Le Mariage Pour Tous
le site de référence pour tout comprendre des enjeux sur le #mariagepourtous

Explications de vote personnelles

  • Christian Jacob

    1er mai 2013
    M. Christian Jacob. Vais-je vraiment m’exprimer en l’absence de la garde des sceaux et de la ministre de la famille ?

    M. Pierre-Yves Le Borgn‘. Il y a un ministre au banc !

    M. Christian Jacob. C’est tout de même assez regrettable. Après les vices de procédure répétés et les différentes humiliations que le Parlement a connus, voilà que, sur un tel sujet, les deux principales ministres concernées sont absentes ! La ministre en charge de la famille n’est plus là depuis plusieurs heures ! En première lecture non plus, du reste, elle n’assistait la plupart du temps pas aux débats le soir.
     
    C’est d’autant plus regrettable qu’elle avait prononcé une phrase très choquante sur le fait que nous défendions un idéal de la famille qui n’existe plus. Il ne s’agit plus là de procédure, mais bien du fond : considérez-vous vraiment qu’il y a deux familles, celle que nous défendrions, qui n’existerait plus, alors que vous seriez positionnés pour défendre la nouvelle famille ? Cela n’a vraiment pas de sens.
     
    Nous avons voulu, notamment lors du débat sur l’article 1er en première lecture, mais nous y sommes revenus en deuxième lecture, défendre une autre façon, basée sur un fondement simple, de répondre aux attentes sociétales. Vous avez voulu offrir aux couples homosexuels un moment de solennité en leur ouvrant le droit au mariage. Je pense qu’il y a une autre manière d’assurer ce moment de solennité : l’union civile, qui peut être proclamée devant un officier d’état civil et qui permet aussi de garantir les droits du conjoint, c’est-à-dire de lui assurer une protection juridique qui n’existe pas aujourd’hui dans le cadre du PACS.
     
    Vous avez refusé sans relâche ces propositions, qui présentaient l’avantage de ne pas toucher à l’institution du mariage et de ne pas ouvrir le droit à l’adoption. C’est un point auquel nous sommes extrêmement sensibles. Nous considérons en effet que l’enfant adopté a besoin de la double référence, paternelle et maternelle, pour sa construction. Or avec votre logique, qui est de répondre à un désir d’adulte, un désir louable, celui d’avoir un enfant, on tombe vite, nous l’avons souvent souligné, dans le droit à l’enfant – je suis adulte : j’ai droit à un enfant.
     
    L’esprit qui nous a toujours guidés – de même qu’il a guidé, jusqu’à maintenant, tous les ministres de la famille de la République, qu’ils soient de gauche ou de droite –, c’est la défense du droit des enfants. Nous avons toujours fondé notre argumentation sur ce principe. Vous touchez donc aujourd’hui pour nous à quelque chose de sacré, le droit des enfants, que vous remettez en cause.
     
    Je l’ai dit à plusieurs reprises, ainsi que plusieurs de mes collègues : bien sûr que deux personnes de même sexe peuvent donner à un enfant le même amour que deux personnes de sexe différent, c’est une évidence ! Personne ne le nie ! Et ils peuvent également, dans un certain nombre de cas, lui assurer des conditions d’éducation tout aussi respectables que des couples hétérosexuels. Mais il ne faut pas en faire la règle, le graver dans le marbre comme une possibilité ouverte en droit !
     
    C’est cette atteinte portée aux droits des enfants qui nous pose problème.
     
    L’amour que se portent deux personnes du même sexe est tout aussi respectable que celui que se portent deux personnes de sexe différent. Cela ne soulève pas de problème. En revanche, toucher à l’institution du mariage en pose un, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer, au-delà de la seule dimension familiale. On a ainsi vu, avec l’article 4 bis, les conséquences de ce projet de loi sur les différents codes.
     
    Cela crée aussi une inégalité en termes d’accès au droit pour les enfants adoptés.

    M. le président. S’il vous plaît, monsieur Jacob !

    M. Christian Jacob. Je crois comprendre que je dois m’acheminer vers ma conclusion.

    M. le président. Oui.

    M. Christian Jacob. Je regrette la manière dont les débats ont été conduits, encore plus en deuxième lecture qu’en première lecture. On l’a vu, madame la ministre, avec la dernière intervention de notre collègue Hervé Mariton. Vous y avez répondu avec beaucoup de précision – je n’ai aucun reproche à vous faire de ce point de vue, même si je ne partage pas votre point de vue – mais nous vous avions interrogée bien auparavant et jamais vous ne nous avez répondu. Vous avez attendu que nous n’ayons plus la possibilité de parler. Nous allons le faire grâce à des explications de vote personnelles, mais avouez que vous auriez pu répondre bien plus tôt aux différentes questions.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai répondu lorsque nous en sommes venus à l’article concerné !

    M. Christian Jacob. Vous n’avez pas souhaité le faire, et c’est infiniment regrettable.

    M. le président. Merci !

  • Hervé Mariton

    1er mai 2013
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, nous voterons contre ce projet – j’aurai l’occasion d’y revenir – mais je veux, en effet, m’arrêter un instant sur l’article 16 bis.
     
    M. Coronado est parti ; le débat est indifférent à nos collègues.

    M. Philippe Gosselin. Il n’y a plus personne à gauche, à quelques exceptions près !

    M. Hervé Mariton. Je reprends la rédaction que vous avez choisie : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé, en raison de son orientation sexuelle, une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité. » Les choses sont claires : pour bénéficier de cette protection, le salarié devra indiquer son orientation sexuelle. J’entends qu’il puisse y avoir des démarches militantes, selon lesquelles tout va de soi, selon lesquelles, au fond, ce n’est pas un problème.
     
    Certains peuvent rêver d’un monde de ce type. Simplement, comme vous nous le dites souvent, ce monde n’existe pas. D’ailleurs, le monde dans lequel chacun devrait afficher sa sexualité, fût-ce à son employeur, ne me paraît pas un monde forcément souhaitable. Qu’il y ait des hommes et des femmes qui explicitent très volontiers leur orientation sexuelle ne me pose aucune difficulté, mais qu’il y ait des hommes et des femmes qui ne souhaitent pas le faire me paraît aussi une réalité de la vie. Je ne la valorise pas, et je ne la condamne pas, mais vous privez ces personnes de cette protection.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non !

    M. Hervé Mariton. Si, madame la garde des sceaux.

    M. Alain Vidalies, ministre délégué. Allez droit au fait !

    M. Hervé Mariton. Si on veut, monsieur le ministre, protéger les personnes, il faut enlever la mention « en raison de son orientation sexuelle » et offrir, en effet, une possibilité d’objection à l’affectation dans ces pays à laquelle on peut recourir sans en donner la raison. D’ailleurs, je l’avais dit en première lecture, une personne peut refuser l’affectation pour elle-même, mais elle peut aussi refuser l’affectation du fait de l’orientation sexuelle de l’un de ses enfants.
     
    Le dispositif que vous proposez, madame la garde des sceaux, ne prévoit pas ce cas. La personne concernée doit exciper de son orientation. Si elle est mutée dans tel pays, et que ses enfants vivent avec elle, ils sont susceptibles d’aller avec elle dans ce pays où leur orientation sexuelle peut être incriminée,…

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La personne refuse !

    M. Hervé Mariton. Elle refuse, en effet. En voilà, une belle protection ! Est-ce que vous le mesurez ?
     
    Votre dispositif ne couvre pas les circonstances familiales, et il oblige la personne à dire son orientation sexuelle, qu’elle ait choisi de le faire ou pas, qu’elle ait choisi le moment de le faire ou pas. Conclure ce texte par un dispositif aussi peu respectueux de la liberté des personnes est ahurissant. Je vous le dis, je le pense : c’est grave.
     
    On pourra me répondre qu’il est très normal de dire son orientation sexuelle et que, heureusement, dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a pas de raison d’être enfermé dans un placard. J’entends cela, mais il est des personnes qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ne souhaitent pas dire. Il est des personnes qui souhaitent protéger leurs enfants. Votre dispositif passe totalement à côté de cela.
     
    Je ne suis pas un grand juriste, j’ai un peu de logique, et je crois vraiment que l’analyse logique du dispositif que vous proposez conduit aux conclusions que je présente.
     
    D’un côté, il y a une démarche militante, avec beaucoup d’approximations. Vous disiez, madame la garde des sceaux, que les conjoints donnent, de toute manière, une fiche d’état civil. Je ne suis pas spécialiste du droit du travail, mais je ne suis pas sûr que ce document doive obligatoirement être fourni à l’employeur, et il peut y avoir des circonstances où l’employeur ne connaît pas la totalité de l’état civil de l’employé…

    M. le président. Merci !

  • Philippe Gosselin

    1er mai 2013
    M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous voici donc au terme de nos débats. J’avoue ressentir un peu de tristesse, une forme, sans doute, d’amertume, non pas tant par rapport au sujet qui nous occupe qu’en raison de la façon dont, cette nuit, nos débats se sont déroulés. J’éprouve un sentiment d’inachevé, avec des arguments qui n’ont pas pu être présentés, développés. Le temps guillotine, qui porte bien son nom, a frappé.
     
    Oui, le temps partagé, malheureusement, par la majorité est un temps réduit à la portion congrue, c’est le temps programmé. C’est le temps aussi, on l’a un peu vu avec la cavalcade des amendements, de la mascarade. Cet abattage des amendements – je crois qu’il n’y a pas d’autre mot – a donné lieu, malheureusement, à une scène de grand-guignol, et je le regrette vraiment profondément. Le choix, pour un tel débat, en deuxième lecture – je devrais dire en seconde lecture, puisqu’il est désormais acquis que ce texte sera adopté conforme…
     
    Bonsoir, monsieur le président de la commission des lois ! J’imagine que mon propos ne vous intéresse guère. Ne vous retournez pas, ne m’écoutez pas, et ne semblez pas prêter attention à mes propos !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous les lui raconterons !

    M. Erwann Binet, rapporteur. Je suis là, moi !

    M. Philippe Gosselin. Il reste M. le rapporteur, effectivement.

    M. Erwann Binet, rapporteur. Et je lui rapporterai ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin. Je n’en doute pas, mais je comprends que le président Urvoas, à cette heure-ci, soit fatigué.

    Mme Claude Greff. Pourquoi donc ? Il n’a rien dit !

    M. Philippe Gosselin. Il reste donc un sentiment d’inachevé, à six heures du matin. Le temps programmé à la dernière minute, en catastrophe, la semaine dernière, sur un texte grave, nous mène jusqu’au petit matin. Je récuse toujours cette façon de procéder. Le grand débat que nous aurions souhaité, sous la forme d’états généraux, n’a pas eu lieu, la grande commission spéciale que nous appelions de nos vœux n’a pas été constituée, le comité consultatif national d’éthique n’a pas été consulté. Je ne reviendrai pas sur tous ces éléments. Tout a été dit, et, le moment venu, chacun les pèsera et les soupèsera.
     
    Je suis évidemment plus préoccupé par le fond de la question, qui n’est pas tant celle de la reconnaissance de l’amour de deux personnes l’une pour l’autre, qui aurait très bien pu prendre la forme d’une union civile, ou d’une alliance, tout était possible. Ce n’était pas tant cette question, celle de l’intérêt légitime de la protection d’un être cher, que celles soulevées par la filiation, et d’autres qui ne manqueront pas de se poser rapidement : la procréation médicalement assistée, les mères porteuses. Il est temps de dénoncer à nouveau, ici, cet effet de dominos. Nous lutterons pour empêcher la chute des dominos suivants.
     
    Non, vraiment, cette marchandisation des corps, cette réification, ce n’est pas notre vision de la société. Ce n’est pas ce dumping éthique que je souhaite promouvoir pour ce pays, pour ses citoyens et citoyennes. Non, ce sont d’autres valeurs, plus humanistes, qui me paraissent plus importantes, plus nobles.
     
    Ce n’est pas l’amour qui est en cause, ce sont les conséquences juridiques que l’on y attache.
     
    Ce soir et mardi prochain, nous franchissons sans doute un pas, mais ce n’est qu’une étape. Le Conseil constitutionnel sera saisi. Et, compte tenu de tout ce qui a été dit de ce bricolage, tout au long de la première lecture de ce texte, que nous avons tenté de rappeler en évoquant tel ou tel point, je ne doute pas que le grand meccano que vous nous avez présenté, madame la garde des sceaux,…

    M. le président. Merci. C’est terminé, monsieur Gosselin.

  • Marie-Christine Dalloz

    1er mai 2013
    Mme Marie-Christine Dalloz. L’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale se termine. Quel simulacre de démocratie !

    M. Marc Le Fur. Exactement !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle frustration !

    M. Xavier Breton. Quelle mascarade !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle mascarade, oui, exactement ! Franchement, nous ne sommes pas considérés, du tout. Nous avons été méprisés, ignorés. J’ai vraiment le sentiment ce soir qu’être parlementaire de l’opposition, sous ce gouvernement, madame la garde des sceaux… Je ne suis pas fière, aujourd’hui. Je souffre énormément, et je comprends la colère et la souffrance que les Françaises et les Français expriment quotidiennement. Et il va falloir que vous l’entendiez.
     
    Ce débat, qui arrive à son terme, a été un simulacre de débat. Quand nous parlions, vous ne vouliez pas nous répondre, et, quand vous avez répondu, nous n’avions plus de temps pour réagir. C’est un simulacre de débat, avec des réponses totalement à contretemps. Sur des sujets de ce type, on peut ne pas partager les mêmes points de vue tout en dialoguant, tout en débattant. Or il n’y a eu aucune transparence. Il est six heures du matin. Vous avez fait en sorte que ce texte passe nuitamment, comme ça, en cachette, pour que, demain, la sérénité revienne autour de l’Assemblée nationale.

    M. Philippe Gosselin. Mais cela va accroître la colère !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne suis pas certaine que vous l’aurez ! Le peuple va gronder, car il n’appréciera pas d’avoir été aussi bassement trahi par la majorité. C’est cela qu’il va ressentir !
     
    J’ai longtemps pensé, voyez-vous, que vous aviez peur du peuple, que l’urgence que vous nous imposiez traduisait de la fébrilité ou de la peur. Après y avoir réfléchi au cours de nos débats, j’ai repensé tout à l’heure à l’audition de M. Moscovici à laquelle j’ai participé hier, au sujet de l’affaire Cahuzac. Permettez-moi de vous rappeler, pendant quelques instants, des souvenirs dont je comprends qu’ils puissent être douloureux pour vous. Mais ce sont des réalités ! J’ai demandé à M. Moscovici s’il a été, dans cette affaire, insuffisamment curieux, ou s’il ne voulait pas savoir ce qui se passait. On est en droit, aujourd’hui, de se poser ces questions-là.
     
    À l’image de M. Moscovici, c’est l’ensemble du Gouvernement qui ne veut pas savoir ce qui se passe dehors, dans les rues et dans les foyers. Ou peut-être ne se montre-t-il pas assez curieux pour s’y intéresser ? Ces deux aspects de votre attitude ont un effet désastreux sur nos concitoyens. Si vous ne leur prêtez pas attention, je comprends que l’exaspération de la rue augmente.
     
    Je n’excuse pas les violences : au contraire, je les condamnerai toujours. Toutefois, je comprends cette exaspération : vous ne l’écoutez pas, et ne lui répondez pas. La responsabilité de la violence qui commence à sourdre est vôtre. À aucun moment vous ne leur avez envoyé de signe positif.
     
    La France traverse une crise économique et sociale grave. Les personnes que je rencontre dans ma permanence disent que leur première préoccupation, c’est l’emploi.

    M. Marc Le Fur. C’est vrai !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Vous en parlez beaucoup, mais on voit peu de résultats. Ils sont également préoccupés par la sécurité, mais pas par le mariage pour tous !
     
    Vous avez relayé les intérêts d’une minorité qui vous a obligés à adopter un texte mal ficelé, au terme d’un débat dont nous voyons bien qu’il est inachevé.

    M. Bernard Roman. Ce n’est pas une minorité !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Après la crise économique et la crise sociale, il est pertinent de vous rappeler qu’il s’agit aussi d’une crise politique. Après tout, le ministre qui a été mis en cause est un ministre socialiste, membre d’un gouvernement socialiste nommé par un Président de la République socialiste. Ce scandale concerne donc tout le groupe socialiste !

    M. Patrick Hetzel. Eh oui ! C’est la faillite morale !

    Mme Marie-Christine Dalloz. Tous les élus ne sont pas également concernés par ce dernier scandale.
     
    En adoptant ce texte de loi, vous ajouterez à tout cela une crise sociétale, car cela ne sera pas compris par la rue. Passer en force sur un sujet aussi fondamental, qui modifie la cellule de base qui structure notre société…

    M. le président. Merci, madame Dalloz, vous avez épuisé votre temps de parole.

  • Jean-Frédéric Poisson

    1er mai 2013
    M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, madame la garde des Sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, je vous donnerai quatre éléments qui motivent mon opposition à ce texte. Il s’agit d’abord de principes, ensuite d’une différence de constat d’ordre sociologique, puis d’une question de contenu, et enfin de considérations de méthode.
     
    Pendant la discussion générale, madame la ministre, je vous ai parlé de Rome. J’entends par là le droit romain et le droit naturel, cela va sans dire. Ce que j’avais évoqué devant vous alors, au sujet du droit naturel dans lequel notre droit et ses principes généraux plongent leurs racines, me revient à l’esprit en ce moment. Le philosophe John Rawls, un théoricien contemporain de la justice,…

    M. Daniel Fasquelle. Très bien ! C’est un très bon auteur !

    M. Jean-Frédéric Poisson. …distingue les inégalités justes des inégalités injustes : c’est la meilleure traduction que je connaisse du principe fixé par l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel il peut exister des distinctions sociales, mais que seule l’utilité commune peut les justifier. Nous pensons que l’on peut maintenir, entre les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent, des différences de droit, tant qu’elles sont fondées sur l’intérêt commun. J’ai posé cette question au cours de la première lecture, mais je n’ai toujours pas obtenu de réponse. Il s’agit là d’un point de divergence important entre nos deux conceptions.
     
    Deuxièmement, nous ne partageons pas le constat sociologique que vous dressez. Nous avons entendu, depuis le début de nos échanges dans cet hémicycle, répéter que la famille traditionnelle – parfois appelée par certains famille « hétéro-patriarcale » : on entend toutes sortes de qualificatifs de cette sorte – est morte. On nous dit qu’il ne s’agit que d’un lointain souvenir, et que nous devrions y renoncer. Tout d’abord, ce constat ne résiste pas à l’analyse. Bien sûr, il peut y avoir des souffrances, des séparations, mais la famille est encore l’état de vie – ou du moins l’aspiration – d’une très grande majorité de nos concitoyens. De notre point de vue, cette manière d’envisager sa vie personnelle n’est évidemment pas obsolète.
     
    Évidemment, cela n’interdit pas pour autant de prendre en compte des situations sociologiquement minoritaires. Mais il y a une erreur d’analyse importante à nous annoncer la fin d’un modèle familial qui nous est cher.
     
    On nous accuse souvent d’oublier les personnes homosexuelles. Personne ici ne peut préjuger du réseau familial, amical et de la vie personnelle de chacun d’entre nous. Je maintiens que l’affaire du législateur est aussi de défendre la permanence d’un certain ombre de principes de droit, même si, de temps en temps, il est difficile de faire comprendre les raisons de ce maintien.
     
    M. Dussopt nous posait la question suivante hier : comment expliquerez-vous aux couples homosexuels que vous leur aurez refusé ce droit ? Je leur expliquerai ces éléments, comme je les ai déjà expliqués aux associations que j’ai rencontrées, et aux personnes qui sont venues en discuter avec moi avant d’entamer la discussion de ce texte. Même si ce n’est pas agréable à entendre, je pense qu’au moins, c’est compréhensible.
     
    Troisièmement, à propos du contenu de ce projet de loi, madame la ministre, je ne reviendrai pas sur l’article 1er, sur le mariage, l’adoption et les dispositions autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Je m’arrêterai un moment sur la question de l’article 16 bis. Je pense que, dans sa formulation actuelle issue des travaux du Parlement, l’article 16 bis affaiblit l’économie générale du droit des obligations. Il fragilise le lien contractuel entre l’employeur et le salarié, puisqu’il met en danger la possibilité même de faire respecter les clauses de mobilité dans beaucoup de circonstances. Je pense que ce point sera une source importante de contentieux.
     
    J’aborderai un dernier point, à propos de la méthode. Jusqu’ici, tous mes collègues qui se sont succédé à cette tribune l’ont rappelé : même si nous sommes tous là – tous las, aussi – la manière dont ce débat se termine montre que, décidément, les modalités d’organisation de notre seconde lecture, imposées par le chef de l’État, appuyées par le Gouvernement et acceptées à contrecœur – je crois – par M. le président de la commission des lois, laissent à désirer. Cela montre bien que sur ce texte et dans ces circonstances, tant extérieures à notre hémicycle qu’intérieures, il ne fallait pas procéder de la sorte.
     
    Madame la garde des Sceaux, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je voterai contre ce projet de loi.

0 | 5 | 10 | 15 | 20

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


Partager :