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samedi 6 avril 2013

Virginie Klès

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, I have a dream, j’ai fait un rêve…

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Pas nous !

Mme Virginie Klès. J’étais dans ma mairie de Châteaubourg, et j’avais devant moi ce jeune couple venu timidement me demander de les marier. Elle, brune à la peau très blanche et aux yeux bleus, lui, un Malien, à la peau très noire et aux yeux bruns. Les boubous avaient envahi la salle de mariage : ces boubous africains avec leurs couleurs chatoyantes côtoyaient les costumes-cravates habituels de chez nous.
 
Puis, tout à coup, l’atmosphère devint oppressante ; ce rêve devint oppressant. Nous étions en 1778 : c’est l’année où l’interdiction des mariages mixtes fut promulguée en France. Je n’avais plus le droit de célébrer ce mariage, et j’entendais autour de moi les mots « pervers », « contre-nature », « impossible », on demandait « et les enfants, y pensez-vous ? », ils n’auront « pas de statut », ils seront des « bâtards ». Je me suis alors réveillée : nous n’étions pas en 1778, et j’ai bien pu célébrer ce mariage.
 
J’ai alors pensé à tous les autres mariages que j’ai célébrés. Je me retrouve dans les propos de Mme Jouanno, dans sa façon de dire réellement les choses. Que s’est-il passé dans tous ces mariages que j’ai célébrés ? Quelle était la constante ? La constante, c’était l’amour, l’émotion, l’engagement solennel, le bonheur qui régnait dans la salle de mariage. Quel que soit le mariage, quel que soit le lieu, quel que soit l’âge des mariés, là était la constante, dans cette promesse mutuelle et réciproque de s’aimer et de se protéger longtemps.
 
Je me suis également souvenue d’un autre mariage, qui m’a beaucoup marqué lui aussi. Il fut célébré dans un hôpital, à la demande d’une jeune femme en phase terminale de cancer, à qui il restait moins d’une semaine à vivre. Elle avait deux enfants et n’était pas mariée. Elle a voulu se marier avant de mourir et de quitter cette terre, pour ses enfants et pour leur père. Je me suis demandé ce qui se serait passé si cette femme avait été homosexuelle, si ses deux filles étaient nées d’une précédente union et si le père avait été absent, inexistant, pour tout un tas de raisons : comment aurait-elle fait ? À qui aurait-elle confié ses enfants ?
 
Alors faut-il plusieurs mariages ? Faut-il un mariage pour les hétérosexuels, dans lequel les enfants seraient systématiquement pris en compte, et un autre pour les homosexuels, dans lequel on ne parlerait surtout pas des enfants ? Et peut-être que si des hétérosexuels ne veulent pas d’enfants, ils pourraient choisir ce second mariage. Les homosexuels, eux, n’auraient droit qu’au mariage sans enfants.
 
Soyons raisonnables : il faut le même mariage pour les homosexuels et les hétérosexuels, un mariage qui prenne en compte les enfants, parce que les enfants sont là, ils existent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
 
Combien de fois le droit de l’enfant a-t-il été évoqué ce soir ? Je peux entendre certains arguments, je peux comprendre les familles qui ont des problèmes pour avoir des enfants, mais faut-il pour autant transformer ce droit de l’enfant en un droit à l’enfant ?
 
Monsieur le doyen Gélard, je vous ai entendu plaider - Dieu sait que je vous ai écouté avec attention ! – qu’il ne fallait pas autoriser le mariage aux couples homosexuels parce que, dans ce cas, certains pays opposés au mariage homosexuel refuseraient de nous laisser adopter leurs enfants. Vous estimez que les enfants sont un marché avec fermeture de frontières ? Quel est l’intérêt supérieur de l’enfant ? Qui peut nous garantir que l’intérêt supérieur des enfants de ces pays est d’être adopté par une famille française et non par une autre famille, dans un pays où le mariage homosexuel n’est pas autorisé ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
 
Je le redemande, quel est l’intérêt supérieur de l’enfant ? À mon sens, c’est d’être accueilli dans une famille, c’est que ses parents soient considérés normalement par la société. Une société tolérante se juge à sa capacité à accepter la différence : la différence fait sans doute peur au début, mais une société tolérante l’apprivoisera, la banalisera et l’acceptera. Ainsi, l’enfant n’aura pas à subir ce qu’il y a de plus terrible pour un enfant : entendre insultés et humiliés ses parents, ses éducateurs, ces adultes qui sont à ses côtés au quotidien et le construisent, l’aiment et le structurent.
 
Pour toutes ces raisons, qui nous contraindront justement à examiner plus longuement, par la suite, nos lois sur l’adoption et la famille ainsi que sur la PMA et la GPA, qui posent un réel problème, mais un problème indépendant de la question du mariage des personnes homosexuelles et du droit des enfants dont les parents sont homosexuels, je voterai ce projet de loi des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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