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samedi 6 avril 2013

Alain Milon

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après de longs mois de discussions, de débats, de contestations ou de soutiens, notre assemblée doit à son tour examiner le projet de loi sur le mariage pour tous.
 
Je tiens, en premier lieu, à remercier le groupe UMP du Sénat, qui me permet d’intervenir dans le cadre de cette discussion alors même que ma position n’est pas majoritaire. Cette liberté d’expression et de pensée honore le groupe auquel j’appartiens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
 
Permettez-moi aussi de dire que, si nous adoptons ce texte, j’en suis convaincu, nous contribuerons à accompagner et à conforter l’acceptation, la normalisation, voire même - c’est l’étape ultime ! –, la banalisation du mariage entre personnes de même sexe.
 
Nous permettrions à ces derniers d’exercer une liberté reconnue par le Conseil constitutionnel comme une liberté personnelle. Nous donnerions tout son sens à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
 
Nous rendrions pleinement applicable, sur notre territoire national, l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme, évoquée tout à l’heure par Patrice Gélard, qui affirme : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationale régissant l’exercice de ce droit ». Cet article ne dispose pas que l’homme et la femme doivent nécessairement se marier ensemble.
 
En accordant ce droit, nous honorerions notre réputation ainsi que la devise nationale qui orne les frontons de nos édifices. Liberté de se marier, égalité de traitement des situations identiques, telle est, je crois, les avancées proposées par le projet de loi qui nous est soumis.
 
Derrière une apparente simplicité, l’intitulé de ce texte soulève de multiples questions mettant en exergue la complexité des schémas familiaux actuels. L’opposition exprimée à l’encontre du mariage entre personnes du même sexe semble parfois porter davantage sur le terme même de mariage, et sur ses effets induits, que sur l’acte lui-même.
 
En ce qui concerne la terminologie, il est certain que, dans l’inconscient collectif hérité de notre culture judéo-chrétienne, le vocable de « mariage » possède une connotation religieuse.
 
Dès lors, même si les religions ne confèrent pas toutes une dimension sacramentelle au mariage, même si, dans nos sociétés actuelles, le mariage est un acte purement civil, même si les évolutions liées à législation sur le mariage et à son alter ego, le divorce, ont affecté la dimension pérenne de l’union, il n’en demeure pas moins que subsiste une figure idéalisée du mariage, union d’un homme et d’une femme.
 
Le mariage suppose l’altérité, vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre. Il est l’expression de la rencontre avec l’autre, dans sa différence. Dans cette optique, reconnaître le mariage homosexuel porterait atteinte à cette altérité fondée sur la différenciation indispensable à toute forme de vie.
 
Dès lors, parler de mariage pour un couple de même sexe reviendrait à nier cette altérité ou, pour le moins, conduirait à en redéfinir le contenu : qui est l’autre ? Semblable ou différent ? Reflet ou vis-à-vis ?
 
Nous nous trouvons donc face à un projet qui, par delà les droits et obligations qu’il peut conférer, exprime une vision de l’homme, de la société, de notre démocratie.
 
À l’instar de la loi sur l’IVG, de la loi sur l’abolition de la peine de mort, nous sommes face à un texte qui nous oblige à nous interroger sur nos valeurs, sur notre conception de la société et, ici plus particulièrement, sur sa cellule de base qu’est la famille.
 
Il nous oblige à nous interroger, mais sans pour autant apporter de réponse à notre questionnement. Il nous fait pousser une porte sans savoir si elle nous conduit vers un nouvel espace de droits et de libertés ou si, tel Pandore, nous ouvrons une jarre dont le contenu peut nous échapper, nous dépasser.
 
C’est bien là tout le sens des réflexions, des résistances, des oppositions qui se manifestent.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Bien sûr !

M. Alain Milon. En effet, la reconnaissance du mariage entraîne ipso facto le droit à fonder une famille. Le texte sur lequel nous sommes amenés à nous exprimer atteste de cette indissociabilité, même si le mariage n’est plus l’institution qui fonde les règles de la filiation.
 
Comme je l’indiquais précédemment, l’intitulé de ce texte fait uniquement référence au mariage. Or différents articles – nous en avons suffisamment parlé – sont consacrés à la filiation, notamment adoptive.
 
Ainsi, insensiblement, nous glissons du mariage entre deux individus vers la construction d’une famille. Si, désormais, la reconnaissance de droits et de devoirs à des couples souhaitant affirmer leur stabilité sociale tout autant que leur affection profonde est majoritairement admise, les questions liées à la filiation font davantage débat.
 
C’est bien sur cette question qui touche à l’enfant en tant qu’individu – mais peut-être aussi en tant qu’expression de l’avenir –, en tant que prolongement de nous-mêmes, que s’expriment les réticences avec le plus de force et de vigueur. C’est aussi en ce domaine que nul aujourd’hui ne peut établir de certitude : l’amour est-il suffisant pour construire un être ? Dans quelle mesure le schéma social pèse-t-il sur la construction individuelle ? Le droit et l’amour peuvent-ils supplanter la biologie ? Et tant d’autres questions encore !
 
Pour autant, mes chers collègues, ces incertitudes doivent-elles nous empêcher d’avancer ? Doivent-elles nous condamner à l’immobilisme ? Doivent-elles priver de droits certains de nos concitoyens ?
 
La peur n’a jamais empêché le pire de se produire. Au lieu de refuser et de nier cette évolution, il convient plutôt de l’anticiper et de la préparer.
 
Les questions soulevées par la reconnaissance de la famille homoparentale, si elles sont plus prégnantes, n’épargnent pas pour autant les autres modes de composition familiale : famille traditionnelle, famille homoparentale, famille monoparentale, famille recomposée…
 
Les modes de filiation sont divers également et les méthodes de procréation, en évolution constante, suscitent des interrogations majeures en termes d’éthique. Nombreux sont ceux, dans cet hémicycle, à avoir parlé de PMA et de GPA sans forcément savoir qu’il s’agit tout simplement de techniques médicales permettant de lutter contre la stérilité.
 
Comment concilier volonté légitime de fonder une famille et protection de l’enfant dans sa construction psychologique ? Comment concilier « droit à » et « droits de » ? Comment faire pour que la fiction juridique ne prime pas sur la réalité physiologique ? Reconnaître la possibilité d’adopter présente l’avantage d’offrir une stabilité à l’enfant, de lever les tabous, de renforcer la transparence, toutes choses bénéfiques pour son épanouissement.
 
Il n’est, en effet, rien pire que le secret, le non-dit. De ce point de vue, je souscris à la proposition faite. En revanche, il me paraît impératif et impérieux de dissocier adoption plénière et mariage, car l’adoption plénière, en conférant à l’enfant une filiation qui se substitue à la filiation d’origine, interdit de ce fait l’établissement de toute autre filiation.

M. Gérard Longuet. Voilà !

M. Alain Milon. Or il va de l’intérêt de l’enfant de ne pas lui donner une « homofiliation » – pardonnez-moi l’expression –, de ne pas faire primer la fiction juridique d’un enfant né de deux personnes de même sexe, de ne pas le faire apparaître sur les actes d’état civil comme étant issu de deux hommes ou de deux femmes.
 
Cela me semble fondamental et traduit la volonté de protéger l’enfant et de ne pas en faire l’enjeu ou l’otage de promesses électorales.
 
Ouvrir l’adoption plénière aux couples mariés, sans aucune restriction, comme le fait le projet de loi sans le dire, c’est reconnaître qu’une personne pourra voir son identité à la fois marquée, décrochée de la filiation naturelle, et tronquée, dépourvue soit d’une ligne paternelle, soit d’une ligne maternelle.
 
Dans son poème Lorsque l’enfant paraît, Victor Hugo terminait par cette supplique :
 
« Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
 
« Frères, parents, amis, et mes ennemis même
 
« Dans le mal triomphants,
 
« De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
 
« La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
 
« La maison sans enfants ! »
 
Le texte dont nous discutons, sous réserve des limites importantes que je viens d’évoquer, constitue selon moi une avancée. Si nous l’adoptons, après l’avoir modifié, en particulier sur l’adoption, nous aurons la satisfaction d’avoir contribué à ensoleiller quelques vies en exerçant notre mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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