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samedi 6 avril 2013

François Zocchetto

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous vivons un moment important ; je crois même pouvoir dire qu’il est historique. Chacun doit mesurer la responsabilité qui est la sienne alors qu’il est question de modifier l’organisation même de notre société à travers l’institution de la famille.
 
Le Gouvernement a fait le choix de soumettre ce projet au Parlement plutôt qu’au peuple.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dommage !

M. François Zocchetto. Mesdames les ministres, vous en aviez parfaitement le droit, mais ce choix ne vous interdisait pas d’accorder un minimum de considération et d’écoute aux millions de Français qui n’adhèrent pas à votre thèse ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
 
Nous, sénateurs et sénatrices centristes, considérons qu’en aucun cas les conventions sociales ne sauraient primer sur la souffrance vécue par un grand nombre de nos concitoyens, qui ressentent un profond sentiment d’injustice.
 
Une société humaine est un organisme vivant. Elle croît, évolue, change avec le temps ; c’est d’autant plus vrai dans nos sociétés occidentales. Notre droit civil n’a donc rien d’intangible, d’autant qu’il se veut extrêmement complet et invasif. Notre droit de la famille, comme de nombreuses autres branches du droit, doit pouvoir évoluer et s’adapter, en particulier aux évolutions sociales.
 
Nous sommes donc ouverts au principe de la réforme. Nous avons jadis reçu l’héritage législatif de Simone Veil et, comme nous l’avons déjà démontré plus récemment, nous savons dépasser une attitude d’opposition caricaturale et soutenir des initiatives lorsqu’elles nous semblent aller dans le bon sens. Tel est notre état d’esprit.
 
Venons-en maintenant à la question du mariage, qui semble être l’une des institutions les mieux partagées du monde. Quelle que soit la forme du lignage ou de la famille dans telle ou telle société, je ne connais pas de civilisation qui n’ait eu une institution de cette nature.
 
Le mariage est l’union de deux personnes en vue de la fondation d’une famille : telle est la conception retenue dans le code civil. Un premier constat s’impose : au plan historique, les sociétés humaines restent fondées sur l’altérité du féminin et du masculin en tant que principe de la filiation. Un second constat s’impose également : si toutes les sociétés permettent le mariage, sous une forme ou une autre, la conception française du mariage civil, issue du code civil de 1804, est très spécifique.
 
Le fait que le terme « mariage » se retrouve dans la plupart des systèmes juridiques étrangers n’implique pas que tous nos voisins en aient la même conception que nous. Aussi les comparaisons, souvent un peu rapides et superficielles, avec les évolutions législatives du mariage chez certains de nos voisins européens ne sauraient-elles suffire à justifier votre réforme, madame la garde des sceaux. Une telle démarche n’est pas pertinente. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
 
Nous sommes par ailleurs attachés à la diversité de régimes existant déjà dans notre droit, pour le couple mais aussi pour la famille. Cette pluralité est synonyme de liberté, pour chacun, de choisir le cadre qui lui convient, d’opter pour un système encadré juridiquement ou beaucoup plus souple et ouvert. Ainsi, en 2013, trois régimes existent déjà : le concubinage ou union libre, le pacte civil de solidarité et le mariage. Nous sommes, ainsi que nos concitoyens, très attachés à cette diversité.
 
Pour autant, ces différents cadres juridiques sont-ils suffisants et adaptés à l’évolution des couples et à la diversité des familles d’aujourd’hui ? Sans doute pas, nous en convenons. Nous entendons en particulier la demande des couples homosexuels, leur désir d’une reconnaissance sociale accrue.
 
En effet, il y a aujourd’hui plus de solennité dans la signature d’un acte d’achat ou de vente d’un bien immobilier que dans la signature d’un PACS, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas normal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vrai !

M. François Zocchetto. Aussi notre groupe milite-t-il pour l’instauration d’une union civile ouverte à tous les couples. L’union civile que nous vous proposerons d’instituer au travers de nos amendements est non pas un contrat, mais un engagement entre deux personnes. Célébrée en mairie, elle conférerait les mêmes droits et les mêmes devoirs que le mariage, notamment en matière patrimoniale, mais – différence fondamentale avec le mariage – elle n’aurait pas d’effet sur la filiation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
 
Pourquoi ce choix ? Justement pour préserver la conception actuelle du mariage civil, car, en droit français, même si certains semblent l’ignorer, on déduit du mariage la filiation, que ce soit à travers la présomption de paternité ou l’adoption.

M. Alain Gournac. Voilà !

Plusieurs sénateurs socialistes. Il faut évoluer !

M. François Zocchetto. C’est une évidence juridique, mais je crains que, même parmi nous, certains n’en soient pas totalement empreints.
 
C’est pour cette raison qu’une large majorité de notre groupe est opposée à votre projet de loi, madame la garde des sceaux. Nous avons tous pu le mesurer, c’est non pas la question de la conjugalité, mais celle de la filiation qui agite le débat public.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. François Zocchetto. On a souvent rétorqué à ceux qui souhaitent protéger la forme actuelle de la famille que celle-ci repose sur une inégalité excluant, de fait, les couples homosexuels. Les couples hétérosexuels bénéficieraient d’un droit que l’on refuserait aux autres par pur conformisme. Je pose la question, madame la garde des sceaux : y a-t-il un droit à l’enfant pour le couple hétérosexuel ? Je pense, comme la totalité des membres de mon groupe, qu’il n’y a jamais eu de droit à l’enfant pour un couple hétérosexuel. Un tel couple peut donner la vie, la loi est là pour organiser les choses, mais la filiation reste une éventualité pour les parents ; c’est une liberté que la vie elle-même offre, le législateur ne peut avoir cette prétention.

M. Philippe Esnol. Quel rapport ?

M. François Zocchetto. C’est le fond du sujet, mon cher collègue !
 
Existe-t-il, pour autant, un droit à l’adoption dans notre législation actuelle ? Non : il y a un droit à la famille pour des enfants qui n’ont pas de famille, mais il n’y a pas de droit à l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Troendle. Bravo !

M. François Zocchetto. C’est une erreur fondamentale de considérer l’adoption à l’aune des situations marginales qu’elle a pu engendrer : c’est méconnaître sa vocation originelle.
 
Nous abordons ici le véritable enjeu de cette réforme. C’est aussi le moment où nous sommes confrontés à une vérité absolue, incontournable : pour procréer, pour donner naissance à un enfant, il faut un homme et une femme, quels que soient les moyens utilisés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui, c’est la nature !

M. François Zocchetto. Nous pouvons changer la loi,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … mais pas la nature !

M. François Zocchetto. … mais celle-ci ne peut dépasser la vérité que je viens de rappeler.

M. Jackie Pierre. Bravo !

M. François Zocchetto. Dans le même esprit, on ne saurait décréter le beau temps ou créer un droit opposable au bonheur : le législateur doit faire preuve de modestie et de prudence. « La loi n’est pas un acte de puissance », a-t-il été dit tout à l’heure.
 
La préoccupation première, celle qui prime sur toutes les autres et qui aurait dû guider votre réforme, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous aurons l’occasion de souligner, au cours de l’examen des articles, que l’obligation juridique de respecter avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant résulte notamment de nos engagements internationaux, lesquels, curieusement, ne sont jamais évoqués dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi.
 
La démarche du Gouvernement, qui a choisi de découper sa réforme de la famille en plusieurs textes dont on ne connaît pas les contours, manque de clarté. Dès lors que, en droit français, le mariage renvoie à l’enfant à travers l’adoption et la filiation, il est impossible de ne pas aborder dans le même cadre les questions de la PMA et de la GPA (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), surtout lorsque l’on justifie une telle réforme en invoquant la notion d’égalité : quid, en effet, de l’« égalité » entre couples homosexuels de femmes et couples homosexuels d’hommes ? Les seules issues possibles seront la PMA pour les couples de femmes et la GPA pour les couples d’hommes.

Mme Catherine Troendle. Eh oui ! Tout à fait !

M. François Zocchetto. Convenez que, sur ces points, les hésitations et les approximations ne manquent pas. D’ailleurs, quand on entend le Président de la République s’exprimer sur ce sujet, qui requiert beaucoup d’expertise et de discernement, on n’y comprend rien ! (Sourires sur les travées de l’UMP.) Si vous vouliez prendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique, alors il fallait attendre ! Nous aurions ensuite pu légiférer globalement sur la famille.
 
En conclusion, je dirai que nous ne savons pas où nous allons. Vous demandez au législateur de prendre un risque, contre l’avis d’une part importante de la population ; dans la mesure où il s’agit d’enfants que l’on n’entendra que lorsqu’il sera trop tard, j’estime que nous ne le pouvons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur la plupart des travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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