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mercredi 30 janvier 2013

JJ Urvoas (29 janvier)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Monsieur le président, madame et monsieur le ministre, madame et monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, je ne vais pas intervenir sur le fond de ce projet de loi,...

M. Jacques Myard. Il n’y a pas de fond !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

…tout simplement parce que je le dirais moins bien que l’excellent rapporteur Erwann Binet et que Marie-Françoise Clergeau.
 
Je veux consacrer quelques minutes à l’étonnant, l’inquiétant procès en illégitimité intenté à ce Parlement, qui ne serait donc pas apte à voter un texte de cette importance.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

J’ai entendu que, au regard de l’importance de l’enjeu, c’était au peuple souverain et à lui seul de débattre et de se prononcer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il m’a semblé que cet après-midi était le bon moment pour essayer de démontrer l’inconsistance de cette argumentation et évoquer ce qu’elle révèle d’inquiétant sur notre modèle institutionnel, en tout cas sur la manière dont certains l’appréhendent.
 
Comme beaucoup d’entre nous ici, j’ai reçu beaucoup de courriers sur ce texte appelant à l’organisation d’un grand débat. À chaque fois, j’ai répondu que ce débat avait lieu et qu’il fallait être d’une extraordinaire mauvaise foi ou d’une stupéfiante cécité pour ne pas s’en rendre compte.
 
Depuis sa présentation à la presse en septembre et son dépôt devant notre assemblée en novembre, quel autre sujet a été autant discuté par nos concitoyens,…

M. Claude Goasguen et M. Pierre Lequiller. Le chômage !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

…, disséqué par les médias, traité par les sociologues, les psychologues, et même par les représentants du culte ? Débats, tribunes, confrontations, cela fait des mois que la société parle de ce sujet. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
 
Même dans cette assemblée, grâce au président Bartolone que je remercie, nous avons décidé que les auditions seraient ouvertes à la presse et retransmises sur le site de l’Assemblée nationale – ce qui n’avait jamais été l’usage sous la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Mais si, cela s’est fait avant !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

S’il s’agit d’un débat escamoté, je ne sais pas ce qu’est un vrai débat ! Qu’aurions-nous pu faire de plus ? Votre modèle était-il le débat sur l’identité nationale ? (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’attendions pas grand-chose de ces grands-messes préfectorales dont il ne sortait que ce que ses instigateurs avaient décidé qu’il devait en sortir.
 
Je crois que le problème tient finalement à ce que certains n’admettent la pertinence d’un échange de vues que s’il aboutit à l’alignement de tout contradicteur sur leurs propres positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas notre conception.

M. Claude Goasguen. Mais c’est votre pratique !

M. Philippe Meunier. Et les consignes de vote données aux députés socialistes ?

M. Pierre Lequiller. Pas un seul amendement de l’opposition n’a été accepté !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Concernant l’appel au peuple, le Gouvernement, par la voix de la garde des sceaux et de la ministre de la famille en commission des lois, a eu l’occasion de démontrer l’inapplicabilité constitutionnelle d’une telle requête. Je n’y reviens pas, d’autant que nous aurons, je crois, l’occasion d’en reparler dans la soirée.
 
Ce problème juridique mis à part, il ne semble pas que l’usage du référendum sur cette question aurait été pertinent. La nature même de la procédure référendaire, binaire, ne permet pas d’apporter une réponse nuancée à une question complexe.

M. Philippe Gosselin. La vôtre n’est pas nuancée non plus !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Attendez donc ma démonstration, vous la contesterez ensuite… Pas d’a priori !

M. le président. Monsieur Gosselin, vous répondrez tout à l’heure. En attendant, écoutez !

M. Philippe Gosselin. J’écoute avec attention.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

La question qui a donné lieu au dépôt de ce projet de loi se signale par sa complexité, chacun le reconnaît. Il suffit de regarder l’indéniable diversité des réactions qu’il suscite.
 
Certains de nos concitoyens sont favorables au mariage pour tous, mais hostiles à l’adoption par des couples homosexuels. D’autres sont totalement opposés au principe même du droit au mariage pour les homosexuels. D’autres encore estiment le texte incomplet au point de vouloir y intégrer d’autres dispositions.
 
Une telle disparité des opinions exclut de fait le recours à un mécanisme de consultation qui interdit toute prise en considération d’un éventail très large de positions.

M. Yves Fromion. Cela n’interdit pas le débat !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

C’est, me semble-t-il, une question de bon sens mais aussi un problème politique.
 
Nous avons un rapport étrange au référendum. Régulièrement, les citoyens, en tout cas les sondés, plébiscitent l’outil, mais, lorsque l’occasion leur est donnée, ils sont moins nombreux à se déplacer. Du moins ne le font-ils pas en masse.
 
Faut-il rappeler les taux d’abstention enregistrés lors du référendum de 1988 et de celui, pourtant très populaire, de 2000 sur le quinquennat ? Pourquoi donc, par quelle bizarrerie donc devrait-on considérer que le législateur est – par essence – disqualifié ? Sommes-nous certains qu’en 1975, si un référendum avait été organisé sur l’IVG, son résultat aurait été positif ? Le résultat d’un référendum sur la peine de mort, en 1981, aurait-il été positif ? En 1999, le résultat d’un référendum sur le PACS aurait-il été positif ?
 
Pourtant, qui, aujourd’hui, conteste ces trois décisions, ces trois votes du Parlement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
 
Oui, la légitimité du référendum est incontestable sur les questions d’ordre institutionnel, mais, pour le reste, je crois sincèrement que c’est au pouvoir politique, exécutif et législatif, de prendre ses responsabilités.

M. Alain Tourret. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

J’ajoute qu’il est pour le moins surprenant de voir ceux-là même qui reprochent à la majorité d’instrumentaliser le thème du mariage pour tous pour faire diversion par rapport à la crise économique réclamer à présent un référendum sur le sujet alors même qu’il monopoliserait inévitablement l’attention et les débats pendant plusieurs mois.
 
J’en viens à mon dernier argument.
 
Les revendications incessamment ressassées de « grand débat » et de référendum révèlent incidemment une volonté plus ou moins consciente de contourner le Parlement.
 
Certains éminents collègues, dont certains viennent d’arriver dans cette assemblée, y sont allés de leur couplet, louant avec ferveur les inestimables mérites de la démocratie directe. Étonnante déclaration que celle d’un de nos collègues, lors de la manifestation du 13 janvier : « En tant qu’élu de la Nation, je n’ai pas reçu le mandat de voter sur des réformes aussi essentielles » ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
 
Nous voilà donc prévenus : le Parlement n’a pas vocation à traiter les « réformes essentielles », sans doute est-il seulement là pour gérer les affaires courantes…

M. Jean Glavany. Incroyable !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Singulière conception de ce qu’est une démocratie représentative !
 
Nous, législateur, ne serions donc que des comparses, pour ne pas dire des parasites, sur une scène politique où les deux sources exclusives de légitimité seraient le chef d’État et le peuple. C’est à croire que les vieilles recettes éculées du bonapartisme ont encore des adeptes zélés ! Ce n’est pas notre modèle institutionnel, cela ne le sera jamais.

M. Claude Goasguen. Vous rêvez, monsieur Urvoas, vous rêvez !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Nous voulons un pouvoir législatif respecté, pleinement responsable, qui ne se défausse pas à la moindre contestation.
 
Nous ne croyons pas que la rue et le référendum soient les deux seules ni même les deux principales formes d’expression d’une démocratie moderne.

M. Claude Goasguen. C’est incroyable d’entendre ça !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Nous rejetons cet inconcevable jésuitisme qui consiste, d’une part, à en appeler constamment à la revalorisation du Parlement et, de l’autre, à exiger, dès qu’une réforme essentielle serait examinée, que le Parlement ne s’en occupe pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)
 
J’invite dès lors chacun à retrouver le sens de la mesure.
 
Chers collègues, nous n’imposons rien contre la volonté du peuple, nous n’avons trompé personne, nous nous contentons de mettre en œuvre ce sur quoi nous avons été élus. François Hollande a été élu président de la République sur un programme.

M. Claude Goasguen. Et vous obéissez !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Nous avons été élus dans nos circonscriptions sur cette réforme.
 
Un projet de loi a été déposé dont l’objectif est d’en autoriser l’application. Il est discuté, à partir d’aujourd’hui en séance publique comme il l’a été en commission des lois pendant près de vingt-quatre heures.
 
Nos débats ne seront pas contraints par le temps-guillotine que vous nous avez imposé pendant plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Vous refusez le débat !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

L’opposition, et c’est normal, aura le droit de défendre ses amendements comme elle l’a fait en commission. Puis le vote aura lieu, dans l’apaisement. En fin de compte, c’est la démocratie, toute la démocratie, rien que la démocratie.
 
Le scandale, en vérité, eût été que nous baissions les bras, que nous nous résignions à défendre un texte tronqué, expurgé de ses principales dispositions.
 
Que ne nous auriez-vous pas dit, chers collègues de l’opposition ! Qu’aurait dit l’opinion sur l’incapacité des politiques à tenir leurs promesses, sur l’imprévoyance de l’exécutif et de sa majorité parlementaire, sur leur patente inconsistance, sur leur navrante inconséquence ?
 
Ces critiques-là eussent été justifiées. Celles dont l’opposition nous abreuve nous honorent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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