Le Mariage Pour Tous
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mercredi 30 janvier 2013

Bruno Leroux (29 janvier)

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, nous y voilà : dès cet été, deux hommes vont pouvoir se dire oui devant leur maire, dès cet été, deux femmes pourront se dire oui devant leur maire, et contrairement à ce que certains voudraient faire croire, cet été, un homme et une femme pourront toujours se dire oui devant leur maire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. En effet !

M. Bruno Le Roux.

Dès cet été, deux hommes comme deux femmes pourront adopter ensemble un enfant, et contrairement à ce que certains prétendent, un homme et une femme pourront alors toujours adopter ensemble.

M. Yves Nicolin. C’est moins vrai.

M. Hervé Mariton. Il y aura moins d’enfants à adopter !

M. Bruno Le Roux.

Vous ramenez simplement cette question à la loi de l’offre et de la demande, mais cela améliore déjà la façon dont vous prenez en compte ce texte, monsieur Mariton !

M. le président. Monsieur Mariton, vous avez eu largement la parole tout à l’heure. Laissez l’orateur s’exprimer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux.

La vérité est d’une simplicité déconcertante : le mariage pour tous est une loi qui va faciliter la vie de ceux qui s’aiment. Oui, elle est une loi d’égalité, une loi qui renforce la France et les familles. Elle adapte le code civil à ce que sont les Français et leurs aspirations. Elle permet d’ouvrir les yeux sur ce qu’est devenue notre nation, sur la diversité des cellules familiales qui la composent. Elle permet aussi à chacun d’opter pour le cadre juridique qui lui correspond. Elle protège tous les enfants de France sans exception, n’opère pas de tri entre eux, ne distingue pas ceux qui seraient dignes d’être protégés et ceux qui ne le seraient pas. La vérité est évidente : c’est le mariage pour tous qui protège les enfants et non pas ceux qui s’obstinent à le caricaturer.
 
Plus de dix ans après le PACS, il était temps que la France rattrape son retard sur tant de ses voisins européens qui, dans le calme et la concorde nationale, ont permis aux couples homosexuels de disposer des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Mais notre pays a la passion du déchirement : ce qui relève de l’évidence hors de nos frontières déchaîne souvent les divisions, les fantasmes et les angoisses. Pays-bas en 2001, Belgique en 2003, Espagne et Canada en 2005, Afrique du Sud en 2006, Suède en 2009, Portugal, Islande et Argentine en 2010, Grande-Bretagne et France en 2013 : le mariage pour tous correspond à un progrès historique qui construit des sociétés plus tolérantes et plus solidaires, il va dans le sens de l’histoire…

M. Philippe Gosselin. Quelle histoire et quelle chance !

M. Bruno Le Roux.

…et surtout de l’évolution sociétale.
 
Chers collègues, disons les choses clairement : la droite accuse la gauche de céder à un prétendu lobby gay.
 
Mais qui sont les homosexuels en France ? Nos voisins, nos cousins, nos frères, nos parents, nos collègues, les enseignants de nos enfants, nos copains, nos coéquipiers, et ils aspirent simplement à vivre juste comme tout le monde. Faut-il les priver de ce droit ? Dans notre pays, l’homophobie demeure une réalité incontestable. Au travail, à l’école, dans la rue, au stade, être homosexuel peut encore être un calvaire. Je pense en particulier à tous ces jeunes, filles ou garçons, qui, dans nos villes ou nos campagnes, sont contraints de cacher ce qu’ils sont, à ceux qui ne peuvent déclarer leur orientation sexuelle qu’au péril des amitiés, des affections, des liens tissés au fil des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)Un chiffre suffit à révéler la prégnance du problème : un homosexuel sur quatre a été victime d’une agression physique au cours des dix dernières années ! L’homophobie tue dans notre pays ! Il ne faut pas avoir peur de le voir et de le dire.

Un député du groupe UMP. Hors sujet !

M. Jean-Claude Perez. C’est le sujet !

M. Bruno Le Roux.

Le taux de suicide chez les homosexuels en est une illustration particulièrement inquiétante, et ce qui est vrai en France l’est plus encore dans le reste du monde. À cet égard, je tiens à saluer l’initiative courageuse du Président de la République qui, le 25 septembre 2012, devant l’Assemblée générale des Nations unies, a plaidé pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Être homosexuel est encore passible de la peine de mort dans de nombreux États. Les récents débats en Ouganda montrent à quel point les homosexuels peuvent encore être pris pour cibles de manière odieuse. À ce propos, alors qu’il y avait tout à l’heure des prières à côté de chez nous, sur la place Édouard-Herriot, la récente rencontre entre le pape Benoît XVI et Rebecca Kadaga, présidente du parlement ougandais et supportrice acharnée d’une loi violemment antigay est du plus mauvais goût. Ne confondons pas les faits et les opinions, et regardons la vérité telle qu’elle se présente à nous. En France comme dans le reste du monde, l’homosexuel n’est pas un danger, c’est lui qui est bien trop souvent en danger.

M. Hervé Mariton. Cela n’a rien à voir ! Quel amalgame !

M. Bruno Le Roux.

Parce que cela vous gêne, monsieur Mariton, et que vous savez où conduit le débat tel que vous le concevez, Erwann Binet vous l’a rappelé tout à l’heure.

M. le président. Monsieur Mariton, vous n’avez pas la parole. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous vous êtes déjà largement exprimé à la tribune. Chacun écoute les différents intervenants. M. Gosselin, l’intervenant suivant, pourra répondre s’il le souhaite, mais ne harcelez pas chaque orateur qui monte à la tribune ! (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Le Roux, veuillez poursuivre.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur Mariton, je suis très calme et rien ne me détournera de ce que j’ai envie de vous dire quant à la façon dont vous posez ce débat aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 
La plupart des parlementaires de l’opposition savent que le mariage pour tous correspond à ce qu’est devenue la société française, ils savent que le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels constituent un progrès indispensable et que sans ce projet de loi, plusieurs milliers d’enfants élevés par des couples homosexuels continueront à pâtir d’un vide juridique insensé. Ils savent aussi très bien qu’en cas d’alternance, ils ne remettraient pas en cause ce texte, n’en changeraient pas une ligne. C’est tellement vrai que leurs collègues conservateurs britanniques, qui ne sont pourtant pas connus pour être les plus progressistes d’Europe, vont, eux aussi, faire adopter une loi autorisant le mariage pour les couples homosexuels. Mais, en France, la droite est toujours empêtrée dans ses contradictions : derrière les jérémiades, les cris d’orfraie, il n’y a rien d’autre qu’une mise en scène assez hypocrite, et les envolées lyriques d’un Henri Guaino qui imite André Malraux aussi bien que Nicolas Sarkozy imitait le général de Gaulle n’y changeront rien. C’est le bal des hypocrites de la part de ceux qui ne reviendront sur rien de ce que nous faisons ici ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.))

M. Philippe Gosselin. C’est minable de dire ça !

M. Bruno Le Roux.

Je rappelle tout de même qu’il n’y a ni surprise ni reniement de notre part : le texte examiné aujourd’hui est la transposition de l’engagement n° 31 du candidat Hollande lors de la campagne présidentielle. Depuis il est devenu Président, l’engagement est tenu.
 
Si le mariage pour tous représentait une telle menace pour la société française, si, comme on nous le dit depuis des semaines, les fondements de notre société devaient soudainement s’effondrer sous les coups de butoir d’une gauche irresponsable et suicidaire, comment expliquer que Nicolas Sarkozy lui-même n’ait pas une seule fois évoqué ce grand péril lors des débats de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle ?
 
Madame la garde des sceaux, avec cette loi, le Gouvernement et la majorité de gauche engagent une nouvelle rupture avec l’ère Sarkozy. Alors que la logique précédente privilégiait les particularismes et se complaisait dans l’hypersegmentation de la société française, nous faisons le choix d’unifier, de rassembler, de réconcilier les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.) Malheureusement, certains à droite dans cet hémicycle – on les entend – ne savent plus fonctionner sans mise en tension permanente de la société, sans hystérisation de la discussion. Ainsi, après un long débat en commission et malgré la volonté du Gouvernement de ne pas recourir à la procédure d’urgence ni au temps législatif programmé, l’opposition a agi de manière stérile en déposant plus de 5 300 amendements. Les 116 heures de débats prévus ne les intéressent pas, ou si peu qu’ils préféreraient qu’elles se transforment en référendum. Ce qu’ils recherchent, c’est l’obstruction, l’enlisement des discussions et ainsi l’affaiblissement de l’appareil politique. Dans un moment grave pour notre pays, les Français méritent mieux que ces petits jeux tactiques et que le bal des hypocrites sur ce texte ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
 
Chers collègues, ce texte interroge également notre conception de la politique. Devons-nous épouser les instincts, les peurs, les angoisses ? Devons-nous craindre la vindicte de ceux qui considèrent l’homosexualité comme une abomination ?

M. Philippe Le Ray. C’est lamentable de dire une chose pareille !

M. Benoist Apparu. C’est d’un sectarisme !

M. Bruno Le Roux.

Devons-nous, au nom d’un apaisement qui ne serait rien d’autre qu’un renoncement, renier nos convictions et abandonner une loi d’égalité et de justice ? Le groupe SRC pense qu’au contraire il revient aux responsables politiques de faire ce qu’ils croient, de défendre ce qu’ils estiment juste, de convaincre, d’élever et d’éclairer le débat.
 
Le champ économique et social n’est pas le seul où nos concitoyens attendent une parole politique forte, capable de faire bouger les lignes et de nous sortir de la crise. Le volontarisme politique, les Français l’attendent aussi dans le champ sociétal. Nous devons tous être conscients, à gauche comme à droite, que nous ne devons pas avoir peur de faire ce que nous pensons juste pour la société : offrir de nouvelles sécurités aux Français, aux couples et aux enfants de ce pays.
 
Chers collègues, j’en termine.

M. Gérald Darmanin. Enfin !

M. Bruno Le Roux.

De l’édit de Nantes à la loi sur le mariage pour tous, le destin de la France s’est forgé dans la construction d’une identité originale. Cette identité se caractérise par la recherche permanente de la conciliation de l’égalité et du respect des différences. Le mariage pour tous s’inscrit dans cette prestigieuse lignée.
 
Nous sommes donc fiers d’apporter notre soutien à un texte qui correspond à ce qu’est la République française, à ses valeurs et à ses aspirations séculaires. C’est une loi de liberté, d’égalité, de fraternité. Tout comme il n’est pas nécessaire d’être noir pour lutter contre le racisme ou d’être femme pour combattre le sexisme, il n’est pas nécessaire d’être homosexuel pour lutter contre l’homophobie. C’est ce que nous faisons et c’est en cela que ce texte est un grand texte de fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
 
Madame la garde des sceaux, après Simone Veil et Robert Badinter, vous vous apprêtez à prolonger la lignée glorieuse des ministres qui transforment la République et régénèrent son projet. Vous pouvez compter sur le groupe SRC pour accompagner votre énergie et votre force de conviction.
 
C’est une loi pour la famille ; c’est une loi qui adapte le code civil aux évolutions de la société française ; c’est une loi qui consacre dans notre système juridique l’amour homosexuel et son droit à la normalité. Oui, je le dis parce je sais que c’est ce qui gêne sur une partie des bancs de cet hémicycle.

M. Hervé Mariton. Enfin, stop !

M. Bruno Le Roux.

En faisant cela, nous ouvrons la voie à une société plus tolérante, plus juste et plus forte.

M. Philippe Gosselin. Quel amalgame !

M. Bruno Le Roux.

Mes chers collègues, je vous demande de saisir cette opportunité ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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