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mardi 30 avril 2013

Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, je veux me réjouir, au terme de ce débat, de la passion qui a embrasé nos travées.
 
Majorité, opposition, nous n’avons pas ménagé nos forces. Nous nous sommes battus, pied à pied, car nous avions malgré tout un point commun : la conscience que ce texte était tout, sauf anodin.
 
Ces derniers jours, divers arguments juridiques ont été égrenés, défendus, développés. Dans le cadre des explications de vote, je vous propose de les oublier.
 
Oublions tout cela ! Oublions la technique, les arcanes du droit pour nous attacher une ultime fois au cœur du projet de loi, le mariage !
 
J’entends la crainte profonde que certains d’entre vous ont exprimée, celle que l’on touche à quelque chose de sacré : le mariage. Aussi, c’est à vous, collègues de l’opposition, que je veux m’adresser.
 
Oui, le mariage est sacré. Bien sûr qu’il l’est ! Et je ne parle pas ici de religion. D’ailleurs, qui, ici, parle de religion ? Nous sommes laïcs et républicains !

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela n’interdit pas de parler de la religion !

M. Jean-Vincent Placé. Nous parlons de mariage civil et, je vous le dis, le mariage civil est à mes yeux sacré !
 
L’essence du mariage, c’est le couple. Et le ciment de ce couple, c’est l’amour.
 
L’amour. Un mot que l’on n’a pas assez entendu ces derniers temps. Pourtant, c’est en cela que le mariage est sacré dans nos cœurs.
 
Chers collègues, nous en avons parlé hier, je vous propose de lever vos bulletins de vote ! Affichez fièrement la couleur ! Et dites que, oui, vous acceptez qu’ils s’aiment et qu’elles s’aiment !
 
Dites que, oui, en France, être homosexuel, c’est être et vivre comme tout le monde.
 
Dites que, oui, nous sommes du même monde, que nous partageons les mêmes envies dans la vie : être heureux, être compris, pouvoir dire « oui » devant un maire, sa famille, ses amis, tous ses proches, fonder une famille.
 
Dites, que, oui, il pourra déclarer à tous et à toutes : « c’est lui que j’ai choisi » et qu’elle pourra dire à tous et à toutes : « c’est elle que j’ai choisie. »
 
Cette loi semble heurter certaines sensibilités. C’est pourtant dans ces moments, rares, que l’on se trouve face à soi-même avec le pouvoir de participer, en toute liberté, à une révolution majeure de notre société. Chacun a le pouvoir de corriger une règle de notre société, en se disant que l’on devait être bien aveugle pour ne pas avoir pris cette décision plus tôt. Notre société doit se débarrasser de ses peaux mortes. Elle doit préserver et cultiver les belles choses qu’elle a construites au fil du temps, mais tourner le dos à l’inégalité.
 
Je suis hétérosexuel, comme la plupart d’entre vous. Si l’on venait ici vous dire que vous n’avez pas le droit d’épouser celle que vous aimez, vous répondriez : « Et de quel droit ? » Cela vous semble absurde ? Mais pourtant c’est bien de cela qu’on parle ! Et c’est ce que ressentent certains !
 
Cela a été dit, de nombreux pays ont déjà adopté cette loi. Sentez le vent de l’histoire qui souffle autour de nous sur ces travées ! C’est pour cela que je me suis engagé en politique. Et je n’ai plus de mots pour vous dire la fierté qui est la mienne d’être parmi ceux et celles qui, dans l’histoire de notre pays, auront soutenu ce noble combat aujourd’hui.
 
Nous avons débattu, et longuement débattu. Personne n’aura su me démontrer qu’il n’y a pas une injustice patente, et une injustice que nous devons enterrer maintenant !
 
On nous regarde – je ne parle pas de ceux qui suivent notre débat dans les tribunes, que je salue ; je vois nombre de visages amis… – dans la rue ou à la télévision. Mais je pense aux enfants, aux petits-enfants de la France de demain, qui seront d’ailleurs issus de couples hétérosexuels ou de couples homosexuels. Ceux-là regarderont ce jour avec le respect et l’émotion que l’on ressent pour les moments qui marquent les grandes avancées sociales, pour les jours historiques.
 
Mes chers collègues, comme vous, je suis sénateur ; mais, à la différence de beaucoup d’entre vous, je sais ce qu’est l’adoption.
 
J’ai été orphelin. J’ai eu la chance extraordinaire d’être adopté, par une famille française qui avait déjà des enfants naturels, trois frères et une sœur que j’ai eu la chance de côtoyer pendant ma jeunesse. Mes parents n’avaient pas un désir d’enfant supplémentaire, ils avaient envie de partager, de donner de l’amour, ils voulaient un autre modèle familial que la famille de papa-maman ressassée par nos collègues de l’opposition, qui est d’une certaine façon la famille du droit du sang.
 
Chers collègues de l’opposition, je souhaite que vous respectiez les couples homosexuels qui vont adopter dans les mois à venir. Ils ont envie non pas de se faire plaisir, mais de concrétiser leur amour dans des valeurs qu’ils veulent transmettre, dans un amour qu’ils veulent partager, avec le souci que notre société se perpétue avec ces valeurs partagées.
 
Permettez-moi de vous le dire : vous avez été extrêmement caricaturaux en ce qui concerne l’adoption, dont je crois que vous ne maîtrisez pas beaucoup les notions. Je ne vous demande qu’une chose, mais c’est du fond du cœur : respectez les familles qui vont voir le jour, avec leurs enfants, dans les prochains mois et les prochaines années !
 
Aujourd’hui, je vote pour que tous les couples puissent s’unir devant la loi, quelles que soient leur religion, leur couleur de peau, leur condition sociale et leur orientation sexuelle. Je vote pour le mariage, pour toutes et pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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