Le Mariage Pour Tous
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Discussion générale

  • Robert Hue

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

    M. Robert Hue. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’histoire de la République est une promesse, celle de la marche vers l’égalité de tous les citoyens, sans distinction de quelque sorte. Car, comme le disait Montesquieu, « L’amour de la démocratie est celui de l’égalité ! »
     
    Madame la garde des sceaux, il est de l’honneur du Gouvernement de la République auquel vous appartenez de continuer à donner vie à cette belle promesse en soumettant au Parlement le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.
     
    Ce texte vient traduire dans notre droit la proposition de campagne du candidat François Hollande. Comme des millions de Français, j’ai soutenu le candidat et la proposition. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
     
    Ce texte va enfin concrétiser, pour des milliers de couples et de familles, un principe d’égalité de traitement et de considération, la reconnaissance d’un statut juridique identique, sans distinction portant sur des aspects ne relevant que de la vie privée.
     
    Cette évolution vient de loin. Je me réjouis que l’histoire aille dans le sens d’un élargissement continu des droits, en permettant l’inclusion des citoyens. Curieux paradoxe – au demeurant déjà souligné – que de constater que ceux qui étaient, hier, au nom de la défense de la famille, les adversaires acharnés du PACS – je m’en souviens, j’étais parmi les députés qui l’ont voté à l’Assemblée nationale –, s’en fassent aujourd’hui les chantres zélés, allant jusqu’à proposer une union civique qui n’est, en réalité, qu’une version améliorée du PACS, sans permettre la même protection.
     
    En quinze ans à peine, l’évolution des mentalités – c’est heureux ! – a conduit à banaliser les PACS contractés entre personnes de même sexe. Nul ne songe aujourd’hui à revenir dessus, nous l’avons dit. Or les Français sont aujourd’hui largement favorables au mariage entre personnes de même sexe…

    M. Jean-Michel Baylet. Eh oui !

    M. Robert Hue. … comme le montrent un certain nombre de sondages, même si tout ne se fait pas avec les sondages.
     
    Je ne doute donc pas que d’ici à quelques années, la même banalisation du mariage s’imposera, comme cela s’est passé dans les pays qui ont déjà légiféré dans ce sens.
     
    Ce constat démontre à quel point le combat pour les droits des homosexuels fut aussi âpre que méritoire. Je pense, bien sûr, à la dépénalisation des relations homosexuelles voulue par le Président François Mitterrand en 1982. Je pense aussi, en ce jour, aux revendications exprimées à partir des années 1980, lorsque l’épidémie de sida produisit ses premiers ravages.
     
    L’absence de tout statut légal pour les couples homosexuels plaçait de nombreuses personnes dans des situations matérielles difficiles après le décès de leur concubin, en plus du deuil qui les frappaient. C’est aussi pour que de tels drames humains ne se reproduisent plus que ce texte constitue un progrès social.
     
    Mes chers collègues, la famille est bien un socle de notre société. Pour autant, on ne saurait réduire la famille à une simple réalité biologique assise sur les liens du sang. Il n’est pas besoin d’un exposé exhaustif pour constater que le modèle familial, défendu par les opposants à ce texte, n’est qu’une invention récente au regard de l’histoire.
     
    Comme tout modèle, il a ses contingences, soumises aux évolutions de la société. Le modèle familial d’hier n’a pas vocation à demeurer figé dans un moule éternel. Le sens du mariage a lui-même évolué pour exprimer avec davantage d’intensité des ressorts libéraux et égalitaires entre deux personnes qui s’aiment. Que l’on songe au statut de l’épouse avant 1965, lorsqu’elle ne pouvait même pas travailler sans l’autorisation de son mari ! Le droit doit appréhender les faits, et non l’inverse. Nous sommes donc dans notre rôle de législateur en portant cette évolution du droit, a fortiori au nom de l’égalité.
     
    À tous ceux qui s’opposent à ce texte, faut-il dire que non, nous n’allons pas détruire les fondements de la société ? Non, nous n’allons pas changer de paradigme anthropologique, comme je viens de l’entendre ! Non, nous n’allons pas créer des générations d’enfants psychologiquement instables !
     
    Madame la garde des sceaux, vous l’avez dit, le mariage n’est plus le seul mécanisme de légitimation sociale des familles, même s’il en garantit le niveau de protection le plus élevé.
     
    Rappelons-nous que, jusqu’à 2001, les enfants légitimes et naturels n’étaient pas placés sur le même plan d’égalité en matière de successions. D’ailleurs, les familles homoparentales ne constituent pas un fait isolé, puisque l’INSEE estime de 20 000 à 30 000 le nombre d’enfants concernés. En toute hypothèse, le seul critère qui importe doit être celui de l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel doit bénéficier de la protection juridique la plus élevée. Or, actuellement, ces enfants vivent dans une zone grise juridique susceptible d’amoindrir leurs droits et d’affecter les liens qu’ils entretiennent avec leur parent biologique ou social.

    M. le président. Si vous voulez bien conclure, mon cher collègue.

    M. Robert Hue. Pour conclure, je dirai donc que ce texte, qui s’inscrit dans la longue marche du progrès, permet aussi de mettre fin à une hypocrisie légale puisque notre droit donne déjà la possibilité à une personne seule homosexuelle d’adopter, tandis que cette possibilité est refusée à un couple homosexuel.
     
    Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour terminer (Ah ! sur les travées de l’UMP.),…

    M. le président. Oui, s’il vous plaît !

    M. Robert Hue. … je dirai que nous avons conscience de la solennité de ce moment où bien des yeux de nos concitoyens sont dirigés vers notre hémicycle.
     
    L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ne constitue pas l’octroi d’un droit. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

    M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

    M. Robert Hue. Je termine, monsieur le président.
     
    Chers collègues de l’opposition, la société change. Si vous ne voulez pas changer avec elle, elle changera sans vous ! Et c’est cela qui est l’essentiel aujourd’hui ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
  • Charles Revet

    6 avril 2013

    M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charles Revet.

    M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues – moins nombreux à gauche qu’à droite (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) –, le doyen Patrice Gélard nous a présenté de façon très brillante (Applaudissements sur les travées de l’UMP) une analyse fondée du projet de loi qui nous est soumis. J’ai compris…

    M. David Assouline. Moi, je n’ai rien compris !

    M. Charles Revet. … au silence qui régnait pour l’écouter que, même vous, madame le garde des sceaux, étiez sensible aux arguments qu’il a avancés.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous m’informez sur moi-même ! (Sourires.)

    M. Charles Revet. Notre collègue a également exposé la position du groupe UMP et les raisons qui conduiront la quasi-totalité de ses membres à s’opposer à l’adoption de ce texte, si celui-ci restait en l’état.
     
    Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, notre opposition n’est pas politique : elle est beaucoup plus fondamentalement philosophique et sociétale, et cela nous concerne tous. M. le Président de la République, dans le contexte économique que nous connaissons et alors que notre armée est engagée sur différents fronts, en particulier au Mali, fait appel au rassemblement et à la cohésion nationale. Dans ces conditions, pourquoi nous soumet-il dans le même temps un texte dont il sait qu’il fait division à l’intérieur de notre pays, y compris pour des personnes de la même sensibilité politique que lui ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) N’est-ce pas lui qui devrait montrer l’exemple d’une volonté de cohésion nationale ?
     
    Madame le garde des sceaux, je vous poserai deux questions : pourquoi nous soumettre un texte qui, s’il était adopté, bouleversera en profondeur les fondements de notre société ? Jusqu’où voulez-vous aller ? Déjà beaucoup s’inquiètent de voir disparaître les repères et valeurs qui ont servi de base à la construction de notre société et au développement de notre beau pays.
     
    L’adoption des dispositions que vous proposez dans le projet de loi dit « mariage pour tous » fera table rase de fondements essentiels. Peut-être est-ce voulu...
     
    Madame le garde des sceaux, dites-nous à quoi vous voulez aboutir et quelle société vous proposez pour demain.
     
    J’entends que vous allez nous répéter que c’est l’application d’une promesse de campagne du Président de la République. On affirme aussi que cela n’entraînera aucun changement pour la majorité de nos concitoyens et que c’est simplement un élargissement aux personnes de même sexe des dispositions prévues dans le cadre du mariage.

    M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !

    M. Charles Revet. Pensez-vous que ce texte aurait provoqué autant de réactions de tous bords, de toutes instances, des manifestations, une mobilisation aussi importante, si c’était aussi simple et aussi peu fondamental que vous voulez le laisser croire ?
     
    Madame le garde des sceaux, vous ne pouviez être présente lors des nombreuses auditions qui ont eu lieu les semaines passées, et je remercie le président de la commission des lois et le rapporteur de les avoir organisées. Celles et ceux qui y ont participé – j’en étais – ont noté la convergence de la plupart des interventions. Toutes les personnalités que nous avons reçues nous ont fait part de leurs interrogations et de leurs inquiétudes quant aux conséquences qui découleraient de l’adoption de ce texte. Tous ont insisté sur deux aspects.
     
    D’une part, les différents intervenants ont rappelé que le terme « mariage » était un terme signifiant – cela a d’ailleurs fait l’objet d’une discussion –, c’est-à-dire un terme dont la définition a été constante au fil des siècles : il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme qui, dans leur complémentarité, peuvent donner la vie.
     
    D’autre part, et de manière plus importante encore, les intervenants ont mis en évidence les conséquences en matière de filiation. J’ai à l’esprit ces propos de Mme la présidente de chambre au tribunal de grande instance de Paris, responsable du service des affaires familiales : « Il faut bien constater que l’accès des couples de même sexe à l’institution du mariage a pour conséquence mécanique de bouleverser tout le droit de la famille, lequel a été conçu et structuré autour de l’idée qu’une famille, c’est un père, une mère et des enfants. À cet égard, l’entrée du "mariage pour tous" dans notre ordre juridique produit un "effet domino", un domino venant renverser tous les autres. »
     
    Plus tard, Mme Bérard met en garde : « Quand vous parlez de mariage, vous parlez de filiation ; quand vous parlez de filiation, vous parlez de famille ; et quand vous parlez de famille, vous ouvrez un tas de boîtes. »
     
    Je pourrais citer d’autres interventions qui ont souligné les enjeux et les conséquences qui découleront de l’adoption de ce texte. Madame le garde des sceaux, ne pensez-vous pas, au regard de tout cela, et sauf s’il s’agit pour le Gouvernement d’une volonté idéologique de changer en profondeur les fondements de notre société, qu’il faut faire preuve de prudence dans les dispositions que nous pouvons engager ?
     
    Je n’oublie pas la demande des personnes de même sexe souhaitant vivre ensemble. Il est possible de traiter cette question sans pour autant engager des bouleversements. D’ailleurs, lorsque ces personnes ont, à plusieurs reprises, manifesté leurs revendications, ne voulaient-elles pas être reconnues dans leur différence ?
     
    L’égalité à laquelle vous faites référence pour justifier le texte qui nous est soumis revient-elle à mettre tout le monde dans le même moule, alors que, par nature, un homme, une femme sont différents, alors que deux hommes ou deux femmes ensemble ne pourront jamais procréer ? L’égalité, me semble-t-il, c’est que, à situation équivalente, hommes et femmes soient traités de la même manière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Que celles et ceux de même sexe qui ont choisi de vivre en couple demandent à pouvoir bénéficier des dispositions liées à cette notion de couple me paraît légitime et c’est à nous de le prendre en compte.

    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

    M. Charles Revet. Pour ce faire, nous devons revoir certaines dispositions, législatives ou réglementaires, mais il ne s’agit pas de fondre dans le même ensemble des situations qui sont voulues et reconnues comme différentes. Ce peut être simple à mettre en place, à condition de le vouloir : tel sera le sens des propositions qui seront faites lors de l’examen des articles.
     
    Madame le garde des sceaux, ne croyez-vous pas que notre pays a un urgent besoin d’apaisement ? Le Président de la République a promis de traiter la situation de personnes de même sexe vivant en couple.

    M. le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.

    M. Charles Revet. Faisons-le en des termes correspondant à leur situation : c’est, je crois, ce qu’ils attendent ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
  • Yves Daudigny

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

    M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, de grandes figures ont été évoquées dans ce débat, d’autres, moins connues, mais tout aussi belles et généreuses, qui ont marqué l’histoire par leurs combats pour la liberté et l’égalité.
     
    Victor Schœlcher, qui a siégé dans cet hémicycle, est de celles-là. En 1848, il écrivait ces mots solennels : « La République n’entend plus faire de distinction dans la famille humaine ; elle n’exclut personne de son immortelle devise : liberté, égalité, fraternité. »

    M. René Beaumont. Rien ne nous sera épargné !

    M. Yves Daudigny. Ce projet de loi, mes chers collègues, est fils de la République. C’est un projet de liberté, d’égalité et de fraternité.
     
    Un projet de liberté, parce qu’il n’oblige pas, ne contraint personne, mais tout au contraire autorise.

    M. Gérard Longuet. Il ne contraint personne à devenir homosexuel : voilà une bonne nouvelle ! (Sourires.)

    M. Yves Daudigny. Un projet d’égalité, parce qu’il reconnaît à tous les couples, sans distinguer selon leur orientation sexuelle, l’accès aux mêmes droits et devoirs lorsqu’ils souhaitent formaliser et sécuriser leur union et choisissent de se marier.
     
    Un texte de fraternité, enfin, parce qu’il contribue à enrichir notre « capital social », à renforcer le ciment qui permet à chacune et chacun, dans le respect de son altérité, de faire communauté et de faire sens.
     
    Le mariage a longtemps été l’institution des propriétés, des legs, des héritages, des notaires et des prêtres, une institution d’autorité, celle du chef de famille sur le patrimoine incluant l’épouse et les enfants, une institution d’exclusion contre les juifs, les protestants, les comédiens…
     
    En détachant la loi des sacrements pour l’inscrire dans l’ordre républicain, le constituant de 1791 a permis qu’il soit mis fin à ces exclusions. Dans la continuité de cette conquête permanente de liberté, d’égalité et de responsabilité, les lois de 1970 et de 1975 ont reconnu aux femmes des droits dont elles étaient privées, et celle de 1972 a mis fin à l’exclusion dont les enfants adultérins et les enfants naturels étaient victimes.
     
    Ce projet s’inscrit clairement dans cette évolution de l’état civil des personnes et participe à la longue lutte contre les exclusions. Il est la suite logique de l’émancipation progressive du législateur de l’empreinte religieuse, patriarcale et discriminatoire et nous propose de mettre fin à l’exclusion des personnes homosexuelles du mariage et de l’adoption, exclusion que condamne la Cour européenne des droits de l’homme, et qu’aucun principe fondamental de notre ordre républicain ne légitime.
     
    Les conséquences de cette exclusion sont en effet souvent dramatiques pour nos concitoyens. Le PACS, à cet égard, s’est révélé tout à fait insuffisant, malgré les améliorations apportées en 2006 avec le maintien du domicile commun au profit du partenaire survivant durant une année après le décès, en 2007 avec l’exonération de sa part successorale, et en 2009 avec l’adoption d’une règle de conflit de lois permettant la reconnaissance des PACS enregistrés à l’étranger.
     
    Comment accepter que, pour la seule raison de leur orientation sexuelle, des personnes que le mode de vie ne distingue pas de toutes les autres continuent à être privées du droit à pension de réversion, bien qu’elles en remplissent toutes les conditions de fond…

    Mme Nathalie Goulet. La pension de réversion, c’est un vrai sujet !

    M. Yves Daudigny. …, qu’elles soient, pour la même raison, privées des droits à majoration d’assurance versée à raison de l’incidence sur leur carrière de la naissance et/ou de l’éducation de leurs enfants, qu’elles soient encore privées du droit à indemnisation du congé d’adoption et que des orphelins soient privés de la rente due aux enfants de victimes d’accidents mortels du travail ?
     
    Pourquoi certains enfants sont-ils privés…

    M. Alain Gournac. D’un papa et d’une maman !

    M. Yves Daudigny. … du bénéfice de l’exercice de l’autorité parentale des personnes qui les aiment, assument leur charge et les élèvent sans en avoir le droit ?
     
    N’ont-ils pas eux aussi un intérêt légitime à être juridiquement protégés ?
     
    Responsable de l’aide sociale départementale à l’enfance, je peux témoigner, comme beaucoup d’entre vous ici, combien ce sont en réalité la misère matérielle, l’ignorance, le sectarisme et l’intolérance qui détruisent les familles et les enfants.
     
    Telle est la réalité. Et quand elle s’accorde aux principes fondamentaux, quand les lois satisfont ce besoin de liberté et d’égalité des uns sans contredire les besoins des autres, alors, nous sommes sûrs d’être dans le juste.
     
    C’est pourquoi nous défendons et approuvons ce projet de loi, qui affronte avec courage et lucidité la réalité sociale et apporte effectivement à nos concitoyens plus de justice et de sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
  • Hervé Maurey

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

    M. Hervé Maurey. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord excuser mon collègue Yves Détraigne, qui devait intervenir aujourd’hui et qui est retenu dans la Marne à la suite d’événements dramatiques qui se sont produits dans sa commune.
     
    Mes chers collègues, au nom du principe d’égalité, le Gouvernement nous propose aujourd’hui de considérer qu’un homme doit pouvoir épouser un homme et qu’une femme doit pouvoir épouser une femme.
     
    Et, dans la même logique que cela, il nous propose également, ce qui est plus préoccupant à mon sens, que ces couples puissent également adopter des enfants, en attendant de pouvoir recourir sous peu à l’aide médicale à la procréation pour les couples de femmes et à la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.
     
    Je le dis à celles et ceux qui, de bonne foi ou non, affirment l’inverse : dès lors que l’on aura accepté le mariage entre deux hommes et entre deux femmes et l’adoption, la procréation médicale assistée et la gestation pour autrui viendront inévitablement, d’autant, nous le savons, qu’il n’y aura pas assez d’enfants à adopter pour répondre aux attentes des couples homosexuels.

    M. Bruno Sido. Et même aucun !

    M. Jean Bizet. C’est la vérité !

    M. Hervé Maurey. Le principe d’égalité, aujourd’hui invoqué pour justifier le mariage et l’adoption, sera de la même manière mis en avant demain pour justifier le recours à ces techniques de procréation.
     
    Pourquoi, en effet, refuserait-on la GPA aux couples d’hommes dès lors que les couples de femmes pourront accéder à l’étranger, si ce n’est en France, à la PMA pour avoir des enfants ?

    Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est déjà le cas !

    M. Hervé Maurey. Pourquoi instaurerait-on une inégalité entre couples d’hommes et couples de femmes alors qu’on prétend aujourd’hui que les couples homosexuels doivent avoir le même accès au mariage et le même droit à l’adoption que les couples hétérosexuels ?
     
    Le mariage, mes chers collègues, je vous le rappelle, a pour objet, depuis la nuit des temps, d’unir l’homme et la femme en vue de créer une famille et d’offrir un cadre à la naissance, l’accueil et l’éducation des enfants.

    Mme Éliane Assassi. C’est la Bible, votre référence ?

    M. Hervé Maurey. En dehors même de la revendication d’égalité, ce motif conduira à exiger le droit à la procréation médicale assistée et à la gestation pour autrui, et fera ainsi exploser la notion même de famille.
     
    Je voudrais souligner que le principe d’égalité, qui est constamment évoqué depuis le début de nos travaux par un certain nombre de mes collègues, me semble être mis en avant par les partisans de ce texte de manière inappropriée, pour ne pas dire abusive.

    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Très bien !

    M. Hervé Maurey. Chacun sait en effet que, en droit, l’égalité ne s’applique qu’à « situation équivalente ».
     
    Or, et contrairement à ce que nombre d’orateurs ont essayé de nous faire croire, il est évident qu’au regard de la famille, un couple d’hommes ou un couple de femmes n’est pas structurellement équivalent à un couple formé d’un homme et d’une femme.

    Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ils ne veulent pas le voir !

    M. Hervé Maurey. C’est la loi de la nature universelle, ou la loi biologique, si vous préférez : un couple d’hommes ou un couple de femmes ne peut pas engendrer un enfant et ne peut donc pas créer une famille au sens traditionnel du terme.
     
    Certes, la famille n’a plus le même sens aujourd’hui qu’il y a un siècle ou même un demi-siècle. La majorité des enfants naissent hors mariage et il n’est plus nécessaire de passer devant le maire pour fonder une famille. Mais faut-il pour autant modifier le droit pour satisfaire la demande d’une minorité ?

    M. Jean Bizet. Exact !

    Mme Éliane Assassi. Votre propos est scandaleux, monsieur Maurey !

    M. Hervé Maurey. Je ne le pense pas, sauf à considérer que la loi n’est plus l’expression de la volonté générale, mais celle d’une minorité, et à penser que la loi doit s’adapter à toutes les évolutions de la société, quelles qu’elles soient, et non la régir.
     
    Mes chers collègues, « les orientations sexuelles, les préférences sexuelles sont libres. La discrimination à l’égard de telle ou telle orientation m’est insupportable, mais n’oublions pas que l’humanité toute entière est structurée homme-femme, elle n’est pas structurée en fonction des préférences sexuelles ».
     
    Ce constat de bons sens est de l’un des vôtres : j’ai nommé Lionel Jospin… Pour une fois, j’ai plaisir à le citer et à partager son propos. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.) Je n’en dirais pas autant de son dernier rapport, notamment en ce qui concerne le cumul des mandats…
     
    Au nom de « l’égalité des droits » entre adultes, vous allez créer une grave discrimination entre enfants, puisque vous allez permettre que des enfants n’aient plus officiellement un père et une mère, mais deux pères ou deux mères. C’est aberrant et tellement peu conforme à l’intérêt de l’enfant.
     
    Vous évoquez un « droit à l’enfant », mais ce droit n’existe pas et la nature le rappelle parfois douloureusement aux couples.
     
    Il y a, en revanche, un droit fondamental pour les enfants, celui d’avoir un père et une mère.


    Plusieurs sénateurs du groupe UMP
    . Oui !

    M. Hervé Maurey. Quoi que décide le législateur, l’enfant aura toujours un père et une mère biologiques et la présence d’un deuxième papa à la maison ne remplacera jamais une maman, pas plus qu’une deuxième maman ne remplacera un papa !
     
    C’est particulièrement vrai des enfants adoptés, comme l’ont souligné un grand nombre de personnalités auditionnées par la commission des lois.
     
    Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il n’y a pas lieu pour le législateur de se pencher sur la situation des couples homosexuels.
     
    Il est parfaitement normal et légitime qu’un couple stable, homosexuel ou hétérosexuel, bénéficie d’un statut qui règle la question des droits et obligations entre ses membres et assure la protection et l’assistance que le mariage confère réciproquement aux époux.
     
    Mais dans la mesure où le mariage est, pour moi, par essence, l’union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille, c’est une union civile offrant le même cadre juridique protecteur que le mariage, mais sans filiation, qu’il convient d’instaurer. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
     
    C’est le sens d’un amendement proposé par un certain nombre de mes collègues du groupe UDI-UC. Il permettrait de répondre aux attentes de nombreux couples homosexuels, sans en arriver aux solutions destructrices que vous proposez.
     
    La position que je défends répond d’ailleurs au souhait de la majorité des Français. En effet, si 53 % d’entre eux sont favorables au mariage pour les couples homosexuels, 56 % sont opposés à l’adoption.
     
    Pour conclure, je voudrais, madame la ministre, mes chers collègues, vous demander pour une fois d’entendre les Français, d’enlever vos œillères, de tenir compte de la mobilisation qui a encore eu lieu le 24 mars.
     
    Quand plus d’un million de personnes sont dans la rue, on ne peut pas traiter cela par le mépris !
     
    À cet égard, permettez-moi de vous dire, monsieur le rapporteur, que vos tweets ironiques relatifs aux manifestants étaient désobligeants, malvenus et peu compatibles avec votre qualité de rapporteur de ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

    M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

    M. Hervé Maurey. Écrire qu’il s’agit de « quelques badauds participant à une balade », ou encore que « quelques serre-tête tressés et jupes plissées pensent que nous reculerons », ce n’est pas digne d’un rapporteur de la commission des lois ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
     
    Madame la ministre, nous abordons cet important débat en espérant que le Gouvernement saura nous écouter.
     
    Oui, nous souhaitons répondre aux attentes des couples homosexuels, mais nous ne voulons pas remettre en cause l’un des piliers fondamentaux de notre société, le mariage, et par là même la famille, et porter gravement atteinte aux droits des enfants, comme vous le proposez. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
  • Alain Milon

    6 avril 2013

    M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

    M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après de longs mois de discussions, de débats, de contestations ou de soutiens, notre assemblée doit à son tour examiner le projet de loi sur le mariage pour tous.
     
    Je tiens, en premier lieu, à remercier le groupe UMP du Sénat, qui me permet d’intervenir dans le cadre de cette discussion alors même que ma position n’est pas majoritaire. Cette liberté d’expression et de pensée honore le groupe auquel j’appartiens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
     
    Permettez-moi aussi de dire que, si nous adoptons ce texte, j’en suis convaincu, nous contribuerons à accompagner et à conforter l’acceptation, la normalisation, voire même - c’est l’étape ultime ! –, la banalisation du mariage entre personnes de même sexe.
     
    Nous permettrions à ces derniers d’exercer une liberté reconnue par le Conseil constitutionnel comme une liberté personnelle. Nous donnerions tout son sens à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
     
    Nous rendrions pleinement applicable, sur notre territoire national, l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme, évoquée tout à l’heure par Patrice Gélard, qui affirme : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationale régissant l’exercice de ce droit ». Cet article ne dispose pas que l’homme et la femme doivent nécessairement se marier ensemble.
     
    En accordant ce droit, nous honorerions notre réputation ainsi que la devise nationale qui orne les frontons de nos édifices. Liberté de se marier, égalité de traitement des situations identiques, telle est, je crois, les avancées proposées par le projet de loi qui nous est soumis.
     
    Derrière une apparente simplicité, l’intitulé de ce texte soulève de multiples questions mettant en exergue la complexité des schémas familiaux actuels. L’opposition exprimée à l’encontre du mariage entre personnes du même sexe semble parfois porter davantage sur le terme même de mariage, et sur ses effets induits, que sur l’acte lui-même.
     
    En ce qui concerne la terminologie, il est certain que, dans l’inconscient collectif hérité de notre culture judéo-chrétienne, le vocable de « mariage » possède une connotation religieuse.
     
    Dès lors, même si les religions ne confèrent pas toutes une dimension sacramentelle au mariage, même si, dans nos sociétés actuelles, le mariage est un acte purement civil, même si les évolutions liées à législation sur le mariage et à son alter ego, le divorce, ont affecté la dimension pérenne de l’union, il n’en demeure pas moins que subsiste une figure idéalisée du mariage, union d’un homme et d’une femme.
     
    Le mariage suppose l’altérité, vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre. Il est l’expression de la rencontre avec l’autre, dans sa différence. Dans cette optique, reconnaître le mariage homosexuel porterait atteinte à cette altérité fondée sur la différenciation indispensable à toute forme de vie.
     
    Dès lors, parler de mariage pour un couple de même sexe reviendrait à nier cette altérité ou, pour le moins, conduirait à en redéfinir le contenu : qui est l’autre ? Semblable ou différent ? Reflet ou vis-à-vis ?
     
    Nous nous trouvons donc face à un projet qui, par delà les droits et obligations qu’il peut conférer, exprime une vision de l’homme, de la société, de notre démocratie.
     
    À l’instar de la loi sur l’IVG, de la loi sur l’abolition de la peine de mort, nous sommes face à un texte qui nous oblige à nous interroger sur nos valeurs, sur notre conception de la société et, ici plus particulièrement, sur sa cellule de base qu’est la famille.
     
    Il nous oblige à nous interroger, mais sans pour autant apporter de réponse à notre questionnement. Il nous fait pousser une porte sans savoir si elle nous conduit vers un nouvel espace de droits et de libertés ou si, tel Pandore, nous ouvrons une jarre dont le contenu peut nous échapper, nous dépasser.
     
    C’est bien là tout le sens des réflexions, des résistances, des oppositions qui se manifestent.

    M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Bien sûr !

    M. Alain Milon. En effet, la reconnaissance du mariage entraîne ipso facto le droit à fonder une famille. Le texte sur lequel nous sommes amenés à nous exprimer atteste de cette indissociabilité, même si le mariage n’est plus l’institution qui fonde les règles de la filiation.
     
    Comme je l’indiquais précédemment, l’intitulé de ce texte fait uniquement référence au mariage. Or différents articles – nous en avons suffisamment parlé – sont consacrés à la filiation, notamment adoptive.
     
    Ainsi, insensiblement, nous glissons du mariage entre deux individus vers la construction d’une famille. Si, désormais, la reconnaissance de droits et de devoirs à des couples souhaitant affirmer leur stabilité sociale tout autant que leur affection profonde est majoritairement admise, les questions liées à la filiation font davantage débat.
     
    C’est bien sur cette question qui touche à l’enfant en tant qu’individu – mais peut-être aussi en tant qu’expression de l’avenir –, en tant que prolongement de nous-mêmes, que s’expriment les réticences avec le plus de force et de vigueur. C’est aussi en ce domaine que nul aujourd’hui ne peut établir de certitude : l’amour est-il suffisant pour construire un être ? Dans quelle mesure le schéma social pèse-t-il sur la construction individuelle ? Le droit et l’amour peuvent-ils supplanter la biologie ? Et tant d’autres questions encore !
     
    Pour autant, mes chers collègues, ces incertitudes doivent-elles nous empêcher d’avancer ? Doivent-elles nous condamner à l’immobilisme ? Doivent-elles priver de droits certains de nos concitoyens ?
     
    La peur n’a jamais empêché le pire de se produire. Au lieu de refuser et de nier cette évolution, il convient plutôt de l’anticiper et de la préparer.
     
    Les questions soulevées par la reconnaissance de la famille homoparentale, si elles sont plus prégnantes, n’épargnent pas pour autant les autres modes de composition familiale : famille traditionnelle, famille homoparentale, famille monoparentale, famille recomposée…
     
    Les modes de filiation sont divers également et les méthodes de procréation, en évolution constante, suscitent des interrogations majeures en termes d’éthique. Nombreux sont ceux, dans cet hémicycle, à avoir parlé de PMA et de GPA sans forcément savoir qu’il s’agit tout simplement de techniques médicales permettant de lutter contre la stérilité.
     
    Comment concilier volonté légitime de fonder une famille et protection de l’enfant dans sa construction psychologique ? Comment concilier « droit à » et « droits de » ? Comment faire pour que la fiction juridique ne prime pas sur la réalité physiologique ? Reconnaître la possibilité d’adopter présente l’avantage d’offrir une stabilité à l’enfant, de lever les tabous, de renforcer la transparence, toutes choses bénéfiques pour son épanouissement.
     
    Il n’est, en effet, rien pire que le secret, le non-dit. De ce point de vue, je souscris à la proposition faite. En revanche, il me paraît impératif et impérieux de dissocier adoption plénière et mariage, car l’adoption plénière, en conférant à l’enfant une filiation qui se substitue à la filiation d’origine, interdit de ce fait l’établissement de toute autre filiation.

    M. Gérard Longuet. Voilà !

    M. Alain Milon. Or il va de l’intérêt de l’enfant de ne pas lui donner une « homofiliation » – pardonnez-moi l’expression –, de ne pas faire primer la fiction juridique d’un enfant né de deux personnes de même sexe, de ne pas le faire apparaître sur les actes d’état civil comme étant issu de deux hommes ou de deux femmes.
     
    Cela me semble fondamental et traduit la volonté de protéger l’enfant et de ne pas en faire l’enjeu ou l’otage de promesses électorales.
     
    Ouvrir l’adoption plénière aux couples mariés, sans aucune restriction, comme le fait le projet de loi sans le dire, c’est reconnaître qu’une personne pourra voir son identité à la fois marquée, décrochée de la filiation naturelle, et tronquée, dépourvue soit d’une ligne paternelle, soit d’une ligne maternelle.
     
    Dans son poème Lorsque l’enfant paraît, Victor Hugo terminait par cette supplique :
     
    « Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
     
    « Frères, parents, amis, et mes ennemis même
     
    « Dans le mal triomphants,
     
    « De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
     
    « La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
     
    « La maison sans enfants ! »
     
    Le texte dont nous discutons, sous réserve des limites importantes que je viens d’évoquer, constitue selon moi une avancée. Si nous l’adoptons, après l’avoir modifié, en particulier sur l’adoption, nous aurons la satisfaction d’avoir contribué à ensoleiller quelques vies en exerçant notre mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

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Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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