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samedi 6 avril 2013

Michel Mercier

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur et Mme la rapporteur pour avis de la qualité des travaux qu’ils ont dirigés au sein de notre assemblée. Toutes les opinions ont en effet pu s’exprimer. Le débat a eu lieu au Sénat, et c’est une très bonne chose.
 
Disposant de peu de temps, je vais me borner à quelques brèves remarques.
 
Des personnes du même sexe peuvent bien sûr s’aimer et, à ce titre, elles ont droit à notre respect. Elles peuvent donc nous demander d’organiser leurs vies afin de bénéficier de plus de sécurité. Le Parlement joue pleinement son rôle quand il essaie de répondre à ces demandes. Le seul problème est de savoir si la réponse que vous nous proposez de leur apporter, madame la garde des sceaux, est bonne ou non. Je soutiens, quant à moi, que vous n’apportez pas la bonne réponse, pour le mariage comme pour l’adoption.
 
Vous invoquez le principe d’égalité pour justifier vos positions. C’est une vieille habitude française ! En 1793 – permettez-moi de faire à mon tour un historique –, Cambacérès, en présentant la première version du code civil qu’il avait rédigée, invoquait également le principe d’égalité.

M. Jacques Mézard. Il avait raison !

M. Michel Mercier. Or c’est dans son système que la femme était la plus soumise à l’homme. Je ne suis pas étonné que vous ayez approuvé, monsieur Mézard. (Sourires.)
 
Le mariage que l’on nous propose de modifier est celui qui figure dans le code civil rédigé par Portalis, ce n’est pas le mariage religieux, qui n’a rien à voir dans ce débat.

M. Jean-Michel Baylet. Vous êtes le porte-parole de Mgr Barbarin !

M. Michel Mercier. Je vous remercie, monsieur Baylet, de rappeler que je suis catholique. Sachez que je l’assume, ce qui me permet de réaffirmer que nous débattons non pas d’une question religieuse, mais d’un point qui fait l’objet d’un consensus culturel et anthropologique. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. Gérard Larcher. C’est vrai !

M. François Rebsamen. Dites-le à Civitas !

M. Michel Mercier. Ce consensus n’a jamais été mieux exprimé que par Aragon, dans son poème de 1960 :
 
« Tout peut changer mais non l’homme et la femme […]
 
« Le bien le mal les lampes les voitures
 
« Même le ciel au-dessus des maisons
 
« Tout peut changer de rime et de raison
 
« Rien n’être plus ce qu’aujourd’hui nous sommes
 
« Tout peut changer mais non la femme et l’homme ».
 
Or c’est ce consensus que le projet de loi remet en cause. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – Mme la ministre déléguée s’exclame.)

M. Charles Revet. Eh oui !

M. Michel Mercier. Madame la ministre, vous êtes peut-être gênée que je cite Aragon,…

M. Robert Hue. Aragon aurait voté le mariage pour tous !

M. Michel Mercier. … mais c’est l’un des plus grands poètes de ces dernières années. Rappelez-vous La Rose et le réséda.

M. Robert Hue. Je vous affirme qu’il n’aurait pas voté avec vous !

M. Michel Mercier. Monsieur Hue, nous n’en savons rien. D’ailleurs, je n’ai pas affirmé le contraire. J’ai simplement souligné qu’il avait décrit ce qu’était le consensus anthropologique – qui, selon vous, n’existerait plus – sur lequel notre société a bâti le mariage. Vous pouvez le remettre en cause, mais encore faut-il dire clairement par quoi vous voulez le remplacer.
 
Vous passez d’un statut, voulu par la Révolution française, voulu par le code civil, à un acte individuel, remettant ainsi en cause un élément fondateur de l’institution du mariage, je veux parler de l’altérité des sexes entre les époux.
 
Vous auriez pu apporter une autre réponse. En créant une union civile, par exemple, que notre collègue Patrice Gélard a évoquée. Vous auriez pu vous inspirer de la Rome royale et républicaine, qui connaissait deux mariages : l’un cum mano, l’autre sine mano. La seule différence portait sur la filiation et sur le mode d’entrée dans la famille. Cette solution aurait permis de conserver le mot « mariage », si ce terme magique est la marque de l’égalité. Or je crois très honnêtement qu’on ne peut parler d’égalité qu’entre des êtres semblables, sinon c’est l’altérité qui prévaut.
 
La question de l’adoption est plus grave.
 
Vous avez décidé – c’est une bonne chose – de ne pas toucher à l’article 310 du code civil, qui dispose que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère.
 
Reste que vous proposez que les couples homosexuels puissent recourir à l’adoption plénière. Or l’adoption plénière conduit à créer un nouvel état civil pour ces enfants. Un état civil sur lequel il sera clairement inscrit : « né de deux parents du même sexe. » (M. Charles Revet s’esclaffe.) La Cour de cassation a rappelé que cela était contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation. Surtout, cette disposition, qui nous fait passer du droit des enfants au droit à l’enfant, va conduire à constituer un état civil particulier pour les enfants adoptés par des couples homosexuels en faisant de l’orientation sexuelle de leurs parents un marqueur de leur identité.

M. François Rebsamen. Mais non !

M. Michel Mercier. Mais si, monsieur Rebsamen ! Au nom de l’égalité, vous allez probablement créer une très grande discrimination. C’est parce que je suis en désaccord avec l’adoption plénière que je ne pourrai pas voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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