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samedi 6 avril 2013

Abdourahamane Soilihi

M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.

M. Abdourahamane Soilihi. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui au Sénat un texte d’une importance capitale pour la nation française tout entière. Or en cet instant je m’interroge sur son opportunité, étant donné qu’il est fortement contesté par la quasi-majorité de nos concitoyens.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Abdourahamane Soilihi. C’est dire, madame le garde des sceaux, à quel point les nombreuses manifestations d’hostilité à ce projet de loi méritent d’être entendues car elles se trouvent bien fondées.

M. Serge Larcher. Il y avait 100 manifestants en Martinique !

M. Abdourahamane Soilihi. Si le texte fait l’objet de vives désapprobations dans l’Hexagone, sachez, mesdames les ministres, mes chers collègues, qu’il ne rencontre guère un écho plus favorable dans les collectivités ultramarines.
 
Partout, sur notre territoire national, les cris se multiplient pour dénoncer, d’une part, un projet de loi inopportun eu égard au climat exacerbé et émaillé de tensions économiques et sociales fortes et, d’autre part, une promesse de campagne qui heurte profondément les valeurs fondatrices de notre modèle démocratique.
 
Par ailleurs, il me paraît légitime de reconnaître que les couples constitués de personnes de même sexe ont pleinement leur place dans le pacte républicain qui nous unit. Et la nation doit leur garantir respect et protection. Cela étant, leur homosexualité ne devrait être un motif de rejet d’aucune sorte par la communauté.
 
Cependant, la notion de mariage civil telle que préconisée par la législation suppose l’union d’un homme et d’une femme pour fonder une famille.
 
Cette remarque m’amène à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le cas spécifique de Mayotte, car l’institution du mariage homosexuel ne présente pas la même dimension en métropole que dans les territoires lointains.
 
Pour ce qui concerne cette collectivité, fraîchement transformée en département, où le processus de droit commun n’en est qu’à ses balbutiements, l’attention à son égard doit rester intacte du fait des risques de démembrement ou de dénaturation d’un modèle uniforme de société.
 
Pour le deuxième anniversaire de la départementalisation, pas plus tard que le week-end dernier, ce territoire et ses habitants ont encore réaffirmé leur adhésion aux principes et aux valeurs qui fondent notre République.
 
Devrais-je vous dire, madame le garde des sceaux, qu’il ne s’agit nullement d’opposer les principes fondateurs de nos diversités et singularités culturelles à celui d’égalité républicaine tant sur le plan national que dans nos outre-mer respectifs ? Je sais que ce n’est pas vous qui contredirez mon affirmation selon laquelle ce sont ces inégalités qui font l’actualité dans nos collectivités ultramarines.
 
Quant à nos spécificités, force est de préserver avec la plus grande acuité nos références culturelles et sociétales, gages de nos identités individuelles dans une République indivisible.
 
Au demeurant, un débat s’est tenu le 20 février dernier, ici même, au Sénat. Une fois de plus, il a largement contribué à mettre en exergue les défis majeurs auxquels la deuxième île française de l’océan Indien est confrontée.
 
À l’unanimité, il a été précisé que tout est à construire du point de vue économique et que culturellement Mayotte doit rester ce qu’elle est pour préserver son identité.
 
À cet effet, j’affirme qu’il ne faut pas mélanger le désir de changement revendiqué par une minorité de personnes qui réclame l’égalité de droit, et le danger de mettre en péril nos structures sociétales, qui sont enracinées avec constance, et ce en conformité avec nos traditions.
 
Permettez-moi, tout d’abord, de formuler quelques observations de forme sur Mayotte, une collectivité désormais régie par le principe de l’identité législative. Cela suppose que les lois s’y appliquent de la même manière à tout le monde et sans exception.
 
Or en raison des inégalités sociales qui y existent, ce territoire est devenu le théâtre de manifestations interminables auxquelles participent légalement des citoyens qui réclament aux pouvoirs publics leur dû.
 
Vous le constatez, madame le garde des sceaux, nos compatriotes mahorais attendent de votre gouvernement des mesures de changement concrètes en faveur de la justice sociale et non la destruction des bases sociétales, qui les caractérisent à bien des égards.
 
Avec force, je vous dis que le présent texte est en contradiction totale avec la société, même si vous considérez, pour votre part, qu’il constitue une évolution majeure.
 
Je tiens à souligner qu’un rapport de 2008 de nos collègues Christian Cointat, Jean-Jacques Hyest, Yves Détraigne et Michèle André, intitulé Départementalisation de Mayotte : sortir de l’ambiguïté, faire face aux responsabilités, tire avec éclat les enseignements de la mise en œuvre progressive et adaptée de la mutation statutaire et du fonctionnement progressif des institutions afin d’assurer l’avenir harmonieux de l’île tout en conciliant la préservation des équilibres socio-économiques et le respect des exigences républicaines.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Abdourahamane Soilihi. Madame le garde des sceaux, le changement profond de société que vous proposez amènera certainement les Mahorais à être confrontés à un paradoxe qui ne fera que remettre en cause les aspects inhérents aux traditions et cultures locales à valeur coutumière.
 
À juste titre, la religion musulmane, implantée à Mayotte depuis le XVe siècle, soit bien avant l’arrivée de la France, occupe une place centrale dans l’organisation sociale ; près de 95 % des Mahorais sont d’obédience musulmane et pratiquent avec modération cette religion, qui se veut paisible et courtoise.

M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est écoulé !

M. Abdourahamane Soilihi. Vous l’aurez compris, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’inadéquation du projet de loi est telle par rapport aux constats que je viens d’établir qu’il ne peut exister aucune adaptation possible, compte tenu des spécificités de Mayotte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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