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jeudi 31 janvier 2013

☛ Conclusion par D. Bertinotti (30 janvier)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je voudrais tout d’abord me tourner vers les bancs de la majorité pour remercier chaleureusement les orateurs des mots justes, forts, émouvants qu’ils ont prononcés afin de faire en sorte que soit votée cette loi qui représente une belle avancée pour l’égalité.
 
Je voudrais aussi me tourner vers les députés de l’opposition et leur demander de faire le compte du temps qu’ils ont passé à mener un débat sur le débat, un débat sur l’opportunité d’un référendum alors qu’ils en connaissaient l’issue, un débat sur la PMA et la GPA, qui ne font pas partie du projet de loi qui leur est soumis.

M. Hervé Mariton. Elles le seront bientôt !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je vous le demande : pourquoi passez-vous si peu de temps à l’examen du texte lui-même ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Auriez-vous si peu d’arguments à nous opposer contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ? Auriez-vous si peu d’arguments à nous opposer sur l’adoption que pour seul viatique vous ayez usé de l’instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant en suscitant les peurs afférentes ?

M. Hervé Mariton. Cela n’a rien d’instrumental !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Je vous ferai deux remarques.
 
La première concerne le mariage : pourriez-vous souffrir qu’il n’y ait plus une vision unique du mariage ? Le mariage peut être aujourd’hui autre chose qu’une institution faite uniquement pour l’encadrement social de la procréation. Peut-on reconnaître que le mariage et le sentiment puissent aller de pair ?
 
Vous invoquez souvent l’histoire pour plonger l’institution du mariage dans les siècles. Justement, plongeons dans l’histoire : pouvez-vous songer un seul instant que le mariage ait été avant tout un moyen contractuel de pérenniser et de transmettre un patrimoine dans les milieux les plus fortunés, c’est-à-dire la noblesse ?

M. Hervé Mariton. Dans tous les milieux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

C’est pourtant faux : nos aïeux – des paysans, pour l’essentiel – invoquaient déjà le fait que le mariage puisse être aussi et surtout la reconnaissance de l’amour, car ils n’avaient, eux, rien d’autre à transmettre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Nicolas Dhuicq. Quelle vision de l’histoire !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Cessez donc d’avoir cette vision unique du mariage, ou assumez-la clairement.
 
Ma seconde remarque concerne l’enfant ; nous aurons très certainement l’occasion d’y revenir lors de l’examen de certains amendements. Vous soutenez qu’un enfant aurait impérativement besoin d’un père et d’une mère ; avec vous, il ne fait vraiment pas bon appartenir à une famille monoparentale ! Or celles-ci représentent aujourd’hui 20 % des familles. Je veux dire aux enfants qui vivent dans de telles familles de ne pas écouter vos arguments, car ce ne sont que souffrances, blessures et un sombre avenir que vous leur prédisez.

M. Nicolas Dhuicq. Vous interdisez déjà la lecture de Lacan !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

J’en veux pour preuve le livre d’Henri Guaino, dans lequel l’auteur développe une vision très apocalyptique.

M. Hervé Mariton. C’est souvent vrai, madame, hélas !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

S’il suffisait d’un père et d’une mère pour faire le bonheur d’un enfant, cela se saurait depuis fort longtemps. Je vous citerai à ce propos Élizabeth Badinter : « […] ce n’est pas parce qu’on devient mère ou père que l’on est bon parent […]. Ce n’est pas parce que l’on a porté et mis au monde un enfant et que l’on est doté des hormones du maternage que l’on saura aimer cet enfant. […] Combien de pères fouettards, lointains, voire carrément absents se sont-ils succédé depuis l’origine des temps ? […] la parenté hétérosexuelle n’est pas la panacée universelle. Pourtant, nul ne songe à demander des comptes aux futurs parents hétérosexuels. »

M. Hervé Mariton. Ce n’est en aucun cas une démonstration !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Permettez-moi également d’ajouter un mot sur l’adoption. Il faut que cesse le faux débat que vous alimentez sur la contradiction qui existerait entre l’intérêt de l’enfant et celui de l’adulte.
 
Vous définissez l’adoption comme une famille que l’on attribuerait à l’enfant adopté ; ce serait toutefois méconnaître que pendant très longtemps les familles adoptives cachaient à leur enfant qu’il était adopté, ce qui correspondait à la volonté d’avoir un enfant substitut. Nous savons les dégâts que de telles pratiques ont causés parmi ces enfants qui longtemps ont cru à une histoire biologique sans lien avec la réalité.
 
Alors que l’adoption internationale se raréfie – pour le mieux, car souvent c’est la conséquence du développement économique des pays concernés et de l’adoption des enfants par des nationaux –, alors que la France, contrairement à l’Italie ou à l’Espagne, a beaucoup de réticence à adopter des enfants déjà âgés et parfois en fratrie, ou même avec des problèmes de santé, il faut faire preuve de prudence quand on parle au nom de l’intérêt de l’enfant.
 
Enfin, j’entends sur les bancs du groupe UMP que personne n’est homophobe et que l’on pourrait même « sacraliser » – j’emprunte ce terme à M. Patrick Ollier car, étant naturellement laïque, ce n’est pas celui que j’aurais employé – l’union des homosexuels en mairie. Je tiens à rappeler que, il y a peu de temps encore, j’étais maire d’un arrondissement parisien et que dans toutes les mairies de gauche nous avons célébré les PACS en mairie, précisément parce que nous trouvions très discriminatoire le fait que les couples signant des contrats de ce type ne puissent pas avoir accès à la mairie.

M. Hervé Mariton. Et que faites-vous de la loi ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Je n’ai pourtant jamais vu un seul élu de droite célébrer un PACS en mairie.

M. Hervé Mariton. Alors changeons la loi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

La position de ces élus évolue aujourd’hui ; tant mieux ! Car il faut aussi avoir un peu de courage et savoir anticiper la législation.

M. Hervé Mariton. Anticiper la loi ?

M. Philippe Gosselin. Être dans l’illégalité pour anticiper la loi, bravo !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

À ce titre, je tiens à rendre hommage à Franck Riester pour les propos qu’il a tenus : il évoquait justement sa fonction de maire et expliquait en des termes très forts et très justes combien le fait de pouvoir offrir à un couple homosexuel accompagné de sa famille la reconnaissance de la République et, par là même, de l’ensemble de la société c’était aider les homosexuels et leur famille et affirmer ce droit à l’indifférence, ce droit égalitaire que vous avez du mal à voter.
 
Pour conclure mon propos, je souhaite revenir sur les discours de MM. Copé et Fillon, les deux présidents du groupe UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Non, il n’y en a qu’un !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Je n’irai pas jusqu’à dire « les deux pères »…
 
L’un se veut, je le cite, l’homme des « accommodements raisonnables ». (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Quel mépris pour nos concitoyens homosexuels dans cette expression ! Quelle politique discriminatoire profondément antirépublicaine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je lui laisse volontiers la responsabilité de ce type de propos !
 
Lorsque j’entends François Fillon en appeler au rassemblement, les bras m’en tombent ! Il a été Premier ministre pendant cinq ans d’une France où le Président de la République et lui-même n’ont cessé d’aggraver les fractures de la société française, de monter les Français les uns contre les autres.

M. Hervé Mariton. Avez-vous des choses neuves à nous dire ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Il y avait les chômeurs d’un côté, les travailleurs de l’autre ; ceux qui se levaient tôt et ceux qui se levaient tard ; ceux qui profitaient des allocations et ceux qui travaillaient. C’était insupportable !

M. Hervé Mariton. La campagne est terminée !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Quelle indécence aujourd’hui d’appeler au rassemblement et de s’en faire le chantre !
 
Je dois cependant admettre l’évolution de M. Fillon : il reconnaît aujourd’hui les couples homosexuels ; c’est formidable ! Il peut remercier la gauche d’avoir voté le PACS, d’avoir fait évoluer les esprits, lui qui, en 1982, avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité ! Encore un effort, messieurs les députés de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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