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mercredi 30 janvier 2013

MG Buffet (29 janvier)

Mme Marie-George Buffet.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis ce soir nous propose de franchir une étape très importante dans l’égalité d’accès de toutes et tous aux droits garantis par notre République. L’examen de ce projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe témoigne de notre capacité à nous saisir d’aspirations nouvelles dans la société et à leur donner légitimité par la loi. Ce projet de loi touche au choix personnel de chaque individu, il donne aussi à voir une réalité sociale, la société gagnera en humanité en les reconnaissant.
 
J’espère que notre assemblée montrera sa volonté d’accompagner les avancées nécessaires à une société ouverte et donc apaisée. Elle a su le faire pour l’abolition de la peine de mort, avec la loi de M. Badinter, comme pour les droits des femmes avec la loi de Mme Veil.
 
Que nous dit ce projet de loi ? Il nous dit que le mariage est un droit, le droit à un projet de vie partagé entre deux êtres humains, à un engagement fondé sur l’amour et le respect de l’autre. Il nous dit qu’il n’est pas acceptable que des hommes et des femmes soient écartés de ce droit car ils vivent ce projet, cet engagement entre personnes de même sexe.
 
Il a pour objectif de mettre fin à une discrimination, une discrimination qui s’appuie sur un ordre, la domination patriarcale, et sur un code aujourd’hui dépassé qui réduit le mariage à un modèle familial unique où l’amour et la sexualité sont liés à la procréation.
 
Aujourd’hui, les femmes disposent de leur corps et maîtrisent leur fécondité. La liberté sexuelle est reconnue. Elle se conjugue avec l’exigence de la non marchandisation du corps, une exigence qui est synonyme du refus de la gestation pour autrui, une exigence qui appelle aussi l’abolition de la prostitution.
 
La famille se construit sous différents visages : famille monoparentale, famille recomposée, couples homosexuels… L’amour, le projet de vie commun se sont libérés d’un modèle unique et c’est bien car, en en finissant avec l’hypocrisie, bien des frustrations, bien des souffrances sont levées.
 
En ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ce projet de loi fait tout simplement entrer la réalité dans le code civil. Il faut vraiment avoir de très vieilles lunettes pour ne pas le voir.
 
J’ai parlé du droit au mariage pour les personnes du même sexe, parlons de leur droit à fonder une famille. Le projet de loi ouvre le droit à l’adoption pour tous les couples et traite de la filiation. Contrairement à ce qui est parfois dit, il ne s’agit pas d’un droit à l’enfant, mais au contraire d’ouvrir les mêmes droits à tous les enfants, quel que soit le foyer au sein duquel ils vivent.

M. Bernard Accoyer. Non !

Mme Marie-George Buffet.

Les nombreuses études portant sur les enfants de couples de même sexe effectuées dans des pays où ces droits sont ouverts depuis de nombreuses années indiquent que ces enfants ne sont ni plus ni moins heureux, ni plus ni moins équilibrés que des enfants de couples hétérosexuels.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marie-George Buffet.

Car ce qui importe le plus pour l’enfant, c’est bien l’amour qui l’entoure, la démarche éducative et la protection accordée par ses parents. Permettez-moi de penser que tout cela ne dépend pas de l’identité sexuelle de ces derniers.
 
Permettre l’adoption aux couples homosexuels appelle la France à agir au plan international contre l’homophobie d’État, et à aborder ce problème et celui de l’adoption au moment de signer des conventions bilatérales.
 
Ce projet de loi est une avancée pour les droits des enfants. Il s’agit de lever toute instabilité pour leur avenir en permettant que la responsabilité de leurs parents soit reconnue à part entière. Car si ces enfants souffrent parfois du regard extérieur, n’est-ce pas justement parce que la loi ne leur permet pas de vivre à égalité avec les autres enfants ? Les enfants ont besoin d’avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit.
 
Ce dont nous traitons ici, en fait, c’est de notre capacité à vivre ensemble, à gagner en humanité par la pleine égalité et la liberté de chaque individu. C’est dans cet objectif que je défendrai plusieurs amendements concernant l’identité de genre, le nom d’usage et la procréation médicalement assistée. Il ne s’agit pas ici de légiférer sur la PMA. La loi, après de grands débats dans la société comme dans notre assemblée, l’a autorisée depuis plusieurs années. Ce que propose cet amendement est d’étendre le droit à la procréation médicalement assistée à d’autres femmes, dans les conditions prévues par la loi.
 
Certains s’interrogent, au motif que cela conduirait à transformer une solution thérapeutique à la stérilité en ouverture d’un droit. Mais nous sommes passés de l’avortement thérapeutique au droit des femmes à avorter, et nous avons été nombreux à nous féliciter de la décision prise cette année de rembourser l’IVG à 100 % !
 
Je n’ignore pas que le Gouvernement dit vouloir renvoyer le débat sur la PMA à une future loi sur la famille. La dernière raison invoquée pour justifier ce report est la nécessité de consulter le Comité consultatif national d’éthique. Je regrette que cette consultation n’ait pas eu lieu au moment où nous commencions à débattre de cette loi, et où le groupe majoritaire avançait cette proposition.

Mme Catherine Vautrin. Nous aussi, nous le regrettons !

Mme Marie-George Buffet.

Cet ajournement n’éteindra pas les flammes du débat. Le débat existe : menons-le sereinement, ouvrons-le sans attendre à partir du travail déjà effectué par les associations.
 
Il y a des rendez-vous à ne pas manquer. Ce projet de loi, s’il s’ouvre à de nouvelles avancées, peut permettre à des hommes, des femmes et des enfants de vivre un plein bonheur. Permettons-leur ! La grande anthropologue Françoise Héritier disait : « il faut du temps pour passer du possible au pensable ». Pensons vite et bien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

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