Le Mariage Pour Tous
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mercredi 1er mai 2013

Marie George Buffet

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre débat sur l’ouverture du droit au mariage pour toutes et tous.

M. Yves Fromion. Pas encore !

Mme Marie-George Buffet. L’heure de la décision, du choix de société est venue.
 
Ce choix, nous allons l’effectuer après des années de questionnement et de débat dans notre pays. Ces débats ont mis au jour la réalité des discriminations auxquelles nous devions nous attaquer, mais aussi une soif d’évolution concernant notre législation à laquelle nous devions répondre. Ces débats ont permis à l’égalité de se frayer un chemin dans le dédale de tous les a priori et préjugés encore à l’œuvre dans notre société.
 
Ce deuxième passage du texte devant notre assemblée intervient après que le Sénat a adopté conformes de nombreux articles dont l’article 1er instituant le mariage pour toutes et tous. La Haute assemblée a également adopté des modifications qui, à mes yeux, sont de nature à améliorer notre texte. Je pense, par exemple, à la représentativité de toutes les associations familiales.
 
Il reste maintenant une dernière étape à franchir. Permettez-moi de souhaiter que nous puissions le faire hors de toute invective et en donnant à voir la portée de notre décision. En première lecture, des points de vue différents se sont exprimés, des arguments ont été échangés, une longue discussion s’est engagée pour déboucher sur l’adoption du texte qui nous revient aujourd’hui. Ces échanges ont été vifs, mais ils sont restés dans le cadre du débat d’idées.
 
Depuis le mois de janvier, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts mais aussi beaucoup d’encre pour dénigrer cette loi. Certains propos ont été d’une rare violence, provoquant ainsi une recrudescence d’agressions homophobes intolérables.
 
Si chacun a le droit de défendre son opinion sur le mariage, vous conviendrez, chers collègues, qu’on ne peut tolérer que ce débat soit utilisé par certains individus pour justifier l’injustifiable : l’homophobie est un délit dans notre société fondée sur la liberté, l’égalité et la fraternité. Ce sont ces valeurs qui doivent résonner dans notre hémicycle.
 
Aussi est-ce avec une détermination tranquille que j’entame cette dernière phase de notre débat parlementaire.
 
C’est un bonheur de participer à un choix historique, source d’une nouvelle avancée humaine pour notre société. Un choix comme celui qui a ouvert le droit à la contraception puis à l’IVG ou celui qui a aboli la peine de mort en 1981. Oui, c’est une fierté d’être de celles et ceux qui vont produire cet acte de haute portée.
 
Nos débats ont questionné des pans entiers de notre expérience sociale et humaine, de notre civilisation en nous faisant nous interroger sur la famille, sur son évolution au fil de celle de notre société et de son humanisation. De l’amour courtois médiéval à Jules et Jim, en passant par Les femmes savantes de Molière, ces œuvres en témoignent. Il n’est pas inutile de s’y replonger pour vérifier combien les rapports au sein du couple ou de la famille, loin d’avoir été immuables au fil des siècles, ont évolué selon les périodes historiques.
 
Pendant la Révolution française, un pas a été franchi avec la reconnaissance aux couples du droit de se séparer avant la mort, à travers le droit au divorce. Depuis, c’est la situation de la femme au sein de la famille qui a changé. Elle a gagné son indépendance et sa citoyenneté et surtout, avec les lois lui permettant de maîtriser sa maternité, elle a été libérée de son unique statut de reproductrice.
 
Aujourd’hui, il est question de franchir un nouveau pas pour donner toute sa place à l’amour comme ciment de la famille, pour que chaque individu, quelle que soit son identité sexuelle, puisse se donner un projet de vie avec la personne qu’il ou elle aime et fonder une famille.
 
Nous allons ainsi effectuer un pas supplémentaire dans l’émancipation humaine, mettant fin à une discrimination due aux stigmates de la domination patriarcale, à l’œuvre dans nos sociétés depuis la nuit des temps.
 
Oui, nous attaquons cette discrimination, vécue par des hommes, des femmes, qui doivent aujourd’hui encore affronter des propos et des images dénigrant leur famille.
 
Lors de notre précédent débat, j’ai souvent entendu des propos sur le sort des enfants. Justement, pensons à ceux à qui on refuse le droit d’avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit. Arrêtons de méconnaître la réalité. La famille d’aujourd’hui se construit sous différents visages. Familles monoparentales, familles recomposées, couples homosexuels : l’amour, le projet de vie commun, se sont libérés d’un modèle unique.
 
En ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ce projet de loi fait tout simplement rentrer la réalité dans le code civil. En ouvrant le droit à l’adoption à tous les couples, il ne s’agit pas d’ouvrir un droit à l’enfant, mais de permettre à des enfants de vivre en famille.
 
J’ai entendu sur ces bancs qu’il était indispensable que les enfants puissent disposer d’une maman, mais qu’en avoir deux était nocif. Comment lire autrement ces idées qu’à l’aune de préjugés corsetant les rapports humains et familiaux ?

M. Laurent Wauquiez. Des préjugés admis depuis des siècles !

Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi, avec sa conception de la filiation, est une avancée pour le droit des enfants. Il s’agit de supprimer toute instabilité pour leur avenir, en leur permettant d’avoir des parents dont la responsabilité est reconnue à part entière. J’en ai déjà fait état devant cette assemblée, les nombreuses études effectuées dans les pays où ces droits sont ouverts depuis de nombreuses années sur le vécu des enfants de couples de même sexe indiquent que ces enfants ne sont ni plus ni moins heureux, ni plus ni moins équilibrés que les enfants de couples hétérosexuels.

M. Laurent Wauquiez. Il n’existe aucune étude sérieuse sur le sujet !

Mme Marie-George Buffet. Ce qui importe le plus pour les enfants, c’est bien l’amour qui les entoure, la démarche éducative comme la protection accordée par leurs parents. Permettez-moi de penser que tout cela ne dépend pas de l’identité sexuelle de ces derniers.
 
Permettez-moi aussi de penser que la France s’honorerait d’agir encore plus fermement au plan international contre l’homophobie d’État, en imposant l’ouverture du droit à l’adoption pour tous les couples dans la signature des conventions bilatérales. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
 
Cela pourrait faire reculer le recours à la GPA, qui est pour moi inacceptable et qui est, je le rappelle, interdite en France.

M. Philippe Gosselin. Jusqu’à quand ?

Mme Marie-George Buffet. Car il s’agit d’une tractation, en général marchande, dans laquelle le corps des femmes est soumis à la volonté d’autrui.
 
Enfin, avant le début de la première lecture, nous avons su que le Gouvernement n’inscrirait l’ouverture de la PMA à toutes les femmes que dans le projet de loi relatif à la famille, après avis positif du Comité consultatif national d’éthique. Je veux juste rappeler que ce comité s’est déjà prononcé lors de l’ouverture à autorisation de la PMA en France, en lui donnant un avis favorable. Une nouvelle consultation ne revient-elle pas à dire, pour paraphraser Coluche, qu’il y a des femmes plus égales que d’autres, selon leur orientation sexuelle ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
 
Vraiment, je crois qu’il est temps d’ouvrir ce droit à toutes les femmes : ce sera un acte de simple justice.
 
Madame la ministre, merci pour votre engagement : il nous a boostés pendant tout ce débat.

M. Philippe Gosselin. Le français est la langue de la République.

Mme Marie-George Buffet. Vous avez, je crois, fait réfléchir, en faisant appel au fond de notre humanité.
 
Beaucoup de femmes et d’hommes nous attendent : ils et elles attendent de nous la possibilité de vivre leur bonheur en toute quiétude, auprès de leurs proches et dans une société plus humaine. Et, je ne vous le cache pas, comme nombre d’élus, j’attends avec impatience de pouvoir célébrer le mariage de celles ou de ceux qui, concernés par cette loi, ont déjà pris rendez-vous pour cette belle fête. Alors, que le printemps arrive le plus vite possible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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