande. J’invite donc au retrait de cet amendement. À défaut, la commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement
En ce qui concerne l’amendement n° 38 rectifié bis, l’application de la règle par défaut suppose un désaccord entre les adoptés et l’adoptant sur l’ordre des noms. On peut raisonnablement considérer qu’aucun des deux adoptants n’aura voulu imposer un double nom ridicule à l’adopté, souvent majeur dans la mesure où il s’agit là des adoptions simples et pas des adoptions plénières, comme à l’article 2 où un amendement semblable, qui me semblait avoir plus de pertinence, a été présenté.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, malgré l’avis du rapporteur en commission.
L’amendement no 37 rectifié ter vient d’être rectifié, ce dont je me félicite. M. Gélard a retiré les mots « ou ayant contracté une union civile » puisque l’amendement n° 36 rectifié ter a été rejeté et que l’union civile n’existe plus.
Qu’il me soit permis de faire un point pour que cette précision figure au procès-verbal. Je ferai la comparaison avec l’amendement n° 172 rectifié ter, qui a été présenté tout à l’heure par M. Détraigne.
L’article 1er a été adopté. Vous êtes contre, mais vous pouvez toujours, à mon avis, même si c’est en contradiction avec ce que sera le texte de loi, déposer des amendements montrant votre opposition constante à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, et donc à l’adoption par ces derniers. Ces amendements peuvent à mon avis subsister.
En revanche – je le dis au service de la séance, même si je ne serai pas entendu… –, lorsque l’opposition quelle qu’elle soit souhaite introduire dans un texte une nouveauté telle l’union civile, et que celle-ci n’est pas adoptée, tous les amendements subséquents se référant à l’union civile doivent à mon avis être déclarés sans objet par le service de la séance, sans même être appelés en discussion.
M. Gélard, en grand juriste que vous êtes, vous avez bien compris. Vous rejoignez ma position en supprimant de votre amendement les mots : « ou ayant contracté une union civile » Cet amendement peut bien évidemment être appelé, mais, par coordination avec l’amendement n° 36 rectifié ter, la commission émet un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très clair, très cohérent !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces différents amendements.
Vous avez évoqué le cas des patronymes ridicules. Mais le ministère de la justice – et l’ancien garde des sceaux Michel Mercier, qui est présent ce matin,…
M. Bruno Sido. Il est toujours là !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Absolument !
… peut en témoigner – est souvent saisi de telles situations et autorise assez largement les changements de nom, sauf dans les cas, assez rares, où la demande n’est pas justifiée.
Certains patronymes sont à l’évidence ridicules et de nature à porter préjudice. Il arrive également que des personnes dont le nom d’usage s’est imposé au fil du temps souhaitent revenir à leur ancien nom de famille.
Par conséquent, je ne vois pas la nécessité d’une telle mention dans le code civil ; la procédure fonctionne déjà admirablement.
M. le président. Je réponds à M. le rapporteur : ni la direction de la séance ni la présidence ne peuvent déclarer que des amendements de conséquence n’ont plus d’objet.
Toutefois, par cohérence, dans la mesure où l’article 1er a été adopté, M. le rapporteur peut effectivement demander le retrait des amendements concernés ou présenter, au nom de la commission, une liste d’irrecevabilité.
Un sénateur du groupe socialiste. Et voilà !
M. François Rebsamen. Très bien ! Il faut le faire !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Avant d’expliquer mon vote contre l’article 3, je souhaite répondre à M. Rebsamen.
M. le président. Mon cher collègue, je me permets de vous rappeler un point de procédure.
Depuis l’ouverture de la séance, nous travaillons dans la sérénité et le respect absolu du règlement. Le temps de parole consacré aux explications de vote ne doit pas servir à débattre des propos tenus par d’autres membres du Sénat.
Par conséquent, je vous donne bien volontiers la parole pour explication de vote, mon cher collègue. En revanche, si votre intention est de répondre aux propos de M. Rebsamen, je serai contraint, à mon grand regret, de devoir vous interrompre.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’ai demandé la parole pour pouvoir expliquer mon vote. Mais si vous tenez à décider vous-même de ce que je dois dire, je vous en prie.
M. le président. Ce n’est pas ce que j’ai indiqué, mon cher collègue. Veuillez poursuivre.
M. Jean-Claude Lenoir. Si nous sommes ici, c’est parce que nous avons fait des choix. Ce matin, j’aurais pu participer à la réunion de la commission des affaires économiques…
M. Jean-Pierre Caffet. Qui ne se réunit pas ce matin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. … ou à celle de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe.
Mais il y a une hiérarchie des valeurs. J’ai donc préféré participer à la séance publique pour combattre votre projet de loi, madame la ministre.
L’article 3 porte sur le nom. Comme l’a souligné à juste titre notre collègue Philippe Bas, le nom, c’est l’identité de la personne. Le nom doit être porté ; il doit aussi être simple.
Je souligne l’importance qu’un nom soit rattaché à une personne. Souvenez-vous de L’Odyssée : pour échapper à la vindicte du Cyclope, Ulysse lui a dit : « Je m’appelle Personne ! »
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. « Personne », c’est quelqu’un !
M. Jean-Claude Lenoir. Le nom marque l’identité, l’originalité de la personne. C’est, par exemple, ce qui me distingue de mes collègues du genre masculin.
Le Canada a des liens historiques avec la région où je suis né. Au XVIIe siècle, un certain nombre de familles ont traversé l’Atlantique et ont fondé les premières colonies françaises sur le bord du Saint-Laurent. Ces cousins d’Amérique sont très attachés au nom de la famille, au point de se retrouver par milliers, voire par dizaines de milliers dans des associations qui entretiennent ces liens. Jamais il ne viendrait à l’esprit de ces personnes de rompre le lien non seulement familial, mais même quasi social avec des générations qui les ont précédées ; c’est ce qui a forgé, finalement, l’identité de la famille.
Je suis également frappé de constater que l’on se réunit souvent par familles entières pour célébrer la communauté d’ascendance et préserver le patronyme.
Or, demain, le nom sera dissous. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Certaines personnes ont un nom si compliqué qu’un diminutif finira par s’imposer, comme nous avons déjà pu le voir dans les établissements scolaires que nous avons fréquentés. De même, dans des familles aristocratiques, quand le patronyme a plusieurs particules, les différents membres n’en gardent qu’une partie, pas toujours la même, si bien que plusieurs noms différents finissent pas coexister au sein d’une même famille !
Comme le soulignait hier le doyen Patrice Gélard, cette loi est mauvaise pour des raisons qui tiennent à son article 1er, à son article 1er bis, mais également à la question du nom. C’est la raison pour laquelle nous sommes résolus à combattre l’idée que l’on puisse dissoudre l’identité des personnes en adoptant une telle disposition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le discours de M. Jean-Claude Lenoir est très intéressant. C’est l’expression des adeptes du fixisme,…
M. Bruno Sido. Ça y est ! C’est reparti !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … pour qui rien ne change et rien ne doit changer en matière lexicale.
M. Lenoir a évoqué le mot « personne ». Mais, comme vous le savez, à l’origine, « personne », cela signifiait « quelqu’un » ; aujourd’hui, cela signifie « le contraire de quelqu’un ». C’est exactement comme « rien », qui signifiait étymologiquement « quelque chose » – cela vient du latin rem – et qui, aujourd’hui, signifie « le contraire de la chose ».
Tout cela est dû à l’usage de la forme négative. La phrase : « Je ne vois personne » signifie : « Je ne vois pas quelqu’un ». Nous constatons comment « quelqu’un » devient « personne ». On pourrait d’ailleurs en jouer : Raymond Devos était expert en matière.
Tous ceux qui invoquent la société et l’Histoire, tous ceux pour qui rien ne doit changer sur les noms, propres ou communs, tiennent des discours qui sont à l’évidence contraires à la réalité historique et à la situation immédiate.
Je tenais à le rappeler, car il faut quelquefois parler du fond et ne pas accepter que certains profèrent tout le temps des affirmations que le minimum de sciences historiques du langage contredit à l’évidence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’article.
M. Dominique de Legge. Le commentaire de M. le président de la commission des lois sur le nom est intéressant… Mais, en l’occurrence, il s’agit de « personne ».
Moi, c’est sur le nom que je voudrais m’exprimer à l’occasion de cette explication de vote.
Le nom, c’est un identifiant. C’est ce qui nous permet de nous parler et de nous interpeller dans cet hémicycle.
À cet égard, le projet de loi suscite mon inquiétude. En effet, dans nos territoires, nous constatons tous – et il ne nous appartient pas d’en juger – que beaucoup d’enfants sont en quête d’identité et de repères. Or je crains que l’introduction de telles dispositions dans le code civil n’aille pas en ce sens et n’aide pas à la construction de la personnalité des enfants.
La violence exprimée par les enfants est souvent une interpellation envers les adultes : « Donnez-nous des repères ! Dites-nous qui nous sommes ! »
Ce texte ne va dans le sens ni de la quête des repères ni de la construction de l’identité des jeunes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. De mon point de vue, une loi n’est bonne que si elle est comprise par l’ensemble de nos concitoyens ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est bien ! Bonne idée ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Christian Cambon. C’est le bon sens !
M. Charles Revet. Pour ma part, j’ai eu la chance de participer à nos travaux. Mais je me mets à la place de nos concitoyens : si je n’avais pas assisté à l’ensemble des auditions, je serais sans doute nettement moins en mesure de comprendre la loi en préparation…
L’un des intervenants avait souligné la nécessité que soit remis aux futurs époux, lors du mariage, un document expliquant l’ensemble du texte et de ses conséquences.
Je viens d’écouter M. le président de la commission des lois. Je bénéficie donc des explications qu’il a fournies. Mais je doute qu’elles aillent bien au-delà des murs de la Haute Assemblée.
Aussi, je reprends l’interpellation des personnes que nous avons auditionnées, dont les analyses étaient de grande qualité : madame le garde des sceaux, est-il envisagé que, dans le cadre du mariage pour tous, le maire ou l’officier d’état civil fournisse aux contractants un document leur exposant toutes les conséquences de leur décision pour l’avenir de leurs enfants, notamment en matière de nom ? Je pense que c’est important.
On est en train de tout araser, de tout remettre à plat. Vous nous avez dit qu’il s’agissait d’un « changement de civilisation ».
Je partage les propos de M. Lenoir. Je me suis moi-même rendu récemment au Canada, où j’ai rencontré nombre de personnes. Lorsque je donnais mon nom, mes interlocuteurs montraient un grand intérêt – je vous rappelle qu’il y a eu beaucoup d’émigration vers le Canada, en particulier le Québec, depuis chez moi, le pays de Caux, en Normandie, ou depuis la Bretagne – et m’interrogeaient par exemple sur l’origine géographique de mon patronyme, se demandant s’ils pourraient retrouver des racines. Il y a en effet un véritable désir de connaître ses racines.
Si vous changez tout, comment voulez-vous que les gens s’y retrouvent ? Aujourd’hui, les personnes émigrées recherchent leurs racines. Demain, nous serons tous dans ce cas-là !
Madame le garde des sceaux, si toutes les dispositions sont votées, est-il envisagé que les contractants reçoivent un document leur permettant de mieux comprendre ce à quoi ils s’engagent ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourquoi pas ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voterai moi aussi contre cet article.
Sans revenir sur les arguments que j’ai déjà développés, je tiens à souligner, car c’est à mon sens l’argument le plus fort, et il mérite, mes chers collègues de la majorité, d’être pris en considération, que cet article s’appliquera à des enfants adoptés.
L’adoption, c’est le fait d’accueillir dans un foyer un enfant abandonné, dont l’histoire qui le précède a été effacée du fait de cet abandon. À cet enfant va être offert un nouveau foyer, qui, dans mon esprit, devrait être constitué soit d’un père, soit d’une mère, soit, mieux encore, d’un père et d’une mère. Avec le vote des premiers articles de ce projet de loi, il pourra s’agir aussi de parents de même sexe.
Or, par rapport à l’expérience que connaîtra l’enfant dans son milieu de vie, notamment scolaire, plus ce foyer sera « atypique » (Mme la ministre déléguée s’exclame.), plus l’identification à la famille qui élève l’enfant sera difficile pour celui-ci. L’un des besoins de l’enfant adopté, outre celui d’être pris en charge par des parents aimants, est de s’approprier l’histoire d’une famille qui, biologiquement, n’est peut-être pas la sienne mais qui va le devenir parce que la greffe va prendre.
Si on souhaite que l’enfant puisse s’approprier cette histoire, il faut commencer par l’assumer soi-même et ne pas la nier. Laisser aux deux personnes qui vont accueillir l’enfant en tant qu’adoptants le choix du nom de famille, c’est signifier à l’enfant que son histoire n’a finalement pas beaucoup d’importance. Or, elle en a beaucoup, et même énormément, plus encore que pour tout autre enfant.
Voilà un enfant privé de parents, qui va en recevoir. Plus que tout autre enfant, il a besoin de s’inscrire dans une famille qui ne se limite pas au foyer de ses parents ; peu importe d’ailleurs que les liens de ses parents avec les grands-parents soient étroits ou distendus, l’essentiel est qu’il puisse s’inscrire dans cette histoire.
De ce point de vue, le choix du nom de famille – je n’ose plus employer le terme de « patronyme » puisque cette notion semble désormais devoir être effacée de nos pratiques – n’est absolument pas neutre. Il ne devrait même pas en être un, plus encore pour l’enfant adopté que pour un autre enfant. Pour un enfant non adopté, la question ne se posera pas dans les mêmes termes ; elle sera moins difficile à résoudre et les enjeux, s’ils sont forts, ne le seront pas autant que pour l’enfant adopté.
C’est la raison pour laquelle j’en appelle à votre raison en vous demandant de mesurer la responsabilité que nous prendrions en mettant en œuvre un dispositif qui comporte autant d’aléas dans le choix du nom que portera l’enfant. En lui permettant de porter un nom qui ne sera pas celui des parents que la loi lui aura désignés et qui ne sont déjà pas ses parents biologiques, on aggrave encore la difficulté pour cet enfant (Mme Renée Nicoux s’exclame.) qui vit déjà avec le traumatisme initial de l’abandon.
Je vous demande donc, mes chers collègues de la majorité, de bien vouloir entendre ces arguments et de mesurer la responsabilité que vous prendriez en adoptant cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Bas, je tiens à souligner que vos propos s’appliquent à l’article 2 – d’ailleurs, vous l’avez vous-même dit hier soir – que nous avons voté ce matin. L’article 3 concernant l’adoption simple, vos arguments, mon cher collègue, ne peuvent valoir pour cet article. Je le dis pour la clarté de nos débats.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela méritait en effet d’être souligné !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Ils sont encore minoritaires ! Ils ne savent pas mobiliser leurs troupes !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 155 :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l’adoption 178
Contre 164
Le Sénat a adopté.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION
Article 3 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement
Article 4
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le titre préliminaire est complété par un article 6–1 ainsi rédigé :
« Art. 6–1. – Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion du titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
1° bis (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 34, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 75, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « époux » ;
3° (Supprimé)
4° (Supprimé)
4° bis (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article 371–1, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l’article.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 4 est un article dit de coordination, mais, outre le mariage, il a trait à beaucoup d’autres sujets, notamment à l’état civil.
Madame le garde des sceaux, je rappelle que, dans le projet de loi initial, vous aviez fait le choix, dans tous les textes où apparaissaient les termes « père et mère », d’y substituer le terme « parents ». Cela avait sa logique.
Même si la technologie informatique limite le risque d’oubli en facilitant la recherche dans les textes, les occurrences sont nombreuses. Et à voir le tableau comparatif figurant dans le rapport de M. Jean-Pierre Michel, où le seul article 4 occupe plusieurs dizaines de pages, on se dit que l’Assemblée nationale a très largement taillé dans le projet du Gouvernement.
L’Assemblée nationale a en effet souligné les inconvénients que suscitait le choix du Gouvernement. Elle a décidé que, quand on dirait « père et mère », cela ne voulait pas dire « père et mère ».
M. Michel Bécot. Effectivement !
M. Bruno Sido. Là, il faut nous expliquer !
M. Jean-Jacques Hyest. Forcément, c’est ce qui est écrit !
Par exemple, je vous renvoie à l’article 34 du code civil qui concerne les informations recueillies dans les actes d’état civil par les maires – et non bien sûr les mères !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. On s’y perd ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais m’efforcer d’être précis pour ne pas risquer de susciter les observations linguistiques ou lexicales de M. le président Sueur, à qui je signale d’ailleurs qu’il a utilisé le mot « rem » pour « chose », alors que c’est « res », autrement c’est l’accusatif. (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On parle de l’accusatif !
M. le président. Poursuivez, monsieur Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. On m’interrompt, monsieur le président, ce qui est extrêmement désagréable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On part forcément de l’accusatif : c’est bien rem et non res !
M. René Garrec. Ce n’est pas le plus important !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Reportez-vous au Klincksieck !
M. le président. Seul M. Hyest a la parole !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous remercie, monsieur le président, car je commence moi-même à perdre le fil de mon discours.
Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a considéré que la solution finalement retenue par l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisante. La commission des lois a donc accepté un amendement prévoyant que « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exception du titre VII – il est quand même difficile de modifier le titre VII qui a trait à la filiation, encore qu’il aurait peut-être fallu modifier les textes sur la filiation pour tirer toutes conséquences de votre projet ! – du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent ».
L’ennui, c’est que, dans le code civil, « parents » ne veut pas toujours dire « père et mère » (M. René-Paul Savary opine.) et, par ailleurs, « époux » peut, à la limite, s’appliquer au mariage de deux personnes de même sexe.
Mme Esther Benbassa. Ah ! quelle évolution !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce sera bien le cas. En revanche, le terme « parents », surtout quand il ne s’agit pas du mariage mais de toute une série de dispositions concernant l’état civil, peut effectivement désigner la parenté, mais aussi beaucoup d’autres liens.
M. Yves Détraigne. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. La difficulté inhérente à ce texte tel qu’il a été élaboré par étapes successives, j’en sais la raison. En effet, nos concitoyens ont été très choqués que l’on ait remplacé brutalement « père et mère » par « parents » et que disparaisse par conséquent du code civil les notions de « père » et de « mère ».
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez essayé de trouver des biais, mais qui ne fonctionnent pas. (Mme la garde des sceaux s’exclame.)
Par exemple, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 4 du projet de loi, qui remplace « père et mère » par « parents », l’article 34 du code civil disposera désormais que « Les actes de l’état civil énonceront […] les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance : a) Des parents dans les actes de naissance et de reconnaissance […] » C’est quand même extraordinaire !
Pour d’autres articles, le code civil n’a pas été modifié. Quand il y aura « père et mère », il faudra se reporter à un article 6-1 chapeau pour comprendre comment lire ces termes.
De telles dispositions s’opposent totalement à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, surtout s’agissant du code civil, qui devrait être le plus clair possible. C’est une raison essentielle, à mon avis, pour rejeter cet article 4, qui est extrêmement dangereux et qui, je vous l’assure, ne manquera pas de susciter l’examen du Conseil constitutionnel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Rassurez-vous, mes chers collègues, après les excellentes explications apportées par notre collègue Jean-Jacques Hyest, je ne serai pas long.
La rédaction qui nous est proposée est ingénieuse, puisqu’elle permet de régler en une fois ce qui demandait une dizaine de pages dans les versions antérieures de cet article. Toutefois, c’est bien son seul mérite.
Comme vient de le rappeler le président Hyest, du point de vue de l’intelligibilité de la loi, le fait qu’un petit bout d’article situé quelque part dise comment on devra lire les expressions « père et mère » justement quand il n’est pas question d’un père et d’une mère rend les choses extrêmement compliquées. (M. Michel Bécot opine.)
Ce premier problème est assez grave pour l’application du texte.
Le second problème est le suivant : pourquoi le Gouvernement, suivant en cela, je le suppose, puisque c’est une tradition juridique bien établie, l’avis du Conseil d’État, avait-il souhaité reprendre chacune des dispositions où figurent les mots « mari et femme » et les mots « père et mère » ? Pour une raison très simple : on ne peut pas légiférer à l’aveugle ! Or c’est exactement ce que propose la commission avec le texte qu’elle présente. (Mme Catherine Troendle opine.)
En effet, l’article, tel qu’il est issu des travaux de la commission, précise que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion du titre VII du livre Ier [du code civil]… ». Quelles sont ces « lois » ? Mes chers collègues, vous les connaissez toutes ? Moi, malheureusement, tel n’est pas mon cas.
M. Jean-Claude Gaudin. Il est impossible que M. Bas ne connaisse pas toutes les lois. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Bas. Pourtant, en tant que législateurs, nous devrions toutes les connaître. Quant aux Français et aux officiers d’État civil, ils les connaissent sûrement encore moins que nous !
« Les lois », c’est une notion beaucoup trop générale pour que l’on puisse savoir à quoi s’applique ce nouvel article 6-1 du code civil, qui, je le répète, nous imposerait de légiférer à l’aveugle.
Le Gouvernement ne s’est bien sûr pas encore exprimé, mais il doit lui-même être très embarrassé de laisser le Parlement adopter des dispositions aussi vagues et dont l’application est aussi difficile. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
M. René-Paul Savary. Lorsque je suis intervenu hier sur la question des noms de famille, j’avais rappelé que, aux termes de l’article 734 du code civil relatif à l’ordre des héritiers, les « parents appelés à succéder » sont notamment les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs, et les collatéraux. Le terme « parents » désigne par conséquent les membres d’une même famille, ascendants et descendants.
Dans l’article que nous examinons, le terme « parents » ne désigne que le père et la mère : il est entendu dans un sens bien plus restrictif.
Il y a donc, me semble-t-il, une véritable antinomie entre l’article 734 et cette disposition du projet de loi. (Mme Esther Sittler applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. S’agissant de l’article 4, j’aimerais renvoyer notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest à l’ouvrage d’Édouard Bourciez intitulé Précis historique de phonétique française,…
M. Philippe Bas. Nous le connaissons !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … paru aux éditions Klincksieck, qui lui montrera avec force détails que tous les substantifs viennent de la forme accusative du latin. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l’UMP.)
Mme Esther Benbassa. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 39 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 173 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Je dois vous dire que, tel qu’il est rédigé, cet article 4 m’a stupéfié.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est dire !
Mme Esther Benbassa. Ah !
M. Patrice Gélard. Tout d’abord, parce qu’il complète le titre préliminaire du code civil intitulé « De la publication, des effets et de l’application des lois en général ». Or je ne vois pas très bien en quoi les définitions de vocabulaire énoncées à l’article 4 du projet de loi ont leur place à cet endroit.
D’autant que les six articles qui composent ce titre préliminaire concernent l’applicabilité des lois et règlements, qui a valeur constitutionnelle, le principe de non-rétroactivité des lois, qui a valeur constitutionnelle,…
M. Bruno Sido. Oui !
M. Patrice Gélard. … les lois de police et de sûreté, qui ont valeur constitutionnelle, les obligations des juges de juger, qui sont une obligation constitutionnelle, l’interdiction des arrêts de règlement, qui a valeur constitutionnelle, et l’interdiction de toute dérogation aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. Nous sommes ici face au ciment constitutionnel du code civil, comme l’avait souligné le doyen Capitant.
Pourquoi faire figurer ces dispositions, somme toute essentiellement linguistiques, dans cette partie du code civil ? Cela me semble choquant : ce n’est pas à cette place que cet « article balai » devrait figurer.
Par ailleurs, si l’on pousse l’analyse plus avant, on se retrouve face au risque d’inconstitutionnalité que je n’ai cessé de dénoncer tout au long de mes interventions. Cet article 4 met en effet tout simplement en place deux systèmes de mariage. À la place d’un mariage unique valable pour tous, il y a le mariage des homosexuels et le mariage des hétérosexuels. C’est ce qui est écrit en toutes lettres ! Cette anomalie juridique ne pourra naturellement que faire l’objet d’une condamnation par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 173 rectifié ter.
M. Michel Mercier. Madame le garde des sceaux, l’article 1er ayant été voté ici dans les termes retenus par l’Assemblée nationale, je sais parfaitement ce que cela signifie. Cependant, s’agissant de l’article 4, qui est un article de conséquence de l’article 1er, nos amendements sont parfaitement bienvenus pour en améliorer le texte.
Aux termes de l’article 1er, le mariage est ouvert à deux personnes de même sexe ou de sexe différent. Rien ne vous empêchait d’écrire simplement que le mariage était ouvert à deux personnes. Vous avez choisi de distinguer les personnes de même sexe et les personnes de sexe différent.
Puisqu’il semble que ce matin il faille parler latin (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.), je dirai que, pour interpréter les textes juridiques comme il convient, il faut les interpréter potius ut valeant quam ut pereant.
Mme Hélène Lipietz. Il faut un traducteur !
M. Michel Mercier. Je ne comprends pas très bien l’alinéa 3 de l’article 4 qui précise que, à l’exception des dispositions du titre VII, les dispositions du présent livre s’appliquent également aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère.
Alors que l’on distingue le père et la mère, et que l’on différencie deux personnes de sexe différent pour le mariage, on voudrait maintenant nous faire voter un article aux termes duquel les mots « père et mère » signifieraient « parents de même sexe ».
On peut faire les choix que l’on veut, et le Parlement a d’ailleurs adopté l’article 1er, mais, je le répète, on ne peut pas écrire, comme c’est le cas à l’article 4, que « père et mère » signifie « parents de même sexe ».
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Michel Mercier. Vous pouvez parfaitement reprendre les choses et faire figurer à chaque article « père et mère ou parents de même sexe », à l’instar de ce que vous avez fait à l’article 1er. Mais on ne peut voter une disposition dans laquelle « père et mère » serait sous-entendu dans « parents de même sexe ».
Les personnes de même sexe ont droit au respect, notamment à celui du législateur, mais un homme et une femme qui se marient y ont aussi droit ! Ils seront père et mère. On peut faire figurer dans l’article l’expression « ou parents de même sexe », mais on ne peut retenir une rédaction aux termes de laquelle « père et mère » signifie « parents de même sexe ». Ce serait manquer de respect à ceux qui s’unissent dans le mariage tel qu’il existe aujourd’hui. (Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.)
Je le redis, s’il était possible de voter l’article 1er en l’état, on ne peut pas adopter l’article 4 tel quel. L’article 1er a été voté, c’est un fait juridique, mais on ne peut pas dire, en revanche, que « père et mère » signifie « parents de même sexe ». Vous devez trouver, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, une autre formulation juridique. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je commencerai par répondre à M. Mercier. La formulation de l’Assemblée nationale était la suivante : « … aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère. » J’ai voulu supprimer cette disposition (M. Michel Mercier s’exclame.) pour aller dans le sens que vous évoquez. Cette notion ne figure plus dans l’article 4 tel qu’il a été adopté par la commission des lois. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) C’est très clair.
Par ailleurs, l’article 4 est la conséquence de l’article 1er de la loi.
M. Jean-Jacques Hyest. Pas seulement !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 1er garantit un seul mariage.
M. Gérard Longuet. Il n’y en a qu’un seul ! Ce n’est pas nouveau !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 4 tire les conséquences de l’article 1er. Monsieur Bas, cet article 4 n’a pas été placé n’importe où : nous l’avons volontairement inséré dans le titre préliminaire du code civil qui règle l’application de toutes les lois.
Quant au principe d’égalité, monsieur Gélard, il a valeur constitutionnelle. Pour cette raison, l’article 4 est rédigé de telle sorte qu’il y ait un principe général d’égal traitement des époux et parents adoptifs, qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe, et on lira « parents » au lieu de « père et mère » lorsque cela sera nécessaire.
Cette substitution de termes s’appliquera dans les cas de mariage et de filiation, quand le mot « parents » est bien employé dans le sens de « père et mère ». (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) Voilà ce qui figure dans l’article 4.
Aussi, nous avons considéré que cet article 4 était bien placé et que la formulation que nous avons choisie tirait bien mieux les conséquences de l’article 1er que ne le faisait la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez le droit de penser différemment et d’en faire la démonstration, comme vous le faites abondamment, certains avec plus de talent que d’autres, je dois le dire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas bien !
M. Ladislas Poniatowski. Pas de mépris !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même ceux qui ont moins de talent en ont assez pour nous éblouir ! Je le reconnais bien volontiers après avoir écouté certaines démonstrations acrobatiques, sur la généalogie notamment, qui, à mes yeux, constituent de véritables morceaux d’anthologie ! Je salue le talent général,…
M. Henri de Raincourt. Ah !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … qui s’applique à des arts différents.
Monsieur le président Hyest, vous avez parfaitement raison, mais vous avez retracé l’historique de cet article. Je vous en donne acte. Vous semblez trouver aujourd’hui toutes les vertus à la version gouvernementale du projet de loi. Vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que le titre VII, celui qui concerne la filiation, n’avait pas été modifié. Pendant des semaines et des mois, des parlementaires UMP – vous n’en faisiez pas partie, monsieur le président Hyest ; il y avait d’ailleurs peu de sénateurs, mais beaucoup de députés ! – ont sillonné les studios, les plateaux et les rédactions pour expliquer que les notions de père et de mère disparaissaient totalement du code civil.
M. Jackie Pierre. Au début, c’était comme ça !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une sorte de fébrilité s’est alors emparée de nos concitoyens, angoissés – cela peut se comprendre, car c’est comme un monde qui s’effondre ! – par la disparition de ces termes du code civil. Mais c’est absolument faux ! Vous avez eu l’honnêteté, monsieur le président Hyest, de dire que personne n’avait touché au titre VII du code civil, et que les notions de père et de mère n’en étaient nullement rayées.
Aujourd’hui, le texte du Gouvernement a toutes les vertus, alors que, pendant toute une période où c’était ce texte qui était sur la table, il représentait une monstruosité absolue ! (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Monsieur Hyest, reconnaissez que c’est essentiellement du fait de cette ambiance que la rédaction du Gouvernement a été remplacée par celle de l’Assemblée nationale !
Cette dernière a choisi d’introduire une disposition interprétative avant le début du livre Ier du code civil.
À plusieurs reprises, vous avez dit, à l’Assemblée nationale comme ici, qu’une telle formulation était absolument inconstitutionnelle. Entre-temps, la commission des lois du Sénat est intervenue et a opté pour une autre rédaction, introduisant un principe général, à une place particulière, comme vient de le démontrer le rapporteur.
S’il n’est pas interdit de refaire l’historique du texte, je note que préférer le passé au présent est un tropisme habituel, presque un réflexe. C’est exactement ce qui se passe avec la rédaction du Gouvernement, que l’on trouve aujourd’hui merveilleuse.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Même chose que pour le PACS !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’observe simplement que, en plus de la motion référendaire, l’opposition a défendu à la tribune de cet hémicycle trois motions de procédure, dont l’une tendait à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ce motif !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends bien ici les développements sur les motifs d’inconstitutionnalité, y compris ceux de M. le doyen Gélard, qui a lui aussi admirablement défendu une autre motion de procédure.
Pour avoir écouté attentivement la présentation de ces motions de procédure et les multiples explications de vote qui les ont suivies, j’observe cependant qu’aucune démonstration ne s’est fondée sur le bloc de constitutionnalité ou sur le contenu du rapport confidentiel du Conseil d’État et que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République n’ont même pas été invoqués. (Si ! sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Ils l’ont été !
M. Jean-Pierre Raffarin. On va recommencer puisque vous ne les avez pas entendus ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends enfin parler de l’accessibilité, de l’intelligibilité de nos lois : cet argument est bienvenu, mais je vous rappelle – et vous en conviendrez, monsieur Hyest – que ce n’est ni une règle ni un principe : c’est un objectif…
M. Jean-Jacques Hyest. Posé par le Conseil constitutionnel !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … posé par le Conseil constitutionnel, qui l’apprécie.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition sénatoriale, vous affirmez que le texte est objectivement incompréhensible, qu’il est contradictoire – démontrez-le ! – et que son application est impossible – tel n’est pas le cas.
Bien évidemment, nous nous attendons à ce que vous défériez le texte au Conseil constitutionnel.
M. Bruno Sido. Ce sera fait !
M. Henri de Raincourt. Vous ne serez pas déçus !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien entendu, car c’est la règle, c’est un droit, c’est un pouvoir !
Du reste, nous n’avons pas la moindre anxiété à cet égard. (Exclamations amusées sur plusieurs travées de l’UMP.) : nous attendons sereinement la décision du Conseil constitutionnel. En attendant, c’est à vous qu’il appartient de démontrer l’inconstitutionnalité du texte afin de convaincre le Conseil !
M. Bruno Sido. Bien sûr !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous aviez l’opportunité de le faire au moment où vous avez défendu vos motions de procédure. (Oui ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez alors choisi de vous en dispenser et de reporter cette démonstration à l’étape suivante. Tel est votre droit !
Je l’affirme, cette disposition est solide. J’entends bien toutes les démonstrations sémiologiques sur les multiples sens possibles du mot « parents », mais la polysémie, c’est la richesse de la langue française ! (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) Souvent, un mot a plusieurs significations, parfois extrêmement éloignées l’une de l’autre.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parfois, comme l’a démontré le président Sueur, un mot peut même avoir deux significations absolument contraires. Pour ma part, je considère que c’est l’un des charmes majeurs de notre langue… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En droit, nous avons besoin de rigueur, mais c’est souvent le contexte qui précise le sens !
Monsieur le sénateur Bas, vous vous demandez comment l’officier d’état civil s’en sortira s’il doit interpréter chaque occurrence du mot « parents » figurant dans le code civil. Pardonnez-moi, mais l’officier d’état civil ne passe pas son temps à interpréter le code civil !
M. Bruno Sido. Ça, c’est sûr !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, il n’est pas concerné ! Il est concerné par les actes d’état civil, mais pas par l’application des dispositions du code civil. La plupart du temps, c’est au juge d’appliquer et donc d’interpréter ces dernières ! L’interprétation d’autres dispositions relève du maire, et d’autres encore auront à être interprétées par l’administration fiscale ! Vous ne pouvez donc pas nous dire que l’officier de l’état civil va passer son temps à s’arracher les cheveux pour comprendre et interpréter les dispositions du code civil.
Comme je l’ai déjà dit, vous nous avez apporté une démonstration acrobatique sur la généalogie,…
M. Bruno Sido. Belle construction !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … avant de procéder à des développements extrêmement péremptoires sur de nombreux sujets. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Oh ! et protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Ce qui est péremptoire ne vient pas de notre côté !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, péremptoires, et je pense qu’il ne suffit pas de prendre un air savant pour le devenir ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.) Puisque vous commencez à être désagréables, nous allons vous montrer que nous savons aussi l’être ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Longuet. On le savait au départ !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chez nous, être agréable, être respectueux, ce n’est pas un accident : c’est un choix. Quand nous vous respectons, c’est un choix !
Nous vous écoutons avec beaucoup d’attention mais vous n’avez pas le droit de passer votre temps à tromper les citoyens (Exclamations sur les travées de l’UMP.) en affirmant d’absolues contre-vérités sur ce qui est contenu dans ce texte de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Cornu. Vous dérapez !
M. François-Noël Buffet. Et M. Cahuzac ?
M. Michel Savin. La gauche est mal placée pour dire cela !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme il m’est déjà arrivé de vous le dire, 150 % de vos propos ne sont pas acceptables.
Tel n’est pas votre cas, monsieur Revet : je dois reconnaître que vous avez le souci de coller au texte et que vos questions sont précises. Et, d’une façon générale, lorsque la réponse vous a été apportée, vous passez à une autre question ! Il n’en est pas ainsi de tout le monde…
M. Jean-Claude Gaudin. Nous vous avons connue meilleure !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas ici pour être jugée par vous !
M. Jean-Claude Gaudin. Nous non plus !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est la seule curiosité qui me fait apprécier les jugements que vous pouvez porter.
M. Ladislas Poniatowski. Gardez votre sang-froid !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais nous pouvons continuer longtemps à nous faire des civilités…
M. Ladislas Poniatowski. Pourquoi la garde des sceaux est-elle si agressive ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Revet, vous nous demandez si l’on va informer les « contractants ». Pour ma part, je ne connais que les « futurs époux », même si j’admets qu’il existe, dans le mariage, à la fois une dimension de contrat et une dimension d’institution.
Monsieur le sénateur, la réponse est oui. Vous savez bien que, au moment où les personnes qui envisagent de se marier viennent s’inscrire pour faire procéder à la publication des bans, l’officier de l’état civil leur fournit les informations dont il dispose. Vous savez bien que la société est organisée !
Cela me fait penser au débat que nous avons eu tout à l’heure sur le nom. Vous sembliez laisser entendre qu’il y aurait un problème dans chaque situation. Or dans 99 % des cas il n’y a aucun problème !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Du reste, la loi anticipe et prévoit les dispositions utiles en cas de conflit. Lorsqu’il y a litige, lorsqu’il y a désaccord, la loi sert à départager.
Ne faites donc pas croire aux Français que, tout à coup, donner un nom à un enfant deviendra un casse-tête phénoménal ! Pour les centaines d’enfants qui naissent chaque jour, les choses vont continuer à se passer normalement et naturellement.
La loi prévoit simplement les situations où un problème est susceptible de se poser et les solutions à même de les régler pour que les Français ne se retrouvent pas sans solution, pieds et poings liés.
Dès lors, assez de dramaturgie ! Parmi les arguments que vous nous avez présentés, il y a des arguments de force, il y a des arguments de droit, il y a des arguments de conviction…
M. François Rebsamen. Eh oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … mais, au risque d’être déplaisante, il y a aussi des arguments de manipulation (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
M. François Rebsamen. Absolument !
M. Christian Cambon. De quel côté ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … des arguments qui trompent, de la part de ceux qui n’ont pas lu le texte.
Tel a été le cas avec la démonstration qui nous a été faite hier sur la combinaison des noms composés.
M. Bruno Sido. Notre collègue Jean-Pierre Leleux a été parfait !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a été excellent !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement, sa démonstration reposait sur une absence de lecture du texte ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Bas. C’est péremptoire !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est aisé de vérifier que son propos est absolument contraire au contenu du texte. Des démonstrations de ce genre relèvent de la mauvaise foi !
M. Ladislas Poniatowski. Il est inutile d’être aussi agressive !
M. Gérard Cornu. Cessez d’être aussi agressive !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant aux démonstrations de bonne foi, il est de notre responsabilité d’y répondre et d’en éclairer leurs auteurs. Convenez quand même que nous le faisons très volontiers !
M. Gérard Cornu. Ne vous énervez pas !
M. Ladislas Poniatowski. Cessez d’être agressive !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me demande comment vous auriez réagi si la majorité s’était livrée à l’exercice auquel vous vous livrez depuis le début ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Savin. Ne nous donnez pas de leçons !
M. Christian Cambon. Et la loi sur La Poste !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà des jours et des nuits que nous vous écoutons attentivement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, madame la sénatrice Des Esgaulx, et nous prenons la peine de vous répondre. C’est tout simplement la marque du respect que nous portons à chacune et chacun d’entre vous.
M. François Rebsamen. Du respect à notre égard, il n’y en a pas toujours eu !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et vous voyez bien que, malgré la déférence que m’inspirent Jean-Jacques Hyest et le doyen Gélard, sentiment dont je n’ai aucune raison de me cacher parce qu’il repose sur des raisons tout à fait objectives et précises, malgré la déférence que m’inspirent également quelques autres personnalités, dont M. Jean-Pierre Raffarin… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. C’est scandaleux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette déférence, vous la devez à tout le monde !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, madame Des Esgaulx ! On voit bien là que vous confondez identité et égalité ! L’égalité ne signifie pas que tout le monde est pareil !
M. Ladislas Poniatowski. Une telle agressivité est inutile !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, j’affirme et j’assume la déférence particulière que m’inspirent Jean-Jacques Hyest, le doyen Gélard, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, MM. les anciens ministres Gaudin, Karoutchi…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … et Mercier.
Il n’en demeure pas moins que j’éprouve du respect pour toutes les sénatrices et pour tous les sénateurs ! J’en veux pour preuve que je prends le temps de relever le nom de ceux des sénatrices et des sénateurs qui s’expriment et que je ne connaissais pas et je prends le temps de répondre à chacun d’entre eux en l’appelant par son nom. Voyez-y une marque de mon respect !
Maintenant, vous ne nous interdirez pas de vous dire que vous montrez des signes d’impatience quand nous prenons le temps de répondre à un certain nombre de points d’interrogation. Comme je vous l’ai déjà dit, si vous voulez poursuivre la séance jusqu’à six heures du matin,…
Mme Catherine Troendle. L’examen du projet de loi est censé durer jusqu’à samedi, madame la ministre !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … le Gouvernement est à votre disposition ! Je pense que nous vous démontrons ainsi que nous vous consacrons du temps !
Quant à vous, hier soir encore, vous avez fait en sorte que la séance soit levée une heure plus tôt, en arguant de l’absence de quorum.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avons surtout démontré qu’il n’y avait pas de mobilisation de votre côté !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous vous démontrons que nous avons tout notre temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa applaudissent également. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Pour terminer, monsieur Hyest, comme l’a d’ailleurs dit le rapporteur, nous tirons les conséquences de l’adoption de l’article 1er. En ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ce dernier induit des modifications à l’intérieur du code civil. Nous serions bien misérables de ne pas tirer ces conséquences et de permettre que figurent dans le code civil des contradictions entre la réforme introduite et d’autres dispositions ! Tel a été le choix du Gouvernement.
Vous avez rappelé que l’informatique permet de faire une recherche pour retrouver les différentes occurrences d’un mot au sein d’un code. Néanmoins, cela ne garantit absolument pas qu’une disposition ne puisse pas nous échapper !
Le Gouvernement avait choisi de procéder à un recensement exhaustif et d’opérer toutes les coordinations nécessaires, non seulement dans le code civil, mais aussi dans les autres codes, dans toutes les lois et même dans les ordonnances.
M. Michel Mercier. Vous aviez raison !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cependant, l’Assemblée nationale a fait un autre choix.
Alors que, pendant des mois, on a accusé le Gouvernement d’avoir fait disparaître les mots « père » et « mère » du code civil, la rédaction pour laquelle le Gouvernement avait opté a dorénavant toutes les vertus. J’en prends acte,…
M. Jackie Pierre. Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … même si c’est avec un peu de nostalgie.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est encore rédigé différemment. Cette rédaction n’est ni absurde ni de nature à introduire une incompréhension dans le texte : il s’agit d’énoncer un principe général selon lequel les effets du mariage seront les mêmes, que les époux et parents soient de même sexe ou de sexe différent ! C’est un élément de clarté incontestable, même si vous êtes bien évidemment totalement fondés à le contester.
Monsieur Revet, je pense avoir répondu à vos questions. Bien sûr, je répondrai aux éventuelles questions qui pourraient m’être posées ultérieurement.
Pour l’heure, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la garde des sceaux, je regrette un peu votre dernière intervention, car, jusqu’à présent, je vous avais trouvée plutôt habile. (M. Michel Mercier s’entretient avec Mme la garde des sceaux). Je souhaiterais que l’ancien garde des sceaux cesse de polariser votre attention et que vous m’écoutiez, mais il est vrai que vous ne vous intéressez qu’à ceux qui ont été ministres… Monsieur Mercier, peut-être laisserez-vous la garde des sceaux m’écouter quand je m’adresse à elle ? (M. Michel Mercier continue de s’entretenir avec Mme la garde des sceaux). J’attendrai le temps qu’il faudra…
M. le président. Monsieur Mercier, je vous en prie. Veuillez poursuivre, madame Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Même si je ne suis pas ministre, on peut écouter ce que je dis !
Je regrette donc votre intervention, madame la garde des sceaux, car, je le répète, je vous avais trouvée jusqu’alors très habile. En l’occurrence, vous venez de dépasser les limites de la mauvaise foi ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Mme Renée Nicoux. Oh !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De la mauvaise foi, ou quelque chose qui tient de la méthode Coué ! Sur cet article 4, il se confirme ce que j’ai déjà dénoncé dans la discussion : vous avez beaucoup de mal à passer d’un débat éthique au registre de la loi.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Or c’est tout le sujet aujourd’hui !
Sur le débat éthique, vous avez vos positions et je les respecte, même si ce ne sont pas les miennes. Mais le problème est que vous n’avez pas su passer de ce débat à l’écriture, au registre de la loi. Vous-même venez de le dire, les formes d’écriture sont très contestables.
C’est ainsi que l’article 4 fait ressortir toutes les difficultés provenant de l’adoption de l’article 1er, et il est normal que mes collègues le dénoncent.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors, madame la garde des sceaux, puisque vous dites que vous répondez à toutes les questions, c’est peut-être le moment de me répondre. Hier, je vous ai interrogée sur le livret de famille. J’ai donc pris mon temps pour attendre votre réponse…
Vous venez de dire que figureront bien les mentions de père et mère. Or, vous avez dit mardi dernier qu’il n’y aurait qu’un seul livret de famille, qui serait adapté. Alors je vous repose la question au nom des quelque 36 000 maires de notre pays : Quid du livret de famille ? Y en aura-t-il un ? Y en aura-t-il trois ? Quelles mentions y figureront ? Ce sujet nous intéresse. Il ne concerne pas uniquement les officiers de l’état civil ou les personnes travaillant au greffe, mais tout le monde !
Nous voulons enfin savoir ce qu’il en sera de ce livret de famille ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne ferai pas le savant. Il est vrai, concernant la question qui vient d’être posée par Mme Des Esgaulx, que le livret de famille relève du domaine réglementaire.
Vous affirmez que l’on tire les conséquences logiques sans toucher à la filiation. Je suis désolé de vous le dire, les actes de naissance ne sont pas liés au mariage. En effet, il y a beaucoup de naissances hors mariage.
M. Roland du Luart. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous touchez donc indirectement à la filiation en touchant à l’article 34 du code civil. Jusqu’à présent, cet article précisait qu’un enfant est né d’un homme et d’une femme et, sans parler du mariage, cela continue. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Sauf à accepter des paternités ou des maternités artificielles, mais alors, on change tout !
Certes, il arrive, lors de la déclaration, qu’on ne connaisse pas le père. Jusqu’à maintenant, on connaît toujours la mère…
M. Bruno Sido. C’est plus facile !
M. Jean-Jacques Hyest. … – hormis le cas des enfants abandonnés qui étaient déposés dans le tour des couvents.
Dès lors, si l’on dit qu’il ne faut plus parler des « père et mère » dans l’article 34, mais uniquement des parents, je me demande bien ce que l’on vise. Cette question n’est donc pas liée au mariage, mais à la filiation.
Pourquoi avez-vous tout changé ? Parce que vous avez eu peur de l’opinion publique. Les gens avaient très bien compris ce que tout cela voulait dire. On nous accuse de faire des procès d’intention. Pour ma part, je n’en fais jamais, j’essaye de regarder les choses et d’évaluer les conséquences des règles de droit.
D’ailleurs, pour la déclaration de décès, votre projet était extraordinaire ! Jusqu’à présent, c’était d’abord aux parents, généralement l’épouse ou les enfants, de la faire. Comme on a supprimé le terme de parents, on a renvoyé à quelqu’un qui a des renseignements précis. Pourquoi ? On ne voulait pas que ce terme de parents ne puisse renvoyer qu’à des couples de même sexe ! On aboutit donc à des absurdités totales.
Alors, pour supprimer toutes ces absurdités, on crée une disposition générale qui sera inapplicable et incompréhensible.
Il y aura plusieurs types de livrets de famille pour les mariages – nonobstant l’existence de livrets de famille sans mariage dès lors qu’il y a des enfants.
Cela peut paraître secondaire mais, j’en suis désolé, l’article 34 n’est pas qu’un article de coordination, il touche indirectement à la filiation, ne serait-ce que par le remplacement des termes « père et mère » par « parents » dans les actes de l’état civil. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je souhaiterais aborder trois points.
Tout d’abord, Mme la garde des sceaux a fait des remarques concernant les questions de constitutionnalité soulevées à l’occasion de la discussion des différents amendements. Je rappelle que lorsque le Conseil constitutionnel est conduit à examiner la constitutionnalité d’une loi, il se réfère aux travaux parlementaires. Ce faisant, il ne s’en tient pas aux motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Il se réfère à tous les travaux qui ont eu lieu au sein du Parlement à l’occasion de la discussion du texte concerné.
On peut donc soulever des problèmes d’inconstitutionnalité à tout moment, lors de l’examen des motions de procédure ou au cours de la discussion des articles et des amendements. Ce premier point est important.
Ensuite, le débat que nous avons sur les problèmes de terminologie n’est pas inutile. On ne parle pas de vocabulaire en général mais de vocabulaire juridique, de droit, et le français juridique n’est pas le français commun. Le droit a besoin de précision et de clarté. Nous devons donc employer des termes qui ont un sens.
Il est vrai que le mot « parents » – il vient du latin parere, qui signifie engendrer – peut être juridiquement précis. Mais dans le français courant, ce mot a acquis plusieurs sens, si bien que l’expression « père et mère » est plus précise. En italien, on utilise les termes il genitori, ce qui n’a pas besoin d’être traduit, on comprend que sont visés les géniteurs, donc le père et la mère, sans qu’il soit besoin d’autre explication.
Enfin, je m’adresse au président de séance pour rappeler que nous sommes dans une République – M. Jean-Pierre Michel le souligne tous les matins –, dans une démocratie, et dans une assemblée où il n’y a pas de hiérarchie,…
M. David Assouline. C’est bon !
M. Hugues Portelli. … pas de distinction entre ceux qui seraient compétents et les autres, pas de titres de noblesse eu égard à d’anciennes fonctions ministérielles…
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Hugues Portelli. … et pas de gueux pour n’en avoir jamais exercé ! Nous sommes tous égaux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout quand on s’appelle Des Esgaulx ! (Rires.)
M. Hugues Portelli. Et si seuls les juristes ont le droit de parler de droit et les financiers, de finance, nous n’avons pas grand-chose à faire ici. Aussi, je voudrais que l’on cesse ce genre de polémique de mauvais aloi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié bis et 173 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Encore ? sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Ils ne sont pas assez nombreux !
M. Gérard Longuet. Tant mieux !
M. Gérard Cornu. On voit quels sont ceux que cela s’intéresse et ceux que cela n’intéresse pas !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 156 :
Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 163
Contre 177
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 71 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 71 rectifié bis, 72 rectifié bis, 73 rectifié bis et 74 rectifié bis, qui découlent de la même logique, celle que j’applique depuis de début de la discussion : lorsqu’un amendement de suppression d’un article n’a pu être adopté, nous proposons ensuite la suppression de ceux de ses alinéas que nous n’estimons pas conformes à ce que nous voulons faire.
L’ensemble des dispositions prévues aux alinéas 2 et 3 de l’article 4 visant à mettre en place ce à quoi nous nous opposons depuis le début, nous souhaitons les supprimer avec l’amendement n° 71 rectifié bis. Il en va de même pour les alinéas 4, 5 et 8 respectivement avec les amendements nos 72 rectifié bis, 73 rectifié bis et 74 rectifié bis.
Pour être logique avec l’attitude que nous avons adoptée depuis le début du débat, nous proposons la suppression de ces alinéas.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo et J.L. Dupont, Mme Morin-Desailly et MM. Dubois et Guerriau, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Après l’article 15, il est inséré un article 15–1 ainsi rédigé :
II. – En conséquence, alinéa 3
Remplacer la référence :
Art. 6-1
par la référence :
Art. 15-1
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 279, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Remplacer les mots :
l’exclusion du
par les mots :
l’exclusion de ceux prévus au
2° Après le mot :
soient
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de sexe différent ou de même sexe. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 71 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 279 est purement rédactionnel.
Le Sénat vient de rejeter les amendements de suppression de l’article 4. L’amendement n° 71 rectifié bis vise à supprimer les alinéas 2 et 3 dudit article : la commission y est bien entendu défavorable, comme elle l’était à la suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 71 rectifié bis. Le doyen Gélard a lui-même expliqué la logique de son amendement, qui n’est pas compatible avec le texte dont l’adoption a commencé.
Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 279 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 71 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. Je ne suis pas le plus grand spécialiste du code civil dans cette assemblée,…
M. David Assouline. De La Marseillaise !
M. Gérard Longuet. … mais l’amendement du doyen Gélard a tout de même l’immense mérite d’appeler notre attention collective sur le sens du mot « parents ».
Je voudrais simplement que vous nous confirmiez, madame le garde des sceaux, que les parents ne sont que les géniteurs. Dans l’acception du droit, les parents représentent la famille, les oncles, les cousins, les ascendants… On pourrait imaginer, en effet, en dehors de tout problème de mariage homosexuel ou hétérosexuel, qu’au titre de l’article 4, s’il était adopté sans modification, les ascendants puissent déclarer la naissance d’un petit-fils naturel en dehors des liens du mariage. À ce moment-là, cet enfant serait reconnu.
J’ai du mal à comprendre. Vous allez me dire que ce n’est pas le moment de faire des cours de droit, mais comme il a été insisté sur le fait que nous n’étions pas tous compétents (Sourires sur les travées de l’UMP.), je voudrais plaider mon incompétence pour obtenir cette information qui sera extraordinairement utile au législateur, et en particulier à la jurisprudence lorsqu’il faudra évaluer la volonté du législateur. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Incroyable !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 157 :
Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 162
Contre 177
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 279.
(L’amendement est adopté.) – (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Il faut recompter !
Mme Catherine Troendle et M. Jean-Claude Lenoir. Il faut revoter, ce n’est pas possible !
M. Charles Revet. Il faut procéder pas assis et levé, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un amendement rédactionnel dénué de toute dimension politique !
M. le président. Cet amendement rédactionnel me semblait recueillir l’unanimité et je suis sans doute allé un peu vite, je vous prie de m’en excuser.
Je vais donc procéder à la mise aux voix de l’amendement n° 279 par assis et levé.
(Le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
Ces trois amendements ont déjà été défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 158 :
Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 163
Contre 178
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Rappel au règlement

Article 4
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Troendle. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis du règlement du Sénat. (L’orateur brandit un exemplaire dudit règlement.)
Monsieur le président, je pense qu’il serait judicieux de suspendre la séance pour permettre aux membres de la majorité de mobiliser leurs collègues afin d’éviter que la poursuite de nos débats ne soit ralentie par des demandes systématiques de scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Madame la sénatrice, je prends acte de votre rappel au règlement, mais je ne peux y souscrire.
Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (début)
Article 4 (suite)
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote sur l’article 4.
Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le présent article est intéressant, car il illustre une fois de plus l’impréparation qui a présidé à la rédaction du projet de loi dans son ensemble et les risques non mesurés qu’il fait porter sur le mariage et la famille. Je l’ai déjà dit hier soir mais je le répète, car, si, comme vous l’avez dit, vous nous écoutez, en revanche, vous ne nous entendez pas !
On nous propose notamment de remplacer les termes de « père et mère » par le terme vague de « parents ». Cette modification n’est nullement anodine. On ne peut pas remplacer les termes « père et mère » par le terme « parents » ou permettre à un enfant d’appeler la compagne de sa mère « maman ».
Non, un enfant ne peut pas avoir deux mères ou deux pères : c’est un mensonge ! On ne peut pas laisser croire à un enfant qu’il puisse être issu de deux hommes ou de deux femmes.
Comme l’a très bien expliqué le philosophe Daniel Sibony lors de son audition, « la langue n’est pas une pelouse où l’on se promène en cueillant des mots. »…
M. Roland Courteau. Que c’est beau ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Esther Sittler. … « Les langues nous traversent, nous en faisons partie. Avec cette loi, on casse le sens d’un mot, ce qui rejaillit sur les autres mots. N’est-ce pas trop cher payé pour réparer les injustices passées envers les homosexuels que de casser ou distordre certains mots ? »
On nous propose en outre une « disposition balai » à l’alinéa 3, car on s’est aperçu, grâce au travail des parlementaires, que l’on est très loin d’avoir mesuré les conséquences précises des dispositions prévues par le projet de loi. On nous a pourtant remis une étude d’impact. Comment pouvez-vous demander aux parlementaires que nous sommes de voter un texte qui va bouleverser le mariage et la famille, alors que vous n’en avez pas mesuré les effets ? Non, madame la garde des sceaux, nous ne pouvons l’accepter ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 4, que l’on présente comme un « article balai », m’inspire trois réflexions. Tout d’abord, madame la garde des sceaux, je souhaite revenir sur ce que vous avez répondu lorsque j’ai dit qu’il serait bon de remettre un document aux futurs contractants – j’avais employé ce terme car, après tout, le mariage est un contrat, me semble-t-il, mais je suis prêt à parler des « futurs époux » si vous préférez cette expression. Je pense que ce n’est pas au moment du mariage qu’il faudrait remettre ce document aux conjoints, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, mais lorsqu’ils déclarent qu’ils veulent contracter mariage.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est ce que j’ai dit !
M. Charles Revet. Les auditions auxquelles nous avons procédé étaient extrêmement intéressantes et enrichissantes. J’ai été très marqué par ce que nous ont dit les magistrats, les avocats et les notaires au sujet des incidences qu’auront certaines dispositions du projet de loi. C’est pourquoi je pense qu’il serait bon qu’un document fasse la synthèse des répercussions entraînées par le mariage. Bien entendu, ce document ne serait pas remis le jour du mariage, car c’est un moment de fête, pendant lequel on n’est guère réceptif à ce type d’informations.
M. Gérard Longuet. Le mariage est une fête éternelle ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce sera répété ! (Même mouvement.)
M. Charles Revet. C’est bien dit, monsieur Longuet !
En tout cas, il me paraît important qu’un tel document soit remis aux futurs époux.
Ensuite, je souhaiterais évoquer l’évolution des mots. Monsieur le président de la commission des lois, vous avez dit que le sens des mots changeait. C’est vrai que le sens des mots a toujours changé. Quand ce changement est le fruit d’une évolution du langage commun, je le comprends, et chacun l’assimile. Mais lorsque c’est le législateur qui opère ce changement par les dispositions qu’il introduit dans la loi, c’est tout à fait différent.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le législateur est un acteur de la société !
M. Charles Revet. Monsieur le président de la commission des lois, j’ai évoqué les relations particulières que nous entretenons avec nos cousins canadiens ou québécois, ainsi que leur attachement extraordinaire – presque plus fort que le nôtre, aussi paradoxal que cela puisse paraître (Mme Catherine Tasca s’exclame.) – à notre langue et leur recherche de racines dans notre pays. L’évolution des noms telle qu’elle est envisagée, ou du moins le fait qu’il soit notamment possible de changer de nom et d’interchanger des noms, compliquera les recherches généalogiques pour nous comme pour eux.
Enfin, vous le savez, madame la garde des sceaux, la langue française est parlée dans de nombreux pays. On s’en réjouit beaucoup, même si on perd un peu pied. Or ce que nous faisons peut avoir des conséquences dans tous ces pays où l’on parle français. Par conséquent, j’aimerais savoir si nous avons eu des contacts avec l’Organisation internationale de la francophonie, OIF, qui permet des échanges entre tous les pays dont la langue principale est le français, afin de mesurer les conséquences qu’auront certaines dispositions de ce projet de loi.
La France est bien entendu le pays d’origine de la langue française, mais cette langue est aujourd’hui parlée dans je ne sais combien de pays – peut-être que certains dans cet hémicycle pourraient nous indiquer le nombre exact. Est-ce que nous avons noué des contacts afin de mesurer les répercussions que pourrait avoir l’adoption de ce projet de loi dans certains pays francophones ? Il me semble qu’il s’agit d’une vraie question. La France a une responsabilité particulière, puisque nous avons la chance d’avoir une langue internationale. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Tout ce qui se fait ici a donc des conséquences à l’échelon international.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4 découle bien entendu de l’article 1er, qui a malheureusement été voté. Comme je l’ai déjà souligné, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, personnes homosexuelles, aura des conséquences terribles sur le contenu du code civil. La pagaille s’introduit : il va falloir revoir toute la partie relative à l’adoption, on ne sait plus quel nom vont porter les enfants adoptés, cela sera compliqué – Jean-Pierre Leleux l’a bien montré hier soir. Parce que vous êtes des spécialistes, vous ne vous rendez pas compte de la complexité que vous introduisez dans le code civil.
M. Gérard Cornu. Eh oui !
M. Bruno Sido. Il va devenir complètement incompréhensible pour le commun des mortels,…
M. Charles Revet. Voilà !
Mme Cécile Cukierman. Parce que le code civil est très compréhensible aujourd’hui ?
M. Bruno Sido. … pour tous ceux qui n’ont pas été ministres, etc., en clair les gens normaux, si je puis dire.
Mme Esther Benbassa. Vous distinguez encore les normaux des anormaux ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est scandaleux !
M. Bruno Sido. Vous ne vous rendez pas compte que le nom est un patrimoine qui indique les racines des uns et des autres. Par les temps qui courent, nous y tenons…
M. Gérard Cornu. Effectivement !
M. Bruno Sido. … et nos concitoyens y tiennent de plus en plus.
Vous avez refusé, contre toute évidence, d’accepter les amendements déposés et remarquablement défendus par nos collègues. Je trouve que c’est fort dommage, car l’adoption de ces amendements aurait permis de corriger au moins quelques aspects de l’article 4.
Pour tous ces motifs, je ne voterai pas cet article.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous aurions tort de penser que cet article est un article mineur, car il s’agit bien d’un article majeur, qui porte la trace de deux ressorts importants qui sont dans la dynamique de ce projet de loi et l’ont même précédé. Il y a quelques jours, l’un de nos collègues a cité cette formule d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Quand on demandait à Aristote quelle était la source de la sagesse… (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Oui, madame la sénatrice, Aristote, l’un des fondateurs de notre civilisation.
Mme Esther Benbassa. Merci !
Mme Hélène Lipietz. Bravo !
M. Bruno Retailleau. Rome, Athènes, Jérusalem, ce sont des sources de notre civilisation.
Mme Esther Benbassa. Merci !
M. Bruno Retailleau. Aristote disait que la source de la sagesse est dans la réalité des choses, car les choses ne savent mentir.
Je pense que les mots ne sont pas seulement les instruments du vocabulaire. Les mots d’une langue expriment une appréhension du monde. Nous pensons avec les mots, nous rêvons avec les mots,…
Mme Esther Benbassa. Ah !
M. Bruno Retailleau. … nous chantons avec les mots. Les mots sont des traces qui nous emmènent beaucoup plus loin que la syntaxe, la grammaire et le vocabulaire.
Mme Esther Benbassa. Oh, c’est lyrique !
M. Bruno Retailleau. La gauche l’a compris bien avant la droite.
Mme Esther Benbassa. Ah ! Grâce soit rendue !
M. Bruno Retailleau. Gramsci l’avait déjà souligné : les batailles politiques doivent d’abord être gagnées sur le terrain culturel (Mme Esther Benbassa s’exclame.), et notamment sur le terrain sémantique.
Mme Esther Benbassa. C’est déjà gagné !
M. Bruno Retailleau. Ce que vous faites, avec cet article, c’est aligner le droit… Madame Benbassa, nous n’avons pas la même couleur politique, ni d’autres couleurs non plus, d’ailleurs (Rires sur plusieurs travées.), mais nous pouvons au moins nous écouter, nous entendre, au-delà de ces couleurs, variées. Moi je n’ai aucun problème !
M. Jean-Vincent Placé. Qu’est-ce que cela veut dire, sur la question des couleurs ? C’est lamentable ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Retailleau. Cela veut dire que, quelles que soient nos couleurs politiques,…
M. Jean-Vincent Placé. Vous vous déshonorez ! C’est scandaleux !
M. Bruno Retailleau. Monsieur Placé, quelles que soient nos couleurs politiques, le respect doit s’imposer et nous devons pouvoir nous écouter, tout simplement.
Mme Esther Benbassa. Ça suffit !
M. Jean-Vincent Placé. Scandaleux !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je vous demande de faire la police de l’assemblée.
M. Jean-Vincent Placé. Absolument scandaleux !
M. le président. Poursuivez, monsieur Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je vous remercie.
M. Jean-Vincent Placé. C’est scandaleux ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste auxquelles répondent des exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Retailleau. La bataille des mots… (Brouhaha.)
Mme Esther Benbassa. Ça suffit, le Lagarde et Michard !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, la parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Quelles que soient nos différences, nous devons pouvoir nous écouter, c’est tout ! (M. Bertrand Auban s’exclame.)
Ce que je dis, c’est que cela ne revient pas au même d’employer le mot « parents » ou les mots « père » et « mère », parce que ces derniers mots renvoient à une ascendance, et cela fait une grande différence. Le mot « parentalité », qui a souvent résonné ici, ne désigne pas la même chose que le mot « parent » : il désigne une fonction éducative. La « parentalité » n’est pas non plus équivalente à l’ « homoparentalité ».
Mme Hélène Lipietz. Oh !
Mme Esther Benbassa. Eh oui, ce n’est pas la même chose !
M. Bruno Retailleau. On voit bien que les mots sont signifiants. Vous allez aligner le droit sur la falsification des termes. L’étymologie du mot « mariage » renvoie à la mère. Oui, pour engendrer un enfant, il faut un père et une mère.
Un sénateur du groupe socialiste. Et la Vierge Marie, alors ?
M. Bruno Retailleau. C’est ce que je voulais rappeler. Vous allez toucher aux premiers mots de notre vocabulaire, aux premiers mots que nous apprenons : « père » et « mère », « papa » et « maman ». (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.) C’est quelque chose d’extrêmement symbolique !
Enfin, votre projet de loi bouleverse si profondément…
Mme Esther Benbassa. Heureusement !
M. Bruno Retailleau. … les bases du droit de la famille et de la civilisation qu’il impose ce changement à tous les couples, à tous les Français,...
Mme Esther Benbassa. La civilisation évolue, monsieur !
M. Bruno Retailleau. … et pas seulement aux couples de personnes de même sexe. Je tenais à le rappeler sereinement, et je regrette qu’il soit difficile de se faire entendre dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À Charles Revet, qui parle toujours avec beaucoup de chaleur humaine et dont on sent qu’il est très intéressé par ces questions – je l’en remercie –,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Il pourrait être ministre !
M. Gérard Longuet. Il mérite mieux que ça ! Il pourrait être président de commission !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … je tiens à dire que, dans cette France où le langage est bien entendu le fruit du parler commun, la langue a toujours été un enjeu politique. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les lois et les règles régaliennes ont toujours pesé sur la réalité de la langue. La langue est vivante, elle vit de tous les acteurs qui jouent dans la société. Parmi ces acteurs, il y a le Parlement, qui précise constamment le sens des mots. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
Si je réponds ainsi à Charles Revet, avec lequel nous avons plaisir à dialoguer, je m’élève en revanche avec beaucoup de force, monsieur le président, contre les propos tenus par M. Retailleau. (Oh ! sur les travées de l’UMP.) En effet, vous avez déclaré, monsieur Retailleau, qu’il y avait entre vous et l’une de nos collègues des différences de couleur politique mais aussi d’autres différences de couleur.
M. Gérard Longuet. Elle est Verte ! Et d’ailleurs elle revendique sa « vertitude » !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Retailleau, je veux vous rappeler les termes de l’article 1er de la Constitution. Je veux aussi vous dire que je réprouve totalement la manière dont vous vous référez à Gramsci et dont vous faites parler une fois encore dans cet hémicycle Albert Camus (Mme Esther Benbassa s’exclame.), qui ne pensait certainement pas comme vous sur ces questions fondamentales qui tiennent au respect des uns et des autres. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Larcher. Vous n’allez tout de même pas l’interpréter !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à dire la vérité,…
M. Bruno Sido. Oh !
M. Henri de Raincourt. Votre vérité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … parce que cette vérité existe et que l’on n’a pas le droit de bafouer l’article 1er de la Constitution.
M. Alain Gournac. Vous n’avez pas le droit d’insulter ainsi un sénateur !
M. le président. Monsieur le président de la commission, je vous en prie.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a entre nous des différences politiques, mais aussi des différences qui tiennent au fond des choses.
Rappels au règlement

M. Bruno Retailleau. Je demande la parole, monsieur le président.
Article 4
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement (suite)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement. Pour un fait personnel, je n’aurais pu en effet vous donner la parole qu’à la fin de la séance.
M. Bruno Retailleau. Ce qui se passe est insupportable ! Dans un premier temps, dès lors qu’on s’inscrivait en faux sur le texte, on était traité d’homophobes.
Tout à l’heure, malgré les interruptions, j’ai cité un philosophe grec, en m’adressant à une collègue qui est Verte – je suis désolé, c’est sa couleur politique (Mme Esther Benbassa s’exclame.)…
M. Jean-Pierre Raffarin. Elle le revendique ! C’est son nom !
M. Bruno Retailleau. Les couleurs vestimentaires, peu importe ! Elle a une couleur éclatante, peu importe ! Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Vous voudriez nous faire croire que nous avons d’autres pensées !
M. François Rebsamen. Il a dérapé, ça arrive !
M. Bruno Retailleau. Franchement, il est possible d’échanger tous les arguments, mais faire penser que, parce que quelqu’un est d’une autre couleur, d’une autre religion,…
Mme Esther Benbassa. La religion maintenant !
M. Bruno Retailleau. … ou quoi que ce soit d’autre, je serais capable de lui manquer de respect, je ne peux le tolérer !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne sont pas dignes !
M. Bruno Retailleau. Toutes celles et ceux qui me connaissent – je suis élu depuis vingt-cinq ans – savent…
Mme Catherine Troendle. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. … ce que je pense. Mes écrits, mes discours peuvent en témoigner, et je défie quiconque de montrer le moindre écart, le moindre manque de respect à la dignité de qui que ce soit, au cours de ces vingt-cinq années de carrière politique !
M. François Rebsamen. Vous parlez trop ! C’est la fatigue !
M. Bruno Retailleau. J’ai toujours fait preuve de respect, quelles que soient la couleur de peau, la religion, la culture, et je défie quiconque de montrer l’inverse !
Lorsque nous nous exprimons, nous devrions pouvoir le faire avec la force de nos convictions, sans risquer d’être maltraités. Monsieur le président, je vous remercie de faire respecter la police de l’assemblée, pour assurer la sérénité de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. Monsieur Retailleau, je veille à la sérénité de l’assemblée.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour un rappel au règlement.
Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4 (suite)
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mes chers collègues, je trouve les propos de notre collègue Retailleau extrêmement graves. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Pour des raisons évidemment liées à vos interventions redondantes et répétitives, ce qui, au passage, n’honore pas du tout la Haute Assemblée,…
M. Alain Gournac. Laissez-nous faire !
M. Gérard Longuet. Qu’en savez-vous, mon cher collègue ?
M. Jean-Vincent Placé. … et à votre stratégie d’obstruction, d’occupation du temps, que l’on ne comprend pas trop, d’ailleurs, car jamais un argument nouveau n’est avancé (Protestations sur les travées de l’UMP.) dans nos discussions depuis quelques heures, voire quelques jours,…
M. Gérard Cornu. Vous n’êtes pas là !
M. Jean-Vincent Placé. … nous avons la sagesse, dans la majorité présidentielle, gouvernementale et parlementaire, de nous taire (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), alors que nous sommes l’objet de provocations idéologiques, culturelles et philosophiques que vous portez.
C’est une chose d’entendre ce type de propos, c’en est une autre d’entendre notre collègue Retailleau dire – je cite ses propos qui ont motivé mon rappel au règlement – : « Nous ne sommes pas de la même couleur politique et, d’ailleurs, nous ne sommes pas de la même couleur ».
Monsieur Retailleau, tels sont, in extenso, vos propos.
M. Bruno Retailleau. C’est faux !
M. Jean-Vincent Placé. Il est scandaleux de tenir de tels propos ! Aussi, je vous demande non pas des explications – vous venez d’ailleurs de tenter maladroitement de vous justifier dans une diatribe –, mais des excuses ! (Oh ! sur les travées de l’UMP.) C’est le sens du rappel au règlement que je fais au nom du groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Sophie Primas. Vous souhaitiez être vu à la télévision : c’est fait !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de faire en sorte que la sérénité revienne dans l’hémicycle.
Un sénateur du groupe UMP. Très bien !
M. le président. Monsieur Placé, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4 bis
Article 4 (suite)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 176
Contre 162
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour quelques instants.
M. Bruno Retailleau. Je suis attaché à la sérénité de nos débats. Je tiens donc à réaffirmer solennellement que, tout à l’heure, lorsque je me suis adressé à ma collègue, qui, d’ailleurs, ne cessait pas de m’interrompre,…
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. Bruno Retailleau. … j’ai simplement visé la différence de couleurs politique et vestimentaire. Si vraiment il y avait une ambiguïté, je la lève tout de suite !
Nous nous côtoyons tous les jours, nous sommes presque voisins de bureau. Aucun de mes actes ni de mes propos ne vise la dignité d’un être humain, quel qu’il soit ou quelle qu’elle soit. Tous ceux qui me connaissent, tous ceux qui travaillent avec moi le savent parfaitement ! Au sein de la commission, des relations de courtoisie existent…
M. Jean-Louis Carrère. Qu’elles continuent !
M. Bruno Retailleau. Il ne doit donc pas y avoir d’ambiguïté. De grâce, n’instrumentalisons pas ce genre d’incident,…
Un sénateur du groupe UMP. Voilà ! Très bien !
M. Bruno Retailleau. … ce n’est pas bon pour la sérénité des débats, ni pour la cause que, de chaque côté de cet hémicycle, nous souhaitons défendre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dont acte, monsieur Retailleau.
Nous en revenons au débat.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec l’article 4 bis, nous allons changer de sujet et passer à l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Je voulais donc intervenir auparavant, pour répondre à deux questions posées au sujet de l’article 4, l’une, par M. le ministre Longuet – il a été ministre, je n’y suis pour rien, ce n’est pas moi qui l’ai nommé ! (Sourires.) –, et l’autre, par Mme la sénatrice Des Esgaulx. J’ai manqué de réactivité en ne demandant pas la parole avant l’ouverture du scrutin sur l’article 4 et je vous prie de m’en excuser.
Monsieur le ministre Longuet, vous m’avez demandé de vous confirmer que « parents » signifie « père et mère ». Vous savez bien que le mot « parent » figure déjà dans le code civil et qu’il ne désigne pas uniquement le père et la mère.
J’ai fait vérifier par mes services le nombre d’occurrences de ce mot. À l’Assemblée nationale, j’avais déjà rappelé que nous n’avions pas touché au titre VII du code civil, sur la filiation. Toutes les occurrences de « père et mère » dans ce titre demeurent telles quelles, non pas parce que nous aurions reculé devant la difficulté, mais parce que nous n’avions aucune raison de les modifier.
Au titre VIII figurent déjà des occurrences du mot « parent » et je les ai fait dénombrer pour que vous constatiez que je tiens à répondre très sérieusement à votre question, que je ne me contente pas d’affirmer une chose sans la vérifier. Dans la version actuelle du code civil, puisque le texte dont nous discutons n’est pas encore adopté ni promulgué, le mot « parent » apparaît deux fois à l’article 345–1, deux fois à l’article 348–3, une fois aux articles 348–6, 349, trois fois à l’article 350 et une fois à l’article 351. Au titre IX, ce mot apparaît à l’article 371–1, alinéa 3, aux articles 371–2, 372–2, 373–2 et dans quelques autres.
Nous ne nous livrons donc pas à une innovation sans précédent : le code civil contient déjà de nombreuses occurrences du mot « parent ».
Il ressort des propos qu’un certain nombre d’entre vous ont tenus que vous nous reprochez de ne pas suffisamment tenir compte de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Je vous rappelle que la France a ratifié cette convention et qu’elle l’applique sérieusement – ne laissons pas croire, à l’occasion de ce débat, que notre législation ne serait pas protectrice de l’enfant ! Ce n’est pas parce que, dorénavant, les couples de personnes de même sexe peuvent se marier que les enfants sont tout d’un coup en danger ! Notre droit est solide et des magistrats, en chaque circonstance où ils sont appelés à le faire, veille à faire respecter l’intérêt des enfants et à protéger leurs droits.
Les enfants qui sont actuellement élevés par des familles homoparentales – il y en a déjà – sont dans une situation d’insécurité juridique et ce projet de loi va leur apporter une sécurité juridique. Quand les couples seront mariés, le fait que leur rupture soit arbitrée par un juge apportera une protection au membre du couple le plus vulnérable, le plus fragile, ainsi qu’aux enfants qui existent déjà dans ces familles. Ne laissez pas entendre que notre droit serait léger, fragile et ne protégerait pas les enfants ! Notre droit de l’enfant est solide et une institution de protection des enfants existe, puisque l’adjointe du Défenseur des droits est Défenseure des enfants.
Notre droit est solide, notre code civil dit très clairement que les décisions doivent être prises dans l’intérêt des enfants : ne faisons pas comme si nous étions au commencement de tout et comme si rien n’existait !
La question posée par Mme la sénatrice Des Esgaulx portait sur les documents d’état civil. M. le président Hyest a eu raison de rappeler que ces matières étaient réglementaires. Lorsque j’ai répondu à M. le sénateur Retailleau sur l’incompétence négative, j’ai rappelé jusqu’où allait la compétence du législateur en matière d’élaboration des règles, le relais étant pris par le pouvoir réglementaire ; j’ai notamment évoqué l’instruction générale relative à l’état civil. Bien que cette question relève du pouvoir réglementaire, il est tout à fait normal que les parlementaires souhaitent être éclairés.
Depuis que la loi de 2005 a établi que les règles relatives au livret de famille étaient déterminées par arrêté, nous disposons, en France, d’un livret de famille unique pour toutes les familles, délivré à l’occasion du mariage ou de la naissance du premier enfant.
Nous nous sommes très tôt posé la question de savoir comment serait présenté le futur livret de famille. Deux options étaient possibles : soit créer trois livrets de famille distincts, un pour les couples hétérosexuels, un pour les couples de femmes et un pour les couples d’hommes ; soit maintenir un livret unique, avec les trois options possibles.
Nous avons procédé à de nombreuses consultations et étudié ce qui se faisait à l’étranger. Notamment avec l’Association des maires de France, nous sommes tombés d’accord pour retenir la seconde solution, c’est-à-dire le maintien d’un livret unique pour toutes les familles, en prévoyant des rubriques distinctes. En effet, depuis la loi de 2005 et la mise en œuvre du nouveau livret de famille, et c’était d’ailleurs assez largement le cas avant pour les actes d’état civil, nous ne sommes plus dans une écriture littérale, mais dans une écriture par rubriques.
La Chancellerie travaille déjà avec les éditeurs de logiciels et les imprimeurs des livrets de famille pour définir un nouveau modèle. Nous aurons par conséquent un livret unique, comportant différentes rubriques qui seront renseignées par les services de l’état civil, en fonction des caractéristiques de la famille. Rien ne changera donc pour les livrets de famille des couples hétérosexuels.
Si ces explications ne vous paraissaient pas suffisamment précises, je suis prête à en rediscuter avec la commission des lois, à l’occasion d’une séance de travail spécifique, même si ces règles relèvent du domaine réglementaire.
Je tiens à rappeler que notre administration est très contrôlée, puisque tous nos formulaires sont soumis au Centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs, le CERFA. Je le répète, notre société est solide, toute une série de procédures d’élaboration et de contrôle font que les citoyens ne sont pas amenés à remplir une foule de formulaires extravagants, même si un certain nombre d’entre eux doivent être repensés, pour répondre à l’engagement de simplification administrative pris par le Premier ministre : il nous faut en effet remédier à une accumulation de formulaires portant sur les mêmes questions.
J’ajoute un dernier mot. Madame Des Esgaulx, il me semble que vous n’avez pas apprécié le fait que j’exprime une déférence particulière à l’égard des anciens ministres. Je ne cherche aucunement à vous être désagréable ni à distinguer une hiérarchie ou une aristocratie au sein du Parlement. Reconnaissez cependant que les ministres ont une vie publique, nous avons donc davantage l’occasion, sans les fréquenter, de connaître leurs prises de position et l’action qu’ils ont menée. Je ne me livre donc pas à une appréciation de la valeur intrinsèque des uns et des autres : s’il vous était arrivé d’être ainsi exposée publiquement, j’aurais probablement eu l’occasion de saluer ce que vous auriez eu l’occasion de faire en qualité de ministre. Il me paraît tout simplement important de reconnaître que certaines actions ou prises de position, dans certaines circonstances, sont extrêmement courageuses et méritent d’être saluées.
Encore une fois, égalité ne signifie pas identité. J’ai le même respect pour tous les sénateurs, mais je perçois bien chacune et chacun d’entre vous dans sa singularité. Cette appréciation vaut également pour mes anciens amis politiques, qui restent cependant des amis dans mon cœur et mon esprit. Je tenais donc à apporter cette précision, afin de ne pas créer de malentendu.
Je me permets enfin de vous adresser un clin d’œil, madame Des Esgaulx, puisque je commence à vous connaître un peu, depuis le début de cette discussion. Je ne vous cacherai pas que, les premières fois que je vous ai entendue, j’ai été assez surprise…
M. Gérard Longuet. Vous voulez dire : étonnée !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je me rends compte, en effet, que votre ton est en général beaucoup plus véhément que le fond de votre propos ! (Rires sur les travées du groupe UMP.) Au début, je me demandais pourquoi vous sembliez fâchée, mais j’ai constaté que vos interventions comportaient toujours une argumentation et une démonstration. Seulement, votre ton pourrait faire croire à une certaine agressivité, alors que tel n’est pas le cas. Ces spécificités font incontestablement le charme et le mystère de chacune et de chacun ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Hélène Lipietz applaudit également.)
Article 4 (suite)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Demande de vérification du quorum
Article 4 bis
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance :
1° Les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l’exception de celles du code civil, afin de tirer les conséquences de l’application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent ;
2° Les mesures relevant du domaine de la loi permettant, d’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions mentionnées au 1° en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne Mayotte et les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
L’ordonnance prévue doit être prise dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 176 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche et Tandonnet, Mme Létard et MM. Capo-Canellas, Jarlier et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, permettez-moi de remonter dans l’histoire du Sénat.
Je me souviens du temps où l’actuel président de la commission des lois, de concert avec le regretté Michel Dreyfus-Schmidt et d’autres collègues, tel Pierre-Yves Collombat, les uns et les autres rigoureusement hostiles à l’utilisation des ordonnances, se livraient à une défense âpre et convaincue des prérogatives du Parlement.
Il est intéressant de voir qu’avec la réapparition des ordonnances il nous revient à nous, qui sommes maintenant dans l’opposition, d’endosser le costume qu’avaient autrefois revêtu les socialistes et d’attaquer les ordonnances. Cela démontre bien que, quand on est dans la majorité, on a un point de vue et que, une fois dans l’opposition, on en a nécessairement un autre !
J’ajouterai, toutefois, qu’en ce qui nous concerne il est des cas où les ordonnances nous apparaissent nécessaires.
Il en va ainsi, par exemple, dans le domaine de la codification, à l’exclusion, bien évidemment, du code de procédure pénale, du code pénal et du code civil. Je veux parler de codes et de matières très complexes, qui atteignent un degré de technicité incompatible avec l’organisation de véritables débats dans l’hémicycle.
De même, nous avons estimé, à juste titre, que la nécessité d’aller vite pour combler des retards accumulés en matière de transposition de directives européennes ou de ratification de traités internationaux – sujets, là encore, très techniques – justifiait parfois le recours aux ordonnances.
Dans le cas précis qui nous intéresse aujourd’hui, je m’interroge sur le bien-fondé de l’utilisation de l’article 38 de la Constitution.
En effet, il s’agit là de revoir toute une série de textes qui n’ont pas été visés par le projet de loi que nous examinons. Peut-être allons-nous être aussi amenés à aller parfois dans l’inconnu tant l’argumentation développée en faveur du recours aux ordonnances me paraît faible.
Pour toutes ces raisons, je pense absolument nécessaire de ne pas autoriser le Gouvernement à prendre l’ordonnance ici prévue mais de faire confiance au législateur pour modifier lui-même, normalement et en vertu de l’article 34 de la Constitution, les dispositions à appliquer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Le groupe centriste, qui est, par principe, hostile au recours aux ordonnances, l’est a fortiori sur un sujet aussi fondamental que celui qui nous occupe aujourd’hui. Avec cette ordonnance, il s’agit, en effet, ni plus ni moins, de donner au Gouvernement la possibilité de légiférer sur un sujet qui touche aux fondements mêmes de notre organisation sociale.
Sans vouloir en rajouter dans les citations, je dois dire que je suis assez d’accord avec le député François Hollande qui, s’exprimant à l’Assemblée nationale le 8 juin 2005, voyait dans la procédure des ordonnances le moyen de flouer le Parlement et de renoncer à la confrontation démocratique et au débat. Je ne saurais mieux dire.
Sur un sujet de cette importance, je considère qu’il n’est pas raisonnable d’ôter à la représentation nationale, à la représentation démocratique, la responsabilité du débat.
Voilà pourquoi nous sommes hostiles à l’article 4 bis et en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements identiques nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter, qui tendent à supprimer l’article 4 bis.
Après avoir voté l’article 1er sur le mariage, le Sénat vient d’adopter l’article 4. Ce dernier modifie le code civil en complétant le titre préliminaire par un article général qui pose le principe d’égalité.
S’il avait fallu passer en revue tous les articles concernés, contenus dans des textes et codes différents, cela aurait pris, compte tenu de la longueur et de la densité des débats, beaucoup de temps, plusieurs mois peut-être !
Il est donc tout à fait normal que le Gouvernement demande au législateur, qui a voté les principes, l’autorisation de prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur.
Ces ordonnances présentent deux garanties pour le Parlement.
D’abord, si le Gouvernement veut réintégrer l’ordonnance dans le domaine législatif - à mon avis, ce sera le cas, car le Gouvernement est prêt -, il nous demandera, après l’avoir prise dans un délai de six mois suivant la publication de la loi d’habilitation, de l’approuver par un projet de loi de ratification qui sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Vous le savez très bien, les projets de loi de ratification ont donné lieu, ici même, à des débats souvent très longs. Ce fut le cas, par exemple, lorsque le code du travail a été modifié par ordonnance. Il se trouve qu’un certain nombre d’articles n’avaient pas été codifiés à droit constant. M. Xavier Bertrand, alors au banc du Gouvernement, en était convenu et avait accepté un certain nombre d’amendements. La discussion prit un certain temps. Cette garantie, vous la retrouvez ici.
Ensuite, supposons que le projet de loi de ratification ne soit pas présenté dans les délais, soit par inadvertance, soit en raison de bouleversements politiques ou autres, ce qui est déjà arrivé : les textes adoptés seraient alors caducs et pourraient, en tant que tels, être attaqués à tout moment devant le Conseil d’État.
L’article 4 bis me paraît donc présenter toutes les garanties et permet, à mon sens, d’améliorer d’autant la lisibilité du projet de loi.
Je laisse maintenant à Mme le garde des sceaux le soin de vous donner les explications détaillées que je ne suis pas en mesure de vous fournir, notamment quant à l’état d’avancement des travaux du Gouvernement pour modifier un certain nombre de textes, dans le prolongement de l’article 1er du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Nous savons que les deux chambres du Parlement refusent farouchement de se voir dépossédées de l’élaboration de la loi et de transférer cette responsabilité à l’exécutif.
Cette préoccupation est une constante dans l’histoire d’un Parlement qui a toujours vigoureusement contesté un tel transfert. J’y suis d’autant plus sensible que j’ai moi-même été parlementaire et que j’ai, dans ce cadre, bataillé contre les ordonnances. J’entends donc votre protestation, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je rappelle simplement que l’article 38 de la Constitution a introduit des conditions très strictes pour encadrer le recours aux ordonnances en ce qu’il impose le dépôt d’un projet de loi de ratification dans un délai très précis. Le Parlement a ainsi la possibilité de discuter du contenu des ordonnances et, par conséquent, de contester éventuellement certaines des dispositions prises. La Constitution apporte donc une garantie solide au législateur, qui, loin d’être dépossédé de son pouvoir, en voit simplement l’exercice différé de quelques mois.
Je rappelle à M. le doyen Gélard que le Gouvernement sera habilité non pas à élaborer des règles mais à procéder, dans les six mois de la publication de la loi, aux coordinations nécessaires dans tous les codes, à l’exception de celles qui concernent le code civil et qui demeurent de la compétence du Parlement.
Donc, le Parlement n’est pas dépossédé de ses prérogatives.
Nous serons en mesure de tenir les délais, puisque le travail a été fait lors de la première phase d’écriture du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Les ordonnances font partie de ce parlementarisme rationalisé que nous avons voulu instaurer en 1958. L’usage que nous en avons fait a en général été critiqué par l’opposition et défendu par la majorité, comme il se doit.
Il est évident que les ordonnances de l’article 38 participent au bon fonctionnement de nos institutions.
Y a-t-il, derrière notre opposition, car je soutiens l’amendement du doyen Gélard, un jeu politique ? La réponse est non ! Absolument pas !
La matière sur laquelle nous travaillons aujourd’hui, et nos débats le démontrent très largement, est horriblement complexe. On comprend bien votre volonté initiale ; vous avez le sentiment que l’adoption de l’article 1er a fixé définitivement et globalement une orientation. Or nous découvrons en fait – ce n’est pas un grief contre les travaux de la commission, tant le sujet est complexe –, au fur et à mesure de l’avancement de nos débats, toute une série de complications.
J’aurais pu ne pas intervenir puisqu’il est clairement dit par l’article 4 bis que tout ce qui est lié au code civil ne sera pas dans le champ de l’habilitation. Tant mieux ! En revanche, tout le reste, notamment cette dimension sociale et sociétale du mariage, peut être traité par ordonnance.
Vous nous renvoyez à des débats ultérieurs. Or nous aimerions dès aujourd’hui pouvoir mesurer les implications de ces changements. En effet, le rythme, sinon expéditif, en tout cas, accéléré de nos travaux sur un sujet de société primordial fait que l’opinion, qui découvre les choses, s’interroge, à juste titre, à travers ses parlementaires.
J’évoquais à l’article 4 le concept de « parents ». Vous balayez notre inquiétude en disant que tout ce qui est lié au code civil ne sera pas traité par ordonnance.
Nous aurons pourtant à décliner le changement apporté au code civil dans différents domaines qui ne relèvent absolument pas de ce code, qu’il s’agisse, par exemple, de prestations sociales, de logement, d’éducation, de responsabilité fiscale des uns et des autres. Et nous allons être privés de ce débat.
Je prendrai en outre deux exemples de ces dispositions que nous découvrons, chemin faisant, mais que la commission n’a pas traités définitivement, alors qu’ils seront concernés par l’ordonnance bien que relevant par nature du code civil.
Il s’agit d’abord des ascendants, lesquels sont des « parents » au sens du langage commun, mais pas des « géniteurs », pour reprendre la formule employée par Hugues Portelli.
Or ces ascendants sont impliqués dans la modification du code civil issue de l’article 4 du projet de loi. L’adoption est désormais autorisée si les ascendants ne manifestent aucun intérêt ou s’ils n’ont pas manifesté clairement un intérêt pour l’enfant - en l’occurrence, il s’agit du petit-fils ou de la petite-fille, puisque l’on saute une génération. L’adoption dudit enfant peut donc avoir lieu sans leur intervention.
Ce débat relève-t-il du code civil ? Oui ! Ne relève-t-il que du code civil ? Non ! L’ordonnance risque de créer des situations de fait avant même que nous n’ayons débattu des conséquences de ces dispositions sur le code civil – même si nous avons vocation à en parler à un autre moment.
Je prendrai brièvement un second exemple.
M. Jean-Louis Carrère. Oui, il est temps de conclure !
M. Gérard Longuet. Vous avez renvoyé la GPA à un texte à venir sur la famille. Ce texte, nous aimerions qu’il soit examiné avant que l’ordonnance ne soit prise. En effet, si nous parlons de la GPA et de la PMA dans le projet de loi sur la famille, cela va avoir toute une série de conséquences dans des domaines qui relèvent manifestement de l’ordonnance que vous nous proposez.
C’est la raison pour laquelle nous allons nous opposer à cet article. Notre opposition, qui n’est pas de principe, se justifie parce que nous souhaitons avoir une vision d’ensemble. Cette vision, nous l’aurons à l’occasion du débat sur la famille, qui permettra de revenir sur des aspects du code civil jusqu’à présent traités très superficiellement.
Par ce vote négatif, nous souhaitons non pas condamner le système des ordonnances, mais signifier que ces dernières ne devraient être prises qu’après un examen approfondi par le Parlement des conséquences d’ensemble du vote de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela a été dit, vous l’avez repris les uns et les autres, le Parlement n’aime guère être dessaisi de ses prérogatives. C’est vrai, il y a une propension – pas forcément de ce seul gouvernement ! – à vouloir légiférer par ordonnances.
Je reprends ce que disait tout à l’heure le doyen Gélard. Dès lors qu’il s’agit de la transcription d’un texte qui s’impose à nous – directives européennes ou autres – de toute façon, notre marge de manœuvre est epsilon. Si le recours aux ordonnances peut nous laisser plus de temps pour examiner d’autres textes, importants pour la société, j’y suis favorable ; de toute façon, on ne peut rien modifier dans ces cas-là.
Mais il en va différemment quand il s’agit d’un texte aussi fondamental que le présent projet de loi, dont nos discussions montrent qu’il va modifier la société en profondeur. En outre, il ne fait pas l’objet de l’engagement de la procédure accélérée, ce qui signifie qu’il nous reviendra.
Madame le garde des sceaux, ce texte aura manifestement des incidences qui n’ont pas été encore totalement recensées. Pourquoi ne pas mettre à profit ce temps supplémentaire que nous offre la navette pour demander à vos services de travailler sur ces questions et pour nous proposer en deuxième lecture des amendements intégrant des éléments d’évolution que nous pourrions adopter ? Après tout, c’est une possibilité ouverte au Gouvernement, à défaut de l’être toujours au Parlement.
Je ne suis pas juriste, madame le garde des sceaux ; je parle donc simplement, et vous pouvez me reprendre si mes propos sont inexacts. Toutefois, il me semble que, lorsque le Gouvernement légifère par ordonnances, le Parlement ne dispose d’aucune marge de manœuvre et ne peut que se prononcer pour ou contre. Mieux vaudrait, sur ce texte dont chacun peut mesurer les enjeux, que vous nous proposiez des amendements et, disant cela, je m’adresse aussi à l’ensemble de nos collègues.
Dès lors que le texte a été adopté en première lecture par la majorité, le fait de nous soumettre un ou plusieurs amendements visant à prendre en compte les évolutions qui s’imposeront nous permettrait d’en débattre à nouveau, voire d’apporter nous-mêmes des modifications.
Ce serait de bon sens, madame le garde des sceaux, car la démarche nous permettrait d’appréhender les conséquences de ce texte, en faisant la part des dispositions nécessaires et des points susceptibles d’être modifiés, sans pour autant que nous prenions du retard.
Puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée, et puisqu’une deuxième lecture aura lieu, pourquoi ne pas procéder de cette façon ? Ce serait plus démocratique. Sur un projet de loi d’un tel enjeu, cela me paraîtrait – permettez-moi de répéter ces mots que j’aime bien, même s’ils sont de moins en moins traduits en actes – de bon sens !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je n’ai pas d’objection de principe à l’habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement pour modifier, par voie d’ordonnance et pendant une durée limitée, la législation en vigueur. Comme le rappelait notre collègue Gérard Longuet, c’est un apport de la Constitution de la Ve République.
Toutefois, et bien que le principe en soit admis, il convient de ne recourir aux ordonnances que lorsque le contexte le justifie.
Je relève qu’au fil des décennies l’interprétation de l’article 38 de la Constitution a été de plus en plus extensive. Il portait à l’origine, nous ne devons pas l’oublier, sur la seule exécution du programme du Gouvernement, ce qui avait un sens fort dans l’esprit des constituants : il s’agissait de mettre en œuvre, dans un délai limité, un train de réformes très importantes pour faire face à l’urgence imposée par les circonstances.
Le Gouvernement pourrait ainsi nous annoncer, aujourd’hui, qu’il souhaite légiférer par ordonnances pour faire face aux très graves difficultés économiques et sociales que nous rencontrons. Nous aurions certes le droit de lui refuser l’exercice de ce droit, mais le Gouvernement serait, alors, tout à tout à fait dans l’esprit de l’article 38. On pourrait d’ailleurs se demander si le Gouvernement ne devrait pas y recourir en la matière ; mais c’est un autre débat...
En revanche, s’il s’agit d’utiliser les ordonnances pour des raisons qui tiennent à la complexité juridique et au détail de changements législatifs auxquels on n’a pas encore réfléchi, mais dont on a l’intuition qu’il serait complexe et trop long d’en délibérer au Parlement, alors la situation est tout autre !
Je crains fort que nous soyons, en l’occurrence, dans ce dernier cas de figure : sans savoir exactement ce que l’on veut faire, on dessaisit à l’avance le Parlement de son droit de délibérer, de crainte que le débat ne soit trop long et trop compliqué. Je remercie le Gouvernement, ou plutôt la commission, de vouloir nous épargner, mais notre devoir serait, bien au contraire, de délibérer dans le détail des questions qui seront soulevées.
Mais je laisse de côté le principe et je reviens sur ses modalités d’application.
On peut certes, et j’ai souligné mon attachement à l’article 38 de la Constitution, vouloir légiférer par ordonnances, mais dans un cadre qui a été déterminé avec précision par le texte d’habilitation.
Or que lit-on dans le texte qui nous est proposé ? On nous demande en quelque sorte de signer un chèque en blanc, dans la mesure où l’on ne nous dit pas sur quelles lois porte l’habilitation. Il s’agirait en effet de « l’ensemble des dispositions législatives en vigueur », bref, de toutes les lois, ou de n’importe lesquelles !
Je n’ai vraiment pas envie d’habiliter le Gouvernement à légiférer sur n’importe quelle loi, ce qui pose d’ailleurs un problème juridique très important. Je veux bien, en revanche, l’habiliter à modifier des textes précis – tel chapitre d’une loi votée en 1967 ou en 1972, par exemple – qu’il s’agit, à l’avance, d’adapter à de nouvelles dispositions législatives votées par le Parlement. Dans ce cas, en effet, je serai à même de vérifier le bien-fondé de sa demande.
Dans le cas contraire, si le Gouvernement ne précise pas sur quels textes porte l’habilitation et quelles en sont les modalités, je ne peux qu’avoir le sentiment de l’habiliter d’une manière générale, presque universelle, à changer toute loi, dans des conditions qu’il ne m’est pas possible de prévoir.
Je veux donc bien discuter du principe du recours aux ordonnances, même si nous sommes bien loin des motifs originels qui justifiaient l’application de l’article 38. Toutefois, s’agissant des modalités, je ne peux accepter que le Parlement accorde au Gouvernement, de manière totalement indéfinie, un pouvoir général lui permettant de modifier des lois qui ne sont même pas nommées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. C’était très intéressant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je précise, dans le prolongement des propos de Philippe Bas, qu’il n’est pas suffisant, selon moi, de prévoir une exception pour les dispositions du code civil, ainsi que le prévoit l’article qui nous est proposé, et ce pour une raison très simple : le droit civil ne se limite pas à ce qui figure dans le code civil !
Par ailleurs, il est de tradition que le Parlement, et en particulier le Sénat, répugne à laisser modifier par ordonnances des dispositions qui relèvent du droit civil.
Je sais bien qu’il y a eu un précédent, sous le gouvernement Villepin, qui portait sur un sujet assez grave puisqu’il s’agissait de filiation. Nous avions d’ailleurs été nombreux, y compris de ce côté-ci de l’hémicycle, à protester contre le recours de l’article 38 dans ce genre de cas.
Je partage l’avis de notre collègue centriste. À titre personnel, je suis contre le recours à l’article 38, y compris dans les domaines qui ne relèvent pas du droit civil.
Je citerai, pour illustrer ce propos, le récent débat que nous avons eu ici même sur le harcèlement sexuel. Il arrive en effet très souvent, et même systématiquement, que l’on utilise l’article 38 pour transposer des directives européennes.
Certes, je sais bien que la France figure à l’avant-dernier rang pour la transposition des directives, ce qui n’est pas très glorieux, et que le recours aux ordonnances est un moyen d’accélérer la procédure. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une erreur très grave.
Le droit européen, en effet, n’existe pas. Il n’est qu’un mélange des droits anglais, allemand, français et italien. Le problème se pose alors très souvent, au moment de la transposition des directives, de la traduction dans le droit français de concepts qui viennent d’autres pays.
Or il arrive que cette traduction ne soit pas possible. Ainsi, dans le texte sur le harcèlement sexuel auquel je faisais allusion, et que nous avons examiné voilà quelque mois, figurait le mot « environnement ». Or, en anglais, environment signifie le cadre, ou le climat social et familial. Cela n’a pas du tout le même sens que le mot français ! Nous avons donc bataillé, de façon au demeurant fort sympathique, pour savoir quel terme utiliser, et nous avons finalement décidé que l’on ne toucherait pas au mot « environnement ».
Il n’est donc pas bon de recourir aux ordonnances lorsqu’il s’agit de faire un travail juridique précis, cas de figure dans lequel nous nous trouvons en l’occurrence. Je vous le redis très franchement, c’est une erreur !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avant que nous passions au vote sur ces amendements, je tiens à rassurer MM. Revet et Bas.
L’habilitation est exigeante, notamment depuis la révision de la Constitution de 2008, qui fut bonne en cela (Ah ! sur les travées de l’UMP.) : non seulement le Gouvernement doit déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification, mais encore les dispositions deviennent caduques si aucun texte de ratification n’a été déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, ici dans les trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Nous avons donc la garantie d’être saisis d’un projet de loi de ratification, que les parlementaires conservent tout pouvoir d’amender.
Nous l’avons d’ailleurs déjà fait – je ne sais si vous étiez alors sénateur, monsieur Bas, mais je parle sous le contrôle de Mme Dini, alors présidente de la commission des affaires sociales ! – pour la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».
Le Parlement avait alors autorisé le Gouvernement à modifier par ordonnances l’ensemble des textes qui étaient impactés par la nouvelle législation. Les ordonnances ont alors été publiées, puis le projet de loi de ratification a été présenté au Sénat, qui l’a modifié. En effet, le Gouvernement a accepté un certain nombre d’amendements, dont certains avaient été déposés par la commission des affaires sociales, et tout s’est passé le mieux du monde. Il en sera exactement de même si le présent article est adopté ! (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Demande de vérification du quorum

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Vérification du quorum (début)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques de suppression nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter.
Mes chers collègues, je suis saisi d’une demande écrite de vérification du quorum.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. David Assouline, Bertrand Auban, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Jean-Pierre Caffet, Pierre Camani, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Luc Carvounas, Félix Desplan, Claude Domeizel, Vincent Eblé, Mmes Anne Emery-Dumas, Frédérique Espagnac, M. Jean-Jacques Filleul, Mmes Bariza Khiari, Virginie Klès, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Claude Leroy, Roger Madec, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Pierre Michel, Mme Danielle Michel, MM. Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Thani Mohamed Soilihi, Mme Renée Nicoux, M. Jean-Marc Pastor, Mme Gisèle Printz, M. François Rebsamen, Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, MM. Yannick Vaugrenard, Michel Teston et Hervé Poher.)
M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
Vérification du quorum

Demande de vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Vérification du quorum (interruption de la discussion)
M. le président. Mes chers collègues, la vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Cependant, l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification, pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
Je vais procéder à la vérification du quorum et j’invite donc Mme Catherine Procaccia et M. Gérard Le Cam, secrétaires de séance, à venir m’assister.
(La vérification du quorum a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Aussi, conformément au règlement, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement. Nous reprendrons ensuite la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, avec le vote sur les deux amendements identiques de suppression de l’article 4 bis.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE BEL

M. le président. La séance est reprise.
Vérification du quorum (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
3
QUESTIONS D’ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Je demande à chacune et à chacun de se plier à cette règle, qui est absolument nécessaire au bon déroulement des questions d’actualité.
TIBET

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M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
Madame la ministre, le Président de la République effectuera son premier voyage officiel en Chine les 25 et 26 avril prochain. Nous ne disposons pas encore d’un ordre du jour précis, mais il semble que ce déplacement vise notamment à stimuler les relations commerciales entre nos deux pays.
De fait, ce sont là des enjeux importants. Ils ne doivent cependant pas en occulter d’autres, en particulier ceux qui se rapportent au respect des libertés civiles et des droits humains, auxquels notre pays a toujours été très attaché.
À ce sujet, et sans réduire la question des libertés en Chine à ce seul point, la situation actuelle du Tibet est particulièrement préoccupante.
Depuis le mois de février 2009, 112 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre les atteintes graves aux droits humains au Tibet. Ce décompte macabre évolue malheureusement de jour en jour. Il traduit le désespoir absolu d’un peuple qui refuse de voir sa culture et son avenir annihilés.
Depuis de nombreux mois, l’accès à cette région est totalement fermé aux étrangers, qu’il s’agisse de diplomates, d’organisations humanitaires, de journalistes ou de simples voyageurs.
Inquiet de cette situation, le Sénat, à l’initiative de son groupe d’information internationale sur le Tibet, a adopté le 27 novembre dernier une résolution européenne relative à l’action européenne en faveur de la protection des droits des Tibétains.
Cette résolution met notamment l’accent sur un recours disproportionné à la force face aux manifestations au Tibet et sur l’impasse actuelle des pourparlers entre le gouvernement chinois et les émissaires du dalaï-lama. Elle demande au Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de confier au Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, M. Lambrinidis, un mandat pour faire de la question tibétaine une priorité de son action.
La France n’est pas la seule à se préoccuper ainsi de la situation au Tibet. Plusieurs autres pays ont également voté des résolutions allant dans le même sens.
Cette semaine, lors d’un voyage officiel en Chine, la Première ministre australienne n’a pas manqué d’exprimer auprès du président Xi Jinping sa vive préoccupation quant au respect des droits de l’homme en Chine, au Tibet en particulier.
Madame la ministre, ma question porte sur trois points précis.
Premièrement, le Président de la République entend-il lui aussi évoquer avec son homologue chinois la question des droits de l’homme en Chine et à l’intérieur du Tibet ?
Deuxièmement, le Président de la République est-il favorable à une médiation européenne, ainsi que le propose le Sénat dans la résolution précitée ?
Troisièmement, enfin, le Président de la République envisage-t-il, dans un avenir proche, de recevoir le dalaï-lama en France ou, à tout le moins, M. Lobsang Sangay, Premier ministre du gouvernement tibétain en exil ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Laurent Fabius, retenu à la réunion des ministres des affaires étrangères du G8, à Londres.
M. Jean-Claude Gaudin. Mais vous êtes enfin là !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez raison, la vague d’immolations observée depuis le printemps 2011 dans les régions de peuplement tibétain en Chine suscite, partout dans le monde, émotion et tristesse.
À cet égard, la France s’est exprimée publiquement pour faire part, systématiquement, de sa préoccupation profonde face aux récents développements, pour rappeler son attachement au respect des droits de l’homme, à la liberté de religion, à la liberté de conviction, ainsi qu’à la préservation de la culture et des traditions tibétaines.
Monsieur le sénateur, en ce domaine, la position de la France est constante. Nous considérons que le dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama est la voie pour parvenir à une solution durable qui respecte pleinement l’identité culturelle et spirituelle tibétaine, et ce au sein de la République populaire de Chine.
Le prochain déplacement du Président de la République en Chine sera l’occasion de renforcer notre dialogue et notre partenariat dans tous les domaines. Ce partenariat est global, il n’oublie aucun sujet, il porte sur tous les thèmes d’intérêt commun, et il va de soi que les droits de l’homme en font partie intégrante. Dans ce cadre, aucun sujet n’est exclu, toutes les questions seront abordées, dans un esprit de franchise et de respect mutuel.
La situation des droits de l’homme en Chine, en particulier dans sa dimension tibétaine, est très régulièrement évoquée dans les institutions de l’Union européenne, ainsi qu’avec l’ensemble des États membres. L’Union européenne s’est d’ailleurs dotée d’un Représentant spécial pour les droits de l’homme.
Par ailleurs, la situation du Tibet est mentionnée lors de chaque session du dialogue euro-chinois sur les droits de l’homme. Nous continuerons notre action, nous sommes décidés à le faire, de conserve avec chacun de nos partenaires européens.
Enfin, sachez que, pour le moment, nous n’avons pas connaissance d’un projet de visite du dalaï-lama en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste.)
RÉPONSES À APPORTER À LA CRISE ÉCONOMIQUE

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M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Une crise politique grave se déroule dans notre pays. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
La démission du ministre délégué chargé du budget ainsi que ses aveux de malversations ont mis en évidence l’imbrication étroite entre la finance et le domaine public, y compris le champ politique. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Les sénatrices et les sénateurs communistes, qui ont déposé il y a près de trois ans, le 1er juillet 2010, une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, approuvent sans réserve les mesures qui permettront d’assurer la transparence et d’éliminer – c’est cela l’objet – l’influence néfaste des financiers et lobbyistes sur les choix politiques, économiques et sociaux.
Un élu ne doit pas tirer un profit personnel de sa fonction. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un menteur sera toujours un menteur !
Mme Éliane Assassi. La question de la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts se pose, certes. Reste à examiner de quelle manière, pour ne pas tomber dans une surenchère voyeuriste. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Excellente réaction !
Mme Éliane Assassi. Dans leur immense majorité, les élus, qui se dévouent pour leur population, qui participent au débat politique et idéologique, n’ont rien et n’auront rien à craindre en la matière.
Mme Isabelle Debré. Oui !
Mme Éliane Assassi. Mais ce n’est pas tout. Les hésitations actuelles montrent bien que l’essentiel est ailleurs.
En insistant sur le rôle des banques et la lutte contre les paradis fiscaux, le Président de la République a pointé un fait essentiel : c’est le libéralisme, la libre circulation de l’argent, des capitaux qui est source de dérive, source de corruption. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
Trop longtemps, nous avons été seuls, au parti communiste et au Front de Gauche, avec quelques personnalités, à dénoncer l’argent roi, l’argent qui corrompt.
Il est temps aujourd’hui d’affronter le monde de la finance, cet ennemi sans visage hier dénoncé.
Mesdames, messieurs les ministres, montrer du doigt les banques est une bonne chose, car celles-ci profitent de la crise, vampirisent les États et les peuples, mais ce n’est pas suffisant. Il faut s’attaquer au système qui organise leur action. Seul un changement de cap, en France comme en Europe, peut redonner confiance aux peuples ; quelques mesures de transparence ne suffiront pas.
L’affaire Cahuzac est un symptôme du triomphe du libéralisme en Europe. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Rémy Pointereau. C’est plutôt la gauche caviar !
M. Gérard Cornu. Oui, plutôt !
Mme Éliane Assassi. C’est la démocratie qui est moralement atteinte par le pouvoir de l’argent.
Nous vous demandons d’en prendre conscience en stoppant l’austérité maquillée en sérieux budgétaire, en mettant enfin le cap sur la croissance, la politique industrielle durable et l’emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, vous m’avez posé une question à tiroirs (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) ...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas une bonne image !
M. Alain Gournac. Parlons plutôt de tiroirs-caisses !
M. Jean-Marc Todeschini. Arrêtez !
M. Pierre Moscovici, ministre. ... à laquelle j’apporterai d’emblée une nuance. Je ne crois pas et je ne peux pas laisser dire ici que nous soyons devant autre chose que la faute grave et impardonnable d’un homme.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Permise par un système !
M. Pierre Moscovici, ministre. Ce mensonge n’est le symptôme d’aucune autre chose ! Il n’est pas plus le symptôme d’une faute du Gouvernement que du libéralisme.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr que si !
M. Gérard Longuet. Merci pour le libéralisme !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il faut savoir établir les responsabilités au niveau où elles sont.
Il n’en demeure pas moins que cette révélation a incontestablement créé un choc. C’est à ce choc que le Président de la République a voulu répondre hier par un autre choc, un choc de moralisation.
Un sénateur du groupe UMP. Un choc chasse l’autre !
M. Éric Doligé. Vivent les autos tamponneuses !
M. Pierre Moscovici, ministre. C’est la raison pour laquelle il a souhaité que la transparence soit faite sur les patrimoines. Mais la transparence ne suffit pas : il faut aussi le contrôle (Exclamations sur les travées de l’UMP.), à travers une autorité indépendante, présidée par une personnalité incontestable. Et, au-delà de la transparence, il faut aussi la répression.
Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogé sur la lutte contre certaines dérives de la finance. Cette lutte, nous avons commencé à la mener ici même. Je pense au vote de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, texte qui, pour la première fois, permet à un pays – et je ne parle pas seulement pour la France – de demander aux banques des informations sur leurs activités, leur chiffre d’affaires, dans tous les pays du monde, y compris dans les paradis fiscaux.
M. Jean-Claude Gaudin. C’est déjà fait !
M. Pierre Moscovici, ministre. Vous savez que le Président de la République a insisté fortement sur ce point.
Il nous faut aller plus loin encore. En proposant, avec mes homologues allemand, italien, britannique et espagnol, l’adaptation d’un instrument qui existe aux États-Unis, le fameux FATCA, ou Foreign Account Tax Compliance Act, c’est-à-dire l’échange automatique d’informations, c’est ce que nous faisons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons loin, et même très loin !
Enfin, madame la sénatrice, vous avez également évoqué dans votre question la politique économique que nous suivons. Je répète à la représentation nationale, au Sénat, que, contrairement à ce qui est affirmé ici, cette politique n’est pas une politique d’austérité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je combats l’austérité en Europe, parce que je pense, en effet, que si l’Europe n’est qu’une discipline punitive, l’Europe ne convaincra pas ses peuples.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. En tant que ministre de l’économie et des finances, la politique que je mène, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, n’est pas une politique d’austérité. La politique que je mène va au rythme qui s’impose, donne les marges de manœuvre nécessaires et fait jouer les stabilisateurs automatiques quand la croissance est faible. Mais c’est une politique sérieuse qui passe par le désendettement.
Comme l’a souligné le Président de la République hier, il y a un cap, c’est le sérieux ; il y a un objectif, c’est la croissance ; il y a une exigence, c’est l’emploi. Nous n’en dévierons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
SITUATION À LA DGCCRF

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M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, la crise de la viande de cheval résulte de l’accumulation d’évolutions inacceptables au cours de ces dernières années, qui ont aussi conduit les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, à manifester samedi dernier à Paris.
Il faut rappeler ici que ces agents ont joué un rôle crucial dans la révélation de ces fraudes, fraudes qui témoignent de pratiques peu scrupuleuses dans l’industrie agroalimentaire, mais aussi de carences dans les réglementations françaises et européennes.
Ces agents accomplissent un travail remarquable qui mérite d’être salué. Or ils sont aujourd’hui gagnés par la colère et le découragement, et on peut les comprendre ! Depuis 2007, 560 postes ont été supprimés. Résultat, les 3 000 agents qui couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire national ne peuvent plus assurer correctement leurs trois missions essentielles, que sont la sécurité des consommateurs, leur protection économique et la régulation concurrentielle des marchés.
Conséquence directe de la diminution drastique des moyens humains et financiers, le nombre de contrôles effectués par la DGCCRF est en chute libre, baissant de 13 % en 2012. Dans certains départements, le nombre d’agents a été divisé par plus de trois depuis 2009. Ainsi, dans l’Aude, département cher à nos collègues Roland Courteau et Marcel Rainaud, où les fraudes dans l’affaire de la viande de cheval ont été constatées, un seul agent est affecté aux contrôles alimentaires !
La réforme de la DGCCRF enclenchée en 2008 a, de surcroît, conduit à une désorganisation totale des services. Les agents sont désormais répartis entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et des directions départementales de la protection des populations. À un organigramme particulièrement complexe s’ajoute l’absence de mise en réseau rapide et efficace des informations. Cette inertie, directement liée à la nouvelle organisation, affaiblit les conditions d’exercice des agents de la DGCCRF.
C’est pourquoi il est indispensable non seulement d’accorder à ces agents des moyens supplémentaires, mais aussi d’engager un retour à une organisation plus efficace et cohérente. C’est une condition sine qua non pour permettre à la DGCCRF de remplir pleinement ses missions de service public, ô combien primordiales pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour permettre à la DGCCRF de fonctionner correctement et d’assumer pleinement ses missions de contrôle et de protection ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, votre question est double.
Vous m’avez interrogé, d’une part, sur la nécessité de renforcer les effectifs de la DGCCRF, de façon à ce que ses agents remplissent correctement leur mission sur le terrain et soient en mesure d’effectuer les contrôles qui leur sont demandés.
Vous m’avez interrogé, d’autre part, sur la manière de renforcer aujourd’hui les pouvoirs de cette administration pour qu’elle fasse mieux respecter les procès-verbaux qu’elle dresse et les injonctions qu’elle adresse aux différentes entreprises.
La réalité, c’est que l’affaire de la viande de cheval a révélé la diminution de la présence des agents de la DGCCRF sur le terrain, conséquence d’un double mouvement, fruit notamment d’une mise en œuvre assez absurde de la RGPP, qui a entraîné une réduction de 16 % des effectifs au sein de cette direction au cours des cinq dernières années. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Et qui supprime les sous-préfectures ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, on peut vouloir mener une politique de réduction de la dépense publique sans pour autant être sots au point de renoncer à des choix aussi prioritaires que la protection des consommateurs contre la tromperie économique !
C’est la raison pour laquelle je me réjouis que M. le ministre de l’économie et des finances ait demandé, pour l’année 2013, la stabilisation des effectifs de la DGCCRF, en dépit du fait que cette direction n’était pas prioritaire et que toutes les administrations devaient contribuer au financement des créations de postes dans la police, la gendarmerie et l’éducation nationale.
Nous avons donc maintenu les effectifs, mais nous devons aussi subir les conséquences de la RéATE, c’est-à-dire la réforme de l’administration territoriale de l’État, que, là encore, le précédent gouvernement a souhaitée, et qui a séparé les missions en deux niveaux territoriaux distincts, et en deux départements interministériels distincts.
En conséquence, nous avons aujourd’hui une désorganisation des services, une chaîne de commandement qui a été remise en cause et une baisse de 13,5 % des contrôles sur le terrain.
Or la Commission européenne exige aujourd’hui des services de la DGCCRF qu’ils remplissent de nouvelles missions de contrôle.
M. Gérard Cornu. Autrement dit, encore l’Europe !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons nous-mêmes voulu que les filières viande et poisson soient mises sous surveillance après l’affaire Spanghero.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons aujourd’hui que les effectifs de la DGCCRF soient revus et que l’organisation territoriale mise en œuvre dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, ou CIMAP, tienne compte des défauts qui ont été hérités du précédent gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Je me réjouis de constater que vous reconnaissez un tant soit peu vos erreurs, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je suis sûr que vous nous soutiendrez quand il s’agira de renforcer les pouvoirs de la DGCCRF, vous qui êtes toujours champions pour donner des leçons ! (Brouhaha sur les travées de l’UMP.) Vous voterez certainement le projet de loi relatif à la consommation pour faire en sorte que, demain, nous ayons davantage de sanctions administratives et que nous puissions punir les entreprises qui fautent. Ainsi, grâce à vous, le crime arrêtera de payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations continues sur les travées de l’UMP.)
SUITES DE L’AFFAIRE CAHUZAC

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M. le président. La parole est à M. Philippe Marini. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Pierre Moscovici. (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Serait-il possible que vous me laissiez parler durant deux minutes trente, chers collègues ?
M. Alain Richard. Expliquez-vous sur la réserve !
M. le président. Veuillez poser tranquillement votre question, mon cher collègue.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, beaucoup d’entre nous pensent que les annonces faites cette semaine ne constituent qu’une simple diversion dans le contexte d’une situation très grave, que le Gouvernement n’arrive pas à gérer.
En matière de lutte contre les excès des paradis fiscaux, ces annonces sont excellentes dans leur principe. Mais il faut aussi savoir utiliser les outils qui existent déjà.
M. David Assouline. La réserve !
M. Philippe Marini. Or, à la suite de la crise financière et des réunions du G20, le réseau de conventions internationales s’est perfectionné, avec notamment la signature d’un avenant à la convention qui nous lie à la Suisse, complété en février 2010 par un échange de lettres entre les directeurs des administrations fiscales suisse et française.
M. Alain Richard. On le sait déjà !
M. Jean-Marc Todeschini. Moralisez donc la réserve !
M. Philippe Marini. Cet échange de lettres vous aurait permis, monsieur le ministre, d’interroger beaucoup plus largement que vous ne l’avez fait l’administration fiscale suisse pour savoir si, oui ou non, un certain docteur Cahuzac détenait bien, directement ou indirectement, des comptes en Suisse.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous limité votre question à la seule banque UBS ? (La réserve ! La réserve ! La réserve !, scande-t-on encore sur certaines travées du groupe socialiste.)
En second lieu, et alors qu’il était de notoriété publique, monsieur le ministre, que d’éventuels comptes en Suisse avaient pu être déplacés vers Singapour, pourquoi n’a-t-on pas utilisé la convention franco-singapourienne, qui date de la même époque et qui permettait de s’assurer de l’existence ou non d’un compte auprès de cet État ?
M. Jean-Louis Carrère. Quand on donne des leçons, il vaut mieux être irréprochable !
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, les réponses que vous avez bien voulu m’adresser par écrit ne me semblent pas de nature à épuiser le sujet, d’autant qu’elles sont aujourd’hui éclairées par de nouveaux bruits, de nouvelles rumeurs, de nouvelles indications parues dans la presse (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, où l’on scande de nouveau : La réserve ! La réserve ! La réserve !) Ces nouveaux développements prouvent que cette affaire n’en est probablement qu’à ses débuts ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Marini, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évidemment lu et entendu toutes les questions, tous les raccourcis, toutes les simplifications sur ce que l’on appelle « l’affaire Cahuzac ».
Je répète ici qu’il s’agit de la faute et du mensonge d’un homme, et non d’une responsabilité collective. Prenez garde de ne pas tomber dans ce type de dérives.
J’ai en effet constaté que de nouvelles allégations étaient publiées ce matin dans un hebdomadaire classé à droite, et même très à droite, Valeurs actuelles. Ce sont ces allégations qui vous conduiront, cet après-midi, monsieur le président de la commission des finances, à vous rendre au ministère des finances - vous y êtes évidemment le bienvenu -, pour vérifier de quoi il s’agit.
Mais je veux dire ici, avec la plus grande force et la plus grande fermeté, que ces allégations sont mensongères, et je les démens formellement. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je combattrai les mensonges, en me réservant la possibilité de leur donner des suites judiciaires.
Pour le reste, je veux m’en tenir aux faits. Vous êtes certes légitime à m’interroger en votre qualité de président de la commission des finances, monsieur Marini, mais il est facile de réécrire l’histoire a posteriori.
Il y avait bien, ici ou là, des analyses, mais une seule mise en cause existait, celle de Mediapart, qui affirmait que Jérôme Cahuzac aurait possédé, au début de 2010, un compte à la banque UBS, en Suisse, compte transféré par la suite à Singapour.
C’est cette information-là, et elle seule, que l’administration fiscale a cherché à vérifier, à travers une convention d’entraide avec la Suisse.
J’ai déjà répondu sur le champ de notre demande d’entraide.
Nous avons interrogé la Suisse sur l’hypothèse de la détention d’un compte à la banque UBS, car nous n’avions pas à cette date d’éléments nous permettant de viser d’autres établissements financiers.
Vous évoquez un avenant, monsieur Marini. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, il est plus restrictif que la convention en la matière, et ne permettait pas d’évoquer des circonstances ou des conditions exceptionnelles.
Nous avons demandé aux autorités suisses de remonter loin dans le temps - aucun gouvernement ne l’avait fait avant nous -, jusqu’en 2006, date de la prescription fiscale.
M. Albéric de Montgolfier. Il n’y avait pas eu de Cahuzac avant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avions eu la bonne idée de ne pas le nommer ministre ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons interrogé les autorités suisses non seulement au sujet de M. Cahuzac, mais aussi au sujet d’éventuels ayants droit qui auraient pu servir d’intermédiaires ; nous avons demandé aussi s’il y avait eu des transferts.
Sur tous ces points, je dis bien sur tous ces points, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse des autorités suisses fut claire, nette et précise,… et négative !
Ensuite, tout a été transmis à qui de droit, d’abord à la police judiciaire, puisqu’il y avait une enquête en cours, ensuite, dès que vous l’avez demandé, à vous-même, monsieur Marini, en votre qualité de président de la commission des finances.
Pour terminer, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de m’adresser à vous plus personnellement.
Dans cette affaire, l’administration fiscale a fait tout ce qu’elle devait faire, tout ce qu’elle pouvait faire, dans le respect du droit, et c’est fondamental.
M. François Rebsamen. C’est vrai !
M. Pierre Moscovici, ministre. Comme toujours, elle a été remarquable, honnête, vigoureuse, rigoureuse.
Prenons garde de ne pas transformer la faute d’un homme en attaque contre un gouvernement ou contre un ministre intègre. Prenons garde de ne pas salir cette administration qui est l’une des plus capables du monde, l’une des plus compétentes du monde, et que je suis fier aujourd’hui de diriger, avec Bernard Cazeneuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre. « Rien n’est blessant comme un reproche injuste », disait Sophocle. Mais, lorsque l’on n’a rien à se reprocher, on affronte les reproches avec fermeté. C’est précisément ce que je fais ! (De nombreux sénateurs sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE se lèvent et applaudissent longuement.)
LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE

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M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je vois que c’est M. Moscovici qui me répondra.
En mars dernier, le Sénat a engagé, à la demande du groupe CRC, qu’il faut remercier, sous la présidence de Philippe Dominati et la houlette d’Éric Bocquet, excellent rapporteur, un travail remarquable, qui s’est soldé par la publication d’un rapport d’information de plus de 2 000 pages sur l’évasion et le fraude fiscales.
Nos auditions ont été largement médiatisées et nul ne pouvait ignorer nos conclusions, en particulier les soixante et une mesures préconisées pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et contre les territoires non coopératifs, autrement dit, les paradis fiscaux.
C’est ainsi que certains d’entre nous ont tenté, mais sans succès, d’insérer quelques dispositions issues de ce rapport lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de l’été, puis lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.
Lors du débat que nous avons eu sur ce sujet au Sénat, le 3 octobre dernier, dans le cadre de la semaine de contrôle, c’est Mme Escoffier, remarquable ministre (Marques d’approbation sur les travées RDSE et de l’UMP.), mais non rattachée au ministère de l’économie et des finances, qui était au banc du Gouvernement, preuve sans doute de l’intérêt que Bercy porte à nos travaux !
Aujourd’hui, l’affaire Cahuzac crée un climat maccarthyste qu’il ne faut à aucun prix alimenter par des mesures prises sous le coup de l’émotion.
La question de la fraude fiscale, amalgamée à celle de la moralisation de la vie publique, engendre un climat délétère, regrettable pour tous les élus qui, dans leur très grande majorité, ont le sens de l’État et de l’intérêt général, et dont l’activité est déjà très encadrée.
Ce n’est pas le cas de certaines banques ni de certaines entreprises, y compris celles dont l’État est actionnaire, qui usent et abusent de paradis fiscaux et de schémas d’optimisation fiscale en toute impunité.
De ce point de vue, les annonces du Président de la République vont dans le bon sens.
Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question simple et légitime, compte tenu de la qualité du travail accompli par la Haute Assemblée et du degré de frustration des membres de sa commission d’enquête, qui ont le sentiment de voir leur travail négligé. Pourquoi n’avez-vous pas pris le temps, depuis le mois de juillet, de mettre en application certaines mesures que nous préconisons dans notre rapport ? Beaucoup d’entre elles sont du domaine réglementaire, de bon sens et peu onéreuses.
Un projet de loi est annoncé pour le 24 avril. Pouvez-vous nous en donner les détails et nous assurer qu’il prendra en compte le travail de la Haute Assemblée, marquant ainsi une volonté politique forte d’endiguer ce fléau qu’est l’évasion fiscale ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je vous remercie, madame Goulet, de ne pas contribuer à alimenter ce climat maccarthyste que vous décrivez, et qui peut en effet régner ici ou là.
Je m’associe aux compliments que vous adressez à Mme la ministre chargée de la décentralisation, Mme Escoffier, et au sénateur Éric Bocquet, qui a en effet accompli, avec Philippe Dominati, un travail absolument remarquable, dont M. le Premier ministre s’est d’ailleurs entretenu ce matin même avec les élus communistes.
Nous tirons bien évidemment les leçons de ces travaux. Il n’est pas exact de dire que le Gouvernement n’a pas agi, mais il est vrai de dire qu’il agira encore plus fort dans les temps qui viennent pour renforcer les outils de lutte contre l’évasion fiscale.
Je voudrais d’abord rappeler les mesures que nous avons prises, qui vont dans le sens de vos propositions.
Dans la loi de finances rectificative de la fin de l’année dernière, nous avons fait voter un paquet de mesures contre la fraude, par exemple la taxation d’office, à 60 %, des sommes détenues à l’étranger non justifiées, mais aussi l’accès facilité aux relevés bancaires des contribuables qui ont omis de déclarer des comptes bancaires ou des contrats d’assurance vie à l’étranger.
L’objectif assigné à toutes ces mesures, et qui a été voté, est d’accroître de un milliard d’euros le rendement de l’action des services fiscaux.
Il faudra bien entendu aller plus loin, et vos propositions y contribuent. Je pense à la lutte contre le blanchiment, qui me semble déterminante.
Dans le cadre de la loi bancaire – je me souviens d’ailleurs que vous avez largement participé au débat au Sénat, madame Goulet –, nous avons déjà pris une décision forte s’agissant des paradis fiscaux. Le Président de la République a annoncé hier qu’il souhaitait que cette mesure soit étendue à l’ensemble des entreprises.
Il faudra encore aller plus loin. Je pense aux révélations dites « Offshore Leaks », qui montrent au passage que, contrairement aux affirmations d’un ancien Président de la République, les paradis fiscaux, ce n’est pas terminé ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Arrêtez !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je veux aussi agir en ce sens au plan européen.
On voit bien que le secret bancaire, un sujet sur lequel la commission d’enquête du Sénat s’est également penchée, est en train de chanceler, qu’il est attaqué de toutes parts, à juste titre, d’ailleurs. Avec mes collègues ministres des finances des principaux pays de l’Union européenne, j’ai pris une initiative en la matière, laquelle a déjà reçu, entre autres soutiens, celui du commissaire chargé de ces questions, M. Semeta.
Je constate que des mouvements s’opèrent déjà dans des pays qui ont été extrêmement restrictifs par le passé, comme le Luxembourg ou l’Autriche. Tout cela débouche sur la proposition que j’ai faite d’un FATCA européen, c’est-à-dire un échange automatique d’informations.
Madame Goulet, mesdames, messieurs les sénateurs, nous tiendrons compte des travaux de la Haute Assemblée pour aller plus loin, beaucoup plus loin dans cette lutte contre l’évasion fiscale, qui doit être collective et unanime. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
PARADIS FISCAUX

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M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Alain Gournac. Encore une question téléphonée !
M. François Marc. Dans une de ces déclarations définitives dont il était coutumier, Nicolas Sarkozy…
M. Alain Gournac. Ah ! On l’attendait, celle-là !
M. François Marc. … avait annoncé,…
M. Gérard Cornu. Il va revenir, ne vous inquiétez pas !
M. Rémy Pointereau. Nicolas Sarkozy leur manque visiblement !
M. François Marc. … le 24 septembre 2009, à la veille du sommet du G 20 à Pittsburgh : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé ! ».
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. François Marc. Près de quatre ans plus tard, il est clairement établi, en particulier après la publication par la presse de listes de comptes offshore, que cet optimisme était sinon trompeur, du moins prématuré. Le poids des paradis fiscaux reste en effet considérable : plus de 1 000 milliards d’euros sont perdus chaque année dans l’Union européenne en raison de la fraude et de l’évasion fiscales. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP, où l’on évoque les îles Caïmans.)
Il faut le dire avec force : le secret bancaire et les paradis fiscaux sont le cancer de l’économie mondiale !
Incontestablement, il est urgent d’agir.
C’est dans cet esprit, mes chers collègues, que, le 21 mars dernier, lors de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, le Sénat a durci les obligations de transparence des banques et voté un alourdissement des sanctions.
Nous devons, bien évidemment, nous féliciter de la détermination du Président de la République et du Gouvernement à agir vite sur ces questions. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Rémy Pointereau. Trop tard !
M. Alain Gournac. Augier !
M. François Marc. Vous avez vous-même pris le problème à bras-le-corps, monsieur le ministre (Protestations sur les mêmes travées.) en enjoignant au commissaire européen chargé de la fiscalité, avec vos collègues allemand, britannique, italien et espagnol, de mettre en place un système d’échange automatique d’informations bancaires entre les pays membres de l’Union européenne.
Que va-t-il se passer maintenant ? Quelle est l’échéance ? Quels pays seront concernés ? L’Union européenne va-t-elle prendre modèle sur la loi américaine dite « FATCA », qui imposera à toutes les banques du monde de divulguer les comptes détenus par des citoyens américains ? (Augier ! Augier ! Augier !, scande-t-on sur les travées de l’UMP.) La France et ses partenaires pourront-ils engager rapidement un tel processus ?
Monsieur le ministre, sous la législature précédente, on a beaucoup parlé des paradis fiscaux, mais on a très peu agi ! Il est nécessaire, à présent, de renverser la table. De quels moyens disposons-nous pour le faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Augier ! Augier ! Augier !, scande-t-on encore sur les travées du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le rapporteur général, votre question me permet de présenter de manière un peu plus détaillée (Ah ! sur les travées de l’UMP.) les mesures annoncées hier par le Président de la République.
En effet, contrairement à ce qui avait été affirmé avec un peu de précipitation,…
M. Didier Guillaume. De légèreté ? (Sourires.)
M. Pierre Moscovici, ministre. … les paradis fiscaux, ce n’est pas fini ! La publication des listes dites « Offshore Leaks » montre que des conditions fiscales beaucoup trop avantageuses et un secret bancaire beaucoup trop épais perdurent dans un certain nombre de pays. Tout cela nous incite à agir davantage encore.
Des mesures fortes, je le rappelais dans ma réponse à Mme Goulet, ont été prises dès le changement de majorité, dans le collectif budgétaire de l’été 2012, contre l’évasion fiscale des entreprises.
Comme vous le savez, et le rôle de la Haute Assemblée fut prépondérant en la matière, une disposition figurant dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que vous avez adopté récemment, va apporter une réponse forte. Forte et unique au monde : les banques françaises devront rendre publiques, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, pays par pays, ainsi que leur activité.
L’ensemble de ces informations seront publiques et transmises également aux ONG, dont le rôle est très important dans ce domaine.
Mais il faudra aller plus loin, comme l’a déclaré le Président de la République, et faire en sorte que les entreprises soient soumises aux mêmes obligations.
Aller plus loin, cela signifie également prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au secret bancaire. Je ne peux qu’abonder dans votre sens : nous nous trouvons dans un système où les échanges se font à la demande. Si M. Marini voulait dire qu’il y a encore trop de secret bancaire,…
M. Didier Guillaume. Il est parti !
M. Pierre Moscovici, ministre. … que les coopérations internationales sont trop difficiles à mettre en œuvre ou que les conventions sont trop peu efficaces, surtout lorsqu’on les restreint, je suis d’accord avec lui !
C’est pour cela qu’il faut substituer au système actuel, un système d’entraide et d’échange automatique. Je l’ai proposé et, j’en suis sûr, l’Union européenne finira par l’adopter.
Enfin, autre action essentielle, la liste des paradis fiscaux fixée chaque année par le Gouvernement sera revue, non plus seulement en fonction de la signature de la convention d’échange d’informations, mais aussi en s’attachant à la réalité, évaluée pays par pays.
Le Président de la République a dit à quel point il était ferme sur ces questions.
L’objectif est clair. Je le redis devant vous : non, les paradis fiscaux, ce n’est pas fini ! Dès lors, la lutte contre les paradis fiscaux s’apparente à un combat. Ce combat, la France le mènera, et elle le mènera dans le cadre français, dans le cadre européen, dans le cadre international. Je ne doute pas, grâce à la volonté qui nous anime, que nous le gagnerons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
DOTATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DÉCENTRALISATION

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M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation (Ah ! sur les travées de l’UMP.), et porte, bien évidemment, sur le projet de loi de réforme des collectivités et ses conséquences pour les budgets locaux.
M. Bruno Sido. Le saucisson !
M. Albéric de Montgolfier. Face aux multiples protestations dans les rangs de la majorité et à l’approche de certaines échéances électorales, le Gouvernement a décidé, lors du dernier conseil des ministres, de scinder son projet en trois textes portant respectivement sur les métropoles, les régions et les solidarités territoriales.
Ce saucissonnage est critiqué sur de nombreux rangs, y compris par le président de la commission des lois, qui dénonçait, dès le premier projet, « un objet législatif allant dans tous les sens et accordant des compétences à géométrie variable ».
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agissait du premier projet !
M. Albéric de Montgolfier. La semaine dernière encore, dans cet hémicycle, il regrettait un tel découpage.
Ces trois textes accordent, madame la ministre, la priorité aux métropoles dans le calendrier parlementaire. Nos communes et nos départements seront donc seulement évoqués dans le dernier projet de loi.
Madame la ministre, en donnant la priorité aux métropoles et aux grandes agglomérations, vous risquez de faire reposer le développement du pays sur le seul fait urbain !
M. Philippe Darniche. Bien sûr !
M. Albéric de Montgolfier. L’Assemblée des départements de France, présidée par un élu de votre majorité, condamne un texte qui considère nos territoires comme « un sujet annexe ».
Le Gouvernement a également annoncé la baisse de 4,5 milliards d’euros des dotations aux collectivités locales. À cette baisse s’ajoute le coût des nouvelles normes, évalué par la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, à 800 millions d’euros pour cette année. Un groupe de travail du Comité des finances locales s’est réuni ce matin pour évoquer la répartition de cette baisse entre les collectivités.
Mais comment répondre à cette question alors même que nous ignorons, à ce stade, quelles seront les futures compétences de nos collectivités ? Comme l’a très justement souligné mon collègue Éric Doligé, le premier texte à étudier aurait dû être celui de la clarification et de la simplification des compétences.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Albéric de Montgolfier. Alors que les élus locaux avaient condamné, lors des états généraux de la démocratie territoriale, la complexification croissante des textes, quelle est la cohérence du séquençage de cette nouvelle réforme ?
Comment nos concitoyens, comment les élus peuvent-ils comprendre les annonces multiples, parfois contradictoires, du Gouvernement ?
M. Alain Gournac. Du vent !
M. Albéric de Montgolfier. Quel est le calendrier exact de l’examen de ces textes, en particulier celui du dernier projet de loi, consacré aux communes et aux départements ?
Madame la ministre, je crois que les élus ont besoin de clarté ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur de Montgolfier, votre question me donne l’occasion de vous apporter des réponses aussi précises que possible sur l’état des travaux que nous avons conduits.
Je tiens d’abord à préciser que la volonté du Gouvernement, une volonté affirmée, déterminée (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.),…
M. Bruno Sido. Très bien !...
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … est de bâtir un texte de clarification, d’efficacité et de maîtrise des dépenses.
Ces trois objectifs, que nous avons inscrits dans ce texte, nous avons la volonté de les atteindre à travers une véritable concertation, un vrai dialogue avec vous, tel que nous l’avons souhaité dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale,…
M. Gérard Larcher. Ah !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … mais aussi avec l’ensemble de nos élus partenaires, qui nous ont apporté des éclairages tout à fait indispensables.
Le texte présenté en conseil des ministres serait selon vous « saucissonné », monsieur le sénateur.
M. Albéric de Montgolfier. Vous l’avez découpé en trois textes !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Non, je ne peux accepter ce terme. Nous présentons un texte unique,…
M. Dominique de Legge. Un texte unique en trois parties…
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … un véritable pacte de démocratie, de décentralisation et de réforme de l’action publique, qui ne dissocie pas les collectivités territoriales de l’État, mais qui apporte cette cohérence indispensable à l’action publique si l’on veut qu’elle ait un véritable sens pour les citoyens.
Je vous le disais, il s’agit d’un texte de clarification, d’efficacité, de maîtrise des dépenses.
La maîtrise des dépenses est un objectif auquel nous sommes tous attachés. Toutes les collectivités ont accepté de participer à l’effort annoncé lors d’une réunion présidée par le Premier ministre, le 12 mars dernier, au cours de laquelle nous avons inscrit les principes d’un pacte de confiance et de responsabilité.
Ce pacte, que nous écrirons ensemble, permettra de préciser, à l’intérieur des dotations, comment réaliser les économies prévues à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, comme vous l’avez justement dit, pour l’année 2014, niveau qui sera repris en 2015.
Nous essaierons de faire peser cet effort sur l’ensemble des collectivités territoriales, en veillant à ce que la péréquation serve l’intérêt…
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … des moins favorisés par rapport aux plus favorisés. Rien ne nous échappera dans ce travail, ni sur les dotations, ni sur la péréquation, ni sur la fiscalité.
Je veux vous assurer, en tout cas, de notre détermination à faire en sorte que les textes, que nous attendons et dont nous avons besoin, puissent intervenir avant les élections de 2014. Pour les deux premiers textes, nous entendons aboutir avant la fin de cette année.
Telles sont les assurances que je voulais vous apporter, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

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M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail (Exclamations sur les travées de l’UMP.), de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le ministre, la crise économique que nous traversons est grave, très grave, et ses conséquences sont tout aussi graves : des centaines de milliers d’emplois ont été détruits et plus de 3 millions de personnes en France, aujourd’hui, ne travaillent pas du tout, plus de la moitié d’entre elles étant au chômage de longue durée, c’est-à-dire depuis plus d’un an.
Après l’action, ou plutôt l’inaction, en faveur de l’emploi du précédent Gouvernement, (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.) qui prônait, je le rappelle, le « travailler plus pour gagner plus »…
M. Alain Gournac. On l’attendait aussi, celle-là !
Mme Christiane Demontès. … sans se soucier des conséquences en termes d’injustice entre ceux qui avaient un travail et ceux qui n’en avaient pas, vous avez décidé, sous la responsabilité du Président de la République, de travailler, d’agir en faveur du travail pour tous.
Le Président de la République a fait de la lutte contre l’emploi sa priorité, la priorité nationale ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Vous avez, monsieur le ministre, avec l’ensemble du Gouvernement, décidé de mettre en œuvre un certain nombre d’actions en faveur du travail et contre le chômage.
M. Alain Gournac. Quelle réussite !
Mme Christiane Demontès. Vous l’avez fait avec une méthode,…
M. Alain Gournac. La méthode Coué !
Mme Christiane Demontès. … celle du dialogue social.
Un certain nombre de mesures ont déjà été prises : les emplois d’avenir, qui favorisent l’accès au travail des jeunes sans qualification, …
M. Didier Guillaume. Très bonne mesure !
Mme Christiane Demontès. … les contrats de génération, qui vont permettre aux entreprises de recruter des jeunes en CDI…
M. Didier Guillaume. Excellente initiative !
Mme Christiane Demontès. … tout en maintenant dans l’emploi des travailleurs âgés.
Nous travaillons aujourd’hui sur la sécurisation des parcours professionnels, la sécurisation de l’emploi. Nous aurons l’occasion d’y revenir la semaine prochaine.
M. Alain Gournac. La question !
Mme Christiane Demontès. Pour autant, monsieur le ministre, le chômage ne se résorbe pas comme cela ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Nous comptons toujours plus de 3 millions de chômeurs ! Vous avez décidé, et le Premier ministre nous l’a confirmé,…
M. Alain Gournac. La question !
Mme Christiane Demontès. … de recruter davantage d’agents pour le service public de l’emploi, et particulièrement pour Pôle emploi.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre (Enfin ! sur les travées de l’UMP.), comment et quand auront lieu ces recrutements ?
Et je pense que cela intéresse l’ensemble de mes collègues sénateurs, comment allez-vous répartir ces agents sur l’ensemble du territoire afin de répondre au plus près aux besoins de l’ensemble de nos concitoyens chômeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les désastres que provoque socialement, depuis plus de cinq ans, l’augmentation continue, mois après mois, du nombre de chômeurs. Les Français les connaissent et vivent tous les jours des situations difficiles.
Il faut agir ! Nous le faisons et avec des outils nouveaux.
Les emplois d’avenir s’adressent aux jeunes sans emploi (Cela ne marche pas ! sur plusieurs travées de l’UMP.), sans formation. Pensez : 500 000 jeunes sans emploi et sans formation ! Jamais avant votre arrivée au pouvoir, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, la République n’avait été confrontée à un tel phénomène. Nous, nous agissons ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Les contrats de génération…
M. Philippe Dallier. Cela ne marche pas !
M. Michel Sapin, ministre. … sont, eux, destinés à aider un jeune, quelle que soit sa qualification, à entrer dans une entreprise ; dans le même temps, il est fait appel à l’intelligence, à l’expérience, à la capacité de transmettre son savoir d’un salarié plus âgé, qui reste dans l’entreprise.
Le texte relatif à la sécurisation de l’emploi aura des conséquences bonnes pour l’emploi et mauvaises pour les licenciements.
M. Alain Gournac. Il n’aura aucun résultat !
M. Michel Sapin, ministre. Nous discuterons dans cet hémicycle de chacune des mesures que comporte ce texte. J’attends beaucoup des explications qui seront alors fournies ; j’espère qu’elles permettront à ceux qui n’auraient pas encore compris tous les progrès qui peuvent résulter de ce texte…
M. Alain Gournac. Encore la méthode Coué !
M. Michel Sapin, ministre. … de les apprécier, puis de soutenir le projet de loi.
Madame le sénateur, vous avez eu raison de parler de ce grand service public qu’est celui de l’emploi. Qui sont donc ceux qui rencontrent les chômeurs, ceux qui doivent appréhender des situations dramatiques, ceux qui ont en face d’eux des hommes et des femmes qui cherchent une explication, une recommandation, une information ? Ce sont ces agents de Pôle emploi qui vivent au quotidien les difficultés des chômeurs et qui leur apportent des solutions concrètes.
À ces hommes et à ces femmes, je veux ici rendre hommage et dire que, grâce à eux, grâce à elles, un grand nombre de chômeurs trouvent des solutions (Protestations sur les travées de l’UMP.), alors que tous supportent par ailleurs les difficultés que peuvent vivre ces chômeurs dans leur vie quotidienne.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout va bien, alors ! C’est le monde des Bisounours ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Sapin, ministre. Alors, oui, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, l’année dernière, le Gouvernement a décidé d’autoriser Pôle emploi à embaucher 2 000 salariés supplémentaires en contrat à durée indéterminée, alors que vous, vous aviez détruit 1 800 emplois au cours des années précédentes. (Protestations sur les mêmes travées.)
Nous avons considéré qu’il fallait renforcer encore les moyens de cette agence. Cette année, le Premier ministre a autorisé la création de 2 000 emplois supplémentaires, soit, au total, 4 000 créations d’emploi.
Par ailleurs, Pôle emploi lui-même fait un effort afin qu’un certain nombre d’emplois qui étaient affectés à des tâches administratives soient désormais consacrés aux chômeurs. In fine, ce sont donc 6 000 personnes supplémentaires qui vont enfin pouvoir rencontrer les chômeurs et tenter de leur apporter des solutions.
Ainsi, les effectifs des agents de Pôle emploi qui sont en contact avec les chômeurs augmenteront de plus de 20 %.
M. Alain Gournac. Stop ! C’est fini !
M. Michel Sapin, ministre. Oui, la bataille pour l’emploi, contre le chômage, la diminution du nombre de chômeurs, que nous obtiendrons d’ici à la fin de cette année, passe aussi par le dévouement des hommes et des femmes qui, au sein de Pôle emploi, font face aux difficultés et apportent des solutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Très bien ! C’est une vraie ambition !
FILIÈRE AUTOMOBILE ET SOUS-TRAITANTS

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M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, chaque jour, notre pays s’enfonce un peu plus dans la crise, une crise économique, d’abord, mais une crise morale, aussi.
Alors que la « République exemplaire », promise par le président Hollande, a vécu et est enterrée dans les conditions calamiteuses que l’on sait, alors que le Sénat débat depuis des jours du « mariage pour tous », qui divise les Français et dont l’urgente nécessité continue d’échapper au plus grand nombre, où va l’économie française ?
M. Didier Guillaume. Dans la bonne direction !
Un sénateur du groupe UMP. Non, dans le mur !
M. Gérard Longuet. Très bonne question !
M. Gérard Cornu. Pendant ce temps, en effet, les dernières prévisions, passées inaperçues, traduisent une réalité économique alarmante : croissance zéro en 2014, déficit budgétaire de 4,5 %, endettement proche de 100 % du PIB, déficit extérieur et chômage accrus, et cela sans aucune garantie de reprise en 2015.
Que fait le Gouvernement ?
Après l’affaire ArcelorMittal et l’arrêt des hauts fourneaux de Florange décidé en ce moment, c’est l’équipementier automobile Heuliez qui annonçait lundi son dépôt de bilan : 280 emplois sont menacés. On apprend ce matin que l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Un sursis !
Cette décision qui concerne un secteur très durement touché par la crise, est exemplaire, hélas, pour ne pas dire symbolique, de l’incapacité de ce gouvernement à apporter des réponses efficaces face à des réalités économiques qu’il ne connaît pas et des problèmes auxquels il tente d’appliquer des solutions idéologiques.
Monsieur le ministre, on ne peut vouloir tout et son contraire, taxer et décourager les automobilistes et, dans le même temps, se plaindre que la filière automobile va mal. Il faut être cohérent !
Au-delà du cas de Heuliez, ce sont de nombreuses petites entreprises sous-traitantes, les « équipementiers de deuxième rang », comme on les appelle, qui irriguent l’ensemble du territoire et qui souffrent, en raison du manque de commandes et donc de travail. Ces petits patrons n’en peuvent plus ! Toute la filière est en danger.
La précédente majorité, avec raison et lucidité, avait mis en place des mécanismes de soutien.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question !
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, quelles actions entendez-vous mener pour préserver non seulement Heuliez, mais aussi toute la filière automobile ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, vous venez d’évoquer la filière automobile et, à juste titre, le cas de ces entreprises invisibles, dont on ne parle pas, qui ne sont pas des constructeurs donneurs d’ordres, mais qui, situées sur nos territoires, subissent par contrecoup les affaiblissements du marché.
Cette question concerne non seulement la France, mais également toute l’Europe. Ainsi, le marché de l’automobile enregistre une baisse de 16 points en Espagne, de 20 points en France, de 22 points en Italie ; même l’Allemagne est affectée et connaît une baisse de 5 points ; il ne progresse qu’au Royaume-Uni. Partout ailleurs, particulièrement dans les pays de la zone euro, les affaissements de commandes, la diminution de la consommation sont un phénomène général, et structurel. Les questions de taxation ne sont d’ailleurs pas corrélées.
Que fait le Gouvernement ? Il a tout d’abord pris des mesures d’urgence. À cet égard, je voudrais vous donner quelques exemples de la façon dont nous organisons le sauvetage du secteur, afin de préserver nos outils industriels, nos savoir-faire, nos technologies, nos ingénieurs, autant que nous le pouvons.
Tous les acteurs réunis autour de la table acceptent des sacrifices, au premier rang desquels les salariés, dont certains, malgré nos efforts, perdent leur emploi, ou encore le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, les commissaires au redressement productif, les personnels des préfectures, mais aussi les actionnaires, l’État et les autres créanciers, qui abandonnent une partie de leurs créances. Mais nous faisons face pour maintenir notre tissu industriel. Telle est notre stratégie, à l’allemande.
Permettez-moi de vous citer quelques exemples de succès : à Charleval, dans l’Eure, en association avec le constructeur, nous avons sauvé l’équipementier Sealynx ; dans le Haut-Jura, nous avons sauvé la fonderie d’aluminium MBF-Technologies, menacée de disparition ; nous avons enregistré un autre succès, toujours en liaison avec les constructeurs, dans le Loir-et-Cher, l’Ille-et-Vilaine et dans la Mayenne, 500 emplois ayant été préservés dans l’entreprise Sora Composites, rachetée par Faurecia, grâce à des équipementiers de premier rang.
Nous travaillons au cas par cas. Nous connaissons des succès, parfois des échecs, ou encore des demi-succès ou des demi-échecs.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué des questions macroéconomiques, d’ordre général. Bien sûr, nous nous battons pour la réorientation de l’Union européenne, pour la croissance, comme l’a dit le Président de la République. Nous avons été élus pour cela et précisément parce que nous avons connu la récession pendant cinq ans. (Protestations sur les travées de l’UMP.) À vous qui ne semblez pas vouloir saluer les efforts du Gouvernement, je voudrais dire que les 600 milliards d’euros de dettes que nous devons rembourser ne doivent rien à l’opération de la Sainte Vierge !
Mme Isabelle Debré. On dit « l’opération du Saint-Esprit » !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Ces dettes existent parce que certains ont vécu au-dessus de leurs moyens. Et je crains que vous n’ayez soutenu certains gouvernements qui ont commis quelques abus en la matière…
En cinq ans, un million de chômeurs de plus, 600 milliards d’euros de dettes de plus, 70 milliards d’euros de déficit du commerce extérieur ! Monsieur le sénateur, faites preuve d’un peu de modestie pour aborder les sujets qui nous sont communs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Pas un mot sur Heuliez et les 300 personnes concernées !
L’EXCEPTION CULTURELLE

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M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Depuis plus de deux décennies, l’exception culturelle est un principe fondamental de la politique culturelle de la France que nous avons constamment soutenu de ce côté-ci de l’hémicycle.
L’expression, souvent brocardée et qualifiée de « ligne Maginot », ne vise évidemment pas à affirmer une quelconque supériorité de la culture française. Elle traduit la volonté politique de considérer que les productions culturelles, les œuvres de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres et ne peuvent pas être soumises aux seules règles du marché.
Dès l’après-guerre, ce principe s’est imposé pour le cinéma, avec la création à l’époque du Centre national de la cinématographie, le CNC, outil de soutien à la production originale française face à la puissance du cinéma américain.
Depuis, cette nécessité a été reconnue bien au-delà de nos frontières. Avec les autres pays francophones, la France a joué un rôle moteur dans l’adoption par l’UNESCO, en 2005, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Jusqu’à maintenant, jamais l’Union européenne n’a mis en cause cette « exception ».
Aujourd’hui, sur l’initiative de la Commission, guidée par une vision ultralibérale du marché, s’annonce la négociation d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne qui, pour la première fois, n’exclurait pas de son mandat de négociation les biens et les services culturels.
Alors que l’industrie cinématographique et audiovisuelle américaine n’a pas cessé de contester nos règlementations en la matière, tous ceux qui sont attachés à l’identité culturelle, à la vitalité de la création originale autant qu’à son poids économique en termes d’emplois ne peuvent qu’éprouver une grande inquiétude et une profonde indignation devant cette initiative de la Commission.
Fort heureusement, le Président de la République et le Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, et par celle de la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, qui sera en première ligne lors de cette négociation, ont affirmé sans réserve leur opposition à toute tentative de réintroduction de l’audiovisuel dans un accord de libre-échange.
Madame la ministre, face à la nouvelle donne du développement d’internet et du numérique, pouvez-vous nous dire quelle place tient l’exception culturelle dans votre politique et quelles initiatives vous comptez prendre avec vos collègues européens pour barrer l’initiative funeste de la Commission ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.– Mme Catherine Troendle et M. Hugues Portelli applaudissent également)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, Nicole Bricq et moi-même sommes fortement mobilisées contre ce funeste projet de la Commission européenne qui tend à revenir sur un principe stable, qui prédomine depuis au moins vingt ans et qui date des premiers accords du GATT conclus sous la présidence de François Mitterrand : l’exception culturelle. Ce principe fait d’ailleurs l’objet d’un large consensus sur les travées de cet hémicycle.
Il ne s’agit pas pour autant d’une exception culturelle française. Le principe vise à préserver des mécanismes de financement de la culture, en particulier de l’audiovisuel, qui permettent d’échapper à la seule loi du marché, à la seule loi de la libre concurrence.
En effet, et vous l’avez souligné, les produits culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Ils véhiculent une vision du monde et de la société. Ce sont également des instruments de puissance et de rayonnement. Ils sont aussi facteurs de croissance – il faut le rappeler, car ce fait est souvent sous-estimé – : ils sont source de création d’emplois tant en France qu’en Europe. Selon une étude publiée par la Commission européenne pas plus tard que la semaine dernière, plus de 3,3 % du PIB européen et 3 % des emplois proviennent des industries culturelles.
Alors, ne laissons pas notre marché ouvert à tous les vents, en particulier au vent venant des États-Unis.
Bien sûr, nous aimons le cinéma américain, mais nous n’avons pas envie d’être envahis par des productions audiovisuelles américaines bradées sur nos marchés pour la simple et bonne raison qu’elles sont déjà amorties sur le marché américain. Ce serait extrêmement dangereux pour l’ensemble de nos concitoyens et pour les citoyens européens, attachés au principe de la diversité culturelle.
M. François Marc. Très bien !
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Car l’exception culturelle est au service de la diversité culturelle.
Le Président de la République l’a affirmé avec force : il ne laissera pas la Commission européenne brader ce principe essentiel de l’exception culturelle.
M. Alain Gournac. S’il l’a dit…
M. Didier Guillaume. Il a raison !
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Dans le cadre des négociations qui s’ouvrent entre l’Union européenne et les États-Unis, il est hors de question que la France revienne sur ce qui fait le cœur de sa conception et de sa vision du monde et de la société,…
M. Alain Gournac. Parlez-nous de la famille !
M. Éric Doligé. Oui, et la famille ?...
Mme Aurélie Filippetti, ministre. … ce principe de l’exception culturelle. Pour cela, nous avons le soutien des parlementaires, dont vous êtes. L’Assemblée nationale va adopter une proposition de résolution sur ce sujet qui nous permettra, à Nicole Bricq et à moi-même, d’avoir encore plus de force pour défendre nos positions vis-à-vis de nos collègues européens, ce que je ferai notamment lors du conseil des ministres européens de la culture, au mois de mai.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Gérard Roche applaudit également.)
M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
DÉPÔT D’UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 11 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, le deuxième rapport d’évaluation prospective des résultats de l’expérimentation du rattachement à l’Institut français du réseau culturel de la France à l’étranger.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires étrangères et de la défense, ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
5
SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION DE PARLEMENTAIRES CANADIENS

M. le président. Chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de parlementaires canadiens, conduite par l’honorable Claudette Tardif, sénatrice de l’Alberta et présidente de l’Association interparlementaire Canada-France. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la garde des sceaux et Mme la ministre déléguée chargée de la famille se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Claudine Lepage, sénatrice représentant les Français établis hors de France.
Notre groupe d’amitié France-Canada, animé par notre collègue, reçoit cette délégation aujourd’hui au Sénat. La délégation est en France depuis dimanche, à l’occasion de la 39e session annuelle de l’Association interparlementaire France-Canada.
Cette visite s’est déroulée à Bordeaux, puis à Paris, autour des thèmes de l’agroalimentaire et du développement durable. Elle s’achève ce soir.
Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues canadiens ! (Applaudissements.)
6
Vérification du quorum (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4 bis
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Nous poursuivons la discussion des articles.
CHAPITRE III (SUITE)
DISPOSITIONS DE COORDINATION
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 4 ter (Texte non modifié par la commission)
Article 4 bis (suite)
M. le président. Dans la discussion de l’article 4 bis, nous en sommes parvenus au vote sur les amendements identiques nos 69 rectifié bis et 176 rectifié ter tendant à supprimer l’article.
Je mets donc aux voix ces deux amendements identiques de suppression.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 160 :
Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 163
Contre 176
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement s’inscrit dans la stratégie que nous avons suivie depuis le début de la discussion : si un amendement tendant à supprimer un article n’est pas adopté, nous défendons des amendements tendant à supprimer des alinéas de celui-ci.
En l’occurrence, nous estimons que l’alinéa visé est trop flou. S’il est maintenu, le Gouvernement se trouvera habilité à légiférer par ordonnance sur un ensemble de mesures trop peu défini. Cela risquerait de nous entraîner dans des voies que nous ne désirons pas emprunter, et nous nous verrions obligés de remettre en cause les choix opérés lors de l’examen du projet de loi de ratification.
Par conséquent, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 4 bis.
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J. P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
du code civil
insérer les mots :
et du code de la santé publique
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je commencerai par formuler deux remarques.
Oui, l’article 38 de la Constitution permet parfaitement au Gouvernement de légiférer par ordonnances.
Oui, il est vrai que, par le passé, des gouvernements dont nous étions proches ont eu recours à ce moyen pour légiférer, y compris pour intervenir sur certaines dispositions du code civil.
Cela étant, recourir aux ordonnances, après que nous avons longuement débattu de l’opportunité d’organiser un référendum, s’apparente à un dessaisissement du Parlement. Lorsque l’on est dans l’opposition, cela n’a rien d’agréable. Souvenez-vous, chers collègues de la majorité, des cris que vous poussiez quand, mutatis mutandis, vous étiez dans notre situation.
Par ailleurs, ainsi que l’a souligné Patrice Gélard, l’habilitation prévue par cet article est très large. Afin que les choses soient claires, cet amendement vise donc à exclure explicitement de son champ, outre les dispositions du code civil, celles du code de la santé publique.
M. le président. L’amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J. L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly, MM. Guerriau, Bockel, Dubois, Jarlier et Maurey et Mme Létard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
civil
Insérer les mots :
et du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Dans le même esprit que M. Retailleau, nous pensons qu’il convient d’exclure du champ de l’habilitation le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, dans un souci de meilleure lisibilité du texte. Il importe que le Gouvernement nous apporte, quant à ses intentions, les éclaircissements que nous cherchons à obtenir depuis plusieurs jours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
En ce qui concerne l’amendement n° 75 rectifié bis de M. Gélard, nous sommes tout aussi défavorables au démantèlement de l’article 4 bis qu’à sa suppression.
Quant aux amendements nos 270 rectifié et 145 rectifié, ils n’ont pas lieu d’être. En effet, l’habilitation conférée au Gouvernement ne vaut qu’à droit constant. Le Gouvernement ne pourra donc pas modifier les règles concernant, par exemple, la PMA, qui se trouvent dans le code de la santé publique.
Peut-être le Gouvernement vous confirmera-t-il, monsieur Retailleau, monsieur Marseille, qu’il ne pourra pas, par ordonnance, revenir sur les règles régissant la PMA. Je vous invite à retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
M. Gélard propose de supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, de prendre des ordonnances afin de procéder à des coordinations : il ne s’agit que de cela, je le rappelle.
Ces mesures de coordination figurent d’ailleurs dans la version initiale du projet de loi, puisque le Gouvernement avait pour sa part choisi de les inscrire dans le texte. Elles concernent le code de la santé publique, le code de la défense, le code de l’environnement, etc. Je le répète, il suffit de vous reporter au projet de loi tel qu’il avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale : il n’y a pas de surprise possible.
Les coordinations concernant le code de la santé publique ne peuvent porter sur les dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation, dans la mesure où ce sujet n’est absolument pas abordé dans le texte qui vous est soumis, ni dans la version initiale du projet de loi.
Cela étant, j’entends parfaitement les préoccupations exprimées par M. Gélard à propos des ordonnances, d’autant que j’étais moi-même très attentive à cette question lorsque j’étais parlementaire. Le pouvoir législatif s’est parfois dessaisi de ses prérogatives au profit de l’exécutif, qui pour sa part s’est souvent comporté en prédateur…
Je rappelle que le Parlement aura à débattre du projet de loi de ratification. Cela me permet de répondre à une question soulevée ce matin par M. Revet : les parlementaires auront la faculté de contester, de modifier, de supprimer les dispositions de coordination proposées par l’exécutif qu’ils jugeraient inacceptables, malvenues, dangereuses ou inefficaces.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements et préfère que l’on s’en tienne à la rédaction actuelle de l’article 4 bis.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 75 rectifié bis.
M. Dominique de Legge. Dans notre esprit, l’amendement de M. Retailleau est de clarification et d’apaisement. Ces dernières heures, nous avons débattu des conséquences qui, selon nous, découlent du texte proposé, s’agissant de la PMA et de la GPA.
M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux nous disent que cet amendement est superflu, parce qu’il n’est pas question de la PMA et de la GPA dans le texte. Toutefois, au-delà de l’aspect purement juridique, vous avez ici l’occasion de donner un signe d’apaisement à ceux qui éprouvent des inquiétudes et craignent des dérives. Si, selon vous, cela va sans dire, je pense pour ma part que cela irait mieux en le disant ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. N’ayant pas cosigné l’amendement n° 270 rectifié, je voulais lui apporter publiquement mon soutien, afin que nul n’en ignore.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 161 :
Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 163
Contre 176
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 270 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 162 :
Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 163
Contre 176
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 145 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 280, présenté par M. J. P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
suivant la publication
par les mots :
à compter de la promulgation
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
M. Charles Revet. Mais d’une grande importance !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait, le Sénat se pique de bien écrire le français ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable. Le Sénat écrit mieux encore le droit que le français ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 280.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Mes chers collègues, il semblerait qu’une erreur soit survenue. Je propose de procéder à un nouveau vote, si les groupes sont d’accord.
Mme Catherine Troendle. Quelle est la nature de cette erreur, monsieur le président ?
M. Gérard Longuet. Errare humanum est…
M. le président. Certains ont cru qu’ils votaient sur le dernier amendement, et non sur l’article.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, cette erreur prouve que nous commençons tous à fatiguer. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Il serait opportun d’éviter à l’avenir de multiplier les scrutins publics. Cela est fastidieux et peut provoquer des confusions.
Nous acceptons bien volontiers que l’on procède à un nouveau vote sur l’article, mais pourriez-vous nous confirmer, monsieur le président, que nous siégerons bien demain vendredi, conformément à ce qu’a prévu la conférence des présidents ? Je crois que cela permettrait d’apaiser nos débats. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. le président. Madame Troendle, je suis moi aussi soucieux d’apaiser nos débats. Pour aller dans votre sens, je propose que le second vote sur l’article 4 bis ait lieu à main levée. (Assentiment.)
Quant à la suite du déroulement de nos travaux, je ne dispose pas, à cet instant, de tous les éléments pour me prononcer. Nous y verrons certainement plus clair dans le courant de l’après-midi.
M. Charles Revet. Vous pouvez quand même nous dire si nous lèverons la séance à minuit ou à cinq heures du matin !
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles 5 à 10
Article 4 ter
(Non modifié)
L’article L. 211-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « mariage », sont insérés les mots : « ou le pacte civil de solidarité » ;
2° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « physiques », sont insérés les mots : « , sans distinction de sexe ou liée à l’orientation ou identité sexuelle, ».
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Cet article vise à modifier le code de l’action sociale et des familles. Il résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement.
Actuellement, les associations familiales regroupent des familles constituées par le mariage et la filiation, ainsi que des couples mariés sans enfant ou des personnes physiques ayant charge légale d’enfants.
L’Assemblée nationale a ajouté à cette liste les familles constituées par un pacte civil de solidarité. Dans quelques instants, la commission des affaires sociales du Sénat nous proposera de prévoir que les couples sans enfant liés par un pacte civil de solidarité pourront également adhérer aux associations familiales.
De notre point de vue, il y a là une erreur de droit, car le pacte civil de solidarité ne permet en aucun cas de constituer une famille au sens juridique du terme. Dans la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité, il n’est nullement fait mention de la famille. Le PACS est un cadre juridique qui a été posé pour permettre d’organiser la relation à l’intérieur d’un couple de personnes de même sexe ou de sexes différents. Par conséquent, il n’existe pas de familles constituées juridiquement par le pacte civil de solidarité : il s’agit de couples, mais pas de familles. C’est pourquoi cet article ne nous paraît pas acceptable.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
solidarité
insérer les mots :
ou l’union civile
Cet amendement n’a plus d’objet, du fait du rejet de l’amendement n° 4 rectifié bis portant article additionnel avant l’article 1er.
L’amendement n° 58, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au troisième alinéa, après les mots : « couples mariés », sont insérés les mots : « ou liés par un pacte civil de solidarité » ;
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. En l’état actuel du droit, une association regroupant des couples pacsés avec ou sans enfant ne peut se voir reconnaître la qualité d’association familiale.
Or, le PACS s’étant imposé comme un cadre à part entière pour « faire famille », rien ne justifie que les familles dont les parents sont pacsés soient exclues de la possibilité de se constituer en association familiale reconnue.
Par cohérence, cet amendement de la commission des affaires sociales vise à permettre aux couples pacsés sans enfant d’adhérer à une association familiale reconnue, au même titre que les couples mariés sans enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a adopté cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Monsieur Bas, même les associations familiales sont favorables à la reconnaissance de la diversité des familles. Elles ne considèrent pas qu’il faille exclure les familles dont les parents sont pacsés, d’autant qu’il se conclut à peu près autant de PACS que de mariages aujourd’hui.
Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a un peu plus de mariages !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il y a encore un peu plus de mariages, mais la convergence se confirme.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne peux vous laisser dire, madame la ministre déléguée, que l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, est favorable à cette disposition : elle a précisément émis un avis contraire. Vous le savez d’ailleurs parfaitement, puisque le Gouvernement n’a pas approuvé un amendement de même objet à l’Assemblée nationale. Vous aviez alors déclaré, à juste titre, qu’aucune discrimination fondée sur l’orientation sexuelle des couples adhérents aux associations visées n’était possible au sein de l’UNAF.
Il n’était donc nul besoin d’apporter de telles précisions au code de l’action sociale et des familles. En tout cas, je puis assurer que l’UNAF, dont j’ai pu consulter les écrits portant sur ce sujet, n’est nullement d’accord avec ces évolutions.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Bien que Mme Meunier l’ait défendu avec beaucoup de conviction, je ne puis voter l’amendement de la commission des affaires sociales.
Les associations familiales ont une double nature.
D’une part, elles ont une mission de service public et sont considérées comme représentatives. À ce titre, elles sont, de droit, associées à toute une série d’organismes de dialogue, de contrôle, de participation, aux échelons départemental, régional ou national. J’imagine qu’elles sont également représentées au Conseil économique, social et environnemental.
D’autre part, comme toutes les associations relevant de la loi de 1901, elles se constituent librement, en regroupant des personnes ayant des valeurs communes.
Si le Sénat adopte cet amendement, va-t-on leur demander de renoncer à leurs convictions et leur imposer d’accepter toutes les formes de familles ?
J’aimerais connaître la position de Mme la ministre déléguée sur cette question. Certes, les associations familiales ont, en quelque sorte, une mission d’intérêt collectif, mais elles restent des associations libres, fondées sur des convictions partagées, qui ne sont pas nécessairement relativistes ou universelles.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’argumentation de MM. Bas et Longuet est recevable pour les deux amendements suivants, mais pas pour celui-ci, car l’UNAF est favorable à l’adhésion des couples pacsés sans enfant. S’agissant de l’amendement de Mme Meunier, il n’y a aucune difficulté.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’alinéa 3 de l’article 4 ter.
En effet, nous estimons que les précisions apportées par cet alinéa sont superfétatoires et que celui-ci suppose par principe le caractère discriminatoire de certaines associations.
Les auteurs de cet amendement étant hostiles à toute forme de discrimination, ils refusent que ce type de présomption soit inscrit dans cette loi.
M. le président. L’amendement n° 255, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article L. 211-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les unions départementales des associations familiales ne peuvent refuser l’adhésion des associations qui remplissent les critères définis à l’article L. 211-1. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Contrairement à M. Gélard, nous estimons nécessaire de maintenir cet alinéa, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Cependant, il convient de rectifier une erreur de référence, afin de viser le bon article du code de l’action sociale et des familles.
Nos collègues députés ont voulu lever les difficultés que les familles homoparentales rencontrent pour adhérer aux structures représentatives des familles afin d’y être officiellement intégrées. En effet, aujourd’hui, les associations de familles homoparentales voient leurs demandes d’affiliation aux unions départementales des associations familiales, les UDAF, parfois contestées.
Notre amendement s’inscrit dans la logique de progrès du projet de loi, ouvrant le mariage et l’adoption à toutes et à tous, et dans la démarche de lutte contre les discriminations engagée à l’Assemblée nationale. Il s’agit de préserver la liberté d’association tout en obligeant les UDAF à reconnaître toutes les associations familiales, y compris celles qui regroupent les familles homoparentales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Gélard a raison. Nous pensons que les problèmes soulevés seront réglés par l’adoption de la présente loi. D’ailleurs, on peut dire que, au cours de son audition publique, le président de l’UNAF a répondu positivement : il a énoncé un certain nombre de critères et déclaré que, si ces derniers étaient remplis, il n’y avait aucune raison de discriminer telle ou telle association familiale.
M. Philippe Bas. Évidemment !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dans ces conditions, monsieur Gélard, je pense que votre amendement est en réalité satisfait par celui du groupe CRC.
Par conséquent, la commission donne un avis favorable à l’amendement n° 255 et demande le retrait de l’amendement n° 40 rectifié bis. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Longuet, il y a une diversité parmi les associations familiales et les structures qui les regroupent. Vous avez évoqué l’UNAF, mais vous auriez aussi pu citer le Conseil national des associations familiales laïques, le CNAFAL, ou les associations de familles catholiques, par exemple.
En ce qui concerne les deux amendements en discussion, le Gouvernement tient à souligner qu’il n’est en réalité pas nécessaire d’adopter des dispositions supplémentaires puisque, en l’état actuel du droit, rien ne peut justifier le rejet de la demande d’adhésion d’une association familiale à une UDAF au motif qu’elle regrouperait des familles homoparentales. En particulier, les discriminations de toute nature sont déjà proscrites de manière générale.
Cela étant, dans la réalité, les questions soulevées se sont posées de façon très concrète. En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 40 rectifié bis.
M. Dominique de Legge. Madame le ministre, j’ai cru déceler une confusion dans vos propos.
L’UNAF et les UDAF sont dotées d’un statut quelque peu particulier, résultant d’une loi de 1975, qui a d’ailleurs dû être révisée un peu plus tard. Cette loi leur confère une mission de service public. Dans le même temps, elles sont régies par la loi de 1901. Leur statut est donc assez bâtard.
En revanche, le CNAFAL, de même d’ailleurs que l’ensemble des autres mouvements familiaux, qu’il s’agisse de Familles rurales, de Familles de France ou des associations familiales protestantes ou catholiques, n’est pas régi par la loi de 1975 et n’est donc pas soumis aux obligations afférentes.
Par conséquent, s’il n’y a pas d’inconvénient majeur à ce que nous précisions les choses pour l’UNAF et les UDAF, dont la mission de service public est inscrite dans la loi de 1975, je crains que, en imposant des contraintes à des associations qui ne relèvent pas de cette dernière, nous n’enfreignions la loi de 1901, qui consacre la liberté totale d’association.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Madame le ministre, vous nous avez dit qu’il n’était pas nécessaire de prendre de nouvelles dispositions puisque, en l’état actuel du droit, toute discrimination est d’ores et déjà interdite. Dès lors, pourquoi en rajouter dans la loi ? Cela n’est pas la peine ! Autant supprimer toute nouvelle précision. De ce point de vue, l’amendement de M. Gélard est plus satisfaisant. La loi devient de plus en plus bavarde !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, croyez-le bien, je n’ai aucune objection de fond à ces règles, puisqu’elles existent déjà. Mon intervention se justifie exclusivement par le souci d’élaborer une bonne législation. Or, en voulant inscrire dans la loi des dispositions inutiles, parce que le droit en vigueur impose déjà l’application des principes visés, nous courons le risque de commettre certains oublis. Par exemple, les concubins avec enfants ne sont pas cités, alors que les couples pacsés sans enfants le sont. Pourtant, les premiers, quelle que soit d’ailleurs leur orientation sexuelle, ont d’ores et déjà les mêmes droits que les seconds !
À vouloir trop raffiner la rédaction d’un texte dont l’application ne pose strictement aucun problème, on risque de mal légiférer. En l’occurrence, il s’agit d’ailleurs d’un cavalier législatif : le dispositif n’a absolument rien à voir avec l’objet du projet de loi, à savoir l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a raison !
M. Bruno Sido. C’est très clair !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Mes propos rejoindront ceux de M. Bas : je m’étonne que l’on en vienne à préciser dans le texte ce que doit être la composition des unions départementales ou régionales des associations familiales. Certes, leur statut est défini par la loi, mais elles disposent tout de même d’une certaine liberté pour s’organiser.
Dans mon département, la Marne, j’ai pu constater que l’UDAF représentait la diversité des familles. Cette diversité étant déjà reconnue en pratique, je ne vois pas l’intérêt de préciser les choses dans la loi, au risque de donner à ces associations le sentiment qu’elles perdent une partie de leur liberté de gestion et se trouvent placées, en quelque sorte, dans une situation de subordination par rapport à l’État, alors que leur vocation est de faire remonter les préoccupations et les attentes des familles, quelles qu’elles soient. (M. René-Paul Savary applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Chers collègues, j’entends votre souci que la loi soit bien écrite ; le nôtre est qu’elle s’applique également à tous. Cela va peut-être sans dire, mais cela va encore mieux en le disant…
Si nous avons déposé un amendement tendant à compléter un dispositif introduit à l’Assemblée nationale, c’est parce que des associations nous ont saisis de difficultés rencontrées dans un certain nombre de départements. De deux choses l’une : soit nous ne légiférons pas et nous leur laissons le soin d’engager des recours, soit nous intervenons à travers ce texte pour réaffirmer leur droit d’adhérer aux UDAF. Comme M. Détraigne vient de le rappeler, celles-ci ne sont pas de simples instances d’échanges entre associations familiales ; elles ont pour rôle de faire remonter au niveau national les attentes de toutes les familles, sans exclusive. Par conséquent, selon nous, la loi doit encadrer leur fonctionnement pour éviter certaines dérives que l’on observe parfois sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ainsi que M. le rapporteur l’a indiqué, la rédaction du troisième alinéa de l’article 4 ter pose problème. En l’état, elle interdit de reconnaître la qualité d’association familiale aux associations ne regroupant que des familles relevant d’une catégorie spécifique.
Mme Isabelle Debré. Jusque-là, nous sommes d’accord !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Je pense par exemple à des associations de pères célibataires ou de familles homoparentales.
Or, Mme la ministre déléguée l’a bien dit, il s’agit non pas d’exclure, mais au contraire de permettre aux associations de familles homoparentales d’être reconnues comme des associations familiales à part entière.
M. Détraigne a indiqué qu’il n’y avait pas de difficultés dans son département, mais il est de fait que certaines UDAF ont refusé des adhésions ; je pense notamment à l’UDAF de Paris.
M. Gérard Longuet. Elle l’a fait pour des raisons précises !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Inscrire explicitement dans le code de l’action sociale et des familles que les UDAF ne peuvent refuser l’adhésion d’associations satisfaisant aux critères requis rendrait de telles décisions juridiquement infondées. Je suis donc tout à fait favorable à l’amendement n° 255.
J’insiste sur le fait que la véritable difficulté réside dans le refus de certaines associations homoparentales de transmettre la liste de leurs adhérents, pour d’évidentes raisons de confidentialité. Or les UDAF en ont besoin, ne serait-ce que pour l’organisation des votes. Par conséquent, tout l’enjeu est de trouver un compromis. Il s’agit de donner un signal fort en faveur de l’intégration de toutes les familles au sein des UDAF.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 255.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article 4 ter.
M. Gérard Longuet. Je ne peux voter cet article, car son dispositif introduit une ambiguïté dans le fonctionnement des UDAF et, partant, de l’UNAF.
Les familles homoparentales doivent bien sûr pouvoir participer à la structure départementale regroupant les associations familiales, mais il faut aussi qu’aucune de ces dernières ne se trouve obligée, au travers de son appartenance à l’UDAF, de cautionner des positions qui seraient contraires aux convictions de ses adhérents.
Si je vous ai bien comprises, madame la ministre, madame la rapporteur pour avis, les associations familiales seront libres, de par leurs statuts, de ne s’ouvrir qu’aux familles partageant leurs valeurs. Si tel n’est pas le cas, veuillez me l’indiquer dès à présent : pour reprendre la célèbre formule des mariages protestants, que ceux qui s’y opposent le disent maintenant ou se taisent à jamais !
Les associations familiales dont les membres se rassemblent autour de certaines convictions, quelles qu’elles soient, ne seront donc pas tenues d’accepter l’adhésion de personnes ou de familles qui ne partageraient pas celles-ci. En revanche, les UDAF auront l’obligation d’accepter toutes les associations familiales, y compris celles qui ont un caractère spécifique. C’est ainsi que je comprends le dispositif de l’article.
Mme la rapporteur pour avis a évoqué le cas de l’UDAF de Paris : si elle a refusé l’adhésion d’une association de familles homoparentales, c’est uniquement parce que celle-ci refusait de transmettre le fichier de ses membres.
Il y a un problème de confidentialité, nous dit-on, les mentalités n’ayant pas encore suffisamment évolué vers davantage de tolérance, d’ouverture, de respect des différences. Toutefois, une véritable difficulté se pose, car il faut pouvoir mesurer le poids respectif des différentes associations membres de l’UDAF. Dans une organisation démocratique, l’un des moyens simples d’opérer cette pondération est de se fonder sur le nombre d’adhérents de chacune des associations. Si ces données ne peuvent être connues ou vérifiées, il ne sera pas possible d’assurer la coexistence pacifique, au sein des UDAF, d’associations familiales partageant la même volonté de défendre l’ensemble des familles mais animées par des convictions différentes.
Il importe donc, me semble-t-il, de dissiper une ambiguïté, car les positions prises par les UDAF doivent pouvoir découler de votes, ce qui implique une pondération du poids respectif des différentes associations familiales. Sinon, ce sera la porte ouverte à l’activisme, à la surenchère, aux stratégies de communication, au détriment de l’instauration d’une démocratie pluraliste apaisée au sein du mouvement familial.
Il faut des règles de fonctionnement. Je ne demande pas qu’on les inscrive dans la loi, mais il convient que le législateur souligne que les UDAF ne pourront pas œuvrer dans de bonnes conditions sans une connaissance précise de la représentativité des associations qui les composent.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les associations familiales homoparentales devront respecter les statuts de l’UNAF et des UDAF.
M. Gérard Longuet. Parfait !
M. Henri de Raincourt. Encore heureux !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Celles qui ne voudront pas communiquer la liste de leurs membres ne pourront pas adhérer : c’est clair !
M. Gérard Longuet. Je vous remercie de cette précision, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement précise simplement, afin d’éviter toute ambiguïté, que les UDAF ne pourront refuser une adhésion pour autant que l’association concernée satisfait aux critères prévus.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 ter, modifié.
(L’article 4 ter est adopté.)
Article 4 ter (Texte non modifié par la commission)
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Article 11
Articles 5 à 10
(Suppression maintenue)
Articles 5 à 10
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Articles 12 et 13
Article 11
(Suppression maintenue)
M. le président. La suppression de l’article 11 a été maintenue, mais, par l’amendement n° 59, Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
Les deuxième et dernier alinéas de l’article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Un orphelin peut cumuler au maximum deux pensions de réversion obtenues du chef de ses parents au titre des régimes de retraite énumérés à l’article L. 86-1. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. L’article 11 est un article de coordination qui concerne le code des pensions civiles et militaires de retraite. Il a été malencontreusement supprimé à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Sauf erreur de ma part, nous venons d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de procéder à des coordinations consécutivement à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Je considère, à tort peut-être, que la mesure prévue par cet amendement relève de l’ordonnance. Cela vaut aussi, me semble-t-il, pour nombre d’amendements à venir. J’ai l’impression que l’on travaille dans le désordre, de manière incohérente. J’aimerais comprendre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois est favorable à cet amendement, car il convient de supprimer la dernière distinction faite dans la loi entre enfant légitime et enfant naturel. Or cela ne relève pas du domaine de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas une réponse, monsieur le rapporteur. Pourquoi cela ne relève-t-il pas de l’ordonnance ? Vous ne démontrez rien. J’ai l’impression que les juristes font bon marché de la cohérence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mon cher collègue, la démonstration, je l’ai faite ! L’ordonnance d’habilitation ne concernera que les effets du mariage, et non la filiation. Ce sont les ordonnances de 2005 qui portaient sur la filiation ; il avait alors été omis de supprimer cette dernière distinction entre l’enfant légitime et l’enfant naturel : il faut donc le faire par la loi.
M. Bruno Sido. Voilà qui est déjà plus précis !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 11 est rétabli dans cette rédaction.
Article 11
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Article 13 bis (Texte non modifié par la commission)
Articles 12 et 13
(Suppression maintenue)
Articles 12 et 13
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Article 14 (Texte non modifié par la commission)
Article 13 bis
(Non modifié)
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 732-10 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « maternité », la fin du premier alinéa est supprimée ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
1° bis Après l’article L. 732-10, il est inséré un article L. 732-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 732-10-1. – Les personnes mentionnées aux 1° et 2°, au a du 4° et au 5° de l’article L. 722-10 bénéficient, à l’occasion de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié, en vue de son adoption, par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption, sur leur demande et sous réserve de se faire remplacer par du personnel salarié dans les travaux de l’exploitation agricole, d’une allocation de remplacement.
« L’allocation de remplacement est également accordée aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article titulaires de l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.
« Les durées maximales d’attribution de l’allocation sont celles prévues à l’article L. 331-7 du code de la sécurité sociale. La période d’allocation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa du même article. Dans ce cas, la durée maximale d’attribution de l’allocation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
2° L’article L. 732-11 est ainsi modifié :
a) La référence : « à l’article L. 732-10 » est remplacée par les références : « aux articles L. 732-10 et L. 732-10-1 » ;
b) Les mots : « non-salariées agricoles visées » sont remplacés par les mots : « non-salariés agricoles mentionnés » ;
c) Les mots : « lorsqu’elles » sont remplacés par les mots : « lorsqu’ils » ;
3° L’article L. 732-12 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 732-10 », est insérée la référence : « , L. 732-10-1 » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 732-12-1, les mots : « ou de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption » sont remplacés par les mots : « d’un enfant ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 184 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Mon collègue Charles Revet aurait été plus qualifié que moi pour présenter cet amendement, qui concerne le régime des exploitants agricoles. (Sourires.)
L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement ce congé d’adoption revient en propre à la femme.
Dans la mesure où le Gouvernement indiquait, dans l’étude d’impact du projet de loi, vouloir procéder par décret à cette modification, on ne comprend pas bien la nécessité législative de cette coordination.
Le texte poursuit donc son entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation de l’emploi de termes neutres tels que « époux », « parents », « conjoints » et, désormais, « assurés » ou « titulaires ».
Toutefois, la question est moins celle de la coordination des droits parentaux et familiaux entre parents de sexes différents et parents de même sexe que celle de l’ouverture du droit à l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Le projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 184 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Dans la mesure où les membres du groupe UDI-UC sont majoritairement défavorables à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe, c’est en toute logique que nous proposons de supprimer l’article 13 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements, pour une raison qui rejoint les explications que j’ai données tout à l’heure à notre collègue Bruno Sido.
Le sujet ne peut relever de l’ordonnance, car en l’espèce nous ne sommes pas à droit constant. En effet, pour les exploitants agricoles, le régime du congé d’adoption, conçu sur le modèle de celui de la maternité, est réservé aux femmes : il convient d’en ouvrir le bénéfice aux hommes, ce qui ne peut se faire que par la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe impose une adaptation de certains dispositifs sociaux afin que les couples mariés bénéficient tous des mêmes droits, que les époux soient de sexes différents ou de même sexe.
L’article 13 bis vise à ce que le congé d’adoption du régime des exploitants agricoles puisse être accordé sans considération de sexe ou de la composition du couple. C’est donc une mesure d’égalité des droits.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 rectifié bis et 184 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis.
(L’article 13 bis est adopté.)
Article 13 bis (Texte non modifié par la commission)
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Articles 15 et 16
Article 14
(Non modifié)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 331-7 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la femme assurée » sont remplacés par les mots : « l’assuré » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « intéressée » est remplacé par le mot : « assuré » ;
c) Au troisième alinéa, le mot : « assurée » est remplacé par le mot : « assuré » ;
d) L’avant-dernier alinéa est supprimé ;
e) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« La période d’indemnisation prévue au présent article peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptifs lorsque l’un et l’autre ont vocation à bénéficier d’une indemnisation ou d’un maintien du traitement en cas de cessation de leur travail ou de leur activité dans le cadre d’une adoption. » ;
2° L’article L. 351-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du II, les mots : « du père ou de la mère assuré social » sont remplacés par les mots : « de l’un ou l’autre des deux parents assurés sociaux » ;
b) Le cinquième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les deux parents sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux. » ;
c) Le troisième alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les deux parents adoptants sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux. » ;
3° à 7° (Supprimés)
8° Les articles L. 613-19 et L. 722-8 sont ainsi modifiés :
a) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– au début de la première phrase, les mots : « Les femmes mentionnées au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « Les assurés qui relèvent à titre personnel du régime institué par le présent titre » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 » sont remplacés par les mots : « titulaires de l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 » et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
b) Le 2° est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La durée d’indemnisation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 331-7. Dans ce cas, la durée maximale d’indemnisation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
9° Les articles L. 613-19-1 et L. 722-8-1 sont ainsi modifiés :
a) Au début du quatrième alinéa, le mot : « Elles » est remplacé par les mots : « Les conjoints collaborateurs remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa » ;
b) Le 2° est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La durée d’indemnisation peut faire l’objet d’une répartition entre les parents adoptants dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 331-7. Dans ce cas, la durée maximale d’indemnisation est augmentée et fractionnable selon les modalités prévues au même alinéa. » ;
c) Au septième alinéa, le mot : « femmes » est supprimé et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
10° Aux deux premiers alinéas des articles L. 613-19-2 et L. 722-8-3, les mots : « ou de l’arrivée au foyer » sont supprimés ;
10° bis Au début de l’article L. 711-9, les mots « des quatrième et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « du dernier alinéa ».
11° (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 185 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Je ne ferai pas de long discours : l’article 14 étant en contradiction totale avec le point de vue que nous exprimons depuis le début de ce débat, nous en souhaitons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 185 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Nos motivations sont identiques à celles de nos collègues du groupe UMP. Je n’ajouterai donc rien aux propos de M. Gélard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est hostile à ces deux amendements, pour des raisons que j’ai déjà exposées tout à l’heure.
Cela étant, je comprends bien les motivations de leurs auteurs. Ils savent parfaitement que les coordinations prévues par l’article ne peuvent se faire que par la loi, puisque nous ne sommes pas à droit constant, mais comme ils sont contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, ils sont évidemment opposés à ces coordinations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements.
L’article 14 prévoit l’adaptation des règles du code de la sécurité sociale relatives aux congés d’adoption et aux majorations de durée d’assurance en matière de retraite afin de permettre leur application à toutes les familles, sans considération de la composition du couple. C’est donc, là encore, une mesure d’égalité des droits.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié bis et 185 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 331-7, les mots : « le ménage » sont remplacés par les mots : « le couple marié » ;
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement s’explique par son texte même.
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, je souhaiterais, si vous le permettez, présenter en même temps les trois amendements suivants.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 45 rectifié bis, 48 rectifié bis et 46 rectifié bis.
L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 14
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 26
Supprimer ces alinéas.
Veuillez poursuivre, monsieur Gélard.
M. Patrice Gélard. Ces amendements relèvent de la démarche que nous avons suivie depuis le début de la discussion de ce projet de loi, consistant, lorsqu’un amendement de suppression de l’article n’a pas été adopté, à proposer d’en supprimer des alinéas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois est défavorable à ces cinq amendements.
Tout d’abord, la coordination doit se faire par la loi.
Ensuite, l’amendement n° 44 rectifié bis, qui vise notamment à remplacer les mots « le ménage » par les mots « le couple marié », fait très bien apparaître les motivations de M. Gélard et de ses collègues : contrairement à eux, nous sommes favorables à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les explications données par M. le rapporteur sont tout à fait judicieuses. L’adoption de ces amendements créerait une inégalité de traitement entre adoptants en fonction de la composition du couple. Cela serait contraire à l’esprit même du projet de loi.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces cinq amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Rétablir le 11° dans la rédaction suivante :
11° L’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 713-6. - Les veuves et veufs de guerre, bénéficiaires d’une pension au titre du premier alinéa de l’article L. 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont le conjoint était militaire de carrière au moment du décès, ont droit aux mêmes prestations que les veuves et veufs titulaires d’une pension de réversion. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cet amendement de coordination vise à tirer les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe à l’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale, relatif aux pensions de réversion versées aux veuves de guerre. Pour être précis, il s’agit de substituer au terme « veuves » les mots « veuves et veufs » et au terme « mari » le mot « époux ».
Cette mesure de coordination, qui figurait à l’article 14 de la version initiale du projet de loi, a été malencontreusement supprimée à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a donné un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’adoption de l’article 4 bis par l’Assemblée nationale a effectivement entraîné la suppression de cette mesure de coordination, ce qui avait pour conséquence de laisser subsister une rédaction obsolète de l’article L. 713-6 du code de la sécurité sociale, ne visant que les veuves de guerre.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voterai cet excellent amendement. Aujourd’hui, il y a des femmes soldats, qui peuvent laisser des veufs.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tout bouge !
Mme Cécile Cukierman. Quand on favorise l’égalité, tout le monde y gagne !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article 14 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 16 bis (Texte non modifié par la commission)
Articles 15 et 16
(Suppression maintenue)
Articles 15 et 16
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles 17 à 20
Article 16 bis
(Non modifié)
Après l’article L. 1132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-3-2. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié ou lié par un pacte civil de solidarité à une personne de même sexe. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 61, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 1132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-3-2. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité. »
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est sur l’initiative de la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Mme Marie-Françoise Clergeau, qu’a été introduit cet article 16 bis, qui vise à protéger contre toute mesure de sanction, de licenciement ou de discrimination les salariés mariés ou pacsés avec une personne de même sexe qui refuseraient une mutation dans un État incriminant l’homosexualité.
Ainsi que cela a déjà été souligné au début de l’examen de ce texte, l’homosexualité est encore passible de la peine de mort dans sept pays et elle est pénalement sanctionnée dans près d’une soixantaine.
Notre collègue Jean-Pierre Michel le confirmera, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît d’ores et déjà la possibilité pour un salarié, homme ou femme, de refuser, sans encourir de sanction, de licenciement ou de discrimination, une mutation qui porterait « une atteinte injustifiée ou disproportionnée » à son droit à une vie familiale et personnelle.
Si l’on peut juger légitimement que la Cour de cassation appliquerait cette jurisprudence à l’occasion d’une procédure contentieuse relative à une mutation dans un pays qui incrimine l’homosexualité, il est néanmoins préférable d’en affirmer le principe dans le code du travail.
La rédaction de l’article 16 bis pose cependant une difficulté en ce qu’elle vise uniquement les salariés, hommes ou femmes, mariés ou pacsés à une autre personne du même sexe. Certains employeurs pourraient donc alléguer du fait qu’un ou une salarié n’est ni marié ni pacsé pour le sanctionner en raison d’un refus de mutation. Ainsi, les salariés homosexuels célibataires ou qui vivent en union libre ne seraient pas couverts par cette disposition protectrice, ce qui reviendrait à introduire une nouvelle discrimination en fonction de la situation familiale et, par là même, à créer un risque de recul par rapport à la jurisprudence.
Pour exclure tout risque de ce type, la commission des affaires sociales a adopté le présent amendement, qui étend la mesure de protection à l’ensemble des salariés homosexuels, sans considération de leur situation familiale.
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
l’homosexualité
insérer les mots :
ou où il est porté notoirement atteinte aux droits fondamentaux des personnes en raison de leur orientation sexuelle
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. En Afrique du Sud, l’homosexualité, certes, n’est pas réprimée, le mariage entre personnes de même sexe est même autorisé. Ce n’est donc pas l’État qui porte atteinte aux droits des personnes LGBT.
En revanche, certains groupes et associations, ainsi que des partis politiques homophobes, exercent de graves pressions et des violences insupportables à l’encontre des homosexuels. De nombreuses personnes et associations se mobilisent d’ailleurs aujourd’hui pour mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les auteurs de « viols correctifs », d’agressions commises en vue de « guérir » leurs victimes de leur homosexualité…
Il s’agit ici d’empêcher qu’un refus de mutation par un salarié marié ou pacsé avec une personne de même sexe dans un État tel que l’Afrique du Sud puisse être sanctionné.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, s’il est marié ou lié par un pacte civil de solidarité à une personne de même sexe
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Mon amendement va dans le même sens que celui de Mme le rapporteur pour avis. Il me semble toutefois que sa formulation est plus simple.
La rédaction de l’article 16 bis issue des travaux de l’Assemblée nationale ne permettra pas de sanctionner tous les cas d’homophobie. Nous voulons nous aussi y remédier, car, chacun le sait, personne n’est homophobe ici. (Très bien ! sur diverses travées.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a émis un avis favorable sur l’amendement de la commission des affaires sociales. Elle regrette vivement de ne pouvoir accepter l’amendement d’un de ses membres, monsieur Gélard : vous comprendrez, mon cher collègue, qu’il faut tout de même faire droit aux quelques amendements déposés par la commission des affaires sociales, saisie pour avis ! Je vous suggère donc de vous rallier à l’amendement n° 61.
Madame Benbassa, je vous invite également à retirer votre amendement. En effet, il est satisfait par l’amendement n° 61 et, pour le cas des mutations dans des pays où l’homosexualité n’est pas incriminée, par l’article L. 1121-1 du code du travail, qui dispose que « nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Si ces deux amendements ne sont pas retirés, la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 61, qui tend à renforcer la protection législative et jurisprudentielle encadrant les clauses de mobilité. Il permettra, en posant pour limite à la mobilité le respect de la vie personnelle et familiale, d’accroître la protection des salariés homosexuels célibataires dont l’orientation sexuelle est révélée, de quelque manière que ce soit, et qui, en raison de leur situation familiale, ne bénéficient pas de la protection offerte par la jurisprudence.
Concernant l’amendement n° 137, il serait difficile de garantir la protection que propose d’instituer Mme Benbassa, dont l’intention est bien évidemment très louable. Comme M. le rapporteur, nous souhaiterions qu’il soit retiré, de même que l’amendement de M. Gélard ; sinon, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 61.
M. Bruno Sido. Il n’y a pas d’homophobes chez nous : nous voterons cet amendement !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis est ainsi rédigé.
Par ailleurs, je constate que l’amendement n° 61 a été adopté à l’unanimité des présents.
Les amendements nos 137 et 49 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Article 16 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 21 (Texte non modifié par la commission)
Articles 17 à 20
(Suppression maintenue)
Articles 17 à 20
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 22 (Texte non modifié par la commission)
Article 21
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d’un couple de personnes de même sexe dont les deux membres assument à leur foyer la charge effective et permanente de l’enfant, l’allocataire est le membre du couple qu’ils désignent d’un commun accord. À défaut d’accord, la qualité d’allocataire est attribuée à celui qui en fait la demande en premier. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par M. Soilihi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. M. Soilihi n’ayant pu être présent cet après-midi, je présenterai à sa place cet amendement et le suivant, bien que je ne connaisse malheureusement pas Mayotte.
L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales dans le cas d’un couple de personnes de même sexe.
Actuellement, la priorité est donnée à la mère pour être désignée allocataire des prestations. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames.
Le projet de loi prévoit, pour les couples de même sexe, la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire. Les auteurs de cet amendement sont opposés à une telle disposition.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Soilihi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer les mots :
à celui qui en fait la demande en premier
par les mots :
par décision de justice
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Les auteurs de cet amendement souhaiteraient que, en cas de désaccord, la désignation de l’allocataire des prestations soit opérée par une décision de justice, afin d’éviter toute demande hâtive malvenue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Selon elle, il ne faut pas supprimer l’article 21, car cela ne ferait que compliquer encore l’attribution des allocations en cas de désaccord. Vous l’avez compris, il y a encore, à Mayotte, des familles polygames.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces deux amendements.
L’objet de l’article 21 est d’établir une égalité des droits, en permettant aux couples de personnes de même sexe de désigner l’allocataire, comme c’est le cas en métropole.
Par ailleurs, son existence étant constitutionnellement garantie, le statut personnel en vigueur dans différentes collectivités d’outre-mer ne saurait être remis en cause. Ainsi, le législateur ne peut modifier les règles applicables aux personnes de statut local que pour imposer un droit constitutionnellement protégé. Si la Constitution garantit le maintien de règles coutumières, toute personne de statut local a la possibilité de renoncer à ce statut au profit du statut civil de droit commun et de bénéficier des mêmes droits que l’ensemble des Français.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. En suivant les débats de l’Assemblée nationale, j’ai été extrêmement dérangé par le fait que les prises de parole sur cet article visaient en fait non pas à parler du département de Mayotte, faute sans doute de connaissance de celui-ci, mais uniquement à réaffirmer un rejet épidermique du projet de loi.
Laissez-moi vous parler de cette île qui m’est très chère. Il y a encore quelques années, à Mayotte, la laïcité ne s’appliquait pas tout à fait comme sur le reste du territoire français. Le statut personnel coutumier spécifique de cette île, où l’islam est fortement majoritaire, autorisait la polygamie en droit ou, pour être plus exact, la loi attachait des effets juridiques à l’union polygame.
Néanmoins, comme vous le savez tous, lors du référendum de mars 2009, plus de 95 % des électeurs mahorais ont souhaité que leur île devienne le cent-unième département français. Ce choix nécessitait donc de renoncer à certaines pratiques contraires aux principes républicains que nous voulions désormais faire nôtres, ou de les adapter. L’accession à la départementalisation a eu pour conséquence que désormais les nouvelles unions polygames n’emportent plus d’effets juridiques.
En effet, si la polygamie a été abolie, pour l’avenir, à compter du 1er janvier 2005, il subsiste de fait des ménages polygames, même s’il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date. L’article 21 du projet de loi tient compte de cet état de fait et permet de préserver le dispositif spécifique d’allocation des prestations familiales s’appliquant à Mayotte, au bénéfice des femmes vivant toujours au sein de foyers polygames. Il permet également de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe, en édictant une règle identique à celle en vigueur en métropole. La désignation de l’allocataire se fera d’un commun accord par les deux membres du couple.
Ainsi, le Gouvernement démontre une nouvelle fois sa volonté de consolider le processus de départementalisation.
En cas de désaccord, l’article 21 prévoit que l’allocataire sera celui qui aura le premier demandé à l’être. Il ne s’agira pas, comme j’ai pu le lire ici ou là, d’une course de vitesse : les allocations profitent en définitive à l’ensemble du foyer, et non pas à celui des membres du couple qui aura couru le plus vite ! Si le désaccord entre les époux est tel qu’il n’y a plus de conciliation possible et qu’il emporte le divorce, alors un juge interviendra pour arbitrer la situation.
L’amendement n° 51 rectifié bis, qui tend à prévoir que la désignation sera faite par une décision de justice, n’est pas sérieux. Son adoption alourdirait inutilement le dispositif de délivrance des allocations familiales.
Enfin, certains lient mariage homosexuel et polygamie : soyons sérieux, ne mélangeons pas tout ! Je rappellerai simplement que la polygamie n’a rien à voir avec ce dont nous sommes en train de débattre, sauf à considérer que les couples de personnes de même sexe pourront également constituer des foyers polygames. Le droit français considère que le couple s’entend de l’union de deux personnes de sexes opposés ou, bientôt, de même sexe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je peux comprendre la partie de l’intervention de notre collègue Thani Mohamed Soilihi relative au premier des deux amendements défendus par M. Gélard, celui qui tend à supprimer l’article 21. En effet, la suppression de cet article signifierait que ne s’appliquerait pas à Mayotte le régime des allocations familiales.
Si je ne soutiens pas ce premier amendement, j’aimerais en revanche appeler à la réflexion sur le second.
Que, en cas de désaccord, l’allocataire des prestations familiales soit celui qui en aura fait la demande en premier pose un problème de fond. Partout sur le territoire national, il doit revenir aux tribunaux de trancher sans drame ce type de différends. Je ne comprends donc pas le rejet par le Gouvernement et la commission de l’amendement n° 51 rectifié bis.
Le sujet n’est pas ici celui du mariage entre personnes de même sexe ou de l’adoption : il s’agit de mesures de portée générale au regard d’un dispositif juridique de droit commun. Je suis choqué que notre droit puisse prévoir que les prestations familiales soient accordées à celui qui demande le premier à en être l’allocataire. Je crois sincèrement, mes chers collègues, qu’il serait raisonnable d’adopter l’amendement n° 51 rectifié bis, d’autant, monsieur Thani Mohamed Soilihi, qu’il me semble aller dans le sens d’une unification du droit sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié bis.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous devriez le voter, vraiment !
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 21.
(L’article 21 est adopté.)
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES
Article 21 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
Article 22
(Non modifié)
Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l’égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l’objet d’une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. À compter de la date de transcription, il produit effet à l’égard des tiers.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Je veux souligner l’importance de cet article 22, ayant été confronté, en tant que sénateur des Français établis hors de France, à plusieurs cas difficiles.
Je me rappelle, par exemple, du cas d’un Français qui a été déchu, en 2008, de la nationalité française, pour s’être marié aux Pays-Bas avec un Néerlandais, en acquérant de ce fait la nationalité néerlandaise. S’il avait épousé une Néerlandaise, il aurait pu conserver sa nationalité française. La France a préféré la lui retirer plutôt que de le considérer comme marié à un homme, violant par la même occasion la convention qui la lie aux Pays-Bas.
C’est peut-être un cas extrême, mais il n’est pas complètement isolé : les mariages de personnes de même sexe conclus à l’étranger en toute légalité, soit entre deux personnes de nationalité française, soit entre un ressortissant français et une personne d’une autre nationalité, ne sont pas reconnus en France et ne produisent donc pas d’effets.
Pourtant, le droit international privé oblige la France à reconnaître les mariages homosexuels célébrés à l’étranger entre deux étrangers dont la loi personnelle le permet. Nous sommes donc dans une situation ubuesque – si l’on peut dire – où les couples homosexuels étrangers mariés à l’étranger sont reconnus par la France et, par conséquent, sont mieux protégés par le droit français que les couples homosexuels français ou binationaux mariés à l’étranger. Comprenne qui pourra !
Devant cette injustice, j’avais déposé, en novembre 2008, une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance des unions conclues dans un autre État de l’Union européenne pour tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Le Sénat ne m’a pas suivi et, depuis, rien n’a bougé… jusqu’à aujourd’hui, puisque nous allons enfin donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité de se marier.
Je défendrai, pour ma part, cet article 22, qui permettra aux mariages de couples homosexuels français et binationaux célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la présente loi d’être reconnus en France, sous réserve, bien entendu, d’avoir été conclus dans le respect des conditions de validité requises en France.
Certains députés de l’opposition ont reproché à cet article d’instituer une sorte d’amnistie pour les couples de personnes de même sexe s’étant mariés à l’étranger dans le passé. Mais une telle critique est dénuée de tout fondement : il n’est pas question d’amnistier qui que ce soit, car, à l’époque, ces personnes n’ont pas contrevenu à une législation, puisqu’elles se sont mariées à l’étranger sous l’empire d’une loi étrangère le permettant.
Étant donné que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient le jour de la célébration, les mariages célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi, bien que tout à fait légaux et devenus conformes à notre code civil, ne seront toujours pas reconnus. Il faudrait donc que les couples concernés divorcent pour se remarier ! Vous en conviendrez, ce n’est pas une solution particulièrement facile, ni élégante…
Il s’agit donc de permettre une ratification de ces mariages conclus à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 53 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 186 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Marseille, Delahaye, Arthuis, J. Boyer, Bockel, Dubois, Amoudry et J. L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Je suis déjà intervenu sur ce sujet lors de l’examen d’articles précédents.
Le dispositif de cet article 22 constitue une violation manifeste de l’article 2 du code civil, qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, a valeur constitutionnelle et pose un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En d’autres termes, nous sommes ici face à une irrégularité majeure au regard de la Constitution.
À mon avis, on aurait pu recourir à d’autres solutions, mais la rétroactivité de la loi telle que prévue par l’article 22 est manifestement contraire à notre État de droit et fera donc, en tout état de cause, l’objet d’une sanction.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 186 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Il est défendu.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié bis et 186 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 234 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc, Retailleau, B. Fournier et Dufaut, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le mariage entre personnes du même sexe contracté avant l’entrée en vigueur de la présente loi est nul et non avenu. Il ne peut lui être accordé aucun effet ni rétroactif, ni pour l’avenir.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Dans le droit fil des propos que vient de tenir M. Gélard, cet amendement tend à éviter la validation rétroactive des mariages homosexuels célébrés dans l’illégalité.
J’ai compris que certains s’indignaient que des maires puissent envisager de refuser de célébrer des mariages entre des personnes de même sexe, par fidélité à leurs convictions les plus profondes. On leur dénie le droit d’exercer leur liberté de conscience et on les accuse de s’apprêter à ne pas respecter les lois de la République. Or voilà que, avec l’article 22, on voudrait légaliser les agissements passés de maires qui, dans un esprit de provocation, ont défié les lois de la République en mariant deux personnes de même sexe. Étrange conception de la justice !
Rappelons ici que la Cour de cassation a bien sûr annulé les prétendus mariages prononcés par des élus locaux qui ont cru bon, sans doute par conviction et peut-être aussi pour s’offrir une promotion médiatique à bon compte, d’unir des couples homosexuels quand la législation ne le permettait pas.
La rédaction proposée pour l’article 22 instaure une sorte de prime à l’illégalité, qui viendrait récompenser des comportements d’élus violant les lois qu’ils sont supposés faire respecter. Cela créerait un précédent et donnerait à penser que les provocations sont, tôt ou tard, couvertes de manière rétroactive.
En outre, la validation rétroactive d’unions homosexuelles poserait de graves problèmes au regard des droits nés entre-temps, le cas des mariés de Bègles remontant, par exemple, à 2004.
Je propose donc une nouvelle rédaction garantissant la sécurité juridique ainsi que la force de la loi, tout en rappelant aux élus ce que signifie l’État de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne reprendrai pas les excellentes explications de Richard Yung, qui connaît mieux la matière que moi. Je préciserai simplement à MM. Darniche et Gélard qu’il s’agit non pas, avec l’article 22, de valider rétroactivement des mariages célébrés illégalement, en contravention avec le droit français alors en vigueur, mais de faire en sorte que des mariages célébrés en toute légalité à l’étranger puissent produire des effets en France. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas, puisque le mariage n’est pas ouvert aux couples de personnes de même sexe. Il ne s’agit pas de valider a posteriori des mariages de couples homosexuels qui auraient été célébrés en France. D’ores et déjà, de nombreux mariages célébrés à l’étranger produisent des effets dans notre pays, notamment en matière patrimoniale.
La commission des lois est donc défavorable à l’amendement de M. Darniche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si l’amendement était adopté, nos ressortissants devraient, dans certains cas, divorcer puis se remarier après l’entrée en vigueur de la loi pour que leur mariage soit reconnu en France et opposable aux tiers.
Prenons l’exemple d’un Français et d’un Belge qui se seraient mariés l’an dernier en Belgique. Aujourd’hui, le Français est considéré comme célibataire, puisque le présent texte n’est pas encore entré en vigueur, mais le Belge est considéré comme marié, puisque son mariage est valide au regard de sa loi personnelle. À défaut d’adoption de l’article 22, ce couple devrait se remarier après l’entrée en vigueur de la loi après avoir divorcé en Belgique, le ressortissant belge n’étant pas célibataire au regard de sa loi personnelle.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 234 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 22.
(L’article 22 est adopté.)
Article 22 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 23 (début)
Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
M. le président. Je rappelle que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 22 ont été réservés jusqu’après l’article 23.
Articles additionnels après l’article 22 (réservés jusqu’après l’article 23)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 23 (interruption de la discussion)
Article 23
Les articles 1er à 4 et 22 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L’amendement n° 55 rectifié bis, présenté par M. Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Malheureusement, je ne suis encore jamais allé en Polynésie, mais je vais tout de même défendre cet amendement en l’absence de M. Frogier !
L’article 23, relatif à l’applicabilité outre-mer du texte, nous donne l’occasion de rappeler, grâce à nos territoires d’outre-mer, qu’à situations différentes, il peut y avoir traitements différents.
Cet amendement de suppression de l’article 23 est de coordination avec les suppressions d’articles précédemment demandées concernant la métropole et les collectivités régies par l’identité législative, mais il permet en outre d’aborder l’épineux sujet de la discrimination.
Outre-mer plus encore qu’ailleurs, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité, pour ne pas dire qu’il fait l’objet de vives critiques. C’est la raison pour laquelle M. Frogier et les membres de notre groupe demandent la suppression de l’article 23.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Frogier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
I. – Supprimer les mots :
et en Polynésie française
II. – En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article 14-1 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité est applicable en Polynésie française.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à étendre l’application des dispositions relatives au PACS à la Polynésie française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements. Nous pensons que la loi doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la République, y compris en Polynésie française.
En outre, mes chers collègues, l’application des dispositions relatives au PACS ne nécessite aucune mesure législative. On constate que l’Assemblée territoriale de Polynésie n’a pris aucune disposition visant à rendre applicable le PACS sur son territoire. Il lui appartient de le faire si elle le juge bon.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les explications de M. le rapporteur sont très claires : le Gouvernement est lui aussi défavorable aux deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. Bruno Sido. La Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont des territoires d’outre-mer régis chacun par un statut différent, n’ayant rien à voir avec le régime de la métropole.
Les assemblées délibérantes de ces territoires ont-elles été consultées ? Je pense qu’elles devraient l’être afin de vérifier que l’on ne bousculera pas les habitudes de vie des populations, même si je sais que, par exemple, les Polynésiens portent, de longue date, un regard particulier sur les homosexuels…
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Je voudrais relever que certains de nos collègues ont employé un vocabulaire désuet !
La République française ne compte plus de territoires d’outre-mer, mais des départements et des collectivités d’outre-mer. Quant au mot « métropole », ayez l’obligeance, mes chers collègues, de le rayer de votre vocabulaire concernant les départements et les collectivités d’outre-mer : la métropole se définit par rapport à des colonies, or il n’en existe plus depuis 1946 ! Je vous invite donc à employer les termes appropriés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 23.
(L’article 23 est adopté.)
M. le président. Nous en avons terminé avec l’examen des articles proprement dits du projet de loi.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance d’un quart d’heure.
M. le président. Je vous accorde dix minutes. (Rires.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 23 (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
7
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 11 avril 2013, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.
Acte est donné de cette communication.
8
ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE POUR L’EXAMEN D’UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 avril 2013.
9
Article 23 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
OUVERTURE DU MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er, précédemment réservés.
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Longuet et Laufoaulu, Mme Lamure, MM. Lecerf, Cointat, de Legge, del Picchia, Delattre et du Luart, Mme Duchêne, MM. Charon, Cambon, Bizet, Doligé et Fleming, Mme Giudicelli et MM. Magras, Paul, Pillet, Vial et de Montgolfier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 433-21 du code pénal est abrogé.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Avant de présenter cet amendement, je ne peux résister au plaisir de me réjouir de la décision du Conseil constitutionnel sur la taxe énergétique. Le Conseil a en effet validé les arguments qui avaient motivé la saisine du groupe UMP, en censurant les dispositions que nous jugions contraires au principe d’égalité devant la loi.
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On devrait nous écouter un peu plus !
M. Hugues Portelli. L’amendement n° 76 rectifié bis vise à abroger une disposition très ancienne, qui remonte au décret du 20-25 septembre 1792 créant l’état civil. Nous étions alors dans une période complexe s’agissant des relations entre l’Église catholique et l’État français.
Ainsi, tout ministre d’un culte qui procède « de manière habituelle » aux cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l’acte de mariage civil est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois et d’une amende.
Aujourd’hui, cette disposition n’a plus guère de signification : d’une part, elle n’est pas connue ; d’autre part, elle n’est pas respectée. Les ministres du culte de certaines religions célèbrent des mariages religieux sans se demander à quel jour et à quelle heure a eu lieu le mariage civil. Par conséquent, de notre point de vue, cette disposition a un caractère purement discriminatoire, dans la mesure où elle ne concerne pas toutes les religions. En outre, il est très difficile de vérifier qu’elle est bien respectée, parce qu’il faudrait s’en assurer mariage par mariage. Enfin, le texte comporte une ambiguïté, du fait de la présence de l’expression « de manière habituelle ». Cela signifie que, pour qu’un ministre du culte soit sanctionné, il faudrait qu’il contrevienne à la loi de manière systématique.
À notre sens, cette disposition est surannée et obsolète ; en pratique, elle n’est même plus en vigueur. Nous demandons donc qu’elle soit abrogée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a émis un avis défavorable.
Depuis la Révolution, c’est le mariage civil et non le mariage religieux qui produit des effets civils dans notre pays, contrairement à ce qui se passe dans certains pays d’Europe du Nord, par exemple. Si nous votions cet amendement, les ministres du culte pourraient tenir des registres d’état civil. Il arrive parfois, dans certaines communes – le cas s’est d’ailleurs présenté dans la mienne –, que le mariage religieux soit célébré avant le mariage civil, mais ce mariage religieux ne produit aucun effet de droit. Je pense qu’il faut nous en tenir à la législation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.
Dans notre société laïque, un acte religieux ne peut produire des effets de droit, tant entre les époux qu’à l’égard des tiers.
Il n’est absolument pas opportun, à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, d’en ouvrir un autre sur la laïcité de nos institutions et sur la séparation des Églises et de l’État.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. L’amendement de M. Portelli ne vise pas à substituer le mariage religieux au mariage civil. Ce dernier garde tous ses effets civils, tandis que le premier n’en a aucun. Les deux sont complètement indépendants.
Je ne vois pas pourquoi il faudrait maintenir des dispositions pénales qui ne sont plus applicables ni appliquées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Pour avoir participé d’un bout à l’autre à la réforme du code pénal, je peux vous dire que, après nous être fortement interrogés, nous avions supprimé cette incrimination. Toutefois, le Gouvernement nous avait mis en garde sur les risques de conclusions de mariages polygames qu’entraînerait cette suppression. Il avait donc été décidé de la conserver.
Je rappelle que le maire, lorsqu’il procède à un mariage, délivre un certificat. Le prêtre, le rabbin ou le pasteur font donc attention, car ils connaissent le dispositif. Par ailleurs, je souligne que le texte du code pénal fait référence au caractère habituel, c’est-à-dire que le ministre du culte ne tombe pas sous le coup de la loi s’il agit de manière exceptionnelle ou occasionnelle.
Mes chers collègues, c’est une survivance d’une l’époque où il fallait imposer le mariage civil en mettant une forte pression sur ceux qui n’admettaient pas cette forme de cérémonie, devenue républicaine au bout de deux siècles…
Je voterai donc l’amendement de notre collègue Portelli.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Les considérations religieuses n’ont pas leur place ici, dans un texte sur le mariage civil entre couples de personnes même sexe ; elles relèvent de l’intime de chacun, et l’État n’a pas à s’en mêler.
L’amendement défendu par M. Portelli semble rationnel. Toutefois, la loi doit d’abord protéger la société. À cet égard, je me rappelle que Mme Jouanno, lors de la discussion générale, avait évoqué la polygamie comme une atteinte à la dignité.
Nous voyons bien quel serait le risque de l’abandon de cette disposition du code pénal, qui protège, qui rend la société meilleure, en adéquation avec ses valeurs. Par conséquent, malgré l’absolue rationalité de cet amendement, son adoption serait de nature à retirer une protection contre cette indignité qu’est la polygamie.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Les arguments développés par notre collègue Leconte m’interpellent.
Comme j’ai pour habitude de suivre Hugues Portelli, j’ai cosigné son amendement en toute bonne foi. Or, vous le savez, mes chers collègues, je suis Lorrain, et il se trouve que nous ne sommes plus tout à fait dans le cadre du concordat de 1801, lorsqu’il y avait trois religions reconnues en Alsace-Moselle. Certes, elles existent toujours, et je leur souhaite longue vie et prospérité, mais elles ne sont plus les seules.
M. Hugues Portelli. Il y a une confusion !
M. Gérard Longuet. Des religions nouvelles sont apparues, qui acceptent la polygamie. Nous risquons d’avoir des mariages n’ayant aucun effet civil – M. le rapporteur a eu raison de le rappeler – et qui ressembleront plus à des fêtes communautaires.
Je suis donc très gêné, monsieur Portelli, et j’attends un éclaircissement de votre part.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je crois qu’il y a une confusion. Au départ, j’avais déposé deux amendements.
L’amendement n° 77 rectifié bis visait à faire produire au mariage religieux les mêmes effets que le mariage civil. De manière provocatrice, je me disais que, à partir du moment où l’on fait tout ce que l’on veut, pourquoi ne donnerait-on pas des effets civils au mariage religieux ? Comme nous sommes dans une phase d’apaisement, j’ai décidé de le retirer avant la séance.
Présentement, je ne défends que l’amendement n° 76 rectifié bis. Celui-ci tend à abroger l’article 433-21 du code pénal, qui reprend une disposition remontant au 20 septembre 1792.
M. Gérard Longuet. Le jour de Valmy !
M. Hugues Portelli. C’est aussi la veille de la proclamation de la République.
À l’époque, il a été décidé de regrouper l’état civil en récupérant tous les registres tenus pas les curés des paroisses pour les confier aux maires des communes. Cependant, cela ne s’est pas fait sans une certaine résistance. Je vous rappelle que la constitution civile du clergé avait provoqué un schisme au sein de l’Église catholique : certains prêtres, ceux qui avaient accepté ce régime et prêté serment, ont remis leurs registres ; d’autres, refusant ce statut, sont entrés en dissidence. C’est à ces derniers que s’adressait le texte : si vous continuez à marier religieusement, de manière habituelle, je le souligne, sans mariage civil préalable, vous serez punis d’une peine d’emprisonnement et d’une amende.
Le temps a passé ; nous sommes en 2013, et la société n’est plus la même. Je peux vous dire qu’il n’y a plus beaucoup de prêtres catholiques qui s’amusent à enfreindre la loi de manière habituelle et volontaire. Le mariage civil est donc bien le seul à avoir des effets. Si un ministre du culte, quelle que soit sa religion, célèbre un mariage religieux sans mariage civil, celui-ci n’a aucun effet en droit civil.
Cet amendement vise simplement à abroger cette disposition pénale légèrement désuète. Il ne change rien au droit, c’est-à-dire que le mariage civil reste obligatoire et est le seul à avoir des effets civils. Simplement, cette peine n’avait plus grand sens, plus de deux siècles après son instauration.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. M. le rapporteur a eu raison de nous rappeler que le mariage religieux ne pouvait être générateur de droits. Reste que nous sommes dans une République laïque. En vertu de la séparation des Églises et de l’État, ce qui se passe dans les sacristies ou dans les temples ne regarde donc pas la République. En outre, je ne vois pas en quoi l’adoption de cet amendement porterait atteinte à la République. À mon sens, il s’agit plutôt d’une précision qu’il était temps d’apporter.
M. Leconte pense que voter cet amendement serait très embêtant, parce que la mesure qu’il vise à supprimer permet de lutter contre la polygamie. Mais depuis quand devons-nous demander aux religions de lutter contre la polygamie ? La polygamie est condamnée par nos lois !
De mon point de vue, l’amendement défendu par notre collègue Portelli a toute sa raison d’être. Son adoption permettrait tout simplement de mettre à jour le droit avec la pratique.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Le projet de loi que nous sommes en train d’examiner est, comme beaucoup l’ont dit, un texte clivant. Cet amendement, qui débarque brusquement, est également clivant, c’est le moins que l’on puisse dire.
Nous sommes parfois un certain nombre à regretter l’absence d’une étude d’impact lorsque nous délibérons. En l’occurrence, adopter cet amendement sans un tel document nous ferait courir le grand risque d’ouvrir un front sans raison.
Pour ma part, je suis totalement opposé à ce que l’on modifie le droit en vigueur : le mariage religieux ne peut pas produire les mêmes effets que le mariage civil – je me réfère à l’amendement n° 77 rectifié bis, qui a effectivement été retiré – et si un mariage religieux est célébré sans mariage civil préalable, il faut qu’il y ait une sanction.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Yves Détraigne. Je suis donc totalement contre l’amendement qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Personnellement, je n’avais pas cosigné l’amendement n° 77 rectifié bis, qui nous aurait entraînés un peu trop loin, mais Hugues Portelli vient de reconnaître qu’il était volontairement provocateur.
S’agissant de l’amendement n° 76 rectifié bis, soyons logiques : dès lors qu’il y a séparation des Églises et de l’État, que nous sommes dans une République laïque, un régime de liberté, il ne me paraît pas choquant qu’un ministre du culte puisse, sans encourir de sanctions, célébrer un mariage religieux dès lors que celui-ci n’emporte aucun effet civil. Après tout, c’est le choix des futurs époux !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. La loi concernant la séparation des Églises et de l’État a été votée voilà plus d’un siècle. Certes, notre société évolue, mais nul ne peut ignorer les risques liés à la polygamie. Nous venons d’ailleurs d’évoquer le cas d’un département français, Mayotte, où la polygamie est encore une réalité.
Je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 76 rectifié bis ni de l’amendement n° 77 rectifié bis, et, à titre personnel, j’y suis opposé. Il est en effet inutile de ranimer de vieilles querelles, d’autant que nous connaissons tous les risques de débordements.
J’irai même plus loin. N’étant pas juriste, j’ignorais l’existence de cet article du code pénal, sinon j’aurais déposé un amendement pour supprimer les mots « de manière habituelle ». Peut-être M. le rapporteur ou M. le président de la commission des lois ont-ils autorité pour le faire…
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Avant que nous ne passions au vote, je souhaiterais savoir si des condamnations ont été prononcées sur le fondement de ces dispositions pénales. Le Gouvernement peut-il nous éclairer ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une, en 2008 !
M. Albéric de Montgolfier. Une seule ? Cette disposition est donc tombée en désuétude !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je comprends votre raisonnement, monsieur Portelli. C’est vrai, monsieur de Montgolfier, que très peu de sanctions ont été prononcées sur le fondement de cette disposition. Mais écoutez les arguments de M. Sido ou de M. Détraigne.
Aujourd’hui, dans notre pays, un certain nombre de religions – évangéliste, musulmane et d’autres – prétendent enfoncer la porte de la laïcité. Si nous supprimions cette sanction, qui n’est pas appliquée – soyons discrets ! –, nous leur donnerions un signe d’encouragement. Au bout d’un certain temps, les personnes qui n’auront contracté qu’un mariage religieux revendiqueront le fait que celui-ci produise les mêmes effets que le mariage civil. J’ai peut-être tort, mais c’est ce que je crains. Il n’est donc pas opportun de supprimer cette sanction, qui joue un rôle de verrou et peut dissuader les ministres des cultes de célébrer des mariages religieux en l’absence de mariage civil préalable.
Je sais bien que certaines personnes se marient culturellement, socialement, familialement… J’ai moi-même assisté à des cérémonies de ce type. Celles-ci pourront bien sûr continuer à être célébrées, mais sans l’intervention d’un ministre du culte. Nombre de nos compatriotes de religion catholique font en effet une grande fête pendant leurs vacances, au Maroc ou ailleurs, et se marient à la mairie à leur retour. On peut considérer qu’ils sont mariés socialement ou familialement, mais pas religieusement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Abroger ce délit reviendrait à considérer que le mariage civil, dès lors qu’il est ouvert à tous, est dévalué et qu’il n’est plus aussi grave de procéder à des mariages religieux sans mariage civil préalable. Certes, la rareté des condamnations prononcées a été soulignée puisque la dernière remonte à 2008. Mais on peut aussi estimer que cette situation témoigne de l’efficacité de la loi telle qu’elle existe.
Il demeure que le maintien de cette incrimination est indispensable pour trois raisons : premièrement, pour affirmer le caractère laïque de la République ; deuxièmement, pour éviter que des personnes ne se marient que religieusement, sans prendre conscience que ce mariage n’aurait aucune valeur ni conséquences juridiques dans leur vie quotidienne ; troisièmement, pour interdire des mariages religieux polygames concernant une personne déjà engagée dans les liens du mariage.
Cette sanction n’est nullement contraire à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui précise : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Il est parfaitement évident qu’une législation nationale peut interdire la célébration du mariage religieux sans mariage civil préalable et assortir le non-respect de cette interdiction de sanctions pénales.
M. Gérard Longuet. Non !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 236 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En tant qu’institution stabilisatrice de la famille et de la société, le mariage relève du champ social de la politique.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Cet amendement vise, après la discussion de la motion référendaire défendue par Bruno Retailleau, à ouvrir le débat et à indiquer que le mariage relève bien du champ social de la politique.
Le projet de loi touche à la famille, cellule de base de la société, nous en conviendrons tous. Le mariage relève du champ social, en ce sens qu’il est le cadre protecteur des familles créées par les couples qui se marient. Il me semble donc extrêmement important de rappeler dans la loi une évidence qui, apparemment, échappe au Gouvernement.
Le mariage relève du champ social de la politique, car il est l’institution stabilisatrice de la famille et de la société. Je m’appuie sur les propos de Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université de Lyon, selon lequel il se peut fort bien qu’un sujet puisse à la fois être relatif à la politique sociale de la nation et considéré comme un sujet dit de « société ». Le mariage des personnes de même sexe, mais aussi le travail du dimanche, ou encore la législation relative aux droits sociaux accordés aux étrangers ont à la fois une dimension « sociale » et « sociétale », pour ce que l’on peut savoir du sens donné à une expression qui, en réalité, n’a jamais que celui que l’on veut bien lui donner et que l’on est capable d’imposer. Votre présence, madame la ministre, en qualité de ministre de la famille, est une bonne preuve de cette évidence qu’il suffit de rappeler.
Pourquoi la famille n’appartiendrait-elle pas au champ social ? La politique sociale ne serait-elle liée qu’aux droits sociaux ? Mais si le social renvoie à la société, la famille, et donc le mariage, font bien partie de la « société ». Aussi me semble-t-il primordial de rappeler l’importance du caractère social du mariage, afin que le projet de loi, qui touche si profondément à cette institution, sache définir le sujet dont il traite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Darniche revient sur une question qui a été évoquée lors de la discussion de la motion référendaire. Si nous reconnaissions que le mariage relève de la politique sociale, l’organisation d’un référendum serait bien entendu justifiée. Nous nous sommes déjà très longuement expliqués sur le sujet, et il n’est pas nécessaire d’y revenir. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet amendement n’a pas sa place dans le projet de loi. Nous voyons bien quel est l’objectif visé par ses auteurs : rouvrir le débat sur le référendum. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 273 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, G. Larcher, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 34 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’utilisation des termes père et mère est obligatoire, aucun autre terme ne peut leur être substitué. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. La discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels vient à contretemps, en raison de la décision prise mardi de réserver leur examen après le vote de l’ensemble des articles.
Cet amendement aurait dû venir en discussion ce matin, lors du débat sur l’emploi des mots « parent », « père » et « mère ». Il n’est pas nécessaire d’en dire plus, mais nous tenons à signifier notre attachement à cette terminologie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable, car cet amendement est contraire à l’esprit même du projet de loi, en particulier des articles de coordination que nous avons adoptés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 109 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Savary.
L’amendement n° 151 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 168 rectifié bis est présenté par Mmes Procaccia et Giudicelli, M. Dulait et Mme Deroche.
L’amendement n° 191 est présenté par M. Gournac.
L’amendement n° 196 est présenté par MM. Revet et Darniche.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 165 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si dans une commune aucun officier de l’état civil n’accepte de célébrer un mariage, après en avoir été informé au plus tard vingt-quatre heures après la publication des bans, le procureur de la République autorise la célébration dans toute autre commune où un officier de l’état civil accepte de remplir cette fonction. » ;
2° L’article 74 est complété par les mots : « , ou dans toute autre commune en application du second alinéa de l’article 165 ».
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 109 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. Je défendrai en même temps les amendements nos 268 rectifié et 108 rectifié bis, qui ont le même objet, à savoir la liberté de conscience.
Permettez-moi de relire l’engagement pris par François Hollande, au sujet de ce projet de loi, lors du salon des maires : « Je connais les débats qu’il suscite, ils sont légitimes dans une société comme la nôtre. Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais je le dis aussi, vous entendant : des possibilités de délégation existent. Elles peuvent être élargies, et il y a toujours la liberté de conscience. »
Cette liberté de conscience est un principe fondamental que le Conseil constitutionnel a reconnu dans plusieurs décisions, notamment en 2001. Alors qu’une majorité de maires désapprouvent le projet de loi, nous le savons tous, pour avoir lu les sondages, nous défendons l’idée que la loi doit organiser elle-même les procédures à mettre en œuvre afin que la liberté de conscience des maires soit respectée. En effet, le Président Hollande le leur avait signifié, assuré et confirmé !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié bis.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. Retailleau. Il est donc défendu.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié bis.
Mme Catherine Deroche. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 191 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 196.
M. Charles Revet. Il me semble utile de prendre des dispositions pour assurer le respect de la liberté de conscience des élus. Le Président de la République a dit qu’il entendait le garantir, même si, semble-t-il, il est revenu sur son engagement. Malgré tout, il s’est exprimé devant des milliers de maires, et il a été entendu !
Dans une commune, il peut se trouver que personne ne souhaite célébrer un mariage entre personnes de même sexe. Si aucune délégation n’est accordée, donner la possibilité au procureur d’autoriser la célébration de ce mariage dans une autre commune permettrait, finalement, d’aller dans le sens de l’application de la loi.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge et Cléach, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 165 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un officier de l’état civil n’est jamais tenu de célébrer un mariage. Si aucun officier de l’état civil n’accepte de célébrer un mariage dans une commune, le maire use de son pouvoir de délégation et désigne, en tant qu’officier de l’état civil ad hoc, un agent public relevant de son pouvoir hiérarchique, sous réserve d’acceptation de ce dernier. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion commune ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour plusieurs raisons.
Les auteurs de ces amendements envisagent le cas où un maire refuserait de célébrer un mariage. Or nous avons déjà vu dans le cours des débats qu’un certain nombre de possibilités s’offraient pour que le mariage puisse être célébré. Par exemple, la liste des lieux où l’on peut se marier a été étendue.
Par ailleurs, nous avons adopté un amendement de M. Gélard tendant à rappeler que l’officier de l’état civil est non pas sous la surveillance, mais sous le contrôle du procureur de la République. Si jamais des personnes souhaitent se marier dans une commune dont le maire refuse de célébrer le mariage, elles peuvent saisir le procureur.
Dans le cadre du dispositif qui nous est proposé, le maire qui refusera d’assumer ses devoirs d’officier de l’état civil se placera lui-même sous une sorte de tutelle du procureur de la République, ce qui ne me paraît pas très correct à l’égard des maires.
M. Charles Revet. Ce n’est pas exactement cela !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mais si ! Si le maire n’est pas d’accord, il devra demander au procureur de désigner quelqu’un d’autre. Si le procureur refuse et déclare qu’il doit célébrer le mariage, que se passera-t-il ?
Si ces amendements étaient adoptés, nous irions au-devant de très graves difficultés. Avec les dispositions que nous avons adoptées, le projet de loi contient déjà toute une série de possibilités pour ne pas heurter la conscience de certains maires, ce que nous souhaitons tous. Mes chers collègues, restons-en là !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le projet de loi ne saurait contenir en parallèle un texte qui permettrait aux officiers de l’état civil de refuser d’appliquer la loi à certains couples. Une telle réserve discriminatoire serait totalement incohérente avec l’esprit et l’objet mêmes du texte en discussion.
En outre, les dispositions de l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales permettent au préfet, en cas de refus du maire, en tant qu’agent de l’État, de faire un acte prescrit par la loi, de le requérir afin d’y procéder. Il serait donc inutile et source de confusion d’envisager un pouvoir de substitution parallèle du procureur de la République.
Enfin, pour avoir été maire, je sais qu’il est possible de donner des délégations aux conseillers municipaux.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 rectifié bis, 151 rectifié bis, 168 rectifié bis et 196.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 268 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Un officier de l’état civil peut refuser, pour des motifs personnels, de célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe.
« Il doit cependant informer, sans délai, les intéressés de son refus et leur communiquer le nom des officiers de l’état civil de la commune ou en cas d’impossibilité manifeste, de communes voisines, susceptibles de célébrer ledit mariage. »
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Cet amendement est de même nature que ceux qui viennent d’être examinés à l’instant.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 108 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Savary.
L’amendement n° 150 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 190 est présenté par M. Gournac.
L’amendement n° 195 est présenté par MM. Revet et Darniche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un officier de l’état civil peut refuser de célébrer un mariage. Il doit cependant en informer sans délai les intéressés et leur communiquer le nom des officiers de l’état civil de la commune susceptibles de célébrer ledit mariage. »
L’amendement n° 108 rectifié bis a déjà été défendu.
La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié.
M. Bruno Sido. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 190 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 195.
M. Charles Revet. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Dufaut et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire et les adjoints peuvent refuser de célébrer un mariage entre personnes de même sexe si leur conscience s’y oppose. Dans ce cas, le maire délègue, en application du premier alinéa de l’article L. 2122-18, la célébration de ce mariage à un membre du conseil municipal qui accepte de remplir cette fonction. »
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo, Détraigne, Deneux, Roche, Marseille, Maurey et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut déléguer par arrêté à des conseillers municipaux la célébration de mariages, sous sa surveillance et sa responsabilité, sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Par cet amendement, légèrement différent des précédents, le maire et ses adjoints seraient, comme aujourd’hui, officiers de l’état civil, mais il serait possible de déléguer par arrêté à un simple conseiller municipal la fonction d’officier de l’état civil pour célébrer un mariage. Cette proposition très simple répond plus ou moins à une demande de l’Association des maires de France.
Cette mesure ne signifie pas que tous les membres du conseil municipal deviendront officiers de l’état civil, mais elle permettrait de régler bien des problèmes. Ainsi, il n’y aura pas besoin d’autorisation particulière ni de l’intervention du procureur de la République.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans une commune, seuls le maire et ses adjoints ont la qualité d’officier de l’état civil. Ils ne sont pas trente-six ! En cas d’empêchement, ce sont les adjoints qui interviennent dans l’ordre du tableau. Rappelez-vous de la célèbre affaire dite des mariages de Montrouge, dont tous les anciens étudiants en droit se souviennent, sur la validité desquels on s’est interrogé.
Madame la ministre, j’ai entendu des choses bizarres de votre part.
En matière d’état civil, de quel droit le préfet pourrait-il requérir un maire ? Je suis désolé de vous le dire, mais cette compétence relève du procureur de la République. Quand vous avancez des arguments, soyez au moins exacte ! Le préfet n’a heureusement rien à voir avec l’état civil, il ne manquerait plus que ça ! D’ailleurs, M. le rapporteur l’a très bien dit, les officiers de l’état civil sont sous le contrôle du procureur de la République.
Je rappelle que dans le cas de mariages douteux, c’est non pas le préfet, mais le procureur de la République qui oblige les maires à célébrer la cérémonie.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut déléguer par arrêté à des conseillers municipaux, à leur demande, la célébration de mariages, sous sa surveillance et sa responsabilité, sans qu’il soit besoin de justifier de l’absence ou de l’empêchement du maire et des adjoints. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement comporte une seule différence avec l’amendement présenté par M. Détraigne : nous avons ajouté que la délégation intervient à la demande des conseillers municipaux. Cette précision me paraît nécessaire.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié bis, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par exception, le maire peut déléguer à un conseiller municipal qui le lui demande, la célébration d’un mariage, même dans le cas où lui-même ou ses adjoints pourraient procéder à la célébration. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Parmi tous ces amendements, les trois derniers sont de nature différente. D’ailleurs, je remarque que les premiers n’ont pas vraiment été défendus. L’idée était que le maire opposé à la célébration d’un mariage pouvait informer les intéressés de son refus et les inviter à se rendre dans une autre mairie.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 230 rectifié et 229 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
Les trois derniers amendements visent à inscrire dans la loi ce qui existe déjà dans les faits, c’est-à-dire qu’un maire peut déléguer à un conseiller municipal la célébration d’un mariage. Nos collègues qui sont également maires le savent, les mariages sont célébrés par le maire. Dans les faits, l’officier de l’état civil téléphone au maire quinze jours avant pour lui demander : « Madame Bruguière, serez-vous disponible samedi pour faire les mariages ? » (Sourires.) En cas d’indisponibilité, on fait appel aux adjoints, dans l’ordre du tableau. C’est vrai que la procédure n’est pas scrupuleusement respectée dans toutes les communes. On ne prend pas toujours des arrêtés.
Il peut arriver qu’un conseiller municipal, qui n’a pas le droit de célébrer les mariages, demande au maire de le laisser marier sa fille, voire sa première épouse qui se remarie.
M. Charles Revet. Pourquoi pas !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela m’est arrivé. (Sourires.)
Le bureau de l’état civil prend alors un arrêté aux termes duquel le maire, empêché, délègue au conseiller municipal en question. Or ces amendements visent à inscrire ce genre de pratique dans la loi, ce qui n’a pas grand intérêt.
M. Lecerf, qui ne peut pas être présent cet après-midi, m’a demandé non pas de défendre son amendement, mais d’expliquer son intention. Il a d’ailleurs rectifié son amendement initial afin de préciser que la délégation accordée par le maire à un conseiller municipal intervient à la demande de ce dernier.
M. Patrice Gélard. C’est aussi ce que je propose !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Soyons francs, je crois que les choses doivent être dites, y compris pour la compréhension de l’Assemblée nationale lorsque le texte lui reviendra. Garder la formulation de M. Gélard, qui se ralliera peut-être à la rédaction de M. Lecerf, c’est sous-entendre que le maire qui n’est pas d’accord pour célébrer le mariage peut donner une délégation à un conseiller municipal.
M. François Rebsamen. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En revanche, la rectification de M. Lecerf, précisant que la délégation intervient à la demande d’un conseiller municipal, change les choses. Elle permet d’écarter l’idée selon laquelle certains maires ne voudraient pas, pour des raisons qui leur appartiennent, célébrer des mariages.
Même si le rapporteur, à titre personnel, était défavorable à l’amendement n° 82 rectifié bis, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 82 rectifié bis n’a pas été soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion commune ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 230 rectifié et 229 rectifié ainsi qu’aux amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
J’en viens à la possibilité de déléguer, sans justification, aux conseillers municipaux les célébrations de mariage.
La législation en vigueur n’autorise le maire à déléguer à un conseiller municipal la célébration d’un mariage qu’en cas d’absence ou d’empêchement du maire et des adjoints. Il est proposé ici d’admettre davantage de souplesse dans la loi et de l’aligner ainsi sur une interprétation assez extensive de la notion d’empêchement, qui semble déjà prévaloir dans les faits.
Permettez-moi tout de même de m’étonner qu’il faille précisément attendre le débat sur le mariage des personnes de même sexe pour que le législateur se saisisse de cette question qui se pose en pratique depuis longtemps.
M. Bruno Sido. C’était l’occasion !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Est-ce la discussion que nous venons d’avoir sur la liberté de conscience ou la clause de conscience qui la rend subitement si urgente ?
Vous comprendrez que, en la matière, le Gouvernement puisse être réticent devant ce type de proposition, malgré les arguments objectifs développés en sa faveur. Il émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 135 rectifié et 20 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Mme la ministre vient de s’étonner que cette proposition vienne soudainement. C’est tout simplement parce que, comme on le dit souvent ici, nous avons un véhicule législatif pour inscrire cette mesure, qui aurait de plus le mérite de mettre fin à une certaine hypocrisie.
Nous sommes en effet un certain nombre de maires à avoir accordé des délégations à des conseillers municipaux, y compris de notre opposition – peu importe alors la sensibilité politique –, parce que ceux-ci avaient l’occasion de marier leur frère, leur sœur, leur fils ou leur fille. Nous le faisons d’ailleurs bien volontiers.
Adopter ce dispositif clarifierait les choses et représenterait vraiment un progrès. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. J’ai du mal à comprendre l’interprétation de M. le rapporteur. En effet, mon amendement est beaucoup plus complet que celui de M. Lecerf. J’ai pris toute une série de précautions : d’abord, c’est une délégation par arrêté du maire ; ensuite, c’est à la demande du conseiller municipal, sous la surveillance et la responsabilité du maire.
Ces précautions sécurisent le dispositif que je propose. C’est la raison pour laquelle je préférerais que ce soit lui qui se rallie à ma rédaction.
M. le président. Je rappelle une nouvelle fois que l’amendement n° 82 rectifié bis n’a pas été soutenu.
Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 150 rectifié et 195.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 229 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 135 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er bis D, précédemment réservés.
Articles additionnels après l’article 1er bis C (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 171-2, les articles 171-3, 171-4, le deuxième alinéa de l’article 171-5, l’article 171-6 et les deux premiers alinéas de l’article 171-7 du code civil sont abrogés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet de supprimer des dispositions relatives au certificat de capacité à mariage à l’étranger, instauré par la loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006.
L’évaluation qui peut être faite, six ans après l’entrée en vigueur de cette loi, révèle que celle-ci n’a pas produit les effets escomptés. En effet, alors qu’elle aurait dû permettre une transcription plus aisée des mariages célébrés à l’étranger, nous pouvons constater que, en réalité, ces demandes de certificat de capacité à mariage représentent une formalité supplémentaire et une charge pour les consulats.
Malgré la production, après la célébration du mariage, de ces certificats, nous constatons que, dans un certain nombre de consulats à l’étranger, les transcriptions prennent parfois plusieurs années. Ainsi, à Bamako, où je me suis rendu en janvier, j’ai pu constater qu’une liste entière de mariages célébrés en 2010 et 2011 n’étaient toujours pas transcrits en droit français, alors même que les époux concernés avaient obtenu auparavant un certificat de capacité à mariage.
Cette situation porte atteinte au droit à la vie familiale. Je propose par conséquent que nous supprimions, dans le cadre de ce projet de loi, cette disposition qui n’apporte rien à la sécurité de la reconnaissance du mariage et qui empêche les époux de vivre ensemble, dès lors qu’ils souhaitent revenir en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a bien compris l’intention de M. Leconte, qui connaît bien le sujet. Nous savons que certaines difficultés se posent s’agissant du certificat de capacité à mariage. Reste que ces difficultés sont plus d’ordre administratif que juridique. Je ne suis donc pas certain, à titre personnel, que cette disposition soit de nature législative. Il me semble d’ailleurs que notre collègue avait déjà interrogé Mme la garde des sceaux sur cette question lors de son audition par notre commission des lois.
M. Leconte souhaitant appeler l’attention du Gouvernement sur ce problème, j’espère que Mme la ministre répondra à sa demande concernant la suppression des formalités préalables relatives aux mariages de Français à l’étranger.
Sur cet amendement, la commission des lois s’en remet donc à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Votre amendement, monsieur Leconte, qui a pour objet d’abroger l’ensemble des formalités préalables aux mariages célébrés à l’étranger par une autorité étrangère, ne concerne pas le mariage entre personnes de même sexe. À ce titre, il est hors du champ du projet de loi.
La suppression des formalités préalables aux mariages célébrés à l’étranger pourrait faire l’objet d’une réflexion plus générale. Pour cette raison, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je souhaite également vous apporter des précisions concernant l’amendement n° 78, qui viendra ensuite en discussion : les visas de court séjour susceptibles d’être délivrés afin que la personne concernée puisse venir se marier en France sont aujourd’hui régis par le règlement n° 810-2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas.
Or l’article 32, paragraphe 2, du code communautaire des visas, impose déjà de motiver tous les refus de visas de court séjour. Par ailleurs, l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, visé par l’amendement, liste quant à lui les catégories d’étrangers pour lesquels le refus de visa doit être motivé et ne concerne en rien les conditions de fond de délivrance du visa, mais il n’a vocation à s’appliquer qu’aux visas de long séjour.
Cet amendement est donc inutile, car l’obligation de motivation qu’il prévoit existe déjà à l’article 32 du code communautaire des visas. Je vous demande donc, pour des motifs différents, de le retirer également. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 79 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. J’avais évidemment conscience que l’objet de cet amendement se situait hors du périmètre du projet de loi. Cependant, compte tenu de l’atteinte portée au droit à la vie familiale, j’espère que nous trouverons très rapidement une solution à cette question, qui est bien de nature législative. Je compte sur le Gouvernement !
En attendant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 79 est retiré.
L’amendement n° 78, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Futur époux d’un ressortissant Français ayant sollicité un visa court séjour pour mariage dès lors qu’il est en possession du certificat de publication des bans et de non-opposition. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Sur cet amendement, j’ai pris bonne note de vos explications par anticipation, madame la ministre.
Nous avons permis aux couples de personnes de même sexe, dont l’un au moins à la nationalité française, de venir se marier en France si le pays dans lequel ils résident n’autorise pas ce type de célébration. Or, dans ces cas-là, la délivrance d’un visa peut être nécessaire.
Je suis prêt à retirer mon amendement si le Gouvernement s’engage à prendre une circulaire très précise permettant de s’assurer que ces couples ne seront pas empêchés de se marier pour un simple problème de visa. Le droit de vivre en couple, le droit à l’amour, ne peut être entravé par des problèmes de frontières. (M. André Gattolin applaudit.)
Je compte sur vous, mesdames les ministres, pour qu’aucun de nos consulats ne bloque cette union pour des raisons administratives. (Mme la garde des sceaux opine.) Dès lors que vous vous y engagez, j’accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 78 est retiré.
Articles additionnels après l’article 1er bis D (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
M. le président. L’amendement n° 265 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et G. Larcher, Mme Giudicelli, MM. del Picchia, Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre prioritairement auprès de son père et de sa mère biologiques.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je défendrai en même temps les amendements nos 110 rectifié, 266 rectifié et 111 rectifié, qui ont un objet commun : les droits de l’enfant.
Ces quatre amendements visent en effet à tirer les conséquences de grands textes juridiques internationaux, dont le premier, qui certes ne s’impose pas aux États, est la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant du 26 septembre 1924, et le dernier la Convention de La Haye du 29 mai 1993. Chacun connaît en outre les grands textes onusiens, notamment la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959.
Nos amendements visent à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant, en particulier son droit à être élevé dans une famille composée d’un père et d’une mère. Nous voulons également réaffirmer qu’il n’existe pas de droit à l’enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La référence aux père et mère biologiques, visée par l’amendement n° 265 rectifié, entre en contradiction avec le projet de loi.
Je l’ai dit vingt fois, le texte dont nous débattons n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant : il sécurisera notamment la situation des enfants qui existent déjà dans les couples homosexuels.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet amendement, en posant le principe que l’intérêt supérieur de l’enfant est de vivre auprès de son père et de sa mère, procède d’une interprétation erronée de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, qui reconnaît, à l’article 7, alinéa 1, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».
L’amendement énonce donc une règle générale qui ne tient pas compte des réalités. L’intérêt de l’enfant, tel que le comprennent d’ores et déjà la loi, la jurisprudence et la pratique, consiste à ne pas être séparé, autant que possible, de ceux qui sont ses parents au regard de la loi, qu’ils soient ou non ses parents biologiques.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je suis intervenu, hier, pour défendre le droit de l’enfant, plutôt que le droit à l’enfant. Réaffirmer le droit pour tout enfant d’avoir un père et une mère est pour moi un point capital.
Vous avez dû recevoir ce matin, mes chers collègues, cette lettre d’une dame âgée de soixante-seize ans expliquant combien son père, mort trop jeune, lui avait manqué. Des témoignages comme celui-là, il n’en manque pas ! Je regrette vraiment que vous ne choisissiez pas de permettre à chaque enfant, dans la mesure du possible, d’avoir un père et une mère.
Je soutiens donc cet amendement très important, et j’espère que vous serez nombreux à le voter à nos côtés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 265 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 110 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary, G. Larcher et Mayet.
L’amendement n° 152 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 159 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 197 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 222 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 15 du code civil, il est rétabli un chapitre Ier ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« De la protection de l’enfant
« Art. 15-1. – La loi garantit à l’enfant, dans les règles qu’elle crée, le droit fondamental de se voir reconnaître un père et une mère.
« L’enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses père et mère et d’être élevé par eux.
« Les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement.
« La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef au père et à la mère ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant, en assurant son éducation, sa sécurité ainsi que sa protection matérielle et morale.
« Art. 15-2. – La loi assure la protection de l’enfant, elle interdit toute atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et morale de celui-ci et garantit spécialement le respect qui est dû à sa personne et à sa pudeur.
« Art. 15-3. – Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite à la protection de l’enfant.
« Art. 15-4. – Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public.
« Art. 15-5. – L’enfant a le droit, dans les procédures l’intéressant devant une autorité judiciaire et dès lors qu’il a acquis un discernement suffisant, de recevoir toute information pertinente, d’être consulté et d’exprimer son opinion et d’être informé des conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et des conséquences éventuelles de toute décision le concernant.
« Dans les procédures intéressant un enfant ou susceptibles de l’intéresser, le juge a le pouvoir de désigner un représentant spécial pour l’enfant en cas de conflit d’intérêts entre l’enfant et ses représentants légaux.
« En l’absence de désignation judiciaire préalable, l’enfant a le droit de demander, en cas de conflit d’intérêts avec ses représentants légaux, personnellement ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, la désignation d’un représentant spécial dans les procédures l’intéressant devant une autorité judiciaire.
« L’enfant a le droit, dans toute procédure l’intéressant, de demander à être assisté par une personne appropriée de son choix afin de l’aider à exprimer son opinion.
« Art. 15-6. – Lorsque le bien-être d’un enfant est sérieusement menacé, l’autorité judiciaire a le pouvoir de se saisir d’office.
« Le cas échéant, elle a l’obligation d’agir promptement.
« En cas d’urgence, l’autorité judiciaire a le pouvoir de prendre des décisions qui sont immédiatement exécutoires. »
L’amendement n° 110 rectifié a déjà été défendu.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 152 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 159 rectifié.
M. Michel Bécot. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 197.
M. Charles Revet. On a beaucoup parlé de la situation des couples de personnes de même sexe, en faveur desquels il fallait en effet prévoir des dispositions.
Selon nous, le mariage n’est pas la formule adaptée. C’est pourquoi nous avons fait avec plusieurs collègues des propositions visant à prendre en compte les aspirations de ces personnes, sans pour autant remettre en cause les bases de notre société.
Si nous avons longuement parlé de l’adoption et d’un certain nombre de dispositions qui lui sont relatives, nous n’avons pas beaucoup évoqué le droit de l’enfant. De fait, l’enfant semble un peu à la marge de nos débats, alors qu’il devrait être au centre ! Nous devons organiser la société en ayant en perspective l’intérêt de l’enfant.
Tel est bien l’objet de cet amendement : prévoir des mesures prenant en compte le droit de l’enfant.
M. le président. L’amendement n° 222 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Revet, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 15 du code civil, il est rétabli un chapitre Ier ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« De la protection de l’enfant
« Art.15 -... - La loi garantit la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant.
« Art. 15 -...- La loi garantit à l’enfant, dans les institutions et règles qu’elle crée, le droit fondamental de se voir reconnaître un père et une mère. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 80 rectifié quater, présenté par MM. de Legge, Hyest et Portelli, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil est complété par un article 315 -... ainsi rédigé :
« Art. 315 -... - Tout enfant a droit de connaître ses origines, dans la mesure du possible. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le rapporteur, s’il est un sujet sur lequel nous sommes souvent tombés d’accord lors des auditions, c’est bien celui de l’accès aux origines. Ainsi, le 5 février dernier, vous avez déclaré en commission : « Je suis très favorable à l’accès aux origines qui nous différencie des autres espèces animales. » Je partage sans réserve cette appréciation que vous avez formulée à plusieurs reprises lors des auditions.
Cet amendement vise justement à permettre aux enfants de connaître leurs origines, dans la mesure du possible. Ce faisant, nous sommes tout à fait en conformité avec les conventions internationales. La filiation sociale ne suffit pas, il faut aussi reconnaître la filiation biologique. Un enfant a besoin de repères pour acquérir une identité ou tout simplement pour répondre au médecin qui lui demandera s’il a des antécédents familiaux.
Ce dispositif va dans le sens de l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi il mérite d’être adopté.
M. le président. L’amendement n° 227 rectifié bis, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil est complété par un article 315 -… ainsi rédigé :
« Art. 315 -... – Tout enfant a le droit de connaître ses origines. »
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Je partage l’opinion de mon collègue Dominique de Legge sur le droit de l’enfant à connaître ses origines. C’est un sujet essentiel sur lequel un certain nombre de personnes qualifiées, pédopsychiatres ou philosophes notamment, nous ont fait part de leurs analyses.
Sylviane Agacinski, qui a souvent été citée, parle de fiction d’une conception désexualisée, où l’on occulte l’origine des géniteurs et où l’on empêche les enfants d’accéder à leurs origines. Elle s’est insurgée au nom des enfants à naître « qui ne sont pas représentés politiquement mais dont nous devons défendre les droits en commençant par ne pas les mettre dans des situations particulièrement complexes ».
En audition, M. Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre et psychanalyste, professeur à l’université Paris-Diderot, s’est ainsi exprimé : « Le problème dans ce texte n’est pas le mariage, c’est qu’il s’attaque à la filiation organisée par la naissance en la faisant reposer sur un acte de volonté.
« [...] Remettre en cause la notion de père et mère affectera tous les enfants et emportera une véritable déqualification parentale. [...] Cela discrimine également les enfants adoptés entre eux : quand ils auront un père et une mère, ils auront les moyens de reconstruire quelque chose ; avec deux pères ou deux mères, ils n’auront qu’un seul type d’identification. L’État aura décidé qu’on peut les priver de père ou de mère. »
Pour ma part, comme tous nos collègues, j’observe sur le terrain les souffrances des personnes adoptées qui dépensent une énergie considérable pour retrouver leurs origines biologiques et « recoller » ainsi à leur histoire. Les obstacles que ces personnes rencontrent sont multiples et parfois notre impuissance à les aider est un crève-cœur. Et nous voudrions avec cette loi créer des situations perturbantes pour l’enfant et augmenter le nombre de personnes qui sont confrontées à ces difficultés à connaître leurs origines ?
Le problème de l’égalité d’accès aux origines est fondamental. Priver l’enfant d’un père ou d’une mère, c’est le priver d’un pan entier de son origine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements identiques ainsi que sur l’amendement n° 266 rectifié, puisqu’il y est question du père et de la mère.
Je tiens à préciser à nos collègues – je parle sous votre contrôle, monsieur Bas – que l’enfant bénéficie en France d’une protection bien supérieure à celle de tous les autres pays européens. (M. Philippe Bas acquiesce.) Cela est possible grâce à la loi réformant la protection de l’enfance que vous avez soumise au Parlement lorsque vous étiez ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille et qui a été votée avec une certaine unanimité.
M. Jean-Pierre Raffarin. Quel talent ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quant aux amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis, ils n’ont pas leur place ici. Certes, nous voulons que les enfants, qu’ils soient adoptés ou nés d’une PMA, notamment, puissent connaître leurs origines, mais cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille que présentera Mme la ministre. Le texte que nous examinons ne change rien au droit positif. Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les amendements identiques et l’amendement n° 266 rectifié visent à inscrire dans le code civil un ensemble de règles relatives aux droits de l’enfant. Il faut rappeler que ces dispositions sont pour la plupart inutiles. En effet, la Convention internationale des droits de l’enfant s’applique déjà en droit français et l’intérêt de l’enfant est déjà consacré comme la considération primordiale dans toute décision le concernant, que ce soit dans le code civil ou dans le code de l’action sociale et des familles.
De plus, certaines de ces dispositions sont redondantes, car elles figurent déjà dans le code civil ou dans le code de l’action sociale et des familles. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Les amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis portent sur l’accès aux origines. Vous avez raison, il s’agit là d’un débat important, qui concerne non pas simplement les enfants de couples homoparentaux, mais de façon beaucoup plus générale les enfants de couples hétérosexuels qui sont nés grâce à la PMA ou les enfants qui sont nés sous X.
M. Bruno Sido. Non !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !
Comme l’a dit M. le rapporteur, cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille et elle n’a pas sa raison d’être dans ce projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’ai l’impression que l’on ne prend pas bien en compte le problème des enfants adoptés, qu’il s’agisse d’une adoption internationale ou nationale, ou des enfants nés d’une PMA, et je m’arrêterai là… Ces enfants ne connaissent pas forcément leurs origines, parce que des impossibilités demeurent. Pourtant, cette question les taraude véritablement !
Les excellents amendements qui ont été déposés montrent qu’il faut traiter cette problématique. Certes, le droit ne change pas, mais le mariage pour les couples de personnes de même sexe crée des problèmes nouveaux auxquels il faut répondre. À problèmes nouveaux, réponses nouvelles !
C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110 rectifié, 152 rectifié, 159 rectifié et 197.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 266 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux et du Luart, Mme Procaccia, MM. Béchu, Legendre, Sido, del Picchia et Darniche, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, G. Larcher, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ... – Nul n’a de droit à l’enfant. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 111 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’une consultation du Comité consultatif national d’éthique. »
L’amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’un débat national organisé par les pouvoirs publics et de consultations de nature à garantir que la réforme envisagée fait l’objet d’un éclairage démocratique approfondi et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter ces deux amendements.
M. Bruno Retailleau. Ces deux amendements ont un même objet : favoriser le débat. Or, nous le voyons bien, dans le pays, cette envie de débattre est réelle. Dès lors que l’on touche à des sujets aussi importants, il est nécessaire d’en passer par là.
L’amendement n° 112 rectifié vise à prévoir la consultation du Comité consultatif national d’éthique à chaque fois que l’on cherche à bouleverser par la voie législative le régime de la filiation. C’est important, car le régime de la filiation a des incidences sur le code de la santé publique, notamment en matière de PMA.
L’amendement n° 113 rectifié tend à insister sur la nécessité d’organiser un débat national dès lors qu’est envisagée une quelconque modification du régime de filiation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le Parlement ne peut pas se lier. C’est ici que se votent les textes ! La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Gérard Longuet. Consultation n’est pas obligation !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. M. le rapporteur nous rappelle que la loi se fait au Parlement. Naturellement ! Pour autant, rien n’interdit le Parlement d’être éclairé par l’avis de groupes de réflexion dont l’autorité intellectuelle et morale ainsi que l’indépendance de jugement sont reconnues. En outre, cela permet d’ouvrir un débat public sur des bases parfois moins partisanes et moins conflictuelles et de le nourrir de l’expertise de ces organismes. En effet, ceux-ci, parce qu’ils dédient leurs travaux à tel ou tel sujet qui justifie leur existence même, apportent une valeur ajoutée et méritent le respect et la considération. Cela étant, les avis qu’ils émettent ne lient en rien les parlementaires. Bruno Retailleau a bien parlé de « consultation ».
La France est un pays extraordinaire ! Quand il s’agit d’une déviation routière ou d’un grand équipement industriel, quand cela concerne des dispositions somme toute très marginales qui ont trait à la protection de telle ou telle catégorie d’animaux, le débat public est indispensable. En revanche, quand il est question de filiation, on ne peut pas consulter des experts, des consciences, et vous n’acceptez pas qu’un comité de personnalités reconnues soit consulté et rende un avis public, qui n’est en rien injonctif.
Cette fermeture d’esprit m’étonne de la part d’un rapporteur aussi ouvert habituellement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Qui dans cet hémicycle a fait l’objet d’une enquête des services sociaux d’un conseil général en vue d’une adoption ? Lorsque cela arrive, et si le travail est bien fait, ce qui est toujours le cas, on demande toujours aux candidats à l’adoption pourquoi ils entreprennent une telle démarche et on leur précise qu’ils n’ont pas de droit à l’enfant. Nous sommes là au cœur du sujet ! Si un couple candidat à l’adoption affirmait avoir un droit à l’enfant, il va de soi que les services sociaux recommanderaient au président du conseil général de ne pas délivrer l’agrément, parce que ce couple veut un enfant, mais ne cherche pas l’intérêt de l’enfant.
Nous devrions donc introduire dans le code civil qu’il n’y a pas de droit à l’enfant. De ce point de vue, l’amendement n° 111 rectifié brillamment défendu par Bruno Retailleau était tout à fait pertinent.
Par ailleurs, alors que le mariage emporte l’adoption, le code civil n’ayant pas été modifié sur ce point, le Comité consultatif national d’éthique n’a pas été consulté. C’est pourquoi Bruno Retailleau a parfaitement raison d’avoir déposé l’amendement n° 112 rectifié, que j’ai cosigné. Il faut absolument interroger cette instance !
Vous nous dites, madame la ministre, que cette consultation aura lieu dans le cadre du futur projet de loi sur la famille. Il coulera beaucoup d’eau sous les ponts avant que ce texte n’arrive au Parlement, et je ne sais pas qui le présentera. Il n’en reste pas moins que je trouve cela parfaitement dommage : ce projet de loi a été rédigé dans la précipitation, sans aucun garde-fou pour prévenir les conséquences sur le droit de l’enfant.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 125, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 311-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf lorsque l’enfant a déjà une double filiation établie, la possession d’état peut s’établir entre un enfant et une personne du même sexe que la personne à l’égard de laquelle un lien de filiation est déjà établi, à condition qu’il ait été traité par celui dont on le dit issu comme son enfant et que lui-même l’a traité comme son parent. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’affirmer l’applicabilité de la possession d’état aux couples de parents de même sexe, sauf si la double filiation de l’enfant est déjà établie.
Il s’agit ici d’envisager les histoires ordinaires de couples de femmes, pacsées ou non, qui construisent ensemble un projet parental et qui ont parfois recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger. Les enfants nés de cette union ont, de fait, deux parents mais une seule mère légale, l’autre n’étant titulaire d’aucun droit ni devoir sur l’enfant, qui est pourtant aussi le sien.
Le concept de possession d’état, qui ne repose pas sur la biologie mais sur la réalité des liens, permet alors de résoudre, en partie, le vide juridique qui caractérise le lien entre un enfant et « l’autre maman ». Il est donc capital que les couples de personnes de même sexe puissent avoir recours au mécanisme de la possession d’état.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’introduction de la possession d’état remet en cause l’équilibre du texte, puisque la filiation biologique est réservée aux couples hétérosexuels.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis au regret de vous annoncer, madame Benbassa, que le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Votre amendement établit une autre voie de filiation. En conséquence, je vous suggère aimablement de le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 125 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, c’est un maillage entier qu’il faut envisager pour que la protection des enfants et de leurs parents soit complète.
J’entends vos arguments. Je retire donc cet amendement. Cependant, nous serons vigilants à ce que cette question figure dans la prochaine loi sur la famille.
M. le président. L’amendement n° 125 est retiré.
L’amendement n° 126, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l’article 312, il est inséré un article 312-1 ainsi rédigé :
« Art. 312-1. - L’enfant conçu ou né pendant le mariage d’un couple composé de deux femmes, qui résulte d’un projet parental commun et qui est sans filiation paternelle connue, a pour parent la conjointe de sa mère. » ;
2° À la première phrase de l’article 313, à l’article 314, à la première phrase de l’article 315, au second alinéa de l’article 327 et à la première phrase de l’article 329, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou de parenté » ;
3° Au premier alinéa de l’article 327, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou la parenté » ;
4° À l’article 314 et à la première phrase de l’article 336-1, après le mot : « paternelle » sont insérés les mots : « ou parentale ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 312 du code civil dispose que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari », établissant ainsi une filiation légitime.
Nous nous réjouissons que les couples de femmes puissent bientôt se marier et en tirons les conclusions en proposant un amendement dont l’objet est d’instaurer une présomption de parenté au profit de la conjointe de la mère. Nous précisons que cette présomption ne s’appliquerait que si l’enfant n’a pas de filiation paternelle connue et s’il est issu d’un projet parental commun.
Cette notion de projet parental commun est ici essentielle puisqu’elle permet de distinguer l’un des beaux-parents et l’« autre parent », le « parent social » ou le « parent intentionnel », selon la dénomination choisie.
Avec cette présomption, l’enfant pourrait voir sa filiation établie à l’égard de ses deux parents, lesquels auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs envers lui. En pratique, cela concernera, notamment, les enfants issus d’une PMA à l’étranger, pour lesquels l’une des deux mamans n’a aucune relation juridique avec son enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement n’entre pas dans le champ du présent texte.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis est également défavorable.
Je vous propose que nous travaillions sur le sujet, madame la sénatrice. Vous calquez la présomption de maternité sur la présomption de paternité. Or cette dernière est prévue par le code civil et repose sur une présomption de lien biologique, qui peut être vérifié scientifiquement, et donc contesté. Dans le cas que vous envisagez, il n’y a pas de preuve scientifique possible.
M. Gérard Longuet. Voilà une réponse qui fait plaisir à entendre !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pensez faciliter les choses pour le deuxième parent, sauf que, ce faisant, vous le contraignez à reconnaître l’enfant, en lui retirant toute liberté en la matière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Mme Benbassa suit sa logique. Personne n’a encore osé s’attaquer au titre VII du code civil, mais, avec des amendements comme celui-ci, on fait incontestablement un pas dans cette direction.
Ma chère collègue, vous venez d’évoquer le cas d’un enfant né de l’union de deux femmes. Voilà une conception pour le moins étrange, qui traduit l’aboutissement d’une logique de maternité sociale dans laquelle la paternité biologique n’a plus d’importance.
Quand j’entends Mme la garde des sceaux dire gentiment que l’on peut étudier cette question, je suis extrêmement inquiet. Cette perspective changerait la nature de ce qui a été voté aux articles 1er et suivants. C’est effrayant !
M. Charles Revet. En effet !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Contrairement à M. le rapporteur, je pense que cet amendement est en parfaite cohérence avec le texte que nous examinons.
Quand vous modifiez le droit de l’adoption pour permettre à l’épouse de la mère de devenir à son tour mère de l’enfant, vous aménagez bien les règles de la filiation pour permettre à deux femmes qui conçoivent ensemble un projet d’engendrement, comme l’on dit aujourd’hui, d’être reconnues l’une et l’autre comme parents de l’enfant, alors que, naturellement, une seule d’entre elle est sa mère.
Vos explications sur les fondements de la présomption de paternité sont parfaitement exactes, madame la garde des sceaux. Vous omettez toutefois de rappeler que, depuis les lois de bioéthique, qui ont permis de recourir à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, la présomption de paternité s’applique, dans le cas de couples mariés formés de personnes de sexe différent, pour le lien unissant l’enfant et son père, alors même qu’il ne peut y avoir de lien biologique entre eux. Cette présomption de paternité est même irréfragable.
L’amendement présenté par Mme Benbassa, auquel je suis très fortement opposé, n’est donc pas totalement dépourvu de cohérence avec le texte. À partir du moment où l’on reconnaît que l’on peut être parent sans être ni père ni mère, ce type de questions surgissent inévitablement. C’est la raison pour laquelle je trouve l’ensemble du texte extrêmement inquiétant. Si l’on suit sa logique, on devra aller jusqu’à adopter l’amendement de Mme Benbassa.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite vous répondre en quelques mots, monsieur Bas.
Vous avez terminé votre propos sur deux affirmations contradictoires.
Dans le cas des couples hétérosexuels qui recourent à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur, il y a effectivement cette présomption de paternité, qui s’accompagne – c’est important – de l’anonymat. Comme vous le disiez, cette présomption est irréfragable.
Quand vous dites que ce texte ouvre la possibilité d’être parent sans être ni père ni mère, il se trouve que, en l’occurrence, dans l’exemple que vous prenez, le père n’est pas le père biologique.
Nous n’allons pas engager ce débat maintenant, mais je tenais à souligner cette contradiction dans vos propos.
Monsieur Hyest, j’ai simplement expliqué à Mme Benbassa pourquoi nous ne pouvions pas retenir son amendement. Cela ne nous empêche pas d’étudier avec elle de quelle manière le droit peut, dans ces situations, organiser la reconnaissance du deuxième parent sans introduire pour autant une présomption de maternité. Mais ne me faites pas dire que nous allons étudier la façon d’introduire une présomption de maternité, alors que je viens précisément d’exposer les raisons pour lesquelles nous ne retiendrons pas cet amendement.
Par ailleurs, si cet amendement était vraiment cohérent avec le texte, il serait dans le texte ! Il est un peu tard pour nous faire un procès d’intention, mais je puis vous assurer que la cohérence du Gouvernement est totale.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 126 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa Comme nous étudions un texte qui exige l’égalité entre tous les couples, c’est ce même souci d’égalité qui nous a poussés à déposer cet amendement.
Toutefois, nous prenons acte de votre proposition, madame la garde des sceaux, et attendons avec impatience les réflexions qui ne manqueront pas d’entourer cette question de la présomption de parenté dans le cadre de la future loi sur la famille.
Nous retirons donc cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 126 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 138 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre, Guerriau, Dubois, Namy et Maurey, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi est sans conséquence sur la nullité de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui énoncée à l’article 16-7 du code civil.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette nullité s’applique aux couples constitués de personnes de sexe différent ou de même sexe. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Mon intervention vaudra également défense des amendements nos 261 rectifié, 262 rectifié, 258 rectifié et 122 rectifié.
Le code civil, en proclamant le principe d’indisponibilité du corps, proscrit toute location de ventre pour la GPA.
Nous souhaitons simplement que le recours à la GPA soit expressément interdit dans le code civil.
Nous voulons aussi faire en sorte que toute diffusion d’informations qui inciterait à la GPA – cela a encore été le cas hier soir, non pas au Lutetia, mais dans un autre établissement parisien, où une clinique privée américaine spécialisée dans ce business n’hésitait pas à proposer ses services – tombe sous le coup de la loi. Il s’agirait ainsi de créer une nouvelle infraction, un peu sur le modèle du délit d’entremise de l’article 227-12 du code pénal.
Enfin, le gouvernement français doit bien évidemment demander aux autres États européens d’interdire la GPA chez eux. Il devrait aussi, lors d’une prochaine assemblée générale des Nations unies, proposer la rédaction d’une déclaration universelle, valable pour tous les pays, qui proscrirait clairement la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, MM. Desessard et Labbé, Mme Aïchi, M. Gattolin et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 47 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Fait également foi l’acte de naissance établi par une autorité étrangère dont le droit national autorise la gestation ou la maternité pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte au registre français de l’état civil, où mention est faite de la filiation établie à l’égard du ou des parents intentionnels, respectivement reconnus comme parents, sans que l’identité de la gestatrice ne soit mentionnée dans l’acte. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Je l’affirmerai autant de fois qu’il le faudra : cet amendement ne vise en aucun cas à légaliser la pratique de la gestation pour autrui en France. Quelle que soit la position de chacun sur cette question – chacun est libre de son opinion –, des enfants naissent chaque année par GPA à l’étranger. Il convient d’apporter des réponses à leur délicate situation.
Nous souhaitons donc par cet amendement que les actes de naissance des enfants nés par GPA à l’étranger puissent être transcrits à l’état civil français. En dehors de toute considération éthique ou morale, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir, et son intérêt est sans aucun doute de pouvoir exister aux yeux de la République.
Je veux à cet égard saluer le courage de Mme Taubira, qui a pris ces enfants en considération en facilitant l’octroi de certificats de nationalité française. Mais il faut aller plus loin ! La jurisprudence est trop fluctuante en matière de transcription des actes de naissance de ces enfants, ce qui crée une grande inégalité entre les familles. C’est au législateur de prendre ses responsabilités et de donner à ces enfants les mêmes droits qu’aux autres, sans considération pour les fautes supposées de leurs parents.
M. le président. L’amendement n° 147 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-... ainsi rédigé :
« Art. 336-... - Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Cet amendement reprend une proposition de loi déposée par un certain nombre de membres du RDSE, le 31 juillet 2012. Il vise à autoriser la transcription à l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger du fait d’une gestation pour autrui.
Notre droit interdit aujourd’hui expressément la GPA. Il n’entre certainement pas dans nos intentions de l’autoriser, que ce soit bien dit. Toutefois, cette prohibition n’empêche pas de nombreux couples de se rendre à cette fin dans des pays où cette pratique est autorisée.
En l’état de notre droit, c’est fort logiquement que le parquet de Nantes refuse la transcription sur les registres d’état civil d’actes de naissance établis à l’étranger au profit d’enfants issus d’une GPA, au motif que ces demandes sont contraires à l’ordre public international français.
Ce refus soulève donc la question du statut juridique des enfants. Dans son avis de mai 2009, le Conseil d’État, qui s’était prononcé pour le maintien de l’interdiction de la GPA, préconisait que « la situation juridique des enfants nés à l’étranger par recours à cette pratique soit aménagée, de façon que ceux-ci ne soient pas pénalisés par le fait que leurs parents d’intention ont eu recours à une pratique interdite en France. »
L’absence de transcription complique l’existence de ces familles, notamment à l’occasion de certains événements de la vie tels que, par exemple, le divorce des parents ou le décès de la mère d’intention.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les enfants nés dans un pays qui ne reconnaît pas le droit du sol sont non seulement apatrides, mais ils ne peuvent parfois pas entrer sur le territoire français. C’est le cas des enfants nés d’une mère porteuse en Ukraine : le consulat de France réclame aux parents des documents supplémentaires pour attester qu’ils n’ont pas eu recours à une GPA et refuse de délivrer des laissez-passer. Depuis fin 2010, plusieurs demandes de passeport ont été refusées. Les parents, dans l’impossibilité de rentrer sur le territoire français avec des bébés sans papiers, ont le choix entre revenir en France dans la clandestinité ou abandonner leurs enfants aux autorités ukrainiennes.
Cette situation n’est pas tolérable. Elle porte atteinte à l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée le 7 août 1990 par la France. La circulaire du 25 janvier 2013, qu’il convient de remettre précisément dans son contexte, visait à régler la question de la nationalité de ces enfants et éviter qu’ils deviennent apatrides. Elle dispose ainsi que le seul soupçon du recours à une GPA ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française.
Il s’agit d’un premier pas, mais il est encore insuffisant : la valeur normative d’une circulaire n’est pas des plus fiables. Il convient donc de donner une base légale à cette décision. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est hostile à tous ces amendements, qui, de près ou de loin, concernent la GPA, alors que cette dernière n’entre pas dans le périmètre du texte.
Je peux comprendre que Mme Benbassa veuille régler la question de ces enfants venus au monde à la suite d’une gestation pour autrui, mais nous pensons qu’il n’est pas opportun de le faire dans ce texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces trois amendements. Il se trouve que l’organisation des débats fait que ces propositions viennent maintenant en discussion, mais elles soulèvent des interrogations auxquelles j’ai déjà répondu hier, notamment aux vôtres, madame Benbassa.
Je souhaiterais apporter une précision à M. Tropeano : ces enfants ne sont pas apatrides mais français par filiation. Ils ne deviendraient apatrides qu’en cas de déchéance de nationalité. Or, ces cinq dernières années, aucune décision n’a contrevenu à l’article 25 du code civil. Cet amendement est donc hors champ et son objet contraire à l’ordre public français, qui pose en principe absolu l’indisponibilité du corps humain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne vais pas ouvrir un débat sur la GPA, car, comme l’a dit le rapporteur, ce sujet est hors périmètre du texte. Je voudrais simplement rappeler à M. Retailleau, avec qui j’ai déjà eu l’occasion de discuter de cette question il y a quelques années, que deux propositions de loi – l’une de gauche, l’autre de droite – tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui ont été déposées sur le bureau du Sénat.
Pourquoi s’interdire tout débat ? Ce serait tout à fait anormal. Je suis d’accord pour dire que ce texte n’est pas le bon moment, mais en discuter nous permettra de sortir de la confusion.
J’ai eu à connaître du cas de parents ayant eu recours à la gestation pour autrui à l’étranger, c’est-à-dire de manière parfaitement illégale. Le problème est celui des enfants : on ne peut pas les pénaliser parce que leurs parents n’ont pas respecté la loi. Ils n’ont pas demandé à naître, mais ils sont là !
Je voudrais ajouter une dernière précision : le recours à une mère porteuse n’est pas la GPA. La gestation pour autrui consiste en l’implantation d’un embryon. À cet égard, ceux qui s’opposent à la recherche sur l’embryon devraient s’interroger sur le fait de ne pas lui donner vie.
Madame la garde des sceaux, vous avez pris une décision tout à fait remarquable en signant cette circulaire. Hier, j’ai applaudi à votre réponse parfaite. Ces enfants sont totalement innocents, et il n’y a aucune raison pour qu’ils n’obtiennent pas un jour la nationalité française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’amendement n° 98 rectifié.
Mme Esther Benbassa. J’ai entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux. Je retire donc cet amendement. Je tiens tout de même à dire que nous serons vigilants au sort réservé à ces enfants dans les textes et les débats à venir. Attentifs et présents, nous ne les oublierons pas. Il y va de notre responsabilité !
M. le président. L’amendement n° 98 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 228 rectifié bis est présenté par MM. Darniche, Pierre, Bizet et Dufaut.
L’amendement n° 261 rectifié est présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2013 concernant les propositions qu’il pourrait soumettre à la prochaine Assemblée générale des Nations unies pour l’adoption d’une résolution interdisant la gestation pour autrui dans le monde.
La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié bis.
M. Philippe Darniche. La GPA n’entre pas dans le champ du texte, dites-vous ? Soit ! Cependant, nous savons très bien que le désir d’enfant des couples homosexuels conduira inéluctablement, comme cela se passe dans d’autres pays, à l’utilisation de la PMA et de la GPA. Vous voudriez que l’on passe ce problème sous silence ? Ce n’est pas possible !
Si nous ne discutons que ce soir des articles additionnels, c’est parce que la majorité et le Gouvernement ont choisi d’en reporter la discussion. Il est normal de vouloir parler de la GPA, car nous savons qu’il s’agit d’un chemin inéluctable.
La gestation pour autrui est une pratique contraire à la dignité humaine, qui conduit à la marchandisation du corps humain, comme le rappellent les articles 1er et 21 de la Convention d’Oviedo, l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 16 du code civil.
Nous voulons mettre fin aux dérives illustrées par les propos de Pierre Bergé, qui nous ont tous choqués : « Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » Quelle honte, plutôt ! Il est urgent que l’Organisation des Nations unies prenne position sur cette pratique contraire à la dignité humaine. Il est essentiel de continuer à l’affirmer.
L’Inde, qui avait légalisé le commerce des mères porteuses en 2002, vient de revenir sur cette législation en interdisant aux célibataires et aux couples homosexuels étrangers de recourir à la gestation pour autrui. Une certaine prise de conscience, qu’il convient d’encourager, est en train d’apparaître dans les pays émergents, où cette pratique participe de l’exploitation de femmes défavorisées.
Il nous semble que c’est à la France, patrie des droits de l’homme, qu’il revient de conduire une telle démarche. C’est la raison pour laquelle nous devons en parler, même s’il ne s’agit pas de l’objet du texte. Nous en reparlerons probablement lors de la discussion de la loi sur la famille qui a été annoncée. En attendant, je souhaitais exposer les dangers de la GPA à toutes celles et tous ceux qui nous entendent et qui attendent que l’on se batte sur ces principes.
M. le président. L’amendement n° 261 rectifié a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Certains souhaitent qu’on puisse prolonger le débat sur la GPA. Nous allons donc déposer une proposition de loi pour pouvoir en discuter dans cette enceinte.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 228 rectifié bis et 261 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 262 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement concernant les propositions qu’il pourrait soumettre au Président de l’Union européenne, au Président du Conseil européen et au Président de la Commission européenne visant à leur faire prendre une position solennelle sur l’interdiction de toute pratique de gestation pour autrui avant la prochaine journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre 2013.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 139 rectifié bis est présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Guerriau, Bockel, Dubois, Jarlier, Namy et Maurey.
L’amendement n° 233 rectifié est présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, B. Fournier, Delattre, Bizet, Dufaut, Couderc et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’assistance médicale à la procréation est expressément réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme souffrant d’une infertilité à caractère pathologique dans les conditions prévues par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique.
L’amendement n° 139 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l’amendement n° 233 rectifié.
M. Philippe Darniche. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Placé et Desessard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 2141-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle a également pour objet de répondre à la demande parentale d’un couple de femmes. » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 2141-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « L’homme et la femme formant le » sont remplacés par les mots : « Les deux membres du » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « l’homme ou la femme » sont remplacés par les mots : « l’un des membres du couple » ;
3° Au 1° de l’article L. 2141-10, les mots : « de l’homme et de la femme formant le » sont remplacés par les mots : « des deux membres du ».
II. - Les actes réalisés en application du second alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique ne sont pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes. L’égalité est la principale revendication ayant présidé aux réflexions et à l’élaboration du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il me semble que l’on ne peut aboutir à une égalité effective entre tous les couples sans ouvrir la PMA aux couples de femmes. En effet, tout comme un couple hétérosexuel qui souffrirait d’infertilité, les couples de femmes ont par définition une sexualité non reproductive. Ce droit à la procréation médicalement assistée doit donc leur être reconnu afin de mettre fin à toute discrimination.
Il ne s’agit pas ici de questions d’ordre éthique ou moral comme celles que peut soulever la gestation pour autrui. Il s’agit uniquement, je le répète, de réaffirmer le principe d’égalité entre tous les couples et de protéger les intérêts de l’enfant.
Le droit d’initiative parlementaire étant limité par l’obligation de ne pas créer ou aggraver de charges publiques, les frais induits par cette extension de la PMA ne seraient pas supportés par les organismes de sécurité sociale. Il serait cependant souhaitable, à terme, que le Gouvernement ne limite pas financièrement ce droit et harmonise les conditions d’accès à la procréation médicalement assistée pour tous les couples.
M. le président. L’amendement n° 253, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, David et Demessine, MM. Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. D. Laurent, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
A. – L’article L. 2141-2 est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle a également pour objet de répondre à la demande parentale d’un couple de femmes. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « L’homme et la femme formant le » sont remplacés par les mots : « Les deux membres du » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « l’homme ou la femme » sont remplacés par les mots : « l’un des membres du couple ».
B. – Au 1° de l’article L. 2141-10, les mots : « de l’homme et de la femme formant le » sont remplacés par les mots : « des deux membres du ».
II. – Les actes réalisés en application du présent article ne sont pas pris en charge par les organismes de sécurité sociale.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je défendrai en même temps l’amendement n° 252.
Si nous souscrivons à l’idée d’un prochain texte sur la famille, lequel traitera plus en profondeur des questions de filiation, d’adoption et de procréation médicalement assistée, nous souhaitons tout de même, à travers le texte dont nous discutons ce soir, poser la question de l’accès pour toutes à la PMA.
À défaut d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, ces dernières continueront de recourir aux méthodes actuelles pour concevoir, puis faire adopter l’enfant par la conjointe. Ces méthodes, nous les connaissons. Il s’agit souvent, malheureusement, de pratiques indiciblement dangereuses, qui conduisent l’une des partenaires à chercher, parfois à l’aveuglette, le géniteur d’un soir. C’est aussi, pour le plus grand nombre, le recours au tourisme procréatif, d’un coût non négligeable, voire à des PMA « artisanales », ce qui est pire.
Loin de nous l’idée, par le biais de ces amendements, d’autoriser un système au seul motif, comme on l’entend, qu’il existe dans d’autres pays. Nous trouverions alors effectivement une raison de légaliser la gestation pour autrui. Nous pensons que le débat doit nous permettre de relever les arguments tant en faveur qu’en défaveur du recours à la PMA par les couples de femmes tout en tenant compte de l’intérêt de l’enfant.
Ceux qui s’opposent à la faculté, pour ces couples, de recourir à la PMA invoquent cet intérêt, qui commanderait qu’un enfant soit issu d’un homme et d’une femme pour être heureux. Nous avons beaucoup entendu cet argument, mais il n’est pas convaincant, tant sont nombreux les cas d’enfants malheureux dans les familles qualifiées de « traditionnelles ». (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Enfin, je pense que le vrai problème apparaît lorsqu’une fille ou un garçon découvre que celui qu’il croyait être son géniteur ou sa génitrice ne l’est pas. Malheureusement, cette violence existe, quelle que soit la famille dans laquelle il a grandi, qui l’a chéri et éduqué. Je ne reviendrai pas davantage sur ce point que j’ai déjà développé.
La dernière objection que nous entendons régulièrement vise l’inégalité qu’une telle disposition engendrerait à l’égard des couples d’hommes, inégalité qui ne serait pas compatible avec la Constitution. Là encore, il s’agit d’un faux argument.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !
Mme Cécile Cukierman. Il existe deux procédés différents : la GPA et la PMA. La légalisation de la seconde n’entraîne pas celle de la première. Quoi qu’il en soit, le débat peut avoir lieu.
Dans tous les cas, se pose la question de l’accès aux origines pour l’enfant issu de la procréation médicalement assistée avec tiers donneur. De même, si nous légalisons la PMA dans notre pays, se posera la question, que vient d’évoquer notre collègue Esther Benbassa, du coût et de son éventuelle prise en charge et certainement aussi celle de l’ouverture de cette procédure aux femmes célibataires, qui, aujourd’hui, peuvent adopter.
M. Bruno Sido. Théoriquement !
Mme Cécile Cukierman. Des réponses devront être apportées à ces questions. Nous en sommes conscients, elles dépassent le cadre du présent débat.
Par le dépôt des amendements nos 253 et 252, nous entendons lancer le débat afin d’obtenir des éléments de réponse. (Mme le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot et M. Pierre, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 311-20 du code civil est ainsi rédigé :
« Le couple, constitué d’un homme et d’une femme, qui pour procréer, recourt à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doit préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, son consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Chacun des membres du couple doit accorder individuellement son consentement. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 99, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard et Gattolin, Mme Lipietz et M. Placé, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 311-20 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le couple ayant consenti à une procréation médicalement assistée est composé de deux femmes, la filiation avec la conjointe est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »
La parole est à Mme Esther Benbassa. (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme Esther Benbassa. Il n’y a là rien de risible !
On le sait, de nombreux couples de femmes qui ont un projet parental commun ont recours à l’assistance médicale à la procréation dans les pays qui entourent le nôtre. Or, selon le droit français, lorsque des couples hétérosexuels ont recours à une telle assistance, la paternité du conjoint de la mère doit être judiciairement déclarée.
Nous souhaitons que la même procédure s’applique aux couples de femmes qui pourront bientôt se marier, afin que l’enfant voie sa filiation établie à l’égard de ses deux parents. Cette faculté doit être ouverte si les enfants ont été conçus à l’étranger, même si nous espérons et revendiquons l’ouverture rapide en France de la PMA aux couples de femmes. Actuellement, plus de 8 000 femmes ont recours à la PMA à l’étranger.
M. le président. L’amendement n° 252, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, David et Demessine, MM. Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 311-20 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le couple ayant consenti à une assistance médicale à la procréation est composé de deux femmes, la filiation avec la conjointe est établie selon les mêmes dispositions que pour le conjoint d’un couple ayant eu recours à l’assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements, mais pour des raisons différentes.
Tout d’abord, les amendements nos 233 rectifié et 258 rectifié sont d’ores et déjà satisfaits par les dispositions légales en vigueur relatives à la PMA.
Quant aux amendements nos 100, 253, 99 et 252, la commission en comprend bien l’intérêt, à savoir ouvrir le débat. Mais la PMA ne fait pas partie du périmètre du texte dont nous débattons actuellement. Après un certain nombre de discussions qui ont eu lieu, notamment à l’Assemblée nationale, la commission a décidé de conserver le périmètre du projet de loi initial. Par conséquent, pour des questions de pure forme, elle est défavorable à ces amendements.
M. Jean-Pierre Raffarin. Pour des raisons de forme et de fond !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames Benbassa et Cukierman, je salue tout particulièrement votre combativité. Néanmoins, comme le sujet en question se situe en dehors du périmètre du projet de loi, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 233 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’en conviens, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, le sujet abordé se situe en dehors du périmètre du texte dont nous débattons.
Cependant, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que, lors de la révision des lois de bioéthique, en première lecture, j’avais eu l’honneur de défendre, au nom du groupe socialiste, un amendement qui visait à permettre l’assistance médicale à la procréation pour des raisons médicales ou sociétales. À l’époque, et ceux qui étaient présents à ce moment devraient se le rappeler, j’avais reçu le soutien actif du rapporteur, Alain Milon. Cet amendement avait été voté par notre assemblée à une très large majorité…
M. Henri de Raincourt. Par erreur !
M. Jean-Pierre Raffarin. On peut s’égarer !
M. Jean-Pierre Godefroy. En deuxième lecture, apparemment, quelques instructions avaient été données… Je suppose que ceux qui étaient alors présents s’en souviennent. Quoi qu’il en soit, le Sénat a débattu du sujet.
Je rappelle à ceux qui voudraient renvoyer le débat aux lois de bioéthique, que, à l’époque de leur révision, il n’était pas question de revenir sur ces textes qu’on avait considérés comme exhaustifs. Il avait fallu mener un long combat pour obtenir un nouvel examen d’ensemble, mais sept ans seulement après. En l’espèce, n’attendons pas sept ans pour discuter de nouveau de l’AMP ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous êtes hors périmètre !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais c’est une vérité !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Monsieur le président, même si je respecte tout à fait l’aspiration de certains de nos collègues à ouvrir ce débat, je suis cependant surpris par leur façon de procéder...
Il ne s’agirait pas, selon Mme Benbassa, d’une question éthique. Je ne comprends pas cet argument. Le sujet que nous étudions est par excellence une question éthique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Charles Revet. Évidemment !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’amendement n° 100.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, je retire cet amendement, mais je compte sur la réflexion qui sera menée sur la famille et sur les futures lois pour que soit prise en considération cette question très importante.
M. le président. L’amendement n° 100 est retiré.
Madame Cukierman, l’amendement n° 253 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 253 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 258 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 99 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 99 est retiré.
Madame Cukierman, l’amendement n° 252 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 252 est retiré.
L’amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article 227-12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait, soit dans un but lucratif, soit par don, de diffuser des informations relatives à la conception d’un enfant grâce à un tiers donneur en dehors des conditions prévues par les articles L. 2141-1 à L. 2141-12 du code de la santé publique est puni de 5 000 euros d’amende. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
L’amendement n° 165 rectifié est présenté par MM. Bécot, Bordier, César, Houel et P. Leroy.
L’amendement n° 167 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
L’amendement n° 203 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 257 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1211-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1211-5. - Seuls les médecins du donneur ou du receveur peuvent avoir accès, en cas de nécessité thérapeutique, aux informations permettant l’identification de ceux-ci.
« L’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, dans les conditions prévues par les articles L. 2141-1 à L. 2141-12, peut accéder à des données non identifiantes relatives aux tiers dont les gamètes ont permis sa conception.
« Sous réserve du consentement exprès du ou des donneurs, il peut demander à avoir accès à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 123 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Il s’agit de modifier le code de la santé publique. En effet, au cours de l’ensemble de nos débats, nous avons constaté que les techniques médicales de procréation comportent un risque quant à l’accès aux origines.
Nous souhaitons donc solennellement pointer cette faille et, par le biais de cet amendement, instituer le principe de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, afin de prendre en compte l’intérêt des enfants qui désireront avoir accès à leurs origines.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 165 rectifié.
M. Michel Bécot. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 203.
M. Charles Revet. L’anonymat du donneur de gamètes pose un problème qu’il faudra résoudre. En effet, j’ai reçu certains enfants issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur qui m’ont fait part de leur volonté, pour différentes raisons, d’avoir accès à un certain nombre d’éléments.
M. le président. L’amendement n° 257 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission y est défavorable.
Je vous le rappelle, mes chers collègues, nous avons eu un débat assez long sur cette question lors de la révision des lois de bioéthique. Un certain nombre d’entre nous étaient favorables à la levée de l’anonymat. Finalement, cette mesure n’a pas été adoptée. Vous connaissez l’objection soulevée, qui vaut ce qu’elle vaut…
M. Charles Revet. Il faudrait l’indiquer !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si on levait l’anonymat, il n’y aurait plus de donneurs.
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. De surcroît, ce débat ne relève pas du présent texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, il s’agit d’un sujet majeur et complexe, mais il ne fait pas l’objet du débat de ce jour. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 rectifié, 165 rectifié, 167 rectifié et 203.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
« Art. 343...– Par application du principe de précaution, lorsqu’une décision relative à l’établissement d’une filiation adoptive pourrait affecter le développement physique, intellectuel, psychologique, social ou éducatif de l’enfant, les pouvoirs publics renoncent à cette décision. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. En déposant cet amendement, j’ai souhaité revenir sur le principe de précaution, qui concerne tous les sujets. Il a émergé pour la première fois en 1992, sous la forme du principe 15 de la déclaration de Rio. En 1995, lors de la discussion de la loi Barnier, le législateur l’a repris et reformulé. Ensuite, l’ensemble de nos débats qui ont conduit à la révision constitutionnelle et à la Charte de l’environnement ont consacré ce principe.
Les membres du groupe UMP souhaitent rappeler solennellement que ce principe ne saurait faire l’objet d’usages différents selon les sujets. Les questions dont nous traitons sont extrêmement graves. Nous le savons, aucun consensus scientifique ne se dégage quant aux conséquences sur les enfants. Nous voulons réaffirmer avec force que ce principe de précaution doit s’appliquer à tous les sujets, y compris aux plus graves.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement est sans objet, car lorsque le juge prononce l’adoption, il le fait dans l’intérêt de l’enfant. C’est ce qui a été indiqué à la commission tout au long de ses auditions. Aucun doute ne demeure. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’arrêtons pas de le marteler, l’article 353 du code civil vise l’intérêt de l’enfant. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Dans l’intérêt de l’enfant, certes, mais encore faut-il savoir quel est l’héritage génétique de cet enfant. La question posée par Bruno Retailleau, parfaitement pertinente, donne toute leur légitimité aux amendements précédents visant à reconnaître à l’enfant le droit de connaître ses origines, amendements que vous avez repoussés.
À l’avenir, certains enfants ne bénéficieront pas de la faculté qu’offre désormais la science d’accéder à la médecine génétique, laquelle se fonde sur la connaissance des antécédents génétiques de l’enfant.
De surcroît, le juge n’a qu’une appréciation sociale de l’intérêt de l’enfant. Or il existe un volet médical génétique. Même si ce n’est pas ma spécialité, je formule une observation de bon sens. Je trouve surprenant que vous écartiez aussi facilement la proposition qui nous est faite. Mais nous retrouverons ce sujet lors du débat sur la famille.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 114 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
« Art. 343...– Les parents d’un enfant peuvent spécifier par testament les conditions dans lesquelles ils veulent que leurs enfants soient adoptés s’ils décèdent. L’État les respecte si elles sont compatibles avec l’intérêt supérieur de l’enfant. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. François Rebsamen. Arrêtons-le ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bruno Retailleau. Si le texte que nous examinons devient loi, l’adoption pour les couples de même sexe sera autorisée. Par cet amendement, nous souhaitons permettre aux parents d’indiquer, par disposition testamentaire, les conditions dans lesquelles ils souhaitent que leurs enfants soient adoptés s’ils venaient à décéder. Certes, les cas seront peut-être fort rares, mais c’est important. À partir du moment où les règles de l’adoption vont radicalement changer, la loi doit autoriser que de telles conditions soient posées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Aux termes de la loi, lorsque les parents décèdent, c’est le conseil de famille qui décide sous l’autorité du juge si l’enfant peut être adopté et par qui. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce sujet peut être étudié lors de la préparation du texte sur la famille. Il a été abordé à l’Assemblée nationale. Il n’est pas nul et non avenu. En revanche, il n’est pas pertinent d’en discuter dans le cadre du présent projet de loi. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 116 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et G. Larcher.
L’amendement n° 153 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
L’amendement n° 160 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 198 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 223 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1er du titre VIII du livre 1er du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
« Art. 343... L’État s’efforce, notamment par ses politiques familiale et sociale, de permettre à l’enfant de vivre auprès de ses parents biologiques, sauf lorsque cela est contraire à l’intérêt de l’enfant. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 116 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Les amendements nos 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié visant tous trois à préserver l’intérêt des enfants, je ne vois pas pourquoi il n’est proposé de les examiner que maintenant. Ce sujet ayant déjà été abordé lorsque nous avons entamé l’examen des amendements portant articles additionnels, je considère qu’ils sont défendus. Ils tendent à réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment le droit d’avoir un père et une mère, sur le fondement de tous les textes internationaux que j’ai déjà cités maintes fois.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 153 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié.
M. Michel Bécot. Même chose. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 198.
M. Charles Revet. Nous sommes nombreux à répéter qu’il faut tenir compte de la place de l’enfant. Alors que celle-ci est au cœur de nos débats, nous n’en avons malheureusement pas beaucoup parlé. Peut-être y reviendrons-nous lors de l’examen du texte sur la famille…
M. le président. L’amendement n° 223 n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, car ils font primer le biologique dans les lois sur l’adoption, ce qui est contraire à tous nos principes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 116 rectifié, 153 rectifié, 160 rectifié et 198.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.
L’amendement n° 154 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 161 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 199 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 225 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1er du titre VIII du livre 1er du code civil, il est inséré un article 343... ainsi rédigé :
« Art. 343...– Les décisions prononçant une adoption plénière ou simple sont prises dans l’intérêt de l’enfant pour réparer le fait qu’il ne peut grandir en relation avec ses parents biologiques. Le désir des adoptants n’est pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant. »
L’amendement n° 117 rectifié a déjà été défendu.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 154 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 161 rectifié.
M. Michel Bécot. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 199.
M. Charles Revet. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 225 n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, car l’intérêt de l’enfant prime d’ores et déjà dans le droit positif. Il est donc inutile de le redire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La précision que tendent à introduire ces amendements étant superfétatoire, le Gouvernement émet le même avis que la commission : défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 117 rectifié, 154 rectifié, 161 rectifié et 199.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 127, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 343 est ainsi rédigé :
« Art. 343. – L’adoption peut être demandée par :
« 1° Deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ;
« 2° Deux partenaires d’un pacte civil de solidarité, liés par ce pacte depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article 343-1 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « non séparé de corps, », sont insérés les mots : « ou lié par un pacte civil de solidarité, » ;
b) Après les deux occurrences du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
3° L’article 343-2 est complété par les mots : « ou du partenaire de pacte civil de solidarité » ;
4° À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 344, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou de leur partenaire de pacte civil de solidarité » ;
5° À l’article 345-1, après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
6° L’article 346 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
7° Le dernier alinéa de l’article 356 est ainsi modifié :
a) Après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire de pacte civil de solidarité » ;
b) Il est complété par les mots : « ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’argument selon lequel seul le mariage serait gage de stabilité pour le couple et donc de sécurité affective et légale pour l’enfant a été maintes fois entendu. Quand on sait que, à Paris,…
Un sénateur du groupe UMP. Paris ! Toujours Paris !
Mme Esther Benbassa. … un mariage sur deux se termine par un divorce, cet argument ne tient pas.
En 2010, plus de 205 000 PACS ont été conclus. Par ailleurs, à l’époque des débats sur le PACS, l’adoption en avait été exclue, car elle aurait été ouverte aux couples de personnes de même sexe. Ce droit étant voué à l’issue de nos débats à être ouvert à tous les couples mariés, cette interdiction pour les couples pacsés n’a plus lieu d’être.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’ouvrir le droit à l’adoption aux couples pacsés.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 343 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 343. – L’adoption peut être demandée conjointement soit par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans, ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans soit par deux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 343 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 343 - L’adoption peut être demandée par deux époux de sexe différent, non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 343 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « les deux époux de sexe différent ».
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que – je l’indique par avance – les amendements nos 24 rectifié bis, 25 rectifié ter, 26 rectifié ter et 27 rectifié ter, pour une raison très simple, c’est qu’ils visent à défendre ce que, en commission, on a appelé le « point de vue Adam et Ève ». Compte tenu des dispositions qui ont été adoptées, ils sont désormais dépassés.
Je regrette toutefois que vous n’ayez pas suivi ce que nous avions proposé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement no 23 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Delattre, Bizet, Couderc et Pierre, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 343 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un mari et une femme ».
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Cet amendement vise à limiter les cas d’adoption aux seuls couples mariés hétérosexuels. Tout enfant a droit à un père et une mère, en particulier s’il a subi la perte de ses parents.
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 118 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
L’amendement n° 155 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et M. de Legge.
L’amendement n° 162 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 200 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 226 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 343–1 et 343–2 du code civil sont abrogés.
L’amendement n° 118 rectifié a déjà été défendu.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 162 rectifié.
M. Michel Bécot. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 200.
M. Charles Revet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement no 226 n’est pas défendu.
L’amendement n° 207 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 343-2 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 343- ... . – L’adoption plénière conjointe n’est permise qu’aux couples composés d’un homme et d’une femme. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 346 du code civil, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un homme et par une femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».
L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article 346 du code civil, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « de sexe différent ».
L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 353-1 du code civil, après le mot : « requérants », sont insérés les mots : « , homme et femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans, ».
L’amendement n° 27 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 356 du code civil est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « de sexe différent » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « deux époux » sont remplacés par les mots : « un homme et par une femme non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans ».
Ces quatre amendements ont été précédemment retirés.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. M. Gélard a expliqué pour quelle raison il retirait ses amendements. Tous les autres sont semblables et visent à réserver l’adoption aux couples hétérosexuels. La commission y est donc défavorable.
L’amendement de Mme Benbassa est un peu différent. Ma chère collègue, nous avons dit ici que nous n’évoquerions pas la question du PACS. Même si M. Milon était d’accord avec vous, même s’il serait logique d’ouvrir aux couples pacsés le droit à l’adoption, ce sujet n’entre pas dans le périmètre du texte que nous examinons. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.
J’aimerais juste m’assurer que M. Darniche n’a pas commis d’erreur… (Mme la ministre est prise d’un fou rire.)
M. Gérard Longuet. Respirez tranquillement, madame le garde des sceaux ! Comptez jusqu’à trois. (Rires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il nous a dit qu’un enfant… (Mme la ministre ne peut plus parler et se rassoit.– Rires sur l’ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Alors que l’ambiance est un peu détendue, permettez-moi de rappeler que le sujet dont nous débattons est extrêmement grave. Je tiens à dire à tous ceux qui nous regardent que ce débat est essentiel.
Je ne voudrais pas que, en fin de parcours, nous donnions l’impression de lâcher prise. Si nous ne revenons pas sur ce débat, c’est parce qu’il a été tranché. Toutefois, je le répète, nous en sommes convaincus : un enfant a droit – c’est fondamental – à un papa et à une maman. Ce rappel est au cœur de cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 127 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 127 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 232 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118 rectifié, 155 rectifié, 162 rectifié et 200.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Articles additionnels avant l’article 1er bis (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 368 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 368 – L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les droits successoraux d’un enfant légitime. Les descendants de l’adopté ont, dans la famille de l’adoptant, les droits successoraux prévus au chapitre III du titre Ier du livre III. L’adopté et ses descendants n’ont cependant pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement est important, car il vise à permettre aux enfants adoptés par adoption simple de bénéficier des mêmes droits successoraux que les enfants légitimes – le terme n’est pas bon –, que les autres enfants.
Nous savons parfaitement que l’abandon progressif de l’adoption simple tient tout simplement à l’excès d’imposition de Bercy dans ce cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à garantir des droits à l’adopté en la forme simple, mais il manque son objet. D’abord, il fait référence à l’enfant légitime, concept qui n’existe plus. Avant d’être adopté, cet amendement devrait donc être rectifié. Ensuite, il ne fait que réitérer la rédaction actuelle de l’article 368 du code civil, sans y apporter de modification.
J’avais émis un avis défavorable en commission, mais celle-ci a émis un avis contraire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car nous sommes partagés sur ce point.
Monsieur Raffarin, permettez-moi de revenir sur l’amendement de M. Darniche. Nous traitons certes un sujet sérieux, mais il ne s’agit ni de décès ni d’enterrements ! Je me suis simplement demandé si j’avais bien compris une phrase qui me paraissait illogique, dans laquelle il était question du décès des parents.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne faisais pas référence à vous, madame le garde des sceaux, j’expliquais simplement pourquoi nous allions vite.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Très bien. Il s’agit donc d’un malentendu. Dans ce cas, je retire ce que je viens de dire.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’amendement de M. Gélard me paraît extrêmement pertinent et révélateur des dégâts considérables que les services de la législation fiscale et, d’une façon générale, de Bercy aujourd’hui, de Rivoli hier, peuvent provoquer dans la société.
L’adoption simple avait sa légitimité : elle permettait de régler humainement un ensemble de situations difficiles en consolidant les liens entre un enfant et des parents désireux de le prendre en charge sans pour autant rompre sa filiation biologique. Grâce à l’intelligence des parents et à la maturité progressive de l’enfant, cette double filiation était acceptée. Elle n’était cachée de personne. Elle signifiait simplement qu’un couple avait pris la responsabilité d’une adoption sans pour autant nier la réalité biologique.
La mise en œuvre de l’adoption simple, cette construction ancienne du droit civil parfaitement pertinente, a été détruite par des dispositions permettant au fisc, par mesquinerie budgétaire, à la seule fin de racler les fonds de tiroirs, de gagner un peu d’argent sur les successions.
Si nous parvenions à mettre un terme à la rapacité des services fiscaux et à restaurer une équité d’avantages entre l’adoption simple et l’adoption plénière, nous réglerions en pratique bien des problèmes qui se posent aujourd’hui et qui pourraient parfois être réglés par des solutions simples.
Le législateur l’avait prévu. Au fil du temps, Bercy a détruit ce qui était une véritable construction législative. Ce n’est pas le seul exemple de cette nature – il en existe dans bien d’autres situations –, mais je tenais à le signaler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 217 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil est supprimé.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Articles additionnels après l’article 1er quater (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter sont identiques.
L’amendement n° 31 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 179 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois et Amoudry, Mme Férat, M. J.L. Dupont, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 372-2 du code civil est complété par les mots : « ou qu’il délègue l’autorisation au tiers vivant avec lui et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant, d’effectuer un tel acte ».
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. L’article 372–2 du code civil prévoit une présomption d’accord pour les actes usuels, valant dispense de preuve de l’accord des deux parents et décharge de responsabilité au bénéfice des tiers de bonne foi. Cet amendement vise à compléter le régime des actes usuels en consacrant législativement la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au tiers d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.
Comme je l’ai déjà indiqué, il est nécessaire de modifier et d’améliorer le système de la délégation de l’autorité parentale afin de régler un ensemble de problèmes n’ayant malheureusement pas à ce jour reçu de solution satisfaisante.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Nous abordons avec cet amendement un pan important des dispositions que nous proposons.
Il s’agit de compléter le régime des actes usuels en consacrant dans la loi la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au beau-parent d’accomplir un acte usuel de l’autorité parentale.
Cet amendement et les suivants visent à aborder l’élaboration d’un statut du beau-parent. Cette proposition fait suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes émises dans le rapport annuel du Défenseur des enfants de 2006, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités – Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui.
Avec cette série d’amendements, notre objectif est de mieux encadrer l’intervention du tiers dans l’exercice de l’autorité parentale, selon trois axes.
En premier lieu, ils tentent de mieux définir le régime des actes usuels et importants afin de circonscrire la sphère d’intervention ouverte aux tiers et celle qui est réservée aux deux parents.
En deuxième lieu, il s’agit de clarifier l’association d’un tiers à l’exercice de l’autorité parentale, en aménageant la procédure de délégation partage de l’autorité parentale, telle qu’elle existe actuellement dans le code civil.
En troisième lieu, enfin, tout en aménageant les modalités d’exercice de l’autorité parentale pour permettre l’intervention d’un tiers, ces propositions visent à renforcer le maintien des liens affectifs tissés entre l’enfant et un tiers dans des circonstances particulières, telles que le décès et la séparation.
L’amendement n° 179 rectifié ter vise donc à compléter le régime des actes usuels de l’autorité parentale pour lesquels le code civil prévoit déjà une présomption d’accord des parents, en consacrant la possibilité offerte à chacun des parents de déléguer une autorisation au beau-parent pour accomplir ces actes.
Son adoption constituerait donc une ouverture tout à fait importante et permettrait que le parent seul ne soit pas isolé.
M. le président. L’amendement n° 104, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 372-2 du code civil est complété par les mots : « ou qu’il autorise un tiers résidant avec lui et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant, à accomplir un tel acte ».
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que vient de défendre M. Détraigne.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement l’amendement n° 102.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 102, présenté par M. Bas et ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 373-4 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tiers à qui est confié l’enfant peut saisir le juge afin d’être autorisé à accomplir un acte important relevant de l’exercice de l’autorité parentale lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige en cas d’impossibilité pour les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale d’effectuer un tel acte. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Philippe Bas. Ces deux amendements, qui reprennent la jurisprudence de la Cour de cassation, visent à consacrer celle-ci dans nos textes législatifs.
L’amendement n° 104 tend à offrir la possibilité aux titulaires de l’autorité parentale de donner l’autorisation au tiers résidant avec l’un des deux parents d’accomplir des actes usuels, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’amendement n° 102 vise à ce que l’on puisse obtenir du juge qu’il autorise un tiers à accomplir un certain nombre d’actes dans l’intérêt de l’enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 31 rectifié bis, 179 rectifié ter, 104 et 102 ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les trois premiers amendements sont assez semblables. Ils abordent un problème réel et tendent à simplifier la vie courante. Toutefois, ils n’offrent pas les garanties juridiques requises.
En effet, telles qu’elles sont rédigées, les dispositions qui y sont visées, si elles étaient adoptées, pourraient donner lieu à des instrumentalisations en cas de séparation conflictuelle des parents.
À mon sens, la réflexion devra être poursuivie dans le cadre de la prochaine loi sur la famille, qui définira le statut du beau-parent, avec toutes les garanties juridiques nécessaires. Ce débat sera probablement moins conflictuel que celui qui porte sur la PMA !
L’amendement n° 102, quant à lui, est déjà satisfait par notre droit en vigueur, monsieur Bas.
J’étais personnellement défavorable à ces amendements. Cependant, la commission a émis un favorable sur les quatre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements, même si les questions posées sur le statut du beau-parent sont réelles. Cela dit, elles concernent indifféremment les familles hétérosexuelles ou les familles homosexuelles. À ce titre, elles ne rentrent pas spécifiquement dans le cadre du présent projet de loi.
Ces questions seront traitées sous leurs aspects les plus divers et les plus complexes dans le cadre de la prochaine loi sur la famille.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter.
M. Bruno Sido. C’est un sujet que je connais un peu, pour l’avoir pratiqué. La question de la délégation de l’autorité parentale dépasse largement celle des beaux-parents. Dans le cas d’une adoption internationale, une délégation d’autorité parentale peut être accordée pendant plusieurs années aux adoptants, avant qu’ils n’accèdent à l’adoption plénière.
Si la délégation de l’autorité parentale, accordée à des personnes situées, parfois, à des dizaines de milliers de kilomètres de distance, est bien rédigée par le juge pour enfants, elle ne pose aucun problème.
Alors, c’est vrai, la question des beaux-parents, qui, généralement, n’habitent pas très loin les uns des autres, se pose aussi, en cas de conflit. Cependant, j’appelle l’attention de mes collègues sur l’importance de bien réfléchir à la question de l’autorité parentale, très importante, dans le cadre de la loi sur la famille. En effet, les règles qui s’y attachent sont assez pertinentes, alors, surtout, ne détruisons pas ce qui ne marche pas trop mal !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 rectifié bis et 179 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 180 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mmes Férat et Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 373-4 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... – Le père et la mère, ou l’un d’eux, peut donner mandat à un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, afin d’accomplir tel acte ou telle catégorie d’actes usuels ou graves relatifs à la personne de l’enfant. La catégorie des actes graves nécessite l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. »
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. Par cet amendement, nous entendons permettre aux deux parents ou à l’un d’eux de donner le pouvoir au tiers de réaliser, de façon occasionnelle ou temporaire, certains actes concernant l’enfant. Ce mandat pourrait concerner des actes usuels et, avec l’accord des deux parents, des actes graves. Il se ferait par simple convention et prendrait fin par la volonté du mandant ou du mandataire.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Magras, Mme Bruguière et MM. Paul, Bizet, Leleux, Pintat, Lenoir et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 373-4 du code civil, il est inséré un article 373-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 373-4-1. - Le père et la mère peuvent donner mandat à un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents, et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, afin d’accomplir tout acte usuel ou grave relatifs à la personne de l’enfant. L’accord des deux parents fait l’objet d’une convention lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit, encore une fois, d’un problème très important et très grave. Mais, franchement, monsieur Gélard, les dispositions que vous nous proposez d’adopter constitueraient une innovation extraordinaire !
M. Patrice Gélard. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ceux qui connaissent bien la législation relative à l’autorité parentale y seront particulièrement sensibles. Le dispositif est inédit, en effet, puisqu’il tend à créer un mandat d’autorité parentale ponctuelle donné par des parents à un tiers, y compris pour accomplir des actes graves, comme le passage d’une frontière ou l’autorisation d’actes chirurgicaux. Il n’accorde pas les garanties nécessaires et entre en contradiction avec l’article 376 du code civil, qui dispose qu’« aucune renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si ce n’est en vertu d’un jugement ».
Personnellement, j’étais défavorable à ces amendements. Cependant, la commission a émis un avis favorable, du fait de l’absence de certains de ses membres lors du vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Jean-Pierre Raffarin. Oh non ! De toute façon, c’est l’avis de la commission qui importe.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’avis de la commission est donc favorable !
M. Jean-Pierre Raffarin. Présents et absents compris !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La question de la délégation de l’autorité parentale et des conditions de son exercice est importante, c’est vrai.
Je l’ai dit, elle concerne aussi bien les couples hétérosexuels qu’homosexuels, dans toute la variété de leurs situations. Ce point demande à être approfondi dans le cadre de la loi sur la famille, et non pas dans le cadre de ce texte, dont l’objet est plus spécifique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 rectifié bis et 180 rectifié ter.
M. Jean-Claude Lenoir. Je soutiens tout à fait l’amendement de M. Gélard.
En tant que maires ou présidents de communauté de communes, nous nous retrouvons souvent avec des problèmes liés au fait que nous ne savons pas exactement quelle est la personne qui peut avoir l’autorité nécessaire pour prendre une décision, d’hospitalisation notamment.
Une colonie de vacances, un centre aéré, des activités périscolaires peuvent produire des situations extrêmement complexes à appréhender.
Je comprends bien que l’on ne puisse pas y apporter de réponses à cet instant. On nous renvoie toujours à une loi sur la famille, mais je ne sais pas quand nous aurons l’occasion de l’examiner. J’aimerais donc qu’on nous éclaire et qu’on nous indique la personne à laquelle on doit s’adresser et qui peut être investie de l’autorité suffisante, dans des circonstances graves et urgentes, en cas d’hospitalisation, notamment.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’avoue ne pas très bien comprendre. Au fond, l’autorité parentale est transférée aux deux parents. Elle n’est pas détachable et on ne peut pas la donner à l’un des deux seulement, l’un des deux ne peut pas l’exercer au détriment de l’autre, ou alors ce dernier lui a accordé une délégation de signature. Par conséquent, je ne comprends pas très bien le sens de ces amendements. Personnellement, je ne les voterai pas.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié bis et 180 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 377 du code civil, les mots : « lorsque les circonstances l’exigent, » sont supprimés et après les mots : « , membre de la famille », sont insérés les mots : « ou ayant contracté une union civile ».
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je retire cet amendement, monsieur le président. Son objet n’a plus de sens, étant donné ce qui a été adopté par le Sénat.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Merci !
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Delattre, Cornu, Pointereau, Savary, Cambon, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 377 du code civil est ainsi modifié :
1° Les mots : « , lorsque les circonstances l’exigent, » sont supprimés ;
2° Après le mot : « famille, », sont insérés les mots : « partenaire de pacte civil de solidarité, ».
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié est retiré.
L’amendement n° 103, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 377 du code civil, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la filiation paternelle n’a pas été établie ou avec l’accord du père, la mère, dans exercice de son autorité parentale, peut saisir le juge aux affaires familiales en vue de voir déléguer tout ou partie de cet exercice au tiers qui réside avec elle lorsque les circonstances l’exigent. L’accord de ce tiers doit être recueilli.
« La décision du juge doit être justifiée par l’intérêt supérieur de l’enfant. »
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Je vais, à mon tour, retirer cet amendement, non sans vous avoir expliqué ce qui m’a poussé à le déposer, mes chers collègues.
Depuis quelques années, une jurisprudence, confirmée par la Cour de cassation, s’est établie. Elle tend à autoriser la compagne de la mère à prendre soin de l’enfant, dans des circonstances exceptionnelles, et dans l’intérêt supérieur de ce dernier. Cette jurisprudence est née de situations donnant à observer que la mère avait des engagements professionnels très importants et que c’était sa compagne qui, en réalité, s’occupait le plus de son enfant.
Dans ce type de situations, il faut naturellement préserver l’autorité parentale du père, qui, certes absent, l’exerce conjointement avec la mère. Dans le cas où le père est d’accord, le juge peut décider de déléguer l’exercice de son autorité. Lorsque la filiation paternelle n’a pas été établie, il est souhaitable de permettre au tiers qui, effectivement, s’occupe le plus de l’enfant, d’assumer cette responsabilité dans des conditions de bonne sécurité juridique.
Il faudra d’ailleurs concevoir la règle symétrique, dans l’hypothèse où c’est le père qui s’occupe de l’enfant avec son compagnon, si la mère est décédée ou si la filiation maternelle n’est pas établie, ce qui peut arriver tout à fait exceptionnellement.
Compte tenu de ce qui nous a été expliqué tout à l’heure, il me semble préférable de discuter de ce dispositif quand nous débattrons de l’ensemble des questions susceptibles de se rattacher à la future loi sur la famille. C’est la raison pour laquelle je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 103 est retiré.
L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 377-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conjoint ou l’ancien conjoint d’un parent peut également demander une délégation partage de l’autorité parentale si l’enfant résulte d’un projet parental commun. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’élargir la délégation partage de l’autorité parentale au conjoint ou ancien conjoint du parent, afin d’offrir des droits au parent non biologique.
Pour les couples de même sexe, la délégation partage d’autorité parentale est la seule possibilité pour que le parent à l’égard duquel aucune filiation n’est établie ait quelques droits et puisse prendre des décisions relatives à l’éducation de son enfant. En l’état actuel du droit, seuls les parents peuvent saisir le juge de cette demande.
Cet amendement a donc pour objet de permettre au conjoint ou à l’ancien conjoint de le faire. Très concrètement, ce sont les situations de séparation des parents qui sont visées. L’ex-conjoint pourrait alors saisir le juge, afin de continuer à exercer l’autorité parentale sur un enfant qu’il a voulu et élevé jusque là, et ce même si l’autre parent ne le souhaite pas.
Toujours est-il que je retire, moi aussi, cet amendement. Il s’agit, en réalité, d’un appel adressé à Mme la ministre pour qu’elle puisse prendre cette question en considération dans le cadre de la future loi sur la famille.
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 182 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou.
L’amendement n° 269 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, Savary, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot et M. Pierre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 377-1 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 377-1-... – Les père et mère, ou l’un d’eux, peuvent partager tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale par convention judiciairement homologuée avec un tiers qui vit avec l’enfant et l’un de ses parents. La réalisation d’actes graves relatifs à la personne de l’enfant nécessite l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. Cette convention prend fin par la volonté des parties, par déclaration au greffe ou sur décision du juge aux affaires familiales, à la demande d’un parent, du tiers, ou du ministère public. »
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement no 182 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à instaurer un système de partage de l’autorité parentale par convention judiciairement homologuée.
Ce système ferait du partage de l’autorité parentale pour le beau-parent un dispositif propre et le rendrait plus souple que le dispositif existant puisqu’il pourrait être réalisé par convention homologuée par le juge aux affaires familiales. L’étendue du partage serait adaptée en fonction de l’exercice unilatéral ou conjoint de l’autorité parentale.
En cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, le beau-parent pourrait réaliser les actes usuels et les actes graves nécessitant l’accord des deux parents. En cas d’opposition du parent, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, mais qui ne vit pas avec l’enfant, le juge aux affaires familiales pourrait être utilement saisi afin de trancher le conflit.
En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale, le parent pourrait partager avec le beau-parent le pouvoir de faire tout acte relatif à la personne de l’enfant, dans le respect des droits de l’autre parent qui n’exerce pas l’autorité parentale.
Il s’agit d’un dispositif innovant de partage d’autorité parentale.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 269 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Comme l’a parfaitement souligné Yves Détraigne, il s’agit d’instaurer un dispositif souple permettant de réaliser les actes usuels. Une telle disposition apporterait une valeur ajoutée dans la vie pratique et quotidienne des uns et des autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Ces deux amendements identiques sont intéressants, mais ils sont largement satisfaits par le droit en vigueur, notamment par la délégation de l’autorité parentale prévue à l’article 377 du code civil.
Avant de modifier le code civil, peut-être faudrait-il réaliser un bilan de l’application depuis 2002 de l’article 377 ? Le projet de loi que nous examinerons prochainement contiendra un certain nombre de mesures qui concerneront les délégations de l’autorité parentale.
En l’état, une telle disposition me semble prématurée, voire assez mal rédigée. L’avis de la commission est carrément défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : cette disposition n’a pas sa place dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Je veux dire à Mme Benbassa que toutes les questions qu’elle a évoquées, ainsi que le problème de l’autorité parentale et de la délégation de l’autorité parentale, feront partie de la réflexion que nous conduirons ensemble dans le cadre de la future loi sur la famille.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous prenons date !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Dans la mesure où la délégation d’autorité parentale n’est pas l’objet du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, le Gouvernement sera défavorable à l’ensemble des amendements traitant de cette question.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 182 rectifié ter et 269 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 rectifié ter est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 178 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet et Namy, Mme Létard et MM. Capo-Canellas et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 373-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès de l’un des parents ou si ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté, le tiers qui a vécu avec l’enfant et l’un de ses parents et qui a noué des liens affectifs étroits avec l’enfant peut saisir le juge aux affaires familiales afin que l’enfant lui soit confié. Il peut également être désigné par le juge comme tuteur de l’enfant. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article 377, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le tiers, qui a résidé avec l’enfant et l’un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui, peut, en cas de décès de ce parent ou si ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté, saisir le juge aux affaires familiales en vue de se voir déléguer tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale. »
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement no 63 rectifié ter.
M. Patrice Gélard. Le droit actuel prévoit que le juge aux affaires familiales qui statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale après séparation des parents peut décider, du vivant même des parents, que, en cas de décès de celui d’entre eux qui exerce cette autorité, l’enfant n’est pas confié au survivant.
Cet amendement vise à compléter ce dispositif en permettant au tiers qui a résidé avec l’enfant et à l’un de ses parents de saisir directement le juge aux affaires familiales d’une demande de se voir confier l’enfant. Il prévoit également la possibilité de l’ouverture d’une tutelle.
En outre, cet amendement vise à réformer la procédure de délégation de l’autorité parentale prévue par l’article 377 du code civil.
La procédure actuelle permet, « lorsque les circonstances l’exigent », aux « père et mère » de saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers. Or elle ne prévoit pas le cas du décès de l’un des parents.
Le présent amendement tend à compléter ce dispositif en permettant au tiers qui résidait avec le parent décédé, qui aurait participé à l’éducation de l’enfant au quotidien et noué avec lui des liens affectifs étroits, de saisir le juge en vue de se voir déléguer tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale.
Ces propositions font suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes tracées par le rapport annuel de 2006 du Défenseur des enfants, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités – Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 178 rectifié ter.
M. Yves Détraigne. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Ces amendements reprennent deux propositions distinctes du Défenseur des enfants datant de 2006. Or, depuis cette date, les choses ont évolué.
D’une part, des réformes sont intervenues pour organiser la protection de l’enfant en cas de décès de ses parents. Je pense, par exemple, à la désignation d’un tuteur ou d’un mandataire de protection future.
D’autre part, l’adoption de ces amendements remettrait en cause l’équilibre sur lequel repose notre droit civil et le principe essentiel selon lequel l’autorité parentale appartient aux parents de l’enfant, le parent survivant la recevant totalement en cas de décès de l’autre parent.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Notre droit civil organise alors un mécanisme d’administration légale sous contrôle judiciaire, auquel il soumet le parent restant.
Le futur projet de loi sur la famille sera peut-être l’occasion d’examiner toutes ces questions, sur lesquelles il nous faudra probablement revenir. En attendant, une telle disposition n’a pas sa place dans le texte que nous examinons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
À l’heure actuelle, l’article 403 du code civil permet au dernier vivant des père et mère qui détient seul l’autorité parentale de désigner un tuteur.
La question qui est abordée au travers de ces deux amendements identiques a sa raison d’être, à tout le moins partiellement. Elle sera mieux traitée dans le futur projet de loi sur la famille que nous examinerons prochainement.
M. Bruno Sido. Qu’elle sera riche, cette loi ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Ce sera une grande famille ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié ter et 178 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. ... – Le parent, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, qui exerce l’autorité parentale sur son enfant mineur, peut désigner le tiers qui réside avec l’enfant et ce parent et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui, mandataire chargé de le représenter à compter du jour où il décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé mineur. Cette désignation peut faire l’objet d’une révocation unilatérale de la part du parent ayant l’autorité parentale. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à permettre au parent qui exerce l’autorité parentale sur un enfant mineur de donner mandat au tiers qui réside avec lui et l’enfant et qui a noué des liens affectifs étroits avec lui de le représenter, en cas de décès ou d’incapacité future.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article 374-... ainsi rédigé :
« Art. 374-... – Le parent, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle, qui exerce l’autorité parentale sur son enfant mineur, peut désigner le tiers qui réside avec l’enfant et l’un de ses parents et a noué des liens affectifs étroits avec lui, mandataire chargé de le représenter à compter du jour où il décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement, semblable à celui que vient de présenter le doyen Gélard, est le dernier que nous proposons visant à élaborer un statut du beau-parent.
J’ai noté, madame le garde des sceaux, madame la ministre, que, même si vous n’émettez pas d’avis favorable ce soir sur ces amendements, vous les jugez intéressants. Ils font progresser en effet la question de la délégation d’autorité parentale tout en évitant certains excès, comme d’autres dispositions qui ont été adoptées ce soir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le dispositif est déjà satisfait par le droit en vigueur depuis la réforme de la protection juridique des majeurs en cas d’incapacité ou de décès. Cette protection peut aussi être mise en œuvre dans le cas d’un mandat de protection future. Cette décision s’impose alors au juge.
Au surplus, la mesure proposée pourrait faire l’objet d’une proposition plus large dans le cadre de la future loi sur la famille.
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, tout en précisant qu’il sera très attentif à toutes les propositions et suggestions de M. Détraigne.
Les sujets abordés sont de vrais sujets. Parfois, les amendements proposés sont déjà satisfaits par le code civil, mais, parfois, ils méritent une évaluation afin d’approfondir la discussion.
Je ne doute pas, monsieur Détraigne, que vous participerez aux travaux préparatoires sur le futur projet de loi sur la famille. La ministre chargée de la famille a déjà bien avancé sur ce projet. Nous veillerons à ce que les propositions que vous avez faites pour améliorer les relations entre les enfants et le beau-parent et favoriser le maintien de la relation familiale soient prises sérieusement en considération.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 34 rectifié bis.
M. Bruno Sido. Avec cette loi, les choses deviennent d’une complexité extraordinaire. Gardons les pieds sur terre ! On a l’impression d’être dans une bulle où l’on discute de problèmes qui, éventuellement, n’existeront pas.
Je ne sais pas qui a été à l’origine, en amont, de ce type d’amendements. Je ne cherche pas à le savoir, d’ailleurs.
Je veux juste souligner que c’est déjà compliqué aujourd’hui quand les parents biologiques transfèrent l’autorité parentale à d’autres parents adoptants, que l’adoption soit simple ou pas. Il faut qu’un juge intervienne pour que le transfert soit réalisé dans les « règles de l’art ». Imaginez un instant si l’on sous-transfère cette autorité parentale… Franchement, on croit rêver !
La future loi sur la famille, madame la ministre, contiendra beaucoup de choses.
M. François Rebsamen. Eh oui, on verra à ce moment-là !
M. Bruno Sido. Son examen prendra du temps et sera compliqué ! Certes, la vie se complexifie, mais est-ce une raison pour rédiger des lois qui compliquent à l’envi tout ce qui est déjà naturellement compliqué ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. On ne complique rien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas le texte qui est compliqué !
M. Bruno Sido. En tout état de cause, sous-traiter l’autorité parentale me paraît quelque peu démesuré par rapport à la problématique actuelle.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je soutiens naturellement ces deux amendements, qui présentent l’immense mérite de mettre l’accent sur le lien extrêmement étroit entre le principe que vous avez posé, et qui a été adopté par le Sénat à l’article 1er, et l’ensemble des dispositions concernant la famille.
Je ne suis pas le meilleur juriste de cette assemblée, mais je connais un peu la vie. Or, dans la vie, lorsqu’on ne peut pas se marier, on ne se marie pas ! En ouvrant la porte au mariage des personnes de même sexe, vous allez inévitablement déstabiliser à la fois les mariages existants et les couples non mariés homosexuels, qui seront confrontés à une question simple : allons-nous nous marier ou pas ? (Mme la garde des sceaux rit.)
J’ai de la vie une connaissance suffisamment riche pour savoir que tant qu’on ne peut pas se marier, il est relativement facile de maintenir le statu quo. Cela peut changer lorsque la possibilité du mariage est offerte : le couple peut s’en trouver alors non pas consolidé, mais fragilisé, jusqu’à éclater, le cas échéant. Car, lorsque nous recevons nos administrés dans nos permanences, nous constatons qu’ils ont parfois le don pour se mettre dans des situations impossibles.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils ne sont pas raisonnables ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Par exemple, ils vivent en concubinage tout en étant mariés par ailleurs. Tant que la rupture du mariage ne débouchait sur rien, ils ne pouvaient pas être incités ni encouragés par le concubin à la rupture du mariage antérieur.
Mme Annie David. Qu’est-ce que c’est tordu !
M. Gérard Longuet. Si maintenant cette rupture débouche sur un mariage, il va y avoir accélération des ruptures !
Mme Annie David. Vos amis avocats gagneront plus d’argent !
M. Gérard Longuet. La grande étude réalisée par l’INSEE sur un échantillon de 200 000 couples français met en lumière une vérité statistique. Dans l’immense majorité des cas, les enfants qui vivent dans des familles homoparentales n’ont pas été conçus au sein de ces couples, ils sont simplement les enfants de couples qui se sont reconstitués sur la base de l’homosexualité après avoir vécu une phase d’hétérosexualité, ce qui leur a permis d’avoir un enfant.
Par conséquent, ils se partagent cet enfant et tout se passe très bien. Mais à partir du moment où le mariage devient possible, par ricochet, l’appel au mariage va déconstruire d’autres mariages.
M. Jean-Pierre Godefroy. Que c’est compliqué !
M. Gérard Longuet. Nous aurons à gérer des relations extraordinairement complexes entre des parents qui étaient mariés, mais qui ne vivaient plus ensemble, et qui seront obligés de divorcer puisqu’ils peuvent se marier. (M. Jean-Pierre Raffarin rit, ainsi que Mme la garde des sceaux.)
Très honnêtement, je suggère que nous attendions cette loi sur la famille pour mettre en œuvre la loi sur le mariage, qui aura un double effet.
D’une part, des couples hétérosexuels légitimes qui ne vivent plus ensemble devront divorcer parce que l’un des deux conjoints en aura fait la demande pour pouvoir se marier. (Rires sur plusieurs travées.)
Mme Annie David. On a perdu le fil, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. D’autre part, des personnes homosexuelles vivant en concubinage seront sans doute effrayées par la perspective du mariage, donc amenées à se séparer. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. On n’a rien compris, monsieur Longuet. Vous pouvez tout recommencer depuis le début ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Gérard Longuet. Si ceux qui pouvaient vivre ensemble tant qu’ils n’avaient pas la possibilité de se marier se trouvent confrontés à l’obligation légale de respect, de fidélité et de soutien, ils voudront sans doute reprendre leur liberté, par peur d’une situation qu’ils n’avaient pas envisagée. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Madame le garde des sceaux, je vous suggère avec beaucoup de sagesse de continuer sur le chemin que vous avez emprunté, et sur lequel nous ne vous suivrons pas, mais d’attendre le texte sur la famille pour mettre en œuvre de telles mesures. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC applaudissent ironiquement.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 181 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par M. Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 373-2-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si un enfant a plus de douze mois et que l’un des parents demande la résidence alternée, elle s’applique de plein droit et le juge est tenu de l’accorder quelle que soit la distance qui sépare les domiciles des parents. Elle peut être refusée par le juge par une décision spéciale qu’il doit motiver. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 388-1. – Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement est, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, entendu par le juge, ou lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
« Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.
« Le mineur est entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.
« L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à protéger avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’agit de lui garantir une construction saine et équilibrée, reposant sur deux parents réellement présents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable : la situation en vigueur nous paraît plus sensée que le dispositif envisagé par M. Gélard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 119 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Savary et G. Larcher.
L’amendement n° 156 rectifié bis est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L’amendement n° 163 rectifié bis est présenté par MM. Bécot, Bordier, César, Cornu, Houel, P. Leroy et Pointereau.
L’amendement n° 201 rectifié est présenté par MM. Revet et Darniche.
L’amendement n° 237 rectifié est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’éducation de l’enfant incombe, sauf application de dispositions législatives expresses, à son père et à sa mère. Dans le cas où la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère, le père ou la mère assume seul cette responsabilité. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. Par souci de cohérence, nous proposons d’introduire dans le code de l’action sociale et des familles le principe que nous défendons depuis le début de ce débat : l’éducation d’un enfant incombe à ses père et mère.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 156 rectifié bis.
M. Bruno Sido. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 163 rectifié bis.
M. Michel Bécot. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 201 rectifié.
M. Charles Revet. J’ai souligné tout à l’heure que l’on faisait peu de cas du droit de l’enfant.
Les amendements que nous avons déposés ont pu vous sembler répétitifs. J’ai bien compris que, pour vous, il n’était pas question d’en adopter un seul. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
À l’instar de M. Sido, j’estime que le texte sur la famille dont nous serons bientôt saisis, semble-t-il, devra aborder ces différents éléments. Les parents ont des devoirs à l’égard de leurs enfants.
Certains proposent de soustraire le plus tôt possible les enfants à l’influence de leurs parents. Nous prônons exactement le contraire. Éduquer un enfant, c’est une responsabilité. Ce sont les parents, c’est-à-dire le père et la mère, les mieux placés pour l’exercer. Et en cas de séparation ou si l’un des deux parents disparaît, c’est au père ou à la mère de s’en charger.
Cet amendement vise donc à rappeler le rôle essentiel des parents.
M. le président. L’amendement n° 237 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, et ce pour deux raisons.
D’une part, de tels éléments figurent déjà dans le code civil ; ce n’est pas donc la peine de les introduire dans le code de l’action sociale et des familles. D’autre part, ces amendements interdisent de facto l’adoption par des couples de personnes de même sexe.
M. Gérard Longuet. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ce sont des amendements « Adam et Ève ». Nous en avons déjà longuement discuté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Avoir un père et une mère n’est pas une garantie, une assurance de vie heureuse pour l’enfant ; je vous renvoie à des exemples littéraires comme Vipère au poing ou Poil de Carotte. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Cela peut y contribuer !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je remercie les auteurs de ces amendements identiques de me donner l’occasion de confirmer une conviction forte : les pères et les mères doivent continuer à exister même si les enfants sont élevés au sein de couples homosexuels, ceux qu’institue l’article 1er.
Selon l’étude de l’INSEE, les cas d’adoption sont marginaux. En outre, la PMA et la GPA ne sont pas autorisées aujourd’hui. L’immense majorité des enfants élevés au sein de couples homosexuels ont été conçus par un père et par une mère, que le mariage ait été dissous par un divorce, qu’il n’ait jamais existé ou qu’il soit maintenu, en attendant mieux, pour des raisons de convenance.
Quelque forme qu’elle ait revêtu, c’est donc une union hétérosexuelle qui a donné naissance à ces enfants.
Le fait de préciser, comme le proposent les auteurs de ces amendements, que l’enfant est éduqué par son père et par sa mère n’interdit absolument pas qu’il y ait un mariage homosexuel ultérieur. Il s’agit simplement de rappeler qu’un enfant élevé par un couple d’homosexuelles a toujours un père et qu’un enfant élevé par un couple d’homosexuels a toujours une mère.
Le lien entre le père et la mère continue d’exister quel que soit l’avenir de leur couple. C’est le problème qui se pose pour les divorcés. En cas de divorce, des familles se recomposent et il y a des disputes au sein d’anciens couples. Mais il y a toujours un père et une mère qui restent responsables de l’enfant et de son éducation. Les auteurs de ces amendements veulent simplement le rappeler.
Je vois bien ce qui est proposé ; vous voudriez gommer le père ou la mère. Pourtant, ils existent, y compris, j’en suis convaincu, dans 95 % des cas d’enfants élevés par des couples homosexuels. Ces enfants n’ont aujourd’hui pas de statut ; ils en auront un demain. Ce sont des enfants de couples hétérosexuels qui ont éclaté à l’épreuve du temps, l’un des conjoints ayant changé de mode de vie, ce qui est son droit.
Mais il n’empêche que le lien créé par la venue au monde de l’enfant, né de deux personnes de sexe différent, demeure, quelles que soient les orientations sexuelles tardives de l’un des conjoints. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’ai bien lu les amendements identiques et écouté l’intervention de mon collègue et ami Gérard Longuet.
Ce qui nous est proposé – d’ailleurs, c’est le risque lorsque l’on se contente de signer des amendements rédigés et adressés par des associations… – n’a rien à voir avec le mariage pour tous.
Selon le texte des amendements : « L’éducation de l’enfant incombe […] à son père et à sa mère. » Je ne vois rien d’extraordinaire à cela. Il est également précisé que dans les cas où « la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère », l’autre parent n’exerce pas cette responsabilité. Mais enfin ! Si l’autre parent n’exerce pas cette responsabilité, c’est que ce n’est pas le père ou la mère ! Car le père et la mère doivent évidemment se charger tous les deux de l’éducation de l’enfant.
Ces amendements sont des cavaliers législatifs. Ils n’ont rien à voir avec l’objet du texte dont nous discutons depuis plusieurs jours. Je suis donc très dubitatif quant à leur pertinence. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je souhaite réagir aux propos de Mme la ministre chargée de la famille, qui affirme, référence à Hervé Bazin à l’appui, qu’avoir un père et une mère n’est pas une garantie de vie heureuse pour l’enfant.
M. Jean-Pierre Raffarin. L’assurance !
M. Christophe Béchu. Garantie, assurance…
Personne, ici, n’a prétendu le contraire ; personne n’a soutenu qu’il s’agissait d’une garantie de bonne éducation ! Simplement, madame la ministre, vos propos pourraient laisser accroire que le fait de ne pas être élevé par un père et une mère, lui, en est une !
Je le dis clairement, nous avons la conviction, la certitude même, qu’avoir un père et une mère, à défaut d’être une garantie ou une assurance de vie heureuse, reste le meilleur modèle possible et souhaitable pour un enfant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119 rectifié bis, 156 rectifié bis, 163 rectifié bis et 201 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Articles additionnels après l’article 1er quinquies (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Articles additionnels après l’article 23
Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2013 sur les conséquences en matière d’adoption internationale de la présente loi, en particulier sur le nombre d’enfants proposés à l’adoption en France.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à combler une lacune liée à l’absence de données dans l’étude d’impact.
Nous demandons au Gouvernement un rapport évaluant les conséquences de la présente loi en matière d’adoption internationale, notamment ses effets sur le nombre d’enfants proposés à l’adoption en France. Une telle information est nécessaire à la fois pour les couples hétérosexuels et pour les couples homosexuels, lesquels pourront désormais adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable.
L’Agence française de l’adoption et le Conseil supérieur de l’adoption remettent des rapports annuels qui fournissent un certain nombre d’informations et permettent au Parlement d’exercer sa mission de contrôle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Au demeurant, le Sénat produit souvent lui-même des rapports de grande qualité, dans le cadre de missions d’information. Il n’a donc pas besoin que le Gouvernement lui fournisse en un.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur.
Les auteurs de cet amendement réclament une étude d’impact, alors que l’Agence de l’adoption internationale – j’ai siégé au sein de son conseil d’administration – fournit des chiffres ex ante. Je pense que la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement s’impose.
Cela dit, les conséquences de la présente loi sur l’adoption, nous les connaissons ! Certains pays offrant des enfants à l’adoption étaient déjà très réticents lorsqu’il s’agissait de personnes seules. Désormais, ils n’offriront plus d’enfant du tout ! L’Afrique du Sud l’a déjà dit explicitement, le Vietnam fera de même, la Colombie se fermera, ainsi sans doute que la Russie…
Toutefois, même si nous connaissons déjà les conséquences d’une telle loi sur l’adoption internationale, il est effectivement souhaitable qu’un rapport puisse les confirmer. Je pense donc qu’il s’agit d’un excellent amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié bis, présenté par MM. Frogier, Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 14-4 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, il est inséré un article 14-5 ainsi rédigé :
« Art. 14-5. – Les articles 515-1, 515-2 et 515-8 du code civil sont applicables en Polynésie française. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre collègue Pierre Frogier, vise à appliquer les dispositions relatives au PACS en Polynésie française, comme cela a déjà été fait pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
Actuellement, il n’est pas possible de faire enregistrer un PACS au greffe du tribunal de Papeete.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis défavorable. Comme je l’ai déjà expliqué tout à l’heure, le PACS n’est pas appliqué en Polynésie française, car cela relève de la compétence de l’assemblée territoriale. Ce n’est donc pas à nous de dire à l’assemblée territoriale qu’elle doit appliquer le PACS. En revanche, le mariage est applicable de plein droit.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Le pacte civil de solidarité est un contrat et, en tant que tel, il relève des compétences du territoire de Polynésie française. Par conséquent, c’est au territoire de prendre la décision d’instaurer un PACS. J’ai d’ailleurs proposé aux députés de Polynésie française, qui ont également soulevé ce problème, des séances de travail – une première séance a peut-être déjà eu lieu –, afin de les aider, s’ils le souhaitent, à rassembler des éléments en vue de l’élaboration d’un pacte civil de solidarité.
Le mariage, en revanche, n’est pas seulement un contrat entre deux personnes, c’est surtout une institution. Il vise l’état des personnes. Il ne relève donc pas de la compétence de l’assemblée territoriale et s’appliquera en Polynésie française, qui fait partie du territoire de la République.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Articles additionnels après l’article 22 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Intitulé du projet de loi (début)
Articles additionnels après l’article 23
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 235 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, B. Fournier, Bizet et Couderc, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2014 établissant un état des lieux de l’application de la théorie du genre en France.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Il s’agit de demander au Gouvernement, par un rapport annuel, d’établir un état des lieux de l’application de la théorie du genre en France.
Il n’est pas question, par cet amendement, de remettre en cause cette théorie qui met en lumière, par des méthodes scientifiques, les modes d’organisation de la société à partir des fonctions spécifiques assignées à l’homme et à la femme en raison de leur différence sexuelle et des situations d’inégalité qui en résultent.
Il est en effet intéressant de s’interroger, à travers l’histoire, sur les différences non biologiques entre hommes et femmes, en cherchant la racine et les causes des inégalités observées.
En revanche, il nous faut être renseignés sur l’importance de l’introduction de la théorie du genre en France, car cette théorie, qui est non pas une étude scientifique, mais un système de pensée, pourrait avoir inspiré ou pourrait inspirer notre législation.
Or, pour les tenants de cette théorie, c’est non pas la différence des sexes qui importe, mais la perception subjective que chaque individu se fait de son identité, lui permettant ainsi de déterminer librement son orientation sexuelle qui pourrait prendre des formes diverses, tout comme elle pourrait évoluer dans le temps.
La théorie du genre, en se fondant non plus sur la différence des sexes, mais sur celle des sexualités, se retourne en fait contre les femmes, car il ne peut y avoir égalité sans reconnaissance des sexes. L’homme et la femme ont une spécificité liée à leur nature et la véritable égalité consiste à en tenir compte.
Cette indifférenciation des sexes conduit donc à une rupture majeure de notre société et à un bouleversement pour l’ensemble des Français. Ceux-ci ont le droit de savoir. La théorie du genre ne peut être imposée en catimini, sans que les citoyens aient conscience de ce qu’elle représente et des conséquences qu’elle entraîne pour la politique de la petite enfance, l’éducation, l’enseignement scolaire et supérieur, les droits des femmes, le droit de la famille, le droit social, la justice et l’administration.
Il nous faut donc un état des lieux, et c’est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 272 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Revet, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2014, un rapport établissant un état des lieux de l’enseignement, la diffusion, l’application de la théorie du genre en France et ses conséquences.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement a le même objet que celui que mon ami Philippe Darniche vient de présenter.
Je tiens à signaler que la théorie du genre est maintenant proposée à l’enseignement, non pas de philosophie, mais de SVT, les sciences de la vie et de la terre. Ce n’est d’ailleurs pas l’actuel gouvernement qui a mis l’enseignement de cette théorie au programme scolaire.
Celle qui a pensé, conçu la théorie du genre, Judith Butler, a écrit un livre intitulé Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité. Demander un rapport, c’est savoir si nos enfants sont soumis à une subversion, et laquelle. Je vous rappelle que cette théorie pousse à une déconstruction-reconstruction en matière de genre, c’est évident, mais aussi en matière de famille, laquelle devient suspecte puisque la femme y serait maintenue dans un état de domination, soumettant aussi les enfants à un déterminisme naturel négatif. La maternité y est aussi perçue comme suspecte puisque l’idée de la seule reproduction naturelle doit être déconstruite au profit de l’idée selon laquelle l’enfant ne se reçoit pas, il se désire. Il faut donc recourir à d’autres techniques.
À partir du moment où cette théorie est reconnue comme telle et qu’elle fait l’objet d’un enseignement – sans doute n’est-elle d’ailleurs pas complètement étrangère à l’inspiration de ce texte –, il me semble que le Gouvernement serait bien inspiré de proposer à la représentation nationale un rapport sur les conséquences de cette théorie, en tout cas de son enseignement.
Mme Nicole Bonnefoy. Quel rapport ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel. Avis défavorable, car la théorie du genre n’a pas de rapport direct avec le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 235 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Articles additionnels après l’article 23
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
Intitulé du projet de loi
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 140 rectifié est présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Bockel, Dubois, Jarlier, Lasserre et Maurey.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi portant création d’une union civile
Ces amendements n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après le mot :
mariage
Rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
et l’adoption aux couples de même sexe, et supprimant la nécessité de la différence sexuelle propre à la filiation
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je présenterai en même temps l’amendement n° 263 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 263 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido, del Picchia et Darniche, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, G. Larcher, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après le mot :
mariage
Rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
et l’adoption aux couples de même sexe
Vous avez la parole pour présenter ces deux amendements, monsieur Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Ce sont des amendements un peu facétieux, mais importants. Je souhaitais en effet, avec plusieurs de mes collègues, dire, nommer les choses, notamment en indiquant que ce texte visait aussi à supprimer la nécessité de la différence sexuelle propre à la filiation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements qui sont non pas seulement facétieux, mais aussi quelque peu provocateurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.
J’espère que, cette fois, Mme Des Esgaulx, qui ne semblait guère tout à l’heure apprécier le fait que nous détendions l’atmosphère, goûte la facétie… (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Lorsque le génie vient de vos rangs, peut-être y êtes-vous sensible, madame la sénatrice ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. L’amendement n° 264 rectifié est facétieux. Soit. Mais je ne comprends pas que l’amendement n° 263 rectifié recueille un avis défavorable puisque la disposition qu’il prévoit correspond très précisément à ce sur quoi vous nous avez fait voter.
Selon le dernier amendement que nous examinons ce soir, le projet de loi serait non plus relatif à l’ouverture au mariage aux couples de personnes de même sexe, mais à l’ouverture au mariage et à l’adoption aux couples de même sexe ou, pour reprendre vos mots, au mariage et à l’adoption pour tous.
Pourquoi refuser de modifier l’intitulé du projet de loi qui intègre l’adoption comme un droit nouveau et comme une égalité nouvelle, alors qu’on pourrait penser que c’est avec fierté que vous avez porté et défendu ce texte dans l’ensemble de ses conséquences ? Je ne comprends donc pas que le rapporteur et, plus encore, le Gouvernement refusent d’ajouter le mot adoption dans le titre du projet qu’ils défendent, ce qui aurait pourtant le mérite de clarifier encore un peu plus la réalité du changement juridique qu’ils nous proposent.
Madame la ministre, doit-on voir – et il n’y a là nulle facétie de ma part –, dans ce refus d’ajouter l’adoption dans l’intitulé du projet de loi, un aveu ? Vous savez en effet que nos concitoyens n’ont pas le même degré d’adhésion au mariage et à l’adoption et qu’ils sont très majoritairement opposés à l’adoption élargie à tous les couples. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
C’est la question que je me pose et je ne veux pas croire que ce soit la seule raison pour laquelle vous refusez de nommer les choses telles qu’elles sont.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cher Christophe Béchu, je vois bien que vous voulez être le dernier à parler, comme si vous étiez accusé, mais vous n’avez rien à vous reprocher. Si nous sommes défavorables à cet amendement, c’est parce qu’il vise à ouvrir l’adoption aux « couples de même sexe » et non aux « personnes de même sexe » et qu’il est donc mal rédigé. (Exclamations sur les travées de l’UMP. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Béchu, le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour d’autres raisons.
Ce n’est pas la première fois que vous faites la démonstration à laquelle vous venez de vous livrer. Méfiez-vous de ne pas être pris de vertige à toujours tourner autour des mêmes arguments ! Nous avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle que le mariage emporte l’adoption. Vous êtes législateur, vous le savez. Le Gouvernement a justement fait preuve de courage en parlant systématiquement de mariage et d’adoption parce que le citoyen, lui, n’est pas censé savoir que le mariage emporte l’adoption.
Vous avez prétendu que nous avancions à visage masqué. Au contraire, nous n’avons cessé d’évoquer le mariage et l’adoption parce que nous estimons que le citoyen, qui ne lit pas le code civil tous les matins – contrairement, semble-t-il, à certains sénateurs (Sourires.) –, n’est pas censé savoir que le mariage, en vertu de l’article 343 du code civil, emporte l’adoption. Vous, vous le savez.
Donc, lorsque nous faisons du droit, lorsque nous sommes entre législateurs, il n’y pas de lieu de mentionner le mariage et l’adoption. Pendant toute la période d’explication, nous avons dit qu’il s’agissait de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Mais le fait que le mariage emporte l’adoption découle de notre code civil. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Madame le garde des sceaux, juridiquement, votre démonstration est incontestable mais je soutiens totalement l’amendement qui a été admirablement défendu par Christophe Béchu…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même son auteur ne le défend pas !
M. Gérard Longuet. … pour une raison très simple : c’est qu’en autorisant le mariage des personnes de même sexe, vous les condamnez à l’adoption. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. N’importe quoi !
M. Gérard Longuet. Aujourd’hui, 95 % des enfants de couples homosexuels sont issus de mariages ou de couples hétérosexuels constitués sous différentes formes. En leur offrant la possibilité du mariage, vous les condamnez au mariage homosexuel, c’est-à-dire que vous les condamnez à l’adoption, vous aviez raison de le rappeler.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais abonder dans le sens qui vient d’être indiqué par mon ami Gérard Longuet.
Madame le garde des sceaux, madame la ministre, au terme de cette discussion, et avant que nous ne nous retrouvions demain pour les explications de vote, je tiens à souligner que vous nous avez décrit, au cours des jours que nous avons passés ensemble, un monde absolument merveilleux, dans lequel chaque personne visée par ce texte allait vivre un grand bonheur et se voyait promis à une belle destinée.
Dans quelques secondes, il sera minuit. Cendrillon retrouvera son carrosse transformé en citrouille et ses pantoufles de vair redeviendront des sabots.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et le prince charmant ?
M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez bâti un édifice sur du rêve, mais la réalité, beaucoup plus dure que celle que vous avez décrite, va s’imposer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Mais à la fin, tout s’arrange : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi et des amendements portant article additionnel.
Je vous remercie tous de votre participation à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Demain matin, nous procéderons aux explications de vote, et le Sénat se prononcera ensuite sur l’ensemble du projet de loi.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
Intitulé du projet de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale
10
ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 12 avril 2013, à neuf heures :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)

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Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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