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jeudi 31 janvier 2013

F. Riester (30 janvier)

M. Franck Riester.

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, notre assemblée débute l’examen d’un projet de loi qui, comme tout sujet de société, transcende les clivages politiques. C’est la raison pour laquelle je tiens à remercier le groupe UMP et son président Christian Jacob de laisser la liberté de vote à ses membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cette liberté de vote à l’UMP, nous en bénéficierons notamment avec toi, cher Benoist Apparu. Je déplore en revanche que le groupe socialiste n’ait pas jugé opportun de faire de même. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

M. Bernard Perrut. Hélas !

M. Franck Riester

. …tout comme je déplore, madame la garde des sceaux, que vous relanciez la question de la gestation pour autrui sans même attendre le projet de loi sur la famille annoncé pour le printemps. Même si les situations de ces enfants doivent être prises en compte, je vous demande donc à mon tour solennellement de retirer cette circulaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) car le débat qui nous occupe aujourd’hui exige sérénité et apaisement. Les choses doivent être claires : la gestation pour autrui est interdite en France, pour les couples homosexuels comme pour les couples hétérosexuels. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
 
Mes chers collègues, revenons donc à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, seul objet du projet de loi. Notre République, ce bien commun et précieux, n’a cessé d’étendre les libertés et les droits de ses enfants pour mieux les protéger et les émanciper. De grands progrès ont jalonné son histoire : abolition de l’esclavage, droit de vote des femmes, dépénalisation de l’homosexualité, légalisation de l’IVG, création du PACS et bien d’autres encore. En ce sens, ouvrir le mariage civil aux couples de même sexe, c’est ouvrir un nouveau territoire de liberté, c’est donner la liberté aux couples homosexuels de se marier ou de ne pas se marier, c’est accorder cette liberté de choix à tous les couples sans distinctions.
 
Ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est aussi une nouvelle étape vers la reconnaissance pleine et entière de l’égalité entre homosexuels et hétérosexuels. Valeur universelle, valeur cardinale de notre république, l’égalité, cet idéal démocratique, sortira renforcée par le vote de ce projet de loi et, avec elle, c’est toute la République qui n’en sera que plus forte !

M. Michel Issindou. Très bien !

M. Franck Riester.

En mairie, une célébration civile permettra à deux femmes ou à deux hommes de sceller leur amour devant leurs familles, leurs proches et surtout, peut-être plus encore, devant la République. Ce sera une reconnaissance tout autant sociale que symbolique, une avancée capitale en termes d’égalité.
 
Qui plus est, ce texte ouvrira aux couples homosexuels l’accès à un contrat assorti de droits et de devoirs, leur assurant une protection plus forte et de plus grandes responsabilités entre membres solidaires du couple, sans que cela modifie le contrat liant les couples hétérosexuels.

M. Bernard Lesterlin. Très juste !

M. Franck Riester.

Répétons-le : rien ne changera pour les couples hétérosexuels ! Rien ne changera en termes juridiques car, bien évidemment, les mariages continueront toujours de leur accorder les mêmes droits. Rien ne changera non plus quant à la conception même du mariage, car ce n’est pas au droit civil de dire le sens symbolique du mariage : de nombreux couples pourront toujours considérer le mariage, leur mariage, comme une alliance pour la vie entre un homme et une femme, dont le but premier est la procréation.
 
Reste que d’autres conceptions du mariage coexistent dans notre république laïque, que le divorce est légal, qu’un enfant sur deux naît hors mariage et que des milliers de couples se marient sans vouloir ou pouvoir avoir des enfants. « Pourquoi alors ne pas créer une alliance civile pour les couples de même sexe ? », me demanderont mes collègues UMP. « Justement au nom du même principe d’égalité ! », leur répondrai-je. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ouvrir les mêmes droits pour tous les couples tout en créant deux unions différentes serait déroger au principe d’égalité. La République n’a pas vocation à créer des communautés mais à rassembler tous les citoyens sous les mêmes couleurs.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. Franck Riester.

Qu’est-ce qui pourrait donc justifier qu’on utilise des mots différents pour décrire la même chose ? Je peux comprendre la difficulté de certains de nos concitoyens à associer le mot « mariage » à l’union en mairie de deux hommes ou de deux femmes. Mais je tiens à rappeler, mes chers collègues, que le mariage civil n’est pas intangible. Il a en effet connu de nombreuses évolutions durant son histoire. Hier strictement religieux, aujourd’hui également républicain et laïque, il est une construction historique et sociale, et les évolutions qu’il a connues ont contribué à l’avancée des droits dans notre société. Jusqu’en 1965 par exemple, les femmes ne pouvaient pas travailler sans l’accord de leur mari. L’évolution du mariage civil a donc permis l’amélioration des droits des femmes. Pourquoi ne pourrait-il en être de même pour les homosexuels aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 
J’ajoute qu’il n’y a pas eu déstructuration de la société dans les pays qui ont ouvert, depuis des années, le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, et ils sont nombreux : Danemark, Norvège, Suède, Pays-Bas, Belgique, Espagne, Argentine, Canada, Afrique du Sud et de nombreux États aux États-Unis.

M. Michel Issindou. Et ce ne seront pas les derniers !

M. Franck Riester.

Il n’y a pas eu non plus déstructuration de la famille car les valeurs portées par l’institution du mariage, comme l’engagement et la solidarité, sont par essence des valeurs familiales. Ce n’est en réalité pas moins de famille mais plus de famille que nous propose ce texte. C’est la raison pour laquelle, de l’autre côté de la Manche, David Cameron et les conservateurs anglais, la droite anglaise, préparent et vont voter une législation similaire !

M. Bernard Lesterlin. Eh oui !

M. Franck Riester.

Chers collègues UMP, nous qui sommes tout particulièrement attachés à la famille, moi tout comme vous, nous devrions nous réjouir que davantage de personnes revendiquent les valeurs familiales.
 
En fait, si l’ouverture du mariage pour les personnes de même sexe semble largement acceptée, ce qui semble faire obstacle dans les consciences à l’idée même de cette union, c’est surtout la possibilité accordée aux couples homosexuels d’adopter des enfants. Je peux comprendre, là aussi, que cela soit difficile à concevoir, même si l’adoption par les célibataires homosexuels est d’ores et déjà autorisée. Pourtant c’est une réalité : il existe aujourd’hui, dans notre pays, des dizaines de milliers de familles homoparentales. Il ne s’agit donc pas de créer de nouvelles formes de familles ni de les ériger en modèle, mais de donner à ces familles les mêmes droits et les mêmes protections qu’aux autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
 
Lors d’un décès, cela conduira, par exemple, au versement d’une pension de réversion au conjoint survivant. De même, l’ouverture de l’adoption permettra de mieux protéger les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales car ils vivent aujourd’hui dans une précarité juridique. C’est une réalité, mes chers collègues ! Ces dizaines de milliers d’enfants, qui sont tout autant que les autres les enfants de la République, doivent avoir les mêmes protections que les autres. Une telle évolution évitera notamment d’ajouter à la douleur du décès d’un parent la douleur de l’arrachement à l’autre, le conjoint survivant n’ayant actuellement pas d’existence juridique à l’égard des enfants qu’il a élevés et aimés. Loin de porter atteinte aux droits de l’enfant, j’affirme au contraire que ce texte les renforce.
 
Certains avancent que le droit à l’enfant va prévaloir sur le droit de l’enfant. Ce sont bien évidemment les droits de l’enfant qui en priorité doivent nous guider, et, dans ce texte, ils ne sont pas menacés. Dire le contraire, c’est affirmer que les homosexuels ne seraient pas capables d’être de bons parents. Un couple de même sexe serait-il moins apte à élever un enfant, et à en faire un adulte responsable et épanoui ? Ma réponse est non, clairement non, pas moins ni plus qu’un autre couple.

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas le sujet !

M. Franck Riester.

Ce qui compte véritablement pour l’enfant, n’est-ce pas l’amour qu’on lui porte et qui lui donne la force d’affronter les difficultés du monde ?

M. Nicolas Dhuicq. Pas uniquement !

M. Franck Riester.

N’est-ce pas la transmission de valeurs qui lui permet de se repérer dans la société ? Enfin, n’est-ce pas la culture, qui lui offre un mode d’être au monde ?
 
J’entends aussi que I’altérité est un élément essentiel de construction psychologique de l’enfant. C’est vrai, mais elle existe aussi dans une famille homoparentale : d’une part, I’altérité sexuelle est présente dans de nombreux référents du ou des milieux socio-familiaux dans lequels l’enfant grandit ; d’autre part, I’altérité n’est pas seulement liée à la différence des sexes, elle est la différence entre soi et les autres. L’altérité ne se réduit donc pas au sexe mais n’en est qu’une composante parmi d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
 
Mes chers collègues, j’ai conscience que c’est un sujet complexe qui touche aux convictions profondes de chacun,…

M. Jacques Myard. Alors un référendum !

M. Franck Riester.

…qui touche à l’intime, qui touche aussi pour certains au spirituel, aux croyances. Je sais qu’il est parfois difficile de s’imaginer des réalités différentes de celles que nous connaissons habituellement.
 
Mais enfin, nous parlons d’amour.
 
Quand on assiste, comme moi qui suis maire de Coulommiers, à l’union de deux personnes qui s’aiment, on mesure la force de cette célébration. Y a-t-il moment plus heureux qu’un mariage ? Au nom de quoi peut-on priver deux personnes de ce moment unique ?
 
Nous parlons aussi de fraternité.
 
Ce texte ne propose pas moins de famille mais plus de famille : des familles seulement plus diverses, plus confiantes en elles-mêmes car enfin reconnues et respectées. Les homosexuels et les familles homoparentales n’attendent ni privilèges, ni statut d’exception ; ils souhaitent seulement être des citoyens comme les autres, des citoyens à part entière. Ce n’est pas une revendication, mes chers collègues, mais l’accomplissement d’une promesse républicaine, celle selon laquelle « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Ces droits nouveaux que nous ouvrons aujourd’hui sont le signe d’une république confiante en l’avenir, d’une république fière et riche de ses valeurs, d’une république rassemblée et plus fraternelle.
 
Quelle société veut-on demain ? Une société plus forte car plus soucieuse d’égalité ; une société plus forte car en paix avec ses diversités et sa diversité. Nous y sommes précisément, mes chers collègues UMP, avec ce texte historique.
 
C’est pourquoi je le voterai. (De nombreux députés du groupe SRC, du groupe écologiste et du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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