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jeudi 31 janvier 2013

N. Kosciusko-Morizet (30 janvier)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le président de la commission, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, il ne s’agit pas ici d’être moderne ou ancien, progressiste ou réactionnaire. Il s’agit de répondre concrètement aux aspirations de couples de même sexe, sans nier l’attachement de nombreux Français à l’institution du mariage comme union d’un homme et d’une femme dans le but de fonder une famille. Il s’agit d’y répondre sans dogmatisme, sans hypocrisie, sans idéologie.
 
Deux sujets sont imbriqués dans ce texte : l’union d’abord, la place des enfants ensuite. Maire d’une ville, comme nombre d’entre vous, je célèbre des mariages, je rencontre les futurs époux et je partage leur projet de vie. Élue locale, je rencontre aussi des couples homosexuels qui me parlent avec la même détermination de leur volonté de s’investir dans un projet commun, et de le voir reconnu par la République. Cette aspiration est légitime : nous devons aux couples de même sexe la pleine reconnaissance de leur union.
 
Le PACS fut une première réponse. Il a offert aux couples de même sexe un cadre de vie commune, des droits et l’obligation de soutien entre contractants. Nous avons voulu, au cours de la précédente législature, le renforcer. Pour cela, nous avons étendu les droits des pacsés, en les rapprochant des droits des couples mariés. Cela s’est traduit en 2007 par la suppression des droits de transmission lors du décès d’un des deux partenaires d’un PACS. En 2008, la loi de modernisation de l’économie a ouvert la possibilité de transmettre son entreprise entre partenaires d’un PACS. En 2010 et en 2011, c’est la possibilité de régler les différends non plus devant le juge administratif mais devant le juge aux affaires familiales qui a été ouverte, ainsi que celle de signer son PACS non plus au greffe du tribunal, mais chez le notaire.
 
Personne ne demande aujourd’hui de revenir sur ce contrat, mais beaucoup le jugent insuffisant. Sa célébration ne serait pas assez solennelle, et il aurait un caractère trop strictement patrimonial, alors même que l’on attend des engagements extra-patrimoniaux. C’est le sens de la proposition d’alliance civile que j’ai présentée avec Daniel Fasquelle, Axel Poniatowski et de nombreux autres collègues.
 
L’alliance civile donne aux couples de même sexe les mêmes droits que le mariage, sans l’adoption. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Discrimination !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est la reconnaissance publique et solennelle, à la mairie, de leur union. Ce n’est pas seulement un contrat comme le PACS, mais une institution républicaine, non pas en dessous du mariage, comme le PACS, mais à côté du mariage. L’alliance civile confère les mêmes droits, la même reconnaissance de l’union, mais sans bousculer les conditions de la filiation. Je crois encore que cette proposition peut rassembler. Elle rassemble déjà 125 députés.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Certains d’entre eux ont annoncé qu’ils voteraient votre texte, d’autres qu’ils ne le voteraient pas, mais tous considèrent qu’une autre réponse existe.
 
J’affirme donc clairement être favorable à l’union des couples de même sexe. Parlons des enfants, à présent. En l’état actuel du code civil, étendre le droit au mariage aux couples homosexuels sans autre aménagement entraînerait automatiquement la reconnaissance d’un droit à l’adoption conjointe, à l’adoption plénière. Dès lors qu’il lie union, parentalité et filiation, ce projet de loi dépasse la seule question d’une meilleure reconnaissance de l’union homosexuelle.
 
Ce projet de loi aurait mérité, mes chers collègues, que l’on recherche le consensus, comme nous l’avons fait à propos d’un autre sujet de société, avec la loi Leonetti. Il aurait mérité un large débat avec les Français : je regrette que le Gouvernement et la majorité n’aient pas choisi de l’organiser sérieusement.

Mme Annick Lepetit. Qu’est-ce que cela veut dire, organiser un débat ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Du coup, ce débat s’est installé de fait, dans la douleur, augmentant les tensions et renforçant les clivages. Il a divisé une société en attente d’apaisement.
 
Beaucoup de questions auraient pu être posées, comme celles de l’accompagnement des recompositions familiales, de la sécurisation des parcours de vie de plus en plus complexes des enfants, et du statut des beaux-parents. Surtout, comment répondre au besoin de connaissance de ses origines ? Je m’attarderai un instant sur ce point. Pour beaucoup d’entre nous, en effet, la réponse à la question de savoir d’où l’on vient est évidente. Nous savons qui sont notre père et notre mère. Mais l’expérience des enfants nés sous X, ou issus d’une fécondation in vitro, en quête de leurs origines, doit nous instruire. Nous sommes déjà confrontés à leurs interrogations, à leurs inquiétudes, à leurs souffrances. Je connais, comme vous, de ces adolescents ou de ces adultes qui ressentent comme une plaie ouverte, quel que soit par ailleurs l’amour qu’ils ont reçu de leur famille, la recherche de leurs origines. Le législateur est régulièrement sollicité sur la levée de l’anonymat.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. La procréation médicalement assistée pour les couples de même sexe et la gestation pour autrui nous entraînent toujours plus loin sur cette voie. Ces techniques sont pourtant inscrites en filigrane dans ce projet de loi, et même imprimées noir sur blanc, dans la circulaire que vous avez signée la semaine dernière. Elles sont, je le crois, la suite logique de ce texte.
 
Le projet de loi sur la famille que vous annoncez nous donnera peut-être l’occasion d’échanger sur le sujet de la quête des origines. On voit combien ce débat complexe aurait dû être mené au préalable, avant la discussion du projet qui nous est présenté aujourd’hui. Car la question n’est pas celle de la capacité des couples homosexuels à élever des enfants. Bien des couples de même sexe élèvent aujourd’hui, de fait, des enfants dans des conditions qui n’ont rien à envier à certains couples hétérosexuels.
 
Mais le sujet de la protection de l’enfant est plus large, et aurait mérité une réponse plus équilibrée. Je crois personnellement en la réponse allemande, qui ne permet pas l’adoption conjointe par les couples de même sexe, mais qui autorise l’adoption simple d’un enfant biologique par l’autre partenaire, dès lors que l’autre parent biologique accepte de renoncer à son autorité parentale. Cette solution respecte à la fois le besoin de connaissance de ses origines, et la reconnaissance du nouveau lien créé dans le cadre d’une recomposition de la famille. C’est une base de discussion adaptée et protectrice pour l’enfant.
 
Chers collègues, ce texte part bien, mais finit mal. Il part avec les meilleures intentions du monde : reconnaître, apaiser et régler des situations de souffrance. Il débouche sur des incertitudes identitaires en rapport avec la filiation qui peuvent créer d’autres souffrances. Surtout, le Gouvernement n’a rien fait – au contraire ! – pour apaiser les tensions. Il sème, en fin de compte, les ferments de la division dans la société française.
 
Mesdames les ministres, mesdames et messieurs les députés, il est encore temps de trouver la voie du rassemblement des Français, d’un rassemblement qui tienne compte de toutes les réalités de notre société. Je proposerai donc, avec d’autres collègues, des amendements en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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