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mardi 30 avril 2013

Jean Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous venons de vivre un débat intéressant, même s’il fut pour nous profondément décevant.
 
Je voudrais, pour commencer, relever deux petites satisfactions. Tout d’abord, après notre mise au point à la suite du dérapage de M. Laurent, les accusations d’homophobie contre notre groupe ont cessé dans cette assemblée. Elles étaient pour nous inacceptables (Très bien ! sur les travées de l’UMP.) et nous n’aurions pu participer plus avant au débat si elles s’étaient poursuivies.

M. Gérard Larcher. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous n’avons d’ailleurs plus revu M. Laurent !

M. Charles Revet. Il n’est pas revenu !

M. Jean-Pierre Raffarin. Je remercie donc tous nos collègues pour le respect réciproque dont nous avons su faire preuve sur ces sujets.
 
Une autre satisfaction fut la controverse, très symbolique de notre débat, le choc des talents latinistes entre Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Sueur : la bataille du nominatif contre l’accusatif !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, c’était très intéressant !

M. Jean-Pierre Raffarin. Car il s’agit, au fond, d’un point très significatif. Le camp du nominatif est le camp du nom, du sujet, le camp de l’accusatif celui de l’objet et de l’accusation ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. ― Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) Permettez-moi de répondre à votre joute par cette boutade !
 
Je poursuivrai en affirmant une nouvelle fois qu’il y a dans ce texte une double faute politique !


M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
. Attention au passif, maintenant !

M. Jean-Pierre Raffarin. Tout d’abord, le pays vit un choc social majeur, le chômage augmente depuis vingt-deux mois et va continuer à progresser puisque les lourdes actions nécessaires n’ont pas été engagées. Alors que cette souffrance sociale est la première des souffrances de la société, on ne donne pas le sentiment – et c’est la première faute – qu’elle est la priorité du législatif et de l’exécutif.
 
Nous nous trouvons dans une crise morale majeure, qui attaque toutes les institutions, qui nous atteint, les uns et les autres, dans notre éthique, ce que nous avons de plus cher. Et nous donnons le sentiment de répondre à côté des préoccupations des Français.
 
Je crois que cette faute-là est lourde, qu’elle nous sera reprochée, qu’elle vous sera profondément reprochée. À une crise sociale et à un choc moral, vous ajoutez une rupture sociétale.
 
Ensuite – et j’en viens à la seconde faute –, je regrette que nous soyons passés à côté de véritables avancées consensuelles pour notre pays. Notre histoire nous a montré – et j’avais pris l’exemple du voile à l’école, à cet égard – que, quand nous sommes capables de trouver des consensus, nous sommes respectés dans la société !
 
Ne croyez pas que le vote de la loi effacera la rupture que vous avez créée ! Cette dernière a jeté dans la rue des centaines de milliers de gens qui ne comprennent pas et qui le disent. Ils resteront sur leurs positions ! Ce qui était au départ un choc de conscience devient un choc de conviction et suscite des blocages dans la société que le vote de la loi n’effacera pas. (M. Gérard Larcher opine.)
 
Nous aurions pu avancer ensemble sur les droits des couples homosexuels, puisque nous souhaitions tous les améliorer. Non par compassion seulement, comme le disait Mme Esther Benbassa, mais avant tout par respect, ce qui est fondamental pour faire la loi. C’est ce respect qui aurait pu nous permettre d’avancer ensemble sur le statut du couple homosexuel, mais également vers une nouvelle pensée de l’adoption.
 
En créant l’Agence française de l’adoption, nous avions en effet pris la mesure de la situation d’échec que vivait notre pays dans ce domaine. Je dois avouer que notre volonté de repenser cette politique n’a pas suffi à surmonter les échecs. L’adoption reste en effet un échec dans notre pays.
 
Vous avez rendu la situation plus complexe sans régler aucun des problèmes de notre société. Il y a là vraiment une occasion ratée : alors que nous faisions preuve de bonne volonté, il n’y a pas eu débat ; vous n’avez en effet pas favorisé une méthode politique de rassemblement, une méthode qui aurait pu permettre que, sur ces sujets majeurs, sur ces sujets de conscience, nous adoptions une approche de rassemblement.
 
Enfin, j’évoquerai avec regret une dimension du sujet qui a été presque absente de notre débat : la dimension spirituelle. L’enfant est-il reçu ou est-il désiré ? Il y a eu quelques oppositions à cet égard. Je crois quant à moi qu’un enfant est à la fois reçu et voulu. Le lien entre l’enfant, la mère et le père est un lien historique. C’est un lien de création et de dépassement. René Char avait cette belle phrase : « Aimer, c’est vouloir que les choses soient ce qu’elles sont ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est aussi vouloir qu’elles changent, c’est souhaiter la transformation !

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela signifie qu’existe à côté de la volonté une part de réalité que certains appellent « immanence », d’autres lui donnant un nom différent. C’est la conscience d’une réalité qui nous est imposée parce que plus grande que nous. Le lien historique qui unit le père, la mère et l’enfant nous dépasse.
 
Sommes-nous légitimes à toucher, par ce travail législatif, à ce lien d’humanité, ce lien de vie qui concerne la naissance, la création et le dépassement ? C’est une grande question pour moi, mais je ne crois pas que la réponse soit nécessairement positive.
 
Je ne conteste pas votre ambition de paradis social ; je ne conteste pas votre volonté d’améliorer la vie sociale ; je ne conteste pas que la dimension sociale soit très importante. Mais je pense à Henri de Lubac qui disait : « Un paradis social peut être un enfer spirituel. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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