Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, je voterai ce projet de loi, même si ma position est minoritaire au sein de mon groupe.
M. Gérard Longuet. Elle n’est pas minoritaire, elle est unique !
Mme Chantal Jouanno. Au sein du groupe UDI-UC, nous sommes attachés à la liberté de vote et d’expression des uns et des autres. De fait, je suis très fière que nous puissions nous exprimer très librement sur ce sujet, où les certitudes n’ont certainement pas leur place.
M. Gérard Longuet. Chère collègue, excusez-moi de vous le dire : votre position n’est pas celle de vos électeurs !
Mme Chantal Jouanno. Je voterai ce projet de loi parce que j’ai des convictions libérales qui ne s’arrêtent pas aux questions économiques, mais s’étendent aux questions de société. Or, dans la nouvelle liberté qui va être offerte, je ne vois pas d’atteinte aux principes républicains qui justifierait une intervention de l’État pour la limiter.Certains mettront en avant l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais cette notion n’est pas juridiquement définie aujourd’hui, ce qui pose d’ailleurs un vrai problème. Il n’existe pas de charte de l’enfant, alors que nous avons adopté, par exemple, une charte de l’environnement.Si nous considérons que l’intérêt supérieur d’un enfant est d’avoir un père et une mère biologiques, certains écueils apparaîtront très vite : quelle position adopter à l’égard des mères célibataires, des familles monoparentales ou de l’interruption volontaire de grossesse ? C’est une voie, sinon potentiellement dangereuse, du moins délicate.Par ailleurs, comme la très grande majorité de mes collègues, je pense que les familles homoparentales ont la même capacité que les familles hétéroparentales à assumer leurs responsabilités de parents et à élever des enfants dans le cadre, j’insiste sur ce point, d’un projet parental. Aujourd’hui, en effet, l’enfant est le plus souvent le fruit d’un projet parental, ne serait-ce qu’en vertu du droit à la contraception.C’est vrai, ce texte de loi se heurte à deux écueils, en ne répondant pas à deux questions fondamentales. La première est celle de l’adoption, et tout particulièrement de l’adoption plénière, qui crée une fiction. La question se pose aujourd’hui à tous : dès lors que l’adoption plénière gomme les origines, jusqu’où devons-nous aller dans la fiction ? Ce dispositif, qui était justifié à une certaine époque, l’est-il encore ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il ne l’est plus !
Mme Chantal Jouanno. C’est un vrai sujet, que nous devrons un jour traiter. Pour ma part, je ne suis pas favorable à l’effacement des origines qu’implique l’adoption plénière.La seconde question fondamentale est celle de la procréation médicalement assistée : jusqu’où devons-nous aller dans la médicalisation ? En autorisant la PMA avec tiers donneur, on a déjà ouvert une brèche. Faut-il aller plus loin ? C’est aussi une question à laquelle nous n’avons pas répondu. Il est dommage que notre débat ait eu lieu avant que le Conseil consultatif national d’éthique n’ait pu formuler ses conclusions.Ces questions en suspens peuvent justifier de nombreuses oppositions à ce texte, oppositions qui s’expriment plus ou moins selon les travées sur lesquelles chacun siège.Avec ce vote, une page se tourne et une autre s’ouvre. Je pense très honnêtement que le temps est à l’apaisement de notre société, à sa réconciliation. Veillons, dans nos discours, à nous positionner comme s’il s’agissait de nos propres enfants. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Christian Cointat applaudit également.)